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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du lundi 11 décembre 2006

Séance de 21 heures 30
39ème jour de séance, 88ème séance

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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eau et milieux aquatiques (deuxième lecture)

L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable C’est pour moi un honneur et une grande satisfaction de vous présenter ce projet de loi très attendu, et qui a fait l’objet d’une large concertation. Je salue le travail de l’Assemblée nationale, tout particulièrement celui du président, du rapporteur et des membres de la commission des affaires économiques qui ont amélioré le texte initial. Notre responsabilité est aujourd’hui de mener à son terme ce projet de loi qui s’intègre dans la politique conduite par le Gouvernement pour relever les grands défis environnementaux du XXIe siècle.

Les deux dernières canicules, la répétition des épisodes de sécheresse et les fortes inondations, tant en France qu’à l’étranger, montrent que les modifications du climat sont d’ores et déjà à l’œuvre. Ce ne sont pourtant là que les prémices d’évolutions autrement importantes, dont les conséquences écologiques, sanitaires, économiques et sociales pourraient être extrêmement graves. Aussi devons-nous faire face sans attendre. Ce projet de loi y contribue directement en donnant une assise législative à plusieurs des mesures du plan de gestion de la rareté de l’eau que j’ai lancé en octobre 2005, ainsi que du plan de relance de la lutte contre les inondations que j’ai annoncé le 12 juillet dernier.

Il parachève également la refonte de la politique de l’eau entreprise par le Gouvernement depuis 2002 et qui a déjà donné des résultats concrets. La loi de 2003 relative à la prévention des risques nous a dotés d’un dispositif complet de prévision des inondations et a permis de lancer une quarantaine de plans d’action par bassin versant et d’accroître l’information des acquéreurs et locataires de logements. La loi de programme pour l’outre-mer la même année a, quant à elle, créé des offices de l’eau dans les départements d’outre-mer qui ne disposaient pas jusque là d’agences de l’eau. La loi portant transposition de la directive-cadre sur l’eau, de 2004, nous permet aujourd’hui de respecter parfaitement le calendrier d’application de cette directive. La loi d’orientation de santé publique, de 2004 également, a simplifié les procédures de création de périmètres de captage, ce qui a permis de doubler le rythme de leur mise en place. La loi relative au développement des territoires ruraux de 2005 a renforcé la protection des zones humides. Enfin, la réforme de la police de l’eau est achevée et, désormais, chaque département dispose d’un service unique au lieu de cinq ou six auparavant.

Les questions environnementales doivent être traitées à l’échelon pertinent. Seule une action internationale permettra d’agir sur le changement climatique et seule une Europe forte nous permettra de peser sur ce sujet dans le concert des nations. La France, sous l’impulsion du Président de la République, milite, aux côtés de l’Union européenne, pour la création d’une organisation des Nations unies pour l’environnement. Une conférence internationale se tiendra sur ce thème début février.

Notre politique de l’eau doit être cohérente avec les ambitions et les objectifs que nous nous sommes collectivement fixés au sein de l’Union européenne. Nous avons trop souvent tendance à percevoir comme une contrainte ces engagements, que les gouvernements successifs ont librement pris. Il convient au contraire de les assumer pleinement pour éviter le dumping environnemental.

Notre pays est comptable devant la Commission européenne de la bonne application des directives et notre Gouvernement en a fait l’un de ses objectifs prioritaires. La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire d’octobre 2005 a permis de résorber tout le retard accumulé dans la transposition des directives environnementales. Le nombre de contentieux européens en matière d’eau a été réduit de moitié en un an. Nous nous félicitons bien sûr que le contentieux relatif à la qualité de l’eau potable distribuée en Bretagne ait été classé et que se dessine une solution définitive pour celui de l’étang de Berre. L’effort doit maintenant porter sur les affaires en cours, certaines d’entre elles exposant la France à des sanctions financières lourdes à brève échéance. C’est le cas en matière d’assainissement où nous accusons un retard de huit ans dans l’application de la directive relative aux eaux résiduaires urbaines. Le risque est important également s’agissant de la teneur en nitrates des eaux des rivières destinées à la production d’eau potable, le maximum ayant été fixé à 50 mg/l.

Ce projet de loi renforcera nos outils pour préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques, facilitera la tâche des élus, notamment ruraux, dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, et permettra d’améliorer la gouvernance de la politique de l’eau en renforçant les agences, dont les redevances auront désormais une assise constitutionnelle.

Le Sénat, en deuxième lecture, a globalement confirmé les orientations adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture, tout en apportant des modifications dont certaines constituent des améliorations, d’autres obligeant probablement à rechercher un accord en CMP.

Un point auquel je suis très attachée est la reconnaissance du droit à l’eau. La France honore ainsi un engagement qu’elle avait pris et que j’avais personnellement défendu à Mexico en mars dernier. Plusieurs mesures concrètes ont été prises par ce gouvernement depuis 2004 : élaboration dans le cadre du Fonds de solidarité logement d’un dispositif pour les impayés d’eau, interdiction des coupures pendant l’hiver pour les personnes en situation de précarité. Le Sénat a choisi de plafonner la part fixe de la facture d’eau et d’interdire non seulement les cautions solidaires, mais aussi les cautions simples qui étaient parfois demandées lors de la souscription d’un abonnement. Toutes ces mesures témoignent de notre souhait de faciliter l’accès à l’eau.

L’intégration d’une référence au changement climatique est essentielle, car elle nous permettra de mieux prendre en compte ce défi planétaire dans notre politique de l’eau.

La redevance « élevage » a été simplifiée, ce qui constitue une avancée. Le Sénat a, sur ce point, retenu les propositions de l’intergroupe parlementaire animé conjointement par les deux rapporteurs du texte au Sénat et à l’Assemblée. Un bon équilibre a été trouvé au travers d’une redevance incitative et équitable, réduisant la charge administrative des agences de l’eau comme des agriculteurs. Je tiens à saluer le travail accompli en commun par les deux assemblées.

L’assise de la redevance « phytosanitaires » a été renforcée grâce à une meilleure traçabilité des ventes, qui nous permettra d’atteindre notre objectif de réduire de moitié la vente des pesticides les plus dangereux.

Les ressources du fonds Barnier permettront de financer de nouveaux programmes d’action et de prévention des inondations – PAPI –, au-delà des 43 plans déjà engagés depuis 2003. Je dois d’ailleurs signer, dans les deux mois à venir, une quinzaine de nouveaux plans auxquels s’ajouteront les plans « grands fleuves », Rhône, Seine et Garonne.

S’agissant des services publics de l’assainissement non collectif, et répondant en cela à l’inquiétude des élus, le Sénat a amélioré le dispositif voté en première lecture en permettant aux communes de choisir les modalités de contrôle des systèmes. Votre commission a été plus loin en proposant de supprimer la possibilité de recourir au privé pour réaliser ces contrôles. Pour ma part, je le regrette mais je m’en remettrai à la sagesse de votre Assemblée.

Le Sénat a rétabli le fonds départemental pour l’alimentation en eau et l’assainissement : sur ce point également, je m’en remettrai à la sagesse du Parlement.

La Haute assemblée a, d’autre part, ramené de 14 à 12 milliards le plafond de dépenses pour le 9e programme des agences de l’eau, ce qui me semble effectivement suffisant.

Enfin, elle a redonné aux communes la possibilité d’instaurer une taxe communale sur les eaux de ruissellement. Votre commission propose de revenir sur ce point. Je le regrette.

La convergence s’est faite sur deux points importants. D’abord, le Sénat a voté conforme l’article que vous aviez introduit sur les eaux closes. Ensuite, les crédits de solidarité pour les communes rurales ont été maintenus à un milliard pour la période 2006-2012, ce qui leur assure une aide nettement supérieure à celle que leur apportait le fonds national d’adduction d’eau.

Cette loi permet un grand nombre d’avancées, qu’il s’agisse de mieux préserver les milieux aquatiques, d’offrir aux élus des moyens et des outils nouveaux pour la gestion de l’eau et l’assainissement, notamment en milieu rural, ou d’instaurer une nouvelle gouvernance de la politique de l’eau.

Certaines critiques se sont exprimées. Mais nous maintenons l’ambition de faire progresser la politique de l’eau de façon pragmatique et équilibrée. Ce gouvernement a remis l’ouvrage sur le métier, et je sais que vous avez comme nous à cœur de faire une belle loi, pour le présent et pour l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Flajolet, rapporteur de la commission des affaires économiques – Ce projet permettra de rénover le socle juridique des agences de l’eau, de donner les moyens techniques et financiers d’atteindre les objectifs fixés par la directive cadre sur l’eau, et de mieux répartir les efforts de chaque catégorie pour ce faire.

M. Jean Launay – Sur ce point, c’est raté.

M. le Rapporteur – Néanmoins des interrogations légitimes subsistent, car il faut concilier des enjeux apparemment contradictoires. Ainsi, le développement de l’hydroélectricité doit concilier la protection des milieux aquatiques et le respect de la directive sur les énergies renouvelables. Les fédérations de pêche attendent aussi des assurances sur leur participation aux grands enjeux écologiques, par exemple dans les zones de frayère, sur la lutte contre le braconnage et sur le devenir des agents du Conseil supérieur de la pêche.

Le projet innove dans la lutte contre les pollutions domestiques. De nouveaux amendements viseront à renforcer les services publics d’assainissement non collectif, à préciser le rôle des collectivités, et à mieux réglementer les obligations pour les habitats fluviaux. Il tend aussi à préciser la gouvernance de l’eau à partir des SAGE, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, et des commissions géographiques. Je vous proposerai un certain nombre d’amendements à ce sujet. Je vous proposerai également de ne pas donner suite à la proposition de créer un fonds départemental, et d’autoriser plutôt la création de commissions consultatives des services publics locaux pour les communes de plus de 20 000 habitants.

D’autre part, le débat a beaucoup porté sur les redevances. Le respect de la constitutionnalité exige que tous participent à l’effort de réduction des pollutions et de l’utilisation de produits phytosanitaires, et de généralisation des pratiques vertueuses.

S’agissant de la fiscalité écologique, je n’ai pas estimé nécessaire de revenir au projet de redevance azote, préférant passer par la redevance phytosanitaire et par une simplification de la redevance élevage, opérée en partenariat avec toute la profession.

Je souhaite également que l’on incite fortement les agriculteurs et les collectivités aux bonnes pratiques et aux conduites vertueuses.

J’ai par ailleurs eu le souci de répondre aux questions que se posent les propriétaires d’étang, les utilisateurs de préparations naturelles et les occupants du domaine public. Je vous saurais donc gré de nous apporter des précisions sur le décret relatif aux eaux libres et aux eaux closes, sur le rôle éminent des pêcheurs de loisir ou professionnels comme sur les attentes des sportifs en ce qui concerne un meilleur accès à l’eau et la connaissance de ses dangers.

J’ai souhaité enfin souligner le rôle pédagogique des agences pour sensibiliser aux enjeux mondiaux du droit d’accès à l’eau. Nous attendons également des précisions sur ce point.

Il y a urgence à légiférer puisque c’en sera fini le 31 décembre du Conseil supérieur de la pêche et des associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques. Ce sera aussi le début du neuvième programme des agences, que ce projet vise à renforcer. Et je ne veux pas conclure sans remercier les associations, groupes et élus de tous bords qui m’ont aidé à faire progresser ce dossier d’intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président – J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. André Chassaigne – Je tiens d’abord à saluer le président dans l’exercice de ses nouvelles responsabilités.

Ce projet nous revient après quelques atermoiements. Il comporte de criantes lacunes, en particulier sur la maîtrise publique de la gestion et de la distribution de l’eau, que j’aborderai avant de démontrer que, objectivement, ce texte n’est pas recevable.

La maîtrise publique de l’eau a régressé depuis une vingtaine d’années. En effet, deux grands opérateurs privés, Véolia et Suez-Lyonnaise des Eaux, détiennent 80 % du marché de la gestion de l’eau. Or, cette privatisation n’a pas pour l’usager les effets bénéfiques que les adeptes du libéralisme nous annonçaient, Monsieur Auclair.

M. Jean Auclair – On va voter pour Royal, vous allez le voir, le libéralisme !

M. André Chassaigne – Selon la direction de la concurrence et les chambres régionales des comptes, les différences de prix sont de 20 % à 40 % suivant que la gestion a été ou non déléguée.

Les multinationales prétendent que leur activité n’est pas rentable, que l’amortissement pèse lourd dans leurs budgets, et elles annoncent des marges réduites, voire des pertes.

Les associations de consommateurs ont montré ce qu’il en est en réalité.

D’abord, pour l’entretien du matériel et en particulier des compteurs, les usagers paient un abonnement en continu alors que les techniciens interviennent rarement. Les matériels sont amortis sur une dizaine d’années et changés seulement au bout de 25 ans en moyenne, et les opérateurs privés imputent aux collectivités des dépenses de personnel sans que soit vérifiée la réalité des frais engagés. Ils se livrent ainsi à d’importantes surfacturations.

Surtout, les multinationales de l’eau font leurs plus gros bénéfices grâce aux « provisions pour travaux ». Celles-ci représentent en effet près de la moitié du prix de l’eau. Or, suivant une enquête de Que Choisir, sur les quinze premières années d’un contrat de vingt ans, à peine un tiers des travaux provisionnés sont réalisés.

Enfin, dans le prix payé par les usagers, une partie revient à l’État à travers la TVA, une partie aux agences de l’eau via les redevances pour lutter contre la pollution, une autre aux collectivités pour financer les investissements sur le réseau. Mais n’est-il pas scandaleux que les entreprises délégataires ne reversent ces éléments du prix que 9 à 12 mois plus tard, après avoir fait un profit sur l’argent public ?

Le résultat est que les opérateurs bénéficient d’une marge de près de 60 % en Île-de-France et de 30 % ou plus dans les autres zones urbaines. Les usagers des petites communes rurales, pour la plupart demeurées en régie, paient l’eau moins cher que ceux des villes, qui gèrent pourtant des volumes plus importants avec une moindre longueur de canalisations !

Dès lors, pourquoi les collectivités recourent-elles à la délégation de service public ? Ce n’est en général pas pour des raisons idéologiques. Si elles renoncent à la régie, c’est en raison de la complexité et de la technicité des tâches, ainsi que de l’absence de soutien financier. C’est leur paupérisation qui les pousse à ce choix par défaut ! Les députés du groupe communiste n’ont eu de cesse de dénoncer cette situation, notamment à l’occasion de l’examen du budget des collectivités locales.

C’est pourquoi je propose de confier à un organisme d’État le soutien à la gestion publique de l’eau. Je ne propose donc pas de nationaliser cette gestion de manière autoritaire.

M. Jean Dionis du Séjour – Ah !

M. André Chassaigne – Nous restons fidèles à la tradition, qui remonte à la Révolution, de réserver au maire la compétence sur la distribution de l’eau. L’objectif doit être pour l’État d’inciter les collectivités à recourir à la régie, afin de leur permettre d’échapper à ces firmes tentaculaires qui les manipulent plus qu’elles ne les servent. Et pour celles qui décideraient de recourir à la délégation de service public, la bonne exécution par les opérateurs privés de leurs obligations contractuelles doit être contrôlée par un organisme public. Cette mission de soutien technique et scientifique pourrait être confiée à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Celui-ci pourrait également assurer une compensation entre les collectivités pour permettre le développement harmonieux des réseaux et favoriser une péréquation des tarifs. Son action se déploierait par le biais des comités de bassin et des agences de l’eau. Les circonstances s’y prêtent particulièrement puisque les deux tiers des contrats de délégation arrivent à échéance en 2009. Dans chaque commune, il est nécessaire qu’un débat ait lieu sur cette question et je sais que des « collectifs eau » se constituent déjà. Le débat porte également sur le prix de l’eau, sa qualité et sur le service rendu. Beaucoup de collectivités – Amiens, Angers, Bastia, Castres, Clermont-Ferrand, Limoges, Nancy… – ont maintenu leur régie ou ont choisi de re-municipaliser l’eau et elles en sont pleinement satisfaites car les prix baissent et les investissements augmentent. L’enjeu est énorme puisque ce sont 850 000 kilomètres de canalisations en fonte qui devront être remplacés au plus vite. Cette agence aurait donc pour mission d’apporter aux collectivités territoriales un appui technique et juridique ainsi que des conseils financiers. Elle assurerait également des missions de formation, d’expertise, de police de l’eau, de surveillance des cours d’eau pour prévenir les inondations et réduire les pollutions, en collaboration avec les agences de l’eau.

Selon l’article 91 du Règlement, l’exception d’irrecevabilité vise à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. Or, tel est bien en l’occurrence le cas. Depuis la loi du 1er mars 2005, le principe pollueur-payeur est gravé dans notre Constitution, puisqu’il figure dans l’article 4 de la Charte de l’environnement. Il s’agit d’ailleurs de la reprise d’une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice des communautés, jurisprudence qui veut que les États membres garantissent les réparations résultant des dommages subis. Le projet devait donc appliquer ce principe constitutionnel dans le domaine de l’eau, mais également transposer en droit français la directive cadre de 2000. Or, ces deux exigences ne sont pas satisfaites, bien au contraire ! Le principe pollueur-payeur est contredit par toute une série de dispositions. De nombreuses personnes et entités sont ainsi exclues du champ d’application de ce projet alors qu’elles contribuent à la dégradation quantitative de l’eau, ce par le biais de seuils en deçà desquels certains sont exonérés de leurs responsabilités.

La directive cadre impose en outre de distinguer trois secteurs : l’industrie, les ménages, l’agriculture. Or, ce projet ne retient que l’opposition entre usage domestique et non domestique,…

M. le Rapporteur – Vous n’avez pas tout lu.

M. André Chassaigne – …éludant ainsi la question spécifique de l’agriculture. Il ne s’agit certes pas de faire porter la responsabilité de la pollution aux seuls agriculteurs : le véritable responsable est très largement l’industrie agro-alimentaire qui leur impose leurs conditions d’exploitation. Les agriculteurs sont aussi poussés à la course à la rentabilité en l’absence de prix suffisamment rémunérateurs et sous l’effet de la concurrence mondiale.

M. Jean Auclair – Vous n’êtes plus à la page !

M. André Chassaigne – Le principe décideur-payeur devrait gouverner l’application du principe polleur-payeur. Il n’est pas pour autant concevable d’exclure la filière agricole, prise au sens large, du champ d’application de ce principe, car la société est très attentive aux conséquences environnementales et alimentaires de ses productions.

D’autre part, ce projet ne reprend pas le dispositif fiscal choisi lors de la mise en place de la TGAP, privilégiant plutôt le système en vigueur des redevances. Or, une redevance est essentiellement le produit de l’exploitation d’un service local, perçue qu’elle est auprès de l’usager sur la base de prestations fournies et en fonction de leur prix de revient. Ce système ne relève donc pas du principe pollueur-payeur, qui exige une taxation en fonction de l’impact d’une décision ou d’une activité sur l’environnement, selon un mode de calcul qui valorise les efforts faits pour limiter les risques de pollution. Une telle taxation doit faire évoluer les comportements en dissuadant les pollueurs.

Dans sa décision du 14 avril 2005, le Conseil constitutionnel a bien précisé cette distinction entre taxe et redevance. Or, dans votre projet, la taxe pour collecte et traitement des eaux pluviales est due par tous les usagers alors que le principe pollueur-payeur voudrait que, pour l'essentiel, ce soient ceux qui concourent effectivement à la dégradation des eaux pluviales qui contribuent à la dépollution. De même, s’agissant de la redevance pour prélèvement, il apparaît contraire à la Charte de l'environnement que les utilisateurs ne soient pas imposés proportionnellement aux prélèvements opérés et à l'impact qu’ils ont sur l'eau et les écosystèmes aquatiques. Une redevance pour modernisation des eaux de collecte s'ajoute de surcroît à des redevances de distribution d'eau et d'assainissement qui intègrent déjà les renouvellements nécessaires de matériel. Et quand les objectifs sont connus, comme pour la redevance pour pollution, ce sont les modalités mêmes du prélèvement qui sont confuses ! Le SDAGE devra ainsi déterminer les catégories d'utilisateurs et les agences de l'eau devront souvent choisir elles-mêmes l'assiette d'imposition à partir d'éléments que le législateur ne définit pas précisément. Cette absence de cadre risque d’entraîner une grande variation des taux suivant les agences, au mépris du principe d'égalité devant les charges publiques. Et la méconnaissance de ce dernier principe est un autre motif d'irrecevabilité !

Enfin, le volet des sanctions devrait également être apprécié au regard du principe pollueur-payeur. Les redevances ne comportent qu'exceptionnellement des dispositifs incitant les usagers à modifier leur comportement. De plus, à l'article 21, le projet institue un fonds de garantie qui peut compenser les responsabilités pour pollution résultant de l'épandage de boues urbaines ou industrielles, ce qui conduit à mutualiser les charges éventuelles et donc à déresponsabiliser les pollueurs potentiels. En outre, au mépris de l'exigence de « réparation des dommages » contenue dans l'article 4 de la Charte de l'environnement, le projet ne mentionne pas de manière systématique la remise en état comme élément pouvant être imposé à un contrevenant par un tribunal.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que notre Assemblée vote en faveur de cette exception d'irrecevabilité.

Mme la Ministre – Ce projet satisfait totalement à la Constitution, à la Charte de l’environnement et à la directive cadre. Ainsi, l’agriculture est traitée comme les autres activités, à travers une redevance représentative des pollutions dues aux élevages – la redevance UGB –, une redevance représentative des pollutions dues aux grandes cultures et une redevance sur les produits phytosanitaires représentative de l’ensemble des impacts de cette activité. Je vous invite donc à rejeter cette exception d’irrecevabilité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques – Très bien.

M. Claude Gaillard – S’agissant par exemple de l’eau potable, Monsieur Chassaigne, l’égalité devant les charges publiques n’a aucun sens puisque les situations sont par nature très différentes. Les collectivités qui peuvent puiser dans une nappe phréatique non polluée n’ont pas les mêmes difficultés que celles qui doivent puiser dans les eaux de surface. À moins de nationaliser le secteur de l’eau, comment pourrait-il y avoir égalité ? À Nancy, par exemple, les prélèvements sont effectués à raison de 2 m3 par seconde dans la Moselle, qui fait 3,5 m3 à l’étiage. Dès lors, les dispositifs de captage et de traitement sont très coûteux.

S’agissant de la taxation et de la redevance, une sanction est prise en fonction du traitement et de la nature des effluents rejetés.

Vous vous êtes lancé dans une diatribe contre deux grands groupes français : en tant que Français, je ne peux quant à moi que me réjouir s’ils sont les meilleurs du monde.

M. le Président de la commission – Très bien.

M. Claude Gaillard – S’agissant du choix entre la régie et la délégation de service public, chaque collectivité doit assumer ses responsabilités. Nancy est restée en régie et si j’ai choisi qu’il en soit ainsi, c’est que, pendant des années, nous nous sommes attachés à former notre personnel, car on ne peut bien négocier avec une entreprise privée que si l’on dispose de compétences à l’intérieur de ses propres services. Les communes qui optent, elles, pour la délégation, doivent définir un cahier des charges. Nul besoin, donc, de chercher midi à quatorze heures, la situation est limpide et s’il apparaît que des exagérations ont lieu, il revient aux collectivités de faire face, car elles en ont les moyens et les compétences.

Contrairement à vous, nous ne les tenons pas pour des irresponsables qu’il faudrait chapeauter pour leur expliquer ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Chacun doit assumer ses responsabilités, et cela vaut pour elles également.

Rien de véritablement convaincant n’ayant été exposé, le groupe UMP ne votera pas l’exception d’irrecevabilité.

M. Germinal Peiro – L’opinion du groupe socialiste est différente. Notre collègue Chassaigne a eu le mérite d’aborder la question des grands groupes. Nous nous réjouissons, nous aussi, que la France en compte d’efficaces, mais le problème est que, sous prétexte de « liberté », ils se trouvent en position de quasi-monopole. André Chassaigne a donc regretté à juste titre qu’aucune disposition de nature à aider les petites collectivités à faire des choix éclairés ne figure dans ce projet. Les maires des villages savent pourtant que leur marge de manœuvre est très limitée, faute de compétences parmi leur personnel. La conséquence en est que, s’il n’y a pas d’intercommunalité, ils doivent se tourner vers le secteur privé. M. Chassaigne n’a pas demandé la nationalisation de ces groupes ; il a déploré que la gestion publique de l’eau ne soit pas encouragée. Pire : elle est entravée. Ainsi, le département des Landes faisait varier ses aides aux collectivités selon qu’elles avaient adopté la régie directe ou choisi la délégation de service public. Non seulement le préfet a attaqué M. Emmanuelli, président du conseil général, devant le tribunal administratif, mais, par ce texte, vous avez supprimé cette possibilité. Après quoi, ayant ainsi interdit aux départements d’exercer leurs prérogatives comme bon leur semble, vous invoquez le principe de la libre administration ! De là à penser que vous préférez la gestion par le secteur privé, il n’y a qu’un pas, que nos concitoyens ne tarderont pas à franchir.

André Chassaigne n’a pas dit, non plus, que les prix devraient être les mêmes sur tout le territoire, car il sait, comme nous tous, que toutes les situations ne sont pas égales. Mais il convient, là encore, de laisser les collectivités choisir – à condition de leur en donner les moyens. Qui peut nier qu’à l’occasion de la renégociation des contrats, des exemples de bénéfices exagérés aient été mis au jour ? Ces profits excessifs ont été payés par tous les contribuables. Or, même si nous sommes heureux qu’ils existent, notre rôle n’est pas d’augmenter le bénéfice des grands groupes, mais de nous assurer que le meilleur service est rendu à nos concitoyens, dont on ne peut pas dire que leurs revenus aient beaucoup augmenté ces dernières années.

Il est enfin extraordinaire que le principe pollueur-payeur ne soit pas une fois mentionné dans ce texte alors que, sans même parler de la loi de 1992, il figurait déjà dans la loi de 1964. Pour être moi-même issu du milieu agricole, je suis parfaitement conscient que l’on ne saurait imputer en une fois des charges insupportables à tout un secteur. Pour autant, chacun doit être mis face à ses responsabilités, sans que nul puisse en être exonéré.

Voilà pourquoi le groupe socialiste votera l’exception d’irrecevabilité.

M. Jean Dionis du Séjour – Défendant une exception d’irrecevabilité, notre collègue André Chassaigne est dans son rôle. Le groupe UDF, pour sa part, est plutôt favorable au débat, sauf dans les cas flagrants d’inconstitutionnalité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les questions abordées sont d’ailleurs intéressantes, et d’abord celle de la gestion publique de l’eau. Sans doute, comme l’a dit Germinal Peiro, les collectivités ont-elles laissé la bride trop lâche aux grands groupes. Elles devront donc la resserrer, et en venir à une meilleure gestion, mais cela se fera dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales. Quant au principe constitutionnel du « pollueur-payeur », est-il bafoué dans ce texte ? Pour le groupe UDF, la question, d’importance, mérite que l’on s’y arrête. On sent bien que l’on tend vers une nouvelle orientation, qui serait de basculer d’un système dans lequel le payeur est le consommateur à un autre, dans lequel le payeur serait le pollueur. Mais voilà qui est plus facile à dire qu’à mettre en œuvre. Contrairement à ce qu’a soutenu M. Chassaigne – et Mme la ministre lui en a fait reproche à juste titre –, les agriculteurs sont loin d’avoir été oubliés…

M. André Chassaigne – Je n’ai pas dit cela !

M. Jean Dionis du Séjour – Si. Pour nous, dans ce texte, s’exprime encore la méfiance à l’égard des agriculteurs, considérés comme des fraudeurs dont il faudrait donc mesurer l’activité avec des compteurs. Nous tenterons de faire bouger les choses au cours du débat, mais une chose est certaine, le projet n’est pas laxiste à l’égard des agriculteurs. Que dire, d’ailleurs, des autres pollueurs ? Au bord de la Garonne, où j’habite, par temps d’orage les eaux de ruissellement sont noires et charrient des substances gravement toxiques. A-t-on décidé de taxer les automobilistes ou les collectivités ? Non, et tout le monde se cache ! Qui, dans ce cas, est le pollueur ?

Ce débat politique est complexe, mais il faut l’engager et non tenter de l’éviter par une exception d’irrecevabilité à la Ponce Pilate, que le groupe UDF ne votera pas.

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.

question préalable

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean Launay – Nous en venons enfin au dernier examen de ce texte et je pense comme vous, Madame la ministre, qu’il fallait en finir avant la nouvelle législature. Cette question préalable me donnera l’occasion de revenir, de manière critique mais constructive, sur certaines de ces dispositions.

Alors qu’un des enjeux du texte devait être la mise en œuvre du principe « pollueur-payeur », ce principe est méconnu à de nombreux égards. J’en donnerai quelques exemples tirés de l’étude faite de votre projet par les responsables du Centre de recherche interdisciplinaire en droit de l’environnement, de l’aménagement et de l’urbanisme de Limoges.

Dans l’article 3, concernant l’affectation de débit à certains usages, il n’est pas tenu compte de l’impact de ces opérations sur les écosystèmes aquatiques. Dans l’article 4, qui traite des obligations relatives aux ouvrages, notamment au regard de la protection des eaux et des espèces migratrices, le texte ne fait pas obligation aux maîtres d’ouvrage d’adapter le fonctionnement de leurs installations à l’évolution du niveau des eaux. Dans l’article 22, si la taxation différenciée des déversements non domestiques répond à l’objectif de mise en œuvre du principe pollueur-payeur, le texte n’instaure qu’une participation au lieu d’une taxation. Dans l’article 27, il est créé une tarification reposant sur un pouvoir discrétionnaire dont les fondements sont indéterminés. Aussi ce nouvel article ne pose-t-il pas des principes clairs permettant de distinguer la différenciation de tarification. Or, en application du principe pollueur-payeur, il eût été logique que le coût de traitement des eaux soit supporté par les opérateurs qui contribuent en amont à la dégradation de la qualité des eaux, en distinguant les trois catégories d’usagers définies par la directive cadre sur l’eau.

Dans l’article 37, qui devait être emblématique de la mise en œuvre du principe pollueur-payeur, en ne distinguant que les usages domestiques et les usages non domestiques, vous ignorez encore la vraie distinction, celle qu’établit la directive cadre entre les ménages, l’agriculture et l’industrie. Soyons lucides : les usages non domestiques feront l’objet d’une application sélective qui exclura un nombre important d’acteurs responsables de la dégradation de l’eau et des écosystèmes, alors que ces critères qualifient le bon état écologique des eaux.

L’assiette de la redevance sera par ailleurs fixée en fonction de plusieurs paramètres qui apparaissent comme autant de mesures d’atténuation de l’application du principe pollueur-payeur. Par exemple, l’état des masses d’eau constitue un critère de référence, alors même qu’il est encore mal connu. Les risques d’infiltration ou d’écoulement de polluants dans les masses d’eau doivent être appréciés au cas par cas. Les prescriptions imposées au titre de la police de l’eau peuvent être très variables selon l’autorité qui les instaure, de même que l’objectif des SDAGE peuvent varier d’un bassin à l’autre. Ces paramètres suggèrent une application très souple, et particulièrement aléatoire, de cette redevance, qui méconnaît les objectifs du principe pollueur-payeur.

Un mot particulier sur le paragraphe 4 de ce même article 37, relatif à la redevance pour pollution diffuse. Si cette disposition présente l’avantage d’affecter la chaîne de distribution industrielle des produits antiparasitaires, elle ne permet pas de déterminer le comportement des industriels comme producteurs, ni même des usagers de ces produits comme pollueurs réels. C’est la raison pour laquelle il nous semble nécessaire de renforcer le caractère dissuasif de cette redevance, en redéfinissant à la fois les taux plafonds et les catégories de produits pris en compte dans le calcul de l’assiette.

Un amendement à l’article 37 proposera par conséquent de relever le taux en fonction de la teneur des eaux du bassin en produits cancérogènes, mutagènes, toxiques ou dangereux pour l’environnement. Cela répond à une nécessité. Dès 2002, une étude de l’Institut français de l’environnement sur les pesticides montrait que seuls 5 % des points de mesure présentent des concentrations sans risque pour la vie aquatique et compatibles avec l’usage « eau potable ». En 2004, la même étude confirmait des concentrations de pesticides dans 96 % des points interprétables des réseaux de connaissance générale ; plus précisément, 27 % du nombre de points interprétables ataient de qualité médiocre ou mauvaise et auraient nécessité un traitement spécifique d’élimination des pesticides s’ils étaient utilisés pour produire de l’eau potable.

Notre devoir est donc de favoriser la mise en place du système d’information sur l’eau et d’agir pour réduire drastiquement les quantités vendues de substances actives les plus dangereuses. L’exposition des écosystèmes et des populations constitue un véritable enjeu de santé publique. À cet égard, je tiens à mentionner une étude récente de l’école de santé publique de l’université de Harvard, qui semble confirmer l’hypothèse selon laquelle une exposition prolongée aux pesticides fait augmenter le risque de contracter la maladie de Parkinson. Demain, la recherche nous permettra sans doute de savoir quelles molécules représentent la plus grande menace et par quels mécanismes ces substances agissent. Mais l’on peut d’ores et déjà affirmer qu’il faut dépasser le principe de précaution, puisque le lien de causalité entre l’exposition aux herbicides, insecticides, fongicides et la survenue de la maladie est avéré.

Madame la ministre, nous avons besoin de ce texte, ne serait-ce que pour assurer le bon fonctionnement de nos agences. Les critères de répartition des catégories d’usagers dans les instances, les règles du jeu pour la redevance, la définition et la mise en application de la solidarité entre l’urbain et le rural : de tout cela, nous avons aussi besoin. Nos agences de bassin sont en train d’élaborer avec vous leurs politiques d’intervention dans le cadre du 9e programme. Tous ceux qui, comme nous, veulent contribuer au bon état des eaux, ont besoin de cette loi et de ses décrets d’application, ainsi que de la reconnaissance de la constitutionnalité des redevances.

Et nous tenterons à nouveau, Madame la ministre, de vous convaincre de porter à 14 milliards le plafond de dépenses des agences pour la période 2007 à 2012, comme nous l’avions voté en première lecture. Les 12 milliards qui nous reviennent du Sénat correspondent à peine au 8e programme actualisé de l’inflation. Pourtant, il y a bien des impératifs nouveaux : ceux posés par la directive cadre, notre retard dans l’application de la directive eaux résiduaires urbaines, la solidarité urbain-rural, le renouvellement des réseaux, la protection de la ressource en eau… autant de sujets sur lesquels nous reviendrons. Ne cédez pas, Madame la ministre, à la pression de Bercy, et entendez nos demandes !

Un mot sur un sujet crucial, dont nous avions fait un amendement, malheureusement refusé par la séance au motif qu’il s’agissait d’un article additionnel. Nous voulions affirmer, après l’article 2, la nécessité de gérer de manière coordonnée les ouvrages hydroélectriques en chaîne sur un cours d’eau. J’ai déjà abordé ce point lors de l’examen de votre budget. Il me semble indispensable de prévoir la participation des concessionnaires à la réduction de l’impact des éclusées sur les milieux aquatiques et les écosystèmes. Il convient de l’envisager, à l’occasion du réexamen de nombreux contrats de concession. Comment entendez-vous peser sur votre collègue de l’industrie dans l’écriture des cahiers des charges des contrats de concession et prendre en compte la notion de mieux-disant environnemental ?

Je ne puis conclure sans aborder le sujet essentiel du droit à l’eau. Si nos collègues sénateurs en ont retenu le principe, il nous revient de terminer le travail. Je fais mienne l’analyse de nombreuses ONG, largement reprises dans un article du Figaro de ce jour. Monsieur le rapporteur, je m’adresse à vous personnellement : sur tous les bancs, chacun reconnaît que vous avez bien travaillé, à partir de la trame qui nous était soumise. Alors, encore un effort ! Soutenez notre amendement qui vise à permettre aux communes de prendre les mesures nécessaires à la concrétisation du droit à l’eau. Nous connaissons tous le caractère inéluctable de l’augmentation continue du prix de l’eau ; et même si cette dépense ne représente qu’un poste relativement faible dans le budget de la plupart des ménages, cela n’est pas vrai pour les plus pauvres. Plutôt que de recourir aux fonds spéciaux pour couvrir des stocks de dettes, ne faudrait-il pas envisager de donner les moyens aux collectivités distributrices de créer un véritable tarif social de l’eau ? Les besoins en eau sont incompressibles et l’encadrement des coupures ne représente pas une solution satisfaisante. Madame la ministre, il ne doit plus y avoir de coupure d’eau dans notre pays. Nous pouvons, en responsabilité, rendre effectif le droit à l’eau, en autorisant, dans le respect du principe de libre administration des collectivités, l’institution de tarifs sociaux de l’eau.

Je suis convaincu que l’histoire du droit de l’eau retiendra cette disposition, pour peu que nous ayons la lucidité de l’adopter ensemble. Il s’agit d’un débat éthique, et non d’idéologie. Ce faisant, nous répondrions au souhait émis par l’assemblée générale de l’Académie de l’eau en décembre 2002.

Oui, Madame la ministre, à la conférence internationale que vous avez évoquée tout à l’heure ; oui au 1 % de financement de l’eau pour la coopération décentralisée, permis par la loi Oudin. Mais, de grâce, ne fermez pas la porte au droit élémentaire que constitue le droit à l’eau, que nous pourrions tous nous honorer de rendre effectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre – Quelques éléments de réponse. S’agissant des trois catégories d’usage – domestique, industriel et agricole –, j’ai déjà indiqué qu’ils étaient traités de façon équitable.

Pour ce qui concerne le principe pollueur-payeur, le texte réalise un bon compromis entre simplicité et exhaustivité. En effet, à quoi cela sert-il de bâtir des redevances sur le 9e programme des agences ? Je suis satisfaite que ce point soit abordé au Parlement, et qu’on puisse ainsi, pour la première fois depuis quarante ans, donner ces orientations.

S’agissant des concessions hydroélectriques, je serai attentive à ce que l’enjeu hydroélectrique n’efface pas tous les autres.

M. Jean Launay – Et le droit à l’eau ?

M. le Rapporteur – J’ai bien entendu l’appel personnel que m’a lancé M. Launay au nom du groupe socialiste. Je reste convaincu qu’il faut être très prudent. Vous affirmez qu’il faut en revenir au principe pollueur-payeur, ce qui conduit à rendre tout utilisateur responsable d’une part de la pollution ; parallèlement, vous proposez d’instaurer une forme de gratuité, ce qui est contradictoire.

Aujourd’hui, le FSE existe, et il fonctionne sur le principe du volontariat de la part des distributeurs d’eau, ce qui fait que sa dotation est nettement insuffisante. Si vous voulez me faire dire qu’il faut aller vers une participation de tous les distributeurs, quel que soit leur statut, à un fonds départemental en vue d’éviter les coupures, je suis prêt à l’envisager, car nous affirmerions le principe de participation à une solidarité effective. Si, sur ce point, nous pouvons trouver un accord, je suis prêt à y réfléchir d’ici demain matin.

M. le Président de la commission – Très bien.

M. Philippe Rouault – Notre collègue Launay ne semble pas très convaincu par sa question préalable, dont l’objet est – faut-il le rappeler – de convaincre l’assemblée qu’il n’est pas nécessaire de délibérer. Il en conviendra, d’ailleurs, sans doute, puisqu’il a déclaré qu’il serait bon d’en terminer avant la fin de la législature, parce que nous avons besoin de ce texte pour faire fonctionner nos agences.

Oui, il y a urgence à voter ce texte…

M. Jean Launay – Et à l’améliorer !

M. Philippe Rouault – Rassurez-vous, nous examinerons de nombreux amendements.

Ce texte a été maintes fois reporté, alors qu’il est devenu plus qu’urgent de donner une véritable assise législative aux agences de l’eau, compte tenu des difficultés juridiques et constitutionnelles en suspens. Actuellement, les redevances sont perçues en violation de la Constitution, et, en pratique, les budgets des agences de bassin sont alimentés par des redevances, lesquelles permettent de couvrir les dépenses, quel que soit leur objet. Et, malgré leur nom, elles ne peuvent être considérées comme des rémunérations pour services rendus : elles constituent bel et bien des impositions de toute nature. Or, l’article 34 de la Constitution prévoit que le Parlement fixe l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de ces impositions.

L’inconstitutionnalité du dispositif était avérée depuis 1982, le Conseil constitutionnel ayant alors précisé que les redevances perçues par les agences constituaient des impôts. Si la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau n’a pas abordé la question des agences, la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances avait proposé dès 2001 de rendre au Parlement sa compétence, dont il est cependant encore resté privé jusqu’à aujourd’hui. L’un des intérêts de ce projet est de mettre fin à cette situation choquante du point de vue des principes démocratiques, puisqu’il dispose, dans son article 37, que le Parlement fixe l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des redevances que perçoivent les agences. Il est également urgent de l’examiner pour des raisons financières, le 9e programme des agences de l’eau débutant en 2007. Le groupe UMP ne votera donc pas cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Germinal Peiro – Même si ce texte, comme l’a dit Jean Launay, permet au moins de conforter les agences, nous soutenons cette question préalable. D’abord, la possibilité qu’il a évoquée d’instaurer un tarif social de l’eau n’implique pas une décision nationale : ce sont les collectivités, qui sont proches du terrain, qui pourraient décider d’un tel tarif si elles le jugent nécessaire.

Par ailleurs, tout le monde a conscience de l’intérêt d’une gestion coordonnée des ouvrages, et donc de la révision des cahiers des charges lors des renouvellements de concessions. Tous ceux qui habitent près de cours d’eau savent que les barrages hydroélectriques créent des fluctuations constantes, qui n’ont rien à voir avec des causes naturelles telles que la pluviométrie ou les températures. Les lâchers d’eau répondent à des besoins ponctuels. Certes, l’hydroélectricité a l’avantage de mobiliser la pleine puissance d’un barrage en moins d’une minute, ce à quoi ne parvient aucun autre moyen de production électrique, mais cela provoque des dégâts considérables. Habitant au bord de la Dordogne, je peux vous assurer que le niveau de l’eau peut varier de plus d’un mètre en une journée. En période de frai, et notamment pour les espèces qui pondent en surface, comme les perches, les œufs se retrouvent à sec et ne peuvent éclore. Cela doit être pris en considération. Sur de grands bassins hydroélectriques qui voient se succéder plusieurs ouvrages, il faut exiger que l’ouvrage final assure un rôle de lissage. L’une des raisons de la disparition des migrateurs dans notre pays tient à ces éclusées intempestives, qui n’ont rien à voir avec les cycles naturels.

M. André Chassaigne – Cette question préalable avait pour objectif de montrer les insuffisances du texte et les questions qui méritent encore débat. J’en retiens quatre points essentiels. D’abord, la question de l’impact de l’usage de l’eau sur les écosystèmes aquatiques et les populations n’est pas traitée avec précision : qui supporte le coût de la pollution ? Le texte concrétise une application particulièrement « souple » de certaines redevances. Il faut sur ce point être beaucoup plus précis. J’espère que les amendements permettront d’éclaircir certains points, mais ce défaut justifie à lui seul le vote de la motion.

Ensuite, il est clair que la question du pollueur-payeur va revenir de façon récurrente dans nos débats – on parle aussi du consommateur-payeur, mais pour ma part, je préfère évoquer le décideur-payeur. Contrairement à ce qu’a dit Jean Dionis du Séjour dans un de ces raccourcis dont il a l’habitude, je n’envisage pas de surtaxer les agriculteurs : j’ai bien précisé d’abord que c’est l’ensemble de la filière agricole qui doit être concerné, et ensuite que s’ils sont poussés à pratiquer une agriculture productiviste, c’est d’une part parce que les prix ne sont pas assez élevés et qu’ils sont soumis à une concurrence mondiale très forte, et d’autre part que de grands groupes chimiques essayent d’écouler leurs produits par tous les moyens. Il faut donc approfondir cette question du pollueur-payeur.

Le troisième point est celui des moyens. Pour mettre en œuvre la directive-cadre sur l’eau, pour accomplir les investissements nécessaires, pour réaliser la solidarité entre urbain et rural, il faut des moyens, qui sont évalués à 14 milliards pour les agences. Cette estimation s’appuie sur un constat. Il faudra donc, durant ce débat, que le coup de pouce nécessaire soit accordé.

Enfin, je développerai plus tard le sujet du droit à l’eau, qui est sans aucun doute notre première responsabilité. C’est un droit fondamental qui doit être inscrit dans la loi, et j’espère que les amendements en ce sens seront adoptés. C’est pour ces raisons que nous voterons cette question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. Germinal Peiro – Je voudrais tout d’abord saluer, Madame la ministre, la courtoisie dont vous avez fait preuve tout au long du débat, ainsi que le travail réalisé en amont par vos services et par le président de la commission et le rapporteur. En première lecture, nous avions regretté le manque d’ambition de ce texte, qui n’est pas de nature à faire atteindre un bon état écologique aux trois quarts de nos masses d’eau pour 2015, comme le prévoit la directive-cadre du 23 octobre 2000. La situation de l’eau au niveau planétaire est alarmante. Non seulement l’accès à l’eau en général n’est pas garanti partout, mais des millions d’êtres humains sont privés d’eau potable. Ainsi, 25 millions de personnes meurent chaque année de la pollution des eaux. Si la situation dans notre pays n’est pas aussi catastrophique, elle n’en demeure pas moins inquiétante. Tous les rapports scientifiques attestent de la dégradation de la qualité des eaux, malgré les mesures prises et les investissements réalisés. En juillet 2004, le sixième rapport annuel sur les pesticides mettait en évidence la présence de ceux-ci, en 2002, dans 75 % des points de mesure.

En juin 2005, un rapport du Muséum d’histoire naturelle précisait qu’en l’absence de réaction, 25 % au mieux de nos masses d’eau pourraient atteindre le bon état écologique prévu par la directive-cadre : 100 % des eaux souterraines utilisées pour l’alimentation en eau potable en Artois-Picardie sont classées à risque, les eaux du bassin Loire-Bretagne sont atteintes à plus de 35 % et celles du bassin Rhin-Meuse à 45 %, les eaux souterraines du bassin Seine-Normandie sont polluées à 83 %... Et le rapport de préciser que l’on sous-estime depuis longtemps l’impact de la pollution des eaux sur la santé humaine, les animaux et les écosystèmes.

Mais, si tout le monde s’accorde sur le constat et sur les causes, la situation continue à se dégrader et ce texte n’est malheureusement pas de nature à remettre la protection de l’eau – de sa qualité et de sa quantité – au rang de priorité. Il appartiendra à ceux qui vous succéderont de définir une politique publique de la ressource, par l’élimination des pollutions industrielles, la réorientation des aides vers les collectivités territoriales et l’encouragement des nouvelles pratiques agricoles.

À ce propos, comment ne pas regretter que votre Gouvernement, en choisissant de figer les aides de la politique agricole commune sur la période de référence 2000-2002, non seulement pérennise un système injuste, puisque 80 % des aides bénéficient à 20 % des agriculteurs, mais encore pénalise l’élevage extensif et les méthodes de culture les plus respectueuses de l’environnement ?

Malgré ce sombre tableau, le groupe socialiste aborde la deuxième lecture de ce texte dans un esprit constructif, et nous défendrons des amendements allant dans le sens de l’intérêt général.

S’agissant, tout d’abord, de la pêche et du bon état écologique des cours d’eau, j’ai eu l’occasion, en première lecture, de marquer mon opposition à la nouvelle définition des eaux libres et des eaux closes, qui aura pour conséquence que de nombreux étangs privés échapperont à la taxe piscicole et qui encouragera la privatisation de la pêche, alors qu’elle doit rester populaire et accessible à tous. Nous proposerons des amendements visant à maintenir le débit minimum dans les cours d’eau et à empêcher de diviser ce débit par deux, ce qui aurait des conséquences dommageables pour les écosystèmes. De même, nous souhaitons limiter les ouvrages entravant les rivières et permettre en toute occasion la remontée des poissons migrateurs.

En ce qui concerne les activités de pleine nature, je me réjouis que l’adoption de l’amendement socialiste ait permis que la servitude dévolue aux pêcheurs, en bordure des cours d’eau domaniaux, soit élargie aux marcheurs, terme remplacé au Sénat par celui de « piétons ». Si j’aurais aimé qu’on l’étende au public non motorisé, pour inclure les cyclistes et les cavaliers, je reconnais qu’il s’agit d’une réelle avancée.

S’agissant des engins nautiques non motorisés, nous avons là aussi réalisé une avancée, puisque les ouvrages devront désormais être signalés. Il faut encore aller plus loin. Je comprends que nous n’envisagions pas d’aménager tous les ouvrages de passes à canoë ou de passes à raft. Ce que je propose, c’est que sur les cours d’eau répertoriés où la libre circulation des engins nautiques non motorisés est garantie par la loi, une liste des ouvrages à aménager soit établie, en liaison avec la fédération délégataire et les ministères des sports et de l’environnement. Ces aménagements, souvent peu coûteux, sont indispensables à la sécurité des usagers : la quasi-totalité des accidents mortels sur nos rivières se produisent au niveau des barrages. J’ai déjà évoqué le cas d’une famille entière décimée sur la Vienne, près de Limoges.

Je terminerai sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la récupération des eaux pluviales. J’ai été le premier parlementaire à déposer, en 2004, une proposition de loi encourageant la création de réserves d’eaux pluviales dans les constructions neuves. L’idée a, depuis, fait son chemin, et je m’en réjouis. Un amendement du groupe socialiste a été adopté en première lecture, avec l’avis favorable du président de la commission et du rapporteur, et contre l’avis du Gouvernement. Il prévoit la création d’un crédit d’impôt plafonné à 40 % de 5 000 euros de travaux pour la création de réserves d’eau pluviale. Le Sénat a rabaissé ce niveau à 15 % de 8 000 euros. Je souhaite que nous revenions à notre texte, plus incitatif pour les revenus modestes.

Il tombe en moyenne 860 millimètres d’eau de pluie par an sur le territoire national. La constitution de réserves est avantageuse à plus d’un titre : elle permettra d’économiser la ressource en eau des nappes souterraines et des nappes fossiles, de réduire la facture en eau des usagers, mais aussi de créer un marché, sans perte de recettes pour l’État : dans ma circonscription, deux entreprises se sont créées sur cette spécialité, et leur carnet de commandes est plein ; elles attendent des décisions ! Enfin, elle présente un intérêt pédagogique, en termes de conduites d’éco-citoyenneté.

Je souhaite que nous puissions, au-delà des divergences politiques, nous retrouver sur tous ces sujets, afin d’améliorer la qualité de notre environnement pour les générations futures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean Dionis du Séjour – Nous avons assisté ces derniers mois à une prise de conscience de nos concitoyens en matière d’environnement. Cet intérêt jouera, à n’en pas douter, un rôle majeur lors des prochaines échéances électorales. Les défis sont nombreux : pollution, réchauffement climatique, gestion des déchets, mais aussi gestion de l’eau. L’objectif de ce texte est de doter la France de moyens efficaces pour mener une bonne politique de l’eau et atteindre d’ici à 2015 l’objectif européen de « bon état écologique de l’eau ».

Nous avons progressivement détérioré notre environnement, ce qui n’est pas sans conséquence sur les enjeux de santé. Agir pour l’écologie, c’est donc agir pour la santé publique. Une étude de l’Institut français de l’environnement a montré que 75 % de nos eaux superficielles étaient polluées par des pesticides. Le chemin est long vers l’objectif fixé par la directive.

À côté de l’enjeu qualitatif, il ne faut pas non plus négliger les questions liées aux ressources en eau. Nous devons imaginer une nouvelle doctrine en matière d’usage de l’eau, qui tienne compte du changement climatique. Dans le Sud-Ouest, la température a augmenté de deux degrés en soixante ans. Les conséquences en sont visibles sur nos rivières. Les besoins en eau sont plus importants, tant pour notre agriculture que pour notre consommation quotidienne. Notre nouvelle doctrine doit être adaptée à ces évolutions et s’affranchir de l’orientation actuelle, qui ne propose que des mesures d’économie, sans prévoir de création de ressources nouvelles.

La pluviométrie, en France, est abondante. Si elle était correctement gérée, stockée, elle permettrait de satisfaire les besoins en eau, avec la création de barrages, de retenues collinaires, avec l’utilisation des eaux pluviales et de ruissellement. Le texte est bien trop timide à ce sujet. La création de nouvelles ressources y est évoquée, de manière un peu honteuse, au détour de deux phrases dans un même article. Et l’on tergiverse encore sur la création d’un crédit d’impôt pour des installations de récupération et de traitement des eaux pluviales, cher à mon ami François Sauvadet ! Certes, le dispositif est un peu compliqué à réaliser, mais impossible n’est pas français. Témoin de la trop grande frilosité sur le sujet : nous avons dû nous battre des heures durant lors de la discussion du budget pour obtenir cinq millions pour l’hydraulique agricole !

Économies d’eau et création de ressources doivent former un tout. Cessons d’opposer écologistes et agriculteurs.

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour – Finissons-en avec cette opposition stérile et rassemblons-nous sur un consensus qui allie le meilleur des deux doctrines !

M. Jean Lassalle – Il y a du travail !

M. Jean Dionis du Séjour – Reste la question du financement : qui doit supporter le coût de ces programmes d’amélioration et de gestion de l’eau ? Madame la ministre, vous avez proposé un système de redevances octroyées aux agences de l’eau. Il est nécessaire de réaffirmer le principe du pollueur-payeur : c’est l’avenir, même si l’application du principe n’est guère évidente. Or, vous nous présentez un système mixte, compliqué et confus. Comment justifier une taxe en fonction du volume d’eau prélevé ? Vous imaginez-vous l’effet provoqué dans nos campagnes par l’idée de rendre obligatoires les compteurs volumétriques ?

M. Germinal Peiro – On ne peut pas l’éviter !

M. Jean Dionis du Séjour – J’ai dû subir des remontrances pendant des week-ends entiers, à ce sujet ! Nos agriculteurs sont des gens responsables. Quand arrêterons-nous de considérer qu’ils sont plus fraudeurs que d’autres ?

M. Jean Lassalle – Bravo !

M. Jean Dionis du Séjour – Il y a parmi les agriculteurs autant de fraudeurs que parmi les employés de banque ou même parmi les députés !

Plutôt que « pollueur-payeur », ce texte reste dans un système « consommateur payeur », où l’agriculture est mal vue. L’agriculture est consommatrice d’eau ; c’est ainsi. Mais il faut reconnaître les efforts accomplis par les agriculteurs en matière de réduction de la pollution de l’eau, notamment avec la mise aux normes des bâtiments d’élevage : 37 500 élevages ont été traités dans le cadre du PMPOA I, et 8 210 dans le cadre du PMPOA II. C’est la preuve que les agriculteurs suivent des programmes raisonnables, pour peu qu’on leur en propose.

Le principe de transparence des groupements agricoles d’exploitation en commun est absent de ce texte ; nous proposerons donc des amendements. Nous espérons également pouvoir revenir sur la suppression des articles 23 bis et 28 bis relatifs au crédit d’impôt pour les dépenses de réhabilitation d’installations d’assainissement non collectif et au fond départemental facultatif pour l’alimentation en eau, nécessaire pour la solidarité départementale au profit des plus petites communes rurales.

Il serait utile de supprimer le plafonnement de la part fixe des redevances d’eau et d’assainissement acquittées par les usagers. Il est en effet des situations dans lesquelles celle-ci n’est pas équitable, notamment dans les communes où le nombre de résidences secondaires s’accroît fortement. Il convient de respecter le principe d’autonomie des collectivités locales et les laisser rendre compte devant leurs administrés de leur gestion de l’eau. Cela est particulièrement important alors que va devoir être engagé le renouvellement des canalisations d’eau potable.

J’en viens, pour finir, aux points positifs de ce texte. Le premier, et non des moindres, est qu’il a le mérite d’exister.

M. Jean Lassalle – C’est bien le seul !

M. Jean Dionis du Séjour – Nous vous remercions, Madame la ministre, de vous être battue pour qu’il soit inscrit à l’ordre du jour avant la fin de l’année de façon à pouvoir entrer en vigueur au 1er janvier 2007. Vous avez réussi le tour de force de le boucler alors que le changement de majorité en 2002 avait freiné le mouvement. Je salue également le travail du rapporteur, et de tous mes collègues, en particulier François Sauvadet et André Santini.

Sur un sujet complexe, vous serez parvenue à pacifier certains conflits. Je pense notamment à celui opposant pêcheurs et propriétaires d’étangs privés avec une définition claire – enfin ! – des eaux libres et des eaux closes. Vous aurez également conféré une véritable reconnaissance aux fédérations départementales qui connaissent en effet très bien les milieux aquatiques.

Vous avez également respecté la démocratie parlementaire en acceptant des amendements importants, comme ceux relatifs au service public d’assainissement non collectif qui ont été retravaillés dans le bon sens. Tout cela mérite, à mes yeux comme à ceux de François Sauvadet, un geste de bonne volonté. L’UDF s’y prépare, surtout si ses amendements majeurs reçoivent un sort favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. André Chassaigne – Je souhaite à mon tour saluer votre pugnacité, Madame la ministre, pour que ce texte puisse être mené à son terme avant la fin de la législature. Je salue également le travail du rapporteur, fruit de longs mois d’échanges, qui exige d’être poursuivi encore. Plusieurs amendements demandent ainsi à être étudiés de près, et nous ne doutons pas que certains, importants, seront acceptés, de quelques bancs qu’ils émanent.

Je me limiterai ici à la question du droit à l’eau, à juste titre défendu par de nombreuses ONG et par les associations de consommateurs. La loi de lutte contre les exclusions de 1998 a défini l’eau comme l’un des trois biens essentiels auxquels chacun doit avoir accès, avec l’énergie et le téléphone. Cela exige des mesures de solidarité, à l’instar de celles prises pour l’électricité, le gaz et le téléphone. Or, le droit à l’eau demeure encore trop souvent théorique, l’eau étant tenue pour une marchandise comme une autre.

Durant les débats à venir, notre responsabilité est considérable pour avancer après l’amendement adopté par le Sénat. Le Fonds de solidarité logement n’est pas une réponse suffisante, d’autant que la France a signé en 2002 le Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels, qui reconnaît l’eau comme un bien fondamental, devant être accessible à tous à un prix abordable. Or, de plus en plus de foyers ont des difficultés à régler leurs factures d’eau, en constante augmentation du fait d’opérateurs privés obsédés par la recherche du profit maximal. Près de sept millions de nos concitoyens vivent en-dessous du seuil de pauvreté fixé à 788 euros par mois : c’est à eux qu’il nous faut penser quand nous savons que la facture d’eau peut représenter jusqu’à 500 euros par an pour une famille moyenne.

Le Sénat a, à juste titre, adopté un amendement précisant que « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement acquis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a droit d’accéder à l’eau potable à des conditions économiquement supportables. » Cet amendement représente une avancée incontestable. Nous avons, pour notre part, la responsabilité de rendre ce droit effectif en complétant le code général des collectivités territoriales pour préciser que l’accès à l’eau doit être suffisant pour assurer la santé et le bien-être des personnes ; que la fourniture d’eau ne peut être interrompue dans un immeuble que si tous les occupants légaux y consentent ou si l’immeuble est déclaré insalubre avec interdiction d’habiter et, en ce cas, seulement après le départ de tous les occupants ; que les abonnés doivent être informés des différentes modalités de mise en œuvre du droit au logement ; qu’un débit minimal de fourniture doit être assuré, dont les conditions d’installation et le volume sont déterminés par le règlement de service ; enfin – pourquoi pas ? – que le maire ou, à défaut le préfet, peut imposer le rétablissement de la fourniture d’eau dans un immeuble à usage d’habitation. Nous pourrions reprendre l’amendement déposé par nos collègues socialistes qui permettait aux communes, dans le cadre du règlement de service, de prévoir des mesures spécifiques.

Le droit à l’eau doit aussi être garanti dans les hameaux de montagne qui ne sont pas aujourd’hui desservis par un service public communal d’adduction. Des habitations possédant leur propre source et leur propre captage y sont aujourd’hui menacées par des contrôles excessifs et disproportionnés.

M. Jean Lassalle – Tout à fait.

M. André Chassaigne – Ainsi, à partir de deux maisons, les DDASS, considérant qu’il s’agit d’un réseau collectif, peuvent-elles imposer trois analyses annuelles au point de captage, au réservoir et au robinet, dont le coût total peut représenter jusqu’à 1 500 euros par an. Dans ces territoires isolés de montagne, des personnes âgées voient ainsi leur droit à l’eau menacé par cette réglementation, que nous souhaitons donc assouplir par voie d’amendement. J’en avais en première lecture déposé un qui avait été adopté avant d’être repoussé par le Sénat, que notre collègue Saddier a fort pertinemment repris et qui vise à tenir compte des réalités de terrain. On ne peut pas systématiquement appliquer aux zones isolées de montagne les mêmes réglementations qu’ailleurs, si l’on souhaite laisser les personnes âgées y finir tranquillement leur vie et inciter de jeunes familles à s’y installer. Lorsqu’il n’est possible ni techniquement ni financièrement de raccorder certains hameaux au réseau communal, il faut adapter la réglementation. C’est une mesure de bon sens. Je suis convaincu que celui-ci peut l’emporter et que nous pouvons adopter un amendement consensuel, ultérieurement complété par décret. Ne pénalisons pas une nouvelle fois les territoires ruraux en y imposant des normes excessives. (Approbation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF)

M. Martial Saddier – Il a raison.

M. Claude Gaillard – Je salue votre pugnacité, Madame la ministre, qui a permis que nous débattions aujourd’hui de ce texte. Je remercie le président de notre groupe qui s’est investi à vos côtés pour qu’il soit inscrit à l’ordre du jour. Je redis enfin au rapporteur notre estime et notre reconnaissance.

Ce projet de loi conforte le statut des agences de l’eau et simplifie la gestion de la politique de l’eau en France, qui relevait auparavant d’innombrables ministères. Il rend constitutionnelles les redevances et clarifie les interventions des agences, dont le champ de compétences est élargi. Il permet de rapatrier au profit de la politique de l’eau la TGAP « phytosanitaires » auparavant captée par Bercy – espérons seulement qu’il n’y aura pas de nouveau détournement au fil du temps.

Ce texte constitue également un signal favorable en direction de l’Union européenne, la France étant aujourd’hui sous le coup de contentieux lourds, concernant notamment la transposition de la directive « eaux résiduaires urbaines ». Pour les communes de 2 000 à 10 000 habitants, notre retard est considérable. L’adoption de ce projet de loi vous permettra de plaider, Madame la ministre, au niveau européen pour qu’on laisse à notre pays quelque délai supplémentaire.

Ce texte donne également un excellent signal en matière de comportements. L’installation systématique de compteurs d’eau individuels dans les constructions neuves responsabilisera les usagers. Les dispositions relatives à la récupération des eaux de pluie de même que la fin de la gratuité de l’eau pour les administrations vont dans le même sens. Les bonnes pratiques agricoles seront de même encouragées, des primes pouvant être octroyées selon les résultats phytosanitaires, de même que des aides au contrôle des pulvérisateurs

S’agissant des services publics de l’assainissement non collectif, un contrôle régulier est certes important. Mais, à titre personnel, je ne suis pas sûr qu’il soit réaliste d’exclure le recours au privé. Ne vaut-il pas mieux utiliser l’ensemble des compétences et donner le maximum de liberté aux communes ?

M. Jean Lassalle – Très bien.

M. Claude Gaillard – Pour le montant de redevances, on a évoqué un plafond de 12 à 14 milliards. Si l’on examine le contenu du 9e programme, il faut plutôt 11,6 milliards, ce qui, déjà, suppose une augmentation de redevance qui, dans mon bassin, sera de 30 %. À 14 milliards, on augmente encore plus, donc l’eau devient très chère et se pose le problème de la tarification sociale. Se fixer une grande ambition à 14 milliards, pourquoi pas ? Mais nous verrons ce qu’il en est, sur le plan politique, de la possibilité d’augmenter aussi rapidement la redevance et donc le prix du mètre cube. De même, créer des fonds départementaux, c’est instituer, mécaniquement, un nouveau prélèvement. Prenons garde à ne pas augmenter trop le prix de l’eau.

Ce texte respecte la philosophie du pollueur-payeur.

M. André Chassaigne – Non.

M. Claude Gaillard – Mais avec une dimension mutuelle. Il est en effet difficile de savoir qui pollue beaucoup et comment le faire payer. Monde agricole, industries et consommateurs ont déjà fait des efforts depuis des années. Certains diront que la demande est excessive pour le monde agricole, mais le texte manifeste bien la volonté de faire payer de façon équitable, en fonction de la pollution.

M. Yves Cochet – Ici, c’est plutôt le principe du pollué-payeur.

M. Claude Gaillard – C’est difficile. D’ailleurs la précédente majorité n’y est pas parvenue en cinq ans et il a fallu à celle-ci quatre ans et demi. Je salue donc les efforts de tous pour aboutir à un texte équilibré sans être définitif et qui nous permet de progresser vers l’objectif 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair – Je n’ai pas voté la loi sur l’eau en raison de son article 37. Élu de la Creuse, département d’élevage s’il en est, je peux d’autant mieux vous l’expliquer que je suis le seul éleveur de cette assemblée.

M. André Chassaigne – Et négociant !

M. Jean Auclair – Faire payer une redevance élevage au titre du principe pollueur-payeur aux éleveurs du Massif Central est une erreur magistrale. Ils ne sont en rien des pollueurs, même si leur exploitation dépasse les 1,4 UGB – unités de gros bétail – à l’hectare. Les bovins nourris d’herbe et de foin ont des excréments très pauvres en matières azotées.

M. André Chassaigne – C’est vrai.

M. Jean Auclair – D’ailleurs, le Massif Central est une des zones qui ont les teneurs les plus faibles en nitrates dans les eaux de surface. Dire à ces éleveurs, qui sont de très bons aménageurs de l’espace, qu’ils polluent relève de l’absurdité.

M. Jean Lassalle – Très bien.

M. Jean Auclair – En outre, ce sont souvent les moteurs de l’activité économique.

Voyons les arguments qu’on m’oppose. Les éleveurs paieraient déjà. Faux, archifaux ! Peu d’éleveurs seraient concernés. Faux. La plupart auront un chargement supérieur à 90 UGB à l’hectare, la moyenne en Limousin étant actuellement de 128. Ensuite, on m’oppose que les éleveurs ont bénéficié des programmes de maîtrise des pollutions d’origine agricole. C’est presque faux. Dans mon département, 224 exploitations sur 5 000 ont bénéficié du PMPOA 1 et 9 du PMPOA 2, soit 4 %. On dit encore que les organismes professionnels agricoles sont d’accord avec la mise en place de cette redevance. Faux ! Ceux du Nord, de l’Ouest et de l’Est, peut-être, qui cherchent à faire partager l’ardoise par les autres. Dans le Massif Central, FNSEA, CDJA, etc, le dénoncent.

M. André Chassaigne – Et le Modef.

M. Jean Auclair – Et le Modef, pour vous faire plaisir.

Allez-vous vous prêter à cette manœuvre ? La France agricole, ce n’est pas que le Nord, l’Ouest ou l’Est. Elle est riche de sa diversité. Les OPA n’ont pas à nous dicter le chemin à suivre. J’ai donc déposé des amendements en faveur de la profession, et en particulier des éleveurs du Limousin.

Le Sénat a bien exempté de la redevance les exploitations situées en zone de montagne jusqu’à 150 UGB par hectare. Cela ne sert à rien. En zone de montagne, le chargement en vaches allaitantes est toujours inférieur à 1,4 UGB.

M. Jean Lassalle – Exactement.

M. Jean Auclair – Je vous demande d’exclure toutes les exploitations dont le chargement n’excède pas 1,8 UGB à l’hectare, qu’elles soient en zone de revitalisation rurale, de piémont, ou en zone défavorisée simple.

En outre, même si les dispositions portent sur 90 UGB, l’éleveur devra payer dès la 40e UGB. Où sera la transparence ? Dans un GAEC à deux parts, pour 180 UGB on ne paiera pas la redevance. Mais si l’un prend sa retraite, l’autre, devenu exploitant unique, sera pénalisé, pour un même nombre d’UGB à l’hectare. Son voisin en EURL, lui, paiera de toute façon. Et l’éleveur qui est à moins de 90 UGB à l’hectare et qui reprend une autre exploitation également à moins de 90 UGB paiera aussi. Dans cette loi il y a donc des erreurs importantes. Mais je ne vous jette pas la pierre. Quand on n’est pas sur le terrain, on ne peut pas apprécier la situation.

M. Jean Lassalle – Et on l’est de moins en moins.

M. Jean Auclair – Ne nous discréditons pas. Ne votons pas une loi contre les éleveurs, mais pour eux, non pas au nom de l’égalité mais de l’équité. J’ai déposé des amendements pour exclure de la redevance les zones de revitalisation rurale, les zones de piémont et les zones défavorisées simples.

Reste enfin l’argument écologique. Je n’ai pas déposé d’amendement à ce sujet, mais ce serait à votre honneur de le faire, pour exempter de la redevance les éleveurs installés dans les zones non vulnérables au sens de la directive sur les nitrates. Pourquoi y ajouter encore des mesures proprement nationales ?

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Jean Auclair – Nous sommes importateurs de viande bovine et le ministère de l’agriculture pousse à la production pour éviter les importations d’Amérique du Sud. Mais pour produire des broutards, il faut des veaux, donc des vaches allaitantes, et c’est dans le Massif Central qu’on les élève ! Dès lors, nous, les élus, allons-nous pénaliser les éleveurs de vaches allaitantes qui font la richesse de ces régions ? Il faut prendre le taureau par les cornes ! Les faire payer, ce serait une folie. Même la gauche n’aurait pas osé faire une telle proposition, et nous, à l’UMP, allons faire payer des gens qui travaillent et qui sont nos électeurs ? Je ne pourrais pas le comprendre.

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Yves Cochet – Il aura donc fallu dix ans pour faire aboutir une loi sur l’eau, tandis que la qualité des eaux n’a cessé de se dégrader. C’est trop, pour une loi finalement médiocre.

Certes il y a bien quelques avancées, que j’avais saluées en première lecture, comme la fin de la livraison gratuite de l’eau aux administrations et bâtiments publics, le renforcement du statut juridique des SAGE et leur mise en compatibilité avec les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, une meilleure traçabilité des pesticides et l’augmentation des compétences des communes en ce qui concerne l’assainissement individuel.

La création de l’ONEMA est également positive mais à condition que ce soit un véritable office ; or ce ne sera pas encore le cas. Autre avancée : l'introduction par nos collègues sénateurs d'un article premier A définissant un droit à l’eau pour tous. Cela ne peut qu’entraîner notre adhésion mais un réel droit à l'eau ne peut aller de pair avec l'obligation de payer des sommes pouvant atteindre 200 ou 300 euros avant de consommer la première goutte d'eau. C'est pourquoi, au-delà même de l'avancée que nous avons obtenue en première lecture sur le plafonnement de la part fixe, je proposerai que la loi sur l'eau garantisse réellement le droit à l'eau en rendant son accès gratuit, c'est-à-dire en interdisant toute caution ou dépôt de garantie ainsi que l'usage de parts fixes ou abonnements dans la facturation de l'eau et de l'assainissement.

Mme la Ministre – C’est déjà le cas.

M. Yves Cochet – Le droit à l'eau ne peut s'entendre que si l'eau est de bonne qualité. Comment parviendrons-nous en 2015 au bon état écologique des eaux, comme nous devons le faire en application de la directive cadre, si nous ne nous attaquons pas au cœur du problème, c'est-à-dire à un système agricole inadapté aux enjeux ? L'agriculture, c'est 68 % de la consommation d'eau en France ! Le dernier rapport de l'IFEN est clair : en raison des pratiques agricoles actuelles on constate une augmentation des pollutions diffuses et une montée régulière de la teneur en nitrates dans les nappes phréatiques et les cours d'eau. En 1972 déjà j’avais eu l’occasion de faire des études sur les nitrates dans les rivières bretonnes et, depuis, le taux n’a cessé de croître.

M. le Rapporteur – Les chiffres ne sont pas ceux que vous affirmez.

M. Yves Cochet – La moitié du territoire national est classé en « zones vulnérables » c'est-à-dire que la concentration des eaux en nitrates est supérieure à 40 mg/l ; des phénomènes d'eutrophisation sont en outre constatés.

M. le Rapporteur – Cela n’a rien à voir avec les zones vulnérables et les nitrates !

M. Yves Cochet – 96 % des points d'eau inspectés par l'IFEN présentent des traces de pesticides. À tous ces problèmes il faut apporter des réponses rapides et efficaces. Que propose votre projet ?

Il favorise tout d’abord le gaspillage de l'eau en maintenant des tarifs dégressifs. L'irrigation ne fera pas l'objet d'un débat national et les compteurs d'eau dans l'habitat ne seront pas généralisés. Le principe du pollueur-payeur ou encore dit « de réparation » n'est toujours pas respecté alors qu’il est constitutionnel : la loi instaure une simple éco-conditionnalité des aides et évite de gêner l'agriculture productiviste en supprimant la redevance azote que je proposais dans mon projet de 2002. La taxe sur les pesticides est sans commune mesure, dans sa modestie, avec la dangerosité de ces produits. Ce message est conforté par vos circulaires qui organisent la concentration des productions sur les zones les plus polluées et qui rendent encore plus laxistes les règles d'épandage des lisiers. Enfin, les agriculteurs paient l'eau jusque cinquante fois moins cher que les autres acteurs économiques. Nous marchons sur la tête !

Il faut au contraire réformer la PAC en favorisant une reconversion de l'agriculture productiviste vers l'agriculture biologique, beaucoup plus respectueuse de l'environnement et beaucoup moins gourmande en eau ou en pesticides. Cette reconversion écologique ne se fera pas contre mais avec les agriculteurs. L'association UFC-Que Choisir ? propose de financer la reconversion avec l'argent collecté à travers les écotaxes sur les pesticides, les nitrates et l'irrigation. Voilà une idée intéressante qui permettrait de renouer le lien entre consommateurs et producteurs responsables !

Nous connaissons les solutions mais il faut du courage politique pour les appliquer. Malheureusement, cette loi ne va pas dans ce sens en encourageant l'agriculture industrielle à persister dans ses agissements néfastes pour notre environnement et pour l'avenir de nos enfants. À ce rythme, l'objectif du bon état écologique des eaux ne sera pas atteint en 2015.

M. Jean Lassalle – Il n’a pas été mauvais !

M. Philippe Rouault – Je me réjouis de cette seconde lecture tant attendue. La première lecture, au mois de mai, avait permis de jeter les bases d’une nouvelle fiscalité de l’eau grâce à l’octroi au Parlement d’un réel pouvoir de décision.

L’article 37 permet ainsi au Parlement de fixer le taux, l’assiette et les modalités de recouvrement des redevances de l’eau. Nous avons également examiné un processus de réorganisation qui devrait conduire à un partage plus net des responsabilités entre les acteurs de la politique de l’eau. Celle-ci tendait à revoir tout d’abord le fonctionnement des agences de l’eau ainsi que les rapports financiers qui unissent l’État aux agences. Toute l’originalité de notre organisation institutionnelle, en la matière, repose sur la notion de bassin versant auquel correspond une agence de l’eau dotée d’un comité de bassin. Le législateur de 1964 a estimé que telle était l’échelle où devraient se régler les problèmes d’alimentation en eau et de préservation de sa qualité.

En permettant d’instituer un fonds départemental pour l’alimentation en eau et l’assainissement, l’article 28 bis risque de compliquer inutilement l’organisation institutionnelle existante. Nous devrons remédier à ce problème.

Il me semble également nécessaire d’alléger le texte, l’article 37 proposant d’instituer pas moins de huit redevances ! En atomisant la fiscalité de l’eau, le dispositif nuit à la fluidité du recouvrement et à sa bonne compréhension par l’usager. Certains alinéas de l’article 37 prévoient une redevance pour stockage d’eau en période d’étiage. Cette taxation très spécifique ne concerne qu’une très faible partie des contribuables et complique l’architecture de cet article. Elle doit être écartée.

L’article 23 permet aux communes d’instaurer une taxe sur les volumes d’eau de ruissellement entrant dans le système de collecte pour financer les travaux d’assainissement pluvial. L’application de cette nouvelle taxe soulève de réelles difficultés en raison de son assiette. Il sera très difficile d’évaluer le volume maximal des eaux susceptible de pénétrer dans les installations et les collectivités territoriales seront donc peu nombreuses à recourir à cette faculté d’imposition supplémentaire. Je propose qu’elle soit supprimée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.
La séance, suspendue à 23 heures 55, est reprise mardi 12 décembre 2006 à 0 heure 5.

Mme la Ministre – Je vous remercie à nouveau, Monsieur le rapporteur, ainsi que la commission, pour le remarquable travail accompli. L’article 42 A ayant été voté conforme, nous n’évoquerons pas plus avant la question des eaux libres et des eaux closes. Toutefois, je m’étais engagée à vous indiquer quel serait le contenu du décret d’application, ce que je fais avec plaisir. Le décret précisera notamment la notion du « passage du poisson » en tenant compte du cycle des espèces, y compris celui des alevins. Il rappellera aussi que la qualité d’« eau close » est justifiée par la topographie et non par l’action du propriétaire. Si une communication temporaire, à l’occasion d’événements exceptionnels tels que des crues violentes, ne saurait modifier le statut d’une eau close, le cas de cours d’eau intermittents, comme on en trouve dans les régions méditerranéennes ou de montagne, et les particularités de ces zones seront prises en compte. Enfin, le décret précisera l’interdiction d’introduire dans les eaux closes des espèces susceptibles de provoquer des déséquilibres biologiques. Bien entendu, le projet de décret sera largement concerté avec les diverses parties et soumis à l’avis du Comité national de l’eau.

Comme vous m’y invitez, je souhaite apporter aux pêcheurs toutes les assurances sur l’avenir des fédérations de pêche. Elles seront associées aux réponses à apporter aux grands enjeux écologiques tels que la délimitation des zones de frayères ou la lutte contre le braconnage, ainsi qu’à la définition du devenir des agents du Conseil supérieur de la pêche.

Je souhaite aussi voir pleinement prises en considération les attentes des adeptes des activités nautiques quant à un meilleur accès à l’eau et à la signalisation des dangers induits par les ouvrages, dans le respect des droits légitimes des propriétaires riverains.

Je souhaite comme vous que les agences de l’eau accentuent leur rôle pédagogique pour sensibiliser tous les publics aux enjeux, nationaux et internationaux, de l’eau. Les débats menés lors de la transposition de la directive cadre ont déjà permis de conforter cette orientation, dont je souhaite qu’elle soit poursuivie. Enfin, je me réjouis des progrès que permet ce projet en ce qui concerne le droit à l’eau, dans le droit fil des débats du Forum mondial de l’eau qui s’est tenu à Mexico en mars 2006.

Vous avez, Monsieur Peiro, évoqué la nécessaire coordination des concessions sur un même bassin versant, question importante. Les articles 13 et 29 du projet constituent déjà un grand progrès, étape vers la gestion coordonnée des ouvrages d’un bassin. L’établissement d’un règlement commun n’est pas indispensable puisque l’on peut modifier les règlements d’eau de chaque ouvrage pour assurer cette coordination. Les modifications feront l’objet d’une concertation globale sur le bassin. S’agissant de l’accès à l’eau des plus démunis, le dispositif prévu par l’article 115-3 du code de l’action sociale et des familles est, à mon sens, la meilleure réponse.

J’ai été sensible à votre plaidoyer en faveur d’un meilleur aménagement des ouvrages hydrauliques facilitant la circulation des engins nautiques non motorisés, mais l’on ne peut sous-estimer la dépense qu’entraînerait l’aménagement systématique des ouvrages. Pour cette raison, et pour celle-là seulement, le Gouvernement est réservé sur votre proposition.

En ce qui concerne le crédit d’impôts pour la récupération des eaux pluviales, je ne serais pas opposé à une légère augmentation du taux d’abattement adopté au Sénat, afin de rendre ce crédit plus incitatif.

M. Dionis du Séjour, le changement climatique vous fait souhaiter une nouvelle doctrine pour la ressource en eau. Je vous rappelle qu’en octobre 2005, j’ai présenté en Conseil des ministres un plan d’action contre la rareté de l’eau, en trois volets : priorité à l’eau potable ; économie et partage de l’eau ; meilleure valorisation de l’eau en prévision du changement climatique.

Vous suggérez la création de barrages ou de retenues collinaires pour accroître la ressource. Toutefois, une récente étude du ministère de l’agriculture montre que, pour quelque 30 % des agriculteurs, l’irrigation raisonnée n’est qu’une abstraction. De grandes marges de manœuvre sont donc encore disponibles. Mais, comme vous l’avez rappelé, le projet permet la création de nouvelles ressources dès lors qu’elles sont écologiquement et économiquement fondées.

Vous avez également cité les compteurs d’eau. Je rappelle qu’il s’agit d’une obligation dont la loi de 1992 stipulait qu’elle devait être respectée en 1997 au plus tard ; nous y sommes presque, grâce aux aides financières apportées par les agences de l’eau.

Monsieur Chassaigne, vous avez traité du contrôle des eaux de source en milieu rural ou de montagne. Comme vous, je considère que ce contrôle doit être adapté aux situations locales. C’est pourquoi j’envisage de lancer, avec le ministre de la santé et le ministre de l’intérieur, une mission d’inspection pour en définir les modalités. La qualité de l’eau doit, bien sûr, être conforme aux normes sanitaires dans un souci de protection de la santé publique, que la population soit rurale ou citadine.

Vous avez également évoqué la spécificité des milieux ruraux et de montagne. Je vous rappelle que ce projet propose un effort de solidarité sans précédent à leur égard, avec un plancher d’aide des agences de l’eau de un milliard pour la période 2007-2012.

Comme vous, Monsieur Gaillard, je me félicite que la loi consacre l’évolution des agences de l’eau au cours des quarante dernières années et qu’elle leur permette enfin de financer en toute légalité des investissements concernant l’eau potable ou l’évolution des pratiques agricoles. C’est un des enjeux majeurs du projet, plus encore que le montant des programmes – car je partage votre analyse : c’est le niveau des redevances et leur impact sur le prix de l’eau qui nous limiteront.

S’agissant des redevances, je le dis à nouveau, le Gouvernement a choisi le pragmatisme plutôt que l’idéologie, la simplicité plutôt qu’un affichage irréaliste. À quoi bon construire des redevances complexes, censées mieux représenter l’impact sur le milieu si, pour les calculer, on est amené à fixer de façon forfaitaire la plupart des paramètres ?

Par ailleurs, ce projet permettra de respecter les directives européennes, particulièrement, comme vous l’avez signalé, la directive « Eaux résiduaires urbaines », à laquelle sera consacrée une bonne partie du neuvième programme des agences de l’eau. Cet effort financier accompagnera une action réglementaire très énergique visant à mettre aux normes les stations d’épuration dans les plus brefs délais. Je viens de signer une circulaire à ce sujet avec mes collègues Nicolas Sarkozy et Dominique Perben.

En ce qui concerne l’assainissement non collectif, je regrette, comme vous, que la commission souhaite supprimer la possibilité de faire appel à un dispositif privé. Je m’en remettrai sur ce point à la sagesse de votre assemblée.

Pour la fixation de la redevance d’élevage, Monsieur Auclair, on pouvait tenir compte du zonage ou de la densité des élevages. Le groupe de travail des députés et des sénateurs a retenu la deuxième solution, avec un coefficient de 1,4 unité de bétail par hectare de surface agricole utilisée. Je note que le groupe de travail a refusé d’exonérer totalement certaines zones et supprimé toute modulation au niveau des bassins. Les simulations ont montré que les résultats obtenus étant très proches, quelle que soit la méthode retenue, il n’y a pas lieu de les cumuler en exonérant de surcroît les zones non vulnérables, les zones de revitalisation rurale ou les zones défavorisées.

Sur les bases actuelles, on exclut des redevances la presque totalité des élevages de vaches allaitantes, notamment ceux du Massif Central (M. Auclair proteste).

M. André Chassaigne – C’est vrai.

Mme la Ministre – Alors que le total des régions Auvergne, Bourgogne, Limousin et Lorraine représente à peine 3,6 % des éleveurs et des unités de bétail concernés par la redevance, les régions Bretagne, Pays-de-Loire et Basse-Normandie comptent, ensemble, les deux tiers des éleveurs redevables et 71 % des unités de bétail concernées par la redevance. Les seuls élevages qui paient une redevance dans le Massif Central sont les gros élevages qui risquent à eux seuls de polluer les rivières préservées de ces régions. Il en existe : comme l’a relevé un quotidien du soir, la plus grosse prime agricole d’élevage versée en France concerne un éleveur du Limousin propriétaire de 5 000 taurillons…

M. Jean Auclair – Cela ne démontre rien ! C’est le seul élevage de cette taille !

Mme la Ministre – …et situé hors zone vulnérable, ainsi qu’en zone de revitalisation rurale et en zone défavorisée. Ces zones ne sont donc pas forcément celles des petits élevages non polluants. Je tiens à votre disposition les cartes de ces zones ; elles permettent de comprendre que plus de la moitié du territoire serait concernée par votre proposition ce qui, pour le coup, me paraît excessif.

Enfin, je rappelle que le montant global de la nouvelle redevance sera légèrement inférieur au montant actuel : il n’y a donc pas lieu de craindre une augmentation des redevances acquittées par certaines régions.

M. Jean Auclair – Allons, regardez mes cartes !

M. André Chassaigne – Merci, Madame la ministre, pour cette excellente réponse !

Mme la Ministre – Je répondrai à M. Yves Cochet bien qu’il ait déjà quitté la séance. Ainsi pourra-t-il se référer aux comptes rendus. Je comprends, du reste, qu’il éprouve une certaine frustration de nous voir réussir à faire voter cette loi importante alors qu’il n’y est pas parvenu. Sans doute est-ce pour cela qu’il noircit un peu le tableau (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP). Soyons plus lucides, notamment pour ce qui concerne les pollutions diffuses, au sujet desquelles nous constatons – même si l’on ne peut s’en satisfaire – une certaine stabilisation de la situation, et même un recul de la pollution dans nombre de régions. L’ambition du texte reste d’atteindre le bon état des eaux en 2015.

S’agissant de l’accès à l’eau, je confirme que le texte interdit les cautions et autres dépôts de garantie, tout en proposant un plafonnement de la part fixe. Par ailleurs, les pratiques de tarifs dégressifs seront strictement encadrées. On le voit, M. Cochet, sans doute par méconnaissance du texte, a soulevé des points qui sont déjà réglés. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir.

J’ai bien noté, Monsieur Rouault, que vous refusiez une nouvelle fois, à l’occasion de cette deuxième lecture, l’idée d’une taxe départementale sur l’eau. Si le Gouvernement avait évoqué cette possibilité au stade de la préparation du texte, il ne l’a pas retenue dans son projet final. Dans les faits, la solidarité rurale est bien traitée par les agences de l’eau depuis cette année, et, comme je l’ai indiqué, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de votre assemblée, comme il l’a fait au Sénat.

De même, vous souhaitez le retrait du projet de taxe sur les eaux pluviales. L’assainissement pluvial présente des enjeux multiples, et, en tout état de cause, la taxe prévue dans le projet initial est optionnelle. Les sénateurs y sont particulièrement attachés, l’objectif étant de soulager le budget général des communes pour tout ce qui a trait au financement de la matrice des eaux pluviales, ainsi que d’éviter qu’il soit fait appel de manière abusive aux ressources du budget de l’eau et de l’assainissement. Toutefois, je comprends votre souci de ne pas créer une nouvelle taxe, et, là encore, je m’en remettrai à la sagesse de votre assemblée.

M. Claude Gaillard – Très bien.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Pierre Ducout – Nous examinons enfin ce texte indispensable pour remplir nos obligations communautaires à l’horizon 2015 et garantir une gestion équilibrée et durable de la ressource, tout en répondant à l’ensemble des besoins de nos concitoyens.

Avant d’aller plus loin, je regrette que le texte que notre assemblée avait adopté en première lecture sous la législature précédente, début 2002, ait été quelque peu diabolisé, et purement et simplement abandonné. Cependant, nous nous sommes efforcés de faire preuve d’un esprit constructif et de respect mutuel, et je vous remercie, Madame la ministre, d’avoir participé aux différents colloques que nous avons organisés dans le cadre du cercle de l’eau, que j’anime avec mon collègue sénateur Jean-François Le Grand. Au sein de cette instance pluraliste, nous essayons de proposer des solutions aussi consensuelles que possible.

Notre rapporteur et celui du Sénat ont beaucoup travaillé et le texte a été amélioré sur plusieurs points. Cependant, certaines lacunes graves justifient son renvoi en commission.

Le droit à l’eau potable dans des conditions économiquement supportables est affirmé. L’interdiction formelle de couper l’eau aux familles en difficulté doit cependant être claire et Jean Launay a eu raison d’insister sur la nécessité d’instituer un tarif social. Je considère également que l’équilibre trouvé dans la gestion qualitative et quantitative des masses et cours d’eau est satisfaisant, en particulier pour ce qui concerne l’alimentation en eau potable de la population. La prise en compte des épisodes de sécheresse et de canicule – pouvant s’inscrire dans un mouvement de réchauffement climatique admis par la quasi-totalité des scientifiques – rend indispensable la promotion d’une utilisation raisonnée des ressources. Leur meilleure mobilisation et la création de possibilités de stockage s’inscrivent dans le cadre du principe de précaution.

Les débits réservés prennent correctement en cause l'intérêt pour notre pays de conserver, voire de développer, une production d'énergie hydraulique indispensable au respect de nos engagements européens en matière d'électricité renouvelable. Ces équipements participent d'ailleurs fréquemment au soutien des étiages.

La préservation des activités de pêche est assurée avec une attention particulière pour les poissons migrateurs. L'activité de canoë kayak est bien reconnue dans son rôle environnemental, social et sportif, pour beaucoup de nos concitoyens.

S’agissant de l'entretien des rivières, les droits et obligations des riverains sont correctement pris en compte, comme le rôle des communes ou des intercommunalités pour l'entretien « intelligent » des cours d'eau.

En matière de gouvernance de l'eau, nous approuvons la répartition des différents collèges au sein des instances, qui permet à tous d'être correctement représenté aux comités de bassin.

Pour ce qui concerne la lutte contre les pollutions, nous sommes satisfaits que notre commission propose de porter le plafond des dépenses des agences de l'eau à 14 milliards pour la période 2007-2014, et globalise la dépense spécifique en faveur des communes rurales à 1 milliard pour la même période. Elle prend en compte correctement l'action des SATESE, portés par les départements en direction de ces communes rurales. Nous espérons que tout cela sera voté à l’issue de cette lecture et accepté en CMP.

Cependant, l'objectif de bonne qualité des eaux en 2015 ne peut être atteint que si chacun se mobilise, d'une manière solidaire, sans qu'aucun ne donne l'impression de traîner les pieds. De ce point de vue, la taxe sur les phytosanitaires au profit des agences de l’eau est indispensable. Mais le fait de vouloir écarter systématiquement la redevance excédent d'azote que nous avions proposée constitue à nos yeux une faute.

Nous connaissons naturellement les efforts consentis par beaucoup d'agriculteurs pour promouvoir une agriculture raisonnée. Mais, quels que soient les progrès en la matière, soulignés par le rapporteur, cette redevance déclarative, que nous avions ciblée et précisée dans le texte voté par la majorité précédente en 2002, n'avait pas pour but de récupérer de l'argent venant des agriculteurs, mais bien plutôt d’inciter aux bonnes pratiques. La FNSEA avait d'ailleurs salué l'équilibre que j'avais atteint par ce texte. Il est dommage pour notre agriculture, qui a besoin, en particulier dans le sud, de poursuivre une irrigation raisonnée, que nos agriculteurs n’aient pas pu se conformer au principe pollueur-payeur – et non pollueur-non payeur – car leur image en serait sortie grandie. Au reste, nombre d’entre eux n’auraient rien eu à payer à ce titre. À lui seul, ce point justifie le renvoi en commission.

Les deux autres points concernent plus spécifiquement les services publics d'eau et d'assainissement.

Pour assurer ces services, nous disposons, à côté des régies, de grandes entreprises privées, dont le savoir faire est reconnu. C'est du reste un atout pour notre pays au niveau international. Mais il faut naturellement les contrôler, afin que nos concitoyens n'aient pas l'impression d'être leurs vaches à lait. À cet égard, le Haut conseil de l'eau, que nous avions prévu de créer, aurait pu apporter son appui dans le suivi et le contrôle des contrats, en particulier par rapport aux petites et moyennes collectivités, avec le pouvoir de casser des contrats léonins sans indemnités. C’eût été un outil de confiance pour nos concitoyens, susceptible de surcroît de contribuer au bon fonctionnement du marché – lequel n’a pas forcément vocation à se constituer en duopole. Le conseil de la concurrence ne peut pas garantir aisément le besoin de concurrence en matière de distribution d’eau. Les avancées positives de l'évolution du contrat de concession entre une grande collectivité que je côtoie, la Communauté urbaine de Bordeaux, et son prestataire, montrent que cet outil pouvait avoir son utilité pour toutes les collectivités, même si l’AMF a accompli un travail constructif en la matière.

Pour assurer le suivi et la transparence des services publics de l'eau, la précédente majorité avait créé, en 2002, dans le cadre de la loi sur la démocratie de proximité, des commissions consultatives des services publics locaux. Ces instances permettent à nos concitoyens d’exercer un réel contrôle, tendant notamment à vérifier le bon fonctionnement du service public, la réalisation des investissements prévus, l'utilisation des provisions et le bon niveau de la « part fixe ». C'est donc un bon outil de démocratie participative, d’autant plus utile que la politique de l’eau souffre, dans notre pays, d’un déficit d’information, nombre de nos concitoyens répugnant à boire l’eau du robinet alors que sa qualité est globalement très satisfaisante. Le débat public est en outre d’autant plus nécessaire que la directive cadre exige que le public participe à l’élaboration et au suivi des documents de planification et que la convention d’Arrus promeut la participation des citoyens dans tous les domaines ayant trait à l’environnement.

Je regrette que notre rapporteur n’ait pas conservé la rédaction qu’avait proposée le sénateur Le Grand pour rendre ces commissions obligatoires dans les EPCI de plus de 20 000 habitants. Mais je salue l’avancée que vous proposez, Monsieur le rapporteur. Vous pourriez cependant, de retour en commission, présenter le fonctionnement actuel de ces commissions et le résultat de l’enquête évoquée dans le rapport ! À ce propos, nous savons qu’il faut du temps pour faire fonctionner de nouvelles structures. Les outils prévus par la loi sur l’eau de 1992, comme les SAGE, se sont mis en place – nous en avons cinq en Gironde. Cela a pris du temps, notamment parce qu’il fallait d’abord voter les schémas directeurs, mais ils fonctionnent. Mais ils ne sont pas suffisamment pris en compte par le projet : il ne suffit pas qu’ils existent, il faut les faire appliquer ! Les commissions locales de l’eau, notamment, doivent assurer le suivi des objectifs qu’ils fixent. Il faut conserver la possibilité d’un financement incitatif, par le biais d’une redevance spécifique, rendre obligatoire la présence des présidents des CLE dans les cellules sécheresse des préfectures, pour garantir le lien entre les mesures nationales, les orientations des SAGE et les réalités du terrain, et assurer, enfin, le soutien des CLE par les départements, quel que soit l’avenir qui est réservé aux fonds départementaux.

Quelques observations me paraissent importantes pour finir. D’abord, compte tenu des difficultés financières que peut représenter pour des familles modestes la mise à niveau de leur assainissement individuel, en particulier en milieu rural, l’échéance de 2013 proposée par le rapporteur me paraît raisonnable : elle reste conforme au calendrier de la directive et n’empêche pas des contrôles immédiats pour les cas les plus nocifs. Ensuite, l’incitation à la récupération des eaux de pluie est un bon signe, mais il faut garder à l’esprit que les nappes de surface impropres à l’eau potable peuvent elles aussi être utilisées : ne poussons pas à des travaux énormes pour récupérer les eaux de pluie là où de telles nappes existent. Par ailleurs, le fonds de garantie des boues des stations d’épuration est nécessaire, mais il ne fera pas que tous les agriculteurs acceptent ces boues. Leur compostage permettrait dans certains cas une meilleure traçabilité et une meilleure acceptabilité. Enfin, si la France n’est pas menacée d’aridité, les déséquilibres chroniques constatés en certains lieux et à certaines périodes doivent amener les consommateurs à adopter un comportement économe.

Les bonnes pratiques se multiplient pour une utilisation rationnelle et intelligente de la ressource : il faut les évaluer et les faire connaître. Il est regrettable que le texte ne prenne pas suffisamment en compte cette exigence nouvelle, conforme à la Charte de l’environnement et à sa référence explicite à une politique de développement durable. Il faut de la pédagogie en cette matière, et surtout pas de simplisme.

Pour les trois points essentiels que j’ai développés – redevance excédent d’azote déclarative et non diabolisante, garantie de l’équilibre des contrats de gestion des services d‘eau et d’assainissement pour les petites communes, participation des citoyens à travers les commissions consultatives des services publics locaux –, je demande un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur – M. Ducout m’a complètement convaincu… de la nécessité de commencer immédiatement à travailler sur les articles. Il a voulu saluer le travail réalisé en commission, qui n’a cependant pas abouti à un accord généralisé – ce qui paraît normal, puisque la majorité et l’opposition sont censées exprimer des positions différentes. En ce qui concerne le tarif social, des dispositifs existent. Quant à la redevance nitrates, je vous rappelle que le prix du nitrate minéral a augmenté de 40 % ces cinq dernières années et que la consommation agricole a baissé d’autant. Ces nitrates n’apparaissent plus comme une priorité : la question d’actualité est celle des pesticides. En ce qui concerne les commissions consultatives, une ouverture a été faite : laissons évoluer les choses. Enfin, il me semble qu’il y a un peu de caricature dans l’opposition entre la gestion par des grands groupes et la gestion par des régies : je ne pense pas que l’on puisse séparer les communes selon qu’elles ont choisi l’une ou l’autre.

M. Pierre Ducout – Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. le Rapporteur – Je ne suis pas sûr non plus que la différenciation des prix soit si facile : il faut tenir compte de l’état des réseaux, qui est un vrai problème. Je souhaite donc que nous puissions passer à l’examen des amendements.

M. Jean Launay – Le groupe socialiste défend cette motion. M. Ducout a mis en avant plusieurs points qui soulignent le caractère inachevé du texte, comme la redevance spécifique sur les SAGE, la définition du service public local de l’eau et de l’assainissement ou la redevance azote, qui doit être déclarative. Si nous sommes d’accord pour considérer que ce texte sera utile aux agences et pour appliquer les priorités de la directive cadre sur l’eau, nous ne pouvons accepter le projet tel quel. La discussion générale a mis en avant nos différences de conception, de travail et de méthode, qui devront faire l’objet, amendement par amendement, d’une discussion de fond.

M. Jean Dionis du Séjour – Nos amis du parti socialiste me semblent légèrement tiraillés : ils ont félicité Madame la ministre pour avoir enfin bouclé le parcours du combattant, mais se sentent obligés de pousser au renvoi en commission. En réalité, nous sommes arrivés à un bon consensus et sommes tous contents d’en avoir terminé. En ce qui concerne la redevance nitrates, Pierre Ducout a raison de dire qu’elle a un sens dans une logique pollueur-payeur, mais nous avons abordé le problème de façon tellement adroite que c’est devenu un chiffon rouge pour le milieu agricole. Ce n’est pas en commission qu’on réglera cela : il faudra réengager les discussions avec les agriculteurs, même si les nitrates ont reculé dans la hiérarchie des priorités. En ce qui concerne la commission consultative des services publics, on aurait besoin d’un sérieux diagnostic pour savoir pourquoi cela ne marche pas – pourquoi elle est quasiment mort-née. Il ne sert à rien de créer des « machins » si on ne se débrouille pas pour les faire fonctionner. Quant aux eaux non potables, bien sûr que certaines nappes superficielles peuvent être avantageusement utilisées, mais le consensus s’est formé sur le système de récupération des eaux pluviales et cela ne nécessite en rien un renvoi en commission.

Les points les plus importants de ce texte font entre nous l’objet soit de clivages très profonds, soit d’une quasi identité de vue. Dans aucun des deux cas le renvoi en commission ne serait utile. L’UDF souhaite donc passer maintenant au débat.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. le Président – J’appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi pour lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article premier a

M. le Rapporteur – L’amendement 68 précise que le droit d’accès à l’eau potable doit s’exercer dans des « conditions économiquement acceptables pour tous », usagers et collectivités.

Mme la Ministre – Avis favorable, étant précisé que le droit d’accès à l’eau potable est subordonné au respect du code de la construction.

M. Jean Launay – Le fait de parler de conditions économiquement acceptables ne suffira pas à vous dédouaner de mener le débat sur le droit à l’eau et les moyens à donner aux collectivités locales pour l’assurer. Nous pouvons accepter cet amendement de forme, mais il ne nous empêchera pas d’être très vigilants sur le fond du débat dans les deux amendements suivants.

M. Charles de Courson – La précision apportée par la ministre est essentielle : il ne faut pas ériger en principe général que, où que l’on construise sa maison, on aurait droit à être alimenté en eau. Aux frais de qui ? Nous avons trop tendance ici à conférer des droits abstraits, qu’il est ensuite difficile d’assumer.

L’amendement 68, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Launay – Avec l’amendement 229, nous voulons aller plus loin dans la définition du service public de l’eau. Il n’y a pas si longtemps, en mars 2006, vous étiez, Madame la ministre, au forum mondial de l’eau, à Mexico, où vous avez exprimé la reconnaissance par le gouvernement français du droit à l’eau pour tous. Nous souhaitons matérialiser ce droit, en écrivant que le service public de l’eau est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix, et d’efficacité sociale, économique et environnementale. Nous écrivons, en outre, que le service public est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l’État et les communes ou leurs établissements publics de coopération.

Ainsi affirmons-nous clairement que le droit à l’eau pour tous n’est pas seulement une question de lutte contre les exclusions, mais aussi un enjeu de développement équilibré du territoire et de respect de l’environnement.

M. le Rapporteur – M. Dionis du Séjour parlait de lignes de fracture : nous en avons une ici. Cet amendement a été repoussé par la commission pour deux raisons. Tout d’abord, en matière de droit à construire, si le juge administratif casse une décision, la construction est réputée acceptée. Vous êtes donc obligés, avec votre amendement, de réaliser les kilomètres de canalisations manquantes. Ensuite, le deuxième alinéa n’est pas acceptable : en effet, 2 à 5 % de la distribution d’eau est aujourd’hui assurée, non par un service public, mais par des associations. Avis défavorable.

Mme la Ministre – L’article premier de la loi me paraît reconnaître déjà clairement et simplement le droit à l’eau. L’amendement n’est donc pas nécessaire. Il implique, en outre, une desserte généralisée, qui pourrait se révéler très coûteuse pour certaines collectivités rurales ou de montagne.

M. Jean Launay – En première lecture, nous n’étions pas loin d’aboutir à un accord sur cette définition du service public de l’eau. Vous caricaturez à présent notre position : nous ne voulons aucunement obliger les communes à réaliser partout des réseaux, dont nous connaissons le coût. Mais à partir du moment où le robinet existe, il convient d’affirmer que l’eau doit être gérée dans le respect des principes d’égalité et de continuité, qui sont à la base de tout service public.

L’amendement 229, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean Launay – Le Sénat a introduit une disposition qui évoque le droit à l’eau. Avec l’amendement 302 rectifié, nous voulons concrétiser ce droit, en écrivant : « Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d’eau potable et d’assainissement peuvent prendre toutes les mesures administratives, techniques, économiques et financières nécessaires pour mettre en œuvre ce droit à l’eau ».

Si nous laissons le texte tel qu’il nous vient du Sénat, nous ne passerons jamais à la phase de mise en œuvre du droit. Il faut donc donner la possibilité aux collectivités de le mettre en œuvre. En 2005, seules 20 000 personnes ont été aidées pour payer leurs factures d’eau, par le fonds de solidarité pour le logement. En prévoyant la possibilité de prendre des mesures, notamment financières, pour assurer le droit à l’eau, il s’agit d’éviter que ne se créent des stocks de dette, en rendant l’eau plus accessible aux ménages démunis, et pas seulement aux ménages endettés, pour faire en sorte que les plus pauvres aient effectivement droit aux vingt litres d’eau minimum par jour et par personne.

M. le Rapporteur – Je comprends ce souhait de passer de la théorie à la pratique, mais cet amendement pose trois types de problèmes.

Tout d’abord, il situe la solidarité au niveau de la commune ou de l’intercommunalité, alors que, dans les lois de décentralisation, c’est le département qui est chargé d’organiser la solidarité, notamment par le fonds de solidarité pour le logement. Vous avez rappelé que 20 000 personnes avaient été prises en charge par ce dernier, alors qu’il devait normalement y en avoir 500 000. Le FSL est abondé de façon volontariste par les distributeurs d’eau, en fonction de conventions locales plus ou moins efficaces. L’absence d’égalité des producteurs d’eau devant le FSL départemental crée sans doute un premier blocage pour le financement de l’aide aux plus défavorisés. Enfin, votre système crée des charges nouvelles, de fonctionnement, de suivi, d’évaluation… Dans ces conditions, je ne puis qu’émettre un avis défavorable.

Mme la Ministre – Même avis. Un retrait serait apprécié.

M. Jean Launay – Ce n’est pas possible. Le Sénat a écrit le droit à l’eau, mais personne ne sait comment celui-ci peut être mis en œuvre effectivement. Nous ne créons pas de charge nouvelle, puisque nous donnons simplement la possibilité à ceux qui le souhaitent d’appliquer une tarification sociale. Je crois que nous sortirions grandis si nous saisissions cette occasion historique de définir les conditions d’application de ce droit. On dit que l’eau pèse peu dans le budget des ménages, mais il pèse proportionnellement davantage dans le budget des personnes en difficulté. Il ne s’agit pas de renvoyer aux fonds sociaux, mais d’éviter, au contraire, la création de dettes, en offrant la possibilité aux collectivités de voter des tarifs différenciés.

Mme la Ministre – On ne peut qu’être d’accord sur le fond. Mais les dispositions de l’article L. 115–3 du code de l’action sociale portant engagement national pour le logement répondent déjà à cet objectif, en instituant une aide aux plus démunis et en interdisant les coupures d’eau en période hivernale. Les collectivités disposent donc des outils nécessaires. Si je vous ai demandé le retrait de l’amendement, c’est parce que j’estime qu’il est satisfait.

M. Pierre Ducout – Les services communaux, dans toutes les communes, peuvent appliquer des tarifs dégressifs, en fonction des quotients familiaux, voire la gratuité. Cela paraît normal de pouvoir le faire pour l’eau, bien de première nécessité. C’est d’ailleurs un point qui recueille un large consensus à l’Association des maires de France. La facture d’eau pour les ménages modestes pèse lourd, et elle pèsera demain davantage encore avec les charges nouvelles résultant de notre objectif pour 2015.

M. André Chassaigne – Je soutiens cet amendement qui permettrait de rendre effectif le droit à l’eau voté par le Sénat. La réponse de Mme la ministre n’est pas suffisante. Ce droit ne peut pas être garanti seulement en période hivernale. Les collectivités doivent être libres de mener la politique publique qu’elles souhaitent en matière d’accès à l’eau et si certaines veulent aller plus loin, cet amendement le leur permettrait. Je ne comprends pas le blocage autour de la formulation proposée.

L'amendement 302 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article premier A modifié, mis aux voix, est adopté.

ArtICLE premier

M. le Rapporteur – L’amendement 69 est rédactionnel.

L'amendement 69, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson – L’autorité administrative peut supprimer le droit des pêcheurs et des piétons d’user d’un chemin de halage et de la portion de berge faisant partie du domaine public pour des raisons d’intérêt général ou de sécurité lorsque les berges sont incluses dans des établissements industriels. Cette possibilité doit être étendue aux berges situées le long de parcelles avec animaux. Le passage sur des prairies où paissent des animaux peut en effet mettre en danger piétons et pêcheurs. Tel est l’objet de l’amendement 206.

M. le Rapporteur – La commission a donné un avis défavorable. Il ne peut pas y avoir sur le domaine public visé de pâtures avec animaux, à moins que ceux-ci n’y soient en vagabondage.

Mme la Ministre – Sur la forme, je vous ferai la même réponse que le rapporteur. Sur le fond, les pêcheurs bénéficient de longue date d’une servitude de marchepied le long des berges et la présence éventuelle d’animaux ne leur pose pas de problème.

M. Jean Lassalle – Même si ce sont des ours ?

Mme la Ministre – Le bétail n’est, pour sa part, laissé en liberté à paître que sur des parcelles clôturées, au-delà nécessairement des 3,25 mètres de la servitude de marchepied. Je vous invite donc à retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. Charles de Courson – Les pâtures situées le long des chemins de halage doivent être clôturées, dites-vous. Mais ce n’est pas toujours le cas, surtout sur les terrains fortement pentus où on laisse les animaux aller boire librement à la rivière.

Mon amendement ne vise qu’à donner à l’autorité administrative la possibilité de prononcer une interdiction dans un nouveau cas puisqu’elle peut de manière générale le faire « pour des raisons de sécurité ».

M. Germinal Peiro – J’apporte mon soutien à Mme la ministre devant la proposition scandaleuse de notre collègue de Courson. Si cet amendement était adopté, des dizaines de kilomètres de berges deviendraient inaccessibles aux pêcheurs. S’il s’agit du domaine public, il n’y a aucune raison de restreindre la circulation des piétons et des pêcheurs. S’il s’agit de terrains privés le long de cours d’eau domaniaux, il existe, chacun le sait, une servitude de marchepied de 3,25 mètres pour les agents de l’administration et de 1,50 mètres pour les pêcheurs. Sur cette bande de 3,25 mètres, aucun propriétaire n’a le droit de planter, semer ni clore. Si des parcelles sont clôturées, c’est nécessairement au-delà de 3,25 mètres.

M. le Rapporteur – Je ne souhaiterais pas, Monsieur de Courson, que le fait crée le droit et je vous invite à retirer votre amendement.

M. Charles de Courson – Je n’ai pas reçu de réponse à ma question. La présence d’animaux entre-t-elle dans le cas où l’autorité administrative peut interdire l’accès « pour des raisons d’intérêt général ou de sécurité » ?

M. le Rapporteur – Des raisons d’intérêt général.

M. Charles de Courson – On croirait qu’aucun d’entre vous, chers collègues, ne vit à la campagne ou ne se promène jamais le long de rivières !

Mme la Ministre – Sur décision de l’autorité administrative, le droit des pêcheurs et des piétons de circuler sur le chemin de halage et la portion de berge faisant partie du domaine public peut être exceptionnellement suspendu pour des raisons d’intérêt général ou de sécurité lorsque ces berges sont incluses dans des établissements industriels.

M. Charles de Courson – Je maintiens donc mon amendement.

M. le Président – Le juge administratif appréciera au cas par cas.

L'amendement 206, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 3

M. le Rapporteur – L’amendement 70 simplifie la rédaction du texte.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Launay – L’amendement 291 vise à garantir la libre circulation des poissons migrateurs, premières victimes du manque d’équipements spécifiques dans les aménagements hydrauliques.

M. le Rapporteur – Il me semblait que l’expression « écosystème aquatique » incluait les poissons migrateurs. Avis défavorable pour cette raison.

Mme la Ministre – Je pensais moi aussi que votre amendement était satisfait. Je vous invite donc à le retirer.

M. Jean Launay – Le problème spécifique des poissons migrateurs mérite d’être expressément mentionné.

L'amendement 291, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
Prochaine séance, ce matin, à 9 heures 30.
La séance est levée à 1 heure 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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