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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 4 JUILLET 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
Séance du mercredi 3 juillet 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Déclaration de politique générale du Gouvernement «...».
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
MM.
Jacques Barrot,
François Hollande,
François Bayrou,
Alain Bocquet,
Roger-Gérard Schwartzenberg.
Clôture du débat.
M. le Premier ministre.
Scrutin public à la tribune.
Approbation de la déclaration de politique générale.
2.  Requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
3.  Déclaration de l'urgence d'un projet de loi «...».
4.  Dépôt de projets de loi «...».
5.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
6.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l'article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote, par scrutin public à la tribune, sur cette déclaration.
    La parole est à M. le Premier ministre.
    (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, cher monsieur le président (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mesdames et messieurs les députés, chers mesdames et messieurs les députés (Exclamations sur les mêmes bancs), à chacune et à chacun d'entre vous, personnellement, j'adresse mes sincères félicitations pour la mission d'honneur et de service qui lui a été confiée par les Françaises et les Français lors des toutes récentes élections législatives.
    Les conditions sont maintenant réunies pour que le temps de l'action relaie le temps des élections. Cette action doit être caractérisée par la lucidité, le courage et l'espoir.
    La France est forte, forte de ses projets, mais la France est fragile, fragile dans son organisation, confiante dans son avenir, méfiante quant à la politique.
    L'élection présidentielle a été un rendez-vous de vérité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Le 21 avril, les Françaises et les Français...
    M. Christian Bataille. 19 % !
    M. le Premier ministre. ... ont dit leur mécontentement.
    L'impuissance politique a généré l'exaspération populaire. L'abstention à ce niveau n'est plus de l'indifférence mais de la défiance. Un grand nombre de Français ont reproché à la République de ne plus tenir ses promesses de liberté, d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le 5 mai a exprimé lui aussi sa vérité ; la colère portait plus sur le fonctionnement de la République que contre ses valeurs.
    Le projet de Jacques Chirac a été le rempart contre l'extrémisme (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et le centre de gravité du rassemblement de tous les républicains.
    M. Bernard Derosier. 19 % !
    M. le Premier ministre. Le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger, nommé par le Président de la République, est originellement marqué par les deux grands messages de l'élection présidentielle : l'urgence d'une réponse aux attentes des citoyens...
    Un député du groupe socialiste. On verra !
    M. le Premier ministre. ... et l'exigence du partage des valeurs républicaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dans cette situation, notre route est droite, mais la pente est forte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je souhaite vraiment que s'instaurent des relations républicaines de dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Les institutions prévoient cette déclaration de politique générale et chacun pourra y répondre...
    M. Henri Emmanuelli. Soyez correct !
    M. le Premier ministre. Je ne suis pas ici pour polémiquer, mais pour vous faire part de la politique générale que le Gouvernement entend conduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Une phrase du rapport de l'audit sur la situation des finances publiques que m'ont remis MM. Bonnet et Nasse trace la ligne du courage : « des réformes de fond sont nécessaires, la simple recherche d'économies sans modifications de l'organisation et des structures n'est plus à la dimension du problème ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour la France du xxie siècle, l'audace réformatrice est une question de destinée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Bien que la demande de la France soit forte partout dans le monde, le monde ne nous attendra pas.
    Notre action a l'ambition de redonner l'espoir aux Françaises et aux Français. La source de cet espoir, mesdames et messieurs les députés, est, vous le savez, dans l'unité nationale. Je ne souhaite pas faire de la division un principe gouvernemental. Je ne souhaite pas opposer les Français les uns aux autres. On ne gouverne pas pour les villes contre les villages, pour les consommateurs contre les éleveurs, pour les salariés contre les entreprises, pour les intérêts des uns contre les intérêts des autres. Nous voulons gouverner pour tous. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. Ce qui est clair, c'est que vous ne voulez pas gouverner pour les smicards !
    M. le Premier ministre. Seuls l'unité nationale et le véritable partage de la République nous permettront de surmonter individualisme et communautarisme, égoïsmes et féodalités.
    La France a besoin aujourd'hui que chacun lui donne un peu de lui-même. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cet appel à la cohésion nationale ne nie pas l'exigence du débat. Au contraire, j'y attache une grande importance. Et si je me réjouis de la qualité et de l'ampleur de la représentation de la majorité présidentielle, je souhaite aussi que nous progressions dans la pratique des relations républicaines avec l'opposition. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    La politique est une affaire de vérité, mais celle-ci n'est pas à sens unique. Il n'y a pas un camp qui a toujours raison et un camp toujours tort. Nous avons chacun à défendre notre conception de l'intérêt général.
    Le « principe d'humanité » qui m'anime laisse toujours une place à l'autre, à l'avis contraire. Cette démarche s'oppose à celle des certitudes faciles qui conduisent à des décisions fragiles. Notre pays attend des décisions éclairées, mais des décisions fermes. C'est ensemble que nous construirons ces décisions : le Parlement est en effet le coeur de notre démocratie, le lieu où tous les Français se sentent représentés, le lieu où est pensé et défendu l'intérêt général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Avec cette conviction, mon gouvernement rendra compte de son action au Parlement, proposera les initiatives nécessaires pour que les objectifs soient tenus et s'engagera chaque année sur la réalisation de ses objectifs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je sais aussi que le Parlement aspire à se moderniser pour tenir plus efficacement son rôle et que les présidents des deux assemblées ont des idées précises et innovantes sur le sujet. Je suis disponible pour discuter d'une telle réforme.
    C'est donc avec vous que nous conduirons la France dans la direction tracée par le chef de l'Etat.
    Mon gouvernement s'est mis au travail sans attendre. Je souhaite qu'ensemble nous puissions dès aujourd'hui, avec le début de cette session extraordinaire, commencer à répondre aux attentes les plus pressantes des Français.
    M. Jacques Desallangre. Et le SMIC ?
    M. le Premier ministre. Ces attentes sont légitimes, ces attentes sont importantes, car la vie des Français a profondément changé.
    M. Christian Bataille. Platitudes !
    M. le Premier ministre. Nos concitoyens assistent et participent à la mondialisation de l'économie.
    M. Jean-Pierre Brard. Jean-Marie Messier !
    M. le Premier ministre. Ils regardent avec inquiétude leur avenir.
    Ils sont inquiets du terrorisme, de ce terrorisme qui a frappé les Etats-Unis le 11 septembre et, plus récemment, la France, à Karachi. Cette évolution du monde nous préoccupe et nous concerne.
    Les problèmes aujourd'hui se pensent à l'échelle mondiale.
    Ces changements se sont accompagnés de la multiplication des insécurités.
    Insécurité physique d'abord : la violence est de plus en plus présente dans notre société. Mais l'insécurité est aussi sociale, nombre de nos concitoyens étant confrontés au chômage et à la précarité. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Jean-Marie Messier !
    M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie !
    M. Jacques Desallangre. Alcatel, Vivendi !
    M. le Premier ministre. Vous ne me trouverez pas sur le terrain de la polémique. Vous perdez votre temps. Je continuerai d'avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'insécurité est encore économique : l'ancrage de notre pays dans la prospérité et la croissance demande une vigilance constante.
    Au-delà des difficultés de tous les jours, c'est aussi de leur identité que les Français ne sont plus sûrs : où va la France aujourd'hui ? Quelle place auront les valeurs fondamentales de la République dans la France de demain ?
    La vie des Français est devenue bien compliquée. L'Etat n'a pas contribué à la simplifier avec des lois trop nombreuses, une intervention trop fréquente, des procédures trop complexes qui nuisent aux énergies individuelles et collectives. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La première mission de mon gouvernement sera donc de simplifier la vie des Français. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Notre projet est celui d'une France porteuse d'un nouvel humanisme.
    Quand la France doute de sa place dans le monde, elle doit revenir à sa source d'excellence : la pensée. Le poids de la France sur le monde a toujours été lié à la force de ses idées.
    A l'époque de la « grande déclaration », la France a proposé au monde une certaine idée de l'humanisme. Aujourd'hui, dans le contexte inédit de la mondialisation, nous ne sommes condamnés ni au silence ni à l'impuissance, la France a le devoir de dire son espérance, celle d'un monde qui sait associer le respect de la diversité des cultures et néanmoins le souci de l'universel, le culte de l'intelligence, de l'excellence et de la performance, mais aussi le respect des traditions et le souci des plus faibles, de ceux que la société a blessés.
    C'est ça le projet de la France ! C'est cela le projet d'un nouvel humanisme !
    M. Charles Cova. Il est très bon !
    M. le Premier ministre. La politique a trop dérivé vers son aval, la technique, en mésestimant son amont, la pensée, pour rassurer les citoyens exposés aux angoisses de l'avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Dans la mondialisation que nous vivons, les réponses de la France ne sont pas celles du gigantisme ou de la concentration,...
    M. Robert Pandraud. Très juste !
    M. Jacques Desallangre. Parlez-en à Messier !
    M. le Premier ministre. ... ce ne sont pas celles de la standardisation ou de la banalisation.
    Notre réponse, celle de la France, est celle de la création, celle de l'intelligence, celle du talent, celle de la solidarité et de la générosité, de l'innovation et de la qualité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le label pour l'agriculteur, la qualité pour l'artisan, le brevet pour l'industriel, l'émotion pour l'association, la solidarité pour le militant, la singularité pour l'artiste : voila les signes de notre avenir. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. Christian Bataille. Il vaut mieux être riche et en bonne santé !
    M. le Premier ministre. En fait, il s'agit de placer l'homme au centre de notre projet. Il doit rester l'origine de notre pensée plutôt que l'objet de la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ce nouvel humanisme peut être une maison aux quatre colonnes, un projet à quatre piliers.
    Premier pilier : l'Etat, un Etat attentif, un Etat qui n'est pas trop dispersé, un Etat qui veut se recentrer sur ses missions régaliennes et réaffirmer ce que l'on attend de lui, c'est-à-dire l'autorité républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Deuxième pilier : la République en partage. La République n'a pas su partager ses responsabilités. Le renouveau de la démocratie sociale et la relance de la démocratie locale nous permettront de donner plus de vie à nos valeurs républicaines. Il faut oxygéner, partager la République pour que chacun y trouve sa place ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La République des proximités rapprochera les Français des décisions qui les concernent.
    Troisième pilier : la France créative. La valeur de création que nous voulons promouvoir dans notre pays est tout autant économique que sociale et culturelle. Il s'agit de libérer toutes les forces vives de notre pays et de privilégier toutes les valeurs ajoutées.
    M. Jean-Pierre Brard. Avec M. Seillière !
    M. le Premier ministre. Quatrième pilier : la mondialisation humanisée. L'insécurité du monde est évidemment liée à la question du développement. L'aide au développement, mais aussi l'exigence de la protection de la planète sont des messages que porte avec force notre Président. La construction européenne nous aidera, tel un multiplicateur d'influence, à humaniser la mondialisation. Pour cela, la France doit porter un message fort et clair en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    C'est dans cette perspective d'un nouvel humanisme français que nous tiendrons les engagements pris devant le peuple par M. le Président de la République. C'est le contrat qui nous lie.
    En cinq ans, nous pouvons rendre la France plus humaine. Je compte sur votre soutien. Vous pouvez compter sur l'engagement de mon gouvernement.
    M. Christian Bataille. C'est Joseph Prudhomme !
    M. le président. Monsieur Bataille, prenez dès maintenant de bonnes habitudes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Rires.)
    M. le Premier ministre. Le premier pilier sur lequel doit reposer notre politique, c'est donc un Etat qui veut restaurer l'autorité pour construire une France sûre, une France sûre d'elle-même.
    Je suis résolu à donner à l'Etat les moyens pour assurer avec efficacité la sécurité, la justice et la défense qu'attendent nos concitoyens.
    La première liberté, c'est la sécurité.
    L'insécurité mine le moral de nos concitoyens, elle obère leur confiance dans les institutions de la République, elle affaiblit notre pacte républicain et elle va même, dans certains lieux de la République, jusqu'à menacer la cohésion de la nation. (« L'Elysée ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    L'insécurité, c'est aussi la première des inégalités. Ce sont toujours les plus faibles qui sont les premiers atteints.
    Nous avons entendu l'appel des Français.
    Un député du groupe socialiste. On verra !
    M. le Premier ministre. Avec le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, que vous voudrez bien excuser...
    M. Julien Dray. Il visite un commissariat ?
    M. le Premier ministre. ... car il lit actuellement ce discours au Sénat, nous voulons faire reculer l'insécurité en mobilisant tous les moyens de l'Etat.
    Nous vous proposons un effort sans précédent pour organiser la synergie des moyens de l'Etat. Le conseil de sécurité intérieure, le rapprochement sous une autorité fonctionnelle unique des policiers et des gendarmes, les groupements d'intervention régionaux procèdent de cette logique. Ils ont été nos premières initiatives.
    Dans le prolongement de ces mesures, vous serez saisis dans les tout prochains jours d'un projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ce projet donnera à nos forces de sécurité, auxquelles je tiens à rendre hommage, les moyens d'assumer pleinement leurs missions, avec notamment 13 500 nouveaux emplois sur cinq ans pour la police et la gendarmerie pour mettre les moyens au service de notre objectif. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Ecoutez le Premier ministre, s'il vous plaît !
    M. le Premier ministre. Cette loi s'accompagnera d'une volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes, sans porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe de la présomption d'innocence. Elle organisera une déconcentration réelle des responsabilités, accompagnée de la fixation d'objectifs et de procédures d'évaluation précises. Les progrès viendront de l'évaluation.
    M. Pierre Lellouche. Très bien !
    M. le Premier ministre. Elle reposera sur un effort budgétaire de grande ampleur.
    L'autorité de l'Etat sera aussi renforcée par une justice plus sereine, plus efficace, plus simple et plus rapide.
    M. Jacques Myard. Enfin !
    M. le Premier ministre. Notre système judiciaire ne répond pas suffisamment à la demande de droit. Sa lenteur irrite nos concitoyens. Sa complexité les décourage. La justice doit être à la fois plus effective et plus proche du citoyen.
    Tel est l'objet du projet de loi d'orientation et de programmation que j'ai demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de vous présenter sans attendre.
    M. Christian Estrosi. Quel courage !
    M. le Premier ministre. Il se traduira par un renforcement très significatif des moyens des juridictions en crédits, en équipements et en emplois - plus de 10 000 emplois en cinq ans. Les juridictions judiciaires et administratives bénéficieront de moyens sans précédent afin que les délais de traitement des dossiers soient fortement réduits.
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. le Premier ministre. La création de centres éducatifs fermés donnera davantage d'efficacité à la lutte contre la délinquance des mineurs.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le Premier ministre. Je souhaite que la réponse apportée à cette délinquance soit ferme mais humaine. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je suis attaché à ce que le Gouvernement traite les problèmes avec le souci de s'en tenir à une approche respectueuse de la personne. Il ne s'agit pas de rentrer dans une logique du « tout-répressif »,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah bon ?
    M. le Premier ministre. ... puisque sera proposée aux jeunes placés dans ces centres fermés une réponse éducative spécifique à leur situation. Si nous disons non à l'impunité, nous voulons un système qui donne aux jeunes ayant perdu tous leurs repères une chance de se réconcilier avec la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour mettre les jeunes délinquants en face de leur responsabilité, comme nous nous y sommes engagés, l'ordonnance de 1945 sera adaptée à cette fin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je vous proposerai également d'améliorer et de simplifier la procédure pénale. Une véritable justice de proximité sera mise en place à cette occasion. Le garde des sceaux est particulièrement attentif à ce que soient affirmés les droits de la victime. Le projet de loi de programmation comprendra des dispositions en ce sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour reconstruire une France sûre, la défense de ses citoyens et de ses intérêts doit être assurée partout dans le monde où ils pourraient être menacés.
    Avec la professionnalisation de nos armées, le Président de la République a décidé une réforme essentielle de notre défense. Il faut lui donner les moyens, car la France a le devoir d'adapter sa défense à un monde qui change. Elle ne peut plus la concevoir en référence à un monde figé. Elle doit la déployer dans un monde multipolaire, mouvant et instable. Un monde où le terrorisme, dans ses nouvelles dimensions, s'ajoute aux facteurs de risques déjà connus tels que la prolifération d'armes de destruction massive ou les tensions régionales. Il nous faut dessiner un paysage stratégique dans un monde incertain.
    Comme le veut le chef de l'Etat, notre défense doit être une défense autonome, non une défense solitaire. La référence de nos choix militaires comme politiques est l'Europe. Ils seront cohérents avec la défense européenne qui se construit. Mais la France tient à conserver la capacité d'agir seule si ses intérêts propres et ses engagements bilatéraux l'exigent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Consciente de cet impératif, la ministre de la défense vous proposera une nouvelle loi de programmation militaire avant la fin de l'année. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Son objectif sera de restaurer la disponibilité de nos matériels - cela veut dire avoir des pièces de rechange pour nos avions et nos chars, afin qu'ils puissent servir (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) -, de moderniser les équipements tout en consolidant la professionnalisation de nos armées, notamment par l'amélioration de la condition militaire.
    Cet objectif suppose enfin de maintenir les capacités industrielles clés pour la défense, de développer avec ambition les coopérations européennes et de poursuivre activement les restructurations nécessaires, notamment dans les domaines des constructions navales et des armements terrestres.
    Il suppose enfin que l'engagement des hommes et des femmes de notre défense, comme celui du monde combattant, soit respecté par la nation. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Deuxième pilier de notre action : la République en partage. C'est tout ce qui concerne la démocratie sociale et la démocratie locale et qui peut donner un nouveau souffle à la République. L'autorité de l'Etat restaurée, la République doit s'ouvrir à la démocratie sociale.
    S'ouvrir à la démocratie sociale, c'est mettre fin à un système qui met trop souvent l'Etat et le citoyen directement face à face. Le dialogue social sera au coeur de l'action du Gouvernement (« Le SMIC ! » sur les bancs du groupe socialiste) et les partenaires sociaux seront consultés avant toute initiative majeure de l'Etat. Ils se verront reconnaître une autonomie pour définir par voie d'accord, et dans le respect des principes fondamentaux de notre droit, les règles qui déterminent les relations du travail.
    Le Gouvernement souhaite conforter la légitimité des partenaires sociaux à agir. C'est pourquoi je regarde avec beaucoup d'intérêt les initiatives prises par ces derniers pour vivifier et améliorer la démocratie sociale.
    Des partenaires sociaux forts et engagés sont en effet indispensables pour que puisse se développer dans de bonnes conditions un dialogue social qui est, à mon sens, le préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs.
    Je serai amené à revenir sur l'importance du dialogue social, mais je souhaite vous parler en priorité de la formation professionnelle parce qu'elle détermine largement l'emploi de demain et que nous ne pouvons pas être satisfaits de la manière dont les choses fonctionnent aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La formation professionnelle est la condition indispensable à l'accès d'un grand nombre de jeunes à la vie active. Elle est aussi la seconde chance donnée à ceux qui veulent compléter leur formation initiale. Elle est enfin nécessaire à chacun pour s'adapter tout au long de la vie aux transformations des métiers, dont l'évidence apparaît à tous.
    Les conditions de l'activité changent. Si nous voulons travailler plus longtemps nous devrons nous former plus souvent. Les partenaires sociaux ont déjà pris conscience de cette exigence en s'engageant dans une vaste négociation sur ce sujet. La réforme de notre système de formation est nécessaire pour une meilleure efficacité et plus de simplicité. Les régions seront le pivot de cette réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Notre ambition est de créer une véritable « assurance emploi » fondée sur un compte personnel de formation et une validation des acquis professionnels. (« Nous l'avons fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il y a encore beaucoup à faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je ne suis pas du parti des satisfaits. De bonnes choses ont été accomplies, mais il y a encore beaucoup à faire, notamment pour donner à tous les salariés, y compris ceux des toutes petites entreprises dont notre tissu économique a tellement besoin, la même garantie face à l'emploi en matière de formation, de reconversion et de reclassement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Ce chantier sera ouvert par le ministre des affaires sociales dès cet été, en visant un aboutissement rapide.
    Venons-en maintenant aux retraites. (« Ah ! » sur divers bancs.) J'entends ce « Ah » comme un « Enfin ! ».
    M. Dominique Dord. Il y a beaucoup à faire !
    M. le Premier ministre. La sauvegarde des retraites a été trop longtemps repoussée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ils n'ont rien fait !
    M. le Premier ministre. Le système actuel est menacé par le vieillissement de notre population. Le principe de solidarité entre les générations exige la sauvegarde du régime par répartition pour assurer un bon revenu à tous les retraités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le temps n'est plus à la création de nouvelles commissions ou à la rédaction de nouveaux rapports. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le temps est aujourd'hui à la prise de décisions après concertation. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cette réforme, qui ne concernera pas les Français actuellement à la retraite, reposera sur les principes suivants.
    Elle doit aboutir à une plus grande équité entre les Français...
    M. René Couanau. Très bien !
    M. le Premier ministre. ... tout en tenant compte des spécificités des différents statuts et de la diversité des situations, notamment démographiques.
    La liberté de choix sera assurée (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) La retraite à soixante ans, qui est un acquis social, ne sera pas remise en cause,...
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le Premier ministre. ... mais ceux qui souhaitent prolonger leur activité au-delà doivent pouvoir le faire et augmenter ainsi leurs droits. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension grâce à une incitation fiscale par un revenu d'épargne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - « Nous y voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les efforts nécessaires, car il y en aura, seront équitablement répartis et l'Etat y prendra sa part.
    Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ouvrira ce chantier dès l'automne. Chaque régime, privé ou public, fera l'objet d'un traitement spécifique selon un calendrier approprié et des modalités à négocier au cas par cas. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Emmanuelli. Soyez plus précis !
    M. le Premier ministre. Notre système de retraite est notre bien commun. Nous devons nous organiser pour que les conditions de sa préservation soient réunies avant la fin du premier semestre 2003. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Notre système de santé fait notre fierté, mais il est aujourd'hui dans une situation très, très difficile. (« Merci, madame Aubry ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Notre population demande de plus en plus de soins. Les progrès de la science et de la médecine ne font que s'accélérer et, de ce côté, les espoirs - heureusement ! - sont grands. Mais l'augmentation trop rapide des dépenses de santé fait planer une sourde inquiétude sur l'avenir du système : les professionnels de santé nous disent fortement qu'ils traversent une grave crise de confiance.
    Mme Muguette Jacquaint. Et les RMIstes ?
    M. le Premier ministre. C'est un grand défi collectif qui nous est lancé. Je vous propose de travailler ensemble à le relever : professionnels, gestionnaires et patients.
    M. Henri Emmanuelli. C'est précis, ça !
    M. le Premier ministre. Fixer les priorités de notre action de santé publique est notre premier objectif. Un cadre plus clair est nécessaire. Il doit viser à rééquilibrer les soins, la prévention et l'éducation à la santé. Il doit être publiquement débattu et je souhaite solliciter le Parlement pour qu'un débat approfondi oriente l'action publique en matière de santé.
    Sans attendre, avec les professionnels, nous nous sommes attachés à renouer les fils d'un dialogue distendu. C'est avec eux que nous voulons rechercher des comportements responsables et que nous voulons élaborer une gestion conjuguant qualité des soins et optimisation des dépenses de l'assurance maladie.
    Quant à l'hôpital, pour lequel le ministre de la santé et moi-même éprouvons une très vive inquiétude, nous devons lui redonner des perspectives et créer la souplesse nécessaire pour assurer à la fois la proximité, la disponibilité permanente, le sens de l'accueil, la performance et la sécurité.
    Cette action appelle des réponses nouvelles aux questions posées par la démographie des professions de santé.
    Nous mettrons en place une nouvelle gouvernance (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) du système de santé et d'assurance maladie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Elle reposera sur trois principes. D'abord, une plus grande clarté dans les rôles et dans les financements de l'Etat et de l'assurance maladie. Ensuite, la responsabilisation de tous. Enfin, la volonté d'une plus grande proximité avec les citoyens : par une régionalisation accrue, nous favoriserons une prise en charge plus cohérente et plus adaptée. Dans ce cadre, je souhaite que puisse être lancé un plan Hôpital 2007, comme on a pu, en d'autres temps et sous d'autres formes, lancer un plan Université 2000.
    L'égal accès des Français aux soins sera conforté par une aide permettant à ceux de nos compatriotes qui n'en ont pas de bénéficier d'une mutuelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. Très bien !
    Un député du groupe socialiste. Qui va payer ?
    M. le Premier ministre. Notre objectif est d'éviter à la fois le rationnement des soins et la dérive incontrôlée et inquiétante des dépenses. Par la responsabilité de chacun, nous devons éviter les dépenses inutiles qui minent l'édifice auquel nous tenons tous, et nous ferons en sorte que les ressources que nous consacrons à notre santé, et qui ne sont pas infinies, soient mieux utilisées.
    Avec le ministre de la santé, de la famille et des handicapés, je souhaite bâtir une politique de santé moderne. C'est un champ prioritaire pour le nouvel humanisme que nous défendons.
    Ce nouvel humanisme exige la préservation de nos solidarités. Il doit s'exprimer par la lutte contre la précarité sociale.
    Nous ne pouvons nous résoudre à laisser subsister dans notre pays des situations de précarité extrême et d'exclusion. Celles-ci ne sont pas acceptables, surtout après plusieurs années de croissance. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion présentera, avant la fin de 2002, un programme d'action dans ce domaine.
    Un débat parlementaire sur l'insertion sera organisé dans les prochains mois à l'occasion des quinze ans de l'instauration du revenu minimum d'insertion. Nous devons collectivement nous assurer que chaque bénéficiaire du RMI se voit proposer le « I », c'est-à-dire un véritable contrat d'insertion. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour faire reculer l'exclusion qui mine notre société, nous comptons sur l'Etat mais aussi et surtout sur les structures à taille humaine, les réseaux de proximité et la famille. La famille est par essence le lieu de la fraternité, c'est le creuset de la société. C'est pourquoi notre politique de la famille sera ambitieuse. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous repenserons les dispositifs d'accueil de l'enfant pour créer l'allocation unique d'accueil du jeune enfant. Elle sera accordée, que la mère travaille ou non, pour garantir son libre choix. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous devons collectivement travailler à la prise en charge des personnes âgées et étudier avec précision les difficultés liées à l'allocation personnalisée d'autonomie qui pose de très graves problèmes à de très nombreux départements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, la loi de 1975 sur les personnes handicapées sera réformée pour répondre à une légitime attente, celle du droit à la compensation du handicap. (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Je souhaite aussi qu'un effort particulier soit consenti pour lutter contre toutes les formes de discrimination ; nous trouverons les formules juridiques pour lutter contre cette discrimination.
    Cet effort s'accompagnera d'une politique d'immigration qui devra lutter avec la plus grande fermeté contre les trafics de main-d'oeuvre et l'immigration illégale, tout en favorisant l'insertion des migrants légaux. Le dispositif du droit d'asile qui est à l'origine de nombreuses situations illégales sera revu et les procédures seront accélérées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    A côté de cette démocratie sociale et pour valoriser la République des proximités, nous voulons donner une place nouvelle à la démocratie locale.
    La démocratie locale, c'est plus de décentralisation, c'est une décentralisation plus vivante, c'est l'implication de tous les citoyens, c'est un transfert de responsabilités. Et plus les responsabilités sont assumées au plus près du terrain, meilleures sont les décisions !
    La décentralisation, c'est aussi un formidable levier pour réformer enfin l'Etat. C'est l'occasion et le moyen de faire les indispensables réformes de structures. C'est la possibilité de retrouver une liberté d'action. C'est la faculté de répondre aux besoins des Français.
    Je vous propose une étape innovante de la décentralisation, fondée sur deux exigences. Pourquoi se comparer à l'Allemagne ou à l'Italie ou à l'Espagne ? Dans notre pays, notre organisation territoriale repose sur deux valeurs : une exigence de cohérence pour que chaque Français, quel que soit le territoire, bénéficie de l'égalité des droits et une exigence de proximité pour qu'on puisse décider au plus près du terrain et au plus près du citoyen.
    La cohérence, c'est s'assurer que l'ensemble national composé de l'Etat et des collectivités locales fonctionne de façon harmonieuse en préservant l'égalité de tous devant la loi. Les disparités territoriales sont beaucoup trop fortes aujourd'hui dans notre pays. (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La cohérence doit assurer un aménagement du territoire équilibré et être l'instrument de la solidarité entre les Français. C'est dans le dialogue entre l'Etat et la région que s'exprime le mieux ce souci de cohérence.
    La proximité, c'est le champ d'action des départements, des communes et de leurs groupements. Ce sont eux qui ont vocation à assurer les services et à être maîtres d'ouvrage des équipements de proximité et du développement local.
    Cet ample mouvement de décentralisation permettra un nouveau transfert de compétences au profit des collectivités et il sera accompagné des transferts de ressources correspondantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il devrait être possible de faire mieux que dans le passé. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Mais je sais que les rendez-vous seront exigeants.
    Ce mouvement de décentralisation permettra aussi une nouvelle distribution des rôles en repensant de manière innovante la relation Etat-région pour plus de cohérence et plus d'efficacité. Il faudra assurer davantage de clarté dans la relation de proximité entre le département, les communes et leurs groupements.
    Il permettra enfin d'encourager les initiatives et la démocratie locale, ce qui passe par l'ouverture d'un droit à l'expérimentation. (Applaudissements sur les divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Comment mettre ces principes en oeuvre ? Je vous propose une méthode et un calendrier.
    La méthode, c'est la concertation, le pragmatisme et l'expérimentation. Il ne s'agit pas d'appliquer un schéma idéologique. Il ne s'agit pas non plus de refaire des rapports. Beaucoup de choses ont été écrites. Je souhaite qu'il y ait un débat, un débat national. Et que les collectivités locales elles-mêmes puissent faire leurs propositions et faire jaillir du terrain les idées neuves dont la décentralisation a besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'expérimentation, c'est la pédagogie de la réforme et la clé de son succès. Dès maintenant, j'invite les régions à être audacieuses et à se porter candidates pour expérimenter certains transferts de compétence dont j'ai l'intention de discuter la nature et la portée avec tous les acteurs concernés.
    Il faut être audacieux. Je propose que les conseils régionaux délibèrent sur ce sujet, fassent leurs propositions, fassent appel à leurs propres initiatives. Et nous répondrons, au cas par cas, à des expérimentations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Quel calendrier suivrons-nous ?
    En premier lieu, et en accord avec le Président de la République, un projet de loi constitutionnelle sera proposé au Parlement dès l'automne. Il visera à inscrire la région dans la Constitution, à autoriser l'expérimentation locale, à favoriser la coopération entre les collectivités qui le souhaitent et à autoriser la mise en oeuvre des référendums locaux. Les questions spécifiques à l'outre-mer seront traitées à cette occasion.
    A l'automne, sera préparé un projet de loi qui comprendra un volet de transfert de compétences immédiat et un volet traçant le cadre des expérimentations. Il s'agit d'initier une nouvelle donne des responsabilités dans notre pays. Il s'agit de donner corps et valeur juridique au principe de subsidiarité et de rapprocher le pouvoir de la vie.
    Enfin, je présenterai devant le Parlement un projet de refonte des textes liés à l'intercommunalité, aux pays, aux agglomérations et à la démocratie de proximité. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je suis comme vous un praticien des SCOT, nés dans la loi SRU, et de tous ces objets administratifs mal identifiés. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Il y a de bonnes choses dans certains de ces textes. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Nicolin. Très peu !
    M. le Premier ministre. Mais si, mais si !
    M. Julien Dray. La mixité sociale...
    M. le Premier ministre. Mais nous les refonderons avec un objectif : responsabiliser les acteurs locaux et simplifier leurs décisions pour qu'ils puissent agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'ensemble de ces nouveaux textes et l'application complète de la loi de janvier 2002 donneront à nos compatriotes de Corse des chances nouvelles de développer les atouts spécifiques de leur île. Le plan d'investissement fera l'objet de procédures efficaces et unifiées.
    La relance de la décentralisation s'accompagnera d'une réforme de nos administrations pour aller vers une vraie administration de services. Les Français sont profondément attachés à leur service public. Ils ont raison (« Oui ! » sur divers bancs.)
    M. Jacques Desallangre. On vous le rappellera !
    M. le Premier ministre. Ils en reconnaissent le dévouement et la grande qualité.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. le Premier ministre. Et c'est précisément parce que nous croyons à notre service public que nous devons nous poser les questions qui conditionnent son avenir.
    Comment assurer aux Français le service public qu'ils attendent ? Comment impliquer les fonctionnaires dans la réussite des réformes qu'ils souhaitent eux-mêmes ? Comment aboutir à un juste partage des ressources entre le service public et le service privé ?
    M. Gérard Bapt. Vous en posez des questions !
    M. le Premier ministre. Dans nos services publics, le service est une valeur. L'administration de demain doit être une administration de services. Elle doit concentrer ses efforts sur l'accueil, notamment des plus démunis, des plus fragiles. Elle doit être présente là où les Français l'attendent. Elle doit mettre en place des indicateurs d'efficacité qui permettront d'améliorer sans cesse sa gestion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cette administration de services, c'est d'abord une administration plus simple. Je vous demanderai l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), dans un certain nombre de domaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française). Il ne s'agit pas de toucher aux équilibres fondamentaux de notre République (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), mais de supprimer la paperasse, tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs sociaux, économiques sont transformés en bureaucrates alors que nous attendons qu'on puisse libérer leur énergie. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Ces demandes sont formulées par l'administration elle-même, afin que les fonctionnaires se consacrent aux tâches qui les passionnent, au service public et maintiennent le contact avec le citoyen. Ce qu'ils nous demandent, c'est d'accomplir leur mission : être les premiers militants de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Pour les ordonnances, demandez conseil à M. Juppé !
    M. le président. Monsieur Brard, s'il vous plaît !
    M. le Premier ministre. Il faudra aussi réfléchir à un sujet difficile, mais important : celui du service garanti. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Dans certains secteurs, les voies d'un dialogue social plus suivi ont été ouvertes pour prévenir les conflits et faire qu'ils ne conduisent qu'exceptionnellement à l'interruption de service dont les usagers sont victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je demande aux responsables de nos grands services publics qui n'y sont pas déjà parvenus d'engager la discussion sur la garantie du service avec tous leurs partenaires.
    Une administration de services, c'est enfin une administration qui mobilise ses moyens là où sont ses besoins. La fonction publique va connaître des évolutions au cours des prochaines années : l'évolution des territoires, le développement des nouvelles technologies, les départs en retraite massifs de fonctionnaires, les attentes nouvelles de nos concitoyens changent complètement la donne. Nous devons relever ces défis en concentrant nos forces là où les besoins sont essentiels.
    L'évolution des effectifs de la fonction publique devra correspondre à ces besoins. Tous les emplois ne seront pas systématiquement remplacés au fur et à mesure des départs (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ; selon les secteurs, les effectifs seront accrus, stablilisés ou réduits. Nous concentrerons nos forces là où les besoins sont essentiels. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Les réformes seront menées sous la responsabilité des ministres. Ceux-ci seront comptables de leurs résultats, devant moi, mais également devant vous.
    Il convient enfin de renforcer la capacité de réflexion et de prospective d'un Etat qui doit aussi être un Etat stratège à qui il incombe d'évaluer sur le long terme les défis de demain. Ses outils de prospective seront adaptés.
    Le renforcement de la démocratie locale, c'est aussi l'aménagement des territoires, des communes paisibles aux quartiers difficiles.
    La démocratie locale repose aussi sur les solidarités qui s'organisent autour du logement. L'Etat doit déployer une stratégie en la matière, mais c'est à l'échelon local, avec les populations et les élus locaux, que l'appréciation des besoins est la plus pertinente. La politique du logement sera revue dans ce sens. De même, elle devra être résolument décloisonnée, qu'il s'agisse des instruments de financement ou des solutions de logement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Braouezec. Le logement social à Neuilly !
    M. le Premier ministre. Ces actions en faveur du logement sont indissociables de la politique de la ville et j'ai demandé au ministre délégué à la ville de donner davantage de cohérence à cette politique. Reposant autant sur la gestion du bâti que sur les mesures de cohésion sociale, elle doit définir un cadre contractuel négocié avec les élus locaux et les bailleurs sociaux. Ce cadre sera la clef du renouveau de ces quartiers difficiles. C'est un enjeu décisif pour notre pays.
    La politique de destruction des grands ensembles sera accélérée et nous étendrons les zones franches urbaines, qui ont montré leur efficacité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Faire vivre la démocratie locale, c'est aussi assurer la protection de l'environnement. Pour être à la hauteur de ces enjeux, l'ambition de mon gouvernement sera de réconcilier, protéger, informer et transmettre.
    Réconcilier, c'est d'abord répondre aux nécessités du présent en ne compromettant pas les ressources des générations à venir. Une gestion décentralisée et contractualisée de notre partimoine naturel sera mise en oeuvre.
    Je souhaite fonder la gestion de la faune sauvage et des espaces sur des données scientifiques établies et partagées et non sur des invectives ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Protéger, c'est informer et prévenir. Dans l'esprit des Français, la crainte des catastrophes technologiques et industrielles est à la mesure de leur caractère subit et dévastateur dont Toulouse porte encore les stigmates et les cicatrices. Une réponse doit y être apportée, c'est le sens du projet de loi sur les risques technologiques qui vous sera proposé à l'automne prochain.
    Pour transmettre cette exigence aux générations à venir, dans la perspective tracée par le Président de la République, une charte de l'environnement sera élaborée d'ici à juin 2003. Elle portera au niveau constitutionnel les principes fondamentaux du développement durable. Les préoccupations environnementales doivent être une dimension essentielle de toutes les politiques publiques. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Dans le domaine de l'énergie, un grand débat public sera ouvert et suivi d'un projet de loi d'orientation qui consacrera un rôle accru aux énergies renouvelables mais aussi une place reconnue à l'énergie nucléaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Les spécificités du nucléaire et les attentes des Français me conduisent à vous demander de délibérer prochainement sur la transparence et la sûreté du nucléaire. Trop longtemps promises, des mesures allant dans ce sens doivent être maintenant arrêtées dans les meilleurs délais. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Notre politique des transports privilégiera elle aussi un développement soucieux de l'environnement limitant les nuisances. Je pense aux grands projets d'infrastructures dont les effets sur l'environnement et les hommes, à l'instar des nuisances sonores à proximité des aéroports, devront faire l'objet d'une attention accrue. (Exclamations sur divers bancs.) Le cabotage et le ferroutage seront également prioritaires.
    Favoriser les territoires, c'est mener une politique efficace et coordonnée dans les secteurs qui structurent notre territoire, comme l'agriculture et la pêche.
    Notre agriculture est aujourd'hui profondément marquée par une inquiétude liée au manque de perspectives, alors qu'elle dispose d'atouts solides pour faire valoir la qualité de ses productions.
    La politique agricole commune est à la veille de grandes échéances, avec l'entrée de nouveaux Etats membres et le fameux rendez-vous à mi-parcours. Le Gouvernement veillera à ce les décisions arrêtées par les chefs d'Etat et de gouvernement à Berlin en 1999 soient respectées et fera preuve de la plus grande fermeté face aux tentatives de modifier, dès à présent, la politique agricole commune. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le Gouvernement est attaché à un grand objectif : celui d'une agriculture française performante, écologiquement responsable et économiquement forte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Aujourd'hui, la politique commune de la pêche est l'objet, de la part de la Commission européenne, d'une proposition de réforme que je juge inacceptable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) La France n'acceptera pas la destruction de sa flotte de pêche, principalement dans sa composante artisanale, avec le cortège de drames humains et de difficultés sociales qui l'accompagnerait inévitablement.
    Favoriser nos territoires, c'est enfin développer une politique ambitieuse pour notre outre-mer. L'outre-mer est un atout pour la France. Nous combattrons l'inégalité économique dont sont victimes ses collectivités en mettant en valeur la logique d'activité et non plus la logique d'assistance. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Une loi de programme pour l'outre-mer sera soumise au Parlement avant la fin de l'année. La Constitution sera révisée pour permettre une meilleure prise en compte de la diversité de l'outre-mer français dans le cadre du strict respect des principes d'indivisibilité de la République.
    Troisième pilier : une France créative.
    M. Christian Bataille. C'est un catalogue !
    M. le Premier ministre. C'est une politique qui se veut complète, dont l'ambition est un programme de travail pour la législature.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le Premier ministre. Nous avons de grandes ambitions. La créativité de nos concitoyens à l'université comme en entreprise doit pouvoir se concrétiser pleinement sur notre territoire. Cela implique un élan nouveau pour que notre territoire soit plus attractif et que la matière fiscale ou réglementaire ne soit pas systématiquement une occasion de découragement.
    M. Gilles Carrez. Très bien !
    M. le Premier ministre. Nous voulons faire en sorte que la valeur travail soit respectée dans ce pays. Le travail est une valeur. Nous devons tout mettre en oeuvre pour le favoriser. Il n'est pas admissible que le chômage touche autant de nos concitoyens, en particulier tous ces jeunes auxquels, aujourd'hui, la société tourne le dos.
    Notre objectif reste le plein emploi.
    Il faut éviter que, globalement, l'ensemble de nos procédures freine la création d'activités. C'est le sens de la baisse de l'impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est le sens de la baisse des charges que nous engageons de façon résolue. (Mêmes mouvements.)
    La baisse des charges constitue la clé de voûte de notre stratégie. Ce n'est pas de l'idéologie, mais tout simplement ça marche, ça crée des emplois, et c'est pour ça qu'il faut le faire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gilbert Biessy. Merci au MEDEF !
    M. le Premier ministre. On n'a pas trouvé ça dans un petit livre rouge ni dans un petit livre bleu ! On a trouvé ça dans les résultats de l'INSEE. C'est là qu'il y a de la création d'emplois. C'est pour cela qu'il faut alléger les charges.
    M. André Gerin. C'est la monarchie patronale !
    M. le Premier ministre. Mon gouvernement va renouer avec cette politique, en en faisant bénéficier dans un premier temps les jeunes peu qualifiés, dont le taux de chômage, qui a beaucoup progressé depuis un an, est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. C'est pourquoi vous serez saisis, au cours de cette session extraordinaire, d'un projet de loi favorisant l'emploi des jeunes peu qualifiés. Il prévoira une exonération complète des charges...
    M. Maxime Gremetz. Oh ! là ! là !
    M. le Premier ministre. ... applicable au 1er juillet 2002. Nous développerons ainsi de vrais contrats jeunes - à durée indéterminée - dans de vraies entreprises. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Pour les jeunes prêts à s'y investir, nous instaurerons un contrat d'insertion dans la vie sociale. Il offrira une garantie de revenus aux jeunes sans diplôme et sans emploi qui accepteront de s'engager. Ce contrat sera mis en place dans les prochains mois.
    Mais au-delà de ces mesures spécifiques pour les jeunes, c'est un abaissement global des charges sociales que nous visons. Il viendra simplifier les multiples mesures qui compliquent la vie des entreprises. D'une manière générale, la simplification est un objectif dans l'ensemble de ces procédures.
    Parallèlement, je souhaite traiter rapidement un problème qui entrave la volonté de certains salariés de travailler davantage et le développement de nombreuses entreprises : je veux parler des 35 heures. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilbert Biessy. On brade !
    M. le Premier ministre. La durée légale du travail ne sera pas remise en cause mais des assouplissements sont nécessaires...
    M. Yves Nicolin. Vive la liberté !
    M. le Premier ministre. ... et ils seront effectués. La méthode autoritaire suivie pour réformer le temps de travail a conduit à freiner la progression du pouvoir d'achat des salariés et à ignorer nombre de réalités économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Et le SMIC ?
    M. le Premier ministre. Cette méthode a entraîné des incohérences et des injustices, notamment en ce qui concerne la désarticulation des SMIC. Nous allons y remédier.
    Mme Martine David. On verra !
    M. le Premier ministre. De même, la loi de modernisation sociale a été justement critiquée pour n'avoir pas fait l'objet de concertation.
    M. Julien Dray. Le MEDEF !
    M. le Premier ministre. Elle sera réformée et simplifiée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) L'assurance emploi que j'évoquais tout à l'heure y aidera.
    Qu'il s'agisse des 35 heures, de l'harmonisation des SMIC, des charges sociales ou de la simplification de la loi dite de modernisation sociale, j'invite, dès maintenant et dans les prochains jours, les partenaires sociaux à engager entre eux et avec le ministre des affaires sociales les discussions nécessaires.
    M. Bruno Le Roux. Illusion !
    M. le Premier ministre. Je suis disposé à en tirer le plus vite possible les conséquences législatives ou réglementaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous devons créer les conditions d'une croissance forte et durable. Nous allons nous y employer en menant de front baisse des prélèvements, réduction des déficits et réformes économiques.
    M. Jean Glavany. D'où le deuxième porte-avions...
    M. le Premier ministre. La baisse des impôts permet de soutenir l'activité et l'initiative, la baisse des charges de soutenir l'emploi.
    Nous nous engagerons parallèlement dans la réduction des déficits. Il ne servirait à rien de baisser les prélèvements si les Français n'avaient pas la garantie que cette baisse est durable. C'est dans la capacité que nous aurons à conduire les réformes structurelles dont le pays a besoin que nous trouverons les marges de manoeuvre.
    Au-delà, nous devrons favoriser l'activité, parce que la France est en retard quant à son taux d'activité, et il faudra relever le défi de l'emploi, notamment pour les salariés de plus de cinquante ans.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. le Premier ministre. C'est une véritable révolution culturelle que nous devons engager pour l'activité de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dans le même esprit, la prime pour l'emploi sera adaptée, notamment en faveur des travailleurs à temps partiel, pour qu'elle devienne un véritable instrument de justice sociale et de valorisation du travail.
    Le partage plus équilibré de la croissance et de ses fruits, c'est en fait l'objectif que nous voulons atteindre quand nous proposons, dès ce mois de juillet, conformément aux engagements pris, une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. (« Pour qui ? » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Pour les riches !
    M. Patrick Braouezec. Zéro pour les pauvres !
    M. le Premier ministre. Elle sera effective à l'automne prochain. Il s'agira d'une réduction de 5 % de l'impôt pour tous les contribuables. (« Zéro pour les pauvres ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette réduction est une étape vers l'objectif de baisse d'un tiers de l'impôt sur le revenu (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française), objectif nécessaire si nous voulons que notre pays retrouve son attactivité. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.
    M. le Premier ministre. Peut-on se réjouir de voir que, pour les grands investissements industriels en Europe, les sites français ne sont même plus envisagés ?
    Peut-on se réjouir de voir des chercheurs, des ingénieurs, quitter le pays ?
    Peut-on se réjouir de voir des entrepreneurs aller chercher ailleurs, comme des footballeurs ou des joueurs de tennis, de meilleures situations ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Non ! Il faut faire confiance aux créateurs, aux entrepreneurs, à ceux qui peuvent créer de l'emploi.
    M. André Gerin. De l'argent, toujours de l'argent pour le capital !
    M. le Premier ministre. Ce qui est bon pour l'emploi est bon pour tous. Ce qui est bon pour l'emploi est bon pour le pays. C'est pour cela que nous menons cette politique. Et c'est pourquoi nous nous battrons pour que les engagements soient tenus.
    M. Jean Glavany. Ça va changer pour Chirac !
    M. le Premier ministre. En particulier, nous sommes déterminés à convaincre nos partenaires de la nécessité de baisser à 5,5 % le taux de TVA pour la restauration (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), car il s'agit d'un secteur créateur d'emplois.
    M. Jacques Desallangre. On attend !
    M. André Gerin. Chiche !
    M. le Premier ministre. Les discussions sont engagées. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Julien Dray. Il y a belle lurette !
    M. le Premier ministre. Je pense que l'ensemble des forces nationales doivent participer à cette mobilisation pour convaincre les autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Notre approche du rôle de l'Etat dans l'économie est pragmatique. Elle conduira à analyser les projets d'ouverture du capital ou de privatisation au cas par cas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en tenant compte, d'abord, de l'intérêt des entreprises et de leurs perspectives d'alliance et de développement.
    Une telle politique ne peut se concevoir que sur la durée de la législature.
    D'une manière générale, l'Etat a vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Dans le domaine de l'énergie, notre pays dispose de deux grandes entreprises de réputation mondiale. Elles doivent assurer les missions de service public de façon équitable et solidaire sur l'ensemble du territoire national, c'est un impératif. Mais elles doivent aussi être dotées des mêmes armes que leurs concurrents européens...
    M. Patrick Braouezec. C'est-à-dire ?
    M. le Premier ministre. ... pour tirer pleinement profit du marché européen de l'énergie et promouvoir leur projet industriel et leur projet social.
    M. Henri Emmanuelli. Comme France Télécom ?
    M. le Premier ministre. Leurs savoir-faire techniques et la qualité de leurs personnels constituent des atouts reconnus et enviés. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Modèle France Télécom ?
    M. le Premier ministre. Ils sont, pour ces entreprises, le garant le plus précieux de leur avenir.
    Pour qu'elles puissent nouer des alliances et développer leur stratégie en Europe et dans le monde tout en respectant toutes les exigences du service public, leur forme juridique sera modifiée afin de permettre une ouverture progressive de leur capital, tout en les maintenant dans le secteur public. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ces évolutions feront bien sûr l'objet d'une consultation préalable avec, en particulier, les agents de ces entreprises de leurs représentants. Le statut du personnel actuel sera maintenu et le système spécifique de retraite recevra les garanties nécessaires.
    M. Christian Bataille. Comme à France Télécom !
    M. le Premier ministre. Une France créative, c'est une France qui mise sur l'innovation. Et nous ferons les efforts nécessaires, au service de notre compétitivité internationale, pour porter nos efforts de recherche à 3 % du PIB à l'horizon 2010.
    Nous participerons aussi à tout ce qu'il faut faire pour placer la France au coeur même de la société de l'information. Nous développerons la création d'entreprises pour que, dans cette période de croissance, nous puissions retrouver un rythme de création positif. Notre objectif est la création de 200 000 entreprises par an. (« Chiche ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est, je crois, une dynamique possible pour faire en sorte que nous retrouvions les libertés d'initiative et d'emploi. La création d'entreprises est sans doute l'une des façons les plus efficaces de créer durablement des emplois. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Des dispositions spécifiques pour les jeunes entreprises de technologie permettront aux jeunes créateurs d'avoir toute leur place dans cette économie.
    Une France créative, c'est aussi une France qui utilise ses potentiels, notamment celui de la jeunesse, et d'abord qui donne une force nouvelle à l'école.
    L'école de l'égalité des chances est le plus ancien fondement de notre cohésion républicaine. Notre système de formation doit faire en sorte que cette égalité des chances reste une réalité à tous les stades de la vie professionnelle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Or, malgré le dévouement des enseignants et de tous les acteurs de la communauté éducative, l'école a du mal à remplir sa mission : 60 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification, 90 000 le quittent avec une faible qualification. C'est inacceptable pour la nation.
    J'ai demandé au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de s'attaquer en priorité aux grandes causes de la fracture scolaire.
    La première de ces causes, c'est l'illettrisme, contre lequel j'entends vigoureusement lutter. Dès la prochaine rentrée scolaire, un plan pour améliorer les apprentissages de base à l'école primaire sera engagé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Deuxièmement, la valorisation de l'enseignement professionnel est une nécessité.
    M. Pierre Lellouche. Très bien !
    M. le Premier ministre. Permettons à chacun d'exprimer ses talents dans la voie qui lui est propre. Les expériences existantes seront étendues et des passerelles entre les voies technologique, professionnelle et générale seront mises en place.
    M. Jean Glavany. Elles existent déjà !
    M. le Premier ministre. Notre troisième priorité sera de lutter contre l'échec en premier cycle universitaire.
    Nous voulons enfin valoriser et favoriser les vocations scientifiques afin d'encourager la pratique de la science, car notre université ne forme plus assez de jeunes capables de soutenir notre effort d'innovation.
    Par ailleurs, l'Etat continuera à soutenir tous les créateurs et à défendre leurs droits. Un projet de loi vous sera soumis, notamment pour le renforcement de la protection sociale des auteurs et pour le droit de prêt.
    M. Jean Glavany. Quand ?
    M. le Premier ministre. Evidemment, l'Etat ne sera pas le seul acteur en matière d'éducation et de culture. Je souhaite que soient clarifiées les ambiguïtés qui existent dans ce secteur, car elles ne permettent pas d'établir des partenariats clairs entre l'Etat et les collectivités territoriales.
    M. Yves Nicolin. Très bien !
    M. le Premier ministre. Dans le domaine du patrimoine, une loi de programme sera lancée. (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Elle renforcera le rôle des collectivités locales, l'Etat gardant ses fonctions de garant de la cohérence. Il en ira de même pour les bibliothèques, équipements culturels de proximité les plus fréquentés par nos concitoyens.
    Nous renforcerons la politique du mécénat.
    Nous nous battrons, là encore, pour obtenir la baisse de la TVA sur le prix du disque.
    Dans le domaine de l'audiovisuel, le Gouvernement se montrera attaché à la liberté des initiatives, mais aussi à la défense de la qualité du service public.
    M. Jacques Desallangre. Messier !
    M. le Premier ministre. Cet effort de cohésion, évidemment, concernera aussi la pratique du sport. Le sport est l'un des grands oubliés de la décentralisation.
    M. Edouard Landrain. Eh oui !
    M. le Premier ministre. Des états généraux seront lancés à l'automne à l'initiative du ministre des sports. Cela nous permettra de dégager les lignes de l'avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le dernier message est celui de notre action en Europe.
    Nous voulons un projet européen fort. Une Europe des hommes. Une Europe qui sache faire respecter notre patrimoine humaniste.
    Mais aussi une Europe économique forte. Une Europe bâtie, maintenant, avec le succès de l'euro. Une Europe qui doit approfondir le marché unique. Une Europe qui doit aussi faire progresser l'harmonisation des fiscalités et qui doit être soucieuse de renforcer son rôle social.
    Nous attendons beaucoup de la Convention présidée par le président Valéry Giscard d'Estaing. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Elle dessinera les contours de cette nouvelle Europe. Elle simplifiera les textes des traités. Elle imprimera, nous le souhaitons, une perspective nouvelle à l'Europe, cette fédération d'Etats-nations à laquelle nous sommes attachés, qui doit mieux associer les parlements nationaux et notamment élire les députés européens sur une base de liste régionale pour les rendre davantage acteurs de notre démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous ne subirons pas l'élargissement, nous y sommes favorables. Mais nous voulons aussi renforcer le couple franco-allemand. Nous le ferons au début de l'année prochaine à l'occasion du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée.
    Enfin, nous procéderons à la transposition rapide d'un certain nombre de directives européennes, domaine où nous sommes, à ce jour, les derniers de la classe en Europe.
    Nous participerons à la construction de cette gouvernance mondiale dont l'objet est que se développe la primauté du droit sur le fait accompli. Sans un système multilatéral fort, seuls les rapports de force comptent. Sans règles internationales, ce sont les plus vulnérables qui sont aujourd'hui les plus exposés.
    M. Julien Dray. Ça commence à faire long, ce discours !
    M. le Premier ministre. S'agissant de la mondialisation, nous souhaitons faire entendre la voix de la France sur le plan économique, mais aussi sur le plan du développement durable. C'est pourquoi nous nous engageons tous pour la réussite du sommet de Johannesburg. Nous voulons faire en sorte que l'environnement et le développement durable soient une priorité de notre pays. (« C'est trop long ! Abrégez ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    La francophonie fera également partie de notre action internationale. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Eh oui ! La Marseillaise. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), le drapeau, la langue font partie de ce patrimoine auquel nous sommes attachés. (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et repousser toujours la résolution des problèmes quotidiens.
    Je vous propose d'inverser la démarche en m'engageant à prendre, selon un calendrier précis, des décisions concrètes qui permettent d'améliorer le quotidien afin de mieux vivre l'avenir.
    Vous l'avez compris, notre projet réconcilie action et conviction. C'est un projet sans arrogance. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Dominique Dord. Ça nous change !
    M. le Premier ministre. Il appelle votre confiance. Il est né au sein de la majorité présidentielle devenue majorité parlementaire : majorité d'union, majorité d'action.
    Vous pourrez compter sur notre courage, nous voulons compter sur votre confiance.
    La confiance est la valeur démocratique la plus précieuse. Confiance du peuple, confiance du Parlement, confiance du Président.
    La confiance est la clef du mouvement. Confiance pour la croissance, confiance pour l'espérance, confiance pour la France. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)
    Monsieur le président, conformément au premier alinéa de l'article 49 de la Constitution, et après y avoir été autorisé par le conseil des ministres, j'engage la responsabilité de mon gouvernement sur cette déclaration de politique générale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot, premier orateur inscrit.
    M. Jacques Barrot. Merci, monsieur le Premier ministre, pour votre détermination. Vous avez écouté les Français et vous leur avez ouvert de nouveaux et larges horizons. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Vous savez par expérience combien les parlementaires peuvent être des traits d'union entre les Français et leur gouvernement. Nous ne manquerons pas de tout faire pour répondre à l'attente vigilante de nos compatriotes.
    Les défis sont très sérieux. Nous avons pu mesurer l'ampleur des crises qui secouent notre pays. Crise de la démocratie, exprimée à travers un vote extrémiste : signal d'alarme traduisant la peur de ne pas être écouté, d'être tenu à l'écart du débat démocratique. Crise de la politique : l'impuissance d'un Etat qui n'a pas été modernisé a jeté le doute sur l'efficacité des responsables politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Ecoutez donc l'orateur ! N'oubliez pas que, dans quelques instants, le représentant de votre groupe va s'exprimer lui aussi.
    Poursuivez, monsieur Barrot.
    M. Jacques Barrot. Crise enfin, du sens collectif : faute d'un projet collectif clairement expliqué, les Français sont tentés de se replier sur leurs préoccupations individuelles ou catégorielles.
    Il était temps, monsieur le Premier ministre, de proposer aux Français de grands projets collectifs qui permettront à la France tout entière de progresser. Vous leur offrez de nouvelles raisons de retrouver confiance et de croire en l'avenir.
    Les Français ont besoin d'un véritable volontarisme politique. Nous adhérons aux objectifs majeurs que vous avez fixés pour mettre en oeuvre la grande ambition proposée aux Français par le Président de la République. Mais je veux les reprendre pour éclairer notre adhésion à vos démarches : il faut à la fois retrouver le dynamisme français, sauver une cohésion sociale menacée et adapter notre modèle social pour mieux le conforter.
    Retrouver un vrai dynamisme national, tout d'abord. Les Français ont senti que la lutte contre le chômage ne réussira pas par une stratégie malthusienne de partage du travail. Leurs réticences face à la pratique des 35 heures partent de cette intuition de bon sens : la création d'emploi passe d'abord par une stratégie d'encouragement du travail et de développement.
    La croissance n'est pas une chance que l'on attendrait passivement d'une conjoncture mondiale. C'est aussi le fruit d'un effort national de productivité, d'une confiance retrouvée, qui conduisent les Françaises et les Français à investir, à échanger des services et à consommer.
    Nous sommes là, mes chers collègues, au coeur de la nouvelle politique à conduire. Trop de Français qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler n'ont pas compris un certain discours qui semblait dénier tout sens positif au travail (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), qui semblait tourner uniquement autour des dispositifs d'assistance, qui semblait oublier enfin la reconnaissance de l'effort et de la compétence acquise.
    Il est plus judicieux de laisser les Français choisir le rythme et la durée de leur vie professionnelle.
    M. Jean-Pierre Brard. Comme M. Messier !
    M. Jacques Barrot. Il sera plus efficace de revaloriser la rémunération du travail et d'offrir à chacun, à commencer par ceux qui sont au bas de l'échelle, les chances d'une véritable promotion professionnelle. Il sera plus utile pour l'avenir d'inciter les entreprises à ouvrir plus largement leurs portes à nos jeunes, qui commencent leur vie active trop tard : 20 % des seize - vingt-cinq ans sont en effet inactifs. C'est l'un des plus forts taux des pays européens.
    Vous avez heureusement inscrit dans vos priorités le contrat emploi-jeune, qui permettra d'accueillir un plus grand nombre d'entre eux en entreprise. C'est l'une des chances les plus sérieuses de dynamiser notre pays. Vous avez aussi annoncé un effort soutenu pour stimuler la création d'entreprises. Elle doit cesser d'être un parcours du combattant aux conséquences douloureuses si, par malheur, la tentative ne réussit pas. Il faudra aussi faciliter la transmission de nos entreprises notamment pour combattre les délocalisations.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Jacques Barrot. Tout cela exige une grande réconciliation entre l'Etat et l'entreprise. Il faut proposer un pacte entre l'Etat et les entreprises. A charge pour l'Etat de garantir la stabilité des règles fiscales et sociales, d'alléger les prélèvements qui pèsent sur elles, au détriment de leur compétitivité.
    M. Jean-Pierre Brard. Aimez-vous les uns les autres !
    M. Jacques Barrot. A charge pour les entreprises de mener une politique active de bonne gestion de leurs ressources humaines, une politique d'intéressement, de formation continue et de validation des acquis professionnels.
    Bien sûr, il faut parler, comme vous l'avez fait, des réformes de l'Etat et des services publics. Je parle bien de réformes au pluriel. Il s'agit non pas d'amputer à l'aveugle l'Etat de ses ressources humaines, mais de les optimiser. Il faut pouvoir redéployer les moyens. Les administrations de service public, indispensables à nos compatriotes, doivent être confortées. Celles qui assurent des tâches d'administration proprement dite doivent être mieux organisées.
    A force de refuser de moderniser notre Etat, nous le tuons à petit feu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !
    M. Jacques Barrot. Nous le rendons insupportable à des citoyens qui ne le comprennent plus. Les fonctionnaires ne trouveraient-ils pas plus de satisfaction et de reconnaissance dans une administration plus moderne et plus efficace ?
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. Jacques Barrot. Nous devons réfléchir à une forme d'intéressement et de promotion appropriée au secteur public.
    M. Dominique Dord. Enfin !
    M. Jacques Barrot. Evidemment, la décentralisation va de pair avec la réforme de l'Etat. Vous en avez fait une grande ambition avec la loi constitutionnelle et la refonte des textes liés à l'intercommunalité, dont vous avez pu mesurer à l'instant, monsieur le Premier ministre, la popularité qu'elles suscitent non seulement chez les parlementaires de votre majorité, mais également parmi tous les élus locaux de France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce « pari des territoires » est une nécessité pour le renouveau de la citoyenneté trop souvent étouffée par nos réflexes jacobins.
    Nous éviterons ainsi de nous retrouver devant une impasse, avec à la fois un taux de chômage élevé et une pénurie d'employés dans certaines branches professionnelles. Ce risque est déjà là. Il va s'aggraver en 2005, avec le départ massif de certains professionnels à la retraite. Nous devons le conjurer par une refonte en profondeur de nos dispositifs d'orientation et une revalorisation de la formation professionnelle.
    M. Jean-Marie Geveaux. Tout à fait !
    M. Jacques Barrot. Les contrats en alternance, la formation tout au cours de la vie devront être nos outils privilégiés. Vous avez raison, monsieur le Premier ministre, de demander aux partenaires sociaux de remettre sur le métier un ouvrage déjà très avancé, celui de la formation tout au cours de la vie, pour permettre l'accouchement de cette réforme indispensable.
    M. Bernard Schreiner. Tout à fait !
    M. Jacques Barrot. C'est dans le cadre de cet effort de stimulation des énergies que prend place la baisse des prélèvements, et d'abord celle de l'impôt sur le revenu.
    M. Jean-Pierre Brard. Ah !
    M. Jacques Barrot. Nous ne laisserons pas caricaturer cette démarche, monsieur Brard ! Il s'agit d'adresser un signal à nos compatriotes...
    M. Jean-Pierre Brard. A Mme Bettencourt !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. A ceux de la France d'en haut !
    M. Jacques Barrot. ... pour leur montrer qu'ils peuvent davantage profiter des fruits de leur travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il s'agit d'un encouragement pour nos créateurs, nos chercheurs, nos cadres et nos salariés qualifiés qui ne sont pas, comme on le prétend parfois, des privilégiés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Comme le ministre de l'économie et le ministre du budget l'ont très bien fait, il faut expliquer comment va se jouer ce pari de la réussite.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça, ils nous ont convaincus !
    M. Jacques Barrot. Nos entreprises doivent retrousser leurs manches, investir sur le plan matériel comme sur le plan humain ; et l'administration devra les accompagner en réduisant les entraves que rencontrent au jour le jour nos entrepreneurs, nos artisans, nos agriculteurs. A cet égard, monsieur le Premier ministre, même si les adaptations du dispositif des 35 heures doivent passer par la concertation et la loi, il est urgent qu'elles soient mises en oeuvre non seulement pour rassurer nombre de PME qui attendent impatiemment une clarification, mais aussi pour permettre aux salariés d'améliorer leurs revenus par le travail. (« Très bien ! » sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il est également urgent d'avancer sur la formation tout au cours de la vie et l'assurance-emploi, pour offrir de nouvelles chances aux salariés français face aux grandes évolutions de l'activité. Enfin, on ne pourra pas esquiver le problème posé par certaines dispositions de la loi dite de modernisation sociale : la reprise des entreprises en difficulté est compromise dès aujourd'hui par la lenteur de certaines procédures, illusoires pour la protection des salariés et dramatiques pour la survie de l'entreprise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est ainsi que pourra s'engager un nouveau cycle vertueux. Nous pourrons alors répondre aux exigences européennes qui sont celles du bon sens. Comment une nation peut-elle aller de l'avant si elle doit traîner indéfiniment une dette trop lourde, si elle supporte des frais généraux fixes excessifs pour sa seule administration ?
    M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. Jacques Barrot. A l'inverse, le retour de la confiance et de l'investissement peut s'avérer décisif : oublie-t-on qu'un accroissement de 5 % de l'investissement peut ajouter un demi-point de croissance ?
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Jacques Barrot. Ce qui paraît impossible dans une vision statique devient possible dans une vision dynamique ! Ainsi, la rénovation de la maison France pourra-t-elle réussir pendant ces cinq ans, grâce à cette nouvelle dynamique économique et sociale.
    Il importe également de consolider notre cohésion sociale. Aujourd'hui, elle est gravement menacée par le sentiment d'insécurité qui s'empare d'abord des plus faibles, des plus fragiles. Et pourtant, l'engrenage qui conduit de la peur à la méfiance et au repli sur soi est dangereux pour la société tout entière. Sur ce sujet, les Français en ont assez des a priori idéologiques et des grands débats théoriques.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    M. Jacques Barrot. Monsieur le Premier ministre, vous avez raison de rompre avec les discours incantatoires. Qu'attendent ces femmes et ces hommes qui nous ont interpellés sur l'insécurité au quotidien ? Une action volontaire, pragmatique au jour le jour, soucieuse d'efficacité.
    Nous saluons la volonté du Gouvernement de nous soumettre d'emblée deux lois de programmation pour renforcer les moyens de la justice et des forces de sécurité. Mais il faudra aussi bien définir les priorités de ceux qui ont la mission difficile de veiller sur notre sécurité.
    Je suis sûr, mes chers collègues, que vous avez ressenti comme moi le sentiment que les forces de sécurité sont mobilisées parfois sur des tâches secondaires au détriment de l'absolue priorité que doit constituer la mise hors d'état de nuire des vrais délinquants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Rien ne sera possible sans la volonté quotidienne d'associer les élus du terrain à cette lutte contre toutes les formes de violence, dans un souci de prévention. Nous, parlementaires, nous serons à vos côtés pour reconquérir cette paix civile.
    Il ne faut cependant pas oublier la partie immergée de l'iceberg : notre société a mal. Elle souffre de la perte de repères. Le refus de toute autorité, le manque de respect pour l'autre, la recherche exclusive du chacun pour soi, se développent au détriment de l'harmonie collective. Il nous faut un véritable renouveau civique et moral. Nous avons besoin d'un retour du sens de la responsabilité personnelle au sein de la famille, de l'école et de la cité. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais nous n'y parviendrons pas sans mettre un terme à l'injustice. Le sentiment s'est répandu dans notre société que, en aggravant la lenteur et la complexité de nos procédures, le législateur avait facilité la tâche aux auteurs de délits. Et le contraste est devenu d'autant plus insupportable avec le sort des victimes, qui sont les grands oubliés de ces dernières années.
    M. Guy Teissier. C'est vrai !
    M. Jacques Barrot. Voilà ce que je voulais dire sur la cohésion sociale, qui passe par la lutte contre l'insécurité, mais qui est aussi affaire de solidarité.
    Il faut actualiser nos solidarités pour les fortifier. Il importe de sortir d'une approche superficielle des politiques sociales. La conservation des acquis sociaux a tenu lieu, le plus souvent, de seule ambition sociale. Tout cela se fait en outre dans une opacité souvent propice au développement du sentiment d'injustice. Pour éviter les tentations de remise en cause de notre modèle social, il faut impérativement le régénérer.
    Pour ce faire, vous avez choisi de relancer le dialogue social. Les partenaires sociaux devront accepter d'approfondir ce dialogue. A eux, en effet, d'imaginer les réponses appropriées, à eux de préparer les choix courageux dans le respect du calendrier pour permettre le passage à l'action. Il est temps, monsieur le Premier ministre, de tourner la page du jacobinisme social qui a donné le sentiment d'une classe politique autiste. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je ne reviendrai pas sur les chantiers qui nous attendent : les retraites à propos desquelles vous venez de rappeler votre volonté ; l'égal accès ou savoir, ainsi que l'aménagement du territoire qu'il faut débureaucratiser et recentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire la péréquation des ressources et les grandes infrastructures de communication, y compris l'accès au téléphone mobile et au haut débit sur tout notre territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En fait tout cela ne sera possible que si l'on renvoie à la responsabilité personnelle de chacun.
    Si j'en avais eu le temps, j'aurais évoqué les problèmes de notre sécurité sociale. A cet égard il est bien certain que la possibilité que vous venez d'offrir à tous, monsieur le Premier ministre, de disposer d'une assurance complémentaire sera un point d'appui précieux pour cet effort de responsabilisation. Je vous remercie aussi de rendre courage à nos hospitaliers au travers du plan Hôpital 2007.
    Il faut enfin, mes chers collègues, que, au-delà de ces chantiers difficiles, se dégage de nouveaux horizons pour l'Union européenne. L'Europe s'impose quand elle permet de faire mieux à plusieurs que chaque nation solitairement. Elle doit être un levier d'action pour peser sur la mondialisation en lui donnant un sens et des règles éthiques.
    Monsieur le Premier ministre, l'Union pour la majorité présidentielle, construite à l'image d'autres grands rassemblements politiques des pays voisins, a pour mission de soutenir un grand projet d'alternance et de permettre un exercice clair du pouvoir. Elle a été voulue pour cela. Elle constitue un tournant majeur dans l'histoire politique française. Jusqu'ici, les forces politiques françaises se sont surtout préoccupées de cultiver les différences. Mais, progressivement, cette obsession de la différenciation a nourri une certaine forme d'impuissance.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. Jacques Barrot. Aujourd'hui, les Français veulent avant tout de la cohérence, de l'action et de l'efficacité. Le succès de l'UMP a montré qu'elle était en phase avec ces attentes. Tournons le dos à trop de divergences plurielles. Les Françaises et les Français demandent désormais plus d'attention à leurs attentes et plus d'efficacité pour y répondre.
    Notre soutien se veut efficace : la large implantation géographique et sociologique de l'UMP sera précieuse pour orienter le Gouvernement. A cet égard puis-je insister sur la nécessité d'adjoindre à la compétence de notre haute administration l'expertise concrète des parlementaires dès l'élaboration des projets de loi ? C'est sans doute le meilleur moyen de soustraire la loi à une élaboration trop bureautique.
    Notre soutien se veut éclairé, c'est-à-dire qu'il sera vigilant, attentif et exigeant, parce qu'il s'appuie sur le partage des mêmes convictions.
    Notre soutien puisera sa solidité dans le sentiment partagé que ce qui doit l'emporter par delà les préoccupations catégorielles, c'est la réussite de la France tout entière, sa capacité à retrouver les premiers rôles en Europe et, aussi, à maîtriser la mondialisation.
    M. Robert Pandraud. Très bien !
    M. Jacques Barrot. En effet, seules l'union et l'action de nations courageuses et solidaires permettra d'humaniser cette mondialisation, comme l'a rappelé le Président de la République. Et seul un sursaut de volonté politique nous permettra d'apporter une contribution efficace à ce grand dessein.
    Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens nous ont apporté leur confiance pour agir avec détermination au service de la France. Nous devons être garants de leurs espoirs. Dans cet esprit, le groupe UMP vous assure aujourd'hui de sa confiance, de son aide et de son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française).
    M. le président. La parole est à M. François Hollande.
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, au terme d'un processus électoral long de près de trois mois, les Français ont fait leur choix. Il s'impose à tous.
    Après le second tour de l'élection présidentielle, marqué par le rassemblement autour des valeurs de la République, vous avez fait campagne, monsieur le Premier ministre, j'allais dire exclusivement, en tout cas principalement, sur le refus de la cohabitation. Vous avez été entendu, au-delà même de ce que vous pouviez peut-être espérer.
    Vous disposez désormais de tous les moyens pour agir : vous avez la confiance du Président de la République ; vous bénéficiez d'une large majorité dans cette assemblée (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et d'une assise confortable au Sénat (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ; vous avez des positions fortes dans un certain nombre de régions et dans un grand nombre de départements («Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ; et vous vous appuyez, M. Barrot l'a rappelé, sur un parti créé pour l'occasion...
    M. Michel Herbillon. Et sur la confiance des Français !
    M. François Hollande. ... dont le seul but, si j'en ai bien compris la philosophie, est de vous venir en soutien. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Rarement, depuis vingt ans, une majorité aura connu à son avantage une telle configuration politique pour une durée de cinq ans. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. Grâce à vous ! Merci !
    M. le président. Monsieur Dord, on se calme !
    M. François Hollande. Ne vous réjouissez pas trop vite ! Ce genre de situation est vulnérable et précaire.
    C'est donc un atout majeur, mais aussi, convenez-en, une grande responsabilité. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Si vous réussissez, monsieur le Premier ministre, nul ne pourra, en dehors de vous-même, s'en arroger les mérites.
    M. Jean-Luc Reitzer. On va réussir !
    M. François Hollande. Mais, dans le cas inverse, qui est néanmoins possible, convenez qu'il ne sera pas commode, pour votre famille politique tout entière, de se trouver des excuses.
    Et pourtant prenons garde, les uns comme les autres, d'oublier les messages que les Français nous ont adressés sous de nombreuses formes ces dernières semaines.
    M. Dominique Dord. Surtout à vous !
    M. Jean-Luc Reitzer. On n'a rien oublié !
    M. François Hollande. Il y a d'abord le doute récurrent sur la capacité du politique à les protéger, le besoin d'une Europe plus sociale, l'exigence du respect des règles dans notre société, la nécessité d'une meilleure représentation politique de tous les citoyens de notre pays, quelles que soient leur condition ou leurs origines. Nous avons certes été nous-mêmes les premiers destinataires de ces messages...
    M. Yves Nicolin. Les victimes !
    M. François Hollande. ... mais l'avertissement vaut pour tous. Le niveau de l'absention au premier tour de l'élection présidentielle, le résultat du candidat arrivé en tête, aujourd'hui Président de la République, la faible participation aux deux tours des élections législatives soulignent l'ampleur du désenchantement civique, qui est un mouvement continu depuis dix ans.
    M. Dominique Dord. Qui gouvernait avant ?
    M. François Hollande. L'importance du vote pour l'extrême droite le 21 avril ne peut être nuancé par le tassement qui a suivi deux mois plus tard. Ce serait trop simple pour être complètement rassurant.
    Il ne s'agit donc plus seulement d'une contestation à la marge ou d'une irritation ponctuelle. Ce sont notre démocratie, ses valeurs, ses fondements, mais aussi ses pratiques qui seront remis en cause si des réponses ne sont pas données.
    M. Yves Nicolin. C'est la gauche qui est en cause !
    M. François Hollande. C'est pourquoi majorité et opposition, chacune dans son rôle et à sa place, sans confondre les genres et encore moins effacer les clivages, doivent relever le défi politique majeur qui nous est lancé à travers la refondation du lien social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Cette obligation pèse autant sur vous que sur nous.
    M. Dominique Dord. Ne commencez pas à nous donner des leçons !
    M. François Hollande. Pour ce qui nous concerne, en tant que principale force d'opposition, notre attitude sera claire et franche. Nous nous déterminerons par rapport à ce que nous pensons être l'intérêt du pays. Nous n'oublierons rien de ce que nous avons fait lorsque nous soutenions nous-mêmes loyalement Lionel Jospin alors qu'il occupait la place qui est la vôtre aujourd'hui.
    Nous défendrons les acquis de la précédente législature...
    Mme Marie-Anne Montchamp. Il n'y a pas d'acquis !
    M. François Hollande. ... non pas simplement par cohérence à l'égard de nous-mêmes, mais par solidarité à l'égard des Français.
    M. Dominique Dord. Ils n'ont toujours rien compris !
    M. François Hollande. Nous aurons à coeur de veiller à ce que des avancées comme les emplois-jeunes, la couverture maladie universelle, l'allocation personnalisée d'autonomie et les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ne soient remis en cause, ni dans leur principe ni dans leur ampleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Reitzer. Tout cela n'est pas financé !
    M. François Hollande. Sur ces sujets, monsieur le Premier ministre, puisque vous avez renvoyé leur éventuelle révision à la négociation, nous serons attentifs à ce qu'elle donnera et à ce qui sera proposé à cette assemblée.
    M. Dominique Dord. Vous êtes sur la défensive !
    M. François Hollande. Il en sera de même pour la loi de modernisation sociale.
    M. Michel Herbillon. Vous n'êtes ni moderne ni social.
    M. François Hollande. Ce texte prévoyait le renforcement de la protection des salariés contre les licenciements, notamment boursiers.
    Mme Marie-Anne Montchamp. C'est théorique !
    M. Jean Marsaudon. Démagogue !
    M. Jean-Luc Reitzer. C'est raté !
    M. François Hollande. Il prévoyait et prévoit encore le doublement de l'indemnité de licenciement pour les salariés qui seraient victimes de tels plans sociaux.
    M. Dominique Dord. Ils vous ont répondu !
    M. François Hollande. Au moment même où est connu - aujourd'hui - le montant de l'indemnité d'un dirigeant d'une entreprise privée - près de 100 millions de francs -, il est de notre devoir de rappeler que cette loi avait été faite pour protéger les plus petits salariés de notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quand on constate que votre seule préoccupation, alors qu'il se passe ce que l'on sait dans cette entreprise et sur le marché boursier, est de supprimer les mesures qui protègent les salariés de notre pays au lieu d'infliger des sanctions aux plus hauts dirigeants de nos entreprises qui ont fait faillite, on ne peut que s'interroger. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. Qui gouvernait ? Arrêtez de nous donner des leçons !
    M. Henri Emmanuelli. Présidez, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Emmanuelli, n'en rajoutez pas trop ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Poursuivez, monsieur Hollande.
    M. François Hollande. Nous marquerons aussi notre attachement au service public, à la protection sociale...
     Monsieur le Premier ministre, puisque vous invitez à respecter l'opposition, il serait temps au moins de l'écouter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Ils n'ont toujours pas compris !
    M. François Hollande. Nous marquerons donc notre attachement au service public, à la protection sociale, aux retraites par répartition, éléments essentiels du pacte social. A cet égard, nous nous opposerons à la fois à la remise en cause des services publics mais aussi à la décision que vous avez annoncée, fût-elle précédée d'une discussion avec les partenaires, de changer le statut d'EDF-GDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Dominique Dord. Conservateur !
    M. François Hollande. Il est clair, en effet, qu'une telle décision impliquerait nécessairement la remise en cause des principes fondateurs du service public de l'énergie.
    De la même manière - nous vous le disons dès cet après-midi - nous nous opposerons à tout mécanisme fiscal permettant de créer des fonds de pension, fussent-ils à la française...
    M. Yves Nicolin. Ne changeons rien !
    M. Dominique Dord. Quel conservatisme !
    M. François Hollande. ... pour permettre à certains, les plus favorisés, d'avoir un complément de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Nous défendrons enfin l'impartialité de l'Etat, les droits des citoyens, l'indépendance de la justice, fondement du pacte républicain.
    M. René Couaneau. Archaïque !
    M. Dominique Dord. Il défend tout mais ne propose rien !
    M. François Hollande. A cet égard, nous sommes déjà inquiets en voyant le retour aux instructions individuelles que votre garde des sceaux justifie comme nouvelle pratique de la chancellerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous serons vigilants par rapport à toute tentation, au-delà même du projet de loi d'amnistie, de revenir sur les règles de prescription de l'abus de biens sociaux ou sur la durée d'instruction, et sur toute mesure qui, au détour d'un texte, celui sur l'amnistie ou un autre, aurait le même effet. A cet égard, vous avez pris des engagements ; nous verrons bien s'ils pourront être tenus dans la session qui s'ouvre.
    M. Yves Nicolin. Mais qui a été battu ?
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous venez de présenter les grandes lignes de votre action pour les mois à venir en avançant l'idée d'un « nouvel humanisme », d'une « nouvelle gouvernance ». Je ne sais si ces formules sont heureuses, mais elles sont les vôtres. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.).
    M. Dominique Dord. Quelle arrogance !
    M. François Hollande. Vous avez souhaité simplifier l'action de l'Etat. A vous entendre, chaque paragraphe était l'annonce d'un nouveau texte.
    M. Yves Nicolin. Oui, nous voulons travailler, nous !
    M. François Hollande. Il s'agissait, certes de simplifier mais aussi, de remplacer. Ainsi, pas moins d'une vingtaine de lois ont été promises : lois constitutionnelles, lois d'orientation, lois programmes, lois ordinaires et même des ordonnances qui n'avaient pas eu cours dans la précédente législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Bouvard. N'importe quoi ! Et celles sur l'Union européenne ?
    M. le président. Monsieur Bouvard, ne vous énervez pas, cela ne sert à rien !
    M. Yves Nicolin et M. Dominique Dord. M. François Hollande ment !
    M. Jacques Myard. Il a la mémoire qui flanche !
    M. François Hollande. Au nom de cette nouvelle gouvernance, vous invoquez la nécessité d'un grand nombre de réformes de l'Etat. Vous voudriez notamment ouvrir une nouvelle étape de la décentralisation.
    Les socialistes qui en 1982 - dois-je le rappeler ? - avec Gaston Defferre et Pierre Mauroy ont élaboré et voté les grandes lois de décentralisation, contre la droite d'ailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) qui y voyait - selon son porte-parole de l'époque - une menace contre l'unité de la République et un affaiblissement pervers de l'Etat, ne peuvent que partager cette perspective.
    M. Yves Nicolin. C'était il y a vingt ans !
    M. Jean-Claude Lenoir. Quel conservateur !
    M. François Hollande. Vous proposez d'édifier un nouveau schéma d'organisation de notre administration. Pour une part, il s'agit de constitutionnaliser une institution comme la région - qui pourrait sérieusement s'y opposer ? -, de reconnaître comme principe l'autonomie financière des collectivités locales et d'introduire les référendums locaux.
    M. Dominique Dord. On vous attend !
    M. François Hollande. Autant de thèmes sur lesquels nous pouvons converger. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous voulez aussi donner droit à l'expérimentation. Nous y avons nous-mêmes recouru.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La Corse !
    M. François Hollande. Je crois me rappeler qu'il y a eu, au-delà de la Corse, une loi, née d'ailleurs d'une proposition de loi, allant dans le sens de l'expérimentation.
    Cependant s'en tenir là reviendrait à ne s'attacher qu'à la seule architecture des pouvoirs, c'est-à-dire à oublier le contenu même de la politique territoriale.
    La proximité, mot que vous utilisez mille fois, n'est pas une affaire d'élus locaux.
    M. Dominique Dord. Cela vous fait mal !
    M. François Hollande. C'est d'abord une affaire de citoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La décentralisation c'est bien plus qu'une réorganisation des compétences entre niveaux d'administration.
    M. Dominique Dord. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. François Hollande. Elle est avant tout une répartition différente des moyens et des ressources entre collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Nicolin. Qu'avez-vous fait ?
    M. François Hollande. Le grand enjeu est de réaliser l'égalité des chances entre les territoires, c'est-à-dire entre les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il faut permettre aux villes les plus pauvres d'assurer le développement de leurs quartiers, de briser leurs ghettos sans alourdir une fiscalité insupportable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Vous n'avez rien fait !
    M. François Hollande. Le grand enjeu, c'est d'offrir aux départements ruraux la capacité de préserver les services publics essentiels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), c'est de fournir à toutes les régions de notre pays les instruments capables de leur permettre d'affronter la compétition en matière de formation et d'action économique.
    M. Yves Nicolin. Regardez dans votre rétroviseur !
    M. François Hollande. C'est pourquoi il ne suffira pas de changer la Constitution pour modifier la donne.
    M. Dominique Dord. Quel aveu !
    M. François Hollande. Rien ne sera possible sans une péréquation des recettes des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), une réforme profonde de la fiscalité et une distribution plus équitable des dotations de l'Etat.
    M. Dominique Dord. Où étiez-vous avant ?
    M. François Hollande. Là est la vraie mutation ; là est le vrai clivage entre vous et nous sur ces questions de décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Raoult. Non !
    M. Dominique Dord. Vous n'êtes pas crédible !
    M. Yves Nicolin. Vous n'avez rien fait en cinq ans ! Quel est votre bilan ?
    M. François Hollande. A défaut, c'est l'aggravation des inégalités qui risque de résulter de la nouvelle configuration que vous voulez introduire, monsieur le Premier ministre.
    M. Michel Herbillon. Quel aveu d'échec !
    M. François Hollande. De la même manière, vous entendez inscrire dans notre droit la priorité au dialogue social en souhaitant que les grandes réformes intéressant les relations du travail soient négociées avant toute initiative législative. Cette méthode, pour être fructueuse, suppose des partenaires sociaux, notamment du côté patronal, prêts au compromis, à l'équilibre, bref à la négociation. Or la refondation sociale du MEDEF ne présente pas - c'est le moins que l'on puisse dire -, ces caractéristiques.
    M. Yves Nicolin. Vous êtes insultant !
    M. François Hollande. Mais ce sont les règles de la démocratie sociale qu'il convient de faire évoluer en privilégiant - et c'est notre proposition - ...
    M. Dominique Dord. Que ne l'avez-vous fait ? Où étiez-vous ?
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, faites le taire ! Cela suffit !
    M. François Hollande. ... la solution de l'accord majoritaire pour valider les contrats. Le système actuel qui veut que la signature d'une seule des cinq centrales syndicales suffise à engager l'avenir de tous les salariés est aujourd'hui obsolète. Cette situation affaiblit le syndicalisme lui-même et, à travers lui, la négociation collective.
    L'appel au dialogue social que vous lancez, monsieur le Premier ministre, ne peut trouver sa réalité que sur une démocratie sociale repensée à partir des nouveaux critères de représentativité, du respect du droit syndical dans notre pays, partout, dans toutes les entreprises.
    Nous sommes prêts, pour notre part, après un large débat avec les partenaires sociaux, à prendre sur ce sujet, qu'il s'agisse de l'accord majoritaire, des critères de représentativité ou de la reconnaissance du droit syndical, toutes nos responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lucien Degauchy. Il fallait le faire plus tôt !
    M. Richard Cazenave. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Yves Fromion. Tout ça, ce sont que des mots !
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je vous rappelle que vous devez présider pour tout le monde. Toutes ces interruptions ne sont pas correctes !
    M. François Hollande. Enfin, pour rétablir le lien civique, vous soulignez l'urgence du rétablissement de l'autorité de l'Etat. S'il s'agit par là d'insister sur la nécessité de lutter avec de plus amples moyens encore contre l'insécurité, nous vous en donnons acte. Encore faudra-t-il ne pas se limiter au vote de grandes lois-programmes. Beaucoup d'entre nous se souviennent du sort réservé à la loi d'orientation pour la police et la sécurité votée en 1994. Elle n'a jamais été appliquée. Les augmentations d'effectif prévues n'avaient toujours pas vu le jour trois ans plus tard ! Et c'est de 1997 à 2002, qu'ont été créés 15 000 postes de fonctionnaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais des moyens supplémentaires - ajoutés à des sanctions plus rapides - ne parviendront pas à eux seuls à régler les problèmes de la violence. Le mal est plus profond. Il exige la mise en place d'une nouvelle forme de prévention pour éduquer, transmettre l'apprentissage des règles de vie en société et éviter le basculement précoce dans la délinquance. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Laisser penser que seul le vote de lois de programmation sur la justice et la police serait de nature à rassurer nos concitoyens est une illusion dangereuse qui se retournera contre vous. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Dominique Dord. Un peu d'humilité !
    M. Patrick Labaune. C'est une insulte à M. Vaillant !
    M. François Hollande. L'autorité, elle est aussi attendue de l'Etat pour faire cesser, et vous l'avez dit, d'autres formes d'insécurité, comme l'insécurité sociale en matière de licenciements abusifs et l'insécurité financière, dès lors que l'épargne publique et les salariés, comme on le voit aujourd'hui, peuvent être victimes de comportements spéculatifs, voire irréguliers. L'exemple de grandes entreprises, comme Vivendi aujourd'hui,...
    M. Jean Marsaudon. Et Moulinex hier !
    M. François Hollande. ... est dans tous les esprits. L'autorité publique est là aussi pour enrayer les désordres produits par un capitalisme qui a changé de forme mais pas de nature, et qui est aussi une forme de violence contre la société. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le Premier ministre, en ces temps difficiles pour la démocratie (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît.
    M. François Hollande. ... et au moment où il faut plus que jamais faire retour sur les valeurs de la République (Exclamations sur les mêmes bancs), les mots, les intentions, les déclarations ne suffisent plus. C'est le contenu de la politique et ses résultats qui détermineront la confiance. Et c'est à cette aune-là, c'est-à-dire sur vos actes, que vous serez jugés par les Français. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Patrick Labaune. Vous, c'est fait !
    M. François Hollande. Votre gouvernement est, pour l'essentiel, formé depuis deux mois. Il serait inconvenant, après un temps si court, d'en faire déjà le bilan. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais les premières décisions que vous avez prises éclairent d'une certaine façon vos annonces et vos proclamations d'aujourd'hui.
    D'abord, la manière par laquelle a été rendu public votre refus d'accorder un coup de pouce au SMIC laisse entrevoir une conception du dialogue social assez éloignée de vos déclarations d'intention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Raoult. Vous ne l'avez pas fait pendant cinq ans !
    M. François Hollande. En annonçant votre choix avant même que ne soit réunie la Commission nationale supérieure de la négociation collective, vous avez froissé l'un des principes sur lequel vous entendez marquer la singularité de votre démarche. Mais, surtout, votre décision sur le SMIC, qui concerne près de 30 % des salariés des PME et 15 % de l'ensemble des salariés (« Cinq SMIC ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), est révélatrice de votre philosophie économique et sociale. Elle indique une grande sensibilité aux thèses patronales qui trouvent d'ailleurs, il est vrai, écho au sein même de votre gouvernement, ...
    M. Yves Nicolin. Pyromane !
    M. François Hollande. ... thèses selon lesquelles l'intérêt des salariés - c'est le mot qui a été utilisé - se confondrait purement et simplement avec l'intérêt de l'entreprise.
    M. Yves Fromion. Prouvez le contraire !
    M. François Hollande. Cela, vous en conviendrez, ne laisse guère de place au compromis.
    Ce choix a été d'autant plus malencontreux que vous venez de confirmer votre détermination à baisser de 5 % l'impôt sur le revenu, ce qui n'aura guère de conséquence sur les salariés payés au SMIC et, plus généralement, n'aura aucune portée sur la moitié des foyers fiscaux de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Comme vous avez encore confirmé cette intention aujourd'hui, avant même le débat du collectif budgétaire...
    M. Yves Nicolin. Les Français ont tranché là-dessus !
    M. François Hollande. ... permettez-moi de vous poser quelques questions.
    La décision de diminuer de 5 % l'impôt sur le revenu, d'écarter toute augmentation de la prime à l'emploi et toute baisse d'autres impôts pouvant toucher tous les consommateurs est-elle vraiment appropriée ?
    M. Patrick Labaune. Et la restauration !
    M. François Hollande. Mais la question de la restauration a été tranchée. Votre Premier ministre a dit qu'aucune baisse n'interviendrait avant 2004. Vous feriez bien de l'écouter. (Huées sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Permettez que l'on vous pose des questions simples : la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est-elle le moyen le plus efficace de relancer la consommation, de redonner confiance à la France qui travaille dur et gagne peu et d'assurer la justice fiscale ?
    M. Dominique Dord. Et, vous, qu'avez-vous fait ?
    M. Richard Cazenave. Les Français ont décidé. Vous avez perdu !
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous avez défini votre politique économique pour les mois qui viennent. Sans mettre en question votre bonne foi...
    M. Lucien Degauchy. Ah, tout de même !
    M. François Hollande. ... nous pouvons émettre des doutes sur les conditions de sa mise en oeuvre, tant sont grandes les incertitudes et multiples les contradictions.
    M. Yves Fromion. Vous n'avez pas facilité les choses.
    M. le président. Monsieur Fromion, je vous en prie.
    M. François Hollande. L'incertitude majeure tient à la croissance. Vous bâtissez, sans le dire, votre stratégie pour les dix-huit prochains mois, sur un rythme de progression de l'activité de 3 %. L'objectif est louable mais vous ne vous donnez aucun moyen de l'atteindre : la consommation n'est pas stimulée, l'investissement est, pour le moment, freiné par la conjoncture boursière, et les exportations peuvent être mises à mal par la faiblesse, aujourd'hui, du dollar.
    Dès lors, votre difficulté majeure en ce début de législature tient à l'ampleur...
    M. Lucien Degauchy. Des déficits que vous avez laissés !
    M. François Hollande. ... des promesses dont vous êtes dépositaire et qui ont été rappelées encore aujourd'hui.
    M. Jean Ueberschlag. La difficulté majeure tient à votre bilan !
    M. François Hollande. Aucun secteur n'a été oublié, aucun thème n'a été écarté, aucune catégorie n'a été abandonnée. Tout a été promis encore cet après-midi. Mais, dépositaires de toutes ces promesses, vous vous heurtez à l'étroitesse des marges de manoeuvre dont vous disposez. (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. A cause de qui ?
    M. Jean Ueberschlag. Quel aveu !
    M. le président. S'il vous plaît, laissez M. Hollande conclure !
    M. François Hollande. En quelques semaines, au cours de deux campagnes électrorales, vous avez additionné les annonces : vous avez promis près de 30 milliards d'euros de baisse d'impôts, à travers les diminutions de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de la TVA,...
    M. Patrick Labaune. Bien !
    M. François Hollande. ... annoncé une baisse des charges, notamment pour l'emploi des jeunes...
    M. Patrick Labaune. Très bien !
    M. François Hollande. ... avancé l'idée d'une diminution des cotisations salariales pour renforcer le pouvoir d'achat.
    M. Patrick Labaune. Bravo ! On va le faire.
    M. François Hollande. Mais vous ne vous êtes pas arrêtés sur le seul chemin de la baisse des prélèvements. Vous avez également emprunté la voie de l'augmentation de la dépense : des lois de programmation sont prévues pour la police, la justice, la défense.
    M. Richard Cazenave. La campagne électorale est terminée. Les Français ont tranché !
    M. François Hollande. Avant-hier encore, vous avez promis un milliard d'euros supplémentaire par an pour la défense et le lancement éventuel du deuxième porte-avions nucléaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Arrêtez d'aboyer !
    M. Jean Marsaudon. Vous, vous avez tout détruit !
    M. François Hollande. Quant à la maîtrise des dépenses de santé, elle a été abandonnée en chemin. Dans le même temps, les pouvoirs publics français ont confirmé que la France respecterait le pacte de stabilité en ramenant les déficits publics proches de l'équilibre en 2004.
    M. Richard Cazenave. Malgré votre déficit !
    M. François Hollande. Pour sortir de cet étau, il ne vous reste que deux expédients commodes.
    Le premier s'appelle l'audit.
    M. Yves Nicolin. Il vous gêne !
    M. Yves Fromion. Vous aviez fait pareil !
    M. François Hollande. L'opération a été programmée avant les élections législatives pour une utilisation au lendemain de celles-ci. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Cazenave. La campagne électorale est terminée !
    M. François Hollande. Vous étiez informés de toutes les données de la situation budgétaire puisque, depuis deux ans, celle-ci est remise chaque semaine au Président de la République, au Premier ministre, aux présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont M. Lambert, aujourd'hui ministre du budget. Vous ne pouvez pas faire semblant aujourd'hui de les découvrir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Labaune. M. Hollande a dépassé son temps de parole, monsieur le président !
    M. le président. Je vous invite à conclure, monsieur Hollande.
    M. François Hollande. Je vais conclure, monsieur le président. Mais si je n'étais pas interrompu, j'aurais déjà terminé.
    M. Jean Glavany. L'orateur est interrompu sans arrêt, monsieur le président.
    M. Richard Cazenave. Procès d'intention !
    M. le président. Monsieur Hollande, vous avez dépassé votre temps de parole de cinq minutes. Je vous invite donc à conclure, car nous sommes tenus par des impératifs. Chacun doit disposer du même temps de parole. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Votre second expédient, c'est l'Europe. Vous avez lancé des propositions dont vous saviez pertinemment qu'elles ne pourraient pas être acceptées par les autorités communautaires ou par nos partenaires. Ce faisant, vous avez pris le risque de faire une nouvelle fois de l'Union européenne le bouc émissaire de nos débats publics intérieurs. Cela vaut pour la baisse de la TVA sur la restauration, les CD et les disques, comme pour les dates de chasse.
    Pour terminer, monsieur le Premier ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), depuis votre nomination, on vous a fait de nombreux compliments.
    M. Eric Raoult. Ils sont mérités !
    M. François Hollande. On vous a présenté comme habile et ce n'est pas un défaut dans votre fonction et votre position.
    M. Yves Fromion. C'est une qualité.
    M. Patrick Labaune. Cela nous change !
    M. François Hollande. On vous dit doué d'une expérience locale, ce qui est toujours précieux, bon communicant, ce qui, dans la société actuelle, est plutôt un atout.
    Eh bien, de la dextérité, de la proximité, de l'agilité, il vous en faudra beaucoup pour répondre aux nombreuses attentes que vous avez fait naître, pour surmonter les contradictions que vous avez accepté d'accumuler et pour convaincre le pays de revenir sur des acquis sociaux dont vous aviez assuré le maintien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Herbillon. Il n'est pas question de ça !
    M. Patrick Labaune. Intox !
    M. François Hollande. Et vous êtes déjà sous la pression : celle de votre majorité et de ses impatiences, celle des catégories sociales auxquelles vous avez beaucoup promis, celle du MEDEF qui espère tant de vous. Certes, vous avez la durée : cinq ans !
    M. Michel Herbillon. Eh oui !
    M. Yves Nicolin. Vous l'avez eue, vous aussi !
    M. Dominique Dord. Qu'en avez-vous fait ?
    M. François Hollande. Mais son bon usage dépendra de la relation que vous serez capable d'établir avec les Français.
    Pour notre part, monsieur le Premier ministre, nous contestons et votre méthode, cette forme de libéralisme négocié (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.),...
    M. Patrick Labaune. Plus de méthode Jospin !
    M. François Hollande. ... et votre politique qui creusera les inégalités. (Mêmes mouvements.)
    M. Richard Cazenave. Ce n'est pas vrai !
    M. François Hollande. Dès lors, nous ne pouvons pas vous accorder notre confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Nicolin. Ce n'est pas grave !
    M. Dominique Dord. Nous n'en avons pas besoin !
    M. François Hollande. Mais, parce que nous sommes conscients de la gravité des enjeux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Laissez M. Hollande terminer !
    M. François Hollande. Monsieur le président, je vais terminer mais je fais remarquer à M. le Premier ministre que sa majorité donne le pire exemple qui soit (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)...
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. François Hollande. ... pour ce qui est du respect de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et de la bonne tenue de la discussion qu'il a appelée de ses voeux. (Mêmes mouvements.)Monsieur le Premier ministre, on dit votre majorité indocile. Elle est surtout discourtoise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle sera sévère non seulement à notre égard mais à l'égard de tous ceux qui ne partageront pas son avis. (Mêmes mouvements.)
    M. Jean Marsaudon. Provocation !
    M. François Hollande. Je termine donc en précisant que, parce que nous sommes conscients de la gravité des enjeux, nous ferons en sorte d'offrir sur chaque débat les voies et moyens d'une politique alternative. Ce sera notre manière de servir la démocratie et l'avenir de la France. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François Bayrou.
    M. Jean-Pierre Brard. Nous allons entendre la parole d'un homme libre, entre le marteau et l'enclume !
    M. François Bayrou. Mais pas le marteau et la faucille, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Elle est rouillée depuis longtemps !
    M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, vous engagez la responsabilité de votre gouvernement devant l'Assemblée nationale. Devant cette assemblée, vous n'aurez aucun mal à trouver une majorité et le groupe UDF sera une part active de cette majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous commencez par une génuflexion ! (Sourires.)
    M. François Bayrou. Mais le véritable engagement de responsabilité, monsieur le Premier ministre, c'est devant notre pays, ses citoyens, son histoire, que vous l'avez déposé.
    Vous êtes le dixième chef de gouvernement en vingt ans à venir à cette tribune pour engager la responsabilité d'un nouveau gouvernement. Chaque fois, surtout après une élection, les mots et l'espoir sont les mêmes.
    « La France vit aujourd'hui un moment d'espérance », déclarait, du haut de cette tribune, Jacques Chirac, le 9 avril 1986.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Jean Glavany. Ça n'a pas duré longtemps !
    M. François Bayrou. Deux ans après, c'était 1988.
    M. Jean Glavany. Eh oui !
    M. Maurice Leroy. Silence, il y en aura pour tout le monde ! (Sourires.)
    M. François Bayrou. « A temps nouveaux, pratiques résolument nouvelles » et, déjà, pratiques de proximité, proclamait Michel Rocard, le 29 juin 1988. Trois ans après, renvoi de Matignon,...
    M. Pierre Albertini. Mitterrand l'a tué !
    M. François Bayrou. ... cinq ans après, déroute électorale du Parti socialiste.
    « Voici que commence une nouvelle période de notre histoire. Les Français ont voulu changer de cap, apporter un élan nouveau à notre nation et à notre société les réformes qui lui assureront le progrès, l'équilibre et la justice. » affirmait Edouard Balladur le 8 avril 1993...
    M. Julien Dray. On ne pouvait l'oublier !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la distribution générale !
    M. Michel Herbillon. Il a oublié Mme Cresson !
    M. François Bayrou. Alain Juppé, le 23 mai 1995, et Lionel Jospin, le 19 juin 1997, ont tous les deux, employant les mêmes mots, annoncé qu'un « nouveau pacte républicain » allait être conclu avec les Français.
    M. Jean-Pierre Brard. Et François Bayrou arrive ! (Sourires.)
    M. François Bayrou. Chaque fois, les vainqueurs ont la certitude qu'ils ont durablement gagné. Chaque fois, après quelques mois ou peu d'années, ils sont détrompés par le corps électoral. Chaque fois, ils découvrent qu'ils avaient construit sur du sable.
    En réalité, le mal est plus profond. Le navire « France » ne répond plus à la barre. Les gouvernements, les majorités successives, de gauche et de droite, ont surchargé le navire sans jamais en rénover les structures, sans même avoir l'idée ou le pouvoir de cette rénovation. Aujourd'hui, ce sont les structures qui craquent.
    Pour autant, vous ne pouvez pas vous permettre de mettre le navire en cale sèche. Vous êtes au milieu de l'océan et vous avez à bord des femmes et des enfants et une cargaison précieuse.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Cassandre à Groix ! (Sourires.)
    M. François Bayrou. Il vous faut être à la fois architecte, charpentier, bon marin et capitaine.
    M. Jean Glavany. Vous avez été cinq ans ministre sans faire une seule réforme et maintenant vous faites l'éloge de la réforme !
    M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, en vérité, c'est sur ce point que votre responsabilité est engagée. La clef de la démocratie, c'est la confiance.
    Il faut retrouver la confiance du citoyen. Il faut que celui-ci ait confiance non seulement dans les pouvoirs mais également en lui-même, en son pouvoir de citoyen, en sa souveraineté. Il faut prouver que la décision des citoyens peut changer réellement le monde, proche ou lointain. Il faut faire en sorte que chaque citoyen français, même en temps de mondialisation, de globalisation, de démesure, de flambée ou d'écroulement, comme aujourd'hui, des marchés financiers, de nations géantes, de toute-puissance américaine, puisse croire à nouveau qu'il peut réellement changer sa vie.
    C'est pourquoi vous avez raison de commencer par la décentralisation. Il faut bâtir le pouvoir local et l'établir dans sa légitimité.
    Il faut d'abord le simplifier. Vous avez vu, monsieur le Premier ministre, le succès que vous avez obtenu il y a une heure en évoquant les SCOT - les schémas de cohérence territoriale - la loi SRU, l'artchitecture labyrinthique et compliquée dans laquelle même les élus locaux s'égarent et à laquelle les citoyens ne comprennent rien.
    Il va falloir avoir le courage de trancher sur ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je crois depuis longtemps que nous avons besoin de deux niveaux de pouvoir local, et de deux niveaux seulement. Un pouvoir de proximité : la commune et ces fédérations de communes que sont les intercommunalités. Un pouvoir d'aménagement qui ne pourra être que la région, fédérant les départements, qui en deviendront ainsi l'unité de base.
    Pour que la cohérence des deux niveaux soit affirmée, il conviendra - en tout cas, à mes yeux - que ce soient les mêmes élus qui administrent les communes et l'intercommunalité, les mêmes élus qui administrent les départements et la région. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Et pour que la légitimité des deux niveaux soit affirmée et que les décisions soient débattues et contrôlées par les citoyens, il conviendra que les présidents des intercommunalités et celui de la région soient élus au suffrage universel. Voilà les idées que nous défendons. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste. - « Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Eh bien, nous en débattrons.
    Le nouveau pouvoir local, ce n'est pas une mode, c'est un besoin. Le pouvoir local multiplie les responsables, si bien que le citoyen trouve quelqu'un à qui s'adresser directement. Et plus de responsables - des centaines ou des milliers -, c'est davantage d'innovations.
    Il nous faudra aussi rénover le pouvoir national.
    Il y a un besoin de nation. Pourquoi ? Parce que la nation est le truchement naturel entre l'individuel et l'universel. Son histoire, sa langue, sa représentation dans la figure de l'Etat rendent la nation indispensable aux Français.
    Mais la nation n'est rien sans les institutions qui lui permettent de s'exprimer et d'agir. Or nos institutions ont grand besoin de se refonder.
    Un choix a été fait, pas maintenant, mais en 1962, il y a quarante années : puisque le Président est élu au suffrage universel, nous vivons de fait en régime présidentiel. Mais ce régime présidentiel doit être équilibré.
    Au lieu d'avoir cette aberration que fut la Ve République dans ces dernières années, avec un Président faible et un Parlement faible, nous suggérons le contraire : un Président fort avec un Parlement fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Un Parlement fort, c'est un Parlement qui contrôle, un Parlement qui s'exprime, un Parlement à qui, par exemple, est reconnu le pouvoir réel de proposer des lois.
    Pour que le Parlement contrôle, il lui faut les moyens du contrôle. Il faut qu'il puisse saisir, par exemple, la Cour des comptes ou missionner des audits indépendants. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Pour que le Parlement puisse proposer des lois, il lui faudra bien davantage qu'il ne l'a aujourd'hui une certaine maîtrise de son ordre du jour. (Même mouvement.)
    M. Jean-Pierre Brard. Très juste !
    M. François Bayrou. Enfin, pour que le Parlement soit fort, il faudra bien qu'en son sein soit assurée la représentation de tous les grands courants du pays. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Il faudra donc que soit mise en chantier, un jour ou l'autre, une réforme de notre mode de scrutin. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) De cela aussi, nous débattrons.
    M. René Couanau. Eh oui !
    M. François Bayrou. Le mode de scrutin futur devra donner trois assurances : l'assurance d'une majorité pour gouverner ; l'assurance d'une représentation de tous les grands courants du pays pour que le débat ait lieu ici et pas ailleurs ; l'assurance d'une représentation équitable des territoires qui composent la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Si j'ai bonne mémoire, une commission à laquelle participaient des membres éminents de tous les courants de notre assemblée, la commission Vedel, avait proposé explicitement l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le suffrage qui permet d'élire l'Assemblée nationale. (« Non ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. François Bayrou. Nos institutions nationales ont besoin de refondation. Il nous faudra l'entreprendre, et nous sommes prêts à vous y aider.
    Les cinq années qui viennent vont être cruciales pour le pouvoir européen. Pendant ces cinq années interviendra le nouveau traité et, nous l'espérons, la constitution qui répondra à la question de l'avenir de l'Europe.
    Le rêve européen est aujourd'hui menacé. Avant nous, des générations de visionnaires ont construit l'Europe pour la paix. Il nous faut aujourd'hui construire l'Europe pour retrouver l'accès à la puissance.
    Tout ce qui est précieux pour nous - nos modes de vie, nos traditions, nos cultures, nos langues, la défense d'un idéal humaniste et universel, comme vous l'avez dit -, tout cela dépend d'une seule question : serons-nous capables ou non de bâtir au service de nos identités une véritable puissance ?
    Si nous nous révélons incapables de construire cette puissance, nos protestations morales ou culturelles seront vaines. Car la force des armes, la force diplomatique, la force commerciale, la force économique, la force de la recherche publique, la force des normes, tout cela balaiera notre existence, et nos différences et nos idendités ne seront plus que des nostalgies.
    On le voit bien pour la monnaie. Séparées, nos monnaies étaient ballotées. Aujourd'hui, notre monnaie fédérée fait jeu égal avec la plus puissante des plus puissantes monnaies de la planète.
    Notre effort doit donc tendre dans une seule direction : faire adhérer les citoyens, tous les citoyens, à l'idée et à l'idéal européens.
    Pour cela, il faut sans cesse expliquer le projet. Fédérer, c'est écrire en article premier le respect des différences. Les différences, en Europe, ne sont pas en voie d'effacement. Les différences sont bienvenues et protégées. Il ne s'agit pas de parler une langue unique ; c'est le contraire. Il ne s'agit pas d'obéir à un pouvoir unique ; c'est le contraire. Il s'agit de faire ensemble ce que nous ne pouvons pas faire tout seuls. Il ne s'agit pas d'effacer nos identités, mais de fédérer les identités différentes pour que chacune soit protégée.
    Il nous faut sans cesse simplifier. La Constitution européenne devrait, dans ses principes, tenir en une page, pour qu'on puisse la transmettre à tous les citoyens et à tous les futurs citoyens du pays.
    Enfin, il faut légitimer. Partout où il y a pouvoir, il faut qu'il y ait légitimité et contrôle. A toute fédération, il faut un fédérateur légitime. Pour que l'homme ou la femme qui représentera l'Europe puisse parler au nom des citoyens et entraîner l'action de tant d'Etats différents, il faudra qu'il tire sa légitimité de la volonté souveraine des citoyens de l'Europe et donc, directement ou indirectement, du suffrage universel.
    Je vous rappellerai les quatre enjeux immédiats : l'harmonisation des politiques économiques et budgétaires, et les rendez-vous que nous avons pris ; la convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing, pour que la réforme des institutions et l'élargissement aillent de pair ; le vote à la majorité qualifiée du Conseil, proposé même par le Royaume-Uni ; des initiatives assez fortes en matière de défense pour que l'Europe soit respectée et présente sur la scène du monde.
    Voilà pour la charpente du bateau. C'est un profond travail de rénovation qui nous attend.
    Mais il y a l'équipage. Et pour que l'équipage ait envie de servir le bateau, il faut résoudre ses problèmes. Je veux en citer un petit nombre, en choisissant ceux qui n'ont pas été très abordés pendant la campagne électorale.
    Je mettrai au premier rang d'entre eux la place, le soutien et la reconnaissance dus au travail dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Depuis des décennies, malgré les avertissements nombreux et les déclarations vertueuses, nous n'avons pas fait du travail ce qu'il doit être, c'est-à-dire le plus efficace des instruments d'intégration et la première ressource collective de la nation.
    M. François Sauvadet. Très juste !
    M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, il va falloir que nous nous décidions à payer le travail à son juste prix, et il nous faut multiplier le travail. Ce n'est pas incompatible. La feuille de paie n'est pas l'ennemi de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocaratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle doit en être l'alliée et vous connaissez la clef de cette politique. La clef, c'est la baisse des charges. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Pour multiplier les emplois et mieux payer le travail, pour que les entreprises n'aient pas à supporter des contributions supplémentaires. Il faut - il aurait fallu - que toutes les marges de manoeuvre de la nation soit dirigées en priorité vers la baisse des charges.
    Il y a, monsieur le Premier ministre, une question urgente qui touche à la santé. Ce que nous avons fait, les uns et les autres, ces dernières années, dans le secteur de la santé est à pleurer. Une gestion à courte vue de la démographie médicale, de la démographie infirmière, fait qu'aujourd'hui les médecins ne trouvent pas de succession, les infirmières ne trouvent pas de remplaçantes. Les médecins s'en vont, les infirmières s'en vont. Dans le département de la Mayenne où j'étais il y a quelques semaines, il y avait, il y a quelques années, 350 médecins généralistes ; il n'y en a plus que 200. Dans un des cantons de ma circonscription, il y avait, il y a deux ans, dix-sept infirmières libérales, il n'y en a plus que dix.
    M. Jacques Myard. Que fait le conseil général ?
    M. François Bayrou. Les personnes dépendantes se trouvent sans infirmière, et les services infirmiers de soins à domicile ne peuvent pas se créer faute des ressources élémentaires qui leur permettraient de vivre.
    Le monde de la santé est dans une inquiétude profonde et cette inquiétude ne se limite pas au prix de la consultation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Médecine publique, médecine libérale, professions de santé, il faut reconstruire la maison.
    Il y a une urgente question de l'agriculture. Les agriculteurs français s'inquiètent plus qu'ils ne l'ont jamais fait depuis cinquante ans. La politique entièrement fondée sur les aides directes où le contribuable paie pour le consommateur, où le prix des produits agricoles a été artificiellement effondré, a profondément démoralisé ce milieu professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Sauvadet. En effet !
    M. François Bayrou. Et tous savent que l'élargissement européen arrive.
    Si l'on continue ainsi, la démoralisation l'emportera. C'est la France entière qui souffrirait à devenir un pays sans paysans.
    Ceux qui sont attachés à l'équilibre de la planète, au développement durable, regardent avec désespoir cette évolution. Car si les paysans français, qui sont parmi les plus productifs du monde, ne peuvent pas vivre de leur travail, alors, que peut-il en être des paysans du Mali, de la Côte d'Ivoire ou du Burkina-Faso ? Retouver un marché équilibré et rémunérateur, ce n'est pas seulement un enjeu pour l'agriculture française et européenne, c'est un enjeu pour la planète.
    La France et l'Europe ont un problème urgent en matière de politique du développement, de soutien et d'assistance au tiers monde. Nous avons lu hier que les pires scénarios sont dépassés en matière d'épidémie de sida. Comment lire sans trembler que 45 % des femmes enceintes du Botswana sont aujourd'hui atteintes par le virus ? Notre indifférence et notre inaction devraient nous faire honte.
    Notre pays a un problème urgent avec la dépense publique. Faute de courage sans doute, nous n'avons jamais traité la question au fond. La dépense publique est légitime. Elle est un élément d'équilibre des sociétés comme les nôtres, mais elle ne peut pas être une fuite en avant. Quand les choses vont bien, on dépense plus puisqu'on trouve des « cagnottes » ; et quand les choses vont mal, on dépense plus puisqu'il y a davantage de besoins.
    Si nous sommes responsables et courageux, nous devons traiter cette question. Et je souhaiterais que nous le fassions de manière trans-partisane, puisque c'est un problème qui se pose et se posera à nous tous.
    Il y a une question urgente de la réforme de l'Etat, de raccourcissement de ses circuits de décision, de clarification de ses missions, de distinction claire entre les missions de terrain, qui demandent un investissement humain dans le long terme et des missions plus administratives, sur lesquelles des allégements et les gains de productivité peuvent et doivent être obtenus.
    Monsieur le Premier ministre, cette énumération, qui a laissé de côté bien des sujets que vous avez abordés et que nous traiterons ensemble, à commencer par les retraites, la sécurité ou l'éducation...
    M. René Couanau. L'école !
    M. François Bayrou. ... cette énumération donne la dimension du défi.
    En réalité, je crois que vous avez devant vous la tâche la plus lourde qu'aucun pouvoir, aucune majorité, aucun gouvernement ait eu à conduire depuis quarante années, depuis le drame algérien.
    Pour répondre à ces défis, vous avez aujourd'hui plus de pouvoir qu'aucun gouvernement depuis que la République existe : l'ensemble du pouvoir exécutif, l'ensemble du pouvoir législatif, une grande proximité avec la majorité des membres des grandes institutions de contrôle. Tout cela pour un seul parti ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez fait l'analyse que c'est ainsi que vous pourriez agir. Il y a sans doute dans cette situation de grandes facilités. Je veux vous dire qu'il y a aussi de grands risques. Le risque d'un pouvoir absolu, quand il a raison, c'est qu'il oublie de convaincre. Mais le risque pour le pouvoir absolu, quand il se trompe, c'est qu'il se trompe absolument. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Car il n'y a plus les signaux d'alerte qui l'invitent à changer de chemin.
    M. Jean Marsaudon. Oiseau de mauvais augure !
    M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, je souhaite pour vous et pour notre pays que vous conjuriez et évitiez tous ces risques. Nous sommes là pour vous y aider. C'est pour cela que nous avons choisi l'indépendance, qui fait la liberté de parole. Lorsque vous choisirez de bonnes orientations et que vous ferez des choix justes et courageux, notre appui ne vous sera pas ménagé. Et s'il arrive que vous preniez un chemin dangereux, nous serons là pour vous parler librement.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui aime bien châtie bien !
    M. François Bayrou. Nous savons que votre tâche est difficile, nous ne l'oublierons pas chemin faisant. Nous savons que votre équipe comporte des femmes et des hommes estimables et de valeur.
    M. Jean-Pierre Brard. Sans plus !
    M. François Bayrou. C'est parce que nous sommes libres que nous pourrons vous aider. L'alliance de femmes et d'hommes libres, c'est le meilleur des soutiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

    M. Alain Bocquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, aujourd'hui, en France, tous les leviers de commande sont aux mains de la droite. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Carayon. Pas les médias.
    M. Yves Nicolin. Pas les syndicats.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ce sont les Français qui l'ont voulu ainsi !
    M. Alain Bocquet. Ici même à l'Assemblée nationale, c'est une majorité écrasante, aux ordres, caporalisée qui domine. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Pour autant, il serait dangereux pour la démocratie...
    M. Patrick Labaune. Vous pouvez en parler, de la démocratie !
    M. Alain Bocquet. ... d'oublier les messages forts adressés par les Françaises et les Français le 21 avril dernier.
    M. Yves Nicolin. « Robert Hue, dehors ! » (Sourires.)
    M. Alain Bocquet. Jacques Chirac et son programme n'ont obtenu au premier tour qu'à peine 20 % des suffrages exprimés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Carayon. Et Hue, 3 % !
    M. Lucien Degauchy. D'ailleurs, pourquoi avez-vous vingt minutes de temps de parole ?
    M. le président. Laissez M. Bocquet parler, s'il vous plaît ! Monsieur Degauchy le premier !
    M. Alain Bocquet. Président de la République sortant, il a rassemblé 13,75 % des électeurs inscrits. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Nicolin. Et le Premier ministre sortant ?
    M. Jacques Desallangre. La vérité blesse !
    M. Yves Nicolin. Et combien a fait Hue ?
    M. Jean Marsaudon. Seulement 3 % !
    M. Alain Bocquet. On retrouve ce climat d'intolérance que nous avons déjà connu. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Bocquet, ne les provoquez pas.
    M. Alain Bocquet. La provocation vient de l'hémicycle, monsieur le président.
    M. le président. Continuez votre discours, monsieur Bocquet !
    M. Alain Bocquet. C'est ce que je veux faire, sereinement.
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas une assemblée, c'est un chenil !
    M. Alain Bocquet. Quant au second tour, la majorité des électeurs et des électrices ont exprimé un vote par défaut, avec la ferme volonté de faire barrage à l'extrême droite.
    M. François Vannson. Et aux législatives ?
    M. Alain Bocquet. C'est dire la profondeur de la fracture politique, corollaire de la fracture sociale. C'est dire combien nos institutions sont à bout de souffle. Cela appelle à l'évidence la construction d'une nouvelle République.
    De la récente période politique que nous venons de vivre, nous devons tirer tous les enseignements. Notre peuple aspire à changer d'époque politique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Charles de Courson. C'est pour cela qu'il vous renvoie aux oubliettes de l'Histoire !
    M. Alain Bocquet. Un peu de tolérance, mes chers collègues !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Notre peuple aspire à changer d'époque politique, car il n'en peut plus de n'être jamais écouté. (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il n'en peut plus des promesses non tenues.
    M. Patrick Ollier. Justement, il a voté !
    M. Alain Bocquet. Le système que vous mettez à l'oeuvre, produit de la mondialisation capitaliste et financière et de l'Europe de Maastricht (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), oui, messieurs, est incapable de répondre aux aspirations individuelles et collectives des femmes et des hommes, à leurs exigences de dignité, de reconnaissance sociale, de participation aux décisions qui les concernent.
    Le vent de panique qui a saisi Wall Street et les bourses européennes ces derniers jours n'augure rien de bon au moment où nous entamons cette nouvelle législature.
    D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à crier casse-cou à propos de ce système pervers et impitoyable. Ecoutez ces phrases d'un expert : « Ces intermédiaires, fonds de pension ou SICAV, qui gèrent de l'argent pour le compte de tiers se livrent une concurrence féroce [...]. Pour eux, l'alternative est simple : soit l'affaire dont ils sont actionnaires a une rentabilité de 15 % par an, soit ils demandent que l'entreprise soit liquidée. Le raisonnement paraît simpliste, mais c'est vraiment le leur : regardez donc ce qui se passe avec Vivendi !... Quand on vous demande l'impossible, comment faire ? Exiger une rentabilité de 15 % des fonds propres quand l'économie croît de 3 %, cela n'a aucun sens... »
    Celui qui s'exprime ainsi n'est pas un économiste marxiste.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Il n'y en a plus !
    M. Alain Bocquet. C'est M. Michel David-Weill, président de la Banque Lazard, fin connaisseur du système en cause. (« Oh ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maurice Leroy. Il était trotskiste !
    M. Alain Bocquet. Et dans ce système, avec les mesures que vous vous proposez de conforter et de défendre, monsieur le Premier ministre...
    M. Jean-Pierre Brard. Il n'écoute pas !
    M. Alain Bocquet. ... la charrette des licenciements...
    M. Lucien Degauchy. Vous-même, vous licenciez à tour de bras au PC !
    M. Patrick Labaune. Et à l'Humanité !
    M. Alain Bocquet. ... est condamnée à faire, plus que jamais, la bonne santé de l'actionnariat.
    Ce n'est pas avec la baisse uniforme et démagogique de l'impôt sur le revenu, que vous vous apprêtez à faire voter, que vous remédierez à ces logiques destructrices. Avec une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, vous préférez, en fait, offrir un cadeau royal aux contribuables les plus aisés.
    M. André Gerin. Au capital !
    M. Maxime Gremetz et M. Jacques Desallangre. A 1 % de la population !
    M. Alain Bocquet. A eux seuls, 1 % des Français les plus riches empocheront 30 % des 2,7 milliards d'euros que coûte cette mesure à l'Etat.
    M. Jacques Desallangre. Applaudissez !
    M. Alain Bocquet. Et cette somme importante manquera pour les dépenses utiles en faveur de la santé, de l'école, de la sécurité, de l'économie, de la culture et de la justice.
    M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
    M. Alain Bocquet. De plus, vous venez de dire brutalement non à un coup de pouce du SMIC (Oh ! sur les bancs du groupe de député-e-s communistes et républicains) comme vous vous apprêtez à dire non à l'augmentation de l'allocation logement. De fait, les inégalités sociales gangrènent notre société. Or, par vos premières mesures, vous allez les aggraver.
    Comment vivre aujourd'hui avec moins de 900 euros par mois ? C'est pourtant le lot de plus de 2 600 000 de nos compatriotes ou des 4 millions qui vivent sous le seuil de pauvreté.
    M. Lucien Degauchy. Il fallait y penser il y a quelques mois !
    M. Alain Bocquet. Comment faire face quand on sait que les loyers représentent, à eux seuls, 30 % des dépenses incompressibles ? Que reste-t-il des belles déclarations du Président Chirac qui déclarait, le 14 juillet 2000, la main sur le coeur : « La feuille de paie n'est pas ennemie de l'emploi » ?
    Une augmentation du SMIC de 5 %, tout de suite, et une augmentation généralisée des salaires permettrait de relancer la consommation et l'économie. Elle serait une réponse de justice sociale face à la hausse indécente de 36 % des rémunérations des PDG de sociétés cotées au CAC 40 qui perçoivent, en moyenne, 140 fois le SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ou qui, quand ils sont remerciés, comme Jean-Marie Messier, peuvent recevoir une prime de départ de 12 millions d'euros.
    M. André Gerin. C'est scandaleux !
    M. Patrick Labaune. On rêve !
    M. Alain Bocquet. Votre politique ne peut que continuer à encourager cette dérive insultante pour tous ceux qui souffrent dans notre pays, et elle va au devant des exigences du MEDEF et de la haute finance. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Patrick Labaune. Qu'a fait Gayssot ? (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Bocquet. C'est vrai en matière de réforme de la fiscalité ou de remodelage du droit du travail avec, entre autres dossiers, celui des 35 heures. C'est vrai encore en matière de contestation du service public - vous l'avez affirmé tout à l'heure - et d'atteinte au droit de grève sous couvert d'instauration d'un service minimum. C'est vrai enfin, pour m'en tenir à des préoccupations prioritaires des Français, en matière de retraite où l'irruption généralisée des fonds de pension à l'américaine n'attend plus que votre feu vert pour se réaliser.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Alain Bocquet. Tout entier tourné vers les classes les plus favorisées de notre société, c'est bien un nouvel « enrichissez-vous ! » que votre gouvernement s'apprête à lancer aux tenants du libéralisme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous reprenez au fond la formule d'un ministre des finances du xixe siècle : « Faisons payer les pauvres, ils sont plus nombreux ! » (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Votre choix de société, inspiré du modèle américain...
    M. Patrick Labaune. Non, chinois ! comme à Shanghai !
    M. Alain Bocquet. ... conduit à des reculs sévères de civilisation.
    M. Jean-Michel Ferrand. Et votre modèle, c'est le modèle soviétique ?
    M. Alain Bocquet. Eh bien nous ferons tout pour résister avec le mouvement social et progressiste de notre pays.
    M. Yves Nicolin. Caricature !
    M. Jean-Michel Ferrand. Modernisez votre discours !
    M. Alain Bocquet. Les cibles que vous désignez sont également bien connues et vos premières mesures sont les signes avant-coureurs d'une France sécuritaire qui s'inscrit dans le droit-fil du sommet de Séville sur l'immigration. Elles nous incitent à vous mettre fermement en garde contre les surenchères auxquelles menace de conduire tout droit le populisme électoral d'avril et de juin.
    La sécurité et la tranquillité de vie auxquelles aspirent légitimement les Françaises et les Français ne méritent pas d'être traitées par l'exaspération des peurs, ni par l'aggravation des divisions entre nos concitoyens ni par le risque d'un dérapage dans le tout-répressif. En réclamant le doublement en cinq ans des budgets de la justice et de la police, les parlementaires communistes, avec d'autres, vous rappellent au devoir d'aller jusqu'au bout des actions de prévention, de protection, de lutte sans merci contre la délinquance ou le banditisme, contre la drogue, les fraudes et le blanchiment de l'argent. N'oublions pas que la première insécurité, chacun le sait, c'est l'insécurité sociale.
    De même, sur le plan international, vous trouverez des députés communistes et républicains déterminés à agir dans le sens de coopérations approfondies et équitables pour le rapprochement et l'amitié des peuples, pour le codéveloppement, pour le désarmement et pour la paix.
    Notre pays doit peser pour contribuer à imposer l'arrêt des violences d'Etat et des actes de terrorisme dont sont victimes les peuples palestinien et israélien,...
    M. Francis Delattre. Et à Cuba !
    M. Alain Bocquet. ... et pour les aider à trouver une issue politique internationale dans le respect de l'intégrité de chacun. Qu'attend-on pour agir efficacement afin de mettre en place une force d'interposition au Moyen-Orient ? La France a aussi son rôle à jouer auprès de l'Europe pour empêcher que les Etats-Unis décident, dans leur toute-puissance, de faire la guerre là où sont leurs intérêts particuliers, dans le mépris absolu de populations déjà affaiblies.
    Ces derniers jours, l'Union européenne a rappelé à la rigueur budgétaire et sociale. Votre gouvernement et votre majorité, chacun le sent bien, ne demandent qu'à obtempérer. Pour notre part, nous agirons et interviendrons en faveur d'une autre orientation de la construction européenne, c'est-à-dire une Europe sociale, démocratique et citoyenne, oeuvrant pour une alternative de développement solidaire.
    M. Patrick Labaune. Et révolutionnaire !
    M. Alain Bocquet. Ces exigences nécessitent la remise en cause du pacte de stabilité, une réforme de la politique agricole commune respectueuse des attentes légitimes de nos agriculteurs, la renégociation des traités européens, dont celui de Maastricht, et la revalorisation du rôle du Parlement européen en laissant toute leur place aux parlements nationaux.
    Cette nouvelle orientation est indispensable pour pouvoir engager, en France, de vraies réformes de fond dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et citoyenne.
    Cela concerne d'abord l'emploi, l'éradication du chômage, une nouvelle répartition et utilisation des richesses au service d'une politique audacieuse. Une politique de développement de la croissance adossée à une relance de la consommation, qui prendrait appui sur une nouvelle politique industrielle de la France. Une politique de soutien actif aux dépenses de formation, de qualification et d'éducation, de santé, de logement, secteur prioritaire, à laquelle le service public pourrait donner toute sa dimension. Une politique de justice sociale qui passe par une revalorisation du travail et des salaires et qui suppose une révision à la hausse des prestations familiales, des minima sociaux, des retraites et des pensions de reversion, des allocations spécifiques bénéficiant à certaines catégories de nos concitoyens comme les personnes handicapées.
    M. François Vannson. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Alain Bocquet. L'interdiction des licenciements boursiers, la résorption de la précarité, la parité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, l'affirmation de droits nouveaux pour les salariés, la reconnaissance des accords majoritaires dans les entreprises (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), le contrôle des fonds publics, la mise en place tout au long de la vie d'un système d'emploi et de formation garantie, l'abandon du PARE, la réforme du crédit bancaire en faveur des PME-PMI, du commerce et de l'artisanat, constituent les piliers d'une telle politique générale.
    Les pressions s'affirment, à tous les niveaux, pour accélérer et amplifier les privatisations, vous l'avez évoqué et vous êtes prêt pour aller dans ce sens. Nous nous opposerons résolument à toute privatisation et nous nous prononcerons, comme nous l'avons toujours fait, pour le développement du secteur public de l'énergie, des transports, des télécommunications, de la santé, de l'éducation et de la sécurité.
    Nous serons également à l'initiative pour proposer d'étendre la responsabilité publique à de nouveaux domaines comme l'eau, le crédit ou l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Tourjours dans le souci de justice sociale, nous oeuvrerons pour qu'une véritable politique en faveur des jeunes puisse répondre à leurs aspirations et en finir avec les discriminations, le racisme et le mépris, la précarité et la mal-vie. Nous avons fait adopter sous la précédente législature le principe de mise en place d'une allocation mensuelle d'autonomie aux dix-huit - vingt-cinq ans. Nous aurions à coeur de nous battre dans cette législature pour faire aboutir cette proprosition. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous serons également très présents aux côtés du mouvement social pour la défense de notre système de retraite par répartition, pour le droit à la retraite à soixante ans, pour la généralisation des 37,5 annuités et contre les fonds de pension, ce qui suppose d'abroger les décrets Balladur.
    M. Yves Nicolin. Avec ces propositions, vous avez fait 3 % !
    M. Alain Bocquet. Enfin, nous redéposons aujourd'hui même la proposition que nous avions défendue à l'automne dernier visant à ouvrir le droit à la retraite avant soixante ans pour les centaines de milliers de nos concitoyens ayant atteint ou dépassé les quarante annuités après avoir travaillé souvent très dur dès leur plus jeune âge. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela libérerait en outre plusieurs centaines de milliers d'emplois pour les jeunes.
    Le droit à la santé, la réforme du financement de la protection sociale par la mise à contribution des capitaux boursiers, le développement des moyens et de l'emploi de l'hôpital public, en priorité, l'instauration d'un cinquième risque géré par la sécurité sociale pour faire face aux différentes situations de dépendance, le relèvement du seuil d'accession à la couverture maladie universelle, la réforme de la loi de 1975, vous l'avez évoquée, pour les personnes handicapées et, bien évidemment, le retour à l'élection par les assurés sociaux des administrateurs des caisses de sécurité sociale, voici autant d'axes de travail qu'une politique sociale audacieuse se donnerait pour mission de faire progresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Michel Ferrand. Pourquoi n'avez-vous pas mené une telle politique ?
    M. Alain Bocquet. Parce que nous étions la minorité de la majorité, monsieur le député ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Michel Ferrand. Vous avez désigné les coupables ! Quel aveu !
    M. le président. Monsieur Ferrand, s'il vous plaît !
    M. Alain Bocquet. Donnez-nous la majorité et vous verrez ! D'ailleurs, tout ce que je viens de dire, nous l'avions proposé lors de la précédente législature.
    M. Jean-Michel Ferrand. Mais vous avez voté avec eux !
    M. Patrick Labaune. Rejoignez-nous !
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, laissez l'orateur terminer.
    M. Alain Bocquet. Nos concitoyens seront déterminés, comme nous-mêmes, à empêcher tout retour en arrière. Bien évidemment, ils nous trouveront à leurs côtés pour pousser l'aspiration à une protection sociale de haut niveau jusqu'à son terme, ce qui exige prioritairement l'abandon du plan Juppé.
    Ces enjeux, ces besoins s'étendent à l'ensemble des aspects de la vie quotidienne : la culture, avec la défense de l'exception culturelle française, le sport et les transports. Ils concernent aussi en priorité le logement social, victime des errances, des erreurs, des retards et des insuffisances de plus de vingt ans de politique de la ville.
    M. Lucien Degauchy. Vingt ans de politique de gauche !
    M. Alain Bocquet. A cet égard, il faut moins de réunions, moins de procédures, moins d'administration tatillonne (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), moins de visites, moins de discours (« Oui ! » sur les mêmes bancs), plus de crédits mis plus rapidement à la disposition des collectivités territoriales et plus de moyens en faveur des bailleurs sociaux. (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)
    La décentralisation doit certes franchir une nouvelle étape, mais avec de vrais moyens et une plus grande confiance envers les élus et les acteurs de terrain.
    M. Lucien Degauchy. Cela promet une belle bataille à l'intérieur de votre groupe !
    M. le président. Monsieur Degauchy, vous n'avez pas la parole !
    M. Alain Bocquet. Dans un même mouvement, il faut mettre fin à la bureaucratie française. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Les citoyens étouffent sous les paperasseries et lenteurs. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.) Ils sont renvoyés de guichet en guichet. Ils en ont assez, particulièrement ceux qui subissent les difficultés les plus lourdes. Cela n'autorise pas pour autant, monsieur le Premier ministre, le recours aux ordonnances de sinistre mémoire.
    M. Yves Nicolin. Il faut savoir ce que l'on veut !
    M. Alain Bocquet. Monsieur le premier ministre, la politique que vous annoncez, définie par Jacques Chirac durant la campagne présidentielle, ne permettra pas de faire face aux vrais enjeux.
    M. Yves Nicolin. Mais si !
    M. Alain Bocquet. Pour une raison de fond : vous n'avez pas dit un seul mot sur la spéculation financière, vous n'avez pas dit un seul mot sur les licenciements boursiers.
    M. Lucien Degauchy. Vous le ferez vous-même !
    M. Alain Bocquet. Vous ne vous attaquez pas à la racine du mal. Vous ne pourrez donc apporter les réponses qu'attendent les Françaises et les Français.
    Nous saurons intervenir, dans la législature qui s'ouvre, en force d'opposition et de résistance aux choix que vous entendez mettre en oeuvre et qui porteront atteinte aux intérêts de nos concitoyens. Mais nous agirons également comme une force de proposition et de progrès pour construire une alternative de société authentiquement porteuse des changements qu'attend notre peuple et qu'exige l'essor de notre pays.
    Pour conclure, j'ajouterai que, malgré nos revers électoraux,...
    M. Yves Nicolin. 3 % !
    M. Patrick Labaune. Notamment dans les classes populaires !
    M. Alain Bocquet. ... l'existence dans cette assemblée d'un « groupe des député-e-s communistes et républicains »,...
    M. Lucien Degauchy. Ils peuvent se réunir dans une cabine téléphonique !
    M. Alain Bocquet. ... qui a réjoui beaucoup de démocrates, sera un point d'appui solide pour le monde du travail et la création.
    M. Jean-Michel Ferrand. Cela changera de la précédente législature !
    M. Alain Bocquet. Les combats de demain seront nourris par l'aspiration à plus de justice sociale, à plus de liberté, à plus de solidarité, à plus de fraternité dans un monde plus humain et de paix.
    M. Lucien Degauchy. Moins de communistes !
    M. Alain Bocquet. « On n'arrête pas une idée dont le temps est venu », écrivait Victor Hugo.
    Monsieur le premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, « la Commune n'est pas morte ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Auclair. Les communistes, si !
    M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, la démocratie a ses règles et l'alternance a ses devoirs. Le 16 juin, le suffrage universel a tranché : il vous a accordé une large victoire. Nous ne pouvons que la reconnaître et vous souhaiter bonne chance dans cette nouvelle fonction puisqu'il s'agit du destin de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Votre déclaration de politique générale se veut tranquilisante, sinon sédative. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer. Il avait pourtant bien commencé !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Quand vous dites « proximité », « forces vives », « humanisation », chacun est naturellement d'accord sur ces paroles oecuméniques. Mais est-ce là l'essentiel d'une politique ?
    Nous sortons d'une campagne électorale qui a été un peu cotoneuse, où certains ont semblé esquiver le débat sur les problèmes de fond : emploi, pouvoir d'achat, services publics, environnement. Vous avez fait patte de velours, un peu dans le style patelin de Raminagrobis, déjà expert en communication. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. C'est dommage, il avait bien commencé !
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Vous vous êtes souvent limité à des propos généraux destinés à rassurer chacun et à n'effaroucher personne. Désireux de ratisser large - ce que vous avez réussi -, vous avez mené une campagne du non-dit, comme si vous recherchiez le consensus par le silence, ou du moins par des propos sibyllins, comme si vous appliquiez, au fond, la maxime du cardinal de Bernis : « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. »
    Cette phase est maintenant terminée. Voici enfin le temps du débat. Votre gouvernement n'a que quelques semaines et il est donc trop tôt pour vous juger sur vos actes, mais il est déjà possible de vous juger sur vos intentions telles qu'elles apparaissent à travers cette déclaration de politique générale ou certaines prises de position de vos ministres. Ce jugement se fonde sur deux critères : le respect de la justice sociale, le respect des droits du Parlement.
    M. Bernard Accoyer. C'est déjà pas mal !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ainsi que l'a rappelé François Hollande, la législature précédente a adopté plusieurs lois qui ont renforcé la solidarité...
    M. Jean-Luc Reitzer. Les mesures n'étaient pas financées !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... telles que celles relatives aux emplois-jeunes, à la prime pour l'emploi, à la baisse équitable de l'impôt sur le revenu, à la CMU, à l'allocation personnalisée d'autonomie.
    M. Jean-Luc Reitzer. Qui paie ?
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Les députés RPR, UDF et DL, qui forment aujourd'hui la nouvelle majorité, n'ont pas adopté ces lois : ils ont voté contre ou se sont abstenus.
    M. Bernard Accoyer. Parce qu'elles n'étaient pas financées !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Dans ces conditions, que vont devenir ces nouveaux acquis sociaux ? Par ailleurs, que va devenir le financement de l'assurance maladie quand votre secrétaire d'Etat aux professions libérales déclare qu'il n'y a pas d'autre solution que la hausse des cotisations et quand il ajoute que « celui qui dirait autre chose serait un charlatan » ?
    Que va devenir le droit à la retraite à soixante ans quand votre ministre des affaires sociales déclare que le couperet des soixante ans est inadapté et que l'on n'échappera pas à un allongement des durées de cotisation ?
    M. Yves Nicolin. Il a raison !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Que vont devenir les avancées réalisées pour le développement durable quand votre ministre de l'écologie, sitôt nommée, fait l'éloge vibrant du « tout nucléaire » ?
    Enfin, que va devenir la justice fiscale quand votre ministre chargé du budget envisage une baisse uniforme de 5 % de l'impôt sur le revenu, qui rapportera beaucoup aux hauts revenus, très peu aux autres et rien du tout aux 50 % de Français qui ne sont pas assujettis à cet impôt ?
    En outre, la pérennité de la prime pour l'emploi attribuée aux 9 millions de ménages à faibles revenus est très incertaine, puisque vous déclarez vous-même, monsieur le Premier ministre que « nous verrons dans l'avenir ce qu'il faudra en faire ». Il faut donc espérer que vous ne serez pas à Matignon un Premier ministre-Pénélope, défaisant aujourd'hui les réformes sociales faites hier.
    M. Lucien Degauchy. Vous ruinez la France et vous donnez des leçons ?
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J'en viens au respect des droits du Parlement.
    L'UMP, on l'a dit, contrôle aujourd'hui tous les pouvoirs : l'Elysée, Matignon, l'Assemblée nationale, le Sénat et leurs ramifications latérales, comme le Conseil constitutionnel et le CSA. A tel point que l'on peut se demander si le sigle UMP ne veut pas dire « Un Maximum de Pouvoirs ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) ou - vous préférerez peut-être cette version - « Une Monarchie Partisane ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Nicolin. C'est le peuple qui nous a donné ces pouvoirs !
    M. Jean-Luc Reitzer. C'est de la jalousie !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce monopole du pouvoir est sans précédent. De 1981 à 1986 et de 1988 à 1993, la situation n'était pas la même car le Sénat faisait alors contrepoids. Non seulement vous avez les pleins pouvoirs mais ceux-ci seront exercés par un seul parti. Ce cumul de tous les pouvoirs par une seule formation politique est donc sans précédent depuis que la République existe.
    M. Yves Nicolin. C'est le suffrage universel qui nous a donné ces pouvoirs, monsieur Schwartzenberg ! C'est la volonté du peuple !
    M. Jean Marsaudon. Ne l'oubliez pas !
    M. le président. Monsieur Marsaudon, je vous en prie !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. De plus, les candidat de l'UMP ont signé un acte d'allégeance. Ils ont renoncé à toute liberté de vote, en s'engageant à l'avance à soutenir tous les projets du Gouvernement (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), ce qui est analogue au mandat impératif, pourtant déclaré nul par l'article 27 de la Constitution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Jean-Michel Ferrand. Vous êtes en démocratie, monsieur Schwartzenberg !
    M. Pierre Lequiller. Il l'a oublié ! Scandaleux !
    M. le président. Monsieur Lequiller, je vous en prie !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Vous disposerez donc d'une majorité massive, compacte et docile, ce dont je la félicite.
    Cette situation exceptionnelle rend plus que jamais nécessaire le respect des droits de l'opposition parlementaire, et j'en terminerai par là.
    A cet égard, je voudrais rappeler le message d'hier du Président de la République. Et si je cite le Président de la République, le silence se refera sans doute sur ces bancs (Sourires.) : « Une démocratie apaisée doit faire toute sa place à l'opposition »...
    M. Yves Nicolin. On l'a respectée !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... « Je serai attentif au respect de cet impératif qui est au coeur du dialogue républicain. »
    Le pluralisme politique, vous me l'accorderez, fait partie des principes fondateurs de nos démocraties parlementaires. La France compte plusieurs familles politiques dont chacune a son identité particulière. De même, elle est forte de la diversité de ses départements et territoires dans l'Hexagone et outre-mer, qui enrichit le patrimoine commun de la République.
    Pour que soit garantie la crédibilité du Parlement, celui-ci doit pouvoir, dans son fonctionnement, refléter véritablement ce pluralisme. Les députés des divers partis représentés à l'Assemblée doivent donc avoir les moyens de s'exprimer réellement, en particulier au travers de groupes parlementaires.
    M. Yves Nicolin. Le vôtre ?
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J'y viens.
    Comme vous le savez, les radicaux de gauche,...
    M. Charles Cova. Ça existe encore ?
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... les Verts, des élus démocrates et plusieurs députés d'outre-mer veulent former un groupe. Ils sont actuellement dix-sept. Le règlement fixant à vingt le nombre d'élus nécessaires à la formation d'un groupe, ces dix-sept députés siègent donc actuellement comme non-inscrits,...
    M. Jean-Luc Reitzer. Et c'est très bien comme ça !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... ce qui leur donne un temps de parole un peu analogue à celui des trappistes (Sourires.) et les condamne quasiment au silence parlementaire.
    M. Patrick Labaune. Apparemment, ce n'est pas votre cas !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cette situation, vous le reconnaîtrez, n'est pas parfaitement équitable : elle empêche notamment deux partis, le Parti radical de gauche et les Verts, de s'exprimer réellement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il s'agit là d'une situation objective sur laquelle nous allons donc tomber d'accord. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Laissez parler l'orateur !
    Monsieur Schwartzenberg, vous avez déjà dépassé votre temps de parole, mais je vous permets cependant de poursuivre. (Sourires.)
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. La situation est celle que je viens de décrire alors que les deux parties dont je viens de parler ont totalisé 7,57 % des voix à l'élection présidentielle,...
    M. François Bayrou. Très bien !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... soit environ les deux cinquièmes du score du candidat de l'UMP au premier tour.
    M. Jean-Luc Reitzer. Au détriment de qui ?
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J'ai donc déposé avec MM. Ayrault, Bocquet et Cochet une proposition de résolution tendant à abaisser le seuil de vingt à quinze parlementaires pour la création d'un groupe, comme c'est le cas au Sénat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) La conférence des présidents a repoussé son examen à octobre en assurant que, de toute façon, le groupe ne pourrait se constituer pendant la session extraordinaire de juillet, le Conseil constitutionnel disposant d'un délai de trente jours pour examiner cette modification du règlement après son adoption éventuelle par notre assemblée.
    Cet argument, et j'en terminerai par là (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) en vous remerciant, monsieur le président, de votre tolérance, est doublement erroné. D'une part, il s'agit évidemment d'un délai maximum qui peut en pratique être beaucoup plus bref, surtout dans le cas d'une modification aussi ponctuelle. D'autre part, le troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution dispose : « Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. »
    M. Edouard Landrain et M. Yves Nicolin. Il n'y a pas urgence !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, si, comme je le pense, vous êtes attaché au respect des droits de l'opposition parlementaire, usez de cette faculté pour que ce nouveau groupe puisse exister dès le début de cette législature.
    M. Bernard Roman. C'est légitime !
    M. Yves Nicolin. Il veut une voiture !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Vous avez dit : « Nous voulons gouverner pour tous. » J'aimerais être certain que tel sera le cas.
    Vous portez à coup sûr les espoirs du MEDEF (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), qui se félicite de votre programme. Vous avez la faveur des Français les plus défavorisés. Mais allez-vous gouverner aussi pour les classes moyennes et populaires, pour les habitants des banlieues, pour les salariés rémunérés au SMIC (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. le président. Je vous prie de laisser M. Schwartzenberg terminer !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... pour les bénéficiaires des minima sociaux ?
    Je vais maintenant réellement terminer (Sourires), abusant du temps de parole infini qui nous est imparti.
    Monsieur le Premier ministre, votre personne n'est nullement en cause, et elle inspire plutôt estime et sympathie. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais on peut douter que vous gouvernerez pour tous et pas seulement pour les classes sociales d'en haut, même si vous parlez de la « France d'en bas » (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour notre part, nous souhaitons une politique fondée sur les valeurs de progrès, sur la justice, la solidarité, le partage, la parité et l'égalité des chances. C'est pour défendre dans cette assemblée ces valeurs-là,...
    Mme Sylvia Bassot. Vous n'en avez pas le monopole !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. ... qui sont aussi celles de la République, que nos électeurs nous ont mandatés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs des députés non inscrits. - Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Bayrou. Très bien !
    M. le président. Mes chers collègues, le débat est clos.
    La parole est à M. le Premier ministre.
    M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, pour moi, la campagne électorale est finie. Je serai donc autant que vous le souhaiterez à votre disposition pour répondre à toutes les questions qui concernent l'action gouvernementale. Vous pouvez compter sur ma disponibilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je voudrais remercier le président Jacques Barrot d'avoir posé l'exigence d'équilibre entre le dynamisme et la cohésion car c'est là que réside toute la difficulté de la politique moderne.
    D'une part, nous voyons bien qu'il nous faut plus de dynamisme, que nous sommes engagés dans une compétition. Du reste, avec le marché unique renforcé et l'euro, qui permet de comparer les prix de tous les produits, la compétitivité est de plus en plus forte. Il faut donc faire en sorte que les énergies soient capables de relever le défi en jouant la carte du dynamisme.
    Mais, d'autre part, le dynamisme, l'initiative, laissent sur le bord de la route un certain nombre de Françaises et de Français qui ont besoin que la cohésion sociale soit la première valeur de notre équilibre républicain.
    Il y a là beaucoup de travail à faire. N'opposons pas toujours l'énergie économique à l'exigence sociale ! Il faut avancer dans les deux domaines. (Applaudissements sur de nombreux bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    La meilleure façon de développer la cohésion sociale dans notre pays, c'est encore de faire en sorte que l'activité économique soit forte, sans oublier d'être toujours attentif, voire très sévère vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas les salariés et qui placent parfois les femmes et les hommes dans des situations inhumaines faute de tenir compte de cette exigence sociale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Chacun nous trouvera déterminés à faire respecter les salariés et à faire en sorte que l'on soit attentif à cette préoccupation de cohésion sociale.
    M. Alain Néri. M. Seillière va vous taper sur les doigts !
    M. le Premier ministre. Je remercie beaucoup le président Barrot d'avoir affirmé ce message avec force et de ses mots sur le « jacobinisme social ». En effet, nous avons besoin que, sur le terrain, le dialogue social soit plus intense et plus fertile en contrats car c'est le contrat qui peut nous permettre de sortir d'un grand nombre de difficultés.
    Pour autant, cela ne signifie pas que l'Etat n'assumera pas ses responsabilités lorsque le dialogue social ne trouvera pas d'issue. Mais nous voulons faire en sorte que le dialogue précède la décision de l'Etat. C'est pourquoi l'équilibre à trouver entre l'initiative, le dynamisme économique et la cohésion sociale, est un élément très important.
    Je voudrais dire à François Bayrou que j'ai noté avec beaucoup d'intérêt des remarques sur la réflexion institutionnelle.
    Je pense que nous sommes arrivés au bout d'une certaine route et que nous sommes souvent dans une situation d'impuissance publique. Il nous faut donner de nouvelles formes d'exercice de la puissance publique. Il s'agit là d'une vraie réflexion qui concerne l'ensemble des responsabilités nationales mais aussi locales. Aujourd'hui, nous avons très fréquemment le sentiment que certains mécanismes ne « répondent » plus et que la barre ne donne plus sa direction au navire. C'est pourquoi il importe d'inventer de nouvelles formes de prises de responsabilité, susceptibles de nous faire retrouver des marges d'efficacité. Cela vaut pour l'ensemble de nos structures, y compris les plus lourdes, dont le fonctionnement, on le voit bien, occasionne une grande déperdition d'énergie quand elles n'oublient pas leurs propres missions.
    J'ai bien conscience, monsieur le président Bayrou, que la tâche est lourde, sans prétendre qu'elle soit la plus lourde de celles assumées par tous les premiers ministres que vous avez cités.
    Mais la situation actuelle est difficile, compte tenu de l'état d'attente de l'opinion. J'ai cette conscience au plus profond de moi-même et si j'assume ces responsabilités avec toute l'énergie et le coeur que je peux y mettre, c'est parce que je crois que cette attente-là est le meilleur moteur de l'action publique.
    Vous avez parlé de navires. J'ai rencontré une navigatrice, Isabelle Autissier, qui, alors que son bateau avait explosé à la hauteur des quarantièmes rugissants, avait, des jours durant, attendu des secours dans deux mètres cubes de plastique.
    M. François Hollande. Et vous l'avez sauvée ?
    M. Alain Néri. Raffarin est arrivé !
    M. le Premier ministre. On peut toujours rire de ces choses-là !
    Je lui ai demandé comment elle avait fait pour affronter, sans avoir peur, toutes ces difficultés. « Je savais que ceux qui m'aiment ont confiance », m'a-t-elle répondu. Elle a « tenu » par la confiance.
    Je sais qu'il y a aujourd'hui des Françaises et des Français qui ont confiance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est cette confiance-là qui peut, je l'espère en tout cas, faire de notre gouvernement une force qui va et qui sait où elle va.
    A François Hollande, je répondrai que je tiens vraiment à ce que les relations entre le Gouvernement et l'opposition soient apaisées. Nous avons beaucoup de choses à faire. Eh bien ! Travaillons tous à cette relation sereine, puisque les Français ont déterminé leur choix, et construisons ensemble !
    Je ne suis pas à la tête d'un gouvernement qui sait tout et qui veut tout faire : je souhaite qu'à cinq cent soixante-dix-sept nous soyons plus forts qu'à quarante. Je souhaite qu'on ait des débats, qu'on puisse réfléchir ensemble et trouver les chemins, d'autant que nous avons souvent des objectifs communs.
    En matière de politique sociale, par exemple, nous avons des objectifs communs. Nous sommes tous attentifs aux difficultés sociales d'un grand nombre de Français qui sont confrontés à l'exclusion et qui connaissent des difficultés majeures. Cette cause sociale implique une action gouvernementale horizontale car si l'insécurité ou le revenu peuvent être à la source de l'injustice sociale, celle-ci peut parfois résulter d'un manque de formation.
    Les sources des difficultés sociales sont très nombreuses et je souhaite que nous puissions travailler en ce domaine. A cet égard, notre détermination à obtenir des résultats est très forte. Mais je constate que, depuis des années et des années - je ne mets en cause personne - beaucoup de mécanismes n'ont pas donné les résultats que l'on en attendait. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il faut donc en trouver d'autres.
    S'agissant de la formation professionnelle, on est confronté à de nombreuses difficultés. Beaucoup d'argent circule, beaucoup de moyens sont distribués.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. le Premier ministre. Cependant, des gens nous disent qu'ils ne trouvent pas l'outil de formation professionnelle qui leur permettrait de s'adapter à l'emploi comme ils le souhaiteraient eux-mêmes.
    Il y a donc beaucoup de travail à faire, et ce travail nous concerne tous.
    Vous me demandez, monsieur Hollande, comment nous procéderons sur le plan budgétaire ? Sur ce plan, et vous le savez, la situation est difficile. Au sommet de Barcelone, la France annonçait un déficit de 1,85 % alors que celui-ci sera plutôt de 2,6 %. Cela va de soi, nous sommes obligés d'expliquer notre situation à nos partenaires européens, qui savent bien où nous en sommes aujourd'hui en termes de déficit budgétaire. Mais la question qu'ils nous adressent est la suivante : « Serez-vous capables de conduire les réformes qui généreront d'autres équilibres financiers ? »
    La question est celle de la crédibilité des réformes. C'est là-dessus que portera notre dialogue avec l'Europe et je suis optimiste. En effet, si nous parvenons à convaincre nos partenaires que nous sommes déterminés à nous attaquer à des dossiers aussi importants que ceux de la décentralisation et des retraites, nous ferons preuve de notre capacité de réforme et je suis sûr que nous gagnerons leur confiance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, je voudrais rassurer M. Schwartzenberg sur l'action du Gouvernement. Nous sommes engagés dans une politique de décentralisation qui se veut active, mais aussi attentive, non seulement aux élus mais aussi aux citoyens. Si nous voulons réaliser des progrès dans l'exercice de la puissance publique, il est important de renforcer deux valeurs : la responsabilité et l'évaluation. En effet, sans responsabilité et sans évaluation, il n'est pas de progrès possible.
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. le Premier ministre. Et si nous défendons la décentralisation, ce n'est pas pour organiser une autre forme de pouvoir, pour partager différemment les pouvoirs, c'est pour mettre au coeur du système des femmes et des hommes qui assument une responsabilité et sont en mesure d'être évalués, donc de progresser.
    Quant à M. Bocquet, il a formulé des propositions...
    M. Maxime Gremetz. Sérieuses !
    M. le Premier ministre. ... que j'ai déjà entendues, mais que j'ai écoutées avec attention. J'espère simplement que les idées qu'il n'a pas pu faire avancer quand il était dans la minorité de la majorité, il pourra les faire progresser maintenant qu'il est dans la minorité de la minorité. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En tout cas, nous serons attentifs aux petits groupes comme aux grands, à chacune et à chacun d'entre vous. Vous êtes tous à égalité pour représenter les Françaises et les Français et le Gouvernement a l'intention d'être attentif à toutes les propositions qui viendront du Parlement. Merci ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 49, alinéa premier, de la Constitution, je vais mettre aux voix l'approbation de sa déclaration de politique générale.
    En application des quatrième et cinquième alinéas de l'article 65 du règlement, il doit être procédé par scrutin public à la tribune. Conformément à l'article 66, paragraphe II, le vote aura lieu, par appel nominal, au moyen de l'urne électronique placée sur la tribune.
    Ceux qui sont d'avis d'approuver la déclaration remettront aux secrétaires un bulletin de couleur blanche, ceux qui sont d'avis contraire un bulletin de couleur bleue et ceux qui veulent s'abstenir un bulletin de couleur rouge.
    Les titulaires d'une délégation de vote devront remettre aux secrétaires un bulletin au nom de leur délégant.
    Je précise que les délégations de vote doivent avoir été enregistrées avant l'annonce du scrutin.
    Je proclamerai les résultats aussitôt après la clôture du scrutin.
    Afin de faciliter le déroulement ordonné du scrutin, j'invite instamment nos collègues à ne monter à la tribune qu'à l'appel de leur nom.
    Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.
    (Le sort désigne la lettre O.)
    M. le président. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Je rappelle que je mets aux voix l'approbation de la déclaration de politique générale du Gouvernement.
    Le scrutin est ouvert.
    Il sera clos dans une heure, soit à dix-neuf heures vingt-cinq.
    (Le scrutin est ouvert à dix-huit heures vingt-cinq.)
    M. le président. Messieurs les huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.
    (L'appel nominal a lieu.)
    M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
    Le scrutin est clos.
    Je vais proclamer dans un instant le résultat du scrutin.
    
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   549
Nombre de suffrages exprimés   547
Majorité absolue des suffrages exprimés   274
Pour l'approbation   374
Contre   173

    L'Assemblée a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

2

REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 181 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de quatorze requêtes en contestation d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

3

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi portant amnistie (n° 19).
    Acte est donné de cette communication.

4

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 3 juillet 2002, de M. le Premier ministre un projet de loi portant amnistie.
    Ce projet de loi, n° 19, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 3 juillet 2002, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte-Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émission implantées en territoire français (ensemble une annexe).
    Ce projet de loi, n° 21, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 3 juillet 2002, de M. Philippe Houillon une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dysfonctionnements qui ont entraîné l'effondrement du cours boursier de Vivendi Universal, sur la fiabilité des mécanismes de contrôle internes et externes et sur les moyens propres à les améliorer.
    Cette proposition de résolution, n° 22, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Mardi 9 juillet 2002, à quinze heures, séance publique :
    Fixation de l'ordre du jour ;
    Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant amnistie (n° 19).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
Communication du Conseil constitutionnel
en application de l'article LO 181 du code électoral

CIRCONSCRIPTION NOM DU DÉPUTÉ
dont l'élection est contestée
NUMÉRO
de la requête
Aveyron (3e) M. Godfrain Jacques. 2002-2724
Moselle (8e) M. Aubron Jean-Marie. 2002-2731
Nord (13e) M. Delebarre Michel. 2002-2757
Nord (23e) M. Decagny Jean-Claude. 2002-2725
Pas-de-Calais (14e) M. Facon Albert. 2002-2722
Bas-Rhin (9e) M. Schreiner Bernard. 2002-2685
Rhône (13e) Mme David Martine. 2002-2713
Vienne (3e) M. Lepercq Arnaud. 2002-2766
Haute-Vienne (1re) M. Marsaud Alain. 2002-2734
Guadeloupe (3e) M. Beaugendre Joël. 2002-2686
Martinique (1re) M. Manscour Louis-Joseph. 2002-2761
La Réunion (1re) M. Victoria René-Paul. 2002-2764
La Réunion (2e) Mme Bello Huguette. 2002-2765
La Réunion (3e) M. Thien Ah Koon André. 2002-2763
annexe au procès-verbal

de la séance
du mercredi 3 juillet 2002
SCRUTIN (n° 1)


sur la déclaration de politique générale du Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin (application de l'art. 49, alinéa premier, de la Constitution).

Nombre de votants

549


Nombre de suffrages exprimés

547


Majorité absolue

274


Pour l'adoption

374


Contre

173

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :     Pour : 343. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d'Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jacques Benisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Xavier Bertrand, Jean-Michel Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Etienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Marcel Bonnot, Gilles Bourdouleix-Rondaert, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourrague, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Victor Brial, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Pierre Cardo, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Jean-Marc Chavanne, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Edouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Eric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, René Galy-Dejean, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Henart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Patrick Hoguet, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Edouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains Masini, MM. Alain Joyandet, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kerguéris, Christian Kert, Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Yvan Lachaud, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Jean-Louis Léonard, Gérard Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Edouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Alain Madelin, Richard Mallie, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Menard, Alain Merly, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Etienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Eric Raoult, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-José Roig, MM. Jean-Marie Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, MM. Alain Venot, Francis Vercamer, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Eric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
    Non-votant(s) : 22. - Mmes Michèle Alliot-Marie (membre du Gouvernement), Nicole Ameline (membre du Gouvernement), Roselyne Bachelot-Narquin (membre du Gouvernement), MM. Pierre Bédier (membre du Gouvernement), Léon Bertrand (membre du Gouvernement), Mme Marie-Thérèse Boisseau (membre du Gouvernement), MM. Jean-Louis Borloo (membre du Gouvernement), Dominique Bussereau (membre du Gouvernement), Jean-François Copé (membre du Gouvernement), Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale), Patrick Devedjian (membre du Gouvernement), Renaud Dutreil (membre du Gouvernement), François Fillon (membre du Gouvernement), Hervé Gaymard (membre du Gouvernement), Christian Jacob (membre du Gouvernement), François Loos (membre du Gouvernement), Jean-François Mattei (membre du Gouvernement), Renaud Muselier (membre du Gouvernement), Dominique Perben (membre du Gouvernement), Henri Plagnol (membre du Gouvernement), Nicolas Sarkozy (membre du Gouvernement) et Pierre-André Wiltzer (membre du Gouvernement).
Groupe socialiste (141) :     Contre : 139. - Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadelis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mmes Claude Darciaux, Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
    Non-votants : 2. - M. Michel Dasseux et Mme Nathalie Gautier.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Pour : 27. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, Jean-François Régère, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas et Gérard Vignoble.
    Non-votants : 2. - MM. Francis Hillmeyer et Gilles de Robien (membre du Gouvernement).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 22. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (20) :
    Pour : 4. - MM. Patrick Balkany, Joël Sarlot, François-Xavier Villain et Philippe de Villiers.
    Contre : 12. - Mmes Huguette Bello, Martine Billard, MM. Gérard Charasse, Yves Cochet, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, Noël Mamère, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira et M. Emile Zuccarelli.
    Abstentions : 2. - MM. Alfred Marie-Jeanne et Pierre Jean Samot.
    Non-votants : 2. - MM. Eric Jalton et Simon Renucci.