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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du lundi 27 novembre 2006

Séance de 21 heures 30
31ème jour de séance, 68ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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prévention de la délinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat relatif à la prévention de la délinquance.

Art. 5 (suite)

M. Jean-Pierre Blazy – L’amendement 389, en remplaçant « le maire » par « le président du centre communal d’action sociale », vise à circonscrire le bénéfice de l’article aux maires qui mènent une action sociale au profit de leurs administrés. D’autre part, il convient de donner des garanties quant à l’usage des données nominatives susceptibles d’être détenues et échangées par les professionnels.

Mme la Présidente – Sur l’amendement 389, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – Cet amendement de conséquence a été repoussé par la commission.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleMême avis.

À la majorité de 17 voix contre 12, sur 29 votants et 29 suffrages exprimés, l’amendement 389 n’est pas adopté.

Mme la Présidente – Sur l’amendement 702, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Mme Patricia Adam – Cet amendement précise que la transmission est limitée aux informations strictement nécessaires au suivi de la personne en difficulté. Il permet d’assurer le respect du secret professionnel et d’éviter toute confusion entre délinquance et situation sociale de la personne.

M. le Rapporteur - Non examiné par la commission. À titre personne, je n’y suis pas favorable.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  La commission des affaires sociales a repoussé cet amendement. J’ai déjà dit que cet alinéa 2 me paraît trop long et peu clair. Cet ajout n’est pas utile. Les travailleurs sociaux répondent à une déontologie très stricte, qui leur permet de distinguer les informations qui peuvent utilement être révélées au maire de celles qui doivent être tenues confidentielles. Nous pouvons leur faire confiance.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Les travailleurs sociaux ont exprimé leurs inquiétudes sur les conditions de leur dialogue avec le maire. Il peut être opportun de les rassurer. La précision sur les informations « strictement nécessaires » apparaît alors comme un instrument d’apaisement, en même temps qu’elle replace le dispositif dans le cadre des garanties faites aux personnes en difficulté. Par ailleurs, la formulation de cet article ne nous met pas à l’abri de critiques, voire de contentieux. Des critiques peuvent viser le travailleur social en fonction des éléments qu’il aura choisi de transmettre au maire. Les décisions du maire peuvent également être contestées. Or, dans le cadre d’un recours, et en particulier d’un contrôle de légalité, les éléments sur lesquels il s’est appuyé connaissent une certaine publicité. Dès lors qu’on ne précise pas quelles informations peuvent être communiquées, la contestation porte aussi sur le choix de l’intervenant social. C’est un risque énorme que prend le législateur.

À la majorité de 19 voix contre 10, sur 29 votants et 29 suffrages exprimés, l’amendement 702 n’est pas adopté.

M. le Rapporteur – Le projet de loi prévoit la nomination d’un coordonnateur dans tous les cas où plusieurs professionnels interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille. Après avoir entendu des représentants de l’Association des maires de France et ceux des travailleurs sociaux, il nous a paru préférable de substituer à ce mécanisme automatique un système plus souple, dans lequel le maire est juge de la nécessité de nommer un coordonnateur. C’est l’objet de l’amendement 174.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

M. Jean-Pierre Blazy – Cet amendement clarifie heureusement le texte.

L'amendement 174, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cardo – Je propose, par mon amendement 92, que le maire qui désigne un travailleur social comme coordonnateur se contente d’informer le président du conseil général plutôt que de demander son autorisation. Il s’agit d’aller vite et le problème tient plutôt à l’organisation du territoire.

M. le Rapporteur – Tout en comprenant la pertinence de ces observations, la commission a repoussé l’amendement pour une raison technique. C’est qu’il est normal que l’autorité hiérarchique dont dépend l’intéressé donne son accord à la désignation d’un travailleur social comme coordonnateur, poste dans lequel il aura peut-être un gros travail à effectuer. Cette autorité pourrait ne pas être d’accord pour la désignation. L’informer ne suffit pas.

M. le Ministre délégué – Je comprends bien vos motifs, mais les communes n’employant que 4 % de tous les travailleurs sociaux, le maire sera souvent amené à désigner un travailleur social qui dépend du département ou de la caisse d’allocations familiales. Pour que le système fonctionne bien, il ne peut le faire sans l’accord de cette autorité. De toute façon, en cas de désaccord, l’amendement ne résout rien. L’autorité hiérarchique dont dépend le travailleur social refusera qu’il assume la fonction. Je vous demande donc de retirer cet amendement car, contrairement à ce que vous espérez, cela ne met pas d’huile dans les rouages.

M. Jean-Pierre Blazy – Cela ne met pas d’huile dans les rouages, mais, Monsieur le ministre, vous jetez de l’huile sur le feu. Sans coordination volontaire entre le maire et les travailleurs sociaux, il n’y aura pas d’efficacité.

M. Michel Vaxès – Comment une autorité peut-elle charger d’une fonction un agent dépendant d’une autre autorité sans que cette dernière l’autorise ? Il faut le dire nettement, cela n’a rien de « technique », c’est tout simplement une question de légalité.

M. le Rapporteur – Nous sommes d’accord.

Mme Patricia Adam – Le rapporteur et le ministre ont raison. Permettre au maire de nommer un coordonnateur, quel que soit l’employeur de celui-ci, serait inapplicable.

M. Pierre Cardo – Je rappelle qu’il est prévu de solliciter le président du conseil général d’une part et l’autorité hiérarchique d’autre part. Cela fait beaucoup.

M. le Ministre délégué – C’est souvent la même personne.

M. Pierre Cardo – Les conseils généraux ont créé des hiérarchies intermédiaires. Ce sont elles qui seront consultées. Or, on sait ce que sont leurs relations avec les agents sur le terrain. Je préférerais donc raccourcir la procédure. Après les arguments qui ont été avancés, je retire l’amendement. Mais je vous souhaite bien du plaisir pour l’application.

L’amendement 92 est retiré.

M. Jacques-Alain Bénisti – Mon amendement 134 tend à rendre la décision du maire non opposable en la faisant valider par le conseil municipal.

M. le Rapporteur – Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L’amendement 134 est retiré.

M Jean-Pierre Blazy – L’amendement 391 limite le bénéfice du dispositif aux maires qui ont décidé d’avoir une action sociale, et substitue à « maire » les mots « président du centre communal d’action sociale ».

M. le Rapporteur – Défavorable pour les mêmes raisons que tout à l’heure.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable.

Mme la Présidente – De toute façon, le vote précédent fait tomber cet amendement.

M. Pierre Cardo – D’un mot : la compétence visée n’est pas seulement celle du président du CCAS, mais celle aussi de celui qui s’occupe des cellules de veille ou de la réussite éducative.

M. le Rapporteur pour avis – Le texte énumère plusieurs catégories qui pourront partager des informations à caractère secret. Notre amendement 103, de façon plus simple, les réunit sous le terme « professionnels ».

M. le Ministre délégué – Merci pour cette amélioration.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 103 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Blazy – Notre amendement 392 dispose que les données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents visés à l’article L. 116-3. La diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Si l’on ne garantit pas le secret professionnel, on ne donnera pas confiance et la coordination de l’action sociale fonctionnera mal.

Mme la Présidente – Sur l’amendement 392, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement mais j’y suis à titre personnel défavorable. Le groupe socialiste tient-il à créer un fichier des familles en difficulté ?

M. Jean-Pierre Blazy – Non.

M. le Rapporteur – Vous auriez donc dû retirer cet amendement visant les articles 226-16 à 226-24 du code pénal qui s’appliquent aux atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques. Vous vouliez sans doute viser les dispositions de l’article 226-13 du code pénal sur le secret professionnel mais l’alinéa 7 de l’article 5 du projet dispose déjà que les informations ne peuvent être transmises à des tiers sous peine des sanctions prévues à cet article 226-13.

M. le Rapporteur pour avis – J’ajoute que l’article L. 116-3 concerne le dispositif du plan canicule ! Quelle confusion !

M. le Ministre délégué – Je suis entièrement d’accord avec MM. les rapporteurs.

M. Noël Mamère – En soi, on pourrait certes comprendre la réaction des rapporteurs, mais ce projet vise implicitement à constituer un fichier des personnes en difficulté.

M. le Rapporteur – M. Mamère ne manque pas d’air ! Après les équivalents-mariages, voici les équivalents-fichiers !

M. Noël Mamère – L’article 6 du texte montrera que toute l’économie de ce projet repose sur le contrôle des familles à travers la détention d’informations confidentielles et personnelles, ce qui contrevient d’ailleurs à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, comme la CNIL l’a noté.

Mme Patricia Adam – Si l’on s’en tient strictement à l’article 5, je peux comprendre les propos de MM. les rapporteurs. Néanmoins, nous examinons un texte sur la prévention de la délinquance qui nomme un coordonnateur de l’ensemble des informations transmises et son article 9 vise bien à créer un fichier afin d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire. En quoi sera-t-il utile ? Quoi qu’il en soit, fichier il y aura bien !

M. le Rapporteur – Je vous rappelle que vous êtes censée défendre un amendement à l’article 5.

Mme Patricia Adam – Soyez donc cohérents !

M. le Rapporteur – Justement !

M. Pierre Cardo – Le coordonnateur étant un travailleur social soumis au secret professionnel, dois-je comprendre que non content de vous méfier de ce texte, Madame Adam, vous vous méfiez des travailleurs sociaux ? J’ajoute qu’il n’est nullement question de fichier à ce stade de notre débat.

M. Noël Mamère – Le ministère de l’éducation nationale met en place un nouveau fichier, très complet, comprenant des informations sur le parcours des enfants et sur leur famille. On nous a déjà fait le coup du progrès avec le fichier STIC ! Ce matin, M. Sarkozy a évoqué son grand plan de sécurité qui passe par le développement de la vidéosurveillance et des fichiers biométriques ou informatiques. Que l’on croise ces fichiers entre eux et il ne restera plus beaucoup d’espace de liberté !

M. le Ministre délégué – Je suis stupéfait par cette confusion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous faites tant de procès d’intention à ce texte qu’on pourrait croire que vous ne l’avez pas lu ! L’article 9 auquel vous faites allusion, alors que nous en sommes à l’article 5, prévoit que le maire dispose d’une liste d’enfants dont les absences sont fréquentes. Comment aider ceux-ci si on ne les connaît pas ? De là à parler de fichiers nationaux et de vidéosurveillance, il y un pas que vous n’auriez pas dû franchir.

M. Noël Mamère – La politique n’est pas un saucisson que l’on coupe en tranches !

Mme Patricia Adam – Monsieur Cardo, tous les professionnels de l’action sociale ne sont pas tenus au secret professionnel : ils le sont uniquement s’ils exercent un mandat de protection de l’enfance. Les assistantes sociales, elles, sont tenues au secret professionnel mais les coordonnateurs n’en font pas nécessairement partie. Notre amendement est donc essentiel et je vous invite, pour régler le problème, à le présenter à l’article 9.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est le texte du Gouvernement, Monsieur le ministre délégué, qui est confus : prévention de la délinquance, protection de l’enfance, rôle des maires et des présidents de conseils généraux, travailleurs sociaux... Vous mélangez tout ! Les cellules de veille éducative que nous avions, quant à nous, mises en place ne fonctionnaient pas de façon autoritaire et confuse mais reposaient sur une véritable déontologie partagée par l’ensemble des travailleurs sociaux. Notre amendement vise précisément à nous garantir contre toute forme de confusion et de dérive. L’article 9 crée bien un fichier – et je note que ce serait à l’éducation nationale d’en assurer au premier chef le suivi.

M. Pierre Cardo – Non seulement une liste n’est pas un fichier mais les fichiers sont particulièrement contrôlés.

Mme Patricia Adam – Heureusement !

M. Pierre Cardo – Je voudrais par ailleurs rappeler ce que dit l’alinéa 6 : « Par exception à l’article 226–13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, afin d’évaluer leur situation, de déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale. » Il me semble que ces précautions sont suffisantes.

M. Noël Mamère – M. Blazy a raison de dire que les cellules de veille éducatives jouent un rôle très utile et évitent à certains élèves de décrocher.

En revanche, je m’inquiète du remplacement des applications informatiques de gestion des établissements par une base de données qui centralisera toutes les données relatives aux élèves, vous m’entendez bien, toutes ! Familiales, scolaires, sociales, géographiques… Ces informations seront transférées par les directeurs d’école à l’inspecteur de l’éducation nationale, à l’inspection académique puis au rectorat, pour terminer, via internet, dans un fichier national, partiellement accessible aux maires. Et à qui d’autre ?

Certains pourraient avoir la tentation de profiter de ce fichier centralisé pour, par exemple, recenser les populations d’origine étrangère et mieux traquer les sans-papiers. J’ajoute que ce fichier gardera trace de tout : des années après, on pourra par exemple savoir que quelqu’un a fait l’objet d’un suivi psychologique dans sa jeunesse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Henriette Martinez – Ce ne sera pas marqué !

M. Noël Mamère – Vous levez les bras au ciel, Monsieur le rapporteur, mais ce que je dis est vrai et vous savez d’ailleurs fort bien que la CNIL a émis des critiques sur certaines dispositions de ce projet. Vous et M. Marsaud avez « enfumé » la CNIL ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - Je comprends parfaitement que ce fichier central vous inquiète, Monsieur Mamère, mais ce n’est pas grâce à lui qu’un maire pourrait, le cas échéant, recenser les élèves d’origine étrangère ou ceux en situation irrégulière. Le maire a déjà ces informations, et bien d’autres, puisque c’est lui qui fait les inscriptions scolaires ! Il n’a pas besoin de passer par un fichier national. Et ne soupçonnez pas toujours le maire des pires intentions.

M. Noël Mamère – Vous interprétez mal mes propos. Je ne songe pas du tout à attaquer les maires, je dis juste que la centralisation des fichiers est toujours dangereuse pour les libertés. Aujourd’hui, il n’y en a pas qui rassemble toutes les informations sur les élèves. Demain, il y en aura un, qui gardera trace de tout, comme le font les fichiers STIC. Vous savez aussi bien que moi que certaines personnes n’ont pas pu trouver de travail, parce qu’elles étaient fichées dans le STIC pour avoir été témoins d’un accident de circulation !

À la majorité de 25 voix contre 10, sur 37 votants et 35 suffrages exprimés, l’amendement 392 n’est pas adopté.

Mme Patricia Adam – L’amendement 703 tend à ce que les personnes concernées soient préalablement informées en cas de transmission par les travailleurs sociaux d’une information les concernant au maire et au président du conseil général.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Rapporteur pour avis – Notre commission ne l’a pas examiné mais en a repoussé un semblable de Mme Boutin pour des raisons de forme. Je présenterai plus loin un amendement 498 qui va dans ce sens, mais avec des nuances.

M. le Ministre délégué - Il n’est pas défendu aux travailleurs sociaux, s’ils le jugent utile et conforme à leur déontologie, d’informer les familles. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous vous exprimez avec des « si », Monsieur le ministre, vous en remettant en somme à la bonne volonté des travailleurs sociaux, mais nous pensons qu’il s’agit là d’un impératif. Les personnes concernées par cette démarche doivent en être informées au préalable. Cela me semble un minimum, un droit fondamental de chaque citoyen !

L'amendement 703, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 175, qui récrit l’alinéa 7 de cet article, vise le cas – rare – où un seul travailleur social intervient auprès d’une famille ; ainsi que celui où un maire délègue sa compétence à l’un de ses adjoints. Enfin, il précise le champ des informations transmises.

En procédant à cette réécriture, nous n’avons pas repris la référence à l’article 226-13, car ce n’était pas juridiquement indispensable, mais je suis d’accord pour la réintroduire afin d’éviter toute ambiguïté, comme le propose le sous-amendement 727 de la commission des affaires culturelles.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement approuve l’amendement 175 présenté par M. Houillon au nom de la commission des lois. Il clarifie la rédaction du texte issu du Sénat, établit nettement les responsabilités de chacun et donne plus de souplesse en permettant, comme le prévoyait le projet initial, que le maire puisse déléguer cette compétence à l’un de ses adjoints. Toutefois, par le sous-amendement 724, le Gouvernement précise que le représentant désigné par le maire doit être titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale. Enfin, le Gouvernement approuve le sous-amendement 727 présenté par M. Dubernard, qui tend à rétablir la mention des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal à l’encontre de ceux qui divulgueraient les informations à caractère secret dont ils ont eu connaissance.

M. le Rapporteur pour avis – Je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit sinon que je suis très heureux que la commission des lois apprécie la collaboration de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Pierre Blazy – Je me réjouis de votre satisfaction, mais je constate que le rapporteur, le rapporteur pour avis et le Gouvernement doivent se mettre à trois pour réécrire le texte, pourtant déjà révisé par le Sénat. Quelle confusion !

M. Pierre Cardo – N’est-ce pas le travail du Parlement ?

M. Jean-Pierre Blazy – Pour ma part, je suis heureux que la mention des sanctions prévues par l’article 226-13 du code pénal ait été réintroduite dans le texte, tant sont grands nos soupçons et tant est forte l’inquiétude des travailleurs sociaux. On comprend que vous cherchiez à vous prémunir ainsi du risque inhérent à ce dispositif bancal et dangereux.

M. Claude Goasguen – Préciser que le représentant désigné par le maire doit être « titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale » restreint le champ d’application de la disposition Aussi, j’ai du mal à comprendre ce qu’apporte le sous-amendement du Gouvernement, sauf des complications supplémentaires.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est ce que nous ne cessons de dire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je le rappelle, très peu nombreux sont les actes du maire qu’un adjoint ne peut accomplir – il ne peut, par exemple, décider d’une hospitalisation d’office. Il est exact qu’un maire adjoint doit être désigné pour l’action sociale, mais uniquement s’il exerce dans le cadre du CCAS. La restriction introduite par le sous-amendement du Gouvernement est donc infondée, inutile et dangereuse. Aujourd’hui, selon les textes, tout adjoint peut se substituer au maire ; adopter la disposition proposée par le Gouvernement, c’est placer le dispositif dans le cadre exclusif du CCAS. Voilà qui montre dans quelle confusion on place le maire. Cette précision n’a aucun intérêt et elle est source de conflits. Plus grave encore, ce serait la première fois qu’une délégation serait impérativement dévolue à un maire adjoint plutôt qu’à un autre. C’est incompréhensible, et cela n’ajoute rien au dispositif.

M. le Ministre délégué – Éclairé par ces observations, je retire le sous-amendement, tout en me réservant de rédiger, au cours de la navette, un texte permettant d’éviter que la délégation soit confiée à un maire adjoint sans compétences en ce domaine.

M. Jean-Pierre Blazy – La confusion gagne encore !

M. Jean-Marc Lefranc – Il ne me semble pas très cohérent de préciser les domaines de compétence de l’action sociale des communes alors que, à la fin de la séance de cet après-midi, nous avons adopté un amendement de la commission des affaires sociales qui tendait à l’inverse.

Mme Patricia Adam – Je ne vous le fais pas dire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le Gouvernement tient des propos véritablement surprenants. Il ne revient pas à la loi de définir comment on doit déterminer les compétences de tel adjoint ou de tel autre ! C’est inimaginable ! C’est au maire, et à lui seul, qu’il revient de veiller à l’organisation de la collégialité au sein du conseil municipal, et nul ne peut restreindre la capacité pleine et entière de déléguer ses compétences que lui a conférée le suffrage universel.

M. Pierre Cardo – Puis-je rappeler incidemment que l’amendement 391 du groupe socialiste prévoyait de substituer au maire le président du centre communal d’action sociale ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il s’agissait précisément de rappeler que les compétences du maire et celles du président de CCAS ne sont pas les mêmes. C’est si vrai que lorsqu’un maire adjoint n’est pas délégué au CCAS, il ne peut signer aucun des actes qui en émanent, vous le savez fort bien, Monsieur Cardo. Ce qui certain, en revanche, c’est que le maire peut déléguer ses compétences à n’importe lequel des maires adjoints, sauf dans les cas très rares où la loi le prohibe expressément.

M. le Rapporteur – Je ne me prononcerai pas sur le sous-amendement du Gouvernement puisqu’il a été retiré. Sensible à l’observation de M. Lefranc, je propose de rectifier l’amendement 175 en supprimant, in fine, les mots « dans les domaines sanitaire, social et éducatif ».

Le sous-amendement 727, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 175 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Blazy – Après ce moment mémorable de réécriture du texte dans une intense confusion, je demande une suspension de séance, car les esprits ont besoin de repos.

M. le Rapporteur – Pour moi, ça va. Avant que M. Blazy n’aille se reposer, je lui ferai observer que si le Gouvernement, ayant déposé un sous-amendement, entend les arguments qui lui sont opposés et le retire, et que si le rapporteur, convaincu de la nécessité de corriger une erreur matérielle, s’y prête volontiers, cela s’appelle le travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 22 heures 45, est reprise à 22 heures 55.

M. le Rapporteur pour avis – Afin de préserver un climat de confiance mutuelle, l’amendement 498 tend à ce que les familles soient informées avant tout partage d’information entre les travailleurs sociaux, à l’exclusion des cas où il pourrait en résulter un risque – je pense notamment aux actes de violence. Cette précision étant absente de l’amendement que vous avez déposé, Madame Adam, je vous demande de vous rallier à celui que je défends.

M. le Rapporteur – La commission des lois travaille habituellement de conserve avec la commission des affaires sociales, mais il y une divergence d’appréciation sur ce point. L’amendement 498 est certes plus précis et, pour cette raison, plus acceptable que le 703, qui a été défendu tout à l’heure, mais il n’en reste pas moins inutile : l’information des familles n’étant pas contraire aux textes en vigueur, elle est toujours possible. Pourquoi donc l’inscrire dans la loi ?

Par ailleurs, qui serait juge du risque éventuellement causé par l’information des familles ? Pour des raisons tenant à l’ordre public, je suis plutôt défavorable à cet amendement, même si j’attends de connaître l’avis du Gouvernement.

M. le Ministre délégué – Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, le Gouvernement a longuement pesé le pour et le contre sur ce sujet. Si cet amendement n’était pas adopté, il n’en résulterait pas que les familles ne seraient pas informées : nous laisserions au contraire aux travailleurs sociaux la possibilité de décider eux-mêmes. Ils useront de cette faculté, j’en suis convaincu, dans le sens que vous souhaitez, c’est-à-dire avec discernement et conformément à leur déontologie.

J’ajoute que l’exception prévue par cet amendement ne résoudra en rien d’éventuels cas de conscience, Monsieur Dubernard. Nous devons faire confiance aux travailleurs sociaux et les laisser juges en la matière. Voilà pourquoi je souhaiterais le retrait de cet amendement.

M. le Rapporteur pour avis – Permettez-moi de dire ma surprise car les textes relatifs à la protection de l’enfance comportent des dispositions similaires. M’étant engagé vis-à-vis de plusieurs députés de la commission, je ne retirerai pas cet amendement, auquel je demande à Mme Adam de bien vouloir se rallier.

Mme Patricia Adam – Je soutiendrai cet amendement qui, je le souligne au passage, ne dit rien d’autre sur le fond que ceux que Mme Boutin et moi avons déposés sur le sujet et qui, tous, ont été jusqu’à présent refusés. La réussite de l’accompagnement social d’une famille exige que celle-ci y consente : rien n’est possible sans relations de confiance. Si une action d’autorité s’impose, il convient de s’adresser au juge. On sort alors du champ d’intervention du travailleur social. Les textes relatifs à la protection de l’enfance en danger précisent qu’on informe les familles de l’action menée, « sauf en cas de danger pour l’enfant ». Il n’est pas mauvais de le rappeler également dans ce texte relatif à la prévention de la délinquance.

M. Michel Vaxès – Le groupe communiste soutiendra lui aussi cet amendement, qui est tout à fait dans l’esprit de ceux présentés par Mme Adam et Mme Boutin. Son expérience de médecin a sans nul doute appris au président Dubernard toute l’importance des relations de confiance entre celui qui accompagne et celui qui est accompagné.

Mme Henriette Martinez – Je souhaite apporter mon soutien au ministre. Dans certains cas, les familles, se sentant suivies, déménagent dans un autre département, si bien qu’on perd leur trace. Il risque d’en aller ici de même : trop d’information peut conduire à la fuite du jeune délinquant, ce qui ira à l’encontre même de l’objectif recherché.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Si des familles ou des jeunes cherchent à fuir, on sort du champ d’intervention du travailleur social pour entrer dans le champ du judiciaire. Il faut alors saisir le juge des enfants, par exemple. Dans le cadre où nous nous situons, clairement extrajudiciaire, la disposition proposée ne pose aucune difficulté d’application. Avec le travailleur social, il importe avant tout de préserver les relations de confiance.

M. Noël Mamère – Je soutiens cet amendement, ne pouvant m’empêcher de souligner que tous ceux de Mme Adam qui avaient le même objet ont été refusés.

La commission du barreau de l’Essonne, qui regroupe 55 avocats spécialisés dans la défense des mineurs, a décidé de cesser toute activité durant dix jours pour protester contre ce projet de loi qui, estiment-ils, démantèle la justice des mineurs, ouvre une brèche supplémentaire dans les principes affirmés par l’ordonnance de 1945 et limite le pouvoir du juge des enfants. Votre projet de loi, loin de faciliter la prévention de la délinquance des mineurs, réduit les pouvoirs de ceux qui sont les mieux à même de lutter efficacement contre elle.

L'amendement 498, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – J’indique d’ores et déjà que je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur le vote de l’article 5.

M. le Rapporteur pour avis – Le ministre ne sera sans doute pas insensible à l’amendement 104 2e rectification, qui vise à coordonner ce projet de loi avec celui relatif à la protection de l’enfance. Si l’évaluation des problèmes de la famille révèle une situation de danger pour un ou des mineurs, le coordonnateur doit saisir le président du conseil général au titre de ses responsabilités spécifiques en matière de protection de l’enfance.

M. le Ministre délégué – Je vous remercie de cet amendement. S’il apparaît au cours d’un travail de coordination relatif à la prévention de la délinquance qu’un mineur est en danger, afin d’éviter toute confusion, le coordonnateur doit se replacer immédiatement dans le cadre des dispositions relatives à la protection de l’enfance et donc immédiatement informer le président du conseil général et, à travers lui, le service de l’aide sociale à l’enfance, comme la loi le prévoit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Voilà, c’est déjà prévu dans la loi !

M. le Ministre délégué – Favorable à cet amendement, le Gouvernement souhaite toutefois le renforcer par un sous-amendement 634 disposant que le coordonnateur informe le président du conseil général, non seulement si l’enfant est en danger, mais aussi s’il est « susceptible » de l’être.

M. le Rapporteur – Avis favorable à l’amendement et au sous-amendement.

M. le Rapporteur pour avis – D’accord sur le sous-amendement.

Mme Patricia Adam – Les bras m’en tombent qu’un ministre et deux présidents de commission méconnaissent à ce point les textes existants sur la protection de l’enfance en danger ! Ceux-ci font obligation à toute personne, quelle qu’elle soit, ayant connaissance de faits pouvant laisser penser qu’un enfant est en danger ou peut l’être, d’informer le président du conseil général ou le procureur de la République. Pourquoi le redire dans ce texte ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce texte sera bientôt complètement superfétatoire. L’obligation de saisine face à un enfant en danger ou susceptible de l’être s’impose à tout citoyen, a fortiori aux professionnels de tous domaines qui accompagnent les enfants. S’être soustrait à cette obligation est d’ailleurs une circonstance aggravante de la mise en cause de leur responsabilité. Cet amendement n’a aucun sens. Il n’ajoute rien, ne faisant que confirmer ce que je pense chaque jour davantage, à savoir que ce projet de loi n’est qu’un ramassis de redites.

M. Noël Mamère – On ne voit pas en effet l’utilité de cet amendement, et c’est d’autant plus étonnant que nous avons à plusieurs reprises été remis à notre place au motif que nos propositions figuraient déjà dans la loi et que nous ne connaissions vraiment rien au droit. Cet amendement n’a en fait rien de technique : il est très politique. Il traduit une volonté bien tardive d’infléchir un texte qu’une partie de la majorité, très divisée, trouvait trop sévère. On touche le fond.

M. Pierre Cardo – La loi prévoit déjà, c’est vrai, que n’importe quel intervenant social constatant la mise en danger d’un enfant doit immédiatement en alerter le président du conseil général – à l’époque de la réforme, en 1991, on a même parlé de délation ! Heureusement, les mentalités ont évolué. Il est vrai que, le maire étant dorénavant censé, en amont, mettre en œuvre des actions de protection, il doit être informé de cette transmission. Mais ajouter que le coordonnateur doit informer le président du conseil général est redondant avec la législation existante.

Mme Henriette Martinez – La notion d’enfant en danger est très explicitement reconnue par la loi Jacob relative à la protection de l’enfance, et l’Observatoire national de l’enfance en danger, comme l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, recensent chaque année non seulement les enfants maltraités, mais aussi les enfants en danger. Ces derniers sont donc bien pris en compte. La loi qui pose le principe général de l’obligation de signaler tout enfant maltraité ou menacé de l’être s’applique non seulement aux professionnels, mais à tout citoyen confronté à ces situations. Répéter ce principe aurait peut-être pour effet d’amoindrir la portée de la présente loi.

M. le Ministre délégué – Il me semble au contraire que cette précision est indispensable, dans la mesure où ce projet de loi institue un coordonnateur et renforce de façon évidente le rôle du maire. Il ne faudrait pas qu’on en tire la conséquence que le président du conseil général n’est plus l’autorité responsable en matière de protection de l’enfance. Il est donc très utile d’inscrire cette précision, pour que personne ne puisse en douter.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je ne pense pas que le coordonnateur, pour nouveau qu’il soit, déroge aux règles générales, d’autant que vous avez bien précisé qu’il était choisi parmi les professionnels. Il est donc astreint à l’ensemble de leurs obligations. Pourquoi rappeler cette responsabilité-là ? Vous avez tort de croire qu’un principe est conforté lorsqu’il est réitéré dans plusieurs lois. Un principe est érigé lorsqu’il existe dans un texte auquel aucun autre texte ne déroge. Ce principe est tellement fort, dans l’intention du législateur, que tout élément ultérieur s’appuie sur lui ou y fait référence, mais sans jamais avoir besoin de le réitérer.

Le sous-amendement 634, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 104 2e rectification, mis aux voix, est adopté.
À la majorité de 25 voix contre 13, sur 39 votants et 38 suffrages exprimés, l’article 5 modifié, est adopté.

après l'Art. 5 (amendement précédemment réservé)

Mme Patricia Adam – L’amendement 700 vise à supprimer le contrat de responsabilité parentale instauré par la loi du 30 mars 2006, qui fait peser sur les seuls parents la responsabilité des difficultés qu’ils rencontrent, alors que bien souvent ce sont leurs conditions sociales de vie qui sont en cause. Ce contrat transforme les allocations familiales en certificat, en prime de bonne conduite. Loin de responsabiliser les familles, il les stigmatise. Beaucoup d’associations se sont prononcées ouvertement contre, dont l’UNAF, qui le juge dangereux et parle de dérive, d’autant que la décision de suspension, qui aujourd’hui appartient au seul juge des enfants, va être transférée vers une autorité administrative.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Noël Mamère – Voilà qui montre une nouvelle fois qu’il ne faut jamais oublier de faire le lien entre ce texte et ceux qui ont déjà été votés, comme la troisième loi sur l’immigration, à propos des pouvoirs du maire et, en l’occurrence, la loi sur l’égalité des chances. Nous nous étions battus, comme de nombreuses associations familiales, contre le contrat de responsabilité parentale. Substituer une autorité administrative au juge pour enfants est en effet une dérive dangereuse : c’est ouvrir la porte à l’arbitraire et à la stigmatisation des familles qui, parce qu’elles sont en difficulté, sont considérées comme étant déjà délinquantes.

M. Pierre Cardo – Je ne pense pas que ce contrat soit inutile et aie pour effet de stigmatiser les familles. En revanche, il n’appartient pas à l’autorité administrative de prendre ce type de décisions, qui relèvent du juge des enfants.

L'amendement 700, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 6 (précédemment réservé)

M. Noël Mamère – Les articles 6 et 7 sont relatifs à la création d’un conseil pour les droits et devoirs des familles dans les villes de plus de 10 000 habitants. La composition en sera établie par décret et nous manquons par trop de précisions sur son fonctionnement interne. Le conseil sera un véritable organisme de tutelle des familles. Or, aucune action contre l’insécurité ne saurait légitimer des mesures de répression d’ordre moral. D’autre part, il engendre un accroissement inutile du contrôle sur le plus grand nombre, qui ne fera certainement pas progresser la sécurité mais aboutira à priver les individus des garanties de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’article décrit les cas où le maire peut réunir le conseil des droits et devoirs des familles en termes si vagues qu’il laisse une large marge de manœuvre, et même qu’il laisse place à l’arbitraire de l’élu. En réalité, il s’agit d’un organe de contrôle des familles défavorisées. Que mettra-t-on par exemple sous les termes « défaut de surveillance » ? Les maires agiront en fonction des informations portées à leur connaissance par les travailleurs sociaux, mais aussi par des particuliers. Ceux-ci sont donc invités à la délation contre les familles. Et l’implication légale des travailleurs sociaux participe d’un climat sécuritaire que M. Sarkozy a encore illustré ce matin à Élancourt en promouvant la vidéosurveillance, dangereuse pour les libertés publiques et individuelles.

Ce choix sécuritaire contribuera à stigmatiser ceux qui sont en situation précaire. Comment appréciera-t-on la « stabilité familiale » ? Derrière les termes se profile l’ordre moral.

Enfin, la CNIL estime que, pour accomplir ses missions, le conseil devra disposer d’informations sur les familles qui équivalent à l’institution d’un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problème sans aucune garantie sur l’origine des informations, ni sur les critères déclenchant le signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et leur confidentialité. Toujours selon la CNIL, le recueil et la conservation de ces informations personnelles devrait s’accompagner de nouvelles garanties du respect de la vie privée, et le projet de loi n’en crée aucune. Dans ces conditions, nous demanderons par l’amendement 34 la suppression des articles 6 et 7.

M. Jean-Pierre Blazy – Qu’on parle des droits et devoirs des familles, soit. Mais a-t-on pour cela besoin d’un tel conseil ? Le maire exerce déjà quand il le faut son autorité morale. De plus, cette institution serait obligatoire dans les villes de plus de 10 000 habitants. Heureusement, l’AMF a réagi et inspiré un amendement du Gouvernement qui la rendra facultative, et ce sera sage.

Nous avons donc maintenant le contrat de responsabilité parentale, qui relève du président du conseil général, et l’accompagnement parental, qui relève du maire. Ce dernier devra-il d’abord prononcer une mesure d’accompagnement avant de pouvoir s’adresser au président du conseil général et obtenir un contrat de responsabilité ? L’articulation nous échappe. Il faudra nous éclairer. Ce qui reste, c’est la possibilité de contrôle et de mise en tutelle des prestations familiales.

Mme Patricia Adam – Le contrat de responsabilité parentale créé dans le cadre de la loi de cohésion sociale entre à peine en application – les décrets sont parus en septembre et je ne sais pas si on en a déjà signé beaucoup – qu’on crée déjà le dispositif suivant, celui de l’accompagnement parental. L’un relève du président du Conseil général, l’autre du maire, mais dans les deux cas on parle d’accompagnement des familles, d’aide à la parentalité. En outre, fonctionnent déjà les REAAP, les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents. On ferait mieux de leur donner des moyens plutôt que de créer de nouveaux dispositifs. Accompagnement parental, contrat de responsabilité parentale, médiation familiale, accompagnement éducatif en milieu ouvert… Je ne vois pas comment les maires, les travailleurs sociaux et le président de conseil général vont s’y retrouver. Ce qui est sûr, c’est qu’on va être très bien encadré ! Mais dans l’incohérence. M. Sarkozy a-t-il voulu détruire la loi Borloo ? Sinon quelle est l’utilité de cette nouvelle disposition ? Elle est inapplicable et sera inappliquée. Mieux aurait valu laisser les dispositifs existants se mettre en place et les élus et professionnels se les approprier, les évaluer, les valider ou les faire évoluer si nécessaire.

M. Lilian Zanchi – On s’attendrait à se trouver ici dans le registre de l’éducation et de l’action sociale. En fait, il est question des pouvoirs de police du maire et du rétablissement de l’ordre, de la sécurité, de la tranquillité publique. On substitue donc l’ordre à l’éducation. En outre, il y a confusion entre l’accompagnement parental et le contrat de responsabilité parentale. L’article L. 222–4–1 du code de l’action sociale et de la famille dispose qu’en cas d’absentéisme scolaire et lorsque des troubles ont lieu dans l’établissement ou toute autre difficulté liée à la carence de l’autorité parentale, c’est le président du conseil général qui, sur saisine du maire de la commune de résidence du mineur, propose aux parents un contrat de responsabilité parentale ou toute autre mesure d’action sociale. Voilà qui est fort précis, contrairement à cet article 6 relatif au conseil pour les droits et devoirs des familles. Quelle confusion entre les rôles du président du conseil général et du maire, l’éducation et la répression ! Enfin, il est scandaleux, au terme de l'accompagnement, de délivrer aux parents une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale en faisant fi des difficultés sociales qu’ils rencontrent.

Mme Élisabeth Guigou – M. le ministre devrait écouter les différents intervenants.

M. Pierre Cardo – Dans le domaine de l’aide à la parentalité, nous avons encore bien des progrès à accomplir. Les mesures préconisées me paraissent néanmoins un peu désordonnées et maladroites. Qu’il faille renforcer le rôle du maire dans l’accompagnement parental, soit, mais pourquoi demander à la CAF d’élaborer un dispositif d’accompagnement pour gérer le budget familial ou, le cas échéant, mettre en place un ensemble de mesures d’économie sociale et familiale ? Il me semble que l’on saute une étape.

M. Lilian Zanchi – Très bien.

M. Pierre Cardo – Le maire doit mettre en synergie l’ensemble des acteurs afin d’accompagner les familles et je suis dans mon rôle lorsque j’agis en ce sens. Mais si je ne dispose pas de moyens suffisants, faute de bonne volonté de la part de la famille par exemple, je passe la main au président du conseil général qui dispose de moyens beaucoup plus conséquents sur le plan administratif et contractuel avant, par exemple, d’engager si nécessaire une action en justice. Je ne suis pas certain que le texte suive cette voie-là et je crains que nous ne créions des dysfonctionnements. Pourquoi, enfin, faire allusion à la sécurité et à la tranquillité publique à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur quand les familles sont avant tout en difficulté et qu’il faut prévenir une possible dérive vers la délinquance ? Le maire doit examiner les moyens à appliquer s’agissant de l’accompagnement parental mais il ne doit pas aller au-delà, son rôle d’officier de police judiciaire n’étant pas ici en jeu.

M. Lilian Zanchi – C’est la plus grande confusion, en effet !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Les articles 6 et 7 visent à examiner la façon dont les pouvoirs publics peuvent accompagner les parents. Nous savons d’ailleurs que leurs difficultés sont d’autant plus aiguës qu’il s’agit de familles défavorisées. Des dispositifs existent depuis longtemps sur les plans communal ou départemental, jusqu’à l’engagement d’une action judiciaire. Le Gouvernement, lui, vise à culpabiliser les parents et à les engager dans un dispositif contraignant dans le cadre de son unique perspective, qui est « sécuritaire ».

Ce texte est inutile et redondant, en particulier s’agissant du conseil pour les droits et les devoirs des familles, puisqu’il se contente d’insister sur le rôle que les maires jouent déjà auprès des familles en difficulté, y compris jusqu’au rappel à la loi. Il en va de même en matière d’accompagnement parental : vous n’avez créé aucun dispositif nouveau visant à régler les difficultés des familles. Enfin, que se passera-t-il de différent de la situation actuelle si les parents refusent de venir voir le maire ? En pareil cas on en revient à la case départ, à savoir le contrat de responsabilité parentale et les mesures éducatives, qui existent déjà, et la possibilité de suspendre les allocations familiales, qui est déjà donnée au président de conseil général. Bref, on n’ajoute rien ! Les maires qui n’intervenaient pas dans le domaine social n’interviendront pas davantage et ceux qui interviennent continueront à le faire, mais sans aucun outil nouveau pour accompagner vraiment les parents. Car c’est avant tout sur l’habitat et les conditions de vie qu’il faudrait agir.

Autre élément important en cas de difficulté : le rétablissement de la parole entre les enfants ou adolescents et les adultes, que ce soit dans le cercle familial ou en dehors. Beaucoup d’associations y travaillent et des réseaux se créent ainsi, qui permettent de mieux connaître la réalité des situations.

Nous avons plus besoin de dispositifs d’alerte que des artifices proposés par cet article, qui fait supporter aux maires des responsabilités qu’ils assument déjà pour autant qu’elle se situent dans le champ social et éducatif mais qu’ils refuseront dans leur dimension purement sécuritaire.

Mme Élisabeth Guigou - Nous connaissons tous des parents déboussolés et en difficulté face à leurs enfants, surtout quand ceux-ci sont des adolescents et que la famille appartient à un milieu défavorisé. M. Lagarde voit comme moi, en Seine-Saint-Denis, des parents qui cumulent tant de difficultés qu’ils ne peuvent plus faire face. Tout élu a un jour à se demander s’il a affaire à des parents démissionnaires ou simplement à des parents accablés par leurs conditions de vie. Depuis cinq ans que je suis élue de Seine-Saint-Denis, je dois dire que je n’ai jamais rencontré de parents qui ne voulaient pas le meilleur pour leurs enfants. Mais quand on est une femme qui élève seule ses enfants, qui part à quatre heures du matin pour faire le ménage dans des bureaux parisiens et qui rentre chez elle épuisée, on n’est pas toujours à même de vérifier que son enfant est assidu à l’école.

La bonne réponse à ce genre de situation consiste-t-elle à créer une instance supplémentaire ? Le conseil des droits et devoirs des familles est certes une belle appellation, comme la « prévention de la délinquance » est un beau titre. Qui ne serait d’accord pour prévenir la délinquance ? Malheureusement, le contenu du projet ne correspond en rien à l’intention affichée dans le titre. Quant au conseil des droits et devoirs des familles, pourquoi le créer si son rôle se limite à proposer aux maires de faire ce qu’ils font déjà quand ils font bien leur travail ? Vous ne leur donnez aucun moyen supplémentaire pour exercer leurs responsabilités.

Face à des parents qui mangent ou qui boivent les allocations familiales, il existe déjà une procédure que les CAF peuvent mettre en œuvre. Si elle ne l’est pas plus souvent, c’est aussi que les responsables en connaissent les risques. On veut ici que le maire puisse se substituer au président du conseil général, mais au nom de quoi le maire exercerait-il ce type de responsabilité ? Il faut distinguer les responsabilités et ne pas penser qu’on règlera des situations douloureuses par des signaux purement répressifs.

Bref, je ne vois pas où est le progrès. On nous propose une mesure d’affichage, qui vient s’ajouter à toutes les mesures précédentes, sans que celles-ci aient fait l’objet de la moindre évaluation. Comme nous en sommes déjà au sixième texte sur la délinquance, il y a vraiment une accumulation de mesures, une véritable fuite en avant. Mais comme vous le savez, trop de loi tue la loi.

M. Jean-Christophe Lagarde - L’idée d’un conseil des droits et des familles me paraît intéressante. J’entends bien M. Le Bouillonnec nous dire que la mesure est redondante, parce que les maires actifs font déjà ce que le projet prévoit. Mais s’ils le font hors la loi…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce n’est pas hors-la-loi !

M. Jean-Christophe Lagarde - Je ne dis pas qu’ils font des choses interdites, mais simplement qu’ils les font en dehors de la loi, et qu’ils pourraient donc aussi bien, et sans doute mieux, les faire dans le cadre de la loi.

Je vais prendre encore un exemple. Trois très jeunes enfants sont un jour trouvés seuls dans une chambre d’hôtel de Seine-Saint-Denis, un de ces hôtels que le Samu social remplit perpétuellement avec les pauvres de Paris et qui offrent des conditions sanitaires discutables. Mais à peine prend-on un arrêté de fermeture sur l’un d’eux que le Samu social de Paris en remplit un autre ! On est alerté par le fait qu’un des enfants se balance au-dessus du balcon, on retrouve la mère, on prévient le commissariat, la brigade des mineurs, l’ASE…Trois mois après, cette femme meurt dans sa chambre d’hôtel, elle était atteinte d’une maladie grave, personne ne s’en était préoccupé. Je découvre alors qu’il y a un conjoint, qui travaille loin de là, au sud des Yvelines. Il n’était informé de rien.

Si j’avais pu demander que cette femme vienne me voir, on peut penser que l’on aurait évité à des enfants de 18 mois, 4 ans et 6 ans de rester seuls dans une chambre d’hôtel pendant quatre heures sans que personne se préoccupe de leur sort... Mais de quel droit l’aurais-je demandé, dans l’état actuel des choses, dès lors que la brigade des mineurs et l’aide sociale à l’enfance étaient informées ? Si j’avais eu connaissance de la situation, on aurait peut-être pu éviter cela. C’est une illusion, Monsieur Blazy, de croire que les institutions sont irréprochables ! Il existe, certes, des maisons des parents, dans la circonscription de Mme Guigou par exemple. Mais, comme l’a rappelé M. Cardo, si un signalement doit être fait, ce n’est pas au maire que cette tâche incombe puisqu’il y a un référent : le président du conseil général. Pour ma part, je souhaite que le maire puisse saisir le président du conseil général et qu’en retour il soit tenu informé des suites données à son signalement.

Pour le reste, la rédaction de l’article me laisse perplexe. Pour commencer, je ne suis pas du tout convaincu qu’il faille, comme c’est prévu ici, rendre la création du conseil pour les droits et devoirs des familles obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Si le maire est convaincu, il le fera, s’il ne l’est pas, il le créera et ne le réunira pas…

Expliquer ensuite, comme on le fait à l’alinéa 11, que « lorsqu’il ressort de ses constatations ou d’informations portées à sa connaissance que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur », le maire peut proposer un accompagnement parental, me semble déraisonnable. Si on en est là, ce n’est plus au maire d’agir, mais au procureur !

Mme la Présidente – Veuillez conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde – J’y viens, Madame la Présidente, mais certaines choses doivent être dites. Ainsi, à l’alinéa 14, on parle du « chef d’établissement d’enseignement », ce qui est bien trop vague et ne vise pas les directeurs d’écoles ; si l’on vise aussi les inspecteurs d’académie, il faut le préciser. À l’alinéa 14, il est aussi prévu que « lorsqu’un accompagnement parental est mis en place, le maire recueille l’avis du président du conseil général, et qu’il en informe l’inspecteur d’académie, le chef d’établissement d’enseignement, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales et le préfet ». Mais pourquoi le maire devrait-il prévenir tous ces gens ?

Le comble est atteint à l’alinéa 15, qui dispose qu’« au terme de l’accompagnement, il est délivré aux parents ou au représentant légal du mineur une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ». Voilà qui me semble plus que spécieux ! Je souhaite la création d’un tel conseil et j’entends bien le présider, mais comment pourrais-je attester que les parents vont se comporter en bons parents ?

M. le Ministre délégué – L’article 6 tend favoriser l’aide aux familles par la création d’un nouvel outil. Le souci des enfants laissés à l’abandon justifie que l’on s’attarde sur les objectifs visés et il faudrait de très sérieuses raisons pour s’opposer à ce que le nouvel outils soit mis aux mains des maires. Il existe, c’est vrai, des contrats de responsabilité parentale, mais cela n’interdit pas d’instaurer une gradation pour viser à plus d’efficacité. Je le rappelle, il ne s’agit pas doter le maire d’un pouvoir de coercition sur les familles mais de lui permettre, bien conseillé, de prendre des mesures d’accompagnement adaptées.

La création du conseil s’inscrit dans le cadre des réseaux d’écoute et d’aide aux parents dont, contrairement à ce que vous avez dit, Madame Adam, le budget ne cesse d’augmenter. Il est passé de 8 millions en 2005 à 9 millions en 2006, et il doublera en 2007 pour s’établir à près de 18 millions. Le Gouvernement répond ainsi à une préoccupation largement partagée, et l’article 6 permettra aux maires de s’engager plus avant dans le développement de ces réseaux. Lorsque les communes se seront dotées de maisons des parents et que des mesures d’aide seront proposées, la formule sera, pour beaucoup, efficace. Mais, dans certains cas, cela ne suffira pas, Mme Guigou l’a dit, à ramener les parents à leurs responsabilités. Certains, c’est vrai, ont des excuses, mais la « culture de l’excuse » nous conduit souvent à baisser les bras alors qu’il faut en appeler à la responsabilité de chacun. Les parents incapables de faire face à leurs enfants et désemparés ont plus que tous autres besoin de l’aide de la collectivité. Mais si les mesures d’accompagnement décidées ne fonctionnent pas, alors viendra le temps du contrat de responsabilité parentale, dont nous avons voulu qu’il soit de la compétence du président du conseil général et de l’aide à l’enfance, qui ont une appréciation fine de la situation des familles…

M. Jean-Pierre Blazy – Mais pourquoi ne pas appliquer le droit commun ?

M. le Ministre délégué – …et qui peuvent user de l’élément de contrainte qu’est la suspension temporaire des allocations familiales. En dernier ressort, le président du conseil général peut saisir le juge, à qui il revient d’ordonner la mise sous tutelle des allocations familiales s’il l’estime nécessaire. On le voit, le dispositif est gradué, et il est conforté par le doublement du budget des réseaux d’aide aux parents.

Mme la Présidente – J’appelle les amendements 304 et 705 qui tendent à la suppression de l’article, sur lesquels je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Michel Vaxès – J’ai le sentiment, Monsieur le ministre, que nous vivons dans des mondes différents. Un incendie s’est déclaré dans une école maternelle de ma commune. Nous avons démasqué les auteurs de cet acte dans les 48 heures, avant la police – ce n’était pas très difficile, ils sont respectivement âgés de 6 et 9 ans… Ces enfants sont élevés par une mère seule. L’unique emploi qu’elle a trouvé, après s’être donné beaucoup de mal pour cela, est à 20 kilomètres de son lieu de résidence, et elle ne peut être chez elle, le soir, avant 19 heures. De quoi cette mère, qui n’a pas failli à ses responsabilités, a-t-elle besoin ? De « conseils » pour exercer ses responsabilités parentales ? Ou d’autre chose, que votre texte n’apporte pas…

Certes, le conseil des droits et devoirs des familles aura pour vocation de favoriser la coordination des dispositifs existants et le dialogue avec les familles intéressées, tout en servant d’instance de propositions, mais on peut douter qu’il y parvienne. Le projet de loi relatif à la protection de l'enfance, que nous n'avons pas encore examiné, prévoit de son côté une cellule opérationnelle de signalement et un accompagnement économique et social précoce des familles ayant des difficultés à gérer leur budget. Qui s’y retrouvera dans cette superposition de dispositifs ? En créant un nouvel échelon, vous ne ferez que rendre plus opaque un système déjà complexe. Pis encore, les familles se trouveront face à des injonctions contradictoires. Le défaut d’assiduité scolaire peut ainsi faire l'objet d'une réponse de la part de l'éducation nationale, d’un signalement auprès du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'autorité judicaire, mais il peut aussi être traité par le président du conseil général dans le cadre des contrats de responsabilité parentale, ou bien par le maire au sein du conseil des droits et devoirs des familles. Comprenne qui pourra !

La même confusion règne pour l'aide à la gestion et pour le contrôle des prestations familiales, qui peuvent entrer dans la compétence du président du conseil général, du maire ou de l’autorité judiciaire, si elle est saisie en vue d'une mesure de tutelle. Qui décidera de quoi ? Nous sommes bien incapables de le dire…

D’après l'exposé des motifs, ce conseil fournira « une occasion de dialogue aux familles intéressées », mais lesquelles ? Celles dont les comportements sont susceptibles de mettre l'enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui – cinquième alinéa –, celles qui pourraient compromettre l'éducation des enfants, la stabilité familiale et la tranquillité ou la sécurité publique – huitième alinéa –, ou bien celles qui menaceraient, en raison d’un défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire des mineurs, l'ordre et la sécurité ou la tranquillité publique – onzième alinéa ? Admettez que les critères retenus sont bien vagues ! Que désigne également la mention des familles ayant des comportements susceptibles de « causer des troubles pour autrui » ? Pourquoi laisser une telle place à l'arbitraire, alors que ces troubles sont déjà susceptibles de poursuites par l'autorité judiciaire ? Comment définit-on également le « défaut de surveillance » ? Et la « stabilité familiale » ? Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Sur ce point, le bon sens populaire ne fait que formuler l’exigence de la sécurité juridique, dont l’objet est de protéger les citoyens contre les incohérences, la complexité et les changements trop fréquents de la loi.

Enfin, comme l’observe la CNIL dans son avis, « l'accomplissement des missions dévolues au conseil des droits et devoirs des familles suppose que celui-ci puisse disposer d'informations individuelles. Se trouve ainsi institué un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, sans qu'aucune garantie soit apportée, ni sur l'origine des informations qui seraient utilisées pour procéder aux signalements, ni sur les critères employés, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations, ni sur leur confidentialité ». Selon le nouvel article L. 141–2, le maire pourra, en effet, proposer un accompagnement parental compte tenu de ses constatations ou des informations portées à sa connaissance. Mais qui l’informera ? Des particuliers ? Et de quelle façon ? Aurez-vous recours à la délation ?

Comme le reste du projet de loi, cet article considère certaines situations sociales précaires comme conduisant fatalement à la délinquance, point de vue que nous ne pouvons que rejeter. Voilà pourquoi nous proposons, par notre amendement 304, de supprimer l’article 6.

M. Jean-Pierre Blazy – Votre réponse ne nous a pas convaincus, Monsieur le ministre. Nous continuons à nous interroger sur l’intérêt de votre dispositif par rapport aux textes en vigueur : cet article nous semble non seulement inutile, mais risqué, voire dangereux. Vous avez essayé d’établir une hiérarchie entre le maire, qui devrait détecter les problèmes dans le cadre du conseil pour les droits et devoirs des familles, le président du conseil général, qui bénéficie pourtant de la compétence sociale de droit commun, et enfin – en dernier lieu seulement – la justice. Vous prétendez renforcer l’efficacité de la « machine à signalement », mais vous allez la ralentir ! Par l’amendement 705, nous souhaitons donc, nous aussi, la suppression de cet article.

M. le Rapporteur – Rejet.

M. le Ministre délégué – Même position.

Mme Henriette Martinez – Contrairement à mes collègues, il me semble que cet article présente bien des aspects positifs. À la notion d’autorité parentale, toujours susceptible d’excès et de détournements, nous substituons en effet le principe de la responsabilité des familles, qui ont des droits et des devoirs vis-à-vis de leurs enfants. Cet article procède également d’un louable souci de proximité et de collégialité, les rencontres qui ont déjà lieu à titre informel dans les communes étant des sources d’inspiration fructueuses. Par exemple, c’est en discutant avec les instituteurs et les animateurs de la MJC que j’ai découvert les difficultés éprouvées par les mères issues de l’immigration pour rencontrer leurs interlocuteurs. J’ai donc lancé un cours d’alphabétisation qui a porté ses fruits, puisqu’il a donné à ses bénéficiaires le courage d’aller parler aux institutrices et aux animateurs.

De tels échanges d’idées existent déjà, mais la loi permettra de formaliser les rencontres, tout en donnant une plus grande légitimité morale aux maires. Par ailleurs, nous pourrons généraliser ces échanges, y compris dans les communes où les maires n’en auraient pas pris l’initiative. Nous créerons enfin un échelon de responsabilité supplémentaire, susceptible d’éviter le dépôt de plaintes pour un oui ou pour non.

À la majorité de 18 voix contre 12, sur 30 votants et 30 suffrages exprimés, les amendements identiques 34, 304 et 705, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 176 vise à rendre facultative la création d’un conseil pour les droits et les devoirs des familles. La commission a en effet considéré que l’efficacité de ce dispositif dépendait de l’engagement effectif des communes, qui ne sauraient donc être obligées de l’instaurer.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

M. Jean-Pierre Blazy – Voilà qui réintroduit un peu de raison, comme le demande l’Association des maires de France. Nous sommes d’accord pour placer les municipalités au centre des politiques publiques de prévention de la délinquance, mais elles bénéficient déjà de la légitimité nécessaire. Mme Martinez nous a ainsi rappelé l’action qu’elle menait dans sa commune de Laragne…

Mme Henriette Martinez – Petite commune de 3000 habitants !

M. Jean-Pierre Blazy – Les maires ont donc déjà la légitimité pour agir en ce domaine. La loi sur la sécurité quotidienne leur a donné la base juridique nécessaire, et un conseil pour les droits et devoirs des familles n’apporterait rien de plus.

Cet amendement propose, heureusement, de rendre ce conseil facultatif. C’est une avancée, qui dénature d’ailleurs totalement le projet initial du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la famille. Voilà votre texte fourre-tout progressivement vidé de son sens. Il n’en reste pas moins dangereux et contradictoire avec l’objectif affiché de faire du maire le pivot du dispositif de prévention de la délinquance. Un peu de raison, fût-ce à cette heure tardive, est tout de même salutaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mais la méthode utilisée pour rendre ce conseil facultatif n’est pas la bonne. En laissant aux conseils municipaux la responsabilité de créer par délibération les conseils pour les droits et devoirs des familles, et ce pour atténuer les effets catastrophiques qu’aurait eus une mise en place obligatoire de ces conseils, vous modifiez le fondement sur lequel intervient le maire en ce domaine. Vous altérez ce qui justifie son intervention en tant qu’officier de police judiciaire, représentant de l’État, responsable de l’action sociale en tant que président du CCAS… Les maires ont en effet des capacités d’intervention propres, ne relevant pas des délégations que leur ont confiées leurs conseils municipaux.

L'amendement 176, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – Cela fait tomber les amendements 377, 285, 106 rectifié, 286, 97, 98, 530 et 434 rectifié.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mardi 28 novembre, à 15 heures.
La séance est levée à 0 heure 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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