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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 18 janvier 2007

Séance de 10 heures
51ème jour de séance, 116ème séance

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde
Vice-Président

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La séance est ouverte à dix heures.

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égal ACCÈS DES FEMMES ET DES hommeS aux mandats électoraux

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Le sujet qui nous occupe aujourd’hui n’est qu’une des nombreuses questions touchant à la vie des femmes et à leur place dans notre pays, qui comprennent également les violences à leur encontre, dans la sphère familiale mais pas seulement, ou les inégalités professionnelles, dont nous savons aujourd’hui qu’elles limitent la performance des entreprises et des administrations. Ces questions appellent des réformes globales, qui passent autant par une évolution des mentalités que par l’action du législateur.

Avec le présent texte, il s’agit de permettre une meilleure représentation des femmes au sein des assemblées politiques. La loi du 6 juin 2000 s’est arrêtée à mi-chemin. Si elle a permis d’améliorer la mixité dans les conseils municipaux et régionaux,– la proportion de femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants est passée de 26 % à 47 % depuis 1995, et dans les conseils régionaux de 27 % à 48 % –, la réforme a toutefois laissé de côté la question des exécutifs locaux. Elle n'a pas non plus réglé celle des conseils généraux, qui restent les assemblées les moins mixtes de notre pays, avec à peine plus de 10 % de femmes. Elle n'a, enfin, produit que des effets limités au Parlement, puisque avec 13,9 % de femmes – 17,5 % au Sénat et 12,1 % à l'Assemblée nationale –, la France occupe le vingt-troisième rang de l'Union européenne.

Une nouvelle étape législative est donc nécessaire, même si la loi ne doit pas se substituer au choix des électeurs et ne peut à elle seule changer les mentalités. Du reste, la parité gagne du terrain même sans mesures contraignantes : dans les communes de moins de 3 500 habitants, par exemple, le nombre de femmes au sein des conseils municipaux a progressé de sept points entre 1995 et 2006, preuve que nos concitoyens évoluent.

M. Patrice Martin-Lalande – C’est encourageant !

M. le Ministre délégué – Seulement, cette tendance, trop lente, se heurte encore à de trop nombreux obstacles. Il faut donc accélérer le mouvement ; telle est l'ambition de ce projet. L'impulsion a été donnée il y a un an par le Président de la République, qui a rappelé récemment l'importance qu'il attache à son adoption avant la fin de la législature. Le texte a été préparé sur la base de ses orientations et complété par une mesure relative aux conseils généraux, défendue par de nombreux élus ainsi que par la délégation aux droits des femmes, que préside Marie-Jo Zimmermann.

Les échanges avec les présidents des associations d’élus ont été riches de propositions. Si tous ont souscrit à l'objectif poursuivi, ils ont aussi tenu, dans les assemblées où la féminisation est déjà engagée, à ce qu'il ne s'agisse que d'un coup de pouce limité dans le temps ; j'y reviendrai, parce que le Sénat a amendé le projet sur ce point. Les associations d'élus ont également souhaité que ne soit pas traitée ici la question de la parité au sein des intercommunalités, l'introduction du scrutin de liste risquant de mettre fin aux pratiques locales qui permettent de laisser une place aux représentants de l'opposition. Abondant dans le même sens, ma conviction est que le mode d'élection des conseillers communautaires doit faire l'objet d'une réforme d'ensemble, et non sous le seul angle de la parité.

Si le dépôt de ce texte peut paraître tardif, c'est que le Gouvernement a tenu à prendre le temps de la concertation. Le projet de loi comporte trois types de mesures. Il s'agit, en premier lieu, d'instaurer la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux. Le Gouvernement souhaite étendre la parité à l'élection des 18 500 adjoints aux maires des communes de plus de 3 500 habitants, dont 37 % sont actuellement des femmes. Ils seraient dorénavant élus sur des listes respectant une mixité stricte. Le même dispositif s'appliquerait à l'élection des vice-présidents de conseil régional, dont aujourd’hui 38 % sont des femmes. S'agissant des commissions permanentes des conseils régionaux, composées à 42 % de femmes, le scrutin de liste actuel est conservé, étant précisé que ces listes devront désormais respecter une stricte alternance des sexes.

La seconde réforme consiste à doter chaque conseiller général d'un suppléant, de sexe différent de celui du titulaire. Les conseils généraux sont les grands oubliés de la réforme de 2000, le scrutin uninominal se prêtant moins facilement à des mesures en faveur de la parité. Si le Gouvernement ne vous propose pas de revenir sur ce mode de scrutin traditionnel à quelques mois d’échéances importantes, il convient néanmoins de créer les conditions d'un meilleur accès des femmes aux assemblées départementales.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes – Très bien !

M. le Ministre délégué – À partir de 2008, près de 4 000 femmes pourront ainsi participer, comme titulaires ou suppléantes, aux élections cantonales. Cela contribuera aussi à réduire le nombre d’élections partielles.

La dernière mesure consiste à renforcer la modulation financière de parité pour les partis, aux élections législatives. Si les contraintes propres au scrutin uninominal jouent tout autant ici, la loi de 2000 a néanmoins été utile, puisque 39 % des candidats aux législatives de 2002 étaient des femmes, contre 23 % en 1997. Pour aller plus loin, l'aide publique versée aux partis sera diminuée d'un pourcentage égal, non plus à la moitié, mais aux trois quarts de l'écart constaté entre le nombre de candidats de chaque sexe. Ce dispositif entrera en vigueur à compter du premier renouvellement de l'Assemblée nationale suivant le 1er janvier 2008 ; il paraissait en effet inéquitable de changer la règle du jeu à quelques semaines des élections législatives, alors même que les candidats ont déjà été investis par les principaux partis.

Mme la Présidente de la délégation – Admettons !

M. le Ministre délégué – Le Sénat a apporté un certain nombre de modifications. En ce qui concerne les exécutifs municipaux et régionaux, le Gouvernement proposait, conformément aux vœux des associations d'élus, de n’appliquer les mesures prévues que durant deux mandatures, faisant le pari que les électeurs constateraient les avantages de la mixité dans la gestion locale et que la contrainte pourrait alors céder le pas à un libre choix. Le Sénat a préféré conférer un caractère permanent à ces dispositions ; le Gouvernement en prend acte. Il sera d'autant plus nécessaire d'évaluer le résultat des nouvelles mesures après le premier renouvellement des conseils municipaux et régionaux.

Le Sénat a également assoupli l'obligation de parité pour l'élection aux commissions permanentes des conseils régionaux, le scrutin régional – fondé sur des sections départementales – ne garantissant pas qu'un groupe comporte suffisamment d'hommes ou de femmes pour constituer une liste paritaire. Dans ce cas, les listes pourront être complétées par des candidats de même sexe. Il s'agit là d'une simple « soupape » conforme à l’esprit du projet.

Une majorité de sénateurs a par ailleurs souhaité instaurer une stricte alternance d'hommes et de femmes sur les listes municipales, dans les communes de plus de 3 500 habitants, là où la parité s'appliquait par groupe de six. Sur ce sujet, le Gouvernement s'en remet à la sagesse des parlementaires.

Le projet prévoyait l’appel au suppléant d’un conseiller général uniquement en cas de décès, comme c’est le cas pour les suppléants des députés et des sénateurs élus au scrutin majoritaire. Le Sénat a étendu cette possibilité aux cas de démissions pour cause de cumul de mandats, de nomination au Conseil constitutionnel ou de présomption d'absence au sens du code civil, ce qui représente aujourd’hui 70 % des cas d'élections partielles.

Enfin, à l'initiative des sénateurs représentant les Français établis hors de France et avec l'accord du Gouvernement, le Sénat a adopté une disposition introduisant une obligation de parité pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, laquelle comprend aujourd’hui 37 % de femmes.

Ce projet de loi, vous l’aurez noté, s'inspire de plusieurs propositions de lois déposées ces derniers mois...

Mme Catherine Génisson – Pas assez !

M. le Ministre délégué – …ce texte, que nous avons voulu équilibré, tend à faire progresser la parité dans les assemblées, pour les fonctions électives que la loi de 2000 avait ignorées, ou pour lesquelles l'incitation n'était pas assez forte. Les intercommunalités, pour leur part, exigent une réforme d'ensemble.

Le projet de loi s'en tient cependant à ce qui est strictement nécessaire, en préservant les modes de scrutin actuels et en respectant les circonscriptions électorales. Tout autre choix aurait du reste été critiqué, à quelques mois des élections. Le Gouvernement entend ainsi redonner aux femmes la place qu'elles méritent et qui leur revient de droit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois – Chacun connaît les données du problème : les femmes représentent un peu plus de la moitié des électeurs mais sont sous-représentées parmi les élus. La conception universaliste de la citoyenneté a été jugée longtemps incompatible avec toute distinction autre que celles justifiées par l'âge ou la nationalité.

Pour surmonter ces difficultés, une première réforme a été tentée pour favoriser l'accès des femmes à des mandats municipaux en 1980 ; elle n'est pas arrivée à son terme, l'élection présidentielle approchant. Deux autres tentatives, pour favoriser l'accès des femmes aux mandats municipaux ou régionaux, en 1982 et en 1999, ont échoué sur l'écueil de la Constitution.

La révision constitutionnelle de juillet 1999, adoptée après un riche débat, a levé cet obstacle. Désormais, aux termes de l'article 3 de la Constitution, la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, et, aux termes de l’article 4, les partis doivent contribuer à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi. La loi du 6 juin 2000, complétée par une loi organique applicable outre-mer et enrichie en avril 2003, a mis en application les nouvelles dispositions constitutionnelles. Ainsi, après nous être fixé l’objectif politique de la parité, nous nous sommes donné les moyens juridiques d’y parvenir.

J'ai entendu des voix, en commission des lois, s'élever contre le caractère tardif de ce projet, ce qui lui ôterait tout intérêt. On peut toujours regretter qu'un projet de loi n'ait pas été présenté plus tôt, ou que l'agenda législatif soit surchargé. On peut aussi prendre ses responsabilités et travailler jusqu'au bout.

Il serait en effet malhonnête de faire un procès en « calendrier » : il était d’abord impossible de dresser le bilan des lois de 2000 et 2003 avant qu'elles ne soient appliquées, et avant que les scrutins aient eu lieu. Légiférer sans évaluer, c'est pire que tout. Un bilan sérieux et objectif a été dressé dès 2005 par l'Observatoire de la parité. On ne peut pas dire qu’il ait tardé à venir. Enfin, relayé par le Gouvernement, le Président de la République a voulu relancer le processus lors de ses vœux pour 2006. Qui soutiendra qu'il fallait déposer dès le lendemain de ces recommandations, sans prendre le temps de la réflexion, un projet de loi sur un sujet aussi vaste et aussi complexe ? Qui soutiendra qu'une large concertation n'était pas nécessaire ? Qui soutiendra que tous les points de vue, notamment ceux des différentes associations d’élus, ne devaient pas être pris en considération ? Qui soutiendra enfin que la diversité des collectivités territoriales n'implique pas de longues discussions, pour aboutir à des solutions consensuelles et efficaces ? Tout cela demande du temps et l'on ne peut que se réjouir d’être saisis d'un texte aussi pragmatique et utile.

Après six ans d'application, l'heure d'un premier bilan a en effet sonné. Les scrutins de liste ont permis de favoriser l'entrée des femmes dans les assemblées délibérantes. En revanche le bât blesse dans deux domaines : les scrutins uninominaux et les exécutifs des collectivités territoriales.

Le projet de loi propose donc de favoriser la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, et de favoriser la parité dans les conseils généraux. Il vise également à encourager la parité dans les candidatures aux élections législatives, en renforçant le taux de la modulation financière applicable à une partie de l'aide publique accordée aux partis.

Le Sénat n'a apporté que peu de modifications. Le texte initial prévoyait que les dispositifs applicables aux exécutifs locaux resteraient en vigueur pendant deux mandatures, le temps d'installer la parité dans les mœurs ; le Sénat a supprimé cette limitation de durée. J’ai pourtant confiance dans la capacité des femmes à convaincre et j’estime que les temps d'application prévus étaient suffisamment longs pour permettre d'avancer…

Mme Catherine Génisson – Voyez ce qui s’est passé dans les conseils généraux !

M. le Rapporteur – En tout cas, une évaluation sera toujours nécessaire. Le Sénat a étendu les cas de remplacement des conseillers généraux par leur suppléant à la nomination au Conseil constitutionnel, à l’incompatibilité pour cause de cumul des mandats et à l’absence, au sens du code civil. Cette mesure permettra aussi de limiter le nombre d'élections partielles. Enfin, le Sénat a prévu que, dans les cas où un groupe ne disposerait pas suffisamment d'hommes ou de femmes pour composer une liste paritaire de candidatures à la commission permanente d’un conseil régional, il puisse être dérogé à la règle de l'alternance paritaire stricte.

En outre, le Sénat a ajouté deux articles. Le premier substitue au système actuel de parité dans les communes de plus de 3 500 habitants un mécanisme de parité stricte, dit « chabada ». Le second étend la parité à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.

Pour conclure, le principe de parité continue de devoir être concilié avec le principe essentiel de la liberté de vote et de la liberté de choix des assemblées délibérantes, commandé par le principe de libre administration des collectivités territoriales. Ensuite, il n'est pas question, à quelques mois des échéances électorales, de modifier les modes de scrutin ; ainsi toute modification relative aux délégués communautaires, outre qu’elle susciterait un débat d’ampleur, supposerait un changement de mode de scrutin et serait donc inopportune. La parité est nécessaire, elle n'est pas suffisante, et elle ne doit pas être la seule variable dans le choix d'un mode de scrutin. En outre, il n’est pas question de changer les règles du jeu maintenant : modifier les règles financières relatives aux élections législatives dès juin 2007 serait contraire à cette tradition républicaine et, de surcroît, n'aurait aucune effectivité. Enfin, le caractère organique de certaines dispositions nous interdit de les modifier.

Prenons acte des progrès qui nous sont offerts avec pragmatisme et bon sens, et n’oublions pas que la parité doit, avant tout, s'inscrire dans les mœurs et les pratiques. Victor Hugo écrivait en 1875 au comité de la Société pour l'amélioration du sort des femmes : « Je ne me lasserai pas de le redire, le problème est posé, il faut le résoudre ; qui porte sa part du fardeau doit avoir sa part du droit ; une moitié de l'espèce humaine est hors de l'égalité, il faut l'y faire rentrer. Ce sera là une des grandes gloires de notre grand siècle : donner pour contrepoids au droit de l'homme le droit de la femme ; c'est-à-dire mettre les lois en équilibre avec les mœurs. » C'est pourquoi je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

question préalable

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Catherine Génisson – Le sentiment que j’éprouve face à ce projet de loi est double. Il y a, certes, du plaisir et de la fierté à traiter du sujet de la parité politique, de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Il y a aussi de l’émotion, car la parité est source d’espérance pour notre démocratie, mais aussi dans toutes les sphères de la vie. Je pense surtout à l’égalité professionnelle, qui est encore loin d’être une réalité en ce qui concerne les salaires, les conditions de travail et la précarité de celui-ci. Si l’on peut se réjouir qu’en France, les femmes puissent travailler et en même temps avoir des enfants, grâce à des politiques familiales stables, il reste beaucoup à faire, et la parité politique permettra de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes sur tous les plans.

Je voudrais rendre un fervent hommage à la sénatrice Dinah Derycke, qui s’exprimait en ces termes devant le Congrès le 28 juin 1999 : « Les lois qui découleront de cette révision constitutionnelle provoqueront un bouleversement majeur de notre vie politique, bien au-delà de nos assemblées territoriales ou nationales. L’image que les Français se font de leurs hommes et de leurs femmes politiques en sera profondément et durablement transformée. En montrant que le pouvoir se partage de manière égalitaire, la parité entraînera une adhésion plus grande ; en montrant qu’il est possible de transformer radicalement ses mœurs et ses pratiques, la parité sera la preuve qu’il est possible de changer la société. Ainsi, ensemble, dans la diversité individuelle de nos potentialités, de nos talents, de nos vertus, nous ferons honneur à la France. »

Je m’enorgueillis d’appartenir à la majorité parlementaire qui a soutenu le Premier ministre Lionel Jospin lors de la modification de notre Constitution le 8 juillet 1999, puis de la discussion de la loi du 6 juin 2000 permettant la mise en œuvre de la parité politique, texte que la majorité actuelle avait largement boudé.

M. Patrice Martin-Lalande – Non : nous l’avons soutenu tout en le critiquant.

Mme Catherine Génisson – Vous avez été bien peu nombreux à le voter.

Mme Martine Lignières-Cassou – Elle a raison !

Mme Catherine Génisson – Je suis également fière d’avoir soutenu Lionel Jospin lorsque, premier secrétaire du parti socialiste, il avait défendu en 1997 la présentation de 30 % de femmes aux élections législatives, ce qui a permis de faire passer leur représentation à l'Assemblée nationale de 6 % à presque 11 %, avec 63 femmes sur 577 députés cette année-là. La loi du 6 juin 2000 a imposé une parité de candidature pour les élections au scrutin de liste, avec une stricte alternance hommes-femmes, pour les élections à la proportionnelle à un tour – européennes et sénatoriales, avec un seuil d’au moins trois sénateurs par département. Parmi les 74 sénateurs élus à la proportionnelle avec obligation de parité lors du renouvellement de 2001, on comptait ainsi 20 femmes, soit 21,3 % – alors qu’elles n’étaient que deux sur les 28 élus au scrutin majoritaire – soit 7,14 %.

Double sentiment, disais-je, car j’éprouve aussi un sentiment de colère et de profonde tristesse devant la navrante vacuité de ce texte. Je suis blessée devant l’indélicatesse dont il fait preuve à l’égard du principe d’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Ce projet est présenté à la sauvette, devant un hémicycle clairsemé, et le Gouvernement a déclaré l’urgence, ravalant ainsi le Parlement au rang de chambre d’enregistrement. Le texte est incomplet par rapport à ce qu’avait souhaité le président de la République lors de ses vœux à la nation en 2005 – à savoir une parité pour les exécutifs municipaux et régionaux, mais aussi pour la désignation des délégués intercommunaux. Face au silence du Gouvernement durant l’année 2006, il a fallu toute votre détermination et tout votre courage, Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour obtenir ce texte. Vous n’êtes guère convaincant quand vous affirmez avoir passé l’année à consulter les associations d’élus, Monsieur le ministre ! Je pense plutôt que le président de la République a rappelé le Gouvernement à l’ordre !

Sur le fond, c’est un texte cache-misère qui s’en tient au service minimum que vous aimez à défendre quand il s’agit de parité. Il ne concerne en effet que les exécutifs régionaux et municipaux, et encore ses dispositions ont-elles été étoffées par le Sénat ; il occulte – alors même que le président de la République l’avait expressément souhaité – la parité pour les délégués intercommunaux ; il contient des mesures pour le moins inadéquates pour les conseils généraux ; son article 4 comporte – avec une bonne conscience qui nous heurte – une mesure « en viager » comme l’a justement observé notre collègue sénateur Bernard Frimat, en aggravant les contraintes de financement des partis qui n’appliquent pas la parité pour les élections législatives, mais seulement à compter de 2012 ; il est silencieux sur la définition du seuil d’application de la proportionnelle pour les élections sénatoriales… Je rappelle que la mesure prise par la majorité en faveur de la parité, qui s’applique au Sénat, est contre-productive.

Mme Martine Billard – Absolument.

Mme Catherine Génisson – Le passage de 3 à 4 du seuil d’application de la proportionnelle a en effet abouti à un recul de la parité lors du renouvellement de septembre 2004 : par rapport à 2001, la proportion de femmes élues dans les départements élisant trois sénateurs est passée de 20 % à 4,8 % ! Le pourcentage de femmes au Sénat, qui a bien progressé – 10,6 % en 2001, 16,9 % en 2004 – et est aujourd’hui supérieur à celui de l'Assemblée nationale…

M. Laurent Wauquiez – Vous avez raison : le Sénat est une chambre moderne !

Mme Catherine Génisson – …diminuera donc lors du renouvellement des sénateurs élus en 2001.

Ce texte est par ailleurs inapproprié au regard de la nécessité d’approfondir notre législation sur la parité. Il est surprenant qu’il ne concerne que les collectivités territoriales, excluant de fait le Parlement.

Mme Martine Billard – Absolument.

Mme Catherine Génisson – Comme l’écrivait en janvier 2000 Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherches au CEVIPOF, « La France est le premier pays au monde à prévoir que pour la plus grande part des élections, il sera nécessaire de présenter autant de femmes que d’hommes ; les pays qui ont voulu accroître le nombre de femmes dans les assemblées élues n’ont retenu jusqu’ici que des quotas ne dépassant pas 33 %. Depuis la modification de la Constitution, nous avons un constat paradoxal : un encadrement législatif, néanmoins insuffisant au regard des résultats constatés aujourd’hui. » Au niveau municipal, le pourcentage de femmes est passé de 25,7 % en 1995 à 47,5 % en 2002 dans les communes de plus de 3 500 habitants. La loi a eu un effet de levier pour les communes de moins de 3 500 habitants, où le pourcentage est passé de 20 % à 30 % de femmes. Le constat est moins bon sur le nombre de femmes maires, celles-ci étant d’ailleurs plus nombreuses dans les commune rurales. J’observe enfin qu’il n’y a que 20 % de femmes dans les exécutifs municipaux, ce qui justifie l’article premier.

Des progrès sont également enregistrés dans les conseils régionaux, où la proportion de femmes est passée de 27,5 % en 1998 à 47,6 % en 2004. Notons cependant que peu de femmes étaient à la tête des listes départementales. Les mentalités sont en avance sur les partis politiques ! Les exécutifs régionaux ne comptent cependant que 37,5 % de femmes.

Au niveau européen, nous sommes passés de 40,2 % à 43,6 % de femmes entre 1999 et 2004. La progression a été faible, car le parti socialiste avait proposé dès 1999 une liste alternant hommes et femmes, ce qui avait joué un rôle d’entraînement.

Deux collectivités nous font particulièrement honte. D’abord les délégués intercommunaux : alors que l’intercommunalité est en plein essor, seuls 5 % des établissements publics de coopération intercommunale étaient présidés par une femme en 2002. Il faut agir, car c’est à cet échelon que se situera à l’avenir le véritable pouvoir local. Le constat est encore plus dramatique s’agissant des conseils généraux, avec 10,9 % de femmes lors du renouvellement de 2004 – contre 8,6 % en 1998 et 9,8 % en 2001. Sur 3 966 conseillers généraux, les femmes ne sont aujourd’hui que 411. Seuls six départements comptent plus de 20 % de femmes au conseil général. À ce rythme, il faudra attendre 70 ans pour parvenir à la parité !

La France se situe au vingt-troisième rang de l’Union européenne et au quatre-vingt-sixième rang mondial pour le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale. Si les partis peinent à évoluer, les citoyens, le mouvement associatif – en particulier féministe – les associations d’élus et le milieu universitaire se mobilisent. Je salue le travail et le courage politique de la délégation aux droits des femmes sous votre présidence, Madame Zimmermann, ainsi que la qualité des travaux de l’Observatoire de la parité, dont vous êtes rapporteur.

Au regard de la mobilisation citoyenne, le texte qui nous est soumis, d’une vacuité dramatique, trahit un attentisme condamnable. Puisque les partis politiques sont en retrait, il faut pourtant en passer par la loi pour renforcer la parité – la situation au sein des conseils généraux ne le démontre que trop. Sinon à la marge, votre projet ne le permettra pas. Je dénonce donc l’hypocrisie du Gouvernement.

Pour notre part, nous défendons d’autres dispositions, et en premier lieu l’application de l’obligation de parité aux conseils municipaux des communes de plus de 2 500 habitants. Nous n’ignorons pas qu’une loi organique est nécessaire pour cela, et nous l’assumons. Nous défendons aussi l’application du principe de la parité pour les délégués des intercommunalités, ce qui suppose un débat sur le mode de scrutin. S’agissant des élections législatives, il n’y a rigoureusement aucune raison de ne pas appliquer les dispositions prévues à l’article 4 du texte dès juin 2007. Encore faut-il, pour tenir compte de l’avis rendu le 30 mai 2000 par le Conseil constitutionnel que le dispositif « ne revête pas le caractère d'une sanction mais celui d'une modulation de l'aide publique allouée aux partis et aux groupements politiques » ; le terme « pénalité » est donc impropre. En 2002, le parti socialiste qui avait présenté 36 % de femmes aux élections législatives, s’était vu imposer une telle modulation de l’aide publique – mais ce n’était rien au regard de celle qu’a subie l’UMP, alors RPR…

M. Laurent Wauquiez – L’UMP n’est pas le RPR.

Mme Catherine Génisson – Je rappelle que la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique s’était appliquée dans le mois qui a suivi son adoption. Rien ne justifie, je le répète, que l’article 4 ne soit pas appliqué dès les prochaines élections.

M. Laurent Wauquiez – Cela ne changerait rien.

Mme Catherine Génisson – J’ajoute que les propositions que je défends sont soutenues par la délégation aux droits des femmes. Je me félicite par ailleurs de la réticence que manifeste désormais Mme Zimmermann, sa présidente, à la proposition tendant à ce que les suppléants des conseillers généraux soient d’un autre sexe que celui des titulaires. Le groupe socialiste est catégoriquement opposé à cette mesure d’affichage qui, les conseils généraux étant à 90 % composés d’hommes, est une insulte faite aux femmes. Le Gouvernement veut-il les ridiculiser ? Si les suppléantes doivent attendre la mort de tous les titulaires, auxquels elles ne veulent d’ailleurs aucun mal, elles siégeront dans un siècle ! Si elle n’était injurieuse, la proposition serait dérisoire. Nous avons déposé un amendement tendant à la suppression de cet article. Le Gouvernement aurait pu consulter les élus…

M. Laurent Wauquiez – On ne peut pas dire qu’il ne l’a pas fait !

Mme Catherine Génisson – Pour ce qui me concerne, j’approuve la proposition faite par notre collègue Pérol-Dumont d’instituer un scrutin mixte – maintien du scrutin uninominal en zone rurale et scrutin à la proportionnelle dans les zones urbaines –, proposition qui mériterait un débat de fond.

Nous sommes très attristées par les considérables lacunes de ce texte, qui ne s’appliquera pas aux prochaines élections législatives…

M. Guy Geoffroy – C’est une obsession !

Mme Catherine Génisson – …qui ne respecte pas le principe de la parité (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et qui oublie, malheureusement, l’observation de bon sens de Stendhal, selon lequel « l’admission des femmes à l’égalité parfaite (…) doublerait les forces intellectuelles du genre humain ».

C’est ma fierté de présenter cette motion au nom d’un parti qui présentera 50 % de femmes aux prochaines élections législatives, notre collègue Bruno Le Roux peut en attester…

M. Laurent Wauquiez – Il a l’air dubitatif !

Mme Catherine Génisson – Aucunement, car nous avons eu le souci d’assurer une véritable représentation paritaire.

Pour les raisons que j’ai exposées, je vous demande d’adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Laurent Wauquiez – Je regrette le ton très polémique de cette intervention. Mme Génisson semble souhaiter un Grand Soir ; nous privilégions, par pragmatisme, la politique des petits pas…

Mme Martine Billard – De tortue !

M. Laurent Wauquiez – Vous proposez de modifier les règles régissant les scrutins et celles de l’aide publique aux partis politiques à la veille d’échéances électorales, et vous refusez la modification des règles de suppléance au sein des conseils généraux comme si n’y siégeaient que des hommes… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Génisson – Ils les composent à 90 % !

M. Laurent Wauquiez – L’important n’est pas de faire entrer seulement des femmes dans les organes politiques mais de renouveler en profondeur la représentativité des élus. Que l’on s’abstienne, comme vous le souhaiter, de débattre, c’est le plus sûr moyen de reporter tout progrès au siècle suivant. Mieux vaut une discussion constructive. Nous ne voterons pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint – Je partage la colère de Mme Génisson. Je constate que la priorité que le Président de la République avait affirmé vouloir donner à l’égalité et à la parité ne trouve pas sa traduction dans ce projet. Pourtant, 80 % des Français estiment qu’il s’agit d’une nécessité démocratique…

M. Guy Geoffroy – Nous en sommes tous d’accord.

Mme Muguette Jacquaint – L’examen de ce projet, dans l’urgence et en catimini, est une insulte faite aux femmes, même s’il permet quelques progrès. Le texte ne reprend pas les propositions de la délégation aux droits des femmes, ni celles de sa présidente, ce qui aurait dû être un minimum. C’est un texte d’affichage, dont les dispositions ne s’appliqueront, pour certaines, qu’en 2012. Vous dites qu’il faut avancer, mais vous le faites au rythme de la tortue ! Vous l’aurez compris, nous voterons cette question préalable.

M. Guy Geoffroy – Quel immobilisme !

M. Bruno Le Roux – Non seulement votre texte est mauvais mais vous refusez le débat ! C’est une rareté qu’un rapporteur n’estime pas nécessaire de répondre aux arguments exposés lors de la défense d’une question préalable ! C’est dire le mépris dans lequel la majorité tient ce sujet important. Le texte permet certes de petits progrès, mais il n’apporte rien d’essentiel, alors que la commission des lois et les délégations aux droits des femmes de l’Assemblée et du Sénat souhaitaient une loi aussi ambitieuse que celle de 2000, pour instaurer non l’apparence mais la réalité de la parité partout dans la République. Sur ce texte bâclé, vous refusez le débat. Nous voterons, bien sûr, la question préalable.

M. le Rapporteur – Je renvoie M. Le Roux à mon exposé liminaire, qui répondait par avance à Mme Génisson, et auquel je n’ai rien à ajouter, puisque Mme Génisson n’a rien dit de neuf.

M. Bruno Le Roux – L’Assemblée est le lieu du débat !

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Guy Geoffroy – Contrairement à d’autres, si j’en crois nos premiers échanges sur ce texte, je suis convaincu de la nécessité de progresser et je tiens à dire à ceux qui prétendent qu’il n’y a rien dans ce projet que personne, dans cet hémicycle, n’a le monopole de la promotion de la parité, et, surtout, n’a de leçon à donner… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) C’est en effet le général de Gaulle, qui, le premier, a donné le droit de vote aux Françaises…

Mme Huguette Bello – Sous la pression !

Mme Muguette Jacquaint – Et c’est le parti communiste qui a, le premier, présenté des candidates !

M. Guy Geoffroy – Non, vraiment, personne n’a ici le monopole de la promotion de la participation des femmes à l’exercice des responsabilités politiques…

Mme Martine Billard – Surtout pas vous !

Mme Catherine Génisson – Il ne s’agit pas de promouvoir les femmes mais de respecter l’égalité entre les sexes.

M. Guy Geoffroy – Et puis, il est toujours facile de reprocher à un texte d’être insignifiant. Si nous en sommes encore à devoir légiférer sur ce sujet, c’est bien parce que la majorité précédente n’a pas suffisamment fait progresser cette cause ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Au reste, c’est bien là le fond du problème : comment expliquer que nous ne trouvions pas de meilleur moyen pour progresser que de recourir à une nouvelle loi ?

Mme la Présidente de la délégation – Voilà la vraie question !

M. Guy Geoffroy – Croyez bien que je ne me présente pas comme un héros de la parité ! Pourtant, en 1995, lors de ma première élection en tant que maire, conscient de l’émergence des femmes à tous les postes de responsabilité,…

Mme Catherine Génisson – Enfin, ne parlez pas d’émergence ! Nous sommes là depuis longtemps !

Mme Martine Billard – Parlez plutôt de reconnaissance.

M. Guy Geoffroy – …j’avais voulu anticiper sur les évolutions législatives à venir et donner un petit coup de pouce en rendant mon conseil municipal strictement paritaire.

Plus de dix ans après, nous sommes une nouvelle fois appelés à légiférer : nous devons le faire sans rejeter en bloc les réelles avancées que contient le texte, et avec le souci de bien calibrer le niveau de précision de la loi.

L’un des apports majeurs des dispositions qui nous reviennent du Sénat, c’est qu’elles tendent à rendre beaucoup plus lisible le dispositif destiné à garantir la parité : l’on ne raisonnera plus par paquets de six candidats mais selon le principe des listes « chabada », alternant un homme et une femme. Il était impératif de traduire cette évolution inéluctable selon des modalités compréhensibles par tous. Le texte le permet et cela mérite d’être salué.

J’en viens à la question des exécutifs. Comme j’ai tenté de l’exposer tout à l’heure avant d’être interrompu, dans ma commune d’un peu plus de 20 000 habitants, je souhaitais que, parmi les dix maires-adjoints, cinq au moins soient des femmes. Elles ne sont aujourd’hui que quatre…

Mme Martine Lignières-Cassou – Eh voilà ! Il va nous expliquer qu’il n’a pas trouvé de femmes volontaires ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Guy Geoffroy – Je considère donc qu’il est tout à fait normal, dans la perspective des élections municipales de 2008, d’imposer la parité : c’est une obligation à laquelle il me sera très agréable de me plier ! Je serais du reste très curieux d’entendre les arguments de ceux qui s’opposent à cette avancée.

S’agissant des conseils généraux, j’ai entendu des propos que je n’hésite pas à qualifier de totalement déplacés. La cible, en la matière, c’est le mode de scrutin…

Mme Catherine Génisson – Je l’ai dit.

M. Guy Geoffroy – Loin d’être « grotesque et abracadabrantesque », comme je l’ai entendu ce matin en commission, l’obligation, pour les conseillers généraux, de désigner un suppléant de sexe opposé…

M. Bruno Le Roux – C’est une hérésie !

M. Guy Geoffroy – …éviterait notamment la multiplication d’élections partielles qui ne mobilisent jamais une proportion importante du corps électoral, le taux de participation excédant rarement 30 %.

M. le Ministre délégué – Absolument.

M. Guy Geoffroy – C’est un système simple et lisible, auquel je ne vois aucun argument sérieux à opposer. Je considère donc qu’il ne faut pas bouder les avancées obtenues dans ce texte pour ancrer encore un peu plus le principe de la parité dans nos institutions locales.

J’en viens, pour conclure, à quelques réflexions concernant l’avenir. D’abord, faut-il se résoudre à ce que coexistent une France de la parité et des collectivités où elle n’aurait pas cours ? Pour y remédier, j’avais envisagé de défendre un amendement tendant à la rendre obligatoire pour toutes les communes de plus de 2 500 habitants – le seuil actuel étant fixé à 3 500 âmes. J’y ai momentanément renoncé,…

M. Bruno Le Roux – Sous la pression directe du Gouvernement !

M. Guy Geoffroy – …afin de ne pas mettre en difficultés les plus petites communes qui préparent déjà les élections de 2008. (Murmures)

Mme Martine Billard – Allons, elles auraient eu plus d’un an pour s’y préparer !

M. Guy Geoffroy – Il est déjà fréquent qu’elles aient du mal à trouver des candidats. Sans doute faut-il leur laisser encore un peu de temps. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Je tiens aussi à récuser le raisonnement selon lequel le mode de scrutin proportionnel favoriserait naturellement la parité : c’est un mirage ! (Exclamations sur divers bancs) Ce n’est pas le mode de scrutin qui détermine la réalisation de la parité, c’est la liste.

M. Bruno Le Roux – Je ne suis pas particulièrement convaincu !

M. Guy Geoffroy – Enfin, il ne faut pas considérer que le présent texte nous est présenté à la sauvette…

Mme Muguette Jacquaint – Ah si !

M. Guy Geoffroy – Sans doute est-il encore perfectible, mais il contient de réelles avancées et je le voterai sans réserve, en incitant tous mes collègues de la majorité à m’imiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint – Je suis fière d’intervenir une nouvelle fois sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur. M. Geoffroy s’est cru autorisé à me taxer d’immobiliste : je le renvoie aux comptes rendus de toutes mes déclarations. J’agis depuis vingt-six ans pour faire progresser la parité et j’estime par conséquent que je n’ai aucune leçon à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy – J’ai simplement dit que personne n’avait le monopole de cette cause.

Mme Muguette Jacquaint – Quoi qu’il en soit, la question reste d’actualité, l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités politiques représentant un véritable enjeu de société.

En l’état, la parité n’est pas satisfaisante, les chiffres sont éloquents : 12,7 % de femmes ont été élues à la députation en 2002 ; à peine 16,9 % de femmes sont sénateurs. Sur le plan local, quelques progrès ont été constatés en 2001, les femmes représentant 31,7 % des élus municipaux et 48 % dans les villes de plus de 30 000 habitants. La progression est plus importante sur le plan régional : 9 % des élus régionaux étaient des femmes en 1986 et 47,6 % en 2004. En revanche, la progression est moins nette dans les conseils généraux, où aucune règle de parité ne s’impose, avec 0,7 % de femmes en 1958 contre 8,3 % en 1998 et 9,3 % en 2004. Les progrès accomplis dans la féminisation des conseils régionaux grâce à la loi de 2003 ont permis de faire passer la proportion de femmes de 27,1 % à 47,6 % lors des élections de mars 2004. Le renouvellement des élus a été significatif pour les femmes puisque 77 % des femmes sont de nouvelles élues contre 60 % des hommes. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les femmes accèdent plus souvent à cette magistrature avec une proportion de 11,2 % en 2001 contre 7,8 % en 1995. Elles sont en revanche relativement moins nombreuses au sein des conseils municipaux. De plus, 18 890 des 78 876 adjoints aux maires sont des femmes, soit 23,9 %. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, la proportion de femmes maires n’est que de 7,6 % au lieu de 4,4 % en 1995. Elle atteint 36 % chez les adjoints aux maires.

Outre l’introduction du principe de parité dans les exécutifs locaux et pour les élections cantonales, ce texte s’attelle à une autre faiblesse du système français : la sous-représentation des femmes à l'Assemblée nationale. Je rappelle que les lois sur la parité de 2000 et 2003 obéissent à deux logiques différentes : l’obligation de parité sur les listes de candidats aux élections ayant lieu à la proportionnelle, tempérée pour les municipales ; l’incitation des partis politiques pour les élections législatives. Comme en témoigne le bilan de 2005 réalisé par l’Observatoire de la parité, les scrutins uninominaux semblent moins favorables à la parité que les scrutins de liste. Ainsi, les élections européennes, régionales et municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants donnent de bons résultats mais le problème se pose toujours pour les élections uninominales législatives et cantonales. Une conclusion s’impose : seule la première logique a permis de faire vraiment progresser la parité. La seconde logique, qui s’est traduite par des pénalités financières, n’a pas eu l’effet que vous prétendiez rechercher, les grands partis politiques préférant acquitter des pénalités plutôt que de présenter des femmes à parité. Examiner ce texte aujourd’hui, en catimini et dans l’urgence constitue en outre une insulte pour les femmes, surtout après les déclarations du président de la République. Pour les élections de 2012, dans le cas où un parti ou un groupement ne respecterait pas le principe de la parité, le montant de la dotation qui lui revient sera amputé de 75 % de l’écart entre le nombre de candidats et celui de candidates, au lieu de 50 %. En 2002, l’UMP a présenté 114 femmes et 466 hommes contre 185 femmes et 350 hommes pour le PS. Le parti de la majorité a préféré payer 4,26 millions de pénalité plutôt que de présenter des candidates ! Voilà qui est peu flatteur pour le droit et la démocratie !

Nous approuvons le projet s’agissant du renforcement de la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux. Épargnées par la loi de juin 2000, ces assemblées sont restées largement dominées par les hommes. Le texte prévoit ainsi l’extension du principe de parité à la désignation de l’exécutif des conseils municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, ainsi qu’à la désignation de l’exécutif des conseils régionaux. Dans les conseils municipaux des communes de 3 500 habitants et plus, les adjoints aux maires seront désormais nécessairement élus sur le fondement d’une liste strictement paritaire. Le dispositif sera applicable aux conseils d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille, aux conseils des communes de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Dans l’exécutif des conseils généraux, les membres de la commission permanente seront dans tous les cas élus sur le principe d’une liste respectant une alternance stricte entre candidats de sexes différents, tandis que les vice-présidents seront élus sur une liste qui devra respecter le principe de parité de manière globale sans l’obligation d’alternance stricte. Le dispositif sera également applicable à la commission permanente et au vice-président de l’Assemblée de Corse ainsi qu’au conseil exécutif de cette collectivité territoriale. Nous sommes bien entendu favorables à l’élection à la proportionnelle sur liste alternée des adjoints aux maires dans les communes de plus de 3 500 habitants et des membres de la commission permanente des conseils régionaux. Je propose quant à moi l'extension du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants. Nous souhaitons donc que la représentation proportionnelle soit le mode de scrutin ordinaire applicable aux élections municipales, quel que le soit le nombre d'habitants des communes. L'argument souvent utilisé s’agissant de la difficulté de trouver des candidates n’est pas recevable…

M. Guy Geoffroy – C’est pourtant un vrai problème.

Mme Muguette Jacquaint – …il suffit de voir la proportion de femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants pour nous convaincre du contraire. Qui plus est, l'observation de la vie locale, y compris dans les petites communes, démontre que les femmes sont souvent très engagées dans la vie de la cité.

M. Guy Geoffroy – C’est vrai.

Mme Muguette Jacquaint – En revanche, les autres mesures contenues dans ce projet soulèvent de sérieux problèmes. Ainsi, les dispositions relatives aux élections cantonales ne nous paraissent pas sérieuses pour faire progresser la parité. La proportion de femmes conseillères générales – 10 % – est dérisoire et je ne parle même pas du nombre de présidentes de conseil général ! Doter les titulaires hommes d'une suppléante qui prendra leur place en cas de décès, d'absence au sens du code civil, ou de cumul des mandats et, de manière plus marginale, dans le cas où cet homme serait nommé membre du Conseil constitutionnel et qu'il accepterait cette nomination ne me paraît ni efficace, ni réaliste. J’ai même entendu que la suppléance, pour les femmes, constituerait un moyen d’apprentissage de la vie politique ! Malgré les quelques avancées du Sénat, il ne s'agit-là encore que d'une mesure d'affichage pour se donner bonne conscience.

Les propositions d'extension des possibilités de remplacement ne sont pas non plus satisfaisantes. Nous attendons une réforme en profondeur des modes de scrutin afin de réaliser concrètement la parité. Pour ce faire, nous défendons à la fois la proportionnelle aux élections législatives et le retour de ce mode de scrutin au Sénat dans les départements où l'on élit au moins trois sénateurs. D'ailleurs, l'Observatoire de la parité souligne que le mode de scrutin de liste permet aisément d'instituer et de contrôler une obligation de parité – c'est notamment le cas pour les municipales, les régionales ou les européennes. Les femmes représentent aujourd'hui 43,5 % des députées européennes et 47,6 % des conseillères régionales. L'affaire se gâte dès qu'il est question de scrutins uninominaux comme pour les élections législatives ou cantonales.

L'accès aux mandats locaux et aux fonctions électives serait facilité si un véritable statut de l'élu existait. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a marqué un progrès mais les femmes doivent plus que les hommes concilier vie professionnelle – où elles sont rémunérées 27 % de moins que leurs collègues masculins à travail égal – et vie familiale. Dans ces conditions, elles hésitent à s'investir dans la vie politique. Moderniser les conditions d'exercice des mandats tant locaux que nationaux profiterait non seulement aux femmes mais aux hommes, qu’il ne s’agit évidemment pas d’évincer ! Nous déplorons l’insuffisance des dispositifs de garde d'enfants ou de personnes dépendantes mais aussi de valorisation des acquis de l'expérience ou encore de garanties indemnitaires auxquelles pourraient avoir droit les élus reprenant une activité professionnelle. Nous voulons, et nos amendements en témoignent, faciliter le retour à la vie professionnelle et permettre une meilleure prise en charge des contraintes familiales durant le mandat. Conférer à l’élu un statut digne de ce nom a forcément un coût qu’il lui faudra assumer.

Les femmes représentent 53 % du corps électoral. Il est temps de leur donner la place qui doit être la leur. Le Gouvernement n’a pas tenu compte de toutes les études qui prouvent que la contrainte est nécessaire pour imposer la parité. Il reste sourd aux nombreuses voix qui réclament la proportionnelle, et ignore même les arguments de la Délégation aux droits des femmes. Et je ne mentionne pas toutes les inégalités professionnelles qu’il faut surmonter pour instaurer une véritable égalité entre hommes et femmes.

Nous verrons si nos amendements sont adoptés. Mais l’urgence exigeant un texte conforme avec le Sénat, je doute que le groupe communiste et républicain puisse voter un tel texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Philippe Folliot – « Je parle sans retenue, sans pudeur aux femmes politiques de tous les pays. Avec un parti pris : je les crois indispensables et elles sont trop rares. Nous y avons tous beaucoup perdu. J'aime ces femmes d'exception, ces êtres de sincérité, d'inquiétude, de foi, de lucidité et de courage. J'aime le grand chant de la liberté, les héroïnes non conventionnelles, les agitatrices inspirées qui tentent de bousculer leur époque. » Ainsi s’exprimait Michel Jobert, dans sa Lettre ouverte aux femmes politiques.

Ce texte comporte des éléments positifs, dans le prolongement de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 autorisant le législateur a favoriser la parité en politique, et des lois du 6 juin 2000 et du 11 avril 2003 qui ont institué des dispositions contraignantes ou incitatives pour y parvenir.

En assurant la place des femmes dans les exécutifs municipaux et régionaux, en instituant le remplacement par un candidat de sexe opposé pour les conseils généraux et en renforçant la sanction financière pour les partis politiques qui ne respectent pas les dispositions sur la parité dans les candidatures aux législatives, ce projet représente une nouvelle étape, modeste, dans la mise en œuvre de la parité. Nous sommes nombreux à nous interroger sur le principe même du vote de telles lois. Mais force est de constater que la contrainte législative a permis des progrès.

Si la Constitution de 1789 reconnaissait le droit de tout citoyen à concourir à la formation de la loi, expression de la volonté générale, ce n’est qu’avec l’ordonnance du 21 avril 1944 que les Françaises ont obtenu ce droit, que les Allemandes avaient obtenu en 1918, les Américaines en 1920, les Anglaises en 1928 et les Turques en 1934. Quelques femmes, issues de la Résistance, siégèrent dans diverses assemblées. Mais, elles restaient peu nombreuses par rapport à d’autres pays démocratiques. En 1981 et 1982, la tentative d’instaurer des quotas de candidatures féminines dans les conseils municipaux fut déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel. La loi constitutionnelle de 1999 a modifié l’article 3 de la Constitution, afin de permettre au législateur d’agir pour la parité dans les fonctions électives. Il ressort des travaux préparatoires qu’il s’agit en particulier des responsabilités d’adjoint au maire et membre des exécutifs des conseils régionaux et conseils généraux. Le législateur a le libre choix des moyens pour parvenir à ce but, dans le respect des autres principes constitutionnels, et notamment la liberté de candidature.

Ce projet comporte trois grands objectifs. Le plus novateur est de renforcer l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions exécutives locales. L’article premier s’y emploie pour les communes de plus de 3 500 habitants et l’article 2 pour les conseils régionaux.

Le deuxième objectif est de féminiser les conseils généraux. Pour cela, l’article 3 institue un remplaçant de sexe différent du candidat. On devrait ainsi constituer un vivier de femmes responsables, et limiter le nombre des élections partielles.

Le troisième objectif est de conforter la place des femmes à l'Assemblée nationale en aggravant la sanction financière sur la première fraction de l’aide publique attribuée aux partis politiques qui ne respectent pas l’égalité dans le nombre de candidatures entre hommes et femmes. La diminution prévue vaut mieux qu’une suppression, car cette aide a été instituée en contrepartie d’une diminution des financements privés et d’un meilleur contrôle des comptes, en vue de favoriser le pluralisme. Pour 2007, l’aide publique théorique est de 80,26 millions, montant qui est resté le même depuis 1995. Mais 7 millions n’étant pas versés pour non respect de la parité, le montant effectivement inscrit au budget est de 73,28 millions.

Il reste néanmoins de nombreuses insuffisances. Sans doute vaut-il mieux tard que jamais. Mais proposer ce texte à quelques semaines de la fin de la législature, et selon la procédure d’urgence, ne favorise pas un vrai débat de fond. Et pourquoi ces mesures sont-elles transitoires ? Surtout, le retard français est important. Les 70 femmes députées représentent 12,2 % des membres de l'Assemblée nationale, ce qui nous place à la 22e place dans l’Union européenne, la 84e dans le monde. C’est une situation anachronique et anormale pour le pays des droits de l’homme.

Grâce à la loi sur la parité, les femmes représentaient 47,5 % des conseillers municipaux des communes de plus de 3 500 habitants en 2001 et 47,6 % des conseillers régionaux en 2004, contre 27,5 % en 1998. Cependant, elles n’étaient que 6,6 % des maires. Surtout, les progrès sont décevants dans les conseils généraux, où les femmes ne sont encore que 10,9 % des élus en 2004 contre 8,6 % en 1998.

Le présent projet reste bien en deçà des engagements du président de la République, et, pour aller plus loin, nous souhaitons le compléter. Pour les législatives, en attendant l’instauration d‘une dose de proportionnelle, que l’UDF appelle de ses vœux, on peut faire progresser la parité dans le cadre du tandem que forment le candidat et son suppléant. En raison des nominations ministérielles, des décès et de divers aléas de la vie publique, 62 suppléants élus en 1997 sont devenus députés, soit 10,7 %. S’ils avaient tous été du sexe opposé à l’élu, la parité aurait progressé.

Par ailleurs, les dispositions de ce projet ne seraient pas applicables en 2007. Si l’on veut vraiment faire progresser la parité dès les législatives de juin prochain, il faut rendre les sanctions financières applicables immédiatement.

Pour les conseils généraux, le texte instaure bien la parité dans le choix du titulaire et du suppléant. Mais ce dernier n’accèderait à la fonction qu’en cas de décès du titulaire, soit seulement 15 cas par an en moyenne pour les 4 000 conseillers généraux. Le Sénat a donc eu raison de prévoir que ce remplacement vaudra également en cas de démission pour cumul de mandat. Cela évitera des élections partielles, tout en favorisant l’arrivée de femmes. Et passer au renouvellement intégral, et non plus par moitié, de conseils généraux améliorerait aussi la parité. De toute façon, la formule actuelle est un frein à l’efficacité.

Il faut favoriser la parité en instaurant un scrutin proportionnel pour l’élection de conseillers généraux issus de cantons situés dans une agglomération : en effet, les électeurs d’une agglomération ne savent pas forcément à quel canton ils appartiennent. Il est impossible de séparer la mise en œuvre de la parité d’une réforme d’ensemble de nos institutions qui tende à une meilleure représentation du corps électoral, notamment par le passage au scrutin proportionnel, seul capable d’assurer une représentation équitable des minorités.

Le président de la République s’est interrogé sur la pertinence d’instaurer la parité dans la désignation des délégués de communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Selon Guy Carcassonne, le principe de libre administration des communes pourrait être remis en cause par une telle obligation. Mais le point s’inscrit dans la question plus large de l’évolution des statuts de ces établissements, qui concentrent des pouvoirs de plus en plus importants, sans être des collectivités territoriales ; l’élection de leurs membres au suffrage universel doit faire l’objet d’un débat national.

Pour favoriser la disponibilité des femmes élues, l’élaboration d’un véritable statut de l’élu s’impose, qui prendrait à bras le corps les problèmes de la faiblesse des indemnités des maires et adjoints dans les plus petites communes, de l’insuffisance des formations, de la sécurité sociale, de la retraite.

Ce qui est vrai pour les femmes l’est aussi pour certaines catégories sociales.

Mme la Présidente de la délégation aux droits des femmes – Les femmes ne sont pas une catégorie sociale !

M. Philippe Folliot – Il faudrait des assemblées plus représentatives de la société, avec davantage d’ouvriers, d’agriculteurs, de minorités.

Mme Martine Billard – Nous sauvons la majorité !

M. Philippe Folliot – L’UDF se prononcera en fonction du sort réservé à ses amendements. Le général de Gaulle, qui a pesé de tout son poids pour imposer le droit de vote féminin, disait : « Les femmes forment l’élément constant et équilibré de l’humanité, l’homme est l’aventurier qui passe ». (Quelques exclamations) Plus que jamais, notre République a besoin de constance et d’équilibre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président – Merci pour les aventuriers !

M. Guy Geoffroy – Très bien pour de Gaulle !

Mme la Présidente de la délégation aux droits des femmes – La parité est un sujet sur lequel je n'ai cessé de m'impliquer, aussi bien comme rapporteure générale de l'Observatoire de la parité que comme présidente de la Délégation aux droits des femmes. Je tiens à rendre hommage à tous les membres de ces deux instances, ainsi qu’à celles qui m’y ont précédée. Ce combat transcende les courants politiques. Il ne s’agit pas pour nous, les femmes, de nous imposer, mais de parvenir à la normalité, tant dans le domaine politique que professionnel, tout aussi important, si ce n’est plus : si je défends la parité politique, c’est dans l’espoir que nous pourrons par ce moyen défendre la parité professionnelle.

Ce projet fait suite à la loi du 6 juin 2000, qui a permis une présence féminine accrue au Parlement européen, dans les régions et les communes, présence qui n’a provoqué aucun problème, bien au contraire. Il complète ces avancées au niveau des exécutifs locaux, qui sont les véritables lieux de pouvoir et où les femmes ne sont pas encore suffisamment présentes.

Saisie de ce texte, la Délégation a adopté un certain nombre de recommandations. Elle s'est félicitée, tout d’abord, de l'obligation de parité pour l'élection des exécutifs régionaux et municipaux. Le terme de cette mesure ne doit cependant pas, selon nous, être fixé dès maintenant, et c’est pourquoi nous avons approuvé la suppression, au Sénat, de son caractère provisoire.

La Délégation se félicite en outre, même si c’est plus symbolique, de la parité stricte, et non plus par tranche de six candidats, pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants. En revanche, elle regrette que, contrairement à ce qu’avait annoncé le Président de la République, le projet ne prévoie rien pour la désignation de délégués des communes dans les intercommunalités.

De même, il est indispensable de rétablir le scrutin proportionnel avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs, car la réforme du mode de scrutin sénatorial de 2003 a eu un impact négatif sur la parité à la Haute assemblée. Un amendement en ce sens a d’ailleurs été rejeté au Sénat par quatre voix de majorité.

Les pénalités financières infligées aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives, même renforcées, restent trop modestes pour être vraiment dissuasives ; il serait opportun de les faire porter sur les deux fractions de l'aide publique de l'État.

Pour les élections cantonales, où la parité est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre, l'institution d'un suppléant de sexe opposé figurait au nombre des mesures que j'avais proposées en 1998. Toutefois, celle-ci me paraît aujourd’hui anachronique. Aussi la Délégation n’a-t-elle pas souhaité se prononcer, attendant une réflexion plus approfondie sur la réforme du mode de scrutin des élections cantonales.

Un peu tardif, ce texte est bienvenu. Des améliorations sont possibles, si les amendements reprenant les recommandations de la Délégation sont adoptés. De même, Monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous formuliez quelques propositions pour la suite (Applaudissements sur presque tous les bancs).

M. Patrice Martin-Lalande – Nous mesurons tous le chemin à parcourir pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, dans la sphère professionnelle, dans le partage des responsabilités familiales, dans la vie politique. Le présent projet est à la fois ambitieux, conciliant les principes de liberté du vote et de libre administration des collectivités territoriales avec l’égalité des sexes, et sobre : s’il tire les conséquences de la place insuffisante des femmes dans la vie politique, il n’obère pas les réformes nécessaires à l’avenir, et où la parité figure parmi d’autres éléments. Par exemple, la réforme des élections aux conseils généraux devra intégrer l’importance prise par les communautés de communes ou d’agglomération, qui rend encore plus artificielle la référence aux cantons. De même, le statut des élus doit être amélioré, aux plans matériel et juridique – sur ce sujet, j’avais déposé un amendement, il a malheureusement été écarté au titre de l’article 40.

Le texte prévoit un suppléant de sexe opposé pour chaque conseiller général, ce qui accélérera la prise de conscience du déséquilibre existant entre les sexes et permettra de présenter plus souvent des femmes dans le difficile scrutin uninominal.

J’ai organisé une concertation sur ce projet dans ma circonscription du Loir-et-Cher. Certains élus craignent que la parité dans les exécutifs de communes ne rende artificielle la désignation des adjoints, actuellement choisis surtout pour leur disponibilité. Et certaines communes – j’en connais – devront même se séparer d’adjoints femmes qu’elles ont actuellement pour nommer des hommes à leur place !

Nous sommes nombreux à souhaiter que les pénalités financières infligées aux partis en cas de non-respect de la parité aux élections législatives deviennent vite efficaces et contribuent à l’évolution des mentalités, tant des électeurs que des responsables politiques.

Mme Catherine Génisson – Des partis !

M. Patrice Martin-Lalande – Mais nous souhaitons surtout que cette loi prouve son efficacité en devenant inutile. Vivement la parité voulue librement, plutôt que la parité sous contrainte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy – Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou – L’examen de ce texte est l’occasion de dresser le bilan de la loi constitutionnelle de 1999 et de la loi de 2000, que nous, socialistes, avons portées, malgré les vives réserves exprimées alors par Mme Alliot-Marie au nom du RPR.

Nous constatons aujourd’hui que, malgré ces lois, la France se place au 86e rang pour le pourcentage des femmes élues dans les chambres basses des 135 parlements nationaux, et au 23e rang dans l’Union européenne, juste avant la Slovénie, la Roumanie, la Hongrie et Malte. Cette « exception française » pourrait remonter, selon Éliane Viennot, à l’invention de la loi salique, tellement fondatrice du modèle politique français qu’elle aurait imprimé durablement les mentalités. Je le regrette d’autant plus qu’un Béarnais, Henri IV, est monté sur le trône grâce à cette loi.

Lorsque l’on relit la loi de juin 2000, on ne peut s’empêcher de se dire : « Tout ça pour ça ? » Nous étions 63 femmes à siéger à l'Assemblée nationale en 1997, en partie grâce à la volonté de Lionel Jospin. Depuis les élections législatives de 2002, nous sommes 71 ! Une révision constitutionnelle et une loi pour huit députées supplémentaires ! Quant aux « modulations » – le terme convient mieux que celui de « pénalités » – elles n’ont pas été dissuasives, puisqu’en 2002, ma propre formation politique, le PS, n’a présenté que 36 % de femmes et l’UMP, 20 %. Au Sénat, où les femmes représentent 17 % des élus, la loi de 2003 – contre laquelle Mme Zimmermann s’est battue avec courage – risque d’entraîner des régressions. Que dire enfin de la situation archaïque des conseils généraux – pour lesquels la loi ne s’applique pas – où, sur 3 966 élus, on dénombre 411 femmes ? Scrutin après scrutin, leur représentation gagne 1 % : à ce rythme, et comme l’a dit Catherine Génisson, nous atteindrons la parité dans soixante-dix ans !

Certes, des avancées ont été accomplies s’agissant des scrutins de liste, aux municipales, aux régionales ou aux européennes. Mais quand on en vient au pouvoir, c’est-à-dire à l’exécutif, on constate qu’il ne se partage pas ! 12 % des maires des petites communes sont des femmes, mais elles sont seulement 7,5 % à accéder à la magistrature dans les communes de plus de 3 500 habitants. Seulement 37 % des vice-présidents de conseils régionaux sont des femmes ; elles sont adjointes au maire dans la même proportion.

Il nous a fallu tirer l’oreille du Gouvernement pour pouvoir examiner ce texte de loi, et ce, malgré les déclarations du président de la République. J’estime que le seul point positif du projet concerne les exécutifs des assemblées municipales et régionales.

M. Bruno Le Roux – Ce n’est pas assez !

Mme Martine Lignières-Cassou – En effet, il y a un silence assourdissant sur l’intercommunalité, malgré le souhait du président de la République, et en dépit du poids politique qu’ont acquis ces structures. En outre, ce texte lacunaire est empreint d’une grande hypocrisie : il propose que les modulations financières ne soit appliquées qu’à partir de 2012, sous le prétexte fallacieux qu’on ne modifie pas les règles un an avant un scrutin. Il ne s’agit pourtant pas ici de règles, mais de simples modalités.

Enfin, le projet de loi comporte une mesure, pour le moins « abracadabrantesque », et qui frise l’anticonstitutionnalité : il s’agirait, pour les conseillers généraux, de désigner un suppléant de sexe opposé. Outre que cela ressemble, comme certains l’ont souligné, à une « parité en viager » , c’est une réforme a minima. Il conviendrait de s’interroger, au-delà, sur la place des départements dans la décentralisation. Dans ce domaine, le texte ne propose qu’un « gadget ».

Si ce que l’on appelle « l’exception française » nous contraint à légiférer, des textes comme celui-ci ne nous font pas avancer. Le groupe socialiste ne prendra donc pas part au vote (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Huguette Bello – Loin des controverses de 1999, l'objectif de ce projet est de compléter les dispositifs en faveur de la parité à partir de l'analyse des scrutins qui se sont succédé depuis 2001. Le bilan est connu : s'il est incontestable que la loi a amélioré la représentation des femmes au sein des assemblées élues à la proportionnelle, elle n'a guère eu d'effets pour les élections au scrutin majoritaire.

Trois enseignements peuvent être tirés de l'examen de l'application de la loi de 2000. Le changement dans les faits a suivi rapidement le vote de la loi, balayant les a priori sur l'indifférence, la frilosité ou encore le désintérêt des femmes pour les responsabilités politiques. Dans le département de la Réunion – où 23 communes sur 24 ont plus de 3 500 habitants – les structures municipales ont été bouleversées, sans que cela ne crée de drame dans les conseils municipaux… ou à l'intérieur des familles. La loi sur la parité donnait ainsi raison à Condorcet, selon qui « il ne faut pas croire que, parce que les femmes pourraient être membres des assemblées, elles abandonneraient sur-le-champ leurs enfants, leur ménage, leur aiguille… Elles n'en seraient que plus propres à élever leurs enfants, à former des hommes ».

La parité progresse quand la loi prévoit des mesures obligatoires, qui s'imposent aux partis. Les élections municipales, régionales et européennes l'ont montré. La parité reste bloquée lorsque les dispositions relèvent d'une logique incitative. À cet égard, la situation de l'Assemblée nationale est éloquente : 12,2 % de femmes, à peine un point de plus qu'en 1997. Les pénalités financières n'ont rien changé : la France se situe toujours parmi les pays les moins avancés de l'Union européenne.

Enfin, quand une marge d'interprétation existe, la loi est neutralisée et le silence des textes est exploité à fond par ceux qui détiennent le pouvoir. Comment interpréter autrement le fait que la progression indéniable des femmes élues dans les assemblées locales ne se soit traduite en aucune façon dans les exécutifs ? À l'échelon municipal comme au niveau régional, la citadelle du pouvoir demeure aux mains des hommes. Pour les élections cantonales – en l'absence d'exigence légale – les choses sont restées en l'état. Et si la Réunion figure parmi les trois conseils généraux présidés par une femme, cette assemblée ne compte que cinq femmes sur ses quarante-neuf membres !

Promouvoir la parité, la faire vivre réellement relève donc toujours d'une volonté politique forte. C'est pourquoi nous déplorons que ce projet de loi ne contienne que des mesures trop modestes et nous regrettons que son examen intervienne si tardivement.

M. Guy Geoffroy – Mieux vaut tard que jamais !

Mme Huguette Bello – En réalité, ce texte devrait s'intituler « projet visant à renforcer l'égal accès des hommes et des femmes aux élections municipales et aux exécutifs locaux ». Seuls les articles premier, premier bis et 2 apportent en effet des améliorations réelles.

Mme Muguette Jacquaint – C’est vrai.

Mme Huguette Bello – Nous savons d’expérience que les autres mesures proposées n'auront qu'un impact limité, voire nul. Le renforcement des pénalités financières pour les scrutins législatifs, qui ne s'appliquera d’ailleurs qu'à partir de 2012, n’est qu’un trompe-l'œil. Le redécoupage des circonscriptions législatives auquel appelle le Conseil constitutionnel sera sans doute l'occasion d'une réflexion sur les moyens d’instituer la parité à l'Assemblée nationale.

Quant au « ticket paritaire » c'est-à-dire à l'institution de suppléants de sexe différent pour les conseillers généraux, il ne fera progresser la parité que dans une faible mesure, malgré les amendements du Sénat élargissant les cas de suppléance. Avec à peine 11 % de femmes, les conseils généraux sont les assemblées les moins féminisées. Comme je l'avais dit à cette tribune en 2000, l'élection des conseillers généraux ne doit pas rester à l'écart de l'évolution en cours si l’on ne veut pas jeter le discrédit sur l'assemblée départementale.

Contrairement aux propositions du président de la République, ce texte ne dit mot des établissements publics de coopération intercommunale, dans lesquels les femmes sont très peu représentées. Or, ces structures constituent désormais de véritables lieux de pouvoir et de décision. Si des raisons juridiques ont pu être avancées pour expliquer ce silence, rien ne s'oppose en revanche au rétablissement du scrutin proportionnel avec obligation de liste paritaire tel qu’il avait été institué en 2000 dans les départements où sont élus trois sénateurs. Cette disposition, supprimée en 2003, avait pourtant permis de faire progresser la parité au Sénat.

Alors que la présence des femmes en politique est admise et même souhaitée par l'ensemble des citoyens et que la loi sur la parité de 2000 était prometteuse, ce projet ne restera, hélas, qu’une parenthèse dans l'histoire de l'égalité des hommes et des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Béatrice Vernaudon – L'examen de ce texte est l'occasion pour moi, membre de notre délégation aux droits des femmes, de faire le point sur la mise en œuvre de la parité en Polynésie française.

Les élections communales de 2001 ont vu le pourcentage des élues municipales passer de 19 à 31 %, bien que la Polynésie ait été cette année-là le seul territoire de la République où la loi sur la parité ne s’appliquait pas. Le Conseil constitutionnel ayant censuré l’abaissement de 3 500 à 2 500 habitants du seuil voté par le Parlement, les communes de Polynésie étaient en effet restées régies par la règle du scrutin de liste majoritaire applicable aux élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants. Depuis, la loi a été modifiée : en 2008, les communes polynésiennes de 3 500 habitants et plus ne comportant pas de sections de commune appliqueront les mêmes règles de représentation proportionnelle et de parité que toute la République. Le nombre de femmes élues devrait donc encore progresser. La Polynésie compte toutefois six femmes maires, soit une proportion de 12,5 % supérieure à la moyenne nationale de 11 %.

À l’assemblée de Polynésie, le scrutin de liste à parité stricte a fait passer le pourcentage de femmes élues de 12 à 47 %. Moins d’un an après le vote de la loi sur la parité, les élections de 2001 ont provoqué une véritable révolution socio-politique. Les partis s’attendaient en effet à une loi retenant la parité globale. La parité stricte les a contraints à procéder rapidement à un large renouvellement de leurs représentants, remerciant des hommes qui n'avaient pas forcément démérité et appelant des femmes sans expérience politique. On peut d’ailleurs se demander si ce bouleversement de la représentation politique et des mentalités n'a pas joué un rôle dans l'instabilité que connaît notre assemblée depuis 2004.

La Polynésie n’étant ni un département ni une région, le texte que nous examinons y aura peu d'effet. Seuls changements, la parité s'imposera désormais dans les exécutifs, et l’alternance stricte remplacera l’obligation de parité par groupe de six dans les listes communales. Introduite brutalement dans un contexte différent de celui de la métropole, la loi de 2000 continue cependant à produire ses effets. Si nul ne remet en cause son bien-fondé - elle a été une étape majeure – elle n’est pas une fin en soi, mais seulement un outil pour qu’hommes et femmes construisent ensemble un monde plus harmonieux plus équilibré, plus équitable, plus humain et plus solidaire.

Le chemin est encore long. La formation continue des élus et l'amélioration de leur statut, comme de la loi sur la parité, contribueront à atteindre cet objectif. Comme la majorité des orateurs, je regrette que ce texte ne soit pas plus audacieux. Je le voterai cependant, en vous remerciant de l’intérêt que vous portez à nos outre-mers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Scellier – Les dispositions de ce projet revêtent pour nous une grande importance. Depuis la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999, inscrivant à l'article 3 de la Constitution le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, et la loi du 6 juin 2000, un certain nombre de règles paritaires ont été instituées, en particulier pour les assemblées élisant leurs membres au scrutin proportionnel. Cette loi a représenté un progrès, mais elle n'était qu'une étape.

Face au déséquilibre constaté dans la représentation des femmes et des hommes dans la vie publique, qui m’apparaît depuis longtemps préjudiciable au fonctionnement harmonieux de notre démocratie, le législateur a eu raison de prévoir des dispositifs contraignants. Le président de la République a d'ailleurs considéré qu'il s'agissait d'un chantier urgent. Après avoir déclaré en 2005 qu'« en hissant l'égalité entre les femmes et les hommes au rang des valeurs de l'Union, valeurs que devront respecter tous les pays membres, comme les candidats à l'adhésion, le projet de Constitution européenne interdirait tout retour en arrière », il a évoqué il y a un an « l’obligation de parité dans les exécutifs régionaux et communaux, pour les communes de plus de 3 500 habitants, ainsi que la désignation des délégués des structures intercommunales. »

Il est certes difficile de modifier la loi électorale à quelques mois des échéances…

Mme Catherine Génisson – On ne vous y prendra pas !

M. François Scellier – Président de conseil général, je déplore cependant que le mode actuel d'élection des conseillers généraux pénalise les femmes – qui ne représentent que 10,4 % des conseillers généraux, et même 7 % dans mon département du Val d'Oise. Or, il est difficile de modifier la situation avec le système de scrutin uninominal actuel, auquel tiennent la majorité des conseillers généraux.

Mme Martine Billard – Tu m’étonnes !

M. François Scellier – C’est pourquoi j’avais déposé dès juillet 2002 une proposition de loi, cosignée par plus de cent de nos collègues, proposant la création d'un poste de suppléant du sexe opposé à celui du titulaire du siège.

Dans le texte initial du présent projet, le Gouvernement avait limité la montée automatique du suppléant au seul cas de décès. Je me réjouis donc que le Sénat y ait réintroduit la substance de ma proposition : cela permettra de prendre en compte les démissions pour cause d'application de la règle de non-cumul des mandats.

Rappelant chaque année cette nécessité au Gouvernement à l'occasion de la Journée de la Femme, le 8 mars, j'ai eu la satisfaction de voir ma proposition de loi reprise par le projet de l'UMP, puis par ce texte. Je suis heureux que l’on n’en reste plus aux bonnes intentions, même si nous avançons à petits pas. La parité au niveau des conseils municipaux sera le creuset de l’équilibre que nous souhaitons pour tous les autres niveaux de la vie publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Tabarot – Si j'adhère pleinement à l'objectif de ce projet de loi, je regrette qu’il nous faille une nouvelle fois recourir à la coercition pour encourager l'accès des femmes aux responsabilités politiques.

Je ne remets pas en cause les initiatives prises par les gouvernements successifs en faveur de la parité. Je vous félicite même, Monsieur le ministre, car ce texte permettra de rééquilibrer la présence des femmes au sein des exécutifs locaux. Permettez-moi simplement d’insister sur les évolutions qui me semblent nécessaires pour installer durablement la parité dans les mœurs.

Encourager l'engagement politique des femmes et leur accession à des postes de responsabilité exige une réflexion de fond sur le statut de l'élu. Au-delà des difficultés inhérentes à la fonction élective, je voudrais insister sur la conciliation de la vie professionnelle, de la vie familiale et d'un mandat politique. Il est déjà difficile pour une mère de famille de mener de front les deux premières. Comment pourrait-elle souhaiter donner de son temps à la collectivité ? Tant que nous n'aurons pas résolu cette équation, nous empêcherons certaines femmes de s'investir. Ces mères de famille actives apporteraient pourtant un regard neuf sur la vie de la cité.

De la garde des enfants aux autorisations d'absence et à leur indemnisation, les écueils sont nombreux. Le travail de fond qui devra tôt ou tard être mené sur le statut général de l'élu ne devra pas occulter ces questions.

Il faut aussi accompagner le plus tôt possible le désir de s'engager. À cet égard, l’étude comparée des Parlements européens à laquelle procède le rapport est particulièrement instructive. De nombreux pays parviennent en effet à assurer une meilleure représentativité des femmes sans recourir à la loi. Si la France a été précurseur en matière de législation sur la parité, je n'y vois aucun motif à me réjouir, mais plutôt le signe d’une difficulté à lever certaines barrières.

Il est essentiel, pour renouveler le débat démocratique, de réfléchir aux moyens de susciter l'engagement des nouvelles générations et des femmes. C’est l'affaire de tous, élus, collectivités locales et associations qui, partout en France, œuvrent en faveur de la parité. Sans doute l'accélération de la marche vers la parité requiert-elle l'intervention du législateur mais la loi ne règlera pas tout. Si nous voulons continuer de progresser, nous devrons passer de la contrainte à l’engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué – Je remercie les membres de la commission des lois de leurs travaux approfondis sur ce projet, et M. Sébastien Huyghe pour la qualité de son rapport, dont l’énoncé limpide présente clairement les enjeux. Je remercie également Mme Zimmermann, dont je connais l’engagement de longue date, d’ailleurs salué sur tous les bancs.

Mme Catherine Génisson – C’est vrai.

M. le Ministre délégué – Mme Zimmermann est très persuasive… J’ai pris connaissance de son excellent rapport, nourri de son expérience de rapporteure générale de l’Observatoire de la parité, et j’ai entendu son message.

Je remercie tous les orateurs, qui ont formulé des critiques et des remarques mais aussi des propositions utiles. M. Geoffroy, en intervenant sans notes, a montré sa parfaite connaissance du sujet et ouvert d’intéressantes perspectives.

M. Scellier a rappelé le contenu de sa proposition de sa loi ; je suppose que les amendements adoptés au Sénat avec l’accord du Gouvernement répondent pour partie à ses attentes.

Je remercie M. Martin-Lalande et Mme Tabarot du soutien qu’ils ont manifesté au Gouvernement. Nous sommes conscients des changements qu’induit ce texte, mais ils sont nécessaires.

Mme Vernaudon et M. Folliot, ainsi que Mme Jacquaint, ont demandé l’élaboration d’un statut de l’élu. Ils voudront bien convenir que cette question ne peut être traitée à la va-vite, avant que ce sujet important ait fait l’objet d’une concertation avec les associations qui les représentent.

Même si, selon Mme Génisson, Mme Bello, Mme Lignières-Cassou et M. Le Roux, le texte aurait pu aller plus loin, même si j’ai entendu parler d’avancées minimes, je constate que tous les orateurs ont reconnu que le projet représentait un progrès.

Mme Catherine Génisson – Disons que c’est le service minimum.

M. le Ministre délégué – J’espère que vous aurez à cœur de voter ce texte, afin qu’il soit promulgué au plus vite.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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