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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 12 octobre 2006

Séance de 9 heures 30
6ème jour de séance, 12ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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ARMÉNIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Migaud et plusieurs de ses collègues, complétant la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

Mme la Présidente - Nous reprenons la discussion générale de cette proposition de loi commencée le 18 mai dernier.

Je rappelle au public présent dans les tribunes qu’il doit rester silencieux et que notre Règlement interdit de sa part toute marque d’approbation ou d’improbation. En cas de manifestations troublant le déroulement des débats, je serais contrainte de suspendre la séance, ce qui ne serait pas de nature à assurer l’achèvement rapide de nos travaux.

M. René Rouquet – Lors du dernier Parlement des enfants organisé ici-même, les élèves de l'École bilingue d'Alfortville avaient élaboré une proposition de loi, dont voici l'exposé des motifs : « Nous avons été sensibilisés à la question du racisme et de la paix dans le monde. Nous avons appris que le danger des génocides n'avait pas disparu, comme l'ont montré les événements en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Pour prévenir de nouveaux génocides, il faut garder en mémoire ceux qui ont déjà eu lieu et empêcher que leur existence soit niée par les négationnistes. En tant que Français d'origine arménienne, nous sommes particulièrement touchés par ce travail de mémoire... ».

Qui, parmi nous, pourrait rester indifférent à cet appel ? Qui, parmi nous, voudrait se soustraire à l'interpellation de ces enfants, descendants des rescapés du génocide arménien de 1915, qui nous demandent de tenir notre promesse ? (« Très bien ! » sur de très nombreux bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Il s’agit aujourd’hui pour nous de tenir la parole donnée et de parachever le travail engagé, c'est-à-dire, tout simplement, d’appliquer la loi de la République, telle que votée à l'unanimité, telle que promulguée par le chef de l'État, et de pouvoir punir, enfin, la négation du génocide arménien.

Comme les collègues socialistes qui sont intervenus dans cette discussion générale avant moi, je veux dire, à mon tour, la nécessité de voter ce texte, pour aller au terme du processus lancé le 18 mai dernier et combler le vide juridique, aussi cruel qu'inutile, qui subsiste, en punissant ceux qui contestent la vérité historique, reconnue et établie par une loi de la République. Aujourd'hui, la réalité du génocide demeure impunément niée et la dignité du peuple arménien bafouée par des propos inadmissibles qui ravivent sa douleur. (« Très bien ! » sur de très nombreux bancs du groupe UMP)

M. Michel Herbillon - Il a raison.

M. René Rouquet - Aujourd'hui, la République ne parvient pas à s'opposer aux manifestations négationnistes, comme ce fut le cas à Lyon, où il est incompréhensible que le représentant de l'État n'ait pu interdire une telle manifestation.

Toutes ces dérives témoignent d'un double langage, contraire à l'esprit républicain. Double langage, lorsque le Président de la République déclare à Erevan qu'il faudrait subordonner l'adhésion européenne de la Turquie à sa reconnaissance du génocide arménien, ce à quoi j'applaudis, et qualifie quelques instants plus tard notre initiative de « polémique », cédant aux pressions d'Ankara sur les milieux d'affaires, le Gouvernement et le Parlement. Double langage, encore, lorsqu'on essaie de nous détourner de notre objectif par le subterfuge d'un amendement orientant le débat sur la capacité ou non des politiques à écrire l'histoire et sur l'opportunité de laisser ce soin aux seuls historiens, avec le risque que la mémoire du peuple arménien continue d’être insultée par ceux-là mêmes qui l'ont tant blessée – rappelons-nous Bernard Lewis et Gilles Veinstein. Nous ne doutons pas de la sincérité de cet amendement, mais chacun doit en mesurer le risque. En excluant du champ d'application de la loi les recherches historiques dites « universitaires » ou « scientifiques », il dénature l'esprit de la loi. Il en diminue la portée, réduisant à néant son efficacité au profit de ceux qui, sous couvert de recherches historiques, propagent des thèses négationnistes. Si nous sommes si farouchement opposés à cet amendement, c'est qu'il créerait un précédent, permettant d'épargner les auteurs de thèses révisionnistes, y compris ceux qui nient la Shoah. S'il n'appartient pas au Parlement d'écrire l'histoire, il lui revient aujourd'hui de qualifier, juridiquement, la négation du génocide. Nous votons au nom de la justice, de l'honneur et du courage, mais aussi avec le cœur.

Comme il doit vous sembler long ce chemin, à vous tous, descendants des rescapés du génocide ! Ultimes espoirs d'une mémoire qui ne veut pas s'éteindre et reste debout : toi, Keretsigh, qui m'avait tout appris du drame de ton peuple ! Toi, Boghos, qui aurait tant voulu être des nôtres, aujourd'hui ! Toi, Varkes, mon vieux camarade, qui m'a initié à la cause arménienne, et vous tous, mes amis, qui avez tant attendu !

Chers collègues, je vous lance donc un appel : je vous demande de voter cette proposition de loi et vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et républicain, du groupe UDF et de très nombreux bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine - Après l'adoption de la loi du 29 janvier 2001 portant reconnaissance officielle du génocide arménien de 1915, il est de notre devoir d'achever notre mission. En soulignant les liens de solidarité et d'amitié qui unissent la France et l'Arménie, cette loi a rappelé l'attachement de la France aux valeurs humanistes et au respect du droit des peuples. La France, amie de l'Arménie de longue date, a su accueillir sur son sol de nombreux rescapés des horribles massacres perpétrés par le gouvernement Jeune Turc de l'époque.

La loi de 2001 est un geste symbolique, la France rendant ainsi publiquement justice au peuple arménien trop longtemps victime oubliée. Il est nécessaire aujourd'hui de compléter le dispositif en réprimant toute négation du génocide. Comment admettre que l'on puisse nier encore aujourd'hui la réalité du processus d'extermination qui préfigurait ce que fut, deux décennies plus tard, la Shoah ? La mémoire ne peut être sélective. La responsabilité de l'État turc de l'époque est directement et indiscutablement engagée.

Lors de sa visite à Erevan le 30 septembre dernier pour le lancement de l’Année de l’Arménie, le Président de la République a eu des paroles fortes lorsque, avec émotion, il a évoqué ce que le monde démocratique attendait de la Turquie. À la question de savoir si la Turquie devait reconnaître le génocide arménien pour entrer dans l'Union européenne, il a répondu : « Honnêtement, je le crois ». La France, qui s'est placée dans une belle unanimité à l'avant-garde du combat pour la reconnaissance du génocide arménien, ne faiblira pas aujourd'hui devant des menaces aussi dérisoires que celles qui nous sont adressées depuis quelques jours. Ne rejouons pas le triste spectacle du 18 mai dernier, d'où ni le Parlement ni le Gouvernement ne sont sortis grandis.

La Turquie est bien mal placée pour donner des leçons. Il existe de grandes différences entre nos deux pays, notamment dans la manière dont les tribunaux interprètent le droit pénal et garantissent les libertés publiques. On nous menace à nouveau de rétorsions sur le plan commercial, arguant que les sociétés françaises seraient exclues des appels d'offres, notamment pour la construction de centrales nucléaires, ou bien encore des contrats militaires.

M. Bernard Deflesselles - Chantage !

M. François Rochebloine – Cette attitude n'est pas à la hauteur de ce que nous attendons. Elle est même contraire à l’esprit d’ouverture dont se prévaut la Turquie.

Quant aux messages qui nous sont adressés depuis quelques jours, prétendument en faveur de la défense de la recherche intellectuelle et de la liberté d'expression, ils ne font que renforcer ma conviction, et je le pense, notre conviction.

M. Hervé de Charette - Non !

M. François Rochebloine – Non, en démocratie tout n'est pas permis et la liberté d'expression n'est pas sans limite. Il est normal d’y poursuivre des propos teintés de haine, banalisant et niant le crime. Pour cela nous devons aller plus loin que la seule sanction de l'apologie de crime. Il appartiendra au juge de se prononcer et de trancher. On ne peut cautionner une réécriture de l'histoire faisant du bourreau la victime et de la victime un bourreau.

M. Gilles Artigues - Très bien !

M. François Rochebloine - Au-delà du cas arménien, j'aurais souhaité que la répression soit étendue à la contestation de l'ensemble des génocides et crimes contre l'humanité. Notre droit pénal se serait ainsi adapté à la société de l'information, où les moyens de communication, extrêmement diversifiés, sont à la portée du plus grand nombre.

Au cours de la législature précédente, j'avais d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens avec Patrick Devedjian, puis à titre personnel au cours de la législature actuelle.

Ce sujet fait débat au sein de chaque famille politique, y compris l’UDF, car l'histoire du peuple arménien reste méconnue de certains de nos collègues, qui peuvent trouver superflu d'introduire dans notre code pénal une disposition spécifique à la négation du génocide arménien. Je souhaite que nous ayons, ce matin, le courage d'aller au bout du débat sur cette proposition de loi et que chacun d’entre nous prenne ses responsabilités en son âme et conscience (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et sur de très nombreux bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit – Grâce à la proposition de loi que nous examinons de nouveau ce matin, le peuple arménien recouvre une part de lui-même – celle qu'il a perdue il y a 91 ans déjà. C'est un acte essentiel pour tous les descendants des victimes du génocide arménien, perpétré en 1915 par la Turquie ottomane.

Certes, la loi du 29 janvier 2001 instaure la reconnaissance officielle par la France du génocide arménien, le premier génocide du XXe siècle, mais elle demeurera imparfaite tant que le génocide arménien, ce crime contre l'humanité, pourra être impunément contesté ou démenti.

Dans le respect du travail de recherche des historiens et dans le respect de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la représentation nationale a non seulement le droit, mais aussi le devoir, de considérer que le négationnisme n'est pas un mode d'expression comme les autres. Son objectif est en effet de falsifier l'histoire pour effacer toute trace des génocides de la mémoire collective.

Tout au long de son histoire, la France s’est trouvée à la tête des combats pour les droits de l'homme. C’est au nom de ces valeurs universelles et de leur rayonnement, et sans vouloir donner de leçon à qui que ce soit, que nous avons la responsabilité de faciliter activement l'expression du devoir de mémoire à travers le monde, sans aucune exclusive et sans se voiler la face dans notre pays.

L'histoire de chaque pays est une partie de l'histoire de l'humanité. À l'époque de la mondialisation, nous devons œuvrer à une compréhension mutuelle de l'histoire de chaque pays et ainsi faire en sorte que le respect de l'autre soit le ciment d'un monde libre qui assume son passé. Voilà pourquoi la loi de la République peut conférer toute sa portée à la reconnaissance du génocide arménien et autoriser à son propos l'invocation du délit de négationnisme.

Oui, la négation du génocide arménien doit être sanctionnée des mêmes peines que celles applicables à la négation de la Shoah. La reconnaissance du génocide arménien et la condamnation pénale de sa contestation forment un tout. Cette proposition de loi, que je vous invite à voter en l'état, envoie un signal clair à toutes les ferveurs communautaristes qui cherchent à manipuler des femmes et des hommes – souvent des jeunes et parfois des enfants – à l’aide d’idéologies racistes et négationnistes.

Ce texte, dont le rapporteur est mon ami Christophe Masse, constitue un progrès immense pour la cause arménienne et plus généralement pour l’ensemble de l'humanité. Elle est un premier pas qui en appelle d'autres. Ainsi, la France devrait s’engager concrètement, peut-être de concert avec l’Union européenne, en faveur d’une grande conférence internationale qui réunirait les deux États concernés, ainsi que des historiens et des représentants de la société civile. Chacun approuve le principe de cette conférence, mais elle n’a malheureusement jamais vu le jour !

Nous devons intensifier notre action internationale afin de susciter l’émergence, par exemple sous l’égide de l’ONU, de règles communes reconnaissant tous les génocides perpétrés depuis celui de 1915, et criminalisant toutes les formes de négationnismes.

Je le redis aujourd'hui, la France s'honorerait d'universaliser son message par cette avancée essentielle dans la voie de l'émancipation de l'homme (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe socialiste et du groupe UDF, ainsi que certains bancs du groupe UMP).

M. Patrick Devedjian – Cette proposition de loi socialiste fait débat ; elle partage la gauche comme la droite, tant le sujet est délicat.

Première observation : le texte qui nous est soumis n’a pas pour objet d’écrire l’histoire. C’est la loi de 2001 qui l’a fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe UMP) Et souvenons-nous que cette loi portant reconnaissance du génocide arménien n’a pas été facile à adopter…

M. François Rochebloine - Il a fallu trois ans !

M. Patrick Devedjian – Tout le monde approuve aujourd’hui ce texte, je m’en réjouis, mais nous avons eu quelques difficultés à le faire adopter, à droite comme à gauche.

Plusieurs députés UMP – C’est vrai !

M. François Hollande - Il fut voté sous un gouvernement de gauche.

M. Patrick Devedjian – La présente proposition de loi fait l’objet d’une polémique internationale – je pense notamment aux déclarations du gouvernement turc et à la tribune du commissaire européen à l’élargissement. Or, la Turquie n’a pas de leçon à nous donner sur la liberté d’expression.

Plusieurs députés UMP- Très bien !

M. Patrick Devedjian - C’est en effet le gouvernement actuel, celui de M. Erdogan, qui a fait adopter l’article 301 du nouveau code pénal turc, lequel condamne à la prison, non seulement ceux qui affirment l’existence du génocide arménien (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe UMP), mais aussi ceux qui demandent la fin de l’occupation turque dans le nord de Chypre et même la reconnaissance de Chypre. Le gouvernement turc fait donc preuve d’une grande hypocrisie quand il se plaint de l’attitude de certains procureurs : c’est lui-même qui a fait adopter la loi qui sert de base aux instructions judiciaires actuelles !

De son côté, Olli Rehn affirme que ce texte serait inopportun du fait des négociations en cours avec la Turquie et des progrès réalisés par ce pays. Mais n’avait-il pas déclaré, il y a seulement quelques semaines, que le dialogue avec la Turquie se grippait faute de progrès dans tous les domaines liés à la démocratie ? Et je ne parle pas seulement du génocide !

M. François Rochebloine - Il était bon de le rappeler !

M. Patrick Devedjian – Voilà 90 ans que cela dure ! Seul le gouvernement de Ferit Pacha avait reconnu en 1919 le génocide arménien et fait condamner ses auteurs en cour martiale – cela, le gouvernement actuel semble hélas l’avoir oublié ! De nombreux intellectuels ont en effet été poursuivis en Turquie !

J’en viens maintenant au débat sur l’écriture de l’histoire : est-ce au Parlement de le faire, ou non ? Je fais observer que ce n’est pas la question, car la situation a changé depuis 2001 : la Turquie exporte désormais son négationnisme dans notre pays. Souvenons-nous de ce qui s’est passé à Lyon et à Paris. Souvenons-nous des manifestations organisées avec l’appui des organisations turques, de la présence de militants d’extrême droite appartenant aux « loups gris », des pancartes proclamant que « le génocide arménien est un mensonge » et des tags sur les monuments publics !

C’est une véritable provocation… (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF) qui blesse les victimes par la dégradation des monuments élevés dans certaines communes à la mémoire du génocide, et qui est susceptible d’engendrer des troubles importants entre des citoyens français d’origine diverse. Cette proposition de loi tend donc à instaurer la paix civile – c’est même sa légitimité première ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

Contrairement à ce qu’affirmait M. Rouquet, que j’apprécie beaucoup par ailleurs, le préfet ne dispose pas des moyens d’interdire de telles manifestations : la jurisprudence du Conseil d’État est en effet très stricte sur la question des troubles à l’ordre public. Ce texte vise donc à créer les bases juridiques qui n’existent pas aujourd’hui !

Quant à l’amendement que j’ai déposé, il propose que soient exemptées des poursuites les recherches universitaires et scientifiques. Je rappelle que j’ai, en ma qualité d’avocat, fait condamner M. Bernard Lewis pour avoir nié le génocide arménien, tout historien qu’il était. L’objet de mon amendement n’est donc pas d’ouvrir un permis de chasse aux historiens qui voudraient faire profession de nier le génocide arménien.

En vertu d’une jurisprudence constante, les travaux scientifiques obéissent à des critères juridiques précis, reposant notamment sur la notion d’honnêteté intellectuelle : quand un historien fait de la propagande, il doit être condamné !

Mme la Présidente - Je dois vous demander de conclure.

M. Patrick Devedjian - Je ne veux pas me mettre au même rang que la Turquie, qui interdit la libre expression sur la question du génocide, et je ne veux pas que la France utilise les mêmes procédés que le gouvernement Erdogan.

M. Christophe Masse, rapporteur de la commission des lois - Quel amalgame !

M. Patrick Devedjian - L’effet de ce texte serait pourtant comparable…

M. le Rapporteur – C’est faux !

M. Patrick Devedjian – Les preuves sont si nombreuses et si accablantes que nous ne devons pas avoir peur du jugement des vrais historiens. Cet amendement, qui a vocation à nous rassembler, permettra de ne pas nous placer au même niveau que ceux que nous combattons ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

Mme Sylvie Andrieux – Trois ans de débats tumultueux auront été nécessaires pour confirmer notre vote et donner à l’article unique selon lequel « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 » force de loi le 29 janvier 2001. Nous nous souvenons d’ailleurs des réserves du Président de la République et du gouvernement d’alors. Si cette reconnaissance est fondamentale, elle demeure néanmoins insuffisante puisqu’il est toujours possible de nier l’existence du génocide sans aucune conséquence pénale. Un travail législatif reste donc à accomplir et je suis convaincue qu’il convient d’intégrer dans notre droit pénal la négation de ce crime contre l’humanité, la loi Gayssot ne pouvant le faire puisque le génocide arménien n’avait pas été officiellement reconnu lorsqu’elle a été votée. Cela étant fait, la législation serait donc suffisante selon le Gouvernement. Or, ce n’est pas exact. Si notre droit permet de réprimer l’apologie du génocide, il ne permet pas d’en sanctionner la négation. Nous avons la responsabilité politique et le devoir moral de ne pas accepter que l’histoire officielle soit établie par ceux-là mêmes qui refusent de reconnaître une réalité historique. La liberté de conscience et d’expression doit être totale et la reconnaissance comme la qualification juridique de la Shoah n’ont jamais entravé le travail des historiens. De plus, dans le procès qui oppose le comité de défense de la cause arménienne au consul général de Turquie à Paris pour négationnisme du génocide arménien, le jugement rendu par la 17e chambre du TGI de Paris le 15 novembre 2004 est clair : la contestation, en France, du génocide arménien n’est pas un délit. Cela me permet de confirmer à l’endroit du Président de la République que la proposition de loi de MM. Masse, Migaud et de Mme David n’est pas polémique mais cohérente avec nos idéaux et avec la position de la France, comme l’a d’ailleurs rappelé M. Chirac lui-même lors de son récent voyage en Arménie. M’étant moi-même rendue là-bas avec une délégation de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai pu constater combien ses propos ont suscité d’espoir. M. Sarkozy n’est pas non plus en reste, comme en témoigne le courrier du 24 juillet 2006 qu’il a adressé aux associations arméniennes. Enfin, en adoptant cette proposition, la France n’agit nullement contre la Turquie, pays avec lequel elle entretient une amitié traditionnelle, ni contre la communauté turque de France. La France, comme les Arméniens à l’image de leur ministre des affaires étrangères, M. Oskanian, souhaite participer à l’établissement de relations durables entre les Turcs et les Arméniens.

Votons avec conviction et sans restrictions inutiles, Monsieur Devedjian, cette proposition qui garantit le respect de la dignité humaine ! Je serai heureuse, avec mon suppléant, M. Georges Hovsepian, maire des XIIIe et XIVe arrondissements de Marseille, d’annoncer aux Français d’origine arménienne que nous avons tous ensemble contribué à protéger la mémoire de nos martyrs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé de Charette - L’électoralisme ne se cache plus !

M. Éric Raoult – Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, connaissez-vous Tebrotzassere ? Cela signifie en arménien « notre école ». En 1917, 212 jeunes filles sont arrivées d’Istanbul et ont créé cette école quelques années plus tard. C’était des orphelines, venues en France avec les photos de leurs parents décapités. Tebrotzassere vit toujours, au cœur d’une circonscription qui compte trente à quarante fois plus de ressortissants turcs que de ressortissants arméniens. La ville que j’administre est très fière d’avoir fêté l’anniversaire de sa création voilà quelques années et, quant à moi, depuis trente ans, je partage les actions de la communauté arménienne car, comme l’a dit M. Rouquet, s’il faut voter avec son cœur, il faut aussi militer avec sa raison.

L'examen de cette proposition nous rappelle notre débat de janvier 2001 où le positionnement de chacun des groupes n’avait pas été aisé.

M. Michel Herbillon - C’est juste.

M. Éric Raoult - M. Devedjian l’a rappelé, la négation du génocide arménien existe. Il y a quatre ans, des inscriptions négationnistes ont été écrites sur les murs de l’école Tebrotzassere. Les événements survenus à Lyon en mars dernier, l'actualité récente, les tags et les graffitis sont autant de provocations montrant bien que, au-delà des télégrammes diplomatiques, il faut affronter une dure réalité. La reconnaissance du génocide ne suffit pas : nous avons besoin d’une réponse pénale à sa négation.

Le génocide arménien, premier du XXe siècle, a été perpétré à partir de 1915. Accusés de participer à un vaste complot et d’être aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne, les Arméniens de la Sublime Porte ont été arrêtés, parfois torturés puis déportés. Près de 1,2 million de personnes ont péri, soit les deux tiers de la population arménienne de l'empire Ottoman. Le caractère massif, planifié et ciblé de ces massacres démontre bien qu'il s'agissait d'un génocide. Les massacres systématiques d'hommes et de femmes, au nom d'une appartenance ethnique et selon un plan concerté, correspondent bien au terme de génocide tel qu'il est défini pour la première fois par le juriste Raphaël Lemkin. Ce n’est pas un seul peuple qui est concerné, mais l'humanité tout entière.

J'entends les critiques que nous avons tous reçues ces derniers jours et je regrette les propos d’un membre du Gouvernement dénonçant ce matin, à la radio, une vision strictement électoraliste. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié - C’est scandaleux !

M. Pierre-Louis Fagniez - Cela n’a rien à voir !

M. Michel Herbillon - Comment peut-on faire ce type de déclaration ?

M. Éric Raoult – Je suis de ceux qui préfèrent placer un livre d’histoire dans leur bibliothèque plutôt qu’un carnet de commandes.

La falsification de la mémoire ne facilite pas le deuil, elle l'entrave et elle nuit aux réconciliations. De simples déclarations de principe ne suffisent pas : il faut des prescriptions. Il s'agit, au sein de notre communauté, de reconnaître la douleur de nos frères et de nos sœurs originaires d’Arménie ; il s'agit de passer de la reconnaissance morale et politique à la prescription légale et juridique. Avec cette proposition de loi, nous pourrons faire respecter la mémoire et la douleur des victimes de ce génocide.

M. Michel Herbillon - Absolument.

M. Éric Raoult - Les mots de M. le Président de la République sont allés droit au cœur des Arméniens de France. Il faut dire à ceux qui défilent aujourd’hui que la République n’accepte pas que l’on nie un génocide dont ont été victimes les parents des orphelines de Tebrotzassere. Ils pourront être désormais poursuivis ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

M. Richard Mallié - Il est des moments dans la vie d'un homme politique où les clivages partisans ne peuvent et ne doivent pas l’emporter. C’est aujourd'hui le cas. C'est la première fois où, dans ma vie de parlementaire, je soutiens une proposition de loi mise à l'ordre du jour par le groupe socialiste car ce texte n’est pas partisan. S'il a en effet été déposé par Ie groupe socialiste, il l'a également été de l'autre côté de l'hémicycle par M. Roland Blum et moi-même en avril dernier et près de cent de nos collègues l’avaient cosigné.

Comment en effet ne pas souhaiter que la démarche engagée en 2001, avec l'adoption le 29 janvier d'une proposition de loi reconnaissant, dans un article unique, le génocide arménien, ne soit pas menée jusqu'à son terme ? On ne peut en effet accepter que, alors même que la loi porte désormais la reconnaissance publique des crimes commis en 1915, les négationnistes puissent continuer à agir en toute impunité. Ces malfaisants doivent être sanctionnés.

M. Michel Herbillon - Tout à fait.

M. Richard Mallié - La communauté arménienne n'a pas été épargnée au cours du XXe siècle et certains de nos compatriotes continuent de porter les stigmates de cette souffrance. Les nombreuses critiques sur une cette initiative sont pour la plupart infondées. La France a reconnu le génocide arménien le 29 janvier 2001 et il s'agit désormais d'être cohérent. Le négationnisme n'est pas une opinion comme les autres : son but est d'achever le crime de génocide en effaçant sa trace de la mémoire collective. Et c'est ce second crime qu'une loi anti-négationniste veut sanctionner, non la liberté des historiens et des chercheurs ! C'est pourquoi il me semble non seulement inutile mais surtout incohérent d'amender le texte afin de les exclure du dispositif, comme certains de mes collègues le souhaitent.

Je ne suis pas non plus de ceux qui sont sensibles à l'innommable pression des autorités turques…

M. Roland Blum - Très bien.

M. Richard Mallié - …et de leurs entrepreneurs. La reconnaissance de cette tragédie n'est pas dirigée contre le gouvernement et la population turques d'aujourd'hui. Agiter la menace d'un boycott économique, c'est pour la Turquie donner une preuve supplémentaire qu’elle n'est pas prête à entrer dans l'Europe ! Son attitude à l’endroit du génocide arménien est pour moi rédhibitoire.

Le Président de la République l'a dit, à Erevan, le 30 septembre dernier : « La Turquie doit reconnaître le génocide arménien si elle veut entrer dans l'Union européenne, et se grandirait en le faisant, comme ce fut le cas pour l'Allemagne après la Shoah. »

M. Michel Herbillon - Il est grand temps !

M. Richard Mallié - Pour moi c'est un préalable nécessaire et non négociable.

Nous ne sommes pas seuls en Europe à défendre cette position : les deux principaux partis politiques des Pays-Bas, l’un conservateur et l’autre socialiste, ont récemment exclu de leurs listes électorales des candidats issus de l'immigration turque – MM. Ayhan Tonca, et Osman Elmaci pour le CDA, M. Erdinc Sacan pour le PvdA – en raison de leurs propos négationnistes sur le génocide des Arméniens.

Notre pays est le berceau des droits de l’homme. Quand j'assiste, impuissant, à des événements tels ceux du 18 mars dernier à Lyon, j'ai honte, profondément. Je ne peux pas comprendre qu’en 2006, de telles atteintes à l'histoire et à la mémoire puissent encore être commises en toute impunité. Alors, comme Jean-Claude Gaudin (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) et tous les parlementaires UMP de Provence-Alpes-Côte d’Azur ici présents, je voterai ce texte pour que justice soit enfin rendue. La démarche engagée le 29 janvier 2001 ne peut être cohérente que si la justice peut sanctionner les négationnistes. Cela, seul le législateur peut le faire. Alors allons cette fois jusqu'au bout et votons le passage à la discussion de l’article unique (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy – Nous reprenons donc l’examen de cette proposition de loi socialiste dont la discussion générale avait été malheureusement interrompue en mai dernier et qui permet, tirant en cela les conséquences de la loi du 29 juillet 2001 qui reconnaît le génocide arménien, de sanctionner la négation de ce génocide, sur le modèle de la loi Gayssot. Le chef de l'État, en déplacement en Arménie en septembre dernier, a souligné l'importance de la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie, avant son entrée dans l'Union européenne. Mais, à propos de la présente proposition de loi, il a aussi déclaré que la France avait officiellement reconnu le génocide par la loi qui s'impose à tous et que « le reste » relevait plus de la polémique que de la réalité juridique.

M. Hervé de Charette - Très juste !

M. Jean-Pierre Blazy - Le Président se trompe. Il ne s'agit pas de polémique : en l’état actuel de notre droit, le non-respect de la loi de 2001 ne peut pas être sanctionné – nous attendons d’ailleurs avec intérêt une décision prochaine de la Cour de cassation. Il faut voter cette proposition de loi pour garantir le caractère effectif de la loi de 2001, pour lui assurer un caractère normatif et pas seulement déclaratif, sans quoi le négationnisme du génocide arménien peut s’exprimer en toute impunité. Le 24 avril dernier à Lyon, à l'occasion de l'inauguration d'un mémorial arménien, on a vu fleurir des pancartes « il n'y a pas eu de génocide ». Ce n’est plus tolérable, et nous devons avoir les moyens de sanctionner de tels propos.

Personne – et certainement pas moi, ancien enseignant d'histoire – ne conteste que l’histoire doit être faite par les historiens. Ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire. Mais ce ne peut servir d’argument en l’occurrence, puisque la présente proposition de loi ne cherche pas à imposer une histoire officielle. Les historiens ont suffisamment démontré la réalité des massacres perpétrés en Arménie. En 2001 le Parlement a finalement reconnu l'histoire des historiens. Mais les termes du débat sont essentiellement de nature juridique et politique : les éléments de la définition du génocide, à savoir une intention explicite visant à une extermination systématique en raison de l'appartenance des victimes à une ethnie, sont-ils réunis ? Ce sont les représentants de la nation qui ont tranché ce débat, et ce n'est pas risquer d'effacer le caractère exceptionnel de la Shoah, comme le prétend l'historien René Rémond, que de reconnaître que les massacres de 1915 ont constitué le premier génocide du XXe siècle. On ne peut pas affirmer comme Pierre Nora, historien et cofondateur de l'association Liberté pour l'histoire, que « légiférer sur le génocide arménien, c'est stériliser l'histoire ». La loi Gayssot n'a pas empêché les historiens de poursuivre leur travail sur la Shoah.

Certains historiens dénoncent les lois mémorielles. Autour de René Rémond, ils ont manifesté leur opposition à l'article 4 de la loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés et demandé l'abrogation de la loi Gayssot, de la loi Taubira et de la loi reconnaissant le génocide arménien. Une pétition a été lancée en décembre 2005 à la suite de la mise en accusation de l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau pour un livre sur les traites négrières qui contestait l'appellation de génocide appliquée à l'esclavage. Certes, on ne peut cautionner ce genre d'attaques, aujourd'hui abandonnées, contre le travail sérieux et reconnu d'un historien qui n'est pas un négationniste ; certes, on comprend l'émotion qu’elles ont pu susciter. Mais la pétition des historiens se justifie-t-elle pour autant ? M. Devedjian a prétendu tout à l’heure avoir fait condamner Bernard Lewis, le spécialiste du Moyen-Orient. C’est une contrevérité. Vous ne l’avez pas fait condamner.

M. Patrick Devedjian - Il a été condamné !

M. Jean-Pierre Blazy - Votre amendement visant à exclure de l'application de cette proposition de loi les travaux universitaires et scientifiques est inutile, car elle ne vise pas les chercheurs dont personne n'imagine qu'ils soient des négationnistes. Le négationnisme sert toujours les fins d'un mouvement idéologique extrémiste, et c’est cela qui est visé. C'est pour cette raison que nous sommes contraints de passer par la loi, une loi claire et ferme, qui le serait moins si votre amendement était voté. Les historiens ont raison de refuser que le législateur cherche à corriger l'histoire, mais ce n'est pas le cas de la loi Gayssot, de la loi Taubira ou de la loi sur la reconnaissance du génocide arménien. En revanche, en sanctionnant la négation du génocide arménien, le Parlement est parfaitement dans son rôle : il proclame un devoir, mais aussi un droit de mémoire, qui concerne bien des Français, descendants des victimes du génocide.

Il ne s'agit pas de conforter ou de flatter une communauté particulière : cela fait un siècle que les Arméniens sont en France, et ils se sont parfaitement intégrés. Il ne s'agit pas de cultiver je ne sais quel communautarisme de la mémoire.

Mme la Présidente - Monsieur Blazy, veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Blazy - Il ne s’agit pas non plus de transformer des « jugements historiographiques en délit », selon l’expression de René Rémond. Les historiens ont écrit et continueront d’écrire l’histoire. Mais les lois solennisent la reconnaissance de l’histoire. Elles ont un rôle éducatif. Nous sommes de plus en plus souvent contraints de passer par la loi, même s'il appartient d'abord, dans l'idéal, à l'enseignement et aux médias d'entretenir la mémoire collective et nationale.

Nous voulons sanctionner la négation d'une réalité historique. Ce texte ne cherche ni à imposer une histoire d'État, ni à stigmatiser la Turquie. Au contraire, il veut contribuer à la réconciliation entre les deux communautés, en rendant justice aux victimes du génocide arménien. Nous avons un devoir de vérité et non de revanche. Seule cette préoccupation doit nous guider aujourd'hui. Parce que je crois que nous ne pouvons plus tolérer la diffusion, dans un climat de haine et de tensions communautaires, de thèses et de propos niant une réalité historiquement avérée, je voterai en conscience cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe UMP).

M. Michel Piron - Chacun mesure combien le sujet est difficile, grave, sensible. Comment ne pas céder à l’émotion d’une communauté si marquée ? Et pourtant, il nous faut trouver des mots qui, respectant la souffrance des personnes, doivent aussi être ceux du législateur, qui s’interroge sur son rôle et sur la portée de la loi. Car ce qui est en jeu n’est pas l’histoire : elle est avérée, et le dernier déplacement du Président de la République l’a attesté ; ce n’est pas non plus le droit, puisque nous ne saurions faire ici le droit des autres États. Ce qui est en jeu, c’est le rapport du droit à l’histoire, sur lequel des voix aussi autorisées que celles de MM. Rémond et Nora nous ont récemment mis en garde. « L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre,… »

M. François Rochebloine - Comme en Turquie !

M. Michel Piron – Précisément ! « Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement, ni à l’autorité judiciaire, de définir la vérité historique. » C’est aussi le cas en Turquie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Faut-il relire Soljenitsyne pour savoir ce que sont les régimes où la loi dicte l’histoire, façonne les mémoires, laissant des peuples épuisés de mensonge soumis aux pires manipulations ? Lorsque l’histoire dépend de la loi, elle est au mieux celle du parti majoritaire, au pire celle du parti unique, mais toujours officielle, univoque, totalitaire. Or, l’histoire n’est jamais totale – vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! Et puisque l’histoire n’est jamais complète, permettez-lui au moins d’être multiple, hors du champ de la loi. N’avons-nous pas appris de l’Europe des tranchées que ce qui différencie la mémoire des uns et des autres n’est que le point de vue d’où ils ont vu les mêmes événements ? L’Europe d’aujourd’hui, diverse et pacifiée, ne rappelle-t-elle pas que les victoires des uns sont les défaites des autres ?

Parce que la mémoire n’est pas donnée, mais construite, elle est fragile. Elle requiert donc un travail de vérité, celui de l’historien, qui a décrit le génocide arménien sans recours à la loi. Les lois changent. La vérité, elle, ne change pas.

C’est tout le danger, que de vouloir faire dépendre la vérité historique de la loi. En mon âme et conscience, je crois que voter ce texte ne servirait pas la cause de la vérité pour l’Arménie ni la vérité universelle, mais l’affaiblirait, desservant ainsi et l’histoire et la loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Philippe Pemezec - Je vais voter la proposition de loi visant à réprimer la négation du génocide arménien. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF) J'avais d'ailleurs déposé une proposition en des termes équivalents, à l'occasion de la commémoration du génocide arménien, le 24 avril 2004. Mais peu m’importe d'où vient cette proposition, peu importe aux victimes et à leurs descendants.

Comme beaucoup, j'attache une importance toute particulière au génocide arménien. Il aurait servi de modèle à Hitler pour organiser la Shoah et ce premier crime de masse du XXe siècle préfigura des barbaries qui suivirent.

Pour les historiens, la politique de déportation, de destruction et d'assassinats mise en œuvre par le gouvernement Jeune Turc à l'encontre des populations arméniennes entre 1915 et 1916 constitue bien un génocide. Sur ce point, le débat est clos, les preuves sont accablantes. On est naturellement en droit de s'interroger sur les causes et les responsabilités dans cette tragédie, mais non de nier son existence. S’interroger est la démarche légitime de l’historien ; nier, c’est porter une atteinte insupportable à la mémoire. Or la manipulation de la mémoire est un outil aux mains des régimes les plus abjects et les plus douteux.

Nier la réalité du génocide arménien c'est participer à sa perpétuation et ajouter aux souffrances des survivants, des témoins et des descendants des victimes.

La France a courageusement reconnu le génocide par la loi du 29 janvier 2001. Mais ce geste politique fort avait des effets juridiques nuls, faute de sanction du négationnisme comme la loi du 13 juillet 1990 en instaure dans le cas de la Shoah. Or, sans comparer ces drames, dont chacun a ses spécificités, ni nier le caractère particulier du crime de masse perpétré par les nazis a l’encontre du peuple juif, je soutiens fermement que la question arménienne mérite un traitement équivalent sur le plan juridique : ce n'est que la suite logique de l'acte de reconnaissance de l'État français. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP) Un génocide perpétré pendant la première guerre mondiale aurait-il moins de valeur qu'un génocide perpétré pendant la seconde ? Naturellement non (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Alors, il faut mettre la loi en cohérence.

Je comprends les craintes que cette pénalisation peut susciter. Je suis convaincu que la loi du 29 juillet 1881 est un fondement de notre démocratie et j'aurais souhaité que rien ne puisse lui faire entorse. Mais la réalité dont il est ici question dépasse le simple exercice de la liberté d'expression. Ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire. Mais la liberté, celle du scientifique notamment, ne rime pas avec irresponsabilité. C'est pourquoi, avec Patrick Devedjian et d’autres, nous avons déposé un amendement tendant à faire échapper à toute pénalisation les travaux à caractère scientifique. Pourquoi craindre les historiens alors que les preuves du génocide arménien sont innombrables et accablantes ? Mais nous ne pouvons pas tolérer les manifestations violentes dans lesquelles sont brandies des pancartes niant ce génocide.

Enfin je pense qu’en agissant ainsi, loin d’attiser les haines, nous ouvrirons la voie à une réconciliation entre un peuple turc auquel on dit, depuis près d'un siècle, qu'il n'y a pas eu de génocide et un peuple arménien qui a souffert, et qui souffre encore, dans sa chair. Actuellement, aucun dialogue n’est possible entre eux. La France va adresser aujourd'hui, je l'espère, un nouveau signe fort au peuple turc : oui, il y a eu génocide et le nier est absurde.

Il y a quelques mois, à Erevan, lors les cérémonies officielles du 91e anniversaire du génocide arménien, j’ai vécu des moments très forts. Le peuple arménien attend notre vote avec impatience et gratitude. Il n'aspire aujourd'hui qu'à la paix avec son voisin turc et il nous remercie de l'y aider.

Parce que nous le devons à la mémoire des victimes et à leurs descendants, pour aider la Turquie à regarder son passé en face, je vais voter cette loi (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Lilian Zanchi – Le 29 janvier 2001, la France reconnaissait officiellement le génocide arménien de 1915 par l'empire ottoman, sombre modèle pour tous les autres génocides du XXe siècle, notamment la Shoah.

Mais cette prise de position solennelle a des limites juridiques. Comme l’indique la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris dans un jugement du 15 novembre 2004, « singulièrement, cette loi n'a pas entendu incriminer la contestation du génocide arménien au même titre que l'est celle des autres crimes contre l'humanité... » ; elle ne constitue pas « un droit positif » et « ne met aucune obligation à la charge des particuliers ». Or la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris vient de condamner un ex-professeur de littérature à trois mois de prison avec sursis et 7 500 euros d'amende pour avoir nié la réalité du génocide juif.

Dès lors,il appartient à la représentation nationale de corriger cette inégalité qui n'a que trop duré et de nous mettre en conformité avec l'article premier de notre Constitution qui affirme « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

Nier le génocide, c’est attenter à la dignité des 1 500 000 Arméniens, déportés dans les déserts de Mésopotamie et de Syrie, morts sans sépulture, comme s'ils n'avaient jamais existé. En votant cette loi, nous leur rendrons une existence, et nous accompagnerons leurs descendants dans l’indispensable travail de deuil individuel et collectif.

Si la liberté d'expression doit être préservée, nous ne pouvons plus tolérer que, sur le sol de France, des groupuscules extrémistes, comme à Lyon en avril dernier, profanent par des graffitis négationnistes le mémorial dédié « au génocide des Arméniens de 1915 et à tous les génocides ».

Cette loi est donc nécessaire. Il n’est pas juste de dire, comme le Président de la République récemment, qu’elle est « inutile » et « polémique », ni, comme nous l'entendons ici, qu’on ne légifère pas sur l'histoire. Il ne s'agit pas plus « d'agir de façon unilatérale » pour soutenir la seule cause arménienne, comme l’a déclaré le ministre des affaires étrangères, le 18 mai dernier.

La France est amie de l'Arménie comme de la Turquie, et son modèle républicain, a inspiré la construction de ces deux républiques. Il lui appartient d’œuvrer à la nécessaire réconciliation arméno-turque, car c’est en acceptant leur passé que les pays parviennent à construire leur avenir.

Enfin, pour convaincre nos collègues de l'UMP qui seraient encore réticents, permettez-moi de vous lire un extrait d'une lettre du 24 juillet 2006, adressée par le président de l'UMP au conseil de coordination des organisations arméniennes de France (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Éric Raoult - Nous l’avons eue, merci !

M. Lilian Zanchi – « Il revient souvent au Parlement... de tracer la frontière entre l'acceptable et l'inacceptable. Il peut donc décider que la négation d'un génocide est un acte qui franchit cette frontière ». J'espère que vous ne contredirez pas ces engagements pris par Nicolas Sarkozy.

M. Guy Teissier - Et chez vous ?

M. Lilian Zanchi – Des parlementaires de tous les groupes politiques ont déposé des propositions de loi sur cette question. je vous invite à approuver à l'unanimité ce texte qui donne sens aux valeurs d'humanisme et d'égalité, fondements de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Cochet - C’est lamentable.

Mme Geneviève Levy - J’ai d’abord une pensée pour nos compatriotes d'origine arménienne qui ont su nous faire comprendre que leur histoire c'était aussi, un peu, l'histoire de la France. Le mémorandum commun de la France, de l'Angleterre et de la Russie du 24 mai 1915 montre bien que nous avons dénoncé ce crime contre l'humanité dès son origine.

En 2001, la reconnaissance du génocide a été accueillie comme un témoignage de solidarité par le peuple arménien. Restait la question de la sanction du négationnisme.

Le 18 avril dernier, des inscriptions niant le génocide arménien ont été découvertes sur un mémorial qui devait être inauguré à Lyon, et des profanations identiques avaient eu lieu à Marseille peu auparavant. Après avoir reconnu le génocide, pouvons-nous laisser ces exactions impunies?

Il y a néanmoins débat. On nous oppose d’abord que les relations franco-turques pâtiraient de l'adoption de cette proposition. Rappelons que, par ce texte, nous n'entendons pas rendre l'actuelle Turquie responsable du génocide.

Deuxième argument, le Parlement ne doit pas écrire l'histoire. C'est vrai et c'est pour cette raison que certains députés de la majorité soutiennent l’amendement de M. Devedjian tendant à faire échapper à toute pénalisation les travaux à caractère scientifique. La loi laissera donc les historiens et les scientifiques travailler en liberté. La liberté d'expression ne doit pas souffrir de compromis, surtout à l’heure où elle est remise en cause par certains, comme le montre l'actualité.

Cette proposition de loi est donc pour nous l’occasion d'affirmer à nouveau que la France est un Etat garantissant la paix civile, dont l’un des éléments fondateurs est le rejet des affrontements communautaires. « Vivre ensemble », cela doit aussi signifier que les vérités peuvent être assumées. Je voterai donc cette proposition de loi, cohérente avec notre histoire et notre conscience. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lequiller - Je voudrais d'abord exprimer toute ma solidarité aux Français d'origine arménienne, marqués à tout jamais par les centaines de milliers de victimes en 1915 de l'Empire ottoman.

Nous avons voté la reconnaissance du génocide arménien le 29 Janvier 2001. La France n'a pas réalisé là un acte isolé. De nombreux États l'ont fait, des organisations européennes et internationales également. Tous ici, nous nous inclinons devant l'énorme souffrance subie alors par le peuple arménien. Je rappelle d'ailleurs que la France fut l'un des premiers pays à accueillir les rescapés de ce génocide.

Le Président de la République a commémoré l'an dernier à Paris, aux côtés du Président Kotcharian, le quatre-vingt-dixième anniversaire de cette tuerie.

M. Patrick Labaune - De ce génocide.

M. Pierre Lequiller - J’ai parlé de génocide.

Lors de son récent voyage officiel en Arménie, il a réaffirmé avec force la nécessité du travail de mémoire que la Turquie d'aujourd'hui doit accomplir.

Pour autant, je ne crois pas opportun de légiférer à nouveau pour sanctionner pénalement la contestation du génocide arménien (Exclamations sur divers bancs). En effet, c'est le travail des historiens et des chercheurs (Protestations sur divers bancs), qui doit pouvoir être approfondi librement, en France, en Europe mais aussi bien sûr en Turquie, en particulier au sein de la commission paritaire d'historiens turcs et arméniens, dont la Turquie s'est engagée à reconnaître les conclusions scientifiques.

Le Président de la République a pris une position suffisamment forte sur le nécessaire travail de mémoire de la Turquie pour que nous n'ayons pas à légiférer de nouveau sur ce sujet douloureux.

Comme l'ont rappelé d'éminents historiens tels que Pierre Nora ou Jean-Pierre Vernant, ainsi que vos collègues constitutionnalistes socialistes, Robert Badinter et Olivier Duhamel, ce texte pose des problèmes graves sur le plan juridique et constitutionnel,…

M. Jean-Pierre Brard - Et la morale ?

M. Pierre Lequiller - …risque d'inconstitutionnalité de l'ensemble du dispositif, dont la loi de 2001, atteinte à la libre communication des pensées et des opinions, atteinte à l'indépendance des historiens, chercheurs et professeurs d'université...

M. Roland Blum et M. Herbillon – Mais non !

M. Pierre Lequiller - Partageant ces analyses, c'est sur le principe que je suis hostile à ce texte et que je considère comme dangereuse la dérive qui consiste pour le Parlement à écrire l'histoire (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste). Comme l’a écrit Bernard Accoyer, le législateur et le juge ne doivent pas se substituer aux historiens et aux chercheurs. (Protestations sur divers bancs)

À titre personnel, en tant que président de la délégation pour l’Union européenne, je ne cesse, dans les nombreux contacts que j’ai avec nos homologues turcs…

M. Rudy Salles - À titre personnel ou en tant que président de la délégation ? Ce n’est pas pareil.

M. Pierre Lequiller - …d’insister sur le devoir de mémoire concernant le génocide. (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) Mais j’ai la conviction que c’est par la pression politique, comme l’a fait le Président de la République au nom de la France, que l’on parviendra à faire évoluer les esprits et à faire reconnaître le génocide par la Turquie. Il faut faire en sorte que les débats historiques progressent dans la sérénité. Je ne pense pas que l’on défende bien la cause qui nous est commune en votant ce texte. Je crains même qu’il se retourne contre elle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - Je rappelle d’abord que de nombreux collègues s’étaient exprimés sur le sujet lors de la séance du 18 mai dernier et qu’il serait souhaitable de rassembler tous ces discours.

Je crois bon aussi de rappeler, notamment à l’intention de M. Devedjian, que c’est toujours le groupe socialiste qui a été à l’origine de l’inscription de ces textes à l’ordre du jour, dans sa « niche » parlementaire… (Protestations sur les bancs du groupe UDF) Avec l’UDF, c’est vrai. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, je rappelle que le dispositif que nous examinons aujourd’hui ne vise qu’à compléter la loi de 2001. On nous parle de pression politique, j’aimerais que l’on parle aussi des valeurs et des convictions. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Le Gouvernement a déjà exprimé sa position sur cette proposition de loi le 18 mai dernier, elle n’a pas varié. Il n'y est pas favorable et ce, pour trois raisons principales.

Plusieurs députés UMP - Dommage.

Mme la Ministre déléguée - Tout d'abord, il faut rappeler que notre pays s'est déjà doté, le 29 janvier 2001, d'une législation qui reconnaît officiellement le génocide arménien. Le Président de la République l'a encore exprimé avec force et émotion, à Erevan, il y a deux semaines à peine : la France reconnaît pleinement la tragédie du génocide commis en 1915.

Permettez-moi de saluer chaleureusement avec vous nos compatriotes d'origine arménienne, qui sont une composante active et remarquable de notre communauté nationale. Ils font honneur à la France, chacun dans leur domaine, mais aussi à la terre de leurs aïeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Déclaration platonique !

Mme la Ministre déléguée - Chacun connaît le chemin de douleur et de peine parcouru par le peuple arménien jusqu'à ce qu'il trouve enfin un État. Nul ne peut prétendre ignorer ce qui a été enduré alors et aucun d'entre nous ici ne songe à contester cette réalité-là.

Nous disposons donc d'une loi sur le génocide arménien. Elle s'impose à tous. La France est en pointe dans ce domaine. Pourquoi en faudrait-il une nouvelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe UDF)

Cette proposition de loi risque d'avoir des effets contraires à ceux recherchés. Nous sommes tous attachés à la qualité des relations que nous entretenons avec ce grand partenaire qu'est la Turquie. Des liens solides d'amitié et de solidarité se sont tissés au fil des siècles. Mais l’exigence va de pair avec l’amitié. La Turquie doit effectuer un travail de mémoire sur son passé. D'autres pays ont su le faire, quelque difficile que soit ce travail. Notre pays s’honore de l’avoir fait. La Turquie s'y est progressivement résolue, grâce en particulier à l'engagement d'intellectuels courageux. Il convient donc de lui permettre d'effectuer ce travail en toute sérénité, c'est la condition de sa réussite.

Il nous faut d'ailleurs relever que ces intellectuels, dont certains ont été accusés et même condamnés pour avoir évoqué la question du génocide, ont lancé un appel pour que cette proposition de loi ne soit pas adoptée. Ils sont convaincus qu'elle nuirait à leur combat. Sommes-nous mieux placés qu'eux pour en juger ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Maurice Leroy – C’est le Parlement qui fait la loi.

Mme la Ministre déléguée - Nous ne devons pas fragiliser cette première avancée, qui doit conduire le peuple turc à revisiter avec objectivité son histoire. Nous devons accompagner cette démarche mais en aucun cas prendre le risque de la contrarier, voire de la figer. Ne nous trompons pas de débat. Nous partageons tous la même conviction qu'il faut favoriser le processus démocratique en Turquie ainsi que la réconciliation entre Arméniens et Turcs. Laissons pour cela le dialogue s'établir et le processus d'apaisement des mémoires s'opérer.

Enfin, le Gouvernement a de réels doutes sur l'opportunité de cette proposition. En effet, il appartient aux historiens, et non au législateur, d'éclairer l'histoire. Lors du débat sur l'article 4 de la loi du 23 février 2005, votre assemblée est ainsi convenue qu'il revenait aux historiens, et à eux seuls, d'établir la réalité des événements du passé et de façonner notre mémoire collective. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) Nous souhaitons nous en tenir là. Voter cette proposition reviendrait à remettre en cause ce principe juste que, dans sa sagesse, votre Assemblée a consacré à l'issue d'un large débat public. Après le Président de la République, après le ministre des affaires étrangères, je vous le redis : ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire. (Exclamations sur divers bancs) Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - La commission des lois n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94 alinéa 3 du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion de l’article unique du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion de l’article unique, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Consultée à main levée, l’Assemblée décide de passer à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.

Mme la Présidente - L’Assemblée ayant décidé de passer à la discussion de l’article unique, j’appelle maintenant cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe UMP )

Article unique

M. Thierry Mariani - Le 29 mai 1998, l'Assemblée nationale adoptait en première lecture à l’unanimité une proposition de loi rendant enfin sa dignité au peuple arménien en affirmant que ce peuple avait été victime d'un génocide en 1915. Puis, pendant deux ans, ce texte a attendu un vote définitif. J'entends certains s'enorgueillir d'avoir été les artisans de cette proposition de loi. Permettez-moi de rappeler la vérité dans cet hémicycle : c'est à l'initiative de notre collègue François Rochebloine que cette proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour et votée en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Quand nous avons des moments d’unanimité dans cet hémicycle, mieux vaut s’en féliciter que de chercher à tirer la couverture à soi.

M. le Rapporteur – Dites-le à M. Devedjian !

M. Thierry Mariani - Malgré la loi du 29 janvier 2001 qui reconnaît l’existence du génocide arménien, la justice française a décidé le 15 novembre 2004 que sa négation n’était pas condamnable. La loi est ainsi faite que l’apologie des crimes contre l’humanité est punie, mais seule la négation de la Shoah est condamnée.

Aujourd’hui, je voterai cette proposition de loi à condition que l’Assemblée adopte l’amendement de M. Devedjian tendant à protéger les recherches scolaires, universitaires et scientifiques – car la loi ne doit pas faire l’histoire mais punir les provocations politiques, notamment si elles sont le fait d’un État étranger – ainsi que l’amendement 3 de M. Masse. En effet, nos collègues socialistes ont déposé une proposition de loi qui, en l’état, ne sert à rien : s’ils ont prévu de faire du négationnisme un délit, ils ont omis de donner aux associations de victimes la possibilité de porter plainte en se constituant partie civile.

Mme Martine David - C’est dans les amendements !

M. Thierry Mariani - Un regret, enfin. Lorsque cette loi entrera en vigueur, il ne sera plus possible de nier l’existence du génocide arménien ; pourtant, d’autres crimes contre l’humanité pourront toujours être contestés en toute impunité. Nous aurions pu aller plus loin en créant, comme nous avons été nombreux ici à le demander, un délit de contestation de l’existence de tous les crimes contre l’humanité dès lors qu’ils sont reconnus par la loi française ou commis par une personne reconnue coupable par une juridiction française ou internationale.

Mme Martine David - Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. Thierry Mariani - Avec celle de la Shoah et du génocide arménien, nous aurions ainsi pu sanctionner la contestation du génocide rwandais et des crimes perpétrés en ex-Yougoslavie. Peut-être le ferons-nous dans une autre législature, ou même aujourd’hui si vous acceptez, Monsieur le président, de lever la forclusion – je tiens à votre disposition le texte de mon amendement.

Une nation est d’autant plus grande qu’elle sait reconnaître les pages sombres de son histoire. À ce titre, la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie, acte de réconciliation et de paix, est un préalable indispensable à l’entrée de ce pays dans l’Union européenne.

Cette loi n’est ni inutile ni circonstancielle : elle rappelle des valeurs qui nous sont chères et rend justice aux victimes arméniennes du génocide. Je voterai cette indispensable proposition de loi parce que l’histoire de l’Arménie, à travers ses descendants de France, est aussi une part de notre histoire (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF).

M. Émile Zuccarelli – Les députés non-inscrits n’ayant, une nouvelle fois, pas pu bénéficier des cinq minutes de droit lors de la discussion générale, je suis contraint de m’inscrire sur l’article pour m’exprimer.

M. Guy Teissier - Il faut choisir votre camp !

M. Émile Zuccarelli - Rien ne serait pire pour notre Assemblée que de se livrer à une compétition compassionnelle envers les Arméniens de France. La reconnaissance du génocide arménien est naturellement indispensable. À quoi devrait–elle servir ? Avant tout à créer une obligation de solidarité, voire à subordonner la conclusion d’accords avec la Turquie à sa propre reconnaissance du génocide. Voilà qui aurait de la gueule ! Pourtant, nous préférons réduire le débat à la condamnation du négationnisme.

J’étais déjà réticent à stigmatiser la négation de la Shoah. Entendons-nous bien : les négationnistes sont de dangereux imbéciles, des salopards même. Cependant, n’est-il pas également dangereux de sanctionner un désaccord avec une vérité officielle ? Naturellement, l’apologie est passible de poursuites, car c’est un appel à la violence, mais le rapport de cette proposition de loi fait un amalgame entre apologie et négation qui me fait froid dans le dos. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Muriel Marland-Militello - Je ne m’abandonnerai pas à la compassion, bien que je sois fille d’Arménienne ; je vous dirai simplement pourquoi cette loi me paraît logique, légitime et salutaire.

Elle est logique, d’abord, parce qu’elle prévoit enfin l’indispensable sanction qu’aurait déjà dû contenir la loi de 2001 sur la reconnaissance du génocide. Inutile de pérorer sur de grands principes si l’on n’a pas le courage d’en sanctionner l’irrespect.

Elle est légitime, ensuite : je m’étonne que l’on dénie à la représentation nationale le droit de légiférer sur une cause qui appartient à la conscience collective et à la sphère publique ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF) Démocratiquement élus, nous avons la responsabilité d’assumer nos positions au nom de nos concitoyens ! J’entends dire que l’histoire doit être faite par les historiens et eux seuls ; mais la médecine est-elle l’apanage des seuls médecins, l’économie des seuls économistes, l’environnement des seuls géographes ?

M. Jacques Myard - Pourquoi pas les astronomes, tant que vous y êtes ?

Mme Muriel Marland-Militello - Vivrions-nous donc dans un régime technocratique ? Permettez à l’élue de la République que je suis de préférer un régime démocratique ! Les spécialistes, dont je ne dénie pas les qualités, travaillent dans leur bureau, loin du débat. Au contraire, nous tous ici, représentation nationale, incarnons le lieu du débat par excellence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) et le seul lieu légitime où l’on puisse s’emparer d’une cause nationale ! Je suis l’une des milliers de descendants des rares survivants du génocide arménien : ils sont Français comme moi ! De surcroît, cette cause nationale est aussi universelle : le génocide porte atteinte à l’essence même de l’humanité.

Cette loi est salutaire enfin, d’autant plus qu’elle est tempérée par l’amendement de M. Devedjian. En effet, le négationnisme, le racisme et la xénophobie sont des pratiques inacceptables, opposées aux valeurs humanistes de notre République. Ne rien faire serait offrir une prime aux criminels de demain. Tout s’oublie, même le pire ; les horreurs du passé se gomment au nom d’intérêts économiques ou stratégiques, comme le fit Hitler en son temps. Ne soyons pas complices de ce crime du silence : Française et Arménienne de cœur, je voudrais pouvoir rester fière de mon pays, la patrie des droits de l’homme ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

M. Rudy Salles - En 2001, l’une des premières lois du XXIe siècle reconnaissait l’existence du premier génocide du siècle précédent. Je me souviens encore du combat que nous avons dû mener alors contre le Président de la République, M. Chirac, et le Premier ministre, M. Jospin, ainsi que des innombrables pressions et menaces que nous avons subies – des dizaines de courriels nous mettaient en garde contre des conséquences fâcheuses pour la France. Et qu’a-t-on vu ? Rien : la Turquie a pris acte d’une décision de notre pouvoir souverain.

Les mêmes arguments reviennent aujourd’hui, mais nous résisterons de nouveau. Le vote qui nous permet de discuter des articles est une première victoire, et je ne doute pas de l’issue de notre débat.

Presque tous ici, nous rejoignons nos frères d’origine arménienne le 24 avril, pour honorer la mémoire de ceux qui sont tombés. Si j’étais absent à Nice l’an dernier, lors du 90e anniversaire du génocide, c’est parce que j’étais alors à Erevan, avec MM. Rochebloine et Bayrou. Chaque année à la même date, un million et demi d’habitants d’un pays qui en compte quatre viennent se recueillir et fleurir le mémorial de béton gris sur lequel sont gravés les noms des victimes.

Le sentiment que nous avons éprouvé devant cette ferveur et ce recueillement, c’était la fierté d’avoir voté la loi de 2001 – celle-là même qui nous anime au moment où nous nous apprêtons à compléter cette loi. Notre vote de tout à l’heure et celui de 2001 sont en effet autant d’actes qui permettent de donner enfin une sépulture aux 1,5 million de victimes du premier génocide du XXe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur – L’amendement 1 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 1 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - J’ai déjà défendu l’amendement 6 2e rectification. Avec ce texte, les citoyens français d’origine arménienne demandent avant tout la protection de la République. En France, dans ce pays qui fut pour nos parents une terre d’exil, les Arméniens continuent en effet d’être persécutés par un État qui non seulement ne reconnaît pas le génocide arménien, mais organise la négation de ce génocide. Les manifestations qui ont eu lieu à Lyon ou à Marseille sont intolérables et blessent ceux qui veulent oublier leurs souffrances. Les préfets ne disposent pas aujourd’hui de la base juridique qui leur permettrait d’empêcher ces manifestations : voilà l’objet principal du débat, les controverses d’ordre intellectuel sont secondaires. La Turquie de M. Erdogan, qui a institué dans son code pénal un article 301 qui interdit d’affirmer le génocide arménien en Turquie, n’est pas un exemple pour nous. Hrant Dink, intellectuel arménien de Constantinople, pourtant poursuivi pour avoir affirmé courageusement l’existence du génocide arménien en Turquie, nous supplie de ne pas agir comme les Turcs en adoptant une disposition qui restreindrait la liberté intellectuelle. C’est pourquoi je propose d’exempter de poursuites les travaux des universitaires. Je précise qu’il s’agit bien des travaux, et non des personnes, car la qualité d’historien n’autorise pas à dire n’importe quoi. Il est de jurisprudence constante qu’un travail universitaire doit obéir à des critères d’honnêteté intellectuelle et d’objectivité et faire une place aux points de vue adverses. Ce n’est pas parce qu’on est universitaire qu’on peut être négationniste : Faurisson pourra toujours être condamné parce qu’il n’obéit pas à la déontologie de l’historien…

M. Michel Herbillon - Absolument !

M. Patrick Devedjian - …comme Lewis a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris (« Au civil ! » sur les bancs du groupe socialiste). Comme dans l’affaire du « détail », le tribunal a défini les critères qui permettent à un travail universitaire de bénéficier d’une exemption.

M. Jean-Pierre Blazy - L’amendement est inutile !

M. Patrick Devedjian - « Je suis contre ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire », disait Voltaire. La reconnaissance du génocide arménien est une cause qui m’est très chère, mais je n’ai pas peur de ceux qui le contestent. Je n’ai peur que des propagandistes, ceux qui provoquent nos enfants dans nos villes et qui peuvent causer des troubles et des affrontements. Et je soutiens cette proposition de loi pour une seule raison, qui se suffit à elle-même : c’est une loi de paix civile. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Claude Goasguen - Je partage le sentiment qui anime notre collègue Devedjian. Il convient cependant de distinguer le problème de la recherche scolaire de celui de la recherche universitaire ou scientifique. La recherche scolaire implique en effet les manuels scolaires, qui n’ont rien à voir avec la recherche. Il faut éviter toute ambiguïté. C’est pourquoi je suggère de rectifier l’amendement pour n’exclure des poursuites que « les recherches universitaires ou scientifiques ».

M. Patrick Devedjian - J’accepte de rectifier mon amendement en ce sens.

Mme la Présidente - Il devient donc l’amendement 6 3e rectification. Je donne la parole au Gouvernement. (« Il faut voter ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - La position du Gouvernement sur ce texte est connue. Il lui est donc difficile de donner un avis favorable à cet amendement, qui appelle en outre des réserves d’ordre juridique. S’en étant entretenu avec vous, Monsieur Devedjian, ainsi qu’avec le président Accoyer, le Gouvernement s’en remet cependant à la sagesse de l’Assemblée.

M. Roland Blum - Malgré toute l’amitié que nous portons à notre collègue Devedjian et malgré la démonstration talentueuse qu’il vient de nous faire, nous sommes plusieurs parlementaires de l’UMP à penser que cet amendement dénature la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien !

M. Roland Blum - Nous avons adopté la loi du 29 janvier 2001, qui reconnaît le génocide arménien, sans restriction. L’adoption de cet amendement reviendrait à distinguer deux types de génocides, comme si la notion de génocide pouvait être à géométrie variable. Il y aurait le génocide juif, dont la négation est sanctionnée dans tous les cas – c’est la loi Gayssot – et un génocide arménien dont la négation ne serait pas sanctionnée de la même façon, c'est-à-dire un génocide au rabais. Cela n’est pas acceptable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement qui a été déposé tardivement. Il altère évidemment la portée du texte. Chacun prendra donc ses responsabilités en conscience.

L'épreuve à main levée ayant été déclarée douteuse, l’amendement 6 3e rectification, mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 2 est rédactionnel.

L'amendement 2, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article unique modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’article unique

M. le Rapporteur – Les amendements 3 rectifié et 4 sont défendus.

Les amendements 3 rectifié et 4, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

titre

M. le Rapporteur – L’amendement 5 est défendu.

L'amendement 5, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

explications de vote

M. Bruno Le Roux - Nous achevons aujourd’hui un parcours qui a commencé le 13 mai 1998 avec la proposition de loi de Didier Migaud, relayée plus tard par celles de François Rochebloine et René Rouquet. Ces textes ont vocation à être votés largement. Encore faut-il qu’on les inscrive à l’ordre du jour. Nous l’avons fait, au groupe socialiste, parce que nous pensons qu’il est nécessaire d’aller au bout du travail de reconnaissance qui a été entamé.

Le génocide arménien est un fait établi. Ce qui nous manquait, c’étaient les instruments juridiques qui permettront, demain, de condamner sa négation. Le génocide arménien n’est plus un débat : c’est une tragédie qui a marqué un peuple à jamais, et que nul ne peut nier, sauf à travestir l’histoire.

Nous avons accompli un double travail : un travail de législateur, pour que ce qui s’est passé le 24 avril dernier ne puisse plus se reproduire, et un travail de responsabilité politique.

Et nous demandons des excuses du Gouvernement pour les propos inqualifiables qu’a tenus ce matin Mme Lagarde, qui a qualifié notre démarche d’électoraliste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF)

M. Julien Dray - Elle ne sait pas ce qu’est le suffrage universel !

M. Bruno Le Roux - Nous ne faisons que notre travail de législateurs. Si nous sommes sensibles aux débats qui traversent notre société, nous savons résister aux pressions extérieures ! Nous participons aujourd’hui à un débat qui permettra de bâtir l’avenir sur des bases historiques claires. La négation du génocide arménien, nous l’affirmons avec force, ne peut plus faire partie du débat contemporain ! Tel est le sens que nous donnons à notre vote positif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Frédéric Dutoit – Il est des moments où nous pouvons transcender notre appartenance à des partis différents. Chacun le sait, nous avons souvent tendance à faire un travail plus réglementaire que législatif, mais en votant cette loi, qui vise à pénaliser la négation du génocide arménien, nous faisons un travail de mémoire en faveur de la communauté arménienne, ainsi qu’un pas en avant dans le progrès et l’émancipation de la communauté humaine. Il ne s’agit pas seulement de solidarité envers la communauté arménienne : nous cherchons à faire progresser ensemble toute l’humanité !

Nous ne pouvons que nous féliciter que cette loi soit adoptée aujourd’hui. J’en appelle toutefois au Gouvernement : cette loi doit être inscrite à l’ordre du jour du Sénat, puis effectivement appliquée (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Mme la Présidente - Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe socialiste d’un scrutin public.

M. André Santini - À votre perchoir, Madame la présidente, siégeait autrefois un grand homme d’État, trop souvent oublié : Edgar Faure (Quelques exclamations sur divers bancs). Au terme de trois années de procédure sur ce texte, les plus anciens d’entre nous se souviendront peut-être de sa formule : « Litanie, liturgie, léthargie ».

M. Guy Geoffroy - Il parlait du budget !

M. André Santini - Nous sommes peut-être en train de sortir enfin de cet épisode peu glorieux pour notre Parlement, qui après avoir mis si longtemps à reconnaître le génocide arménien, ne savait plus quoi faire de sa victoire ! Nous allons sortir de l’ambiguïté, en reconnaissant pleinement le génocide : personne ne pourra plus nier ce que nous avons voté ! (Applaudissements sur divers bancs)

Il ne s’agit pas de s’accaparer ce dossier : comme l’a rappelé M. Mariani, notre collègue Rochebloine a été à l’origine de cette proposition, mais d’autres députés, notamment socialistes, l’ont soutenue. Votons en oubliant nos étiquettes ! Les Arméniens qui se sont engagés dans l’armée française en 1916, ceux qui ont participé à la Résistance, comme Missak Manouchian, tous les Arméniens qui sont morts pour notre pays, avec ou sans l’uniforme français, ont oublié de demander la reconnaissance de leur statut… Il est temps de donner à ce peuple, à cette civilisation, à nos frères, dont nous connaissons l’engagement, l’intelligence, la détermination et le courage face à la mort, autre chose que notre mesquinerie.

Votons donc ensemble, en dépit des allusions à certaines menaces économiques ou diplomatiques ! C’est avec son cœur que le groupe UDF votera ce texte pour nos frères arméniens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jacques Myard - Et avec sa raison aussi !

M. Michel Piron - Je tiens à préciser d’emblée que je m’exprime au nom du groupe UMP, et non à titre personnel, même si je rappelle que la consigne de mon groupe est la liberté de vote.

Le 29 janvier 2001, la France a reconnu le génocide arménien, et le Président de la République a rappelé, lors de son récent voyage en Arménie, toute l'horreur des atrocités dont ce peuple a été victime au sein de l'empire ottoman. Nul ne peut nier les centaines de milliers de morts qu’a causées le génocide de 1915 – il y aurait même eu un million et demi de victimes selon les estimations les plus crédibles ! Aucune divergence n’existe entre nous sur la reconnaissance du génocide arménien, et nous nous inclinons tous, au sein de la représentation nationale, devant la souffrance subie par ce peuple.

M. Yves Bur – Tout à fait !

M. Michel Piron - Je veux également saluer nos compatriotes d'origine arménienne qui ont tant apporté à notre pays, dans tous les domaines.

Mais que nous propose aujourd’hui le groupe socialiste ? De légiférer une nouvelle fois sur le génocide arménien, afin d’incriminer sa négation. Chacun avait pourtant reconnu, lors du débat de l'an dernier sur la colonisation, que ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire…

Mme Martine Billard - Ce n’est pas le sujet !

M. Michel Piron - …tentation à laquelle notre Assemblée a peut-être trop cédé depuis quinze ans, même si ses intentions étaient parfois louables. Je regrette que le parti socialiste y cède à nouveau, pour des raisons qui lui sont propres et malgré les réticences d’un bon nombre de ses représentants les plus éminents.

M. Bruno Le Roux - Scandaleux !

M. Michel Piron - La reconnaissance officielle du génocide arménien étant acquise, devons-nous judiciariser davantage le champ de la recherche historique et encadrer le débat scientifique en prescrivant aux historiens ce qu'ils ont, ou non, le droit d'écrire ? Nous sommes certains à ne pas le penser au groupe UMP !

Faire l'apologie d'un génocide tel que le génocide arménien, appeler à la violence et à la haine envers une communauté par des manifestations de rue, comme ce fut le cas à Lyon au printemps dernier, tout cela constitue évidemment des délits, qui sont d'ores et déjà sanctionnés par notre code pénal. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Commenter ces horreurs, discuter de leur signification et de leur portée, ou encore débattre de l'ampleur des crimes commis en 1915, ne doit pas conduire les historiens devant des tribunaux non qualifiés pour délivrer des vérités historiques (Même mouvement). Ni le législateur ni le juge ne peuvent et ne doivent se substituer aux historiens et aux chercheurs ! Sans le moindre corporatisme, d’éminents historiens nous appellent depuis plusieurs jours à ne pas légiférer sur ce sujet. Cette proposition de loi comporte en effet des risques patents malgré les bonnes intentions de ses auteurs.

L'amendement de Patrick Devedjian, dont je veux saluer le courage et l'objectivité, entendait apporter une garantie contre de tels risques. Notre responsabilité de parlementaires est en effet de ne pas alimenter dans les prétoires une guerre des mémoires déclenchée par des associations communautaristes qui abusent des lois mémorielles.

M. Claude Goasguen - Ce n’est pas la question !

M. Michel Piron - « La mémoire divise, l'histoire unit », a écrit l'historien Pierre Nora, et ce n'est pas en cherchant à légaliser la vérité historique que l'on empêchera certaines contestations, mais plutôt en combattant les « mauvaises idées » par le débat scientifique, par la recherche et par un enseignement appuyé sur le consensus des historiens. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Certains pensent le contraire et nous respectons cette différence d’appréciation. Voilà pourquoi, je le redis, les députés de notre groupe auront une totale liberté de vote. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

À la majorité de 106 voix contre 19, sur 129 votants et 125 suffrages exprimés, la proposition de loi est adoptée.

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Assurance chômage des professions du spectacle

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues, relative à la pérennisation du régime d’assurance-chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.

M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Depuis plus de trois ans, c’est-à-dire depuis l'agrément donné par le Gouvernement au funeste accord du 26 juin 2003, la culture traverse une crise sans précédent dans notre pays. La remise en cause brutale du régime d'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, en a été le révélateur.

Est-il besoin de rappeler que l'accord du 26 juin 2003, qui régit encore aujourd'hui les annexes 8 et 10, est un mauvais accord ? 80 % des intermittents gagnent au mieux 1,1 fois le SMIC ! Comment ne pas penser à ces femmes et à ces hommes passionnés par leur vie professionnelle, à ces « travailleurs de la culture » selon la belle formule de Jean Zay, qui ont été précarisés de façon inacceptable depuis plus de trois ans ? Qui peut ignorer que la création culturelle a été blessée à mort par le découragement, d’abord invisible mais progressif, de tous ces professionnels qui n'ont pas eu d'autre solution que d'abandonner un engagement artistique qui était toute leur vie ?

Cet accord, redisons-le, n'a en rien réduit le déficit qui lui servait de justification première. Il s’est contenté d’engendrer des inégalités criantes et des effets pervers qui avaient pourtant été dénoncés, dès mars 2004, par la mission d'information sur les métiers artistiques que présidait Dominique Paillé et dont le rapporteur était Christian Kert.

Parce que nous ne nous résignons pas une victoire de ceux qui, à l’instar du Medef, veulent liquider les annexes 8 et 10, ou tout au moins tuer la solidarité interprofessionnelle, nous avons été nombreux dans cet hémicycle, au-delà des clivages politiques traditionnels, à vouloir le débat parlementaire de ce matin.

Malgré l'intensité de cette crise de l'emploi culturel, malgré la très forte mobilisation de ceux qui en sont les victimes et de ceux qui les représentent, le dossier de l'intermittence a été finalement peu évoqué dans notre hémicycle au cours de ces trois dernières années. Hormis nos questions au Gouvernement et nos interpellations lors de l'examen annuel du budget de la culture, nous n'avons réellement eu, en séance publique, qu'un seul débat de fond, le 9 décembre 2004. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'interventionnisme supposé des parlementaires n'est qu'un mythe ou plutôt un chiffon rouge agité régulièrement par opportunisme ou par calcul.

M. Pierre Cohen - Très bien.

M. le Rapporteur - Lors de ce débat sur le spectacle vivant, plusieurs d’entre nous ont évoqué la voie législative au nom de l'intérêt général afin de sortir de l'impasse conventionnelle. Vous nous aviez dit alors, Monsieur le ministre, que nous n'en étions pas là. C'était il y a bientôt deux ans. Or, qu'avons-nous constaté depuis ? Le fonds « provisoire » s'est transformé en fonds « transitoire » fin 2004, puis en fonds permanent de professionnalisation et de solidarité en mai dernier avec une dotation de 120 millions en 2006, la solidarité nationale se substituant progressivement à la solidarité interprofessionnelle. Le « système pérenne et équitable » que vous aviez annoncé pour le 1er janvier dernier se fait toujours attendre et vous avez dû dépenser une énergie considérable pour remettre les partenaires sociaux autour de la table des négociations afin d'aboutir au projet de protocole du 18 avril 2006 qu'aucune centrale syndicale n'a encore signé à ce jour, CGT et FO ayant exprimé leur désaccord. Ce constat est la meilleure preuve que, signé ou non, le projet de protocole est très mauvais car il ne pose pas les bases d'un « système pérenne et équitable ».

De fait, nous vous avons pris au mot, Monsieur le ministre. N'aviez-vous pas répondu à M. Kert le 30 mars 2005 : « Nous saurons à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c'est-à-dire par voie législative. » Ce moment est arrivé, Monsieur le ministre. Il faut mettre un terme à la course de lenteur qui nous a été imposée. C'est aujourd'hui la dernière chance offerte à l'initiative parlementaire avant la fin de la législature et si cela se fait dans l'urgence, après avoir tant attendu, c'est qu'il y a urgence sociale. Le 31 mai dernier, les parlementaires du comité de suivi avaient d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme : « Nous sommes allés au bout du processus. Il est temps maintenant de répondre à l'attente de tous les artistes et techniciens, il faut que le Parlement prenne ses responsabilités. »

À cet égard, il n'est pas acceptable que soit fait le procès de l'intervention du législateur au prétexte qu'il s'agit de droit du travail. La loi a été souvent à l'origine de la négociation collective – c'est même une pratique courante encadrée par la Constitution. Ainsi, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a créé la convention de reclassement personnalisé, renvoyant à la négociation le soin d'en préciser les modalités. Et pour ce qui nous concerne, la loi est intervenue à deux reprises sur le dossier de l'intermittence. Au début de l'année 2002, nous avons été amenés à pérenniser les annexes 8 et 10, alors privées de tout fondement conventionnel. Quelques mois plus tard, à la demande des gestionnaires de l'UNEDIC eux-mêmes, le code du travail était modifié, mettant à mal la solidarité interprofessionnelle pour permettre le doublement des cotisations chômage avec les conséquences négatives que l'on devine sur le pouvoir d'achat des salariés concernés et sur les finances des entreprises et associations culturelles.

Vous nous direz, Monsieur le ministre, que la loi nuit à une négociation collective non finalisée. Au-delà du fait que le groupe socialiste, par respect du rôle joué par les partenaires sociaux, a choisi de ne pas utiliser sa niche parlementaire dès le printemps dernier, comme d’ailleurs le groupe UDF en début d'année,…

M. Pierre-Christophe Baguet - Merci de le dire.

M. le Rapporteur - …comment ne pas dénoncer la présentation abusive d'un courrier d'un dirigeant d'une confédération syndicale au ministre de l'emploi annonçant la signature imminente du protocole d'accord du 18 avril 2006 ? L'enjeu n'est pas formel mais fondamental. En ne modifiant qu'à la marge le protocole de 2003, les rédacteurs du projet du 18 avril 2006 balaient du revers de la main tout le travail d'expertise et de propositions mené depuis trois ans : celui du comité de suivi, le rapport de Jean-Paul Guillot et le rapport de la mission d'information sur les métiers artistiques. On ne peut que constater l’absence des principales revendications : 507 heures nécessaires en 12 mois à date anniversaire fixe, délai préfixé de 12 mois d'indemnisation en lieu et place de la capitalisation, indemnité journalière plancher égale au SMIC, prise en compte des heures de formation et des congés maladie hors contrat. Ce que propose le Medef est inacceptable en l'état. L'abandon progressif du régime particulier qui sous-tend ses propositions aboutirait à remettre en cause le statut de salarié de nombre de travailleurs du secteur culturel. La logique du contrat commercial ou de la prestation de service pourrait ainsi peu à peu supplanter la présomption de salariat garantie par l'article L. 762-1 du code du travail.

D'où l’alternative que constitue cette proposition, fruit du travail réalisé au sein du comité de suivi créé à l'Assemblée nationale en décembre 2003 à l'initiative de Noël Mamère et au sein duquel Étienne Pinte joue le rôle déterminant que l'on sait – sans oublier le lyrisme salvateur de Jack Ralite. Le comité de suivi est un collectif original réunissant, outre des députés et des sénateurs de tous les groupes, des représentants des syndicats, de la coordination des intermittents et précaires d'Île-de-France, et des organisations professionnelles. Il joue un rôle clé dans le conflit des intermittents depuis trois ans, et se trouve donc à l'origine de cette proposition déposée simultanément en mars 2005, et dans les mêmes termes, sur les Bureaux des deux assemblées. Pour l'Assemblée nationale, il s'agit des propositions numéros 2140 de Pierre Albertini et du groupe UDF, 2141 du groupe socialiste, 2142 de Noël Mamère et des députés Verts, 2143 de Frédéric Dutoit et du groupe communiste et républicain, 2144 d'Étienne Pinte et d'une centaine de députés UMP. Signée par 472 parlementaires à ce jour, dont plus de 300 députés émanant de tous les groupes politiques, elle fixe un nouveau cadre pour pérenniser les annexes 8 et 10 au sein de la solidarité interprofessionnelle mais ne se substitue pas aux partenaires sociaux qui devront la décliner par une négociation.

L'article premier dispose ainsi que le protocole d'accord sur l'assurance chômage des intermittents devra préciser les conditions dans lesquelles sont assurées la solidarité, l'égalité de traitement et la transparence des données. Ce protocole s'inscrit dans le cadre des mesures d'application des dispositions du régime d'assurance chômage. L’article 2 vise à gager cette proposition et à faire en sorte qu’il n’y ait pas de charges supplémentaires pour les régimes sociaux.

Le 4 octobre, la commission des affaires culturelles a décidé de suspendre l'examen de la proposition avant la discussion des articles et de ne pas présenter de conclusions. Pourtant, la crise de l'été 2003 a montré la solidité du lien entre la nation et ses artistes. Dans l'attente d'une loi d'orientation qui posera les nouvelles bases de l'emploi culturel dans notre pays, il importe aujourd'hui que la représentation nationale affirme sa volonté de pérenniser les principes sur lesquels repose l'assurance chômage des artistes et des techniciens qui font vivre ce lien essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Présidente – Nous en venons à la discussion générale.

M. Michel Françaix – Toutes les conditions sont réunies pour que cette proposition soit votée. Si elle fixe le cadre de nouvelles négociations, elle ne tend en rien à se substituer aux partenaires sociaux. Puisque la réforme du 26 juin 2003 est injuste, inefficace et coûteuse, puisque le ministre de la culture a toujours dit qu’en cas d’échec des négociations…

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Ce n’est pas le cas.

M. Michel Françaix - …il n’hésiterait pas à faire appel au législateur, puisque plus de 470 parlementaires dont 300 députés – parmi lesquels de nombreux représentants de la majorité – se sont prononcés en faveur de cette proposition, puisque celle-ci n’est pas l’apanage d’un clan mais d’un comité de suivi reconnu par tous, puisque cette demande a été saluée par tous comme faisant honneur à la politique, puisque la mission d’information sur les métiers artistiques avait mis l’intermittence au cœur du débat, puisque les institutions, les élus, les employeurs de festival et de salles de spectacle ne peuvent réaliser leurs ambitions culturelles sans recourir aux intermittents, puisque l’accord du 18 avril 2006 est mauvais car ne reprenant pas le seuil des 507 heures nécessaires en douze mois à date anniversaire fixe…

M. le Ministre – C’est l’État qui s’en charge.

M. Michel Françaix - …puisque c’est le rôle du Parlement que de donner des outils de négociation aux partenaires sociaux à travers la loi, puisque nous sommes allés au bout du processus et que c’est la dernière chance avant les élections…

M. Michel Herbillon - D’où le dépôt de cette proposition ?

M. Michel Françaix - …il est temps, pour débloquer une situation intenable, de répondre à l’attente des artistes et des techniciens ! Nous ne pouvons revenir sur notre parole. Si nous pensons que l’artiste est au coeur de la société, je vous demande d’en finir avec les hésitations et les volte-face afin que nous prenions ensemble nos responsabilités ! Comme au théâtre, il y a un temps pour les coulisses et un temps pour la représentation. Les parlementaires doivent dire ce qu’ils pensent sans arrière-pensées. Je compte sur vous pour nous retrouver sur l’essentiel : une vision de l’art et de la culture digne de ce nom ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pierre Albertini – Je suis convaincu que nous sommes tous très intéressés par la question de l’intermittence. Si nous devions en douter, l’abondance des rapports et des missions ou la création du comité animé par M. Pinte, suffiraient à montrer qu’au-delà des avis partisans, un large consensus se dégage pour considérer que la question de l’assurance chômage des artistes et des techniciens du spectacle n’est pas subalterne.

M. Maurice Leroy – Très bien.

M. Pierre Albertini - À travers le sujet de l’assurance chômage, qui est au cœur des discussions de l’UNEDIC, c’est la place des artistes et techniciens du spectacle qui est en question. Il s’agit certes de l’animation de nos villes et de l’attractivité de nos territoires, mais beaucoup plus profondément de l’accès à la culture et du lien social qu’elle fabrique, par le plaisir de se retrouver ensemble, dans la rue, les théâtres, les salles de concert et ailleurs, dans une communion qui dépasse les différences.

La plus grande erreur a été d’agréer le protocole, dénoncé depuis l’origine, du 26 juin 2003. Nous ne serions pas là si cela n’avait pas été le cas. Monsieur le ministre, vous héritez d’une situation inconfortable.

M. Jean-Pierre Brard - Il assume !

M. Pierre Albertini - Certes, mais l’héritage est lourd. Vous n’avez pas hésité à mobiliser le budget du ministère, à demander aux collectivités territoriales de pérenniser l’emploi culturel – elles sont perfectibles en la matière – et à faire appel aux organisations professionnelles. Nous vous remercions de n’avoir à aucun moment considéré la question de l’assurance chômage comme secondaire. Il faut en particulier être très vigilant face à la plus grande vulnérabilité des jeunes, qui entrent dans la profession et sont encore plus menacés que ceux qui ont réussi à se faire un nom.

Deux grandes questions dominent le débat. D’abord, le protocole du 18 avril 2006, proposé par les partenaires sociaux mais non signé, est-il équitable, pérenne et vertueux ? Non. Il comporte certes quelques éléments positifs, dont la suppression de l’indemnité journalière, mais il est globalement défectueux et n’est en aucune manière à la hauteur des attentes du monde du spectacle, ni d’ailleurs des propositions émises par différents rapports et par la mission d’information conduite par M. Kert et M. Paillé. Ensuite, est-il légitime, et opportun, de demander à la représentation nationale de légiférer ? Oui. Depuis l’été 2003, la situation des intermittents n’a cessé de se dégrader, au point que vous avez dû intervenir, Monsieur le ministre, par le biais d’un fonds provisoire spécifique, transformé en fonds transitoire, que vous proposez de rendre pérenne sous le nom de fonds de professionnalisation et de solidarité. Ce faisant, nous sommes déjà passés de la solidarité interprofessionnelle, sur laquelle reposait l’accord du 26 juin 2003, à la solidarité nationale.

Nous sommes aujourd’hui en situation de carence des partenaires sociaux. Depuis le 18 avril 2006, nous attendons une signature qui n’intervient pas. Notre patience a atteint une limite raisonnable. La question est trop sérieuse pour être laissée aux rapports subtils entre le Medef, la CFDT et sans doute aussi le Gouvernement. La question doit être tranchée par le législateur sous l’angle des principes. C’est le sens de la proposition que j’ai rédigée pour le comité de suivi, qui n’est pas une injonction aux partenaires sociaux, mais une invitation à renégocier, à rediscuter cet accord prévu par le code du travail, sur une base simple : une activité de 507 heures constatée sur douze mois et donnant droit à une indemnisation sur douze mois aussi. Cette renégociation n’aurait pas été nécessaire si le protocole du 26 juin 2003 n’avait pas été agréé de façon aussi inconséquente.

Notre démarche est partagée par beaucoup de parlementaires, y compris au-delà du comité de suivi. Mais elle ne constitue qu’un premier pas. Il faudra ensuite définir le périmètre de l’intermittence et consolider l’emploi culturel – nous attendons encore à ce sujet la loi de programmation annoncée par M. Raffarin. Il faut accomplir ce premier pas sans esprit de victoire ni de revanche, mais pour corriger ce qui avait été mal fait. Nous invitons donc les partenaires sociaux à remplir leurs responsabilités. Nous préférons tous le contrat à la loi, mais lorsqu’il ne se manifeste pas, la loi doit prendre le relais (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Brard - Voilà un vrai révolutionnaire ! C’est sans doute l’influence de la Pucelle à Rouen…

M. Pierre Albertini - C’était une révolutionnaire à sa façon.

M. Frédéric Dutoit – Après trois ans de conflit, les questions soulevées par la réforme des annexes 8 et 10 ne sont toujours pas réglées. Trois ans que l'on joue avec les nerfs des intermittents, dont des dizaines de milliers ont été exclus de la solidarité interprofessionnelle. Les jeunes artistes sont renvoyés vers la précarité. L'objectif central du Medef, dans cette réforme, n'est pas en fait la réduction du déficit, mais celle du périmètre de la profession. Pour lui, il y a trop d'artistes, comme il y a trop d'enseignants, de médecins ou de cheminots – trop de tout, sauf de profits.

Monsieur le ministre, un lourd discrédit pèse sur votre parole. Vous serez peut-être amené à renoncer à vos engagements. Vous ne défendez même plus les 507 heures annuelles avec date anniversaire – ou alors n’avez-vous plus la maîtrise du dossier. Trois ans après la signature d'un protocole d'accord minoritaire, on a l'impression que votre action n'a eu pour objectif que de calmer les esprits pour pouvoir passer les étés tranquillement.

Une profession est en danger, et sans elle, il n'y a pas de culture. Les artistes et techniciens du spectacle vivant, de l'audiovisuel et du cinéma expriment une colère justifiée. Nous les soutenons sans réserve. La culture est fragilisée. Le comité de suivi, qui réunit des parlementaires de toutes les sensibilités politiques, a toujours joué le jeu de la concertation pour sortir de la crise par le haut, mais la culture est encore en danger, prise dans le glissement d'une société de civilisation vers une société de comptes d'exploitation. Le dossier des intermittents est au cœur de l'avenir de l'exception culturelle française. C'est la reconnaissance des professionnels de la culture, confrontés chaque jour à la complexité et, le plus souvent, à la précarité de leur métier, des artistes et techniciens qui ont le droit de vivre de leur passion, de créer, d'inventer, de travailler sereinement ; qui contribuent directement à offrir de nouveaux espaces de divertissement et d'évasion, à créer cette culture qui participe à la formation de la personnalité de chacun.

Il est grand temps que nous assumions aujourd'hui nos responsabilités. Avec 471 parlementaires UMP, UDF, socialistes, communistes et verts, je soutiens cette proposition de loi qui pose les bases d'un régime spécifique d'assurance chômage dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, au sein de l'UNEDIC, et ouvre les droits à indemnisation selon une période de référence de douze mois, avec une date d'anniversaire fixe et pour une période de douze mois également. Vous avez toujours refusé, Monsieur le ministre, d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée et du Sénat. Je suis enclin à penser que l’ensemble des parlementaires la voteront. La démocratie doit être respectée : les intermittents, qui souffrent de ce manque de reconnaissance, les femmes et les hommes sensibles à la liberté de création, le public citoyen, les élus de toutes tendances, qui engagent leurs collectivités sur les chemins des arts et du spectacle, attendent de nous un élan nouveau pour la culture. Comme le comité de suivi, constatant le défaut d’accord sur un nouveau protocole après 34 mois de dialogue, j'appelle solennellement tous mes collègues à voter cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. Michel Herbillon – Le sujet est particulièrement complexe et nous tient à cœur. Derrière la question du régime spécifique de l'assurance chômage des artistes et techniciens, ce qui est en jeu, c’est notre vision de la place de la culture dans notre société, et donc de la politique culturelle. La question fait jouer des ressorts subtils, parce qu’elle est au carrefour entre la solidarité nationale et la solidarité interprofessionnelle, entre la politique nationale et le champ de compétences des partenaires sociaux. Cette complexité explique pour beaucoup les malentendus et le dialogue de sourds qui ont marqué le conflit de 2003.

Ce fut un conflit dur, violent; mais qui a eu le mérite de poser les bonnes questions et de montrer l'apport inestimable de nos artistes et de nos techniciens, qui font notre fierté et auxquels je veux, au nom de l’UMP, rendre un hommage appuyé. La crise a aussi permis de faire survenir un état d'esprit nouveau, celui du dialogue et de la mobilisation autour d'un diagnostic partagé. Cela s’est concrétisé par une mobilisation parlementaire sans précédent, qui a réuni, c’est assez rare pour le souligner, l'ensemble des groupes politiques ; mais aussi par une collaboration inédite entre le ministère de la culture et celui de la cohésion sociale, illustrée par la présence conjointe ici des deux ministres. Je tiens à les en remercier au nom des membres de la commission des affaires culturelles.

Par ailleurs, une mission d'information parlementaire a débouché sur le rapport Kert voté à l'unanimité, et des élus de tous bords ont participé au comité de suivi présidé par M. Pinte ; le Parlement a tenu pour la première fois un débat sur le spectacle vivant. Puis, en septembre 2004, des états généraux du spectacle vivant ont dressé l'état des lieux des diverses conditions d'emploi dans ce secteur.

Dans ce contexte nouveau, le dialogue social rénové a permis une discussion très ouverte, avec le concours des présidents des commissions des affaires culturelles des deux assemblées. C'est ainsi que les partenaires sociaux, éclairés par de véritables expertises, ont abouti au protocole du 18 mars dernier. Quel que soit le jugement que l'on porte sur ce projet, le groupe UMP se réjouit que deux objectifs politiques majeurs soient atteints : d’une part le maintien d'un régime spécifique pour nos artistes et techniciens dans la solidarité interprofessionnelle et la prise en compte de la saisonnalité spécifique du secteur ; d’autre part, l'engagement fort de l'État afin que, pour la première fois, la solidarité nationale accompagne la solidarité interprofessionnelle. J'espère d’ailleurs que nos collègues de gauche voteront les crédits qui permettront aux artistes et techniciens de bénéficier de garanties supplémentaires, notamment l'allocation de fins de droits.

C'est au vu de cette articulation globale, fruit d'un engagement durable de l'État, que le groupe UMP formule son appréciation du futur système équitable et pérenne que nous appelons de nos vœux.

Mais je veux aussi rappeler à l'ensemble de la communauté artistique que c'est cette majorité qui a agi concrètement en sa faveur. Elle a doublé les moyens consacrés à la création culturelle depuis cinq ans, puisque de 300 millions entre 1997 et 2002, nous sommes passés à plus de 600 millions d'euros entre 2002 et 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Liberti - Hors sujet !

M. Michel Herbillon - C’est elle qui a voté les crédits d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel ce qui, combiné à votre décision, Monsieur le ministre, d'ouvrir les monuments historiques aux tournages, a permis d'augmenter de 35 % le nombre de tournages dans nos régions ! Elle encore qui a augmenté les crédits pour le patrimoine.

M. Jean-Pierre Brard - Nous parlons de spectacle vivant !

M. Michel Herbillon - Oui, nous préférons agir pour développer l'emploi de nos artistes et techniciens plutôt que de nous focaliser sur des questions de chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Et les résultats sont au rendez vous !

C'est enfin cette majorité, avec le discours du président de l'UMP Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains),…

M. Jean-Pierre Brard - Encore un sarkoboy !

M. Michel Herbillon - …qui a rendu à la culture, dans notre famille politique, son rôle essentiel de vecteur d'excellence, d!attractivité et de cohésion sociale. Pour l'heure, je n'ai malheureusement pas lu une ligne sur la culture dans les discours des différents candidats à la candidature socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, je voudrai rassurer Patrick Bloche et les membres du comité de suivi : nous ne sommes pas dans la même situation que lors de la conclusion du protocole de 2003. Près de 34 000 artistes et techniciens ont été réintégrés dans leurs droits grâce aux mesures du fonds transitoire.

M. François Liberti - Vous comptez ceux qui sont au RMI ?

M. Michel Herbillon - Nous ne sommes donc pas dans le vide juridique et social dont vous parlez.

Un mot encore sur le moment et sur la méthode. Si je salue le travail et l'originalité de la composition du comité de suivi, je refuse qu'on les réduise à une simple proposition de loi. Parce que cette méthode a été fondée sur le dépassement des clivages et l'association de la société civile, la moindre des choses eût été d'engager un véritable dialogue avec les partenaires sociaux, mais aussi avec le groupe UMP pour proposer un cadre qui soit bien plus large que la proposition de loi qui nous est soumise.

M. Michel Françaix - C’est ce que demande le ministre !

M. Michel Herbillon - Le groupe socialiste aurait été plus crédible si tous les groupes politiques et les partenaires sociaux avaient été consultés en amont (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ce ne fut pas le cas.

Mme la Présidente - Il faut terminer, sinon vos collègues ne pourront pas s’exprimer.

M. Michel Herbillon – Il s'agit donc de la part du groupe socialiste d'une manœuvre politique, pour afficher un soutien de façade aux artistes et techniciens à quelques mois des élections de 2007…

M. le Rapporteur – Vous valez mieux que cela !

M. Michel Herbillon - Le groupe UMP préfère…

M. Didier Mathus - Ne rien faire !

M. Michel Herbillon - …les décisions concrètes, les résultats tangibles dans le respect du champs de compétence des partenaires sociaux. À la lecture des échanges entre les organisations syndicales et le Gouvernement, rien ne permet de dire que la négociation soit un échec.

Mme la Présidente - Vous aurez bientôt doublé votre temps de parole. À ce compte, nous n’arriverons pas à terminer le débat.

M. Pierre Cohen - C’est ce qu’il veut !

M. Michel Herbillon - Au contraire, un accord va être conclu, articulé avec les mesures du Gouvernement. A ce stade, voter une loi présente trop d'incertitudes pour nos artistes et techniciens et pour le maintien de la solidarité interprofessionnelle. Ce n'est que si nous constatons un échec que nous saurons prendre nos responsabilités. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP vous invite à ne pas voter le passage aux articles de la proposition de loi. (Quelques applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. François Liberti - Ce n’est pas glorieux !

M. Jean-Pierre Brard - Les laquais sont pires que les maîtres !

M. Didier Mathus - Le prosélytisme sarkozien de M. Herbillon est touchant, mais peu convaincant. Il serait illusoire de croire qu’on peut enterrer cette affaire à la veille des élections, comme l’a proposé M. Herbillon, pour qui l’essentiel est de ne rien faire.

M. Michel Herbillon - Non, mais de passer par le dialogue social !

M. Pierre Cohen - Cela fait trois ans !

Mme la Présidente - Nous ne terminerons pas, si vous interrompez constamment.

M. Didier Mathus – D’un côté, le protocole d’avril, que personne ne veut signer, même si le ministre nous annonce sans cesse que c’est pour demain. Le fonds transitoire est devenu pratiquement permanent, et de la solidarité interprofessionnelle, le financement est passé à la solidarité nationale. Et il ne faudrait pas en discuter au Parlement ?

De l’autre côté, une proposition de loi a été votée par près de 500 députés…

M. Dominique Richard - Signée, pas votée !

M. Didier Mathus - Elle a été soutenue. Était-ce seulement pour se faire bien voir et gagner du temps ? Sinon, quand elle vient à l’ordre du jour, on la vote !

Cette question des intermittents est très importante pour l’animation culturelle dans notre pays, et elle illustre l’élargissement de l’offre culturelle des années 1980 et 1990. Entre la culture officielle des scènes nationales, rare et essentiellement parisienne, et la culture de loisir commerciale, a surgi, avec l’intermittence, une offre culturelle nouvelle précieuse pour beaucoup de villes de province. Ne pas faire la loi aujourd’hui, c’est laisser le Medef faire la sienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Herbillon - Quelle caricature !

M. Jean-Pierre Brard - Le Gouvernement, sans doute obnubilé par les échéances de 2007, voudrait nous faire franchir six mois d'un bond. Il nous transporte au carnaval et endosse sans vergogne le déguisement de l'apôtre du dialogue social ! Mais sur ce dossier de l'indemnisation du chômage des professionnels du spectacle, il est contraint de tomber le masque. Depuis trois ans, MM. Raffarin et Villepin ont fait semblant d'encourager le dialogue social, face aux ravages sociaux causés par le funeste accord UNEDIC de juin 2003. Et, sans aucun souci de vraisemblance, le chœur des godillots, il est vrai très dégarni, reprend le grand air du dialogue social qui va aboutir incessamment.

Le dernier oracle censé justifier cette rengaine serait une lettre de la CFDT annonçant qu'elle n'exclut pas de signer le mauvais accord d'avril dernier, resté depuis cette époque en déshérence. Cette même CFDT se croit autorisée à exiger, avec une incroyable arrogance, « la levée de toute hypothèque d'intervention du législateur dès lors que l'accord sera signé et agréé ». Vous en êtes donc réduit à vous livrer à une périlleuse exégèse d'un courrier de M. Chérèque, votre porte-hallebarde habituel (Sourires), dont la centrale syndicale n'est absolument pas représentative des professions concernées.

Derrière ces manigances, depuis 2003, c'est le MEDEF, dont M. Chérèque a toujours été le loyal supplétif, qui tire les ficelles. Les promoteurs de la marchandisation de la culture n'ont que faire de la richesse de la création artistique dans le spectacle vivant, le cinéma et l'audiovisuel. Ils se contentent de vendre du temps de cerveau humain disponible aux annonceurs publicitaires, selon la remarquable formule du PDG de TF1.

Or, le rayonnement de la France ne se mesure pas seulement à l'évolution de son PIB,…

M. Dominique Richard - Nous en sommes d’accord.

M. Jean-Pierre Brard - …ni au faible niveau des impôts pour les riches, mais aussi au dynamisme et à la qualité de la création culturelle.

Après plus de trois années de tergiversations, il faut cesser de jouer avec les nerfs et avec l'avenir de milliers de travailleurs qui se demandent jour après jour, nuit après nuit, s'ils ne vont pas basculer hors du système d'indemnisation et tentent de préserver leurs droits au prix d'un parcours souvent kafkaïen. Cela est inhumain, et condamne à la faillite de nombreuses structures de création et de diffusion artistique. C'est à cette situation que nous voulons mettre fin avec notre proposition de loi. C'est la voie du réalisme, de la justice et de la solidarité que nous vous invitons aujourd'hui à choisir.

En conclusion, je ne résiste pas à la tentation de vous faire part de la création d’une nouvelle association, constituée de parlementaires du groupe UMP : le club des Judas et des Janus ! Si j’en crois les statuts publiés au Journal officiel (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), la première condition pour y adhérer est d’avoir signé la proposition de loi du 3 mars 2005, et la seconde de renier cette signature ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. André Santini - Excellent.

M. Jean-Pierre Brard - Parmi les membres de cette association, citons MM. Anciaux, Balkany, Beaulieu, Jean-Louis Bernard, Bignon, Mme Boutin, M. Loïc Bouvard, MM. Bret, Calvet, Cazenave – je m’arrête là pour ne pas retarder la discussion. Une bonne partie de tous ces membres, dont je tiens à votre disposition la liste complète, s’apprête sans doute à nous rejoindre tout à l’heure pour voter contre le passage à la discussion des articles et enfoncer ainsi le dernier clou sur le cercueil des intermittents du spectacle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Tout cela sous la houlette de M. Donnedieu de Vabres et de M. Larcher, qui veillent à ce que ce protocole funèbre se déroule selon les règles !

Nous restons, nous, fidèles à notre parole, car nous croyons au foisonnement de la vie culturelle, tandis que la majorité n’a d’yeux que pour Mme Parisot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli - Très bien.

M. Noël Mamère – Je crains que nous ne terminions cette matinée avec une méchante gueule de bois, étant donné que les députés du groupe UMP sont prêts, pour la plupart, à renier la parole qu’ils avaient donnée en signant la proposition de loi. Ce faisant, ils vont non seulement trahir leur parole et les intermittents, mais aussi les Français, car ce type de comportement ne peut que nourrir la défiance de bon nombre de nos compatriotes envers la représentation nationale et favoriser les marchands d’illusions.

Nous avions constitué il y a trois ans un comité de suivi qui rassemblait des élus de droite et de gauche ainsi que des syndicats et des organisations peu habitués à travailler ensemble. Ce comité, qui a travaillé sous la responsabilité de M. Pinte, a réussi à aménager le scandaleux protocole de 2003.

Mais les ministres sont venus à deux pour nous expliquer que la loi n’a pas à s’occuper de ce qui est l’affaire des partenaires sociaux et pour nous dire qu’un protocole vaut mieux que la loi. Vous savez pourtant que celui qui se prépare, avec la complicité du Gouvernement, sera pire encore, puisque ce sera celui de 2003 moins 33 000 intermittents. Vous savez aussi, Messieurs les ministres, que la CFDT n’est pas d’accord pour signer le nouveau protocole ! Elle l’a dit. Et vous n’écoutez pas le Président de la République, qui a déclaré récemment devant le Conseil économique et social que lorsque les partenaires sociaux n’arrivaient pas à un accord, le dernier mot devait revenir à la représentation nationale.

Dans ces conditions, je trouve scandaleux que l’on nous oblige à travailler sur un sujet aussi important en une heure et demie et je me demande qui gouverne.

M. Jean-Pierre Brard - Le Medef !

M. Noël Mamère - Si les députés de l’UMP votent tout à l’heure contre le passage à la discussion des articles, ce sera bien la preuve que vous avez vous aussi, Messieurs les ministres, manqué à votre parole et trahi les intermittents du spectacle. Ce sera aussi la preuve que ce Gouvernement ne gouverne pas et que dans ce domaine comme dans d’autres, c’est le Medef qui fait en effet la loi !

Nous ne pouvons pas accepter que des lobbies, quels qu’ils soient, légifèrent à notre place. Nous, législateurs, sommes là pour fixer un cadre, que les intermittents attendent depuis trois ans. Nous savons tous ici le rôle qu’ils jouent dans la vitalité de la culture française. C’est pourquoi nous devons tout à l’heure voter pour le passage à la discussion des articles. Sinon, que se passera-t-il ? On renverra encore une fois à plus tard. Or, nous sommes à la veille d’échéances électorales et il n’y aura plus d’ici là de « niche » parlementaire pour adopter la proposition de loi. La trahison de la majorité est flagrante, et j’espère, Messieurs, que les électeurs vous la feront payer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Christian Kert - Nos collègues socialistes ont décidé de porter devant notre Assemblée une proposition de loi, dont une mouture identique avait été approuvée par une centaine de membres du groupe UMP, lesquels ne s’apprêtent toutefois pas à voter ce texte. Il me faut expliquer ce paradoxe : notre groupe respectera une parole donnée, celle du président de l'Assemblée nationale, qui, recevant les membres du comité de suivi conduits par notre collègue Étienne Pinte, affirma : « Il ne faudra recourir à cette proposition que le jour où nous estimerons que toutes les voies de la négociation auront échoué. » Propos alors approuvé par tous les membres de ce groupe, de droite comme de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Françaix - Trois ans sont passés !

M. Christian Kert - Alors, chers collègues du groupe socialiste, pourquoi demandez-vous aujourd’hui la discussion de cette proposition de loi ? Comment pouvez-vous trouver opportun de le faire alors que les ministres nous assurent, lettre à l’appui, que la CFDT est sur le point de signer un nouveau protocole ? Pensez-vous servir ainsi la négociation ?

M. Jean-Pierre Brard - La CFDT est sur le point de trahir !

M. Christian Kert - Nous devons la vérité aux intermittents. Si la proposition de loi était votée aujourd’hui, l’accord qui se prépare ne pourrait pas être agréé par le Gouvernement. Or, cet accord, vous y croyez et vous y avez travaillé au sein du comité de suivi, en particulier vous, Monsieur le rapporteur. Si la présente proposition de loi était adoptée, on reviendrait immédiatement aux clauses de l'accord de 2003, celui-là même qui avait mis le feu aux poudres !

Alors que notre texte était destiné à servir de rempart, voilà qu'il se transformerait en une arme redoutable contre les mesures transitoires, qui ont porté leurs fruits et permis de « repêcher » des centaines et des centaines d'intermittents, que l'accord de 2003 avait laissés sur le bord du chemin.

Pire, si votre texte passait, les principales revendications syndicales, relayées par notre comité de suivi, tomberaient – je pense notamment aux 507 heures et à la création d'un fonds de professionnalisation et de solidarité. C’est tout l’ensemble auquel nous avons abouti qui devrait brutalement retourner devant les partenaires sociaux, alors même qu'un certain consensus s’était réalisé à son sujet.

Comment pourrait-il d’ailleurs ne pas y avoir consensus, puisque cet ensemble assurera aux artistes et aux techniciens intermittents un système de protection sociale et professionnelle plus étendu que dans les protocoles antérieurs ?

Vous savez bien, mes chers collègues, que les risques dont je parle existent. C’est bien pourquoi il faut être raisonnable…

M. Michel Françaix - Et ne rien faire ?

M. Christian Kert - …et ne pas se comporter comme des fils spirituels de Ponce Pilate ! Je ne parviens pas à croire qu'après trois ans de travail commun, vous puissiez vous satisfaire de cela ! Aux ministres de nous dire si la négociation est en bon chemin, à eux, si elle n’aboutissait pas, d’en appeler au Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – La parole est à M. Pinte.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà l’un des rares honnêtes hommes de l’UMP !

M. Étienne Pinte - L’occasion ne se présente pas si souvent ici pour un député de la majorité de voter une proposition de loi issue de l’opposition. Pourtant, comme l’Arménie tout à l’heure, la situation des artistes et techniciens, si précieux à la nation toute entière, rassemble au-delà des clivages politiques.

Cette proposition de loi est le fruit d’un travail collectif mené par des parlementaires de sensibilités différentes, déterminés, aux côtés des artistes et techniciens, à mettre en place un nouveau régime d’assurance chômage. Elle vise à préserver le statut de l’intermittence et à instaurer un système vertueux en la matière. Le Gouvernement et les partenaires sociaux lui ont accordé leur considération : je tiens ici à rendre hommage à la disponibilité et aux efforts de M. le ministre, à l’initiative duquel plusieurs travaux – dont la remarquable expertise de M. Guillot – ont pu dévoiler les difficultés rencontrées tant par les artistes et techniciens que par leurs employeurs. Avec le ministre de l’emploi, vous avez cherché à lutter contre les abus en accompagnant les négociations sur les conventions collectives. Ce n’est que dans quelques mois ou années que nous pourrons mesurer les fruits de votre travail.

Cette proposition de loi n’est pas un geste de défiance à votre égard : vous travaillez vous-même à la signature d’un nouveau protocole. Cependant, trois ans après la signature du funeste protocole de 2003 et de nombreux mois de concertation, il n’y a toujours pas d’accord, et il n’y en aura pas.

Les parlementaires ont pourtant tenu à donner aux partenaires sociaux tout le temps de la discussion : trois ans, M. Herbillon !

M. Jean-Pierre Brard - Il est sorti !

M. Étienne Pinte - Malgré quelques avancées, nous nous sommes heurtés à de nombreuses rigidités. Plusieurs rapports et expertises dénonçant l’accord de 2003 et préconisant la mise en place d’un nouveau régime n’ont rien donné, malgré le temps passé à les défendre devant les partenaires sociaux. Aujourd’hui, c’est l’impasse. Un accord, trop souvent annoncé, est improbable, bien que vous l’espériez avant la fin du mois : la CFDT y pose de nouvelles conditions et la CGC, déplorant que rien n’ait changé depuis trois ans malgré vos menaces, annonce qu’elle ne le signera pas.

D’ailleurs, celui que vous proposez est décevant : il fait l’impasse sur des évidences comme la date anniversaire, n’incite pas à la déclaration de toutes les heures, n’est pas adapté au rythme de travail des professionnels concernés et privilégie ceux qui gagnent bien leur vie au détriment des plus fragiles.

M. le Ministre - C’est faux !

M. Étienne Pinte – Les parlementaires ont désormais la responsabilité d’envoyer un signe fort aux artistes et techniciens, aux partenaires sociaux, aux centaines d’élus réunis au sein de la Fédération nationale des collectivités pour la culture et à nos concitoyens, qui ne comprennent pas que ce dossier ne soit pas encore bouclé. Le temps est venu de respecter nos engagements et de voter cette proposition de loi : il y va de notre crédibilité et de notre honneur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. Pierre Bourguignon – Nous revenons enfin à la réalité avec l’intervention de M. Pinte, après que certains orateurs nous ont emmené dans le monde virtuel d’un protocole inexistant. Cette proposition de loi visant à pérenniser le régime d’assurance chômage des professions du spectacle est une étape décisive dans une négociation qui dure depuis trois ans ! Nous savons tous que l’accord du 26 juin 2003 n’a rien résolu, bien au contraire : il a creusé le déficit de l’UNEDIC sans enrayer les abus ni protéger les plus vulnérables au sein des compagnies de théâtre, de danse et d’arts de la rue qui font le maillage culturel profond de notre territoire.

Le comité de suivi créé pour ouvrir de nouvelles négociations, et qui rassemblait des parlementaires de toutes tendances, la coordination des intermittents, les partenaires sociaux et les confédérations professionnelles, a élaboré une proposition de loi propre à mettre fin à cette situation de blocage.

Après des mois de négociation, le Gouvernement nous annonçait l’imminence d’un accord fondé sur les conclusions du rapport Guillot. Le protocole du 18 avril n’en tient pourtant pas compte, et aucun syndicat ne l’a signé ! À quoi aura donc servi l’abondant travail d’expertise et de dialogue accompli pendant trois ans ?

La présente proposition de loi nous permet de sortir de l’impasse. Loin d’y faire obstacle, elle fixe un cadre éthique acceptable par tous : 507 heures en douze mois, et le retour à la négociation salariale. Aux partenaires sociaux de décliner ensuite ce texte. Nous remplissons ainsi pleinement notre rôle de législateur.

La question de l’intermittence est essentielle au développement de la culture en France : les arts de la rue, notamment, qui avaient connu un bel essor, sont aujourd’hui en pleine crise. Cette proposition de loi permettra à l’ensemble des acteurs du spectacle vivant de poursuivre le travail artistique, culturel et éducatif qu’ils mènent dans des milliers de villes de France, ainsi que leur engagement dans la lutte contre les exclusions et les inégalités d’accès à la culture. Peut-être certains députés de la majorité auront-ils même le temps de parcourir les couloirs de l’Assemblée pour rassembler leurs collègues avant le vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) bancs du groupe UDF)

M. Dominique Richard - Le comité de suivi, présidé par M. Pinte, a-t-il, depuis trois ans, perdu son temps ? Certainement pas ! Il a donné lieu à un dialogue constructif et respectueux où de nombreux préjugés ont pu être levés entre deux mondes qui, au fond, se connaissent mal. Il a même permis de démystifier l’incompréhension révélée par la cérémonie des Césars en 2003.

C’est ensemble et avec l’écoute bienveillante de M. le ministre que nous avons pu franchir des étapes décisives telles que la reconnaissance des congés maternité et maladie, la réintégration de milliers d’intermittents grâce au fonds de transition, la prise en compte des heures de formation, la création du fonds de professionnalisation et l’abandon de la journée de référence. Grâce à ces avancées, la situation des intermittents est aujourd’hui meilleure que sous l’ancien protocole, puisque l’UNEDIC, présidée par la CFDT, interprète la période de référence avec beaucoup de bienveillance.

Aujourd'hui, le groupe socialiste, humant le fumet des élections qui approchent… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur – Pas ça !

M. Dominique Richard - …a décidé de rompre ce travail commun en l'inscrivant dans sa niche parlementaire. Ce n’est rien d’autre que la captation partisane d'un sujet qui avait su nous rassembler puisque nous avions convenu ensemble, au début de l'été, de nous ranger derrière la bannière du président de l'Assemblée nationale en cas d'échec des négociations. En agissant de la sorte, le PS a dénaturé notre volonté commune de privilégier le consensus plutôt que l'affrontement, le contrat librement consenti plutôt que la loi imposée.

Notre engagement n'a jamais varié : nous voulons donner toutes ses chances à la négociation, ne serait-ce que pour ne pas fragiliser l'indispensable appartenance des intermittents à la solidarité interprofessionnelle, qui garantit la pérennité de leur protection tout en consacrant le rôle éminent de l'activité culturelle. Or, seules deux organisations syndicales sur cinq ont refusé à ce jour de signer le projet de protocole.

M. le Rapporteur – Trois.

M. Dominique Richard – Trois centrales ont réservé leur réponse. La position de la CGC dont vous avez fait état, Monsieur Pinte, n’est pas une position de la centrale, mais une demande du syndicat de branche adressée à celle-ci. Il est vrai, cher Étienne Pinte, que cela a beaucoup duré. Mais est-ce une raison pour ne pas donner une dernière chance au paritarisme ? Deux jours après l'accueil favorable que les partenaires sociaux ont réservé à l'engagement du Président de la République d'imposer une négociation avant toute modification législative, ce serait une bien curieuse réponse que de passer en force alors que l'accord paritaire est à portée de main. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Il est treize heures. Il serait digne pour notre Assemblée qu’après l’intervention des deux ministres, nous puissions voter sur le passage à la discussion des articles. Les auteurs de la proposition de loi y sont évidemment favorables, mais il faut le vérifier. Je souhaite donc que les ministres ne fassent pas en sorte, comme il est arrivé, que la durée de leurs interventions empêche de passer au vote. Je serais d’avis de prolonger la séance le temps nécessaire, pour que chacun puisse juger des responsabilités des uns et des autres. On peut bien sûr estimer, comme M. Mamère, que nous n’avons pas assez de temps. Mais la séance de ce matin est le seul espace d’initiative parlementaire qui reste au groupe socialiste avant la fin de la législature. Nous avons pris nos responsabilités ; je ne voudrais pas que, par tactique, les ministres fassent en sorte que l’on ne puisse pas voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Bernard Accoyer - Mon rappel au Règlement est conforté par ce que je viens d’entendre. M. Ayrault s’inquiète – et nous aussi – du déroulement de nos travaux. Mais il aurait pu n’inscrire qu’un seul texte dans la niche de son groupe (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Et comme la démagogie est sans limite au parti socialiste, on choisit évidemment des textes bien ciblés, même si certains peuvent porter tort à notre pays. Ceux-là même qui n’assument pas leurs responsabilités, voire font le contraire de ce qu’ils ont dit, voudraient maintenant bafouer notre Règlement. On voit à quelles errances cela peut conduire ! Je demande donc une suspension de séance d’une heure pour réfléchir avec mon groupe à ce qu’il convient de faire sur ce texte particulièrement important. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Frédéric Dutoit - Si ce n’est pas de l’obstruction…

M. le Rapporteur – Je voudrais que nous ayons tous la même mémoire de l’application du Règlement. Lors de l’examen en CMP du projet de loi sur le droit d’auteur dans la société de l’information, la discussion avait commencé à neuf heures et demie du matin, pour s’achever à quinze heures ! La même règle doit prévaloir aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marc Ayrault - Ce que vient de faire le président Accoyer confirme mes craintes. Je le dis pour l’opinion publique : avec une suspension d’une heure, nous ne pourrons pas reprendre le débat, et cette affaire sera enterrée, puisque cette niche parlementaire est la dernière de la législature pour le groupe socialiste. Nous utilisons nos droits, qui sont les droits du Parlement, ceux de tous les députés. Il n’y aura pas d’autre occasion.

Je voudrais aussi dire à quel point les députés de l’UMP sont hypocrites : nombre d’entre eux ont signé des pétitions et notre proposition de loi et, quand il s’agit de voter, ils trouvent des subterfuges pour ne pas prendre leurs responsabilités ! Nous avons décidé quant à nous de les prendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Albertini - Rappel au Règlement. Je regrette qu’un artifice de procédure soit utilisé…

M. Bernard Accoyer - Quand suspend-on ?

M. Henri Emmanuelli - Cela suffit, Monsieur Accoyer !

M. Pierre Albertini - …pour éviter d’aller au bout d’une discussion aussi importante. Nous attendons depuis plus de trois ans que la question des intermittents du spectacle soit résolue dans un esprit d’équité et de justice. L’UDF avait elle-même renoncé à utiliser sa niche parlementaire parce qu’on nous prédisait que l’accord des partenaires sociaux était imminent : c’était en janvier 2005. La patience des parlementaires a néanmoins des limites : chacun doit assumer ses actes et la signature donnée à une proposition de loi qui a été librement discutée. Je rappelle que près de cent parlementaires UMP ont cosigné ce texte.

Mme la Présidente - Je suspends la séance pour un quart d’heure.

La séance, suspendue à 13 heures 10, est reprise à 13 heures 25.

M. le Ministre – Je viens d'écouter avec beaucoup d'attention et de gravité le débat qui vient d'avoir lieu…

Plusieurs députés socialistes – Mais où sont passés les députés UMP ?

M. Noël Mamère - Ils sont absents ! Quelle comédie grotesque !

M. le Ministre - …parce qu'il touche à la cause des artistes et des techniciens du spectacle vivant et enregistré, cause à laquelle je consacre chacune de mes journées depuis ma prise de fonction, il y a maintenant trente mois. Sans relâche, j’essaie d’expliquer à tous nos concitoyens et concitoyennes pourquoi les artistes et les techniciens de notre pays méritent un système spécifique – et c’est la fierté de notre pays.

M. Noël Mamère - Vous les méprisez !

M. le Ministre – Leur activité, leur rythme de vie, l’existence de périodes pendant lesquelles ils préparent ce qu’ils vont réaliser et créer, tout cela légitime qu’un système propre leur soit consacré. Cela étant, rien ne m'a échappé des arrière-pensées politiciennes de certains orateurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), qui dénaturent un beau sujet.

M. le Rapporteur – C’est scandaleux !

M. le Ministre - La culture doit rassembler au-delà des clivages. Elle est un liant et une fierté pour notre pays. La crise de l'intermittence, révélée brutalement à l’occasion du protocole du 26 juin 2003, nous a fait redouter un divorce entre la nation et le monde artistique et culturel – les annulations de festivals de l’été 2003 en ont constitué la manifestation à la fois douloureuse et éclatante.

Depuis mon arrivée au ministère, je ne cesse de travailler à la réconciliation – et j’emploie ce mot à dessein. Celle-ci a notamment été rendue possible grâce à l'initiative originale, et à maints égards remarquable, du comité de suivi animé par Étienne Pinte. Ce comité a permis aux élus des deux assemblées de tous bords ainsi qu’à de nombreuses organisations professionnelles du monde du spectacle, représentant les employeurs comme les salariés, d'échanger et de confronter leurs analyses et points de vues, mais aussi d'élaborer des propositions communes, qui ont puissamment contribué à éclairer les divers travaux d'expertise et de négociation qui se sont déroulés ces trois dernières années. N’oublions pas non plus le travail de la mission parlementaire conduite par M. Kert.

M. Jean-Pierre Brard - C’est une oraison funèbre !

M. le Ministre - Une mobilisation parlementaire exceptionnelle a également marqué les débats d'orientation sur le spectacle vivant qui ont été organisés par l'Assemblée nationale en décembre 2004 et par le Sénat en février 2005. Certains orateurs de l’opposition ont eu l’honnêteté de reconnaître que c’était une première. Le Gouvernement a ainsi montré que pour lui, les questions culturelles, loin d’être périphériques, sont au cœur de l’attractivité de notre pays. Je remercie les présidents Debré et Poncelet qui ont présidé ces débats, ainsi que les présidents des commissions Dubernard et Valade qui, par leur participation régulière au conseil national des professions du spectacle, ont toujours soutenu ce secteur.

M. Henri Emmanuelli - Pour aboutir à quoi ?

M. le Ministre – Des mesures concrètes ont été prises pour rétablir dans leurs droits les artistes et les techniciens qui effectuaient les 507 heures nécessaires à leur affiliation à leur régime d’assurance chômage en douze mois : les congés de maternité et les congés de maladie de plus de trois mois, les heures de formation dispensées par les artistes comme par les techniciens à hauteur de 120 heures ont été pris en compte. Grâce à cela, un certain nombre d’effets négatifs du protocole de 2003 ont été atténués pour plus de 34 000 artistes et techniciens. Toutes ces mesures sont en vigueur depuis 2004 et leurs effets ont été prolongés jusqu’à la signature d’un nouvel accord. Les nouvelles dispositions prévues dans le projet de protocole du 18 avril et complétées par l’État reprennent ces mesures dans le nouveau système. Il s’agit de sujets essentiels pour la protection sociale et l’activité professionnelle des artistes et des techniciens. Nous avons œuvré en ce sens et nous continuerons à le faire dans le cadre du nouveau système.

Mais surtout, comme j'avais eu l'honneur de l'annoncer devant vous le 9 décembre 2004 sur la base des travaux de Jean-Paul Guillot, l'expert désigné par le Gouvernement et dont le concours a été apprécié de chacun, le Gouvernement engage une politique ambitieuse de l'emploi dans le spectacle. Bien sûr qu’il faut un système d’assurance chômage pérenne et équitable pour les artistes et les techniciens, mais le plus important, c’est leur activité ! Soyez fiers, par exemple, des mesures de crédits d’impôt qui ont permis de re-localiser sur le territoire national un certain nombre d’activités dans le domaine du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique.

M. Pierre Albertini - C’est vrai.

M. le Ministre – Je remercie M. Larcher car nous formons une bonne équipe…

M. Jean-Pierre Brard - Un duo infernal !

M. le Ministre - …qui veut résoudre la question de l’assurance chômage et soutenir l’emploi. Nous définissons une politique audacieuse de négociation des conventions collectives, notamment en ce qui concerne les fonctions et les conditions du recours à l’intermittence, les liens plus étroits entre les financements publics et les conditions d'emploi - que ces financements émanent de l'Etat ou bien des collectivités territoriales. Nous renforçons également les contrôles de manière à lutter contre les abus. Nous sommes mobilisés !

M. Jean-Pierre Brard - Avec des généraux pareils, la défaite n’est pas loin !

M. le Ministre - Le nouveau système est constitué du projet de protocole du 18 avril 2006, négocié par les partenaires sociaux, et du fonds de professionnalisation et de solidarité mis en place et financé par l'Etat. Je n’ai entendu aucune proposition alternative à la nécessaire articulation entre la solidarité interprofessionnelle et l’action de l’État.

M. le Rapporteur – Nous voulons la renforcer !

M. le Ministre – Même s'il ne reprend pas toutes les propositions qui avaient été émises, le projet en cours de signature est cohérent avec la politique de l'emploi dans le spectacle et il assure une protection sociale et professionnelle aux artistes et techniciens à un niveau qu'aucun autre système n'avait atteint auparavant. Il garantit également le maintien du régime spécifique d'assurance chômage des artistes et techniciens au sein de la solidarité interprofessionnelle. Il prend en compte le rythme d'activité et la saisonnalité spécifiques au secteur du spectacle…

M. Michel Françaix - C’est là que cela dérape !

M. le Ministre - …et permet aux artistes et aux techniciens de retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence annuelle qui correspond au rythme de l'immense majorité d'entre eux, même si c'est au terme d'un mécanisme peut-être un peu complexe. Il maintient un niveau d'indemnisation élevé – 51 euros en moyenne par jour pour les artistes et 60 euros pour les techniciens – au lieu de 33 euros dans le régime général. Il maintient un seuil de 507 heures sur 12 mois pendant un an après la conclusion des conventions collectives. Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées.

Au terme d'ultimes échanges, plusieurs confédérations ont fait connaître au Gouvernement leur intention de signer le projet de protocole…

M. Henri Emmanuelli et M. Jean-Pierre Brard - Lesquelles ?

M. le Ministre - …afin que le nouveau dispositif se mette en place et que nous puissions poursuivre notre politique d'emploi. Alors que le travail commun de plusieurs années est sur le point d'aboutir, alors que le Président de la République vient de rappeler solennellement devant le Conseil Économique et Social notre attachement au dialogue social et le respect dû aux responsabilités des partenaires sociaux, le moment est très inopportun pour une initiative législative. Sauf à vouloir, dans une attitude de Gribouille…

M. Henri Emmanuelli - Parole d’expert !

M. le Ministre - …provoquer ou précipiter l’échec, le temps n'est pas encore venu – même s'il approche, j’en suis bien conscient – de constater l'échec des négociations entre les partenaires sociaux. Il n'est pas question, pour le Gouvernement, d'en rester à l'équilibre du protocole de 2003, fût-il complété par les mesures prises par l'Etat. Comme nous l'avons fait de manière continue, si l'échec et le refus de signature du nouveau système devaient être avérés, le Gouvernement prendrait toutes ses responsabilités avec le triple objectif de soutenir l'emploi des artistes et techniciens, de leur assurer une protection concrète – professionnelle et sociale – et de maintenir leur régime d'assurance chômage spécifique au sein de la solidarité interprofessionnelle.

Je le dis solennellement : aucun d'entre nous ne devrait prendre le risque de séparer la situation des artistes et des techniciens de celle de l'ensemble des salariés. Parce que ce risque existe avec une telle démarche législative, je vous demande de ne pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion - Il y a deux jours, le Président de la République est intervenu devant le Conseil économique et social. Il a tenu un discours qui fixe un cap ambitieux (Rires sur bancs du groupe socialiste) à la réforme du dialogue social : plus de contrat et moins de loi. Ce sont selon lui les représentants des salariés et des entreprises qui ont vocation à gérer nos régimes de protection sociale. Voilà des axes de travail forts que les partenaires sociaux ont bien accueillis. Ces mêmes partenaires s'étonneraient probablement du message contradictoire qui leur serait adressé aujourd'hui si cette proposition devait être votée. Je ne crois donc pas qu'il soit opportun d’aller en ce sens pour plusieurs raisons.

La première, c'est qu’il ne convient pas de légiférer dans un domaine qui relève particulièrement de la compétence des partenaires sociaux.

M. Henri Emmanuelli - Ben voyons !

M. le Ministre délégué – Le régime d'assurance chômage est en effet le seul où existe un véritable paritarisme. Les partenaires sociaux ont montré encore récemment qu'ils savaient prendre leurs responsabilités lorsqu'ils sont en situation de le faire. Ensuite, je ne crois pas opportun de légiférer sur un sujet qui a donné lieu à de longues négociations. Nous avons souhaité que celles-ci soient approfondies et elles l'ont été puisque autant de réunions ont été consacrées au seul régime des artistes et techniciens du spectacle qu'au régime général d'assurance chômage. Nous avons également souhaité que la mise en œuvre d'un nouvel accord fasse l'objet de vérifications techniques préalables.

Enfin, nous avons souhaité que la solidarité nationale et la solidarité interprofessionnelle interviennent de façon coordonnée et articulée. Certains partenaires sociaux nous ont fait part de leurs préoccupations et nous leur avons répondu. Considérer aujourd’hui que le dialogue social a échoué serait prématuré. Non seulement les signataires potentiels n'ont donné aucun signe négatif mais ils ont pu constater que la politique gouvernementale en faveur de l'emploi dans le secteur du spectacle répondait à leurs attentes. Alors, et c'est une raison supplémentaire de ne pas voter ce texte, il n'est pas opportun de rouvrir aujourd'hui une période de grande incertitude alors qu'une sortie de crise se dessine enfin.

Le projet d'accord comporte de nombreuses avancées. Il sera complété par l'intervention de l'Etat dans le cadre d'un fonds de professionnalisation et de solidarité. Nous travaillerons enfin à passer, dans les semaines qui viennent, de 43 conventions et accords à huit conventions collectives. Le dernier rapport présenté devant le Conseil national du spectacle a montré, le 3 octobre, les avancées réalisées avec une préoccupation essentielle : la prévoyance.

Si la proposition était adoptée, ce serait le Gouvernement qui s'imposerait la contrainte de retirer l'agrément de l'accord actuel ou de ne pas pouvoir agréer un nouvel accord qui ne respecterait pas les conditions fixées par la loi. Ce n'est donc ni le moment, ni la manière, ni la solution.

Le ministre de la culture et moi partageons la volonté d’assurer aux métiers du spectacle et de la culture et à ceux qui bordent le champ conventionnel, tant une protection que des perspectives ; car il faut parier sur les métiers de la culture comme acteurs du développement et de la cohésion sociale dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3 du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

M. Bernard Accoyer – La proposition de loi du groupe socialiste vise à court-circuiter le dialogue social… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur – Cinq propositions, avec la signature d’une centaine de députés de l’UMP !

M. Bernard Accoyer – Ce n’est pas une surprise : le parti socialiste et la gauche en général nous ont habitués à faire fi du dialogue social et à légiférer en tenant les libertés, les droits et l’inventivité des partenaires sociaux pour quantité négligeable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Au risque de raviver des souvenirs douloureux, je dois rappeler l’exemple le plus parlant, mais aussi le plus dramatique pour notre pays…

M. Jean-Pierre Brard - Le CPE ?

M. Bernard Accoyer - …les 35 heures. Vous avez osé, seuls, abuser des droits fondamentaux des travailleurs et des employeurs et leur enlever la liberté de travailler et de gagner davantage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Ils ont tué le modèle social français !

M. Bernard Accoyer - Aujourd’hui, vous récidivez.

M. Jean-Pierre Brard - Réactionnaire !

M. Bernard Accoyer – Le Président de la République a rappelé il y a deux jours, devant le Conseil économique et social, la priorité que nous devions accorder au dialogue social.

M. Henri Emmanuelli - Comme pour le CNE !

M. Bernard Accoyer - Considérant que les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte important ne sont pas satisfaisantes, Madame la présidente, je vous demande, avant de procéder au vote, et conformément à l’article 61 de notre Règlement, de bien vouloir procéder à la vérification du quorum (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Plusieurs députés socialistes – C’est une honte !

Mme la Présidente - Je suis donc saisie, par le président du groupe UMP, d’une demande faite en application de l’article 61 du Règlement tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur le passage à la discussion des articles. Je constate que le quorum n’est pas atteint. Compte tenu de l’heure, ce vote est renvoyé à une date ultérieure.

M. Henri Emmanuelli - Et on se demande pourquoi le Parlement perd son autorité !

M. Jean-Marc Ayrault - J’avais annoncé les manœuvres qui se préparaient, et M. Accoyer vient de présenter le clou du spectacle.

Un député socialiste – Le clown du spectacle !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Un spectacle subventionné par le ministère.

M. Jean-Marc Ayrault – Son intervention, malgré l’importance du sujet, a de quoi faire sourire. Elle pourrait sans doute appuyer une candidature, au Théâtre des deux ânes par exemple, s’il recrutait (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous nous faites la leçon, mais c’est à l’issue d’une bataille de plusieurs semaines dans cet hémicycle, qui s’est terminée par un 49-3, que vous avez imposé le CPE, et c’est parce que des centaines de milliers de Français sont descendus dans la rue que vous avez piteusement reculé ! C’est cela que vous appelez le dialogue social ?

Le Président de la République vient de s’exprimer devant le CES pour vanter le dialogue social et expliquer qu’il faut aller au bout de la négociation avant de modifier le code du travail. C’est à la fin de son second mandat, après douze années à la tête du pays, qu’il découvre la négociation sociale ! Là encore, il y aurait de quoi rire, mais l’affaire est sérieuse. Vous voulez manœuvrer jusqu’au bout. Vous avez le droit de demander le quorum, mais vous en porterez la responsabilité politique. En ce qui nous concerne, nous préférons défendre la cause des intermittents du spectacle, et par là une certaine idée de la culture en France, et nous continuerons à nous battre pour cette grande cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Frédéric Dutoit – Quelle pantalonnade ! Vous auriez au moins dû vous donner la peine de lire notre proposition de loi, présentée certes dans une niche socialiste, mais soutenue par plus de quatre cents députés, qui garantit le régime de l’intermittence du spectacle tout en laissant toute sa place au dialogue social et à la négociation.

Finalement, on se demande si votre politique ne se résume pas à discuter, discuter, discuter, pourvu qu’il n’en reste jamais rien ! Depuis trois ans, vous nous faites le coup de la négociation, vous mettez en valeur l’excellent travail du comité de suivi et de la mission parlementaire… et vous nous demandez de continuer. Quand irons-nous enfin plus loin ? Le dialogue social ne sert à rien, si c’est pour ne rien décider ! Messieurs les ministres, lorsque le dialogue social n’a pas abouti au bout de trois ans – et comme l’a dit le Président de la République –, les représentants de la nation doivent assumer toutes leurs responsabilités. C’est leur devoir et c’est leur droit. Vous avez trahi votre parole.

M. Henri Emmanuelli - Ce n’est pas la première fois !

M. Frédéric Dutoit - Sur le texte précédent comme sur celui-ci, vous nous avez reproché des objectifs politiciens. Mais sur ces deux textes, les groupes de l’opposition se sont prononcés unanimement, rejoints par le groupe de l’UDF et une partie du groupe UMP. Chaque fois, nous avons fait honneur à l'Assemblée nationale et dépassé les clivages politiques, et c’est vous qui, par des manœuvres de procédure, êtes entrés dans un débat politicien pour éviter que les députés de l’UMP ne prennent leurs responsabilités. C’est vraiment pitoyable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Noël Mamère - Ce que nous avions annoncé s’est donc produit. Nous sortons de cet hémicycle avec la gueule de bois. Il était pathétique de vous voir obligés de recourir à des artifices politiciens et vous servir du Règlement de l'Assemblée nationale afin d’éliminer une proposition de loi exemplaire, issue d’un travail inédit entre députés de droite et de gauche, syndicats et coordination. C’est sans doute cette collaboration avec la société civile qui vous a fait peur, parce qu’il montre ce que peut être la démocratie participative et le contrôle des citoyens – ce dont vous parlez beaucoup, mais que vous refusez de pratiquer. Cette décision est aussi révoltante, pour tous les intermittents comme pour l’idée que nous nous faisons de la politique. C’est vous qui pleurez à longueur de débat télévisé sur les dérives de la politique et la montée de l’extrême droite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous venez de donner encore du grain à moudre aux marchands d’illusion et d’augmenter encore la défiance des citoyens à l’égard de leurs responsables politiques. J’espère que les électeurs vous le feront payer. Pour leur part, les députés de gauche ont la conscience tranquille, parce qu’ils ont tenu leurs engagements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 14 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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