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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 10 octobre 2006

Séance de 21 heures 30
4ème jour de séance, 9ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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participation et actionnariat salarié (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Art. 23

M. Michel Charzat - L’article 23, qui contient des dispositions dangereuses et sans rapport avec l’intitulé du projet, est très symptomatique de l’attitude cavalière qui a prévalu lors de l’élaboration de ce texte. Il reprend une revendication du Medef qui n’avait pas été satisfaite lors de la négociation sur les restructurations en 2004. De quoi s’agit-il ? Le « congé de mobilité » dispenserait les entreprises de plus de mille salariés ayant conclu un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences d’offrir un congé de reclassement aux licenciés économiques et, pour tout licenciement de dix salariés ou plus, leur permettrait de contourner le plan de sauvegarde de l’emploi. C’est une mesure qui fragilise le code du travail en instaurant une rupture du contrat de travail d’un commun accord et sans motif précisé, ouvrant la voie au contournement de la consultation des représentants du personnel ou de l’entretien préalable selon que le licenciement est collectif ou individuel. Au fond, il s’agit d’assouplir la procédure de licenciement, de sorte que le salarié n’ait plus aucune garantie de reclassement ou d’indemnisation. Certes, la mise en œuvre de ce dispositif serait le fruit de l’accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et compétences – GPEC –, mais celui-ci, parfois dérogatoire, est conclu tous les trois ans à froid, sans mobilisation des salariés qui ignorent tout des perspectives de restructuration ou de délocalisation. Cet article porte un véritable coup de canif à la procédure de protection des salariés et doit être supprimé : c’est l’objet de notre amendement 226.

Mme Martine Billard - Je m’étonne que la commission, qui en a supprimé bien d’autres, ait conservé cet article dans un tel projet de loi : il n’a rien à voir avec le sujet ! Il ne fait que satisfaire une demande réitérée de la présidente du Medef afin que la loi autorise la « séparation à l’amiable » entre employeur et salarié. Il concerne les entreprises de plus de mille salariés où existent déjà de nombreux dispositifs de gestion des effectifs, dont le congé de reclassement. Comme il le fait avec constance depuis plus de quatre ans, le Gouvernement entend, avec ce « congé de mobilité » soumis à un accord collectif, casser les accords de branche, interentreprises et interprofessionnels. Ce dispositif permet certes au salarié de rester actif mais, en cas de prolongation au-delà du préavis, l’indemnité accordée est inférieure à la totalité du salaire. En outre, l’employeur n’a alors nulle obligation de proposer un congé de reclassement ou une possibilité d’embauche.

D’autre part, ce congé de mobilité, qui s’applique également aux pôles de compétitivité, est en contradiction avec l’article 22 dont nous venons de discuter, qui y prévoit le détachement d’un salarié d’une entreprise à une autre sans rompre le contrat de travail d’origine. Or, ici, on nous propose tout bonnement un nouveau contrat de travail. Par l’amendement 269, je m’oppose donc résolument à cet article qui fragilise le contrat de travail dans les grandes entreprises, auxquelles vous aviez échoué à étendre la portée du CNE.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Vos propos m’attristent : vous semblez insinuer que les commissaires jouent double jeu, alors qu’ils n’ont fait qu’approuver une mesure qui sert les intérêts des salariés. Le congé de mobilité, applicable aux entreprises de plus de mille salariés, permettra aux salariés licenciés de diversifier leur parcours professionnel tout en conservant une sécurité statutaire et financière. C’est l’équivalent du contrat de transition professionnelle expérimenté depuis le mois d’avril dans les entreprises de moindre taille. Le dialogue social est garanti, puisque l’accord de GPEC sera un préalable indispensable. En outre, chaque salarié restera libre de refuser le congé de mobilité et de lui préférer le congé de reclassement.

Un amendement de la commission proposera de faire figurer expressément cette liberté de choix dans le texte. Enfin, le régime juridique du congé de mobilité est inspiré du congé de reclassement. Ce dispositif ne sera utilisable que dans les grandes entreprises, qui doivent suivre une procédure stricte, assurant notamment l’intervention du comité d’entreprise. Amélioré par les mesures protectrices que la commission proposera, il constituera donc une opportunité supplémentaire, un « plus » pour le salarié.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - L’objectif du congé de mobilité est de sécuriser les transitions professionnelles. C’est une démarche en amont à laquelle le salarié adhère de façon volontaire. Le dialogue sur les métiers, dans l’entreprise, permet d’assurer à la fois la participation et la sécurisation des parcours : la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences relève d’une démarche participative, car le salarié est invité à la réflexion sur l’évolution de son poste. Le congé de mobilité offre aux salariés des périodes de formation et des expériences sur d’autres postes. C’est un élément de sécurisation des parcours professionnels qui s’inscrit dans une approche plus en amont et plus apaisée des périodes de restructuration. Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression.

M. Maxime Gremetz - On en voit de drôles, je vous assure ! Il semble nécessaire de donner quelques exemples pour vous montrer que la théorie n’est pas forcément la pratique. L’entreprise Flodor par exemple, qui fait partie du groupe italien Unichips, a été fermée. Son patron-voyou a voulu licencier neuf délégués du personnel : le ministre a refusé. Ils ne sont donc pas licenciés, mais ce n’est pas le patron qui les paye, ce sont les Assedic ! Et le jour où ils seront licenciés, ils devront rembourser… Les salariés ont engagé une procédure : pour la première fois, la justice a reconnu, indépendamment du statut de l’usine – filiale, société anonyme… ils ont même essayé de changer de nom ! – la responsabilité du groupe, qui réalise, lui, des profits extraordinaires. Alors, dans une telle situation, à quoi servira un congé de mobilité ? À aller à l’ANPE ? Il n’y a que quinze salariés de Flodor qui sont reclassés ! Abélia Décors, qui appartient à un groupe allemand, est dans la même situation. À quoi servent les congés de mobilité ? En tout cas, ce ne sont pas eux qui feront payer le groupe ! Et je pourrais vous citer d’autres cas, il y en a de nouveaux tous les jours !

Après le congé de mobilité, comme il n’y aura pas eu de licenciement, les salariés n’auront pas droit aux Assedic : quelle aubaine pour les patrons des grands groupes ! C’est ce qu’ils cherchaient, à tout prix. Quand on voit que le patron de Picardie Plasturgie, voulant fermer, a demandé à un copain de le racheter, puis de liquider six mois plus tard, et qu’au bout de vingt-cinq ans de boîte, les 500 salariés partent avec 3 000 euros… Une honte ! Et qui paye ? Certainement pas les patrons : l’AGS ! Et vous abondez dans leur sens ! Vous leur permettez tout ! Vous voulez généraliser des pratiques complètement illégales aujourd’hui !

Voilà la réalité, même si vous en rajoutez sur le discours social. Vous ne démontrerez pas le contraire.

Mme Martine Billard - Monsieur le rapporteur, il est bien prévu que les périodes de travail peuvent être accomplies aussi au sein, et pas seulement en-dehors, de l’entreprise. Il est indéniable que certaines entreprises voient leur objet de production s’éteindre, comme c’est arrivé dans les secteurs de la photographie à l’arrivée du numérique ou de la télévision avec le passage des tubes aux écrans plats. Mais s’il faut bien sûr anticiper, c’est pour permettre aux salariés de s’adapter à la nouvelle production, pas pour fragiliser leur situation ! Le code du travail permet déjà à une entreprise qui a besoin de reconvertir ses salariés, tout en les gardant dans son sein, de leur proposer les formations nécessaires. Avec votre dispositif, le contrat de travail sera suspendu, sans que le congé de mobilité se termine automatiquement par une embauche définitive. Comme le salarié aura accepté le congé de mobilité, il ne sera pas licencié, mais considéré comme démissionnaire. Qu’en sera-t-il ensuite de ses droits au chômage, de ses indemnités de licenciement et des situations particulières, comme celle des femmes enceintes ? Si l’on considère qu’il y a rupture du contrat de travail d’un commun accord, on remet en cause toute la protection des salariés. Cet article est donc particulièrement dangereux. Discrètement, mais sûrement, il casse les protections du travail et ce sont les femmes qui seront les plus touchées par cette régression.

M. Alain Vidalies – Lors de la discussion générale, M. Larcher a dit qu’il souhaitait préparer les salariés à la mobilité professionnelle et éviter, grâce à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à des alternatives aux plans de sauvegarde de l’emploi, qu’ils connaissent les drames d’un plan de licenciement. Alors, le dispositif que vous proposez, quoi qu’on pense de son efficacité, est-il simplement un « plus », comme le dit le rapporteur ? Ou alors faut-il craindre, d’après les propos du ministre lui-même, qu’il s’agisse d’un dispositif alternatif au plan de sauvegarde de l’emploi que les entreprises sont pour l’instant obligées d’élaborer ? Une telle remise en cause des plans de sauvegarde serait d’une gravité exceptionnelle.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  D’abord, qu’il soit bien clair que le salarié qui ne retrouverait pas d’emploi à l’issue de son congé de mobilité bénéficierait évidemment des allocations chômage selon le droit commun. On prendrait en compte sa situation à son entrée en congé de mobilité, l’intégralité du salaire qu’il percevait alors. La période de congé serait neutralisée, à l’exception des éventuelles périodes de travail.

M. Maxime Gremetz - Où est-ce écrit ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  J’ajoute que comme le congé de mobilité équivaut strictement à un licenciement économique du point de vue du droit du travail, le salarié ne perd aucun droit. Enfin, permettre au salarié d’effectuer des périodes de travail dans une entreprise favorisera en particulier le « désenclavement » du travail féminin, Madame Billard, afin que les femmes puissent envisager plus facilement une reconversion.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Voilà qui est clair et précis.

M. Alain Vidalies – Je prends acte des propos de Mme la ministre déléguée. Nous préciserons dans un amendement qui sera bientôt discuté la nature des droits à indemnisation, mais d’ores et déjà, il est important que le Gouvernement considère que la formule de M. Larcher, parlant d’alternative au plan de sauvegarde de l’emploi pendant la discussion générale, était malheureuse : les obligations de l’employeur ne sont en rien remises en cause. Votre déclaration, Madame la ministre, servira de base aux interprétations éventuelles du texte par les juridictions.

M. Maxime Gremetz – Si Mme la ministre déléguée dit vrai, ses déclarations s’opposent en effet aux propos de M. Larcher. Je demande donc une suspension de séance afin de pouvoir rédiger un amendement reprenant les mots du Gouvernement .

Mme la Présidente - La procédure interdit tout dépôt d’amendement.

M. Maxime Gremetz – Le Gouvernement peut le faire.

Mme la Présidente - Est-ce votre intention, Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  La loi est claire et le Gouvernement aura l’occasion de réaffirmer sa position tout au long du débat.

Les amendements identiques 226 et 269, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Charzat – L’amendement de clarification 227 vise, dans l’alinéa 2 de cet article, à insérer après les mots : « par l’employeur », les mots : « qui envisage de prononcer un ou plusieurs licenciements pour motif économique et ». Il convient en effet de préciser si ce congé de mobilité peut être proposé ou non par les entreprises ou établissements qui ont signé un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences avant tout projet de licenciement. Dans ce cas, cela reviendrait à permettre à l’entreprise de pouvoir se séparer d’un salarié sans motif de rupture du contrat de travail, puisque « l’acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties à l’issue du congé ». Cet amendement vise à prévoir que la proposition de congé de mobilité soit faite au salarié à partir du moment où l’employeur envisage de prononcer un ou plusieurs licenciements économiques. Sans cette précision, le texte permet en effet à un employeur de se séparer d’un ou de plusieurs salariés sans appliquer les procédures de licenciement, sans être obligé de proposer un plan de sauvegarde de l’emploi et sans entretien préalable en cas de licenciement économique individuel. Prétendre que la négociation d’accords sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences renforcera les garanties apportées au salarié, c’est oublier que ces accords sont négociés « à froid » tous les trois ans et qu’ils sont déconnectés des perspectives de restructurations.

M. le Rapporteur – Avis défavorable à cet amendement inutile. Le projet précise en effet déjà qu’un congé de mobilité peut être proposé à ses salariés par l'employeur qui a conclu un accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences lorsqu'il est soumis à l'obligation de leur proposer le congé de reclassement prévu à l'article L. 321-4-3. Selon ce dernier article, cette obligation s’applique seulement à l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement pour motif économique. Il ne saurait donc y avoir de congé de mobilité sans projet de licenciement économique.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  Même avis. Je précise que le congé de mobilité est plus favorable que le congé de reclassement car il est appliqué le plus en amont possible afin de limiter les conséquences sociales des mutations économiques dans le cadre d’un accord négocié.

L'amendement 227, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – L’amendement 228 précise les conditions de la réalisation de l’accord collectif. Nous proposons que celui-ci ne soit valable que s’il est signé par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans l’entreprise aux élections de représentativité dans la branche.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Rien ne justifie de déroger aux règles générales de validation des accords collectifs posées par la loi du 4 mai 2004, laquelle reprenait le difficile compromis exprimé par une majorité de partenaires sociaux dans une déclaration commune signée le 16 juillet 2001. Ceux qui réclament l’application pure et dure du principe majoritaire s’étaient alors bien gardés de le traduire dans la loi. C’est l’actuelle majorité qui l’a fait.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  Tout à fait.

M. le Rapporteur – S’il faut aller plus loin, ce sera pour tous les types d’accord et la prochaine loi sur le dialogue social sera l’occasion d’en débattre.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  Même avis.

M. Alain Vidalies – Je conçois que l’on reprenne le débat lors de l’examen de la prochaine loi, mais outre que je ne suis pas sûr que l’interprétation du rapporteur concernant la déclaration commune de 2001 soit appréciée par l’ensemble des organisations signataires, la notion d’accord majoritaire dans la loi Fillon vaut pour une majorité d’organisations – trois syndicats sur cinq – et non de suffrages.

M. Maxime Gremetz – Je suis étonné que cette argumentation soit utilisée aujourd’hui quand j’espérais, sans doute naïvement, qu’après le discours de M. le Président de la République sur le dialogue social les choses auraient évolué. MM. les présidents de commissions, gaullistes fervents, ont eu raison d’affirmer que la participation n’a pas seulement un aspect financier mais qu’elle vise aussi à étendre les droits des salariés. Anticipaient-ils les propos de M. Chirac ? On ne nous refera pas le coup de la fracture sociale avec le dialogue social : chat échaudé craint l’eau froide ! M. Chirac évoque la modification de la représentativité des syndicats et vous vous en moquez !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Heureusement que vous êtes là pour le défendre.

M. Maxime Gremetz - Mais je le prends au mot ! Il faut maintenant que les actes suivent. On ne peut penser que la démocratie soit effective dans les entreprises sans des accords majoritaires sur le plan du suffrage. Or, vous n’en voulez pas ! Curieuse conception de la démocratie sociale ! Je suis peiné que vous n’ayez pas entendu le Président de la République.

L'amendement 228, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 139 et 140 sont rédactionnels.

Les amendements 139 et 140, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous en venons à l’amendement 77 de M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz - J’étais en train de lire un excellent article…

Mme la Présidente - Je préfère que vous en veniez à votre amendement.

M. Maxime Gremetz - Lequel est-ce ?

Mme la Présidente - Il s’agit de l’amendement 77.

M. le Rapporteur pour avis - Vous feriez mieux de classer vos dossiers, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Je n’ai pas de secrétaire, moi ! Voulez-vous que je parle des privilèges ?

M. le Rapporteur – Il y a des attachés d’excellente qualité au groupe communiste !

Mme la Présidente - Je vous prie d’en venir à l’amendement, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz – Messieurs les présidents, vous avez une voiture à votre disposition, un chauffeur, des secrétaires. Nous, nous n’avons rien ! (Protestations sur divers bancs)

Mme la Présidente – Venez-en à votre amendement.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 77 est un amendement de repli qui tend à insérer à l’alinéa 3 de cet article, après les mots « dont la durée », les mots « qui ne peut être inférieure à neuf mois ». Il s’agit de préciser la durée minimale du congé de mobilité, en la fixant à neuf mois – comme pour le congé de reclassement.

M. le Rapporteur – Votre exposé des motifs est inexact. En effet, la loi ne dit pas que le congé de reclassement dure neuf mois, mais au maximum neuf mois et au minimum quatre mois. Quant au congé de mobilité, il revient aux partenaires sociaux (M. Gremetz s’esclaffe) d’en fixer la durée, puisqu’il ne verra le jour que si un accord collectif est signé. Faisons-leur confiance ! À trop exiger dans la loi, on priverait le dispositif de toute chance d’être appliqué.

M. Maxime Gremetz - Ce sont des arguments éculés que j’entends depuis vingt-huit ans !

M. le Rapporteur – Mais c’est sans doute l’objectif des auteurs de l’amendement, puisqu’ils souhaitent supprimer l’ensemble de l’article.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Le Gouvernement souhaite privilégier la négociation entre les partenaires sociaux. Il ne peut donc accepter cet amendement qui les priverait de toute discussion.

M. Maxime Gremetz - Vous ne les avez pas consultés sur ce projet ! C’est un scandale !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Je n’ai jamais dit cela.

M. Maxime Gremetz – Concertation, concertation, concertation ! Et vous faites une loi où les partenaires sociaux n’ont plus rien à décider !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Bien sûr que si. Le congé dure au minimum quatre mois et au maximum neuf mois : entre les deux, il revient aux partenaires sociaux de négocier.

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – On nous dit que les entreprises de plus de 1 000 salariés sont sur la paille, mais en réalité elles ne savent plus quoi faire de leur argent. L’amendement 164 prévoit donc que les actions de formation du congé de mobilité sont financées par l’employeur. Je rappelle que les exonérations de cotisations patronales atteignent tout de même 23 ou 24 milliards d’euros. Les cadeaux s’accumulent, toujours pour les mêmes ! Mais pour les salariés, on n’hésite pas à contourner le code du travail et à remettre en cause les principes fondamentaux du droit du travail !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, qui est inutile. En effet, le congé de mobilité est effectué durant le préavis ou en prolongation de celui-ci. Le contrat de travail n’est pas rompu. Comme le congé de reclassement, le congé de mobilité ne peut donc être financé que par l’employeur.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Même avis. Si le congé est institué par accord, il appartient néanmoins aux partenaires sociaux de préciser qui supporte la charge du financement. Il n’est pas nécessaire de préciser que le coût sera à la charge de l’entreprise, d’autant que les OPCA pourraient financer certaines actions sur les fonds de la professionnalisation.

M. Maxime Gremetz - Mme la ministre n’avance pas du tout les mêmes arguments que le rapporteur.

Mme la Présidente – Ils ne sont pas tenus de faire de la copie conforme, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - J’ai bien le droit d’observer qu’il y a une contradiction entre les propos du rapporteur et de la ministre. Il faudra bien que les députés de la majorité prennent parti. Il est vrai que vous devenez un peu des « godillots de la République »… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques –Calmez-vous, Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz - L’UNR, les godillots ! Ce n’est pas moi qui l’ai inventé !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Le rapporteur et moi-même avons donné des raisons complémentaires de repousser cet amendement.

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Charzat - L’amendement 229 apporte une clarification pour éviter que les périodes de travail accomplies dans le cadre d’un congé de mobilité soient réalisées dans le cadre complémentaire d’une mise à disposition. Il n’est pas acceptable qu’un salarié déjà fragilisé par un congé de mobilité qui le prive des droits attachés au congé de reclassement puisse servir de marchandise entre deux entreprises. Au-delà de notre refus de voir se cumuler les deux dispositifs précaires que sont le congé de mobilité et le prêt de main-d’œuvre, une telle superposition conduirait à une situation très complexe pour le travailleur concerné. Son préavis sera-t-il rompu ? Pourra-t-il réintégrer son emploi d’origine à la fin de la période de travail ? Nous attendons des réponses du Gouvernement.

M. le Rapporteur – La commission a accepté cet amendement. Il y a en effet un problème de coordination entre le dispositif des articles 22 et 23. il serait bon que le Gouvernement nous éclaire. Le salarié en congé de mobilité peut-il accomplir les périodes de travail qui doivent l’aider à retrouver un emploi dans le cadre d’une mise à disposition au sein d’un pôle de compétitivité au sens de l’article 22 ? L’alinéa 5 de l’article 22 prévoit cependant qu’à l’issue de la mise à disposition, le salarié sera réintégré dans son entreprise d’origine et retrouvera son emploi ou un emploi similaire. D’un point de vue formel, on peut soutenir que le salarié en congé de mobilité retrouvera cette situation après une mise à disposition ; mais cette situation est par nature une situation de transition, durant laquelle le contrat de travail est suspendu.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée Le Gouvernement veut montrer que dans le cadre des périodes de mobilité, le salarié doit pouvoir essayer de nouveaux métiers – et donc être détaché. Je comprends cependant la nécessité d’une meilleure coordination des dispositifs. Je vous propose donc de retirer cet amendement, au bénéfice de l’engagement du Gouvernement de travailler à une meilleure coordination des dispositifs. Notre objectif est de permettre le détachement, tout en faisant un lien avec la mobilité.

M. Alain Vidalies – Madame la ministre, je prends acte de vos déclarations mais, compte tenu de la déclaration d’urgence, il est probable que ce texte ne sera jamais re-débattu au fond, ou simplement dans le cadre d’une CMP. Dans ces conditions, il ne semble pas très sain, du point de vue législatif, de laisser dans la loi une disposition dont on a détecté le caractère peu acceptable. Et sans être un défenseur de votre texte, j’appelle votre attention sur le fait que cette disposition l’affaiblit en jetant le soupçon sur l’ensemble du système. Le bon sens commande de voter l’amendement pour supprimer cette disposition néfaste, à charge, pour le Gouvernement, de proposer une nouvelle rédaction devant le Sénat, s’il parvient – ce dont je doute – à faire le lien entre les deux articles.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée Je maintiens qu’il me semble préférable de ne pas voter cet amendement et de mettre à profit les quelques semaines qui nous séparent de l’examen du texte au Sénat pour affiner la coordination entre les articles 22 et 23. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Vidalies - Absurde !

Mme Martine Billard - La position du Gouvernement est vraiment surprenante. D’abord, on a un peu de mal à concevoir qu’une entreprise de plus de mille salariés implantée dans un pôle de compétitivité ait besoin de mettre en place des congés de mobilité pour ses salariés, mais, même en admettant cette hypothèse, a priori éloignée des exemples pris pour justifier l’article précédent, il est pour le moins incohérent de maintenir dans la loi une rédaction dont chacun perçoit la faiblesse. À ce stade de la procédure législative, la logique commande de voter l’amendement de suppression.

L'amendement 229, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Notre amendement 230 vise à ce que le congé de mobilité, qui est censé venir conforter les démarches de sécurisation des parcours professionnels, conduise à la conclusion d’un nouveau CDI – et non d’un CDD. Il s’agit d’un tournant de notre discussion puisque, si nous avons bien compris, grâce à l’invention extraordinaire qui est proposée, on risque de se retrouver avec des salariés passant d’un CDI à un CDD, ce qui est sans précédent en droit français. Je ne pense pas que quiconque ayant eu à connaître de ce texte ait jamais imaginé que l’on pourrait aboutir à une telle situation. Au prétexte de sécuriser les parcours, on recourt à des dispositifs contraires au droit commun. Cela nous semble extrêmement dangereux et lourd de conséquences.

M. le Rapporteur – L’amendement 141 tend à procurer une plus grande sécurité juridique aux employeurs dont les salariés concluent de nouveaux contrats de travail au titre des périodes de travail s’insérant dans le congé de mobilité. À cette fin, il convient de préciser que ce nouveau contrat pourra être un CDI ou un CDD, et d’écarter, dans ce dernier cas, tout risque de requalification du CDD en CDI.

M. Michel Charzat - Notre sous-amendement 325 à l’amendement 141 de la commission vise à préciser que si le contrat de travail prévu par le 1° de l’article L. 122-2 du code du travail est destiné à favoriser l’embauche de certaines catégories de personnes sans emploi – tels les bénéficiaires de contrats aidés comme le contrat d’avenir ou le contrat d’accompagnement dans l’emploi –, la situation des salariés en congé de mobilité n’est pas de même nature. À ce titre, il est exclu de leur proposer un CDD et ils doivent absolument conserver le bénéfice d’un CDI, car ils ne sont ni des demandeurs d’emplois ni des salariés licenciés pour motif économique.

M. le Rapporteur – Au plan des principes, nous préférons tous une embauche en CDI à une offre en CDD. Mais la réalité du marché du travail, c’est que les deux tiers des embauches se font en CDD – nombre de ces contrats débouchant du reste sur des emplois pérennes. L’objectif du congé de mobilité étant de maintenir les salariés dans l’emploi, a-t-on le droit de leur interdire de postuler aux offres en CDD ? Le sous-amendement 325 n’a pas été examiné en commission : à titre personnel, j’y suis défavorable. Quant à l’amendement 230, la commission l’a repoussé.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée Même avis pour les mêmes raisons. Ce qui compte, c’est de permettre aux intéressés de se maintenir dans l’emploi, fût-ce au prix d’une période en CDD. Le Gouvernement est favorable à l’amendement 141 car il précise bien les choses, défavorable au sous-amendement 325 et à l’amendement 230.

Mme Martine Billard - Je crains que ne s’installe une certaine confusion. Le congé de mobilité ne s’adresse pas à des personnes privées d’emploi en mal de réinsertion mais à des salariés en poste qui ont vocation à rester en CDI. Si le texte est adopté dans sa rédaction actuelle, l’employeur pourra mettre ses salariés en CDI en congé de mobilité pour leur proposer un nouveau contrat de travail, qui pourra être un CDD. On est en train, à la faveur d’un alinéa d’aspect inoffensif, de détruire un principe essentiel du droit du travail. L’employeur, par ce biais, pourra imposer une modification substantielle du contrat de travail, voire faire passer le salarié en CDD. La rédaction est alambiquée, mais l’objectif est clair : il s’agit, et ce n’est pas nouveau de la part de ce gouvernement, de contourner le droit du travail au détriment des garanties du salarié. C’est une nouvelle attaque que nous sommes résolus à combattre.

M. Maxime Gremetz - L’amendement du rapporteur est de la même veine que les précédents. Ce sont toujours les mêmes qui sont favorisés et, par petites touches, c’est aux principes fondamentaux du contrat de travail en droit français que l’on porte atteinte.

Que nous dit-on en nous demandant d’accepter le congé de mobilité ? Que l’on se sépare à l’amiable sans qu’il y ait licenciement. En conséquence, les salariés n’auront droit à rien. Quel formidable dispositif pour les patrons ! S’il y avait reclassement, les salariés considérés pourraient retrouver un CDI assorti de l’ancienneté acquise, voire des primes d’intéressement. Mais, avec le congé de mobilité, vous passez à un tout autre schéma, dans lequel les salariés qui bougeront pourront, peut-être, trouver un autre CDI mais sans les avantages qui étaient les leurs, auquel cas ils perdront déjà un peu, ou un CDD, et dans ce cas ils perdront tout. Et il s’agirait de mesures « progressistes » ! Allons donc !

C’est effarant ! La droite n’avait jamais osé proposer une telle régression sociale, même sous le gouvernement Balladur ! Tenez-vous vraiment à perdre les élections ? Ou serait-ce que vous voulez embarrasser M. Sarkozy ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, veuillez en revenir à l’amendement, je vous prie.

M. Maxime Gremetz - J’y suis, Madame la présidente. Je me limite à dire que la majorité a enclenché une vraie machine à perdre. Je souhaite bien du plaisir au Gouvernement et à ceux qui le soutiennent quand les salariés se rendront compte qu’après avoir privatisé GDF, ils en viennent à remettre en cause le contrat de travail !

M. Alain Vidalies - Dans la rédaction actuelle de l’article, il semble possible qu’un salarié en CDI qui prendrait un congé de mobilité se retrouve ensuite en CDD dans la même entreprise. Si tel est bien le cas, ce serait une innovation juridique extravagante. Rassurez-moi…

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée  Je rappelle que le dispositif est prévu pour s’appliquer aux entreprises en difficulté, dans lesquelles des postes sont menacés. L‘objectif du congé de mobilité est d’aider au reclassement des salariés concernés, dans le cadre d’un accord collectif qui en fixera les modalités. J’imagine mal qu’un accord prévoie la transformation, pour le même salarié, d’un CDI en CDD. La démarche ne s’engagera que lorsque le diagnostic partagé aura été posé qu’il faut préparer les salariés à une reconversion en leur permettant d’essayer de nouveaux métiers pendant quatre à neuf mois. Si, au bout de neuf mois, ils n’ont pas retrouvé d’emploi, le dispositif de droit commun s’appliquera, et ils auront droit aux indemnités de chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Et c’est l’assurance chômage qui payera !

Mme Martine Billard - Prenons l’exemple de la fermeture, pour raisons de sécurité, des grands magasins La Samaritaine. Elle a conduit à 1 500 suppressions d’emplois, mais cela s’est fait dans le cadre d’un PSE qui a garanti à chaque salarié au moins deux offres de reclassement, interne ou externe au groupe, sans diminution de salaire et à une distance de leur domicile équivalente à celle qu’ils connaissaient précédemment. Si l’on est dans le cadre du congé de mobilité que vous proposez, ces garanties sautent ; il y a donc régression. Je ne parle pas des reconversions rendues nécessaires par l’évolution technologique mais de ces « nouveaux contrats de travail » au sein de la même entreprise, dont on a entendu qu’ils pourraient être en CDI ou en CDD. Si c’est le cas, cela signifie que l’on modifie radicalement le contrat de travail, que l’on rompt avec ce qu’a été le droit du travail en France depuis la Libération.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée Je rappelle qu’il s’agit d’entreprises de plus de mille salariés et que, dès lors que plus de dix emplois sont menacés dans le mois, un PSE est nécessaire.

M. Maxime Gremetz - Vous êtes naïve !

L'amendement 230, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 325, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 141, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Je demande une courte suspension de séance.

La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 23 heures.

M. Alain Vidalies - L’amendement 231 est défendu.

L'amendement 231, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Je pense que la commission et le Gouvernement seront favorables à l’amendement 232, qui précise qu’un salarié bénéficiera des indemnités de licenciement pour motif économique s’il accepte un congé de mobilité.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, son amendement 142 étant mieux rédigé.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée – Le Gouvernement est favorable à cet amendement de précision.

L'amendement 232, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Vidalies – L’amendement 234 vise à apporter une autre précision utile, elle aussi compatible avec l’esprit de ce texte.

M. le Rapporteur – Rejet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Pardonnez-moi si je flotte un peu : j’atterris dans ce débat, arrivé directement de Russie où l’atmosphère était particulièrement lourde après l’assassinat d’Anna Politovskaïa. L’ambassadeur et moi-même avons exprimé à sa famille l’émotion du peuple français.

En l’état actuel du projet de loi et des dispositions applicables du code du travail, le salarié qui aurait refusé un congé de mobilité ne pourra être ni sanctionné pour cette raison, ni licencié ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire. Le congé de mobilité est en effet un dispositif d’accompagnement auquel chaque salarié peut – ou non – décider d’adhérer. La précision apportée par cet amendement n’étant pas nécessaire, j’émets un avis défavorable.

L'amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Je suis amené à retirer l’amendement 142, puisque le Gouvernement a préféré l’amendement 232, qui nous paraissait pourtant moins bien rédigé.

L'amendement 142 est retiré.

M. Alain Vidalies - L’amendement 235 est défendu.

M. le Rapporteur – La commission l’a repoussé, car il est satisfait par le projet de loi.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Même avis.

L'amendement 235, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Par l’amendement 236, nous souhaitons que les accords collectifs prévoient les conditions d’information des institutions représentatives du personnel. J’espère que l’Assemblée retiendra cet amendement qui ne fait qu’enrichir le projet de loi.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement : l’article L. 432-1 du code du travail prévoit déjà que le comité d’entreprise doit être informé en temps utile des projets de compression d’effectif. En cas de licenciement d’au moins dix salariés, s’y ajoute la procédure du livre III, prévue à l’article L. 321-3, qui impose deux réunions du comité d’entreprise dans des délais très stricts.

D’après le deuxième alinéa de l’article L. 231-1, toute rupture du contrat de travail pour motif économique doit par ailleurs être prise en compte pour l’application des dispositions du livre III, même s’il ne s’agit pas d’un licenciement. Les propositions de congé de mobilité entreront naturellement dans ce cadre, puisque ce congé ne sera ouvert que dans l’hypothèse où l’employeur est soumis à l’obligation de proposer un congé de reclassement au sens de l’article L. 321-4-3, c’est-à-dire lorsqu’il envisage un licenciement économique.

L’obligation d’informer le comité d’entreprise selon des règles strictes s’appliquera donc en vertu des lois en vigueur, si bien que l’amendement 236 est superfétatoire.

M. Maxime Gremetz - Oh la la !

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Je partage l’avis de la commission : l’accord collectif précisera nécessairement le calendrier de consultation des représentants du personnel en vue de l’application du congé. Pourquoi imposer par la loi des mesures que les partenaires sociaux seront tenus de préciser eux-mêmes ? Avis défavorable.

M. Alain Vidalies - J’éprouve quelques difficultés à suivre votre raisonnement, Monsieur le ministre : si l’accord doit nécessairement préciser les conditions de consultation…

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Le calendrier !

M. Alain Vidalies - …pourquoi ne pas l’écrire dans la loi ? Les arguments qui nous sont opposés me semblent aller dans le sens de notre amendement !

L'amendement 236, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 165 tend à revenir sur la possibilité qui serait ouverte à l’employeur de refuser le droit à un congé de reclassement dans l’hypothèse où un congé de mobilité aurait déjà été proposé. Une telle disposition serait en effet préjudiciable aux salariés : ces derniers ne pourraient plus bénéficier des garanties offertes par le congé de mobilité, et seraient soumis au droit commun du licenciement alors qu’ils n’auraient fait que refuser un congé de mobilité !

Une telle disposition dispenserait l’employeur de ses responsabilités tout en privant le salarié de son droit de choisir entre les deux possibilités – soit un congé de reclassement, soit un congé de mobilité. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer le dernier alinéa de l’article 23.

J’ajoute que la commission a certes déposé un amendement 143 qui apporte quelques précisions, mais ces dernières nous semblent insuffisantes.

M. le Rapporteur – Rejet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Avis défavorable à l’amendement 165. Je précise tout de suite que nous lui préférons l’amendement 143 de la commission, qui sécurise la procédure et permet au salarié de refuser un congé de mobilité sans perdre le bénéfice du congé de reclassement en cas de licenciement.

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Aux termes de l’alinéa 9 de l’article 23, la proposition d’un congé de mobilité dispenserait l’employeur de son obligation d’offrir au salarié le bénéfice d’un congé de reclassement. Les salariés seraient privés de ce droit dès lors qu’un congé de mobilité leur aurait été proposé, même s’ils l’ont refusé.

M. Maxime Gremetz - Et voilà ! Qu’est-ce que je disais ?

M. le Rapporteur – Dans ces conditions, il faudrait appliquer aux salariés le droit commun du licenciement économique, moins favorable que l’un et l’autre de ces congés.

Par l’amendement 143, nous souhaitons garantir aux salariés le droit de préférer un congé de reclassement légal à un congé de mobilité, même si ce dernier est ouvert par un accord collectif. À l’exigence d’un accord collectif, nous ajoutons donc une deuxième garantie : le droit de refuser un congé de mobilité. Les amendements 165 et 237 seront ainsi satisfaits…

M. Maxime Gremetz - L’amendement 165 vient d’être repoussé !

M. Alain Vidalies - L’objectif et la rédaction de notre amendement 237 sont semblables. Nous voterons donc celui de la commission.

L'amendement 143, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 144 vise à intégrer au corps de l’article 23 la mesure prévue initialement à l’article 26.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Avis favorable : cela clarifie les choses.

L'amendement 144, mis aux voix, est adopté.
L'article 23 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 23

M. Alain Vidalies - L’amendement 238 reprend une proposition que nous avons déjà souvent formulée et qui mériterait un débat approfondi. Il s’agit d’étendre aux salariés de PME – notamment les entreprises sous-traitantes – les droits qui s’appliquent aux entreprises de plus de mille salariés en cas de licenciement économique. Cette mesure serait financée par un fonds de mutualisation sur une base fixée par décret en Conseil d’État, équivalente à 0,2 % de la masse salariale. On ne peut en effet traiter des questions de restructurations en ignorant les PME.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement mérite en effet d’être débattu, mais il est aujourd’hui hors sujet. Il crée, après la convention de reclassement personnalisé et le contrat de transition professionnelle, un troisième dispositif de sécurisation du parcours du salarié qu’il vaudrait mieux soumettre à la concertation. En outre, il pose en l’état plusieurs problèmes d’ordre juridique : ainsi, il ne précise pas les cas où le maintien du salaire est financé par l’employeur ou par le fonds de mutualisation. Enfin, je me réjouis que le groupe socialiste adopte l’idée du fonds de mutualisation, qui n’est pas nouvelle, encore faut-il en préciser les effets sur l’obligation de reclassement qui pèse sur les entreprises, ainsi que les modalités de financement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Même avis. Nous avons largement abordé ce sujet lors du débat sur la loi de cohésion sociale. Permettez-moi d’en profiter pour dresser brièvement le bilan des dispositifs existants. Jusqu’en janvier 2005, la situation des entreprises en matière de licenciement économique variait considérablement selon leur taille : le nombre de salariés accompagnés et indemnisés était parfois six fois plus important dans les grandes entreprises que dans les PME.

Dès le début de l’année prochaine, nous disposerons d’un bilan sur dix-huit mois de la convention de reclassement personnalisé, qui semble déjà porter ses premiers fruits. Au printemps prochain, nous évaluerons également les résultats du contrat de transition professionnelle. Nous pourrons alors envisager les atouts et les faiblesses de ces mesures, et c’est à la lumière de ces bilans que les partenaires sociaux devront être saisis des dispositifs de sécurisation des parcours. Le Parlement, naturellement, en sera informé.

L’idée du fonds de mutualisation n’est pas mauvaise. La convention de reclassement personnalisé est d’ailleurs elle-même financée par l’allocation chômage, les deux mois de préavis de l’employeur et, parfois, le droit individuel à la formation.

L'amendement 238, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 24

M. Maxime Gremetz - Vous profitez de la modification législative d’une disposition créée par ordonnance pour épargner aux entreprises toute réparation financière due au titre de suppressions d’emploi. Ainsi, l’alinéa 3, que mon amendement 166 vise à supprimer, ramène le montant de la contribution à l’UNEDIC des employeurs qui ne proposent pas au salarié licencié de contrat de transition professionnelle à l’équivalent d’un mois de salaire moyen au lieu de deux. C’est inadmissible : nous avons toujours débattu de l’augmentation de cette contribution, et voilà que vous la réduisez ! Supprimerez-vous un jour les impôts ? Vous donnez carte blanche aux employeurs, comme sur la question des handicapés : puisqu’ils préféraient payer l’amende que respecter la loi, vous supprimez l’amende ! Le pauvre M. Delalande, qui avait donné son nom à cette contribution, n’aura même plus son nom dans l’histoire…

M. Xavier de Roux - Quel destin !

M. Michel Charzat - L’article 24 ratifie l’ordonnance du 13 avril 2006 relative aux contrats de transition professionnelle, actuellement à l’essai dans sept bassins d’emploi. Nous nous réjouissons que vous reveniez sur votre intention d’amputer la durée d’indemnisation du chômage des périodes travaillées durant les douze mois du contrat.

Néanmoins, la réduction à un mois de salaire de la contribution des employeurs ne proposant pas de contrat de transition professionnelle exonère de facto les entreprises de leur responsabilité envers les salariés licenciés. En outre, l’obligation qui pèse sur les employeurs, limitée à une simple information, est bien faible. Cette mesure va à l’encontre de l’objectif affiché : reclasser au plus vite les salariés victimes de licenciements économiques. Voilà pourquoi nous proposons, par l’amendement 248, la suppression de l’alinéa 3.

Mme Martine Billard - L’ordonnance d’avril 2006 est plus incitative que contraignante pour les entreprises. Or, l’expérience montre que l’incitation sans sanction est vaine : la carotte et le bâton vont de pair. Une telle réduction de contribution permettra aux entreprises de s’affranchir complètement de cette responsabilité pourtant récente : c’est un bien mauvais signal à leur envoyer.

M. le Rapporteur – L’article 24 ratifie l’ordonnance qui institue le contrat de transition professionnelle en l’aménageant conformément au souhait des partenaires sociaux. C’est parce qu’il est le fruit du dialogue social que la commission a jugé bon de le conserver, même si, je le reconnais, il ne concerne pas directement la participation.

L’expérimentation pour un an du contrat de transition professionnelle dans sept bassins d’emploi, où il remplace la convention de reclassement personnalisé pour les salariés menacés de licenciement économique, donnera lieu à une évaluation. On sait déjà que 68 % des salariés éligibles y adhéreraient : excellent résultat, pour un dispositif facultatif ! Il offre pendant douze mois une indemnisation plus élevée que le chômage classique, à hauteur de 80 % de l’ancien salaire. Il donne le statut de stagiaire, comprend des mesures d’aide au reclassement et permet d’essayer de nouveaux métiers.

Les modifications apportées à l’ordonnance tiennent compte de l’accord passé en avril entre les partenaires sociaux et le bureau de l’UNEDIC. L’alinéa 2 accroît la durée d’indemnisation potentielle des chômeurs ayant bénéficié d’un contrat de transition professionnelle, tandis que l’alinéa 3 ramène de deux mois de salaire à un seul la sanction pour l’employeur qui licencie un salarié sans lui proposer de contrat de transition professionnelle. C’est un accord équilibré, qui ne peut être remis en cause. La commission a donc rejeté les amendements de suppression.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Ces deux modifications sont en effet le fruit d’un équilibre trouvé entre les partenaires sociaux le 28 avril. Dans sa réunion du 14 septembre, le comité de pilotage national du CTP a examiné l’adhésion, en quatre mois, de 400 personnes. Le taux d’adhésion, ainsi que le disait le président Dubernard, est supérieur à 60 %. Le dispositif a nécessité un ensemble conventionnel extrêmement complexe : conventions entre l’État et l’UNEDIC, avec l’AFPA, et avec Transitio CTP, convention de coopération du service public de l’emploi, convention entre l’État et les organismes de retraite complémentaire, sans parler de la convention entre l’AGEFOS-PME et Transitio CTP…

Malgré cela, le contrat de transition professionnelle a été mis en place en deux mois. Il sera évalué au printemps prochain. Il a été souhaité par les partenaires sociaux comme un élément de sécurisation des parcours professionnels, de la « sécurité sociale professionnelle ». Le dispositif est encore expérimental, certes, mais il deviendra certainement une des pierres angulaires de notre système, qui s’enrichit aussi du droit individuel à la formation, de la validation des acquis de l’expérience ou du renforcement du service public de l’emploi – d’ici à la fin de l’année, chaque demandeur d’emploi y sera suivi une fois par mois, au lieu de tous les six mois. L’ensemble tend à améliorer fortement le retour vers l’emploi.

Les amendements 166, 248 et 270, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'article 24, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 24

M. Maxime Gremetz – Aujourd’hui, le chômage n’est pas seul synonyme de précarité. La multiplication des contrats précaires et aidés, qui font un nouveau bond chaque mois dans les statistiques et qui s’ajoutent à la modération salariale, plonge les salariés dans la précarité et la pauvreté. Il faut donc résorber intérim, temps partiel contraint, CDD et autres contrats aidés – secteur marchand ou non marchand – qui n’offrent aucune perspective durable et sont ouverts à un public si large qu’ils ne servent plus que d’effet d’aubaine pour les employeurs.

Or, le recours à ces contrats atypiques, le CNE étant le dernier en date, se banalise, y compris pour des créations d’emplois – vous l’avez dit vous-même : pourquoi ne pas permettre l’embauche en CDD puisque 80 % des embauches se font déjà de cette manière ? Par petites touches, c’est le CDI, droit commun du contrat de travail, qui finit par être remis en cause. Les contrats précaires renforcent la subordination du salarié à son employeur, dans tous les domaines. Il faut donc mieux encadrer l’utilisation qui en est faite, réorienter le soutien financier public de l’emploi, garantir l’emploi et la formation tout au long de la vie professionnelle et revaloriser le travail par une politique de relance des salaires. Aujourd’hui, trois nouveaux emplois sur quatre sont précaires ; 70 % des offres d’emploi déposées à l’ANPE sont des contrats de moins de six mois ; 30 % des entrées au chômage sont des fins de CDD ou d’intérim. Plus de deux millions de salariés travaillent à temps partiel, dont beaucoup de travailleurs pauvres.

À ce rythme l’emploi précaire peut devenir rapidement la règle. C’est ce que vous souhaitez. Comment, dans ces conditions, concevoir des projets personnels, une vie de couple, accéder à un logement, acheter un véhicule, financer des loisirs ? Votre projet de société est sans avenir. Pour notre part, nous voulons résorber l’emploi précaire, grâce à une législation plus efficace. Pour cela, l’amendement 167 propose d’instituer un plafond de 5 % de travailleurs précaires dans une entreprise. Chez Valeo, à Abbeville, il y a 37 % de travailleurs précaires ! Croyez-vous qu’ils ne pourraient pas rémunérer des CDI ? Regardez donc leurs profits ! Vous les laissez faire, mais cela ne leur suffit pas, puisqu’ils ont décidé de fermer le site pour délocaliser !

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz – La passion m’emporte ! La loi fixe des règles très précises à propos des emplois précaires et du temps partiel, mais à chaque fois que j’en trouve de nouveaux dans ma zone industrielle et que j’en avertis les autorités, elles ne font rien. Pourtant, ils ne sont pas là pour une période d’accroissement de l’activité de l’entreprise : ils remplacent des salariés qualifiés. C’est l’ensemble de la société qui est fragilisée par cette précarité.

M. le Rapporteur – L’abus des contrats temporaires, dans certains secteurs et certaines entreprises, est un problème réel, mais fixer un plafond uniforme fournit une fois de plus une réponse quelque peu simpliste, et inadaptée.

M. Maxime Gremetz - 37 % de précaires, c’est simpliste ?

M. le Rapporteur – Est-ce le moment de multiplier les contentieux aux prud’hommes, en créant des recours en requalification, sur des bases parfois incertaines quant aux effectifs et aux motifs de recours aux contrats à durée déterminée, qui susciteront une jurisprudence évolutive et une insécurité juridique ? Il ne faut pas tout compliquer.

M. Maxime Gremetz - Alors…

M. Gérard Larcher, ministre délégué D’après la commission nationale de la négociation collective, le taux des CDI n’a pas varié depuis trois ans : il est un peu inférieur à 80 %. C’est l’entrée dans le contrat qui se fait plus souvent par des contrats précaires. C’est une des préoccupations du Gouvernement. Les partenaires sociaux se sont fixé un calendrier de réflexion sur ce sujet – la première rencontre est prévue le 23 octobre. Il est important qu’ils se saisissent de ce dossier essentiel pour les salariés et leur famille.

M. Maxime Gremetz - J’aimerais prendre connaissance de cette étude.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Je vous la ferai parvenir.

M. Maxime Gremetz - Même si vos données sont exactes, je crois qu’elles ne reflètent pas la réalité : le nombre de salariés augmente et la précarité, elle, ne recule pas, d’autant que de nombreux jeunes sous contrat ne sont pas comptabilisés dans les statistiques.

L'amendement 167, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 25

M. le Rapporteur – À ce stade de notre débat, je souhaite expliquer pourquoi M. Ollier et moi-même, ainsi que les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques, avons jugé nécessaire de supprimer un certain nombres d’articles. Nous voulons recentrer ce texte sur son objet initial : la participation. M. Borloo a expliqué que le projet visait à mettre en place un dispositif pérenne pour une ou deux décennies. Pour que cette loi soit fondatrice, et reste emblématique, il faut supprimer autant que possible les appendices inutiles. C’est ainsi que nous légifèrerons bien. En durcissant sa jurisprudence sur les cavaliers législatifs, le Conseil constitutionnel et son président, Pierre Mazeaud, se sont donné les moyens d’écarter les amendements sans rapport avec les projets initiaux. Il nous appartient de vérifier que le Gouvernement se montre aussi rigoureux en amont. Si cela rend plus difficile l’adoption de tel ou tel aménagement présenté comme urgent, nous en viendrons peut-être à moins modifier la législation en préparant mieux les réformes qui s’imposent. Il ne s’agit pas, en effet, de recourir systématiquement à la loi pour prétendre régler tous les problèmes.

Les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques proposent donc d’alléger les titres III et IV d’une grande partie de leurs dispositions qui suscitent nombre d’interrogations et qui n’ont sans doute pas été suffisamment travaillées. Il en est ainsi des mesures relatives au cumul de contrat à temps partiel et de missions d’intérim – article 25,…

Mme Anne-Marie Comparini - Très bien.

M. le Rapporteur - …de la modification des règles de décompte des effectifs dans les entreprises – article 32 – ; des dispositions qui ne présentent aucune urgence, telle la disposition préparatoire aux élections prud’homales qui fait l’objet de l’article 31 ; de dispositions qui figureraient plus logiquement dans un autre projet, telles certaines mesures des articles 28 et 29 issues du plan national d’action concertée pour l’emploi des seniors qui modifient les règles de la retraite, et ont donc vocation à être débattues dans le PLFSS. Il en va de même des mesures portant sur l’indemnisation des conseillers prud’hommes et la récupération des indus d’ASS, ce qui affecte directement des charges budgétaires relevant d’une loi de finances – articles 30 et 34. Enfin, les dispositions relatives à la commercialisation des produits financiers qui visent à renforcer les protections des clients face aux opérateurs financiers devraient trouver place dans le projet sur la consommation en cours de finalisation – articles 36, 37, 38, 39, 40 et 42. Voilà ce qui a justifié le point de vue des commissions et je sais que vous y adhérez en grande partie. Je vous remercie de bien vouloir nous suivre.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Les deux commissions sont en effet unanimes.

M. Maxime Gremetz - Non !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je parle des deux présidents et je m’exprime au nom de la commission que je préside, dont vous n’êtes pas membre, Monsieur Gremetz.

Les deux commissions ont donc décidé de supprimer quinze articles, dont, pour commencer, cet article 25. C’est un événement suffisamment important pour que M. le président Dubernard et moi-même nous exprimions. Si l’on veut une loi lisible, il n’est pas acceptable que des articles viennent parasiter les titres III et IV. Il ne s’agit pas de faire plaisir au président Mazeaud, auquel je rends d’ailleurs hommage, mais une bonne loi doit être avant tout lisible. Je ne comprends pas que l’on ait profité de ce porte-avions législatif pour introduire des dispositions qui n’ont pas à y figurer.

Mme Anne-Marie Comparini - Très bien.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Les législateurs que nous sommes doivent prendre leur responsabilité à l’endroit du Gouvernement. Je souhaite donc que l'Assemblée nationale supprime ces quinze articles.

M. Maxime Gremetz - Je demande la parole.

Mme la Présidente – Vous l’aurez, mais je tiens à préciser, Monsieur Gremetz, que si vous avez protesté lorsque le président Ollier a affirmé que les amendements de suppression avaient été proposés par les deux commissions, l’amendement 145 de suppression présenté par la commission des affaires culturelles a été cosigné par M. Dubernard, Mme Billard, M. Charzat… et vous-même, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz – Il est vrai que nous avons décidé ensemble la suppression de ces articles, mais je ne veux pas que l’on généralise de façon abusive.

Intégré à la hussarde dans le projet de loi sur l’égalité salariale, le cumul de l’intérim et du temps partiel a été censuré par le Conseil constitutionnel qui a considéré cette disposition comme un cavalier législatif. Et la revoilà dans ce projet ! Vous essayez une fois de plus de faire passer en force une mesure régressive visant à précariser un peu plus le salariat. Mme Vautrin, au Sénat, a défendu ce dispositif en disant que de nombreuses femmes travaillant à temps partiel souhaitent trouver des solutions pour augmenter leur temps de travail afin d’accroître leurs revenus. Nous pouvions donc nous attendre à une mesure visant à résorber les emplois précaires et notamment le temps partiel subi. Eh bien non ! Mme la ministre déléguée a poursuivi en disant que parallèlement au contrat de travail à temps partiel, il faut rendre possible le recours à une mission d’intérim. Le Gouvernement considère que si l’on veut gagner plus, il faut cumuler les petits boulots.

M. François Guillaume - Voilà !

M. Maxime Gremetz – Supprimer cet article me semble tout à fait nécessaire, même si vous allez faire une mécontente, Mme Parisot qui, elle, ne travaille pas en usine. Nous disons donc tous ensemble : « Halte-là ! », et c’est formidable. Tel est le sens de l’amendement de suppression 168.

M. Alain Vidalies – Je ferai une seule intervention sur l’ensemble des amendements de suppression, qui portent sur des sujets graves en matière de droit du travail. L’extension des modalités de recours à l’intérim est une affaire grave : ce nouveau cas de recours n’a été négocié par personne et n’a jamais été soumis aux partenaires sociaux, qu’il s’agisse des syndicats ou du patronat.

La question des effectifs – article 32 – est tout aussi grave. Modifier le décompte des effectifs pour la mise en place des institutions représentatives du personnel n’est pas une petite affaire. Cela mérite un débat de fond. Exclure les salariés des entreprises sous-traitantes, qui plus est pour s’opposer à une décision de la Cour de cassation, aurait en tout cas été malvenu.

La question de l’indemnisation des conseillers prud’homaux n’est pas non plus une mince affaire. Cette initiative est d’autant plus surprenante que le conseil des prud’hommes, institution originale et paritaire, fonctionne bien. Créer une suspicion en prétendant enfermer les conseillers salariés dans un carcan n’est donc pas une bonne idée. Nous resterons vigilants, car nous ne voulons pas que cette réforme soit réintroduite par le biais d’un autre texte – ce qui ne serait d’ailleurs pas cohérent avec les propos qu’a tenus le Président de la République ce matin.

Mme Martine Billard - L’amendement 271 visait également à supprimer l’article 25. Je me félicite à mon tour de la suppression de ces quinze articles, même si je regrette que l’on n’ait pas supprimé aussi les articles 22 et 23, qui n’ont pas davantage à voir avec l’actionnariat salarié.

J’insiste moi aussi pour que l’article sur les prud’hommes ne nous revienne pas dans un autre texte. Nous avons tous été alertés sur les conséquences de cette réforme. Il ne s’agit pas seulement, en effet, de rationaliser le travail et la rémunération des conseillers prud’homaux : le risque est de dégrader le fonctionnement d’une institution qui donne satisfaction et d’alourdir encore la charge des cours d’appel.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le président Dubernard et le président Ollier souhaitent recentrer le texte sur la participation et sur le développement du dialogue social autour de la participation. Je ne sais, Monsieur le professeur Dubernard, s’il s’agit d’une greffe ou d’un appendice – c’est un débat classique pour le vétérinaire comme pour le médecin.

M. le Rapporteur – Je préfère parler d’amputation. (Sourires)

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Permettez-moi, tout en donnant un avis favorable aux amendements de suppression, de vous apporter quelques éclaircissements. Il ne s’agit nullement, avec le cumul de l’intérim et du travail à temps partiel, de renforcer la précarité, mais de permettre un cumul de rémunérations.

J’en viens au double décompte, sujet dont les partenaires sociaux devront bien débattre un jour. Il est en effet étrange de compter deux fois les mêmes salariés. Sachons donc retrouver raison, y compris pour moderniser et adapter les institutions représentatives du personnel. Je ne crois pas que ce mode de décompte soit bon pour la crédibilité des représentants des salariés dans ces instances.

La réforme des indemnités des conseillers prud’homaux visait à sécuriser les versements d’indemnités, aujourd’hui régis par des circulaires. Il faudra tirer les conséquences du rapport Desclaux – et il ne s’agit évidemment pas de mettre en cause les prud’hommes en tant que tels.

Les amendements 145, 28, 168, 249 et 271, mis aux voix, sont adoptés et l’article 25 est supprimé.

art. 26

M. le Rapporteur – L’amendement 146 tend à supprimer cet article par coordination.

L'amendement 146, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 26

M. Maxime Gremetz - L’article 26 étant supprimé, je retire les amendements 170 et 169.

art. 27

M. Maxime Gremetz - Par l’amendement 171, nous proposons de supprimer l’article 27, qui abroge la contribution Delalande. À force d’en réduire la portée, il est devenu facile de justifier sa suppression. La même démarche est d’ailleurs à l’œuvre pour l’ISF. Or, il n’a jamais été prouvé que la contribution Delalande – acquittée par les entreprises qui licencient des seniors – était un frein à l’embauche de salariés en fin de carrière. Il y a donc une contradiction, Monsieur le ministre. Vous dites qu’il faut faire travailler les seniors, et dans le même temps vous supprimez la contribution Delalande : tout s’enchaîne, et tout se contredit ! Certes, pour les marxistes, c’est la contradiction qui fait avancer. Mais je ne vois pas comment surmonter celle-ci !

M. Xavier de Roux - Delalande n’était pas marxiste !

M. Maxime Gremetz - Mais il faisait au moins payer ceux qui licencient des seniors – dont vous prétendez favoriser l’embauche. Comprenne qui pourra ! Voilà encore, en tout cas, un cadeau pour les entreprises.

M. Michel Charzat - L’amendement 250 vise également à supprimer cet article. Le taux d’emploi des plus de 50 ans, en France, reste beaucoup plus faible que dans les autres pays européens. Nous sommes loin de l’objectif de 50 % fixé à Lisbonne, puisque leur taux d’emploi est actuellement de 37 %. La productivité des seniors n’est pas plus faible que celle des travailleurs plus jeunes, mais les entreprises sont réticentes à embaucher des salariés âgés. L’inflexion de cette tendance est d’autant plus urgente que le poids des plus âgés dans la société est appelé à croître.

Au lieu d’un dispositif global pour favoriser l’emploi des seniors, le Gouvernement nous propose, en plus de l’instauration par décret d’une sorte de « contrat dernière embauche », une transposition hâtive de quelques orientations du plan national d’action concertée. Les mesures retenues semblent vouloir décharger les entreprises de leurs obligations sans contrepartie en termes d’emplois créés. Cet article 27 exonère ainsi de la contribution Delalande les entreprises licenciant un senior, ce qui peut s’avérer dangereux dans un contexte de chômage. Selon les études des syndicats, les employeurs pourraient ainsi économiser près de 600 millions : on ne peut les dédouaner de leurs obligations sans exiger aucune contrepartie en matière d’emploi des seniors.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé les amendements de suppression. Depuis sa création, en 1987, la contribution Delalande a été réformée onze fois, ce qui tend à démontrer que le dispositif n’a jamais donné pleine satisfaction. Aux termes de l’accord national interprofessionnel sur l’emploi des seniors conclu le 13 octobre 2005, chacun est amené à prendre ses responsabilités pour améliorer le taux d’activité des salariés de plus de cinquante ans. Plusieurs rapports – notamment une étude conjointe IGF-IGAS – démontrent que la perspective de devoir acquitter une contribution en cas de licenciement tend à dissuader les employeurs de recruter des collaborateurs âgés et que le système est affecté par de nombreuses pratiques de contournement ou d’exonérations injustifiées. Ainsi, un cinquième seulement des ruptures de contrats concernant des seniors donneraient lieu au versement de la contribution, les employeurs parvenant souvent à licencier les salariés les plus âgés pour faute grave, sur un fondement parfois douteux. Il semble donc opportun de supprimer un système qui suscite plus de difficultés qu’il n’en résout.

L’amendement 147 est de coordination.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Dans le droit fil de Lisbonne, à Stockholm, nous nous sommes assignés l’objectif de porter le taux d’emploi des seniors à 50 % en 2010. Depuis la réforme des retraites et la mise en place de plusieurs dispositifs d’exonération, leur taux d’emploi augmente en moyenne de 1,3 % par an et nous avons bon espoir d’atteindre rapidement 40 % de l’effectif de référence. Comme l’a rappelé votre rapporteur, un accord national interprofessionnel sur l’emploi des seniors est intervenu en octobre 2005 ; il témoigne de l’engagement des partenaires sociaux sur ce sujet, après que le système des retraites par répartition a été préservé par la réforme Fillon. Ce qu’il est essentiel de garder à l’esprit, c’est que le maintien dans l’emploi des seniors ne se règle pas à 55 ans : c’est l’ensemble du parcours professionnel qui doit prévoir les adaptations et bilans d’étape nécessaires – bilans de santé et de compétences, formation tout au long de la vie – pour atteindre l’objectif. L’an dernier, nous avons également créé un CDD de dix-huit mois renouvelable deux fois pour les demandeurs d’emploi de plus de 57 ans, présentant plusieurs mois de chômage, en vue de les aider à retrouver un emploi et de compléter leur durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux suffisant. Je tenais à rappeler que ce que certains se croient autorisés à appeler le « contrat dernière embauche » a fait l’objet d’un accord avec les partenaires sociaux. Au reste, l’ensemble du plan seniors présenté par le Gouvernement procède du dialogue social.

La contribution Delalande partait de l’excellente intention de pénaliser les employeurs réticents à maintenir dans l’emploi les plus de 50 ans. Hélas, elle a eu pour effet indésirable de pénaliser l’embauche des plus de 45 ans. Il n’est donc que temps de la supprimer.

Parallèlement, plusieurs dispositions du PLFSS, relatives au tutorat, au cumul emploi et retraite et à l’aménagement des fins de carrière, viendront parachever le lancement du plan seniors, avant la fin de cette année. Nous nous mettons ainsi en situation de tenir l’engagement de Stockholm sur le taux d’activité : 50 % de seniors occupés en 2010.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de l’article, et favorable à l’amendement 147 de la commission.

Les amendements 171 et 250, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'amendement 147, mis aux voix, est adopté, de même que l’article 27 ainsi modifié.

APRÈS L'ART. 27

M. Pierre-Christophe Baguet – L'article 28 du projet de loi envisage de supprimer, à compter du 1er janvier 2010, la possibilité, ouverte par l'article L. 122-14-13, alinéa 3, du code du travail, tel qu'il résulte de l'article 16 de la loi du 21 août 2003, de mettre à la retraite des salariés de moins de 65 ans, dès lors qu'un accord collectif étendu, conclu avant le 1er janvier 2008 et comportant des contreparties en terme d'emploi ou de formation professionnelle, le prévoit. Si cette mesure est adoptée, à partir du 1er janvier 2010, dans les branches professionnelles où de tels accords collectifs ont été conclus, les salariés ne pourront prendre leur retraite avant 65 ans que dans le cadre d'un départ volontaire.

Dans ce cas, en l'état actuel des textes, les salariés qui partent volontairement à la retraite reçoivent une indemnité de départ à la retraite, qui, généralement, est inférieure à l'indemnité de mise à la retraite. En outre, l'indemnité de départ à la retraite est soumise aux charges sociales et à l'impôt sur le revenu, alors que l'indemnité de mise à la retraite en est exonérée.

À compter du 1er janvier 2010, les salariés de moins de 65 ans qui, faute de pouvoir être mis à la retraite par leur employeur, partiront volontairement, recevront une indemnité de départ, qui, compte tenu de son montant initial, des charge sociales et de l'impôt sur le revenu, sera inférieure de près de la moitié à l'indemnité actuelle de mise à la retraite. Quant aux employeurs se trouvant confrontés à cette situation, les indemnités qu'ils auront à verser aux salariés partant volontairement à la retraite excéderont de près de 50 % les sommes qu'ils auraient eu à débourser s'ils avaient mis les intéressés à la retraite.

Par l’amendement 195, je propose d'aligner le régime fiscal et social de l'indemnité de départ à la retraite sur celui de l'indemnité de mise à la retraite, ce qui revient à exonérer l'indemnité de départ en retraite de charges sociales et fiscales dans les mêmes limites que l'indemnité de mise à la retraite. La mesure proposée présente un triple avantage : d’abord, elle protège les salariés concernés d’une baisse importante de leur indemnité de départ à la retraite ; ensuite, elle évite l'augmentation du coût du travail et des charges des entreprises qui résulterait de l'obligation nouvelle de provisionner les cotisations sociales afférentes aux indemnités de départ à la retraite ; enfin – et ce point fait consensus –, elle permet de satisfaire les demandes légitimes de toutes les organisations syndicales et patronales.

Compte tenu de l’accord général qui se dessine à ce sujet, le Gouvernement peut-il prendre l’engagement de soutenir cet amendement, ou, à défaut, de le reprendre dans le prochain PLFSS ?

M. le Rapporteur – Je salue le nouveau ton de M. Baguet, que l’on sent libéré… (Murmures) Le thème que traite son amendement est essentiel, mais, comme il le suggère lui-même, cela relève plutôt du PLFSS.

M. Maxime Gremetz - Allons, son ralliement mérite bien d’être récompensé !

M. Gérard Larcher, ministre délégué Le sujet a déjà été longuement débattu, au Parlement et avec les partenaires sociaux. Avant d’aller plus loin, nous souhaitons connaître le coût des dispositifs d’accompagnement de la mise à la retraite d’office avant 65 ans. Je vous donne donc rendez-vous au PLFSS car l’on ne peut prendre de décision sans en connaître l’impact financier. J’invite par conséquent M. Baguet à retirer son amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Suis-je assuré de la bienveillante attention du Gouvernement ? Le sujet est-il reporté ? Existe-t-il un vrai problème de financement ? D’accord pour revoir la question dans le cadre de l’examen du PLFSS mais il ne faut pas la repousser ad vitam aeternam car il y a un consensus pour la résoudre, l’intérêt des salariés étant directement engagé. Il faut savoir que les salariés partant volontairement perçoivent une indemnité inférieure de moitié à celle que touchent les mis à la retraite d’office et que 7 millions de personnes sont potentiellement concernées. Le sujet est donc extrêmement important. Mais compte tenu du sourire de M. Larcher, je considère que le Gouvernement fera preuve, sur ce sujet, d’une écoute bienveillante et je retire mon amendement.

L'amendement 195 est retiré.

ART. 28

M. Maxime Gremetz – Avec l’article 28, qui tend à éteindre la faculté conventionnelle de mise à la retraite d’office avant soixante-cinq ans, le Gouvernement poursuit le démantèlement de la protection sociale en matière de retraite. Dans ce contexte, votre proposition, Monsieur Baguet, est intéressante et nous la soutenons. Mais vous vous contentez de peu, et vous constaterez, au cours de l’examen du PLFSS, que la bienveillance supposée du ministre trouvera vite ses limites. D’ailleurs, si votre proposition – que j’appuie, je le répète – avait émané de nos rangs, le ministre aurait pris moins de gants pour nous dire qu’il est inconcevable de vouloir ainsi aggraver le déficit de la sécurité sociale… Voilà ce que signifiait, en clair, son sourire bienveillant… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur – L’amendement 148 tend à supprimer l’article, pour les raisons déjà dites.

Mme la Présidente - Les amendements 29, 173 et 272, qui ont le même objet, sont défendus.

Les amendements identiques 148, 29, 173 et 272, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés, et l’article 28 est ainsi supprimé.

ART. 29

Mme la Présidente - Les amendements 149, 30, 174 et 273, qui tendent à la suppression de l’article, sont défendus.

Les amendements identiques 149, 30, 174 et 273, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés, et l’article 29 est ainsi supprimé.

ART. 30

Mme la Présidente - Les amendements 150, 31, 175, 251, 274 et 298 tendent à la suppression de l’article.

Les amendements identiques 150, 31, 175, 251, 274 et 298, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix,sont adoptés, et l’article 30 est ainsi supprimé.
La séance, suspendue le mercredi 11 octobre à 0 heure 35, est reprise à 0 heure 40.

ART. 31

Mme la Présidente - Les amendements 151 et 32 tendent à la suppression de l’article. Ils sont défendus.

Les amendements identiques 151 et 32, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix,sont adoptés, et l’article 31 est ainsi supprimé.

Art. 32

Mme la Présidente - Les amendements 152, 33, 176, 252 et 275 tendent à la suppression de l’article. Ils sont défendus.

Les amendements identiques 152, 33, 176, 252 et 275, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix,sont adoptés, et l’article 32 est ainsi supprimé.

ART. 33

Mme la Présidente - Les amendements 153, 34 et 253 tendent à la suppression de l’article. Ils sont défendus.

Les amendements identiques 153, 34 et 253, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix,sont adoptés, et l’article 33 est ainsi supprimé.

ART. 34

Mme la Présidente - Les amendements 154 et 35 tendent à la suppression de l’article. Ils sont défendus.

Les amendements identiques 154 et 35, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix,sont adoptés, et l’article 34 est ainsi supprimé.

APRÈS L'ART. 34

M. Dominique Tian - Les négociations sur le compte épargne-temps lancées à la suite de l’adoption de la loi du 31 mars 2005 montrent qu’il s’agit d’un outil pertinent. Toutefois, les entreprises hésitent à en créer car la gestion de ces comptes est d’une grande complexité, particulièrement pour les sociétés petites et moyennes. Il conviendrait donc d’en confier la gestion à des organismes paritaires agréés, connaissant parfaitement le fonctionnement et les contraintes des PME. Les conditions de cet agrément et les modalités de fonctionnement de ces organismes seraient fixées par décret. Cette mission pourrait être confiée aux OPCA, puisque le CET peut être utilisé pour indemniser une période de formation en dehors du temps de travail.

M. le Rapporteur – C’est une bonne idée de vouloir diffuser le compte épargne-temps, mais l’on comprend moins bien pourquoi il faudrait en choisir pour support les OPCA, la formation n’étant que l’une des options offertes aux salariés pour l’utilisation de ce qu’ils ont stocké sur leur CET.

Il faudrait en outre étudier les conséquences de cette mesure sur les règles existantes de mutualisation des fonds des OPCA. La commission a donc rejeté ces amendements.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – La proposition de M. Tian ne manque pas d’intérêt, notamment pour les PME. Il n’en reste pas moins que les solutions proposées sont déjà ouvertes par l’article 227-1 du code du travail : il appartient aux partenaires sociaux de définir librement les modalités de gestion des droits du CET, notamment au moyen d’une externalisation auprès des OPCA, tâche dont s’acquittent déjà plusieurs sociétés de gestion. Le problème est de sécuriser les droits stockés en cas de changement d’employeur et d’offrir une sorte de droit de suite aux salariés qui passent d’une entreprise à une autre. Sous le bénéfice de ces éclaircissements, je souhaite le retrait de cet amendement.

L'amendement 190 est retiré.

M. Alain Vidalies – L’amendement 256 vise à faciliter la gestion des œuvres sociales : en application du droit en vigueur, les comités d’établissement peuvent confier au comité central d’une entreprise la gestion d’activités communes, définies par un accord entre le chef d’entreprise et l’ensemble des organisations syndicales représentatives. Une condition aussi restrictive empêche, dans la pratique, cette répartition des tâches. Les établissements peuvent en effet varier par la nature de leur personnel et bénéficier de possibilités très différentes. Soucieux d’une plus grande équité, nous vous demandons d’accepter la solution proposée par l’amendement 256, qui permettrait un meilleur équilibre entre les activités sociales. Il serait bon d’avancer sur ce point !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, mais je reconnais qu’il existe un véritable problème. La règle de l’unanimité syndicale constitue effectivement un frein. La solution logique serait d’appliquer le droit commun issu de la loi du 4 mai 2004, qui prévoit soit une majorité d’engagement soit l’absence d’une majorité d’opposition. Ce n’est pas ce que dit votre amendement, qui impose la première option. J’ajoute que l’adoption de cet amendement transformerait la nature de ce texte, qui s’apparenterait davantage à un projet portant diverses mesures d’ordre social…

M. Gérard Larcher, ministre délégué Il existe un accord unanime sur le principe de cet amendement. Je suis donc favorable à la démarche retenue, mais je regrette que cette proposition ne renvoie pas aux dispositions de la loi de mai 2004. Vous savez pourtant qu’un débat est en cours au sein du Conseil économique et social et que nous attendons les conclusions d’un rapport portant notamment sur la représentativité et les règles de conclusion des accords collectifs. J’ajoute qu’un rendez-vous est prévu sur ce dernier point par la loi du 4 mai 2004.

Pour toutes ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement, même si je tiens à préciser tout de suite que je serais favorable à l’adoption de dispositions sur ce sujet à la faveur de la navette. Si vous aviez expressément renvoyé à la loi de 2004, j’aurais émis un avis favorable, mais nous ne pouvons décemment pas anticiper sur les débats du CES, dont les conclusions devraient être connues au mois de novembre.

M. Alain Vidalies - Compte tenu des engagements du Gouvernement, j’accepte de retirer mon amendement. Vous pouvez compter sur nous pour que cette proposition revienne au Sénat sous la forme que vous avez suggérée, dans l’espoir qu’elle soit adoptée à l’unanimité.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Nous y serons attentifs !

M. Maxime Gremetz - Je reprends à mon compte cet amendement.

L'amendement 256, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 35

M. Michel Charzat – Nous sommes très vigilants sur l’opération de simplification et de recodification du code du travail qui est actuellement menée par le Gouvernement et qui n’a qu’un objectif selon nous : réduire la portée du droit du travail. Par l’amendement 254, nous demandons donc la suppression de l’article 35.

J’ajoute que nous ne partageons pas l’optimisme débridé dont fait preuve le Gouvernement quand il affirme que les travaux sur la partie législative du code sont aujourd’hui achevés. Aux dires des syndicats, il resterait en effet à traiter des parties VI à VIII. Prenons le temps d’un examen approfondi pour mener cette recodification, qui doit avoir lieu à droit constant, comme le rappelle notre amendement 255.

M. le Rapporteur – L’article 35 vise à donner un délai supplémentaire pour la remise en forme du code du travail, chantier très important qui est mené conjointement avec les partenaires sociaux, sous le contrôle de la commission supérieure de codification, qui veille à la clarté du code ainsi qu’au respect du principe de recodification à droit constant.

M. Xavier de Roux - Principe regrettable !

M. le Rapporteur – La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a été associée à ces travaux, considère que le procès d’intention instruit par l’exposé sommaire de l’amendement est inacceptable et demande le rejet de l’amendement 254.

Elle a en revanche accepté le principe de codification à droit constant réaffirmé par l’amendement 255. Je précise également que l’amendement 155 est purement rédactionnel.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Avis défavorable à l’amendement 254 et favorable aux amendements 255 et 155 : le principe retenu a toujours été celui du droit constant.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les diverses consultations ont eu lieu – celle des deux rapporteurs de la commission supérieure de codification, membres du Conseil d’État, celle du comité d’experts composé de membres de la Cour de cassation, d’universitaires, d’avocats et d’un directeur départemental du travail et de l’emploi, celle de la commission ad hoc formée par les partenaires sociaux et celles des directions techniques du ministère et des départements ministériels intéressés ainsi que celle de la commission supérieure de codification, qui a été précédée de réunions de groupes restreints. Nous avons donc respecté une procédure qui garantit la qualité des travaux de recodification en cours !

La rédaction de la partie législative ayant été achevée, il nous reste à consulter, le 19 octobre prochain, les partenaires sociaux et nous devrions ainsi tenir les délais prévus – si du moins le Parlement veut bien nous autoriser à aller jusqu’au terme de cette codification. Celle-ci se fait certes à droit constant, mais elle permettra d’identifier certains problèmes en vue d’une négociation entre les partenaires sociaux et avec eux.

L'amendement 254, mis aux voix, n'est pas adopté.
Les amendements 255 et 155, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 35 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 36

M. le Rapporteur – Les amendements 156 et 36 tendent à supprimer l’article 36 comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer.

Les amendements 156 et 36, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés, et l’article 36 est supprimé.

AVANT L'ART. 37

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 19 2e rectification, relatif aux comités de rémunération au sein des conseils d’administration, ne fait que reprendre les propositions existantes, notamment celles formulées par Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat, dans son rapport sur l’application de la loi de sécurité financière. Ce dernier indiquait en effet que le conseil d’administration doit concilier le caractère collégial de ses décisions avec l’épanouissement interne du principe du contradictoire au sein de ses différents comités, en particulier les comités de rémunération et d’audit, qui mériteraient une meilleure reconnaissance législative.

Nous proposons donc de codifier la composition des comités de rémunération en précisant qu’ils ne doivent comprendre ni le président, ni le directeur général ni les éventuels directeurs généraux délégués dont l’activité viserait à préparer les décisions des comités. La mission de ces comités serait d’examiner toute question relative à la détermination de la part variable de la rémunération des mandataires sociaux ; de définir les règles de fixation de la part variable de ces rémunérations et d’en rendre compte dans un rapport annuel à l’assemblée générale joint au rapport prévu à l’article L. 225-100 de l’application de ces règles ; d’apprécier l’ensemble des rémunérations et avantages perçus par les mandataires au sein d’autres sociétés ; d’apprécier les conséquences pour l’entreprise et les actionnaires des plans d’options donnant droit à la souscription d’actions envisagés ou mis en œuvre, notamment en matière de dilution du capital et de bénéfices par action ; enfin, d’établir un rapport annuel à l’attention de l’assemblée générale des actionnaires.

La commission a longuement discuté de ce sujet, et certains collègues approuvaient même d’expérience notre proposition, que la commission a finalement jugé inutile d’inclure dans le texte. Elle permettrait pourtant d’éviter que les comités de rémunération ne soient que de simples coquilles vides. Au cœur du problème se trouvent les stock-options, qui doivent être codifiées, tant les pratiques en la matière varient d’une entreprise à l’autre. Le législateur s’empare du sujet au gré des scandales, mais n’établit jamais de règles pérennes. Notre système est aujourd’hui bien trop défensif : nous proposons donc de codifier la fonction et la composition des comités de rémunération.

M. le Rapporteur – J’espérais éviter le débat sur les options d’achat : ce mécanisme sans aucune dimension sociale n’a rien à voir avec la participation. Il profite à quelques-uns, n’est pas négocié et ne réconcilie en rien l’entreprise et ses salariés. Certes, il faut intéresser les dirigeants aux performances de leur entreprise, mais le cours de la bourse est-il pour autant le meilleur indicateur, d’autant plus que des mécanismes bancaires garantissent un rendement aux dirigeants, quels que soient leurs résultats ? « Face, je gagne, pile, tu perds » disait M. Stiglitz : le dirigeant l’emporte toujours sur le petit actionnaire ou le salarié. Bien sûr, si la France était une île, on pourrait supprimer les stock-options ou, à défaut, les encadrer. Toutefois, la mondialisation suit son cours et nous devons faire face, en encourageant des pratiques vertueuses qui feront contrepoids aux abus du système des options, telles que la participation, l’actionnariat salarié ou le dividende du travail.

D’autre part, les stock-options ne sont qu’une part des énormes rémunérations des dirigeants d’entreprises – une part certes très élevée en France, de l’ordre de 60 %. Leur principe même, fondé sur l’incitation, est logique. Le problème réside plutôt dans la dérive de la rémunération globale. Afin de moraliser le système des options, il nous paraît plus judicieux de parier sur la transparence et la responsabilisation des organes dirigeants des entreprises, plutôt que sur une solution législative contraignante et imparfaite. C’est pourquoi la commission a adopté l’amendement que M. Balladur va bientôt nous présenter.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Je remercie M. le rapporteur d’avoir ainsi recadré le débat. Le Gouvernement répondra amplement à la proposition de M. le Premier ministre Balladur, mais rejettera l’ensemble des autres amendements sur ce sujet qui n’est pas au cœur du projet de loi. Il émet ainsi un avis défavorable à l’amendement de M. Balligand, qui vise à donner une existence légale aux comités de rémunération. Afin de mieux encourager les bonnes pratiques, nous préférons formaliser la transparence et laisser aux conseils d’administration le soin de désigner les membres de ces comités.

M. Jean-Pierre Balligand - Nous aurions pu consacrer tout une discussion générale à ces amendements. Les comités de rémunération ont déjà une existence réelle ! Depuis plusieurs années, cette bonne pratique s’est développée à l’initiative de MM. Bouton, Bébéar et d’autres qui, issus du monde de l’entreprise, s’inquiétaient de son évolution. Pourquoi la loi ne la codifierait-elle pas ? Certes, nous ne sommes pas là au cœur du débat sur la participation, mais c’est pourtant un sujet essentiel ! L’essor des stock-options ne crée pas seulement un fossé entre chefs d’entreprises et salariés : elle oppose les cadres qui en détiennent à ceux qui s’en inquiètent et que ces pratiques démobilisent. Cessons les grands discours : si vous voulez réellement moraliser cette pratique, la réguler et lui donner plus de cohérence – sans même aller jusqu’à l’exclure, comme certaines le prônent pourtant dans la majorité – pourquoi ne pas retenir la proposition que je fis jadis de lier l’attribution des options à un accord préalable d’intéressement dans l’entreprise ? Voici plusieurs jours que nous parlons de relation entre salariés et entreprises : pour éviter le découplage entre intéressement des employés et rémunération des dirigeants, pourquoi ne pas créer un lien fort entre les uns et les autres ? À défaut, pourquoi s’opposer à ce modeste amendement sur les comités de rémunération, qui est loin d’être révolutionnaire ?

M. Maxime Gremetz - En effet !

L'amendement 19 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Guillaume - L’amendement 289 ne porte pas seulement sur les stock-options, mais sur l’ensemble des rémunérations qui s’y ajoutent : parachute en or, retraite chapeau…

Nous nous devons de moraliser le système. Les avantages de certains mandataires sociaux revêtent un caractère choquant, pour ne pas dire scandaleux. Ils ne sont aucunement liés à leurs compétences – on a vu les fossoyeurs de leur entreprise percevoir des sommes considérables ! – et même s’ils l’étaient, aucun chef d’entreprise, aussi excellent soit-il, n’est irremplaçable et ne peut justifier de telles sommes. Aux États-Unis même, qu’on cite comme la référence en matière de stock-options et autres avantages pour les dirigeants, des voix s’élèvent contre ces pratiques !

Rien ne sert de dénoncer les abus : il faut les empêcher. Il serait vain de supprimer les stock-options : dans les grands groupes internationaux, les patrons français pourraient s’en faire distribuer par leurs filiales étrangères. Il faut donc favoriser la transparence des rémunérations, réduire les avantages liés aux stock-options – comme la pratique du rabais – ou interdire les manipulations – certains lèvent leurs options et les vendent le lendemain même, avec une belle plus-value mais sans le moindre mouvement d’argent. Il faut aussi essayer de répartir les avantages de façon plus équitable entre l’ensemble des salariés, quitte à prévoir des mesures fiscales ou sociales qui seront refusées aux dirigeants.

L’amendement 289 propose donc que le rapport du comité des rémunérations fasse l’inventaire de l’ensemble des rémunérations des mandataires sociaux – pas seulement des stock-options, afin d’améliorer la transparence, et prévoit de faire connaître l’activité et la composition de ces comités.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Le Gouvernement est aussi préoccupé que vous par la transparence et les principes de la rémunération des dirigeants, mais cet amendement fait référence à un comité de rémunération qui n’a pas d’existence légale. D’autre part, l’article L. 225-102-1 du code de commerce dispose que le rapport de gestion remis par le conseil d’administration à l’assemblée générale comporte un chapitre spécifique sur la rémunération des dirigeants, dans tous ses aspects. Votre amendement me semble donc satisfait.

M. François Guillaume - Cet amendement complète utilement les articles L. 225-37 et L. 225-68 du code de commerce.

L'amendement 289, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L’amendement 66 ne tend ni à sauver le système des stock-options, ni à le moraliser, parce que ce n’est tout bonnement pas possible ; il vise à le supprimer. Grâce aux stock-options que leur attribuent régulièrement les conseils d’administration, les dirigeants des sociétés du CAC 40 concentrent un gain potentiel estimé à 700 millions. Ce régime, qui incite les PDG à ne prendre que des décisions propres à valoriser l’action de leur entreprise, alimente la hausse régulière de leur rémunération – qui a été en moyenne de 2,2 millions en 2005 pour l’ensemble du CAC 40. Un des plus beaux exemples est celui du patron de L’Oréal, Lindsay Owen-Jones : il faudrait 499 années de salaire à un de ses employés, payé 1 300 euros par mois – soit un peu plus que le SMIC – pour atteindre sa rémunération mensuelle ! Cela vous fait sourire, mais il faut tout de même se rendre compte de la réalité.

Ces sommes sont-elles gagnées honnêtement ? Quel mérite ont-ils donc ? La responsabilité – mais un haut fonctionnaire n’en a-t-il pas autant ? Leurs compétences – que la rémunération prenne les qualifications en compte, d’accord, mais au nom de quoi M. Owen-Jones gagnerait-il en un mois 500 ans de travail d’un ouvrier qualifié ? Ne trouvez-vous pas cela honteux ? Les salaires des patrons augmentent, ils se cumulent avec les stock-options et autres avantages, sans compter les jetons de présence, loin d’être négligeables… Les gens normaux sont scandalisés, mais vous, vous laissez faire ! Le but de votre « moralisation », c’est de pouvoir justifier le système !

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, vous avez dépassé vos cinq minutes.

M. Maxime Gremetz - M. Balligand a très largement dépassé son temps de parole, et je n’ai rien dit.

Mme la Présidente - Je tiens les minutages à votre disposition. Vous avez déjà parlé plus longtemps que M. Balligand.

M. Maxime Gremetz - L’importance du débat le justifie.

Mme Martine Billard – Je partage certaines remarques du rapporteur et de M. Guillaume. On sait que 80 % des entreprises du CAC 40 disposent de plans de stock-options qui ne bénéficient en tout qu’à 1 % des salariés – et encore, très inégalement répartis suivant les entreprises. C’est choquant pour ceux qui travaillent dur, mais aussi pour bon nombre de chefs d’entreprises qui ne se préoccupent pas que d’argent, mais de la qualité de leur production ou de ce qu’elle apporte au pays. J’aimerais connaître le montant annuel des stock-options versées en France – ou du moins une estimation aussi juste que possible compte tenu du manque de transparence qui prévaut dans ce domaine. Nous pourrions ainsi avoir un ordre de grandeur, à comparer par exemple avec les sommes versées pour l’intéressement.

Il est difficile de demander à des salariés de se serrer la ceinture ou à des petits patrons d’essayer de maintenir leur entreprise à flot alors que d’autres réalisent des profits inimaginables en vendant leurs stock-options au bon moment, avant de prétendre qu’ils n’avaient aucune idée des difficultés de leur entreprise – et pendant ce temps, les dirigeants politiques essayent de redonner de la valeur au travail… À l’origine, les stock-options permettaient aux jeunes entreprises qui avaient peu de capitaux d’attirer les talents.

Or, aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir, d’où les scandales que nous connaissons. Il est de plus curieux de croire que le fait de faire monter la valeur d’une entreprise en bourse améliorera sa gouvernance. Plusieurs solutions existent en la matière : plus de transparence ou interdiction aux mandataires sociaux de réaliser ces stock-options tant qu’ils ont ce statut – sinon, quoi qu’il en soit, il est difficile d’échapper au délit d’initié. Si l’on veut redonner confiance dans la valeur « travail », il faut promouvoir plus d’égalité et ne pas permettre que des dirigeants réalisent de super plus-values sans montrer qu’ils sont les meilleurs ou qu’ils travaillent plus que les autres.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public sur l’amendement 66.

Mme la Présidente - Sur l’amendement 66, je suis saisie par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz – Le Gouvernement et la commission n’ont donc rien appris. Cela m’étonne qu’ils n’aient pas regardé le bulletin de la Banque de France du mois d’août. Selon celui-ci, les profits record des grandes entreprises ne nourrissent plus l’investissement. C’est une situation sans précédent, paradoxale et lourde de conséquence. Dans de nombreux cas, les profits sont à leur plus haut niveau depuis des décennies. Il est probable que le fonctionnement du marché du travail a évolué dans un sens défavorable aux salariés permettant une hausse des taux de marges des entreprises malgré le caractère peu concurrentiel du marché des biens. La Banque de France, toujours elle, ajoute que le théorème d’Helmut Schmidt selon lequel les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain a vécu. Le ratio entre l’investissement et le PIB se situe à son plus bas niveau depuis une dizaine d’années dans l’ensemble des pays du G7. Les entreprises ne savent pas quoi faire de leur fric ! Elles privilégient les placements financiers sur les investissements physiques. Et les stocks-options relanceraient la croissance ? D’après la Banque de France, un tel phénomène expliquerait pourquoi tant de bénéfices sont redistribués aux actionnaires malgré la forte croissance de l’économie mondiale et la profitabilité de nombreux investissements. Et vous ne voulez pas voir cela ! Quand vous parlez de stock-options, je sors mon fusil ! On ne peut tolérer de tels dispositifs dans une société où, selon le CERC, le niveau de vie des salariés a régressé.

À la majorité de 21 voix contre 5, sur 26 votants et 26 suffrages exprimés, l’amendement 66 n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 1 heure 40, est reprise à 1 heure 45.
L'amendement 279, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Guillaume – Mon amendement 286 est proche de celui que va défendre M. Balladur. Je propose simplement de soumettre à l’assemblée générale extraordinaire la décision de fixer le volume des stock-options dont peuvent bénéficier les mandataires sociaux. Le conseil d’administration est quasiment coopté ; la ratification des administrateurs par l’assemblée générale n’est qu’une formalité ; enfin les administrateurs ont tout intérêt à ouvrir largement l’accès aux stock-options. Le risque est de ne pas être assez strict au regard de cette distribution. Ceci étant dit, je retire cet amendement au profit de celui de M. Balladur.

Par l’amendement 295, je propose d’autre part que les mandataires sociaux qui ont levé des stock-options ne puissent pas les vendre avant la fin de leur mandat, ceci afin de réduire le risque de délit d’initié.

Compte tenu de l’importance des stock-options distribuées, les intéressés n’ont généralement pas les moyens d’acheter les options qui leur sont offertes. Le système qui s’est mis en place, un simple jeu d’écritures entre la levée de l’option et la vente des actions, permet un bénéfice substantiel par différence. L’amendement 287 entend mettre fin aux polémiques que suscite cette pratique.

Enfin, l’amendement 288 vise à obliger les dirigeants d’entreprise à opter entre les stock-options et l’attribution d’actions gratuites.

M. Édouard Balladur - J’ai entendu dire que le problème des options d’achat était sans rapport avec la participation. Mais les options d’achat ne sont pas réservées aux dirigeants : elles peuvent bénéficier à tous les salariés de l’entreprise.

En second lieu, je suis convaincu que les actions gratuites sont infiniment préférables aux options d’achat. C’est la raison pour laquelle nous avions déposé en 2004 une proposition de loi pour favoriser l’attribution d’actions gratuites aux salariés, qui a été reprise dans la loi de 2005. Les actions gratuites tendent aujourd’hui à prendre le pas sur les options d’achat, y compris aux États-Unis et je m’en réjouis. Pourquoi cette préférence ? Les actions gratuites donnent lieu à moins de spéculations ; elles diluent moins le capital et les montants distribués sont moins importants.

L’amendement 2 ne concerne que les seuls mandataires sociaux, qui peuvent ou bien se voir interdire le droit de lever leurs options pendant la durée de leur mandat, ou bien avoir l’obligation d’en conserver une partie. C’est le conseil d’administration ou de surveillance qui en décide – et je remercie François Guillaume de s’être rallié à cette proposition.

Les modalités de rémunération des mandataires sociaux doivent d’autre part être mentionnées dans le rapport que le président du conseil d’administration ou de surveillance présente à l’assemblée générale. L’Autorité des marchés financiers peut se prononcer sur ces pratiques et ces rémunérations, afin que puissent être établies des règles de place.

Le ministre des finances a souhaité que ces dispositions soient étendues aux actions gratuites distribuées, d’où un sous-amendement de M. Dubernard que je soutiens.

M. le Rapporteur – Je vous rejoins volontiers sur les actions gratuites. La commission a adopté cet amendement : les règles seront peut-être plus strictes, mais le choix entre plusieurs solutions sera laissé au conseil d’administration, et tout cela sera rendu public avec, notamment, l’intervention de l’AMF.

Permettez-moi d’insister sur quelques points au nom de nos deux commissions. L’amendement vise uniquement les mandataires sociaux, car il serait injustifié de soumettre tous les salariés de l’entreprise à l’interdiction de la revente. Il offre au conseil d’administration un choix entre deux options, sans fixer a priori la proportion des actions que les mandataires sociaux devraient conserver jusqu’à la fin de leur mandat. Ce sont des mesures de bon sens. La délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance sera portée à la connaissance de l’assemblée générale des actionnaires et de l’AMF.

Pour des raisons d’équité, le sous-amendement 343 étend aux actions gratuites le mécanisme prévu pour les options. L’attribution d’actions gratuites constitue en effet une libéralité de l’entreprise à ses dirigeants au même titre que l’attribution d’options. Il nous paraît préférable d’instaurer deux dispositifs parallèles : les conseils d’administration devront séparément définir des règles de conservation pour les options et actions qui en sont issues et pour les actions gratuites. Cees règles peuvent être différentes, notamment si les attributions d’options et d’actions gratuites ont eu lieu dans des contextes différents. Ce traitement séparé évitera de faire porter tout l’effort de conservation sur une seule catégorie de titres.

M. Xavier de Roux - Je retire mes sous-amendements 48, 49 et 50. Je redis cependant que les options d’achat sont un instrument de participation, puisqu’elles ne sont pas réservées à une qualité de salarié dans l’entreprise. Ce qui pose problème, ce sont les options d’achat des mandataires sociaux. Il y a en effet un risque de délit d’initié. Dès lors que l’on assure la transparence et que l’on prévoit des obligations de conservation ou des interdictions de vente, on pare à ce risque.

Je n’étais pas hostile à l’amendement de notre collègue Balligand sur le comité des rémunérations, dont toutes les entreprises de bonne gouvernance se sont dotées. Le rapport du PDF sur le montant des rémunérations répond cependant aussi ,à l’exigence de transparence.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Je remercie MM. Guillaume et de Roux d’avoir retiré leurs amendements au profit de celui de M. Balladur.

Je rappelle la réglementation en vigueur en matière de plan d’acquisition d’actions – terme qui couvre à la fois les options d’achat et les options de souscription d’actions. Il existe des principes de transparence et d’encadrement.

Il existe quatre types de mesures visant à assurer la transparence et l’encadrement. D’abord, le fait que les options sont attribuées par le conseil, sur autorisation des actionnaires ; d’autre part, le fait que les prix auxquels sont consenties ces options sont limités, puisqu’ils ne peuvent excéder 80 % de la référence du cours boursier au cours des dix jours précédant la mise à disposition ; ensuite, des fenêtres négatives permettent d’encadrer l’attribution ; enfin, s’agissant des règles de transparence, il est prévu d’établir un rapport spécial sur les options d’acquisition d’actions, en vertu des articles L. 225-184 et L. 225-201-1.

En l’état actuel de la réglementation, il n’existe pas de véritable règle d’encadrement de l’exercice de l’option ou de la cession des titres issus des levées d’options, ces dernières étant laissées à l’appréciation des entreprises, lesquelles se dotent – cela a été relevé – de codes internes pour régler ces questions.

L’amendement 2 propose l’encadrement par le conseil d’administration – ou de surveillance, en fonction de la nature de la société – de la levée des options et la cession des titres, selon un mode alternatif. Il complète très judicieusement le dispositif actuel.

Le sous-amendement proposé conjointement par MM. les présidents Dubernard et Ollier demande d’étendre les mêmes dispositions aux attributions d’actions gratuites, dont le mécanisme est assez proche des options d’acquisition d’actions. Cette proposition nous semble d’autant plus opportune que le Gouvernement souhaite développer ces attributions d’actions gratuites.

Enfin, l’amendement de M. Balladur tend à accroître la transparence des règles arrêtées par le conseil pour déterminer la rémunération des dirigeants et donne, à cet égard, compétence à l’AMF pour approuver des recommandations de gouvernance d’entreprise. Ces deux mesures vont dans le sens de la promotion des normes de place et le Gouvernement y est tout à fait favorable.

Avis favorable du Gouvernement à l’amendement 2, donc, sous réserve de l’adoption du sous-amendement 343 de vos deux commissions.

Mme la Présidente - Madame la ministre, M. Guillaume a retiré son amendement 286, mais pas ses amendements 295, 287 et 288 : quel est l’avis du Gouvernement à leur sujet ?

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Défavorable.

M. François Guillaume - Le rapporteur propose de retenir une règle identique pour les actions gratuites distribuées et pour les levées d’options d’achat. Cela ne me semble pas judicieux car nous ne sommes pas dans les mêmes logiques. Les options levées le sont au prix du jour de l’attribution d’option, parfois diminué de 20 %. Alors, on ne va pas appliquer une règle aussi rigoureuse pour les actions distribuées assez largement aux salariés que celle qui doit être retenue pour les options d’achat réservées aux mandataires sociaux et à quelques-uns. Dans la mesure où ce ne sont pas les mêmes avantages qui sont en jeu, il n’y a pas lieu d’appliquer la même règle. Je ne voterai pas ce sous-amendement.

M. Jean-Pierre Balligand - J’ai bien entendu la réponse de Mme Lagarde à l’amendement de M. Balladur et je voudrais dire mon désaccord sur cet amendement. Je comprends bien ce que M. Balladur veut faire mais la question centrale, ce sont bien les écarts croissants de rémunérations annexes d’un certain nombre de dirigeants.

Prenons le cas douloureux – et pendant – d’EADS : lorsque M. Forgeard a été auditionné par nos commissions, ses déclarations furent tout de même assez stupéfiantes puisqu’il a indiqué qu’il ne savait pas que la livraison de l’avion prendrait énormément de retard. Or, c’est le lendemain de la levée de ses options qu’est intervenue cette annonce… C’est une affaire un peu douloureuse, puisque des milliers de salariés d’EADS sont au centre des restructurations en cours. La question de la rémunération des mandataires sociaux est donc essentielle. Les tentatives de moralisation de M. Balladur sont bienvenues, mais il place le centre de décision au sein du conseil d’administration. En quoi cela changera-t-il quelque chose puisque les mandataires sociaux qui siègent au conseil d’administration s’octroient eux-mêmes des stock-options pour des montants souvent très élevés ? Pour Vinci, M. Zacharias a tout de même perçu 173 millions dans le cadre d’une affaire qui ne témoignait pas d’une bonne gouvernance ! En quoi l’amendement de M. Balladur remédiera-t-il à de tels cas ?

Pourquoi ne pas passer plutôt par une assemblée générale des actionnaires, dans la mesure où les petits actionnaires sont très attentifs au risque de dilution du capital qui s’attache aux stock-options ? Même aux États-Unis, il existe un mouvement pour remettre en question la généralisation des options d’achats.

Si l’on circonscrit la décision au conseil d’administration, expliquez-moi en quoi cela mettra fin aux dysfonctionnements constatés dans le monde des entreprises. À trop légiférer de manière défensive, on ne remet jamais véritablement en question les dispositifs et c’est la raison pour laquelle mon groupe en arrive à considérer qu’il vaudrait mieux supprimer la législation sur les stock-options, car on ne voit pas comment un dispositif tel que celui qui nous est proposé changera la donne. Or, les dysfonctionnements constatés portent sur des millions d’euros. On est loin de l’esprit d’origine, qui consistait à compenser l’absence de capital des jeunes entreprises innovantes. Le problème concerne aujourd’hui des entreprises très capitalisées, où les dispositifs de rémunérations complémentaires tendent à se multiplier. J’ai lu attentivement le rapport de M. Guillaume et il faut, à certains moments, savoir ce que l’on veut. On ne peut pas dire dans cette enceinte que les choses ne se passent pas bien et se contenter de dispositions inefficaces pour redresser la situation.

Mme la Présidente - Sur le vote de l’amendement 2, je suis saisie par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Xavier de Roux - Je voudrais dire à M. Guillaume qu’il faut distinguer les options d’achat qui sont payées par celui qui en bénéficie – c’est une option qu’il achète – et les attributions d’actions gratuites, lesquelles constituent un don. Ce n’est pas de même nature, même si les deux provoquent une dilution du capital.

Pour en revenir au rôle du conseil d’administration et à la présentation qu’en a fait M. Balligand, en s’appuyant notamment sur l’exemple de Vinci : c’est bien le conseil d’administration qui a provoqué l’éviction de M. Zacharias…

M. Jean-Pierre Balligand - En effet. Mais tel n’a pas été le cas pour M. Forgeard.

M. Xavier de Roux - Ce qui me semble important, c’est qu’il y ait une juste et complète information des assemblées d’actionnaires. Dès lors que l’assemblée générale des actionnaires est destinataire d’un rapport spécial et qu’elle connaît la rémunération des mandataires sociaux, son vote a une résonance particulière pour le conseil d’administration.

Enfin, s’agissant d’EADS, nous sommes manifestement au bord du délit d’initié. Le parquet a ouvert une enquête et je ne préjuge pas de ses résultats. En tout cas, il ne faut pas tout mélanger et éviter toute démagogie.

M. le Rapporteur – Très bien.

M. Édouard Balladur - Je rappelle que j’ai été le premier à prendre l’initiative d’une proposition de loi sur ces sujets, aujourd’hui transformée en amendement. M. Balligand prétend aujourd’hui que le dispositif que je propose n’est pas assez ambitieux et ne résoudra aucun problème. Or, il y a deux problèmes : il faut d’abord éviter les délits d’initiés et, ensuite, les rémunérations trop importantes des dirigeants. S’agissant des délits d’initié, avec l’obligation de conserver les options un certain temps – voire pendant toute la durée des fonctions –, les conseils d’administration ou de surveillance auront la possibilité de les éviter : première réponse à la première question.

Deuxième reproche de M. Balligand : vous ne faites rien au sujet des rémunérations trop importantes ; je vous dirai trois choses. D’abord, la publicité – améliorée par ce texte – constitue un frein aux excès. Ensuite, en préférant la distribution d’actions gratuites aux options d’achat, on évite la dilution du capital et on distribue des montants moins importants. Enfin, l’obligation de conserver les options un certain temps évitera les mouvements spéculatifs.

Avec cet amendement, je n’ai pas prétendu tout résoudre, mais nous donnerons un signal.

M. Maxime Gremetz - Si j’ai demandé un scrutin public sur l’amendement 2, c’est qu’il est symbolique…

M. Édouard Balladur - Vous le voterez donc…

M. Maxime Gremetz - Tout dépend de quel symbole on parle… En quoi le fait d’être président d’une entreprise justifie-t-il l’attribution de stock-options alors même que les salaires, déjà considérables, des mandataires sociaux vont toujours croissant ? Cela se justifie d’autant moins que l’argent ainsi distribué ne sert pas, ensuite, aux investissements industriels et techniques qui nous font défaut – il est absorbé par des placements financiers qui contribuent à faire grossir une bulle spéculative. Dans le même temps, les petits actionnaires d’Eurotunnel se font spolier de manière scandaleuse, eux qui, par milliers, ont financé cette réalisation fantastique que les pouvoirs publics français et britanniques ont refusé de payer.

C’est le salaire qui doit faire la rémunération, et rien d’autre. Libre ensuite aux chefs d’entreprise d’investir en bourse l’argent qu’ils auront gagné, mais c’est une autre histoire.

Les amendements 295, 287 et 288, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Le sous-amendement 343, mis aux voix, est adopté.
À la majorité de 21 voix contre 4, sur 25 votants et 25 suffrages exprimés, l’amendement 2 ainsi sous-amendé est adopté.

M. François Guillaume – Je défendrai de conserve les amendements 294, 290 et 291. Par l’amendement 294, je propose de supprimer le rabais de 20 % qu’il est actuellement possible de consentir sur le cours des actions acquises dans le cadre d’un plan de stock options. Je fais par ailleurs observer à mon collègue Xavier de Roux que les stock-options doivent certes être achetées mais que le rabais actuel de 20 % fait qu’en réalité une action sur cinq est gratuite… D’autre part, ceux qui bénéficient de tels plans savent vendre au meilleur moment. Il n’est pas certain, en revanche, que les salariés auxquels on a distribué quelques actions gratuites et qui doivent les vendre parce qu’ils ont besoin de libérer ce pécule puissent attendre que le marché soit au plus fort.

Par l’amendement 290, je propose, pour clarifier les choses, de confier l’administration des stock options à un mandataire extérieur à la société – un commissaire aux comptes différent de celui qui certifie les comptes de la société.

Enfin, l’amendement 291 vise à imposer au taux le plus favorable les seuls plans largement diffusés au sein du personnel des entreprises. Ce serait une incitation à ne pas réserver ce dispositif aux mandataires sociaux et au petit groupe de cadres supérieurs qui les entoure.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement 294 car il n’envisage pas tous les cas possibles. Mieux vaut donc se référer aux règles de place prévues dans l’amendement 2 qui vient d’être adopté que de prévoir une solution qui, parce qu’elle est générale, ne sera pas satisfaisante à tout coup.

La commission a également repoussé l’amendement 290, considérant que la gestion sous mandat ne pouvait être confiée à un commissaire aux comptes, dont ce n’est pas la mission et qui n’est sans doute pas habilité à la remplir. Elle n’a pas non plus adopté l’amendement 291, estimant que l’administration fiscale sera dans l’impossibilité de connaître l’ampleur de la diffusion des options au sein d’une société donnée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements. La possibilité de rabais de 20% sur le cours de bourse que vous souhaitez supprimer par l’amendement 294 n’est pas très souvent utilisée, et les dispositions contenues dans l’amendement 2 modifié que votre Assemblée vient d’adopter rendent la proposition inopportune. Quant à confier l’administration des stock-options à un commissaire aux comptes extérieur à l’entreprise, cela ne se peut car les commissaires aux comptes de sont pas autorisés à faire de la gestion pour compte de tiers. Mais les modalités de la gestion des plans pourrait faire l’objet d’une règle de place.

Pour ce qui est de l’amendement 291, le Gouvernement est d’avis de maintenir la règle qui veut que l’assemblée générale et le conseil d’administration définissent les modalités de fonctionnement des plans de stock-options plutôt que de prévoir des incitations fiscales à une plus large diffusion de l’attribution d’options au personnel.

Les amendements 294, 290 et 291, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Balligand - Par l’amendement 12 rectifié, je reprends l’idée de lier à la signature ou au renouvellement d’un accord d’intéressement la possibilité d’offrir aux mandataires sociaux dirigeants de la société toute forme de rémunération variable, car l’ensemble des salariés de l’entreprise doit bénéficier des performances auxquelles chacun contribue. Par ailleurs, le mode d’évaluation de la performance future de l’entreprise réalisé lors de la définition d’un accord d’intéressement pourrait utilement inspirer les critères d’attribution de la part variable de rémunération offerte aux mandataires sociaux.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement, qui instituerait un amalgame entre politique de l’épargne et politique salariale en tous points contraire à l’objectif du texte.

L'amendement 12 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand – Les plus-values réalisées dans le cadre des mécanismes de stock-options concourent à créer une pension supplémentaire à leurs bénéficiaires. Il s’agit donc, par l’amendement 302, d’instituer sur ces plus-values une taxe additionnelle au prélèvement social, au taux de 8 %, dont le produit sera automatiquement versé au Fonds de réserve pour les retraites.

M. Maxime Gremetz - Et 8 %, c’est bien un minimum !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement qui pose un véritable problème de forme, car les renvois au code du travail sont erronés. Et surtout, loin de conduire à une simple taxation des plus-values réalisées grâce aux options d’achat, cet amendement débouchera sur une super-taxation de l’ensemble des revenus financiers patrimoniaux, ce que nous ne pouvons pas accepter.

M. Maxime Gremetz - Le contraire m’eût étonné !

L'amendement 302, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 301 est défendu.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement. Dans son principe, le bouclier fiscal vise en effet l’ensemble des revenus : nous devons éviter d’exclure certains d’entre eux ! J’ajoute que la portée réelle de cet amendement devrait être très faible, le bouclier fiscal ayant été institué pour les contribuables dont les revenus imposables sont faibles, mais qui sont assujettis à des impôts locaux ou à un impôt sur la fortune trop lourds pour eux, soit parce que leur capital n’est que peu productif, soit qu’ils ne peuvent en percevoir les fruits – et il ne me semble pas que les dirigeants des grandes entreprises entrent dans ces deux catégories !

L'amendement 301, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 37

M. le Rapporteur – Par l’amendement 157, nous proposons de supprimer l’article 37, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

L'amendement 157, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l’article 37 est supprimé.

ART. 38

M. le Rapporteur – L’amendement 158 supprime l’article.

L'amendement 158, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l’article 38 est supprimé.

ART. 39

M. le Rapporteur – L’amendement 159 tend à supprimer l’article.

L'amendement 159, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l’article 39 est supprimé.

ART. 40

M. le Rapporteur – L’amendement 160 relève de la même logique.

M. Maxime Gremetz - Tant qu’on supprime, nous sommes d’accord !

L'amendement 160, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l’article 40 est supprimé.

ART. 41

L'article 41, mis aux voix, est adopté.

ART. 42

M. le Rapporteur – L’amendement 161 supprime cet article.

L'amendement 161, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l’article 42 est supprimé.

ART. 43

M. le Rapporteur – L’amendement 162 est de coordination.

L'amendement 162, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 43 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 44

M. Maxime Gremetz – Le Gouvernement propose de modifier l'article 13 de la loi du 16 juillet 1984 en prévoyant que les sociétés anonymes sportives professionnelles pourront demander à être cotées en Bourse, ce qui reviendrait à consacrer une double victoire : celle du patron de l'Olympique Lyonnais, dont l'intense lobbying va mettre fin à l’exception française, mais aussi celle de Bruxelles. Dès avril 2004, la Commission avait en effet mis la France en demeure de lever son interdiction, avant de menacer, le 14 décembre dernier, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes.

Sur ce sujet, j’avoue mon étonnement, Monsieur le ministre : n’affirmiez-vous pas en 2003, dans un entretien publié par le magazine Le Revenu, que « la Bourse et le football n'ont pas grand-chose à faire ensemble » ? Vous semblez oublier aujourd’hui les très fortes désillusions qu’ont connues la plupart des 37 clubs cotés en Europe depuis 1983. Leur cours actuel est généralement inférieur au prix d'introduction. C’est que leurs résultats financiers dépendent dans une large mesure de leurs résultats sportifs, qui sont aléatoires par nature. L’exemple du club de Dortmund laisse songeur : introduit à 11 euros, le titre est aujourd'hui descendu à moins de 2,50 euros ! Et alors que la législation espagnole permet, depuis 2002, la cotation des clubs de football, aucun d’entre eux ne s'est jusqu’à présent risqué sur le marché ! En Italie, il n’existe que trois clubs cotés, dont les résultats sont médiocres. Quant à l’Angleterre, le mouvement de cotation engagé dans l’enthousiasme au cours des années 1990 n’a pas connu de suite ; il s'est même inversé, plusieurs clubs ayant renoncé ou s'étant retirés, comme Sunderland, Chelsea, Tottenham et Manchester United, pourtant présenté comme le club de football le plus rentable au monde !

Mais cet article 44 ne va pas seulement à rebours des tendances européennes : il est également loin de faire l'unanimité dans notre pays. L'AJ Auxerre, par exemple, n’est pas preneuse ! « La Bourse n'est pas le problème de l'AJ Auxerre », affirme Jean-Claude Hamel, le président du club, qui poursuit : « Je ne voudrais pas tromper les gens sur ce phénomène qui est trop lié aux incertitudes du sport. J'en aurais honte. »

Votre non-sens économique démontre votre incapacité à porter un projet politique échappant aux lois du marché, alors que le maintien du rôle social du sport suppose le respect d'un socle commun de principes sportifs, fondement qui ne saurait survivre si le pouvoir de l'argent devenait la seule norme de référence. Dans votre esprit, Monsieur le ministre, le sport n'est hélas rien d’autre qu'un produit marchand dans une société marchande. Selon vous, le sport professionnel devrait donc être régi, comme toute activité marchande, par des règles de concurrence, de sélection, de concentration et de recherche du profit. Pierre de Coubertin doit se retourner dans sa tombe !

C’est que vous avez bien changé en trois ans, Monsieur le ministre : alors que vous affirmiez en 2003 que la Bourse « n’est pas dans la culture sportive française », vous avez déclaré cette année que, grâce au flux financier généré par de nouvelles activités – restaurants, hôtels, etc. – le stade doit devenir un « centre de vie et de profit ».

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Et alors ?

M. Maxime Gremetz - Vous avez cédé aux sirènes de la finance et l’exception française est bel et bien enterrée. Nous en reparlerons bientôt, je vous le promets, mais vous ne serez plus ministre pour le voir !

M. Henri Nayrou – Nous venons d’amputer ce projet de loi de 15 articles, ce qui démontre la capacité du Gouvernement et de la commission à faire la distinction entre le nécessaire et l’accessoire. Or, l’article qui méritait le plus de disparaître de ce texte, est précisément l’article 44, qui est maintenu !

En effet, ce cavalier législatif tend à introduire à la hussarde la cotation des clubs sportifs, au terme d’un parcours bien particulier : quelques clubs de football, puissants mais déficitaires, menés par un club, ou plutôt une société sportive, elle aussi puissante mais bénéficiaire, ont fait le siège des gouvernements successifs. À gauche comme à droite, on a dit « non » en France, mais pas à Bruxelles – bien au contraire ! Si M. Lamour a d’abord résisté, écoutant le sportif qui est en lui, il a ensuite plié devant l’injonction de l’Europe et des lobbys.

Avec cet article, ce n’est pas une porte qui s’ouvre, mais une page qui se tourne dans le grand livre des sports français. J’avais apprécié les propos que vous teniez en 2003 dans Le Monde, et que Maxime Gremetz vient de rappeler, mais j’ai beaucoup moins goûté la façon dont vous avez essayé, en 2006, de justifier votre capitulation – à vous écouter, la cotation en bourse ne serait pas la moins bonne manière de faire construire leurs propres stades par les clubs sportifs… Sachez que cet argument pèse aussi peu dans cet hémicycle que les actions des clubs cotés dans les corbeilles boursières !

La presse ne s’y est d’ailleurs pas trompée – jugez-en d’après les gros titres : « Piètres résultats sur le terrain boursier » ; « Les clubs de football ont-ils leur place en bourse ? » ; « Le football est un placement risqué » ; « La France est dubitative face à la cotation du foot » ; « Piètres performances pour les clubs de foot en bourse ». En effet, si l'on se réfère à l'indice DJ Stoxx Football, qui regroupe 27 clubs européens, on constate que le parcours de bon nombre d'actions de clubs professionnels reste erratique. Sur 42 clubs cotés dans huit pays d'Europe, moins de 10 % présentent aujourd'hui un cours supérieur à celui de leur introduction sur le marché !

À l’évidence, le modèle économique des clubs européens n'est pas attractif pour les marchés : ces clubs dépendent trop des droits versés par les télévisions, 60 % des revenus des équipes françaises provenant de cette source et risquant de chuter du fait de la fusion entre Canal Plus et TPS ; les clubs ne maîtrisent pas leurs charges salariales, les salaires des joueurs ayant augmenté de 10 % à 20 % chaque année depuis l'arrêt Bosman, tandis que 80 % du budget des clubs sont dévolus aux charges salariales ; l'économie des clubs dépend trop des résultats sportifs, c’est-à-dire parfois d’un poteau rond ou carré, au point qu’une relégation en division inférieure a une grande influence sur le cours des actions, ce qui ne correspond guère à la préférence des marchés pour le moyen ou long terme, incompatibles avec l’horizon saisonnier des clubs ; ces derniers sont d'autant moins attrayants que l'essentiel de leurs marges financières est capté par les joueurs et leurs agents, phénomène qui n’a fait que s’accélérer faute de législation sur ce point.

Je ne cherche pas à vous convaincre, Monsieur le ministre, que la Bourse n’est pas une panacée en la matière, car vous l’avez maintes fois rappelé avant de céder aux injonctions de la Commission Européenne. Mais le traité de Nice, toujours en vigueur, souligne la spécificité de l’activité sportive et garantit une marge de manœuvre suffisante. Le recours à l’appel public à l’épargne n’est donc pas essentiel au renforcement de la capacité financière des clubs professionnels. En revanche, il est indispensable de mettre un terme à la distorsion de concurrence qui sévit en Europe.

J’ai rappelé lors de la discussion générale la réunion surréaliste qui a eu lieu dans votre ministère le 31 janvier dernier, qui laissait hélas présager le destin tragique de l’éthique sportive. Honte aux dirigeants qui y réclamaient toujours plus de profits !

En 2004, vous défendiez encore la création d’une direction nationale de contrôle de gestion – DNCG – européenne qui, bien plus que la cotation en bourse, aurait permis de lutter contre la distorsion de concurrence. Pourtant, vous avez cédé aux injonctions de la Ligue et d’autres lobbyistes redoutablement efficaces. Les digues cèdent une à une : la spécificité du système sportif français est en danger. Mais les conseilleurs ne sont pas les payeurs…

M. Maxime Gremetz – Très bien ! L’amendement 177 tend à supprimer l’article.

M. Henri Nayrou - Tout comme l’amendement 202. Cet article est un cavalier incongru. Le sport n’est pas une marchandise comme les autres ; le club est un investissement boursier original, à la merci des échecs du système. Cet article servirait moins les intérêts du football professionnel que de ses dirigeants, qui comptent bien profiter de cette cotation malsaine. Nous ferons les comptes en temps voulu…

M. Maxime Gremetz - Exactement !

M. Henri Nayrou - Ce soir, Monsieur le ministre, est pour nous ce qu’hier était pour vous : non, non et non !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Je resterai à l’écart de la passion qui anime les propos de nos collègues. Néanmoins, l’expérience de M. Aulas, qui n’est pas un amateur, doit être prise en compte.

M. Maxime Gremetz - L’expérience de faire du fric…

M. le Rapporteur – En matière de football comme d’options d’achat, la France n’est pas une île. Cet article est rendu nécessaire par un avis de la Commission européenne…

M. Maxime Gremetz - Mais non ! Vous ouvrez le parapluie !

M. le Rapporteur - …selon lequel l’interdiction de faire un appel public à l’épargne constitue une entrave à la libre circulation des capitaux, disproportionnée par rapport à l’objectif de protection des investisseurs. L’article 44 ainsi rédigé permet donc de satisfaire à l’équilibre entre l’exigence européenne d’ouvrir la possibilité juridique de l’appel public à l’épargne et l’obligation pour les sociétés qui y ont recours d’établir un projet de développement d’actifs ou d’équipements garantissant leur stabilité.

M. Maxime Gremetz - Ce serait donc la faute à l’Europe !

M. Jean-François Lamour, ministre – Sans plus m’abandonner à la passion que M. le rapporteur, je rappellerai combien j’ai toujours considéré que le recours à l’épargne publique était une question seconde – d’autres priorités législatives s’imposaient, comme la loi sur le sport professionnel – ; et secondaire – seul un petit nombre de clubs est concerné. Il faut néanmoins modifier la loi depuis que la Commission européenne, jugeant que les règles du marché intérieur doivent s’appliquer en la matière, a enjoint à la France de lever l’interdiction absolue de recours à l’épargne publique. Si le traité constitutionnel avait été approuvé, nous n’en serions pas là ! Ceux qui l’ont rejeté portent une certaine responsabilité à cet égard.

M. Maxime Gremetz - Je l’assume ! Où est le général de Gaulle qui savait dire non ?

M. Jean-François Lamour, ministre – Je vous rappelle en outre que plusieurs clubs comme Lille, Lens ou encore Lyon, ont porté le contentieux devant la Commission européenne.

Quant à la DNCG européenne, je suis d’accord avec vous, Monsieur Nayrou : elle est nécessaire. Hélas, le rejet du traité constitutionnel nous empêche d’engager cette action concertée.

Depuis quatre ans, je me suis efforcé de convaincre la Commission européenne que la levée inéluctable de l’interdiction du recours à l’épargne publique devait être assortie de précautions visant à sécuriser l’épargne. En effet, une société sportive n’est pas un investissement comme les autres. Le recours à l’épargne publique, lié aux résultats du club, serait préjudiciable à l’équilibre de notre système et dangereux tant pour l’épargnant que pour l’éthique sportive. C’est pourquoi l’article 44 en encadre l’accès en imposant aux sociétés anonymes sportives de communiquer à l’Autorité des marchés financiers des informations sur leur projet de développement, notamment la détention d’un droit réel sur les équipements sportifs. La Commission européenne refuserait que l’on exige la propriété d’un stade, mais l’acquisition d’actifs – notamment la construction d’une enceinte sportive – est essentielle à la compétitivité de nos clubs. Le texte vise à rattraper le retard de la France en la matière. La construction ou l’acquisition d’un stade permet à un club de renforcer ses actifs, de diversifier ses recettes et de mieux s’ancrer dans son territoire.

Nous répondons donc à une double exigence : respecter le droit communautaire et sécuriser le recours à l’épargne publique. Cet équilibre était souhaité par l’ensemble du mouvement sportif et par les maires des villes concernées – je m’étonne à ce titre que le maire socialiste de Lyon soutienne cette mesure alors que son parti la rejette.

Enfin, si vos amendements de suppression étaient adoptés, ils aboutiraient à l’effet inverse de celui que vous recherchez : la France serait dès lors contrainte d’appliquer le recours à l’épargne publique sans limites. Je demande donc le rejet de ces deux amendements.

Mme la Présidente - Sur le vote des amendements de suppression 177 et 202, je suis saisie par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Henri Nayrou - Puisque vous évoquez Lyon, permettez-moi de vous demander ce que va devenir Gerland. La mission d’évaluation et de contrôle sur les effets nocifs des normes fédérales en matière d’équipements sportifs, dont j’étais le co-rapporteur, avait conclu que les clubs professionnels devaient être propriétaires de leurs installations pour y faire du commerce, et sollicite moins les impôts locaux. Lorsqu’ils constateront l’émergence du grand stade encore en gestation, les contribuables lyonnais pourront vous demander à bon droit où sont passés leurs impôts locaux engloutis par la modernisation de Gerland !

D’autre part, vous auriez dû lutter, comme vous avez su le faire avec d’autres armes, Monsieur le ministre, face à la Cour européenne. Il n’y a pas de fatalité à l’échec.

Enfin, Monsieur le rapporteur, en sport comme partout, et en particulier dans l’action législative, la somme des intérêts particuliers n’a jamais fait l’intérêt général.

M. Maxime Gremetz - Ce débat est pour le moins surprenant. Ne revenez pas sur la Constitution : vous avez essayé de la faire voter, et les Français vous ont répondu qu’ils ne voulaient pas de cette Europe-là ! Vous vouliez leur faire avaliser votre fameuse concurrence libre et non faussée, ils ne l’ont pas acceptée, mais vous insistez !

Mais il est à noter que vous ne le faites qu’ici : dans la presse, lorsqu’on vous interroge sur le sujet, vous ne dites pas un mot d’une Europe qui vous obligerait à quoi que ce soit ! Vous rappelez qu’en France, les clubs ne sont généralement pas propriétaires de leur stade et que la levée en bourse que vous avez négociée – on dirait vraiment une victoire ! – se fera à la condition qu’ils acceptent de se constituer des actifs. Vous soulignez que vous avez voulu éviter que les clubs ne dépensent l’argent des marchés de façon irrationnelle, uniquement dans l’achat de joueurs – un élément aléatoire et qui se déprécie rapidement – afin de protéger les petits actionnaires. Vous parlez enfin d’inciter les clubs à diversifier leurs activités. À l’Assemblée, vous expliquez en long et en large que la Cour européenne vous a forcé la main, et dans un journal grand public, vous vous félicitez de donner un nouveau souffle au mouvement sportif !

Vous me décevez beaucoup. Vous reniez les valeurs du sport. Vous vous reniez vous-même, qui aviez déclaré que la Bourse n’était pas dans la culture sportive française. Votre argument, c’est que la France a changé ! Le fait est que vous vous êtes converti à des valeurs qui ne sont pas celles du sport.

À la majorité de 17 voix contre 5, sur 22 votants et 22 suffrages exprimés, les amendements 177 et 202 ne sont pas adoptés.
L'article 44, mis aux voix, est adopté.

Art. 45

M. Maxime Gremetz - L’article 45 enrichit la panoplie de vos annonces électorales. Il vous a fallu réagir à la flambée des prix du carburant, qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des Français. Il en ressort un chèque transport incitatif et facultatif – on n’oblige personne à rien, surtout pas les patrons ! Vous jouez avec l‘émotion suscitée par la hausse des prix, mais le chèque transport est à l’entière discrétion de l’employeur – seul à décider s’il veut bien payer ou non ! – et, évidemment, exonéré de cotisations fiscales et sociales : encore une belle subvention publique !

On aurait pu imaginer une politique plus ambitieuse, une fiscalité plus juste. On aurait pu imaginer mettre les compagnies pétrolières à contribution, par le biais d’un prélèvement exceptionnel sur leurs revenus financiers, dont le produit serait redistribué aux Français. L’envolée des prix conforte en effet des dividendes déjà très élevés : Total, tête d’affiche du CAC 40, présente des résultats en hausse de 41 % pour le second semestre 2005, après avoir affiché en 2004 les bénéfices les plus importants jamais réalisés par une entreprise d’origine française – 9 milliards d’euros ! BP, Exxon Mobil et Chevron se portent aussi bien. Il est temps de leur demander des comptes. On ne peut se contenter d'un chèque transport quand les prix des carburants ont progressé de 28 % en trois ans, alors que les profits des compagnies pétrolières doublaient. Mais il ne faut pas oublier un autre terme de l’équation : les 25 milliards que reçoit l'État au titre de la TIPP !

Avec ce chèque, vous n’allez pas au cœur du problème. Nous ne pouvons pas voter contre, mais nous exprimons de nombreuses réserves. Nous avions notamment déposé un amendement pour le rendre obligatoire, plutôt que de le laisser à la discrétion de l’employeur, mais il est naturellement tombé sous le coup de l’article 40 ! Peut-être le Gouvernement pourrait-il y remédier… À défaut, le chèque transport restera une illusion – mais quand les gens sont trompés, vous avez déjà pu juger de leurs réactions.

M. le Rapporteur - La région Île-de-France dispose, depuis 1982, d’un dispositif obligatoire de prise en charge par les employeurs des trajets domicile-travail à hauteur de 50 %. Avec le chèque transport, le Gouvernement souhaite encourager l’utilisation des transports collectifs. À cette occasion, il convient de donner un nouvel élan aux transports publics franciliens. L’amendement 344 vise donc à encourager les employeurs à porter au-delà de 50 % le taux de prise en charge des abonnements de leurs salariés. Nombreux sont en effet ceux qui continuent à préférer leur véhicule personnel. Cette mesure répond également aux objectifs de la politique environnementale du Gouvernement – et je vous sais, Monsieur le ministre, très sensible à cette question.

Un amendement 216 de Georges Tron avait été repoussé en commission, qui prévoyait que l’employeur pouvait porter le taux de prise en charge à 75 %. Les employeurs qui le souhaitent auraient été empêchés d’adopter un taux plus important encore. La rédaction de l’amendement 344, qui prévoit simplement que l’employeur peut porter ce taux au-delà de 50 %, me paraît meilleure.

M. Maxime Gremetz – Il peut, il peut…

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable. Le chèque transport, issu des négociations avec les partenaires sociaux, vise notamment à encourager l’utilisation des transports collectifs dans les secteurs couverts par un plan de transport urbain. Le renforcement proposé par cet amendement répond donc à nos préoccupations.

La négociation a fait apparaître deux autres éléments importants. D’abord, les salariés qui travaillent en horaires décalés n’ont pas accès aux transports collectifs. L’aide aux frais de carburant est dans ce cas un dispositif alternatif au soutien du transport collectif.

Enfin, troisième disposition, la sécurisation afin que le comité d’entreprise puisse prendre en charge le complément des frais de transport des salariés dans les domaines du transport collectif et individuel, étant entendu que le Gouvernement entend privilégier le développement du premier.

L'amendement 344, mis aux voix, est adopté.

M. Maurice Giro - L’amendement 193 vise, dans l’alinéa 7 de cet article, à insérer après le mot « employeur » les mots « , ou particuliers employant un ou plusieurs salariés ». Il importe en effet que le secteur des particuliers employeurs entre dans le champ d’application des dispositions relatives au chèque transport.

M. le Rapporteur – Avis défavorable moins pour des raisons de fond que de forme : cet amendement est inutile, comme le 223, identique, de MM. Deniaud et Merville.

M. Yves Deniaud - Que je défends !

M. le Rapporteur – Le texte de l’article 45 est suffisamment clair : l’alinéa 7 dispose que tout employeur peut préfinancer le chèque transport au profit de ses salariés. Cette formulation étant sans ambiguïté, pourquoi énumérer telle ou telle catégorie ? Cela pourrait d’ailleurs être dangereux : quid des catégories d’employeurs non explicitement visés ?

Monsieur le ministre délégué, je vous demande de confirmer que les particuliers employeurs pourront bénéficier du chèque transport.

M. le Ministre délégué – L’article prévoit que le chèque transport est un titre spécial de paiement que tout employeur peut préfinancer au profit de ses salariés. Le dispositif est applicable à tout employeur, personne physique ou morale, y compris, donc les particuliers employeurs. Je souhaite que MM. Giraud et Deniaud retirent leurs amendements.

M. Maurice Giro - Je le retire.

M. Yves Deniaud - Moi de même, compte tenu des explications très claires du Gouvernement .

M. Maxime Gremetz - Je les reprends et je demande un scrutin public.

À la majorité de 19 voix contre 1, sur 20 votants et 20 suffrages exprimés, les amendements 193 et 223 ne sont pas adoptés.

M. Henri Nayrou – Le dispositif préconisé par le Gouvernement à la fin de l’été visait à faire oublier l’impact de l’augmentation du pétrole sur le budget des ménages et à masquer les carences gouvernementales en matière de pouvoir d’achat. Cette « mesurette » prétendait donner bonne conscience à ceux qui, depuis 2002, se sont davantage préoccupés des baisses d’impôt pour les plus favorisés que du pouvoir d’achat des plus modestes. Elle tendait aussi à faire oublier que, pendant des mois, le Gouvernement a nié les hausses successives du prix du pétrole dans le seul but de refuser l’application de la TIPP flottante. Il faut s’y résoudre : le chèque transport ne transporte personne de joie. Il ne profitera qu’à une fraction des salariés, au bon vouloir de leur entreprise d’ailleurs, puisqu’il n’est que facultatif.

Pour aider tous les salariés, le chèque transport devrait être obligatoire, et c’est ce que propose l’amendement 304. Le budget moyen des ménages consacré au transport est d’environ 5 000 euros. Les députés socialistes, eux, ont souhaité, dans une proposition de loi visant au soutien du pouvoir d’achat des ménages, réactiver la TIPP flottante afin d’assurer un lissage permanent des effets des hausses.

Le chèque transport ne permet pas non plus de promouvoir les transports collectifs et les modes de déplacement alternatifs à la voiture particulière. Ce dispositif pourrait sembler favorable au développement durable puisque seuls les salariés dont le lieu de travail se situe hors des périmètres des transports urbains pourront en bénéficier pour l’utilisation de leur voiture particulière. En fait, il n’en est rien. Afin de promouvoir les transports collectifs, les pouvoirs publics ne doivent pas inciter les salariés à utiliser leur voiture particulière mais aider au changement de mode de transport. Il serait donc plus utile de cibler un dispositif de chèque transport sur les modes de déplacement domicile-travail alternatifs à la voiture particulière. En ce qui concerne les déplacements individuels, la seule réponse en terme de pouvoir d’achat est d’agir directement sur les prix du carburant, et on est loin du compte !

M. le Rapporteur – Avis défavorable à l’amendement 304, car il est contraire à l’esprit du chèque transport qui repose sur un double principe : le caractère facultatif…

M. Maxime Gremetz - Les patrons ne sont pas obligés de payer !

M. le Rapporteur - …et incitatif. Supprimer l’un de ces deux principes reviendrait à en bouleverser l’équilibre. J’ajoute que le caractère facultatif du chèque restaurant n’a pas empêché son essor, puisque la valeur totale des titres émis représentait 3,3 milliards en 2002 et 3,6 milliards en 2005.

M. le Ministre délégué – Même avis. Les dispositifs prévus dans le cadre de la loi SRU en 2000 n’étaient pas obligatoires et ne proposaient pas de solutions pour ceux qui se situaient hors d’un réseau de transport collectif. En outre, ils ne pouvaient pas s’inscrire dans une négociation en tant que telle. Nous accomplissons en l’occurrence un certain nombre de progrès pour les salariés car un mode de préfinancement existe. Je rappelle enfin qu’avec les chèques restaurant et les chèques vacances, ce sont 5 milliards qui sont chaque année mobilisés par les entreprises !

L'amendement 304, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 45, mis aux voix, est adopté.

ART. 46

M. Maxime Gremetz – Je pose une question simple. Le Gouvernement a-t-il chiffré le coût de cette mesure pour les comptes publics ? Comment compensera-t-il les allégements de cotisations sociales aux régimes sociaux ? Ce n’est pas une question anodine à l’approche du débat budgétaire, d’autant que ce projet multiplie les niches fiscales. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître le coût de l’ensemble des mesures favorables aux entreprises. La portée de ce chèque est faible, en raison de son caractère discrétionnaire et de son montant limité – 100 euros par an ! – mais ce cadeau au patronat a un coût que nous devons connaître. Pendant ce temps, les compagnies pétrolières continuent de faire des profits scandaleux !

Qu’est-ce que 100 euros par an quand un plein d’essence coûte entre 50 et 80 euros ? Les Français ne sont pas dupes. Un cheval, une alouette, c’est toujours la même chanson !

M. le Rapporteur – En supprimant le dispositif d’exonération attaché au chèque transport, cet amendement ruinerait l’ensemble de la réforme, qui repose sur le caractère incitatif des avantages fiscaux et sociaux consentis. C’est pourquoi la commission l’a repoussé.

M. Maxime Gremetz - Ben voyons.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis. Si le cheval est un moyen de transport, l’alouette ne l’est pas encore. La mesure est compensée, Monsieur Gremetz. Nous avons estimé son coût, pour 5 millions de salariés bénéficiaires hors Île-de-France et hors État, à 220 millions pour les exonérations sociales et 66 millions pour les exonérations fiscales.

L'amendement 203 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 296 est rédactionnel.

L'amendement 296, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 46 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 47

L'article 47, mis aux voix, est adopté.

art. 48

M. le Rapporteur – L’amendement 163 est de coordination. L’amendement 42 de la commission des affaires économiques est identique.

Les amendements 163 et 42, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.
L'article 48 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auraient lieu le mercredi 11 octobre, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 3 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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Ordre du jour
du mercredi 11 octobre 2006

QUINZE HEURES - 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi (nos 3175, 3337) pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié (urgence déclarée).

3. Discussion du projet de loi (n° 2972), adopté par le Sénat, relatif à la fonction publique territoriale.

Rapport (n° 3342) de M. Michel Piron, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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