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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 7 décembre 2006

Séance de 9 heures 45
38ème jour de séance, 84ème séance

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

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loi de finances rectificative pour 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006.

ARTICLE PREMIER

M. Charles de Courson – C’était une erreur d’accepter l’amendement déposé au Sénat par M. Marini en vue de taxer les véhicules appartenant aux salariés qui bénéficient d’un remboursement de leur entreprise au titre de leur usage professionnel. Au nom de l’équité, des améliorations nous sont certes proposées, mais elles font de ce dispositif une véritable usine à gaz ! Par l’amendement 281, je propose donc de supprimer cette taxation, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Rejet. L’article premier instaure un équilibre satisfaisant : le seuil d’exonération passe de 5000 à 15 000 kilomètres ; nous consentons également un abattement de 15 000 euros par entreprise ; l’entrée en vigueur de la mesure s’étalera enfin sur trois ans.

Sans faire de publicité, une entreprise serait ainsi exonérée de taxation pour une trentaine de véhicules diesel tels que des Renault Clio, des Peugeot 207 ou des Citroën C3.

M. Michel Bouvard - Pas sur une Ferrari !

M. Charles de Courson - Mais quelle complexité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Même avis que le rapporteur général. Nous avons abouti à une formule équilibrée et relativement consensuelle. Je souhaiterais son maintien conformément aux engagements que j’ai pris tout au long de l’année auprès des parlementaires et des industriels.

L'amendement 281, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Dumont – Afin de rendre les comportements plus respectueux du développement durable, l’amendement 83 tend à priver de l’abattement prévu au cinquième alinéa de cet article les véhicules dont la puissance fiscale est supérieure ou égale à 15 chevaux ou qui émettent plus de 250 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre. En effet, l’ajustement proposé par le Gouvernement doit prendre en considération le caractère plus ou moins polluant des véhicules concernés. La pédagogie a ses limites : faire payer peut également faire réfléchir. Tel est le sens de cet amendement.

M. le Rapporteur général – La commission l’a repoussé. N’oublions pas que la nouvelle assiette de la taxation sur les véhicules de société s’appuie déjà sur des critères environnementaux : nous passons des chevaux fiscaux à l’émission de CO2.

M. le Ministre délégué – Même avis. Je fais miennes les préoccupations environnementales de M. Dumont, mais nous devons cibler au mieux les mesures fiscales. Le dispositif qui vous est proposé par le Gouvernement me paraît correspondre davantage aux attentes.

L'amendement 83, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 117 est rédactionnel.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

L'amendement 117, mis aux voix, est adopté.
L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Charles de Courson – L’amendement 282 tend à supprimer l’article 2. Est-il en effet légitime de modifier en fin d’année, et pour la troisième fois, les modalités de perception de l’impôt sur les sociétés dans le seul but de dégager 500 millions de recettes fiscales, du moins d’après les estimations du Gouvernement ? Cette mesure a suscité un véritable tollé dans le monde de l’entreprise.

Le Gouvernement entend alléger la fiscalité des entreprises – pour un montant de 1,1 milliard si l’on cumule les mesures prévues pour 2006 et 2007 –, mais il reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre : 500 millions l’an dernier et encore 500 aujourd’hui. Le rapporteur a d’ailleurs eu bien du mal à expliquer les chiffres retenus, certains évoquant plutôt 1 milliard, ce qui ferait 2 milliards de fiscalité supplémentaires, alors que nos entreprises sont en perte de compétitivité.

De plus, le nouveau régime de versement des acomptes est rétroactif. M. Auberger a d’ailleurs rappelé que les deux articles du PLF pour 2007 et du PLFR pour 2006 n’étaient pas cohérents. Enfin l’assiette de l’IS étant par définition très fluctuante, le budget de l’État pourrait ne pas être abondé à hauteur de ce que le Gouvernement espère.

M. Philippe Auberger – M. le ministre délégué n’ayant pas répondu à mes questions hier soir, je me permets de les poser à nouveau.

Jusqu’à présent, aucun article du CGI n’avait été modifié à la fois dans le PLFI et dans le PLFR. Nous ne savons pas en outre si le Sénat a voté ces dispositions en l’état. La CMP ne risque-t-elle pas d’être particulièrement confuse ? Il aurait été selon moi préférable de refondre en un seul article les dispositions du PLF pour 2007 et celles de ce PLFR.

En outre, pourquoi l’écart est-il si important entre l’évaluation de l’an dernier – 500 millions – et les 2,2 milliards effectivement perçus ? L’estimation présente étant à nouveau de 500 millions, a-t-on tenu compte des erreurs de l’an dernier ?

Enfin, d’un point de vue budgétaire, je ne suis pas sûr qu’il soit heureux de suivre la fluctuation des bénéfices : nous savons fort bien, par exemple, que les résultats de PSA et de Renault ne seront pas cette année aussi bons que l’an passé.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable à l’amendement 282.

La perception de l’IS se faisait en quatre acomptes versés par trimestre et calculés en fonction de l’IS versé l’année précédente. Une entreprise pétrolière qui avait acquitté 50 millions d’IS voilà trois ans versait l’année d’après des acomptes s’élevant à un quart de cette somme. Or, cette année-là, admettons qu’elle aurait dû verser dix fois plus : le manque à gagner, pour l’État, serait considérable. Nous avons donc voulu que le versement de l’IS soit plus conforme à la réalité des bénéfices même si, M. Auberger a raison, le budget de l’État est de ce fait plus vulnérable à la conjoncture.

Aujourd’hui, nous proposons, pour les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires compris entre un et cinq milliards, de porter le dernier acompte à un niveau tel que l’impôt soit au moins égal à 80 % de ce qui devrait être normalement payé compte tenu de la prévision des bénéfices annuels. Pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 milliards, ce pourcentage serait de 90 %. Il est vrai que l’effet de conjoncture risque d’être assez important, en particulier dans les secteurs pétrolier, bancaire et de l’assurance.

Quoi qu’il en soit, nous devons absolument coordonner nos travaux : ce sujet a été abordé en PLFR pour 2005, en PLFI pour 2007, en PLFR pour 2006 ! Je précise tout de même, Monsieur Auberger, que l’article du PLF pour 2007 a été voté conforme au Sénat mais il serait en effet de bonne politique d’unifier l’ensemble des dispositions dans ce PLFR.

La commission a adopté deux amendements 27 et 28. Étant entendu que le dernier acompte sera majoré, le second consiste à majorer également la marge d’erreur possible en la portant de 10 % à 20 % ; le premier propose le même dispositif mais en valeur absolue, la marge d’erreur passant de un à cinq millions.

Enfin, s’agissant de l’évaluation de 500 millions, nous ne connaîtrons sans doute pas, hélas, le même phénomène que lors du PLFR pour 2005.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable à l’amendement 282.

Je vous prie de m’excuser, Monsieur Auberger, de ne pas vous avoir répondu hier soir. Je vous donne en l’occurrence entièrement raison : nous avons sans doute procédé un peu trop par à-coups.

M. Charles de Courson – C’est le moins que l’on puisse dire !

M. le Ministre délégué – N’en rajoutez pas ! Soyez sensible à ma contrition ! (Sourires)

M. Michel Bouvard – En tant que démocrate-chrétien, il devrait l’être ! (Sourires)

M. le Ministre délégué – Nous avons fait une réforme de fond et de bon sens qui ne constitue ni un impôt supplémentaire ni une augmentation des prélèvements. Nous ne sommes d’ailleurs pas aussi indulgents envers les ménages, lesquels doivent s’acquitter de la totalité de l’IR à l’automne. Il s’agit de demander aux entreprises de faire une juste évaluation de ce qu’elles doivent à l’État. J’ajoute que l’État débiteur restitue l’acompte mais que l’inverse n’était pas vrai jusqu’à présent. Nous allons donc à la fois consolider les dispositions existantes et, par coordination, supprimer l’article correspondant du PLF pour 2007.

S’agissant des montants exceptionnels de l’an dernier, je suis certes tenu au secret fiscal, mais ils sont dus à un certain nombre de contributeurs atypiques.

L’amendement 27 vise à porter à cinq millions la différence maximale entre l’IS estimé et l’impôt dû. Je propose pour ma part, par l’amendement 357, de fixer ce seuil à 2 millions d’euros. Une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires de 500 millions et un bénéfice de 25 millions devra en effet acquitter un impôt sur les sociétés d’environ 8 millions. Les deux tiers à verser au titre des acomptes s’élevant à 5,5 millions, une marge d’erreur de 5 millions correspondrait à presque 100 % de ces versements ! Il faut donc distinguer le cas des petites et des grandes entreprises.

En revanche, je suis favorable à l’amendement 28, car il est conforme aux réflexions qui ont été menées sur le sujet.

M. Charles de Courson – On peut facilement prendre un contre-exemple, Monsieur le ministre : pour une entreprise dont le chiffre d’affaires et le résultat sont très élevés, le seuil de 2 millions que vous proposez est trop bas.

D’autre part, vous ne nous avez pas expliqué comment vous étiez arrivé à une estimation de 500 millions alors que les gains résultant de la modification du versement des acomptes d’impôt sur les sociétés ont atteint 2 milliards : à peine un tiers des 1,5 milliard de plus-value est imputable aux trois entreprises atypiques que vous avez évoquées ! J’ajoute – ne le prenez pas mal – que le chiffre de 500 millions me paraît trop rond pour être honnête ! Je maintiens donc mon amendement de suppression.

L'amendement 282, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger – Je remercie le ministre des explications qu’il a fournies, mais je crains que ses services lui aient donné une idée un peu théorique du calcul du bénéfice d’une grande entreprise. Les entreprises cotées procèdent en effet en fin d’année à des opérations de window dressing : elles choisiront d’imputer certaines opérations en décembre ou en janvier et de dégager plus ou moins de plus-values. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations apprécie ainsi le montant des plus-values à dégager en fin d’année pour afficher un résultat conforme à ce qu’il s’est engagé à accepter comme prélèvements sous forme de dividendes dans le cadre de la loi de finances de l’année suivante. Bref, il y a toujours une certaine marge d’incertitude. Si l’acompte du 15 décembre est en jeu, les entreprises feront en sorte de ne pas dégager un bénéfice supérieur aux acomptes déjà versés. On risque donc de les encourager à s’éloigner de la réalité.

J’observe d’autre part qu’une entreprise qui réalise un chiffre d’affaires de 500 millions n’a pas les moyens de suivre l’actualité fiscale au jour le jour. On va lui demander de verser l’acompte au 15 décembre alors même que cette disposition n’est pas votée. Gardons cela à l’esprit même si le seuil de 5 millions peut conduire à écarter un certain nombre d’entreprises : il faut être plus tolérant cette année. Je serai en revanche prêt à abaisser le seuil l’année prochaine. Je maintiens donc l’amendement 27.

M. le Rapporteur général – Un point important n’a pas été souligné : les deux critères sont cumulatifs. L’écart entre le montant de l’impôt estimé servant de base de calcul au dernier acompte et le montant de l’impôt finalement dû doit à la fois être supérieur à 20 % et être supérieur, en valeur absolue, à un million. Philippe Auberger propose de porter ce seuil à 5 millions. Je ne souhaitais pas aller jusque-là : nous l’avions fixé à un million parce que nous avions pris en compte – ce qui est nouveau – les entreprises qui ne réalisent que 500 millions de chiffre d’affaires. Dans la mesure où nous avons porté le seuil de 10 % à 20 % en pourcentage, je pense qu’il serait cohérent de le porter de un à 2 millions en valeur absolue.

M. le Ministre délégué – Les critères sont en effet cumulatifs, ce qui permet de couvrir toutes les entreprises. Les seuils retenus me semblent être les bons. Pour une entreprise qui réalise 500 millions de chiffre d’affaires, la marge d’erreur – 20% – est tout de même de 100 millions !

M. Charles de Courson – Le problème qu’ont soulevé mes collègues reste entier. La loi de finances rectificative sera promulguée après le 15 décembre. Ne devriez-vous pas vous engager devant la représentation nationale à ne pas appliquer de pénalités pour erreur ou versement tardif ?

M. le Rapporteur général – Il n’y aura pas de pénalités, mais seulement des intérêts de retard.

M. Charles de Courson – Cela reste un problème. Il faudrait donner des instructions aux inspecteurs des impôts pour qu’il n’y ait pas d’intérêts de retard.

M. le Ministre délégué – Vous ne lisez pas tout, Monsieur de Courson ! En effet, le texte dispose que le paiement aura lieu cette année le 29 décembre, et non le 15. Il ne s’agira en outre pas de pénalités, mais d’intérêts de retard. Enfin, nous avons informé les entreprises. Voilà un mois et demi que nous parlons de ce dispositif, et je me suis montré très ouvert aux propositions de la commission. Bref, le dispositif est équilibré et nous avons veillé aux aspects pratiques pour les entreprises. Il me semble que l’Assemblée est suffisamment éclairée.

M. Philippe Auberger – La date du 29 décembre m’avait échappé. Je retire donc l’amendement 27, sous réserve que le ministre confirme sa proposition de 2 millions.

M. le Ministre délégué – Je la confirme : cela fait l’objet de l’amendement 357.

L'amendement 357, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.
L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 2

M. Michel Bouvard – Dans les trente dernières années, la distance moyenne entre le domicile et le lieu de travail est passée de 5 à 30 kilomètres. L’amendement 195 vise à tirer les conséquences de cette évolution – due pour une grande part à la montée des prix de l’immobilier – en relevant le forfait de prise en compte des frais de transport de 40 à 50 kilomètres.

M. le Rapporteur général – La commission n’a pas adopté cet amendement, car les dernières statistiques de l’INSEE font état d’un déplacement moyen de 15 kilomètres. De plus, l’administration fait preuve d’une certaine tolérance dans l’appréciation des seuils.

M. le Ministre délégué – Je comprends votre souci, Monsieur Bouvard, et je donnerai des consignes à mes services pour qu’ils apprécient avec pragmatisme les situations particulières…

M. Jean-Louis Dumont – Il y aura du boulot !

M. le Ministre délégué – Ce que vous dites n’est pas très aimable pour les services. Je suis sûr que vous ne le pensez pas.

Compte tenu de cet engagement, je vous invite, Monsieur Bouvard, à retirer votre amendement.

M. Michel Bouvard – Si j’ai bien compris, il y aura une circulaire. Puisque le rapporteur général a des statistiques différentes des miennes, je vais retirer mon amendement, en souhaitant que Jean-Luc Reitzer et moi-même puissions continuer à travailler sur ces questions avec vos services.

M. Jean-Louis Dumont – Je reprends l’amendement. Je suis intervenu plusieurs fois pour attirer l’attention du Gouvernement sur le coût des déplacements, spécialement en milieu rural. Le ministre prend un engagement, mais combien de ministres l’ont fait avant lui, sans que ces engagements aient la moindre répercussion sur le terrain, au bout du tuyau, si j’ose dire ! Je souhaite donc que cet excellent amendement de M. Bouvard soit adopté, au bénéfice de tous ces petits contribuables qui font des kilomètres pour aller travailler et dont le pouvoir d’achat se trouve de ce fait gravement entamé.

L'amendement 195, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Dumont – Dans son rapport sur la mission « développement et régulation économique », M. Novelli souligne le dérapage de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat – TACA –, dont les modifications législatives se sont soldées pour certains artisans par une hausse de 268 %. Ceux qui paient le plus ne sont d’ailleurs pas forcément ceux qui devraient le faire. Dans notre amendement 186, nous proposons donc que l’augmentation de la cotisation d’une entreprise au titre de la taxe en question ne puisse excéder 10 %, rapportée au nombre de mètres carrés.

M. le Rapporteur général – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis. Nous aborderons cette question cet après-midi, car il y a d’autres amendements sur la TACA.

M. Hervé Novelli – C’est une discussion qui mérite d’avoir lieu, mais cet amendement est prématuré. La commission des finances a adopté, à l’unanimité, un amendement sur le sujet à l’article 30.

L'amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 3

M. Pascal Terrasse – Je profite de cet article pour vous interroger, Monsieur le ministre, sur les engagements que vous avez pris, au profit des viticulteurs du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et, plus récemment, du Vaucluse, qui traversent une crise sans précédent. L’administration fiscale les a fait bénéficier d’une rétrocession de la taxe sur le foncier non bâti. Mais les viticulteurs de l’Ardèche et de la Drôme, départements limitrophes, n’ont pas bénéficié de ce dispositif, alors qu’ils relèvent des mêmes zones d’appellation – Côtes du Rhône, notamment – et qu’ils rencontrent les mêmes difficultés. Allez-vous donc donner des consignes à votre administration pour qu’ils bénéficient eux aussi d’une exonération du foncier non bâti ?

M. Jean-Claude Sandrier – Je saisis l’occasion de la discussion de cet article pour revenir sur la TIPP. Nous ne pouvons qu’être favorables à la prorogation du dispositif de remboursement partiel de la TIPP aux agriculteurs, mais plusieurs questions restent en suspens.

Au fil de la discussion budgétaire, nous avons formulé deux propositions fortes sur la fiscalité des produits pétroliers. La première consisterait à rétablir la TIPP flottante, instituée en 2000 mais supprimée depuis et dont l’objet était de neutraliser l’accroissement des recettes de TVA en cas de hausse des cours. Nous reconnaissons que la principale limite de ce dispositif tient au fait que, dans un contexte durable de hausse des prix du pétrole, la TIPP flottante se traduirait par une baisse des recettes de l’État et des collectivités locales. C’est pourquoi notre deuxième proposition était de compenser cette baisse de recettes par une taxe sur les profits des compagnies pétrolières.

Il faut savoir qu’après avoir réalisé 9 milliards d’euros de bénéfices l’an passé et 12 milliards en 2005, Total devrait encore battre des records cette année. De son côté, BP fait état, au troisième trimestre de cette année, d’un bénéfice net en hausse de 58 % par rapport à 2005. Tous ces profits sont faits sur le dos des consommateurs, les prix du carburant ayant progressé de 28 % en trois ans et la facture énergétique globale de 287 % en sept ans.

L’UFC-Que choisir a proposé une taxation exceptionnelle de 5 milliards sur les profits des compagnies. Nous voudrions qu’elle soit rendue pérenne par un système d’indexation du prélèvement sur le prix à la pompe.

De telles mesures seraient non seulement de nature à financer la baisse de la TIPP, mais encore à faire baisser les prix des véhicules propres et à accroître les investissements dans la recherche sur les énergies renouvelables, sans parler du développement du rail et de la voie d’eau. Que pèsent vos dispositions devant de telles exigences, quand vous avez en outre l’hypocrisie de maintenir en l’état des régimes fiscaux dérogatoires, tel le bénéfice mondial consolidé, qui profite aux magnats du pétrole ? Vous ne prenez pas au sérieux les enjeux du développement durable – bien peu conciliables, il est vrai, avec la logique de marché dérégulé que vous défendez.

M. Didier Migaud - Monsieur le ministre, il serait bon que parfois, nos débats aboutissent à des décisions… Je ne fais qu’évoquer l’un d’entre eux, que nous venons déjà d’avoir à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances initiale, pour regretter que vous ne soyez pas suffisamment attentif aux conséquences du prix de l’énergie pour beaucoup de professions. Je salue bien sûr la disposition prise en faveur des agriculteurs, mais je pense aussi aux infirmières et à d’autres, pour lesquels nous regrettons que rien ne soit fait.

M. le Ministre délégué – Je conviens avec vous, Monsieur Migaud, que les débats sur la LFI et sur le collectif se télescopent un peu, mais il nous revient de cibler les sujets. C’est d’ailleurs pourquoi, Monsieur Sandrier, je vous demande pardon de ne pas vous répondre à nouveau sur la TIPP flottante.

Monsieur Terrasse, je suis sensibilisé depuis de nombreux mois par votre collègue Flory à la question que vous avez soulevée. Je veille à ce qu’il y ait des remises gracieuses au cas par cas. Ce que vous avez évoqué sera examiné en liaison avec le ministre de l’agriculture ; merci de vous être joint à nous sur ce sujet qui dépasse largement les clivages politiques.

M. Pascal Terrasse – On vous jugera sur les résultats !

M. le Ministre délégué – En effet. Je crois d’ailleurs savoir qu’ils sont appréciés…

M. le Rapporteur général – Mon amendement 118 est rédactionnel.

L'amendement 118, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 3

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Sur tous ces bancs, depuis de longues années, il y avait un large accord pour que la publicité et le courrier non adressé participent au financement du recyclage. Les négociations ont été longues et ont abouti à un accord amiable, sous la houlette de notre collègue Pélissard. L’amendement 66 que j’ai cosigné avec lui traduit à la fois un effort de simplification et la volonté d’éviter l’évasion fiscale.

M. le Rapporteur général – Avis favorable, bien entendu.

M. le Ministre délégué – Avis très favorable également ; je m’interroge néanmoins sur la rétroactivité des dispositions, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2006.

M. Charles de Courson – Sur ce point, je partage l’avis du Gouvernement… Ne pourrait-on retenir la date du 1er janvier 2007 ?

M. le Président de la commission – Je suis d’accord ; le plus simple est de supprimer le dernier alinéa – qui précise la date d’entrée en vigueur.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 66 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud – Par notre amendement 84, nous voulons à nouveau appeler l’attention du Gouvernement, d’EDF et de GDF sur les conséquences d’une énergie chère pour un grand nombre d’entreprises françaises. Le président de la commission des finances a organisé plusieurs débats sur le sujet à notre demande, mais le dossier n’avance pas suffisamment.

Nous avons quelque difficulté à comprendre la façon dont EDF peut fixer le prix de l’électricité. M. Gadonneix n’avait pas convaincu la commission des finances lorsqu’elle l’a auditionné. L’État étant encore le principal actionnaire malgré l’ouverture du capital, le Gouvernement pourrait faire en sorte que ce prix soit fixé de manière compréhensible et à un niveau qui corresponde à l’effort accompli par notre pays pour assurer son indépendance énergétique : l’énergie d’origine nucléaire ne saurait être traitée comme celle issue du pétrole.

Sur ce sujet, la commission des finances a même adopté un vœu à l’unanimité – ce qui est assez exceptionnel –, mais il reste malheureusement sans suite.

M. le Président de la commission – Il s’agit d’un amendement d’appel. Le secteur électro-intensif a des négociations difficiles avec EDF sur le niveau du tarif – négociations dont l’issue aura des conséquences sur la localisation de certaines entreprises.

Faut-il, comme nos collègues socialistes le proposent dans cet amendement, abaisser le seuil d’entrée dans le consortium Exeltium, regroupant les entreprises fortement consommatrices d’électricité ?

En commission des finances, à l’unanimité, nous avions demandé en tout cas que le retour au tarif semi-régulé se fasse à un niveau qui tienne compte de la rente nucléaire, dont nos entreprises industrielles doivent profiter.

Nous avons demandé à recevoir le 10 janvier l’ensemble de ces entreprises, ainsi que M. Loos et le président d’EDF. Mais nous avons besoin d’une action forte du Gouvernement pour protéger nos industries et les faire bénéficier de l’effort accompli par la nation dans le domaine nucléaire.

M. le Ministre délégué – C’est en effet le type même de l’amendement d’appel. Nous avons déjà débattu de ce sujet à l’occasion du projet de loi sur l’énergie ; M. Loos avait alors indiqué qu’il n’était pas favorable à une modification du seuil d’entrée dans le consortium au moment où nous sommes en pleine négociation sur la mise en place de ce dispositif, mais le débat est ouvert. Il faudra également réfléchir sur les tarifs. Sur ces sujets, nous sommes aussi en concertation étroite avec la Commission européenne.

M. Michel Bouvard – Élargir le périmètre du consortium, comme le proposent nos collègues socialistes, aboutit à en tuer le bénéfice attendu. Aujourd’hui en effet, les électriciens ne répondent à la demande du consortium de 30 TWh qu’à hauteur de 15 TWh, de surcroît à un prix qui n’est pas satisfaisant. Si on élargit le périmètre, les industriels n’auront satisfaction au prix du consortium que pour 30, 40, 50 ou 60 % de leur consommation, et pour le reste seront au tarif réglementé s’ils y sont restés, ou au tarif du marché – ce qui in fine leur reviendra plus cher.

L’élargissement du périmètre du consortium est d’autant moins opportun qu’il enfreint le droit communautaire, puisque la proportion d’électricité consommée par un même groupement d’acheteurs est limitée.

M. le Rapporteur général – Exactement !

M. Michel Bouvard – Cela étant, le problème demeure. Qu’est devenu l’amendement que j’ai cosigné avec MM. Migaud et de Courson afin de le résoudre ? L’an dernier, nous avions fixé la date butoir des apports au 1er janvier 2007. Or, les négociations avec EDF n’ont pas abouti : dans trois semaines, le consortium ne pourra plus fonctionner ! C’est d’ailleurs peut-être ce qu’attend EDF. Plusieurs parlementaires, poussés par l’exaspération, ont bagarré ferme pour qu’une enquête permette enfin de lever le voile sur la spéculation dans le marché de gros. Grâce à la création du consortium, les prix ont longtemps pu rester abordables, mais EDF ne fait plus aujourd’hui preuve de la moindre bonne volonté, alors même qu’elle propose à 40 euros un mégawatt/heure qui ne lui en coûte que 18 – et encore pour la moitié des besoins. On est vraiment en dehors des clous ! L’État actionnaire doit agir afin que la gourmandise d’EDF ne tue pas les industries électro-intensives et celles qui en dépendent en aval.

M. Charles de Courson – L’amendement est intéressant, mais il ne peut être adopté en l’état. Certains de nos collègues semblent sous-estimer la portée considérable de la récente décision du Conseil constitutionnel. M. Bouvard a raison : EDF n’a plus qu’à jouer la montre jusqu’au 1er juillet et la messe sera dite ! Les marchés financiers ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : l’action d’EDF a augmenté de 10 %, en prévision de l’échéance de contrats qui tomberont dans le marché libre, où les prix sont supérieurs d’un tiers à ceux du marché régulé ! Nous nous sommes pourtant battus pour une mesure que le Sénat a hélas dégradée, avant que ne tombe cette décision du Conseil constitutionnel. Comment fera le Gouvernement, d’ici la suspension de nos travaux à la fin de février, pour éviter qu’une explosion des prix frappe les entreprises et, à terme, les ménages ? La question de fond est bien la suivante : la rente de notre parc électronucléaire doit-elle bénéficier en priorité aux entreprises et aux particuliers, ou aux actionnaires ?

M. Philippe Auberger – À l’investissement !

M. Didier Migaud – Je suis prêt à retirer l’amendement 84, car les observations de M. Bouvard sont pertinentes, mais je souhaite que l’autre amendement qu’il a évoqué puisse être discuté, car le problème reste entier. La mollesse de votre réponse m’a déçu, Monsieur le ministre : vous m’aviez habitué à plus de réactivité. Il y a urgence : rassurez-nous ! Les entreprises nous interpellent, leurs emplois sont menacés. Le repli sur soi d’EDF est incompréhensible : l’État doit agir pour résoudre le problème avant la suspension de nos travaux.

L'amendement 84 est retiré.

M. le Ministre délégué – Le déroulement de nos travaux me laisse perplexe : je comptais bien accepter l’amendement de M. Bouvard, que MM. de Courson et Migaud ont cosigné, et qui sera discuté à l’article 29, afin de prolonger le délai jusqu’au 1er janvier 2008. Je déduis de cette confusion qu’il faut prendre le taureau par les cornes et réexaminer l’articulation entre lois de finances initiale et rectificative.

Art. 4

M. Philippe Folliot – S’agissant de la consommation de produits pétroliers, le ministère de la défense se distingue des autres par la spécificité des actions qu’il mène. Il est d’ailleurs le seul à disposer d’un service consacré aux carburants et doté de 21 millions, afin de le protéger notamment contre les risques de hausse des prix.

Il serait inopportun de remettre en cause l’exonération de TIPP pour le ministère de la défense, qui est conforme à la directive européenne sur la particularité des activités de défense. Cependant, l’amendement 260 de M. Carrez vise à exclure la gendarmerie nationale du bénéfice de cette exonération. Le budget de la gendarmerie serait ainsi amputé de vingt millions, soit 40 % des moyens qu’elle consacre aux carburants et 2 % de son budget global ! De surcroît, la sincérité de la loi de finances initiale serait mise en cause. La gendarmerie nationale est en charge de 95 % de notre territoire. Comment prétendre qu’elle doit être traitée comme la police nationale, qui n’en couvre que 5 % ? Les gendarmes parcourent des distances considérables : ils doivent pouvoir le faire dans de bonnes conditions.

Plus grave encore : de telles mesures ne font qu’orienter la gendarmerie vers son passage, à terme, à un statut civil, comme cela s’est produit en Belgique. Cela me paraît lourd de conséquences, parce que toute démocratie a besoin d’un système dual de forces de police.

M. le Rapporteur général – Mais cela n’a rien à voir !

M. Philippe Folliot – Dans la tradition latine, et française en particulier, il y a une police à statut civil et une autre à statut militaire. Essayer de rapprocher la gendarmerie de la police, et donc l’éloigner des autres forces militaires, c’est prendre un risque important – avec des conséquences budgétaires lourdes. Cet article 4 est un bon article et j’espère que la représentation nationale le votera en l’état.

M. Charles Cova – Je suis moi aussi opposé aux amendements. La suppression de l’exonération de TIPP représenterait une charge considérable pour les armées et pèserait sur leurs capacités d’engagement. Nous avons des soldats partout dans le monde, nous ne pouvons pas prendre une telle décision. La hausse des prix du pétrole affecte certes tous les utilisateurs, mais les armées ont des besoins particulièrement importants, qui nécessitent des efforts constants d’approvisionnement et de stockage. Une gestion optimale des ressources ne permet plus de faire face aux surcoûts du carburant, surtout dans le cadre d’un développement des engagements extérieurs. La marine, par exemple, qui avait constitué des stocks lorsque le pétrole était au plus bas, en a consommé aujourd’hui plus de la moitié ! Cela veut dire qu’elle serait aujourd’hui incapable de s’engager dans une opération majeure.

M. Didier Migaud – C’est un aveu !

M. Charles Cova – L’appareillage d’un bateau est plus compliqué que vous ne le croyez !

La gestion optimale des ressources ne suffit donc plus : les responsables que nous avons auditionnés ont été très nets sur ce point. Or, tout le monde ici se félicite de nos engagements en opex. Il faut donc dégager les moyens nécessaires.

J’entends parler d’iniquité entre le civil et le militaire…

M. Pascal Terrasse – Ce n’est pas le débat !

M. Charles Cova – Permettez que je mette ce que je veux en débat et épargnez-nous vos commentaires. Si nous n’adoptons pas l’article 4, les avions civils continueront à être exonérés, en vertu de la convention de Chicago, et les avions militaires ne le seraient plus ! C’est là qu’est l’iniquité ! Certes, la directive offre la possibilité de proroger les exonérations, pour l’État et autres organismes de droit public, pour leurs activités menées en tant qu’autorités publiques. Le Gouvernement a utilisé cette possibilité pour la défense. Chacun doit prendre ses responsabilités sur ce point : les discours pour encenser les armées ne font pas de mal, mais c’est des actes qu’il faut.

Je suis aussi contre l’amendement de repli de M. Carrez. La suppression de l’exonération de TIPP représenterait en effet une charge de 20 millions pour la gendarmerie. Selon le rapporteur général, lui accorder cette exonération pour ses missions civiles créerait une distorsion avec la police, qui remplit des missions similaires. Mais comment peut-on, techniquement, distinguer les activités strictement militaires de la gendarmerie de ses activités purement civiles ? Qui tiendra les comptes ? Selon quels coefficients ?

M. le Rapporteur général – C’est déjà réglé par la LOLF !

M. Charles Cova – Certes, l’amendement ne vise pas l’action 5, mais les crédits affectés à une action n’ayant aucun caractère limitatif, les responsables de programmes devraient, pour chaque approvisionnement en essence, justifier d’une utilisation militaire ou non… Ce serait un alourdissement considérable de la gestion de la gendarmerie, qui a autre chose à faire que de tenir des comptes d’épicier. Vous comprendrez donc que je vous demande de faire preuve de bon sens et de ne pas voter ces amendements.

M. le Ministre délégué – Ayant écrit récemment un livre, dont Didier Migaud fait régulièrement la publicité (Sourires) et dans lequel je m’engage à éviter la langue de bois, je parlerai très directement et j’espère que mes propos permettront d’apaiser tout le monde. D’abord, il ne s’agit en aucun cas de se prononcer pour ou contre les militaires ou les gendarmes, ni sur leurs compétences et moyens pour remplir leurs missions au service de la sécurité et du rayonnement de la France. Il n’y a aucune inquiétude à avoir à ce sujet. M. Cova sait bien d’ailleurs que j’ai veillé à ce que la loi de programmation militaire soit parfaitement exécutée.

M. Hervé Novelli – À l’euro près ! (Rires)

M. le Ministre délégué – Les engagements pris par le Président de la République sont donc intégralement tenus.

Afin de gagner du temps, je proposerai tout de suite une motion de synthèse, Monsieur Cova. Il n’est pas question de pénaliser fiscalement nos militaires, qui ont des opérations importantes à mener. Le ministère de la défense est un très gros consommateur de carburant, dans des conditions spécifiques, qui donnent lieu à une exonération. Mais l’amendement qui sera défendu par la commission des finances n’est en aucun cas contraire à ses intérêts : il permet simplement d’éviter un effet de contagion. Chacun sait que nos gendarmes, qui font un travail remarquable, ont à la fois des missions militaires et d’autres missions de sécurité publique, qui peuvent s’apparenter à celles de la police ou même des services d’incendie et de secours.

Je vous demande donc de me faire confiance : je veillerai à ce que les sommes correspondant à la TIPP pour la gendarmerie fassent l’objet de compensations – c’est-à-dire à ce que le ministre de la défense les retrouve dans son budget. Contre cet engagement, je vous demande d’adopter l’amendement de la commission concernant la gendarmerie : non seulement il permet de régler tous les problèmes, mais il va dans le sens de l’intérêt général tout en préservant les intérêts de nos armées et de nos gendarmes, qui en ont bien besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier – Je voudrais savoir si les véhicules des sapeurs-pompiers ou des urgences médicales, par exemple, sont exonérés de TIPP : si le principe de l’exonération existe, il n’y a aucune raison qu’ils n’y soient pas compris. Par ailleurs, il ne faut pas s’étonner de ce que cette discussion se transforme en débat sur le budget de la défense : c’est l’objet même de l’article 4. Si l’on discute sur un manque de 50 millions, il s’agit bien d’un débat budgétaire ! Enfin, cet article crée une grande confusion au regard de la lutte contre les gaz à effet de serre : de façon générale, on préconise de taxer de plus en plus lourdement les véhicules, mais ici, on crée une exonération ! Cet article n’a rien à voir dans la loi de finances rectificative, du moins sous cette forme : il suffisait de rajouter 50 millions au budget de la défense.

M. Didier Migaud – Ce débat est quelque peu confus, mais il ne pouvait en être autrement. C’est pourquoi l’amendement 260 ne nous semble même pas suffisant : le meilleur moyen d’arranger les choses est de supprimer entièrement l’article. L’amendement 260 ne vise d’ailleurs que la gendarmerie et laisse de côté le problème des sapeurs-pompiers de Paris et de Marseille, qui sont également des militaires…

Si j’ai bien compris, il y avait déjà une exonération générale de TIPP pour les avions et pour les bateaux. L’article 4 propose d’étendre cette exonération à toute la consommation du ministère de la défense. Si une telle mesure nous est proposée, c’est que les crédits ouverts ne permettront pas au ministère de la défense de remplir ses différentes missions. Que faites-vous donc ? Vous transformez une dépense budgétaire en dépense fiscale ! Sans remettre en cause les moyens alloués à la gendarmerie et autres forces, nous demandons la suppression de cet article par respect de la LOLF. Vous affirmez que vous êtes attaché à son esprit…

M. le Ministre délégué – C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Didier Migaud – …mais vous en êtes loin ! Vous faites le contraire de ce que nous souhaitions ! Vous faites des annonces, mais vous contournez la norme d’évolution de la dépense publique en transformant des dépenses en minoration de recettes fiscales. Je comprends que vous soyez tenté, mais ce que vous faites là n’est pas beau ! (M. le ministre délégué s’exclame) Cette opération représente un véritable cas d’école.

M. le Président – Peut-on considérer que les amendements de suppression 29 et 85 ont été défendus ? (Assentiment du rapporteur général et de M. Migaud)

M. le Rapporteur général – Il existe depuis des années une sous-dotation des carburants utilisés par le ministère de la défense…

M. Pascal Terrasse – Quel aveu !

M. le Rapporteur général – Nous devons donc trouver, chaque année, des crédits supplémentaires en exécution ou à l’occasion du collectif budgétaire. Pour y remédier, le ministère de la défense nous a demandé de compléter l’exonération de TIPP dont il bénéficie déjà.

M. Didier Migaud – Voilà, c’est clair.

M. le Rapporteur général – La commission aime les militaires, n’en doutez pas, Monsieur Cova, mais cela ne l’a pas empêchée de s’interroger. Parmi les unités dont les véhicules bénéficieraient de ces exonérations, se trouvent les sapeurs-pompiers de Paris et les marins-pompiers de Marseille qui sont des militaires, mais quid de nos SDIS ? (Approbations sur plusieurs bancs des groupes UMP, UDF et socialiste) Nous étions dans l’incertitude.

Depuis deux ans, les gendarmes participent par ailleurs à la mission « sécurité » en compagnie de la police et le ministère a clairement identifié dans les dépenses de la gendarmerie ce qui relève des aspects civils…

M. Michel Bouvard – 95 % !

M. le Rapporteur général - …et des aspects militaires. L’exonération ne pouvait donc porter sur les activités de la gendarmerie entrant dans la mission « sécurité ». Il nous a semblé anormal en revanche que les avions soient exonérés, et non les chars d’assaut, les véhicules du train ou les équipages. Il fallait donc fixer des limites claires et éviter tout effet de contagion. Nous voulons la vérité des coûts, comme le demande la loi organique (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Si nous voulons doter nos armées des moyens nécessaires, faisons-le dans un cadre transparent !

Le ministre ayant clarifié la situation des pompiers, je vous demande d’adopter l’article 4, sous réserve que soit adopté l’amendement tendant à isoler les missions civiles de la gendarmerie.

M. le Président – Souhaitez-vous vous exprimer, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre délégué – Vous connaissez ma position !

Les amendements 29 et 85, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur général – Mon amendement 260 a déjà été largement évoqué.

M. Philippe Folliot – Sans alourdir les débats (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), je rappelle que nous devons absolument maintenir le statut militaire de la gendarmerie. Par ailleurs, si la partie « police » de la LOPSI a été scrupuleusement respectée, ce n’est pas le cas concernant la gendarmerie. S’agissant enfin de la distinction entre les missions civiles et militaires des gendarmes, n’oublions pas que la gendarmerie joue un rôle essentiel dans la défense opérationnelle du territoire : toute distinction est donc hasardeuse.

La solution proposée par le ministre permet certes de sortir de l’impasse, mais je souhaiterais savoir où seront précisément affectés les vingt millions d’euros concernés. Pourquoi ne pas ouvrir directement des crédits ?

M. Charles Cova – Le dispositif me convient. Le ministre a pris un engagement, nous lui faisons confiance. J’espère que les gendarmes bénéficieront bel et bien de ces 20 millions.

M. le Ministre délégué – Je promets que je tiendrai ma promesse (Sourires).

M. le Président – Sans langue de bois !

L'amendement 260, mis aux voix, est adopté.
L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Michel Raison – Afin de faciliter le développement et la transmission des fonds agricoles, l’amendement 306, qui est d’un bon rapport qualité-prix (Sourires), tend à instaurer un simple droit fixe de 125 euros, même si les fonds concernés comprennent des immeubles par destination. Lorsque la cession du fonds est concomitante à la cession des terres, les éléments du fonds agricole ne serviront donc pas d’assiette aux droits dus à raison des mutations immobilières.

M. le Rapporteur général – Je suis favorable à cet excellent amendement.

M. le Ministre délégué – Même avis. Que M. Raison, un homme de bon sens, présente un amendement aussi excellent ne m’étonne pas (Sourires). Je lève le gage.

L'amendement 306, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. le Rapporteur général – Les amendements 119 et 120 sont rédactionnels.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

Les amendements 119 et 120, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jean-Claude Sandrier - L’article 7 vise à ajuster la compensation du transfert des TOS réalisé en application de la loi du 13 août 2004 : la part modulable de TIPP prévue à cet effet ne pouvant être prélevée sur le produit affecté à l’État – 20 milliards d’euros –, les collectivités sont obligées d’instaurer des prélèvements supplémentaires, qui augmentent le coût du fioul ou de l’essence à la pompe pour un montant d’environ 500 millions.

De telles décisions résultent du manque à gagner causé par le plafonnement de la taxe professionnelle, voté en loi de finances 2006. Le « coup de pouce » sur la TIPP rapportera ainsi 80 millions à la région Île-de-France, contre 50 millions de pertes de recettes à cause de l’allégement des charges patronales. On peut discuter du niveau de ces prélèvements supplémentaires, mais leur nécessité est incontestable.

Dans ce contexte, prétendre que les transferts de charges seraient compensés est une tromperie. La question des transferts de charge, de leurs modalités et de leurs montants passe par l’abrogation de la réforme de la TP. Nous aurons quant à nous l’occasion, dans les prochaines semaines, de défendre une autre conception des finances locales.

M. Augustin Bonrepaux – Se moque-t-on du Parlement ? Voilà trois fois que l’on nous présente la même mesure ! Deux amendements gouvernementaux vont modifier les articles 7 et 8, mais sur quelle base ? Pourquoi la région Bourgogne, par exemple, disposerait-elle d’une fraction de la TIPP de 0,81 % s’agissant du gazole et de 1,16 % s’agissant du sans plomb afin de financer les transferts des agents TOS ? Ne pourrait-on connaître le nombre exact de ces transferts ?

M. Jean Proriol – Il varie selon les régions.

M. Augustin Bonrepaux – Précisément. C’est pourquoi nous aimerions le connaître, afin d’apprécier la pertinence du tableau proposé, cas par cas.

M. Jean Proriol – Demandez-le à chaque région et à chaque département !

M. Augustin Bonrepaux – Que je sache, l’éducation nationale est toujours un service de l’État ! Du reste, nous avons eu des chiffres contradictoires. Le Gouvernement n’a-t-il donc pas les moyens d’obtenir des informations exactes de la part de l’éducation nationale ? Faut-il s’attendre à une nouvelle modification au Sénat en raison d’une nouvelle variation des chiffres ? Je rappelle que les TOS devaient faire valoir leur droit d’option au 31 août et que nous sommes en décembre ! Nous ne pourrons pas voter ces amendements dans ces conditions.

M. le Ministre délégué – Je sais que tout est bon pour cogner sur l’État, et vous n’épargnez pas les procès d’intention. Quand je pense à la façon dont, au cours des années 90, la gauche a fourgué des compétences aux départements sans les financer ! Cela commence à bien faire !

Je ne comprends pas que l’on refuse de voter cet amendement 325 par lequel l’État honore une fois encore ses engagements ! Nous augmentons les moyens à hauteur de 20 millions afin de financer le transfert de la gestion des TOS en vertu des décisions prises par la commission d’évaluation des charges – et si nous proposons cet amendement en PLFR c’est parce que nous disposons maintenant des informations nécessaires.

Enfin, je connais bien l’antienne sur la nécessité des simulations, Monsieur Bonrepaux, mais je vous rappelle que c’est aux préfets de département ou de région de vous donner ce type d’information.

Monsieur Sandrier, je confirme que la modulation de la TIPP pour les régions s’élève à plus de 500 millions mais je ne peux laisser dire que ce serait en raison des transferts de compétences : conformément aux demandes de la commission d’évaluation des charges, nous opérons un financement à l’euro près.

M. le Rapporteur général – Avis favorable. M. Bonrepaux est injuste. S’agissant de l’Île-de-France, l’État prend en charge, par cet article, la compensation du paiement à demi-tarif de la carte orange pour les personnes bénéficiant de la CMUC ainsi que le prolongement des services de nuit dans les transports les vendredis et samedis soir. La commission d’évaluation des charges, présidée par un élu, M. Fourcade, a mis en évidence que ces deux mesures avaient été prises avant le transfert de compétences à la région : l’État assume donc jusqu’au bout son devoir en transférant 10 millions de recettes supplémentaires.

S’agissant des TOS, je vous rappelle, Monsieur Bonrepaux, que le droit d’option s’exerce au fur et à mesure…

M. Augustin Bonrepaux – Non, c’est terminé.

M. le Rapporteur général – Le Gouvernement, par cet amendement, propose d’« ajuster les compteurs » à partir des chiffres connus au mois de septembre. Nous essayons de « coller » le plus possible à la réalité en fonction des informations qui nous parviennent. On ne peut faire mieux ! Je vous en prie, essayons de sortir de cette défiance permanente.

M. Augustin Bonrepaux – Vous ne pouvez reprocher aux parlementaires de faire leur travail de vérification des comptes. Je demande simplement à combien de personnels TOS correspondent les pourcentages retenus ! Ce n’est pas compliqué ! Je rappelle que les TOS devaient exercer leur droit d’option avant le 31 août. Quatre mois après, l’État devrait pouvoir fournir leur nombre exact ! Je répète en outre que les chiffres de l’inspection académique ne concordent pas avec ceux qui ont été communiqués à la commission consultative. Est-il outrancier de demander des explications ?

M. le Ministre délégué – Notre débat n’est pas à la hauteur des enjeux. Je vous propose, Monsieur Bonrepaux, d’être reçu samedi par mes collaborateurs, à l’heure qu’il vous plaira, et tous les chiffres que vous voulez vous seront donnés.

L'amendement 325, mis aux voix, est adopté.
L'article 7 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. le Ministre délégué – L’amendement 326 est comparable au précédent mais il concerne la fraction de taux de la convention d’assurance attribuée aux départements pour compenser les transferts.

M. le Rapporteur général – Avis favorable. L’État est toujours accusé mais, s’agissant de la compensation aux départements du financement des SDIS, le Gouvernement propose de retenir un pourcentage de TSCA assis sur l’année 2005, qui a été exceptionnellement basse.

L’assiette devant croître en 2006, les départements y gagneront plusieurs dizaines de millions d’euros. C’est rare, mais cela prouve que l’État est de bonne foi !

M. Augustin Bonrepaux – Ce que vous avez dit tout à l’heure justifie pleinement le renvoi en commission que je demandais hier soir, Monsieur le ministre. Vous auriez pu donner à la commission les chiffres que vous allez me donner : ils intéressent tous mes collègues.

En ce qui concerne cet amendement, je ferai la même observation que sur le précédent : nous ne pouvons pas le voter puisque nous ne savons pas ce qu’il représente.

On ne cesse de nous répéter que les collectivités locales font une « bonne affaire ». Lors de la discussion de la loi sur la décentralisation, j’avais expliqué qu’il valait mieux compenser par une dotation indexée sur la DGF. Nous y aurions moins perdu pour le RMI ! Vous me dites aujourd’hui que les départements feraient une bonne affaire sur la TSCA : or il y a deux ans, vous annonciez qu’elle augmentait de manière exponentielle, et en 2005, elle n’a augmenté que de 1 % !

M. le Rapporteur général – En 2006, nous serons à 6 %.

M. Augustin Bonrepaux – Nous ne nous opposerons pas à cet amendement, mais je pense qu’il y aura encore des modifications. Ce n’est pas vous que je mets en cause, Monsieur le ministre, mais les services qui devraient vous donner les chiffres exacts. Certains n’ont même pas enregistré le droit à option des TOS !

L'amendement 326, mis aux voix, est adopté.

M. Augustin Bonrepaux – J’ai posé hier soir une question sur le transfert des personnels de l’équipement, pour lequel rien n’est prévu. À ma connaissance, le transfert de postes ne fait l’objet d’aucune contestation. On a cependant oublié que tous les personnels ne sont pas mis à disposition, puisque certains n’optent pas pour le département. Les départements ont donc des postes à pourvoir et il aurait fallu l’anticiper. Quand l’État prendra-t-il cela en charge, à quelle date et sur quelle base ? Si la compensation s’opère sur la base du « pied de corps », les départements devront supporter une charge supplémentaire. C’est pourquoi la commission consultative d’évaluation des charges demande que ce soit sur la base du milieu du corps.

M. le Rapporteur général – Je l’ai dit en commission, il n’y a pas de transfert en 2007, mais une simple mise à disposition des personnels de l’équipement, sur la base du dénombrement des effectifs validé par la commission consultative d’évaluation des charges. En 2007, l’État rémunérera donc tous les agents concernés. Il compensera en outre les frais de recrutement et les crédits de remplacement. Les postes qui deviennent vacants en 2007 seront compensés en loi de finances rectificative pour 2007. En l’absence de projections fiables, il n’est pas possible de provisionner dès maintenant. Un effet de trésorerie pourra donc jouer à la marge au détriment des départements.

M. Pascal Terrasse – Sur quelle base provisionnera-t-on en 2007 ?

M. le Rapporteur général – Sur la base du dénombrement effectif des postes vacants et – je présume – du milieu de corps.

M. le Ministre délégué – L’année 2007 sera le point de départ de l’exercice du droit d’option pour les agents des directions départementales de l’équipement. Selon les enquêtes de l’Assemblée des départements de France, 96 % des agents concernés seraient satisfaits. On nous avait pourtant prédit le pire il y a deux ans !

M. Charles de Courson – C’est le bonheur !

M. le Ministre délégué – La compensation des premiers personnels s’opérera au 1er janvier 2008 et les nombreux échanges dont elle a fait l’objet dans le cadre de la commission consultative d’évaluation des charges ont permis d’en affiner les modalités de calcul. Elle se fera sur la base du coût exact des agents – les départements devant rémunérer ces derniers au même niveau que l’État. J’ai même souhaité aller au-delà. La compensation intégrera des dépenses que l’État n’assumait pas avant le transfert : les cotisations patronales, sur la base des dépenses supportées par les collectivités locales ; le 1 % formation, via un transfert de crédits et via le transfert des personnels en charge de la formation interne à la DDE ; les dépenses de visite médicale, à un niveau supérieur aux obligations prévues par le projet de loi sur la fonction publique territoriale ; les comptes épargne temps, compensés en une seule fois au moment du transfert effectif des premiers agents ayant opté. Conformément aux conclusions de la mission de l’Inspection générale des finances et de l’IGAS, 750 emplois disparus seront compensés sur la base du coût de pied de corps, soit un surplus de 15,9 millions environ. Les crédits de recrutement seront transférés dès 2007. Enfin, le ministère de l’équipement s’est engagé à compenser en tant que de besoin, dès 2007, les emplois vacants.

Le dispositif est donc très convenable et je vous invite à retirer cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. Michel Bouvard – Il s’agit d’une avancée importante. Le seul problème, de mon point de vue, est celui du pied de corps sur les postes vacants. En effet nous ne recrutons pas seulement sur des postes d’entrée de carrière, mais aussi sur des postes d’encadrement. Il faudra donc poursuivre la discussion sur ce point.

Je souhaite également évoquer le problème des parcs de l’équipement, sur lequel nous avons déjà interrogé M. Perben lors de l’examen du budget de la mission « transports ». Suite au rapport Courtial, il avait été envisagé de présenter un projet de loi pour permettre le transfert du personnel des parcs de l’équipement d’ici deux ans. Ce texte viendra-t-il en discussion avant la fin de la législature ? Il est indispensable pour lever la dernière incertitude qui subsiste sur le transfert des routes nationales.

M. Charles de Courson – Votre réponse est satisfaisante, Monsieur le ministre. Reste le problème des retraites, puisque le transfert va déstabiliser les comptes de la CNRACL.

J’ai une seconde question sur le coût des fonds académiques de rémunération des personnels d’internat. Nous avons du mal à retrouver les montants de chacun de nos départements dans les documents qui ont été distribués en commission. Pouvez-vous nous confirmer que ce que vous avez pris sur les FARPI n’est pas le montant estimé 2006, mais le montant 2004 – ce qui nous est plutôt favorable ?

M. Pascal Terrasse – Les réponses du rapporteur général et du ministre nous satisfont partiellement, mais M. Bouvard a raison de souligner le problème que pose la compensation en pied de corps. Les collectivités locales auront du mal à recruter des personnels de catégorie B et A dans ces conditions. Elles n’auront en tout cas pas intérêt à le faire par mutation : un fonctionnaire savoyard avec quinze ans d’ancienneté serait coûteux pour l’Ardèche (Sourires).

Je suis d’autre part très inquiet s’agissant des retraites de ces personnels transférés, dont je crains que le coût pour la CNRACL n’ait pas été suffisamment pris en compte.

M. le Rapporteur général – En pratique, quand un emploi devient vacant, la collectivité territoriale recrute un jeune, y compris dans les catégories A, Monsieur Bouvard. Pas seulement parce qu’elle y a un intérêt budgétaire, mais aussi parce que cela lui paraît préférable en termes de ressources humaines. C’est pourquoi la compensation se fait en pied de corps.

M. Pascal Terrasse – Il n’y aura pas de mutations, alors ?

M. le Ministre délégué – S’agissant des FARPI, Monsieur de Courson, l’opération est neutre pour les collectivités locales. Le mode de calcul de l’abattement a été arrêté sur la base des contributions constatées en 2004. Encore un point très favorable aux collectivités !

Notre discussion sur le pied de corps doit avoir quelque chose d’abscons pour le public qui nous écoute. Plus au fond, je crois qu’il y a un moment où il faut savoir s’arrêter, Monsieur Bouvard. Je vous ai fait la liste de ce que tout l’État compense – y compris de dépenses qu’il ne finançait pas lui-même. Elle est considérable !

Je remercie le rapporteur général de ce qu’il vient de dire. Si l’on a choisi le pied de corps, c’est tout simplement parce que, lorsqu’un emploi est vacant, on embauche plutôt un jeune, qui est en début de carrière. Mais les personnels transférés – on ne parle donc pas ici d’emplois vacants – continueront d’être payés à leur niveau de salaire.

Vous m’interrogez aussi sur les parcs, Monsieur Bouvard. Un rapport très intéressant de M. Courtial est en train d’être étudié par les services et par les associations d’élus. L’objectif est de déposer un projet de loi en septembre 2007.

M. Augustin Bonrepaux – L’amendement 102, que je retire, nous aura permis de recevoir les explications du rapporteur général et du ministre. Je n’ai pour ma part jamais contesté le transfert du personnel de l’équipement, qui a été approuvé par la commission consultative d’évaluation des charges.

Mais on ne peut pas accepter une compensation en pied de corps, car nous avons aussi besoin de personnels expérimentés, y compris par voie de mutation. D’ailleurs, lors de la précédente décentralisation, la compensation s’était faite en milieu de corps.

Enfin, je ne vais pas rouvrir le débat sur les retraites, car ce serait trop long, mais il serait bon de soumettre le problème à la commission consultative d’évaluation des charges.

L’amendement 102 est retiré.

M. le Rapporteur général – L’amendement 121 est rédactionnel.

L'amendement 121, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 9

M. Jean-Claude Sandrier – Vous présentez vos mesures de compensation, Monsieur le ministre, comme pleinement respectueuses des principes constitutionnels et législatifs, mais cette présentation masque votre double jeu, car en réalité votre politique asphyxie financièrement les collectivités locales et porte atteinte au principe de leur libre administration, le tout au nom d’une croisade dogmatique contre la dépense publique fondée sur une conception à nos yeux rétrograde de l’action publique. Dans le même temps, vous ne dites rien des gaspillages d’une gestion privée assise sur des rendements de capitaux sans commune mesure avec la croissance réelle des richesses du pays.

Les collectivités locales ne sont pas responsables du déficit public. Elles créent au contraire des richesses et investissent quatre fois plus que l’État. Au mépris de leur rôle économique et social, le Gouvernement a modifié en profondeur – et dans un sens qui leur est évidemment défavorable – les relations de l’État avec elles, qu’il s’agisse du plafonnement de la taxe professionnelle ou des transferts de charges dont la compensation intégrale n’est pas garantie et pour lesquels vous ne prévoyez pas de moyens évolutifs. D’où des mesures au coup par coup, décidées de façon autoritaire.

Le groupe des députés communistes et républicains n’est d’ailleurs pas le seul à dénoncer la « bombe à retardement » financière que laisse aux collectivités territoriales votre fausse décentralisation. C’est l’un de vos amis politiques, le sénateur Doligé, qui en parle dans un rapport.

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 9

M. Augustin Bonrepaux – L’amendement 180 est défendu.

L'amendement 180, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 10

M. Augustin Bonrepaux – Cet article prévoit un fonds de mobilisation pour l’insertion, ce qui est un progrès par rapport à la loi de 2003, étant entendu que face à des dépenses en hausse, celles du RMI, les départements ne peuvent malheureusement pas compter sur des recettes en hausse, puisque la TIPP stagne. J’ajoute qu’ils subissent de plein fouet votre « bouclier fiscal », ainsi que la réforme de la taxe professionnelle. Vous critiquez les hausses d’impôts locaux, Monsieur le ministre, mais ce sont les choix du Gouvernement qui les rendent inévitables.

M. le Rapporteur général – J’indique par avance que la commission est défavorable à l’amendement 103 : 500 millions de plus que la compensation légale, c’est déjà un effort important. En outre, on constate une stabilisation du nombre de érémistes, et même une légère décrue au cours du dernier trimestre.

M. Pascal Terrasse – La compensation du coût du RMI pour les départements a été assurée en 2004, mais l’évolution du nombre de érémistes et du niveau du RMI pèse sur leurs finances. Pour 2005 et 2006, les crédits proposés par le Gouvernement restent très insuffisants ; notre amendement 103 tend donc à passer de 500 à 840 millions.

Au demeurant, nous nous interrogeons sur les modalités de répartition de ces crédits : nous avions cru comprendre que le Gouvernement tiendrait compte de la motivation des départements en matière de réinsertion des érémistes et d’application du plan de cohésion sociale, mais nous aimerions qu’il nous précise les critères qu’il retiendra.

M. le Ministre délégué – Décidément, la fête continue ! Quand je vous entends proposer un tel festival de dépenses publiques, je me dis qu’il faut tout faire pour empêcher l’élection de Mme Royal à la présidence de la République ! En tout cas, je ferai de mon mieux.

Mon premier objectif était d’essayer de convaincre M. Bonrepaux. Nous avons mis 500 millions sur la table, et voilà que, soutenu par son cadet M. Terrasse – ce qui m’inquiète, car cela me laisse penser que celui-ci jouera peut-être demain le même rôle que M. Bonrepaux, qui s’apprête à ne plus être député –, il nous demande 340 millions de plus ! Ça passe ou ça casse, pense-t-il sans doute… Eh bien, ça casse ! Et même, pour tout dire, ça lasse... Avis très défavorable à cet amendement irresponsable. Nous n’avons pas l’argent, nous avons déjà donné tout ce que nous pouvions, nous compensons à l’euro près – et même au-delà – les dépenses des départements, et la loi prévoit que si jamais le nombre de érémistes diminue dans vos départements, vous garderez quand même l’argent !

M. Augustin Bonrepaux – Le dispositif s’arrête en 2008, et je ne pense pas que d’ici là, le nombre de érémistes aura baissé, au contraire ; en outre, le RMI va augmenter début 2007, je l’espère, d’au moins 1,8 %, ce qui aggravera le déficit. 500 millions, c’est bien, mais il en manque 340 !

À force de vous faire remarquer que la création du RMA coûtait cher aux départements, nous avons obtenu que M. Borloo améliore la compensation : c’est la preuve que ces débats sont utiles. Monsieur le ministre, il ne faut pas oublier que le RMI est une dépense de l’État, que les départements paient à sa place…

L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pascal Terrasse – L’amendement 113 est défendu.

L'amendement 113, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – Mon amendement 122 est rédactionnel.

L'amendement 122, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 123 apporte une précision.

L'amendement 123, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 124 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 124, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – Les amendements 125, 126 et 127 sont de précision.

Les amendements 125,126 et 127, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 10

M. le Ministre délégué – L’amendement 324 du Gouvernement procède à l’affectation de 100 millions de recettes tirées des amendes de police.

Le I affecte 50 millions à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, qui gérera le Fonds interministériel de prévention de la délinquance. Celui-ci financera en particulier les actions de prévention de la délinquance entreprises par les collectivités dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Le II prélève sur le montant de la dotation ouverte en 2006 un montant de 50 millions pour abonder la part de la DGF affectée à la péréquation entre les communes lors de la répartition de 2007. Cette utilisation, conforme au principe de péréquation inscrit depuis 2003 dans la Constitution, accroîtra les marges de manœuvre du Comité des finances locales pour assurer des croissances soutenues et parallèles des dotations de péréquations urbaine et rurale.

M. Michel Bouvard – Si ces sommes sont disponibles, c’est parce que l’an dernier, lorsque nous avons débattu de l’affectation du produit des amendes liées aux radars, la commission des finances avait souhaité que les éventuels excédents ne soient pas reversés au budget général de l’État mais puissent alimenter les fonds départementaux d’amendes de police, qui permettent notamment de financer des aménagements de sécurité le long des routes.

Monsieur le ministre, je vous donne acte du II, qui conforte la péréquation, mais je m’interroge sur le I. En effet, cette recette exceptionnelle n’a pas vocation à être pérenne : il faut espérer que, le civisme progressant, le produit des amendes de police diminuera. D’autre part, il est problématique qu’à nouveau, on fasse bénéficier d’une recette affectée une agence qui ne fonctionne pas encore. Lors de la discussion de la loi de finances pour 2007, nous avons été très nombreux, sur tous les bancs, à considérer que la mise à disposition d’opérateurs publics de recettes affectées n’était pas une bonne méthode. Mon sous-amendement 360 tend donc à préciser qu’on vise la seule année 2006.

M. le Rapporteur général – Favorable à l’amendement et au sous-amendement. Nous avions prévu l’année dernière que le surplus des amendes tirées des radars irait aux collectivités locales. J’accepte la répartition que vous proposez, Monsieur le ministre, mais je souhaiterais que vous acceptiez le sous-amendement car notre doctrine est que l’affectation d’une taxe à un organisme doit être autorisée chaque année par le Parlement.

M. Charles de Courson - Chacun était persuadé que les 240 millions de recettes estimées au titre des radars automatiques seraient dépassées : c’est le cas, et de cent millions.

M. le Rapporteur général – Non, car ces recettes comprennent les amendes forfaitaires.

M. Charles de Courson - Quelles sont donc les prévisions actuelles ? D’autre part, comment s’articulent les deux parties de l’amendement 324 ? Au vu des dernières estimations, le Gouvernement peut-il nous dire si le surplus éventuel, après ce double versement de 50 millions, sera bien reversé au titre des amendes de police ?

De façon générale, une grande obscurité entoure l’affectation de ces recettes réparties entre la DGF, le CAS, l’AFITF et l’Agence nationale de cohésion sociale. Quelle entorse au principe d’unité budgétaire ! Pourquoi ne pas clarifier cette recette ?

Quant au sous-amendement, conforme à ce que nous avions décidé en commission des finances, je l’approuve.

M. Hervé Mariton - Il y a des besoins, et il faut les couvrir. Toutefois, le sous-amendement de M. Bouvard est judicieux, car il nous donne le temps d’améliorer le dispositif.

L’affectation des recettes des radars a été considérablement améliorée par la création du compte d’affectation spécial. Ne revenons pas dessus : il est normal que l’argent des radars soit consacré à la prévention routière.

M. Pascal Terrasse – Bien sûr !

M. Hervé Mariton – C’est l’objet du CAS, mais aussi du versement à l’AFITF, puisqu’il sera consacré aux travaux sur des routes à deux fois deux voies. Enfin, les amendes forfaitaires sont reversées aux communes – selon des modalités d’ailleurs inadaptées : il est anormal que les conseils généraux décident de la distribution de crédits de l’État aux communes.

Malgré tout, et même s’il faut couvrir les besoins immédiats, cet équilibre clair doit être préservé pour que notre action en matière de sécurité routière puisse s’inscrire dans le temps.

M. Pascal Terrasse - Est-il vraiment justifié de verser une part du produit des amendes de radars et des amendes forfaitaires au fonds interministériel de prévention de la délinquance ? Ne vaudrait-il pas mieux affecter ces crédits à la prévention routière, comme y incite le CAS ? En outre, dans quelle mesure les collectivités bénéficieront-elles de ce surplus ? Enfin, je crains que votre proposition ne soit pas compatible avec vos engagements européens, et que le Conseil constitutionnel en demande le retrait.

M. le Ministre délégué – Je suis très favorable au sous-amendement de M. Bouvard, à ceci près qu’il faudrait en supprimer la référence à la compensation, puisque le prélèvement sera intégralement réparti entre les collectivités.

M. le Président – Je précise que le sous-amendement ne sera acceptable que si vous levez le gage.

M. le Ministre délégué – Le problème est donc réglé.

En matière d’amendes forfaitaires, la loi de finances initiale pour 2006 a prévu 620 millions, auxquels s’ajoutent cent millions au titre de 2005. C’est sur ces 720 millions que nous prélèverons les cent millions requis par l’amendement 327. Quant aux 70 à 90 millions de recettes prévues sur les amendes de radars, ils seront naturellement ouverts en loi de finances rectificative pour 2007.

Le sous-amendement 360, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 324, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Art. 11

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

Art. 12

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 12

M. le Ministre délégué – Afin de favoriser l’embauche, une ordonnance de 2005 a relevé de dix à vingt salariés le seuil au-delà duquel les employeurs doivent participer au développement de la formation professionnelle, et aménagé la contribution des entreprises de dix à dix-neuf salariés. L’amendement 327 vise à compenser les organismes bénéficiaires à hauteur de leur perte par le versement de 1,22 % des droits de consommation sur les tabacs, soit 114 millions.

M. le Rapporteur général – Avis favorable.

M. Charles de Courson - Ces 114 millions sont donc soustraits à la recette des droits du tabac affectée au budget de l’État ?

M. le Ministre délégué – Exact.

M. Charles de Courson - Vous proposez donc ultérieurement un amendement d’équilibre ?

M. le Ministre délégué – Exact.

L'amendement 327, mis aux voix, est adopté.

Art. 13 et état a annexé

M. le Ministre délégué – L’amendement 361 vise à prendre en compte l’effet des cinq modifications que nous venons de décider sur l’équilibre du budget : ajustements de la fiscalité du tabac et des transferts de fiscalité locale, diminution gagée des recettes d’amendes forfaitaires, majoration de 500 millions du versement opéré par la Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur et augmentation, à hauteur de 280 millions, de certains remboursements et dégrèvements. Ces modifications sont prises en compte par anticipation dans le plafond des dépenses brutes. Toutes les modification que je vous proposerai en deuxième partie sont équilibrées : les dépenses nettes restent inchangées par rapport à la loi de finances initiale.

Le solde budgétaire gagne donc 57 millions pour s’établir à 42,429 milliards, hors opérations de régularisation relatives au CAS pensions.

M. le Rapporteur général – Avis favorable, dans l’attente des amendements suivants.

M. Charles de Courson – Cet amendement n’est que la suite de ce qui a été voté, sauf pour ce qui est du versement supplémentaire de la Coface de 500 millions : c’est une somme considérable ! Nous sommes à la fin de l’année. D’où sort cet argent ?

L'amendement 361, mis aux voix, est adopté.
L'article 13 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2006, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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