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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du vendredi 10 novembre 2006

Séance de 15 heures
22ème jour de séance, 46ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2007 – seconde partie – (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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solidarité et intégration

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances pour la solidarité – Les crédits de la mission solidarité et intégration sont reconduits dans le cadre d’un budget qui diminue en volume. Le Gouvernement confirme ainsi son engagement dans la lutte contre l’exclusion et son soutien aux catégories les plus vulnérables.

Les crédits de la mission s’élèvent à 12,24 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 12,20 milliards en crédits de paiement. La priorité va aux actions en faveur des personnes handicapées, des familles vulnérables et de l’insertion. La description des actions est plus précise que dans le projet annuel de performances pour 2006, et la justification au premier euro est améliorée. La description des programmes reste cependant trop générale pour rendre compte des choix de pilotage qui sont opérés. Ceux-ci ne sont d’ailleurs exercés qu’à la marge : les dépenses obligatoires – les minima sociaux – représentent jusqu’à 70 %, voire 95 % des crédits selon les programmes.

Les dépenses fiscales rattachées à la mission sont nombreuses. Elles s’élèvent à 11,5 milliards – soit 95 % des crédits de la mission. Ce rattachement étant très approximatif, il convient cependant d’être prudent quant à son interprétation.

Le plafond d'emplois de la mission est fixé à 14 859 équivalents temps plein travaillé après les transferts à l'extérieur du ministère. L’autorisation budgétaire est diminuée de 50 emplois, mais 36 postes sont créés dans les agences de santé. Le solde est donc de 14 emplois. Il faut être attentif à la progression des emplois rémunérés par les opérateurs hors plafond d'emplois du ministère, qui s'élèvent à 311. Des emplois seront créés dans les DOM, à la Réunion et à Mayotte pour renforcer les moyens de la lutte anti-vectorielle. Le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », qui inclut l'ensemble des dépenses de personnel, est donc doté de 1,09 milliard en crédits de paiement, dotation stable par rapport à 2006.

Le ministère de la santé et des solidarités a engagé une démarche de modernisation. Les audits portent notamment sur la gestion des crédits d'hébergement d'urgence et sur l’aide médicale de l'État. J'approuve le lancement d'un nouvel audit couvrant les services centraux et déconcentrés des ministères, dont les conclusions seront disponibles en 2007. Il s'agit de repérer les missions obsolètes qui doivent être abandonnées, modifiées ou réorganisées, mais aussi de rechercher comment assurer les missions au meilleur coût. Une autre voie de modernisation s'ouvre avec les plans stratégiques par direction et l’envoi aux directeurs d'administration centrale de lettres d'objectifs, avec une rémunération sur objectifs.

La gestion des crédits doit être améliorée, ce qui n’a pu encore être fait en raison de l'insuffisance des crédits et de l'application de la réserve de précaution à l'ensemble des programmes.

Plusieurs actions de la mission sont sous-dotées : crédits de frais de justice et de réparations civiles, ce qui contraint les directeurs de programmes à opérer des redéploiements difficiles, aide médicale de l'État, allocation aux adultes handicapés, allocation de parent isolé, crédits de tutelles et curatelles de l'État. Le Fonds spécial d'invalidité a longtemps été sous-doté, mais la dette afférente est désormais comblée, ce dont je me félicite. Les lois de finances rectificatives apportent en effet souvent un abondement sans couvrir la dette des années antérieures : cela a un coût, le ministre délégué à la sécurité sociale en avait convenu lors du débat budgétaire de 2005. Le remboursement de la charge de la dette – évalué à 30 millions et supporté par la Caisse nationale d’assurance maladie – devrait aussi être pris en charge par l'État.

La réserve de précaution a porté sur l'ensemble des crédits des programmes – y compris ceux sur lesquels l'administration ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire d'attribution. Sous le régime de l'ordonnance de 1959, les chapitres relatifs aux prestations à caractère social étaient exclus des gels et annulations de crédits. Il serait aujourd’hui souhaitable que les crédits mis en réserve soient libérés.

La modernisation engagée dans les domaines sociaux sollicite beaucoup les services, qui s'y prêtent avec bonne volonté. Il faut poursuivre la tâche pour conférer un maximum d'efficacité à nos dispositifs d'insertion et de retour à l'emploi, via l'analyse de la performance, la remise en cause des pratiques, l'évaluation ou la comparaison avec d’autres pays. Pour faciliter la gestion quotidienne des actions, il faut allouer les crédits nécessaires aux services, notamment quant il s'agit de dépenses légales et obligatoires ou prévisibles, comme celles de l'hébergement d'urgence ou de l'AME – qui détient le record avec 911 millions manquants, année 2006 incluse. Une ouverture de crédits en loi de finances rectificative sera nécessaire pour apurer la situation. Il sera alors plus facile d'exiger des associations partenaires le respect des objectifs et de la contrainte financière.

Le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est doté de 1,05 milliard d'euros, soit une progression de 4 %. Le Comité interministériel de lutte contre l'exclusion du 12 mai 2006 a prévu de nouvelles interventions en complément de celles de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Un plan triennal de renforcement du dispositif d'hébergement d'urgence a été adopté ; il sera mis en œuvre en 2007, et 10 900 places d'hébergement d'urgence ou en CADA seront créées ou transformées en trois ans.

La dotation consacrée à l'hébergement de réinsertion et d'urgence est chaque année insuffisante par rapport aux besoins. Un plan d'action a été arrêté pour améliorer le pilotage du dispositif. L'allocation des ressources devrait être différenciée par une modulation progressive des dotations régionales sur la base d'un coût moyen qui prenne en compte les activités des centres d’hébergement et de réinsertion d’urgence hors hébergement.

Il faut saluer l'ouverture toute l'année des 5 000 places qui ne fonctionnaient jusqu'à présent qu'en hiver, la transformation de places d'urgence en places de CHRS et la création à titre expérimental de 1 100 places de « stabilisation » pour les grands exclus. Malgré ces efforts, la chaîne du logement reste saturée, car les 400 000 logements sociaux prévus par le Gouvernement sont encore en construction. Chaque catégorie de personnes reste donc dans une structure dont elle devrait sortir – du CHRS vers le logement social, de l'hébergement d'urgence vers le CHRS – si l’on veut assurer la prise en charge par l'hébergement d'urgence des personnes à la rue.

Il faut poursuivre la réflexion sur le déblocage de la chaîne du logement et de l'hébergement à tous les niveaux. Le logement très social doit être développé pour laisser les places en CHRS aux publics en réinsertion. Cela permettra de libérer des places dans ces structures, donc d'éviter de placer des personnes à l'hôtel – ce qui est plus coûteux pour la collectivité et moins adapté à la prise en charge des personnes.

La mission interministérielle aux rapatriés sera dotée de 168 millions d'euros. L’année 2007 verra le règlement définitif des indemnisations des rapatriés, tous les dossiers ayant été présentés et les plans d'apurement étant en cours.

La Délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation sociale et à l'économie sociale, créée en 2006, sera dotée de 11 millions. Son rôle est de soutenir les expérimentations sociales innovantes – comme celles confiées par le Premier ministre à l'Agence des solidarités nouvelles.

Le programme « action en faveur des familles vulnérables » est doté de 1,15 milliard en crédits de paiement. Ses crédits sont stables. Les crédits de l'allocation de parent isolé s'élèvent à 917 millions d'euros, soit 42 millions d'euros supplémentaires. La mise en œuvre de mesures d'accompagnement des bénéficiaires vers le retour à l'emploi laissait espérer une légère baisse de leur nombre. Celle-ci n’a pas eu lieu, et le nombre d'allocataires atteindra 215 000 personnes en 2007.

Le Gouvernement présente deux dispositions réformant l’API, que nous examinerons dans le cadre des articles rattachés. J'approuve ses efforts pour accroître l'employabilité des allocataires de l’API : leur statut doit se rapprocher de celui des personnes bénéficiaires du RMI, sans quoi le dispositif prolonge l'inactivité de la personne.

Le programme Handicap et dépendance est doté de 8 milliards en crédits de paiement ; il progresse de 2,4 %. Je tiens à mentionner la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, qui traduisent les avancées de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances. La contribution de l'État à leur fonctionnement s'élèvera à 13,82 millions et elles ont vocation à devenir le lieu unique d'accès aux droits et aux prestations, ce qui entraînera, le plus souvent, l’installation dans de nouveaux locaux.

Il est souhaitable que la totalité du dispositif se mette en place en 2007, car la loi de 2005 a créé une forte attente. Il est très important que l'ensemble des intervenants soient rapidement rassemblés au sein des MDPH. Il revient à l'administration de dresser la liste des départements où des problèmes se posent, afin de les résoudre au cas par cas.

Les crédits prévus pour les établissements et services d'aide par le travail s’élèvent à 1,29 milliard, ce qui traduit une progression de 3,54 %. Au total, la dotation permettra de financer 112 811 places. Des listes d'attente existent toujours pour l'accès à ces établissements ; aussi, le plan pluriannuel 2005-2007 prévoit de créer 8 000 places pour les résorber.

La réforme de la rémunération garantie des travailleurs en ESAT donne naissance à un nouveau dispositif : l’aide au poste. Appliquée à compter du 1er janvier 2007, elle permettra le versement d’une rémunération garantie aux travailleurs handicapés dès le début de la période d'essai ou lorsqu'ils sont en arrêt maladie. Cependant, selon les associations représentatives, le manque à gagner généré par la réforme serait de 14 euros par mois. Il serait souhaitable de corriger cet effet, afin de ne pas nuire à la lisibilité des efforts en cours. Le ministre pourra-t-il nous préciser ce qu'il en est ? Les crédits d'aide au poste des ESAT s'élèvent à 978,5 millions, pour une prévision de 819 051 bénéficiaires. C’est une nouvelle augmentation.

La dotation de l'AAH atteint 5,35 milliards. Elle est insuffisante depuis plusieurs années. Au reste, le Gouvernement entend réformer ses modalités d’attribution, par l'article rattaché 53, afin de réduire les écarts d'attribution d'un département à l'autre.

Dans mon rapport, j'ai souhaité faire le point sur l’état de réalisation des différents programmes d’action en faveur des personnes âgées dépendantes, bien que la part financée sur crédits budgétaires reste faible. Il est important de contrôler la mise en œuvre progressive des créations de places annoncées et de faire mieux connaître les résultats ; je remercie le Gouvernement de m'avoir communiqué tous les bilans disponibles.

Le programme protection maladie est doté de 398,14 millions et diminue donc de 209 millions. Cela s'explique par la réduction de la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire. Cette mesure traduit la poursuite du transfert de l'État vers l'assurance maladie du financement de la CMUC, commencé en 2005 et 2006. Le fonds CMUC bénéficiera d'une nouvelle ressource affectée et ne connaîtra donc pas de perte de ressources : en conséquence, la dotation de l'État ne représente que 115 millions.

La dépense au titre de l'AME a fortement augmenté au cours des dernières années. Les réformes du dispositif ont produit leur effet maximum au premier semestre 2005, mais une remontée du nombre de bénéficiaires a été observée par la suite. En réalité, le nombre de bénéficiaires et le coût de la prestation dépendent directement du nombre des séjours irréguliers sur le territoire. L'augmentation du nombre des personnes déboutées du droit d'asile – du fait de l'accélération des délais de traitement des dossiers par l'OFPRA et la Commission des recours des réfugiés – a des conséquences directes sur l'AME, car, n'étant plus bénéficiaires de la CMU, ces personnes y recourent directement.

Cependant, le coût de la dépense par personne a plutôt diminué. L'année prochaine, l'administration espère réduire la dépense de 30 %, grâce à un changement de tarification dans les hôpitaux. Un titre sécurisé sera mis au point pour améliorer l'acceptabilité des patients auprès des médecins de ville, ce que l'on voudrait encourager. La dotation reste la même depuis plusieurs années : 233,48 millions, ce qui sera encore insuffisant.

Le programme égalité entre les hommes et les femmes est doté de 28,34 millions en crédits de paiement. Ses moyens connaissent donc une augmentation de près de 6 %, ce qui mérite d’être souligné. L'objectif est de réduire les inégalités constatées par de nouvelles mesures spécifiques et de renforcer la lutte contre les violences envers les femmes.

Pour conclure, je voudrais porter une appréciation très positive sur l'effort accompli en matière de lutte contre l'exclusion, pour la remise à niveau des structures d'hébergement, pour l'innovation que représentent l’ouverture des places toute l'année et l'hébergement de stabilisation. J'approuve pleinement la démarche de modernisation : elle doit être poursuivie et renforcée.

Je veux cependant émettre deux souhaits. S’agissant de la gestion des structures d'hébergement et d'urgence, il faut s'inscrire à l'avenir dans une logique de conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens, passées avec les associations gestionnaires, afin d'assurer un meilleur pilotage et une prévision financière plus fine. Les associations s'y montrent d'ailleurs favorables.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Nous aussi.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale – En second lieu, je rappelle l'observation adoptée par notre commission des finances le 31 octobre, visant à ce que les crédits sous-estimés fassent l'objet d'une inscription pour leur montant effectif, car la situation actuelle nuit à la sincérité budgétaire.

La commission des finances vous demande d'adopter les crédits de la mission Solidarité et intégration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des finances pour l’accueil des étrangers et l’intégration Le programme Accueil des étrangers et intégration comporte quatre actions : la régulation des migrations, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, l'intégration, la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Ce budget nous est proposé à hauteur de 455,12 millions, en baisse de 18,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2006. Cette décroissance s'explique par la diminution du flux des demandeurs d'asile que connaît notre pays, à la suite des autres États européens.

La contraction des crédits tient, pour l'essentiel, à la réduction de 88 millions des crédits relatifs à l'allocation temporaire d'attente, ainsi qu’au transfert des ressources des établissements tels que l’ANAEM et l’ANCSEC – moins 32,6 millions.

Par contre, le budget conforte le dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile – plus 16,2 millions ; l'accompagnement des étrangers placés en centre de rétention administrative – plus 2,4 millions ; et l'insertion des réfugiés. Le programme tient également compte de l'intégration de crédits de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme – soit 200 000 euros –, ainsi que d’une mesure de 0,16 million visant à compenser l'augmentation du taux de pension des fonctionnaires détachés au sein de l'ANAEM et de la nouvelle ANCSEC.

Je rappelle que le montant du programme ne comprend pas les dépenses de personnel et de fonctionnement des administrations de l'État, à l'exception de celles de la HALDE.

L'action 1 concerne la régulation des migrations. Les crédits d'intervention s'élèvent à 14,63 millions, contre 12,25 millions en 2006. Cette hausse s'explique par l'augmentation sensible du nombre de places en centres de rétention administrative – 2 100 places prévues fin 2007 contre 1099 en 2004 –, ainsi que par l'évolution de la prise en charge sanitaire. Une sous-action intègre la couverture financière des interventions sanitaires dans la zone d’attente de Roissy. L’action 1 comprend également l'assistance sanitaire et sociale aux étrangers en situation particulière, pour les faire bénéficier de prestations d'information, d’un soutien, d’une aide matérielle au départ, d’une couverture sanitaire sur place et de prestations permettant l'exercice de leurs droits, toutes prestations assurées jusqu’à présent par la CIMADE.

Le dispositif d'aide au retour volontaire dont peuvent bénéficier tous les étrangers en situation irrégulière – notamment les familles des déboutés du droit d'asile – a été généralisé à tout le territoire et il est éligible à tous les étrangers sous arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

L'action 2 concerne la prise en charge sociale des demandeurs d'asile ; ses crédits s'élèvent à 243,97 millions. Les dotations initiales avaient connu une forte croissance depuis trois ans et représentaient, cette année, près de 57 % des crédits du programme. La réduction de près de 25 % du nombre de demandeurs d'asile pourrait encore s’amplifier cette année.

En dépit de cette évolution, l'insuffisance des dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile conduit le Gouvernement à poursuivre l'effort de création de places nouvelles en CADA. Aussi la dotation connaît-elle une progression de 10 %, avec 16 millions supplémentaires, ce qui porte les crédits pour 2007 à 162,94 millions. Je tiens à saluer l’action Gouvernement, puisque le nombre de places est passé de 5 282 en 2001 à 19 710 fin 2006, cependant qu'il est prévu de compléter le dispositif de 1 000 places supplémentaires en 2007. En outre, le coût de fonctionnement par place a été réévalué à 25,11 euros par jour, contre 24,82 euros en 2006.

Si le délai moyen d'instruction de la demande d’asile par l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés a été réduit à douze mois à la fin 2005, la durée moyenne de séjour en CADA est encore trop longue, puisque supérieure à dix-huit mois. Fin 2006, 22 % des personnes hébergées en CADA sont soit déboutées, soit destinées à entrer dans le dispositif commun d'accès au logement. Cette situation contribue à bloquer le fonctionnement du dispositif.

S'il est important de souligner l'effort du Gouvernement en terme de places nouvelles, votre rapporteur spécial se félicite également de la réforme du dispositif d'hébergement, engagée depuis 2005 et dont la mise en œuvre s'est poursuivie en 2006. En donnant un rôle accru aux préfets de région dans l’attribution et la gestion des places d'hébergement, notre système s’est sensiblement amélioré.

L'allocation temporaire d'attente – qui se substitue à l'allocation d'insertion – sera versée pendant toute la durée de la procédure et ne pourra pas être maintenue au-delà. En outre, en cas de refus d'hébergement en CADA, le demandeur perdra le bénéfice de l'ATA.

La dotation de 38 millions prévue pour 2007 permettra de financer 9 800 allocations en année pleine, au bénéfice de 13 000 personnes si la durée de procédure n’excède pas neuf mois. Cependant, votre rapporteure spéciale appelle l'attention du Gouvernement, car elle considère que la prévision sur laquelle se fonde la dotation est peu prudente : il n'est pas certain que le délai de neuf mois soit tenu, d'autant que l'octroi systématique de l'aide juridictionnelle aux demandeurs, prévue par une directive européenne, ne sera pas sans conséquences.

L'action 3 du programme concerne l'intégration et les crédits soumis à notre approbation s’élèvent 184,92 millions.

Le comité interministériel à l'intégration a affirmé la volonté du Gouvernement de marquer un tournant en matière de politique d'intégration, en accompagnant le migrant régulier dans son parcours. La réussite de l'accueil des étrangers en France est une condition primordiale pour leur bonne intégration. La principale innovation dans la politique de l'accueil a été, à partir de 2003, la proposition faite aux immigrants de suivre une journée de formation civique, destinée à les initier aux institutions, à l'organisation et aux valeurs de la République française.

Ils ont aussi la possibilité de bénéficier d'une formation linguistique, selon leur niveau de maîtrise du français. Pour y participer, ils doivent signer le contrat d'accueil et intégration, lequel formalise leurs engagements et ceux des pouvoirs publics. Un nouveau pas important dans le déploiement de cette politique d'accueil des nouveaux migrants a été franchi avec la loi du 24 juillet 2006, relative à l'immigration et à l'intégration. La signature du CAI est obligatoire pour les étrangers admis pour la première fois ou qui entrent régulièrement en France entre l'âge de 16 et 18 ans, en possession d'un titre de séjour d'au moins un an. Le CAI s'est pratiquement généralisé à l'ensemble du territoire national et concerne aujourd’hui 92,6 % des primo-arrivants.

Les organismes qui concourent à l'intégration et à la lutte contre les discriminations sont l’Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, et la Haute autorité de lutte contre les discrimination et pour l'égalité.

La dotation de l'ANAEM pour 2007 s’élève à 51,6 millions, l’Agence devant aussi bénéficier d’une augmentation de 20 millions de ses taxes – perçues lors de la délivrance du premier titre de séjour ou lors de la validation d'une attestation d’accueil. L’ANAEM s’occupe du suivi des contrats d'intégration, de l'accueil des demandeurs d'asile, du contrôle médical, de l'aide au retour volontaire et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine, de l'emploi des Français à l'étranger.

Le FASILD a pour mission de favoriser l'intégration et de lutter contre les discriminations dues à la religion ou aux croyances. Il participe au financement d’actions telles que la formation linguistique, à laquelle il consacre 64,4 millions. Son action se concentre surtout sur les primo-arrivants.

L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, créée par la loi du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances, se substituera au FASILD en 2007 et bénéficiera du transfert du personnel de celui-ci, plus vingt équivalents temps plein. Son financement proviendra de plusieurs programmes : celui que je présente, pour 114,84 millions, et le programme Équité sociale, territoriale et soutien, pour 385,62 millions.

Dans le budget intégration, le versement d'une subvention au GIP « Cité nationale de l'histoire de l'immigration » est prévu. Souhaitons que le financement d'une structure à vocation culturelle ne s'exerce pas au détriment de celui apporté aux demandeurs d'asile et aux migrants eux-mêmes. Votre rapporteure regrette que cette question n'ait pas été clarifiée.

L’action 4 du programme correspond à la HALDE. Officiellement installée en juin 2005, cette autorité est indépendante et ses crédits ne sont pas fongibles. Tous les départements ont saisi au moins une fois la HALDE, même si les demandes sont concentrées en Île-de-France, dans le Nord-Pas-de-Calais et les Bouches-du-Rhône. Elle bénéficiera en 2007 de 11,6 millions – 6,2 pour le personnel, et 5,4 pour le fonctionnement.

La HALDE a été désignée comme structure nationale chargée d'organiser la participation de la France à « l'année européenne de l'égalité des chances pour tous » en 2007. Outre cette mission ponctuelle, l’objectif de la HALDE est de passer à un rythme annuel de 90 dossiers par agent et par an ; de faire mieux connaître aux publics concernés les voies de recours contre les discriminations ; de mettre en place un système automatisé de traitement des dossiers avec l'établissement progressif d'une jurisprudence. Enfin, la loi du 31 mars 2006 a confié à la HALDE un nouveau pouvoir de transaction amiable.

La commission des finances regrette l’absence de réponse du Premier ministre aux observations de la mission d’évaluation et de contrôle sur l’accueil des demandeurs d’asile. Cette absence de réponse n’est pas dans l’esprit de la LOLF.

En conclusion, je salue l'effort important réalisé par le Gouvernement pour adapter la politique d'intégration et de lutte contre toutes les discriminations aux enjeux de notre société en pleine mutation. Et je demande à l'Assemblée de bien vouloir approuver les crédits présentés, qui ont reçu l'avis favorable de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Nous examinons aujourd'hui les crédits d'une mission qui comprend sept programmes de poids très inégal et dont le caractère interministériel n'est plus à démontrer. Comme le veut l'usage de la commission des affaires sociales, j'ai choisi de consacrer mon rapport à un thème particulier : l'urgence.

La distribution de tentes par Médecins du Monde a inscrit la question de l'urgence à l'agenda médiatique de façon spectaculaire. Cet épisode ne doit cependant pas masquer l'émergence d'une véritable politique publique, articulée autour du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion. Dans ce domaine, l'État est un acteur essentiel, en tant que financeur, mais aussi comme coordinateur des intervenants, étant entendu que les associations font, avec l'aide de nombreux bénévoles, un travail remarquable. Les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence permettent d'offrir environ 100 000 places d'accueil aux personnes les plus démunies ou sans abri.

Le Gouvernement s'est engagé dans une politique volontariste, qui repose sur quatre piliers : le plan de cohésion sociale ; le plan triennal 2007-2009 de renforcement et d'amélioration des dispositifs d'hébergement d'urgence ; le plan hiver ; le rapport de Fleurieu. Suite à ce dernier, les dispositifs d'hébergement d'urgence ont été renforcés, avec l'expérimentation, depuis le mois de septembre, de nouvelles structures d'hébergement de « stabilisation », ouvertes en continu.

Le comité interministériel de lutte contre l'exclusion s'est réuni le 12 mai 2006. Je précise qu'il avait été institué en 1998 sous le gouvernement Jospin, mais qu’il s’était réuni pour la première fois en 2004, sous M. Raffarin. Ce comité a lancé le plan triennal de renforcement et d'amélioration des dispositifs d'hébergement d'urgence, qui prévoit l'ouverture de 5 000 places – dont 2000 en 2007 – d'hébergement à l'année, et non plus pour la seule période hivernale ; la transformation de 3 000 places d'hébergement d'urgence en places de centres d'hébergement et de réinsertion sociale, dont 1 000 seront créées dès 2007 ; la création de 3 000 places financées au titre de l'ALT ; le renforcement de la veille sociale et des équipes mobiles avec la création de 80 postes dès 2007.

À ce plan exceptionnel s'ajoute la poursuite de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, qui prévoit en 2007 la création de 1 500 places nouvelles dans les maisons-relais et de 600 places en CHRS, dont 100 au titre du rattrapage pour les départements d'outre-mer. Au total, ce sont 13 404 places d'hébergement qui ont été créées depuis 2005 ou qui sont programmées d'ici 2008.

Je dois rappeler que la loi portant Engagement national pour le logement permettra d’offrir 250 000 nouveaux logements sociaux et d’en réhabiliter 400 000 autres.

Malgré cette politique très volontariste, le dispositif d'hébergement reste embolisé. Pourtant, avec une capacité approchant les 100 000 places, il semble répondre aux besoins quantitatifs, puisque l’INSEE évalue à environ 86 000 personnes le nombre de sans-domicile. Mais plus qu'en termes quantitatifs, la question se pose en termes de flux.

Il y a tout d'abord un problème de public. Selon l'IGAS, les personnes en situation de « rupture récente » ne représenteraient que 15 à 20 % des personnes qui sont accueillies ; 20 % de personnes hébergées le sont depuis six mois et un tiers depuis un à six mois. On remarque parmi elles une abondance de « travailleurs pauvres ». À la sortie du parcours, un tiers des personnes hébergées se retrouvent à la rue. Seules 24 % d’entre elles accèdent à un logement de droit commun.

La hausse du nombre de déboutés du droit d'asile est un autre facteur d'embolie, qui résulte de l'amélioration des procédures de l'OFPRA et de la commission des recours des réfugiés. Ces personnes sont les principales bénéficiaires de la dizaine de milliers de lits d'hôtel financés, en particulier à Paris.

Le problème des personnes souffrant d'une pathologie psychiatrique qui se retrouvent dans les centres d'hébergement, faute de pouvoir être hébergées dans les structures ad hoc, ne doit pas être occulté. On note aussi deux autres évolutions, aux deux extrémités de la pyramide des âges : la présence accrue des jeunes errants et le vieillissement d'une frange des SDF – 300 places spécifiques vont être ouvertes pour ces derniers.

Ces chiffres montrent que l'urgence revêt, paradoxalement, un caractère permanent. Le système tourne en circuit fermé : les personnes sont réorientées vers la rue et le numéro vert du Samu social de Paris, le 115. Elles circulent de centre en centre, sans jamais pouvoir entreprendre de démarche de réinsertion. La mise en œuvre d'une offre dynamique, orientée vers l'insertion dans la durée, avec une personnalisation du parcours, est plus que jamais nécessaire.

L'intervention de l'État dans le domaine de l'urgence sociale est marquée par plusieurs contradictions : l'État est le principal financeur, mais avec un budget en décalage et offrant peu de visibilité, tant pour ses services que pour les acteurs associatifs ; il lui faut agir à la carte, tout en menant un travail de mise en cohérence et en réseau ; son action est évaluée par des indicateurs budgétaires, alors qu’il faudrait mettre au point des indicateurs plus humains, mesurant la réinsertion des personnes les plus vulnérables.

Pour les résoudre, il faut renforcer le pilotage du système. Tout d'abord, l'État doit trouver une solution au sous-calibrage initial chronique des lignes budgétaires « hébergement d'urgence ». En 2005, un décret d'avance de 64 millions a été nécessaire. Il aurait été souhaitable que le projet de loi de finances pour 2007 soit l’occasion d'un « rebasage » budgétaire, de sorte que le recours aux décrets d'avance ne soit plus nécessaire dans les années qui viennent. C’est en tout cas mon vœu.

Il s'agit ensuite de parler le même langage. Dans cette optique, le Gouvernement a publié, en mars 2005, le référentiel national des prestations du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion, qui a permis de donner un cadrage et une sémantique commune à l'ensemble des acteurs. Sa diffusion auprès d'eux pourrait être amplifiée.

Vous avez d’autre part souhaité, Madame la ministre, que soit encouragée la passation de contrats d'objectifs et de moyens. Une récente circulaire en a précisé les règles et le secteur gagnerait à adopter plus largement cette culture.

Une réflexion sur les indicateurs doit également être menée, étant entendu que le degré à partir duquel on peut parler d'insertion est variable. Celle-ci ne peut se mesurer uniquement en termes d'accès au droit commun – logement et emploi. Les enjeux de réinsertion pour les personnes en grande difficulté sont aussi le retour à un état de santé acceptable et le rétablissement d'une capacité à vivre en communauté.

Un cadre conventionnel existe désormais pour la coordination des interventions : les établissements médico-sociaux sont invités à s'engager dans des démarches coopératives. Il serait intéressant d'aller plus loin et d'imaginer des plateformes de l'insertion, sur le modèle des maisons du handicap et les maisons de l'emploi, et en lien avec ces dernières.

Il convient d'aller vers une coopération plus étroite, mais en laissant à chaque association la possibilité de garder sa propre culture. Les trajectoires d'exclusion sont diverses. Il faut donc des réponses diverses. À cet égard, la limitation stricte de la durée des séjours dans les places d'urgence est l'une des règles les plus unanimement critiquées. Diversifier l'offre, c'est pouvoir prendre en charge « à la carte », et donc dans la durée, quand cela s'avère nécessaire.

L'accès au droit commun passe par la domiciliation, que le CILE a défini comme un droit, mais qui représente une charge très lourde, en particulier la domiciliation postale, pour les centres communaux d'actions sociale et les associations agréées à cette fin, d’autant que la réglementation sur le sujet est complexe et hétérogène. Cette charge et le caractère essentiel de la domiciliation pour l'accès aux droits justifieraient un financement spécifique.

Par ailleurs, le recours aux baux glissants devrait être encouragé. Cette procédure permet à une personne en difficulté d'accéder à un logement ordinaire par le biais d'une sous-location, avec accompagnement social, pendant une durée déterminée, après quoi on fait « glisser » le bail à son nom.

Il serait aussi souhaitable d'encourager la fluidité des publics au sein du parc de logement. Pour désengorger l'hébergement de réinsertion, il est nécessaire de désengorger chacun des échelons du parc de logement. Il faut raisonner en termes de flux, et non plus de stocks, et assurer une rotation permanente. Pour cela, une politique de contractualisation entre les communes et l'État est nécessaire. C'est à cette condition que l’on permettra aux grands exclus d'entrer dans le logement de droit commun.

Enfin, les étrangers en situation irrégulière occupent une part importante des places d’hébergements d’urgence. La voie de l’aide au retour au pays gagnerait à être développée. Cette politique a récemment connu une substantielle revalorisation des montants d’aide et impliquerait également un suivi des personnes revenues dans leur pays, qui ferait fond sur les réseaux associatifs ou l’envoi de fonctionnaires. Il serait à cet égard intéressant d’évaluer les expériences menées après les accords intergouvernementaux signés depuis 2002.

Madame la ministre, je tiens à vous féliciter pour avoir su concrétiser des réflexions et des méthodes qui commencent à porter leurs fruits. Je remercie à cette occasion les travailleurs sociaux et les bénévoles qui, par un dévouement sans faille, servent la politique de solidarité nationale. Notre commission a donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Éric Raoult – Très bien !

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le handicap et la dépendance – Notre commission souhaite apporter un éclairage plus particulier sur la situation des personnes handicapées dans la fonction publique. L'une des grandes innovations de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, est la création d'un fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, qui transpose dans le secteur public un dispositif en vigueur depuis 1987 pour les entreprises privées, celui de l'AGEFIPH, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées.

Les trois fonctions publiques, lorsqu'elles emploient plus de 20 agents, ont, depuis la loi du 10 juillet 1987, l’obligation de réserver 6 % de leurs effectifs aux travailleurs handicapés. Cette prescription, faute de sanction, n’était pas respectée. Les statistiques dont nous disposions jusqu'en 2005 étaient d'ailleurs quasiment inexistantes pour l'éducation nationale et ne portaient, par ailleurs, que sur l'ensemble des bénéficiaires de l'obligation d'emploi, dont les titulaires d'un emploi réservé. La suppression programmée des emplois réservés, ainsi que la collecte de données entreprise à l'occasion de la création du nouveau fonds d'insertion, nous laissent espérer une amélioration. La méconnaissance relative de la situation des personnes handicapées dans la fonction publique étant source de difficultés dans l'application de la loi, un effort particulier doit être consenti pour obtenir des données précises.

La loi de 2005 instaure des pénalités financières pour les employeurs publics qui ne satisfont pas au taux de 6 % et ces pénalités sont versées au fonds d'insertion, dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts. Un comité national chargé de piloter le dispositif, mis en place le 7 juin dernier par M. le ministre Bas, réunit les administrations de tutelle, les organisations syndicales de la fonction publique, mais aussi des associations représentatives du monde du handicap, bien que la place accordée à ces dernières soit moins importante que ce qui aurait pu être souhaité. Sous la présidence de Mme Martine Faucher, le FIPHFP réalise un excellent travail. Toutefois, l'absence auprès du comité national de toute structure administrative propre me paraît limiter sa capacité d'initiative.

Nous disposons aujourd'hui des premiers résultats de la campagne de déclaration des employeurs publics qui a eu lieu au cours de l’été. Les premières contributions s’élèvent à 52,05 millions d'euros. Les contributions demandées pour 2006 bénéficient d'un abattement de 80 %, lequel sera ramené à 60 % en 2007, 40 % en 2008, et 20 % en 2009. Plus de 250 millions d'euros auront été versés au terme du processus, en 2010, si des évolutions ne sont pas intervenues d'ici-là. Les administrations ont dans l’ensemble bien coopéré. Je ferai toutefois remarquer que le ministère de l'éducation nationale bénéficie encore à ce jour d'un régime dérogatoire qui suscite la désapprobation de la plupart des personnes que nous avons auditionnées.

Les déclarations recueillies permettent de brosser un premier tableau de la situation. La fonction publique d'État compterait 3,62 % de personnes handicapées, la fonction publique territoriale 3,77%, et la fonction publique hospitalière 3,76 % – soit 156 552 sur un effectif total de 4,24 millions d’employés. Ministère par ministère, les statistiques sont cependant très variables, les meilleurs résultats étant obtenus par les ministères de l'emploi et de la santé, respectivement 7,36 et 6,05 % de travailleurs handicapés.

Les fonds collectés par le FIPHFP doivent financer des projets d'insertion professionnelle, de maintien dans l'emploi, et de formation des personnes handicapées dans la fonction publique. Pour 2007, les besoins s’élèveraient à 20 millions d'euros. Si le destinataire final est le salarié handicapé, il revient à l'employeur de solliciter le fonds. Une saisine directe du fonds par la commission des droits et de l'autonomie pourrait être intéressante.

Dans le cadre d’une campagne de sensibilisation auprès des directeurs d'administration, un guide de l'obligation d'emploi est en préparation, et des actions de formation leur seront certainement proposées. Ces actions pourront être conduites de manière transversale, puisque 20 % des fonds collectés sont susceptibles d'être utilisés pour des opérations communes. Il serait également intéressant de réfléchir à la mise en place de partenariats entre l'AGEFIPH et le FIPHFP, et à la valorisation du réseau Cap emploi.

S'agissant de l'accessibilité des locaux au public, le FIPHFP n'a pas vocation à se substituer au fonds interministériel pour l'accessibilité des bâtiments anciens ouverts au public. Par ailleurs, l'ensemble des écoles de la fonction publique accueillant les lauréats des concours doivent devenir accessibles aux personnes handicapées. Enfin, les lignes de crédits dont bénéficiaient les ministères, leur permettant de mener à leur échelle des interventions complémentaires à celles des fonds, doivent être maintenues.

Il est très important que le ministère de l'éducation nationale évolue au cours des prochaines années. L'éducation nationale est le premier employeur public de notre pays. Mais surtout, la présence de professeurs handicapés a une vertu symbolique forte. S’il est difficile aujourd’hui de recruter des professeurs handicapés, faute de candidats, cela doit renforcer notre détermination à améliorer la scolarisation des enfants handicapés.

Je terminerai sur deux points qui ont fait débat en commission. Le rapporteur pour avis avait soulevé l'an dernier un certain nombre de difficultés concernant les établissements et services d’aide par le travail. Toutes ne semblent pas résolues, et les craintes liées à la mise en place de la garantie de ressources des travailleurs handicapés et de l'aide au poste à partir du 1er janvier 2007 sont encore vivaces. Un nouveau décret a été élaboré pour améliorer le système d'abattement appliqué au calcul de l'AAH. Il se pose encore la question de la prise en compte de la lourdeur du handicap lorsque ces entreprises se retrouvent dans des conditions de concurrence extrêmement fortes.

La seconde difficulté tient à l'articulation entre la prestation de compensation et l'AAH. Il semble que le revenu complémentaire apporté à certaines personnes handicapées par la prestation de compensation ne soit pas à la hauteur de celui qui leur était proposé par l'allocation compensatrice pour tierce personne, en raison d'une définition restrictive des aides humaines dont la personne handicapée peut bénéficier dans sa vie quotidienne.

Mes chers collègues, notre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme Handicap et dépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Francis Vercamer – La mission Solidarité et intégration compte sept programmes aux objectifs variés mais qui ont en commun la volonté de tisser des filets de sécurité et d’assurer l’égalité des chances. L’une des plus importantes organisations d’aide aux démunis, le Secours catholique, vient de publier ses statistiques d’accueil pour 2005, lesquelles reflètent les principales caractéristiques de l’exclusion dans notre pays. Intensification de la précarité, accroissement de la pauvreté des enfants de familles monoparentales, fragilité de plus en plus accentuée des titulaires du RMI, nombre croissant de travailleurs pauvres titulaires de contrats de courte durée, accession difficile des personnes en précarité au logement social : les difficultés des exclus s’aggravent.

Le programme Handicap et dépendance est le plus doté en crédits, avec 8,39 milliards d’euros, ce qui traduit la volonté de l’État d’appliquer les dispositions de la loi du 11 février 2005. Mais bien des efforts restent à accomplir pour que l’égalité des chances soit vécue au quotidien. Je pense notamment aux difficultés d’accès à l’emploi des personnes handicapées. Le taux de chômage de celles-ci est deux fois supérieur à la moyenne nationale, en dépit, parfois, de leurs hautes qualifications. Il est donc essentiel de renforcer davantage la politique d’insertion sociale. Le taux d’obligation d’emploi de 6 % n’est toujours pas respecté dans la fonction publique. Il est important également de faciliter l’accès aux marchés publics de structures de travail protégé et d’assurer, par l’incitation, une meilleure prise en compte de la situation des travailleurs handicapés.

Nous devons aussi veiller à résoudre les difficultés que connaissent les anciens ateliers protégés, devenues des « entreprises adaptées » auxquelles s’appliquent les dispositions du code du travail. Cette évolution a pour conséquence que les salaires versés ne peuvent être inférieurs au SMIC ou au minimum conventionnel, et nombre de ces structures ont le plus grand mal à assumer ces charges nouvelles, en dépit du plan national d'accompagnement à la mutation. À ces contraintes s’ajoutant les aléas de la concurrence, des problèmes de trésorerie insurmontables apparaissent qui peuvent conduire à des licenciements. Quel paradoxe, alors qu’il s’agit de structures destinées à permettre aux personnes handicapées d'accéder à l'emploi !

Nous tenons aussi à ce que les différentes situations soient considérées avec une réelle équité et nous avions déposé des amendements à ce sujet qui ont malheureusement été déclarés irrecevables. Nous proposions par exemple de rétablir une certaine équité en faveur des bénéficiaires de l'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité, les grands oubliés de la loi du 11 février 2005, qui s'est davantage intéressée à la situation des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés. Il nous semble en effet que l'allocation supplémentaire du FSI doit être attribuée sur les mêmes bases que l'AAH. De même, nous pensons nécessaire d'aligner enfin le régime de revalorisation du montant et des plafonds de ressources de l'allocation supplémentaire d'invalidité sur celui de l'allocation aux adultes handicapés.

Dans un autre domaine, les crédits du programme consacré aux actions en faveur des familles vulnérables, bien que supérieurs à un milliard, ne dissipent pas l'inquiétude des communes sur le financement des actions des centres sociaux En effet, les contraintes financières étant fortes, les caisses d’allocations familiales sont amenées à réduire leurs dotations.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleC’est inexact. Tous les engagements pris seront respectés.

M. Francis Vercamer – La diminution des financements aurait de graves répercussions, contraignant les centres sociaux à limiter leurs actions, pourtant essentielles. Ce serait un comble, au moment où l’on observe la paupérisation croissante des quartiers en difficulté. Nous souhaitons donc que l'État soit attentif à pérenniser les actions des centres sociaux, d’autant plus que, dans le même temps, la part de financement des caisses d‘allocations familiales dans les contrats « temps libre » et « enfance » est revue à la baisse – ce qui contredit d'ailleurs l’objectif gouvernemental d'augmenter les places en crèche.

L'un des autres objectifs affichés de la mission est de promouvoir la qualité des logements, dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne. Il conviendrait d'inciter davantage les communes à contribuer activement à la construction de logements « très sociaux » ou d'habitat temporaire et d'urgence. Certaines collectivités s’y emploient efficacement, notamment la métropole lilloise.

Notre groupe est particulièrement attentif à l'intensification de la lutte contre les discriminations. À cet égard, l'augmentation de 8,4 % des crédits de la HALDE va dans le bon sens et nous nous félicitons que, à l'inverse des deux années précédentes, le groupe UMP n'ait pas tenté d'en amputer les crédits. (M. Eric Raoult proteste) Mais l'action du Gouvernement en matière de discriminations à l'embauche et dans l'emploi nous laisse perplexes. Dans son rapport 2005, la HALDE expose pourtant que 45 % des réclamations qu’elle a enregistrées concernent l'emploi et que 39,6 % ont trait à une discrimination fondée sur l'origine. L'accord national sur la diversité dans les entreprises, conclu par les partenaires sociaux, constitue un premier pas, et il a le mérite d'exister, mais il est flou, notamment pour ce qui concerne les modalités de recrutement, et bien peu contraignant – ce dont se félicitent d’ailleurs les organisations représentatives des employeurs –, à tel point que l'une des organisations syndicales ayant participé à la négociation a décidé de ne pas signer l'accord, le jugeant « totalement creux ». Dans le cadre de la loi pour l'égalité des chances, le groupe UDF a obtenu que soit inscrit dans la loi l'obligation légale d'assurer l'anonymat des CV dans les entreprises de 50 salariés et plus. Étant donné les lacunes du dialogue social en la matière, nous souhaitons que le Gouvernement prenne les décrets d'application de cette mesure.

Le budget de la mission recouvre également les actions en faveur des rapatriés. Il poursuit l'effort de l'État en faveur des harkis, avec l'allocation de reconnaissance, mais les modalités de versement de cette allocation, discutées, génèrent parfois des difficultés. Je continue de penser que la loi du 23 février 2005 dont cette allocation est issue n'est qu'une étape dans la prise de conscience de la dette dont notre pays est redevable envers les harkis et il nous faudra aller bien au-delà des mesures de droit commun préconisées pour remédier aux graves difficultés lourdes dont est victime la deuxième génération.

S’agissant du programme Accueil des étrangers et intégration, nous pensons nécessaire de réaffirmer que priorité doit être donnée à l'apprentissage du français par les étrangers arrivant sur notre sol. La maîtrise de la langue du pays d'accueil est un facteur d'intégration et c’est aussi l'un des premiers moyens, pour un étranger, d'avoir la garantie du respect de ses droits. Le groupe UDF souhaite également que les conditions d'accueil des étrangers placés dans les centres de rétention administrative soient nettement améliorées.

Dans le programme Protection maladie, les crédits affectés à l'indemnisation des victimes de l'amiante restent constants par rapport à 2006, ce que je regrette. La mission d'information sur les conséquences de l'exposition à l'amiante, dont j'étais membre, avait en effet recommandé le doublement de la participation de l'État au budget du FIVA et du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Le groupe UDF attend les suites que le Gouvernement entend donner aux 51 propositions figurant dans le rapport de la mission, particulièrement pour ce qui concerne la prise en charge des victimes et le suivi médical des personnes exposées.

Même si le travail est engagé de manière, nous n'en doutons pas, déterminée, la lutte contre l'exclusion et pour l'égalité des chances reste un chantier largement ouvert. C'est donc convaincu que les programmes de cette mission peuvent être améliorés que le groupe UDF en votera les crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Patrick Braouezec – Le budget de la mission Solidarité et intégration comprend sept programmes pour un budget total d’un peu plus de 12 milliards. Elle a pour objectif affiché de réduire les inégalités, alors que celles-ci ne cessent d'augmenter, qu’il s’agisse des écarts considérables dans la hiérarchie des salaires ou de l'éducation. Or, bien loin d’apporter des réponses satisfaisantes à ces problèmes de fond, le Gouvernement fait bénéficier les plus favorisés d’une baisse d'impôts de 3,5 milliards mais ne fait rien pour remédier à l’exclusion dont sont victimes les habitants des quartiers populaires et en particulier les jeunes. Cet écart entre le discours et les actes aide à comprendre la révolte des quartiers populaires, le sentiment d'être méprisé exacerbant les réactions. Il faut cesser de présenter la situation de la France en matière d’inégalités de manière flatteuse, et de se limiter à la surface des choses.

On peut s’en tenir à constater la stabilité apparente de la différence entre les salaires les plus hauts et les salaires les plus bas, mais si l’on prend en considération dans ce calcul le temps de travail partiel, les périodes de chômage et le patrimoine, la situation apparaît nettement dégradée. Aussi longtemps que le Gouvernement refusera de parler du système global des inégalités et du fait qu'elles se cumulent et s’aggravent pour certaines catégories de la population, les « solutions » proposées ne seront que cautère sur jambe de bois.

Le salaire moyen se situe entre 1 200 et 1 300 euros, beaucoup de gens ne partent jamais en vacances et ont la télévision pour seul loisir. C'est un pays qui compte 9 % de titulaires d’un diplôme supérieur ou égal à bac+ 2, mais dont 45 % des adultes n’ont pour tout diplôme, au mieux, qu’un brevet des collèges, un pays où la progression sociale n’existe plus. La situation des jeunes a aussi de quoi inquiéter : leur rémunération est plus faible que ne l’était celle de leurs parents au même âge, ils font face à des périodes de précarité plus longues et ils savent déjà que leurs retraites seront moins importantes... Notre société construit les inégalités de demain dans des proportions inédites. Comment oublier que, dans certaines zones urbaines sensibles, le taux de chômage des jeunes peut dépasser 50 % ?

J’en viens aux programmes de la mission Solidarité et intégration, qui sont répartis entre le ministère de la santé et celui de la cohésion sociale. Le programme Handicap et dépendance est doté d’un budget de 8,04 milliards, en légère augmentation, mais les efforts destinés à faciliter l'accès à l'emploi des handicapés sont toujours insuffisants, alors que seuls 37 % d’entre eux ont un emploi, contre 73 % pour l'ensemble des 20-59 ans. Par ailleurs, les personnes handicapées ont un taux de chômage largement supérieur à la moyenne : elles cumulent en effet leur handicap et une moindre qualification. Il reste donc beaucoup à faire.

L'action en faveur des familles vulnérables est dotée de 1,152 milliard. Je le répète, les inégalités et la pauvreté progressent en France depuis 2004. Le nouveau taux de chômage est certes encourageant, mais il ignore les « décomptés », les temps partiels, les CDD, les chômeurs invisibles des DOM et les précaires. Dès lors, comment croire que « le chômage baisse » ? L'INSEE estime qu’il y a en réalité près de 6 millions de chômeurs « équivalent temps plein » pour une population active occupée de quelque 25 millions de personnes.

La Protection maladie se voit allouer 398 millions, au lieu de 607 millions en 2005. Le grand perdant, c’est la CMU alors que 4,4 millions de personnes en bénéficient, son budget revient de 323 à 114 millions, tandis que les inégalités en matière de santé s’accroissent, elles aussi et que les écarts d'espérance de vie entre catégories sociales continuent d’augmenter. Comment, dans ce contexte, expliquer à de nombreux citoyens qu'ils seront bientôt exclus de tout système de protection sociale ? Comment accepter que le Gouvernement retire RMI, CMU et API aux bénéficiaires disposant d'un logement ou d'un véhicule ? C'est d’une véritable révolution dans l'attribution des prestations sociales qu’il s’agit, brutale, dangereuse pour les plus faibles et en contradiction totale avec une politique de solidarité.

Les sans-papiers sont aussi exclus, au prétexte de lutter contre « l'immigration clandestine ». L'exercice de la solidarité demanderait pourtant que les moyens soient à la hauteur des besoins et non l'inverse. Plutôt que de réduire le nombre de bénéficiaires de la CMU et de l'AME, il faudrait ouvrir la CMU aux sans-papiers, afin de garantir un égal accès aux soins à tous et de développer la médecine préventive dans l’intérêt de la santé publique.

Qu’en est-il des programmes dépendant du ministère de l'emploi et de la cohésion sociale ? L'égalité entre hommes et femmes se voit octroyer 28 millions. La différence de salaire entre hommes et femmes serait, nous dit-on, de quelque 20 %, mais l’on ne tient compte que des salariés à temps complet ! Si l’on intégrait les périodes de chômage et le temps partiel, l’écart de revenus entre les hommes et les femmes s’établirait à 40 %. Rappelons que le taux de chômage atteint 9 % chez les hommes et 11 % chez les femmes et que, parmi les 3,2 millions de salariés qui gagnent moins que le SMIC, 80 % sont des femmes. De plus, dans la grande majorité des cas, les femmes occupent des postes de moindre responsabilité et ont donc un moindre salaire. Notre société tolère cette formidable inégalité. Pourtant l’indépendance des femmes passe forcément par l'autonomie économique. Tant que celle-ci ne sera pas acquise, les inégalités perdureront. Cette conquête reste à faire.

Le budget pour la prévention de l'exclusion et l’insertion des personnes vulnérables est d’un peu plus d’un milliard. La nouvelle agence issue de la refonte du FASILD – menée contre l'avis des associations et des partenaires sociaux – centralise diverses missions. Attendons de la voir à l'œuvre, mais il est à craindre qu’elle serve plus la politique sécuritaire du Gouvernement qu’une politique de prévention et d'intégration. Le budget consacré à l’accueil des étrangers et à l’intégration, avec 455 millions, accuse une baisse de près de 104 millions. L’action la plus touchée est la prise en charge sociale des demandeurs d'asile. Cette diminution scandaleuse fait suite à la réforme du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile. La situation des étrangers demeure précaire et le taux de reconnaissance du statut de réfugié est de 17 %, soit presque le niveau le plus faible des vingt dernières années.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale – C’est la même chose partout en Europe : soyez objectif !

M. Patrick Braouezec – Ce chiffre ne s’explique pas par le fait qu’il y a moins de demandeurs d'asile, mais parce que l'asile ne dépend plus seulement des dispositifs juridiques mais aussi de l'accueil et de la qualité de l'accompagnement, qui est marquée par de fortes inégalités. Les turbulences dans la prise en charge sont telles que les requérants sont confrontés à des parcours très différents.

Face à l'augmentation des inégalités, les réductions qui marquent ce budget ne nous permettront pas de répondre à notre devoir de solidarité à l'égard des victimes de l'exclusion sociale, et encore moins de favoriser l'intégration. Vous avez choisi une politique d'affichage, mais portez peu d'intérêt aux questions sociales, préférant répondre aux injonctions des politiques libérales.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale – C’est vraiment caricatural !

M. Patrick Braouezec – Vous comprendrez dès lors pourquoi le groupe communiste votera contre.

Mme et M. les Ministres délégués – Non, justement !

M. le Président – La parole est à M. Raoult.

Plusieurs députés UMP – Vive le Neuf-Trois !

M. Patrick Braouezec – Le Raincy, ce n’est par vraiment le Neuf-Trois, c’est une enclave !

M. Éric Raoult – Respectez toutes les villes de ce département, Monsieur Braouezec, ou je serai obligé de donner la liste de tous vos collègues qui habitent dans ma commune !

M. Patrick Braouezec – Chiche ! Je suis preneur.

M. Éric Raoult – En écoutant M. Braouezec, on mesure tout ce qui sépare ceux qui donnent des leçons et ceux qui les tirent : il y a loin des discours aux actes. Je tiens donc à saluer le travail accompli par le pôle social du Gouvernement en faveur des quartiers difficiles. Faut-il vous rappeler, Monsieur Braouezec, l’augmentation de la DSU pour la ville de Saint-Denis ? (M. Braouezec s’exclame) Combien de millions affectés à cet effet ? Et je n’oublie pas les efforts pour la lutte contre les discriminations – notamment dans cette Seine-Saint-Denis gérée depuis des millénaires par les amis de M. Braouezec. (Exclamations et rires)

Vous pouvez, Madame la ministre, être fière de l’action menée. Les noms de Borloo, Vautrin et Bas sont connus et appréciés en Europe. Le budget que vous nous présentez permet de poursuivre les efforts de ces dernières années. En 1995, le Président de la République avait parlé de fracture sociale. Il a su tourner la page de ces « nouveaux pauvres » qui avaient prouvé que le socialisme n’est pas toujours social.

J’approuve les trois axes majeurs du volet santé. Le budget permet de financer la montée en charge de la loi de février 2005 sur le handicap, priorité chère au Président de la République. Trente ans après la loi précédente, le Gouvernement a fait en sorte d’assurer un revenu décent aux handicapés, afin de garantir leur autonomie, et de simplifier leurs démarches, grâce à la mise en place d'un guichet unique permettant aussi d’accélérer le traitement des dossiers. Monsieur Braouezec, Mme Buffet a fait partie du gouvernement de la République pendant cinq ans, et pendant cinq ans, rien n’a été fait dans ce domaine. Jacques Chirac a prouvé, lui, qu’il reste l’ami des handicapés. (M. Braouezec s’exclame et rit)

Une action de solidarité est aussi prévue pour accompagner les familles vulnérables dans l'exercice de l’autorité parentale : les crédits qui y sont consacrés sont doublés. Enfin, je ne peux que soutenir la politique d'accès aux soins, tant en ce qui concerne la CMU que l’aide médicale d'État, ainsi que l'implication de l'État en faveur de l'indemnisation des victimes de l'amiante. Car, Monsieur Braouezec, l’amiante n’est pas apparu le 21 avril 2002.

M. Patrick Braouezec – Je n’ai pas parlé de l’amiante.

M. Éric Raoult – Or, il n’y avait eu ni commission d’enquête ni mission d’information, alors que les risques étaient déjà connus. Dans ce domaine aussi, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent… Le monopole du cœur n’existe que dans les discours !

En ce qui concerne le volet cohésion sociale, je salue la poursuite d'une politique volontariste de prévention de l'exclusion, qui porte peu à peu ses fruits dans notre département. Elle est accentuée par la création de vingt nouveaux pôles d'accueil pour l'accès aux droits sociaux et la création de points d'accueil et d'écoute des jeunes. L'élu de la Seine-Saint-Denis que je suis tient particulièrement à souligner cette initiative tournée vers la jeunesse. Mon collègue a parlé de révolte populaire, mais aider les Gavroche d’aujourd’hui, c’est tout de même beaucoup mieux ! À côté de cela, le plan d'amélioration de l’hébergement d'urgence permet d'augmenter le nombre de places d'urgence, mais aussi d'en assurer la permanence. Au-delà de l'aspect humanitaire, c'est aussi le moyen d'assurer une meilleure réinsertion des personnes concernées, car une solution d’hébergement permanente contribue à favoriser leur retour à la dignité et à la vie active. L’outil qui est mis en place en faveur de l'intégration est donc cohérent.

À cet égard, Madame la ministre, pourrais-je solliciter votre médiation auprès du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis ? La mise en place du plan de cohésion sociale dans ce département est marquée par le paradoxe. La réunion sur les contrats d’avenir a eu lieu au conseil général le 19 octobre. J’ai d’abord été étonné d’être le seul maire présent : de nombreux élus de villes voisines pourraient pourtant être sensibles à l’intérêt des contrats aidés pour lutter contre l’exclusion. Quant au contenu, j’ai trouvé regrettable l’attitude de l’exécutif du conseil général à l’égard des contrats d’accès à l’emploi et des contrats d’avenir. Il paraît par ailleurs invraisemblable qu’une loi du 18 janvier 2005 commence à peine à trouver son application le 19 octobre 2006. Peut-on admettre qu’il faille attendre deux ans pour qu’un conseil général censément progressiste commence à faire passer son idéologie après le respect d’une loi de la République ? Peut-on admettre que notre département soit le dernier en France pour le nombre de contrats d’avenir signés ? Peut-on admettre que les personnes défavorisées y soient privées du bénéfice d’un dispositif qui doit favoriser leur réinsertion dans l’emploi ? Je compte dire tout cela par lettre au président du conseil général, Hervé Bramy. Peut-être pourriez-vous lui porter cette lettre, Monsieur Braouezec ?

M. Patrick Braouezec – Je ne suis pas facteur, je ne m’appelle pas Besancenot ! (Rires)

M. Éric Raoult – Je salue ensuite les modifications relatives à l'accueil des étrangers et à l'intégration. Le dispositif d'aide au retour volontaire pour les étrangers en situation irrégulière a été généralisé. Il est proposé à tous les étrangers ayant été invités à quitter le territoire ou déboutés dans une procédure d'asile. La réduction du délai de traitement des dossiers des demandeurs d'asile permet la création de mille places supplémentaires. Enfin, le cadre institutionnel est lui aussi modifié. L'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations prend en charge le contrat d'accueil et d'intégration et le généralise à l’ensemble du territoire. En outre, les moyens de la HALDE sont renforcés. Doit-on rappeler que celle-ci a été créée par cette majorité ? Si Mitterrand l’avait rêvée, les socialistes et les communistes l’avaient oubliée !

Enfin, je salue l’effort consenti pour la promotion de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. La mise en œuvre des lois des 23 mars et 4 avril 2006 est poursuivie. Cela se traduira par une sensibilisation des entreprises à l'égalité des chances ; par l'orientation des femmes vers des métiers où elles sont sous-représentées ; par le soutien à la création d'entreprises par des femmes ; par la professionnalisation des conjointes d'artisans, de commerçants et d'agriculteurs ; et enfin par la délivrance d’un label aux acteurs favorisant l'égalité entre hommes et femmes. Cette mission accentue aussi les efforts en faveur des exclus, notamment des handicapés et des personnes vulnérables, et de l’amélioration de l’accueil et de l’intégration des étrangers.

Je voudrais appeler votre attention enfin sur une situation qui inquiète une large partie des habitants de mon département et de celui du Val-d’Oise : celle des bagagistes de Roissy. Je comprends les préoccupations du ministre de l’intérieur, dont l’exigence d’efficacité n’a rien à voir avec une tentation sécuritaire, et je sais que le transport aérien pose des problème délicats. Mais je vous assure que la façon dont ce dossier a été gérée a suscité une grande incompréhension dans la communauté musulmane. J’avais été amené, sous l’autorité d’Alain Juppé, à traiter de l’extension des activités de Federal Express : nous avions demandé des emplois en contrepartie des nuisances. Beaucoup de jeunes avaient alors été recrutés dans nos deux départements. Si certains ont pu être sanctionnés pour violation des règles de probité, et d’autres pour usage de stupéfiants ou de boisson, il serait inacceptable d’invoquer des motifs religieux. L’examen des dossiers doit se faire dans une exigence de sécurité, mais aussi de justice. Je ne vous demande pas d’intervenir auprès du ministre de l’intérieur et je n’essaie aucunement de m’ingérer dans ce dossier, car je sais que la HALDE a été saisie ; je veux seulement rappeler que notre pays n’est pas l’ancienne République fédérale d’Allemagne, où certains emplois étaient interdits aux communistes. Évitons de réserver un traitement similaire aux bagagistes de Roissy !

Depuis vingt-cinq ans, la gauche a le mot « social » à la bouche ; à droite, nous préférons prendre les choses en mains. Ce gouvernement est celui de la droite humaine, comme le montre ce projet de loi de finances. L’UMP votera ce budget qui est celui du social concret. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Mignon remplace M. Bur au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

M. Louis-Joseph Manscour – Confronté à un taux de chômage trois fois supérieur à celui de la métropole, face à un nombre toujours croissant de érémistes – un pour 22 habitants contre un pour 70 dans l’hexagone – et face à une paupérisation croissante, l’élu d’outre-mer que je suis ne peut qu’être sensible à la mission Solidarité et intégration…

Les ultramarins ont en effet un besoin urgent de la solidarité, du soutien et du respect de la nation française pour vivre et travailler dans la dignité. Vivre dans la dignité, cela signifie d’abord habiter dans un logement décent. Or, les crédits prévus dans cette mission ne visent que les victimes de la pauvreté dite « visible » ; il existe en Martinique et dans l’outre-mer en général une pauvreté moins visible, car nombreux sont ceux qui vivent encore dans des logements insalubres, dépourvus de confort et d’hygiène. Vous avez pu vous en rendre compte, Madame la ministre, lors de votre visite à Fort-de-France.

Mme la Ministre déléguée – Tout à fait !

M. Louis-Joseph Manscour – Dans ces conditions, on peut imaginer sans peine les conséquences qu’entraînerait toute catastrophe naturelle ou sanitaire – je pense notamment à l’épidémie de chikungunya à la Réunion et au risque de prolifération de la dengue aux Antilles.

Vivre dans la dignité, c’est aussi accéder au logement et au travail dans les mêmes conditions que tout le monde quand on est issu des DOM-TOM et qu’on habite en métropole. La hausse des crédits de la HALDE, certes louable, ne suffira pas pour résoudre les problèmes de discrimination ! C’est une véritable révolution des esprits qu’il faut déclencher ! Chacun doit être conscient que l’outre-mer offre à la France la chance de pouvoir se regarder avec fierté dans le miroir de la diversité.

Vivre dans la dignité, c’est encore la faculté pour les personnes âgées de choisir de vivre chez elles aussi longtemps qu’elles le souhaitent, ou bien de résider dans l’établissement de leur choix. En Martinique, ce ne sont pas moins de 4 000 personnes qui sont concernées, nombre destiné à s’accroître dans les années à venir ! C’est donc un grand défi qui nous est lancé et je m’interroge sur la baisse de plus de 60 % des crédits affectés à l’action Personnes âgées dans ce budget : le plan « solidarité grand âge » ne risque-t-il pas d’en souffrir ?

Vivre dans la dignité, c’est aussi l’exigence que les personnes handicapées et leur famille disposent de moyens suffisants. Comme le note le rapport de la commission des finances, les crédits affectés à l’allocation adultes handicapés restent hélas, une fois encore, sous-dotés. L’accueil des enfants handicapés en milieu scolaire se heurte également à un véritable manque de moyens et d’encadrement spécialisé en dépit du dévouement du personnel et de l’engagement des collectivités locales.

Vivre dans la dignité, c’est enfin travailler dans la dignité, ce qui suppose d’accéder sans discrimination au monde professionnel. Or, ce sont près de 5 000 personnes handicapées qui restent encore privées de travail dans l’outre-mer. J’ignore si le président Chirac est un « ami des handicapés », comme l’affirme M. Raoult, mais je sais que l’État donne un bien mauvais exemple en n’employant que 3,3 % de handicapés alors que la loi impose un taux minimal de 6 % !

M. Éric Raoult – Le président est en tout cas l’ami de l’outre-mer ! Aimé Césaire lui fait la bise ! (Sourires)

M. Louis-Joseph Manscour – Je ne demande pas qu’on se fasse la bise, mais qu’on règle les problèmes !

Ceux qui travaillent se heurtent également à de grandes difficultés : leurs conditions de travail ne sont pas toujours adaptées et l’égalité de salaire entre handicapés et non-handicapés est souvent bafouée ! Les centres d’aide par le travail sont également en nombre insuffisant. L’État doit donc s’investir davantage et donner plus de moyens aux collectivités locales et aux associations.

Travailler dans la dignité, c’est aussi le principe de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : à travail égal, salaire égal. Vous en avez fait une priorité nationale lors de votre récente visite en Martinique, Madame la ministre…

Mme la Ministre déléguée – Exactement !

M. Louis-Joseph Manscour – …mais il faudrait aussi songer à l’égalité dans l’accès à l’emploi.

Mme la Ministre déléguée – J’en ai également parlé !

M. Louis-Joseph Manscour – En Martinique, les femmes ne représentent pas moins de 60 % des demandeurs d’emploi, alors que leurs compétences et leur contribution à la diversité de l’entreprise sont une valeur ajoutée indéniable.

Contrairement à ce que certains affirment, la France ne va pas bien. En témoigne la multiplication des rapports alarmants sur la pauvreté, les discriminations et les conditions de vie des personnes dépendantes. On parle beaucoup d’ordre et de sécurité en cette période préélectorale, mais très peu d’injustice. La cause de tous les maux dont souffre notre pays, c’est pourtant l’insécurité sociale, problème que nous ne pourrons éradiquer que grâce à l’intégration et à la solidarité nationale. Mais encore faudrait-il faire preuve de plus de volontarisme que ce Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur – L'allocation parent isolé, plus connue sous l'abréviation API, a été instituée le 9 juillet 1976, à une époque où le sort des « filles-mères » n'était guère enviable. Permettre à ces dernières d'assumer leur maternité en leur apportant des moyens financiers et une couverture sociale, c’était un progrès social dont notre famille politique peut se prévaloir à juste titre.

Trente ans plus tard, nous devons nous interroger sur ce que recouvre la notion d'isolement. De quelques milliers, les filles-mères sont devenues une véritable cohorte, dont le nombre serait supérieur à 215 000 bénéficiaires en 2007, contre 209 000 en 2006 et 202 000 en 2005 ! Pour 2007, le coût de l’API est chiffré à 917 millions, contre 875 en 2006, soit une hausse de 4,8 % en un an.

Face à la généralisation d'une situation sociale qui n'était autrefois qu'exceptionnelle, il existe certainement bien des comportements opportunistes et nous devrions nous interroger sur les limites d’une allocation aussi généreusement distribuée. Facile d’accès, car soumise à des déclarations très peu contrôlées par les caisses d’allocations familiales, l’API souffre du flou juridique qui entoure la notion de parent isolé. Le niveau atteint par la fraude et par les abus tolérés est devenu inacceptable et source d'injustice sociale.

Aux termes du code de la sécurité sociale, la notion d'isolement signifie qu’un seul parent a la charge d'un enfant. On peut donc être un « parent isolé » tout en vivant avec une personne dépourvue de lien avec l'enfant. 16 % des bénéficiaires de l'API déclarent ainsi vivre en couple et on compte autant de bénéficiaires de l’API longue que de familles monoparentales avec un enfant de moins de 3 ans. J’ajoute que la moitié des bénéficiaires touche cette allocation pendant plus de quatre ans, ce qui veut dire qu'un nouvel enfant est né chez une personne supposée « isolée ».

Obtenir l’API est donc devenu un moyen de bénéficier de ressources pérennes, qui peuvent être complétées par celles d’une autre personne « isolée » hébergée dans le même logement. Ce dispositif est détourné de son objectif altruiste, la naissance d’enfants devenant un moyen de se procurer des ressources. Pis encore, cette dérive ne profite même pas aux intéressées. L’API devient en effet un piège inextricable : le taux d’activité et de recherche d’emploi des bénéficiaires de l’API est en effet deux fois inférieur à celui des érémistes. Un an après la fin du versement de l’API, 50 % des anciens bénéficiaires sont restés au RMI, tandis que 30 % bénéficient à nouveau de l’allocation. C’est que le niveau de la prestation dissuade de reprendre toute activité rémunérée en dessous du SMIC.

Dans ma ville, par exemple, le dispositif mis en place pour faciliter le retour à l’emploi des bénéficiaires de l’API n’a connu aucun succès : parmi les 68 bénéficiaires de cette aide recensées, seules 8 ont accepté de participer à la première réunion d’information, et trois personnes seulement ont suivi les réunions hebdomadaires, qui ont dû être supprimées au bout d’un mois.

Il est donc grand temps de limiter un dispositif qui n’exige aucun engagement de ses bénéficiaires. Pour limiter les risques d’opportunisme social, je propose de limiter l’API à une seule naissance : les bénéficiaires pourront ensuite demander le RMI, qui n’existait pas en 1976.

Il faut faire de l’API un outil d'insertion, en en subordonnant l’attribution à la mise en place d'un contrat d'insertion sur la durée de versement. Il s’agit de contraindre les bénéficiaires à suivre des actions d'insertion arrêtées avec les services sociaux. À défaut, ils seraient placés dans le dispositif du RMI. Les dispositifs d'encouragement prévus par le plan de cohésion sociale, comme le cumul de l'allocation avec des revenus d'activité pendant une certaine période, conforteront cette nouvelle approche.

C’est en rendant l'API moins attrayante et en renforçant les contrôles que nous limiterons le recours à ce statut généreux. En dynamisant le dispositif, nous donnerons aussi un signal de responsabilité aux bénéficiaires, tout en favorisant un accès privilégié aux modes de garde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bur remplace Mme Mignon au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE de M. Yves BUR
vice-président

M. Serge Blisko – La mission solidarité et intégration recouvre des préoccupations qui sont au cœur de l’action sociale et de notre pacte républicain.

Notre collègue Manscour a parlé de vivre dans la dignité. Je voudrais appeler votre attention sur une catégorie oubliée qui compte plus de 700 000 personnes : les incapables majeurs et les majeurs protégés. Ces personnes et leurs familles attendent avec impatience une réforme du régime de la protection juridique des majeurs. Près d'un million de personnes devraient être concernées en 2010. Or, on ne dénombre que 80 juges des tutelles – en équivalent temps plein – pour faire face à l'ensemble de ces situations individuelles.

Les associations, mais aussi de nombreux rapports officiels et M. Delevoye, Médiateur de la République, insistent sur l’urgence d’une réforme du régime français de protection, qui date de la loi du 3 janvier 1968. Le Médiateur a dénoncé les dysfonctionnements du régime, qui n'est plus adapté à notre société, est inefficace et opaque, et laisse une marge importante aux abus, ou à tout le moins aux erreurs.

Dans son rapport Réformer les tutelles de septembre 2006, le Conseil économique et social montre que le dispositif est insuffisamment régulé et contrôlé. Le nombre des mesures de protection progresse de 8 % par an, et le coût du dispositif de protection ne cesse d’augmenter depuis 1992, sans amélioration de la qualité du service rendu. Or le projet, dont Mme Guigou avait pris l’initiative, est prêt.

M. le Ministre délégué – Vous n’avez rien fait, et c’est nous qui avons relancé le projet !

M. Serge Blisko – Nous aimerions qu’il aboutisse !

M. le Ministre délégué – J’espère que vous le voterez !

M. Serge Blisko – Lors des questions au Gouvernement du 3 mai 2006, le Garde des Sceaux avait annoncé qu'un projet de loi serait transmis au Conseil d'État avant le 30 juin. Il l’a été avec deux mois de retard. Depuis, M. Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a annoncé le 13 septembre dernier, lors du Congrès de l'Assemblée des départements de France, avoir obtenu du Premier ministre que l'entrée en vigueur de la réforme ne soit pas envisagée avant le 1er janvier 2009. Y a-t-il encore une cohérence dans l’action du Gouvernement ? Le bleu budgétaire observe pour sa part que la tendance, qui est à un nombre de sorties des mesures de protection inférieur au nombre des mesures nouvelles, « devrait se poursuivre jusqu'à la mise en œuvre de la réforme, prévue au 1er janvier 2009 ». Le Conseil économique et social a pourtant estimé que « cette réforme très attendue devrait trouver une consécration législative et réglementaire aussi rapidement que possible ». Quels sont vos engagements en la matière ?

Mme Hélène Mignon – Je voudrais dire à mon ami Éric Raoult que personne n’a le monopole du cœur.

M. le Ministre délégué – Quand vous citez M. Giscard d’Estaing, dites-le !

Mme Hélène Mignon – Je ne me réfère à personne en particulier. Le cœur nous appartient à chacun. Parlons plutôt « collectif », c’est-à-dire fraternité et solidarité nationale et républicaine. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

L'effort de l'État en faveur des personnes handicapées ne se mesure pas seulement à l’aune du programme « handicap et dépendance », la politique du handicap étant nécessairement transversale. Ce budget touche toutefois à un élément incontournable de cette politique : les ressources des personnes handicapées. Celles-ci souhaitent avant tout accéder au marché de l'emploi lorsqu’elles y sont aptes ; mais leur taux de chômage reste trois fois supérieur à la moyenne nationale. La question de leurs ressources se pose donc de façon cruciale.

Or, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n'est pas allée aussi loin qu'il l’aurait fallu sur ce point. Le rapport du Secours catholique vient de mettre en exergue – une fois encore – la précarité et la solitude qui touchent les personnes handicapées. L’Allocation adulte handicapé maintient bon nombre de personnes handicapées sous le seuil de pauvreté, ce qui n'est pas tolérable. Les bénéficiaires de la pension d'invalidité n'échappent pas à cette situation. Certes, le budget de l'État obéit à des priorités ; mais les ressources des personnes handicapées en sont une !

Ce n'est pas un hasard si un collectif d’associations nationales représentatives des personnes handicapées s'est constitué spécialement pour faire entendre ce besoin. Rappelons qu’elles ont une vision d'ensemble de la politique du handicap et des réponses à apporter, et saluons la mobilisation des services de l'État, des collectivités et des associations pour mettre en œuvre dans les meilleures conditions la loi du 11 février 2005.

La revalorisation des ressources n'est pas une fin en soi : l'objectif doit rester l'accessibilité des formations et des postes de travail, et de la Cité en général, en faisant intervenir la compensation lorsqu'un surcoût est lié au handicap. Mais le dispositif reste bancal s'il laisse ces publics au bord du chemin.

Nous ne ferons pas l'économie d'une réforme de la politique des ressources des personnes handicapées. Celle-ci devra prévoir une augmentation conséquente de l'AAH et des pensions d'invalidité ; l'élargissement des conditions d'accès au complément de ressources et à la majoration vie autonome, pour que les bénéficiaires de l'AAH et de la pension d'invalidité dans l'impossibilité de travailler en bénéficient et que l’engagement pris par le Gouvernement de porter les ressources de ces publics à 80 % du SMIC ne soit pas qu'un slogan. Aujourd'hui, les conditions d'accès à ces compléments de ressources sont trop restrictifs : il faut bénéficier de l'AAH à taux plein et d’un logement indépendant ou d’une capacité de travail inférieure à 5 %. Il faudra aussi supprimer l'obligation de ne pas avoir occupé d'emploi depuis un an, ainsi que la condition de « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi » prévue dans le budget à la place de l'impossibilité de se procurer un emploi. Il faudra enfin supprimer la prise en compte des ressources du conjoint, du concubin ou du partenaire d'un Pacs, dans le calcul de l'AAH, et accroître les possibilités de cumuler l'AAH avec les revenus d’une activité professionnelle.

La politique de compensation doit également être réaménagée. Lorsque cette compensation sera entière, la problématique des ressources pourra s'envisager sous un autre angle, puisqu'elles pourront être consacrées au pouvoir d'achat. Ce réaménagement doit aussi concerner les modalités d'intervention du fonds départemental de compensation. Actuellement, les frais de compensation restant à la charge des bénéficiaires de la prestation ne peuvent excéder 10 % de leurs ressources personnelles, mais dans la limite des tarifs et montants de la prestation de compensation. Il faut supprimer ou atténuer cette restriction.

Pour éviter des inégalités de traitement d'un département à l'autre, il faudrait enfin prévoir l'intervention du fonds départemental dans les mêmes conditions de ressources que pour la prestation de compensation.

Mme la Ministre déléguée – Plus d’insertion, plus d’intégration et plus d’égalité sont les conditions d’une République fraternelle.

Plus d’insertion, c’est d’abord un meilleur dispositif d’hébergement d’urgence et une plus grande incitation au retour à l’emploi. M. Beaudouin l’a justement rappelé, l'urgence revêt un caractère permanent. Elle doit donc s'inscrire dans une démarche d'insertion. Un hébergement adapté est en effet la condition préalable à toute démarche d'insertion. Nous poursuivons donc le renforcement et l'adaptation du dispositif d'hébergement d'urgence et d'insertion. Nous expérimentons depuis deux mois un nouveau type de logement, intermédiaire entre l'hébergement d'urgence pour une nuit et l'hébergement – plus durable – dans un centre d'hébergement et de réadaptation sociale. Cet hébergement « de stabilisation » offre aux SDF une solution d'hébergement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant la durée nécessaire à un premier accompagnement social.

Nous avons créé 100 places au 1er septembre, et 550 au 1er novembre. D’ici à la fin de l’hiver, 1 100 places seront disponibles.

Le projet de budget tient compte du plan triennal 2007-2009 de renforcement et d'amélioration du dispositif d'hébergement d'urgence annoncé le 12 mai dernier. 16 millions sont inscrits pour sa mise en œuvre. Il prévoit l’ouverture à l'année de 5 000 places jusqu'à présent ouvertes en période hivernale. L’urgence, c’est toute l’année !

2 000 places seront ouvertes en 2007. Avec les 500 places de cette année, nous arrivons à 2 500 places supplémentaires, qui ne fermeront pas au 31 mars.

Le plan prévoit aussi de transformer 3 000 places d’hébergement d’urgence en places de CHRS, lesquels permettent aux personnes prises en charge d’accéder à une autonomie personnelle et sociale.

Il tend aussi à renforcer la veille sociale, à créer 80 postes pour les équipes mobiles et à renforcer la coordination des maraudes, en particulier dans les grandes villes. Cela permettra d’optimiser encore le remarquable de terrain accompli par les professionnels et par les bénévoles.

En sus de ces mesures, le PLF intègre celles prises dans le plan de cohésion sociale : 1 500 nouvelles places dans les maisons relais, 100 places expérimentales pour les personnes qui présentent des troubles psychiques – M. le rapporteur Beaudouin y a fait allusion.

Outre les 500 places créées dans les CHRS, 100 places, Monsieur Manscour, sont prévues pour les DOM et j’ai pu mesurer, en visitant hier deux CHRS à Fort-de-France, la nécessité d’augmenter les capacités d’accueil de ces établissements, lesquels effectuent un travail remarquable, tant pour les anciens détenus que pour les femmes victimes de violences.

En réponse à M. Vercamer, qui soulignait à juste titre la fragilité des familles monoparentales, je précise que les CHRS accueillent, pour plus de 40 % de leurs effectifs, des familles monoparentales.

Les créations que je viens d’annoncer viennent en complément des logements intermédiaires financés par l’ALT : 19 500 sont ainsi prévus dans le projet qui vous est présenté.

Mme des Esgaulx a parlé de la nécessaire répartition géographique de ces établissements : nous y avons veillé, de sorte que tout le territoire soit concerné et que nous puissions garantir la fluidité d’un dispositif de transition entre le logement d’urgence et l’insertion.

Comme l’a rappelé M. Raoult, l’État assume ainsi toutes ses responsabilités, et je veux insister sur notre volonté de diversifier l’offre de solutions disponibles. L’urgence n’appelle pas une seule réponse mais une palette de propositions en faveur des publics très hétérogènes que nous accueillons. Et puis, l’objectif de l’accueil d’urgence, c’est de créer les conditions d’une future réinsertion.

L’État remplit d’autant mieux sa fonction de financeur et de coordonnateur de l’urgence qu’il revalorise les montants alloués pour les places existantes et je voudrais redire à M. Manscour que nous avons pris en compte la cherté de la vie dans les DOM dans ce réajustement.

Au total, ce sont plus de 17 millions qui sont destinés à la consolidation financière des structures d’hébergement d’urgence. Comme plusieurs orateurs l’ont souligné, nous avons prévu un effort considérable en faveur de l’accueil des grands exclus : 100 000 places seront disponibles et une dotation en hausse de 4 %, pour atteindre 1,051 milliard.

Mmes et MM. les rapporteurs ont insisté sur l’importance du pilotage du dispositif, dans le respect, bien entendu, des acteurs associatifs. Je vous rejoins, Monsieur le rapporteur Beaudouin, dans votre demande de plus de programmation et d’évaluation pour plus d’efficacité. Vous avez noté que nous avons eu à cœur de tirer les leçons du rapport IGAS-IGF de l’an dernier, en créant des outils de pilotage comme le système unique d’information sur les CHRS, l’expérimentation concernant l’évaluation de la masse salariale et le référentiel des coûts de prestations.

Madame des Esgaulx, je vous apporte une nouvelle constructive en vous indiquant que les premiers contrats d’objectifs et de moyens entre les associations et l’État ont été signés : 12 projets ont été conclus avec des CHRS en 2006. Cela permet de gagner en lisibilité et de mieux suivre la situation financière des structures. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP)

Pour ce qui concerne l’évaluation, je m’engage à créer des indicateurs de performance permettant de mesurer concrètement l’état des réalisations annoncées et des indicateurs d’efficacité des politiques d’insertion, en étant bien consciente de la difficulté d’un tel exercice. Combattre l’urgence, c’est se confronter à l’humain, et cela ne peut pas toujours se résumer à quelques indicateurs. Mais nous pouvons, par exemple, suivre l’évolution du nombre de personnes accédant au parc locatif après un séjour en CHRS. Je veillerai à ce que la culture de l’efficacité se diffuse sans mettre en péril le travail de fond effectué auprès des personnes en difficulté.

Vos rapporteurs ont également évoqué les goulets d’étranglement qui retardent l’accès au parc locatif à l’issue d’un accueil temporaire. Je rappelle que c’est notre majorité qui a relancé le logement social, après les années noires de la législature précédente. Pas plus tard qu’hier, le Président de la République a rappelé que c’est de 120 000 logements sociaux que le pays avait besoin. La machine est lancée, mais il faut – Mme des Esgaulx l’a justement rappelé – dix-huit mois à deux ans entre le démarrage du chantier et la livraison des premiers logements. Tous types de logements confondus, il faut remonter aux années 1980 pour retrouver des chiffres de mises en chantier comparables à ceux que nous connaissons actuellement.

Pour répondre à votre question sur la priorité donnée au logement très social, je tiens, Madame des Esgaulx, à rappeler que ce secteur a progressé de plus de 50 % entre 2000 et 2006. Une priorité d’accès au parc social est en outre reconnue aux personnes en situation de précarité, notamment lorsqu’elles sont hébergées en CHRS. Il s’agit de l’une des avancées majeures de la loi portant engagement national pour le logement que vous avez votée cette année.

Au surplus, le plan de cohésion sociale prévoit de créer 5 000 places d’insertion et 5 000 places en résidence hôtelière à vocation sociale. Dès le mois prochain, la première pierre des résidences hôtelières de Bastia et de Montreuil sera posée : vous voyez que tout le territoire est concerné. Sept opérations sont en cours, pour 600 logements, qui seront réceptionnés au premier semestre 2007.

Pour l’ensemble de leurs interventions, nous sommes très attachés à l’idée que les associations doivent travailler en réseau, afin d’enrichir la complémentarité de leurs interventions. C’est tout l’enjeu de la plateforme de l’avenir, que j’inaugurerai prochainement à Paris. Sur le même site, elle assurera des prestations en matière de santé et d’accès aux droits, en profitant de la présence de travailleurs sociaux et de l’implantation d’une maison de l’emploi. L’idée d’une telle structure revient au Dr Xavier Emmanuelli et au préfet Landrieu, qui ont remis le rapport sur les travailleurs pauvres qu’a évoqué M. Vercamer. Cette plateforme de l’avenir préfigure les plateformes d’insertion que propose votre rapporteur Patrick Beaudouin.

S’agissant de la domiciliation des personnes sans abri, une consultation va s’engager avec l’AMF et l’ADF, autour de deux propositions : instaurer un droit à domiciliation et créer une attestation unique de domicile, délivrée par des organismes agréés.

Le programme 177 traduit notre effort pour l’insertion en finançant les mesures qui favorisent la sortie de l’assistance. Je rappelle que la loi pour le retour à l’emploi s’applique depuis le 1er octobre dernier. Depuis lors, tous les allocataires de l’ASS, de l’API ou du RMI qui reprennent un emploi – au moins à mi-temps – peuvent cumuler leur revenu d’activité et leur prestation pendant trois mois ; puis ils perçoivent 150 euros par mois pendant neuf mois en sus de leur salaire – et 225 euros s’ils sont chargés de famille. Au quatrième mois de la reprise d’emploi, c’est une prime d’État de 1 000 euros qui est versée. Bien entendu, le financement de la mesure est prévu dans le présent PLF. La conviction constante de notre gouvernement, c’est qu’il faut rendre le revenu du travail plus incitatif que celui de l’insertion.

M. Éric Raoult – Très bien !

Mme la Ministre déléguée – L’insertion, c’est aussi l’intégration, et j’en viens au programme accueil des étrangers et intégration. Il témoigne de la détermination du Gouvernement à mener la politique d’immigration dont notre pays avait besoin. M. Raoult a justement souligné que nous devons actionner tous les leviers permettant de reconduire les personnes en situation irrégulière, notamment en proposant une aide financière conséquente aux personnes volontaires pour retourner dans leur pays d’origine.

Nous sommes tout aussi déterminés à réussir l’intégration des étrangers que nous accueillons, en leur donnant la possibilité d’apprendre notre langue et de mieux connaître nos valeurs et nos institutions. C’est le sens du contrat d’accueil et d’intégration.

Enfin, nous sommes résolus à offrir à chacun un mode d’hébergement de qualité, assorti d’un suivi social adapté.

L’évolution des crédits traduit la réussite des mesures que nous avons prises depuis trois ans. La baisse très significative du nombre de demandeurs d’asile en 2006 – moins 41 % pour les huit premiers mois de cette année – est aussi constatée dans la plupart des pays de l’UE.

La contraction des crédits tient aussi à la réforme de l’ATA, dont le versement est aligné sur le délai d’instruction des demandes d’asile, conformément à la directive européenne sur l’accueil minimal des demandeurs d’asile.

Elle découle, enfin, des efforts sans précédent que nous avons accomplis depuis 2002 pour augmenter nos capacités d’hébergement des demandeurs d’asile en CADA, que nous poursuivrons en 2007 en créant 1 000 places supplémentaires.

À juste titre, Mme la rapporteure Pavy a souligné que cette diminution globale se traduit de manière contrastée, certaines actions tendant à augmenter. Nous avons ajusté le montant des crédits au plus près des besoins associés à chaque programme. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne la prise en charge des demandeurs d’asile, puisque nous diminuons les crédits consacrés à l’ATA et augmentons ceux dévolus aux CADA. Ce budget est réaliste, sauf si nous sommes confrontés en 2007 à des tensions internationales imprévues qui tendraient à gonfler les flux de demandes.

Comme l’a indiqué Mme Pavy, la réforme du droit d’asile que nous avons accomplie commence à porter ses fruits. Depuis 2002, le Gouvernement a fait de la réduction du délai d’instruction des demandes une priorité absolue. Alors qu’il excédait deux ans en 2002, il se rapproche aujourd’hui d’un an, notre objectif étant d’arriver à un délai moyen de neuf mois.

Depuis cinq ans, le Gouvernement privilégie l’offre d’un hébergement de qualité, plutôt que l’attribution d’une prestation en espèces. C’est dans cet esprit que nous avons créé plus de 14 000 places en CADA, compte non tenu des 1 000 places prévues en 2007. IL s’agit, vous en conviendrez, d’un effort exceptionnel…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spécialeSans précédent !

Mme la Ministre déléguée – L’objectif de 20 000 places, inscrit dans le plan de cohésion sociale, sera dépassé en 2007, avec une offre de 20 500 places, et les crédits relatifs aux CADA augmentent de 14 millions.

Vous le voyez, Monsieur Braouezec, le Gouvernement attache une importance particulière aux demandeurs d’asile.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis – Et il le traduit en actes !

Mme la Ministre déléguée – La réforme de l’ATA, qui conduit à ne plus verser l’allocation aux demandeurs qui refusent une offre d’hébergement en CADA, permet de réaliser des économies budgétaires conséquentes. Ainsi, les crédits dévolus à l’ATA diminuent de 88 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2006.

Fixer la dotation à 38 millions vous semble, Madame la rapporteure Pavy, un peu imprudent : je crois cependant que le niveau retenu est fondé, dans la mesure où, cette année, la dépense réellement constatée sera de 79 millions. Compte tenu de la baisse du nombre de demandeurs que j’ai évoquée tout à l’heure, cet objectif me semble à notre portée.

Nous disposons d’assez d’éléments pour être volontaristes, avec la création de 1 500 places, la baisse de presque de moitié du nombre des demandeurs d’asile et le fait qu’ils ne perçoivent plus l’ATA s’ils refusent d’être hébergés en CADA. Bien entendu, tout est lié à la réduction des délais d’instruction de l’OFPRA. Pour l’année prochaine, on estime que le nombre de demandeurs se situera entre 30 000 et 35 000.

En matière d’intégration, la répartition du budget diffère sensiblement de celle que j’avais eu l’honneur de vous présenter en 2005, compte tenu de la création de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances qui a remplacé le FASILD.

La création de cette agence achève le processus de refondation de la politique d'intégration. Son action sera complémentaire de celle menée par l’ANAEM, la HALDE et la Cité nationale d'histoire de l'immigration. Elle constituera aussi le pendant humain de l’ANRU pour la politique de la ville.

J'ai rendu le contrat d'accueil et d'intégration obligatoire pour toutes les personnes qui souhaitent s'installer durablement en France. Ce contrat est désormais entièrement géré par l'ANAEM. Ainsi, Monsieur Vercamer, nous réaffirmons le caractère prioritaire de l'apprentissage de la langue française, qui est la base indispensable pour s'intégrer dans notre pays. Je vais même plus loin, car avec le contrat d'accueil et d'intégration, nous créons un droit, mais aussi un devoir pour les étrangers d'apprendre notre langue. Le taux d'adhésion au contrat d’accueil et d’intégration, Monsieur Raoult, excède 96 % dans votre département de la Seine-Saint-Denis. La subvention de l'État à l'ANAEM pour l’accomplissement de cette nouvelle mission est en forte augmentation, passant de 16,5 à 46 millions .

Les activités de la Haute autorité de lutte contre les discriminations monteront en charge en 2007, notamment en raison du nouveau pouvoir de transaction que vous lui avez donné par la loi du 31 mars 2006. Permettez-moi à ce propos de saluer le travail accompli par M. Azouz Begag, ainsi que les entreprises qui s’engagent pour la diversité. Je puis vous assurer que la détermination du Gouvernement à lutter contre les discriminations est totale.

La Cité nationale d'histoire de l'immigration, qui sera prochainement un établissement public, valorisera l'apport des étrangers au patrimoine français et reflétera la diversité assumée de notre société. Vous faites remarquer, à juste titre, Madame Pavy, que je m’étais engagée à faire figurer les crédits de la Cité dans la mission Culture. Cela n’a pas été possible cette année, car lors de la préparation du projet de loi de finances, le décret créant l'établissement public n'était pas rédigé. Il n'est d’ailleurs pas encore publié à ce jour, mais en accord avec le ministère du budget, je proposerai un décret de transfert au début de l'année prochaine, lors de la création de l'établissement public. Ainsi, en 2008, ces crédits seront inscrits en base dans la mission Culture, comme je m’y étais engagée.

Vous avez, Monsieur Vercamer, évoqué les enfants de harkis. Le rapport dont vous avez parlé ayant été remis au Parlement, il appartient aux deux assemblées d'en tirer les conclusions. Nous ne pouvons répondre favorablement à la demande de certaines associations que des emplois soient réservés à ces jeunes dans l'administration Par contre, nous mettons en place des instruments d'accompagnement renforcé vers l'emploi. Une convention a ainsi été signée avec la CGPME pour permettre un suivi prioritaire des CV d'enfants d'anciens supplétifs par les entreprises adhérentes. Ce dispositif sera pleinement opérationnel au 1er janvier 2007 et concernera treize départements, dont le vôtre. Si l'expérience est concluante, nous pourrons l'étendre à d'autres départements.

La politique menée depuis 2003 a déjà permis à 2 400 enfants d’anciens supplétifs de retrouver soit un CDI, soit un CDD, soit d'entrer dans un cycle de formation qualifiante.

Une politique d'intégration forte et pleinement assumée est aussi une politique qui lutte efficacement contre l'immigration irrégulière. À côté des reconduites à la frontière, le Gouvernement a généralisé à l'ensemble du territoire le dispositif plus incitatif d'aide au retour, qui avait été expérimenté en 2005, et y consacrera, en 2007, 5 millions d’euros.

J'en viens au programme Parité, pour souligner que la loi du 4 avril dernier permet de progresser dans l'égalité des droits en améliorant la lutte contre les violences faites aux femmes et que les crédits d'intervention du programme Égalité entre les hommes et les femmes augmentent d'un million.

Il faut se servir de tous les outils qui peuvent aider les femmes à accéder non seulement à l’emploi mais aussi aux responsabilités. Nous développerons à cet effet des modes de garde adaptés aux horaires de travail atypiques, en particulier pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Nous allons aussi améliorer l'orientation scolaire et professionnelle afin d’offrir aux femmes la possibilité d'accéder à tous les métiers. L’État soutiendra les entreprises qui s’engagent dans une démarche d’égalité, via les contrats d’égalité et de mixité. Je verrai également avec Mme Notat comment la notation sociale prend en compte la place faite aux femmes dans les entreprises.

Le budget qui vous est proposé renforce la lutte contre les violences envers les femmes. Cette violence est un drame national. Une femme en meurt tous les trois jours. Nous ne devons donc pas en rester aux déclarations d’intentions. Il faut agir ! Suivre et soigner les auteurs de ces violences est l’une des voies possibles…

M. Éric Raoult – Il faut surtout les poursuivre et se montrer implacables !

Mme la Ministre déléguée – En 2007, nous allons aussi renforcer la lutte contre les violences spécifiques faites aux femmes de l'immigration, en mettant l'accent sur la prévention des mariages forcés, en menant un travail en partenariat avec les pays d'origine sur les mutilations sexuelles féminines et en aidant les femmes vivant dans des familles polygames à devenir autonomes.

Enfin, le Gouvernement prépare une campagne nationale d'information sur la contraception.

Qu'elles luttent contre la pauvreté et la précarité, qu'elles cherchent à mieux intégrer les personnes d'origine étrangère et celles issues de l’immigration, ou qu'elles favorisent l'égalité entre les femmes et les hommes, toutes ces politiques visent le même objectif : la cohésion sociale. Une cohésion qui est indispensable pour que la France aborde l'avenir avec confiance. C’est pourquoi je vous demande d’adopter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre délégué – Je voudrais d’abord vous dire, Mesdames et Messieurs les rapporteurs, combien j’ai apprécié la qualité du travail que vous avez fourni en examinant ces crédits, qui illustrent une nouvelle fois la priorité que le gouvernement de M. de Villepin donne à la solidarité.

Après avoir augmenté de 2,8 % en 2006, les crédits que j’ai la charge de vous présenter augmenteront de 3% en 2007. Je dois commencer par dire à Mme des Esgaulx, qui s’en inquiétait, que nous avons obtenu – pour 2006 – le dégel des crédits de l’Aide médicale d’État, de l’API et de l’AAH.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale – J’en suis ravie.

M. le Ministre délégué – Vous le verrez lors de la discussion du collectif budgétaire.

Le premier programme vise à renforcer les solidarités en faveur des familles vulnérables. Soyons conscients que les crédits de l’État ne constituent qu’une part de ceux sur lesquels s’appuie notre politique familiale. Il faut y ajouter tous les crédits de la branche famille et prendre aussi en compte les droits nouveaux que nous mettons en œuvre, tels que le congé de soutien familial, le prêt à taux zéro pour les jeunes qui entrent dans la vie active et surtout le plan petite enfance, que j’ai présenté avant-hier et qui va nous permettre de passer à la vitesse supérieure, afin que, d’ici à cinq ans, il y ait une solution de garde pour chaque enfant de moins de 3 ans. Dès l’année prochaine, 12 000 places de crèche supplémentaires sont prévues.

Je vous propose aussi de doubler – en passant de 8 à 17 millions – l’effort de l’État en faveur des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents. Aider les parents qui sont désemparés face à leurs enfants, tel est aussi le but du contrat de responsabilité parentale, que je vous ai présenté il y a quelques mois dans la loi sur l’égalité des chances et qui est maintenant totalement opérationnel puisque le décret s’y rapportant est sorti il y a quelques semaines.

L’allocation de parent isolé, à laquelle seront consacrés 917 millions en 2007, soit 4,8 % de plus qu’en 2006, soutient par ailleurs 209 000 familles monoparentales. Deux articles du projet s’y rapportent. L’un vise à assurer l’égalité de traitement entre les bénéficiaires du RMI et les bénéficiaires de l’API pour ce qui concerne le forfait logement. L’autre, plus complexe, n’est pas, dans mon esprit, une disposition avant tout financière, modifiant la répartition des rôles entre l’État et la branche famille, mais plutôt l’application d’un principe : faire jouer les obligations individuelles, telles qu’elles sont prévues dans le code civil, avant de faire appel à la solidarité collective. Autrement dit, faire jouer, avant l’API, les mécanismes d’obligation alimentaire, souvent défaillants.

Il est pour moi essentiel que la solidarité collective n’intervienne qu’après la responsabilité individuelle et familiale.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spécialeTrès juste !

M. le Ministre délégué – Il ne s’agit donc pas d’un simple transfert de l’État vers la branche famille, mais d’une réforme de fond. Et nous demandons aux caisses d’allocations familiales de jouer leur rôle d’auxiliaires de ces jeunes femmes, souvent abandonnées, de sorte que le père remplisse ses obligations. Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que la société évolue en fonction de ce principe de responsabilité.

M. Bur s’est inquiété de dérives dans l’utilisation de l’allocation de parent isolé. Je partage son point de vue, et c’est la raison pour laquelle je me suis efforcé d’en améliorer les conditions d’attribution. Entre 1976 et 2006, la société a profondément évolué ; l’idée de départ, qui était de retirer ces femmes du marché du travail pour qu’elles puissent s’occuper pleinement de leurs enfants, est remise en cause, dans un pays où 80 % des femmes travaillent et qui connaît en même temps la plus forte natalité en Europe après l’Irlande. La première garantie que l’on puisse apporter à ces femmes, c’est de favoriser leur insertion professionnelle, afin qu’elles soient en mesure d’assumer les charges d’éducation de leurs enfants âgés de plus de 3 ans.

Une enquête approfondie révèle que 43 % des jeunes femmes concernées n’ont aucun niveau de qualification, 14 % ont un BEPC, 29 % un CAP, 9 % seulement ont le baccalauréat, et 4 % ont eu accès à un enseignement supérieur. C’est donc une population de femmes très éloignée de l’emploi, qu’il faut absolument aider à en retrouver le chemin. Notre philosophie est de lier les minima sociaux à des trajets de retour à l’emploi. Mais cela passe aussi par des places de crèche. Nous travaillons avec les départements, que je veux sensibiliser sur l’intérêt pour eux de mobiliser des moyens d’insertion pour ces jeunes femmes, car 50 % d’entre elles sont toujours sans emploi à l’expiration de l’API et demandent le RMI.

Nous avons conscience de la nécessité d’intensifier les contrôles, et c’est bien ce que nous faisons ! C’est une mission que j’ai fait inscrire dans la convention signée avec la Caisse nationale des allocations familiales. Un million de contrôles sur pièce sont maintenant réalisés chaque année, et 360 000 contrôles à domicile ont eu lieu en 2005. Contrairement à certaines idées reçues, d’ailleurs, un droit au bénéfice de l’API qui dépasse trois ans est rare : seules 5 % de ces femmes donnent naissance à un deuxième enfant au cours de la période de trois ans du bénéfice de l’allocation et enchaînent deux API.

En ce qui concerne les tutelles, l’engagement du Président de la République est très clair : la loi sur les incapables majeurs sera présentée au Parlement au cours de la présente législature. Le texte est actuellement au Conseil d’État et en sortira la semaine prochaine ; le Président de la République pourra l’inscrire à l’ordre du jour du Conseil des ministres dès la fin du mois de novembre, afin qu’il soit ensuite examiné très rapidement par le Parlement.

Nous avons, au 31 décembre 2005, résorbé la dette de l’État à l’égard des organisations tutélaires. Grâce à la réforme en cours de la gestion de ces crédits, nous pouvons escompter une meilleure maîtrise de leur évolution ; c’est le cas, par exemple, avec la dotation globale de financement, qui sera généralisée en 2007.

Le deuxième programme de la mission concerne les personnes âgées et les personnes handicapées. La part de l’État n’est qu’une fraction de l’effort national. Le Président de la République a fait de la solidarité avec les personnes handicapées et la reconnaissance de leur pleine citoyenneté l’une des grandes priorités de son quinquennat. La loi du 11février 2005 est pleinement appliquée, et c’est pour moi une responsabilité toute particulière. Le projet de loi de finances pour 2007 traduit bien cet engagement, Madame Mignon, sans compter les crédits ouverts en loi de financement de la sécurité sociale, auxquels s’ajoutent ceux de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Nous mobilisons des moyens sans précédent. Le programme Handicap et dépendance bénéficie de plus de 8 milliards d’euros, avec une progression de 3 % par rapport à 2006. 169 millions de crédits supplémentaires sont ouverts pour l’allocation aux adultes handicapés.

M. le rapporteur Cherpion a exprimé deux inquiétudes. La première concerne la prise en charge des aides humaines par la prestation de compensation du handicap. Il y aura un progrès très net par rapport à l’allocation compensatrice pour tierce personne, puisque l’appréciation se fera en fonction du projet de la personne handicapée, et non plus seulement en fonction du handicap. Les aides humaines pourront être plus importantes. Il y a bien sûr un problème au niveau des prises en charge prévues par heure d’aide. Les difficultés m’ont été exposées et je m’engage à y apporter une solution prochainement.

La seconde inquiétude porte sur le niveau de l’aide accordée aux entreprises ou services d’aide par le travail à raison de l’emploi de personnes handicapées. Nous veillons à ce que chaque travailleur handicapé puisse être récompensé pour son effort de production. Avec Gérard Larcher, nous allons très prochainement présenter des propositions pour renforcer l’implication de la personne handicapée sur son lieu de travail, dans les entreprises adaptées mais aussi dans les anciens CAT.

Notre objectif, comme pour l’API, est de permettre aux titulaires de l’AAH de trouver du travail. C’est pourquoi, avec Jean-Louis Borloo, nous avons veillé à leur donner l’accès aux contrats aidés du plan de cohésion sociale, et nous avons modifié les règles de cumul de l’AAH et d’un revenu d’activité. Enfin, avec Christian Jacob, nous avons fait en sorte que le fonds pour l’insertion des personnes handicapées de la fonction publique joue pleinement son rôle. Plusieurs intervenants ont souligné que les performances de la fonction publique sont en ce domaine insuffisantes, ce qui est du reste le cas des entreprises également. Alors que la loi de 1987 a fixé un taux d’emploi de personnes handicapées de 6 %, nous sommes en réalité autour de 4 %, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. C’est la raison des efforts supplémentaires que nous allons présenter avec Gérard Larcher.

Nous veillons à ce que les conditions d’attribution de l’AAH soient harmonieuses sur l’ensemble du territoire. Et je suis le premier ministre en charge des personnes handicapées à avoir commandé un audit sur les conditions d’attribution de l’allocation.

M. Éric Raoult – Très bien !

M. le Ministre délégué – Ce qui nous permet aujourd’hui de prendre des mesures pour améliorer les délais de réponse. Nous irons encore plus loin en 2007 ; c’est le sens de deux articles du texte.

Monsieur Manscour, l’emploi des personnes handicapées est pour nous une préoccupation vitale. Je vous rappelle qu’il y avait en 2002 en France un immense retard au niveau des places. Je le déplore, car il a fallu mettre les bouchées doubles.

Cette expression doit être entendue au sens propre, puisque nous allons doubler le nombre de places dans les établissements médico-sociaux qui accueillent les personnes handicapées. Vous avez ainsi la confirmation, Monsieur Cherpion, que notre effort ne se relâche pas. Les maisons départementales de personnes handicapées sont en cours d’installation ; compte tenu de l’apport de la Caisse nationale de solidarité, le poste « personnel » de ces établissements passera de 20 à 30 millions. Par ailleurs, nous avons fait le nécessaire pour que le Fonds spécial invalidité retrouve son rôle, la dette de l’État ayant été soldée. Enfin, nous soutenons les associations qui aident les personnes âgées, nous généralisons la ligne téléphonique « Allo maltraitance » et nous entendons, par la création de l’Agence de l’évaluation dont vous avez adopté le principe dans la loi de financement de la sécurité sociale, améliorer l’accueil.

Le programme Protection maladie voit ses crédits progresser de 3,8 %. Nous entendons réduire progressivement à quatre mois le délai de traitement des demandes d’indemnisation présentées au FIVA. Et puisque nous évoquons l’amiante, je rappelle que ce n’est pas le gouvernement de M. Jospin qui en a totalement interdit l’usage mais bien, sous le gouvernement de M. Juppé, M. Jacques Barrot, alors ministre du travail, et je lui en rends hommage…

M. Éric Raoult – Il avait un excellent directeur de cabinet…

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement vous propose de renouveler à l’identique les crédits de l’aide médicale d'État dans l’attente des conclusions, au premier trimestre 2007, de l’audit de modernisation que nous avons souhaité faire réaliser.

Le Fonds CMU complémentaire bénéficiera d’une dotation de 398 millions auxquels s’ajouteront 232 millions de recettes fiscales par l’augmentation de la fraction des droits tabac qui lui est affectée. De ce fait, ses ressources totales seront supérieures à ce qu’elles étaient en 2006.

Enfin, le programme Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, qui finance les dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère, est convenablement doté. Si, comme tous les ministères, le ministère de la santé contribue à la maîtrise des dépenses de l'État dans sa gestion des équipements et de l'immobilier, la spécificité de ses missions fait que la norme qui vaut dans les autres administrations en matière de personnel ne s’applique pas ici. Les recrutements prévus viendront renforcer les services déconcentrés et la lutte anti-vectorielle, notamment à la Réunion.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais vous dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

questions

M. Francis Vercamer – Les fortes contraintes financières qui résultent de la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'État et la CNAF suscitent l'inquiétude des communes. En effet, le réajustement de la participation des caisses d’allocations familiales aux budgets des centres sociaux induit une forte diminution de leur financement global. Ce faisant, les CAF entendent, semble-t-il, inciter les communes à prendre le relais, alors qu’elles supportent déjà, dans un contexte budgétaire également très strict, des charges spécifiques liées à la situation difficile des quartiers dégradés et au désengagement des CAF des contrats « temps libre » et « enfance ». Dans la ville dont je suis maire, deux centres sociaux sont situés dans un « quartier prioritaire » de la politique de la ville, qui n'a pas été épargné par les violences urbaines l'année dernière. L'un, qui verse des prestations à 1 500 familles, voit ses financements diminuer de 95 000 euros en cinq ans, l'autre, qui accompagne 350 familles, de 65 000 euros pendant la même période. La situation est la même dans les neuf autres centres sociaux de l’agglomération.

Il est évident qu'une telle diminution des financements risque d'avoir des répercussions à court terme sur la trésorerie des centres sociaux, les obligeant à limiter leurs actions de manière draconienne sinon à réduire leurs effectifs, alors même que la CAF de Roubaix-Tourcoing accomplit un travail remarquable et qu'elle est attentive aux besoins des centres sociaux dans une agglomération sévèrement touchée par la crise textile, qui aggrave encore la précarité et la pauvreté.

Quelles dispositions l'État entend-il prendre, en partenariat avec la CNAF, pour que les nouvelles modalités de financement des centres sociaux tiennent compte des difficultés spécifiques des territoires ?

M. le Ministre délégué – La situation que vous décrivez ne résulte pas d’une politique nationale mais d’une décision du conseil d’administration de la CAF considérée. Dans la convention d’objectifs et de moyens, l’État garantit une augmentation de 7,5 % par an, pendant cinq ans, du fonds national, et le plan « petite enfance » nous permettra de faire encore davantage. Le Gouvernement n’a pas de moyens d’intervention sur les fonds propres des caisses d’allocation familiales, qui sont gérés discrétionnairement par les conseils d’administration. Je puis en revanche vous donner la garantie que la dotation de tous les contrats en cours est maintenue et que, lors de leur renouvellement, il n’y aura pas de baisse de dotation de plus de 3 %. Sachez encore qu’à la dotation des centres sociaux s’ajoutera le montant lié à la prestation de service unique. Enfin, aucune collectivité locale ne pourra avoir à régler plus de 22 % du total des dépenses prises en charge par les pouvoirs publics. Nous avons donc veillé à ce que la réorientation de la politique en faveur de la petite enfance, voulue par les familles, ne crée pas de difficultés aux collectivités locales mais, comme je vous l’ai dit, le Gouvernement n’a aucun moyen d’intervention sur le compartiment « fonds propres » des caisses d’allocations familiales.

M. Francis Vercamer - Faciliter l'accès des personnes handicapées à l'emploi est l'un des objectifs principaux de la loi pour l'égalité des droits et des chances. Le texte a réaffirmé l'obligation, pour les entreprises de plus de vingt salariés, d'accueillir au moins 6 % de personnes handicapées dans leurs effectifs et étendu cette obligation à de nouvelles catégories de personnes handicapées. Toutefois, à ce jour, sur 98 800 entreprises publiques et privées de vingt salariés et plus, 23 % n'emploieraient aucun salarié handicapé. La HALDE, dans son rapport annuel 2005, souligne que 45 % des réclamations qu’elle a enregistrées concernent l'accès à l'emploi et que près de 14 % signalent une discrimination fondée sur l'état de santé et le handicap. Le défi reste donc à relever, mais si le Gouvernement a montré sa volonté avec la loi de février 2005, toutes les structures publiques ne respectent pas le quota de 6 % de personnes handicapées dans leur effectif. La HALDE estime d'ailleurs que l’emploi des travailleurs handicapés reste globalement limité à 4,3 %. Quelles dispositions comptez-vous prendre, Monsieur le ministre, pour que, notamment, les administrations relevant de l'État atteignent, dans les meilleurs délais, les objectifs fixés par la loi ?

M. le Ministre délégué – Je redis la ferme volonté du Gouvernement de passer à la vitesse supérieure s’agissant de l’emploi des personnes handicapées, notamment dans les administrations. Il est inadmissible que, vingt ans après la promulgation de la première loi à ce sujet, on en soit encore à un taux d’emploi de 4 %. Il ne suffit pas, en effet, d’avoir créé une obligation – elle doit être suivie d’effet. Mon collègue Christian Jacob et moi-même préparons donc une instruction incitant les administrations publiques à multiplier les marchés passés avec des entreprise adaptées. D’une manière générale, j’en appelle à l’ensemble de mes collègues du Gouvernement pour qu’ils appliquent rapidement les dispositions de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Braouezec – « Carte de laissé-pour-compte » : avec cette formule choc, et reprenant le graphisme d'une carte d'électeur, cette pétition lancée par de nombreuses associations est signée par des milliers de personnes handicapées mécontentes d'être contraintes, leur vie durant, de vivre en dessous du seuil de pauvreté.

Nous vous avions mis en garde à maintes reprises. De fait, la loi du 11 février 2005 ne permet aux personnes handicapées ni d'exercer leurs droits ni d'assurer leur autonomie, ni de réaliser leur intégration sociale, professionnelle, culturelle et économique. En dépit de ce dispositif, nombre d’entre elles n'ont toujours pas accès à la formation et à l'emploi et leur taux de chômage est trois fois supérieur à la moyenne. Cette discrimination est intolérable, d’autant que les personnes incapables de travailler du fait de leur handicap n'ont toujours aucune garantie qu’un revenu d'existence décent leur sera attribué.

Dans ce contexte, la modification législative prévue par l'article 53 du projet de loi de finances suscite les plus vives réserves des associations et notamment de la FNATH, qui nous a alertés. La FNATH a été extrêmement surprise de prendre connaissance de cette modification dans le projet de loi de finances sans qu'aucune concertation n'ait été organisée.

Elle s'étonne aussi que la formule retenue diverge des préconisations de la mission d'audit de l’IGAS et de l'IGF d'avril dernier et craint qu’elle n’aboutisse à restreindre le nombre de bénéficiaires de l'AAH, en en renvoyant une partie au RMI.

Des mesures urgentes s'imposent. Avec les associations, je vous demande solennellement d'augmenter de façon substantielle les pensions d'invalidité et l'AAH, d'élargir les conditions d'accès au complément de ressources et à la majoration vie autonome, en les ouvrant notamment aux titulaires d'une pension d'invalidité et aux bénéficiaires de l'AAH reconnus dans l'impossibilité de se procurer un emploi, de supprimer l'obligation, pour certains bénéficiaires de l'AAH, de ne pas avoir occupé d'emploi pendant un an, de ne plus prendre en compte les ressources du conjoint dans le calcul de l'AAH et d’améliorer les possibilités de cumul avec une activité professionnelle, et enfin d’améliorer les revenus des titulaires de la pension d'invalidité qui basculent dans le régime vieillesse. En attendant, votre budget reste très insuffisant.

M. le Ministre délégué – Cette question des ressources est une priorité pour le Gouvernement. La loi de 2005 a porté le montant de l’AAH à 80 % du SMIC pour toutes les personnes handicapées ne pouvant pas travailler, et j’ai toujours veillé à ce que les diverses hausses du SMIC soient répercutées. Je tiens à ce que cela continue. La modification terminologique n’aura pas de conséquences sur le nombre des bénéficiaires de l’AAH, mais elle met fin à des incertitudes dans l’interprétation de ses conditions d’attribution. Quant au rapprochement des régimes de l’invalidité et de l’AAH, j’ai confié au conseil national consultatif des personnes handicapées la mission de faire des propositions sur ce point.

Mme Jacqueline Fraysse – Il serait dommage que les paroles de réconfort qu’adresse le Gouvernement aux banlieues ne soient pas suivies par des actes. Or, les missions locales sont inquiètes pour la pérennité de deux de leurs sources de financement.

Leurs dépenses de fonctionnement étaient à l’origine prises en charge par l’État, qui en a peu à peu transféré une part au Fonds social européen. Or, l'Union européenne est passée de 15 à 25 membres sans que les moyens suivent. Les directeurs des missions locales craignent donc que les crédits qu’ils reçoivent du FSE ne diminuent. Si c’était le cas, l’État serait-il prêt à compenser la perte ?

D’autre part, le plan de cohésion sociale a consacré des moyens importants au contrat d'intégration dans la vie sociale. Cela a permis par exemple la création de trois postes dans la mission locale de Nanterre et de treize à Sarcelles. Parallèlement, le Fonds d’intervention pour les jeunes mène des actions qui répondent à des besoins précis, comme le financement du permis de conduire pour des jeunes aspirant à devenir plombiers ou ambulanciers. Or, si la mission locale de Nanterre avait reçu 60 000 euros dans le cadre du FIPJ en 2005, elle n’en a reçu que la moitié en 2006 et l’État n’a pris aucun engagement pour 2007. Pourtant, le FIPJ est indispensable au bon fonctionnement du CIVIS, si utile pour les jeunes. Comptez-vous pérenniser le Fonds, et dans quelles proportions ?

Mme la Ministre déléguée – La mise en œuvre du FIPJ s’est traduite par une montée en charge progressive. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances s’établissent à 50 millions, contre 70 en 2006, mais les objectifs ne sont pas remis en cause puisque ces crédits correspondent aux dépenses effectivement réalisées. Trente millions sont déconcentrés dans les budgets opérationnels des programmes territoriaux, pour financer les projets de territoire, et vingt sont conservés au niveau central pour des actions telles que l’aide au permis de conduire.

En ce qui concerne le FSE, le Gouvernement est encore occupé à déterminer avec les autorités européennes les montants qui seront affectés à la France, lesquels financent non seulement les missions locales, mais aussi les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, qui sont des outils de proximité absolument indispensables. Mon collègue Larcher suit cette affaire au quotidien.

M. Patrick Braouezec – Lors de l'examen du PLFSS pour 2007, notre groupe avait déposé un amendement concernant les modalités de versement de l’aide personnalisée au logement. Un amendement quasi similaire avait été adopté l’unanimité par la commission des affaires sociales. Tombés sous le coup de l’article 40, ces amendements n'ont pu être examinés en séance.

Certaines personnes pouvant prétendre à cette aide en sont privées par une disposition réglementaire : les versements sont en effet annulés lorsqu’ils sont inférieurs à une somme fixée par décret, car l’on considère que leur montant est trop modeste au regard du coût de traitement qu’ils entraînent. C’est, comme le reconnaît le Médiateur de la République, un véritable déni de droit, qui prive des personnes modestes d’une sommes de 288 euros par an, à laquelle elles ont droit. Notre amendement visait donc à ce que l’aide ne soit pas versée mensuellement, mais trimestriellement. Cette proposition avait été acceptée sur tous les bancs. Seul le Gouvernement semble considérer que 288 euros ne représentent pas grand-chose. Pour les personnes modestes pourtant, je vous assure que cela a un sens. C’est d’autant plus important que la part du logement dans les dépenses des ménages augmente. Les hausses répétées des loyers, la difficulté à trouver un logement décent à un prix raisonnable se conjuguent bien mal avec le maintien de cette disposition. Des questions de gestion administrative ne peuvent justifier la privation d'un droit. Il faut trouver une solution. Je vous propose même de passer à un versement annuel, si le coût d’un versement trimestriel vous semble encore trop élevé !

Mme la Ministre déléguée – C’est la semaine prochaine que nous examinerons les crédits de la ville et du logement : votre question n’a rien à voir avec les programmes que nous examinons aujourd’hui. Je voudrais cependant vous rappeler que nous avons revalorisé les aides personnelles au logement de 1,8 % pour les loyers à compter du 1er septembre 2005 et que nous allons recommencer, pour les loyers et pour les charges, au 1er janvier 2007. L’ensemble des revalorisations de l’année 2007 représentera 127 millions. Nous avons assorti ces mesures d’une politique de modération des loyers, et le nouvel indice de référence, introduit le 1er janvier, a évolué à un rythme inférieur à celui du coût de la construction. Nous avons également engagé une politique extrêmement déterminée pour le logement social : le nombre des logements locatifs nouveaux financés a atteint 81 000 en 2005, contre 58 00 en 2003. L’ensemble démontre notre volonté en faveur du logement.

Mme Jacqueline Fraysse – Le 17 octobre dernier. M. Copé a profité de la journée du refus de la misère pour annoncer un audit de modernisation de l'aide médicale d'État. Cela s’imposait, après la catastrophique réforme de 2003, guidée par des considérations politiques et non de santé publique, et qui a abouti à des situations absurdes. L'objectif consistait alors à restreindre l'accès à l’AME. Un délai de carence de trois mois a été instauré, et de nombreux documents sont exigés, qu’on sait impossibles à fournir. Il n’y a qu’au royaume d’Ubu qu’on peut demander des quittances de loyer et des feuilles de paie à des personnes sans ressources et en situation irrégulière, ou bien des attestations d'hébergement exposant ceux qui les signent à des sanctions !

Cette réforme fut une catastrophe sur le plan éthique, mais aussi juridique, puisqu'elle met la France en infraction avec la convention relative aux droits de l'enfant. C'est d'ailleurs sur cette base que le Conseil d’État a annulé en juin dernier ses décrets d'application. Elle fut surtout une catastrophe pour la santé : des milliers de personnes vivent en France sans couverture maladie et ne peuvent pas se faire soigner comme il convient, ce qui soumet par ailleurs la collectivité à des risques épidémiologiques.

Tout cela pour réaliser des économies évaluées entre 600 et 700 millions. Mais sont-ce vraiment des économies ? Pendant le délai de trois mois, les pathologies s'aggravent et le coût des traitements augmente en conséquence – à moins bien sûr d’aller se faire soigner dans les services d'urgence des hôpitaux publics, qui n'ont besoin ni de patients supplémentaires, ni d’impayés. En restreignant l'accès à l'AME, financée par l’État, on en arrive à aggraver le déficit de l'assurance maladie ! Certes, un décret prévoit la gratuité des soins lorsque le diagnostic vital est en jeu. Mais, outre qu’il a été annulé par le Conseil d’État et qu’il pose des problèmes d’interprétation, soulignés par Médecins du monde et Médecins sans frontières, il aboutit à cette autre aberration qu’il faut laisser la maladie s’aggraver avant de se soigner !

Allez-vous tirer les conséquences de la décision du Conseil d'État ? Allez-vous, au nom du principe de solidarité, profiter de cet audit pour favoriser l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, par exemple en répondant aux demandes répétées des associations de fondre l'AME dans la CMU ?

M. le Ministre délégué – Je rappelle que la condition d’urgence est toujours réputée remplie pour les mineurs. En compagnie de mon collègue Xavier Bertrand, j’ai donné aux services compétents des instructions précises en ce sens.

Quant à l’audit que vous avez évoqué, son but n’était pas de réaliser des économies en restreignant l’accès au dispositif, mais d’établir des règles de bonne gestion afin que l’usage de l’AME corresponde effectivement aux objectifs politiques et humanitaires qui ont conduit à sa création.

M. Éric Raoult – J’associe mon collègue Bernard Schreiner à ma question.

Soucieux de s’impliquer dans les processus d’insertion et d’intégration, de nombreux maires estiment qu’on ne doit pas devenir Français en signant un récépissé sur un coin de comptoir. Ces élus ont donc organisé des cérémonies solennelles de naturalisation, soit dans la salle des mariages de leur commune, soit lors de cérémonies patriotiques, comme la fête du 14 juillet. C’est à l’occasion de ces cérémonies, particulièrement prisées de leurs bénéficiaires, que les décrets de naturalisation ont été officiellement remis, dans l’intention de marquer le caractère solennel de l’accueil au sein de la communauté nationale.

À la suite d’une inspection des services de l’état-civil de Nantes, ces pratiques ont toutefois cessé dans le département du Bas-Rhin. Non seulement les maires ne remettent plus les décrets de naturalisation, mais il ne sont plus informés des suites données aux demandes de naturalisation enregistrées dans leur mairie. Les étrangers naturalisés sont désormais convoqués en préfecture et acquièrent la nationalité française un signant un simple bout de papier !

Ne trouvez-vous pas souhaitable, Madame la ministre, que les communes volontaires puissent se substituer à l'État pour la remise des décrets de naturalisation et qu’elles soient informées du résultat des procédures ? Sachez que votre réponse est très attendue par un grand nombre d’élus, qui sont particulièrement désireux d’organiser ces rencontres.

Mme la Ministre déléguée – Comme vous, et comme Bernard Schreiner, je trouve que ces cérémonies offrent un intérêt particulier. J’ai d’ailleurs présidé, il y a quelques jours, une telle cérémonie à Saint-Louis en Alsace…

En application de la loi du 26 juillet dernier, les maires ont déjà la faculté de remettre eux-mêmes les décrets de naturalisation, mais nous allons rédiger une circulaire et un livret explicatif afin de préciser le cadre en vigueur.

Devenir Français n’est effectivement pas un acte neutre : c’est l’aboutissement d’un parcours particulier et le résultat d’un choix : celui de venir vivre dans notre pays. Il me semble que la République doit accueillir les étrangers naturalisés dans les meilleures conditions possibles, c’est-à-dire ailleurs que dans le coin d’un bureau ! (Applaudissements sur divers bancs).

M. Serge Blisko – Lors de votre présentation des crédits alloués à l’hébergement d’urgence, vous avez rappelé, Madame la ministre, qu’il ne faut pas s’en tenir à la seule période hivernale : on meurt en été comme en hiver !

Mme la Ministre déléguée – C’est malheureusement vrai.

M. Serge Blisko – Les reportages ne s’en soucient pas, mais on meurt aussi dans la rue au mois d’août ! Sans remettre en cause votre bonne volonté, je m’étonne que les crédits prévus se limitent à 173,5 millions d’euros, soit 150 millions de moins que la dépense de 2005. Votre budget ne répond ni aux attentes des acteurs associatifs ni aux besoins des DDASS ! Voyez le rapport remis en avril 2006 par l’IGAS : « Sans même évoquer les conséquences humaines et sociales de ce sous-dimensionnement, on ne peut que constater l’inefficacité du dispositif ».

Mme la Ministre déléguée – Merci de reconnaître ma bonne volonté, Monsieur Blisko ! Je vous rappellerai quelques chiffres : les centres d’hébergement et de réinsertion sociale ont bénéficié de 451 millions d’euros en 2005, 472 millions en 2006 et 486 millions en 2007. De 2004 à 2007, la progression des crédits est donc notable.

L’audit réalisé en mars par l’inspection générale des finances a du reste démontré que l’insuffisance des crédits résultait en grande partie du recours à l’hôtellerie, dont l’origine se trouve dans l’inadéquation entre l’offre d’hébergement et les besoins des publics concernés. J’en ai tiré les conséquences dans le plan triennal du 10 avril dernier, qui prévoit de créer 5 000 places pérennisées, 3 000 places éligibles à l’allocation de logement temporaire et 6 000 places en maisons relais, mesures qui devraient limiter le recours aux hôtels.

Mme Hélène Mignon – Nous avons tous été choqués d’apprendre qu’on retrouve des nouveaux-nés dans des congélateurs ou au fond d’un jardin. Ma question porte sur l’application de la loi du 4 juillet 2001, relative à l’interruption volontaire de grossesse et la contraception, qui a prévu la possibilité de pratiquer des IVG en dehors des hôpitaux jusqu’à sept semaines d’aménorrhée. À ce jour, les décrets d’application ne visent que la médecine ambulatoire, oubliant les centres de santé et les centres de planification familiale. Ces structures étant considérées comme des centres de prévention, et non de santé, une autorisation législative serait en effet nécessaire.

Attendue par de nombreux conseils généraux, cette mesure a été demandée par le conseil supérieur de l’éducation sexuelle et le mouvement pour le planning familial : elle permettrait de faciliter l’accès à l’IVG, en cas de besoin, et cela dans des structures plus aptes à traiter les problèmes psychologiques et sociaux posés par cette question que certains médecins de ville.

Mme la Ministre déléguée – Vous avez raison, Madame Mignon : la prise en charge de l’IVG dépend aujourd’hui de la médecine ambulatoire. Sachez toutefois que je travaille sur ce dossier avec mes collègues. Les décrets d’application ne sont pas encore sortis, mais je suis aussi sensible que vous, en tant que femme et en tant que mère, à ces meurtres désespérés. Face à de tels actes, nous devons réfléchir aux actions publiques qui sont aujourd’hui menées.

C’est également dans cet esprit que nous allons lancer une grande campagne relative à la contraception. On pourrait penser que chacun est désormais informé, mais les faits établissent le contraire. En tout cas, j’ai entendu votre appel. Nous y répondrons.

M. Serge Blisko – En ma qualité de membre de la commission d’enquête sur l’influence des sectes, j’ai pu mesurer l’ampleur des menaces qui pèsent sur les mineurs du fait des dérives sectaires. Je rappelle par ailleurs que tous ceux qui sortent des sectes se heurtent à de graves problèmes, puisqu’ils se retrouvent souvent isolés et sans ressources.

Jusqu’au décret du 16 juin 2006, des cellules de vigilance sur les dérives sectaires étaient placées auprès des préfets. Le décret a étendu le champ de leur action aux violences faites aux femmes, à la toxicomanie ou à la drogue. La lutte contre les dérives sectaires et le danger qu’elles représentent pour les mineurs se trouve ainsi noyée parmi d’autres objectifs, au risque de disparaître.

L’effectif de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – MIVILUDES – est trop restreint, seulement 15 personnes y compris les personnels de catégorie C, pour remplir une mission particulièrement difficile. Il faut faire un effort de moyens : beaucoup de mineurs sont en danger.

Vous avez parlé tout à l’heure des crédits de l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations – ANAEM. La taxe sur le renouvellement des titres de séjour et des autorisations de travail a augmenté de 27 %, et celle perçue à l’occasion de la délivrance du premier titre de séjour de 25 %. Le montant de la taxe sur les attestations d’accueil augmente quant à lui de 100 % ! On charge un peu la barque : ce n’est pas le meilleur moyen de réussir une politique d’intégration.

Enfin, où en est le déploiement du dispositif de l’ANAEM dans les départements ?

Mme la Ministre déléguée – Je rappelle que la taxe perçue à l’occasion de la délivrance du premier titre de séjour n’avait pas augmenté depuis 2003. Elle passe de 220 à 275 euros, et s’appliquera notamment à la nouvelle carte de séjour « compétences et talents » créée par la loi du 24 juillet. Cela concernera 80 000 personnes et la recette attendue s’élève à 4,2 millions d’euros. En revanche, la taxe de 55 euros, qui concerne les jeunes, et notamment les étudiants, n’est pas modifiée.

La taxe sur le renouvellement des autorisations de travail ou des titres de séjour valant autorisation de travail ou portant mention de celle-ci n’avait pas augmenté depuis 2001 : elle passe de 55 à 70 euros. Cela concernera environ 330 000 personnes, et on en attend 13,5 millions d’euros. Enfin, la taxe perçue lors d’une demande de validation d’une attestation d’accueil, qui n’avait pas augmenté depuis 1997, passe à 30 euros. Cela concernera 350 000 personnes et rapportera 1,5 million d’euros.

Au total, ces augmentations représentent tout de même 20 millions de recettes supplémentaires, qui financeront la généralisation du service public d’accueil sur l’ensemble de notre territoire.

M. le Ministre délégué – À question double, double réponse (Sourires). Près 50 000 enfants seraient aujourd’hui concernés par les dérives sectaires. Il n’y a aucune excuse pour cette forme de maltraitance. J’ai engagé une réforme de la protection de l’enfance, en étroite concertation avec les professionnels et les présidents de conseils généraux. Ce texte, qui a déjà été examiné par le Sénat, vous sera soumis avant la fin de la législature. Il comporte des dispositions qui devraient être efficaces pour lutter contre les maltraitances découlant de croyances sectaires.

La première exigence est de pouvoir détecter ces maltraitances. Trop souvent, les professionnels qui sont au contact des familles ne communiquent pas entre eux. La réforme comble cette lacune en créant des cellules de signalement dans les départements. Les pouvoirs publics doivent pouvoir intervenir très vite, pour éviter que des enfants ne souffrent en silence pendant des années.

Dans le cadre de cette réforme, je prépare actuellement un guide méthodologique à l’usage des professionnels de la protection de l’enfance pour recenser les meilleures pratiques de lutte contre les mauvais traitements infligés aux enfants dans le cadre de dérives sectaires.

M. Éric Raoult – Très bien !

Mme Hélène Mignon – Vous avez abordé tout à l’heure le problème des urgences pour les enfants. En 2004, le gouvernement de M. Raffarin avait promis d’octroyer à 300 000 enfants supplémentaires le bénéfice de la CMU complémentaire. L’an dernier, M. Bertrand nous avait dit que cette disposition serait difficile à mettre au point. Votre budget ne répond pas davantage à cette préoccupation. Où en sommes-nous ? Le rapport du Secours catholique vient nous redire qu’il ne faut pas oublier ces enfants dont la santé est déficiente. L’article paru aujourd’hui dans Le Monde, intitulé Qui veut encore soigner les pauvres ? nous inquiète tout autant. Que faire lorsque des médecins, au mépris de la loi et du serment d’Hippocrate, refusent de soigner certains malades ?

Aujourd’hui, un étranger malade ne peut être expulsé si l’on n’est pas certain qu’il puisse bénéficier d’un traitement approprié dans son pays. Selon plusieurs associations, un projet de circulaire envisagerait de ne s’assurer désormais que de l’existence d’une offre de soins. Or, au-delà des effets d’affichage, les moyens nécessaires pour assurer une vraie prise en charge font défaut dans de nombreux pays.

M. le Ministre délégué – Il n’y aura pas de circulaire restreignant l’accès aux soins !

S’agissant des enfants, votre question résonne comme un hommage à l’initiative que nous avons prise, dans le cadre de la réforme de l’assurance maladie, de permettre l’accès à une protection complémentaire à des familles dont le revenu est supérieur au plafond ouvrant droit à la CMU. Nous avons renforcé ces dispositions dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, et nous le faisons à nouveau, à la demande du Président de la République, dans le PLFSS pour 2007 : 264 000 personnes bénéficient aujourd’hui d’une aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire, le plafond de ressources étant supérieur de 20 % à celui de la CMU. Nous porterons ce nombre à 2,9 millions.

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions.

solidarité et intégration

état b

Les crédits de l’État B, mis aux voix, sont adoptés.

art. 53

L'article 53, mis aux voix, est adopté.

art. 54

Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale – L’amendement 170 rectifié tend à rédiger ainsi la fin de l’alinéa 5 de cet article : « est fixé dans les limites comprises entre 55 et 110 euros. ».

L'amendement 170 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 54 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 55

M. Serge Blisko – L’amendement 189 vise à supprimer cet article. En alignant le forfait logement applicable à l’API sur celui du RMI, on fait disparaître la dimension familiale de l’API. Pour nous, les prestations familiales doivent conserver leur caractère familial : l’API n’est pas une prestation sociale comme les autres. Le conseil d’administration de la CNAF et la Confédération syndicale des familles se sont d’ailleurs élevés contre cet alignement.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis – La commission n’a pas examiné cet amendement. Néanmoins, je rappelle qu’un audit de modernisation sur l’API a été engagé en juin 2006. Il devrait envisager une fusion avec le RMI : les publics des deux dispositifs sont proches et il serait préférable que les allocataires de l’API bénéficient des mêmes conditions de réinsertion professionnelle que ceux du RMI. L’article 55 s’inscrit dans la démarche d’harmonisation des minima sociaux entreprise depuis 2005 : le forfait logement, qui évalue l’avantage en nature que représente le fait de disposer d’un logement à titre gratuit, était appréhendé de manière différente par les deux dispositifs, sans justification objective. La commission, considèrant qu’il y a bien lieu d’aligner le forfait logement de l’API sur celui du RMI, a adopté l’article sans modification.

L'amendement 189, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 55, mis aux voix, est adopté.

ART. 56

M. Serge Blisko – L’amendement 190 est défendu.

L'amendement 190, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 56, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des crédits relatifs à la solidarité et à l’intégration.

La suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu mardi 14 novembre à 9 heures 30.
La séance est levée à 18 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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