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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 6 décembre 2006

Séance de 15 heures

37ème jour de séance, 82ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président – Comme il est de tradition chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions devraient en principe porter sur des sujets européens...

Lutte contre l’obésité des jeunes

M. Olivier Jardé – Ma question, à laquelle j’associe MM. Préel et Leteurtre, s’adresse au ministre de la santé. Monsieur le ministre, toutes les études, en France et en Europe, démontrent une augmentation importante de l’obésité, au point que certains parlent même d’épidémie. En 2005, 20 % de nos enfants étaient obèses à 8 ans. Pis, au sein de la population nationale, la proportion d’obèses augmente de 5,7 % chaque année. Or, 90 % des produits alimentaires dont on fait la publicité aux enfants sont très sucrés ou contiennent de nombreux corps gras. D’autre part, la catégorie socio-professionnelle des parents n’est pas indifférente : un quart des enfants des milieux les plus défavorisés sont obèses, contre seulement 10 % dans les familles de cadres.

L’obésité est une véritable maladie, qui entraîne échec scolaire, difficultés professionnelles, risques cardio-vasculaires. Faut-il aller jusqu’à interdire le soda, comme on le fait du tabac ? Je ne le pense pas. Des actions ont déjà été menées ; quelles en ont été les répercussions ? Monsieur le ministre, la situation est alarmante. Quelles mesures de prévention et de soin envisagez-vous pour éviter que nos enfants ne deviennent obèses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Président – Merci, monsieur Jardé, pour cette question européenne ! (Rires sur divers bancs) C’est pourtant l’UDF qui m’a demandé de faire respecter le principe de ces questions.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille – Je répondrai au nom du ministre de la santé, qui se trouve aujourd’hui à l’hôpital psychiatrique de Pau (Interruptions et rires sur les bancs du groupe socialiste). La France a été le premier pays européen à définir et appliquer, en 2001, un programme national « Nutrition et santé », lequel a été suivi par la loi de santé publique en 2004 et par un plan national « Nutrition et santé », adopté en septembre dernier. L’obésité est en effet devenue un phénomène majeur de santé publique, surtout pour les enfants : dans les années 1980, un sur vingt était atteint d’obésité ; aujourd’hui, la proportion est d’un sur six ! Le diabète touche deux millions de Français.

Avec le nouveau plan national de septembre 2006, c’est l’engagement des industries agricoles et alimentaires que le ministre a recherché. Ce plan s’adressera en priorité aux populations défavorisées. En 2007, les crédits de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé seront accrus de dix millions. D’autre part, à partir du 1er février, les industriels seront tenus d’apposer sur leurs publicités un bandeau alertant sur les dangers de l’obésité. S’ils manquent à cette obligation, ils se verront infliger une taxe égale à 1,5 % du montant de ces publicités. Vous voyez que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de franchir de nouvelles étapes dans le combat pour cette grande cause de santé publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CRISE DE L’industrie automobile

M. François Asensi – Monsieur le Premier ministre, l’industrie automobile est dans la tourmente. Nous sommes au début d’une crise dont l’ampleur dépassera celle de la sidérurgie.

Ce secteur procure dix millions d’emplois en Europe et 1,5 million en France mais, pour faire jouer le moins-disant social, et faute d’harmonisation fiscale, les entreprises délocalisent massivement. Les équipementiers, comme Deplhi et Valeo, suivent le mouvement. Des sites sont menacés partout en France. En un an, ce sont 8 400 emplois qui ont été détruits dans le secteur.

Or, le coût de la main-d’œuvre ouvrière ne compte que pour 7 % du prix d’une voiture, alors que la valeur ajoutée par salarié n’a cessé d’augmenter. La croissance nulle du troisième trimestre va pourtant accélérer la suppression d’emplois industriels, et des pans entiers sont menacés : câblage électrique, fonderies, décolletage, serrurerie… Face à ces difficultés, vous avez annoncé une aide de 400 millions. Mais quels résultats avez-vous obtenus avec les aides déjà attribuées aux cinq pôles de compétitivité de la filière ? Le Gouvernement doit arrêter la saignée et, s’il le faut, ester en justice contre toute procédure de licenciement collectif.

Tous les bassins d’emploi traditionnels, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, connaissent la même situation. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour sauvegarder l’emploi industriel et l’ingénierie, en concertation avec nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie – Cette question-ci a effectivement une dimension européenne, le problème touchant l’ensemble de l’Union, qui occupe une position très importante dans le secteur, puisque son industrie automobile représente 40 % de l’industrie automobile mondiale…

M. Maxime Gremetz – C’est mal barré !

M. le Ministre délégué – …contre 20 % pour les États-Unis et 40 % pour l’Asie. La France est le deuxième producteur européen, PSA occupant le deuxième rang des constructeurs derrière Volkswagen et Renault le quatrième.

Depuis le début de l’année, le nombre des immatriculations n’a crû que de 0,4 %. Il faut donc des mesures d’ajustement en France. Le Premier ministre les a annoncées la semaine dernière, et je les évoquerai en réponse à une question qui va venir (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Notre politique est au diapason de la politique européenne menée dans ce domaine. Un groupe de travail a été constitué auprès du vice-président de la Commission, M. Verheugen, et nous oeuvrons aussi bien en faveur de la recherche dans l’ensemble de la filière qu’au service de la protection de l’environnement, par exemple pour l’élaboration de normes communes.

M. Maxime Gremetz – Parlez-nous de Valeo !

M. le Ministre délégué – Des mesures sont donc prises aux niveaux national et européen. La France participe pleinement à cette construction d’une filière automobile européenne, ainsi qu’à sa défense au plan international (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

partenariat EURO-méditerranéen

M. Bernard Deflesselles – Ma question s’adresse au ministre des Affaires étrangères. « J’allais vers l’Orient compliqué avec des idées simples », disait le général de Gaulle, qui ajoutait que ces idées à l’évidence ne devaient pas être simplistes. Alors que certains s’essaient avec le bonheur qu’on sait à la diplomatie participative (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), concept nouveau, la France continue heureusement de porter une parole juste, et non pas juste une parole.

Un député socialiste – Ridicule !

M. Bernard Deflesselles – Il y a dix ans, à Barcelone, les pays européens et dix pays du sud de la Méditerranée se sont engagés dans un processus de partenariat privilégié, se fixant des objectifs ambitieux : démocratisation, bonne gouvernance, dialogue entre les cultures, libéralisation économique.

Ce processus de rapprochement n’avance pas aujourd’hui à la mesure des ambitions. C’est le constat dressé par les 240 parlementaires de ces 35 pays siégeant au sein de l’assemblée parlementaire euro-méditerranéenne. Ce projet essentiel a besoin d’une réelle volonté politique pour avancer, et la France doit y prendre une part prépondérante. Quelles initiatives notre pays va-t-il défendre pour relancer ce partenariat euro-méditerranéen ? Quelles ont été les propositions de la France au sommet de Tampere ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  Les 27 et 28 novembre derniers, se sont en effet retrouvés à Tampere les ministres des affaires étrangères des 25 États membres de l’Union européenne, ainsi que ceux des pays de la rive sud de la Méditerranée qui participent au processus euro-méditerranéen. Ces trente-cinq pays ont apporté leur soutien aux deux grandes avancées récentes dans la crise du Proche Orient : le cessez-le-feu décidé le 27 novembre entre Israël et les principaux mouvements, mais aussi la proposition du dialogue formulée par Ehud Olmert, seule solution pour régler le conflit après des mois d’impasse et d’affrontements militaires.

Il a également été décidé de lancer de nouvelles coopérations en matière d’éducation, d’enseignement supérieur, de santé, de nouvelles ressources énergétiques et, plus important encore, de migrations. Enfin, n’oublions pas que ce partenariat euro-méditerranéen est le seul cadre où Israël et les pays arabes peuvent encore se parler directement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

livret A

M. Jean-Pierre Balligand – Il y a quelques semaines, un député UMP interrogeait M. Jean-Louis Borloo sur l'avenir du Livret A, question essentielle dont les principaux aspects ont pourtant été éludés.

Distribué par la Banque postale et l'Écureuil, détenu par 46 millions de Français, le Livret A un outil d'épargne populaire, d'intégration bancaire et de financement du logement social, cette épargne étant centralisée par la Caisse des dépôts, puis prêtée à faible taux aux organismes HLM. Si l'avenir du Livret A est aujourd'hui menacé, il faut rétablir la vérité : ce sont les banquiers français – et non la Commission européenne – qui ont lancé la procédure conduisant à la contestation du monopole de sa distribution.

M. Jean-Pierre Soisson – Absolument !

M. Jean-Pierre Balligand – En faisant porter le chapeau à l’Union européenne, vous essayez d’éluder certaines questions, en particulier celle de l'alliance contradictoire nouée entre les Caisses d’épargne et le groupe des Banques populaires, principal opposant au monopole du Livret A. Et surtout, pourquoi votre gouvernement a-t-il suggéré à Bruxelles de ne pas annoncer sa décision avant les prochaines échéances électorales, s'il ne pressentait pas une réponse défavorable ? N'était-ce pas mentir aux Français et les priver d'un débat au moment le plus propice, à savoir la campagne présidentielle ?

Compte tenu des risques inhérents à une banalisation du Livret A, pourquoi n'engagez-vous pas dès aujourd'hui un débat le plus large possible sur l'avenir de l'épargne réglementée à la française, Monsieur le Premier ministre, si vous tenez à préserver l'épargne populaire, si vous voulez vraiment répondre à la crise du logement et si vous croyez en l'avenir de la CDC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Il existe suffisamment de sujets de divergence entre la droite et la gauche pour que nous ne divisions pas sur le Livret A, un des grands symboles de l’épargne française. Ce sont près de 50 millions de Français qui possèdent un Livret A (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) et nombreux sont ceux qui l’utilisent comme un compte bancaire.

À la très grande satisfaction de nos compatriotes, ce dispositif bénéficie d’une organisation spécifique depuis de nombreuses années, puisqu’il est distribué par les Caisses d’épargne, le Crédit mutuel et la Poste, et qu’il est un des principaux instruments de financement du logement social. Nous sommes aussi bien que vous attachés, au maintien de ce système : il n’y a aucune arrière-pensée ni de notre part, ni d’ailleurs de celle de la Commission européenne, qui est dans son rôle lorsqu’elle interroge la France sur cette spécificité française. Nous sommes de même dans notre rôle en répondant, point par point et de manière argumentée, aux questions de la Commission, comme l’a fait le Président de la République auprès du président de la Commission.

Évitons donc les polémiques et les procès d’intention, Monsieur Balligand. Vous qui êtes membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et des consignations, vous connaissez bien notre attachement au Livret A, dispositif que nous devons expliquer de façon pédagogique et simple à nos interlocuteurs. Vous verrez que nous parlons la même langue et que nous saurons nous montrer très convaincants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

réforme des tutelles

M. Laurent Wauquiez – Monsieur le Garde des Sceaux, ma question porte sur un sujet très sensible pour de nombreuses familles et pourtant ignoré depuis de trop nombreuses années : la réforme des tutelles.

La protection des majeurs vulnérables repose aujourd’hui sur deux lois anciennes, datant de 1966 et 1968, dont l’application concerne près de 700 000 personnes, placées sous tutelle ou curatelle. Compte tenu des redoutables défis posés par le grand âge, le handicap physique et la maladie d'Alzheimer, nous devons protéger les plus vulnérables de nos concitoyens, mais il faut avoir le courage de le reconnaître : le régime juridique actuel est totalement dépassé, étant devenu inhumain, inefficace et dangereux.

Il est tout d’abord inhumain, car le placement en tutelle signifie fréquemment une « petite mort » civile : les familles sont peu associées et, bien souvent, la personne vulnérable n’est que peu écoutée. Il est également inefficace : si les associations et les gérants privés de tutelles font un travail remarquable, ils sont de plus en plus submergés par les dossiers et souffrent d’un manque de reconnaissance. Le système actuel est enfin dangereux, car il n’offre pas de garanties suffisantes contre d'éventuels scandales ou fraudes.

Trop longtemps repoussée, une réforme des tutelles a été annoncée en 1997, avant d’être enterrée sous une pile de rapports. Nous avons été nombreux sur ces bancs, notamment, les présidents Houillon et Dubernard et notre collègue Blessig, à réclamer des avancées sur ce sujet et vous avez eu le courage, Monsieur le Garde des Sceaux, de présenter en conseil des ministres, la semaine dernière, un projet en ce sens. Pouvez-vous en préciser les grandes lignes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes – Allô ? Allô ?

M. Pascal Clément, Garde des Sceaux, ministre de la justice  Le sujet peut concerner de très nombreuses familles, toute personne âgée étant susceptible d’être placée sous protection juridique. Comme vous l’avez rappelé, j’ai proposé avec Philippe Bas de réformer notablement ce régime dont relèvent aujourd’hui 700 000 personnes, nombre qui pourrait atteindre un million en 2010.

Trop de personnes étant aujourd’hui placées sous tutelle alors qu’elles ne relèvent pas nécessairement de ce régime juridique, mais plutôt d’une protection sociale, nous limiterons les tutelles à celles dont les facultés mentales sont atteintes. Quant à celles qui seraient tombées dans la pauvreté ou dans l’alcoolisme, elles relèveront plutôt des conseils généraux. Nous serons ainsi en mesure de renforcer la protection de ceux qui continueront à bénéficier de mesures de tutelle, en leur offrant notamment une aide personnalisée et sociale.

Actuellement, on ne demande pas toujours son avis au bénéficiaire. Demain, il en ira différemment – on ne s’occupera plus, seulement, des affaires patrimoniales, mais aussi, comme il se doit, des droits de la personne.

Enfin, alors que le dispositif actuel ne prévoit aucun délai pour le contrôle des mesures prises, nous entendons revoir tous les cinq ans l’opportunité de maintenir ou non une tutelle ou une curatelle.

J’espère que l’unité du Parlement se fera sur cette grave question (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

plan de transport pour la vallée du Rhône et l’arc languedocien

M. Hervé Mariton – Le débat public sur la politique des transports dans la vallée du Rhône et l’arc languedocien est clos. Chacun a conscience des enjeux, capitaux, puisqu’il s’agit de compétitivité économique, de qualité de la vie et de liberté de mouvement. De ce débat est ressorti le refus très net du « tout routier » et de forte attentes d’intermodalité. À ces demandes, qui concernent Français et Européens, comment entendez-vous répondre, Monsieur le ministre des transports ?

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  Vous avez, à juste titre, souligné l’importance de ce dossier. Il en va en effet de l’avenir de la région et de la capacité des réseaux de transport à absorber le trafic dans le respect de l’environnement et de la tranquillité de la population. Prenant en considération les conclusions du débat public sur la politique des transports dans la vallée du Rhône et l’arc languedocien, Mme Olin et moi-même avons déjà annoncé diverses décisions. Nous entendons d’abord accélérer la réalisation de différents projets ferroviaires et fluviaux. Ainsi, la priorité sera donnée aux études relatives au contournement ferroviaire de Lyon, de Nîmes–Montpellier, à la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan, et à la desserte de la Drôme par le TGV (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). D’autre part, les équipements des ports fluviaux seront améliorés.

Le point sera fait dans cinq ans de l’impact sur le trafic routier des mesures prises en matière ferroviaire et fluviale et, dans l’intervalle, l’élargissement des autoroutes A7 et A9 n’est pas retenu. Toutefois, la gestion des flux sera améliorée par la modulation des péages, par des interdictions localisées de doubler pour les poids lourds prises en concertation avec la profession, et par le développement d’itinéraires alternatifs – les autoroutes A46 et A51 et les routes qui traversent le Massif central. Telles sont les décisions prises à l’issue d’un débat public particulièrement riche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

cmu et Accès aux soins

M. Jean-Paul Bacquet – Ma question s’adresse au Premier ministre. La semaine dernière, au Sénat, la majorité a adopté à l’instigation du Gouvernement un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui institue le secteur optionnel. Le dispositif permettra de nouveaux dépassements d’honoraires alors que le tiers des médecins en pratique déjà. Cette nouvelle atteinte au libre accès aux soins est d’autant plus scandaleuse que, dans le même temps, de dix à quinze pour cent des praticiens refusent de soigner des patients bénéficiaires de la CMU. Ces pratiques, qui vont à l’encontre du but que recherchait la gauche lorsqu’elle a créé la CMU, sont tout bonnement discriminatoires et, à ce titre, inacceptables. Pourtant, si ce n’est, timidement, le ministre de la santé, le Gouvernement n’a pas réagi, alors que les plus hautes autorités morales du pays – M. Didier Sicard, président du Comité national d’éthique, et M. Louis Schweitzer, président de la Halde, par exemple – s’indignent de ces comportements. Il n’est plus tolérable qu’une partie de la population soit privée de soins et que vous aggraviez le phénomène en instituant le secteur optionnel. Allez-vous, enfin, faire cesser ces discriminations et rétablir le suivi de l’application de la CMU, tel qu’il était prévu lors de la création du dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – La parole est à M. Bas. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille – D’une part, vous n’ignorez pas que la loi de financement de la sécurité sociale accroît les aides à l’acquisition d’une mutuelle (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). D’autre part, le Gouvernement ne vous a pas attendus (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) pour réagir comme il se doit aux refus de soins inacceptables opposés par certains praticiens aux bénéficiaires de la CMU. Ce sont en effet des discriminations injustifiables et inexcusables au regard des principes de la République, de la loi et de la déontologie.

Après qu’il a eu connaissance des conclusions d’une enquête conduite à ce sujet dans le Val-de-Marne, le ministre de la santé a saisi les ordres professionnels et les caisses d’assurance maladie. Il a également confié à M. François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales, mission d’analyser les causes de ce phénomène, d’en mesurer l’ampleur et de faire des propositions pour y remédier. Son rapport, qui est entre nos mains, sera rendu public. Déjà, nous avons fait pression sur l’ordre des médecins, sur celui des chirurgiens-dentistes et sur les caisses d’assurance maladie pour que des poursuites soient engagées à l’encontre des praticiens qui adoptent ce comportement discriminatoire. Toutes les sanctions applicables seront appliquées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Darfour

M. Michel Diefenbacher – À ma question, qui s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères, j’associe mon collègue Jacques Remiller, président du groupe d’amitié France-Tchad. Le bilan de quatre années d’horreurs au Darfour, ce sont 300 000 morts, 2,5 millions de personnes déplacées, 3,5 millions dépendantes de l’aide alimentaire, 250 000 laissées à elles-mêmes dans des conditions sanitaires épouvantables. Cette région est le théâtre d’une guerre civile sanglante où chaque jour, les milices armées Jenjawid, soutenues par les autorités de Khartoum, violent massivement les droits de l’homme et commettent des exactions inqualifiables. La situation sanitaire est aggravée par les difficultés que rencontrent dans leur travail les organisations non gouvernementales : embuscades, pillages, vols de matériels, de vivres, de médicaments sont leur lot quotidien, quand leurs personnels ne sont pas assassinés !

Par sa gravité et ses risques de contagion, cette guerre n’est pas sans conséquences diplomatiques. L’installation de camps de réfugiés aux frontières du Tchad et de la République Centrafricaine, le vivier qu’ils constituent pour les rébellions tchadienne et soudanaise, les attaques dont ils sont de plus en plus souvent la cible sans aucun respect des lignes-frontières constituent un risque majeur de déstabilisation pour l’ensemble de la région.

Après l’échec des initiatives de paix engagées depuis plus de deux ans, l’Union africaine a sollicité fin août une intervention du Conseil de sécurité des Nations unies. Celui-ci a décidé d’envoyer 17 000 Casques bleus mais leur déploiement s’est pour l’instant heurté au refus du gouvernement soudanais. Il semble toutefois que la position de ce dernier soit en train d’évoluer.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, alors que vous étiez au Soudan voici quelques jours et que le Premier ministre s’est lui-même rendu au Tchad, existe-t-il aujourd’hui une lueur d’espoir pour le Darfour et, partant, pour la stabilité politique de la région ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDF)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  La crise du Darfour est aujourd’hui incontestablement la plus inquiétante de toutes celles qui touchent le continent africain. Le risque est triple. Humanitaire tout d’abord : déjà 300 000 morts, 2,5 millions de personnes déplacées, des centaines de milliers de personnes privées d’accès à l’aide humanitaire. Politique ensuite, avec un risque de partition du Soudan et la remise en question des accords sur le Sud-Soudan, intervenus en janvier 2004 après vingt ans de guerre civile. Le troisième risque, le plus grave, est l’extension de la crise à l’ensemble de la région. Le Soudan est en effet le plus grand pays d’Afrique, avec neuf voisins, dont le Tchad et la République Centrafricaine.

La première urgence consiste à stabiliser la situation au Darfour. L’Union africaine a ainsi décidé à Abuja, le 30 novembre, de prolonger de six mois le mandat de la MIS, et le président soudanais Bachir a accepté une force internationale hybride, composée de forces de l’Union africaine sur le terrain, avec un soutien logistique des Nations unies.

La seconde urgence est de prévenir l’extension du conflit. Dans cette perspective, la France a proposé une présence internationale aux frontières du Tchad, du Soudan et de la République centrafricaine. Le président tchadien Déby en a accepté le principe à la suite de la visite du Premier ministre dans son pays. Pour autant, rien ne sera possible au Darfour sans application de l’accord politique dit d’« Abuja plus », que les groupes rebelles doivent signer avec le gouvernement soudanais. La France y travaille activement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

incinÉration des ordures ménagÈres

Mme Hélène Tanguy – Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

M. Augustin Bonrepaux – Et des ours !

Mme Hélène Tanguy – La France possède le plus important parc d’usines d’incinération d’ordures ménagères en Europe, même si leur nombre a été divisé par trois depuis 1998. Cette évolution s’est accompagnée de la mise aux normes des installations existantes et de la fermeture d’un grand nombre d’usines anciennes, remplacées par de plus récentes, si bien que les rejets ont beaucoup diminué. Les riverains s’interrogent toutefois sur l’incidence de ces installations sur leur santé. En effet, certains composés chimiques, notamment des dioxines, continuent d’être rejetés dans l’environnement et leur présence à des teneurs élevées demeure ponctuellement constatée dans des aliments tels que le lait de vache produit à proximité d’incinérateurs.

Des études conduites à l’étranger, hélas incomplètes, ont conclu que résider près d’un incinérateur présentait peu de risques. Mais en 2004, l’Institut de veille sanitaire a, en collaboration avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, lancé une étude nationale, financée dans le cadre du Plan cancer. Cette étude se distingue de toutes les études internationales déjà menées sur le sujet par son ampleur et la spécificité de son approche. Elle établit un lien statistique entre le niveau d’exposition aux effluents des incinérateurs dans les années 1970-1980 et l’augmentation de la fréquence de certains types de cancer dans les années 1990. Dès lors, quels choix avons-nous, nous, élus ? Le compostage et l’enfouissement ne constituent pas une panacée, puisqu’ils peuvent polluer la nappe phréatique. En matière d’élimination des ordures ménagères, aucune solution de traitement n’est parfaite.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire si les incinérateurs présentent ou non un risque sanitaire ? Quelles instructions comptez-vous donner concernant le parc actuel ? Quels investissements faut-il réaliser pour préserver les riverains de tout danger chimique provenant des rejets ? D’une manière plus générale, quelle est la politique du Gouvernement en matière de maîtrise et d’élimination des déchets domestiques et industriels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable – Qu’on le veuille ou non, l’incinération est un outil indispensable de la politique de traitement des déchets. En 2002, 36 incinérateurs ne répondaient pas aux normes : voilà le triste bilan du gouvernement Jospin qui illustre bien quelles sont les préoccupations environnementales des socialistes ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Dès 2002, nous avons accru la sévérité des normes et j’ai fermé d’autorité l’incinérateur de Poitiers qui n’y répondait pas (Mêmes mouvements). Ayant veillé à ce que l’ensemble des incinérateurs respecte les règles les plus strictes, nous pouvons garantir que tous sont aujourd’hui aux normes, avec une haute protection pour l’environnement et la santé. La santé ne préoccupait pas non plus beaucoup les socialistes… (Protestations persistantes sur les bancs du groupe socialiste). La vérité vous gêne ! (Le brouhaha couvre peu à peu la voix de la ministre)

Entre 1995 et 2005, les émissions de dioxines ont été divisées par dix. Elle l’ont de nouveau été par dix cette année grâce à l’action de ce gouvernement. Et aujourd’hui, les émissions totales annuelles issues des incinérateurs d’ordures ne dépassent pas dix grammes, soit trois fois moins que celles dues à la combustion du bois. Toutes les installations font l’objet de contrôles réguliers et inopinés. Deux cent cinquante postes supplémentaires de contrôleurs ont par ailleurs été créés depuis 2002.

Les études de l’INVS confortent l’action engagée par ce gouvernement et démontrent que les incinérateurs actuels ne présentent pas de risques sanitaires. Le mieux est certes encore de limiter la production des déchets. C’est pourquoi nous avons élaboré avec Dominique de Villepin un plan de réduction des volumes à traiter, dans le strict respect des normes de traitement. Vous pouvez donc, Madame la députée, rassurer les riverains : ce gouvernement a pris ses responsabilités car il ne transige pas, lui, avec la santé publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mines antipersonnel

M. Jean-Pierre Dufau – Madame la ministre de l’écologie est bien audacieuse si elle croit que son action va résoudre tous les problèmes de déchets ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. À l’initiative du groupe socialiste, la France a adhéré en 1998 à la convention d’Ottawa et a éliminé les mines antipersonnel de son arsenal. Malheureusement, trop peu de pays l'ont suivie dans cette voie. Le 29 octobre dernier, notre pays a décidé de ratifier le protocole V de la convention de 1980 : portant sur les restes de guerre, c’est le premier accord international exigeant des parties à un conflit armé qu'elles procèdent à l'enlèvement de toutes les munitions non explosées qui tuent les civils, les membres des forces du maintien de la paix et le personnel humanitaire.

Si l'Allemagne et une vingtaine de pays ont fait de même, ce n’est pas le cas des États-Unis, de la Chine, de la Russie et des États du Moyen Orient notamment, ce qui limite la portée du protocole. Or les événements du Liban soulignent toute l’acuité du problème et en Asie du sud-est, des pays attendent depuis vingt-cinq ans qu’on les débarrasse de ces munitions explosives.

La France préside la conférence internationale sur le désarmement. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour pousser d'autres grands pays à limiter, voire interdire, l'utilisation de munitions qui menacent les populations civiles et à dépolluer les sites touchés après les conflits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense – Les mines antipersonnel et les bombes à sous-munitions sont une menace pour les populations civiles après la fin des conflits. La France a toujours été à l’initiative des conventions qui tendent à éliminer les mines antipersonnel et à limiter l’impact et le nombre des bombes à sous-munitions. En outre, nous aidons certains pays à déminer. Récemment encore, un de nos militaires a perdu la vie au cours d’une de ces actions. C’est pourquoi nous essayons aussi d’agir sur le plan technique pour mettre au point des mécanismes qui rendraient de moins en moins dangereuses les bombes à sous-munitions qui n’ont pas explosé. Nous essayons aussi de convaincre un nombre toujours plus grand de pays d’appliquer, comme nous, les conventions sur l’interdiction, sur l’obligation de dépollution et sur la recherche des moyens de limiter les effets à retardement de ces armements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Taux réduit de tva pour les travaux dans le bâtiment

M. Ghislain Bray – Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget. En février 2006, le Gouvernement a obtenu, à la suite de négociations très difficiles avec nos partenaires européens, la reconduction jusqu’au 31 décembre 2010 du taux réduit de TVA pour les travaux dans le secteur du bâtiment.

M. Maxime Gremetz – À qui pensez-vous en posant cette question ?

M. Ghislain Bray – Cette mesure est positive pour l’emploi et la lutte contre le travail au noir. Cependant, depuis quelques jours, les professionnels s’inquiètent. On a pu lire ici ou là que, à la faveur d’un décret d’août dernier, l’administration chercherait à restreindre le champ de ce taux réduit. Cela pénaliserait à la fois les nombreux Français qui souhaitent améliorer leur logement et les artisans qui pâtissent déjà des lourdeurs administratives qui accompagnent ces travaux de rénovation. Qu’en est-il exactement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État – Un article a semé le trouble sans raison et provoqué, en quelque sorte, une tempête dans un verre d’eau. C’est très simple : Il n’a jamais été question de « raboter » l’application de la TVA à 5,5 % pour les travaux, mais de la stabiliser. C’est très exactement l’objet du décret que j’ai pris en août dernier, en concertation avec les professionnels, pour fixer la règle du jeu de manière à éviter les contentieux fiscaux. Il s’agit simplement de distinguer ce qui est construction neuve, et ne relève pas de la TVA à 5,5 %, et ce qui est travaux de rénovation dans les logements. En outre, on a simplifié les formulaires pour qu’il n’y ait plus ni ambiguïté ni perte de temps pour les artisans. Je me propose d’en envoyer un exemplaire à chacun de vous, et le formulaire lui-même sera mis en ligne la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PLan de soutien au secteur automobile

M. Michel Heinrich – Ma question s’adresse au ministre délégué à l’industrie. Le secteur de l’automobile est un des piliers de notre économie avec 9 milliards de chiffre d’affaires et 6 millions de véhicules produits par an. Il représente un enjeu pour l’emploi, avec plus de 1 500 000 salariés, et pour l’innovation en ce qui concerne l’environnement et l’énergie. Les équipementiers, en particulier, sont confrontés à des difficultés importantes et leurs ventes ont diminué de 7,6 % au premier semestre. Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un plan de soutien du secteur automobile, destiné à encourager l’innovation. Quelle en est la teneur ?n (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie – Le secteur automobile traverse une passe difficile. Le nombre d’immatriculations stagne en Europe, et en France il baisse, ce qui se traduit par des difficultés, essentiellement chez les équipementiers. Cela étant, la semaine dernière j’ai inauguré à Tulle l’usine d’un équipementier américain qui se développe car il sait innover et est donc capable d’anticiper l’évolution des marchés vers l’automatisation et l’utilisation du diesel. C’est donc bien en aidant l’innovation que nous préparons l’avenir et, dans cette optique, le Premier ministre a décidé la semaine dernière un certain nombre d’actions extrêmement importantes.

Nous allons d’abord nous appuyer sur les cinq pôles de compétitivité et sur l’Agence de l’innovation industrielle. Nous dépenserons 250 millions d’euros entre 2006 et 2007 – à comparer aux 20 millions de 2004 – pour permettre à cette industrie de prendre beaucoup plus vite position sur les marchés en croissance.

Nous allons d’autre part permettre aux constructeurs d’investir davantage dans la recherche, en déplafonnant le crédit impôt recherche, qui passera de 8 à 16 millions, ce qui représentera une aide supplémentaire de 120 millions.

Ensuite, Gérard Larcher mettra en place un plan d’accompagnement de 20 000 personnes, à la fois pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et pour toutes les situations qui appellent cet accompagnement. 150 millions d’euros sont prévus à cet effet.

Les délais de paiement constituent un des grands problèmes de l’industrie automobile. C’est pourquoi nous avons mis au point un code de bonne conduite entre constructeurs et équipementiers de rang 1, 2, 3, 4… Nous demandons aux constructeurs d’améliorer encore ce code de bonne conduite d’ici au 15 janvier et de négocier à cet effet, faute de quoi nous reprendrions la proposition de loi de Martial Saddier, qui travaille sur la question depuis plusieurs mois, et nous obligerions les constructeurs à respecter de meilleurs délais de paiement.

Vous voyez que nous nous servons de toute une palette pour donner à l’industrie automobile et aux équipementiers les moyens de construire leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de Mme Mignon.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

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modernisation du dialogue social (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation du dialogue social.

ArtICLE premier

M. Francis Vercamer – Cet article constitue l’essentiel du texte. Il vient après quelques amendements, cavaliers déposés surtout par les groupes socialiste et communiste, qui tentaient de modifier le code du travail sans dialogue social préalable – ce qui est pour le moins étrange lorsqu’on connaît l’objet du projet de loi. Mais cet article n’est guère qu’un engagement, tout juste un peu plus solennel que celui pris par François Fillon, alors ministre des affaires sociales, dans l’exposé des motifs de la loi de 2004 et qui n’a jamais été appliqué. Il est en effet présenté dans une loi ordinaire, qui ne sera appliquée que sous la législature prochaine et pourra d’ailleurs être modifiée par une autre loi ordinaire. Ce qui n’a pas empêché le Gouvernement de prévoir aussi des dérogations, en cas d’urgence déclarée…

Le groupe UDF reste donc perplexe. Il souhaitait un texte d’ordre organique, seul susceptible de garantir que les gouvernements futurs passent par la voie du dialogue social avant de modifier le code du travail. Il a donc déposé des amendements sur cet article, le plus important tendant à supprimer cette déclaration d’urgence.

M. Maxime Gremetz – L'article premier de ce projet de loi n'est qu'une étape d’une réforme globale, réforme que le Gouvernement réduit à une concertation préalable avant toute délibération législative, ce qui est bien peu. Nous ne nous opposerons naturellement pas à cet article : une meilleure concertation est en effet un impératif en matière sociale. Mais qu’une majorité qui, depuis cinq ans, a ignoré jusqu’au principe de telles relations présente un tel texte, c’est tout un symbole ! C’est tout de même elle qui a multiplié les initiatives pour priver les salariés de leur droit d'expression et de consultation, elle qui a enchaîné les cavaliers législatifs sans concertation – comme l'amendement 35 heures dans l’hôtellerie–restauration, la réforme du temps de travail pour les salariés agricoles ou l'amendement transport, autant de mesures lourdes de conséquences et imposées en catimini. C’est surtout elle qui a connu l’échec du CPE – un succès pour le mouvement social. Cet épisode a illustré le mépris de ce gouvernement pour la jeunesse et le monde du travail : un amendement de cinq pages, véritable réforme législative en soi, déposé, sans concertation, la veille du débat sur le projet de loi sur l’égalité des chances, constitue à lui seul un déni de dialogue social !

Toutes ces péripéties vous conduisent aujourd'hui à proposer une réforme, mais bien peu révolutionnaire. En définitive, vous vous contentez de reprendre les amendements que nous avions proposés sur différents textes, que vous aviez rejetés et qui correspondent ni plus ni moins à ce que devrait être la pratique normale d'un gouvernement à l’égard des partenaires sociaux. Nous acceptons toutefois cette réforme, sous réserve de quelques aménagements pour éliminer les zones d'ombres qui subsistent – je pense notamment au déclenchement de la négociation ou aux thèmes concernés, qui devraient inclure la protection sociale. J’espère enfin que le Gouvernement acceptera l’amendement du rapporteur, que nous avons cosigné, sur la motivation de l'urgence. Ces éléments donneront un peu plus de relief à votre projet de loi, qui fait toutefois bien pâle figure face aux attentes du monde du travail. On ne peut pas se plaindre de son existence, mais on peut regretter qu'il ait dû attendre la fin de la législature et qu’il soit si limité.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires sociales – L’amendement 1 est particulièrement important. Il conforte l’esprit du texte, qui place la notion de dialogue social en première page du code du travail – c’est la première fois qu’elle est ainsi inscrite dans le marbre. La commission a souhaité préciser ce qu’est ce dialogue social, sans en donner une définition mais en reprenant les procédures présentées dans le texte lui-même : concertation, consultation et information. Ces trois termes sont donc placés en intitulé, ce qui a l’avantage de la clarté et de la simplicité.

Un sous-amendement a été déposé, ainsi qu’un amendement en discussion commune. J’insiste sur le fait que nous avons voulu donner le plus clarté possible au projet de loi, qui introduit trois articles dans le code du travail. L’article L. 101-1 prévoit une procédure de concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. C’est le Gouvernement qui engage la procédure, en mettant à leur disposition un document d’orientation. Les partenaires sociaux décident alors d’engager une négociation, ou non. Le cas échéant, la négociation aboutit à un accord. La négociation est donc une composante de la concertation : elle n’a lieu que si les partenaires sociaux le souhaitent. C’est pour cette raison que ce terme ne figure pas dans l’intitulé que nous proposons. L’article L. 101-2 établit une procédure de consultation sur les projets de textes législatifs et réglementaires du Gouvernement. La procédure d’échange d’information, enfin, est prévue par l’article L. 101-3. Cet amendement ne propose donc pas une définition abstraite du dialogue social, mais renvoie de façon précise et concise à ses éléments essentiels.

M. Maxime Gremetz – L’amendement crée un intitulé rendant compte des trois procédures prévues par le projet de loi. Le sous-amendement 16 propose de compléter cet intitulé par le terme de « négociation ». Le dialogue social en lui-même ne veut rien dire : tout le monde peut s’écouter poliment, sans résoudre en rien les problèmes ! On a tout intérêt à bien montrer que l’information, la consultation et la concertation ne vont pas l’une sans les autres, et vont de pair avec la négociation. Certes, vous faites valoir que la négociation n’est pas obligatoire. Mais, refusant qu’elle soit inscrite dans l’intitulé, vous limitez le champ de la loi, alors qu’elle y est tout de même expressément prévue ! Si ce sous-amendement n’a pas véritablement de raison juridique, il a au moins une valeur symbolique.

Mme Martine Billard – Le Gouvernement a décidé de toiletter le code du travail pour éviter des divergences dans les définitions liées à des périodes d’écriture différentes. Il est important de garder cette préoccupation à l’esprit dans nos travaux. Si cela peut paraître un débat de sémantique, il s’agit en réalité d’un débat de cohérence.

L’Organisation internationale du travail donne une définition du dialogue social : « incluant tous les types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs sur des questions présentant un intérêt commun relatif à la politique économique et sociale ». L’OIT parle donc bien de « négociation ». Monsieur le ministre, dans l’article 2, qui modifie l’alinéa 2 de l’article 136-2 du code du travail, vous aviez supprimé la mention de la négociation collective, et ce n’est qu’après que la CGT s’en est émue que vous l’avez rétablie. Il me semble important d’assurer une cohérence terminologique. Tel est l’objet de l’amendement 46 rectifié.

J’ajoute qu’à terme, il faudra que ce chapitre réintègre les articles concernant la représentativité syndicale, à défaut de quoi il ne contiendrait en fait qu’une définition du dialogue social.

M. le Rapporteur – Mme Billard demande de la cohérence. Or, le titre proposé par son amendement ne retient pas le terme essentiel de « concertation », qui donne véritablement sa dimension au texte et son sens à la réforme. Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes – L’amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission crée un intitulé « Procédures de concertation, de consultation et d’information » qui fait bien le tour des procédures du dialogue social. J’y suis favorable.

M. Gremetz souhaite, avec son sous-amendement, apporter de la précision. Or, la concertation ouvre la possibilité de la négociation, si les partenaires sociaux le souhaitent. Je lui demande donc de retirer son sous-amendement.

Mme Billard ayant évoqué la recodification en cours, j’informerai la représentation nationale de l’avancement de ces travaux. La phase administrative, recueillant l’expertise de différentes groupes et commissions, est achevée ; je vous renvoie au rapport du président de la Commission supérieure de codification, qui salue le caractère exemplaire du travail mené, et je remercie l’ensemble des personnes qui y ont contribué, en particulier le directeur général du travail. C’est un travail complexe, qui a été effectué en liaison avec les partenaires sociaux ; le droit social ne saurait être approximatif. Le Conseil d’État va maintenant être saisi, et une ordonnance pourra être publiée, vraisemblablement en mars 2007.

Si je demande à Mme Billard de retirer son amendement, ce n’est pas par dédain, mais parce que nous pensons que l’ensemble des dispositifs est contenu dans l’intitulé de l’amendement présenté par le rapporteur.

M. Jean-Pierre Soisson – Je me rallie à la proposition du rapporteur. Mme Billard a raison de dire que la seule définition existante du dialogue social est celle de l’Organisation internationale du travail. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une définition juridique, mais plutôt d’une définition du champ de compétences susceptibles d’être couvertes par le dialogue social, au premier rang desquelles la négociation.

Pour la première fois, sera inscrite dans notre code du travail une définition du dialogue social. M. Perrut, avec son triptyque, passera à la postérité…

M. Maxime Gremetz – Non !

M. Jean-Pierre Soisson – …même si c’est par la petite porte, avec un intitulé de chapitre. Peut-être qu’un jour, ce sera avec un ou deux articles entiers !

En ce qui concerne la rédaction de cet intitulé, toute concertation ne se conclut pas nécessairement par une négociation. En écrivant « négociation », nous préjugerions du résultat.

M. Alain Vidalies – Sommes-nous en train de débattre de questions littéraires, ou bien faut-il s’attendre à des conséquences juridiques ? L’amendement du rapporteur reprend les points visés à l’article, sauf la négociation, qui apparaît pourtant à plusieurs reprises, comme au troisième alinéa : « Lorsqu’elles font connaître leur intention d’engager une telle négociation ». Cette exclusion, si elle n’est pas un oubli, sera interprétée comme ayant un sens, en particulier sur le problème posé par cet alinéa et qui est de savoir comment les organisations syndicales feront connaître leur intention d’engager cette négociation. Cela pourrait conduire à exclure les procédures de négociation prévues dans le code du travail, notamment celles relatives à la constitution d’une majorité. Je ne pense pas que telle soit votre intention, puisque le ministre nous dit que la concertation inclut la négociation, mais nous prenons des risques à ne pas le mettre dans l’intitulé.

M. Maxime Gremetz – Le rapporteur a répondu sur l’amendement de Mme Billard, mais pas sur le mien, qui ne supprime aucun terme. Alors que vous nous dites qu’il s’agit d’une grande avancée dans le dialogue social, vous affaiblissez votre propre projet de loi en ne mentionnant pas la « négociation ». C’est du dogmatisme ! Tous les articles parlent de négociation, les premières lignes même de votre texte : « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui est susceptible de donner lieu à une négociation ».

Vous vous rendriez service en reprenant mon amendement, au lieu d’en rester par pure frilosité à la concertation, la consultation et l’information. Toutes ces procédures traditionnelles ne servent à rien, si c’est toujours la direction des entreprises qui décide.

Mme Martine Billard – Je retire mon amendement 46 rectifié, au profit du sous-amendement 16 de M. Gremetz.

L'amendement 46 rectifié, est retiré.
Le sous-amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – C’est insuffisant, mais c’est déjà ça ! Je ne suis pas un tenant du « tout ou rien » !

Mme Martine Billard – Par l’amendement 48, nous proposons d’ajouter les garanties sociales aux sujets prévus par l’article premier – relations individuelles et collectives du travail, emploi et formation professionnelle. Comment comprendre que les garanties sociales ne puissent être l’objet du dialogue social alors qu’elles sont placées par l’article L. 131-1 du code du travail dans le champ des conventions et des accords collectifs de travail ?

N’est-il pas étrange que la CNNC puisse se prononcer sur les garanties sociales, puisque l’article 2 lui demande d’émettre un avis sur les projets de lois et de décrets du Gouvernement, cependant que les partenaires sociaux ne pourront en discuter aux termes de l’article premier ? Pourquoi un tel écart entre les deux articles de ce projet de loi ? Enfin, je ne suis pas convaincue que les partenaires sociaux pourront se saisir de tous ces sujets dans les autres instances de concertation existantes.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Le champ de ce projet de loi a en effet été l’objet d’une longue concertation avec les partenaires sociaux : comment pourrions-nous aller à l’encontre des sujets qu’ils ont choisis – relations individuelles et collectives du travail, emploi, formation professionnelle ?

Il est vrai, Madame Billard, que ces matières ne correspondent que partiellement au champ couvert par l’article L. 131-1 du code du travail, mais on pourrait également citer d’autres thèmes qui ne sont pas visés par ce projet de loi, comme les retraites de base et l’assurance maladie. Sur tous ces autres sujets, la concertation existe également, mais au sein d’autres organes.

Soucieux de clarté, mais aussi de l’efficacité de la concertation, tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce projet de loi ont par ailleurs choisi de s’en tenir au champ de compétences relevant traditionnellement du ministère de l’emploi, afin d’éviter de compliquer la concertation par l’intervention d’autres acteurs, les ministères de la santé et de l’économie par exemple. La commission souhaite que l’on respecte l’esprit dans lequel ce texte a été préparé.

M. le Ministre délégué – À la suite d’une longue concertation, engagée par le rapport de Jean-Dominique Chertier et menée notamment au sein de la CNNC, nous avons abouti à un texte d’équilibre, qui s’en tient au champ de compétences du ministère du travail. Certains partenaires souhaitaient effectivement inclure d’autres sujets, comme la protection sociale et l’assurance maladie, mais j’aimerais que nous en restions au compromis qui a été élaboré.

Le Parlement et le Gouvernement conservent naturellement toute leur liberté, rappelait hier Jean-Pierre Soisson, mais il serait bon de ne pas toucher au fruit de la concertation. Je respecte trop l’esprit du dialogue social pour donner un avis favorable à cet amendement.

M. Francis Vercamer – Je voudrais aborder de nouveau le problème des cavaliers, que j’évoquais déjà hier. Avec le soutien du Gouvernement, le Sénat a en effet profité du texte sur la participation pour introduire des modifications substantielles dans le code du travail, portant notamment sur les conseils de prud’hommes, organismes paritaires par excellence.

Le ministre affirme qu’il ne se sent pas engagé par le texte, puisque la Constitution lui permettrait d’aller au-delà… Mais à quoi bon organiser le dialogue social si le Gouvernement se permet de faire passer toutes les dispositions qui l’arrangent au moyen de cavaliers déposés par des députés UMP ? Ce serait encore un coup d’épée dans l’eau !

M. Jean-Pierre Soisson – Je vous invite à suivre l’avis de la commission et du Gouvernement en nous limitant au cœur des compétences du ministère du travail. Ce n’est pas parce que nous avons péché sur d’autres textes, Monsieur Vercamer, que nous devons continuer à le faire…

M. Francis Vercamer – Ce n’était pas plus tard que la semaine dernière. (Rires)

M. Alain Vidalies – M. Soisson affirme que le Gouvernement a beaucoup péché, mais que c’est fini. Je prends bonne note d’une telle repentance. (Sourires)

Il reste que vous persistez dans vos erreurs – pas nécessairement à votre initiative, Monsieur Larcher, mais le Gouvernement forme un tout ! Certains amendements déposés au Sénat viennent par exemple de remettre en cause les droits du comité d’entreprise de la Banque de France.

M. Maxime Gremetz – Tout à fait !

M. Alain Vidalies – Puisque ces pratiques sont censées être derrière nous, j’espère que vous allez prendre toutes les mesures nécessaires pour y remédier.

M. Maxime Gremetz – Je propose de reconnaître par un vote ce principe : « c’est fini », vous ne recommencerez plus ! (Sourires)

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Vous nous demandez de nous en tenir au champ du travail, mais il faudrait être très fort pour savoir exactement de quoi il retourne – où placer la question des cadences des accidents du travail et des maladies professionnelles ? J’ai été amianté, mais ça n’entrerait pas dans le champ du code du travail ? Évitons les définitions trop restrictives !

Avec l’amendement 17, élaboré en concertation avec les organisations syndicales, nous proposons d’élargir à la protection sociale la concertation prévue par cet article premier. Il faudrait être, soit moins précis dans la rédaction de cet article, soit au contraire plus exhaustif : parmi tous les thèmes sur lesquels une négociation sociale doit avoir lieu, n’oublions pas la protection sociale, au sens le plus large du terme. En effet, les partenaires sociaux sont parfaitement habilités à négocier sur les sujets tenant au statut du salarié – assurance maladie, retraites, prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail, ou encore assurance-chômage… Traitez enfin le salarié comme un citoyen sur son lieu de travail ! Ce n’est pas qu’un bras actionnant une machine !

La protection sociale étant financée par les salaires différés, il est légitime qu’une concertation préalable s’exerce lorsqu’un texte en traite.

M. Paul-Henri Cugnenc – Existe-t-il quelque chose qui ne soit pas financé par le travail ?

M. Maxime Gremetz – La réforme de l’assurance maladie et des retraites a d’ailleurs donné lieu à concertation. Pourquoi l’obligation de concertation en ces matières ne serait-elle pas sacralisée dans la loi ? Le système de protection sociale appartenant aux salariés…

M. Paul-Henri Cugnenc – Elle appartient à tous les Français, pas à un clan !

M. Maxime Gremetz – …il n’y a pas lieu de laisser s’exercer une forme de centralisme bureaucratique tel que quelques spécialistes traitent entre eux de ces choses.

M. le Rapporteur – Il est exact que, sur le plan formel, les deux amendements ne sont pas strictement identiques. Toutefois, si le temps nous était donné d’un débat sur les notions de « protection sociale » et de « garanties sociales », il en ressortirait qu’elles sont très proches. Cela étant, la commission a repoussé l’amendement, pour les raisons déjà dites : elle ne souhaite pas élargir le périmètre de la procédure de concertation au delà de ce qui est prévu dans le projet.

M. le Ministre délégué – Même avis. S’agissant de l’importante question de la santé au travail, élément clef du dialogue social, je tiens à souligner que tout ce qui a trait à la prévention est du ressort du ministère du travail, les mesures de réparation relevant du code de la sécurité sociale. Une négociation interprofessionnelle est en cours mais j’insiste sur le fait que ce qui a trait à la prévention est réellement couvert par le texte.

Dans un autre domaine, je vous rappelle, Monsieur Vidalies, que deux conseils supérieurs de la prud’homie se sont tenus – le deuxième fin octobre – et je puis vous indiquer qu’un compromis a été trouvé que le projet ne remet pas en cause dans les instances existantes.

M. Alain Vidalies – Je vous remercie de ces précisions, Monsieur le ministre, mais il n’empêche : faute de connaître la teneur précise du décret qui sera pris, les conseillers prud’homaux salariés éprouvent les plus vives inquiétudes. Si le Gouvernement ne les apaise pas, sachez que l’on s’achemine vers un conflit. Jusqu’à présent, les conseillers salariés ont tenu à éviter la grève des audiences pour ne pas pénaliser les salariés demandeurs, mais il est de votre responsabilité de mesurer ce risque. Nous sommes saisis, comme vous devez l’être, par tous les conseils de prud’hommes, et le mouvement prend une ampleur incontestable. Si vous avez des précisions à apporter sur le contenu du décret, faites-le sans attendre, sinon des difficultés de fonctionnement des juridictions sont largement prévisibles.

M. le Ministre délégué – J’étais présent lorsque le procureur général Desclaux a remis son rapport au Garde des Sceaux, ce qui vous montre l’attention que je porte à ces questions. Je vous rappelle que, jusqu’à présent, tout reposait, en matière d’indemnisation des conseillers, sur des circulaires qui ont été considérées comme illégales. Le Gouvernement se devait de remettre les choses en ordre. Comme je l’ai exposé aux conseillers prud’homaux, salariés et patronaux, que j’ai rencontrés, il n’était pas question de laisser perdurer une situation juridiquement instable qui pouvait conduire à des procédures en récupération d’indemnités illégalement versées – cette hypothèse a été évoquée devant moi. Je suis certain que les voies de l’apaisement seront trouvées.

M. Maxime Gremetz – Comme l’a souligné M. Vidalies, l’inquiétude est grande, mais le pire n’est pas obligatoire et si le Gouvernement indiquait la teneur du décret, les esprits s’apaiseraient peut-être. Mais puisque nous évoquons les conseillers salariés, comment taire leur légitime revendication ? Comment ignorer le nombre dérisoire de ceux qui sont rémunérés lorsqu’ils doivent quitter leur travail pour aller plaider en faveur d’un autre salarié ? Si l’on veut préserver cette spécificité française, si l’on veut que ces juridictions jouent leur rôle, il faut redéfinir ce que l’on attend des conseillers et leur donner les moyens d’agir.

M. Jean-Pierre Soisson – L’opposition utilise manifestement ce texte pour traiter de thèmes connexes mais nous devons nous en tenir strictement au projet tel qu’il a été examiné par la commission. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains

Mme Martine Billard – Vous ne voterez donc plus jamais aucun cavalier ?

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente – Je suis saisie de l’amendement 2, qui devrait faire l’unanimité.

M. le Rapporteur – Certainement, mais cela ne me dispense pas d’en exposer la teneur. Il s’agit en effet, par l’amendement 2, de lever toute ambiguïté en ne donnant plus à penser qu’il existerait une marge de subjectivité dans le choix des projets de réforme soumis à concertation. Cela ne correspond pas à l’esprit d’un texte qui tend à renforcer le dialogue social. L’amendement a été adopté en commission à l’unanimité des commissaires présents.

M. le Ministre délégué – Avis favorable à l’amendement, qui n’est pas seulement formel, car la procédure de concertation vise les réforme de portée générale et non pas sectorielles.

M. Jean-Pierre Soisson – L’amendement a pour autre avantage une langue plus soignée.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Censi – L’amendement 38 n’est pas que de précision, comme l’exposé sommaire le laisse entendre. En effet, la notion de négociations et d’organisations « nationales et interprofessionnelles » peut prêter à confusion dans la mesure où la négociation nationale strictement « interprofessionnelle » couvre uniquement les branches couvertes par le Medef, la CGPME et l’UPA. Quelle place est donc faite aux professions agricoles et aux professions libérales, qui ne sont pas concernées par « l’interprofession » ?

La Commission nationale de la négociation collective intègre les organisations syndicales agricoles et des professions libérales, m’objectera-t-on. Mais ne donnons pas l’impression qu’il existerait en quelque sorte de grands syndicats, susceptibles de négocier pour les autres, et des syndicats mineurs, notamment ceux de l’agriculture et des professions libérales, qui n’interviendraient qu’en second et n’auraient plus alors qu’à s’adapter aux positions des premiers. La spécificité incontestable de ces deux secteurs ne signifie pas qu’ils doivent être traités à part dans la négociation collective nationale.

Un pas en avant a été fait en intégrant les organisations agricoles et des professions libérales à la CNNC mais il faut aller plus loin. D’où l’amendement visant à introduire après les mot « négociation nationale et interprofessionnelle » les mots « ou au niveau intersectoriel des professions agricoles et libérales ». Il serait en effet dommage qu’à défaut d’organisations représentées au niveau pertinent, apparaissent une fois de plus des coordinations et des collectifs.

M. le Rapporteur – L’amendement 38 n’est pas de précision, mais de fond. Nous savons combien M. Censi, de par ses responsabilités et son attachement au milieu rural, est attentif à l’organisation et à la représentation du monde agricole. Mais son amendement n’est pas conforme à l’esprit du texte. Le champ de négociation auquel ouvre la phase de concertation prévue à l’article L. 101-1 du code du travail a été très clairement défini depuis le début de la préparation de ce projet de loi. Il s’agit de permettre aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, et à elles seules, de négocier sur tous les projets de réforme du droit du travail. Mais comme l’a indiqué le ministre devant la commission, le texte est assez souple pour trouver à s’appliquer aussi le jour où les règles de représentativité, donc la définition des organisations représentatives, auront été modifiées.

Ce texte, faut-il le rappeler, n’est qu’une première étape, fût-elle décisive. Pour l’instant, les organisations d’employeurs représentatives sont au nombre de trois, et de trois seulement. L’argument selon lequel d’autres qu’elles participent aux réunions de la CNNC ne peut être retenu. Il montre au contraire que les organisations, même aujourd’hui non représentatives au sens du code du travail, pourront être impliquées dans certaines phases du dialogue social. Siégeant à la CNCC, elles seront de fait associées. Le ministre pourra, je l’espère, vous rassurer à ce sujet.

M. le Ministre délégué – Répondant sur l’amendement précédent, j’évoquais le niveau interprofessionnel. Vous évoquez, Monsieur Censi, le niveau intersectoriel. Votre amendement n’est pas technique : il remettrait en question l’équilibre que nous nous sommes efforcés de trouver. Nous allons bien sûr, Jean-Louis Borloo et moi, rencontrer les représentants des organisations agricoles comme celles des professions libérales. Mais aujourd’hui la négociation nationale interprofessionnelle est portée par trois organisations patronales – Medef, CG-PME, UPA – et cinq organisations de salariés. À la suite du rapport du Conseil économique et social, le Premier ministre nous a demandé d’entamer une négociation sur la représentativité, à laquelle seront naturellement associés aussi bien les représentants des organisations agricoles que des professions libérales. D’ailleurs, siégeant à la CNNC, ceux-ci seront présents lors de la prochaine conférence emplois-revenus.

Je comprends vos préoccupations, Monsieur Censi, d’autant que je ne sous-estime en rien le poids de la filière agricole et agro-alimentaire dans notre pays. Mais au nom même de l’équilibre auquel nous sommes parvenus hier, après un long débat, et compte tenu que nous aurons ultérieurement l’occasion de faire le point avec les organisations concernées, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Yves Censi – Je n’ai, hélas, pas trouvé dans vos arguments d’éléments qui pourraient m’y conduire. Je ne crois pas que dans les débats à venir sur la représentativité, on pourra revenir sur ce qui est aujourd’hui proposé et que je ne peux accepter. En parlant de « négociation collective interprofessionnelle » vous excluez bel et bien les secteurs agricole et des professions libérales.

M. le Ministre délégué – Le texte que nous présentons est le fruit d’une longue concertation et d’un savant équilibre. Je comprends vos préoccupations, mais le Premier ministre a invité hier à ouvrir une réflexion sur la représentativité avec l’ensemble des partenaires sociaux. Si vous mainteniez cet amendement, je ne pourrais y être favorable, car il changerait radicalement la donne.

M. Michel Raison – Je soutiens l’amendement de M. Censi et tiens à rassurer le ministre quant aux déséquilibres que pourrait provoquer l’adoption de cet amendement. Il serait au contraire garant d’un meilleur équilibre. Il serait vraiment dommage de se priver des compétences d’un syndicat d’employeurs agricoles – regroupant quelque 150 000 employeurs – sur des sujets aussi importants que l’emploi ou la formation professionnelle, d’autant qu’il a déjà l’habitude de travailler avec le Medef pour la formation des conseillers prud’homaux par exemple.

M. Marc Le Fur – Je soutiens moi aussi cet amendement. Il s’agit d’un débat majeur. Tout d’abord, il n’y a pas qu’une seule organisation patronale dans notre pays et quantité d’employeurs agricoles ne se reconnaissent nullement dans les organisations patronales traditionnelles, telles que le Medef.

M. Maxime Gremetz – Alors faites des élections pour mesurer la représentativité !

M. Marc Le Fur – En second lieu, par tradition, le monde agricole a une autonomie dans le domaine social, avec la MSA et sa propre inspection du travail. C’est vrai en partie pour les professions libérales. Il faut tenir compte de cette spécificité.

Enfin, nous dire qu’il existe un équilibre qu’on ne peut pas remettre en cause est un peu inquiétant. En effet, une fois ce projet adopté, c’est un argument qu’on pourra nous opposer systématiquement, ce qui réduira d’autant le pouvoir d’amendement du Parlement.

M. Gérard Charasse – C’est bien la première fois que vous le défendez !

M. Alain Vidalies – Si cet amendement est adopté dans cette rédaction, le groupe socialiste, qui avait décidé de s’abstenir, sera amené à modifier son vote. Vous avancez un argument qui ne correspond pas au texte. L’amendement porterait sur la représentation de certaines associations d’employeurs dans l’agriculture…

M. Yves Censi – Il n’y a pas que les employeurs.

M. Alain Vidalies – …et les professions libérales, qui siègent d’ailleurs à la commission nationale de la négociation collective. Mais en réalité, votre texte remet fondamentalement en cause la négociation collective et le droit des salariés. En effet, vous introduisez dans le code du travail à côté du cadre interprofessionnel, cette notion de « niveau intersectoriel », et cela concernera l’ensemble des organisations représentatives telles que définies par l’arrêté de 1966.

M. Yves Censi – Il y a aussi des associations professionnelles agricoles et libérales.

M. Alain Vidalies – Mais votre amendement modifie le droit qui s’applique à tous. C’est l’article L. 131-2 du code du travail qui définit le champ de la négociation collective depuis des décennies. Par votre amendement, vous créez une nouvelle catégorie de convention collective et vous mettez à part une catégorie de salariés qui sont actuellement dans le champ de la négociation nationale, au nom de la représentation patronale, et ce alors qu’on a repoussé à plus tard ce qui concerne la représentation des salariés.

La disposition que vous proposez n’a été négociée avec personne. Une telle régression ne pourrait que remettre en cause la position des organisations syndicales qui soutiennent le projet du Gouvernement et ont souhaité qu’aucun vote contre le texte ne s’exprime à l’Assemblée.

Mme Martine Billard – Effectivement, cet amendement n’a rien d’anodin. Ces dernières années, ce sont plutôt les libéraux que les organisations agricoles qui demandaient une législation spécifique. Certains dans vos rangs souhaitent qu’on crée ainsi un droit du travail morcelé, secteur par secteur. À terme, le droit collectif cèdera la place au droit individuel. Par l’idéologie qui le sous-tend, cet amendement ouvrirait une brèche dans l’unité du droit du travail.

D’autre part, on peut se demander comment mesurer la représentativité dans un secteur. Hier, on nous a dit qu’on ne remettait pas en cause pour l’instant l’arrêté de 1966 sur la représentativité des organisations. Vous le faites pour les organisations patronales. Il est vrai que, de même que certaines organisations de salariés – en l’occurrence l’UNSA, la FSU et Solidaires – ne sont pas reconnues par l’arrêté de 1966, certaines organisations patronales ne sont jamais parties prenantes à la négociation, et c’est le cas par exemple du secteur de l’économie sociale et solidaire. Il faut donc améliorer la représentativité, mais soit on le fait pour celle des salariés comme pour celle des employeurs, soit, pour l’instant, on ne touche à rien. Si cet amendement était adopté, au nom des députés Verts, je voterais contre l’ensemble du texte.

M. Francis Vercamer – En premier lieu, on a bien fait, hier, de ne pas accepter les amendements sur la représentativité, que la gauche essayait de faire passer hâtivement, car le problème se pose autant pour les employeurs que pour les salariés. Il faut réfléchir globalement. Je comprends bien que M. Censi veuille introduire dans le champ de la négociation collective des organisations qui s’en sentent écartées. Il faudra effectivement travailler sur la représentativité, et l’exemple des organisations agricoles prouve que le résultat des élections au niveau national ne peut être le seul critère. Mais l’amendement déséquilibrerait le texte et transformerait profondément le code du travail. Je ne peux donc pas le voter.

M. Yves Censi – La tournure du débat m’étonne. C’est un amendement de fond, mais veut-on refuser au législateur le droit d’amendement au nom d’un équilibre qui aurait été difficile à obtenir ? C’est inacceptable. Ensuite, et le même problème s’est posé en ce qui concerne la protection sociale, il semble qu’on ne soit pas capable de faire place à la diversité. Mais ce n’est pas parce que la réalité déborde le cadre que veut lui imposer le dogme que ce n’est pas elle qui doit l’emporter. On ne peut pas me refuser la représentation du monde agricole sous prétexte que celui de l’économie sociale n’est pas représenté non plus, Madame Billard. Vous n’aviez qu’à proposer qu’il le soit.

M. Maxime Gremetz – La question n’est pas de savoir si l’on écarte le monde agricole. Elle est que, après les débats de fond que nous avons eus, cet amendement d’esprit corporatiste est une petite bombe. Qu’on le vote, et je m’en vais !

Car tout ce que nous considérons comme une avancée serait remis en cause !

Les salariés agricoles, vous les mettez où, Monsieur Censi ? Dans une catégorie spéciale ? Ils ne seraient pas des salariés comme les autres ?

Vous débarquez tout d’un coup avec un petit amendement qui remet en cause tout l’esprit du texte. Ce n’est pas sérieux !

M. le Ministre délégué – Ce débat est tout à fait légitime et a sa place ici. C’est donc bien volontiers que j’y participe.

Je rappelle à M. Raison que les représentants des professions agricole comme ceux de la mutualité agricole sont présents à la commission nationale de la négociation collective. Et si dans cet équilibre, nous avons souhaité que ce soit la CNNC qui soit le haut lieu du rendez-vous annuel, c’est bien pour qu’ils soient présents, avec les professions libérales.

Prenons l’exemple de l’accord récent sur l’emploi des seniors. Si la FNSEA – que je rencontre évidemment régulièrement – n’a pas souhaité s’y associer, c’est qu’elle est une organisation sectorielle, tandis que cet accord est interprofessionnel. Le débat se situe bien là où le rapporteur l’a situé : entre interprofessionnel et sectoriel. Je ne dis pas qu’il ne faille pas faire évoluer la négociation sectorielle, mais nous sommes là sur un texte qui traite du dialogue social interprofessionnel.

Mme la Présidente – Sur l’amendement 38, je suis saisie par le groupe socialiste et par le groupe des députés communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Pierre Soisson – Nous sommes face à un problème grave, qui nous divise. Je demande une suspension de séance.

Mme la Présidente – Elle est de droit, (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) mais après le scrutin, qui a déjà été annoncé.

À la majorité de 15 voix contre 13, sur 28 votants et 28 suffrages exprimés, l’amendement 38 est adopté.

M. Maxime Gremetz – Rappel au Règlement. Compte tenu de ce vote, qui montre que la majorité cède aux pressions corporatistes, nous ne participerons plus à la discussion et nous ne voterons pas ce texte. Cet amendement change en effet toute la philosophie du projet.

M. Alain Vidalies – J’avais dit que nous avions affaire à un amendement dont on ne mesurait pas la gravité. Nous nous retirons donc également du débat. Les organisations syndicales s’estimeront trahies par cet amendement, qui est l’un des plus mauvais coups portés depuis longtemps au code du travail. Nous étions entrés dans le débat avec un esprit constructif, mais ce qui vient de se passer est très grave pour la démocratie sociale.

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures 20.

M. le Ministre délégué – Il s’agit d’un débat très intéressant, sur un sujet majeur : la représentation du secteur agricole et des professions libérales. Néanmoins, le Gouvernement souhaite une nouvelle délibération visant à supprimer les mots qui ont été insérés par l’amendement 38 – le texte vous en sera adressé dès qu’il sera rédigé, Madame la présidente. Je renouvelle tout ce que j’ai dit sur le dialogue avec les organisations représentant le secteur agricole et les professions libérales, car ce sont des pans d’activité extrêmement importants, mais c’est la dimension interprofessionnelle qui doit être mise en exergue aujourd’hui. J’ai le plus grand respect pour M. Censi et pour les décisions prises par le Parlement, mais je demande cette seconde délibération.

M. Maxime Gremetz – Le sujet est réellement explosif. J’apprécie la démarche du Gouvernement, mais il faut disposer du texte écrit pour se décider.

Mme la Présidente – Vous l’aurez dès qu’il sera imprimé.

M. Yves Censi – Dans ce débat de fond, je maintiens ma position, qui est très loin de ce qu’ont pu décrire nos collègues socialistes et communistes. Ceux-ci ont fait preuve de sectarisme vis-à-vis de populations qui ont su s’organiser, notamment le monde agricole, et non pas de façon corporatiste – je n’ai à aucun moment évoqué quelque syndicat que ce soit – mais dans l’ensemble du champ syndical et de la protection sociale. On connaît la spécificité de cette organisation, qui s’exerce dans un cadre de démocratie sociale absolument unique, mais également dans une volonté d’être totalement intégré dans la politique nationale et partie prenante de la cohésion du pays. Ce n’est absolument pas contradictoire.

Mme la Présidente – Nous n’allons pas recommencer le débat…

M. Yves Censi – Mais le sujet est très important. Je regrette l’attitude de nos collègues, qui refusent le débat dès lors qu’un amendement qui leur déplaît a été voté.

M. Alain Vidalies – On voit ici peut-être émerger un nouveau groupe : « libéralisme et ruralité » pourrait être son nom… Vous déposez un amendement qui remet en cause cinquante ans d’histoire sociale, et vous nous traitez de sectaires ? Prenez au moins vos responsabilités ! Le Gouvernement a engagé des négociations avec les organisations syndicales. Certaines sont d’accord avec le texte, d’autres non. Et vous venez ici…

M. Yves Censi – Parce que je suis élu, comme vous !

M. Alain Vidalies – …pour faire un coup en catimini, avec les amis que vous avez rassemblés ?

M. Yves Censi  – Vous contestez le vote ?

M. Alain Vidalies – Vous voulez entrer dans l’histoire comme le démolisseur du code du travail : assumez ! Notre travail à nous est d’attirer l’attention sur ce qui est en train de se passer. Vous voulez faire revenir la France au temps de l’atomisation du droit du travail, mais c’est la France du XIXe siècle, pas celle d’aujourd’hui.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 18 a fait l’objet d’un long débat en commission. Le fait est que nous prenons souvent une décision sans en anticiper les conséquences : c’est plus tard qu’on s’aperçoit qu’une meilleure information aurait permis de l’optimiser. Le président Dubernard a admis que ce principe pourrait éviter de nombreuses erreurs et était très intéressé par cet amendement, mais il était gêné par la notion d’étude d’impact. Je propose donc de la remplacer par une évaluation, la meilleure possible, des conséquences des décisions que le Gouvernement envisage, évaluation qui serait jointe aux autres éléments qu’il doit déjà transmettre aux partenaires sociaux concernant le diagnostic, les objectifs et les différentes options envisagées pour la réforme. L’idée est d’éviter l’inflation de lois rectificatives et de cavaliers que nous connaissons. Elle a reçu le soutien du président Dubernard, même si la formulation ne lui convient pas.

M. le Rapporteur – Nous avons conduit avec les partenaires sociaux un débat, dont l’aboutissement a été le dispositif proposé par le texte. Il est légitime que les partenaires sociaux soient éclairés sur les orientations du Gouvernement, et c’est la raison pour laquelle il est prévu que ce dernier leur communique un document d’orientation, qui doit contenir trois types d’informations : des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options. La référence aux modalités de mise en œuvre, d’abord envisagée, a été abandonnée, car jugée trop restrictive. Ce document d’orientation doit être assez précis, mais, dans la mesure où l’initiative est par nature une ouverture à la négociation, il ne doit pas être trop formalisé, de manière à ce que les partenaires sociaux restent libres. Une étude d’impact, qui nécessite une bonne connaissance des modalités de mise en œuvre des réformes envisagées, n’est donc pas possible à ce stade.

En revanche, j’estime qu’il est indispensable de recourir, ici-même, au Parlement, aux études d’impact quand les projets de loi sont déposés, afin que la démocratie représentative puisse pleinement jouer son rôle. C’est un point sur lequel nous devrons être vigilants.

Le ministre pourra sans doute nous rassurer sur le contenu du document d’orientation. Il ne s’agira certainement pas de quatre lignes jetées sur une feuille blanche.

M. le Ministre délégué – Le document d’orientation englobera l’ensemble des informations pertinentes. Ainsi, pour préparer le présent projet, nous avons envoyé des fiches d’orientation aux partenaires sociaux, sur lesquelles nous avons ensuite travaillé, pour construire un avant-projet. La réalisation d’une étude d’impact suppose que la réforme soit au préalable parfaitement définie. Cela nuirait à la richesse du dialogue social, et je ne peux donc être favorable à l’amendement.

M. Maxime Gremetz – Quand on veut prendre une décision, il faut d’abord connaître le dossier, la réalité, ce qu’on veut faire, et imaginer également les effets que la décision peut produire. Les organisations syndicales à qui j’en ai parlé sont toutes favorables à ce que l’on pourrait appeler, non pas une étude d’impact, mais une première évaluation sur les impacts. M. Dubernard s’est dit intéressé ; il considère qu’en menant cette réflexion ex ante, nous ferions moins de bêtises. Je souhaite donc déposer un sous-amendement en ce sens.

Mme la Présidente – Le Règlement ne vous autorise pas à déposer un sous-amendement à votre propre amendement.

M. Francis Vercamer – Lorsque le Gouvernement présentera des orientations aux partenaires sociaux, il serait judicieux qu’il les informe des conséquences des options retenues, sinon l’avis des partenaires sociaux risque fort de n’être guère éclairant. D’un autre côté le terme d’étude d’impact n’est pas adéquat. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer – L’amendement 9 fixe un délai de deux mois aux organisations syndicales pour faire savoir si elles souhaitent engager une négociation.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il faut garder de la souplesse, nécessaire au dialogue social.

L'amendement 9, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Les organisations syndicales sont toutes favorables à ce que soient précisés, dans la concertation, tant l’auteur de l’initiative des négociations, que le moment de leur ouverture – qui fait l’objet de l’amendement 24 – et le délai dans lequel elles sont enserrées. Dans notre pays, des grèves sont lancées pour demander l’ouverture de négociations. C’est extraordinaire !

M. le Rapporteur – J’avoue ne pas comprendre l’apport de cet amendement. Lorsque les organisations syndicales sont informées par le Gouvernement de l’initiative, elles font savoir si elles souhaitent négocier un délai, qui comprend à la fois le moment où les négociations débutent et celui où elles doivent s’achever.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, dans un souci de souplesse.

M. Maxime Gremetz – On dit aux syndicats qu’il y aura des négociations, mais personne ne sait quand elles commenceront ! C’est pour cela que nous avons des grèves. Autant il faut de la souplesse, autant les négociations ne peuvent avoir lieu au bon plaisir de je ne sais qui et n’importe comment. Une négociation, ça s’ouvre à tel moment, et ça dure tant. Il faut préciser comment on en décide.

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – Il ne faudrait pas que l’impératif de souplesse se traduise par un flou total. D’où l’amendement 49 qui dispose que les conditions et le délai sont précisés par décret en Conseil d’État. L’avenir nous dira s’il n’aurait pas fallu préciser les modalités d’application de cet alinéa 7.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, car cela contraindrait les partenaires sociaux.

M. le Ministre délégué – Le délai est trop strict. Avis défavorable.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer – L’amendement 9 supprime l’alinéa concernant l’urgence déclarée. L’article 34 de la Constitution dispose que la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail. Or, ces principes fondamentaux ne doivent jamais être posés dans l’urgence. Il est vrai que les gouvernements successifs ont eu tendance à déclarer l’urgence sur tous les textes modifiant le code du travail. Ce n’est pas sain. Il faut, au contraire, chaque fois qu’un texte modifie le code du travail, que la négociation entre les partenaires sociaux soit maintenue.

Mme Martine Billard – Il y a eu un certain accord en commission, puisqu’un amendement a été adopté que j’ai cosigné avec le rapporteur. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur ce qu’il fallait prévoir dans ce texte. S’il s’agit de la déclaration d’urgence, c’est une prérogative du Gouvernement relevant de la Constitution, et nous ne pouvons pas l’interdire. Mais s’agit-il de cela, ou de certaines situations d’urgence réelle qui peuvent justifier que le Gouvernement écarte les procédures de concertation préalables ? Il y a ambiguïté.

Compte tenu de cette ambiguïté de la notion d’urgence, je pense que nous aurions pu nous contenter de maintenir telle quelle la procédure prévue par la Constitution. Tel est l’objet de mon amendement 50, qui vise à supprimer la référence à l’urgence. Dans l’hypothèse où nous devrions modifier l’état du droit, je voterais toutefois l’amendement 3 du rapporteur.

M. le Rapporteur – Alors que certains voulaient supprimer tout recours à l’urgence, un accord a été trouvé en commission pour l’encadrer. Je précise immédiatement que nous ne devons pas confondre pas la déclaration d’urgence, prérogative constitutionnelle du Gouvernement, avec la notion retenue par ce texte : nous ne visons que l’urgence au sens commun du terme.

Il me semble, Monsieur Vercamer, que nous devons permettre l’utilisation de procédures exceptionnelles dans certains cas – c’est une nécessité. Il y va de la fiabilité de ce texte, qui a besoin de « soupapes » pour être appliqué de bonne foi.

J’ajoute que le rapport de Dominique-Jean Chertier soulignait la nécessité de telles exceptions, d’ailleurs pratique courante en droit administratif français. Comme le rappelait le commissaire du Gouvernement à l’occasion d’un arrêt rendu le 2 décembre 2002, « il est dans le rôle de l’État d’agir immédiatement, sans délai ni procédure, lorsque l’intérêt public l’exige ». C’est pourquoi la plupart des textes relatifs à la procédure administrative prévoient des dérogations pour des motifs tenant à l’urgence : ainsi l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration, institue une procédure contradictoire, sauf « cas d’urgence », tandis que la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs, organise la procédure applicable lorsque « l’urgence absolue a empêché qu’une décision soit motivée ».

Sans affecter directement le pouvoir d’initiative des lois, reconnu au Gouvernement par l’article 39 de la Constitution, ni lui refuser une certaine souplesse dans l’exercice de ses prérogatives, nous pouvons toutefois encadrer le recours à l’urgence. L’amendement 3 adopté par la commission, à la quasi-unanimité de ses membres, demande ainsi une motivation préalable et écrite. Avis défavorable sur les amendements 7 et 50.

M. le Ministre délégué – Sur la question de l’urgence, qui a fait l’objet d’un échange nourri avec le Conseil d’État, j’ai indiqué hier soir que le Gouvernement donnerait un avis très favorable à l’équilibre proposé par la commission dans son amendement 3. Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables aux amendements 7 et 50. L’urgence doit rester exceptionnelle et coïncider avec les cas évoqués par le rapporteur.

M. Maxime Gremetz - Les organisations syndicales sont très soucieuses de ce sujet. Si la Constitution nous empêche d’interdire le recours à l’urgence, nous devons au moins l’encadrer. Voilà pourquoi j’ai cosigné l’amendement 3 de la commission, qui contribuera à rassurer les organisations syndicales. L’objectif sera ainsi atteint !

Les amendements 7 et 50, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – Afin d’éviter tout recours abusif, la commission demande, par l’amendement 3, une motivation écrite de l’urgence dans un document transmis aux partenaires sociaux avant la prise de mesures nécessitées par cette urgence. Nous éviterons ainsi toute ambiguïté et nous créerons le climat de confiance souhaité par M. Borloo.

M. Francis Vercamer – L’amendement du rapporteur est effectivement intéressant, mais à le relire, on s’aperçoit que le dialogue ne se fera que par écrit. Voilà pourquoi mon sous-amendement 52 précise que le Gouvernement réunit les partenaires sociaux pour les informer de sa décision, ce qui permettra des échanges complémentaires

M. le Rapporteur – N’alourdissons pas trop la procédure, Monsieur Vercamer ! Ce qui est écrit est écrit, et cela suffit. Tenons-nous-en à l’amendement 3

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Le travail de réflexion et de conciliation mené par la commission a permis d’aboutir à un équilibre satisfaisant. C’est l’écrit qui permet la plus grande précision. Par ailleurs, rien n’empêche que des échanges oraux aient lieu en parallèle. Voilà pourquoi je suis favorable à l’amendement 3 et défavorable au sous-amendement 52.

M. Francis Vercamer – Je ne demande pas de supprimer le document écrit : je demande simplement qu’il soit remis à l’occasion d’une réunion avec les partenaires sociaux.

Le sous-amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 3 mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 20 vise à définir ce qui pourrait être le « temps du Parlement » dans cette réforme du dialogue social : nous devons éviter que les organisations syndicales mènent seules les négociations, sans jamais demander son avis au Parlement. Nous souhaitons en effet un va-et-vient entre les partenaires sociaux et le Parlement ainsi qu’une reconnaissance des organisations syndicales, qui devraient être reçues officiellement par les commissions à l’occasion de chaque accord collectif. Je ne prétends pas que mon dispositif soit parfait, mais c’est au moins une piste que nous devons explorer…

M. le Rapporteur – La réflexion engagée par M. Gremetz me semble tout à fait intéressante, puisque l’on débat beaucoup de la démocratie sociale et de la démocratie représentative ces derniers temps (Sourires). Comment faire en sorte que chacun soit informé ? C’est une bonne question.

Soucieux de la place qui revient au Parlement, je ne peux qu’être sensible à cet amendement, et particulièrement à son premier alinéa. Toutefois je regrette qu’il rigidifie les pratiques existantes : l’audition des différentes organisations syndicales est déjà organisée par la plupart des rapporteurs, vous le savez bien, Monsieur Gremetz – je l’ai notamment fait pour ce texte. Cela relève de la mission dévolue au rapporteur, et éventuellement du Règlement de l’Assemblée, mais pas de la loi.

La suite de votre amendement me semble plus contestable encore, puisque le débat que vous prévoyez sera fermé, par principe, aux partenaires sociaux. Je rappelle en revanche qu’un amendement de la commission demande le dépôt annuel d’un rapport sur l’ensemble des procédures de consultation menées. Grâce à ce dispositif plus souple que le vôtre, Monsieur Gremetz, le Parlement pourra mener à loisir un vrai dialogue avec les partenaires sociaux.

Je rappelle enfin que le dialogue social relève avant tout des habitudes et de la culture : dans aucun pays, le dialogue social n’est organisé par un ensemble rigide de dispositions législatives. Toute la vertu de ce texte est d’être court mais efficace.

M. le Ministre – Même avis. Les positions de départ étant assez largement divergentes, ce projet a fait l’objet d’un long débat et je suis convaincu que nous sommes parvenus au meilleur des compromis possibles. N’en modifions donc pas l’essence d’autant que, j’en suis persuadé, la pratique parlementaire sera celle que vous décrivez dans la première partie de l’amendement.

M. Maxime Gremetz – Lorsque je proposais, il y a vingt ans, de mesurer la représentativité des organisations à l’aune du résultat d’élections nationales, on me faisait le reproche d’être trop en avance. Nous voilà dans la même situation. C’est dire qu’en n’adoptant pas l’amendement, nous prenons du retard. Quant à la pratique parlementaire, ma longue expérience me permet de dire qu’elle diffère selon les rapporteurs… Sur le fond, mon souci est de revaloriser le rôle des organisations syndicales. À cette fin, pourquoi ne pas envisager qu’au terme de la négociation, toutes, qu’elles ou non signé l’accord, soient reçues par la commission parlementaire saisie au fond, et qu’elles puissent ainsi, en exposant leur point de vue respectif, informer le rapporteur. L’Assemblée prendrait alors des décisions parfaitement éclairées.

M. Léonce Deprez – Alors que l’on entend beaucoup parler de démocratie participative, je tiens à souligner que nous la vivrons si le projet est adopté. C’est une nouvelle ère du dialogue social qui s’ouvre et je suis heureux que M. Gremetz participe à ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) avec l’idée d’ouvrir le dialogue social aux parlementaires. On sent le changement d’esprit qui anime le Gouvernement en la personne de M. Borloo, et que nous devons encourager.

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer – Je précise, par l’amendement 10, que tous les accords ne donnent pas forcément lieu à légiférer.

M. le Rapporteur – Certes, mais vous fixez également un délai impératif dans lequel le Gouvernement doit élaborer les projets de textes. Outre que cette disposition encadre excessivement la procédure, elle me paraît entachée d’inconstitutionnalité. Avis, donc, défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 10 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 21 est rédactionnel.

L'amendement 21, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 51 est de cohérence.

L'amendement 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Pour donner au rendez-vous annuel devant le conseil national de la négociation collective toute son importance, la commission propose par l’amendement 4 que le compte rendu des débats soit publié. Le document ainsi formalisé servira en outre de référence pour la conduite des négociations en cours ou à venir.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – J’avais défendu en commission l’amendement 11 de M. Marie-Jeanne. Qu’en est-il advenu ?

Mme la Présidente – Je vous rappelle qu’en application de l’article 100, alinéas 3 et 7 de notre Règlement, l’Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance par l’un de leurs auteurs et que ces amendements ne peuvent être repris. Or M. Marie-Jeanne est l’unique auteur de l’amendement 11.

M. le Rapporteur – L’amendement 5, adopté à l’unanimité en commission, prévoit que chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état de toutes les procédures de concertation et de consultation mises en œuvre pendant l’année écoulée. Ainsi, sans rigidifier la procédure, on respecte les prérogatives du Parlement, et l’on répond aux préoccupations exprimées par M. Deprez, par M. Gremetz et par les partenaires sociaux. Le rapporteur de la commission saisie au fond devra donc s’impliquer plus systématiquement et plus fortement qu’aujourd’hui dans le suivi des négociations.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – Abstention.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Francis Vercamer – Par l’amendement 8, je reviens sur un sujet longuement débattu cette nuit, en proposant que, dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement élabore un document d’orientation sur la réforme des règles de représentativité. Je considère en effet qu’une telle réforme ne peut se faire dans l’urgence, mais qu’elle doit se faire, et porter aussi bien sur les organisations professionnelles que sur les organisations syndicales. Mon collègue Censi ne me démentira pas…

M. le Rapporteur – Tout en reconnaissant l’intérêt de la proposition, la commission a repoussé l’amendement, qui souffre du même travers que les précédents – il rigidifie le texte et enferme la procédure dans des délais trop stricts. De plus, l’amendement ne respecte pas l’esprit du texte, qui impose que la loi suive la négociation des accords et ne la précède pas. Enfin, il est satisfait par l’annonce faite hier par le Premier ministre qu’un travail s’engage à ce sujet avec les partenaires sociaux sous l’égide de MM. Borloo et Larcher.

M. le Ministre – Avis défavorable. Je comprends votre impatience, Monsieur Vercamer, mais vous savez qu’après avoir demandé un premier rapport sur cette question, le Gouvernement a saisi le Conseil économique et social. Après qu’un large débat a eu lieu en son sein, sous l’autorité de M. Jacques Dermagne, son président, un avis a été rendu. C’est un sujet essentiel pour l’avenir de la représentation sociale dans notre pays, et au-delà même, celui de notre modèle social. Le président Dermagne a pris le dossier en mains et la concertation a porté ses fruits, permettant d’aboutir à un consensus sinon général, du moins sur de nombreux points. Notre détermination à aller de l’avant est totale. Nous procéderons de la manière prévue en élaborant un document d’orientation, puis un avant-projet, le tout en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Je ne sais si nous pourrons aboutir dans un délai de trois mois, mais le Premier ministre nous ayant confié hier, à Gérard Larcher et à moi, le soin de mener à bien cette mission, vous pouvez compter sur nous.

M. Francis Vercamer – Je ne doute pas de la détermination du Gouvernement. Je demande simplement par cet amendement qu’il élabore le document d’orientation sur la réforme des règles de représentativité qu’il s’est engagé à élaborer. Si le délai de trois mois ne convient pas, je suis prêt à accepter un sous-amendement à ce sujet. Mais je m’inquiéterais si cet amendement devait être refusé…

M. le Ministre – C’est précisément parce que nous avons voté la façon de procéder qu’il ne nous paraît pas utile de le répéter ici.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – L’amendement 40 est défendu.

M. le Rapporteur – La commission l’a repoussé, car il est inutile.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Les amendements 41 et 42 sont défendus.

L'amendement 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 42

M. Alain Vidalies – L’amendement 43 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il ne serait pas opportun de traiter ce sujet dans le cadre de ce projet de loi.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – L’accord exemplaire conclu le 12 décembre 2001 entre les cinq organisations syndicales de salariés et l’UPA, relatif au développement du dialogue social dans le secteur de l’artisanat, a été attaqué par la CG-PME et le Medef, à la pression desquelles le Gouvernement n’a pas su résister, puisqu’il en a toujours jusqu’à présent refusé l’extension. La CG-PME et le Medef craignaient une contagion de cet accord. Il est grave que le Gouvernement ne puisse pas passer outre une injonction de leur part ! Par notre amendement 44, nous demandons seulement qu’il transmette au Parlement un rapport expliquant les raisons du refus de cette extension.

M. le Rapporteur – L’accord du 12 décembre 2001, dont l’intérêt est certain, ouvre la voie à une représentation des salariés sous forme mutualisée entre les entreprises. On ne peut que souhaiter que les organisations, dont les positions sont encore divergentes à ce sujet, parviennent à un consensus constructif, de façon à favoriser le dialogue social dans les plus petites entreprises. Je demande donc au ministre quelles sont ses intentions sur cette question importante du financement des organisations syndicales, dont on peut se demander si elle a fait l’objet de toute la concertation préalable nécessaire.

M. le Ministre – Nous espérons aboutir prochainement sur un accord intermédiaire de financement – je m’y suis en tout cas engagé devant le président de l’UPA. D’une manière plus générale, le rapport du Conseil économique et social aborde ce sujet. Nous le traiterons donc dans le cadre général évoqué ci-dessus, le plus rapidement possible pour donner satisfaction à M. Vercamer… (Sourires) Avis défavorable à l’amendement, mais nous vous rendrons compte de l’évolution du dossier.

M. Alain Vidalies – Cela fait quatre ans et demi que j’essaie d’obtenir une réponse du Gouvernement sur les raisons de la non-extension de cet accord. Plein d’espoir ce soir, je suis une nouvelle fois déçu. Mais nous en débattrons devant les Français.

L'amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 2

M. le Rapporteur – L’amendement 6 est rédactionnel.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
M. Dosière remplace Mme Mignon au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE
vice-président

après l'Art. 2

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet – L’amendement 22 vise à rendre plus effective la participation des associations de protection de l’environnement au dialogue préalable à toute décision en matière d’environnement. Cette participation est expressément prévue par le code de l’environnement, le droit communautaire et l’article 7 de la Charte de l’environnement, adossée à notre Constitution. Mais alors que le code de l’environnement donne par exemple la possibilité aux associations de protection de l’environnement de se porter partie civile en cas d’infraction à la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité et aux enseignes et qu’hélas, celles-ci dégradent de plus en plus nos paysages, elles se voient dénier le droit de participer aux discussions préalables aux décisions.

M. le Rapporteur – Le sujet est important, mais relève davantage du ministère de Mme Olin que de celui de M. Borloo. Cet amendement n’aurait pas sa place dans ce texte.

M. le Ministre – Même avis. Chacun connaît les engagements de Mme Kosciusko-Morizet en faveur de l’environnement et son combat permanent. Mais nous traitons dans ce texte de la négociation sociale interprofessionnelle, et de cela seulement, ce qui est à soi seul un sujet immense ! Il est quantité d’autres sujets où le dialogue est nécessaire mais nous ne pouvons en traiter dans le cadre de ce texte.

M. Maxime Gremetz – On nous a expliqué à maintes reprises qu’il ne fallait pas introduire dans ce texte, comme d’ailleurs dans n’importe quel autre, de cavalier. Nous considérions par exemple que la protection sociale devait faire partie du champ du dialogue social visé par ce texte, tout comme la santé au travail. Nous n’avons pas été suivis. Voici qu’une cavalière dynamique veut faire entrer à tout prix dans le texte une disposition qui n’y a pas sa place. Je suis un défenseur de l’environnement, comme tout le monde, mais tout ce que nous avons dit ne servirait à rien si nous mettions en selle un tel cavalier, contre l’esprit du texte.

Mme Martine Billard – En tant qu’écologiste, je pourrais voter avec plaisir cet amendement qui donne de nouvelles possibilités aux associations. Mais je me bats contre la pratique de l’UMP d’introduire des cavaliers législatifs. Mieux vaudrait faire pression sur le Gouvernement pour qu’il inscrive à l’ordre du jour la loi sur l’eau et la loi sur les OGM, où une telle disposition aurait plus sa place. Je la voterai alors volontiers. J’espère que nous examinerons ces textes avant la fin de la législature. Le Gouvernement peut peut-être nous le confirmer ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet – J’avais consulté les services législatifs de l’Assemblée. Ils m’ont indiqué que cet amendement serait considéré comme un cavalier aussi bien dans la loi sur l’eau que dans celle sur les OGM, mais qu’il y avait peut-être une possibilité dans la loi de modernisation sociale. C’est pourquoi j’ai tenté ma chance. L’objectif me semble légitime, mais je comprends les réticences.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

Seconde délibération

M. le Président – En application de l’article 101, le Gouvernement demande une seconde délibération sur l’article premier. Elle est de droit. Le rejet de l’amendement qu’il présente vaudrait confirmation de la décision prise en première lecture.

M. le Ministre – L’amendement 1 tend à supprimer la référence au niveau intersectoriel pour les professions agricoles et libérales. Ce texte sur le dialogue social concerne bien le niveau interprofessionnel et n’a pas vocation à donner une représentativité à tel ou tel secteur. De toute façon, en pratique, c’est finalement la commission nationale de la convention collective qui décidera, et les organisations agricoles y sont représentées. S’il faut aller plus loin, une telle disposition a plus sa place dans un texte sur la représentativité, comme celle que propose Mme Kosciusko-Morizet, peut-être (Sourires).

M. le Rapporteur – Pour les raisons qui m’ont fait rejeter l’amendement de M. Censi, je suis favorable à l’amendement 1.

M. Maxime Gremetz – La gauche avait aussi soulevé la question de la représentativité. Mais ce qu’on nous proposait, en introduisant le niveau intersectoriel, modifiait l’ensemble du texte. Un retour au texte initial nous convient donc.

M. Gaëtan Gorce – M. Vidalies a dit clairement en quoi l’amendement adopté modifiait la nature même du texte, lequel était un premier pas qui, même timide, pouvait recueillir un accord. Le Gouvernement fait donc preuve de sagesse en proposant cet amendement et je suis persuadé que la majorité fera de même pour que notre débat se termine dans la sérénité, puis reprenne à l’occasion du texte sur la représentativité.

M. Jean-Pierre Soisson – Le Gouvernement nous demande de revenir sur l’amendement de M. Censi afin de nous limiter ici à la dimension interprofessionnelle de la négociation collective. Le groupe UMP va le suivre. Mais je ferai observer à nos collègues socialistes et communistes que le droit d’amendement existe. M. Censi en a usé librement, et leurs critiques à ce propos ne sont pas acceptables. Je leur demande de reconnaître cette liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Personne ne l’a mise en cause.

M. Jean-Pierre Soisson – Au Gouvernement ensuite, je dirai que M. Censi, proche des réalités du terrain, a posé un vrai problème. M. Larcher l’a d’ailleurs reconnu. Nous souhaiterions que ce débat ait au moins pour résultat de conduire le Gouvernement à s’en occuper. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.
L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – Je précise que nous avons voté l’amendement, mais nous nous sommes abstenus sur l’article.

M. le Président – La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte auront lieu le mardi 12 décembre après le débat sur la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mercredi 6 décembre 2006

Page 3, dans le premier paragraphe de l’intervention de M. Gérard Larcher,

au lieu de : « comme le montre l’accord qui a été signé hier »…

lire : « comme le montrent les discussions qui ont eu lieu hier »…

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