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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 31 JUILLET 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 30 juillet 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
2.  Résolution adoptée en application de l'article 88-4 de la Constitution «...».
3.  Saisine pour avis d'une commission «...».
4.  Amnistie. Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
5.  Loi de finances rectificative pour 2002. Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
6.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».

ORGANISATION DE LA DISCUSSION
DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003

7.  Emploi des jeunes en entreprise. Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Gaëtan Gorce, le ministre, Jean-Paul Anciaux, Maxime Gremetz, Jean-Luc Préel, Alain Néri. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Christian Paul, le ministre, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; Rudy Salles, Pierre-André Périssol, Gaëtan Gorce. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

Mme
Elisabeth Guigou,
MM.
Rudy Salles, Frédéric Dutoit,
M.
le ministre,
M.
Jean-Paul Anciaux,
Mme
Paulette Guinchard-Kunstler,
MM.
Rodolphe Thomas, Henri Nayrou, Pierre-André Périssol,
Mme
Hélène Mignon,
MM.
Luc-Marie Chatel, Christophe Payet, Léonce Deprez, Eric Jalton, André Thien Ah Koon,
Mmes
Henriette Martinez, Gabrielle Louis-Carabin,
MM.
Lionnel Luca, Antoine Herth.
Clôture de la discussion générale.
M.
Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
8.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de trente-quatre décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

2

RÉSOLUTIONS ADOPTÉES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

    M. le président. J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (n° E 2030), adoptée par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, est considérée comme définitive.

3

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

    M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du titre Ier du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 154).

4

AMNISTIE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
    « Paris, le 24 juillet 2002.
            « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant amnistie.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

5

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
POUR 2002

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
    « Paris, le 29 juillet 2002.
            Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

6

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au terme de la session extraordinaire a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    La conférence des présidents a décidé de reporter à une date ultérieure les scrutins pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République.
    S'agissant des travaux de la session ordinaire de 2002-2003, la conférence des présidents a, d'abord, fixé au mardi 1er octobre la date de la première séance de questions au Gouvernement.
    En application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, la conférence des présidents a, en outre, décidé que la première séance d'initiative parlementaire, dont il reviendra au groupe de l'Union pour la majorité présidentielle de proposer l'ordre du jour, aura lieu le mardi 8 octobre, matin, et se poursuivra le jeudi 10 octobre, matin.
    Elle a par ailleurs fixé au mardi 15 octobre, matin, la première séance de questions orales sans débat.

ORGANISATION DE LA DISCUSSION
DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003

    M. le président. La conférence des présidents a arrêté les modalités de la discussion du projet de loi de finances pour 2003.
    Cette discussion aura lieu du mardi 15 octobre, après-midi, au mardi 19 novembre 2002, le projet de loi de financement de la sécurité sociale étant examiné à partir du lundi 28 octobre.
    Les vingt-cinq discussions budgétaires de la deuxième partie auront lieu à raison de quatre jours de séance par semaine, soit une durée totale d'organisation de soixante-quinze heures, ainsi réparties : dix-huit heures pour les commissions, quarante-deux heures pour les groupes et députés non-inscrits et quinze heures pour le Gouvernement.
    Chaque discussion se déroulera en deux phases, l'une consacrée aux interventions d'ordre général, l'autre aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement.
    Le Gouvernement, les commissions et les groupes devront faire connaître pour le mercredi 4 septembre, au plus tard, la répartition de leur temps de parole entre ces discussions.

7

EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat
après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (n°s 107, 149).
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames, messieurs les députés, le combat pour l'emploi des jeunes constituait l'un des engagements forts du Président de la République lors de sa campagne.
    Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous soumettre le contrat jeune en entreprise. Ce contrat, à durée indéterminée, ciblé sur le secteur marchand ou associatif, prévoit une exonération complète des charges patronales durant deux ans et de moitié lors de la troisième année. Il sera réservé aux jeunes peu qualifiés dont le parcours oscille trop souvent entre précarité professionnelle, amertume et décrochage social. D'ici à trois ans, ce dispositif pourrait concerner 250 000 d'entre eux.
    Le présent texte s'inscrit dans une stratégie globale destinée à remettre le modèle français en mouvement. Celle-ci obéit à une philosophie politique, s'appuie sur une méthode d'action et poursuit des objectifs précis.
    La philosophie est celle du libéralisme social. Sur cette question essentielle relative à l'esprit avec lequel il importe d'aborder la modernisation de notre pays, nous entendons nous départir des faux-semblants qui ont coûté cher à la gauche. A force de tourner autour du pot et des mots, à force de chercher à masquer une politique d'inspiration nécessairement libérale derrière le discours du statu quo social, à force d'hypocrisie sur les réalités de la mondialisation, la gauche a fini par sombrer dans la paralysie économique et sociale du « ni-ni ».
    Comment mieux tromper la France qui peine face à la compétition mondiale, tout en entravant la France qui va de l'avant ? Comment mieux opposer ces deux France à qui l'on tient des discours incompatibles ?
    M. Jean-Paul Anciaux. Eh oui ! Bravo !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce gouvernement veut rompre avec ces errements en tenant aux Français le langage de la vérité. La vérité sur les contraintes, mais aussi les opportunités, de l'économie contemporaine. Nous croyons aux vertus du libéralisme économique. Sans lui il n'y a aucune chance de créer la valeur ajoutée qui est elle-même le moteur du progrès social, du progrès tout court. Nous prenons acte de l'échec de l'économie administrée dans un monde ouvert et compétitif. Nous affirmons la valeur du travail, de l'effort, du mérite, de l'ouverture et de l'innovation, comme atouts décisifs face à la concurrence internationale.
    Tout cela, nous l'assumons dans le cadre d'un libéralisme social parce que le progrès économique ne peut être fondé sur l'atomisation du pacte de solidarité qui est consubstantiel à l'unité républicaine. La régulation sociale de l'économie libérale est un impératif. Dépassant les recettes traditionnelles mais peu concluantes de l'assistanat et de l'étatisme...
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... nous voulons revisiter les normes et les outils qui favorisent l'action au bénéfice de tous et en particulier des plus mal lotis, qui encouragent la prise de responsabilité, qui associent initiative individuelle et protection sociale, qui chassent abus et monopoles.
    Aujourd'hui, le premier devoir du libéralisme social, c'est la réforme sociale. Le temps est venu de dire aux Français que si nous voulons assurer l'avenir de notre modèle social, il faut réformer pour nous adapter, il faut nous adapter pour nous protéger. S'arc-bouter sur nos acquis en se retranchant dans le conservatisme, c'est une facilité de court terme qui conduit à tout céder le jour où la réalité se décide à briser les illusions du statu quo.
    Avec le rétablissement de la sécurité et de l'ordre républicains, la réforme sociale est bien l'une des grandes priorités de ce gouvernement. Elle s'appuiera sur une méthode : celle du dialogue.
    Il est un paradoxe que nous devons surmonter : jamais les Français n'ont été aussi avides de participation ; or jamais les corps intermédiaires n'ont été à la fois aussi faibles et aussi peu sollicités ces dernières années par les pouvoirs publics. Cette absence historique, quasi chronique, d'un espace social charpenté et responsabilisé bloque la respiration de notre pays. Elle rend improbables tout progrès et toute réforme continus, collectivement négociés et assumés.
    C'est pourquoi le retour au dialogue social est ma première préoccupation, et la mise en place d'une véritable démocratie sociale la plus exigeante de nos ambitions.
    Pour poser les bases de cette démocratie sociale, il faudra dans un premier temps entreprendre une triple clarification : clarification sur l'articulation entre la place de la loi et le rôle des accords collectifs, clarification sur les modes de conclusion de ces accords et leurs conditions de validité, clarification enfin sur le rôle des différents niveaux de négociation : interprofessionnel, de branche ou d'entreprise. Nous travaillons avec les partenaires sociaux sur toutes ces questions. Le défi est complexe mais crucial parce qu'il est au coeur de l'évolution réussie du modèle économique et social français des vingt prochaines années.
    Cette philosophie et cette méthode, le Gouvernement entend les mettre au service d'un objectif central : relancer la croissance et l'emploi. Pour développer une croissance forte, mieux partagée et porteuse en emplois, il faut lever les principaux obstacles qui entravent notre économie.
    Le premier relève d'une culture peu propice à l'initiative et au travail,...
    M. Pierre Hériaud. Absolument.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... celle-ci se traduisant notamment par un différentiel insuffisamment marqué entre les revenus de l'activité et ceux de l'assistance, que la prime pour l'emploi n'a qu'imparfaitement comblé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En France, créer une entreprise est un combat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est presque devenu anachronique d'être un travailleur et d'en être fier. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est devenu suspect de vouloir faire des heures supplémentaires. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il est, disons-le, indélicat de se retrousser les manches.
    Comment en est-on arrivé là ?
    M. Jacques Myard. Par la faute des socialistes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comment, face à la pression grandissante de la concurrence internationale et européenne, a-t-on été conduit à une telle absence de bon sens ?
    M. Pierre Lellouche. Demandez-le à Aubry !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Lors des récentes élections, les Français, souvent issus des classes populaires et moyennes, se sont posé ces questions auxquelles je laisse à la gauche le soin de répondre...
    M. Jacques Myard. Elle ne répondra pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'instauration dogmatique et uniforme des 35 heures a accentué à leurs yeux ce déclassement des valeurs et des repères qui imprègnent traditionnellement le monde du travail.
    M. Pierre Lequiller. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le second obstacle est lié aux pesanteurs administratives et légales qui enserrent les entreprises et l'emploi, à la pression fiscale à laquelle elles sont soumises, qui reste supérieure à la moyenne européenne. La baisse des charges des trois dernières années n'a pas eu d'autre effet que de compenser le surcoût des 35 heures. Elle ne s'est, dès lors, véritablement répercutée ni sur les coûts de production, ni sur les salaires.
    Ces deux obstacles empêchent notre économie de donner toute sa mesure, et j'entends avec vous, en concertation avec les partenaires sociaux, les lever.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tout l'enjeu est de réconcilier dans un même élan trois objectifs : la compétitivité des entreprises, la liberté de choix des salariés, la décrispation salariale. Dans cet esprit, j'engagerai à l'automne un plan d'action global parce que tout est lié. Il comportera un assouplissement des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La durée légale du travail ne sera pas remise en cause, mais nous introduirons du pragmatisme dans le dogmatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Les entreprises comme les salariés devront sortir gagnants de cet aménagement qui alliera, par la négociation, l'efficacité et la liberté.
    M. Charles de Courson. Il faut libérer le travail !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La poursuite des allégements de charges sera amplifiée.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle s'appuiera sur une clarification des mécanismes actuels et devrait être concentrée sur les tranches de salaire où elles sont les plus efficaces pour l'emploi, c'est-à-dire, selon moi, entre 1 et 1,7 fois le SMIC ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce dossier fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.
    Un schéma volontariste de convergence des SMIC sera parallèlement planifié. Plus qu'une variable technique, le SMIC est un symbole. Ce symbole est aujourd'hui éclaté ; il ne joue plus son rôle de référent économique et social. Nous entendons sortir de cette situation désordonnée, liée à la mise en place des 35 heures.
    M. Yves Fromion. Enfin un vrai Gouvernement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous redonnerons au SMIC les vertus de lisibilité et d'équité qui lui font actuellement défaut.
    M. Hervé Novelli. Oui, quel gâchis !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans le cadre d'une approche redonnant sens aux vertus du travail, du mérite et de la récompense, notre volonté est de définir, notamment pour les bas salaires, une perspective plus stimulante que celle qui prévaut aujourd'hui. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Elle élargira les effets escomptés - en termes de pouvoir d'achat et de consommation - de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui, par nature, est orientée sur les classes moyennes et supérieures.
    M. Pierre Goldberg. Ah ! Vous le reconnaissez !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Assouplissement des 35 heures, baisse des charges, schéma de convergence des SMIC : voilà le triptyque cohérent qui sera proposé et mis sur les rails.
    Cette respiration économique que nous recherchons est indissociable d'une idée qui m'est chère : celle de la promotion sociale...
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui reste, dans notre pays, quasi inexistante. A plus de 80 %, la trajectoire scolaire, professionnelle ou salariale des enfants issus de milieux populaires reste identique à celle des parents.
    Mme Christine Boutin. C'est scandaleux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Est-ce cela la République ? Naturellement non !
    L'injustice sociale, c'est moins la disparité des conditions que le caractère implacable de la transmission des inégalités, des parents aux enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Lequiller. Tout à fait !
    M. Yves Fromion. Enfin un ministre !
    M. Jacques Myard. Un vrai ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est cette fatalité qu'il convient de briser.
    M. Jean-Pierre Brard. Alors je plains les enfants de Mme Bettancourt !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour cela, plutôt que d'en appeler de façon systématique à la redistribution et aux recettes plus ou moins éprouvées de l'assistance centralisée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et Républicains), l'exigence de justice doit d'abord s'exprimer par la volonté de garantir à chacun les armes de l'insertion et de la promotion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le défi de la formation tout au long de la vie est au coeur de cette volonté.
    M. André Schneider. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre objectif est d'offrir à chacun un droit individuel à la formation professionnelle et à l'adaptation à l'emploi, l'idée étant de doter chaque salarié d'un capital temps et d'une enveloppe financière lui permettant de s'assurer une formation. Cette perspective est dès à présent à l'étude pour être concrètement réalisée durant la législature.
    La promotion sociale commence avec tous ces jeunes dont l'énergie est trop souvent mal employée, faute de repères clairs et de perspectives. Le présent projet de loi constitue l'une des perches que nous entendons lancer vers ses jeunes qui se cherchent un avenir. Une perche qui ne rime pas avec voie de garage, précarité, ni non plus avec diplômes à l'appui, formation préalable et obligatoire. Le contrat-jeune en entreprise ne doit pas être l'exutoire de notre bonne conscience ni la cible d'un pointillisme administratif et législatif contre-productif.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat - et cela devrait être notre seule et unique obsession...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous en avez plusieurs !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... doit être efficace.
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans cet esprit, sa clarté et sa simplicité constituent son originalité et sa force. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe pour l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mesdames et messieurs les députés, en vous soumettant ce projet de loi, le Gouvernement obéit à une triple conviction. La jeunesse n'attend pas d'être idéalisée, assistée, convoitée ; ...
    Mme Christine Boutin. Eh non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... elle souhaite qu'on ne la berce pas d'illusions sur les réalités du monde contemporain, notamment économique, au sein duquel elle est appelée à évoluer et à se battre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ensuite, qu'on lui offre la possibilité de révéler son énergie et ses talents.
    Le combat pour le plein-emploi réclame une stratégie globale, notamment marquée par la baisse des charges, mais aussi une stratégie ciblée à travers une concentration de nos efforts sur des publics précis, tels que les jeunes sans qualification qui sont les victimes précoces de la panne de l'ascenseur professionnel et donc social.
    La troisième conviction est que les forces de la croissance et du développement de l'emploi se situent prioritairement dans le secteur marchand. Nous estimons qu'il est dans l'intérêt de la jeunesse de s'engager là où bat le coeur économique, là où elle peut faire valoir sa volonté de réussite, faire ses armes, apprendre un métier.
    L'une des erreurs des emplois-jeunes est d'avoir détourné une partie de la jeunesse, notamment celle qui, dotée d'une formation, pouvait légitimement se voir ouvrir les portes de l'entreprise...
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'un parcours professionnel sans doute plus exigeant mais plus prometteur à long terme.
    M. Pierre Lellouche. C'est juste !
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette erreur est fondée sur un réflexe politique facile mais pernicieux, et consistant à penser le sort de l'emploi et de notre économie à travers le seul prisme de la sphère publique. Relancer l'ascenseur professionnel en misant sur le dynamisme du monde de l'entreprise, voilà les convictions complémentaires qui forgent l'esprit de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Puisque j'évoque l'esprit de ce projet, je me dois de répondre à ceux qui, dans l'opposition, le qualifient de « libéral ». Sans doute escomptent-ils, par cet artifice, faire oublier leur bilan personnel en matière de privatisations et leur libéralisme honteux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Quoi qu'il en soit, ils croient ainsi discréditer la philosophie d'un projet qu'ils savent, au fond d'eux-mêmes, équilibré.
    M. Yves Fromion. De toute façon, ils n'ont plus de convictions !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si être libéral, c'est miser sur les entreprises, toutes les entreprises, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, pour s'assurer qu'un maximum de jeunes puissent bénéficier d'une perspective professionnelle, alors oui, disons-le, pour ne pas froisser ceux que les idées binaires rassurent, ce projet est libéral.
    J'invite d'ailleurs ceux qui, au nom d'un antilibéralisme déplacé, ont critiqué la disparition du seuil des 250 salariés initialement envisagé dans la première mouture du texte, à aller expliquer aux jeunes intéressés par une embauche dans un grand groupe qu'ils ont voté contre ce projet parce qu'il était ouvert aux grandes entreprises.
    M. Michel Françaix. Argument médiocre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je les invite aussi à aller expliquer à ces jeunes qui se détournent des structures éducatives et de formation traditionnelles qu'ils ont voté trois motions contre ce projet parce qu'il ne comportait, à leurs yeux, pas assez de garanties d'encadrement.
    Je les invite enfin aller voir les entreprises disposées à nouer un contrat à durée indéterminée avec ces jeunes au parcours souvent difficile et leur suggère d'expliquer à ces chefs d'entreprise de bonne volonté qu'ils n'ont pas apprécié une loi simple, directe et efficace dont le seul défaut serait, à entendre l'opposition, de ne pas être percluse de contraintes.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A la vérité, ce projet de loi est au confluent de la liberté et de la solidarité. De la liberté parce qu'il parie, je l'ai dit, sur le dynamisme du secteur marchand et associatif. De la solidarité parce que le Gouvernement a choisi de mettre tout son poids dans la balance en faveur des jeunes et des moins favorisés : ceux qui ne connaissent pas le mot « avenir ».
    Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé à répondre à l'urgence de la situation des jeunes face au marché du travail. Le Gouvernement veut aller vite car, mesdames, messieurs les députés, le temps presse. La situation s'est, en effet, fortement dégradée depuis un an. Le chômage des jeunes s'est accru de 15 % entre mai 2001 et mai 2002, alors que pour l'ensemble des demandeurs d'emploi la hausse s'est établie à 8 %.
    Parmi les jeunes, le taux de chômage est proportionnellement beaucoup plus élevé pour les non qualifiés ou les peu qualifiés : 33 % pour les premiers, 17 % pour les jeunes ayant atteint le niveau CAP/BEP. C'est pour encourager leur insertion professionnelle que le dispositif de soutien a été conçu à partir de trois constats.
    Premier constat : les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes sans qualification, placés de façon quasi systématique au bout de la file d'attente des demandeurs d'emplois.
    Deuxième constat : les dispositifs existants, en particulier en matière de formation en alternance, ne touchent pas les jeunes les moins qualifiés, en situation d'échec scolaire et que toute démarche préalable de formation tend à écarter.
    Troisième constat : l'insertion des jeunes sans qualification ou peu qualifiés est caractérisée par des trajectoires précaires, discontinues, comportant souvent des périodes de dénuement, parfois préludes d'une exclusion et d'une marginalisation sociales.
    Mme Christine Boutin. Exact !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Au regard de ces trois constats, largement partagés par les partenaires sociaux qui ont été consultés sur notre projet, nous avons eu le souci d'élaborer un dispositif ciblé, attractif tant pour l'entreprise que pour le jeune salarié et, enfin, directement opérationnel.
    Ciblé quant au public visé. Je vous ai cité quelques chiffres qui démontrent que les niveaux de formation et de diplôme déterminent les conditions d'insertion dans le monde professionnel. Alors que les trois quarts des jeunes sortis du système scolaire en 1998 ont bénéficié durant les trois premières années de leur vie active d'un emploi, les jeunes sans diplôme ou ayant un CAP ou un BEP ont passé au moins la moitié de cette période au chômage. Dans cette même génération, les jeunes non diplômés sont sept fois plus souvent au chômage que les jeunes diplômés de niveau bac + 2.
    Il existe donc une fracture nette entre les jeunes. C'est pourquoi le dispositif s'adresse à ceux d'entre eux âgés de seize à vingt-deux ans, sans qualification ou avec une qualification de niveau V.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le choix consistant à retenir un âge d'entrée dans le dispositif précoce - seize ans, ce qui correspond à la fin de la scolarité obligatoire - vise à prévenir les conséquences des situations d'échec scolaire et à encourager une insertion rapide de ceux qui sortent du système de formation initiale sans diplôme, dont le nombre est de 60 000 chaque année. La limite supérieure, fixée à vingt-deux ans vise quant à elle à toucher les cohortes les plus importantes dans la catégorie des moins de vingt-cinq ans frappés du chômage : 40 % ont en effet entre vingt et un ans et vingt-deux ans.
    Le champ resserré du dispositif présente un double avantage : il concentre l'effort sur la population la plus exposée au chômage et limite, a fortiori, les risques d'aubaine qui auraient pu apparaître si le dispositif avait été élargi à des jeunes plus âgés.
    Ce dispositif ciblé, nous avons voulu également qu'il soit attractif et ambitieux.
    Attractif pour l'entreprise : il lui est proposé un dispositif clair, qui ne prend pas la forme d'une usine à gaz, et lui offre la faculté d'assurer une embauche sans charges. L'aide de l'Etat compensera en effet le surcoût lié pour l'entreprise à l'embauche du jeune. Au niveau du SMIC, cette aide prévue sur trois ans, dégressive la troisième année, représentera 2 700 euros par an en plus des allégements généraux de charges existants. Elle aboutira à supprimer 45 points de cotisations patronales jusqu'à 1,3 SMIC. C'est donc une incitation forte pour l'entreprise en même temps qu'une opportunité pour rajeunir ses effectifs et anticiper le cas échéant des difficultés de recrutement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    A l'issue de l'adoption du projet de loi en première lecture au Sénat, le texte ne comporte plus de seuil d'effectifs pour les entreprises éligibles au soutien de l'Etat. D'un commun accord, nous avons estimé que les grandes entreprises pouvaient prétendre à cette mesure. L'objectif recherché - objectif d'efficacité et de générosité !...
    M. Maxime Gremetz. Oh là là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... est d'élargir le spectre des possibilités d'embauches pour les jeunes puisque cette faculté ouverte aux grandes entreprises conduit à majorer d'un tiers le nombre des bénéficiaires potentiels. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Fromion. Voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'opposition, j'en ai déjà dit un mot, s'est emparée de cette nouvelle disposition pour critiquer le texte. Mais que craint-elle,...
    M. Yves Fromion. Que cela réussisse !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... si ce n'est de voir ce contrat répondre plus fortement encore à son ambition : celle d'offrir le plus grand nombre de CDI au plus grand nombre de jeunes.
    M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est cela l'important !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ajoute qu'on ne peut vilipender d'un côté le fait que les grandes entreprises puissent utiliser ce contrat et de l'autre côté marteler l'argument de la formation. Cela est contradictoire puisque ce sont précisément les grandes entreprises qui sont, grâce aux moyens dont elles disposent, les plus engagées dans les politiques de formation de leurs personnels.
    M. Maxime Gremetz. Des cadres, pas des salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce dispositif, mesdames et messieurs les députés, nous l'avons également voulu ambitieux pour le jeune.
    Etre ambitieux, c'est garantir une insertion durable lui permettant, à travers un contrat à durée indéterminée, de trouver ses marques, d'apprendre le métier, de s'épanouir et dès lors - du moins pouvons-nous l'escompter - se rendre, sur le long terme, indispensable à l'entreprise.
    Articuler notre dispositif sur une embauche en CDI : cette disposition, nous l'avons précisément voulue ! Car pour ces jeunes, nous cherchons la stabilité qui est à la source d'une insertion professionnelle réussie. Ce contrat constitue un engagement de moyen terme. En adoptant ce dispositif, l'entreprise fera un choix prospectif qui ne sera pas exclusivement guidé par le bénéfice de l'exonération de charges. Là encore, c'est le gage que les effets d'aubaine seront limités.
    Parce que le mécanisme prévu vise un public spécifique et parce qu'il respecte le principe d'une insertion sur la durée, il n'avait pas de sens d'imposer des clauses de formation obligatoire.
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes là au coeur d'un choix opérationnel et réaliste.
    Il faut bien comprendre que les jeunes auxquels le dispositif s'adresse ne souhaitent pas ou ne peuvent pas s'engager immédiatement dans une démarche de formation. Ils sont souvent en situation d'échec scolaire et se détournent des formations qu'ils jugent - à tort ou à raison - décalées...
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Très juste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... par rapport à leurs attentes immédiates. L'insertion dans l'entreprise nous apparaît donc comme le moyen privilégié d'assurer leur socialisation et leur entrée dans la vie active, pour ne pas dire leur vie d'adulte.
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bénéficiant d'un contrat de travail et d'une rémunération au moins égale au SMIC...
    M. Yves Fromion. Voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ils verront s'engager alors un processus de reconnaissance et de responsabilisation à la recherche duquel ils sont en réalité.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Une fois l'insertion réalisée, ils pourront ensuite se tourner vers une démarche de formation continue au sein de leur entreprise - puisque, comme n'importe quel salarié, ils bénéficient du plan de formation - ou le cas échéant de formation en alternance qui pourra prendre la forme d'un contrat de qualification. Les intéressés pourront à tout moment faire ce choix, sans préavis. Le projet de loi en prévoit explicitement la possibilité.
    Par ailleurs, le dispositif renvoie aux branches professionnelles le soin de négocier une reconnaissance des acquis de l'expérience liés à leur parcours professionnel dans l'entreprise. Ces jeunes bénéficieront ainsi d'une validation de leur acquis, sous la forme et selon les modalités qui seront retenues par les partenaires sociaux au niveau des branches professionnelles.
    Faisons confiance aux partenaires sociaux !
    M. Yves Fromion. Oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Donnons-leur la possibilité d'enrichir notre projet par leur expérience du terrain ! Ne ligotons pas le dialogue et l'innovation empirique !
    M. Michel Terrot. Cela nous changera !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce dispositif pourra être complété si nécessaire par des modalités de mise en oeuvre que pourraient décider les partenaires sociaux comme par exemple celle du tutorat. La première lecture du texte a ainsi permis de préciser la possibilité ouverte aux partenaires sociaux des branches professionnelles d'imaginer les modalités qu'ils jugeront opportunes pour accompagner et mettre en place un tutorat facilitant l'insertion professionnelle du jeune, sans pour autant créer une condition d'éligibilité à l'aide de l'Etat qui serait contraire à l'esprit du projet de loi.
    Ce choix opérationnel ne remet pas en cause les mécanismes de formation en alternance existants. Le Gouvernement est soucieux de ne pas déstabiliser la formation en alternance, qui constitue une filière d'insertion qualifiante particulièrement précieuse.
    M. Yves Fromion. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous noterez d'ailleurs que le coût horaire d'un contrat de qualification reste inférieur au nouveau dispositif. L'utilisation des contrats en alternance résulte souvent de cultures de branches et d'entreprises fortement ancrées, que l'arrivée du contrat jeune n'est pas, selon nous, susceptible de remettre en cause, même si dans la pratique il est nécessaire et souhaitable qu'une articulation s'opère entre les différents dispositifs.
    Enfin, l'existence d'un dispositif de soutien à l'embauche des jeunes ne doit pas porter préjudice aux initiatives que pourraient prendre les partenaires sociaux dans le domaine de la formation en alternance afin d'en rénover les mécanismes et d'en renforcer l'attractivité. Il faut, en effet, se garder de déstabiliser les différents mécanismes de formation en alternance en voulant faire du contrat jeune en entreprise une nouvelle mesure de formation. Ce n'est ni sa vocation ni son intérêt.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous aurez saisi l'essence de notre ambition : donner un coup d'accélérateur à la politique d'insertion des jeunes en l'orientant vers le secteur privé, qu'il soit économique ou associatif. Nous parions sur l'alliance d'une jeunesse en quête de reconnaissance et d'un monde du travail ouvert par nature à celles et ceux qui sont prêts à se retrousser les manches.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La confiance d'une nation dépend du degré d'engagement de la jeunesse, et donc de la nature des perspectives qui lui sont offertes. C'est pour cette jeunesse qui doit surmonter ses doutes et délivrer le meilleur d'elle-même que j'ai l'honneur de vous soumettre ce projet de loi. (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord exprimer ma satisfaction d'être aujourd'hui le rapporteur du premier projet de loi que vous présentez et qui exprime une volonté forte dans le domaine de l'emploi en direction des jeunes et, bien sûr, de l'entreprise.
    Les nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé au cours des semaines écoulées ont conforté ma conviction que ce dispositif répond à une attente forte des jeunes.
    Conformément aux engagements du Président de la République, le projet vise à aider les moins qualifiés d'entre eux à sortir d'une logique d'exclusion en cherchant à éviter que l'échec professionnel vienne sanctionner l'échec scolaire qu'ils ont souvent vécu. L'urgence du sujet a motivé la rapidité du dépôt du présent texte et son inscription à l'ordre du jour de la session extraordinaire.
    Je vous invite, mes chers collègues, à aborder ce texte avec confiance et avec humilité.
    Confiance, tout d'abord, car le dispositif est court, simple, lisible. Il est en rupture avec la logique d'assistanat que nous connaissions trop souvent. Nous sommes, toutes et tous, sur ces bancs, animés par la volonté de lutter contre la précarité grâce à un véritable contrat de travail.
    Le texte a une ambition forte.
    Il a tout d'abord pour but de préparer l'entrée dans le monde du travail de franges entières de la jeunesse dont l'horizon professionnel est aujourd'hui bouché. Mais ce texte va aussi combattre le terrible sentiment de fatalisme qui prévaut face à un chômage toujours massif et aux difficultés d'insertion dans la société.
    J'ai donc abordé l'étude de ce projet non seulement avec confiance mais aussi avec humilité car, si la mesure proposée est une réponse efficace à une situation d'urgence, elle a aussi ses limites et ses imperfections. Néanmoins, on ne pouvait rester les bras croisés devant la dégradation de la situation de l'emploi des jeunes les moins qualifiés. Qui oserait aujourd'hui, sur ces bancs, reprocher au Gouvernement de s'engager dans une nouvelle voie en direction des jeunes ?
    Aujourd'hui, en France, l'accès des jeunes à l'emploi reste à la fois incertain, assisté, progressif, diversifié ; je ne sais comment le qualifier. Pour les jeunes, l'emploi n'est pas la situation la plus fréquente et, en dépit des politiques publiques d'aide à l'accès à l'emploi, le chômage des jeunes, notamment pour les moins qualifiés, a progressé de manière inquiétante depuis un an. A cet égard, monsieur le ministre, vous avez rappelé que le nombre des demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans avait augmenté de plus de 13 % en douze mois. Ce sont désormais 390 000 jeunes qui nous regardent et attendent une réponse de notre part.
    Il apparaît d'ailleurs que le taux de chômage est d'autant plus élevé que le niveau de formation des jeunes est faible. Ainsi celui des jeunes de seize à vingt-cinq ans détenteurs d'un diplôme supérieur n'est que de 7,3 % alors que celui des jeunes du même âge n'ayant aucun diplôme atteint 33,1 %.
    La nature même des emplois occupés par les jeunes est particulière. En général, ces emplois sont peu qualifiés, plutôt précaires, de qualité médiocre et concentré dans certains types d'activités. Le taux d'emploi temporaire est ainsi cinq fois plus élevé pour l'ensemble des quinze-vingt-neuf ans que pour le reste des adultes. Les jeunes représentent aujourd'hui 80 % des recrutements sous contrat à durée déterminée. Selon les analyses du CEREQ, une période de quatre à cinq années serait d'ailleurs nécessaire, en moyenne, à nos jeunes pour atteindre une situation professionnelle relativement stabilisée.
    Nous devons, par conséquent, les uns et les autres, nous demander pourquoi les jeunes connaissent, en majorité, une telle situation en matière d'emploi dans notre pays.
    Depuis quelques années, les différents observateurs ont avancé deux grandes raisons pour expliquer cette difficile insertion : alors que, pour certains, cela tient à l'inadéquation de la formation dispensée dans le système scolaire, pour d'autres, c'est le coût du travail qui rendrait peu attractive l'embauche de ces demandeurs d'emploi par les employeurs.
    La permanence - et même la recrudescence - du chômage des jeunes est aujourd'hui d'autant plus paradoxale que la France connaît, depuis 1975, une très forte augmentation du taux de scolarisation. Or, malgré l'amélioration générale de leur capital scolaire, les jeunes sont restés, au cours des dernières décennies, les premiers touchés par la crise de l'emploi.
    Qu'avons-nous fait, les uns et les autres, pour éradiquer le chômage de masse de nos jeunes ? Tous les gouvernements ont cherché à appuyer les démarches d'intégration des jeunes. Ainsi que je l'ai déjà souligné en commission, il y a quelques jours, tout ce qui a été fait par le passé n'est pas mauvais. Je peux citer, par exemple, la démarche du précédent gouvernement avec le dispositif TRACE en direction des jeunes défavorisés. Je pense également aux nombreuses initiatives locales qui, dans nos communes, dans nos départements, dans nos régions, ont visé à soutenir des démarches prioritaires en faveur des jeunes.
    On pouvait donc se demander si, compte tenu de l'existence d'outils et de structures, il fallait prévoir une nouvelle mesure ciblée en faveur des jeunes. Notre réponse a été sans hésitation positive.
    Certes, chacun sait que les politiques d'emploi spécifiques construites autour de catégories particulières de demandeurs d'emploi ne sont pas nouvelles, mais, si l'objectif est toujours resté identique, les modalités choisies par les différents gouvernements depuis vingt ans ont évolué. A cet égard l'efficacité de toute mesure en la matière doit être appréciée au travers d'éléments techniques tels que le degré de ciblage, le montant de l'aide financière, la manière dont on a touché les jeunes les plus en difficulté.
    De toute évidence, le dispositif proposé aujourd'hui présente quelques traits de ressemblance avec certaines des dispositions mises en oeuvre par le passé. Toutefois il est surtout caractérisé par un ciblage très précis du public et par l'ampleur de l'aide. La conjugaison de ces deux éléments concourt d'ailleurs à en faire un dispositif aussi original qu'attractif tant pour les jeunes que pour les entreprises. Je tiens donc à souligner les originalités de ce projet.
    D'abord ce dispositif de soutien à l'emploi des jeunes s'inscrit en nette rupture avec la pratique qui a prévalu ces dernières années dans l'élaboration du droit du travail. Il est en effet sous-tendu, dans toutes ses dispositions, par un triple objectif : efficacité maximale, respect du dialogue social et simplicité.
    La première des singularités de ce dispositif est précisément qu'il ne constitue par un contrat d'un nouveau type, un contrat de travail plus ou moins adapté à la spécificité du public visé. A cet égard on ne saurait trop rappeler que loin des TUC, loin des contrats sur mesure, loin des formules de stages, dits « parkings », le présent dispositif constitue une aide réelle à l'emploi des jeunes par contrat à durée indéterminée conclu dans les conditions de droit commun. Loin d'être un contrat-jeunes, comme on l'appelle de manière abusive, il vise à permettre aux jeunes d'accéder à ce qui leur paraît souvent inaccessible : un vrai contrat de travail.
    M. Yves Fromion. Eh oui !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Le deuxième trait distinctif et incontesté de ce dispositif est que si le contrat conclu entraîne un allégement du coût du travail pour l'employeur, celui-ci n'est aucunement assumé par le salarié.
    M. Jean-Pierre Brard. Il ne manquerait plus que l'on paie pour travailler !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Cela contraste d'ailleurs avec certains contrats atypiques antérieurs qui prévoyaient des rémunérations inférieures au SMIC.
    La troisième singularité, par rapport aux dispositifs existants, tient au fait que le soutien à l'emploi des jeunes vise leur insertion durable en entreprise. Cela explique à la fois le caractère pérenne du dispositif, la durée de l'exonération consentie - trois ans - pour permettre une véritable insertion du jeune, et le choix du contrat à durée indéterminée. Participe également de la volonté de donner aux jeunes un vrai travail et de leur permettre de vivre dans des conditions décentes, le choix de lier le bénéfice de l'aide à la conclusion d'un contrat qui ne pourra jamais prévoir une durée du temps de travail inférieure à un mi-temps.
    On peut, certes, s'interroger - cela a été le cas en commission - sur le critère de l'âge, car il convient d'abord de s'entendre sur la notion de jeune.
    M. Maxime Gremetz. Ah oui !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La plupart des dispositifs antérieures ont fixé un âge maximal de vingt-cinq ou vingt-six ans. Une cible plus précise a été retenue pour le présent projet avec une fourchette de seize à vingt-deux ans, puisqu'il vise en priorité l'insertion des jeunes sortis sans qualification ou avec une faible qualification du système scolaire.
    En ce qui concerne le deuxième critère de ciblage du dispositif, celui concernant la qualification, toutes les personnes auditionnées ont reconnu qu'il fallait accorder la priorité aux jeunes les moins qualifiés. Si des divergences assez nettes sont apparues à la fois sur le caractère adapté du critère retenu d'une qualification inférieure au baccalauréat et sur l'opportunité même d'assimiler les détenteurs d'un diplôme - BEP ou CAP - aux jeunes non qualifiés, je crois que le critère déterminant de l'application du présent dispositif est moins la détention ou non d'un niveau de qualification que l'aptitude du jeune à s'insérer dans l'entreprise par une voie diplômante. En réalité, ce dispositif sera, quel que soit le critère retenu, principalement utilisé par et pour les jeunes qui n'ont pas d'autre voie d'accès à l'entreprise, soit qu'ils n'en disposent pas, soit qu'ils ne veulent pas s'y engager.
    L'objectif du Gouvernement, dans la conception de ce dispositif, a été d'en assurer l'efficacité en rendant l'incitation financière véritablement attractive tant pour les jeunes visés que pour les employeurs et assurant au dispositif une réelle lisibilité avec ce que l'on appellera un SMIC sans charges.
    Attractif, lisible, ce dispositif présente également le mérite de la simplicité puisque l'employeur n'aura finalement qu'un formulaire à remplir pour bénéficier du remboursement automatique.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. L'extension du dispositif ne sera bien évidemment possible que si nous arrivons les uns et les autres à faire vivre cette loi, ce qui nécessite un engagement fort de l'ensemble des acteurs pour assurer un véritable accompagnement du jeune.
    Ainsi que l'a déjà souligné M. le ministre, je rappelle à ceux qui déplorent la prétendue absence de formation dans le dispositif...
    M. Gaëtan Gorce. Elle n'est pas prétendue, mais réelle !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... que le contrat de travail de droit commun pour un salarié ne comporte pas de dispositions spécifiques en matière de formation.
    M. Yves Fromion. Exactement !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. On ne saurait non plus négliger la possibilité qui sera offerte au jeune salarié de rompre le contrat...
    M. Gaëtan Gorce. C'est la politique de l'autruche !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... pour suivre une formation en apprentissage ou dans d'autres voies.
    En conclusion, mes chers collègues, je crois que la jeunesse se caractérise par une période d'incertitudes et d'affinements successifs des choix de vie professionnelle, personnelle et familiale, et que chaque jeune doit pouvoir construire son propre projet professionnel en valorisant ses compétences.
    Je me félicite, comme beaucoup d'entre vous sur ces bancs dont certains se sont exprimés au sein de la commission, de cette volonté du Gouvernement qui prend pleinement ses responsabilités en agissant rapidement et fortement pour combattre le fléau du chômage des jeunes qui s'est en effet globalement accentué dans la période récente. Je suis convaincu que la nouvelle mesure qui sera adoptée ce soir permettra à de nombreux jeunes de rejoindre nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Maxime Gremetz. Et la formation ?

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce gouvernement est installé depuis à peine trois mois et, déjà, on a le sentiment d'un long retour en arrière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vous remercie de votre approbation !
    Le président du MEDEF lui-même en a été frappé puisqu'il a déclaré : « Faute d'avancer dans la bonne direction, ce gouvernement recule au moins dans le bon sens. »
    M. Jean-Pierre Brard. On n'est jamais trahi que par ses amis !
    M. Gaëtan Gorce. C'est peu dire que le Premier ministre cherche son cap. Le gouvernail sur le plan économique et social n'est manifestement pas tenu.
    M. Richard Cazenave. L'opposition n'a rien compris !
    M. Yves Fromion. Il est pire que Mamère !
    M. Gaëtan Gorce. Faute de volonté, on peut déjà parler d'une ambition perdue, celle du plein emploi.
    Et ce n'est pas la confection précipitée d'un contrat-jeune sans contenu, déjà contesté par les partenaires sociaux (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) qui pourra donner le change, même si c'est peut-être, au fond, son objet.
    Je me réjouis - et j'aimerais que nous puissions nous réjouir ensemble - que ce débat nous permette de parler à la fois de la jeunesse et de l'emploi. L'avenir de ce pays et des millions de jeunes qui l'incarnent passe par l'emploi et la croissance, c'est-à-dire par les progrès de l'innovation et de la formation.
    M. Yves Fromion. Qu'avez-vous fait ?
    M. le président. Monsieur Fromion !
    M. Gaëtan Gorce. Mais y a-t-il encore, dans ce pays, une politique de la croissance et de l'emploi ? N'est-on pas fondé à se poser la question à l'examen de votre texte ? N'est-on pas revenu à l'époque du traitement social du chômage où l'on se soucie moins d'agir sur le volume des emplois que sur leur répartition entre les catégories d'âge ? N'est-on pas fondé à se poser la question en voyant ce gouvernement ne sortir de sa réserve que pour discuter, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, de manière très excessive, des emplois-jeunes, pour mettre en cause la réduction du temps de travail, pour contester et menacer la loi de modernisation sociale ?
    M. Yves Fromion. Les Français ont jugé !
    M. Gaëtan Gorce. Faute de proposer ou d'innover, il n'est question que de modifier, de corriger, d'annuler, d'abroger...
    M. Yves Fromion. On fait ce qu'on peut !
    M. Gaëtan Gorce. ... comme si devait à nouveau s'imposer à votre nouvelle majorité cette facilité, cette convention, cette caricature qui consiste à penser qu'un nouveau gouvernement ne pourrait rien trouver de bon ou d'efficace au bilan de son prédécesseur. Il est vrai qu'une telle attitude, faute d'inspiration, peut tenir lieu de programme : faute de savoir ce qu'il faut faire, au moins savez-vous ce qu'il faut défaire et vivement !
    Monsieur le ministre, votre tonalité presque agressive vis-à-vis de l'opposition ne nous a pas surpris. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    J'ai dit « presque » !
    Elle vise en effet à masquer la faiblesse de certains de vos arguments. Après le Premier ministre qui nous a parlé d'un nouveau libéralisme, vous avez effectué une nouvelle percée conceptuelle ; vous avez parlé d'un libéralisme social, d'une nouvelle philosophie politique.
    M. André Santini. Et alors ?
    M. Gaëtan Gorce. Il s'agirait plutôt de masquer la réalité, c'est-à-dire la volonté de revanche sociale que cette majorité et ses gouvernements dissimulent derrière un discours qui vise à rassurer. En effet vous craignez surtout la réaction de l'opinion si elle avait une claire conscience de ce que vous voulez entreprendre, pour autant, naturellement, que vous l'ayez. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous ne voulez pas afficher la réalité de votre programme qui s'énonce cependant peu à peu à travers les remises en cause que j'ai indiquées et que nous retrouverons dans le débat sur les retraites, mais que nous voyons déjà poindre sur les emplois-jeunes et sur la réduction du temps de travail. Vous trouvez habile d'associer des contraires. Néanmoins, à un moment donné, cela vous oblige toujours à faire le contraire de ce que vous dites. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. C'est compliqué !
    M. Gaëtan Gorce. Il faut aller toujours davantage dans le sens du plus libéral et toujours moins dans celui du social. Le libéralisme social tel que vous l'avez évoqué ne me rappelle au fond qu'un traditionnel conservatisme social. Un écrivain anglais disait que le conservateur est celui que se contente des désordres actuels alors que le libéral est celui qui veut en ajouter de nouveaux. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Nadine Morano. Hors sujet !
    M. Gaëtan Gorce. J'ai l'impression que, non contents d'accepter les désordres du monde tel qu'il est, vous voulez ajouter des désordres dans le domaines économique et social à travers les quelques rares initiatives que vous nous annoncez.
    M. Yves Fromion. Attendez !
    M. Gaëtan Gorce. Pourrait-on suggérer que le Gouvernement mette le même enthousiasme, la même énergie, j'allais dire la même conviction, à construire, à bâtir, en un mot à agir ? Ne nous dires pas que ce texte en serait le premier signe.
    Rédigé à la hâte, soumis à une concertation minimale, élaboré sans la moindre évaluation - j'y reviendrai - de son impact sur les autres dispositifs de formation professionnelle...,
    M. Yves Fromion. Attendez !
    M. Gaëtan Gorce. ... il apparaît plutôt comme une tentative de combler, dans l'urgence et partiellement, une carence dont vous avez vous-mêmes, finalement, pris conscience.
    Mme Nadine Morano. Quelle carence ?
    M. Yves Fromion. Oui, c'est eux la carence !
    M. Gaëtan Gorce. Voilà trois mois que ce Gouvernement est en place et non seulement il n'a rien entrepris pour soutenir la croissance et l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), mais il semble, aujourd'hui plus que jamais, incapable de fixer les orientations de cette action. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Si je dois mesurer la pertinence de mon propos à l'ampleur de vos protestations, je m'aperçois que je touche juste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. Gaëtan Gorce. Semblant prendre à la lettre le titre d'un ouvrage rédigé par celui qui fut - et qui est peut-être encore - votre modèle en politique, monsieur le ministre, Philippe Séguin...,
    M. Jean-Pierre Brard. Il est en retraite !
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. J'ai dit en retraite. Je n'ai pas dit qu'il était à la retraite !
    M. Gaëtan Gorce. Vous semblez attendre l'emploi et la reprise comme d'autres attendaient Godot.
    La croissance, depuis quelques mois ralentie, le chômage a repris le chemin de la hausse. Pourtant, le Gouvernement attend !
    La crise boursière est aux portes. Elle menace les épargnants et, plus encore, la confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Pourtant, le Gouvernement attend !
    Les plans sociaux commencent à reprendre.
    M. Yves Fromion. Là, vous avez donné !
    M. Gaëtan Gorce. Des secteurs professionnels entiers s'interrogent. Pourtant, le Gouvernement attend.
    Et quand il n'attend pas, c'est pour se contredire. A cet égard, M. Mer et M. Lambert ont élevé la cacophonie gouvernementale au rang des beaux-arts.
    M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !
    M. Gaëtan Gorce. Les déclarations ne manquent pas, mais elles ne valent que tant qu'elles n'ont pas été démenties. En revanche nous ne voyons pas la moindre trace, pas la moindre indication venant du Premier ministre sur les lignes directrices d'une politique active et ambitieuse qui viserait à soutenir la croissance et l'emploi.
    M. Yves Fromion. Vous n'avez rien écouté, rien lu !
    M. Gaëtan Gorce. Voilà des semaines que, comme soeur Anne, nous scrutons la moindre de ses déclarations, le moindre de ses discours pour y découvrir l'indice d'une orientation, les prémices d'une décision, mais toujours en vain, comme si, au fond, ces questions n'intéressaient pas le Gouvernement ni même le Premier ministre, trop occupé par le prochain dossier de la décentralisation ; ou comme si, au fond, le Premier ministre ne savait pas quelle conduite tenir. A moins que ce ne soit le chef de l'Etat qui la lui souffle, ce qui en expliquerait, sinon en excuserait, les errements. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Marc Nudant. C'est scandaleux !
    M. le président. Monsieur Nudant !
    M. Gaëtan Gorce. Un jour, le ton est à libérer les énergies, et on lâche la bride aux entreprises publiques. Le lendemain, la France d'en bas fait un retour en force, et les tarifs d'EDF et de La Poste sont gelés.
    M. Maxime Gremetz. Heureusement !
    M. Gaëtan Gorce. Ne sommes-nous pas en droit d'attendre d'un Premier ministre qu'il nous explique comment il entend concilier les promesses du chef de l'Etat avec ses engagements européens et les règles de l'équilibre des finances publiques ? Ne sommes-nous pas en droit d'espérer une explication sur la façon dont il entend relancer la croissance pour atteindre l'objectif de 3 %, sans lequel chacun s'accorde à penser que réaliser la feuille de route que le Président de la République a donné à ce Gouvernement relèverait de la quadrature du cercle ?
    Pourtant, les leviers existent, mais tout se passe comme si la nouvelle équipe avait choisi de déserter le chantier de l'emploi pour y laisser rouiller les outils mis en place depuis quelques années. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. Grotesque !
    M. Gaëtan Gorce. Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que la réduction du temps de travail a contribué à soutenir le mouvement de création d'emplois, encore perceptible en ce premier trimestre 2002, et que le relèvement de la prime pour l'emploi décidé dans la loi de finances initiale pour 2002 n'est pas pour rien dans la bonne tenue provisoire, mais réelle aujourd'hui, de la consommation au premier semestre de cette année ?
    M. Yves Fromion. C'est du grand-guignol !
    M. Gaëtan Gorce. Aussi, monsieur le ministre, est-ce moins le texte que vous nous présentez aujourd'hui que nous jugeons irrecevable que votre politique ou plutôt votre absence de politique en matière de croissance et d'emplois. Vous pouvez annoncer autant de dispositifs spécifiques que vous le souhaiterez, qu'ils s'adressent aux jeunes ou aux moins jeunes, ils ne pourront trouver une efficacité que s'ils s'inscrivent dans un contexte favorable porté par un projet d'ensemble faisant de la création d'emplois une véritable priorité.
    M. Yves Fromion. Que c'est beau ! Vous pouvez répéter ?
    M. Gaëtan Gorce. Or nous n'en sommes pas là. J'ai rappelé tout à l'heure l'immobilisme du Premier ministre sur ces sujets et je n'y reviendrai pas, sinon pour observer que M. Raffarin semble avoir fait sienne cette formule, empreinte d'une bonhomie cynique d'un illustre Corrézien, président de surcroît, du Conseil, toutefois, M. Queuille, qui disait qu'« il n'est pas de problème qu'une absence de solution ne puisse permettre de résoudre. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais, ce qui est plus grave, c'est que cette absence de leadership fait que les rares initiatives prises dans le désordre de Bercy depuis quelques semaines vont, en réalité, à l'exact opposé de l'objectif qu'il faudrait rechercher. Le syndrome Juppé, comme l'a rappelé mon collègue Didier Migaud lors du débat sur le collectif budgétaire,...
    M. Jean-Marc Nudant. Ce n'est pas une référence !
    M. Gaëtan Gorce. ... n'est-il pas une nouvelle fois à l'oeuvre ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Les similitudes sont troublantes avec la période 1995, qui laissent craindre une issue identique sur le plan économique j'entends. Sur le plan politique, nous nous fions à la perspicacité du Président de la Répubique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. Bravo !
    M. Gaëtan Gorce. Ne voyez-vous pas que vous êtes en train de renouveler une triple erreur : une erreur de ciblage, une erreur de réglage, une erreur de langage ?
    Une erreur de ciblage, tout d'abord : qui ne voit, en effet, que la baisse de l'impôt sur le revenu qui profitera d'abord aux 10 % des ménages les plus riches n'aura aucun impact sur la consommation ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Dupont. Elle permettra une relance de la croissance.
    M. Gaëtan Gorce. Comment comprendre que ces 2,5 milliards d'euros qui auraient pu être si utiles n'aient pas été mis au service de la croissance ? Et pourquoi a-t-il fallu faire de l'idée d'un nouveau relèvement de la prime pour l'emploi l'objet d'un lapsus de M. Lambert plutôt qu'une véritable décision courageuse et efficace ? Comment ne pas voir que cette décision « idéologique » de baisser l'impôt sur le revenu de 5 % aura pour effet de creuser un peu plus les déficits, rendant inéluctable, comme en 1995, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Yves Fromion. Ah, vous pouvez parler ! C'est plutôt comme en 1981 !
    M. Gaëtan Gorce. ... une forte hausse de tous les impôts et taxes qui figurent dans l'arsenal de Bercy ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Comment ne pas voir, d'ailleurs, avec la réforme récente de la TIPP, que l'exercice a déjà commencé ?
    Mais il s'agit aussi d'une erreur de réglage. Comment croire que les acteurs économiques, particulièrement attentifs à nos contraintes budgétaires et à nos engagements européens, puissent ne pas anticiper les prélèvements inéluctables qui s'annoncent ? Comment ne pas voir, enfin, que les libertés prises avec la discipline européenne vont, en réalité, conforter la Banque centrale européenne dans une politique restrictive en matière de taux d'intérêt et sa volonté de compenser par la monnaie ce qui aura été cédé sur le budget ? N'aurait-il pas été plus judicieux de cibler les baisses d'impôts sur les catégories les plus modestes et d'utiliser ainsi les marges de manoeuvre dégagées à la croissance d'un pouvoir d'achat dont on sait qu'il sera fortement en retrait dès cette année ?
    N'aurait-il pas été plus judicieux, plutôt que de provoquer Bruxelles, de plaider pour une véritable coordination des politiques économiques, associées à des réformes de structure pour enclencher un cercle vertueux de croissance dont l'Europe a le potentiel ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Marc Nudant. Ça vous va bien de parler de vertu !
    M. Yves Fromion. Il se pose en père la vertu !
    M. Gaëtan Gorce. Vous avez, enfin, commis une erreur de langage : à nourrir, de déclarations en déclarations, le pessimisme de nos compatriotes sur l'état de notre économie, à vouloir noircir à l'excès le bilan de ce qui fut fait pendant ces cinq années qui furent des années de croissance et d'emplois,...
    M. Yves Fromion. Il n'y a pas besoin de noircir le bilan !
    M. Eric Diard. Ce furent plutôt des années de déclin !
    M. Gaëtan Gorce. ... à laisser croire que la crise politique révélée par l'élection présidentielle serait le résultat d'une crise économique, alors qu'elle est plutôt le symptôme d'une attente sociale, vous mettez en péril la confiance, sans laquelle les anticipations des acteurs économiques sont inévitablement négatives.
    Aucune des mesures que vous avez prises n'est de nature à rassurer nos compatriotes. Le pas de deux que vient d'effectuer le Premier ministre sur les tarifs publics, bien insuffisant par lui-même, l'illustre a contrario : c'est donner un gage bien pauvre aux ménages les plus modestes exaspérés par l'injuste ciblage des baisses d'impôts et votre refus de donner un coup de pouce au SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Une partie de votre majorité, si j'ai bien entendu et si j'ai bien lu, commence d'ailleurs à s'en inquiéter.
    A sept années de distance, la même logique est à l'oeuvre, qui vous contraindra, pour avoir gaspillé vos marges de manoeuvre, exaspéré Bruxelles, découragé la confiance, à briser net tout espoir de reprise par des prélèvements massifs, rendus nécessaires par les déficits que vous aurez creusés.
    Le Premier ministre se targue d'un nouvel humanisme. L'erreur, certes, est humaine. N'est-ce pas diabolique, alors, que de la répéter ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Peut-être ces fautes seraient-elles moins graves ou du moins pourrait-on espérer les corriger si elles s'inscrivaient dans une véritable stratégie. Dans chacune de vos interventions devant le Parlement, monsieur le ministre, vous avez eu le souci de placer les débuts de votre action dans une perspective plus large. Vous n'avez jamais manqué de nous dire que la victoire électorale de cette majorité n'apportait par elle-même aucune solution à la crise qui affecte notre pays. Nous affectons aussi de le penser. Soucieux de marquer votre identité dans une droite en recomposition, vous nous avez indiqué votre attachement aux valeurs que porte la République, communauté de citoyens à revendiquer et à consolider.
    Or ne devez-vous pas admettre vous-même, monsieur le ministre, que la cohésion sociale de notre pays ne peut être garantie que par le recul du chômage, que celui-ci ne pourra être obtenu qu'en mettant en place une stratégie cohérente, une stratégie qui se fixe pour objectif de rebâtir une société du travail dont la perspective s'est entrouverte ces dernières années. En clair, n'est-il pas temps de joindre au contrat civique qu'il faut rénover un renouvellement aussi du contrat social ?
    M. Yves Fromion. Il est amnésique !
    M. Gaëtan Gorce. Or tout se passe comme si le plein emploi était pour ce gouvernement une ambition perdue, comme si le dynamisme de notre économie n'avait pas permis la création de 2 millions d'emplois en cinq ans,...
    M. Yves Fromion. Il rêve !
    M. Gaëtan Gorce. ... comme si le chômage n'avait pas reculé d'un tiers, laissant entrevoir une victoire possible sur la fatalité dont il nous accablait depuis trois décennies !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Je ne dis pas cela pour en attribuer le mérite exclusif au gouverment que nous avons soutenu même s'il y a pris sa part.
    M. Jean-Marc Nudant. Heureusement !
    M. Gaëtan Gorce. Mais je voudrais, à cet égard tout particulièrement, rendre hommage au travail des différents ministres de l'emploi et des affaires sociales...
    M. Yves Fromion. Les Français les ont remerciés !
    M. Gaëtan Gorce. ... et en particulier à l'énergie et à la force de conviction de Martine Aubry qui aura marqué cette législature de son empreinte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Diard. Où est-elle maintenant ?
    M. Gaëtan Gorce. Je savais que ce rappel vous ferait plaisir !
    M. François Rochebloine. N'insultez pas les Français !
    M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !
    M. Gaëtan Gorce. Mais le mérite en revient d'abord aux forces vives de ce pays qui ont su se mobiliser, innover, produire pour redistribuer, et faire la démonstration que, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, notre modèle économique et social, fondé sur l'initiative et la solidarité, était loin d'être épuisé.
    Si j'évoque ce bilan qui est celui de la France, ce n'est pas pour en tirer un quelconque satisfecit politique - les scrutins récents ont montré, comme l'a justement rappelé Laurent Fabius, que les statistiques ne votent pas - mais pour inviter à ne pas laisser s'éteindre la petite flamme de la confiance dans l'avenir qui s'était progressivement rallumée.
    Il ne suffira pas, pour y parvenir, d'accumuler les mesures ponctuelles ou d'invoquer mécaniquement la panacée de la baisse des charges qui vous tient lieu de politique de l'emploi.
    Il faudra au contraire faire du plein emploi un véritable projet de société. Sans doute est-ce l'erreur que nous avons commise de n'avoir pas su le formuler à temps,... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Fromion. Vous êtes modeste !
    M. Jean-Marc Nudant. Ce n'est pas la formulation qui compte, c'est le fond !
    M. Gaëtan Gorce. ... au plus fort de la croissance, lorsque le précédent gouvernement s'interrogeait sur la pertinence ou non d'engager une nouvelle étape. C'est pourtant bien celle-ci qu'il faut maintenant mettre en oeuvre, qui exige de l'ensemble des responsables politiques économiques et sociaux à la fois de la solidarité, de l'initiative, de l'audace.
    C'est un nouveau pacte social pour la croissance et le plein emploi dont notre pays a besoin et dans lequel la jeunesse doit trouver toute sa place. Le mot pacte a tout son sens puisqu'il s'agit bien d'un accord à trouver entre l'ensemble des partenaires, qui suppose d'être discuté, négocié, arbitré,...
    M. Jean-Pierre Dupont. C'est ce qu'a dit le ministre !
    M. Gaëtan Gorce. ... et qu'il s'agit également de redéfinir les éléments d'un contrat, d'un équilibre entre les libertés des uns et les garanties des autres. Contrairement à ce qui se dit ou s'écrit ici ou là, la France est prête à assumer la mondialisation. Elle n'a nul besoin pour y parvenir d'être libérée de je ne sais quelle entrave, contrainte ou excès de protection. Elle a seulement besoin de régénérer et de renouveler le compromis social passé à la Libération et qui s'est, ces trente dernières années, sous l'effet de la crise, progressivement effiloché. De nouvelles garanties sociales sont à inventer ; elles doivent consituer le coeur, l'axe même d'une nouvelle politique de l'emploi. Pour l'essentiel, ordonnée autour d'une réforme en profondeur de la formation, elle doit viser à assurer à la fois la sécurité et la mobilité professionnelle.
    La sécurité tout d'abord, en confiant aux entreprises comme l'a amorcé la loi sur la réduction du temps de travail, une véritable obligation d'adaptation des salariés qui permette l'évolution et la validation des savoir-faire, des compétences et des expériences acquises de chaque salarié. Cette obligation, dont l'employeur ne doit pas pouvoir se décharger sur la collectivité pourrait être en revanche mutualisé, non seulement pour mieux prendre en compte les transitions ou les ruptures mais aussi pour en faciliter, pour les PMI et PME, le financement. Cette obligation, devrait favoriser l'exécution d'une autre : celle du reclassement ou de la reconversion qui consisterait en particulier à dissocier la fin d'un contrat de travail de la perte des avantages sociaux qui y sont directement attachés.
    Il importe d'assurer la mobilité professionnelle, ensuite, dans la mesure où ce recours plus large à la formation consisterait une puissante incitation à évoluer, à progresser ou à changer. C'est par la formation que l'ascenseur social dans les entreprises se remettra en marche et libérera des emplois que pourront occuper les moins qualifiés.
    Comment ne pas voir à cet égard que, faut de mobilité, les mesures telles que celles que vous nous proposez - trop ponctuelles, trop limitées, trop insuffisantes - risquent de se traduire dans la pratique par l'éviction des moins qualifiés ? Ce n'est pas d'ailleurs la moindre faiblesse de votre projet de loi que de ne rien prévoir pour éviter qu'il ne soit une fois de plus contourné !
    M. Yves Fromion. Absurdité !
    M. Gaëtan Gorce. Ce pacte, enfin, est nécessaire non seulement pour concrétiser ces changements attendus ou pour mobiliser l'opinion et créer la confiance mais surtout pour tirer les conséquences de la période écoulée. Les cinq années de croissance auxquelles nous avons assisté...
    M. Yves Fromion. Vous n'y avez qu'assisté ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marc Nudant. M. Fromion a raison !
    M. Gaëtan Gorce. ... ont d'abord révelé une situation nouvelle : la persistance d'un chômage de masse et l'apparition de difficultés de recrutement dans certains secteurs professionnels. Il ne fait aucun doute que la solution ne saurait résider dans la seule baisse des charges sur les emplois concernés. Nous sommes, avec les contrats jeunes que vous proposez, loin du compte. La solution passe à l'évidence, au contraire, par une plus forte attractivité de ces métiers en termes de salaire ou de conditions de travail. Elle passe aussi par une meilleure orientation professionnelle des jeunes susceptibles d'être intéressés. Elle passe en toute hypothèse, avant toute baisse de charges et toute aide publique, par une négociation branche par branche associant les pouvoirs publics pour trouver les solutions pratiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Terrot. Que ne l'avez-vous fait !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer.
    M. Gaëtan Gorce. Il est dommageable que vous fassiez l'économie d'une telle négociation pour vous précipiter dans la mise en oeuvre de mesures dont l'efficacité est pourtant conditionnée par la mobilisation des partenaires sociaux.
    Une autre tendance est apparue ces dernières années, qui constitue sans doute déjà une constante dans la décennie qui s'ouvre : le réveil, naturel, légitime, de la revendication salariale ! Celle-ci constitue le pendant naturel d'une reprise de la croissance. Elle est aussi alimentée par la faiblesse des salaires dans de nombreuses branches où les minima conventionnels restent largement inférieurs au SMIC.
    M. Yves Fromion. Vous n'y êtes pas pour rien !
    M. Gaëtan Gorce. Comme l'avait fort opportunément rappelé un candidat à l'élection présidentielle, « la feuille de paie n'est pas l'ennemie de l'emploi ».
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !
    M. Gaëtan Gorce. Il s'agit donc bien d'une revendication légitime, qui justifierait une relance de la négociation salariale sur un dossier curieusement ignoré par les groupes de travail que vous avez mis en place pour la rentrée.
    M. Yves Fromion. C'est un acte de contrition ?
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur Fromion, comprenez que les choses changent, que les temps changent...
    M. Yves Fromion. Justement !
    M. Gaëtan Gorce. ... et que vous pourriez changer avec eux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Fromion. Effectivement, les choses changent, monsieur Gorce, il faut vous y faire !
    M. le président. Monsieur Fromion, je vous trouve en pleine forme aujourd'hui ! Mais, je vous demanderai de laisser l'orateur s'exprimer.
    Poursuivez, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur Fromion, plutôt que de revenir sans cesse sur les mesures que vous avez pratiquées lorsque vous étiez au pouvoir, vous pourriez prendre en compte la situation nouvelle dans laquelle nous sommes sur le plan économique et social.
    La satisfaction de cette revendication salariale rendra nécessaires des progrès en matière de productivité et par conséquent, une fois de plus, un nouvel effort de formation et de qualification, ne vous en déplaise. Elle pourra aussi justifier un allégement des cotisations sociales qu'il faudra bien cependant financer. Ce qui pose, à très court terme, pour ce gouvernement le problème de la compatibilité entre les baisses d'impôts promises et engagées et les baisses de charges promises et annoncées, et de surcroît, sans contrepartie, ce qui naturellement n'est pas acceptable.
    Ce pacte social ne trouvera enfin tout son sens que s'il s'accompagne d'une action déterminée pour faire reculer le sous-emploi car, nous le savons, la source des inégalités est, pour l'essentiel, liée à la précarité des statuts du travail.
    Monsieur le ministre, dans un contexte de croissance plus forte stimulée par une politique économique bien orientée, et mis au service d'une véritable stratégie du plein-emploi - bref tout ce qui nous manque aujourd'hui - les contrats jeunes que vous nous présentez auraient sans doute eu plus d'impact ou d'efficacité. Encore conviendrait-il de corriger leurs principaux défauts que j'ai énoncés au fur et à mesure de cette intervention et sur lesquels je voudrais maintenant m'arrêter plus précisément. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Martine David. Vous avez tout votre temps, monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. Nul ne conteste la pureté de vos intentions. Faire reculer le chômage des jeunes et, en plus, des jeunes les moins qualifiés est une priorité incontestable, même s'il est paradoxal d'observer que la légère remontée du chômage enregistrée depuis un an a curieusement épargné ces derniers et plutôt frappé les diplômés, et même si l'on peut et l'on doit regretter l'absence de toute initiative de votre part concernant les chômeurs âgés dont le retour à l'emploi devrait pourtant constituer aussi une priorité à la fois économique et sociale.
    Je m'interroge, en revanche, sur les moyens utilisés pour atteindre l'objectif que vous vous assignez.
    Parce qu'elle coupe le lien entre formation et emploi, la mesure que vous nous présentez constitue d'abord une sorte de contresens. Toute mesure en faveur des jeunes vaut moins par le présent qu'elle assure - même s'il est important - que pour l'avenir qu'elle ouvre, parce qu'il est décisif. Pour un jeune sorti du système scolaire sans qualification aucune, l'accès à l'emploi doit être impérativement synonyme d'un accès progressif et garanti à la qualification. Sinon, la perspective d'un CDI que vous brandissez comme un élément de lutte contre la précarité n'offrirait qu'une garantie bien maigre et bien trompeuse.
    Si certains membres de votre majorité refusent d'admettre qu'il y ait là dans votre dispositif une vraie carence, vous avez été, de votre côté, bien obligé progressivement de le reconnaître en introduisant une disposition nouvelle sur la validation des acquis, en acceptant certaines propositions du Sénat qui restent bien insuffisantes et en intégrant dans vos discours des références jusqu'alors oubliées à la formation ou à l'accompagnement professionnel.
    Mais alors pourquoi refuser à toute force d'en concrétiser l'exigence dans le texte lui-même ? Pourquoi faire systématiquement obstacle aux amendements de l'opposition qui tentent de traduire cette logique ? Pourquoi ne pas accepter d'inclure dans le contrat de travail un temps spécifique pour la formation ? Pourquoi refuser la conclusion d'une convention entre l'employeur et les missions locales pour faire le point à l'entrée dans l'emploi des compétences du jeune, préciser ensuite les objectifs de sa progression, évaluer enfin ses acquisitions ? Pourquoi refuser aux partenaires sociaux d'encadrer au niveau de chaque branche les modalités d'accompagnement, de qualification et de validation ? Pourquoi, sinon en faire un préalable, du moins en faire l'élément indispensable et s'assurer que cet encadrement conventionnel ait bien lieu ?
    Pourquoi cet incroyable simulacre juridique de l'article 2 qui transforme la loi, pourtant expression de la volonté générale, en sirupeuse déclaration d'intention ? Dire que les partenaires sociaux « pourront » négocier des accords sur l'accompagnement et la validation, c'est admettre aussi qu'ils ne le feront pas et reconnaître à l'une des parties un pouvoir de veto sur un droit essentiel des jeunes à se former et à évoluer.
    Pour refuser ces avancées, contreparties normales de l'avantage considérable consenti à l'employeur par la suppression pure et simple de toute contribution patronale au niveau du SMIC, vous évoquez la nécessaire simplicité du dispositif que vous voudriez préserver.
    M. Jean-Pierre Dupont. Vous ne l'avez pas fait, vous !
    M. Gaëtan Gorce. Mais en quoi l'intervention des partenaires sociaux pour encadrer ce dispositif serait-il un critère de complexité ? Ou est-ce à dire que toute norme - législative ou même conventionnelle - intervenant dans le domaine social vous serait devenue insupportable ?
    M. Yves Fromion. Qu'est-on en train de faire ?
    M. Gaëtan Gorce. A moins qu'il ne s'agisse, ce qui est proprement irrecevable, que de faire du chiffre et d'afficher d'ici à quelques mois l'éventuel succès d'une mesure plutôt que celui des jeunes dans le monde de l'emploi. Cette préoccupation est d'autant moins recevable que ce nouveau dispositif a été conçu et sera mis en place sans que personne ne se soucie de son articulation avec le dispositif existant. Plus d'un million de jeunes bénéficient aujourd'hui d'un contrat aidé, - dont plus de 600 000, soit dit en passant pour rétablir la vérité, dans le secteur marchand. Or les contrats d'apprentissage, comme les contrats de qualification, risquent d'être profondément déstabilisés...
    M. Jean-Pierre Dupont. Ben voyons !
    M. Jean-Marc Nudant. Sûrement pas !
    M. Gaëtan Gorce. ... non seulement parce que vos contrats-jeunes sont financièrement plus avantageux pour le jeune comme pour l'entreprise, mais aussi parce qu'ils sont - vous l'avez voulu ainsi - administrativement plus simples à conclure faute des éléments que j'évoquais tout à l'heure.
    M. Michel Terrot. Il fallait donc faire compliqué !
    M. Gaëtan Gorce. Mais une simple déclaration ne permettra évidemment pas de déceler les contournements ou les pures et simples effets d'aubaines. Ce risque a été souligné à de multiples reprises par les partenaires sociaux et les organisations professionnelles sans que vous n'en teniez compte. La CGPME a même déclaré que les PMI avaient désormais tous les outils et qu'il suffisait par conséquent de les améliorer sans créer de mesures nouvelles !
    M. Jean-Pierre Dupont. Ben voyons !
    M. Gaëtan Gorce. Comment expliquer enfin l'absence de toute référence au programme TRACE, qui s'adresse très exactement au même public dont l'avenir reste incertain, et aux structures d'accueil et de suivi que sont les missions locales ou les permanences d'accueil, d'information et d'orientation - PAIO ? Comme si les jeunes recrutés dans ces contrats n'avaient aucun passé et ne s'inscrivaient dans aucun parcours professionnel, dans aucune trajectoire ? N'aurait-il pas été logique d'associer ces structures à la mise en oeuvre de la mesure, sauf à traiter par le mépris ou à juger sévèrement leurs actions ? Mais il faut le dire, alors !
    Pourquoi ne pas vouloir faire de ces contrats un outil supplémentaire, un outil complémentaire, plutôt qu'un moyen à part, déconnecté des politiques d'insertion professionnelle des jeunes ? Cet entêtement a quelque chose de préoccupant et ne peut que nous conforter dans l'idée qu'il s'agit moins pour le Gouvernement d'enrichir la panoplie que de réussir un coup. Comment comprendre autrement votre brusque revirement sur le seuil de 250 salariés qui était censé vous prémunir contre les effets d'aubaine ?
    M. Jean-Marc Nudant. C'est le Sénat qui a introduit cette modification !
    M. Gaëtan Gorce. Comment ne pas voir, enfin, les risques d'encourager la déqualification par les deux bouts ? Comment ne pas craindre que des jeunes ne soient tentés de masquer leur niveau réel de formation pour pouvoir bénéficier de ce contrat ? Et comment admettre que des jeunes en CAP ou en BEP soient assimilés à des jeunes déqualifiés ?
    M. Michel Terrot. Vous avez un esprit compliqué, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, votre projet ne nous paraît ni économiquement ni socialement recevable. Et cela d'autant moins que vous avez pris inopinément le soin d'y ajouter - cerise amère sur le gâteau - une disposition nouvelle sur les intermittents du spectacle.
    Je voudrais m'arrêter précisément sur ce point. Le régime des intermittents du spectacle pose d'indiscutables problèmes depuis des années, qui sont liés non seulement à son financement mais aussi à la nature du dialogue social.
    C'est justement parce que ce dialogue social n'avait pas pu être mené jusqu'à son terme que le législateur avait souhaité, avec l'appui d'une partie de l'opposition d'alors et donc de la nouvelle majorité, intervenir à la fin de l'hiver dernier. Les dispositions législatives, sur lesquelles tout le monde ou presque était tombé d'accord, consistaient à indiquer que les annexes 8 et 10, qui concernent précisément les intermittents du spectacle, de la convention UNEDIC, et qui étaient depuis la dernière négociation dépourvus de toute base juridique, étaient prorogées jusqu'à l'aboutissement d'un nouvel accord entre les partenaires sociaux qui pourrait faire l'objet d'un agrément. Comme vous le savez, le régime des intermittents est en permanence sous la menace du MEDEF. Bien que celui-ci ait consenti à la création d'une fédération spécifique d'employeurs, il ne manque jamais de reprendre d'une main ce qu'il a laissé négocier de l'autre, comme on l'a vu avec l'accord de juin 2001.
    Vous nous proposez aujourd'hui, par ce cavalier législatif, de valider une disposition récemment négociée par le MEDEF avec des organisations syndicales parfaitement représentatives. Mais cela aboutira à un doublement de la contribution, sans base juridique et supprimera le droit d'opposition des organisations syndicales.
    Les conséquences d'une telle décision seront redoutables pour l'ensemble des activités de spectacle. Vous en avez eu d'ailleurs tellement conscience que vous avez préféré reporter hypocritement au 1er octobre sa mise en oeuvre. Le ministère de la culture était en effet dans l'incapacité d'augmenter ses subventions pour assurer l'équilibre financier de spectacles et de festivals déjà organisés qui auraient ainsi été brusquement menacés par une augmentation de leurs charges. Puis-je souligner - pour reprendre un mot que vous affectionnez, monsieur le ministre - qu'il s'agit bien là d'une « tartufferie », et que l'on ne fait que reporter dans le temps l'application d'une mesure dont les effets seront pourtant ceux que chacun redoute ?
    M. Jean-Marc Nudant. Fallait-il laisser pourrir la situation ?
    M. Gaëtan Gorce. Cela étant, la question essentielle porte sur la méthode, car on veut contourner la volonté des partenaires sociaux en refusant de tirer toutes les conséquences de la loi votée au début de cette année.
    Je vous le demande, monsieur le ministre, et je le demande à cette assemblée : ne nous prêtons pas à cette opération, ne portons pas ce mauvais coup tant au régime des intermittents qu'aux principes de la négociation sociale.
    M. Jean-Marc Nudant. Ben voyons !
    M. Gaëtan Gorce. Le groupe socialiste, en tout cas, s'y opposera fermement, conscient sans doute des difficultés des régimes et de la nécessité d'y apporter des solutions, mais se rappelant qu'une négociation qui avait abouti l'an passé n'avait pas été validée par le MEDEF, récusant toute autre solution que celle qu'il cherche à imposer.
    Notre souci est aussi d'assurer la pérennité de ce régime, dont on sait qu'il est menacé par le MEDEF, qui ne s'est jamais habitué à ce régime spécifique, contre lequel il mène un combat permanent.
    Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, j'inviterai mes collègues à voter l'exception d'irrecevabilité.
    M. Jean-Marc Nudant. On ne sait toujours pas pourquoi le texte serait irrecevable !
    M. Gaëtan Gorce. Votre texte ne garantit ni le droit à l'emploi, prévu par la Constitution, ni la participation des partenaires sociaux solennisée par le préambule. Il introduit même une inégalité de traitement entre les catégories d'âge qui n'est pas justifiée par la nature des mesures prises.
    M. Hervé de Charette. Vous êtes un intermittent du spectacle politique !
    M. Gaëtan Gorce. Vous avez bien compris cependant que cette exception était moins fondée sur des motifs juridiques stricts que sur des motifs, encore plus forts, de nature économique et sociale. Pourtant, dans cette affaire, le Gouvernement entendait bien se donner le beau rôle.
    Comment s'opposer en effet, pour nous, pour la gauche, à une mesure qui s'adresse aux jeunes, aux plus fragiles d'entre eux, enfermés dans le chômage ? Précisément, nous ne nous y opposons pas ! Nous proposons au contraire de vous prendre au mot et, par conséquent, d'aller jusqu'au bout des intentions que vous affichez au lieu de nous contenter d'une mesure ponctuelle, mal conçue et déstabilisatrice pour les autres dispositifs, pour y substituer un texte et une politique plus forts, plus riches, plus efficacement tournés vers l'emploi des jeunes.
    M. Jean-Marc Nudant. Quelle démagogie !
    M. Gaëtan Gorce. Nous ne sommes pas hostiles, par principe, aux baisses de cotisations, à la condition qu'elles s'accompagnent de contreparties. Nous ne sommes pas hostiles à la création de nouveaux contrats, s'ils s'inscrivent à l'intérieur d'une démarche négociée et d'un dispositif global d'insertion. Nous ne sommes pas hostiles à l'accès direct en entreprise, s'il s'accompagne de garanties en termes d'accompagnement, de formation et de validation des acquis, bref tout ce qui manque à votre texte.
    Pourquoi ne pas aller plus loin ? Pourquoi ne pas inscrire votre contrat dans le cadre d'un véritable droit de chaque jeune non diplômé à une formation et à une première expérience professionnelle rémunérée ? Pourquoi ne pas faire preuve de plus d'ambition et provoquer une négociation interprofessionnelle qui pourrait concrétiser ce droit et offrir aux jeunes un contrat d'autonomie par le travail qui leur garantirait un parcours d'insertion professionnelle et les moyens de construire un projet personnel et de vie, en même temps que professionnel ?
    Bref, nous ne vous proposons rien moins que de prendre appui sur ce texte pour engager une véritable réforme en profondeur, ambitieuse, qui serait d'ailleurs fort bien accueillie par l'ensemble de la jeunesse.
    Des travaux de la commission du plan pour l'autonomie des jeunes, l'an passé, ont montré une très large convergence des partenaires sociaux, mais aussi des syndicats d'enseignants, des parents d'élèves comme des mouvements de jeunesse, autour d'une telle perspective.
    Si vos intentions sont bien celles que vous affichez, alors peut-être pourrez-vous nous suivre dans cette démarche...
    M. Jean-Marc Nudant. Sûrement pas !
    M. Gaëtan Gorce. ... et apporter à la jeunesse une réponse à la hauteur de l'enjeu.
    Si vous devez, en revanche persévérer, ce que je redoute, vous serez alors obligés d'abattre vos cartes. En cédant à la précipitation, vous nous avez apporté et vous nous apporterez la démonstration que, bien qu'ayant choisi une bonne cible, vous manquez d'une véritable ambition et tournez le dos à la méthode que vous prônez par ailleurs : la négociation sociale et la mobilisation collectives des acteurs locaux pour combattre le chômage des jeunes.
    En refusant le débat au fond sur la mise en place d'un véritable droit à la formation et à une première expérience professionnelle, vous apporterez également la preuve que votre objectif était d'abord politique ou tactique et visait, pour l'essentiel, à opposer les emplois non marchands, qui seraient l'apanage de la gauche, les emplois-jeunes, aux emplois en entreprise qui seraient naturellement la priorité de la droite. Cédant à cette facilité, vous avez cherché et vous chercherez à caricaturer les emplois-jeunes et à nier la réalité des services qu'ils rendent aussi bien aux jeunes qu'aux secteurs dans lesquels ils interviennent.
    Il serait regrettable, monsieur le ministre, que tout ce débat n'ait en réalité servi que de prétexte à la volonté affichée du Gouvernement - du ministre des finances, en particulier -, d'en finir avec les emplois-jeunes pour leur substituer des contrats budgétairement moins coûteux. Pourrions-nous sortir pour une fois de ce simplisme et de ce schématisme ?
    Evoquant tout à l'heure les 35 heures et présentant vos contrats en affirmant qu'ils contenaient une obligation de formation - ce qui est faux -, vous avez souligné que vous vouliez mettre du pragmatisme dans le dogmatisme de la gauche. Je crains qu'en nous présentant les contrats de la manière dont vous le faites, en nous présentant aussi la réalité de la réduction du temps de travail ou des emplois-jeunes comme vous l'avez fait, vous ne mettiez surtout un peu de fantaisisme dans votre schématisme.
    M. Jean-Marc Nudant. Ben voyons !
    M. Gaëtan Gorce. Pourrions-nous considérer d'ailleurs d'abord l'objectif : l'insertion professionnelle des jeunes, pour lesquels tous les moyens méritent d'être employés à la condition de ne pas nier ce qui existe déjà ? Nous vous invitons à faire un effort, monsieur le ministre, dans ce débat pour rendre vos contrats-jeunes recevables, c'est-à-dire efficaces.
    Au regard de l'objectif affiché, cet effort ne paraît pas démesuré. Il nous permettra en tout cas d'apprécier et d'évaluer la réalité de votre volonté politique. Vous nous permettrez de penser aujourd'hui que, au regard de l'enjeu, elle est encore bien faible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je formulerai deux séries de remarques.
    En ce qui concerne d'abord la forme, je ne saurais reprocher à M. Gorce d'avoir utilisé l'exception d'irrecevabilité pour s'exprimer, car je l'ai moi-même fait souvent. Toutefois, j'ai alors toujours cherché à justifier l'invocation de la Constitution.
    Or, monsieur Gorce, j'ai désespérément attendu dans votre propos la moindre justification appuyée sur une prétendue inconstitutionnalité.
    Par ailleurs, votre enthousiasme réel dans l'exercice d'opposant à ce gouvernement m'a malgré tout semblé mal dissimuler une certaine absence de conviction à l'appui de vos propres arguments.
    Pour ce qui est ensuite du fond, j'ai constaté que, en dépit de votre lecture de la politique du Gouvernement, vous n'avez pu sérieusement contester que ce projet de loi correspondait à une volonté clairement affichée : orienter la politique de l'emploi vers l'entreprise et construire une perspective durable pour l'emploi des jeunes.
    Affirmer que ce texte a été bâti dans l'urgence est une présentation qui oublie que le travail du Gouvernement a été précédé par la campagne électorale. Or si les engagements de campagne ont un sens - ce que nous croyons - il était bien normal que nous vous présentions très rapidement ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour le démocratie française) pour lequel - entre autres - les Français nous ont donné une majorité.
    Quant à l'urgence, elle découle de la situation des jeunes au chômage pour lesquels, oui, monsieur Gorce, le Gouvernement est pressé d'agir. Néanmoins, que cela plaise ou non, le Gouvernement ne fera pas tout. En effet, c'est d'abord l'entreprise qui crée l'emploi et c'est l'économie qui porte la croissance. On ne peut plus, comme vous l'avez fait pendant cinq ans, opposer l'économique et le social.
    M. Paul Quilès. Caricature !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement auquel j'appartiens fera tout pour les réconcilier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous avez ensuite prétendu que le Gouvernement n'entendait pas. Or, en la matière, le premier geste du Gouvernement, en réponse à l'attente des Français, est constitué par ce texte.
    Mme Martine David. Celui du MEDEF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le deuxième geste sera le texte que je vous présenterai à l'automne et que j'ai évoqué tout à l'heure, sur les 35 heures...
    M. Alain Néri. Cela nous inquiète ! Le pire est à venir !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et sur la convergence des SMIC, après concertation avec les partenaires sociaux.
    Oui, monsieur Gorce, notre première tâche est de remettre de l'ordre là où vous avez mis le désordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Pas de grands mots ! Soyez modeste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La France a été accablée par une politique économique dispendieuse qui a gaspillé la croissance, pulvérisé les SMIC, fragilisé la culture du travail. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous avez prétendu, monsieur Gorce, que j'avais une lecture personnelle des 35 heures et de leurs effets sur l'économie. Peut-être partagerez-vous celle que je vais vous donner :
    « Dans la campagne, personne n'a jamais défendu devant moi les 35 heures, sauf les cadres supérieurs qui étaient, eux, très heureux. Les autres ont surtout mis en avant les inconvénients de leur mise en place : les délais, les obstacles, les complications.
    Ou encore : « Les 35 heures ont dégradé encore un peu plus les conditions de travail de ce monde salarié défavorisé. » Vous avez sans doute reconnu des citations de Bernard Kouchner et de Ségolène Royal. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Gorce, je ne peux pas non plus vous laisser dire que le Gouvernement a refusé de donner un coup de pouce au SMIC et que cela serait significatif de la politique salariale qu'il entend conduire, alors que, vous le savez mieux que moi, si les gouvernements que vous avez soutenus n'ont pas donné de coup de pouce au SMIC pendant trois ans, c'est parce que la loi sur les 35 heures avait construit un système qui, en créant une garantie mensuelle chaque année, rendait impossible une telle décision, sauf à pérenniser pour toujours l'écart entre les différents SMIC. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous, nous allons proposer, dès le mois d'octobre, un schéma de convergence des SMIC qui permettra aux plus bas de rattraper, dans un délai extrêmement court, le SMIC le plus élevé. Ainsi nous mènerons une vraie politique de soutien aux bas salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    En fait, monsieur Gorce, l'opposition fantasme et exagère, faute de pouvoir contester la logique de ce projet.
    Vous avez cité Philippe Séguin. Je pourrais vous répliquer en citant Talleyrand. « On est plus souvent trahi par la méfiance que par la confiance. » Au fond, en effet, c'est la confiance des jeunes qui est recherchée et tant pis si l'opposition compte sur sa méfiance. Talleyrand vaut bien Godot mais Gorce ne vaut pas encore tout à fait Séguin. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Alain Néri. Démago !
    Mme Martine David. C'est toujours le spectacle !
    M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrécevabilité, la parole est à M. Jean-Paul Anciaux.
    M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur Gorce, vous avez laissé à penser que le texte n'était pas constitutionnel. Heureusement que notre Constitution a mis au coeur de ses priorités l'homme et l'épanouissement de celui-ci par le travail !
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. Jean-Paul Anciaux. Je veux d'abord répondre à vos critiques concernant la méthode.
    La concertation sur ce projet de loi a eu lieu, même si, pour des raisons de calendrier, elle a été de courte durée.
    M. Christian Paul. Oh oui !
    M. Jean-Paul Anciaux. Il était en effet indispensable d'agir rapidement, car le chômage des jeunes s'est accru de 15 % entre mai 2001 et mai 2002. Je vous le rappelle chers collègues socialistes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Si ce projet n'avait pas été examiné durant cette session extraordinaire, son vote aurait été reporté probablement au début de 2003. Or les Français nous ont demandé d'agir et non d'attendre. Si vous les aviez rencontrés, vous sauriez ce qu'ils attendent du nouveau gouvernement.
    M. Bernard Accoyer. Tout à fait !
    M. Jean-Paul Anciaux. Puisque vous avez évoqué la concurrence avec l'apprentissage et les contrats d'alternance, je tiens à souligner que le dispositif proposé constitue une arme efficace pour lutter rapidement contre le chômage des jeunes. Il n'a pas vocation à remplacer d'autres dispositifs ; cela a été expliqué par le ministre. Le Gouvernement a d'ailleurs déjà fait connaître sa volonté d'amplifier le dispositif TRACE et de mettre en place le contrat d'insertion à la vie sociale.
    En ce qui concerne l'apprentissage - M. le ministre l'a précisé récemment - une remise à plat des modalités de fonctionnement devrait voir le jour dans le cadre du futur projet de loi de régionalisation, alors que votre gouvernement, monsieur Gorce, a été incapable de réformer et d'adapter la filière de formation par l'apprentissage.
    Vous avez également émis des critiques au regard de la formation. Or l'entreprise apporte, sur la durée, la formation nécessaire. Nous faisons donc confiance aux chefs d'entreprise, à l'encadrement, à la maîtrise et aux compagnons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le jeune pourra d'aileurs rompre le contrat sans préavis pour suivre une formation. Cela relèvera de sa responsabilité et nous croyons à la capacité du jeune à choisir.
    A propos de l'effet d'aubaine, de grâce, faisons confiance aux entreprises. Les employeurs gèrent leurs établissements avec une vision d'avenir. En outre, le projet de loi institue un CDI, un contrat à durée indéterminée, un contrat de travail à long terme. Il ne s'agit pas de je ne sais quelle sorte de sous-emploi.
    Décidément, messieurs les socialistes...
    Mme Catherine Génisson et Mme Martine David. Et mesdames !
    M. Jean-Paul Anciaux. ... vous n'avez du marché du travail qu'une vision virtuelle.
    Il ne faut pas non plus se poser la question de la concurrence avec le dispositif des emplois-jeunes. Il convient plutôt de s'interroger sur la pérennisation de ces derniers, dans la mesure où il s'agit de contrats passés dans le secteur non marchand, financés par des fonds publics et sans véritables perspectives professionnelles.
    M. Paul Quilès. C'est faux !
    M. Jean-Paul Anciaux. Lorsqu'ils ont été instaurés, ces emplois-jeunes avaient-ils vocation à être pérennisés ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Jamais, vous n'avez répondu clairement à cette question. Vous auriez dû réfléchir et préparer l'avenir de ces jeunes car vous êtes comptables, aujourd'hui, du devenir de chacun d'entre eux. Vous avez même, en la matière, mes chers collègues une lourde responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous ne voterons pas cette motion. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Laissez M. Gremetz s'expliquer !
    M. Maxime Gremetz. En effet, nous considérons que ce projet participe d'une bonne idée, tend à répondre à un besoin réel : lutter contre le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je n'ai pas besoin de vos applaudissements. Ma position est déterminée par la situation de ces jeunes que je vois à la recherche d'un emploi, d'un emploi non pas précaire, mais durable.
    M. Christian Paul. Deux ans !
    M. Maxime Gremetz. Non, pas deux ans, puisque les exonérations sont prévues pour trois ans.
    M. Bernard Accoyer. Oui !
    M. Maxime Gremetz. De plus, comme il s'agit d'un CDI, ensuite la législation du travail s'appliquera. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) J'ai été délégué du personnel ; je connais donc un peu la question.
    M. le président. Monsieur Gremetz, pas de dialogue.
    M. Maxime Gremetz. Tout salarié titulaire d'un CDI, qu'il soit jeune ou non, bénéficie de la loi, notamment sur les licenciements. Le code du travail s'applique.
    M. Jean-Luc Préel. C'est évident !
    M. Maxime Gremetz. Je le rappelle tout de même, pour mémoire !
    Ensuite, il ne faut pas oublier que la précarité est un mal terrible, que le chômage est un mal terrible pour les jeunes : il frappe 380 000 d'entre eux et son augmentation est sensible.
    Désormais, le CDI est malheureusement non plus la norme, mais l'exception. Trois emplois sur quatre sont aujourd'hui fondés sur des CDD ou sur des contrats d'intérim. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il n'est plus possible de continuer comme ça.
    Par ailleurs, les rémunérations devraient être au minimum égales au SMIC en fonction de la qualification. Je voudrais bien que tous les emplois, y compris ceux sur contrat qu'on appelle de qualification, soient payés au SMIC !
    M. Jean-Marc Nudant. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. C'est pourquoi nous proposons que les contrats de qualification soient transformés en ce genre de contrat. En effet, je l'ai dit et je le répète : peu importe qu'un projet vienne de droite ou de gauche ; en l'occurrence, c'est le sort des jeunes qui nous intéresse !
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Je vous indique donc que, si ce projet comportait un volet formation, comme nous le demandons, nous le voterions. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    C'est clair et nous pensons que le Gouvernement devrait réfléchir. Il n'est pas possible d'affirmer que les jeunes qui veulent sortir du système scolaire, parfois en situation d'échec scolaire, refusent d'être formés. Plus simplement, ils ne tiennent plus à rester à l'école, car elle ne correspond pas à leurs attentes. Ils préfèrent suivre une formation adaptée, tout en travaillant. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Paul. Ce n'est pas dans le texte !
    M. Maxime Gremetz. L'introduction dans le dispositif d'un volet formation est, pour nous, la condition sine qua non.
    Nous voulons travailler ce projet ; nous voulons l'enrichir ; nous avons des propositions d'amendements et notre vote sera déterminé par le sort qui leur sera réservé, notamment à ceux relatifs à la question de la formation. Je voulais le souligner car le groupe communiste est unanime de ce point de vue.
    Comme nous sommes des gens sérieux (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), nous n'allons pas voter une motion d'irrecevabilité puisque nous voulons que le débat se poursuive (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) afin que l'Assemblée puisse examiner nos amendements. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'indique à ceux qui doutent - et, monsieur le président, ce sera mon dernier mot...
    M. le président. Vous pouvez continuer plus longtemps, monsieur Gremetz, vous n'avez pas épuisé votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. C'est bien ce qui me semblait.
    Je m'interrogeais sur l'opinion des organisations syndicales. Deux positions sont possibles. L'une consiste à dire que ce texte est inamendable, qu'il ne mérite pas d'être examiné et doit être rejeté ; certains ont cette attitude. L'autre position consiste à tenter d'amender le texte.
    J'ai entre les mains un document émanant d'un syndicat et qui n'est pas, contrairement à ce que vous allez me dire, la CGT. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Nous n'avons plus de repères !
    M. Maxime Gremetz. Certes, c'est le syndicat auquel j'appartiens et c'est le meilleur, mais ce document m'a été transmis par SUD ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Jean-Paul Anciaux. On perd le Nord !
    M. Maxime Gremetz. Ce document propose aux députés communistes de défendre des amendements sur ce texte. Eh bien, ils correspondent absolument à ceux que nous avons déposés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Luc Préel. Bien entendu, le groupe UDF votera contre la motion qui vient d'être présentée, mais je n'aurai pas la cruauté d'expliquer pourquoi une exception d'irrecevabilité est une procédure particulièrement inappropriée dans ce type de débat.
    Certes, lorsque l'on est dans l'opposition, François Fillon vient de le rappeler, on peut saisir toutes les occasions pour intervenir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Vous avez la mémoire courte ! Vous n'avez cessé de déposer des motions de procédure !
    M. Jean-Luc Préel. Toutefois, M. Gorce s'est répandu en termes excessifs et agressifs,...
    M. Hervé Novelli. Pour ne rien dire !
    M. Jean-Luc Préel. ... qui me semblent particulièrement inadaptés dans un domaine où il faut faire preuve de prudence et de modestie.
    M. Hervé de Charette. Bien !
    M. Jean-Luc Préel. Après cinq années durant lesquelles vous avez été au pouvoir, après cinq années de croissance que vous avez gaspillées, force est de constater que l'emploi des jeunes est l'un de vos échecs les plus dramatiques ! (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    En effet, nous observons aujourd'hui que de nombreux jeunes sont au chômage, en situation d'échec, notamment parce qu'ils sont sortis de l'école sans formation.
    Que n'avez-vous profité des cinq années durant lesquelles vous avez été au pouvoir pour tenter de résoudre le problème du chômage des jeunes et pour réformer la formation professionnelle afin que chaque jeune puisse sortir de l'école avec une formation adaptée aux besoins du pays ?
    François Fillon, au nom du Gouvernement, nous propose un projet simple et ciblé, qui permet d'offrir un emploi à durée indéterminée aux jeunes âgés de moins de vingt-deux ans et sans formation. Comme l'a rappelé M. Gremetz, un CDI est indispensable pour rendre espoir aux jeunes, pour leur permettre de s'en sortir. Pour cela, il faut faire confiance aux entreprises, qui sont effectivement les seules à créer des emplois durables, et maintenir leur compétitivité.
    Monsieur le ministre, le groupe UDF soutient le dispositif que vous proposez, même si nous aurions souhaité que soit plus clairement exprimée l'obligation de donner une formation à ces jeunes afin qu'ils puissent acquérir la compétence qu'ils ne possèdent pas. Toutefois, connaissant votre attachement à la formation professionnelle en alternance - la région que vous avez présidée est un modèle en ce domaine -, nous sommes certains que vous ne manquerez pas de veiller à l'avenir de ces jeunes, que nous recevons tous dans nos permanences.
    Le projet qui nous est présenté est simple et ciblé. Il répond à un problème majeur de notre société et est source d'espoir pour notre jeunesse. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Néri. Monsieur le ministre, vous présentez votre projet de loi dans le cadre de la procédure d'urgence car vous voulez masquer l'absence de négociation préalable...
    M. Jean-Pierre Dupont. Vous avez donné l'exemple en ce domaine !
    M. Alain Néri. ... qui aurait été pourtant indispensable à l'élaboration d'un tel dispositif s'il se voulait vraiment ambitieux. Vous ne cessez de parler de concertation, mais où est-elle ?
    M. Jean-Marc Nudant. Mais où était la vôtre ?
    M. Dominique Dord. Les jeunes apprécieront, monsieur Néri !
    M. Alain Néri. Pour des raisons de pur affichage et de tactique politicienne, vous avez confondu urgence et précipitation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. On croit rêver !
    M. Alain Néri. Votre projet tendant à créer des contrats-jeunes est d'ailleurs contesté par les partenaires sociaux eux-mêmes. Il se caractérise en effet par un manque d'ambition.
    M. Guy Drut. Changez de braquet !
    M. Alain Néri. Manque d'ambition, car ce texte ne vise plus le plein emploi, mais tend seulement à masquer l'augmentation du chômage des jeunes afin d'apaiser leur inquiétude et celle de leur famille.
    Manque d'ambition car, alors qu'il s'adresse à des jeunes en grande difficulté, à des jeunes sortis, malheureusement, du système scolaire sans formation, vous n'offrez aucune possibilité de formation.
    M. Jean-Pierre Dupont. Mais pourquoi sont-ils donc au chômage ? Qu'avez-vous fait ? C'est la faute à qui ?
    M. le président. Monsieur Dupont, on n'entend que vous !
    Monsieur Néri, veuillez poursuivre.
    M. Alain Néri. Si M. Dupont veut dire quelques bêtises, il peut continuer. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Continuez, monsieur Néri.
    M. Alain Néri. Ces jeunes sortis du système scolaire sans formation, vous allez les livrer directement au patronat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) sans vous soucier de leur avenir. Chacun sait bien en effet que seule une bonne formation professionnelle permet de garantir durablement l'emploi.
    Alors, mesdames, messieurs, nous ne pouvons pas accepter ce texte et la volonté qui vous anime de faire de la gesticulation afin de cacher votre inquiétude (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs) de n'avoir, face à la montée du chômage, aucune réponse claire et précise à offrir à la jeunesse.
    M. Dominique Dord. De tels propos sont honteux !
    M. Hervé Novelli. Ils sont scandaleux !
    M. Alain Néri. Ce projet de loi, si j'en crois Maxime Gremetz, aurait dû apporter un message d'espoir à la jeunesse. Or il n'apporte qu'un message d'inquiétude aux emplois-jeunes : à ceux qui sont employés dans l'éducation nationale et dont chacun reconnaît l'intérêt du travail qu'ils accomplissent auprès des jeunes en difficultés scolaires,...
    M. Jean-Paul Anciaux. Que feront-ils après ?
    M. Alain Néri. ... à ceux qui travaillent dans les associations et qui oeuvrent en faveur de la cohésion sociale dont vous nous rebattez les oreilles mais pour laquelle vous ne faites rien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. Et vous, qu'avez-vous fait ?
    M. Alain Néri. Parce que votre texte n'apporte pas à la jeunesse le message d'espoir qu'elle attend,...
    M. René André. De tels propos sont honteux !
    M. Alain Néri. ... le groupe socialiste votera la motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
    M. Jean-Claude Lefort. Et l'abstention du groupe communiste ?
    M. le président. Monsieur Lefort, le règlement dispose que le président de séance doit simplement demander quels sont ceux qui votent pour et quels sont ceux qui votent contre. Il vous appartient de signaler que le groupe communiste s'abstient, ce qui a déjà été indiqué il y a un instant et figure au compte rendu.

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Encore !
    M. le président. La parole est à M. Christian Paul.
    M. Guy Drut. Même vote ! (Sourires.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Même punition !
    M. Christian Paul. Monsieur le ministre, parmi les raisons graves et nombreuses qui nous poussent à exprimer une extrême réserve à l'égard du projet du Gouvernement, il en est une que je veux souligner devant vous : c'est la mise en cause et l'abandon du programme « nouveaux emplois-nouveaux services », autrement dit le sacrifice des emplois-jeunes auquel vous procédez ces jours-ci.
    A leur propos, en effet, le Gouvernement et sa majorité alternent mépris et renoncement. Ce mépris est choquant, ce renoncement est inexcusable.
    M. Dominique Dord. Ben voyons !
    M. Christian Paul. Non pas qu'il y aurait eu dans ce programme une vérité dont nous serions les gardiens. Les emplois-jeunes n'étaient certes pas une potion magique.
    M. Hervé Novelli. Oh non ! Ça c'est sûr !
    M. Christian Paul. Mais ce programme a réussi, il a rempli la mission qui lui était assignée en 1997.
    M. Louis Guédon. Les jeunes ne sont pas d'accord !
    M. Christian Paul. Pour la première fois depuis longtemps, le chômage des jeunes a baissé dans notre pays de façon massive.
    M. Hervé Novelli. On a trompé les jeunes !
    M. Christian Paul. Au fond, en niant l'inspiration de ce programme, en niant ses résultats, il vous plaît de porter atteinte, rétroactivement et de façon partisane, à l'un des actes politiques dont s'honore la précédente législature.
    M. Gaëtan Gorce. Très juste !
    M. Christian Paul. Il est vrai qu'alors vous avez combattu les emplois-jeunes, refusant de reconnaître dans cette volonté politique qu'exprimait Martine Aubry une stratégie utile contre le chômage de masse des jeunes.
    M. Hervé Novelli. Elle n'a pas réussi !
    M. Christian Paul. Vous avez alors combattu le remarquable travail parlementaire qui a entouré et enrichi cette loi.
    Je ne retrouve, d'ailleurs, rien, ces dernières semaines, de cette ardente élaboration collective.
    La mise en cause des emplois-jeunes repose, monsieur le ministre, sur plusieurs critiques que je veux relever et contester.
    Les emplois-jeunes, vous le dites souvent, ne sont pas des bons emplois et de vrais emplois parce qu'ils sont des emplois publics. D'abord, il serait plus exact de parler d'emplois non marchands ; ensuite, leur caractère public - et c'est un péché inexpiable pour nombre d'entre vous - signifie tout simplement qu'ils répondent à des besoins d'intérêt général. J'en veux d'ailleurs comme témoignage qu'à la fin de l'année dernière, monsieur le ministre, il y avait 14 324 emplois-jeunes dans la région des Pays de Loire. Ce n'était certainement pas des emplois au rabais, et je veux même croire - vous nous le direz peut-être tout à l'heure - que le conseil régional que vous présidiez alors s'est investi, à l'instar de beaucoup d'autres conseils régionaux, dans l'effort de formation qui était proposé aux emplois-jeunes.
    Alors, monsieur Fillon, je vous invite à aller dire à ces 14 324 emplois-jeunes qu'ils auraient pu, en 1997, être accueillis sans difficulté dans les entreprises comme vous feigniez de le croire tout à l'heure.
    Je vous invite à aller leur dire que leur emploi public ou associatif n'avait aucun sens et qu'au fond ils ont perdu là cinq années de leur vie.
    Comment, mesdames et messieurs les députés, peut-on disserter sans fin contre les emplois-jeunes comme vous l'avez fait au cours de ces derniers mois,...
    M. Dominique Dord. Mais non !
    M. Christian Paul. ... quand on en a soi-même créés dans sa commune, dans son département ou dans sa région ainsi que l'ont fait beaucoup d'entre vous ?
    Comment affirmer que l'environnement, l'éducation et le soutien scolaire, l'animation des quartiers, la sécurité ou l'accès à la culture ne sont pas des priorités collectives qui méritent un grand effort public ?
    M. Hervé de Charette. Ce que vous dites est absurde !
    M. Christian Paul. Monsieur de Charrette, c'est sans doute que j'appuie là ou ça fait mal. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Hervé de Charette. Pas du tout ! Vous dites des choses absolument absurdes !
    M. Christian Paul. Les emplois-jeunes ont, selon vous, détourné des entreprises des jeunes qualifiés et diplômés.
    M. Dominique Dord. Vous n'avez pas suivi, ce n'est pas possible !
    M. Christian Paul. Or il n'est pas contestable - et vous retrouverez cela aisément, monsieur le ministre, dans les archives de votre ministère - que des jeunes peu qualifiés, souvent sans diplôme, ont trouvé là une première insertion professionnelle.
    M. Dominique Dord. C'est faux ! Il s'agit de jeunes qualifiés !
    M. Christian Paul. En avril 2002 - ce n'est pas si loin -, 60 % des emplois-jeunes recensés par le CNASEA dans les collectivités locales ou dans les associations avaient un niveau inférieur ou égal au baccalauréat.
    M. Dominique Dord. 40 % !
    M. Christian Paul. D'autres, certes mieux armés à l'issue de leur formation initiale, ont échappé à leur tour au chômage précoce si répandu dans cette génération du milieu des années 90.
    Enfin, à vos yeux encore, les emplois-jeunes ne préparent pas à une solution professionnelle durable. Là encore, mes chers collègues, à droite, l'aveuglement le dispute à la mauvaise foi.
    M. Hervé de Charette. Monsieur Paul, comment pouvez-vous dire des choses pareilles ?
    Mme Martine David. Quelle intolérance ! laissez parler M. Paul, monsieur de Charette !
    M. Christian Paul. Combien d'entre eux, contrairement à vos dires, ont pu trouver ensuite un emploi plus conforme à leur attente et à leur formation ?
    M. Hervé de Charette. Cessez d'accuser la majorité !
    M. Christian Paul. Monsieur de Charette, votre réprobation m'encourage.
    M. Hervé de Charette. M'autorisez-vous à vous interrompre ?
    M. le président. Monsieur de Charette, vous êtes généralement très tolérant. Alors, laissez l'orateur continuer.
    Poursuivez, monsieur Paul.
    M. Hervé de Charette. M. Paul a peur que je l'interrompe !
    M. Christian Paul. S'agissant du devenir professionnel des emplois-jeunes, je vous indiquerai que, en septembre 2001, six sur dix de ceux qui avaient pourtant quitté ce dispositif de façon anticipée avaient trouvé un emploi.
    Mais surtout, en agissant comme vous le faites sans arrêt - et encore ces derniers jours -, vous niez les efforts consentis pas des dizaines de milliers d'employeurs, des associations, des collectivités locales, des établissements publics - et même parmi ceux que vous présidez -, pour les emplois-jeunes, par le biais de la formation tout d'abord et ensuite par celui de la recherche de financements durables ou en rendant solvables les nouveaux services qui ont été proposés et souvent plébiscités par la population.
    Aussi était-il nécessaire, cet après-midi, de répondre à ce procès des emplois-jeunes instruit tout au long des campagnes électorales et encore ce jour à l'Assemblée.
    Non seulement, monsieur le ministre, nous sommes fiers de ce programme et de ses résultats pour l'emploi des jeunes, mais nous pensons également qu'il reste porteur de valeurs de solidarité qui font honneur à notre République et que je vous entends également invoquer de temps à autre.
    Parmi les préalables que ce gouvernement devrait satisfaire pour que la discussion de ce texte puisse se tenir, il faudrait donc donner des éclaircissements sur la poursuite du programme emplois-jeunes.
    M. Hervé de Charette. Ce n'est pas le débat !
    M. Christian Paul. Vous le devez, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale. Et l'opposition est dans son droit quand elle vous demande de faire une totale clarté sur une question qui intéresse l'avenir professionnel de plusieurs centaines de milliers de jeunes Français. Votre réponse devant notre commission, il y a quelques jours, est apparue bien vague - volontairement, je n'en doute pas - et, en tous cas, très dilatoire.
    Le moment est donc venu de vous adresser directement ces questions.
    Allez-vous, monsieur le ministre, maintenir les engagements fermes pris par le Gouvernement précédent et au nom de l'Etat par Mme Elisabeth Guigou ?
    M. Dominique Dord. Et pas financés !
    M. Christian Paul. Allez-vous, cette année et les années qui viennent, confirmer et dégager les moyens nécessaires pour le plein succès de ce programme ?
    M. Dominique Dord. Vous ne manquez pas d'air !
    M. Christian Paul. Quels sont en 2002 et quels seront en 2003 et les années suivantes les crédits de l'Etat que vous souhaitez affecter à l'ensemble du programme emplois-jeunes ?
    Allez-vous agir pour que les employeurs, les associations et les collectivités - en particulier celles dont les ressources sont les plus faibles - puissent, au cours des prochaines années, consolider et pérenniser ces emplois ?
    Allez-vous renforcer les budgets alloués à la professionnalisation des ces emplois ?
    Allez-vous permettre la création d'un contingent supplémentaire d'emplois-jeunes dans des domaines prioritaires, comme l'a fait le gouvernement précédent, en ouvrant 10 000 emplois supplémentaires en 2002 ?
    M. Dominique Dord. Vous vous trompez de texte !
    M. Christian Paul. Enfin, l'Etat, lui-même employeur, assumera-t-il jusqu'à leur terme les engagements qu'il a pris auprès des jeunes qu'il a recrutés dans l'éducation, la police, la gendarmerie ou dans les entreprises publiques ?
    Sur quoi peuvent compter les aides éducateurs ou les adjoints de sécurité, au-delà de la période de cinq ans ? Et le sursis de quelques mois accordé comme une aumône aux aides éducateurs recrutés cinq ans plus tôt pour qu'ils achèvent l'année scolaire ne saurait satisfaire personne.
    Les positions que le Gouvernement prendra sur ce sujet par votre voix sont attendues. Leurs conséquences humaines seront considérables et, si vous n'y prenez garde, dramatiques.
    Ce gouvernement, nous dit-on, travaille à grande vitesse. Dès lors, rien ne l'empêchait, avant et pendant la préparation de ce projet de loi, de prendre des décisions et de venir les expliquer.
    Monsieur le ministre, votre majorité peut certainement s'arroger beaucoup de prérogatives, mais vous ne saurez nous convaincre que figurait dans votre mandat, celui que vous avez reçu de notre peuple, l'éradication des emplois-jeunes.
    Allons plus loin : cette bonne gouvernance, qui est devenue le logo de M. Raffarin, imposait-elle vraiment de piétiner le travail accompli pendant cinq ans, avec près de 380 000 jeunes, par des milliers d'associations et de collectivités ?
    Mme Martine David. Très juste !
    M. Dominique Dord. Mais qui parle de cela, à part vous ?
    M. Christian Paul. A moins que, derrière cette hésitation et ces atermoiements manifestes, il n'y ait une volonté et des motifs cachés. Je crains en effet que ce gouvernement n'ait grand besoin, dès cette année, et encore plus les suivantes,...
    M. Dominique Dord. Des leçons maintenant ?
    M. Christian Paul. ... du budget des emplois-jeunes pour financer l'une des politiques fiscales les plus injustes de la Ve République.
    M. Dominique Dord. Ben voyons !
    M. Christian Paul. Vous l'avouez, d'ailleurs, monsieur Fillon, en disant - je vous cite : « Cela coûte six fois moins cher. » Quel aveu ! Et ce n'est pas un aveu d'efficacité.
    Vous sacrifiez aujourd'hui les emplois-jeunes pour financer la baisse de l'impôt sur le revenu que vous allez mettre en oeuvre dans des conditions scandaleusement inéquitables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Très juste !
    M. Philippe Cochet. Assez de leçons !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Ne mélangez pas tout !
    M. Christian Paul. C'est en effet la réforme la plus injuste de la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cette injustice, les Français l'ont perçue même au coeur de cet été. Ce sacrifice, vous devrez l'expliquer. Vous devrez en rendre compte dans vos départements et, j'ajouterai, dans vos circonscriptions.
    M. Louis Guédon. Prétentieux !
    M. Dominique Dord. Après les leçons, des menaces !
    M. Christian Paul. Non, pas du tout.
    M. le président. Monsieur Dord, laissez M. Christian Paul s'exprimer.
    Poursuivez, monsieur Paul.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la transparence, la perestroïka !
    M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie.
    M. Christian Paul. Ce sacrifice, vous devrez aussi l'expliquer, car, derrière ce projet de loi et ses apparences, il y a à la fois un choix de société et un cynique calcul budgétaire.
    M. Dominique Dord. Quel prétentieux !
    M. Christian Paul. C'est le choix d'une société de marché, dure envers les faibles et souriante à l'égard des fortunes. C'est bien là la tentation ultralibérale qui tenaille votre majorité.
    M. Dominique Dord. Allez !
    M. Pierre-André Périssol. N'importe quoi !
    M. Christian Paul. Et pour y succomber, il était habile, c'est vrai, de faire appel à vous même, monsieur Fillon, porte-parole d'une autre sensibilité de cette majorité. Le libéralisme social sera, dans ce gouvernement, nous prenons date,...
    M. Dominique Dord. Ah !
    M. Christian Paul. ... le paravent transparent du libéralisme le plus classique, sans imagination, mais sans état d'âme.
    M. Dominique Dord. Pourquoi pas un cache-sexe pendant que vous y êtes ?
    M. Christian Paul. Je prends date, donc, pour les débats à venir sur la santé, sur les retraites ou sur la durée du travail.
    Et le second volet de mon intervention illustrera cette crainte tout autant.
    M. Hervé de Charette. Ce n'est pas vrai ! Il y a un second volet ?
    M. Christian Paul. Eh oui, monsieur de Charrette vous devrez encore patienter quelques instants. (« Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Vous n'avez pas épuisé votre temps de parole, monsieur Paul. Continuez.
    M. Dominique Dord. Il n'a rien d'intéressant à dire !
    M. Hervé de Charette. Cela ne l'autorise pas à dire n'importe quoi !
    M. Christian Paul. Je veux, si la majorité m'y autorise,...
    M. Hervé de Charette. Un peu de modestie, monsieur !
    M. le président. Elle n'a pas à vous autoriser.
    M. Christian Paul. ... soulever, en préalable à ce débat, que vous souhaitez précipiter,...
    M. Hervé de Charette. N'importe quoi !
    M. le président. Monsieur de Charette, calmez-vous !
    M. Jean-Pierre Brard. On n'est pas dans le bocage ici !
    M. Gaëtan Gorce. Ils sont d'une arrogance ! Cela promet !
    M. Jean-Pierre Brard. Heureusement qu'il y a des Bleus ici, monsieur le président, et pas que des Blancs ! (Sourires.)
    M. Christian Paul. Je veux soulever, en préalable à ce débat, une autre interrogation qui porte, elle, sur l'efficacité et la philosophie même du dispositif bricolé à la hâte que vous proposez au pays.
    M. Dominique Dord. Voilà !
    M. Christian Paul. Là encore, je vous demande, monsieur le ministre, de vous interroger sur le mandat dont vous êtes porteur. Et je suggère aussi à nos collègues d'y réfléchir à deux fois quand ils affirment que la baisse des contributions patronales telle qu'elle est prévue peut avoir l'effet miracle que vous entendez lui prêter.
    M. Dominique Dord. On verra !
    M. Christian Paul. Je vous y invite d'autant plus que la baisse des cotisations sociales des entreprises n'est pas, pour nous, un tabou. Nous y avons eu recours...
    M. Jean-Pierre Brard. Trop, il faut bien le dire !
    M. Christian Paul. ... en particulier à l'occasion de la réduction du temps de travail. Si pour les petites et moyennes entreprises auxquelles vous destiniez cette loi, au moins à l'origine, le coût du travail est un facteur d'embauche, l'existence d'une demande de leurs clients et donc la croissance, la disponibilité de personnels qualifiés et donc la formation sont des éléments bien plus déterminants encore.
    Cette croyance théologique...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Carrément !
    M. Christian Paul. ... dans l'efficacité des baisses de cotisations sociales mérite d'être discutée au moment où vous vous apprêtez à ouvrir ce débat. Personne, monsieur le ministre, ne conteste la nécessité de maîtriser les prélèvements obligatoires, la question n'est pas là.
    M. Dominique Dord. C'est vous qui posez cette question !
    M. Christian Paul. Ce qui est contestable, à plusieurs titres, c'est la manière dont ce gouvernement et la majorité abordent la question.
    M. Dominique Dord. Il faudrait les augmenter ?
    M. Christian Paul. D'abord, je discerne dans cette idéologie de la baisse des charges une atteinte à notre pacte social. A brocarder en permanence les contributions des entreprises à notre système de protection sociale, on nourrit en France les courants les plus hostiles aux principes de solidarité et de partage qui fondent notre République. Et nous prenons date, là aussi, pour les débats à venir sur le financement de la sécurité sociale et des retraites.
    Ensuite, comment ne pas s'étonner que vous ayez fait délibérément le choix d'une approche aussi partielle de cette question, alors que le Premier ministre et vous-même annoncez un débat prochain sur l'évolution des cotisations sociales ?
    Fallait-il se priver, dans des négociations qui s'annoncent difficiles, d'un atout supplémentaire ? Aujourd'hui, l'Etat se désarme pour cette négociation. Or les marges de manoeuvre dont dispose notre pays ne sont pas illimitées.
    M. Dominique Dord. C'est sûr !
    M. Christian Paul. Il eût donc été de meilleure méthode de décider des allégements éventuels et des soutiens possibles à l'emploi des jeunes dans ce cadre de cohérence pour mieux cibler, en particulier, les petites et moyennes entreprises. Car on voit bien, déjà, les luttes d'influence et les tensions qui parcourent votre majorité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Racontez-nous !
    M. Christian Paul. Et c'est au Sénat qu'est apparu le vrai visage de ce projet. Votre majorité au Sénat a, en effet, défendu un amendement pour neutraliser les effets de seuil d'activité. Le Sénat a encore étendu avec votre bienveillance sinon votre bénédiction, ce projet à toutes les entreprises quelle que soit leur taille, donc aux grandes entreprises.
    M. Dominique Dord. Ce n'est pas un scoop !
    M. Christian Paul. C'était un amendement McDonald's.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. N'importe quoi !
    M. Christian Paul. Je vous invite, monsieur le ministre, à aller dire aux chômeurs de plus de vingt-deux ans qui seront écartés de ces grandes entreprises qu'il n'y avait là qu'une erreur de ciblage.
    Il devient clair, pour chacun, que la chasse au profit qui s'engage n'a qu'un simple rapport de circonstance avec l'emploi des jeunes. Il y a les patrons qui embauchent et ceux qui empochent et ce ne sont pas toujours les mêmes.
    Enfin, parce qu'il s'agit, certes, d'économie, mais au moins autant de psychologie, je voudrais que chacun mesure bien l'effet tellement modeste du dispositif qui nous est proposé - en cela, il est d'ailleurs dans l'air du temps. Toutes les études sérieuses, y compris celles qui reconnaissent les effets sur l'emploi des allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, s'accordent pour dire que ce genre de politique ne modifie les décisions des entreprises et ne les incite véritablement à embaucher que si elles sont assurées de la durée. Or, dans ce dispositif dont nous reconnaîtrons volontiers les qualités de trompe-l'oeil, l'on voit bien qu'après deux années à plein et une année à moitié, le soutien de l'Etat sera interrompu. Alors, de grâce, monsieur le rapporteur, ne parlez plus d'un SMIC sans charges, parlez tout au plus d'un SMIC déchargé pendant deux ans ! Si le contrat, lui, est indéterminé - et heureusement - le soutien de l'Etat, lui, est bien limité. Il ressemble plutôt à un CDD prolongé.
    Ne parlez pas non plus de 300 000 emplois nouveaux, M. le ministre a du reste aujourd'hui évoqué le chiffre de 250 000 emplois sans nous expliquer où sont passés les 50 000 restants, quand vous savez que la plupart de ces emplois - les deux tiers, les trois quarts, les quatre cinquièmes ? - seraient créés par les entreprises, même sans cette loi !
    M. Dominique Dord. On verra bien !
    M. Christian Paul. Rien n'indique que cette loi soit capable de susciter la forte mobilisation pour l'emploi et la formation des jeunes que le gouvernement de Lionel Jospin avait su créer avec les emplois-jeunes ou le programme TRACE.
    M. Dominique Dord. Ben voyons !
    M. Christian Paul. Vous avez voulu, affirmiez-vous, un dispositif fort, ciblé, attractif. Le projet que vous présentez aujourd'hui est à la fois très précaire, trop général et vous en partagez la faute avec le Sénat. Il attirera avant tout les entreprises qui savent jongler en permanence avec les exonérations, les allégements et les aides publiques. Alors que la situation de l'emploi des jeunes méritait, personne n'en doute, la confrontation des expériences et des idées, le bilan sincère des politiques menées avant que des décisions courageuses soient prises, vous nous proposez, monsieur le ministre, cruelle ironie de saison, de construire des châteaux de sable.
    M. Dominique Dord. Joli !
    M. Christian Paul. Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les députés, et pour bien d'autres effets pervers que chacun pressent et que nous dénonçons, je propose à l'Assemblée de voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je le confesse, je ne suis pas capable de faire preuve d'autant de suffisance face à la question grave de l'emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je n'ai jamais prétendu que le dispositif que je vous propose serait en mesure, à lui seul, de mettre fin au chômage des jeunes. Nous saurons utiliser tous les dispositifs qui ont été créés au fil des années pour faire face aux multiples problèmes qui se posent à la jeunesse.
    Je n'aurais pas de raison, compte tenu du ton qu'a utilisé M. Paul, de lui apporter une réponse très développée car je n'ai pas le goût de disserter sur la « transparence des paravents ».
    M. Dominique Dord. Excellent !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, par égard pour les jeunes qui sont aujourd'hui concernés par les emplois-jeunes, je voudrais donner la position du Gouvernement auquel j'appartiens sur cette question.
    Nous sommes évidemment très conscients que la question du devenir des emplois-jeunes est sérieuse. Tous les élus locaux que nous sommes, tous les dirigeants d'associations ont utilisé l'aide massive de l'Etat pour développer leurs activités, renforcer des politiques sociales, culturelles, sportives, environnementales, dont l'intérêt, je l'ai toujours dit, était incontestable.
    M. Alain Néri. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela s'est fait d'autant mieux que les jeunes embauchés étaient souvent diplômés, voire de niveau très supérieur à la moyenne. Pourquoi, d'ailleurs, nous serions-nous privés de cette aubaine ?
    Mais voilà, cinq ans après, nous revenons dans le réel.
    M. Dominique Dord. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'addition est lourde : plus de 3 milliards d'euros par an. Et l'on ne peut manquer de s'interroger. Ceux qui défendent les emplois-jeunes défendent-ils les jeunes ou les intérêts de la structure qu'ils animent, associations ou collectivité locale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Martine David. Ce sont des procès d'intention !
    Mme Catherine Génisson. C'est indigne !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux d'abord me placer du point de vue des jeunes concernés. Les contrats en cours iront à leur terme ; inutile de susciter d'inutiles inquiétudes.
    M. Alain Néri. C'est utile de le préciser quand même !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En revanche, je ne crois pas que l'on rende service aux jeunes en les dirigeant vers le secteur non marchand, sauf s'ils ont une perspective d'entrer dans la fonction publique.
    Mme Martine David. Ils sont déjà nombreux à avoir réussi à y entrer.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est préférable que le choix des jeunes ne se fasse pas par défaut. Trop souvent, on a vu des jeunes prendre un emploi-jeune par facilité, par confort. C'est un choix à courte vue car il mène rarement à une perspective professionnelle.
    Bien entendu, nous avons des devoirs envers les jeunes qui sont aujourd'hui embauchés avec ces contrats d'emploi-jeune. Toutes les actions en direction de jeunes seront maintenues, voire renforcées, je pense par exemple aux jeunes qui viennent remplacer un autre jeune.
    Désormais, je souhaite que l'on s'assure que les conditions d'accueil sont réunies et vraiment professionnalisantes. Une instruction sera d'ailleurs prochainement adressée aux préfets sur ce point. D'ici à la fin de l'année 2003, environ 46 000 contrats arriveront à échéance. Ces contrats concernent des jeunes qui ont plus ou moins d'ancienneté, ils correspondent à des activités qui ont fait ou non leurs preuves. Les situations doivent être évaluées au cas par cas. Mes services vont s'y employer. Nous devons vérifier si les employeurs ont respecté leurs engagements contractuels, voir où en sont les jeunes et quelles sont les activités proposées. C'est à partir de ce bilan qu'il pourra être décidé, encore une fois au cas par cas, comment procéder : un appui au jeune, une aide complémentaire pour l'activité, l'intégration du jeune ou un concours. Je me méfie de la solution qui consiste à dire, à l'avance, qu'il faut plus d'argent pour l'activité ou des contrats aidés plus longs.
    Il faut aussi considérer les choses d'un point de vue collectif. Les activités portées par les emplois-jeunes, je l'ai dit, ont souvent une véritable utilité sociale. Je rappelle cependant que toutes les conventions devaient prévoir non seulement la formation du jeune - et cette clause n'a pas toujours été respectée - mais aussi une perspective de pérennisation de l'activité.
    M. Dominique Dord. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il était clair, dès le départ, que le soutien de l'Etat ne devait avoir qu'un temps et que tout devait être fait pour que le relais soit assuré par d'autres sources de financement. Que l'on ne vienne donc pas dire aujourd'hui que c'est la faute de l'Etat si rien n'a été fait en ce sens !
    Concrètement, il faut changer de perspectives et clarifier les rôles.
    Pemièrement, il n'y a plus lieu de créer de nouveaux emplois-jeunes Il y en a plus de 220 000, et c'est beaucoup. Il faut au contraire engager le reflux progressif de ce dispositif très onéreux qui n'aura finalement servi, aux quatre cinquièmes, qu'à des jeunes qui n'en avaient pas vraiment besoin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. N'est-ce pas faire preuve de suffisance que de dire cela ?
    Mme Martine David. Pour l'instant, vous êtes plein de certitudes. On verra le résultat !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Deuxièmement, les conventions iront à leur terme, mais l'aide de l'Etat ne sera pas revalorisée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Troisièmement, les associations pourront s'engager dans un programme d'épargne consolidée ou dans des conventions pluriannuelles. Une dégressivité de l'aide de l'Etat sur trois ans sera aménagée pour éviter dans les cas qui le justifient un arrêt brutal du soutien de l'Etat. Quatrièmement, les accès aux concours de la fonction publique locale ou d'Etat seront facilités. L'accompagnement des jeunes sortant des emplois-jeunes sans solution sera prioritairement assuré par le service public de l'emploi, notamment par l'ANPE.
    Cinquièmement, la concertation avec les collectivités locales et les associations sera engagée pour gérer dans les meilleures conditions pour les jeunes eux-mêmes la sortie du dispositif.
    Enfin, je prévois de soutenir les activités des associations engagées sur des priorités sociales, non plus à raison des emplois en cause mais en fonction de leur utilité collective. Il reviendra aux préfets d'agir dans ce cadre avec un discernement sélectif en fonction des impératifs d'intérêt général. Je pense notamment à l'action dans les quartiers de la politique de la ville.
    Dès que la loi de finances aura précisé les moyens disponibles pour la consolidation des activités et pour le soutien des priorités sociales portées par les associations, j'adresserai aux préfets et aux directeurs départementaux du travail des instructions plus précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le ministre, vous avez bien fait de le rappeler : le dispositif que vous proposez aujourd'hui ne se substitue pas aux emplois-jeunes. Les emplois-jeunes ne sont pas des emplois durables, et leur coût est fort élevé : six fois celui des mesures proposées aujourd'hui. Nous préférons de vrais contrats, pour offrir aux jeunes des emplois à durée indéterminée.
    J'ai d'ailleurs été quelque peu surpris par le ton du discours de M. Paul.
    M. Hervé de Charette. Très choquant !
    Mme Martine David. Et le ton du ministre, il ne vous a pas surpris ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Son discours m'est apparu purement idéologique...
    M. Dominique Dord. Exactement !
    Mme Martine David. Parce que M. Fillon n'est pas idéologique, lui ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... nullement pragmatique. Les emplois-jeunes me semblent l'illustration de l'un des derniers mythes socialistes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Dominique Dord. Un dogme !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Les emplois-jeunes ne donnent raison, ni à ceux qui ne croient qu'au secteur public, ni à ceux qui, à l'inverse, raisonnent en termes de marché, s'abritant derrière le slogan qui a fait fureur un temps : la recomposition du tissu social. Avec les emplois-jeunes, le gouvernement précédent a créé une « domesticité subventionnée ». (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Catherine Génisson. M. Fillon lui-même a reconnu l'intérêt de ces emplois !
    M. Christian Paul. Monsieur Dubernard, vous confondez avec les emplois fictifs de la Ville de Paris !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. A vous entendre, monsieur Paul, le développement des services de proximité impliquait une transformation culturelle des usagers : ils devaient désormais moralement réduire leur consommation de biens pour accroître la consommation de services, et ainsi contribuer à développer le lien social et à transformer la société !
    M. Alain Néri. Abracadabrantesque !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Bel effort militant auquel on les a conviés, au cri toujours recommencé de « changer la vie ». Le résultat de ce véritable colbertisme ancillaire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) est que, parmi les jeunes recrutés pour de faux emplois publics, certains auront été dissuadés durant cinq ans de profiter de la croissance pour s'engager dans une profession normale. Ainsi s'est créée une fracture supplémentaire au bas du marché de l'emploi.
    Lorsque la partie la plus protégée de la population peut imposer à la partie la plus productive sa volonté de travailler moins en gagnant davantage, en vivant plus longtemps et en se soignant mieux, c'est la partie la plus faible, la plus jeune et la plus entreprenante qui se trouve, soit exploitée, soit rejetée sur le bas-côté, soit exclue de tout travail normal, c'est-à-dire hors intervention publique.
    M. Alain Néri. Ce n'est pas vraiment pas un discours de cohésion nationale.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Voilà la réponse qui me semblent mériter les propos très surprenants de M. Paul.
    M. Jean-Pierre Brard. Avec votre discours, nous voilà en 1940 !
    M. le président. Monsieur Brard, vous n'avez pas la parole !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Avec vous, on est en 1938 !
    M. Jean-Pierre Brard. Réactionnaire !
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Rudy Salles. Monsieur le président, je suis très surpris de voir le groupe socialiste, et M. Paul en particulier, défendre devant nous une question préalable. En effet, la voter signifierait qu'il n'y aurait pas lieu de débattre de ce sujet.
    Comment pouvez-vous, monsieur Paul, défendre une telle position, dans un pays qui compte plus de deux millions de chômeurs, et qui voit son chômage augmenter depuis plusieurs mois, dans un pays où les jeunes, et en particulier les moins favorisés, paient le plus lourd tribut dans ce domaine ? (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je suis sûr que votre position dans cet hémicycle sera très difficilement comprise par tous ces jeunes qui attendent un emploi en vain depuis cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous avez également insisté, monsieur Paul, sur les emplois-jeunes en demandant que cette mesure soit pérennisée.
    M. Alain Néri. Il a raison !
    M. Rudy Salles. Je rappelle à M. Paul et au groupe socialiste que les Français ont condamné très largement cette politique menée pendant cinq ans par l'ancien gouvernement, en particulier par Mme Aubry et Mme Guigou.
    Les emplois-jeunes constituent aujourd'hui un héritage très lourd à porter. Ces emplois étaient le plus souvent inventés de toutes pièces, des emplois de circonstance au sein des administrations ou des associations. Pour ce qui concerne les administrations, nous savons que certaines d'entre elles incorporeront ces jeunes dans leurs effectifs en créant des postes de fonctionnaires supplémentaires. Beaucoup plus problématique sera le reclassement des emplois-jeunes dans les associations. Chacun sait bien que le précédent gouvernement n'a rien fait pour le reclassement de ces jeunes, ce que l'opposition de l'époque avait fortement dénoncé. Monsieur Paul, vous ne pouvez nous reprocher vos propres turpitudes.
    M. Alain Néri. Oh !
    M. Rudy Salles. Vous regrettez que le dispositif ait été étendu aux entreprises de plus de deux cent cinquante salariés. Vous irez dire aux jeunes qui auront obtenu un emploi dans une grande entreprise qu'il ne fallait pas le faire. On peut toujours critiquer un projet, on peut même faire des contre-propositions, mais j'observe que le groupe socialiste en l'occurrence est muet.
    Mme Martine David. Pas du tout !
    M. Rudy Salles. Mais on ne peut pas soutenir qu'il n'y a pas lieu de débattre d'un sujet aussi grave. Il faut en débattre, et très rapidement, comme nous le propose le Gouvernement. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà un homme modéré !
    M. le président. Monsieur Brard, vos commentaires sont inutiles !
    M. Pierre-André Périssol. Monsieur Paul, poser la question préalable revient à considérer qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur les contrats-jeunes. Or, pour essayer de nous convaincre, vous n'avez pratiquement pas dit un mot de ces contrats, vous avez parlé d'un autre sujet : les emplois-jeunes. Pour expliquer pourquoi le groupe UMP votera contre la question préalable, je suis donc obligé de répondre à des arguments que vous n'avez pas avancés. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Pour vous, il n'y aurait pas lieu de délibérer alors que plus de 40 % des jeunes sans qualification sont au chômage, que parmi ceux d'entre eux qui trouvent un emploi quatre sur dix seulement obtiennent un CDI et alors que notre pays détient le triste record du plus faible taux d'emploi des jeunes. J'ai d'abord pensé que, pour vous, le problème devait se résoudre naturellement. Peut-être pensez-vous que les « contrats-jeunes » ne serviront à rien et que les jeunes sans qualification trouveront un emploi naturellement. Mais je me suis dit que vous ne pouviez pas développer cet argument, vous qui avez créé les emplois-jeunes dont le ministre a rappelé qu'ils avaient bénéficié, pour 80 %, aux jeunes les mieux formés et, pour 20 % seulement, à ceux qui avaient le plus de difficultés à entrer sur le marché du travail.
    Je me suis donc dit ensuite que vous alliez nous montrer que le dispositif proposé ne permettrait pas de résoudre le problème, mais vous ne l'avez pas fait. Vous avez simplement souligné qu'il manquait un volet formation, mais un tel volet n'existait pas ou plus dans le dispositif sur les emplois-jeunes que que vous avez mis en place il y a cinq ans. Peut-être faites-vous maintenant acte de contrition sur ce problème ?
    M. Alain Néri. Ce n'est pas le genre de la maison !
    M. Dominique Dord. Ça c'est vrai ! C'est honnête de le dire !
    M. Pierre-André Périssol. Mais je me suis surtout interrogé ce qu'il fallait faire pour les jeunes en difficulté, ceux en situation d'échec auxquels l'école de la République n'a pas su donner une qualification et qui, pour 60 000 d'entre eux, n'ont pas le moindre diplôme.
    Quelle est la priorité pour ces jeunes ? Faut-il les contraindre à retourner vers une formation qui est, pour eux, synonyme d'échec ou faut-il, au contraire, les motiver, leur rendre un espoir, leur donner confiance en leur mettant un pied dans le monde du travail ? Grâce à ces contrats-jeunes, ils retrouveront une identité parce que, pour nous, travailler, cela contribue à l'identité.
    M. Dominique Dord. Voilà !
    M. Pierre-André Périssol. Ils retrouveront un statut, une stabilité, un revenu. En devenant actifs, ils pourront enter dans notre société. C'est déjà beaucoup. Ils auront les deux pieds, et non un seul, dans le monde du travail, dans l'entreprise. Ils seront motivés et les entreprises auront tout intérêt à les former. Après avoir mis le pied à l'étrier de façon stable avec un contrat à durée indéterminée, ils pourront progresser grâce à un dispositif de formation professionnelle tout au long de leur vie.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Très juste !
    M. Pierre-André Périssol. Voilà pourquoi les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle voteront contre cette question préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. On a compris !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Encore !
    M. Gaëtan Gorce. Naturellement, les députés du groupe socialiste voteront la question préalable présentée par M. Paul, qui a utilisé d'excellents arguments en regrettant les conditions dans lesquelles se déroule ce débat et la façon dont M. le ministre croit pouvoir répondre à l'opposition. La majorité fait preuve d'une arrogance (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) sans doute compréhensible en début de législature, trahissant une volonté de ne pas écouter la contradiction qui fait pourtant normalement partie du débat parlementaire.
    M. le président. Monsieur Gorce, ne provoquez pas l'incendie !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, nous souhaiterions que l'agressivité dont vous faites preuve à l'égard de l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...

    Mme Martine David. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. ... vous l'utilisiez plutôt pour régler les problèmes qui se posent et que la modestie avec laquelle vous appréhendez ces problèmes, vous en fassiez plutôt preuve dans ces débats.
    Je tiens à rappeler certaines choses pour que chacun aborde la question, au fond, en toute sérénité. On nous accuse - c'est une pratique courante et c'est facile - d'avoir laissé une situation pire que la précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Louis Guédon. C'est un constat !
    M. Gaëtan Gorce. Je rappellerai donc à ceux de votre majorité qui auraient la mémoire courte quel a été le bilan du chômage entre 1993 et 1997. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. Voici la situation que nous avons trouvée en juin 1997 : plus de 620 000 chômeurs entre seize et vingt-cinq ans, une explosion du chômage chez les plus qualifiés comme chez les moins qualifiés en dépit des déclarations et des annonces, les mêmes que celles que nous entendons aujourd'hui. Nous avons toujours dans l'oreille les discours de M. Juppé qui, en 1995,...
    M. Yves Nicolin. Vous n'étiez pas là en 1995 !
    M. Gaëtan Gorce. ... nous annonçait 250 000 emplois supplémentaires pour les jeunes dans les années suivantes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous avons toujours dans l'oreille les annonces du Président de la République (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs),...
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
    M. Gaëtan Gorce. ... qui nous disait que 1996 serait l'année de l'emploi des jeunes. On sait ce qu'il en est advenu ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vous en prie, laissez M. Gorce s'exprimer !
    Vous avez la parole, monsieur Gorce, mais ne les provoquez pas trop non plus !
    M. Yves Nicolin. C'est du baratin !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, les réactions de mes éminents collègues ne font que confirmer la justesse de mes arguments. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Nicolin. Baratineur !
    M. Guy Teissier. C'est nul et non avenu !
    M. le président. Ne les provoquez pas trop, monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. En tout cas, monsieur le ministre, je me réjouis que l'intevention de mon éminent collègue Christian Paul nous ait permis d'obtenir un début de précision sur l'avenir des emplois-jeunes.
    M. Alain Néri. Très bien !
    M. Gaëtan Gorce. Ces emplois-jeunes, qui sont caricaturés tant par l'UDF que par l'UMP, sont enfin présentés pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des emplois ayant permis à des jeunes de retrouver le chemin d'une dignité professionnelle et d'une insertion à partir de 1997 tout en rendant un service utile à la collectivité. Et ne nous dites pas que ceux qui les défendent aujourd'hui défendent d'abord les intérêts de leurs organismes, de leurs organisations ou de leurs collectivités, car ce serait une argumentation sinon méprisante,...
    M. Louis Guédon. Réaliste !
    M. Gaëtan Gorce. ... du moins agressive, et ce serait dommage. D'autant que nous pourrions alors tout aussi bien vous dire que, lorsque le MEDEF ou d'autres défendent vos contrats-jeunes, ils n'ont en tête que l'intérêt des entreprises et pas nécessairement celui des jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Essayons de placer le débat sur un autre terrain ! Envisageons les choses dans la seule perspective qui doit nous animer, à savoir apporter une réponse au chômage des jeunes. C'est une question sur laquelle nous avons travaillé sans faiblir pendant cinq ans, sans toujours obtenir tous les résultats attendus. Vous voulez aujourd'hui vous y attaquer, mais nous avons des propositions, des remarques à faire, des contradictions à apporter. Acceptez-le, car c'est le propre du débat démocratique, en particulier s'agissant de cette question essentielle de l'emploi qui vient enfin en débat dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elisabeth Guigou.
    Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le ministre, je connais la difficulté de votre tâche, surtout en période de basse conjoncture, lorsque les dispositifs d'aide à l'emploi ne suffisent pas à compenser le ralentissement économique.
    M. Hervé de Charette. Bravo !
    Mme Elisabeth Guigou. J'ai connu cette situation à partir du deuxième trimestre 2001. Vous y êtes aujourd'hui confronté.
    M. Hervé de Charette. Ça se gâte déjà !
    Mme Elisabeth Guigou. Aussi ne vous ferai-je pas le reproche d'avoir voulu compléter les dispositifs d'aide à l'emploi des jeunes, qui permettent déjà à plus d'un million de jeunes de bénéficier d'aides publiques pour exercer un emploi. J'examinerai donc votre projet de loi en ayant à l'esprit un seul souci : votre proposition va-t-elle améliorer l'emploi en général et celui des jeunes en particulier ?
    M. Hervé de Charette. C'est parfait !
    Mme Elisabeth Guigou. Sous cet angle, je vous poserai deux questions. Votre mesure assurera-t-elle aux jeunes un emploi durable et de qualité ?
    M. Yves Nicolin. Bien sûr !
    Mme Elisabeth Guigou. Que ferez-vous des dispositifs existants, des formations qualifiantes, de TRACE et des emplois-jeunes ?
    Mais auparavant, si, comme je le crois, vous souhaitez un débat constructif sur la question de l'emploi des jeunes, permettez-moi de revenir un instant sur le diagnostic, car vous conviendrez sans doute que seule une analyse exacte de la situation permet de définir les outils les plus appropriés et les plus efficaces. Vous dites que le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a augmenté depuis un an, et davantage que celui des autres tranches d'âge. C'est vrai, car il est un phénomène constant : lorsque la conjoncture se retourne, ce sont les derniers entrés, ceux qui sont les moins formés, ceux qui sont sur des emplois à temps partiel, c'est-à-dire les jeunes, qui se retrouvent sur le marché du travail.
    M. Jean-Marc Nudant. Et le SMIC et les 35 heures !
    Mme Elisabeth Guigou. Mais s'il est exact de dire que le chômage des jeunes, et spécialement des jeunes non qualifiés, a augmenté depuis un an et davantage que celui des salariés plus âgés, il eût été tout aussi exact de souligner qu'en cinq ans, entre juin 1997 et août 2002, le chômage des jeunes a nettement baissé. Je comble une lacune en précisant que 200 000 jeunes chômeuses et chômeurs de moins en cinq ans, cela représente une baisse de 40 %.
    Selon une étude de la DARES de janvier 2002, entre mars 1997 et mars 2001, la part des chômeurs parmi les jeunes s'est fortement réduite, au point qu'en mars 2001, on enregistrait la plus faible proportion de jeunes de quinze à vingt-neuf ans au chômage depuis vingt ans.
    M. Alain Gest. Merci la croissance !
    Mme Elisabeth Guigou. Surtout, la qualité des emplois s'est améliorée : le travail à temps partiel a fortement reculé chez les jeunes de quinze à vingt-neuf ans, de trois à cinq points, et spécialement le temps partiel subi. La part des bas salaires dans les emplois à temps complet des jeunes a aussi nettement baissé.
    Certes, le niveau soutenu de la croissance a joué un rôle important, mais les dispositifs d'aide que le gouvernement Jospin a créés ou renforcés - les 35 heures, les emplois-jeunes - ont constitué une contribution considérable à la baisse du chômage des jeunes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), qui a été plus marquée en France que dans la moyenne des pays de l'Union européenne.
    Ainsi que le souligne la DARES, « les dispositifs spécifiques d'aide à l'emploi ont été recentrés pour les jeunes sur la formation par alternance dans le secteur marchand et sur les emplois-jeunes dans le secteur non marchand ». Sur les 1 100 000 jeunes aidés fin 2000, 900 000 l'étaient dans le secteur marchand et 200 000 dans le secteur non marchand. Vous voyez que nous n'avons pas négligé les emplois dans le secteur marchand, loin de là ! Si le chômage des jeunes a connu une évolution plus favorable dans la période récente, on le doit sans doute à la forte progression des dispositifs cumulant emploi et formation. Cette analyse doit, me semble-t-il, éclairer notre débat. Cette remarque générale étant faite, j'en viens à mes deux questions.
    Votre projet assurera-t-il aux jeunes des emplois stables et de qualité ? Vous dites que ce seront des emplois stables, car les contrats seront à durée indéterminée. Mais le fait que la loi préconise la possibilité de recrutement à temps partiel vient contredire votre objectif de stabilité des emplois créés car, pour un poste non qualifé, une entreprise aura intérêt à embaucher deux personnes à mi-temps. Or, nous savons que, notamment dans le secteur de la restauration ou des plates-formes téléphoniques, les CDI à mi-temps imposent, sans aucune perspective d'évolution, de telles conditions de travail que les titulaires de ces emplois ne les gardent en général pas longtemps.
    Par ailleurs, dès lors que l'exonération des charges ne dure que trois ans, qu'elle ne s'accompagne pour l'employeur d'aucune obligation en matière de formation, qu'est-ce qui garantit une insertion durable du jeune dans l'entreprise qui l'a embauché ? Les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, qui regroupent des milliers de PME engagées dans l'insertion et la qualification des jeunes en difficulté, affirment que l'absence « de formation et d'accompagnement limitera l'insertion professionnelle de ces jeunes... car il ne peut y avoir d'insertion professionnelle durable sans une vraie qualification adaptée aux besoins des entreprises... ce qui suppose une formation professionnelle individualisée. »
    Imposer une formation en contrepartie des allégements de charges, l'adapter régulièrement, voilà qui réduirait le risque de voir l'entreprise licencier le jeune à l'issue de la période d'exonération de charges et de le voir, trois ans plus tard, à vingt-deux ans, remis sans qualification sur le marché du travail.
    M. Jean-Marie Geveaux. C'est ce que vous avez fait avec les emplois-jeunes !
    Mme Elisabeth Guigou. Or, rien dans votre projet n'est prévu sur la formation ou sur la validation des acquis professionnels qui repose, hélas, uniquement sur la bonne volonté des partenaires sociaux. On sait ce qu'il en est de la présence des syndicats dans les PME. Rien non plus n'est prévu pour corriger les abus qui pourraient être commis par des entreprises qui consommeraient ce type de contrat sans garder les jeunes. On aurait pu envisager la possibilité de supprimer le bénéfice de l'aide en cas d'abus. Je crains donc que les embauches des jeunes ne se fassent au détriment de salariés plus âgés, eux aussi non qualifiés, ou au détriment d'autres mesures d'aide à l'emploi comme les contrats en alternance.
    Je ne mets pas en doute, monsieur le ministre, la sincérité de votre intention de réduire le chômage des jeunes non qualifiés, mais entre le risque de précarité accrue, la mise en concurrence des générations sur le marché du travail, les risques aussi pour les autres dispositifs d'emplois aidés réservés aux jeunes, je crains que les inconvénients ne l'emportent sur les avantages.
    Et je vous pose ma seconde question. Qu'allez-vous faire des autres dispositifs : formations en alternance, programme TRACE, emplois-jeunes ?
    Les formations en alternance concernent plus de 600 000 jeunes. Elles ont augmenté de près de 30 % depuis 1997.
    M. Jean Weberschlag. Vous avez cassé les contrats de qualificatioin, madame !
    Mme Elisabeth Guigou. Allez-vous continuer à les soutenir ? Pourquoi ne pas avoir choisi de renforcer et d'élargir ce type de formations pour qu'elles s'adressent davantage aux jeunes sans qualification ?
    Le programme TRACE, trajet de retour à l'emploi destiné justement aux jeunes sans qualification, leur assure un accompagnement personnalisé par des référents qui, dans les missions locales, les aident à résoudre les multiples difficultés qui souvent s'accumulent : problèmes de santé, de logement, de relations aux autres, d'apprentissage de l'autonomie, c'est-à-dire de la responsabilité. TRACE, nous le savons, obtient des résultats remarquables puisque près de 60 % de ceux qui suivent ce parcours trouvent un emploi à la sortie.
    M. Jean-Pierre Anciaux. Et les 40 % restants ?
    Mme Elisabeth Guigou. Qu'allez-vous faire de TRACE, dont j'avais prévu que le nombre de bénéficiaires doublerait cette année, en passant de 60 000 à 120 000, avec les crédits correspondants, bien sûr ? Maintiendrez-vous la bourse d'accès à l'emploi qui assure au jeune une rémunération de 300 euros par mois pendant les périodes où il n'est pas en contrat rémunéré ? Le budget pour 2002 prévoit 500 millions de francs de plus que les années précédentes pour TRACE. Cet effort sera-t-il poursuivi ?
    Sur les emplois-jeunes, enfin, je serai brève puisque Christian Paul en a parlé longuement. Ils ont connu un réel succès : 220 000 jeunes sont aujourd'hui sous contrat emploi-jeune, 373 000 en ont bénéficié depuis 1997. Ils ont mis le pied à l'étrier à de nombreux jeunes dont beaucoup étaient peu qualifiés : je veux souligner que 25 % de ceux qui ont été embauchés par les collectivités territoriales, les établissements publics, les associations, avaient un niveau inférieur au bac, et 40 % dans la police. Cela dément, monsieur le ministre, votre affirmation selon laquelle les emplois-jeunes ne s'adressent qu'à des jeunes qualifiés.
    La majorité des jeunes ayant bénéficié de ces emplois en ont une opinion positive et cette proportion monte à 80 % pour ceux qui les ont exercés plus de dix-huit mois.
    Vous avez, début juillet, déclaré au Monde vouloir réduire dès 2003 le budget des emplois-jeunes.
    M. Jacques Myard. Heureusement !
    Mme Elisabeth Guigou. Il est vrai que ce budget est important puisqu'il atteint 3,5 milliards d'euros. Vous nous avez tout à l'heure donné quelques indications que je trouve, permettez-moi de le dire, insuffisamment précises sauf celle - fort claire - qui consiste à dire qu'il n'y aura pas de nouveaux recrutements d'emplois-jeunes à partir de l'année prochaine. Pour notre part, nous en avions prévu 10 000 cette année.
    Que deviendront les emplois créés par les associations qui n'ont pas pu encore les solvabiliser et pour lesquels le gouvernement Jospin a prévu le maintien, pendant trois années supplémentaires, d'une aide de 100 000 francs ? Ce sont 30 % des emplois-jeunes qui entrent dans cette catégorie.
    Que deviendront les emplois-jeunes créés dans les associations qui rendent un véritable service public dans le secteur non marchand où leur solvabilisation est impossible ? Je pense aux associations d'aide aux plus démunis, aux femmes battues, aux enfants en danger, aux toxicomanes, aux détenus qui sortent de prison. Allez-vous supprimer le système de conventionnement pluriannuel de trois ans qui permet d'accorder une aide de 70 000 francs par poste ?
    Que deviendront les emplois-jeunes créés par les collectivités locales les plus pauvres, en zone urbaine sensible ou en zone de revitalisation rurale ? Allez-vous supprimer l'aide prévue de 50 000 francs en moyenne par an sur trois ans ?
    Allez-vous maintenir les 62 000 emplois d'aides éducateurs, qui ont fait la preuve de leur utilité ? Les 16 000 adjoints de sécurité ?
    M. Yves Nicolin. Si vous dressiez plutôt la liste de ce que vous n'avez pas fait, vous pourriez mieux comprendre pourquoi vous avez été battus !
    Mme Elisabeth Guigou. Combien ouvrirez-vous de postes aux concours de la troisième voie que nous avons créés dans les fonctions publiques ?
    Pendant la campagne électorale, le Président de la République avait donné aux jeunes « la garantie qu'ils ne seraient pas abandonnés en fin de contrat emploi-jeune, qu'ils obtiendraient une titularisation après concours et la prolongation de leur activité au service d'associations ou de collectivités ou une aide pour l'accès à l'emploi en entreprise ». C'est exactement ce que le gouvernement Jospin avait décidé de faire avec les moyens financiers correspondants : 6 milliards d'euros sur cinq ans.
    M. Dominique Dord. Où ça ?
    Mme Elisabeth Guigou. Que ferez-vous, monsieur le ministre ? Respecterez-vous les promesses du Président de la République ou pas ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. Où est l'argent ? Rendez l'argent !
    M. Yves Nicolin. Ils ont déjà rendu le pouvoir : il ne faut pas trop leur demander !
    Mme Élisabeth Guigou. Votre projet, monsieur le ministre, est certainement une aide financière aux entreprises, beaucoup moins, me semble-t-il, une aide à l'emploi des jeunes. Je crains que le bilan de ce nouveau dispositif ne soit très négatif si vous n'instituez pas une obligation de formation,...
    M. Jean Ueberschlag. Pendant cinq ans, vous n'avez rien fait pour la formation !
    Mme Élisabeth Guigou. ... si vous ne donnez pas une priorité d'accès aux jeunes du programme TRACE, si parallèlement vous diminuez l'effort de l'Etat en direction des formations en alternance, du programme TRACE et surtout des emplois-jeunes.
    En réalité, ce nouveau dispositif, dont le coût est six fois inférieur à celui des emplois-jeunes, n'est-il pas destiné d'abord à atténuer l'impact de leur disparition, dès l'an prochain ?
    Il fallait, nous le savons, trouver 3 milliards d'euros pour financer les baisses de l'impôt sur le revenu. On ne pouvait pas, bien sûr, les prélever sur le budget de la défense.
    M. Jacques Myard. Et pour cause ! Vous l'avez déjà sacrifié !
    Mme Élisabeth Guigou. On ne pouvait pas non plus espérer les trouver dans les recettes accrues du budget de l'Etat, compte tenu de la baisse d'activité et de l'impossibilité où vous êtes, en l'absence de stratégie pour l'emploi, de relancer la croissance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Alors, on va les prendre sur le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité ; 3,5 milliards pour les emplois-jeunes auparavant, 500 millions pour les contrats-jeunes maintenant : voilà les 3 milliards dont le budget de l'Etat a besoin. Si tel est bien le cas, le risque est grand que le chômage des jeunes, loin de régresser, n'augmente au contraire plus vite encore. En l'absence de toute autre mesure pour soutenir la croissance et l'emploi, je crains alors que les perspectives pour les prochains mois ne soient bien sombres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Monsieur le ministre, lors de la campagne législative, nous nous sommes engagés à lutter contre le chômage et la pauvreté, qui constituent les premières préoccupations des Français. C'est pourquoi nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement y consacre la première mesure sociale du quinquennat.
    La lutte en faveur de l'emploi nécessite une mobilisation générale. Le chômage des jeunes, surtout des jeunes les moins qualifiés, est reparti à la hausse : en mars dernier, 245 000 étaient privés d'emploi ; un jeune non diplômé a deux fois plus de risques d'être chômeur qu'un jeune bachelier, sept fois plus qu'un jeune diplômé de l'enseignement supérieur. En effet, nous le constatons chaque jour, les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes sans qualification, qui sont systématiquement rejetés en bout de liste d'attente. Combien de jeunes autour de nous doivent se contenter d'un emploi précaire, d'un CDD, d'un emploi aidé ou d'une mission d'intérim ! De plus, les dispositifs d'aide au retour à l'emploi que le gouvernement Jospin a destinés aux jeunes - emplois-jeunes ou emplois aidés - ont manqué leur public : ils ont bénéficié aux jeunes diplômés, non à ceux qui en avaient le plus besoin.
    Le chômage d'un jeune est d'autant plus inacceptable qu'il a des incidences sur toute sa vie : il conduit souvent à une spirale de l'échec, voire, pour les plus fragilisés, à une spirale de l'exclusion et à de graves problèmes de mobilité, de logement, de santé, de surendettement. Depuis vingt ans, les politiques de l'emploi se succèdent, mais la précarité, elle, ne recule pas. Nous devons réagir !
    Pour autant, il ne faudrait pas penser que rien n'est fait dans ce domaine, et je veux rendre hommage à tous les professionnels de l'insertion des jeunes, de l'action sociale ou de l'insertion par l'activité économique. Mais leur dévouement et leur compétence doivent être puissamment aidés par des dispositifs législatifs et réglementaires, tels que celui qui nous est proposé.
    L'insertion professionnelle des jeunes nécessite des mesures efficaces et simples. Le projet de loi du Gouvernement répond à un vrai besoin, car - toutes les études l'ont montré - le coût du travail non qualifié est l'une des causes principales du chômage des jeunes.
    Plusieurs éléments répondent à ce que nous attendons : c'est une mesure simple et lisible, centrée sur les Français les plus fragiles, les jeunes en grande détresse, gérée par les partenaires sociaux, garantissant aux jeunes un vrai salaire, un vrai statut et un emploi durable. Surtout, elle s'adresse au secteur marchand et associatif ; il était temps, en effet, de mettre un terme à une désastreuse logique d'emplois assistés par l'Etat, qui ne correspondaient pas toujours à des tâches réelles.
    Ce n'est pas tout de décider au niveau gouvernemental que les entreprises embaucheront des jeunes, encore faut-il en créer les conditions. Votre projet, monsieur le ministre, ne saurait constituer, à lui seul, la solution miracle pour en finir avec le chômage des jeunes : c'est l'addition et la complémentarité des dispositifs qui règleront, dans la durée, une grande part du problème. Mais il est essentiel d'offrir une seconde chance à ceux qui n'ont pas réussi leurs études, de leur ouvrir la grande porte d'entrée dans la vie active, celle du contrat de travail à durée indéterminée.
    Cette chance offerte aux uns ne doit pas pour autant diminuer celle des autres, qui sont mieux préparés par leur parcours scolaire à entrer dans la vie active. Il est toujours délicat de prendre des mesures catégorielles, qui segmentent les chômeurs et dressent des catégories de Français les unes contre les autres. Pour l'UDF, la bonne stratégie passe par une baisse générale des charges sociales, pour toutes les entreprises, quels que soient l'âge et le niveau de qualification de leurs salariés.
    Accroître le salaire direct, en commençant par le bas de l'échelle, créera une vraie différence entre les revenus du travail et ceux de l'assistance, et donc incitera les chômeurs à reprendre un emploi. Il est aussi indispensable d'agir en amont : lutter contre l'échec scolaire, faire de la lutte contre l'illettrisme une priorité de l'éducation nationale. Il faut également améliorer l'information des jeunes sur les différentes filières, en particulier professionnelles, et revaloriser les métiers manuels.
    C'est précisément sur la formation professionnelle que nous souhaitons insister. Nous pouvons craindre une concurrence qui s'exercerait au détriment des dispositifs proposant une formation : l'alternance, l'apprentissage, les contrats de qualification... Votre souci de faire confiance aux partenaires sociaux pour définir les modalités de la qualification est louable, et nous sommes particulièrement attachés à favoriser le dialogue social, mais les lacunes de notre pays en personnel qualifié sont aujourd'hui évidentes. C'est en effet devenu le problème n° 1 des entreprises.
    Les entrepreneurs, les artisans que nous avons rencontrés s'alarment, car ils ne trouvent pas les salariés qualifiés dont ils ont besoin. S'il existe des gisements d'emplois non pourvus - aujourd'hui 140 000 - il y a aussi des millions de Français au chômage. Il faut donc revoir le système. L'inadéquation entre les besoins des entreprises et la qualification des jeunes présents sur le marché du travail nous montre la nécessité et l'urgence d'une politique de formation ambitieuse et d'une revalorisation de l'enseignement professionnel.
    C'est pourquoi nous aurions souhaité que le soutien financier de l'Etat soit assorti d'un engagement clair en matière de formation, avec un dispositif d'accompagnement débouchant sur une qualification reconnue. Créer des emplois durables exige une synergie des moyens, en dépassant le niveau de l'embauche.
    Loin de nous l'idée d'imposer quoi que ce soit aux entrepreneurs, d'encadrer leur pouvoir de décision, mais il est essentiel de tout mettre en oeuvre pour réduire le chômage des jeunes, donc leur donner les moyens d'acquérir une qualification reconnue. Il est évident que certains jeunes refusent un encadrement et tout ce qui rappelle l'école, mais l'on pourrait, dans une démarche pragmatique, délivrer un savoir-faire dont la validation à terme valoriserait le parcours accompli.
    Nous sommes convaincus qu'il ne peut y avoir d'insertion professionnelle réussie sans une incitation des employeurs à accompagner et former les jeunes, selon des modalités définies par les partenaires sociaux. Il s'agit de mettre en place une formation individualisée qui réponde au profil des jeunes, mais aussi aux besoins des entreprises. Cet accompagnement permettra la transmission des savoirs et aidera les jeunes dans leur progression ; la portée de ce dispositif sera renforcée si l'on sensibilise les chefs d'entreprise, si l'on implique les salariés, si l'on mobilise les moyens d'accompagnement des missions locales et des agences locales pour l'emploi.
    C'est le moyen pour que cette mesure provoque le moins possible d'effets d'aubaine et pour qu'elle emporte de réels effets au-delà de trois ans, à moyen et long terme. L'intérêt immédiat de l'employeur et l'intérêt à long terme du jeune seront ainsi conciliés.
    Par ailleurs, dans un souci de clarté, nous vous demandons d'harmoniser et de rationaliser les aides nationales en lien avec les initiatives des collectivités locales. L'Etat intervient ici dans un domaine qui, de par la loi, relève des régions : la formation des jeunes de seize à vingt-cinq ans sans qualification. Par méconnaissance des dispositifs existants, il se prive de l'efficacité des collectivités locales.
    Nous attirons votre attention sur l'accompagnement de ces jeunes : ce projet s'adresse à des jeunes en difficulté, il nous semblerait donc utile de prévoir pour eux un accompagnement socioprofessionnel, réalisé par une personne extérieure à l'entreprise, par exemple par les correspondants des missions locales pour l'emploi. Face aux problèmes de mobilité, de logement, de santé et de couverture sociale, de surendettement, il serait illusoire de croire qu'une rémunération au SMIC permettrait à elle seule à ces jeunes de s'insérer.
    Nous tenons également à exprimer notre inquiétude face à l'avenir des emplois-jeunes. Aucune mesure n'ayant été prévue par le gouvernement précédent, contrairement à ce que disait Mme Élisabeth Guigou, pour assurer la sortie du dispositif...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas vrai ! Soyez honnête !
    M. Rudy Salles. ... les jeunes concernés sont inquiets pour leur avenir. Ces jeunes, sous-payés et dont l'emploi ne correspond pas à la qualification, ce que nous avons dénoncé sous la précédente législature, vont se retrouver sur le bord de la route. Quelles mesures peuvent être envisagées, monsieur le ministre, pour assurer leur avenir et leur donner les moyens d'une insertion professionnelle durable ? La rupture des emplois-jeunes crée un vrai problème, dans les associations en particulier, ce qui était prévisible. C'est le lourd héritage que nous laisse la précédente majorité.
    Un sujet annexe a surgi dans l'actualité à l'occasion de la discussion de ce texte au Sénat : le régime d'assurance-chômage des intermittents du spectacle. Nous considérons que la réforme d'un système inégalitaire et en déficit chronique est indispensable ; d'autant que la plupart des parties prenantes du dossier, notamment les employeurs et les salariés, sont d'accord pour moraliser le système actuel et remédier aux abus et aux dysfonctionnements constatés.
    Les difficultés rencontrées pour la reconduction du régime d'assurance-chômage des intermittents engendrent dans le monde du spectacle une inquiétude réelle et profonde. Ces métiers sont difficiles en raison de salaires souvent faibles, conjugués à la rareté de l'offre. A cela s'ajoute le caractère aléatoire de la situation d'intermittent. Pour des milliers de techniciens ou d'acteurs en proie à l'incertitude permanente, la précarité est constante.
    Le moment est venu de remettre à plat le statut de cette profession. Il est temps de réfléchir sur l'intermittence en général, de lui conférer une place spécifique, aux contours définis, avec des contrats de travail en bonne et due forme.
    En outre, une réflexion approfondie s'impose sur le statut et la place des artistes dans la société. La vitalité artistique de notre pays en dépend.
    Je vous avais demandé en commission, monsieur le ministre, de surseoir à approuver le doublement des cotisations sociales, en vous proposant un moratoire allant jusqu'au 1er novembre, de façon à permettre la reprise des négociations entre les partenaires. Je reconnais combien il est difficile d'appréhender ce problème qui n'a pas, lui non plus, été réglé par votre prédécesseur. Et je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir bien voulu retenir les propositions que l'UDF a faites en commission la semaine dernière, puisque j'ai pu lire dans la presse de ce week-end que le Premier ministre acceptait un report de la décision au 1er octobre.
    Donner aux jeunes les moyens d'entrer dans la vie active est une priorité nationale. Vous connaissez le proverbe chinois : « Donne un poisson à un homme, il mangera une journée ; apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie. » C'est la même philosophie qui doit nous inspirer. Donner un emploi à un jeune sans le former, c'est une mesure à court ou moyen terme, une idée à courte vue ; en revanche, offrir à ce jeune les moyens d'acquérir une qualification, c'est voir loin, c'est assurer sa carrière professionnelle.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Nous sommes d'accord.
    M. Rudy Salles. Peut-être, mais vous ne l'avez pas fait !
    Nous sommes profondément convaincus que la dignité personnelle et la réussite d'une vie ne dépendent pas uniquement du succès scolaire et que chaque jeune doit pouvoir trouver sa voie. La famille, l'école et l'entreprise sont les trois lieux essentiels de la transmission des connaissances. Un emploi, c'est plus que du temps de travail : c'est le moyen de construire sa vie, d'avoir un logement, de ne plus être dépendant, d'assumer une vie de couple. L'attente des jeunes est immense, l'inquiétude de leurs familles est réelle.
    C'est pourquoi le groupe UDF, désireux de soutenir les jeunes en difficulté, votera ce projet visant à revaloriser le travail, qui représente à la fois un épanouissement pour chacun et un enrichissement pour la nation. Il est essentiel de redonner aux jeunes le goût de l'activité professionnelle et la fierté du travail accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'Assemblée nationale s'apprête à se prononcer sur le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Un projet de loi qui, malheureusement, n'a fait l'objet d'aucun débat avec les partenaires sociaux.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Puis-je répondre, monsieur le président ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Dutoit, autorisez-vous M. le ministre à vous interrompre ?
    M. Jean-Claude Lefort. Non, c'est trop facile !
    M. le président. Monsieur Lefort, ce n'est pas vous qui présidez !
    M. Jean-Pierre Brard. Il vous revient, monsieur le président, de protéger l'orateur contre l'appétit glouton du ministre ! (Sourires.)
    M. Yves Nicolin. M. Dutoit n'a pas besoin de chaperon !
    M. Hervé Novelli. Coupez le cordon !
    M. Frédéric Dutoit. Si vous le permettez, monsieur le président, je préfère continuer.
    M. le président. Merci de votre courtoisie.
    M. Jean-Claude Lefort. Il a le droit de continuer !
    M. le président. Monsieur Lefort, j'ai posé la question à l'orateur, il a répondu, n'en rajoutez pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Hervé Novelli. On n'est pas à l'école du Parti !
    M. le président. On croirait que vous êtes en liberté surveillée, monsieur Dutoit !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vous qui surveillez !
    M. le président. Veuillez poursuivre.
    M. Frédéric Dutoit. Quelques jours après avoir entendu, dans cet hémicycle, le Premier ministre présenter le dialogue social comme la pierre angulaire de sa politique, avouez qu'avec l'absence de concertation sur ce texte, il y a de quoi être inquiet pour l'avenir.
    M. Yves Nicolin. Mais non !
    M. Frédéric Dutoit. L'Assemblée nationale se prononcera sur un projet qui n'a, sur le fond, plus rien à voir avec le texte que vous aviez soumis, monsieur le ministre, à la réflexion des députés. Un texte que mes amis et moi-même aurions pu apprécier positivement. Un texte que nous aurions aimé enrichir par des propositions à la fois audacieuses et raisonnables.
    Le Sénat a élargi à toutes les entreprises un dispositif initialement réservé aux entreprises de moins de 250 salariés. Il a ainsi dénaturé le projet.
    M. Yves Nicolin. Non ! Il l'a amélioré !
    M. Frédéric Dutoit. Nous avons la nette impression que l'emploi des jeunes en difficulté n'est plus l'essence même de la loi proposée. Ces jeunes servent de prétexte, voire de caution, à une mise en scène réussie entre le Gouvernement et le Sénat, qui entendent, dans la précipitation, donner des gages au MEDEF.
    Personne n'est dupe, ni ici, ni dans nos circonscriptions : l'objectif est de donner le coup d'envoi à une baisse généralisée des charges patronales. Vous lancez d'ailleurs aujourd'hui un dispositif que vous accélérerez à l'automne.
    Cette fois, monsieur le ministre, vous ne vous cachez pas derrière le Sénat, et je vous remercie de votre franchise politique, y compris dans cet hémicycle. Comme vous l'avez dit, la nouvelle loi, applicable rétroactivement le 1er juillet 2002, est « une première étape vers un allègement général du coût du travail ».
    J'ajoute que la version sénatoriale de la nouvelle loi ne fait pas l'unanimité parmi les chefs d'entreprise d'en bas, les principaux employeurs de France, ne l'oublions pas. Jean-François Veysset, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, s'est d'ailleurs récemment exprimé sur le sujet, dans les colonnes de l'Humanité : « Actuellement, le mal-vivre de l'économie française tient au fait que de plus en plus de petites entreprises sont dépendantes du diktat des multinationales ou des grandes entreprises. » Et j'ajoute : sans parler des banques...
    Nous aurions préféré, pour notre part, discuter d'un texte sur l'embauche des jeunes sans qualification dans les petites et moyennes entreprises, ce qui aurait fermé ainsi la porte à toutes les dérives potentielles.
    En l'état, ce projet de loi est lourd de conséquences. Alors que le coût du travail est moins élevé aujourd'hui qu'il y a dix ans, il est en effet proposé de faire de nouveaux cadeaux aux grandes entreprises.
    Cette vieille recette, présentée comme une idée neuve, a toujours fait la preuve de son inefficacité sociale et économique. Pourquoi réussirait-on demain ce qui a échoué hier ?
    M. Yves Nicolin. Pourquoi continuez-vous à être communiste ?
    M. Frédéric Dutoit. Il est à redouter que les grandes entreprises utilisent l'argent public pour embaucher une main-d'oeuvre à bon marché. Elles auront tout loisir de tirer vers le bas la pyramide de la rémunération salariale.
    De plus, un anomalie, révélée récemment par le journal La Tribune, s'est glissée dans le projet de loi. Voici un extrait de l'article : « Dans une entreprise nouvelle où l'on rémunère le jeune smicard sur la base de 35 heures hebdomadaires, les charges patronales ne dépassaient pas 180 euros jusqu'au 1er juillet. Le remboursement correspondra [...] désormais pour l'employeur à un gain mensuel de 45 euros. C'est près de deux fois la hausse du SMIC intervenue au 1er juillet. »
    Certes, monsieur le ministre, vous dites que cela ne durera que quelques mois. Mais, sur le principe, est-il moral de donner deux fois plus à un employeur qu'à un salarié ? Est-il moral de voir des employeurs recevoir plus de l'Etat que ce qu'ils versent au titre des charges sociales ?
    Vous comprendrez aisément que l'actuelle mouture de ce texte ne nous convienne pas du dout. Il ne peut convenir ni aux jeunes sans qualification ni au monde du travail dans son ensemble.
    L'emploi des jeunes mérite vraiment une plus grande considération de la part de la représentation nationale. Il mérite autre chose qu'une politique ultralibérale - ou libérale sociale.
    M. Yves Nicolin. Il y avait longtemps !
    M. Frédéric Dutoit. Je ne fais que reprendre les propos du ministre, mon cher collègue !
    Il mérite autre chose qu'une politique ultralibérale qui prend un nouvel envol, avant - comme c'est déjà programmé - d'atteindre courant 2003 un nouveau rythme de croisière, sans prendre le temps de dialoguer avec l'ensemble des partenaires sociaux.
    Peut-être craignez-vous qu'une autre logique socialement et économiquement plus efficace pour les jeunes et les petites et moyennes entreprises, émerge de ce débat national ? Pourtant, n'ont-ils pas un destin commun ?
    Les jeunes sans qualification passent trop souvent leurs premières années de vie active au chômage. Aussi, ces dispositions tendant à faciliter la signature de contrats de travail à durée indéterminée constituent une innovation que nous saluons. Il serait toutefois judicieux de définir un dispositif global, cohérent, prospectif, voire évolutif.
    Nous sommes prêts, pour notre part, à relever ce défi, aux côtés des jeunes et des chefs d'entreprise. Par exemple, ne serait-il pas opportun, parallèlement à l'aide financière de l'Etat, d'attirer officiellement l'attention des entreprises sur leurs responsabilités en matière de formation des jeunes en mal de diplôme ? Ce texte devrait induire un effort supplémentaire à l'égard de ces jeunes sans qualification.
    Dans le même temps, ne serait-il pas d'actualité, face à ces jeunes en échec scolaire, qu'on présente fréquemment comme récalcitrants à tout parcours institutionnel de formation, de valoriser la mission de tutorat à l'intérieur même de l'entreprise ?
    Plus généralement, n'est-il pas l'heure de mettre en oeuvre l'idée d'une formation professionnelle tout au long de la vie ? Cette proposition avait semblé faire la quasi-unanimité pendant les campagnes des élections présidentielle et législatives.
    Il conviendrait d'encourager les entreprises qui embauchent des jeunes et leur proposent des formations de qualité. On pourrait, par exemple, leur accorder des allégements sélectifs de charges dues aux crédits. L'accès moins cher au crédit pour leurs investissements serait subventionné par bonification de taux d'intérêt.
    Une telle dynamique est, certes, aux antipodes de la logique qui guide le présent texte. Au lieu de donner de l'argent aux grandes entreprises qui, je le répète, n'en ont pas besoin pour embaucher, nous aurions pu choisir de limiter l'application de la loi aux entreprises de moins de 250 salariés. Dans ce cadre, nous aurions pu proposer d'ouvrir son champ d'application jusqu'à vingt-cinq ans révolus, grâce notamment au financement que s'apprête à dégager le Gouvernement en faveur des grandes entreprises.
    Par ailleurs, combattre le chômage et la précarité de l'emploi des jeunes, de nouveau nettement à la hausse, mériterait de compléter le dispositif en faveur de l'emploi des jeunes dans les entreprises privées par la mise en oeuvre de mesures destinées à pérenniser les emplois-jeunes du secteur public, notamment dans la police, l'éducation nationale et les hôpitaux.
    Même si, monsieur le ministre, vous semblez à présent disposé à favoriser ce dessein, des interrogations subsistent. Or, il serait dramatique pour des dizaines de milliers de jeunes de retourner par la case chômage après avoir donné satisfaction et ouvert de nouveaux horizons au mouvement associatif et aux services publics de proximité.
    Il est bon que les dispositions de la nouvelle loi puissent s'appliquer aux associations. Mais qu'adviendra-t-il des jeunes de plus de vingt deux ans, de surcroît titulaires a minima d'un baccalauréat ?
    Parallèlement, ne serait-il pas judicieux que le Gouvernement facilite activement l'inscription des emplois-jeunes aux concours de la fonction publique territoriale ? Aux termes de votre intervention, il semblerait, monsieur le ministre, que telle soit votre intention. Je vous en suis très reconnaissant. Cette attitude, qui tend à promouvoir leur titularisation, me semble préférable à celle qui consiste à prôner une baisse des effectifs ou le non-remplacement des départ à la retraite.
    Mesdames, messieurs, permettez-moi de retenir votre attention quelques instants supplémentaires. Saisi par ceux que l'on nomme les intermittents du spectacle après le dépôt d'un nouvel article relatif au financement du régime d'assurance chômage de ces personnels, je veux de cette tribune et au nom des députés communistes et républicains leur apporter un soutien sans faille. D'autant que, de vous à moi, cet article a de quoi surprendre dans un projet consacré à l'emploi des jeunes. Il y a quelques semaines, le rédacteur de ce texte aurait eu une mauvaise note au bac, au motif qu'il aurait été hors sujet...
    Aux côtés des entreprises et des intermittents du spectacle, nous n'acceptons pas qu'un accord, signé par un syndicat minoritaire et à nouveau dans la précipitation, engage toute une profession.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Frédéric Dutoit. A l'instar de la fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma, je m'interroge sur les motivations d'une politique qui ne vise qu'à pousser le dispositif qui encadre ladite profession dans ses contradictions, sans jamais vouloir le réformer. Il serait raisonnable, monsieur le ministre, de ne pas donner l'agrément à cette décision de l'UNEDIC. Mieux vaut prendre le temps de lancer une réflexion de fond sur le sujet.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Frédéric Dutoit. Le débat n'a pas eu lieu avec les partenaires sociaux à propos de l'emploi des jeunes en entreprise. Je vous en supplie, ne faites pas deux fois de suite la même erreur.
    Pour toutes ces raisons et compte tenu notamment de cet aspect essentiel pour nous de la formation des contrats-jeunes, nous ne voterons certainement pas ce texte s'il reste en l'état. Nous considérons, chers collègues de la majorité, que l'opposition doit être constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Dutoit, j'ai demandé à vous interrompre car je tenais à apporter une précision. Certes, vous pouvez dire que les partenaires sociaux ont émis des réserves ou des critiques, mais pas qu'il n'y a pas eu de concertation. Nous avons justement longuement discuté avec chaque organisation syndicale, et ces discussions ont d'ailleurs permis d'améliorer le texte. Alors que s'ouvre ici le débat, il est important de reprendre la définition des termes : la concertation n'implique pas un accord unanime de l'ensemble des partenaires sociaux.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux.
    M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord vous dire toute ma satisfaction et ma fierté d'être le porte-parole de mon groupe sur un texte qui traduit l'implication forte de la nouvelle majorité en faveur de la lutte contre le chômage et de l'aide aux jeunes en difficulté. Nous sommes nombreux, sur les bancs de cette assemblée, responsables de structures d'accueil, d'information et d'orientation à être confrontés aux grandes difficultés d'un public jeune qui, trop souvent, est laissé pour compte en matière d'insertion professionnelle.
    Il ne suffit pas de se donner bonne conscience en multipliant les dispositifs dont on sait qu'ils répondent prioritairement aux jeunes les moins en difficulté, les moins désociabilisés et les moins vulnérables aux tentations de la délinquance. Avec ce texte, le Gouvernement prouve qu'il tient ses engagements en reprenant l'une des propositions formulées par le Président de la République durant la campagne présidentielle : « Je m'engage à garantir l'entrée des jeunes dans la vie active », avait-il déclaré.
    Certains n'ont pas compris, ou plutôt feignent de ne pas comprendre, que notre objectif et notre volonté sont de faire vite, efficace et simple. La situation ne nous permet pas d'attendre. Ce texte est donc un compromis entre la concertation, que nous avons engagée avec les partenaires sociaux, et l'urgence d'apporter des réponses concrètes.
    Je tiens, à cet égard, à féliciter Bernard Perrut, pour avoir mené tambour battant les auditions qui nous ont permis de constater l'accord plutôt faborable des partenaires sociaux sur le principe, même si certains ont exprimé des réserves ou ont souhaité des modifications qui, parfois, ont été adoptées.
    Nous le savons, notre pays est confronté à une crise majeure de société, crise sociale autant que morale. La lutte contre la violence est une exigence qui est au coeur du mandat que les Français, dans leur majorité, ont confié au Gouvernement. Mais ce besoin légitime de sécurité ne peut être satisfait par la seule augmentation, certes indispensable, des moyens de la justice et de la police. Elle réclame de notre part, et nous l'affirmons haut et fort, une politique sociale active et pragmatique pour s'attaquer aux maux structurels de notre société.
    L'existence d'un chômage persistant chez les jeunes constitue pour notre pays un défi permanent, car c'est sa cohésion qui est mise à mal. Rappelons-le, le taux de chômage des jeunes est de 16,4 %. Ce chiffre, déjà inquiétant, masque par ailleurs de profondes inégalités. Ce sont en effet les jeunes les moins diplômés qui sont les plus vulnérables.
    Cette situation nous renvoie à l'échec de notre système éducatif, incapable de gérer l'hétérogénéité des élèves et de donner à chacun une réelle chance de qualification. Chaque année, ce sont environ 100 000 jeunes qui quittent le système éducatif sans diplôme. Parmi eux, 60 000 n'ont aucune qualification. Dans ces conditions, et compte tenu de la technicité de plus en plus grande requise par les entreprises, il n'est pas étonnant que ces jeunes soient les premières victimes du chômage.
    L'impossibilité pour ceux-ci de s'insérer professionnellement est à l'origine d'une dérive qui les entraîne vers la précarité et l'exclusion. La pauvreté touche aujourd'hui de plus en plus de jeunes : si 5,5 % des moins de 25 ans étaient considérés comme pauvres en 1970, ils sont environ 20 % trente ans après.
    Cette situation a un coût social évident et la montée de la violence sous toute ses formes en est une traduction des plus dramatiques. Elle a également un coût économique, car ce sont autant de forces vives qui ne sont pas utilisées et qui représentent une perte lourde pour notre capacité économique. Et je ne parle pas du financement du système de retraites menacé par la faiblesse du taux d'activité de nos jeunes.
    Comment pourrait-on accepter cette situation, sachant que, dans le même temps, des milliers d'entreprises nous font part de leurs difficultés à recruter ? Des secteurs entiers sont touchés par des pénuries de main-d'oeuvre : le BTP, l'industrie, les métiers de bouche et bien d'autres activités...
    Le dispositif dont nous discutons aujourd'hui entend remédier aux failles des mécanismes déjà existants. Il offre aux entreprises ainsi qu'aux associations qui embauchent en CDI un jeune de seize à vingt-deux ans non qualifié ou ayant une qualification inférieure au baccalauréat une exonération des charges sociales pendant trois ans. Cette exonération est totale les deux premières années et de 50 % la troisième année.
    Ce dispositif présente à mes yeux plusieurs avantages, que je veux présenter rapidement. Son concept d'abord : contrairement aux pratiques du gouvernement précédent, il n'oppose pas les intérêts des entreprises et des salariés puisqu'il instaure un dispositif que je qualifie de « gagnant-gagnant ».
    Il s'agit d'un changement attendu par des entreprises qui attendent un signe positif de la part de l'Etat, après avoir été trop souvent stigmatisées lors de la précédente législature. Sans compter qu'elles ont dû subir pendant cette période de constantes modifications de la législation et de la réglementation du travail, alors même qu'elles ont besoin de stabilité juridique et de règles claires.
    Aveuglé par une approche largement idéologique, on a oublié un peu rapidement que ce sont d'abord les entreprises qui créent des emplois dans notre pays. C'est pourquoi il importe aujourd'hui de réconcilier l'Etat et les entreprises. Les énergies de tous doivent tendre vers un même but : plus d'activité et donc plus d'emplois.
    Les entreprises demandent à l'Etat de la stabilité juridique, des dispositifs pérennes, un allégement des prélèvements qui pèsent sur elles, au détriment de leur compétitivité.
    De leur côté, les entreprises doivent mener une politique active de bonne gestion de leurs ressources humaines, une politique d'intéressement, de formation continue et de validation des acquis professionnels. Mes chers collègues, c'est uniquement en s'appuyant sur cette relation de confiance que l'on réussira.
    Au-delà, je vois à ce dispositif un avantage qui me paraît tout aussi important, en ce qu'il rétablit le travail comme valeur. En faisant de l'emploi la voie d'accès privilégiée à l'autonomie, le Gouvernement refuse de faire de l'assistance le seul horizon de ces jeunes. Loin du RMI jeunes, le respect de la dignité de ces jeunes consiste au contraire, selon nous, à leur donner les moyens de réussir par eux-mêmes à travers une véritable insertion professionnelle.
    Arrêtons donc de considérer que le travail est source d'aliénation. Redonnons aux Français le goût d'entreprendre. Ils ont compris que la lutte contre le chômage ne passera pas par un partage du travail et les 35 heures. Il faut revaloriser la rémunération du travail et offrir à chacun les chances d'une véritable promotion professionnelle.
    L'autre atout de ce dispositif réside dans sa simplicité et dans son efficacité. La simplicité d'abord, car nous avons parfaitement conscience que les entreprises devront vaincre des réticences légitimes naturelles face à l'embauche d'un jeune peu, voire pas du tout, formé.
    Le projet de loi que vous nous soumettez est dense, précis, c'est un bon signe et cela nous change, monsieur le ministre. Permettez-moi de vous demander instamment de faire en sorte que les décrets d'application respectent cette simplicité. Concrètement, les formalités administratives à remplir par l'employeur seront réduites. Il continuera à verser normalement ses charges sociales aux organismes de recouvrement, mais celles-ci seront ensuite compensées de manière forfaitaire.
    Ainsi pour l'employeur, rien ne change dans les formalités de versement des charges sociales et d'établissement des fiches de salaire. Le dispositif s'appuie sur une déclaration de l'employeur. Si les conditions d'octroi sont remplies, il pourra alors bénéficier de ce dispositif qui, je le répète, doit être simple.
    Un dispositif efficace, ensuite, car il s'appuie sur la réduction des charges sociales, non pas en raison d'un quelconque parti pris idéologique, mais tout simplement parce que ça marche, comme l'a justement rappelé le Premier ministre.
    Les exonérations de charges sociales ont d'ores et déjà fait la preuve de leur efficacité en termes de création d'emploi. Les chiffres sont là pour en témoigner.
    Une étude récente de l'INSEE a mis en évidence l'effet significatif des allégements définis entre 1994 et 1997 sur les emplois non qualifiés. Durant cette période, ce dispositif a permis la création de 460 000 emplois, dont 150 000 dans l'industrie et 310 000 dans les services.
    Certains parlent d'effets d'aubaine à propos des allégements de charge. Sans nier leur existence, il me semble qu'ils seront très marginaux. Qui peut croire qu'une entreprise qui embauche en CDI un jeune peu qualifié est uniquement motivée par l'allégement de charges ? Arrêtons les procès d'intention ! La compensation financière n'est pas une aubaine, elle est une juste contrepartie de l'engagement de l'entreprise qui accomplit un geste citoyen en embauchant en CDI un jeune peu ou pas qualifié.
    Ce qui constitue, monsieur le ministre, l'atout majeur de votre dispositif, c'est le fait qu'il offre au jeune, à travers un CDI, un emploi durable et une véritable insertion professionnelle.
    De ce point de vue, c'est un progrès sensible par rapport au programme emplois-jeunes qui, lui, n'a que trop peu proposé à ses bénéficiaires des perspectives professionnelles crédibles. Mme Aubry, lors des rencontres emplois-jeunes en décembre 1999, indiquait : « L'employeur désignera un tuteur pour chaque jeune afin de favoriser son insertion dans sa structure de travail. » J'observe que tel n'a pas été le cas.
    Je rappelle ce point à nos collègues socialistes qui, peut-être amnésiques, critiquent l'absence de volet formation ou tutorat obligatoire dans le dispositif.
    Aujourd'hui, les titulaires d'un emploi-jeune sont nombreux à s'inquiéter pour leur avenir car ils constatent que les postes où ils sont employés n'ont pas nécessairement vocation à être pérennisés. Sans attendre, nous devons réfléchir, puisque d'autres ont omis de le faire, au devenir des emplois-jeunes arrivant en fin de contrat.
    Je rappelle - car j'entends et je lis beaucoup de déclarations inexactes - que ce qui nous est aujourd'hui proposé n'est pas un « contrat-jeune », mais un contrat de droit commun offrant à son signataire l'ensemble des garanties du salarié. Une fois recruté, le jeune sera un salarié à part entière ; la seule différence - mais elle est à son bénéfice - est la possibilité d'interrompre sans préavis son contrat pour suivre une formation.
    Durant les auditions et les débats préparatoires, certains ont souhaité introduire dans le dispositif une formation obligatoire pour le jeune salarié. Etant fortement engagé en faveur de la formation professionnelle, je ne puis qu'être sensible à cette préoccupation.
    Je rappelle que la logique du dispositif est de permettre au jeune de se former directement dans l'entreprise au contact des autres salariés. Cette insertion dans l'entreprise sera d'autant mieux vécue que le jeune pourra accéder à de réelles perspectives de qualification.
    Bien souvent, nous observons que la contrainte de la formation obligatoire rebute le jeune. C'est l'une des causes majeures des résultats aléatoires obtenus avec d'autres dispositifs - je pense à TRACE, par exemple.
    Je suis convaincu qu'à partir du moment où le jeune salarié sera, dans l'entreprise, confronté au quotidien et à la nécessité d'acquérir des connaissances, il se montrera rapidement demandeur de formation qualifiante.
    Le jeune pourra, comme tout salarié, accéder au plan de formation de l'entreprise. Il pourra également faire valider ses acquis professionnels par l'obtention d'une qualification dans le cadre d'un accord de branche.
    C'est au contact de l'emploi, en retrouvant confiance dans ses capacités, qu'il retrouvera le goût d'apprendre.
    Il est donc indispensable de favoriser des passerelles lui permettant de se réorienter s'il le souhaite dans un dispositif de formation classique.
    On le voit, le dispositif présente de nombreux atouts qui devraient séduire les jeunes et les entreprises.
    Mais notre satisfaction ne doit pas nous aveugler. Restons modestes et ayons conscience que les recettes miracles et les solutions faciles n'existent pas quand on aborde une question aussi difficile que celle de l'emploi des jeunes.
    La réussite de ce projet dépend essentiellement de notre capacité à susciter l'intérêt à la fois chez les entreprises, les associations et les jeunes. Il faut faire vivre ce texte.
    La mobilisation des acteurs locaux est donc un impératif : il est indispensable que le Gouvernement mette rapidement en oeuvre un important travail de communication et de sensibilisation des intervenants dans les bassins d'emploi.
    Dans ce cadre, nous pouvons compter sur le remarquable travail de ceux qui, tous les jours, agissent sur le terrain pour aider ces jeunes. Je pense notamment aux missions locales et aux missions d'information sur la formation et l'emploi. Leur dévouement et leur compétence nous sont indispensables.
    La bataille de la lutte contre le chômage des jeunes ne pourra être gagnée qu'en additionnant les initiatives. Le dispositif que vous nous proposez n'en constitue donc qu'une première étape.
    C'est pourquoi je souhaiterais conclure mon intervention en évoquant ce qui me paraît devoir être les axes prioritaires de nos futures réflexions.
    L'effort doit d'abord concerner la formation initiale des jeunes. La lutte contre l'échec scolaire doit être au coeur de nos priorités. « Le collège unique doit devenir le collège pour tous », selon les mots du Président de la République. Concrètement, cela signifie qu'il faut donner à chaque élève les moyens de trouver sa place dans notre système scolaire, notamment en revalorisant la filière professionnelle et technique qui reste, dans notre pays, trop souvent considérée comme une voie de garage par les parents et les élèves, voire par les enseignants.
    C'est à travers une orientation scolaire réussie que l'on parviendra à donner à chaque jeune un métier. Il faut arrêter de former des milliers de jeunes dans des secteurs dont on sait qu'ils vont les conduire immanquablement à une impasse professionnelle.
    Certaines filières sont en effet surchargées alors que leurs débouchés sont limités. Il faut donc lutter contre les effets de mode et faire de l'information précoce une priorité.
    La formation continue, comme je l'ai indiqué précédemment, constitue logiquement notre second chantier. Aujourd'hui les chances d'obtenir une formation varient de un a dix entre un ouvrier peu qualifié d'une petite entreprise et le cadre d'une grande. C'est injuste et absurde.
    Il est donc nécessaire d'encourager les partenaires sociaux à reprendre la négociation pour permettre enfin l'accouchement de cette réforme indispensable, promise pendant cinq ans par les socialistes, qui s'agitent aujourd'hui parce que nous, nous faisons vite et bien.
    La mise en place d'un droit individuel à la formation pour chaque salarié est un objectif majeur. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que cette réforme trouverait sa place dans la loi sur la régionalisation. Pourriez-vous nous en donner les grandes orientations ?
    Enfin, c'est évidemment la compétitivité de notre économie qui doit être renforcée. La mise en oeuvre d'allégements de charge sociales généralisées est une nécessité.
    De même, les adaptations de la loi sur la réduction du temps de travail sont fortement attendues, non seulement par les PME-PMI qui attendent plus de souplesse, mais surtout par des salariés qui souhaitent améliorer leurs revenus par le travail. Peut-on leur en vouloir, messieurs les socialistes ?
    M. Henri Nayrou. Et mesdames !
    M. Jean-Paul Anciaux. A ce sujet, vous avez tenu tout à l'heure des propos démagogiques et irresponsables.
    Monsieur le ministre, vous adressez un signal fort aux jeunes en difficulté. En les aidant à mettre le pied à l'étrier, vous leur montrez qu'ils ont en eux les ressources pour s'en sortir par eux-mêmes. A l'heure où notre société contribue trop souvent à se faire l'écho de la réussite facile, c'est un message d'une autre nature que nous devons leur envoyer, mettant l'accent sur la confiance, la responsabilité et l'engagement personnel. Les jeunes doivent être acteurs de leur propre insertion.
    Nous savons que la tâche n'est pas facile et nous l'abordons avec modestie, certes, mais surtout avec enthousiasme.
    Avec nos collègues sénateurs, nous avons contribué à améliorer le dispositif proposé.
    A cet égard, je voudrais remercier notre président Jean-Michel Dubernard et notre rapporteur Bernard Perrut pour la qualité de leur écoute et le sérieux avec lequel ils ont mené nos débats.
    Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien plein et entier du groupe UMP qui votera bien évidement ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le difficile problème du chômage des jeunes doit nous obliger tous à faire preuve de beaucoup de modestie.
    J'ai écouté avec beaucoup d'attention la présentation de votre dispositif, monsieur le ministre, et je me suis demandé si vous êtes venu là pour présenter votre projet de loi ou pour exposer à vos collègues de la majorité votre conception du libéralisme social.
    Mais revenons à votre dispositif. Depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont développé des actions en direction des jeunes éprouvant des difficultés pour accéder à l'emploi. J'ai pris le temps de relire les réflexions publiées en ce domaine, et en particulier la contribution donnée par Bertrand Schwartz en 1997. Il insistait sur trois pistes.
    Premièrement, l'accès des jeunes à l'emploi doit passer par un vrai contrat, pour une vraie durée. Cette préoccupation est d'ailleurs au coeur même du dispositif des emplois-jeunes.
    Deuxièmement, un dispositif destiné à favoriser l'emploi des jeunes doit combler les besoins non satisfaits. Là encore, c'est bien ce que Mme Aubry a fait avec la formule : nouveaux services, nouveaux emplois.
    Troisièmement, un accompagnement doit être prévu pour les jeunes les plus éloignés du monde du travail. L'enjeu est de taille et Bertrand Schwartz insistait partiellement sur ce point.
    Un tutorat est nécessaire à l'intérieur même de l'entrepise pour rompre profondément avec le sentiment d'échec et de dévalorisation. Or, les entreprises n'ont pas forcément vocation ni compétence pour effectuer cet accompagnement que les missions locales ou d'autres dispositifs font très bien. Le programme TRACE a montré son efficacité en ce domaine, et nous devons continuer en ce sens. Votre projet de loi ne propose cependant rien de tel. Vous renvoyez, si j'ai bien compris, à une négociation de branche la mise en place d'un dispositif de tutorat et d'accompagnement. J'espère que celle-ci aura bien lieu.
    Des députés de votre majorité ont eux-mêmes exprimé leur inquiétude sur ce point. Ils ont, comme nous, été alertés, dans leur circonscription sur la nécessité d'accompagner les jeunes au sein de l'entreprise et de prendre en compte leur formation.
    L'échec du dispositif qui nous est proposé aurait, me semble-t-il, une double conséquence. Pour les jeunes, tout d'abord, qui courent le risque d'être employés comme simples « bouche-trous » - je reprends ici une expression qu'ils emploient eux-même - avant de se retrouver dans une situation aggravée d'échec, de dévalorisation et d'exclusion.
    Du côté des entreprises, ensuite, le sentiment si souvent exprimé que les jeunes sans qualification ne sont capables de rien ne risque-t-il pas d'être renforcé, augmentent les réticences à les embaucher ?
    Je voudrais également revenir sur le public auquel s'adresse ce dispositif.
    La proposition fait référence à un niveau de qualification inférieur au baccalauréat. Il y a donc bien deux publics visés : les titulaires d'un CAP ou d'un BEP et les jeunes totalement dépourvus de qualification. Les entreprises vont embaucher les premiers en priorité, et les autres risquent de rester au bord du chemin.
    Sous couvert de favoriser l'emploi des jeunes, on va - me semble-t-il - les priver d'un dispositif de formation et d'un accès réel à la qualification, donc d'un avenir. Le projet de loi ne prévoit, en effet, aucune obligation de formation autre que celle prévue par le droit commun des salariés dans l'entreprise.
    La validation des acquis professionnels pourrait constituer une bonne formule, mais seulement si les tâches confiées aux jeunes correspondent à des actes professionnels réels et bien identifiés. Renvoyer ses conditions d'application à une hypothétique négociation de branche me semble donc très limité.
    Le dispositif mis en oeuvre dans ce projet de loi inquiète également par la concurrence qu'il va représenter pour le contrat de qualification. Cette inquiétude a d'ailleurs été exprimée au sein de votre propre majorité. Votre proposition cible en effet un public en tous points comparable à celui des contrats de travail en alternance.
    L'apprentissage a redémarré progressivement, depuis une dizaine d'années, au prix d'efforts soutenus. J'ai peur que votre projet mette à mal ces efforts.
    Les enquêtes montrent que les contrats alternés donnent d'excellents résultats : 86 % des apprentis obtiennent un emploi après leur sortie de l'apprentissage.
    Vous prétendez qu'il n'y a pas de concurrence entre les deux dispositifs. Mais si un jeune négocie un contrat-jeune au lieu d'un contrat en alternance, il touchera une rémunération deux à quatre fois supérieure. S'il se trompe de voie ou abandonne un contrat-jeune payé au SMIC, acceptera-t-il un contrat alterné à 25 ou 41 % de ce salaire ? Pourquoi ne pas avoir préféré revaloriser la rémunération des contrats de travail en alternance ? Actuellement 91 % des contrats de travail conclus par les 16-18 ans sont des contrats d'apprentissage. Les contrats-jeunes représenteront donc nécessairement une concurrence pour cette tranche d'âge.
    Christian Paul a tout à l'heure rappelé avec passion et justesse quel était l'enjeu en citant les propos tenus par Bertrand Schwartz en 1997 sur l'intérêt du dispositif emploi-jeune. J'ai l'impression, monsieur le ministre, que l'histoire retiendra ce dernier, mais certainement pas les contrats-jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.
    M. Rodolphe Thomas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, je ne vais pas reprendre les grandes lignes du projet de loi sur les contrats jeunes, que notre ami Rudy Salles a très bien exposées.
    Avant tout, je voudrais rappeler combien il est important de soutenir toute mesure destinée à favoriser l'emploi des jeunes dans notre pays. Trop de jeunes sont laissés pour compte et se sentent rejetés dans la société. Le constat est là : 33 % de nos jeunes sont exclus du monde du travail par manque d'expérience ou encore de qualification professionnelles.
    S'agissant de la première, trop de jeunes, en effet, sont mal informés, mal orientés en amont durant leur parcours scolaire. Les structures de formation ne sont pas ce qu'elles devraient être en termes de capacité d'accueil et d'adaptation aux métiers de demain.
    Pour ce qui est de la seconde, nous ne donnons malheureusement pas à ceux qui en ont le plus besoin - ceux qui sortent du système éducatif sans diplôme ou sans qualification - la chance d'acquérir une réelle expérience en entreprise. C'est une chaîne sans fin, comme on dit. Aucune perspective d'insertion professionnelle n'est possible sans réelle qualification et inversement.
    Aujourd'hui, ce projet a le mérite de prendre à bras-le-corps ces difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés. Comme tout dispositif ajouté à d'autres existants, il n'est pas facile de trouver le juste milieu pour satisfaire le plus de jeunes.
    Pour susciter l'emploi, il nous faut instaurer un environnement favorable à la création et au développement de nos entreprises, car ce sont bien elles, et plus particulièrement les PME et TPE, très petites entreprises, pour faire plaisir à mon ami Rochebloine, qui, toutes tailles confondues, sont génératrices de richesses, de valeur ajoutée et donc d'emploi.
    Etant moi-même issu du monde de l'entreprise, j'ai été confronté très souvent au monde du travail, comme salarié ou comme responsable d'entreprise. J'ai ainsi pu mesurer l'importance du secteur artisanal dans l'économie de notre pays. Or, trop de tracasseries administratives, trop de paperasserie, trop de formulaires, trop de charges, une pression fiscale tout aussi lourde sont, bien sûr, autant de freins à l'emploi.
    Ayons une politique claire et lisible pour nos entreprises. Elle est d'autant plus nécessaire que le monde artisanal est aujourd'hui le premier employeur en France et a prouvé, par sa compétence, qu'il savait s'adapter à des situations économiques très difficiles. Il faut soutenir ce secteur essentiel pour l'avenir de nos jeunes.
    L'avenir de nos jeunes passe par la formation professionnelle. Nous savons tous que les conditions économiques évoluent très rapidement, que le développement des nouvelles technologies impose une remise à niveau constante des compétences.
    Je ne terminerai pas sans porter une attention toute particulière aux Français qui n'entrent pas dans le dispositif. Je pense à toutes ces personnes, plus âgées, qui sont mises à l'écart de notre société. Des mesures doivent être prises afin de les sortir de l'exclusion. Nous voyons bien combien il est difficile de répondre à ces faits de société. Donnons-nous les moyens et affirmons notre volonté de combattre ce fléau qu'est le chômage. Soyons des facilitateurs sur le chemin de l'emploi. Combattre le chômage, c'est combattre l'exclusion et la précarité. S'il faut, comme le disait M. le Premier ministre, écouter la France d'en bas, il faut aussi impérativement laisser s'exprimer la voix d'en bas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.
    M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, si l'esprit de votre dispositif est bon, la forme l'est beaucoup moins.
    Le fond est bon, à l'image de celui des emplois-jeunes, car on ne peut être contre le fait de préférer financer le travail que le chômage, ni contre la volonté de susciter l'embauche de jeunes non qualifiés par des employeurs qui ont besoin de main-d'oeuvre mais qui renoncent, en fin de compte, en raison des coûts annexes de l'opération pour leur entreprise.
    C'était exactement l'esprit de la loi sur les emplois-jeunes. C'est aussi, au départ, celui des contrats-jeunes.
    Malheureusement le tableau s'est vite noirci.
    D'abord, vous avez agi avec précipitation, ce qui vous a conduits vers l'imprécision, donc vers les imperfections.
    Ensuite, vous avez omis d'étudier les effets colatéraux de la mesure. Je veux parler de la formation, clef de l'emploi, clef de l'avenir. Mes collègues de l'opposition en ont déjà parlé. Je relève simplement que l'assemblée permanente des chambres de métiers s'en est émue avec des arguments qui doivent vous faire regretter d'avoir voulu donner trop rapidement des gages à une opinion publique pourtant vouée à la torpeur de l'été.
    Pour ma part, je vous ferai deux autres reproches : le premier, c'est d'avoir ouvert les vannes du dispositif afin de faire du chiffre ; le deuxième, c'est de ne pas avoir su résister à la tentation doctrinaire, voire à l'exigence budgétaire, en réglant leur compte aux emplois-jeunes, les cousins de vos contrats-jeunes.
    Vous aviez déjà commis, à mon sens, l'erreur d'ouvrir la mesure aux entreprises de deux centaines de salariés. Le Sénat vous a entraîné dans une autre qui relève de la facilité apparente en faisant sauter le verrou des 250 salariés.
    Quand je vous disais que le fond était bon, je faisais précisément allusion à la cible idéale qu'étaient, pour votre texte, les artisans, les commerçants et les petites entreprises dont on dit, à juste titre, qu'ils constituent le plus important gisement d'emplois dormants et que seules des mesures simplificatrices et significatives sur les baisses de charges étaient en mesure d'y déclencher une embauche massive. Petites structures d'employeurs et faible niveau de qualification des jeunes pouvaient faire bon ménage. Il est même probable que, prévu dans votre texte, l'accès à la formation aurait pu alors s'effectuer de manière plus naturelle, et forcément beaucoup plus efficace.
    Par ailleurs, il faut bien reconnaître qu'aucun gouvernement n'échappe à l'écueil des effets d'aubaine dès lors qu'il veut agir sur l'emploi. Toutefois, cet effet d'aubaine aurait dû être réservé aux jeunes eux-mêmes, en quête d'un premier emploi, d'une formation et d'un espoir. Il aurait pu être réservé aussi aux entreprises qui n'avaient pas envie d'embaucher alors qu'elles en avaient besoin.
    En revanche, il n'aurait pas dû profiter aux employeurs qui auraient embauché de toute façon selon les besoins du marché. L'effet d'aubaine n'aurait surtout pas dû profiter aux grands groupes qui se pourlèchent déjà à l'idée de bénéficier d'un troisième train de cadeaux après les ristournes Juppé et Aubry. Enfin, il n'aurait pas dû profiter aux sociétés auxquelles vous allez permettre de se refaire une virginité sociale, six mois seulement après des vagues de licenciements économiques et boursiers.
    Les enjeux vis-à-vis du fléau du chômage des jeunes méritaient mieux que ces ascenseurs que vous renvoyez au patronat.
    Je termine en évoquant l'esprit avec lequel vous avez abordé l'examen de ce projet de loi. En clair, vous aviez décidé de lancer un contrat sur les emplois-jeunes et cela a donné les contrats-jeunes. Vous avez eu tort, doublement tort.
    D'abord, sur le principe, vous avez feint d'ignorer que l'esprit des deux dispositifs était le même et qu'en attaquant le nôtre sur sa finalité et sur ses moyens, vous fragilisiez du même coup le vôtre.
    Ensuite, sur la tactique, je ne vous ai pas trouvé non plus très perspicace. Il vous suffisait en effet de dire que les contrats-jeunes n'étaient jamais que le pendant privé des emplois-jeunes publics, de mettre l'accent sur le fait que vous alliez réaliser en 2002 la partie que nous avions promise en 1997 et le tour était joué, monsieur le ministre.
    Je souhaite sincèrement la réussite de cette opération parce que je place au-dessus des contingences partisanes, qui lassent le citoyen, la main tendue à des jeunes qui en ont bien besoin et la réussite à la France qui en a également bien besoin. C'est tout aussi sincèrement que j'estime que vous avez manqué votre premier rendez-vous avec vos promesses électorales.
    Nous vous donnons donc rendez-vous pour le bilan, celui des chiffres secs mais aussi celui de la formation abandonnée à l'air du temps, comme on jette une bouteille à la mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol.
    M. Pierre-André Périssol. Monsieur le ministre, vous vous attaquez avec détermination, rapidement, à un problème majeur de notre société, celui qui ferme la porte du travail, celui qui dénie une place dans notre société à plus de quatre jeunes sur dix sans qualification. Avec ce dispositif, vous ne déplacez pas le problème de quelques années ; vous ne donnez pas aux jeunes un mirage ; vous leur ouvrez une voie, celle du travail ; vous leur donnez un statut, celui d'actif ; vous leur donnez une stabilité, celle que permet un CDI ; vous leur donnez un revenu. Le dispositif est simple et je suis convaincu, nous sommes convaincus, qu'il marchera.
    Cependant il faut bien se pencher sur ce qui, en amont, alimente les contingents de jeunes sans qualification. Vous ne pouvez aujourd'hui que traiter les conséquences et il faudra bien s'attaquer aux causes. On ne peut pas accepter que 60 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucun diplôme et que plus de 100 000 en sortent sans qualification. L'échec scolaire n'est pas une fatalité. Le Gouvernement, s'attaquant à l'illettrisme selon un engagement pris par le Président de la République, en voulant mettre fin au saupoudrage auquel on a abouti dans l'école primaire et le collège, recentre la mission de l'école sur les fondamentaux : c'est la première condition pour redonner des chances à tous.
    Il faut également revaloriser les voies professionnelles, cesser de les laisser considérer comme des voies de relégation auxquelles on destine les élèves en situation d'échec scolaire. La revalorisation des voies professionnelles, des métiers et des formations manuelles est une priorité nationale. Notre responsabilité est d'ailleurs collective : politiques, parents, enseignants. Nous sommes tous responsables. Il y va de notre capacité collective à sortir des préjugés, à initier des politiques éducatives de nature à inverser la tendance, pour réduire, en amont et à moyen terme, une des causes majeures du chômage des jeunes.
    En aval de ces contrats-jeunes, une fois que, grâce à eux, les jeunes auront intégré le monde du travail, une fois que la confiance retrouvée leur aura permis de récupérer une motivation à apprendre, à étudier, à se former, encore faudra-t-il que l'offre de formation professionnelle soit à la hauteur.
    Monsieur le ministre, telles sont vos intentions. Vous avez ouvert le chantier de la formation tout au long de la vie, projet sur lequel tous les partenaires sociaux veulent aboutir. Vous avez même précisé qu'il s'agira de votre chantier de l'automne.
    Beaucoup peut être fait, beaucoup doit être fait pour que notre système de formation professionnelle soit plus efficace et afin que les formations professionnelles soient, demain, dans leur ensemble et non pas quelques-unes seulement, d'excellente qualité. Il y a des conditions à cela, car chacun voit bien que les différentes formations professionnelles, les formations professionnalisantes, initiales comme continues, sont liées et qu'un effort de cohérence, de coordination est indispensable. Un pilote devra être demain en situation d'assurer la concertation entre tous les acteurs, entre tous ceux qui sont concernés. Il devra assumer les responsabilités au regard des différentes formations professionnelles.
    A cet égard, le Premier ministre a ouvert la voie en souhaitant que ce secteur fasse l'objet d'une nouvelle étape de décentralisation en faveur des régions, car il faudra bien se donner les moyens non seulement de rendre cohérentes les offres de formation qualifiante avec les besoins, mais aussi de peser pour obtenir le meilleur niveau de performance des opérateurs, le meilleur niveau de qualité de nos formations, la meilleure efficacité de notre dispositif.
    Monsieur le ministre, nous vous soutenons sans réserve sur ce dispositif des contrats-jeunes que vous nous présentez et nous soutiendrons le Gouvernement dans les efforts qu'il fera pour améliorer l'efficacité de nos formations dans le domaine professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème de l'emploi, en particulier celui de l'emploi des jeunes peu ou pas formés, nous interpelle et, depuis vingt ans, date de la création des PAIO, tous les gouvernements se sont penchés sur le sujet, ont proposé et ont agi.
    Je ne nierai pas, monsieur le ministre, que le texte que vous nous présentez aujourd'hui va séduire des jeunes en recherche d'autonomie, parfois en rupture avec le milieu familial. Toutefois, en tant que responsables, il nous interpelle.
    Tel est d'abord le cas en ce qui concerne l'âge des bénéficiaires auxquels il s'adresse. Est-il vraiment raisonnable de proposer à des jeunes de seize ans à peine d'entrer dans la vie active à temps complet, dans le milieu du travail, sans être détenteurs de savoir, de savoir-faire, parfois de repères familiaux et sociaux ? Et quand je fais allusion au travail à temps complet, ce n'est pas pour l'opposer au travail à temps partiel dont vous traitez par ailleurs, mais pour souligner l'absence de temps réservé spécifiquement à la formation comme l'offrent les contrats de qualifications ou d'apprentissage.
    Vous pouvez toujours me rétorquer que ces contrats ne disparaissent pas, et c'est vrai, mais vous me permettrez de répondre, « en principe ». En effet, vous savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les responsables de la formation professionnelle, en particulier ceux des chambres de métiers, sont inquiets, non pas parce que leur rôle peut être remis en cause, mais pour une vraie question de fond.
    En effet, des jeunes retardent actuellement la signature de contrats, en espérant bénéficier de ce texte de loi dans lequel ils ne voient que la possibilité d'avoir un salaire annoncé, le SMIC, alors que les indemnités qu'ils perçoivent en apprentissage ou dans le cadre de contrats de qualification varient entre 28 et 75 % au maximum du SMIC. Monsieur le ministre, pensez-vous les revaloriser ?
    Je connais et je comprends le besoin d'autonomie du jeune qui se traduit par la nécessité de revenus. Je comprends aussi la décision des parents qui verront là un avenir se dessiner pour leur enfant. Mais a-t-on vraiment tout expliqué ? Choisiront-ils en connaissance de cause ? Savent-ils que le CDI sera de trois ans et que, pour la suite, l'incertitude demeure ?
    Nous sommes nombreux ici, avec tous les professionnels de la formation professionnelle, à être convaincus qu'on ne peut assurer la réussite d'une insertion durable des jeunes dans l'emploi, au premier chef les jeunes non ou peu qualifiés, sans passer par une réelle formation professionnelle et un accompagnement personnel. Cet accompagnement prévu et mis en oeuvre pour les jeunes entrant dans le programme TRACE est une des clefs de la réussite de ce dispositif. Les jeunes nous l'ont dit clairement.
    La plupart de ceux qui ont pu rebondir ont bien mis en avant le rôle primordial joué par le référent. Ils y ont trouvé écoute et non jugement. En cherchant à les responsabiliser, on a accepté d'abord de prendre en compte la dimension de tous leurs problèmes, à leur faire prendre conscience de leurs possibilités, masquées le plus souvent par des attitudes destructrices. Bref, ils ont pu retrouver leur dignité dans leur entourage, dans la société, et accéder au monde du travail avec plus ou moins de facilité, mais en sachant toujours que le référent était un point d'appui, un point d'ancrage.
    Dans le dispositif qui nous est proposé, nous ne voyons malheureusement rien en contrepartie de la suppression des charges.
    Ces jeunes que nous lançons dans la vie active, nous en sommes responsables, au-delà des trois ans du CDI, et seule une qualification de qualité leur permettra de pouvoir prétendre à une évolution de carrière, à un maintien et à une progression, dans l'entreprise ou ailleurs.
    Ne nous leurrons pas : le salarié ne peut espérer avoir accès à la reconnaissance d'acquis professionnels que dans la mesure où il maîtrise des connaissances de base. Dans ses propos, M. Sellière a bien martelé que les entreprises avaient besoin de personnel formé. Et ce personnel formé, il pourrait l'embaucher, d'après vos déclarations, monsieur le ministre, dans Le Journal du Dimanche, dans des conditions qui s'apparentent à celles offertes pour l'embauche des jeunes.
    Quel choix feront les entreprises ? Pensez-vous vraiment qu'elles s'intéresseront à la formation des jeunes, alors que, jusqu'à présent, il faut le savoir, la majorité des stages de formation est réservée aux cadres, je dirais même aux cadres masculins ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui, je le pense !
    Mme Hélène Mignon. En ce qui me concerne, je demeure convaincue que, dans l'intérêt du jeune, il est préférable qu'il soit accueilli dans une petite entreprise, mieux encore chez un artisan. Le tutorat y est souvent plus facile, les rapports humains plus chaleureux, l'accompagnement personnel plus facile, même si ce n'est pas là le rôle de l'entreprise.
    Enfin, monsieur le ministre, à l'époque où les associations familiales demandent que soit repoussé l'âge limite du versement des allocations familiales, y a-t-il cohérence entre leurs revendications et les propositions actuelles ? Avez-vous estimé l'effet contre-productif de ce dispositif qui donnera peut-être envie à des jeunes d'abandonner la poursuite de leur formation initiale pour trouver une indépendance financière ?
    Elue du quartier du Mirail à Toulouse, quartier réputé difficile mais où le nombre de jeunes qui méritent qu'on s'intéresse à eux est bien supérieur à celui des jeunes délinquants, je me demande ce qu'ils trouveront de plus qu'aujourd'hui dans ce dispositif. Les entreprises s'ouvriront-elles, miraculeusement, quand on sait que le nom, l'adresse de ces postulants, sont des obstacles pratiquement incontournables, et que rares sont les employeurs qui les embauchent ? Les emplois-jeunes services publics ont été pour eux une bouffée d'oxygène, une reconnaissance. J'ai bien peur qu'après quelques essais infructueux dans ce nouveau dispositif, ce soit le vent de la colère, plus que la résignation, que nous récoltions.
    M. le président. Il va falloir conclure !
    Mme Hélène Mignon. Je vais conclure , monsieur le président.
    Les responsables de l'ANPE connaissent ce problème. Pourquoi l'UNEDIC - contresens terrible - gèrera-t-elle ce dispositif et non le service public de l'emploi ?
    Vous l'avez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai contre ce texte tel qu'il est, non parce qu'il proposerait du travail aux jeunes, car nous voulons, bien évidemment, nous aussi, atteindre le plein emploi, mais avec décence et responsabilité.
    Selon l'UDAF, les jeunes attendent des adultes considération et écoute, actes et témoignages. En matière de qualification professionnelle, nous devons être non seulement attentifs, mais aussi directifs.
    Ne nous contentons donc pas de permettre l'accès du jeune à l'entreprise. Donnons-lui l'envie et les possibilités d'y rester en acquérant une qualification professionnelle de qualité et en lui offrant un accompagnement qui lui donne des chances, quelles que soient ses difficultés propres, d'aller vers la réussite. Ne vous servez pas d'eux, monsieur le ministre, pour entreprendre la régulation sociale de l'économie libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel.
    M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous remercier de nous présenter dès cette session extraordinaire un dispositif aussi important pour nos jeunes. Vous avez choisi d'attaquer l'ascension par la face nord en vous attelant d'emblée au plus difficile : le problème des jeunes quittant le monde de l'éducation sans qualification, véritable scandale de notre système éducatif.
    Cette fracture sociétale, spécificité bien française, fait que, parce que l'on n'a pas réussi un examen, parce que, pour telle ou telle raison, on a décroché de l'enseignement à vingt ou vingt-deux ans, toute sa vie on restera au bord du chemin. C'est le contraire de l'égalité républicaine, le contraire de cette prétendue égalité des chances dont on nous rebat les oreilles à longueur de journée. Si l'école, la première chance, n'a pas fonctionné, il faut donner à ces jeunes une deuxième chance d'intégration, sur le tas celle-là. Cela ne peut se faire que par la vie en entreprise.
    Le premier mérite de votre dispositif, monsieur le ministre, est précisément de choisir l'entreprise pour l'intégration de ces jeunes. Par ses règles de responsabilité, d'apprentissage de la vie en société, d'autonomie, de récompense du travail et du mérite, par ses perspectives d'évolution, seul le monde de l'entreprise peut en effet permettre l'insertion des jeunes les plus en difficulté. Il s'agit parfois pour eux d'un nouvel apprentissage de la vie : il faut réapprendre à travailler, réapprendre à respecter des règles, réapprendre à reconnaître une autorité, parfois, tout simplement, apprendre à se lever le matin. Le système de la vie en entreprise le permet.
    Je vous félicite ensuite pour la simplicité du dispositif. Depuis une dizaine d'années de nombreuses aides, tant au niveau national que dans les régions, se sont succédé, superposées, voire parfois opposées, prenant en compte tel ou tel critère, tel ou tel seuil, tel ou tel cumul. De véritables usines à gaz, comme vous le disiez tout à l'heure, tant pour les entreprises que pour les jeunes eux-mêmes...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous ne risquez pas de devenir ingénieur-chimiste !
    M. Luc-Marie Chatel. ... ont ainsi dilué régulièrement l'efficacité de l'action des pouvoirs publics. La simplicité, la lisibilité sont des gages de réussite dans ce domaine.
    Ce dispositif est donc bon, car sa vocation est de s'attaquer avec pragmatisme à ce fléau. Nous le considérons, monsieur le ministre, comme la tête de pont d'une politique plus globale, audacieuse - dont vous avez tout à l'heure tracé l'esquisse -, d'une politique de baisse généralisée des charges -, non par idéologie, comme certains voudraient nous le faire croire,...
    M. Jean-Pierre Brard. Qui va payer la sécu après ?
    M. Luc-Marie Chatel. ... mais tout simplement parce que cela marche - qui permette à la fois une réduction du coût du travail et une revalorisation des bas salaires, jouant ainsi sur plusieurs leviers de croissance.
    J'ai bien compris que vous souhaitez, parallèlement, donner, à l'avenir, davantage de moyens aux formations en alternance et les revaloriser. Vous avez évoqué la formation tout au long de la vie et la notion de capital-formation qui sont essentielles. Ce sera nécessaire, notamment dans le cadre de la nouvelle loi de décentralisation, le traitement du problème au niveau local ou régional ayant largement fait ses preuves, dans ce domaine comme dans bien d'autres.
    Enfin, permettez-moi d'apporter un simple bémol pour regretter qu'un accord ne soit pas intervenu entre les soixante-sept caisses et organismes chargés du prélèvement des cotisations sociales, afin d'aboutir à une exonération effective, réelle, immédiate pour l'entreprise, celle-ci n'ayant à acquitter que le revenu de son salarié. En l'état, elle devra, en effet, effectuer une avance de trésorerie du montant des charges.
    Nous avons bien compris qu'un accord était impossible dans un délai aussi court et il va de soi que l'urgence de la mise en place du dispositif s'imposait et primait sur tout.
    Je tenais, cependant, à attirer votre attention sur ce point, car il faudra qu'à l'avenir nous nous préoccupions davantage des modalités d'application de nos politiques, la simplification devant en être le fil conducteur.
    En résumé, votre dispositif frappe juste. Il est clair, simple et lisible. Contrairement à vos prédécesseurs qui, avec les emplois-jeunes, n'avaient vu de salut que dans le secteur public et avaient souvent proposé aux jeunes des solutions qui n'étaient ni viables ni durables, les plaçant dans des situations terriblement précaires, vous apportez une réponse opérationnelle en plaçant l'insertion au coeur de votre démarche.
    C'est pour cela, monsieur le ministre, que nous voterons ce texte avec enthousiame. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à  M. Christophe Payet.
    M. Christophe Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise aurait pu concerner en priorité l'outre-mer et particulièrement la Réunion dont les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent environ 40 % de la population.
    Chacun comprendra, dès lors, que notre confiance en l'avenir repose sur la jeunesse de notre pays, une jeunesse de mieux en mieux formée qui ne demande qu'à relever le défi du développement de notre île.
    En 2025, plus de 30 000 jeunes Réunionnais auront un niveau de formation supérieur au baccalauréat et c'est à cette situation que notre île, d'ores et déjà, doit se préparer. Déjà, actuellement, plus de 9 000 jeunes avec une formation équivalente ou supérieure au baccalauréat se trouvent en situation de chômage. C'est pourquoi cette confiance en l'avenir ne peut nous faire oublier les menaces contenues dans le quotidien d'une société ravagée, comme nulle part ailleurs en métropole et dans l'Union européenne, par le fléau du chômage.
    Si le taux de chômage y est de 31 %, - 26 % aux Antilles - contre 11 % en métropole, il frappe massivement les jeunes de dix-huit - vingt-cinq ans. A la Réunion, 60 % d'entre eux ne disposent pas d'un emploi et, en 2002, un élève sur deux d'une classe d'âge n'a pas le baccalauréat.
    Vous comprendrez qu'aucun développement durable ne saurait être envisagé avec une telle proportion de jeunes laissée à l'écart du monde du travail. Ce serait oublier que l'exaspération de la jeunesse exclue fragilise chaque jour davantage la cohésion sociale de notre pays.
    Dans ce contexte, tout nouveau dispostif favorisant leur insertion sur le marché du travail est le bienvenu. Le Gouvernement propose, précisément, par l'exonération des charges patronales à taux plein, d'inciter l'embauche dans les entreprises des jeunes de seize à vingt-deux ans et d'un niveau inférieur au baccalauréat.
    Si l'objectif théorique du Gouvernement est louable puisqu'il s'agit d'insérer au niveau national 250 000 à 300 000 jeunes dans le secteur marchand, en revanche, de nombreuses questions demeurent sur l'efficacité réelle du dispositif, en particulier dans les départements d'outre-mer. En matière de création d'emplois, l'expérience nous a appris qu'il convient de faire preuve de modestie et d'humilité.
    En effet, le dispositif qui nous est proposé intervient après l'entrée en vigueur de la loi d'orientation pour l'outre-mer qui contient un certain nombre de mesures visant à favoriser l'emploi, notamment des jeunes en difficulté. Quelle sera, monsieur le ministre, l'articulation de cette nouvelle mesure avec celles contenues dans la loi d'orientation aujourd'hui en vigueur ?
    Outre-mer, les entreprises d'un effectif de moins de onze salariés bénéficient déjà d'une exonération des charges patronales jusqu'à 1,3 SMIC. C'est dire que la mesure sera toute relative puisqu'à la Réunion, par exemple, plus de 90 % des entreprises ont un effectif inférieur à onze salariés et bénéficient donc déjà des incitations contenues dans la loi d'orientation.
    Ces remarques montrent la nécessité de procéder à une évaluation de l'ensemble des dispositifs existants et, en conséquence, le caractère opportun de la tenue, à la Réunion, d'une conférence annuelle sur l'emploi que nous appelons de nos voeux.
    Se pose également la question de la formation. Plusieurs orateurs qui m'ont précédé à cette tribune ont souligné cette insuffisance dans le dispositif qui nous est proposé.
    Pour ma part, je voudrais insister sur l'article 10 de la loi d'orientation pour l'outre-mer qui instaure un tutorat dans les entreprises qui procèdent à des recrutements de jeunes sous contrats en alternance. La mesure est novatrice : il s'agit d'un parrainage ouvert à des personnes qui peuvent accompagner la formation pratique des jeunes et qui sont choisies parmi les retraités des entreprises, les salariés ou des personnes au chômage. Pourquoi ne pas combiner cette disposition avec celles de la présente loi ?
    Prenons garde que l'absence de formation ne vienne annihiler les efforts déployés par l'Etat et les collectivités en faveur de la formation professionnelle. A cet égard, ne serait-il pas judicieux de s'inspirer de l'expérience réussie du service militaire adapté qui a su allier, à la Réunion, formation et activité ?
    Avant de conclure, je voudrais insister à mon tour sur l'inquiétude des bénéficiaires d'un contrat emploi-jeune, ou d'un contrat emploi consolidé dans les collectivités ou les associations. Ce dispositif a connu un vif succès à la Réunion.
    M. le président. Monsieur Payet, il faudrait conclure.
    M. Christophe Payet. Je conclus, monsieur le président.
    S'il a permis l'insertion de milliers de jeunes, il concourt aussi à la satisfaction de nombreux services dont la remise en cause aurait de lourdes conséquences au niveau de la conduite des politiques publiques dans certains secteurs d'activité.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, les crédits du FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les DOM, doivent être maintenus car le secteur productif réunionnais, aussi performant soit-il, ne pourra pas absorber les effectifs résultant de la progression démographique.
    Seule une action résolue et déterminée sur ces deux fronts permettrait de faire reculer de façon significative le chômage massif qui frappe l'outre-mer, et particulièrement la Réunion. Faute d'engagement du Gouvernement dans ce sens, il nous sera difficile d'approuver votre projet en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à  M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un tel projet de loi mérite un large accord national. Nous sentons qu'il existe à la base, et il serait souhaitable qu'il s'exprime aussi à l'Assemblée nationale.
    Nous connaissons tous la déception des jeunes sans diplômes et sans qualification qui se retrouvent enfermés dans le chômage dans nos villes de province et nos cantons ruraux. On l'a dit, entre 50 000 et 70 000 jeunes arrivent sur le marché du travail sans qualification et se retrouvent alors souvent devant le vide. Souvent, aussi, il leur est proposé des emplois précaires.
    Vous avez choisi de traiter ce problème en donnant la priorité aux emplois-jeunes. Cela procède, d'ailleurs, je tiens à la préciser, de la même préoccupation exprimée sous la législature précédente avec la création des emplois-jeunes dans le secteur publique. L'objectif est le même : il s'agit de donner du travail aux jeunes, de faire en sorte qu'ils n'aient pas le sentiment de ne pas être utiles ou de ne pas participer à la vie de leur région, de la nation.
    Quelles que soient les régions que nous représentons quelles que soient les philosophies que nous défendons, nous savons tous, les uns et les autres, qu'il y a de nombreux emplois qui pourraient être occupés qui ne le sont pas. Les entreprises, souvent, ne répondent pas aux appels d'offres lancés dans le cadre des marchés publics car elles savent qu'elles ne pourront pas tenir les délais faute de main-d'oeuvre et respecter les prix du fait des coûts trop élevés.
    Nous sommes nombreux depuis quelques années à demander la suppression des charges sociales. Celles-ci sont beaucoup trop lourdes pour les entreprises et les dissuadent de créer des emplois alors que c'est leur rôle puisqu'elles participent à la vie économique de la nation.
    C'est une mesure d'esprit social et libéral que vous avez prise, monsieur le ministre. Il fallait la prendre car elle ouvrira certainement la voie à la création de nouveaux emplois.
    Je prendrai un exemple. Les collectivités locales ont ressenti la nécessité de mieux entretenir le territoire à l'échelon communal ou intercommunal. Regardons, en effet, le paysage français : il est souvent maltraité parce que les communes n'ont pas les moyens d'entretenir les espaces, de les boiser, de les fleurir. L'environnement dont on parle tant, on lui tourne souvent le dos quant on se rend compte que, pour le valoriser, il faut créer des emplois.
    Il était donc bon que les collectivités locales, en particulier les communes, puissent disposer de l'aide de l'Etat. Certes, cela a coûté très cher à ce dernier mais les villes ont été très nombreuses à faire appel à ces ressources pour mieux entretenir leur territoire.
    Il doit en être de même pour les terrains privés. Combien d'entre eux ne sont pas entretenus parce que les budgets sont trop modestes pour payer la main-d'oeuvre ? Combien de maisons ne sont pas soignées, pas rénovées en temps voulu, parce que l'appel aux entreprises représente un effort trop élevé ?
    Il faut donc, comme vous nous le proposez, réduire le coût de la main-d'oeuvre par l'exonération des charges sociales. C'est ainsi que nous créerons des milliers d'emplois, plus de 200 000, comme vous vous en donnez l'ambition, et vous avez certainement raison. C'est également ainsi que nous pourrons faire oeuvre de progrès social, car dès lors que l'on réduira les charges sociales, les entreprises employant des travailleurs manuels et qui ont besoin de main-d'oeuvre auront la possibilité d'augmenter les salaires.
    Si l'on manque tant de main-d'oeuvre dans bien des secteurs - et cela est particulièrement vrai dans l'économie touristique, j'en parle en connaissance de cause -, c'est parce que le niveau des salaires n'est pas suffisamment attractif pour les jeunes.
    C'est donc faire preuve à la fois de réalisme économique et de volonté de progrès social que de nous soumettre ce projet de loi, monsieur le ministre. Nous le soutiendrons donc comme nous avons soutenu, lors de la législature précédente, les mesures qui visaient à créer des emplois. C'est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à vous dire : en avant ! Il faut maintenant créer 200 000 emplois dans les entreprises qui ont vocation de le faire. Elles sont le ferment de la vie économique de nos régions. Nous avons besoin d'elles et il faut les aider à assumer leurs missions économiques et sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons affiche clairement une priorité et un objectif : donner à de très nombreux jeunes en situation d'échec scolaire, victimes de l'inadaptation de notre système éducatif, la possibilité d'échapper à un destin tout tracé, marqué par le désoeuvrement, la désespérance, la révolte, la délinquance et la marginalisation.
    A ceux de ces jeunes qui ont entre seize et vingt-deux ans, avec un niveau de formation inférieur au baccalauréat, en rupture avec un système qui n'est pas fait pour eux, rejetés par le marché de l'emploi parce qu'ils n'ont ni les repères ni les savoir-faire utiles à l'entreprise, vous offrez, monsieur le ministre, la chance, la possibilité, d'entrer dans le monde du travail dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
    L'urgence que vous décrétez comme le dispositif que vous proposez méritent d'être salués et soutenus, malgré les questions qui restent en suspens pour l'avenir. En effet beaucoup a déjà été proposé et mis en oeuvre par les précédents gouvernements en faveur des jeunes et les dispositifs les concernant sont nombreux. Mais force est de reconnaître qu'aucun d'entre eux n'a su apporter une réponse adaptée et durable au problème global qui est posé.
    Il est vrai que, dans ce domaine, il n'y a pas de solution miracle, qu'il faut, face à l'urgence et à l'ampleur des problèmes, essayer encore, expérimenter toujours, et c'est ce que vous faites, comme d'autres l'ont fait de manière diverse avant vous. Mais il est clair aussi maintenant que la réponse de fond viendra en partie d'une réforme du système éducatif, traitée en lien avec la question de l'identité des régions, des fractures sociales, les problèmes de logement, de quartiers, de chômage des parents, d'éducation citoyenne.
    Votre projet constitue à ce titre à la fois un lien et un pas supplémentaire : c'est pourquoi il est bon à prendre. Néanmoins l'ampleur du chômage des jeunes, dans la métropole et plus encore en outre-mer, justifie encore nos inquiétudes sur la capacité du dispositif, en l'état, à inscrire l'insertion de ces jeunes dans la durée. En Guadeloupe par exemple, 14,5 % des chômeurs ont moins de vingt-cinq ans et les deux tiers ont un niveau de formation inférieur au certificat d'aptitude professionnelle.
    Le nombre de jeunes en échec scolaire est considérable, le rapport étant de un à dix comparé à la France hexagonale. Le marché de l'emploi s'améliore trop lentement, et la société fabrique des exclus, et surtout des exclus de plus en plus jeunes, selon un cercle vicieux : exclusion du savoir, exclusion du travail, exclusion sociale.
    Pour inscrire le dispositif dans la durée, outre-mer plus qu'ailleurs, il nous appartient de faire en sorte que le temps passé en entreprise soit l'occasion d'une acquisition réelle de savoirs et de compétences pour pérenniser ces nouveaux emplois. Et, sur ces points, le projet mérite incontestablement d'être précisé.
    Le taux de chômage - 24 % en Guadeloupe contre 9 % en France métropolitaine - montre que ce sont tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui sont concernés, diplômés ou non. Les moins de vingt-cinq ans représentent 25 % de la population active dans l'Hexagone et 32 % en Guadeloupe. Il n'est donc pas envisageable pour nous, comme on a pu l'entendre, que le dispositif proposé vienne se substituer intégralement à ceux existants et en particulier aux emplois-jeunes, qui s'adressent essentiellement aux titulaires du baccalauréat.
    Nombre d'entre eux d'ailleurs sont aujourd'hui en voie d'être pérennisés ; les autres mériteraient de l'être. Répondant à la question préalable de M. Paul, vous avez parlé tout à l'heure de métier et de renforcement, d'examen au cas par cas, ainsi que du maintien des conventions existantes : j'en prends acte.
    Il convient donc également de travailler à l'accompagnement des autres contrats aidés et agréger ce nouveau « contrat-jeune » ou contrat de travail aux dispositifs d'exonération de charges déjà existants, comme dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, par exemple.
    Vous comprendrez, dès lors, monsieur le ministre, mon insistance sur la nécessité, au-delà de tout sectarisme, d'articuler les mesures déjà existantes avec celles que vous proposez dans votre projet de loi et d'agir ensemble pour que les emplois durent au-delà du temps des aides.
    Il faudra également se préoccuper de la capacité de certains chefs d'entreprise, notamment d'outre-mer, à régler aux différents organismes les charges exonérées car, dans votre dispositif, l'exonération n'exclut pas le règlement préalable des charges. Celles-ci seront ultérieurement remboursées.
    Dans ces conditions, ce dispositif, ainsi que ceux envisageables et souhaitables que nous attendons dans la prochaine loi de programmation pour l'outre-mer, sans être la panacée, peut être de nature à redonner un peu d'espoir et de travail aux jeunes de l'outre-mer, en attendant que des mesures structurantes et durables les sortent plus sérieusement du cycle infernal du chômage dans une République solidaire plus proche d'eux et soucieuse de leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. André Thien Ah Koon.
    M. André Thien Ah Koon. Monsieur le ministre, au nom de tous les jeunes Réunionnais, je vous félicite d'avoir pris l'intiative de ce projet de loi de création d'un dispositif de soutien aux jeunes en difficulté qui ont été abandonnés par notre société.
    Avec un taux de chômage de 46 %, la Réunion est le département français le plus concerné par le problème de l'emploi. Dans un tel contexte, les jeunes non qualifiés ne peuvent trouver refuge dans la vie active. En conséquence, le chômage des jeunes faiblement qualifiés revêt des allures dramatiques.
    Selon des statistiques établies par le rectorat de la Réunion, le chômage atteint 74 % des actifs titulaires du BEP et 81 % des jeunes à faible qualification. Or le chômage précoce et durable produit des effets psychologiquement désastreux.
    Ainsi il annihile considérablement leurs espoirs d'insertion professionnelle. Il les conduit à la marginalisation qui est à l'origine des vols de voiture et de cyclomoteurs, des cambriolages, des agressions, des vols à la tire contre les personnes âgées et les adolescents. Il ne faut donc pas s'étonner que la délinquance croisse 40 % plus vite dans notre île qu'en métropole.
    L'Etat, le gouvernement précédent, sont responsables de cette situation. Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité vient à point nommé casser cette spirale de la violence, signe de désespoir et de mal-être. Nous devions en effet réagir.
    Votre projet de loi, monsieur le ministre, vient équilibrer la loi-programme sur la sécurité en offrant aux jeunes des perspectives d'avenir. Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-six ans, en général non qualifiés, étaient en effet les grands oubliés des dispositifs d'insertion mis en place par le précédent gouvernement.
    Aujourd'hui, grâce à vous, et au Président de la République Jacques Chirac, nous, la majorité, pourrons mettre en place des mesures concrètes destinées à les insérer dans le marché du travail et dans la société.
    Certains jeunes Réunionnais n'ont pas toujours eu cette chance d'accéder à une formation qualifiante parce qu'ils ont été mal orientés. Vous leur donnez aujourd'hui l'opportunité d'être utiles et de participer activement au développement économique et social de leur île. Vous voulez leur redonner confiance et vous avez raison, monsieur le ministre, de nous présenter ce projet de loi. Permettez-moi donc, au nom de tous ces jeunes, de vous adresser toute ma gratitude.
    En sus des contrats existants et à créer, je préconise aussi que vous mettiez en place, dans les départements d'outre-mer, un revenu minimum d'activité pour les jeunes qui leur permettrait d'accéder à de nouveaux chantiers de développement. Il pourrait, par exemple, être assorti d'un quota d'heures de travail par mois dans une collectivité locale dont les modalités resteraient à définir.
    Ce revenu minimum d'activité jeunes qu'on pourrait appeler RMA-jeunes permettrait donc aux jeunes de bénéficier d'un salaire minimal. En bref, il serait une mesure de rééquilibrage social.
    Il assurerait aux jeunes peu ou pas qualifiés une ressource de nature à contribuer partiellement à leurs conditions d'existence. Il garantirait leur prise de conscience en tant que citoyens et leur épanouissement, tant sur le plan professionnel que personnel.
    Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes conscient des difficultés rencontrées par notre jeunesse. Votre démarche doit être soutenue car elle concerne les jeunes qui n'ont pas pu avoir la chance d'être diplômés. Or, ces jeunes ont droit à notre compréhension et à votre appui car ils sont, comme nous, des enfants de la France.
    Enfin je tiens à souligner que je souhaite le maintien du FEDOM, le dispositif proposé venant en complément parce que, pour une île où 46 % de la population sont au chômage, il faudra bien sûr trouver des solutions reposant sur la solidarité nationale.
    Je vous remercie pour votre écoute, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.
    Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre, le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise que vous nous proposez, loin d'être une mesure de plus pour mettre les jeunes sur une voie parallèle à l'emploi, constitue pour eux une véritable chance d'intégration dans le monde du travail.
    Ce texte, que vous avez voulu simple pour être efficace, répond aux attentes des jeunes et des employeurs, surtout à celle des jeunes de seize à vingt-deux ans, sans diplôme ou peu diplômés, que l'on appelle aussi jeunes en difficulté, tout simplement parce qu'ils ne sont pas entrés dans le schéma éducatif selon lequel sans le bac, point de salut. Or peut-on dire qu'ils ont vraiment échoué quand on sait qu'ils suivaient un cursus scolaire qui ne répondait ni à leurs aptitudes, ni à leurs goûts, ni à leurs choix de vie ?
    Vous voudriez donner aujourd'hui à ces jeunes leur place dans le monde du travail, mais vous leur offrez aussi - cela est très important -, la reconnaissance de leur capacité manuelle, de leur sens pratique, de leur sens des responsabilités, de leur dynamisme, qui sont autant d'atouts pour réussir dans la vie. Vous leur proposez une ouverture vers un vrai travail et je voudrais que vous me confirmiez, monsieur le ministre, que ce vrai travail pourra être un temps plein par l'addition de deux mi-temps chez deux employeurs différents. Il s'agira bien d'un véritable travail avec un vrai salaire, une vraie reconnaissance sociale, une vraie chance de réussite s'ils en ont la volonté.
    Aux employeurs qui ont la capacité, tant professionnelle qu'humaine, de transmettre leur savoir-faire - comme cela s'est toujours fait -, leur goût du travail ; à ces chefs d'entreprise, artisans, commerçants, vous donnez la possibilité de développer leur activité et la capacité d'autofinancer ces emplois après la période d'intégration et d'apprentissage pendant laquelle ils auront été aidés.
    Vous avez voulu une loi claire et simple, s'appliquant aux entreprises comme aux associations. Je souhaite que vous me confirmiez que les entreprises qui interviennent dans le secteur concurrentiel mais qui relèvent de l'économie mixte pourront aussi en bénéficier. C'est une forte attente dans mon département des Hautes-Alpes où les sociétés d'économie mixte, notamment dans le secteur touristique, occupent une place importante.
    Je souhaite également, monsieur le ministre, que, avec le même réalisme et le même pragmatisme qui ont présidé à l'élaboration de ce texte, vous nous proposiez prochainement des mesures en faveur de la saisonnalité qui échappe, de fait, à ce dispositif mais qui constitue aussi, vous le savez, un gisement d'emplois important, non seulement dans le tourisme et l'agriculture mais aussi dans le BTP pour des départements comme le mien soumis à des aléas climatiques qui obligent à un travail saisonnier.
    Confiants en votre écoute ainsi qu'en votre action présente et future, avec mes collègues de l'UMP, je voterai avec conviction et enthousiasme le dispositif que vous nous soumettez, persuadé de respecter ainsi les engagements du Président de la République, nos propres engagements et de répondre aux vrais besoins des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur le soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Nous allons ainsi donner aujourd'hui un signe fort à la jeunesse la plus défavorisée de France, singulièrement à celle de l'outre-mer.
    Les jeunes de seize à vingt-deux ans en échec scolaire, naufragés d'un système d'éducation qui ne leur a pas assuré l'acquisition d'un savoir fondamental, qui ne leur a pas non plus donné les valeurs d'autrefois, ces laissés-pour-compte, oubliés pendant longtemps, se tournent inévitablement vers la délinquance et les trafics en tous genres.
    La mise en place de ce dispositif dans les entreprises du secteur marchand qui met en oeuvre une politique de responsabilité donnera une vraie chance aux seize - vingt-deux ans de s'insérer dans le monde de l'entreprise et d'acquérir une vraie expérience professionnelle.
    Cette mesure, qui vise une tranche de la population fragile et exposée, va dans le sens de l'engagement du Président de la République. A cet égard, je tiens à souligner la création du passeport-mobilité par notre ministre de l'outre-mer en faveur d'une jeunesse qui, elle, réussit sa formation.
    Monsieur le ministre, ces deux mesures sont des signes forts pour la jeunesse d'outre-mer. En ma qualité de maire, de maire de proximité, je dois souligner que, pendant cinq ans, on n'a offert à nos jeunes que des emplois précaires, et même rien du tout à ceux auxquels nous nous intéressons aujourd'hui, sauf, pour tout horizon, pour tout avenir, le choix d'aller grossir le lot des délinquants.
    Nous avons deux défis à relever vis-à-vis de cette jeunesse : celui de l'emploi, auquel nous nous attaquons avec courage et responsabilité ; celui de l'éducation, de la formation et de l'apprentissage, sur lequel nous reviendrons.
    Votre projet, monsieur le ministre, est d'ores et déjà un premier élément d'action. C'est un geste fort et un signe d'espoir en faveur des plus déshérités.
    Pour notre jeunesse, vous avez donc mon soutien et je voterai votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs des non-inscrits.)
    M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, cinq ans après la mise en place des emplois-jeunes par le gouvernement précédent qui devaient être la panacée de la lutte contre le chômage des jeunes, le constat est celui de l'échec : le chômage des jeunes reste plus fort que la moyenne nationale et il est celui qui a le plus remonté depuis un an avec une hausse de 15 %. Parmi ces jeunes, les moins diplômés sont les plus touchés puisqu'ils représentent 33 % des inscriptions à l'ANPE.
    L'inégalité entre les jeunes est frappante : 59 % des jeunes sans qualification ont un emploi contre 92 % des titulaires d'un baccalauréat avec deux années d'études supérieures. Ainsi les jeunes sortis sans diplôme du système scolaire ou ayant obtenu au mieux un CAP ou un BEP auront passé plus de la moitié des trois premières années de leur activité au chômage.
    Cette inégalité se retrouve au niveau des conditions d'emploi : 42 % seulement des jeunes sans qualification ont un CDI contre 72 % pour les titulaires d'un bac plus 2.
    Pour des partis qui avaient fait du chômage des jeunes leur argument électoral, pour un gouvernement qui lui avait donné une valeur emblématique s'arrogeant, comme d'habitude, le monopole de la bonne conscience, c'est un échec cuisant. Pire, les emplois-jeunes qui devaient s'adresser aux moins qualifiés auront surtout profité aux diplômés dans des emplois pourtant au rabais et ils ne se sont guère préoccupés de leur devenir.
    L'ironie c'est qu'ils s'en inquiètent maintenant ; après avoir posé la bombe à retardement, ils demandent à d'autres d'enlever le détonateur. Autant dire que cela devrait les inciter à la modération dans leurs reproches et à la modestie dans leurs propos.
    Notre session estivale correspond aussi à la fin de l'année scolaire qui va libérer bon nombre de jeunes sans formation suffisante, à la recherche d'un emploi. C'est pour cela qu'il faut saluer l'initiative du Gouvernement, en particulier du ministre des affaires sociales, d'agir aussi rapidement et aussi efficacement : aussi rapidement car, quelques semaines à peine après sa mise en place, le Gouvernement est capable de produire un texte simple qui s'appliquera non seulement dès l'automne, mais aussi avec un effet rétroactif au 1er juillet ; efficacement car il s'agit d'un texte simple, facile à comprendre dans un labyrinthe de mesures où, souvent, les chefs d'entreprise se perdent et se découragent.
    Il correspond ainsi à l'attente des chefs d'entreprise dont les charges sont excessives, en particulier pour les plus petites entreprises et les artisans. Surtout, c'est bien la première fois qu'on offre aux jeunes les plus en difficulté la chance d'un vrai emploi, puisqu'il s'agit d'un CDI ; c'est-à-dire que c'est la première fois qu'un gouvernement leur témoigne du respect et ne les considère pas comme une variable d'ajustement statistique ou électorale.
    M. Gaëtan Gorce. Caricature !
    M. Lionnel Luca. Voilà pourquoi, si vous n'étiez pas aveuglés par votre idéologie dépassée et votre rancune électorale, vous auriez dû, tout simplement, soutenir ce texte. Les jeunes sauront donc à qui ils devront d'entrer dignement dans la vie active.
    Pour autant, monsieur le ministre, je veux livrer trois observations à votre réflexion.
    D'abord, une vigilance accrue de votre part serait la bienvenue pour les handicapés, notamment pour les jeunes qui bénéficiaient d'avantages spécifiques à l'emploi. L'adoption de l'amendement de notre collègue Jean-Paul Anciaux, de ce point de vue, me semble indispensable.
    Ensuite un renforcement des dispositifs favorisant les contrats d'apprentissage et de formation en alternance qui ont fait leur preuve est nécessaire. Cela passe par une revalorisation des rémunérations données aux jeunes qui ont accepté la contrainte de la formation mais qui vont se trouver défavorisés par rapport aux autres alors que leurs besoins sont grands.
    Enfin, s'il était absolument indispensable d'intervenir en faveur de notre jeunesse, il serait absurde de le faire au détriment des plus de cinquante ans que notre pays a trop longtemps laissés sur la touche alors que leur expérience, leurs compétences, leurs qualifications en font des atouts exceptionnels pour notre pays. Il faudra donc qu'un dispositif encourage les entreprises à ne plus les laisser de côté.
    Ce texte doit aussi être salué comme un élément déterminant de prévention de la délinquance. En effet, chacun sait bien que ce sont les mineurs désoeuvrés, sans formation et sans travail, qui forment le noyau dur de la délinquance dans les quartiers les plus défavorisés. Avec ce texte, vous redonnez un espoir à tous ces jeunes désabusés par une société égoïste : c'est cela la prévention ! Quant aux autres, ceux qui ne voudront pas faire l'effort de l'honnêteté, le texte que nous présentera le garde des sceaux y pourvoira ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.
    M. Antoine Herth. Monsieur le président, mes chers collègues, je veux d'abord saluer l'initiative du Gouvernement de présenter un texte de loi favorisant l'insertion des jeunes peu qualifiés dans le monde du travail dès la session extraordinaire. Cela constitue un signal fort en direction des entreprises qui créent, par leur activité et par leur sens de l'innovation, les richesses dont notre pays a tant besoin. Il s'agit aussi d'un juste rappel de la dimension sociale de l'activité économique qui est incontournable pour assurer durablement l'épanouissement individuel. Mais c'est surtout un message d'espoir pour tous ceux qui, de petits boulots en galères, se retrouvent sur le chemin de l'exclusion sociale.
    La grande nouveauté de ce texte réside dans le fait que l'Etat ne cherche plus à se substituer à l'entreprise en créant de façon plus ou moins artificielle des emplois virtuels.
    M. Yves Nicolin. Très bien !
    M. Antoine Herth. Il manifeste au contraire sa volonté de se placer en véritable partenaire des acteurs économiques dans la nécessaire lutte contre le chômage. Je souscris donc pleinement à ce pacte gagnant-gagnant qu'il faudra faire vivre à travers une relance du dialogue social.
    Ce texte simple et lisible s'articule autour d'une formule claire et audacieuse : proposer un contrat à durée indéterminée pour les jeunes de seize à vingt-deux ans. Mais alors, et c'est ma seule réserve, pourquoi écorner la force du message en introduisant la possibilité du travail à temps partiel alors que le texte initial était plus ambitieux ? Pourquoi prendre le risque de décevoir la génération montante en sciant la perche que nous leur tendons ? L'audace ne se satisfait pas de demi-mesures : elle est entière ou elle n'est pas !
    Donner une chance d'insertion à ces demandeurs d'emploi c'est d'abord leur donner du temps : le temps de découvrir le monde de l'entreprise ; le temps d'apprendre au quotidien les gestes d'un métier nouveau ; le temps de s'intégrer dans une équipe de travail ; le temps de découvrir ou de redécouvrir la nécessité d'un rythme de vie ; le temps, enfin, de maîtriser une activité professionnelle et d'envisager de se perfectionner.
    De surcroît, la mise en oeuvre des 35 heures a créé un véritable enchevêtrement des périodes de travail et de repos au sein d'une même entreprise. Entre les congés légaux et les jours de récupération des uns et des autres, les réunions d'équipe deviennent un exercice de haute voltige.
    Volonté d'insertion et travail à temps partiel ne font pas bon ménage.
    Il me paraît utile de revenir à l'esprit originel du projet de loi, et je défendrai un amendement en ce sens : à mes yeux, le CDI à temps plein doit être la règle, même s'il ne faut exclure des exceptions.
    Si nous voulons permettre l'autonomie, notamment financière, des jeunes, nous devons leur proposer mieux qu'un demi-SMIC.
    De même, si nous voulons que ces salariés soient accompagnés par un tuteur au sein de l'entreprise, il convient d'aller au-delà d'une présence minimale de dix-sept heures et demie par semaine. Cette durée minimale ne représente que l'équivalent de cinq demi-journées de présence, c'est-à-dire un temps bien trop court pour à la fois exercer une activité productive et bénéficier du plan de formation de l'entreprise.
    S'il fallait accepter une forme de contrat à temps partiel, et donc aménager des garde-fous, le minimum absolu serait selon moi une présence de vingt et une heures par semaine, permettant, par exemple, de réserver une demi-journée hebdomadaire à un véritable travail de formation sur le lieu d'activité.
    Ces réaménagements du texte de loi amendé par le Sénat permettront de lui redonner toute sa dimension novatrice. Ils contribueront à ouvrir enfin un nouveau champ de réflexion sur la notion de tuteur en entreprise, qui donnera aux salariés les plus expérimentés l'occasion de valoriser et de transmettre leur savoir-faire acquis au fil des ans.
    Monsieur le ministre, je souhaite contribuer à la réussite de ce projet de loi essentiel pour l'avenir d'une partie de notre jeunesse. C'est pourquoi je voterai pour le texte tel qu'il a été amendé, qui constitue une véritable avancée sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Au moment où l'Assemblée examine le premier texte social de la législature, je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution.
    M. Maxime Gremetz. C'est un mauvais article !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Comme vous le savez, cet article interdit aux parlementaires de proposer l'aggravation ou la création d'une charge publique, même compensée.
    M. Yves Nicolin. C'est dommage !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il interdit également la diminution d'une recette publique non compensée par une recette nouvelle.
    A la différence du Sénat, notre assemblée a instauré un contrôle a priori et systématique, par le président de la commission des finances, de l'observance de cet article. Ainsi, l'amendement déclaré irrecevable n'est pas mis en distribution et ne peut pas être discuté en séance publique.
    Sur le présent projet, j'ai été conduit à opposer l'article 40 à plusieurs amendements qui avaient pour effet d'étendre le champ du dispositif d'aide aux entreprises prévu par le projet de loi. Il s'agit, en effet, d'une aide à la charge de l'Etat et non d'une exonération de cotisations sociales.
    Certains amendements déclarés irrecevables, en particulier celui sur l'emploi des jeunes handicapés ou celui relatif à Mayotte, adoptés par la commission - j'ai choisi ceux-là, mais j'aurais pu en citer d'autres -, répondent à des préoccupations légitimes. Il revient au Gouvernement, s'il les juge bonnes, de reprendre de telles propositions, dans ce texte ou dans d'autres, ce que je souhaite vivement. Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, je ne peux qu'appliquer la Constitution et le règlement de notre assemblée, indépendamment de l'opportunité de l'initiative.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

8

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 107, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise :
    M. Bernard Perrut, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 149).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR ÉTABLI
EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 30 juillet 2002)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 30 juillet 2002 jusqu'au terme de la session extraordinaire a été ainsi fixé :
    Mardi 30 juillet 2002, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    - discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (n°s 107-149).
    Mercredi 31 juillet 2002, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
    - discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, d'orientation et de programmation pour la justice (n° 154).
    Jeudi 1er août 2002 :
    
Le matin, à 9 heures :
    - suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, d'orientation et de programmation pour la justice (n° 154) ;
    L'après-midi, à 15 heures :
    - discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ;
    - suite de l'ordre du jour du matin.
    Le soir, à 21 heures :
    - éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ;
    - suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, d'orientation et de programmation pour la justice (n° 154).
    Vendredi 2 août 2002, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, d'orientation et de programmation pour la justice (n° 154).
    Samedi 3 août 2002, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et, éventuellement, le soir, à 21 heures :
    - éventuellement, suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, d'orientation et de programmation pour la justice (n° 154) ;
    - éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ;
    - discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant amnistie ;
    - éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.
    Eventuellement, dimanche 4 août 2002 :
    - suite de l'ordre du jour de la veille.