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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du jeudi 5 octobre 2006

Séance de 21 heures 30
3ème jour de séance, 6ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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participation et actionnariat salarié (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

APRÈS L'ART. 14 (suite)

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Les amendements identiques 108 et 312 démontrent la parfaite cohérence qui existe entre les deux commissions : nous partageons la conviction que la participation ne doit pas se réduire à sa seule acception financière. Une telle approche serait en effet contraire à l’intuition gaullienne qui place la participation au cœur de la « troisième voie », dont l’objectif est d’assurer la dignité et le respect de l’homme au travail.

Si le général de Gaulle a été le premier à formaliser une telle préoccupation, saluons également les lois inspirées par Jean Auroux, qui ont permis un véritable renouveau de la consultation au cours des années 1980. Dans son rapport consacré au droit des travailleurs, Jean Auroux écrivait ainsi : « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans l’entreprise. S’il n’est pas question de remettre en cause l’unité de direction et de décision dans l’entreprise privée, il convient d’instituer des mécanismes permettant l’expression de toutes les énergies et de toutes les capacités. Les travailleurs concentrent un potentiel souvent mal utilisé de talents, de compétences et d’innovation, gisement précieux qui reste à mettre en valeur ». Lors de son audition, M. Auroux n’a pas manqué de rappeler que l’entreprise ne doit pas rester le lieu « du bruit des machines et du silence des hommes »…

C’est pourquoi la commission a souhaité introduire dans la loi un nouveau chapitre destiné à consacrer les dimensions non financières de la participation. Comme le soulignait Christian Boiron au cours de son audition, la participation doit associer la concertation à l’intéressement : elle doit permettre de conjuguer l’être et l’avoir. Et n’oublions pas l’après, le « social être ». Avant de retenir ce titre : « Favoriser la concertation dans l’entreprise », nous nous sommes longuement interrogés avec Patrick Ollier au fil des auditions sur le titre à donner à ce nouveau chapitre : « Renforcement des relations humaines », ou « sociales », « dialogue social », « représentation », « management participatif » ou « consultation participative », les propositions n’ont pas manqué, mais c’est la notion de « concertation » qui nous a semblé rendre compte au mieux de la participation.

Tel est le sens des amendements 108 et 312, relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui vise à inciter les partenaires sociaux de l’entreprise à inscrire dans les accords de GPEC des mesures préventives de développement de l’activité dans les bassins d’emploi potentiellement concernés par des restructurations programmées. Ces mesures préventives seront prises en compte pour évaluer le respect par les entreprises de leurs obligations de réindustrialisation.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Avis favorable.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Même position.

Les amendements identiques 108 et 312, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Les amendements 109 et 313, déposés l’un par la commission des affaires économiques, l’autre par la commission des affaires sociales, visent à renforcer le contenu de l’information transmise au comité d’entreprise : de nouveaux droits d’information directe des salariés pourront être créés par le biais d’accords collectifs de travail.

Je voudrais citer à mon tour le général de Gaulle : nous devons bâtir « l’association des hommes, de leurs intérêts et de leurs capacités », afin que l’entreprise soit gérée par « des sociétaires et non des adversaires ». Une meilleure information ne pourra que renforcer le dynamisme des salariés, entraînant l’entreprise vers plus de performances et une meilleure association entre capital et travail !

M. le Rapporteur – Avis favorable, notre amendement étant identique.

M. Gérard Larcher, ministre délégué  Même avis.

Les amendements identiques 109 et 313, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 110 participe du même esprit.

M. le Rapporteur – De même que l’amendement 314.

M. Gérard Larcher, ministre délégué  Avis favorable sur ces deux amendements.

Les amendements identiques 110 et 314, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 111, s’inscrit dans une perspective voisine, puisqu’il s’inspire du succès des accords de méthode. Dans les entreprises de moins de 250 salariés, les négociations ont en effet montré la nécessité d’organiser des réunions communes entre les institutions représentatives du personnel, notamment les comités d’entreprise et délégués syndicaux. Dans le respect du dialogue social, cet amendement propose d’étendre cette possibilité à l’ensemble des champs de la négociation collective : à titre expérimental et transitoire – du 1er janvier au 31 décembre 2007 – un accord collectif pourra prévoir des réunions communes entre les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les délégués syndicaux.

L’ensemble des représentants du personnel pourra ainsi bénéficier des informations que le chef d’entreprise est tenu de transmettre et pourra être associé aux consultations obligatoires en vigueur. En aucun cas, ces réunions ne pourront toutefois constituer le cadre de conclusion des accords collectifs – ceux-ci continueront à ressortir du droit commun du travail.

J’ajoute que l’ensemble de ces accords feront l’objet d’une évaluation, qui associera l’ensemble des organisations représentatives des employeurs et des salariés. Cet amendement vise donc à instiller doucement le principe de la concertation au sein des entreprises de moins de 250 salariés…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Avis favorable ; mon amendement 315 est identique.

M. Gérard Larcher, ministre délégué  Le 13 janvier dernier, le Premier ministre a commandé à Raphaël Hadas-Lebel un rapport sur le rapprochement entre les institutions représentatives du personnel. Après avoir été soumis à la commission nationale de la négociation collective, ce rapport a fait l’objet d’une saisine du Conseil économique et social. Avant de réformer les institutions représentatives du personnel, il me paraîtrait donc utile d’attendre l’avis du CES, qui doit être rendu public en novembre prochain. J’ajoute que nous aurons bientôt l’occasion de revenir sur ce sujet, car le dialogue social devrait à nouveau figurer à l’ordre du jour de cette assemblée dans quelques semaines.

Je souhaiterais donc le retrait de cet amendement, dont le contenu rejoint dans une large mesure les conclusions de M. Hadas-Lebel ainsi que les réflexions en cours au sein du CES.

M. le Rapporteur – Nous retirons cet amendement, mais je rappelle avec force, au nom des deux commissions, que nous souhaitons que la concertation s’impose enfin dans les entreprises de moins de 250 salariés. Nous comptons sur vous, Monsieur le ministre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué C’est notre objectif !

Les amendements 111 et 315 sont retirés.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 310 vise à créer un nouveau chapitre intitulé « favoriser la concertation dans l’entreprise ». En effet, si nous voulons développer la participation, nous ne devons pas nous limiter aux seuls aspects financiers – nous allons d’ailleurs vous proposer la création d’un chapitre relatif à la formation. Si l’on veut que la concertation favorise le développement de cette communauté participative, les salariés doivent être formés à ces techniques d’actionnariat, ce qui jusqu’à ce jour nous a été refusé. La création d’un chapitre sur la concertation s’impose, même si nous avons retiré notre amendement en raison de l’engagement pris par le Gouvernement en liaison avec le CES.

M. le Rapporteur – Avis favorable. L’amendement 106 rectifié de notre commission est identique.

M. Maxime Gremetz – Sans doute est-ce un hasard si vous retirez les amendements qui nous conviennent…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Nous n’en avons retiré qu’un !

M. Maxime Gremetz - Nous sommes en effet particulièrement attachés à tout ce qui concerne la participation non financière : droits du comité d’entreprise et des délégués du personnel, consultation et information des salariés. Me faudra-t-il reprendre ces amendements ?

Les amendements 310 et 106 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

AVANT L'ART. 15

M. Michel Charzat – L’amendement 24 prévoit que l’assemblée des actionnaires vote annuellement une délibération présentée par le conseil d’administration ou le directoire pour fixer et délimiter pour l’exercice à venir le rapport entre, d’une part, la plus haute rémunération visée à l’article 225-102-1 du code de commerce et, d’autre part, la rémunération minimale versée à un salarié à temps plein dans l’entreprise. Il s’agit ainsi de contribuer à moraliser un capitalisme financier devenu fou, comme l’assure un économiste d’ailleurs libéral. Nous voulons encadrer les super-salaires et les indemnités faramineuses : lors de son départ, le PDG de Carrefour a ainsi touché une indemnité qui représente cinq siècles du traitement mensuel d’un professeur d’université en fin de carrière !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Une moralisation aussi rigide serait contre-productive. Il est préférable de promouvoir des solutions adaptées selon les différents dispositifs. Nous allons débattre des options d’achat, tout comme le débat existe en ce qui concerne les attributions d’actions gratuites. La loi prévoit d’ores et déjà un certain nombre de garanties et de plafonds.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur Même avis.

M. Maxime Gremetz – Je soutiens cet amendement. Vous n’avez que la rigidité à la bouche ! Mais quelle rigidité pour M. Zacharias ?

M. le Rapporteur – Vous n’avez pas écouté.

M. Maxime Gremetz – Mais si ! Vous avez repris du poil de la bête, Monsieur le rapporteur ! Quid des amendements relatifs à l’extension des droits des salariés ? Il faut moraliser la vie financière ! Le conseil d’administration n’aurait rien à y voir alors que les scandales se multiplient ? Et il faudrait donner sa bénédiction ? Non. Il ne suffit pas de parler des patrons voyous : il faut des mesures pour que les conseils d’administration puissent entraver ce phénomène. Il ne s’agit pas de rigidifier je ne sais quoi mais d’empêcher des scandales.

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 15

M. Maxime Gremetz - L'article 15 ouvre la voie à une série de mesures visant à leurrer le monde du travail. Ainsi, le développement de l'actionnariat salarié tendrait à renforcer la représentation des salariés actionnaires dans les conseils d'administration et les directoires des entreprises afin de favoriser la concertation, pour reprendre la terminologie chère à notre rapporteur. Mais ce n'est pas par l'actionnariat que les salariés pourront devenir M. Michelin ou Mme Betancourt et peser sur les choix de leur entreprise. La « collectivisation » de leurs actions, leur regroupement dans un fonds « d'épargne salariale » ne modifieraient guère le déséquilibre au sein du conseil d'administration. Dans le cas d’Eurotunnel, les petits actionnaires n’ont-ils pas été ruinés ? Certains se sont même suicidés, alors que les gros, eux, s’en tirent remarquablement. Vouloir faire participer les travailleurs aux bénéfices de leur entreprise est certes louable, mais ne conviendrait-il pas d’abord d'augmenter les salaires et d'améliorer les conditions de travail ?

Il faut également avancer sur la question des droits des salariés dans la gestion et le fonctionnement des entreprises. Cela doit être envisageable pour les grandes entreprises, celles là même qui imposent les règles du jeu économique. Ceux qui veulent que leurs salariés participent à la gestion de l'entreprise n'ont pas à chercher à les transformer en actionnaires : il s'agit simplement de reconnaître des droits à ceux qui produisent de la richesse par leur travail. Nous savons tous, par ailleurs, que des actionnaires peuvent être licenciés. Les travailleurs ont des droits face à ceux qui apportent le capital. Le « droit de propriété » ne doit plus être le droit suprême. L'entreprise, lieu de production de richesses, doit être un espace démocratique. Le code de commerce ouvre traditionnellement la faculté aux salariés de devenir membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance mais il est vrai, comme le rappellent certains juristes, que cette possibilité ne vise pas tant à promouvoir la participation des salariés à la gestion de la société qu'à permettre à l’entreprise de promouvoir ses cadres dirigeants.

Il est aussi possible, aux termes de l'article L. 432-6 du code du travail, de favoriser l'émergence de représentants du comité d'entreprise auprès du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. Néanmoins, ceux-ci n'ont qu'une voix consultative. Dans le cas présent, la modification législative ne concerne que les actionnaires salariés et pour les entreprises cotées, car vous prenez soin de précisez que cette mesure pourrait « dissuader les petites et moyennes entreprises d'ouvrir leur capital ». Nous sommes là encore loin de l'esprit gaullien concernant le rôle des salariés. Vous êtes loin, malgré les apparences, d’octroyer des pouvoirs d'intervention, d'opposition et de propositions dans un esprit de co-responsabilité alors que c'est dans cette voie qu'il faudrait se diriger. Pour cela, nul besoin de transformer les salariés en petits rentiers ni en actionnaires. Nous présenterons donc à l'issue de cet article une série d'amendements sur ce thème afin de rendre effective l'intervention des salariés dans l'entreprise.

M. Michel Charzat – L’amendement 25 vise à assurer que l’obligation de nomination de représentants des actionnaires salariés n’est pas limitée aux seules sociétés cotées. Rien ne justifie en effet de limiter cette représentation à une catégorie et de créer ainsi des droits différents. L’information publique disponible étant beaucoup plus importante concernant les sociétés cotées, la présence des salariés actionnaires au conseil d’administration de sociétés non cotées semble donc plus importante. Enfin, comme M. Vidalies, je m’interroge sur les LBO à l’heure où précisément de nombreuses sociétés cherchent à quitter la cotation boursière.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Une bonne réforme doit être avant tout réaliste. La loi de modernisation visait l’ensemble des sociétés, mais a-t-elle jamais été appliquée ?

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Cet amendement vise à étendre l’obligation de désigner des actionnaires salariés avec voix délibérative – qui s’applique déjà aux sociétés cotées – aux sociétés non cotées. C’est nous semble-t-il aller trop loin : les sociétés non cotées choisissent un mode de gouvernance qui leur est propre. Cette mesure aurait en outre pour effet de décourager un certain nombre d’entrepreneurs qui ne souhaitent pas se soumettre à de telles contraintes, alors que nous souhaitons développer l’actionnariat des salariés dans les entreprises. Je précise enfin que le retrait de la cote concerne actuellement plus les cotes américaines que les cotes françaises.

M. Maxime Gremetz - C’est tout de même étonnant ! Je sais bien, Madame la ministre, que vous n’avez pas fait partie du corps gaulliste… Mais si de Gaulle vous entendait !

M. le Président – Laissez donc le Général où il est !

M. Maxime Gremetz – Vous nous dites en somme que si on accordait aux salariés, dans des sociétés non cotées, le droit d’avoir un actionnaire ou un représentant au conseil d’administration – avec voix délibérative – cela ferait fuir les autres actionnaires ! Franchement, j’en ai vu et entendu aujourd’hui comme jamais en vingt-huit ans de mandat ; mais oser dire cela ! Nous sommes loin des grands discours sur la participation et les actionnaires associés ! Les deux présidents de commission nous ont pourtant dit, après le général de Gaulle, que la participation ne devait pas seulement être une participation financière, mais une participation à la gestion de l’entreprise. Je ne vous comprends donc pas du tout, et je soutiens cet amendement.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée L’amendement 329 anticipe en quelque sorte sur les amendements 112 de la commission des affaires culturelles et 7 de la commission des affaires économiques. Ces amendements vont dans le bon sens, puisqu’ils prévoient que les administrateurs représentant les salariés au conseil d’administration doivent être élus, et non nommés – ce qui leur permettra d’être plus représentatifs. Il s’agit de garantir que les actionnaires salariés sont bien élus par leurs pairs avant d’être confirmés au sein de l’assemblée générale pour être à parité de droits avec les autres administrateurs, préoccupation que nous partageons. Les modifications que vous proposez pourraient cependant avoir des effets indésirables. Ainsi, les représentants des actionnaires salariés pourraient ne pas être nécessairement des actionnaires salariés. Ne pouvant sous-amender les vôtres pour des raisons de procédure, le Gouvernement a déposé cet amendement, qui prévoit que les actionnaires salariés désignent leurs représentants au moyen d’un vote et que l’assemblée générale ratifie également cette proposition au moyen d’un vote. Je vous demande donc, Messieurs les présidents, de bien vouloir retirer vos amendements au profit de cet amendement 329.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Nous arrivons à un moment stratégique pour ce projet. Notre intention est de créer dans l’entreprise un véritable corps de salariés actionnaires, qui participe à ses résultats, à son capital et à sa gouvernance. C’est à cette condition que les salariés pourront être associés à la vie de l’entreprise et en faire pleinement partie. Bref, nous voulons créer une conscience d’entreprise. Or le texte du Gouvernement était insuffisant. Il prévoyait en effet que ces représentants étaient désignés par l’assemblée générale parmi les actionnaires salariés, ce qui ne pouvait nous satisfaire. Forts du soutien que nous avons reçu du Président de la République, mais aussi de Jean-Pierre Raffarin, puis de Dominique de Villepin, de M. Larcher, de Thierry Breton et enfin de vous-même, Madame la ministre, nous avons voulu aller plus loin. Si nous ne franchissons pas le cap, si nous ne donnons pas cette conscience d’entreprise à ce nouveau corps de salariés actionnaires par l’élection au suffrage universel de leurs représentants au conseil d’administration, nous aurons manqué une occasion historique.

La responsabilité viendra du fait que les salariés actionnaires sont un peu propriétaires de leur entreprise.

M. Richard Mallié - Copropriétaires !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Tout à fait. Dès lors, il leur revient de désigner librement leurs représentants.

Permettez-moi de rectifier les choses, Madame la ministre. Nous avions déposé des amendements. La modification de notre Règlement voulue par le président Debré…

M. le Président – Et acceptée par toute l’Assemblée !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - …nous empêche néanmoins de déposer des amendements au moment de la séance publique, sauf à réunir de nouveau les commissions. Nous avons donc accepté que vous déposiez l’amendement 329, qui est une synthèse de nos amendements 112 et 7, que le président Dubernard et moi-même allons retirer. Nous souhaitons que l’Assemblée vote cet amendement, qui résout le problème et sacralise l’élection au suffrage universel des actionnaires salariés au conseil d’administration de leur entreprise. Voilà un grand pas dans le projet ambitieux de la participation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Nous n’avons pas l’amendement du Gouvernement.

M. le Président – Si, vous l’avez.

M. Maxime Gremetz - Il n’y a que la majorité qui l’a !

M. le Président – Évitez ce genre de remarques, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Puisque nous venons d’avoir cet amendement, je vous demande deux minutes pour en prendre connaissance et faire quelques observations.

M. le Président – Il est distribué depuis le début de la séance. Je sais que vous travaillez rapidement : je vous accorde donc une minute de suspension de séance.

La séance, suspendue à 22 heures 10, est reprise à 22 heures 11.

M. Maxime Gremetz - Je suis d’accord avec le principe de l’élection, Madame la ministre. Je pose simplement une question : dans la rédaction que vous proposez, les candidats ne peuvent-ils être qu’actionnaires ?

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Bien sûr.

M. Maxime Gremetz – Prenons l’exemple d’une entreprise qui a fait le choix d’un actionnariat individuel. Les actionnaires élisent comme représentant un délégué syndical qui n’est pas actionnaire. Est-ce possible ou non ?

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Le principe de la représentation des salariés actionnaires veut que le salarié qui représente ses collègues au sein du conseil d’administration présente les mêmes caractéristiques que tout autre administrateur, et donc soit lui-même actionnaire.

Les amendements 112 et 7 sont retirés.
L'amendement 329, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’adoption de cet amendement fait tomber les amendements 283 et 201.

M. Dominique Tian - L’amendement 113 est défendu.

M. le Rapporteur – J’y suis plutôt favorable, mais j’aimerais entendre l’avis du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Cet amendement précise que la durée du mandat des administrateurs salariés est celle applicable à tout autre administrateur, à ceci près que le mandat prend fin en cas d’arrivée au terme ou de rupture du contrat de travail. Ces dispositions figurent déjà à l’article L. 225-18 du code de commerce et l’amendement est donc déjà satisfait, mais le Gouvernement lui donne, si vous le désirez, un avis favorable.

L'amendement 113, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Nayrou - Dès lors qu’il y a des représentants des salariés actionnaires au sein d’un conseil d'administration, il est souhaitable d’y trouver aussi des représentants des salariés non actionnaires. C’est l’objet de l’amendement 303. Vous soutenez qu’un conseil d'administration ne peut comprendre que des actionnaires, mais il n’est pas nécessaire d’être actionnaire pour prendre part à la gouvernance de la société.

M. le Rapporteur – Il y a une contradiction entre le dispositif de l’amendement, qui prévoit un mécanisme systématique et rigide, et son exposé des motifs, qui soulève la vraie question de la représentation des salariés dans le cas où ils représentent une part importante du capital de l’entreprise. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée D’après ce que je comprends de cet amendement, dès lors qu’un représentant des salariés actionnaires serait nommé, un représentant des salariés non actionnaires devrait l’être concomitamment. Certes, nous voulons renforcer la représentation des salariés dans les organes de décision de l’entreprise, mais celle des salariés non actionnaires dans le conseil d'administration est déjà assurée par d’autres dispositions : ainsi, les représentants du comité d’entreprise siègent avec voix consultative. Avis défavorable.

M. Maxime Gremetz – J’avais demandé tout à l’heure pourquoi des représentants des salariés ne pouvaient pas participer au conseil d'administration sous prétexte qu’ils ne sont pas actionnaires. Sans le vouloir, vous venez de me répondre : ils sont présents, mais à un autre titre, comme celui de représentant du comité d’entreprise.

L'amendement 303, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 15

M. Maxime Gremetz – Le rapporteur avait envoûté la commission en y faisant revivre l’esprit du général de Gaulle. Il avait rappelé que la participation, qui vise à assurer la dignité de l’homme au travail, ne peut revêtir qu’une triple forme : participation aux résultats de l’entreprise, à son capital et à sa gestion. La participation, c’est donc l’intéressement et la concertation. Appliquons ces principes ! Généralisons l’élection d’administrateurs salariés ! Dans un chapitre sur l’amélioration de l’actionnariat salarié, on ne peut éviter la question du renforcement des moyens de contrôle des salariés sur la gestion de leur entreprise, on ne peut refuser toute avancée législative.

Dans la logique libérale, les salariés ne peuvent avoir leur mot à dire sur la gestion que s’ils sont par ailleurs actionnaires. Dans la nôtre, c’est parce qu’ils sont salariés qu’ils doivent pouvoir intervenir. C’est pourquoi l’amendement 62 propose que les salariés soient représentés en tant que tels dans l’ensemble des conseils d’administration et de surveillance du secteur privé, sur le modèle du secteur public. Toutes les organisations syndicales revendiquent cette avancée, depuis fort longtemps. Cet amendement devrait pleinement vous satisfaire, car il défend une conception exigeante de la participation : non seulement la présence des salariés non actionnaires serait obligatoire, mais ils devraient constituer au moins un tiers des administrateurs. Comment mieux garantir la participation des salariés à la gouvernance d’entreprise qu’en renforçant leurs droits, en démocratisant le fonctionnement des entreprises et en permettant aux salariés de participer aux décisions stratégiques qui les concernent au premier chef puisque, contrairement aux actionnaires, ils n’ont souvent d’autre ressource que leur travail ?

L'amendement 62, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Guillaume - L’amendement 285 prévoit la présence, dans les conseils d'administration ou de surveillance, de représentants des salariés, soit actionnaires – des associations spécifiques seraient créées pour les élire – soit non actionnaires – ils seraient alors désignés par l’ensemble des salariés, sur des listes établies par les syndicats représentatifs. Ce dispositif serait obligatoire pour les entreprises de plus de 200 salariés. En Allemagne, où la cogestion est très pratiquée, ces deux catégories – salariés actionnaires et salariés désignés par les syndicats – sont représentées au sein des conseils d’administration.

M. le Rapporteur – La commission a bien compris l’esprit de cet amendement, mais elle est gênée par l’obligation qu’il instaure. Ce dispositif ne correspond pas tout à fait à l’objectif du projet de loi, qui préfère en toute hypothèse l’incitation à la contrainte. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Même avis.

L'amendement 285, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Par l’amendement 211, nous demandons que de nouveaux droits soient reconnus aux salariés. Il faut, en particulier, leur permettre d'être informés des conclusions des contrôles auxquels procèdent les commissaires aux comptes, ces documents étant de nature à les éclairer sur les choix stratégiques de l'équipe dirigeante et sur leur conformité aux recommandations des commissaires aux comptes. C’est un droit minimal, singulièrement quand on prétend reconnaître les salariés comme des acteurs à part entière de la vie de l'entreprise et non de simples exécutants. Ces document doivent donc être transmis au comité d'entreprise ou, le cas échéant, aux représentants du personnel. Ne pas accorder ce droit serait, une nouvelle fois, contredire les déclarations qui ont été faites.

M. le Rapporteur – J’ai déposé, au nom de la commission, un amendement relatif aux procédures d’information du comité d’entreprise qui table sur le dialogue social. Je salue d’autre part votre volonté d’informer le conseil d’administration et le conseil de surveillance, mais l’article L. 225-37 du code du commerce organise déjà une information substantielle de ces instances. Avis, donc, défavorable.

L'amendement 211, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Par l’amendement 63, nous proposons de renforcer la participation des salariés à la gestion de leur entreprise en attribuant au comité d’entreprise ou aux représentants des salariés une action de préférence spécifique ouvrant des droits d’intervention aux salariés. L’attribution de cette action donnera aux représentants des salariés des droits d’intervention, voire d’opposition, sur les opérations stratégiques que sont les fusions, les acquisitions, les OPA et les OPE, les cessions, ou toute restructuration ayant des conséquences importante sur l’emploi et les conditions de travail. Cette disposition, qui a existé dans le passé, n’a rien de révolutionnaire. Mieux : elle est dans le droit fil du gaullisme dont vous vous réclamez en permanence, et elle respecte parfaitement l’esprit du projet, tel que M. Borloo l’a présenté devant la commission. L’amendement ne peut donc, théoriquement, qu’être adopté, mais je sais bien que le bon sens ne prévaut pas toujours.

L'amendement 63, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Par l’amendement 64, nous entendons revenir sur les dispositions de la loi de cohésion sociale de 2005 qui, en excluant les élus du personnel des discussions préalables aux OPA et aux OPE, ont gravement remis en cause les prérogatives du comité d’entreprise, au mépris de l’article L. 432-1 du code du travail, qui trouve son fondement dans la loi du 16 mai 1946. L’argument classique des employeurs qui veulent contourner l’obligation de consulter est de dire que « le comité d’entreprise était au courant depuis longtemps » puisque « la presse en a parlé ». Pourtant, dès 1980, la chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu le délit d’entrave contre les entreprises qui se limitent à informer le comité d’entreprise sans le consulter. Nous proposons donc de corriger l’erreur commise dans la loi de cohésion sociale, erreur qui est en contradiction avec votre volonté affichée de faire pleinement participer les salariés à la marche de l’entreprise. Ils seront ainsi mieux à même de participer à la défense de leur entreprise citoyenne face à la concurrence. Ne vous entêtez pas, et acceptez cette disposition qui bénéficiera aux salariés confrontés à des opérations qui remettent souvent en cause leur emploi, leurs conditions de travail et leurs salaires.

L'amendement 64, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je tiens, pour éviter toute ambiguïté, à rappeler la teneur exacte de certaines dispositions de notre Règlement relatives à la défense des amendements. Ainsi, l’article 98 dispose que « seul l'auteur de l'amendement, un orateur contre, la commission et le Gouvernement peuvent intervenir ». De même, il est dit à l’article 100 que « l'Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance ». Ces dispositions valent évidemment pour tous. J’espère, par ce rappel, éviter les procès d’intention qui pourraient m’être faits.

M. Maxime Gremetz – J’en ai entendu…

M. le Président – Moi aussi.

M. François Guillaume – Par l’amendement 282, je propose de développer le dialogue social dans l’entreprise en instituant une rencontre annuelle entre une délégation des représentants du personnel au sein du comité d’entreprise et une délégation du conseil d’administration ou de surveillance.

M. le Rapporteur – L’intention est louable, mais l’amendement est superfétatoire, puisque le code de travail en son article 432-6 prévoit que deux membres du comité d’entreprise, délégué par lui, « assistent avec voix consultative à toutes les réunions du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, selon le cas ».

De plus l’amendement 109 de la commission des affaires culturelles, relatif aux modalités d’information du CE, que nous avons adopté après l’article 14, permet à un accord collectif de travail de créer de tels dispositifs. C’est pourquoi je suggère à M. Guillaume de retirer son amendement.

M. François Guillaume - Vous avez tout à fait raison, de tels dispositifs existent et moi-même, en tant que responsable d’entreprise, je les ai pratiqués. Mais je vous assure que cela ne vaut certainement pas une réunion annuelle avec non pas deux membres du CE qui vont simplement assister au CA, mais une rencontre entre une délégation du CA et une du CE pour débattre de l’ensemble des problèmes. Je crois vraiment que cela peut favoriser le dialogue social.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Défavorable à l’amendement.

L'amendement 282, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – M. Balladur n’étant pas là, son amendement 1 n’est pas défendu.

M. le Rapporteur – L’amendement 334 de la commission est identique à celui de M. Balladur. Je salue au passage l’expérience du Premier ministre Balladur, qui a eu à connaître de la participation dès 1967, à l’époque où il travaillait sur ce thème au cabinet de Georges Pompidou. L’objectif général de l’amendement est de pérenniser un nombre minimal d’administrateurs salariés dans le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de sociétés ayant fait l’objet d’un transfert au secteur privé dans le passé. En effet, plusieurs de ces sociétés voient la composition de leurs instances dirigeantes modifiée à la suite de fusions ou d’acquisitions et sont tentées de revenir sur cette règle.

Il apparaît utile de prévoir que les entreprises publiques privatisées ne peuvent aujourd’hui s’affranchir de la règle, quelles que soient les modifications apportées par la suite à la composition de leurs instances de direction, et qu’elles sont tenues d’y maintenir un nombre minimum d’administrateurs représentant les salariés ou les salariés actionnaires. La définition de ce seuil a fait l’objet d’un débat en commission, à la suite duquel Patrick Ollier a déposé le sous-amendement 336 qu’il va présenter.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Ce sous-amendement m’a été inspiré par plusieurs hypothèses. Dans le cas d’une fusion, le risque existe de voir le nombre d’administrateurs se réduire sensiblement ; il faut aussi proportionner le nombre de représentants à la taille du CA. Je m’en suis entretenu avec Édouard Balladur, qui a accepté que nous rédigions ensemble un sous-amendement, lequel prévoit que cette disposition est prise à géométrie variable, en fonction du nombre d’administrateurs : il y aurait un représentant si le CA ou le CS compte moins de quinze membres et deux si l’instance de direction compte quinze membres ou plus.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée L’amendement 334 du président Dubernard prévoit que les statuts des sociétés privatisées en application de l’article 4 de la loi du 12 juillet 1986 ne pourront être modifiés en sorte que le nombre de représentants des salariés ou des salariés actionnaires au sein du CA ou du CS soit inférieur à deux. Le Gouvernement partage pleinement la préoccupation que cet amendement exprime de la juste représentation des salariés. Toutefois, nous nous interrogeons sur le caractère rétroactif donné, en l’état de la rédaction actuelle, à cette représentation, et, d’autre part, sur le principe de la non-rétroactivité de la loi, qui peut amener à se poser des questions constitutionnelles, certaines des entreprises ne pouvant plus, à ce jour, modifier leurs statuts. Pour cette raison, nous nous en remettons à la sagesse de l’Assemblée.

S’agissant du sous-amendement du président Ollier, il établit un distinguo entre les sociétés selon la taille des conseils et fixe le nombre d’administrateurs représentant les salariés à un ou à deux ; pour les mêmes raisons, nous nous en remettons à la sagesse de l’Assemblée.

M. Gilles Carrez - J’appuie sans réserve cet amendement car il comble un vide juridique. La loi sur la participation de 1994 a prévu explicitement que les entreprises privatisées sous l’empire de la loi de 1993 conserveraient, dans leur conseil d’administration ou de surveillance, des représentants des actionnaires salariés. Par contre, tel n’a pas été le cas des entreprises publiques privatisées au titre de la loi de 1986. Par cet amendement, il s’agit de réparer un oubli regrettable et d’aligner sur le même régime les instances de direction des entreprises privatisées, qu’elles l’aient été en 1993 ou en 1986.

J’entends l’objection qu’a évoquée Mme la ministre mais il me semble indispensable que ces entreprises obéissent à un régime unifié.

M. Maxime Gremetz - Je n’arrive pas à comprendre la position du Gouvernement : comment peut-il s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée si l’adoption de cet amendement pose des problèmes constitutionnels ? Madame la ministre, vous ne venez pas souvent à l'Assemblée nationale, mais je puis vous dire d’expérience que cette Assemblée n’est pas sage. Sachez-le une fois pour toutes.

M. le Président – Monsieur Gremetz, à ma connaissance, vous ne vous exprimez pas au nom du Gouvernement. Alors, ne dites pas à Mme Lagarde ce qu’elle doit faire.

Le sous-amendement 336, mis aux voix, est adopté.
L’amendement 334 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 23 heures 5.

Art. 16

M. le Rapporteur – Cet article donne la possibilité de placer les actions gratuites sur un PEE et conforte donc la place centrale de celui-ci parmi les dispositifs d’épargne salariale. Je m’étonne qu’ait été déposé un amendement tendant à le supprimer, ce qui ne mettrait d’ailleurs pas fin à la distribution d’actions gratuites, contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs. Pourquoi cette volonté de mettre à mal un dispositif mis en place il y a à peine plus d’un an par le biais d’un amendement de M. Balladur au projet de loi de finances pour 2005 ? Cet amendement consacrait dans la loi ce qui n’était auparavant qu’une pratique confidentielle et l’encadrait strictement, de façon à prévenir notamment les délits d’initié et à éviter les difficultés rencontrées aujourd’hui avec certains instruments de l’actionnariat salarié comme les options d’achat. Même si certaines entreprises, comme Renault, y ont eu recours avec un succès certain, il est prématuré de dresser un bilan, a fortiori de remettre en question l’esprit de la réforme proposée par M. Balladur.

M. Maxime Gremetz – Avec cet article revient le mythe de l’actionnariat salarié qui serait de nature à favoriser le patriotisme économique. Vous voudriez faire croire que demain tous les salariés pourront détenir des stock-options et vivre des jours heureux d’actionnaires. Quel leurre ! Cette modification de la rémunération du travail, avec une partie variable distribuée sous forme d’actions, aura de multiples conséquences : caractère plus aléatoire des revenus, diminution des recettes de la sécurité sociale, remplacement partiel des négociations salariales collectives par des rémunérations individuelles « négociées » sur les marchés financiers.

Ce dispositif ne concernerait de toute façon qu’une minorité de salariés, ceux des entreprises cotées. Tous les autres, ceux des entreprises non cotées, des PME, de la fonction publique, mais aussi les précaires et les intérimaires, en seraient exclus. Il contribuerait donc à éclater encore davantage le salariat et créerait de nouvelles inégalités sociales. La récente étude de l’INSEE dont nous avons déjà parlé ne dit d’ailleurs pas autre chose.

Ce dispositif accentuerait la financiarisation de notre économie, alors que le poids dans notre économie des actions et des titres d’OPCVM a quasiment quadruplé entre 1995 et 2005. En dix ans, la valeur de ces actifs financiers est passée de 1 675 à 6 895 milliards d’euros, soit une somme supérieure à la valeur de la totalité des logements du pays, supérieure aussi à l’épargne en numéraire et sur comptes de dépôts comme le livret A, le PEL ou le Codevi, et dix fois plus élevée que la valeur des actifs en machines et équipements. Ce sont essentiellement les entreprises, et indirectement les actionnaires, qui accaparent ces actifs financiers, avec les résultats désastreux que l’on sait en matière d’emploi et d’investissement productif. Voilà pourquoi je propose par l’amendement 65 de supprimer cet article.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, pour les raisons que j’ai exposées.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Même avis.

L'amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 114, 115 rectifié, 116, 118, 119 et 117 sont de coordination, de précision ou rédactionnels.

Ces amendements, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L’article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 16

M. le Président – Je suis saisi de deux amendements identiques, le 120 de la commission des affaires sociales, le 8 de la commission des affaires économiques.

M. le Rapporteur – C’est normal, les deux commissions ayant conduit toutes les auditions conjointement et travaillé en étroite collaboration.

M. le Président – Une prochaine réforme du Règlement pourrait prévoir que les auteurs d’amendements identiques ne les déposent plus tous mais en cosignent un seul…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Cet amendement fait suite à celui adopté au tout début du texte, et créant le dividende du travail : il en précise les modalités de versement. Les FCP d’entreprise visés à l’article L. 214-40 du code monétaire et financier et les Sicav visées à l’article L.  214-40-1 du même code constituent les vecteurs privilégiés de l’actionnariat salarié. Afin de renforcer la perception par les salariés du lien entre leur travail et le résultat de l’entreprise, on précise que l’indisponibilité qui s’attache aux versements alimentant ces OPCVM ne frappe pas les produits des titres qui les composent si le salarié le demande, soit au moment de l’acquisition des titres, soit dans la période au cours de laquelle ils sont indisponibles.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée  Le Gouvernement, qui partage l’objectif pédagogique de cet amendement, est disposé à y donner un avis favorable, à condition qu’il soit bien clair que le dispositif ne s’applique pas de manière systématique, mais seulement à la demande du salarié. Autrement, cela contraindrait tous les FCP à comporter deux modes de distribution.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement est parfaitement clair à ce sujet. Il est écrit que les salariés « peuvent » demander la disponibilité immédiate des produits des actifs qu’ils détiennent.

Les amendements 120 et 8, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 17

M. le Rapporteur – Les articles 17, 18 et 19 visent à favoriser la reprise directe des entreprises par les salariés en apportant des réponses techniques à un défi majeur : au cours des dix prochaines années, nous serons en effet confrontés au départ à la retraite de centaines de milliers de chefs d’entreprise. Certes, de nombreuses solutions ont déjà été apportées à ce problème depuis le début de cette législature, mais nous nous proposons d’explorer aujourd’hui une voie nouvelle, celle du développement de l’actionnariat salarié.

Nos collègues Cornut-Gentille et Godfrain ont démontré que la connaissance d’une entreprise est un facteur incontestable de succès : un ancien salarié a deux fois plus de chances de réussir qu’un acteur venu de l’extérieur. Grâce à cet article 17, nous pourrons parachever la logique de participation, dans le respect des principes définis en 1968 par le général de Gaulle : « Dans chacune de nos activités, par exemple dans l’entreprise, chacun des participants doit être associé à sa marche, aux résultats obtenus ainsi qu’aux services rendus à l’ensemble de la nation ».

M. le Rapporteur – Les amendements 121 et 122 sont rédactionnels.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - Sagesse.

Les amendements 121 et 122, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. le Rapporteur – L’amendement 123 est de clarification.

L'amendement 123, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 124 est de coordination.

L'amendement 124, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - L’amendement 337 a pour objet de préciser les modalités de calcul du crédit d’impôt en cas de rachat par les salariés d’une société membre d’un groupe fiscal intégré : les salariés qui souhaitent procéder à un tel rachat ne doivent pas être pénalisés.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 337, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - L’amendement 338 tend à préciser les modalités de calcul du crédit d’impôt.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 338, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - L’amendement 339 est rédactionnel.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 339, mis aux voix, est adopté.
L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 20

M. Maxime Gremetz – Par l’article 20, vous allez parachever votre dispositif d’attribution d'actions gratuites, qui continue à susciter nos inquiétudes. Ce système s'oppose en effet à la logique de salaire et place une partie de la rémunération du salarié sous la dépendance des résultats financiers de l'entreprise, la rendant totalement aléatoire. Nous ne pouvons pas accepter que le salarié supporte un tel risque économique ! Ce risque sera d’autant plus important que la rémunération d’actions gratuites fait passer la rémunération salariale après le profit. J’ajoute qu’une telle rémunération n’intègrera pas non plus la couverture des risques sociaux et échappe largement à la fiscalité !

Par ce dispositif, vous allez enfin accentuer la subordination des .salariés à l'employeur. L'exemple d'EDF en témoigne : le succès de l'ouverture du capital auprès des salariés a permis au Gouvernement de faire accepter son projet et d’obtenir la paix sociale. Chez Air France également, la baisse des salaires des pilotes a été acceptée au moyen d’une distribution d'actions… En rendant le salarié actionnaire aussi dépendant de son entreprise, vous allez le contraindre à se plier à toutes les exigences. Vous n’allez qu’accroître son exploitation !

Imaginez seulement la situation que vivront ces salariés lorsque l'employeur leur expliquera qu’il faut licencier ou remettre en cause un accord de réduction du temps de travail pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et ainsi assurer le rendement de leurs actions ! Une telle schizophrénie ne pourra qu’engendrer de fortes tensions entre les salariés : grâce à cette arme redoutable, l'employeur n’aura aucune peine à profiter de la division, et il pourra casser l'unité syndicale.

En fin de compte, c’est donc la domination du détenteur principal du capital qui sera renforcée ! Nous considérons que le monde du travail doit être protégé d’une telle financiarisation à outrance ; le patriotisme économique peut s'exercer sans passer par l'actionnariat salarié, au moyen par exemple de l'octroi de droits nouveaux aux salariés.

Pour toutes ces raisons, nous proposons, par l’amendement 68, de supprimer cet article.

M. le Rapporteur – Cet article prévoit de nouvelles règles pour les plans mondiaux de distribution d’actions. L’harmonisation des modalités de la participation est en effet un sujet essentiel : comme nous l’a expliqué l’association internationale pour la participation financière, la France est aujourd’hui isolée. L’honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître que le caractère obligatoire de la participation constitue un frein au développement des activités de certaines entreprises internationales dans notre pays au-delà du seuil de cinquante salariés – les auditions l’ont bien montré. Sans renier notre héritage historique, nous devons faire preuve d’une plus grande nuance, en suivant par exemple les recommandations formulées par M. François Guillaume dans le rapport qu’il a rédigé en septembre au nom de la délégation pour l’Union européenne.

Je m’étonne donc, Monsieur Gremetz, que vous souhaitiez supprimer les mesures qui visent à répondre à ces préoccupations. Nous connaissons tous des sociétés de dimension mondiale qui hésitent à mettre en œuvre des plans de distribution d’actions en faveur de salariés travaillant sur plusieurs continents et soumis de ce fait à des législations différentes sur la taxation des plus-values. Le droit actuel ne joue donc pas en faveur de nos salariés – bien au contraire ! En assouplissant les règles relatives à la durée de détention des actions, le présent article va dans le bon sens !

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - Avis défavorable à l’amendement 68.

L'amendement 68, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 125 est rédactionnel.

L'amendement 125, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 126 apporte une clarification.

L'amendement 126, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Les amendements 340 et 341 rectifiés, visent à ce que la condition de conservation des titres soit respectée en cas d’affectation des actions gratuites sur un FCPE placé exclusivement en titres de l’entreprise. Ces amendements faciliteront donc la gestion des différents types d’épargne salariale.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

Les amendements 340 et 341 rectifiés, sont successivement adoptés.

M. Dominique Tian – L’amendement 185 tend à supprimer l’alinéa 13 de l’article 20, qui nous semble dépourvu d’utilité. Dans l’hypothèse où le bénéficiaire aurait connaissance d’informations de nature à exercer une influence significative sur les cours, les règles relatives au délit d’initié suffisent pour lui interdire de céder ses actions.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement. N’est-il pas en effet un peu tôt pour revenir sur un arbitrage rendu il y a seulement un an ? Sur ce point, la prudence s’impose. Nous devons prévenir les délits d’initiés, qui font toujours les choux gras de la presse.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - Même avis.

L'amendement 185 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 127 est rédactionnel.

L'amendement 127, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à mardi après-midi.
Prochaine séance, mardi 10 octobre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 23 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
du MARDI 10 octobre 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi (n° 3190), adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions relatives aux arbitres.

Rapport (n° 3355) de M. Jean-Marie Geveaux au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (nos 3175, 3337) pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Rapport (n° 3339) de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 3334) de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 3340) de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

3. Éventuellement, discussion du projet de loi (n° 2972), adopté par le Sénat, relatif à la fonction publique territoriale.

Rapport (n° 3342) de M. Michel Piron, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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