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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 1ER AOÛT 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 31 juillet 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Emploi des jeunes en entreprise. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 1er (suite) «...»
ARTICLE L. 322-4-6-1 DU CODE DU TRAVAIL (suite) «...»

Amendement n° 3 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 64 de M. Proriol : MM. Jean Proriol, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce, Maxime Gremetz. - Retrait.
Amendement n° 64 repris par MM. Maxime Gremetz et Gaëtan Gorce. - Rejet.

ARTICLE L. 322-4-6-2 DU CODE DU TRAVAIL «...»

Amendement n° 41 de M. Proriol : MM. Jean Proriol, le rapporteur, le ministre, Daniel Garrigue. - Rejet.

ARTICLE L. 322-4-6-4 DU CODE DU TRAVAIL «...»

Amendement n° 84 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

ARTICLE L. 322-4-6-5 DU CODE DU TRAVAIL «...»

Amendement n° 11 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 27 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 85 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 2 «...»

Mme Martine Billard, M. Victorin Lurel.
Amendement n° 86 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 87 de M. Gorce : M. Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendements n°s 29 corrigé de M. Salles et 12 de Mme Billard : M. Rodolphe Thomas, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Alain Néri, Maxime Gremetz. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 29 corrigé ; rejet de l'amendement n° 12.
Amendement n° 89 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 88 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

Après l'article 2 «...»

Amendement n° 4 de M. Gremetz : M. Maxime Gremetz. - Retrait.
Amendement n° 90 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 97 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 3 «...»

MM. Patrick Bloche, le ministre.
Amendements de suppression n°s 5 de M. Gremetz, 20 de Mme Billard et 91 de M. Gorce : M. Maxime Gremetz, Mme Martine Billard, MM. Patrick Bloche, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 95 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre, Patrick Bloche. - Adoption.
Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 «...»

Amendements n°s 37 de M. Préel, et amendements identiques n°s 34 rectifié de la commission et 65 de M. Taugourdeau : MM. Charles de Courson, le rapporteur, Jean-Charles Taugourdeau. - Retrait de l'amendement n° 65.
M. le ministre.
Amendement n° 30 de M. Bascou : MM. Kléber Mesquida, Charles de Courson, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 34 rectifié.
MM. le ministre, Charles de Courson. - Retrait de l'amendement n° 37.
M. Kléber Mesquida. - Rejet de l'amendement n° 30.
Amendement n° 1 rectifiié du Gouvernement : MM. le ministre. le rapporteur. - Adoption.

Avant l'article 1er «...»
(Amendements précédemment réservés)

Amendement n° 42 de M. Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 55 de M. Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 53 de M. Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 54 de M. Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 52 de M. Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
MM. Gaëtan Gorce,
Maxime Gremetz,
Rudy Salles,
Jean-Paul Anciaux.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi.
M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Justice. - Discussion d'un projet de loi d'orientation et de programmation adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois.
M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.
3.  Soutien des jeunes en entreprise. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (n°s 107, 149).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 1er, dans l'examen des amendements présentés à l'article L. 322-4-6-1 du code du travail.

Article 1er (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 1er :
    « Art. 1er. - Le code du travail est ainsi modifié :
    « 1° L'article L. 322-4-6 est ainsi rétabli :
    « Art. L. 322-4-6. - Afin de favoriser l'accès des jeunes à l'emploi et de faciliter leur insertion professionnelle, les employeurs peuvent bénéficier d'un soutien de l'Etat lors de la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel à la condition que la durée du travail soit au moins égale à un mi-temps, conclus, à compter du 1er juillet 2002, avec des jeunes âgés de seize à vingt-deux ans révolus, dont le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel.
    « Ce soutien est calculé par référence aux cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire. Ce soutien n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par l'Etat. Il est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-6-4, L. 241-13, L. 241-13-1 et L. 241-14 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux articles L. 241-13 et L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale tels que visés par l'article L. 741-4 du code rural et aux articles L. 741-5 et L. 741-6 de ce dernier code.
    « Un décret précise le montant et les modalités d'attribution du soutien ainsi que les conditions d'application du présent article. » ;
    « 2° Sont insérés cinq articles L. 322-4-6-1 à L. 322-4-6-5 ainsi rédigés :
    « Art. L. 322-4-6-1. - Bénéficient du soutien mentionné à l'article L. 322-4-6, pour une durée de trois années au plus, le cas échéant de manière dégressive, pour chaque contrat de travail, les employeurs soumis aux obligations de l'article L. 351-4, à l'exception des particuliers. Bénéficient également du soutien les employeurs de pêche maritime.
    « Le soutien de l'Etat n'est accordé que si les conditions suivantes sont réunies :
    « 1° L'employeur n'a procédé à aucun licenciement pour motif économique dans les six mois précédant l'embauche du salarié ;
    « 2° Il est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales ;
    « 3° Le salarié n'a pas travaillé chez l'employeur dans les douze mois précédant cette embauche, sauf s'il était titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire arrivé normalement à échéance.
    « Art. L. 322-4-6-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 122-5, les contrats de travail mentionnés à l'article L. 322-4-6 peuvent être rompus sans préavis, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture du contrat a pour objet de permettre à celui-ci d'être embauché en vertu de l'un des contrats prévus aux articles L. 117-1 et L. 981-1 ou de suivre l'une des formations mentionnées à l'article L. 900-2.
    « Art. L. 322-4-6-3. - L'Etat peut confier la gestion du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes prévu à l'article L. 322-4-6 aux institutions mentionnées à l'article L. 351-21 ou à une personne morale de droit public.
    « Art. L. 322-4-6-4. - Une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés visés à l'article L. 322-4-6 bénéficient d'un accompagnement et du bilan de compétences mentionné à l'article L. 900-2.
    « Art. L. 322-4-6-5. - Dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs affiliés aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16, les modalités selon lesquelles les employeurs régulièrement affiliés à ces caisses peuvent bénéficier du soutien mentionné à l'article L . 322-4-6 au titre de ces indemnités sont déterminées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret. »
    Nous poursuivons donc l'examen des amendements à l'article L. 322-4-6-1 du code du travail.

ARTICLE L. 322-4-6-1 DU CODE DU TRAVAIL (suite)

    M. le président. MM. Gremetz, Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 3, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail par les deux alinéas suivants :
    « 4° L'employeur s'engage à assurer au jeune l'acquisition d'une formation professionnelle initiale ou complémentaire entrant dans le champ d'application de l'article 8 de la loi n° 71-577 du 16 juillet 1971 d'orientation sur l'enseignement technologique ou à une remise à niveau scolaire permettant l'accès ultérieur à une formation professionnelle dans le cadre d'une convention conclue avec un établissement d'enseignement public ou privé mentionné à l'article L. 920-4 et approuvée par l'autorité administrative. Ces actions de formation ou de remise à niveau scolaire sont au minimum de 1 200 heures réparties sur les deux premières années du contrat.
    « Un décret fixe les modalités de prise en charge par l'Etat des dépenses de formation professionnelle ou de remise à niveau scolaire. »
    Vous avez la parole, monsieur Gremetz. Pour une fois que je vous la donne, prenez-la ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Merci beaucoup, monsieur le président. Hier soir, je n'arrivais pas à l'obtenir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Heureusement que vous êtes revenu.
    Dans l'examen de ce projet de loi, nous arrivons à ce qui est pour nous un tournant. J'ai dit et je répète que nous sommes prêts à le voter (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), à une seule condition que nous ne posons pas nous, mais qui s'impose d'elle-même : que les jeunes puissent accéder à une qualification. Pour cela, il faut évidemment qu'ils bénéficient d'une formation adaptée aux cas individuels.
    Cet amendement étant celui auquel nous tenons le plus, j'ai l'honneur, monsieur le président, de demander un scrutin public. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Il n'y a pas lieu de s'exclamer, mes chers collègues. M. Gremetz a demandé un scrutin public et j'en prends acte.
    M. Maxime Gremetz. J'insiste sur le point que le dispositif proposé prévoit soit une formation professionnelle directe, soit, au préalable, une remise à niveau scolaire, car il s'agit de jeunes qui, pour certains, sont en échec scolaire.
    Ces actions de formation ou de remise à niveau, qui font d'ailleurs l'objet d'expérimentations dans certains départements, devront être au minimum de 1 200 heures réparties sur les deux premières années du contrat.
    L'esprit de cette proposition est donc de prévoir un palier pour les jeunes qui en ont besoin, celui d'une remise à niveau scolaire qui leur permettra d'avoir accès ensuite, pas d'un seul coup, à une formation professionnelle. Sinon, on aura certes embauché des jeunes en CDI et on les aura payés au SMIC, ce qui est bien, mais ces jeunes-là pourront rester pendant des années sans que leur qualification progresse. Ce ne serait bon ni pour eux, car cela les priverait de perspectives d'avenir, ni pour l'économie du pays.
    Voilà pourquoi nous attachons une telle importance à cet amendement. A ce stade du débat, les membres de notre groupe sont les plus nombreux dans l'hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), en tout cas proportionnellement, et ce n'est pas un hasard. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 3, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 3.
    M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a repoussé cet amendement. Bien évidemment, monsieur Gremetz, nous sommes, comme vous, très sensibles au souci de formation et de qualification des jeunes. Personne ne remet d'ailleurs en cause cette volonté.
    Toutefois, le projet de loi qui nous est soumis vise un objectif particulier : être applicable dans les conditions les plus souples pour faciliter la prise en compte des jeunes sans qualification. Aussi s'en remet-il - et c'est justement l'une de ses vertus - aux partenaires sociaux pour la mise en place de la formation, de l'accompagnement ou du tutorat.
    Votre amendement invente en fait un nouveau type d'accueil du jeune en entreprise. On pourrait considérer qu'il s'agit d'une nouvelle forme d'alternance, avec un dispositif de formation très lourd : 1 200 heures, c'est pratiquement un mi-temps.
    M. Maxime Gremetz. Sur deux ans ! Vous ne m'avez pas bien lu !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. On voit bien, du reste, que ce dispositif ne conviendrait pas aux jeunes auxquels il s'adresse puisque le but de la loi est précisément d'accueillir ceux qui sont sortis du système éducatif et qui, au moins dans l'immédiat, rejettent la formation. Peut-être la rejoindront-ils plus tard...
    M. Jacques Desallangre. Il faut les y aider !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... et ils pourront d'ailleurs le faire puisque le texte leur permet de quitter leur emploi pour rejoindre un cycle complet de formation, soit par alternance, soit dans un autre cadre.
    Nous considérons que les jeunes doivent d'abord accéder au monde du travail et qu'ils pourront ensuite s'orienter soit ultérieurement, soit dans le cadre du plan de formation interne mis en place par l'employeur, vers un accès à la qualification.
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'interruption nocturne de nos travaux a sans doute fait perdre de vue à M. Gremetz la finalité du texte du Gouvernement. Il nous propose une nouvelle fois de réinventer l'apprentissage, de réinventer la formation en alternance,...
    M. Maxime Gremetz. Mais non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui existe, qui fonctionne bien et que nous avons beaucoup encouragée dans le passé quand beaucoup de ses amis la combattaient.
    L'alternance ne répond pas aux besoins de tous les jeunes. Si tel était le cas nous n'aurions évidemment pas besoin de proposer ce texte. Les contrats de qualification, en particulier, ne suffisent pas à résorber le chômage des jeunes, qui, en France, est extraordinairement élevé par rapport à tous les autres pays européens. C'est une donnée, une situation dont on ne peut pas se satisfaire, et il faut reconnaître que les outils existants n'ont pas permis de rattraper notre retard.
    Comme j'ai noté hier que M. Gremetz était parfois sensible aux explications du Gouvernement, qu'il lui arrivait même de les faire siennes et de retirer ses amendements,...
    M. Alain Néri. Collaboration de classes ! (Sourires.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... je suis sûr qu'il aura à coeur, pour la suite du débat, de ne pas éternellement reprendre cette argumentation, à laquelle je me propose de ne plus répondre puisque le Gouvernement l'a déjà fait suffisamment.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Vos arguments, monsieur le ministre, ne nous ont pas convaincus, ils ne peuvent pas nous convaincre et c'est pourquoi nous insistons. Si l'on veut véritablement donner une deuxième chance aux jeunes en situation d'échec scolaire, il ne faut pas les envoyer au suicide. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Il ne faut pas les envoyer vers un troisième échec,...
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Justement !
    M. Maxime Gremetz. ... vers une embauche qui déboucherait sur une impasse et un manque de perspectives total.
    Vous dites que nous réinventons la formation en alternance. Non, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit, dans ce cas spécifique, d'une obligation qui ne correspond pas du tout aux plans de formation des entreprises, dont vous connaissez parfaitement le contenu. Je ne comprends pas pourquoi vous êtes aussi fermé, monsieur le ministre, vis-à-vis d'une proposition qui correspond à une nécessité absolue. Vous faites un blocage...
    Mme Sylvia Bassot. C'est plutôt vous !
    M. Maxime Gremetz. ... mais nous sommes tenaces. Sans formation adaptée, le dispositif perd tout son intérêt et risque de se retourner contre les jeunes en leur démontrant une fois de plus qu'ils ne sont pas capables de progresser, d'obtenir une qualification et de s'épanouir.
    Nous sommes toujours prêts à entendre les arguments de bon sens et à retirer des amendements qui ne seraient pas bien formulés mais, pour le coup, nous maintenons celui-ci et nous demandons un scrutin public car il conditionne la réussite même de votre projet.
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 3.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   166
Nombre de suffrages exprimés   165
Majorité absolue   83
Pour l'adoption   26
Contre   139

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Proriol a présenté un amendement, n° 64, ainsi rédigé :
    « Après le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-1 du code du travail, insérer l'article L. 322-4-6-1 bis suivant :
    « Art. L. 322-4-6-1 bis. - Le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes défini à l'article L. 322-4-6 a pour vocation l'accession à une formation qualifiante. »
    La parole est à M. Jean Proriol.
    M. Jean Proriol. Mon amendement rappelle que « le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes a pour vocation l'accession à une formation qualifiante ». Mais il ne le fait pas « à la Gremetz », de façon dirigiste, imposée, quantifiée. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il le fait de façon contractuelle, dans l'esprit de la loi.
    En effet, ce nouveau dispositif est directement orienté vers des jeunes en rupture scolaire qui ne souhaitent pas nécessairement bénéficier d'une formation, même si on peut le regretter. Il vient donc utilement compléter les différents contrats de qualification et d'apprentissage qui existent déjà.
    Toutefois, avant de déterminer les dérogations aux règles de rupture de contrat inscrites dans le code du travail en vue de permettre au jeune d'accéder à ces formations, il est, semble-t-il, nécessaire de rappeler la logique de passerelle et la vocation à la formation qui prévalent. Ce dispositif est un tremplin et ne constitue pas une fin en soi. Les partenaires sociaux souhaitent unanimement que soit satisfait un besoin de formation, dont ils ont bien conscience qu'il est préexistant.
    M. Jacques Desallangre. Ainsi soit-il !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, même si elle comprend la volonté qui anime notre collègue Jean Proriol, toujours très attentif à la formation des jeunes, notamment dans les collectivités locales qu'il anime. Je lui rappellerai cependant que le contrat de travail créé par ce projet de loi est un contrat de droit commun et n'a par conséquent rien à voir avec les contrats d'alternance et d'apprentissage. Je pourrais donc lui faire la même réponse qu'à M. Gremetz, bien qu'il nous propose une formule beaucoup moins rigide (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Jacques Desallangre. Ah ça, elle n'est vraiment pas rigide !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... beaucoup plus souple, beaucoup plus proche des jeunes et des besoins qui peuvent être les leurs. Mais je préfère lui confirmer que le projet de loi répond à son attente, puisque le jeune pourra à tout moment rompre son contrat à durée indéterminée et quitter son emploi pour s'engager dans la voie de l'alternance et de la qualification. Bref, monsieur Proriol, votre souhait trouve sa réalisation dans le contenu même du texte, tel qu'il a été voulu et conçu par le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je ne partage pas l'avis de la commission. M. Proriol reprend, d'une certaine manière, un point de vue exprimé à de nombreuses reprises par M. Gremetz et par notre groupe. Et je m'aperçois ainsi que notre préoccupation est largement partagée.
    Cette préoccupation, le Gouvernement ne veut pas l'entendre. Pourtant, dès lors qu'il y a un engagement financier de l'Etat aussi important que celui qui nous est annoncé, et dès lors qu'il est justifié par l'urgence de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes les plus en difficulté, nous n'arrivons pas à comprendre - sauf si l'on veut faire de ce contrat un gadget, ce que je ne pense pas - que le Gouvernement s'oppose à toute force à insérer dans ce dispositif ce qui paraît la contrepartie évidente de l'aide publique, à savoir une formation garantissant l'insertion.
    Mais je me réjouis que cette préoccupation soit partagée sur tous les bancs. Il serait donc logique qu'à un moment donné, elle se traduise par un vote et par l'introduction dans le texte d'une disposition de cette nature. Nous y reviendrons.
    M. Michel Delebarre. Excellent argument !
    M. le président. Je vous demande d'être bref, monsieur Gremetz, car je ne suis pas obligé de vous donner la parole. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Comptez sur moi, monsieur le président !
    Pour vous montrer, monsieur Proriol, que je ne suis pas dirigiste (Exclamations sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et que je suis capable de la même souplesse que vous, je vous annonce que le mieux étant l'ennemi du bien, nous allons voter votre amendement. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Proriol.
    M. Jacques Desallangre. Ne le retirez pas, monsieur Proriol !
    M. Jean Proriol. Merci, monsieur Gremetz, de ce ralliement un peu tardif. Je n'ignorais pas l'existence de votre amendement, que vous nous aviez annoncé et même longuement détaillé dans de nombreuses interventions. Pour ma part, je voulais simplement faire préciser par le Gouvernement et confirmer par l'Assemblée que l'impératif moral de la formation pouvait être couché dans le texte de loi.
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ils n'en veulent pas !
    M. Jean Proriol. Mais les explications qui m'ont été données par le rapporteur et par le ministre me satisfont pleinement à cet égard. Je retire donc l'amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz et M. Gaëtan Gorce. Il est repris !
    M. le président. L'amendement n° 64, retiré par M. Proriol, est repris par M. Gremetz et M. Gorce.
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Alain Néri. On n'est jamais trahi que par les siens !
    M. Maxime Gremetz. La démagogie ne mène pas loin !

ARTICLE L. 322-4-6-2 DU CODE DU TRAVAIL

    M. le président. M. Proriol a présenté un amendement, n° 41, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-2 du code du travail par l'alinéa suivant :
    « Sous réserve des conditions requises définies par le code du travail, les contrats de travail mentionnés à l'article L. 322-4-6 peuvent se transformer en l'un des contrats prévus aux articles L. 117-1 et L. 981-1. »
    La parole est à M. Jean Proriol.
    M. Jean Proriol. Il s'agit par cet amendement de préciser dans la loi que les contrats de travail mentionnés à l'article L. 322-4-6 peuvent se transformer en l'un des contrats prévus actuellement dans le code du travail. Nous confirmerons ainsi les différentes déclarations que nous avons entendues ici, hier après-midi. Le nouveau dispositif de soutien à l'emploi des jeunes doit permettre en effet à des jeunes sans emploi d'accéder à une première expérience professionnelle. Les passages entre les différents dispositifs d'insertion professionnelle et de formation doivent donc être développés. De même, les mesures visant à faciliter l'accès à la formation doivent être encouragées : celle en faveur d'une possibilité de transformation du contrat, en fait partie.
    Monsieur le ministre, l'optimisation de la mesure que vous nous proposez passe par la mise en place de passerelles entre tous les dispositifs. A cet égard, la possibilité de transformer un contrat-jeunes en contrat de qualification ou d'apprentissage doit être confirmée et largement utilisée. Dans le même ordre d'idée, il serait bon de créer, à l'usage des très petites entreprises, un "kit alternance afin que la nouvelle formule ne se traduise pas par une complication administrative pour les entreprises qui n'ont pas l'habitude de se livrer à ce genre d'exercice d'appel à l'aide de l'Etat. Sur le modèle de ce qui a été fait pour faciliter l'utilisation du chèque emploi-service par les particuliers, simplifions aussi la tâche des très petites entreprises et des jeunes candidats à ces formations. Peut-être serait-il opportun, monsieur le ministre, de prévoir dans les décrets d'application un contrat de travail type. Peut-être pourrait-on également envisager une expérimentation dans quelques régions pour mesurer les effets de cette disposition.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, la préoccupation de M. Proriol étant d'ores et déjà satisfaite par le texte. L'article L. 322-4-6-2 prévoit en effet que, par dérogation aux dispositions existantes, le jeune peut à tout moment rompre son contrat de travail à durée indéterminée pour reprendre une formation dans le cadre de l'alternance ou de l'apprentissage.
    Je ne doute pas que M. Proriol aura remarqué que le rapport de la commission comporte un certain nombre de propositions visant à développer des passerelles dans le cadre de la formation continue et de la validation des acquis de l'expérience. Les partenaires sociaux, notamment les chambres de métiers et les chambres de commerce et d'industrie, ainsi que l'union des professionnels de l'artisanat souhaitent que se mettent en place des passerelles entre le jeune accueilli dans l'entreprise et les différents dispositifs de formation continue ou ponctuelle. Ils se sont engagés à agir en ce sens.
    Voilà toutes les raisons pour lesquelles l'amendement de M. Proriol est satisfait.
    M. Pierre Lequiller. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le texte du projet répond d'ores et déjà à la demande de M. Proriol puisqu'il prévoit expressément que le jeune peut à tout moment interrompre son contrat de travail s'il veut démarrer une formation en alternance ou un contrat de qualification. J'ajoute qu'il ne me paraît pas possible d'introduire dans la loi un enchaînement juridique entre le contrat-jeunes et les contrats en alternance, pour la bonne raison que le contrat dont nous débattons est un contrat de travail normal. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de prévoir un contrat type, puisque c'est le contrat de travail qui est proposé à tous les salariés. C'est précisément la force de ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. J'ai un peu de mal à comprendre l'acharnement que mettent un certain nombre de nos collègues à vouloir à tout prix lier ce contrat à un objectif de formation. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Très juste !
    M. Daniel Garrigue. Nous rencontrons tous des jeunes qui ont échoué, y compris en contrat d'apprentissage.
    Mme Martine David. Alors il faut les laisser comme ça ?
    M. Daniel Garrigue. Si on recommence à leur parler tout de suite de formation, on va les décourager instantanément. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. Quel aveu !
    M. Daniel Garrigue. C'est une réalité !
    M. Jacques Desallangre. Ce propos est incroyable !
    M. Daniel Garrigue. Le fait qu'un certain nombre de personnes à la recherche d'un emploi ne soient pas en mesure d'acquérir une formation, ou un diplôme, même élémentaire, est un problème social grave. Or leurs capacités intellectuelles ne sont pas forcément en cause. Il s'agit souvent de jeunes qui, compte tenu des dispositions d'esprit que l'on peut avoir à un certain âge, ont du mal à entrer dans une démarche de formation.
    Le présent texte, et c'est tout son intérêt, prévoit précisément un contrat de travail de droit commun. Dans la mesure où il s'agit d'un CDI de droit commun, rien n'empêche les jeunes qui le souhaiteront d'entrer, au bout de quelques années, dans les dispositifs de droit commun de la formation. Mais je crains que l'acharnement que mettent certains à vouloir à tout prix lier les contrats-jeunes à une formation n'ait finalement pour conséquence d'interdire l'accès à l'emploi à nombre de jeunes qui ne veulent pas ou ne sont pas en mesure aujourd'hui de suivre des formations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Enfin du bon sens !
    M. Jacques Desallangre. Non, c'est de la démagogie ! Du cynisme !
    M. Alain Néri. Vous ne voulez pas décourager le MEDEF !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

article l. 322-4-6-4 du code du travail

    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 84, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-4 du code du travail, substituer aux mots : "peut prévoir, le mot : "prévoit. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement suit toujours la même logique, qui vise non pas à introduire obligatoirement une formation mais à faire en sorte que se concrétise ce qui est annoncé, c'est-à-dire la participation des partenaires sociaux, avec la volonté de favoriser une qualification. Eh oui, mes chers collègues, ce qui est prévu dans le texte doit se traduire sur le terrain.
    Les sénateurs, conscients de cette préoccupation, ont introduit un dispositif qui prévoit un bilan de compétences et un accompagnement professionnel dans l'entreprise. Mais aux termes de la rédaction qu'ils proposent et que la commission a acceptés, il apparaît simplement que les partenaires sociaux « peuvent » négocier un tel accord. Autant dire que nous sommes là dans la pétition de principe. De la même manière, je pourrais dire que la majorité « peut » voter l'amendement que je présente, ce dont je doute fortement. Personnellement, je doute que les partenaires sociaux se mobilisent très vite sur les dispositions prévues. Je pense donc qu'il ne faut pas écrire : « Une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir », mais « prévoit ». Procédant de la sorte, nous complétons le dispositif législatif non pas d'une manière dirigiste, mais par un encadrement conventionnel bien naturel. C'est d'ailleurs la base de notre droit du travail et j'espère qu'il continuera à en être ainsi à l'avenir.
    Vous parliez d'acharnement, monsieur Garrigue, j'avoue que j'ai du mal à comprendre, pour ma part, l'entêtement du Gouvernement à refuser que figurent dans le texte des dispositions auxquelles il se dit favorable. Certains prétendent que cela va sans dire, mais cela va beaucoup mieux en le disant et, à mon sens, en l'écrivant.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, qui aurait engendré un encadrement et un formalisme qui vont à l'encontre d'une négociation naturelle des partenaires sociaux.
    M. Jacques Desallangre. Comme c'est pratique !
    M. Patrick Bloche. Flexibilité !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Ceux-ci prévoiront de la manière la plus adaptée possible l'accompagnement du jeune. Ils utiliseront les structures d'insertion qui existent déjà. Je pense aux missions locales, que nous avons évoquées hier et qui vont continuer leur travail d'accompagnement en dehors de l'entreprise, dès lors que les jeunes manifesteront un réel besoin.
    M. Maxime Gremetz. Ils n'iront pas dans des missions locales !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'entêtement du Gouvernement n'a d'égal que l'entêtement de la gauche à refuser de voir la réalité en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La France détient en Europe le triste record du chômage des jeunes : 30 %.
    M. Richard Cazenave et M. Jean-Paul Anciaux. Eh oui !
    M. Jean Roatta. A qui la faute !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pendant cinq ans, l'ancienne majorité a mis en oeuvre des mesures, d'ailleurs très coûteuses pour le budget de l'Etat, mais qui n'ont pas réglé cette question du chômage des jeunes sans diplôme. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Alors, aujourd'hui, mesdames et messieurs de l'actuelle opposition, soyez donc un peu plus modestes et laissez-nous essayer une formule qui, sans résoudre l'ensemble des problèmes, doit permettre d'améliorer la situation des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L. 322-4-6-5 DU CODE DU TRAVAIL

    M. le président. MM. Gremetz, Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-5 du code du travail. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, nous sommes modestes et nos interventions visent non pas à vous empêcher de mettre en oeuvre votre projet, mais à faire en sorte qu'il réussisse. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Or, vous n'écoutez pas quand nous vous proposons des améliorations pour assurer son succès. Nous avons pourtant nous aussi quelque expérience du monde du travail ; le Gouvernement pourrait l'admettre. Pourquoi ne tient-il pas compte de nos suggestions ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) J'observe en effet à regret que vous avez repoussé tous nos amendements. Vous n'avez pas accepté de changer une ligne à votre projet initial.
    M. Richard Cazenave. Et c'est très bien ainsi !
    M. Maxime Gremetz. Si ce n'est pas être fermé et dirigiste, je ne sais pas ce que c'est !
    J'en arrive à mon amendement, que le Gouvernement pourrait accepter puisqu'il ne vise pas la formation. Il tend effectivement à supprimer l'article L. 322-4-6-5, qui concerne le secteur du bâtiment et des travaux publics, donc directement ou indirectement des grands groupes comme Vivendi ou Bouygues. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Plus précisément, l'article L. 322-4-6-5 prévoit que tout ou partie des congés payés seront désormais financés par l'impôt. C'est donc l'ensemble des citoyens qui devront payer, à la place de ces grandes puissances économiques. Le principe est inadmissible. Peut-être ne l'avez vous pas perçu, monsieur le ministre.
    M. Richard Cazenave. Et les 35 heures ? Qui les a financées ?
    M. Maxime Gremetz. Je rappelle que ce secteur n'est même pas exposé à la concurrence internationale. (Exclamation sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Qui a payé les 35 heures ?
    M. Maxime Gremetz. On a même du mal à trouver des entreprises du bâtiment pour construire vite des logements.
    Vous tous qui parlez de justice, et qui n'avez pas voulu introduire des dispositions en matière de formation, supprimez donc cet article qui constitue un cadeau presque « ministériel » ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.
    J'avoue ne pas bien comprendre votre argumentation, monsieur Gremetz. L'article L. 322-4-6-5 qui a été introduit par le Sénat vise tout simplement à faire bénéficier du dispositif les entreprises qui créent entre elles une caisse de compensation pour payer les congés payés de leurs salariés. Il s'agit de faire en sorte que les entreprises qui s'organisent de cette manière et qui sont le plus souvent des entreprises du BTP puissent bénéficier du soutien de l'Etat dans les mêmes conditions que les autres. Par conséquent, et contrairement à ce que vous dites, c'est bien dans un souci de justice que l'article a été introduit. Mais peut-être n'avez vous pas compris quel était son but exact.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est le même que celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Perrut, rapporteur, a présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 322-4-6-5 du code du travail par la phrase suivante : « Ce soutien doit s'entendre comme n'étant pas calculable par référence aux cotisations et contributions sociales patronales de toutes natures dues au titre de ces indemnités par lesdites caisses de compensation. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Il s'agit d'un amendement technique qui prolonge l'article L. 322-4-6-5 sur lequel nous venons donc de vous exprimer. Il faut éviter que le soutien de l'Etat ne soit attribué deux fois, une première fois à l'entreprise et une seconde à la caisse de compensation justement. On précise donc que le soutien de l'Etat est accordé à l'entreprise elle-même.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    M. Maxime Gremetz. Pour ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    (L'amendement est adopté.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Bravo, Maxime !
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 85, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « I. Compléter la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 432-4-1 du code du travail par les mots : « ainsi que les contrats des jeunes en entreprise prévus à l'article L. 322-4-6 ».
    « II. Après le septième alinéa (5°) de l'article L. 432-4-2 du code du travail, insérer un 6° ainsi rédigé : "6° Le bilan de l'embauche des jeunes dans le cadre du dispositif prévu à l'article L. 322-4-6 du code du travail. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement anti-dirigiste vise à permettre à l'ensemble des partenaires sociaux d'être régulièrement informés des types de contrats qui sont signés dans l'entreprise et de la manière dont ils sont exécutés. Autrement dit, nous vous proposons simplement de compléter le code du travail, pour les entreprises de plus de 300 salariés ou pour les entreprises de moins de 300 salariés, pour qu'il soit procédé comme pour tous les types de contrats de travail existants.
    Cette information des partenaires sociaux nous paraît d'autant plus nécessaire ou légitime qu'on va demander ensuite - tel semble en effet être l'esprit dans lequel le Gouvernement veut se placer à défaut de mettre la lettre en conformité - à ces partenaires sociaux de négocier les mécanismes d'accompagnement, de validation, voire de formation concernant les jeunes. Potentialité, nous a-t-on dit. Eh bien, rendons cette potentialité plus simple et faisons en sorte que les partenaires sociaux soient normalement informés de ces contrats !
    La commission va sûrement me répondre qu'il s'agit là de contrats de droit commun et qu'il n'est pas nécessaire, par conséquent, de prévoir des dispositions spécifiques.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Exactement !
    M. Gaëtan Gorce. Mais avec ces « contrats de droit commun » votés en urgence pour répondre à une nécessité publique telle qu'elle nous est démontrée par le ministre et bénéficiant d'avantages financiers aussi exorbitants, voilà du droit commun qui mérite au moins que les représentants du personnel soient informés !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission et M. Gorce, qui a pratiquement fait la question et la réponse, ne s'en étonnera pas. Je lui confirme que le droit du travail prévoit dans un certain nombre de ses dispositions que les représentants du personnel doivent être informés de la vie de l'entreprise, s'agissant notamment de l'embauche du personnel. Il souhaite introduire un dispositif juridique supplémentaire. Or rien ne le justifie : les représentants du personnel seront informés sur les emplois qui bénéficient du présent dispositif dans le cadre de leurs missions telles qu'elles sont prévues par les dispositions actuelles.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le code du travail prévoit explicitement une information du comité d'entreprise sur les contrats aidés - les CIE, par exemple - lorsque, ceux-ci sont exclus de la comptabilisation au titre des effectifs entrant dans le calcul des seuils sociaux. Tel n'est pas le cas du contrat que nous proposons, qui est un contrat de droit commun. Il n'y a donc aucune raison d'introduire la distinction proposée par M. Gorce, qui vise en réalité à donner à ce contrat un caractère exceptionnel. Ce n'est pas ce que nous voulons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est logique !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Une convention ou un accord collectif de branche pourra prévoir les conditions dans lesquelles les acquis de l'expérience des salariés mentionnés à l'article L. 322-4-6 du code du travail sont validés et dans lesquelles ces salariés participent aux actions de formation prévues dans le cadre du plan de formation de l'entreprise. »
    La parole est à Mme Martine Billard, inscrite sur l'article.
    Mme Martine Billard. Au risque de paraître un peu obstinée, je veux revenir une fois de plus sur la question de la formation. Vous nous avez successivement expliqué que l'introduction de mesures relatives à la formation aurait rendu le dispositif trop complexe, que les jeunes de toute façon ne voulaient pas de formation et qu'en tout état de cause ils rentraient dans le droit commun.
    Selon vous, les jeunes ne voudraient donc pas de formation. Pourtant, il y a au moins une catégorie d'entre eux qui ne la rejette pas : je veux parler de ceux qui sortent du système scolaire avec un CAP et un BEP pour qui, visiblement, être embauchés signifie aussi continuer à recevoir une formation professionnelle pour progresser tout au long de leur vie, ce que vous leur déniez.
    Quant aux jeunes sans qualification, peut-être est-il vrai qu'au moment de l'entrée en entreprises certains ne sont pas prêts dans le ou les mois qui suivent à suivre une formation. Mais je vous rappelle que le dispositif proposé est étalé sur trois ans. En tout état de cause, renvoyer à des négociations la possibilité de mettre en place une formation dans le cadre des plans de formation est pour le moins léger, surtout lorsqu'on connaît la réalité des plans de formation d'entreprises. Leur réalisation est souvent très limitée, c'est le moins que l'on puisse dire, la formation se bornant souvent à l'apprentissage des gestes nécessaires au processus de production, ce qui ne permet pas à ces jeunes de pouvoir à terme changer d'entreprise. Or c'est bien cela qu'il faut leur proposer. Il ne s'agit pas de les obliger à rester à vie dans la même entreprise, payés au SMIC, voire à un demi-SMIC, puisque vous prévoyez des temps partiels. Il faut qu'ils puissent acquérir un véritable acquis professionnel qu'ils seront en mesure de faire fructifier pour évoluer dans leur vie professionnelle.
    C'est pourquoi une formation est absolument indispensable. Elle ne peut se limiter à des plans de formation dont l'existence et la réalité sont souvent plus que discutables. Il faut absolument inscrire dans la loi une obligation de formation afin d'ouvrir aux jeunes concernés un avenir professionnel et de leur donner des possibilités de croire en leur avenir, et non de les limiter au maintien à vie dans des emplois mal payés et peu intéressants à terme.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, nous sommes également dans l'outre-mer obsédés par la question de la formation. Je reviens avec quelque entêtement sur les déclarations faites hier par mes collègues de l'outre-mer parce que les réponses apportées m'ont semblé imprécises, pour ne pas dire incertaines.
    Dans l'article 2 du projet, vous vous en remettez à des accords collectifs de branche pour, éventuellement, prévoir les conditions dans lesquelles les acquis de l'expérience des personnes concernées par ce texte pourront être validés et les actions de formation organisées. Aucune obligation de formation professionnelle n'est donc imposée aux entreprises en contrepartie des aides publiques qui leur sont attribuées.
    Aucune formation minimum n'est fixée par la loi, ce qui, pour des secteurs comme l'agroalimentaire, l'hôtellerie, la restauration et le bâtiment et travaux publics, réduit quasiment à néant la possibilité de reconnaissance de validation des acquis.
    En plus de remettre en cause l'effort de formation et notamment de formation professionnelle par les contrats d'apprentissage et les formations en alternance, le vrai risque de cette loi est d'accentuer la déqualification des jeunes les plus en difficulté.
    Nous assistons en effet à un véritable processus de déqualification en outre-mer du fait de l'importance du chômage. Quoique le taux de celui-ci soit passé de plus de 20 % à 14 % en cinq ans, il reste encore élevé et il convient donc d'y remédier.
    Pour tous ceux qui, passez-moi l'expression, « galèrent » dans leur formation, la tentation est grande à court terme de trouver et d'occuper un premier emploi rapidement. L'effet immédiat de cette tendance va être le basculement accéléré de la formation au monde du travail. Ainsi, ces jeunes se retrouveront dans un cycle où la qualification sera absente, au risque, au bout de quelques années, d'être sans travail, parce qu'en inadéquation avec le marché de l'emploi.
    Votre méthode est également difficilement acceptable. Je ne compte plus, comme nombre de mes collègues, les demandes des chambres consulaires, et en particulier des chambres de métiers, de voir inclus dans le projet de loi un dispositif de formation et, qui plus est, de formation obligatoire.
    Par ailleurs, aucune concertation avec les partenaires sociaux n'a été organisée. Le fameux dialogue social, expression magique utilisée tour à tour par le Président de la République lui-même, par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre, se révèle difficile dans la pratique.
    Comme vous le déclariez vous-même dans une interview, monsieur le ministre, les Français ne comprendraient pas que le Gouvernement soit paralysé par le dialogue social. Votre projet n'a donc fait l'objet d'aucune consultation des organisations syndicales,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
    M. Victorin Lurel. ... qui, de plus, dénoncent toutes l'absence de formation obligatoire pour les jeunes dans ce dispositif.
    « Notre politique libérale, clairement assumée, nous conduit à faire confiance aux patrons », déclariez-vous hier dans cet hémicycle... Mais vous savez pertinemment qu'aucun accord ne semble possible à court et moyen terme sur ces questions comme le confirmaient encore ce matin même les principaux intéressés dans le journal Les Echos.
    Vous nous demandez donc, après les questions de sécurité et avant les questions de justice, de vous signer un « chèque en blanc » sur des questions essentielles pour notre pays et en particulier pour cette partie de la République qu'est l'outre-mer.
    Les réponses que vous avez apportées hier à certains de mes collègues de l'outre-mer m'ont laissé fort insatisfait. Permettez-moi très rapidement de vous rappeler les termes du problème.
    La loi d'orientation pour l'outre-mer, votée à l'initiative du précédent gouvernement, contient de nombreuses dispositions relatives au développement économique et à l'emploi particulièrement bienvenues pour cette partie du monde où le chômage frappe durement la population. Il en va ainsi par exemple, comme vous le rappelaient hier mes collègues Huguette Bello, Louis-Joseph Manscour ou encore Dominique Paillé, du large dispositif d'exonération et de réduction des cotisations sociales patronales qui profite à la plupart des entreprises, et cela, sans limitation d'âge ou de durée.
    Votre projet est donc très en retrait par rapport à cette loi. De plus, le dispositif « emplois-jeunes » s'est révélé d'une grande efficacité en outre-mer non seulement pour les hôpitaux, les collectivités, les mutuelles, mais également pour de nombreuses associations. Les conséquences de la suppression de ces emplois seraient dramatiques pour l'outre-mer, alors qu'un dispositif de sortie avait été mis au point par l'ancien gouvernement.
    Monsieur le ministre, je persiste à croire que vous ne pouvez pas, dans l'attente du vote du projet de loi de programmation pour l'outre-mer en cours d'élaboration, ostraciser l'outre-mer et l'écarter d'un dispositif destiné à entrer en vigueur rétroactivement à compter du 1er juillet 2002.
    Avec une obligation de formation et un dispositif adapté à l'outre-mer, je n'aurai aucun mal à voter votre loi.
    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 86, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 2 :
    « La mise en oeuvre des dispositions visées à l'article 1er de la présente loi est subordonnée à la conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu qui prévoit les actions de formation professionnelle destinées aux salariés visés à l'article L. 322-4-6 du code du travail, ainsi que les conditions de la validation des acquis de l'expérience de ces salariés. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Il est prévu, à l'article 2, que les partenaires sociaux « pourront » négocier sur les actions de formation et la validation des acquis. L'emploi du futur en droit m'étonne toujours parce que la loi est supposée donner des indications précises destinées à être exécutées et non indiquer une potentialité.
    Cette disposition a d'ailleurs été rajoutée lorsqu'on a pris conscience que cet aspect de la formation faisait défaut.
    Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer à plusieurs reprises, nous proposons de rétablir l'intervention des partenaires sociaux pour encadrer la mise en place des contrats de travail prévus dans le texte. Si nous le faisons, ce n'est pas pour dénaturer vos contrats-jeunes ni pour mettre en place un dispositif d'une telle lourdeur qu'il ne pourrait être exécuté, c'est parce que nous estimons que ces contrats doivent impérativement s'accompagner d'une formation. Nous proposions d'ailleurs que la conclusion d'une convention ou d'un accord collectif intervienne soit en amont soit en cours d'exécution des contrats pour ne pas empêcher leur mise en place.
    Il ne s'agit pas de contrats en alternance. Là encore, on chercher à caricaturer la position que nous défendons en nous accusant, au fond, de vouloir faire des contrats en alternance de seconde zone ou de nouvelle manière.
    Nous acceptons le prinicpe selon lequel des jeunes, confrontés à des difficultés scolaires ou de formation, peuvent être encouragés par le biais du dispositif que vous proposez à entrer dans une entreprise, en incitant les employeurs à les accueillir. Ce que nous demandons, c'est que soit mis en place, au bénéfice de ces jeunes, un mécanimse d'accompagnement adapté.
    Nous ne disons pas qu'ils doivent bénéficier d'un régime de formation de droit commun. Nous n'avons aucune garantie sur un tel régime et nous savons qu'il fonctionne aujourd'hui de manière exclusive. Plusieurs orateurs ont rappelé dans ce débat que la formation professionnelle fonctionnait aujourd'hui à l'envers et profitait à ceux qui en avaient le moins besoin, ou en tout cas à ceux qui étaient déjà le plus formés dans l'entreprise.
    Le mécanisme d'accompagnement que nous réclamons comprendrait un bilan de compétence, un accompagnement, la recherche de qualification et la validation des acquis. Si nous insistons sur ce point, ce n'est pas par entêtement comme l'a dit M. le ministre, ce qui dénote, de la part de quelqu'un qui se veut le partisan de la souplesse, une étonnante rigidité sur ces sujets. C'est parce que nous considérons cet accompagnement comme une garantie pour l'avenir professionnelle du jeune. Si l'entrée d'un jeune dans une entreprise ne s'accompagne pas d'une acquisition de qualification professionnelle et d'un suivi, cela revient à ne lui donner aucune garantie pour l'avenir ou, en tout cas, à lui donner une garantie trompeuse le temps des deux ans et demi pendant lesquels les aides seront versées à l'entreprise.
    C'est la raison pour laquelle nous insistons sur ce point. Il est pour nous la clé de la réussite de ce dispositif. Nous voulons faire en sorte que, dans votre libéralisme, le social soit réellement présent, car nous avons parfois l'impression que votre libéralisme est d'abord social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement et le suivant puisque, à ce qu'il semble, M. Gorce a défendu à la fois l'amendement n° 86 et l'amendement n° 87.
    M. Gaëtan Gorce. Tout à fait monsieur le rapporteur. Et ce, dans l'intérêt du débat.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Nous nous opposons, bien sûr aux deux. Dans le premier amendement, M. Gorce veut lier l'entrée en vigueur de la loi à la conclusion d'un accord de branche étendu, ce qui repousserait d'autant l'application du dispositif. En d'autres termes, il faudrait attendre et laisser les jeunes devant la porte de nos entreprises sous prétexte qu'un accord de branche étendu doit être négocié et signé.
    M. François Liberti. Ce n'est pas ça !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Dans le second amendement, qui procède du même esprit, M. Gorce demande la conclusion, dans un délai de six mois après la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi, d'un accord collectif de branche.
    Les deux amendements n'ont d'autre but que de repousser l'application du dispositif que nous proposons en faveur des jeunes.
    M. Gaëtan Gorce. Pas du tout !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que celui de la commission, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 87, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 2 :
    « La mise en oeuvre dans un délai de six mois des dispositions visées à l'article 1er de la présente loi fait l'objet d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendue qui prévoit les actions de formation professionnelle destinées aux salariés visés à l'article L. 322-4-6 du code du travail, ainsi que les conditions de la validation des acquis de l'expérience de ces salariés. »
    M. Gaëtan Gorce a, je pense, défendu cet amendement en même temps que le précédent.
    M. Gaëtan Gorce. Oui, monsieur le président.
    M. le président. La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 87.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 29 corrigé et 12, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 29 corrigé, présenté par MM. Salles, Rodolphe Thomas et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, est ainsi rédigé :
    « Dans l'article 2, substituer aux mots : "pourra prévoir, les mots : "prévoit un dispositif d'accompagnement et fixe. »
    L'amendement n° 12, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi rédigé :
    « Dans l'article 2, substituer au mot : "pourra, le mot : "devra. »
    La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour soutenir l'amendement n° 29 corrigé.
    M. Rodolphe Thomas. Après ce qui vient d'être dit, je doute que le groupe UDF ait gain de cause sur la question de la formation.
    M. Maxime Gremetz. Il faut nous aider !
    M. Rodolphe Thomas. Or nous savons tous que la formation, qui permet l'adaptation des salariés aux évolutions du marché du travail et des techniques professionnelles, demeure la meilleure garantie pour un emploi durable et le meilleur moyen de sécuriser le parcours professionnel des travailleurs. Trop de jeunes ou de moins jeunes se trouvent confrontés aux mêmes réponses quand ils envoient leur curriculum vitae. Ils s'entendent opposer soit « Vous avez une qualification, mais vous n'avez pas d'expérience professionnelle », soit « Vous avez de l'expérience, mais, malheureusement, vous n'avez pas de qualification ». C'est un phénomène malheureusement récurrent pour les demandeurs d'emploi.
    Il est toujours préférable de proposer plutôt que d'imposer. C'est pourquoi le groupe UDF propose dans cet article 2 que soit prévu un dispositif d'accompagnement.
    Je poserai une question subsidiaire à M. le ministre. Que se passe-t-il si un employeur embauche un jeune qui déclare ne pas avoir obtenu son bac et qu'il se révèle, par la suite, être titulaire d'un diplôme ?
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour présenter l'amendement n° 12.
    Mme Martine Billard. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)...
    Mme Martine David. Comme d'habitude !
    M. Patrick Bloche. C'est lassant !
    M. Maxime Gremetz. C'est le rejet permanent !
    M. le président. Monsieur Gremetz, laissez la commission s'exprimer !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Les deux amendements ont deux objectifs : d'une part, évoquer, une nouvelle fois, l'accompagnement...
    Mme Martine David. C'est très répétitif !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... et, d'autre part, rendre la négociation obligatoire.
    Concernant l'accompagnement, je renvoie mes collègues au texte proposé, à l'article 1er, pour l'article L. 322-4-6-4 du code du travail, selon lequel une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés concernés bénéficieront d'un accompagnement.
    M. Maxime Gremetz. « Peut prévoir » ! Il ne s'agit que d'une possibilité.
    M. François Liberti. Il n'est assorti d'aucune obligation !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Je considère qu'il faut faire confiance aux chefs d'entreprise qui appliqueront le dispositif. Comme ils le feront volontairement, ils accompagneront, bien évidemment, les jeunes. Nous n'avons jamais vu de chef d'entreprise laisser un jeune ne pas travailler et ne pas se former. C'est le bon sens ! La formation y trouvera son plein accomplissement.
    Quant à la seconde mesure, vous voulez contraindre par le dialogue social...
    M. Gaëtan Gorce. Faites confiance aux partenaires sociaux !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... la mise en application du dispositif proposé. C'est l'éternel débat depuis le début de cette discussion.
    Nous comprenons, par ailleurs, la philosophie qui sous-tend l'amendement de M. Thomas, qui n'a pas du tout la même rigidité (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste)...
    M. Maxime Gremetz. On va voir ! Vous êtes imprudent !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... que ceux de M. Gremetz ou de M. Gorce. L'esprit de son amendement n'est pas du tout le même que le leur !
    M. Gaëtan Gorce. Mais vous le rejetez quand même !
    M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 29 corrigé, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement partage le souci du groupe UDF de voir l'insertion des jeunes dans l'entreprise que nous proposons déboucher sur une formation. Mais nous voulons aussi changer la nature des relations entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux.
    La crise politique et sociale que nous connaissons et dont la gauche a été victime repose, pour une part, sur la faiblesse des corps intermédiaires, sur la faiblesse des partenaires sociaux et sur le problème de leurs responsabilités. Ce n'est pas en fixant dans les moindres détails dans la loi la manière dont les partenaires sociaux doivent engager les négociations pour aboutir à la validation des acquis et le moment où ils doivent le faire que l'on corrigera cette difficulté qui est au coeur des problèmes de notre pays. Il faut leur faire confiance. Nous allons inaugurer une ère qui sera celle de la confiance envers les partenaires sociaux et envers les entreprises. C'est pourquoi je considère que le groupe UDF a satisfaction et que son amendement n'est pas utile. Mais j'ai mauvaise conscience à lui demander une nouvelle fois de le retirer.
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Monsieur le président, vous allez dire que nous sommes têtus (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle). Vous savez, mes chers collègues, c'est une vertu chez les Auvergnats que d'être têtus ! D'ailleurs, j'aurais souhaité que M. Proriol le soit plus et ne retire pas ses amendements.
    M. Gaëtan Gorce. Très bien !
    M. le président. Monsieur Néri, je vous demande de vous en tenir à la discussion sur l'amendement.
    M. Alain Néri. Nous sommes tous convaincus que la formation est la meilleure garantie pour un emploi pérenne. En effet, aucune entreprise n'est à l'abri de variations technologiques ou économiques qui la conduisent à changer ses techniques de production. Et l'on sait que ce sont les salariés sans formation qui sont les premiers touchés par les mesures de licenciement. Il peut aussi arriver malheureusement, monsieur le ministre, que du fait de la dégradation de la situation économique, certaines entreprises soient obligées de fermer. M. Proriol a bien connu cette situation dans un secteur proche du sien. Il y a quelques années, en effet, les jeunes du bassin d'emplois d'Issoire étaient conduits, dans un souci de rentabilité, à quitter l'école ou tout autre système de formation à quatorze ans pour entrer dans l'entreprise Ducellier. Ils étaient tout heureux d'y gagner quelque argent et de contribuer à faire vivre leurs familles souvent en grande difficulté.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est Zola !
    M. Alain Néri. Mais l'entreprise s'est trouvée confrontée à de grandes difficultés économiques et a dû fermer. Les collectivités - le conseil régional, le conseil général, les municipalités concernées - ont souhaité engager dans une action de recyclage et de remise à niveau ces employés qui avaient quitté l'école à quatorze ans et qui avaient alors entre quarante-cinq et cinquante ans. Elles se sont trouvées dans l'incapacité de leur offrir quoi que ce soit.
    Monsieur le ministre, si vous persitez à refuser de mettre une formation à la disposition de ces jeunes les plus en difficulté, vous allez, à terme, les condamner à encore plus de difficultés.
    Les contrats Fillon ne seront alors rien d'autre que des contrats filons pour les entreprises ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Après le rejet de tous les amendements relatifs à la formation, l'amendement n° 29 corrigé vise à mettre en place un dispositif d'accompagnement. Il ne s'agit donc plus tout à fait d'une formation, mais comme nous ne sommes pas pour le « tout ou rien », nous allons voter l'amendement du groupe UDF. Chacun va enfin prendre ses responsabilités et, si l'amendement n'est pas adopté, c'est que vous faites vraiment preuve de rigidité, messieurs de la majorité !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 29 corrigé.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   254
Nombre de suffrages exprimés   253
Majorité absolue   127
Pour l'adoption   63
Contre   190

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Maxime Gremetz. On progresse ! A la fin, on gagnera !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 89, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « Le contrat de travail signé entre le jeune et l'employeur comporte un crédit d'heures réservé à des actions de formation menées sous la responsabilité de l'employeur. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement puisqu'il tend à créer une obligation de formation.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 88, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « L'absence d'action de formation mise en place par l'employeur entraîne la suppression du soutien de l'Etat dans des conditions fixées par décret. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement tend simplement à tirer la conclusion du non-respect du contrat par l'employeur. En effet, puisqu'il vise à l'insertion professionnelle, la logique voudrait que l'aide apportée par l'Etat soit suspendue si cette action de formation et d'insertion n'était pas assumée.
    Il s'agit de faire en sorte que le Gouvernement prenne clairement position : soit il accepte cette logique, soit il la refuse, ce qui signifierait que nous en revenons aux vieilles recettes du libéralisme qui consistent à présenter comme du libéralisme social ce qui n'est que l'attitude traditionnelle : accorder des baisses de charges sans contreparties.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui tend encore à imposer une obligation à l'employeur, celle de contraindre son salarié à partir en formation. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Alain Néri. C'est l'aveu !
    M. le président. Monsieur Néri, vous n'avez plus la parole.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... alors que ce dernier préférerait peut-être en suivre une plus tard, au moment où il en exprimera le besoin ou quand l'entreprise en décidera.
    Avec l'obligation proposée que se passerait-il si le jeune refusait la formation ? L'Etat devrait-il retirer l'aide financière à l'entreprise sous ce prétexte ? Cela poserait un véritable problème.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    M. le président. MM. Gremetz, Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 4, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Les articles L. 981-1 à L. 981-5 du code du travail sont abrogés ».
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement n'a malheureusement plus lieu d'être, puisqu'il était de cohérence avec la proposition qui vient d'être rejetée. Il tombe donc.
    M. le président. Parfait, monsieur Gremetz !
    M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 90, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Les représentants du personnel de l'entreprise sont régulièrement informés du recrutement de jeunes prévu dans le cadre de l'article L. 322-4-6 du code du travail. L'évaluation des actions de formation menées en direction de ces jeunes est également communiquée aux représentants du personnel chaque année. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 97, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement présentera au Parlement, tous les ans, à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d'évaluation de l'application du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Nous avons appris beaucoup de choses pendant ce débat, entre autres qu'il fallait faire confiance aux entreprises, mais un peu moins aux partenaires sociaux, ce qui est d'ailleurs un peu paradoxal. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Alain Néri. C'est clair !
    M. Yves Bur. Pendant cinq ans vous avez négligé les entreprises et vous nous donnez des leçons ! Un peu de modestie !
    M. le président. Du calme !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, vous vous êtes sans cesse opposé à tout encadrement du dispositif et vous avez refusé tous les amendements qui tendaient à préciser la nature de la formation ou le champ d'intervention des partenaires sociaux. Aujourd'hui, vous avez encore ajouté qu'il ne pouvait pas y avoir de sanctions, ni même de suspension du contrat, au cas où une obligation mise à la charge des employeurs ne serait pas respectée. Nous avons d'ailleurs appris qu'il n'y en aurait aucune en contrepartie des sommes considérables qui seraient versées par la collectivité publique.
    En somme, il s'agit de mettre en place ce dispositif rapidement, sans contrainte, le dialogue social étant lui-même devenu, dans votre esprit, une contrainte ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Mais non !
    M. Gaëtan Gorce. Nous verrons ! Excusez-nous si nous dérangeons, mais nous défendons un point de vue qui correspond à l'intérêt des jeunes.
    L'essentiel est d'atteindre l'objectif visé. C'est pourquoi il nous paraîtrait logique de faire en sorte que ce dispositif, paré de tant de vertus, fasse au moins l'objet d'une évaluation au bout d'un an de mise en oeuvre. Compte tenu de l'ampleur de l'engagement d'argent public, et des ambitions si clairement proclamées en accordant pleine confiance aux entreprises et aux jeunes, il serait normal que le Parlement puisse savoir ce qu'il en aura été un an plus tard.
    C'est aussi une ultime chance que nous donnons à la commission, qui a systématiquement refusé tous les amendements de l'opposition, même lorsqu'ils portaient simplement sur le temps des verbes. Ce rapport d'évaluation, qui vise simplement à garantir l'information du Parlement, trouvera peut-être un meilleur accueil auprès d'elle.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission est bien évidemment sensible à ce souci d'évaluation, certainement comme M. le ministre, parce que nous sommes tous soucieux de savoir comment se sera déroulée la mise en oeuvre du dispositif. A cet égard, cependant, M. le ministre nous a déjà donné des assurances qu'il va sans doute confirmer puisque lui-même et ses services vont assurer un suivi régulier de cette application.
    M. Pierre Lequiller. Absolument !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Ils en tiendront bien sûr informée l'Assemblée nationale, en particulier la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Cette garantie de suivi et d'information des parlementaires par le ministère est préférable à un rapport de plus qui n'apportera rien à la mise en place du dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. Ce qui va sans dire va mieux en l'écrivant !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, le temps n'est pas si loin où vous étiez dans la majorité et où vous trouviez parfaitement normal que le ministère du travail, par l'intermédiaire de la DARES, évalue chaque année les politiques de l'emploi et publie un rapport sur l'ensemble. Nous continuerons donc de la même manière. («Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je regrette que, même pour une proposition sur un sujet aussi simple et aussi évidente qui vise à assurer l'information du Parlement, nous ne puissions pas avoir la moindre ouverture de la part du Gouvernement.
    Mme Martine David. C'est incroyable !
    M. Gaëtan Gorce. Durant tout le débat, il nous a été reproché de vouloir rendre les choses plus compliquées alors qu'il fallait les simplifier. Or je constate que l'on nous refuse même l'information du Parlement, alors qu'elle ne retardera pas la mise en place de ces contrats puisqu'elle interviendra dans un an. Et je ne crois pas que l'annonce de l'information ultérieure du Parlement soit de nature à dissuader les entreprises et les jeunes d'entrer dans ce dispositif.
    Ce refus est inacceptable. Il prouve qu'il n'y a aucune transparence dans la mise en place de ce dispositif, ce que nous regrettons. Puisque nous ne pourrons pas en faire le bilan social, nous en ferons le bilan politique. Nous vous donnons donc rendez-vous dans les mois qui viennent pour juger votre politique de l'emploi. Je crains malheureusement que ce rendez-vous soit difficile pour vous.
    M. Jean Marsaudon. Notre bilan sera au moins aussi bon que le vôtre !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - L'article L. 351-14 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Du fait de l'aménagement de leurs conditions d'indemnisation prévu au présent article, l'allocation d'assurance versée aux salariés involontairement privés d'emploi relevant des professions de la production cinématographique, de l'audiovisuel ou du spectacle peut, en sus de la contribution prévue à l'article L. 351-3-1, être financée par une contribution spécifique à la charge des employeurs et des salariés relevant de ces professions, assise sur la rémunération brute dans la limite d'un plafond, dans des conditions fixées par l'accord prévu à l'article L. 351-8. Ces dispositions sont applicables aux avenants aux annexes VIII et X au règlement annexé à la convention relative à l'assurance chômage du 1er janvier 1997 signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-311 du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. »
    La parole est à M. Patrick Bloche, inscrit sur l'article.
    M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, le 17 juillet dernier, dans la soirée, au Sénat, au motif de l'urgence, vous avez fait voter un amendement à votre projet de loi qui en est devenu l'article 3. Et tant pis si, le matin même, au conseil supérieur de l'emploi, deux syndicats particulièrement représentatifs des professions du spectacle, FO et la CGT, avaient fait valoir leur droit d'opposition à l'accord conclu le 19 juin, dont la conséquence directe sera le doublement des cotisations chômage des intermittents du spectacle et de leurs employeurs.
    Deux semaines plus tard, l'argument de l'urgence a perdu une bonne part de sa raison d'être. Vous y avez contribué personnellement, monsieur le ministre, en annonçant un report de deux mois dans la mise en oeuvre de cet accord initialement rétroactive au 1er juillet. Votre collègue M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture, a ainsi obtenu de Matignon de préserver sa quiétude festivalière. Nous en sommes très heureux pour lui, mais le cavalier parlementaire subsiste et les conséquences, à terme, de la décision du 19 juin restent entières.
    Cet avenant soumis à votre agrément, loin d'être exemplaire d'un dialogue social constructif, a été signé dans la précipitation, sous la pression du MEDEF qui attendait depuis longtemps un contexte politique lui permettant de porter ce mauvais coup au spectacle vivant. Comment expliquer autrement qu'il n'y ait eu aucune concertation préalable avec les organisations représentatives du secteur, notamment la FESAC, lesquelles avaient pourtant négocié l'accord du 15 juin 2000 que l'UNEDIC a toujours refusé de prendre en compte alors qu'il contenait d'intéréssantes dispositions visant à corriger certains dysfonctionnements nés de la mise en oeuvre des annexes VIII et X ?
    Personne ne conteste que ce régime particulier de l'assurance chômage doit être réformé pour gagner en cohérence et en rigueur, ne serait-ce que pour limiter les abus qui conduisent de grandes entreprises du secteur à profiter de ce régime pour ne pas avoir à employer à temps complet nombre de leurs salariés. Nous sommes donc d'accord pour sauver ce régime, monsieur le ministre, en supprimant les dérives qui dénaturent le système des 507 heures et en faisant confiance pour cela aux organisations représentatives du secteur, mais pas comme vous nous le proposez en mettant aussi gravement en cause le principe de la solidarité interprofessionnelle qui régit l'UNEDIC, pas en rompant l'égalité entre les salariés de droit commun et les salariés intermittents du spectacle.
    La modification du code du travail, portée par l'article 3, en permettant une différenciation au sein de l'UNEDIC - c'est le problème des cotisations des diverses branches professionnelles -, traduit en fait la volonté du MEDEF de balkaniser progressivement l'assurance chômage. Cela n'est pas acceptable.
    Ainsi, loin de préserver les annexes VIII et X, la porte ouverte par l'article 3 risque plutôt de les condamner à terme : soit nous assisterons à la dissolution des annexes VIII et X dans l'annexe IV qui concerne les intérimaires dont le régime est déjà structurellement déficitaire, ce qui serait pour le moins paradoxal ; soit, et cette deuxième hypothèse nous paraît plus sérieuse, l'abandon progressif du régime particulier aboutira en fait à remettre en cause le statut de salarié de nombre de travailleurs du secteur culturel. La logique du contrat commercial ou de la prestation de service pourrait ainsi peu à peu supplanter la présomption de salariat garantie par l'article L. 762-1 du code du travail.
    En prenant l'initiative, à l'invitation de notre collègue Jean Le Garrec, de la discussion puis de l'adoption du texte devenu la loi du 5 mars 2002, nous avions eu pour seul objectif de combler un vide juridique afin de sécuriser les intermittents du spectacle. En nous demandant aujourd'hui de donner une base légale à l'agrément de l'accord du 19 juin, vous contribuez à les insécuriser ainsi que leurs employeurs.
    C'est avec un curieux esprit de solidarité gouvernementale à l'égard de votre collègue chargé de la culture, dont le budget est d'ordinaire si malmené par Bercy, que vous avez, lors du débat au Sénat, approuvé de façon étonnante un élu de votre majorité qui suggérait tout simplement que l'Etat accorde des subventions supplémentaires pour combler le déficit des entreprises du spectacle vivant né du doublement de ces cotisations.
    Jean-Jacques Aillagon s'étant déclaré « ministre des artistes », craignons qu'avec une telle mesure il ne devienne bientôt un ministre sans artiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour sauvegarder le régime des intermittents du spectacle mais aussi le « ministre des artistes », le groupe socialiste a déposé un amendement de suppression de cet article 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, la décision des partenaires sociaux de relever les cotisations est naturellement impopulaire. Cependant, je pense que les professionnels du secteur, tant les employeurs que les intermittents eux-mêmes, mesurent le risque que leur ferait courir l'inaction dans ce domaine.
    M. Bloche vient de parler de solidarité. A cet égard, je rappelle que le rapport entre les prestations et les cotisations pour les intermittents du spectacle, est de 837 %, ce qui revient à dire que, pour 1 euro payé par les intermittents, plus de 8 euros sont déboursés en indemnités. Cela signifie que 7 euros sont payés par les autres catégories de salariés. La solidarité interprofessionnelle permet de supporter ce déséquilibre, mais la persistance de cette solidarité sera renforcée par la bonne volonté de tous à le réduire.
    Après l'entrée en vigueur de l'avenant signé le 19 juin par les partenaires sociaux, le rapport entre les prestations et les cotisations sera ramené à 420 %. Il existera certes encore un déficit considérable, mais on peut penser que cet avenant marquera la volonté des partenaires sociaux. Or il est très important de maintenir le régime des intermittents et la solidarité des autres catégories de salariés.
    Sans cela, que croyez-vous qu'il se passerait ? Les partenaires sociaux se verraient désavoués dans une réforme difficile et cette situation remettrait en cause non seulement l'avenant concernant les intermittents, mais tout le compromis négocié pour sortir l'UNEDIC de l'impasse financière dans laquelle elle se trouve et qu'on évalue aujourd'hui à plus de 3 milliards d'euros. Cela mettrait évidemment aussi en cause la crédibilité de l'Etat à tenir le cap lorsqu'il y a des difficultés.
    Comment expliquer aux partenaires sociaux que nous souhaitons une relation de confiance avec eux si, lorsqu'ils ont le courage de prendre une décision comme celle-ci, le Gouvernement ne les suit pas ? Cela serait tout aussi mauvais pour l'Etat qui paraîtrait trop soumis à l'influence de quelques lobbies à la vue courte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et voudrait dire qu'il n'accepte pas de s'en remettre à la négociation.
    Je parle de lobbies à la vue courte parce que c'est l'avenir du système des intermittents qui est en cause en raison de l'inaction qui a prévalu, en particulier de votre part, dans ce domaine difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il s'agit d'une question de principe. Acceptons-nous le paritarisme et acceptons-nous de faire confiance aux partenaires sociaux lorsqu'ils prennent des décisions valables ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. C'est une minorité qui a signé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame, vous avez gouverné ce pays pendant cinq ans. Avez-vous eu la moindre intention de changer le système de validation des accords ? Jamais ! Alors, je vous en prie ! Nous, nous allons sans doute le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Néri. Un peu de modestie !
    Mme Martine David. Démagogie !
    M. le président. Monsieur Néri !
    M. Alain Néri. C'est insupportable !
    M. Michel Françaix. Il fait de la provocation !
    Mme Martine David. C'est de la suffisance insupportable.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vais conclure en traitant de deux points techniques.
    D'abord, une surcotisation est juridiquement possible parce que les conditions d'indemnisation des intermittents sont beaucoup plus favorables que celles du droit commun.
    Quant à la date à laquelle prendrait effet la surcotisation, le texte de l'avenant prévoit le 1er juillet et rien n'autorise un tiers, pas même le Gouvernement, à la modifier. Toutefois, la souveraineté nationale a la possibilité de fixer la date d'entrée en vigueur d'une loi. Or je crois savoir que les partenaires sociaux ont estimé qu'il était nécessaire d'éviter une rétroactivité nuisible aux festivals d'été. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement acceptera l'amendement du rapporteur qui propose la date du 1er septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 5, 20 et 91.
    L'amendement n° 5 est présenté par MM. Gremetz, Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 20 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 91 est présenté par M. Gorce et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 3. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 5.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, il faut parler clair ! Vous venez d'affirmer qu'il n'y avait jamais eu de propositions et de réflexions sur la façon de valider les accords. Or nous sommes fréquemment intervenus sur ce sujet pour que l'on applique le principe élémentaire de la démocratie qui voudrait que l'on n'accepte que les accords signés par des organisations majoritaires.
    M. Pierre Lequiller. Qui « nous » ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je m'adressais à l'ensemble de l'opposition !
    M. Maxime Gremetz. D'accord mais, excusez-moi, je vous ai déjà dit qu'il s'agissait d'un ensemble différencié. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est la réalité !
    Cette question est donc toujours à l'ordre du jour et vous avez déclaré vous-même que vous étiez prêt à en traiter.
    En l'occurrence, le problème tient au fait que l'accord en cause n'a été signé que par des syndicats représentant une minorité de salariés. De plus, les syndicats majoritaires - Force ouvrière et la CGT pour les intermittents du spectacle - ont fait jouer leur droit d'opposition, conformément au code du travail. Et vous nous proposez non pas que le Gouvernement intervienne mais que le Parlement décide !
    Laissons plutôt les acteurs sociaux continuer les discussions, d'autant qu'une table ronde était prévue. Je rappelle d'ailleurs - comme je l'ai fait hier -, puisqu'on a l'air de l'oublier, que la FESAC et tous les syndicats étaient parvenus à un accord que l'UNEDIC n'a jamais voulu examiner.
    Nous ne serions pas dans cette situation si cette base d'accord qui date de juin 2000 avait été utilisée. Ce n'est pas la faute des intermittents du spectacle ni d'ailleurs des gens qui organisent des spectacles si l'UNEDIC n'a pas voulu l'examiner.
    Je m'interdis d'intervenir dans un dialogue social qui est en cours puisqu'une table ronde va avoir lieu.
    M. Yves Bur. C'est nouveau ça !
    M. Maxime Gremetz. Si on prend une décision maintenant, alors c'est du dirigisme, c'est de l'étatisme, et moi je refuse l'étatisme. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. L'étatisme, M. Gremetz connaît !
    M. Maxime Gremetz. Je suis pour le dialogue, la concertation et la décision collective.
    M. Yves Bur. Comme pour les 35 heures ! Comme pour la loi de modernisation sociale !
    M. Maxime Gremetz. C'est pourquoi il faut supprimer cet article 3 qui est, je le dis pour les nouveaux collègues, qui ne s'en sont peut-être pas rendu compte, un cavalier parlementaire. Je ne dis pas une cavalière mais bien un cavalier.
    M. le président. Vous voulez parler d'une disposition sans aucun rapport avec la loi.
    M. Maxime Gremetz. Voilà ! Cela n'a aucun rapport avec la loi. C'est pourquoi nous disons qu'il faut le retirer du texte. D'abord, parce que c'est un cavalier et ensuite, parce qu'il est très mauvais.
    M. le président. C'est ce que vous dites !
    Avant de donner la parole à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 20, je vous indique, mes chers collègues, que, sur le vote des amendements n°s 5, 20 et 91 tendant à supprimer l'article 3, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. Maxime Gremetz. Il faut supprimer cet article parce que c'est un cavalier !
    M. le président. Vous êtes très fort pour les cavaliers, monsieur Gremetz !
    M. André Schneider. M. Gremetz va gagner le tiercé !
    M. le président. Madame Billard, vous avez la parole.
    Mme Martine Billard. Je rassure d'abord mon collègue Maxime Gremetz : même pour une nouvelle députée, il est très difficile de ne pas se rendre compte que cet article 3 est un cavalier, et même un cavalier assez immense.
    Qu'une réforme soit nécessaire, cela semble évident. Qu'il y ait eu des abus, personne n'en doute. Qu'il y ait un problème quant au rapport entre les indemnités et les cotisations, c'est clair. Mais pourquoi cette précipitation ? Le problème aurait dû être résolu depuis quelque temps, certes, mais comme l'a dit mon collègue Maxime Gremetz, des propositions ont été faites. Dans cette histoire, si la solution n'a pas été trouvée, c'est plutôt l'UNEDIC qui en est responsable. Et quoi qu'il en soit, il ne convient pas de vouloir aujourd'hui résoudre le problème en urgence. Evidemment, vous avez repoussé les choses au 1er septembre, mais c'est bien normal, vu les manifestations et les hurlements, non seulement des intéressés, mais aussi des élus locaux, lesquels ne voyaient pas comment ils allaient trouver les fonds nécessaires pour faire face tout d'un coup à cette nouvelle charge. Il vous était donc difficile de maintenir la décision au 1er juillet.
    Mais, franchement, il est possible de laisser la négociation aller à son terme. Il vaut mieux repousser cette décision au mois d'octobre plutôt que de prendre aujourd'hui une décision autoritaire qui ne va pas résoudre le problème au fond. Car même une fois cet énorme cavalier voté, le débat devra être rouvert sur le fond. Autant résoudre le problème en une seule fois plutôt que d'avoir à le réexaminer plus tard. C'est aussi pourquoi les trois députés Verts ont déposé cet amendement de suppression de l'article 3.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 91.
    M. Patrick Bloche. Puisque je suis déjà intervenu sur l'article 3, je vais simplement répondre à M. le ministre.
    Sur le dialogue social, monsieur le ministre, ne donnez pas l'impression à notre assemblée que l'accord conclu le 19 juin dernier aurait été refusé par des syndicats qui par habitude, systématiquement, rejettent la logique de négociation collective ! La réalité, c'est que l'accord du 19 juin est refusé par les partenaires sociaux,...
    Mme Martine David. Eh oui !
    M. Patrick Bloche. ... aussi bien du côté syndical - FO et CGT, qui sont les deux organisations les plus représentatives du secteur - que du côté patronal, par la FESAC, qui avait pourtant été mandatée par le MEDEF pour négocier l'accord du 15 juin 2000 visant à réformer en profondeur le régime particulier des intermittents du spectacle.
    Mme Martine David. Tout à fait !
    M. Patrick Bloche. Nous ne saurions vous suivre, monsieur le ministre, dans l'idée que les partenaires sociaux signataires de l'accord de juin dernier auraient fait preuve d'un courage exemplaire. Doubler des cotisations pour combler un déficit, faisant ainsi baisser le pouvoir d'achat des salariés concernés et mettant nombre d'entreprises culturelles en difficulté, c'est plutôt de la facilité. Ce qui est beaucoup plus compliqué, qui demande du temps - et c'était toute la démarche de l'accord du 15 juin 2000 -, c'est une réforme en profondeur du régime particulier des intermittents du spectacle, pour assurer sa pérennité.
    Surtout, ce qui est grave, c'est que ce cavalier parlementaire remet en cause la solidarité interprofessionnelle de l'assurance chômage. Aujourd'hui, ce sont les intermittents du spectacle parce que leur régime particulier est le plus déficitaire, mais demain, ce sont d'autres catégories professionnelles qui seront touchées, et cela, nous ne pouvons l'accepter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a bien sûr repoussé ces amendements de suppression de l'article 3. Comme vient de le dire M. le ministre, il appartient au Gouvernement comme au Parlement, même si la mesure peut paraître...
    Mme Catherine Génisson. Cavalière ! Ce n'est pas seulement un cavalier. C'est aussi cavalier de procéder ainsi !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... impopulaire, de prendre leurs responsabilités. Il convient que le Parlement valide les dispositions des partenaires sociaux. Et j'ajoute que si l'accord sectoriel évoqué par M. Bloche il y a un instant n'a pas été repris au niveau interprofessionnel, c'est justement parce qu'il creusait encore plus le déficit de l'UNEDIC. Les organisations professionnelles et syndicales ont fait preuve d'un esprit de responsabilité, qui est aujourd'hui partagé par le Gouvernement et par le Parlement,...
    M. François Liberti. Pas par les partenaires sociaux en tout cas !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... qui souhaitent que la mesure soit applicable.
    C'est la raison pour laquelle nous repoussons ces amendements. Nous allons examiner dans un instant un autre amendement qui permettra de différer quelque peu l'application du dispositif et qui donnera satisfaction à un grand nombre de parlementaires.
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    M. François Liberti. A bas le cavalier !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements. Et pour que l'information de l'Assemblée soit complète, je citerai les partenaires sociaux qui ont signé cet accord. Il s'agit de la CFDT, de la CGC, de la CTFC, de l'UPA, de la CGPME et du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ça ne veut rien dire !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 5, 20 et 91.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   251
Nombre de suffrages exprimés   251
Majorité absolue   126
Pour l'adoption   51
Contre   200

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Maxime Gremetz. On va avoir les noms !
    M. le président. L'amendement n° 32 de M. Hénart est retiré.
    M. Perrut, rapporteur, a présenté un amendement, n° 95, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 3 par l'alinéa suivant :
    « La contribution spécifique mentionnée au deuxième alinéa est applicable à compter du 1er septembre 2002. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Cet amendement fait suite aux réflexions que nombre d'entre vous ont pu exprimer lors de la réunion de la commission des affaires sociales ou dans d'autres enceintes.
    On sait effectivement combien les mois de juillet et d'août sont importants pour l'activité culturelle, avec les festivals et les manifestations qui animent nos villes et nos villages. L'application de la mesure que nous venons d'adopter aurait pu avoir quelques conséquences brutales pour les organisateurs et pour les collectivités locales qui, pendant cette période, connnaissent un surcroît d'activité.
    C'est la raison pour laquelle M. le ministre a été très attentif à la demande des parlementaires qui ont fait remonter jusqu'à lui l'inquiétude qu'ils ont constatée sur le terrain. Avec son accord, nous avons donc déposé cet amendement qui consiste à reporter la contribution spécifique mentionnée par l'article 3 en la rendant applicable à compter du 1er septembre 2002 au lieu du 1er juillet 2002.
    M. Jacques Desallangre. C'est l'amendement « bonnes vacances » !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Nous ne voterons pas contre cet amendement qui améliore le projet de loi tel qu'il nous a été transmis par le Sénat.
    M. Edouard Landrain. Ah, quand même !
    M. Patrick Bloche. Nous nous abstiendrons néanmoins. Car c'est une faible compensation qui est ici apportée, soit par le Gouvernement, soit par la commission - mais plutôt, a priori, après un arbitrage du Premier ministre. Le 1er septembre, c'est dans un mois. Sincèrement, par rapport à des budgets établis par les entreprises culturelles sur la durée d'une année et, quand on sait, en outre, ce que sont les procédures de subventionnements éventuels, ce n'est pas sérieux. Si le Gouvernement voulait faire un geste sur le calendrier et montrer un peu plus de souplesse par rapport à ce mauvais accord - et je regrette une nouvelle fois qu'il ait joué le MEDEF contre la FESAC, contre les entrepreneurs du spectacle -, il aurait pu au moins attendre le 1er janvier 2003.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.
    M. Patrick Bloche. Abstention du groupe socialiste !
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 95.
    (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3

    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 37, 34 rectifié et 65, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 37, présenté par MM. Préel, de Courson et Martin (Marne) est ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « I. - Le 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les emplois donnant lieu à la conclusion du contrat de travail visé à l'article L. 122-3-18 ont un caractère saisonnier.
    « II. - L'article L. 122-3-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les dispositions de l'article L. 122-3-15 ne s'appliquent pas à ce contrat. »
    « III. - L'article L. 122-3-20 du même code est ainsi rédigé :
    « Art. L. 122-3-20. - Les salariés en congés payés et les personnes mentionnées à l'article L. 324-1 peuvent bénéficier du contrat visé à l'article L. 122-3-18.
    « Les dispositions de l'article L. 351-20 s'appliquent aux demandeurs d'emploi recrutés dans le cadre du contrat visé à l'article L. 122-3-18. »
    « IV. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 741-16 du code rural, après les mots : "travailleurs occasionnels, sont insérés les mots : "ou des demandeurs d'emploi mentionnés au premier alinéa.
    « V. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    Les amendements n°s 34 rectifié et 65 sont identiques.
    L'amendement n° 34 rectifié est présenté par M. Perrut, rapporteur, Mmes Marland-Militello, Bourragué, Morano, MM. Anciaux, Préel, Jacquat, Salles, Hamelin, Martin (Marne), Mme Vautrin et M. de Courson ; l'amendement n° 65 est présenté par M. Taugourdeau.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « I. - Le 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les emplois donnant lieu à la conclusion du contrat de travail visé à l'article L. 122-3-18 ont un caractère saisonnier.
    « II. - L'article L. 122-3-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les dispositions de l'article L. 122-3-15 ne s'appliquent pas à ce contrat. »
    « III. - L'article L. 122-3-20 du même code est ainsi rédigé :
    « Art. L. 122-3-20. - Les salariés en congés payés et les personnes mentionnées à l'article L. 324-1 peuvent bénéficier du contrat visé à l'article L. 122-3-18. »
    « IV. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 741-16 du code rural, après les mots : "travailleurs occasionnels, sont insérés les mots : "ou des demandeurs d'emploi mentionnés au premier alinéa.
    « V. - La perte de recettes pour les régimes de sécurité sociale est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 37.
    M. Charles de Courson. L'année dernière, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'avais déposé, avec un certain nombre de collègues, un amendement tendant à créer un contrat vendanges, nouveau contrat de travail à caractère saisonnier exonéré de toute cotisation sociale salariés, et à supprimer toutes les règles qui interdisaient aux salariés, tant du privé que du public, de participer aux travaux de vendanges pendant leurs congés payés. Cet amendement avait quatre objectifs : lutter contre la mécanisation accélérée des travaux de vendanges et donc contre la disparition de ces emplois ; lutter contre le travail au noir et le marchandage ; lutter contre la délinquance liée à l'arrivée massive de gens du voyage et de travailleurs immigrés que l'on ne manquait pas de provoquer à force d'interdire aux gens du secteur de venir travailler ; et plus largement, encourager le travail.
    Cet amendement, c'est quand même assez rare pour le signaler, avait été adopté à l'unanimité de l'Assemblée nationale, à une exception, celle de M. Evin, et ce malgré l'opposition du Gouvernement représenté alors par Mme Guigou, ici présente.
    Six mois plus tard, certains services du ministère du travail et certains dirigeants nationaux de la CCMSA, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, ont soulevé toute une série d'objections pour empêcher la mise en oeuvre de ce contrat vendanges voté à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat. Heureusement, le nouveau ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard, est intervenu pour élaborer un projet de circulaire qui rappellera que le contrat vendanges est bien un contrat saisonnier et non pas un contrat à durée déterminée - parce que si c'était un contrat à durée déterminée, il n'aurait aucun intérêt, et ce n'est pas du tout ce qu'a voulu le Parlement. Les services du ministère se sont emparés d'une erreur de report au Journal officiel de l'amendement que nous avions adopté pour expliquer qu'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée et non pas d'un contrat saisonnier. Il faut le faire !
    Deuxièmement, il faut que les demandeurs d'emplois soient également bénéficiaires de ce contrat. Car nous avions bien rappelé que, puisque cette mesure visait à encourager le travail, il convenait que les règles de cumul de droit commun leur soient appliquées - certains avaient même voulu supprimer ces règles de cumul pour encourager davantage le travail.
    Enfin, une seule personne doit pouvoir conclure deux contrats successifs avec le même employeur pourvu que chacun d'entre eux soit inférieur à un mois.
    Cet amendement, monsieur le ministre, est un amendement d'appel, presque identique à l'amendement n° 34 rectifié de la commission. Il n'y a qu'une toute petite différence concernant le problème du cumul des indemnités de chômage avec les rénumérations des vendangeurs. Mais enfin on pourrait fusionner ces deux amendements, si vous le souhaitez.
    C'est donc un amendement d'appel, disais-je, que nous sommes susceptibbles de retirer en fonction de votre réponse, dont nous ne doutons pas qu'elle nous donne satisfaction.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 34 rectifié.
    M. Bernard Perrut, rapporteur. L'amendement n° 34 rectifié a le même esprit que celui de M. de Courson.
    Il s'agit là d'un sujet particulièrement important, sensible dans nombre de régions viticoles.
    M. Yves Nicolin. Tout à fait !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Il y a quelques mois, chacun s'en rappelle, nous avons ici même voté, quelle que soit d'ailleurs la place que nous occupions sur ces bancs, une disposition importante reconnaissant cette particularité du contrat vendanges, contrat saisonnier.
    Aujourd'hui, il est important que M. le ministre puisse nous confirmer toute la validité de cette reconnaissance du contrat saisonnier, qui entraîne un certain nombre de dispositions relatives aux charges sociales ou encore à l'activité possible des salariés en congés payés ou des fonctionnaires, ainsi que d'autres dispositions qui s'ensuivent.
    La différence entre cet amendement et l'amendement n° 37 est une différence mineure puisque l'amendement de M. de Courson ajoute en deux lignes une disposition qui existe déjà dans le code du travail, je veux parler de celle qui concerne le cumul des indemnités de chômage des salariés avec la rénumération du fait des vendanges. Je demanderai à l'ensemble de nos collègues que l'Assemblée s'en tienne à l'amendement de la commission qui peut nous réunir tous. L'ensemble des parlementaires signataires des autres amendements peuvent se retrouver dans cet amendement de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l'amendement n° 65.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Je retire mon amendement et me rallie à celui de la commission.
    M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 37 et 34 rectifié ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces amendements ont pour objet de préciser la nature du contrat vendanges créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et ils assimilent explicitement le contrat vendanges à un contrat saisonnier. Le Gouvernement est d'avis que cette précision est inutile.
    Pour les emplois saisonniers, la loi prévoit simplement, c'est le bon sens, qu'un employeur peut recourir à un contrat à durée déterminée avec certaines facilités par rapport aux autres cas de recours au CDD - pas de versement de la prime de précarité, en particulier. Dès lors, comment imaginer que le contrat dit vendanges ne serait pas un contrat saisonnier ?
    Il est vrai, monsieur de Courson, qu'une regrettable erreur dans la publication au Journal officiel a pu être source de confusion. Cette erreur va être rectifiée de façon imminente et ne laissera plus aucun doute sur la nature des contrats vendanges.
    M. Jean Marsaudon. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous m'accorderez qu'il ne revient pas au législateur de corriger une erreur de transcription au Journal officiel.
    De la même manière, je voudrais vous préciser que les demandeurs d'emploi peuvent conclure un contrat vendanges et bénéficier des exonérations prévues de cotisations de sécurité sociale. Aucune disposition ne le leur interdisant, je vous confirme que les demandeurs d'emploi peuvent conclure un contrat vendanges.
    Pour toutes ces raisons, je demande à M. de Courson et à la commission de retirer leurs amendements. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître le caractère saisonnier des vendanges et du contrat portant le même nom. Je prends l'engagement devant l'Assemblée que l'erreur de transcription au Journal officiel sera rapidement corrigée et qu'une instruction conjointe avec le ministère de l'agriculture écartera tout doute sur la question. Elle sortira dans les tout prochains jours.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous indique qu'un amendement n° 30 concerne également le contrat vendanges.
    Je suggère de la joindre à la discussion.
    Cet amendement, présenté par MM. Bascou, Mesquida, Madrelle, Alary, Perez et Dupré, est ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « I. - Au début de l'article L. 122-3-19 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le contrat vendanges est conclu en application des dispositions de l'article L. 122-1-1 du présent code auquel s'appliquent, sauf dispositions expresses de la présente sous-section, les dispositions relatives au contrat de travail à caractère saisonnier. »
    « II. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 741-16 du code rural, après les mots "travailleurs occasionnels, sont insérés les mots : "ou des demandeurs d'emploi mentionnés au premier alinéa. »
    « III. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Kléber Mesquida, pour soutenir cet amendement.
    M. Kléber Mesquida. L'amendement n° 30 a le même objet, notamment dans ses deux derniers alinéas, que les amendements précédents et traduit les mêmes préoccupations.
    J'ai bien entendu ce que vous avez dit à propos du contrat vendanges, monsieur le ministre, mais il faut savoir que les administrations locales de la direction de l'emploi en ont des interprétations différentes, ce qui rend difficile l'application de certaines formalités. Il me semble donc que l'amendement n° 30, en précisant que le contrat vendanges entre dans le droit commun du travail saisonnier, est de nature à lever toute ambiguïté.
    De plus, je voudrais souligner que le caractère expérimental de cette mesure permettrait à l'avenir, si celle-ci s'avérait concluante, de l'appliquer à d'autres professions agricoles répondant aux mêmes critères de saisonnalité.
    Nous souhaitons donc que la définition du contrat vendanges soit très explicite et ne fasse référence à aucun article étant donné les diverses interprétations qui en sont données au plan local.
    M. le président. Monsieur de Courson, retirez-vous votre amendement ?
    M. Charles de Courson. Etant donné les réponses fournies par M. le ministre, je suis totalement disposé à le retirer.
    Toutefois, monsieur le ministre, il subsiste deux points sur lesquels vous ne m'avez pas répondu. Le premier concerne les contrats successifs avec le même employeur. En principe, une personne peut signer avec le même employeur deux contrats successifs dans la limite d'un mois chacun, le tout étant plafonné à deux mois ; mais certains prétendent que ce n'est pas conforme à la loi.
    Le deuxième point est relatif au champ d'application de dispositif : il s'agit de savoir si les coopératives peuvent bénéficier de celui-ci ?
    Si vous me répondez de façon positive sur ces deux points, je retirerai mon amendement avec enthousiasme, puisque vous m'aurez donné satisfaction.
    M. le président. Monsieur Perrut, compte tenu de l'explication de M. le ministre, retirez-vous l'amendement n° 34 rectifié, que vous avez présenté au nom de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Je suis prêt à le retirer dans la mesure où M. le ministre nous a assuré de façon claire et certaine que l'instruction serait publiée dans des délais très rapprochés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour nous, ceux-ci doivent être le plus brefs possible,...
    M. Yves Bur. Avant les vendanges !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... car les vendanges sont proches. Dans toutes les régions viticoles françaises, les organisations professionnelles et les organismes sociaux sont en train de mettre en place les dispositifs propres aux vendanges. Nous devons obtenir l'assurance que les textes seront applicables dans les prochains jours, voire avant la fin de la semaine.
    Par ailleurs, nous souhaitons qu'il soit répondu de façon satisfaisante aux questions qu'a posées M. de Courson, car il en va de l'avenir de cette activité économique spécifique, qui a justement besoin du soutien et de l'attention des pouvoirs publics, et ce au plus haut niveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement s'en voudrait de retarder les vendanges ! (Sourires.) Il fera donc en sorte que l'instruction évoquée précédemment soit publiée dans les délais les plus courts. Elle permettra de répondre positivement aux deux questions posées par M. de Courson.
    M. Charles de Courson. Merci, monsieur le ministre. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.
    Monsieur Mesquida, retirez-vous votre amendement ?
    M. Kléber Mesquida. Je souhaite le maintenir, car il a le mérite d'être explicite.
    M. le président. Je m'en doutais. (Sourires.)
    Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 1 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Les contrats d'aides-éducateurs conclus avant le 30 juin 1998, en application des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 du code du travail, peuvent être prolongés jusqu'au 30 juin 2003. L'aide de l'Etat étant maintenue jusqu'au terme de cette période. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement prévoit que les contrats d'aides-éducateurs conclus avant le 30 juin 1998 puissent être prolongés jusqu'au 30 juin 2003, l'aide de l'Etat est maintenue jusqu'au terme de cette période.
    Dans l'éducation nationale, les contrats des jeunes recrutés depuis la date du 16 octobre 1997 et avant le 30 juin 1998 expirent au cours de l'année scolaire 2002-2003, au terme des cinq ans prévus. Afin d'éviter une rupture dans la continuité du service public de l'école, nous proposons donc que ces contrats soient prolongés jusqu'au 30 juin, date des vacances scolaires.
    M. Alain Néri. Quel effort !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a, bien évidemment, adopté cet amendement.
    M. Maxime Gremetz. Unanimement !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous en revenons aux amendements portant article additionnel avant l'article 1er, précédemment réservés.
    J'indique à l'Assemblée que vingt-trois de ces amendements ont été retirés.

Avant l'article 1er
(Amendements précédemment réservés)

    M. le président. M. Christian Paul, M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement n° 42, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les contrats de travail des emplois-jeunes conclus en application des conventions prévues à l'article L. 322-4-18 du code du travail et conformément aux dispositions de l'article L. 322-4-20 du code du travail seront exécutés jusqu'à leurs termes sous réserve du respect par l'employeur des clauses de la convention prévues par décret. »
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Monsieur le ministre, en dépit de l'amendement qui vient d'être adopté, nous avons bien compris depuis hier que vous enterriez le programme des emplois-jeunes. Je remercie d'ailleurs le président Dubernard d'avoir réservé les amendements avant l'article 1er jusqu'à la fin de notre discussion, car cela donne à cet enterrement encore plus de solennité. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous avons bien compris qu'il fallait, pour des raisons partisanes, diaboliser le programme des emplois-jeunes. (« Mais non ! » et exclamations sur les mêmes bancs).
    Nous avons bien entendu dans la bouche de M. Fillon que des questions aussi essentielles pour l'intérêt général que celles de l'environnement, de l'éducation, du soutien scolaire, de la sécurité ou de l'animation des quartiers ne justifiaient pas que des jeunes y consacrent quelques années de leur vie, et ce dans une perspective de professionnalisation. Dont acte !
    M. François Goulard. Quel irénisme !
    M. Christian Paul. Souffrez néanmoins, monsieur le ministre, que nous vous demandions, pour les quelques centaines de milliers de jeunes Français qui sont concernés par ce programme, et ce pendant encore plusieurs années, des garanties fermes et encadrées par la loi. Nous n'avons pas eu sur ce point d'explications suffisantes de votre part ; nous les avons même trouvées quelque peu insuffisantes.
    M. François d'Aubert. Vous n'avez rien garanti de votre côté !
    M. Hervé Novelli. Ils n'ont rien financé non plus !
    M. Christian Paul. Par l'amendement n° 42, nous demandons donc que les contrats de travail signés en vertu du dispositif emplois-jeunes aillent jusqu'à leur terme, sous réserve, bien entendu, du respect par l'employeur de ses obligations.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car elle n'a jamais entendu dire de la part du Gouvernement, et en tout cas de la part du ministre ici présent, que les emplois-jeunes seraient mis en cause avant leur terme.
    M. Patrice Martin-Lalande. Bien sûr !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Par conséquent, nous pouvons considérer que cet amendement n'a pas d'objet.
    M. François Goulard. Tout à fait !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Il revient à M. le ministre de s'exprimer sur ce sujet et de nous confirmer les assurances qu'il nous a données en ce domaine.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 42 ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je confirme à l'Assemblée nationale que le Gouvernement considère qu'il est raisonnable d'arrêter la création de nouveaux postes. Il faut, mesdames, messieurs les députés, savoir ce que l'on veut. Veut-on créer une sorte de fonction publique bis, sans statut (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), composée de jeunes en situation de précarité sans perspective professionnelle précise ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Tel n'est pas le point de vue du Gouvernement.
    Nous comprenons que la majorité précédente ait voulu utiliser cette possibilité pour lutter contre le chômage des jeunes pendant une période difficile.
    M. Pierre Lellouche. Elle a échoué !
    Mme Martine David. Vous avez largement utilisé cette possibilité !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Aujourd'hui, nous tirons les enseignements de ce dispositif et nous allons en organiser la sortie en bon ordre.
    Deuxièmement, et cela devrait rassurer le groupe socialiste, nous assumerons - je m'y engage, ici, devant vous - les engagements de l'Etat à l'égard des titulaires d'emplois-jeunes actuellement en poste. Leurs contrats iront à leur terme. Le budget de l'Etat pour 2003 sera calculé en conséquence, ce qui retire à Mme Guigou l'argument un peu facile qu'elle à utilisé hier...
    Mme Elisabeth Guigou. On verra !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et qui vise à faire croire à l'opinion publique que, pour financer la baisse de l'impôt sur le revenu, nous allions supprimer les emplois-jeunes. En fait, nous allons inscrire 3 milliards d'euros en 2003 pour permettre de financer les engagements qui ont été pris.
    M. Jean-Marie Le Guen. Et combien de jeunes vont s'inscrire à l'ANPE ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Troisièmement, pour éviter des ruptures brutales, nous soutiendrons les associations dont les emplois-jeunes arrivent au terme des cinq ans, par une aide dégressive sur trois ans lorsque l'activité en cause correspond à un impératif d'intérêt public.
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    Mme Martine David. Qui décidera de l'impératif ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, nous allons conduire avec les collectivités locales une réflexion globale sur les moyens de la vie associative.
    Mesdames, messieurs les députés, je souhaite qu'à propos des emplois-jeunes, on fasse prévaloir plus de responsabilité, responsabilité dans l'usage des fonds publics et responsabilité à l'égard des jeunes et des associations. Nous trouverons ensemble, avec la majorité, les solutions qui permettront, notamment aux associations, de continuer à oeuvrer pour le bien public, comme elles le font aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. J'observe que nous devons effectivement arracher pas à pas au Gouvernement des explications (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) quant à ses intentions sur les emplois-jeunes et que nos démarches de ce point de vue sont utiles.
    C'est aussi la raison pour laquelle le groupe socialiste demandera un scrutin public sur l'amendement n° 53.
    Winston Churchill disait : « Lorsqu'on doit tuer quelqu'un, faisons-le au moins courtoisement ! » Puisque vous voulez tuer les emplois-jeunes, faites-le au moins dans les formes ! Mais, c'est vrai, Fillon n'est pas Winston ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Ainsi que vient de l'indiquer M. Gorce, le groupe socialiste a, sur le vote de l'amendement n° 53, demandé un scrutin public.
    Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Auparavant, je suis saisi d'un amendement n° 55, présenté par M. Christian Paul, M. Gorce et les membres du groupe socialiste.
    Cet amendement est ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les aides attribuées par l'Etat en application des conventions signées prévues à l'article L. 322-4-18 du code du travail qui ont pour objet de permettre l'accès à l'emploi de jeunes âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans, lors de leur embauche par une association, continueront d'être versées jusqu'au terme de la durée de l'aide initialement prévue à compter de la création du poste de travail, sous réserve du respect par l'employeur des clauses de la convention prévues par décret. »
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Malgré les engagements que prend le ministre, nous savons qu'il lui sera difficile de les tenir car il sera chaque année soumis à de nombreuses tentations. Cet amendement vise donc à réaffirmer l'engagement financier de l'Etat quant au maintien, jusqu'à son terme, de l'aide de l'Etat pour les emplois-jeunes dont les contrats viennent seulement d'être conclus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. L'avis de la commission relève du même esprit que celui qu'elle a donné sur l'amendement précédent. Si les contrats existent jusqu'à leur terme pour ceux existants, c'est bien que les aides existent aussi jusqu'à leur terme pour ceux existants.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que celui de la commission.
    M. Yves Bur. Quelle suspicion de la part de la gauche !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Christian Paul, M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement n° 53, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Afin de consolider les postes de travail créés par les organismes de droit privé à but non lucratif dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 322-4-18 du code du travail, ces conventions peuvent faire l'objet d'avenants prévoyant, au cours d'une durée additionnelle de trente-six mois, le versement d'une partie de l'aide initialement prévue ainsi que l'octroi d'une prime de consolidation du poste de travail dont le montant est fixé par décret. »
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. C'est l'amendement de la dernière chance ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Bur. Pour qui ?
    M. Christian Paul. Il s'agit, par cet amendement, de garantir la consolidation des emplois-jeunes pour les associations. Je demande à tous les députés de la majorité qui ont souvent favorisé dans leur département ou dans leur circonscription la création de ces emplois-jeunes par les associations d'y réfléchir à deux fois avant de repousser cet amendement, étant donné les conséquences qui ne manqueraient pas de découler d'un tel vote - mais je crains qu'ils ne le fassent compte tenu de leur attitude sur les deux premiers amendements que j'ai présentés. En effet, l'absence d'effort durable de l'Etat empêcherait auxdites associations de pérenniser ces emplois.
    L'amendement vise donc à garantir la consolidation qui avait été prévue par le décret d'octobre 1997 pour une durée additionnelle de trente-six mois dans les organismes privés à but non lucratif, c'est-à-dire dans les associations.
    Le Gouvernement est-il prêt, au-delà des promesses extrêmement floues que M. Fillon vient de condescendre à donner à l'Assemblée nationale, à donner des assurances précises en ce sens ?
    M. Yves Bur. Que vous faut-il encore ?
    M. Christian Paul. Le Gouvernement précédent et Mme Guigou avaient, quant à eux, pris des engagements fermes et précis en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Bur. Non, car cela ne l'engageait pas !
    M. Christian Paul. Le Gouvernement actuel et la majorité doivent prendre leurs responsabilités sur ce point.
    M. Jean-Marc Nudant. Ils le feront !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 53 ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.
    L'objectif, monsieur Paul, n'est pas de subventionner des emplois à vie. Vous voudriez faire porter sur la nouvelle majorité la responsabilité d'un dispositif que vous avez vous-même mis en place. C'est une grande erreur car les Françaises et les Français sauront juger votre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Marsaudon. Ils ont déjà jugé !
    M. Alain Néri. Et la continuité de la République ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. Pour notre part, nous considérons que cet amendement est inutile. Le ministre a affirmé, il y a quelques instants, de manière très claire...
    M. Christian Paul. Il n'a rien dit !
    M. Hervé Novelli. Vous êtes sourd, monsieur Paul !
    M. Jean Marsaudon. Et de mauvaise foi !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... non seulement que les emplois-jeunes existants seront maintenus, mais aussi - et nous sommes d'accord avec lui - que, pour certains types d'emplois, en particulier ceux indispensables à certaines associations,...
    Mme Martine David. Quels emplois, et qui décidera ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... les aides pourront être maintenues soit pour une durée de trois ans, soit de manière dégressive, de façon à éviter une rupture totale et définitive.
    Je crois que nous pouvons faire confiance au ministre...
    M. Alain Néri. Non !
    M. Bernard Perrut, rapporteur. ... car il sait prendre ses responsabilités. En outre, dans le domaine de l'emploi des jeunes, nous n'avons pas de leçons à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que celui de la commission.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est la société de confiance !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 53.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   269
Nombre de suffrages exprimés   267
Majorité absolue   134
Pour l'approbation   50
Contre   217

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Christian Paul, M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 54, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les jeunes titulaires d'un contrat de travail conclu en application des conventions prévues à l'article L. 322-4-18 du code du travail bénéficieront de la validation des acquis de l'expérience. »
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Dans le même esprit, et sans grand espoir d'être entendu par la majorité, je vais défendre l'amendement n° 54, qui a pour objet d'affirmer que les jeunes bénéficiaires du dispositif emplois-jeunes pourront profiter de la validation de leurs acquis professionnels pour intégrer un nouvel emploi.
    M. Jean-Claude Lenoir. Il fallait y penser plus tôt !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 54 ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement parce qu'il existe déjà une règle générale selon laquelle, au bout de trois ans, chaque personne ayant une activité peut bénéficier de la validation des acquis de son expérience. Il n'y a pas lieu de prévoir une telle disposition dans ce projet de loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'ensemble du débat qui s'est déroulé ces deux derniers jours est résumé par cet amendement : il n'y avait pas, dans le dispositif emplois-jeunes, d'obligation de formation et de validation des acquis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui, ils ont la mémoire courte !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Christian Paul et M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les conventions mentionnées à l'article L. 322-4-18 du code du travail comportant notamment les conditions de la pérennisation des activités et les dispositions de nature à assurer la professionnalisation des emplois, ne peuvent être résiliées qu'en cas de non-respect par l'employeur des clauses de la convention notamment en cas de fausses déclarations ou lorsque la convention est détournée de son objet. »
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. L'amendement n° 52 est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Perrut, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car il remet en cause les règles relatives aux conventions qui sont passées entre l'employeur et l'Etat.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Encore !
    Mme Martine David. Quelle intolérance !
    M. le président. Monsieur Gorce, vous avez la parole.
    M. Gaëtan Gorce. Les propos lénifiants tenus par M. Raffarin lors de sa déclaration de politique générale n'avaient pour but que de nous rassurer. Vous, monsieur le ministre, dans votre intervention liminaire comme au cours du débat, vous n'avez pas hésité au contraire à afficher clairement la couleur.
    Un député du groupe socialiste. Absolument !
    M. Gaëtan Gorce. Chacun a compris que le projet que vous nous présentez n'est pas seulement lié à l'urgence qu'il y a à s'occuper du chômage des jeunes, mais qu'il a aussi, et peut-être d'abord, pour objet d'affirmer une orientation idéologique.
    Vous avez fait référence au libéralisme social. A l'usage, comme toujours, nous avons observé qu'il y a beaucoup de libéralisme dans le social tel que vous le concevez, mais peu de social dans votre libéralisme.
    M. Alain Néri. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Comme si vous vouliez presque exclusivement faire porter vos coups et vos attaques contre la gauche - ça ne serait pas très grave - mais surtout contre les avancées sociales qui ont été réalisées entre 1997 et 2002. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Pélissard. Et quel en est le résultat ?
    M. Gaëtan Gorce. Tous vos propos montrent que vous vous êtes livrés à une véritable déclaration de guerre contre les lois sociales votées durant cette période. Au reste, les applaudissements les plus nourris des membres de la majorité ont eu lieu lorsque vous vous êtes livrés à une attaque en règle non seulement contre la réduction du temps de travail - mais cela les fait toujours beaucoup réagir la majorité - mais aussi contre les emplois-jeunes, lesquels ont été qualifiés par des responsables de cette majorité de « domesticité subventionnée » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Patrick Bloche. Scandaleux !
    M. Gaëtan Gorce. ... et contre « toute forme de parasitisme social » - cela figure au Journal officiel et chacun pourra s'y référer.
    Je vous donne rendez-vous d'ici à quelques mois, mesdames et messieurs, lorsque vous serez confrontés, dans vos communes, avec vos associations, non pas seulement au problème du renouvellement des emplois-jeunes, mais aussi à celui du maintien des services et des activités d'intérêt général qu'ils assurent aujourd'hui à la satisfaction de tous. Et là, vous ne pourrez plus dire que c'est la faute à la gauche !
    Aujourd'hui, vous vivez le temps béni pendant lequel vous pouvez lancer des anathèmes. Bientôt viendra le temps où il faudra que vous assumiez vos décisions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Absolument !
    M. Yves Bur. Et on continuera !
    M. Gaëtan Gorce. A cette déclaration de guerre, vous avez ajouté, dans le droit-fil, une revendication sans fard, une revendication finalement pleine de franchise. Dans un discours de droite et qui se revendiquait comme tel (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Alain Néri. Réac !
    M. Gaëtan Gorce. ... vous vous êtes attaqué à la réduction du temps de travail. Non pas au nom de l'efficacité économique ou de l'emploi, mais parce qu'elle mettrait en cause je reprends vos termes les valeurs traditionnelles, parce qu'elle encouragerait, par extension, la paresse, tout du moins parce qu'elle découragerait le travail.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Il est paradoxal de dire que la réduction du temps de travail, qui a créé tant d'emplois (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
     Tout à fait ! (Mêmes mouvements.)
    M. François Brottes. C'est vrai !
    M. le président. Laissez M. Gorce parler !
    M. Gaëtan Gorce. Ce n'est pas parce que votre candidat a recueilli 19 % des suffrages à la présidentielle que vous avez raison à 100 % ! (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Laissez M. Gorce s'exprimer ! Dans un instant, deux orateurs, l'un pour l'UDF, l'autre pour l'UMP, pourront s'exprimer, et j'espère que l'opposition fera, elle aussi, preuve de calme.
    M. Gaëtan Gorce. Ce n'est pas, je le répète, au nom de l'efficacité économique, et donc de l'emploi, que les 35 heures ont été contestées. Non, vous les critiquez précisément au nom des valeurs du travail, ce qui me semble pour le moins paradoxal quand on sait que la réduction du temps de travail a créé tant d'emplois (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et qu'elle a plus contribué au progrès du travail que l'action des gouvernements auxquels vous avez participé, monsieur Fillon, entre 1993 et 1997.
    Mais peut-être ce paradoxe est-il pour la majorité un article de foi ? Au fond, lorsque vous nous parlez de travail, vous songez non pas droit du travail mais liberté du travail, liberté entre employeur et salarié, liberté qui ne garantit aucunement que les partenaires sociaux ou l'Etat assureront un équilibre des droits dans un esprit de solidarité et de progrès économique mais aussi de progrès social.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est l'esclavage !
    M. Gaëtan Gorce. Lorsque vous parlez des bas salaires, la manoeuvre est la même. Aujourd'hui, vous vous présentez en héros de la revendication salariale. Le paradoxe est grand quand on sait comment le pouvoir d'achat des salariés a progressé entre 1993 et 1997. Vous vous retranchez derrière le SMIC et les 35 heures. Mais, en réalité, que revendiquez-vous ? La hausse des heures supplémentaires. Comme si les heures supplémentaires étaient un élément normal du salaire, comme si elles devaient servir à suppléer à l'augmentation des salaires.
    M. Jean-Claude Lenoir. Demandez aux salariés !
    M. Gaëtan Gorce. Que comptez-vous faire avec le mécanisme de la durée légale du travail ?
    Dans le même esprit, vous refusez ce qui paraissait pourtant être le minimum à beaucoup, y compris sur les bancs de la majorité : la simple mention de la formation et de l'accès à la qualification. L'idée même que la loi puisse y faire référence, l'idée même que les partenaires sociaux puissent être amenés à négocier parallèlement à la mise en place de ce dispositif vous paraissait encore trop hardie. Comme si le principe d'une norme sociale légale ou conventionnelle ne figurait désormais plus que parmi les éléments à rejeter de la politique que vous voulez conduire.
    Et tout cela, vous le faites au nom de la simplification. Mais, de la simplification à la déréglementation que nous avons connue, il n'y a qu'un pas qu'à l'évidence vous franchirez.
    De la même manière, vous ne voulez pas lier les baisses de cotisations à des contreparties telles que celles que nous avons annoncées. Comme si le droit de l'Etat devait s'arrêter aux portes de l'entreprise mais pas l'argent de l'Etat, que vous allez distribuer à travers ces aides.
    Monsieur le ministre, à travers la philosophie qui anime ce gouvernement, j'ai ce sentiment que vous enterrez non seulement les emplois-jeunes, comme vient de l'annoncer mon collègue Christian Paul, mais aussi, d'une certaine manière, la référence qui était la vôtre au gaullisme social. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. Pas vous !
    M. le président. Monsieur Marsaudon, ne vous énervez pas !
    M. Gaëtan Gorce. J'observe d'ailleurs qu'avec la formule « libéralisme social », le mot « gaullisme » a disparu au profit du terme « libéralisme ».
    M. le président. Monsieur Gorce, votre temps de parole est épuisé.
    M. Gaëtan Gorce. Je conclus, monsieur le président.
    L'enjeu était d'orienter réellement le débat sur le droit des jeunes à une insertion professionnelle. C'est du moins ce que nous avons essayé de défendre tout au long de cette discussion.
    M. François Goulard. Parce que leur donner du travail ce n'est pas permettre leur insertion professionnelle ?
    M. Gaëtan Gorce. L'enjeu était sans doute aussi, au moment où l'on assiste à une reprise du chômage, de définir une véritable stratégie pour le plein-emploi. Nous prenons date : non seulement ce texte n'assurera pas demain, je le crains, l'emploi des jeunes, mais, de plus, il ne contribue pas, aujourd'hui, à l'effort de soutien à la croissance et à l'emploi pourtant indispensable.
    Tel est le sens du vote socialiste. Nous aurions souhaité ne pas nous heurter à la censure de la commission et pouvoir enrichir ce texte. Nous n'avons pas pu le faire, je le regrette, mais c'est dans un esprit toujours constructif et offensif pour l'emploi que nous continuerons à travailler. (Appaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. Je trouve regrettable qu'on songe à polémiquer sur un sujet aussi important que celui du chômage des jeunes. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et pour ma part, je ne le ferai pas.
    Je l'ai dit d'emblée, et vous avez pu le constater au travers des amendements qu'il a déposés, le groupe des député-e-s communistes et républicains a travaillé pour essayer d'améliorer ce texte. C'est tout le sens de notre démarche.
    Les contrats de travail qui sont concernés par ce projet sont de vrais contrats de travail, payés au minimum au SMIC, cela mérite d'être souligné, ce n'est pas si courant. Toutefois, il convenait d'y ajouter un volet formation et insertion pour donner une deuxième chance aux jeunes et une nouvelle perspective de qualification, afin qu'ils s'épanouissent. Et cette préoccupation a dicté tous nos amendements. Mais au terme de ce débat, je constate, et je le regrette vivement, que vous avez manqué une occasion.
    Nous venons de vivre deux campagnes électorales. Au travers de mon expérience personnelle, car il faut toujours écouter et entendre, en tout cas essayer d'écouter et d'entendre nos concitoyens pour traduire leurs souhaits, je crois vraiment que ce qui compte pour les salariés, les chômeurs et les exclus, ce n'est pas que le projet soit proposé par la droite ou par la gauche, non, ce qui compte, c'est son contenu, ses propositions.
    M. Pierre Lellouche. C'est pour cela qu'il faut voter ce texte !
    M. Maxime Gremetz. En l'occurrence, c'est cela qui me détermine.
    Vous, vous avez manqué une occasion, monsieur le ministre. Si vous aviez la même conscience que nous, si vous étiez à l'écoute des attentes sociales de nos concitoyens et notamment des jeunes, vous n'auriez pas répété cent fois « non » au volet formation que nous proposions, cent fois « non » à nos amendements.
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. Il faut en finir avec l'idée que, dès lors qu'un projet de loi est déposé, tout est ficelé et que personne ne peut apporter le moindre enrichissement.
    M. Lionnel Luca. On nous a dit la même chose pendant cinq ans !
    M. Maxime Gremetz. Vous avez tort. Vous nous demandez, à juste titre, d'être humbles. Mais ce n'est pas parce que vous occupez l'essentiel des travées, que vous pouvez vous montrer arrogants et que vous pouvez vous dispenser de nous écouter. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vous le demande, ne commettez pas le péché d'orgueil.
    M. Lionnel Luca. C'est un expert qui parle ! Donneur de leçons !
    M. Maxime Gremetz. Nous nous sommes battus jusqu'au bout. Nous avons demandé des scrutins publics pour que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons essayé de peser de toutes nos forces. Malheureusement, au terme de ce débat, nous sommes au regret de constater que, en dépit des efforts de nombre de députés, de sensibilité différente, il n'y a pas de volet formation dans ce texte.
    M. Jacques Desallangre. La demande provenait de tous les bancs de l'Assemblée pourtant.
    M. Maxime Gremetz. En effet, le volet formation correspondait à une demande sur tous les bancs de cet hémicycle. Hélas, elle ne s'est pas traduit dans les faits.
    Pour toutes ces raisons, malgré notre bonne volonté et notre travail, nous sommes contraints de voter contre ce projet que nous aurions aimé adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz, d'avoir respecté vos cinq minutes.
    M. Maxime Gremetz. N'est-ce pas !
    M. le président. Oui, vous avez parlé 4 minutes 39. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Il me reste du temps, alors ?(Sourires.)
    M. le président. Non, maintenant, c'est terminé.
    La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDF.
    M. Rudy Salles. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons largement débattu de ce projet de loi très court, trois articles seulement, parce qu'il y avait urgence. Je répondrai à ce propos à M. Gremetz que nous aussi, nous avons fait preuve de beaucoup de patience, nous aussi, nous avons écouté tout le monde, comme c'est d'ailleurs le jeu normal dans cet hémicycle.
    Et j'avoue que j'ai été étonné par les arguments de l'opposition. Si l'urgence a été déclarée sur ce projet et si nous sommes réunis dans cet hémicycle, en plein été, pour en discuter, c'est bien parce que vous avez échoué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il me semble donc un peu prématuré de vous entendre, mesdames et messieurs de l'opposition, nous donner des leçons. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. François Brottes. On verra !
    M. Rudy Salles. On en reparlera plus tard.
    M. Michel Françaix. Ça vient vite.
    M. Rudy Salles. Je le reconnais, la tâche est difficile. Mais ayez au moins la pudeur de reconnaître que, dans ce domaine, vous avez échoué.
    M. Alain Néri. Vous aviez échoué avant.
    M. Rudy Salles. Mais sans doute moins que vous parce que le contexte était beaucoup plus difficile. En effet, alors que vous avez bénéficié d'une conjoncture ô combien plus favorable, vous avez beaucoup plus mal réussi que nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Le dispositif que nous nous apprêtons à adopter, mes chers collègues, concernera 300 000 jeunes. Nous avons entendu beaucoup de choses, notamment le regret que le projet de loi s'adresse aux entreprises de plus de 250 salariés.
    Je vous invite, mes chers collègues de l'opposition, à aller expliquer aux jeunes qui auront obtenu un emploi dans ces entreprises que vous avez voté contre cette mesure et que vous regrettez qu'ils aient trouvé un emploi grâce à elle !
    Si, comme vous l'affirmez, il vous tient à coeur que ce projet de loi réussisse, je vous demande de respecter à tout le moins un certain délai de viduité concernant ce que vous n'avez pas fait pendant les cinq ans où vous aviez le pouvoir.
    M. André Santini. La viduité, ça vous connaît, messieurs. (Sourires.)
    M. Rudy Salles. Le soutien aux entreprises me semble, à moi et au groupe UDF, le meilleur moyen d'encourager l'emploi, non pas des emplois aidés, non pas des emplois inventés, mais de vrais emplois.
    Depuis que nous discutons ce projet de loi, j'ai reçu plusieurs coups de fil de chefs d'entreprise de ma circonscription. Ils s'inquiètent de savoir quand ce dispositif va entrer en vigueur, quand les décrets d'application vont sortir parce qu'eux, ils se déclarent prêts et veulent jouer le jeu. D'ailleurs, nous en avons fait l'expérience dans d'autres domaines, je pense notamment à ce qui s'est passé dans les quartiers difficiles lorsque nous avons créé les zones franches urbaines, que vous avez combattues, une fois de plus.
    M. Pierre Lellouche. Et supprimées !
    M. Rudy Salles. Grâce à l'exonération de charges, nous avons réussi à procurer des emplois à des jeunes qui en avaient besoin, dans des quartiers qui en avaient besoin et pour des entreprises qui avaient besoin de recruter.
    M. Alain Néri. Ça n'a pas duré !
    M. Rudy Salles. Et vous avez combattu ce système.
    M. François Brottes. Ça n'a rien donné !
    M. Pierre Lellouche. Evidemment, vous l'avez supprimé !
    M. Rudy Salles. Heureusement, nous sommes revenus au pouvoir pour le rétablir.
    Monsieur le ministre, le débat a été enrichissant pour tout le monde, tant pour le Gouvernement que pour la représentation nationale.
    Le groupe UDF a beaucoup insisté sur la nécessité de défendre, d'encourager et de développer la formation. Je crois que c'est également notre souci. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons défendu un certain nombre de propositions et je crois que vous les avez entendues. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)     M. Alain Néri. Sans résultat !
    M. Rudy Salles. Tout comme vous avez entendu les arguments de notre collègue de Courson sur le contrat vendanges, ce dont nous tenons à vous remercier.
    A propos des intermittents du spectacle, sujet lui aussi délicat laissé en l'état par vos prédécesseurs - il est facile de faire des procès d'intention à vos successeurs quand vous n'avez rien fait pour régler les problèmes -, le Gouvernement a accepté de prolonger le moratoire jusqu'au 1er octobre, ce que nous avions proposé en commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour ce débat très riche que nous venons de vivre, et je vous informe que le groupe UDF votera bien évidemment pour ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui différencie l'UMP de l'opposition, c'est que, nous, nous sommes constructifs alors que, vous, vous êtes restés sectaires.
    (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Françaix. C'est d'un haut niveau !
    M. Jean-Paul Anciaux. Ce qui vous gêne dans notre démarche, c'est que le projet du ministre s'articule autour de trois adjectifs : il est simple, efficace, rapide. Et vous avez essayé de retarder, par tous les moyens, son adoption.
    M. Lionnel Luca. C'est vrai !
    M. Jean-Paul Anciaux. Sur le volet formation, vous avez souvent fait référence au programme TRACE, en précisant qu'il apportait des solutions pour 55 % à 60 % de jeunes. Mais que faites-vous des 40 % qui restent sur le tapis ? Le dispositif qui vous est proposé permettra de répondre partiellement à ces situations.
    M. Alain Néri. Partiellement !
    M. Jean-Paul Anciaux. Oui ! Nous l'avons dit, le ministre l'a dit, avec humilité : c'est une addition de dispositifs qui permettra de répondre à la préoccupation du plus grand nombre de jeunes en difficulté. Il n'y a pas de recette miracle. S'il y en avait une, nous l'aurions probablement trouvée avant vous ou, vous, vous l'auriez débusquée durant les cinq ans que vous venez de passer au pouvoir. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Vous pouvez sourire, chers collègues. La réalité, c'est qu'avec ce projet les 40 % de jeunes exclus du programme TRACE vont enfin pouvoir signer un vrai contrat à durée indéterminée. Or qui dit emploi dit revenus, et qui dit revenus dit projet de vie. Le problème, c'est que ces jeunes, ils ne vous intéressent pas, vous ne les rencontrez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais ils existent, et ce dispositif permettra de répondre à leur attente, dans des délais très brefs.
    Imaginez que l'on suive M. Gorce sur l'ensemble des amendements qu'il a proposés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lionnel Luca. Pas ça !
    M. Jean-Paul Anciaux. Eh bien, l'année prochaine, le dispositif ne serait toujours pas en place. Et vous nous reprocheriez de n'avoir rien fait, alors que l'augmentation des jeunes en difficulté est croissante.
    Nous, nous agissons très vite, et, à l'automne, je suis convaincu que les résultats obtenus prouveront le bien-fondé du dispositif mis en place par le ministre.
    M. François Brottes. Rendez-vous à l'automne !
    M. Jean-Paul Anciaux. L'UMP a participé largement au débat, ne se contentant pas de quelques parlementaires présents pour jouer la montre. Un grand nombre de parlementaires de l'UMP ont débattu cette nuit, sur les articles et les amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Sourires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Pendant ce temps, vous avez fait de l'obstruction. Vous pouvez sourire, monsieur Paul, vous n'étiez pas là.
    Le groupe UMP votera le dispositif présenté par M. le ministre car il est certain qu'il fonctionnera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - « Zéro ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
    (L'ensemble du projet de loi est adopté.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous l'avons dit tout au long de ce débat, la France détient le triste record du chômage des jeunes parmi les grands pays développés en Europe. Tous les gouvernements ont cherché à apporter une solution à ce mal qui vient miner notre pacte républicain. La solution que ce gouvernement vous a proposée ne prétend pas être une solution miracle. Elle ne vient que compléter des dispositifs qui existent et que nous allons amplifier : la formation en alternance, les contrats de qualification, le dispositif TRACE, que nous voulons mettre en oeuvre dans le cadre du CIVIS.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, les emplois-jeunes, dont je répète une nouvelle fois qu'ils feront l'objet d'une inscription budgétaire en 2003 proche de 3 milliards d'euros, ce qui devrait rassurer tous ceux qui pourraient craindre pour leur contrat. Ajoutés à l'effort que représente le texte que vous vous apprêtez à adopter, c'est au total une intensification de l'effort de l'Etat pour l'emploi des jeunes qui sera traduite dans le budget pour 2003. Voilà qui devrait rassurer Mme Guigou.
    Mais ce texte est aussi un signe, un symbole, car il consacre un nouveau partage des pouvoirs entre la puissance publique, l'entreprise et les partenaires sociaux. Il mise sur la confiance,...
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... actualisant peut-être ainsi, monsieur Gorce, la notion de gaullisme social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous allons offrir un vrai contrat de travail, avec un vrai salaire, à des jeunes qui étaient abonnés aux galères. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Et je souhaite beaucoup de plaisir aux députés de l'opposition lorsqu'ils expliqueront, dans leur circonscription, qu'ils ont combattu ce dispositif.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'autant qu'ils ne nous ont épargné aucun des poncifs qui leur tiennent lieu de philosophie politique : amendement McDonald's, soupçon systématique à l'égard des entreprises et des partenaires sociaux, refus de prendre en compte la réalité économique et la réalité du chômage des jeunes. La gauche n'a manifestement pas encore pris la mesure de sa responsabilité dans la crise politique et sociale grave que nous affrontons et qui, mesdames, messieurs les députés, reste pourtant lourde de menaces pour la cohésion nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La majorité, elle, n'aura pas à rougir du premier texte social du Gouvernement.
    M. Christophe Caresche. Il n'y a pourtant pas de quoi rouler des mécaniques.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il concerne les jeunes les plus en difficulté ; il constitue le premier pas d'une politique ambitieuse d'allégements de charges ; enfin, il consacre une politique plus favorable à l'entreprise que celle conduite ces cinq dernières années.
    Mesdames, messieurs les députés, je vous donne d'ores et déjà rendez-vous en octobre pour débattre avec vous de la hausse des bas salaires et du retour au SMIC unique (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... de l'ensemble des politiques d'allégements de charges passées, pour les rendre plus efficaces en matière de création d'emplois,...
    M. Yves Bur. C'est indispensable !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ainsi que de l'assouplissement des 35 heures. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Lorsque nous aurons réalisé cette réforme, nous aurons fait, je crois, un pas en avant significatif dans la modernisation de notre système économique et social. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour dix minutes.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

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JUSTICE


Discussion d'un projet de loi d'orientation et de programmation adopté par le Sénat après déclaration d'urgence
    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la justice (n°s 154, 157).
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le 2 juillet dernier, par votre voix, monsieur le président, M. le Président de la République s'adressait à vous, mesdames, messieurs les députés, en ces termes : « Réunis en session extraordinaire par la nécessité et l'urgence de l'action, il vous revient de donner sans délai force de loi à la volonté nationale. (...) Dès le milieu de l'été, vous aurez adopté des textes essentiels pour renforcer l'autorité de l'Etat, garantir la sécurité des Français, restaurer la compétitivité de la France et assurer la solidarité nationale. » Eh bien, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous y sommes ! Nous sommes ici réunis par « la nécessité et l'urgence de l'action » en faveur de la justice de notre pays.
    En effet, l'action du Gouvernement pour rétablir l'autorité de l'Etat et garantir la sécurité des Français est une. Elle repose, dans le cadre de cette session extraordinaire, essentiellement sur deux piliers : le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, que vous avez adopté la semaine dernière et qui est en cours d'examen par le Sénat ; le texte que je vous soumets à présent, après son adoption par le Sénat.
    Je tiens à rendre hommage à Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à Jean-Luc Warsmann, rapporteur, ainsi qu'à Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, qui prit l'initative de la précédente loi de programme pour la justice adoptée par le Parlement ; je salue aussi Jacques Pélissard, rapporteur pour avis. Le travail de grande qualité que vous avez su mener à bien, messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, en dépit des contraintes du calendrier particulièrement chargé de la session extraordinaire, traduit la connaissance concrète qu'ont les élus des problèmes de nos concitoyens.
    Vos travaux montrent à quel point ce projet répond à des besoins urgents et importants. Jamais, sans doute, l'attente des Français envers la justice ne fut aussi forte. Jamais, sans doute, la justice n'eut à faire face à une telle crise de confiance des citoyens dans la capacité de l'institution à assurer ses missions.
    C'est ainsi que nous lisons, pour ce qui le concerne, les résultats des dernières élections et singulièrement du premier tour des présidentielles.
    M. Jacques Myard. Il a raison !
    M. le garde des sceaux. Il est vrai que la crise qui touche aujourd'hui la justice, pierre angulaire de notre société, n'est que l'une des crises plus profondes qui traversent la collectivité nationale : crise des valeurs et de l'autorité, crise de confiance dans l'Etat, crise des rapports sociaux.
    C'est cette crise actuelle de la justice qui nous donne, non seulement, les raisons d'agir, mais aussi le devoir d'agir pour répondre à l'attente de nos concitoyens. Encore faut-il partir d'un bon diagnostic. Aujourd'hui, celui-ci est très largement partagé : la justice est trop lente, complexe, opaque et lointaine.
    Si l'on en est là, ce n'est pas dû aux magistrats, aux fonctionnaires de justice, aux éducateurs, aux surveillants : leur engagement et leur professionnalisme sont d'autant plus à louer qu'ils n'ont cessé de faire face à des charges toujours plus lourdes, à des missions sans cesse plus étendues et difficiles, avec des moyens perpétuellement en retard.
    Lors des rencontres nombreuses que j'ai tenues place Vendôme, dès mon arrivée, avec les professionnels de la justice, j'ai été frappé par le découragement, voire le désarroi, devant le manque de moyens adaptés, mais aussi par la passion de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui se dévouent pour la justice.
    Je tiens à préciser qu'en raison même de l'urgence de l'action, j'ai, contrairement à ce que l'on a lu ou entendu ici ou là, mené une concertation approfondie sur ce texte : j'ai reçu personnellement plus de soixante délégations, dont vingt-neuf organisations syndicales.
    De cette écoute sont issues plusieurs propositions contenues dans le projet de loi que je vous soumets.
    J'ajoute que le travail parlementaire a permis d'enrichir cette concertation, notamment grâce aux dialogues que vous avez eus devant la presse lors des auditions organisées, mercredi dernier, par le président de la commission des lois.
    Le diagnostic est connu et largement partagé. Ceux qui nous reprochent de vouloir agir trop vite se rendent-ils compte que nos concitoyens, comme d'ailleurs les acteurs de la justice, demandent d'abord à la représentation nationale et au Gouvernement d'agir, et d'agir vite, pour en finir avec un certain immobilisme, avec cette impuissance publique, qui est, n'en doutons pas, la première cause de la désaffection, de l'éloignement de certains de nos concitoyens à l'égard des institutions de la République ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. En effet !
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Or la première condition d'une action cohérente est la lucidité sur la situation actuelle, qui nous impose de nous départir de toute hypocrisie et de toute naïveté qui servent de paravent à tous ceux qui n'ont pas voulu, pas su ou pas pu agir. (« En effet ! » sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle.) En cette matière, comme a pu le dire le Président de la République : « La naïveté n'est pas une excuse, c'est une faute ! »
    M. Jean Marsaudon. Eh oui !
    M. le garde des sceaux. C'est pourquoi, face à la montée de l'insécurité et de la délinquance, qui rend la vie si difficile, voire impossible à nos compatriotes, surtout les plus modestes et les plus fragiles, nous devons agir. Nous voulons agir. L'Etat, trop souvent défaillant, la justice, trop souvent absente, doivent retrouver leur place, leur autorité, pour les protéger et les défendre.
    Oui, nous voulons agir, car nous avons entendu et vous avez entendu, mesdames et messieurs les députés, l'appel des Français.
    Ce gouvernement, vous le savez, a fait de l'action en faveur de la sécurité et de la justice sa priorité. C'est pourquoi le projet de loi d'orientation et de programmation, que j'ai l'honneur de vous soumettre, constitue la chance historique d'un renouveau de la justice au service des Français. Avec ce projet de loi, je vous propose une nouvelle ambition pour la justice. Je vous propose de donner à la justice les moyens d'agir.
    Il s'agit d'abord de restaurer la cohérence de l'action de l'Etat en faveur de la sécurité de nos concitoyens. Il s'agit ensuite de donner au Parlement et, à travers la représentation nationale, à l'ensemble des citoyens, une vision à moyen terme de l'action de l'Etat en matière de justice. Il s'agit de se donner les moyens financiers et humains, mais aussi juridiques, d'atteindre ces résultats.
    En matière de programmation, ce projet de loi est sans précédent. Il a été préparé dès l'entrée en fonction du Gouvernement, ce qui permettra une mise en oeuvre rapide et un suivi cohérent sur l'ensemble de la législature.
    La programmation des moyens considérables garantit, sur la période de son exécution, une progression plus importante que celle réalisée dans le passé. Ces moyens, je tiens à le souligner, portent non seulement sur l'investissement et les emplois, mais aussi sur les crédits de fonctionnement.
    Oui, ce projet de loi vous propose de donner des moyens sans précédent à notre justice : 3,65 milliards d'euros en cinq ans qui s'ajoutent, je le précise, à la reconduction annuelle des moyens ouverts en 2002.
    Que ceux qui vilipendent ce texte y réfléchissent un instant ! Sont-ils contre la création de 10 100 emplois permanents, soit une augmentation globale de quelque 15 % par rapport aux effectifs actuels ? Sont-ils contre la création de 4 450 emplois, soit une hausse de 16 %, pour les services judiciaires ? Sont-ils contre la création de 3 740 emplois soit une hausse de 13 %, pour l'administration pénitentiaire ? Sont-ils contre la création de 1 250 emplois pour la protection judiciaire de la jeunesse ?
    Certes, des emplois ont été créés pendant la précédente législature : 7 273. Mais une partie de ces créations, qui n'a d'ailleurs jamais été précisément chiffrée par le précédent gouvernement, était censée compenser les 35 heures.
    Certes, des autorisations de programme non négligeables ont été ouvertes en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative au cours de la précédente législature. Mais combien de ces « programmes » d'équipements ne se sont révélés n'être que des effets d'annonce, sans calendrier précis de lancement des travaux ou sans financements fléchés ? En matière d'organisation, quelles grandes réformes ont accompagné ces affectations de crédits ?
    Une vision globale est nécessaire.
    Je vous propose de fixer un nouveau cap pour cinq ans. Ce projet de loi met en oeuvre un engagement majeur du Président de la République devant les Français. C'est aussi un engagement du Gouvernement devant le Parlement et devant les citoyens. Ce texte scelle un nouveau contrat pour la justice.
    Le Parlement pourra assurer son contrôle dans un cadre clairement établi. Les montants programmés de crédits sont connus de façon précise pour les cinq prochaines années. En contrepartie de ces moyens, le Gouvernement s'engage de façon très précise sur quatre objectifs, détaillés dans le rapport annexé au présent projet, selon lesquels s'ordonne la répartition des crédits.
    Objectif numéro 1 : améliorer l'efficacité de la justice ; 1,329 milliard d'euros sont ainsi prévus en dépenses ordinaires et 382 millions d'euros le sont en autorisations de programme.
    Objectif numéro 2 : développer l'effectivité de la réponse pénale ; 762 millions d'euros sont prévus en dépenses ordinaires et 1,198 milliard d'euros le sont en autorisations de programme.
    Objectif numéro 3 : traiter plus efficacement la délinquance des mineurs ; 423 millions d'euros sont prévus en dépenses ordinaires et 170 millions d'euros le sont en autorisations de programme.
    Objectif numéro 4 : améliorer l'accès des citoyens aux droits et à la justice.
    J'ajoute que le niveau des autorisations de programme mis en place, qui doit s'ajouter au niveau des engagements antérieurs, double l'effort d'investissement, déjà très significatif, du ministère.
    Une large part de ces investissements bénéficiera au secteur pénitentiaire.
    De nouveaux établissements seront construits. Sur un total de 11 000 places, 7 000 correspondent à une augmentation de capacité et 4 000 au remplacement de bâtiment vétustes.
    Ce projet facilitera la réalisation d'opérations immobilières en partenariat avec le secteur privé. Les dispositions générales sont contenues dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que vous avez adopté la semaine dernière. Des dispositions spécifiques aux investissements immobiliers de la justice sont par ailleurs incluses dans le présent texte.
    Ces moyens seront accompagnés de textes et d'actions visant à un meilleur fonctionnement afin de moderniser par la gestion autant que par le droit.
    Ces « trois modernisations », par les moyens, par la gestion et par le droit, passent par un investissement fort de la collectivité nationale. Elles nécessitent un engagement sans faille des agents du ministère de la justice, dont le professionnalisme devra être reconnu à la mesure de leurs mérites, qui sont grands.
    Au-delà des dispositions d'orientation financière, un certain nombre de changements juridiques vous sont proposés.
    Je vous propose tout d'abord d'améliorer l'efficacité de la justice en rapprochant la justice des justiciables grâce à l'institution du juge de proximité.
    M. Serge Poignant. Excellent !
    M. le garde des sceaux. Avec le juge de proximité, nous créons une véritable juridiction. C'est un engagement majeur du Président de la République. Les Français attendent qu'une véritable justice de proximité soit entièrement consacrée, en matière civile comme en matière pénale, au traitement des petits litiges du quotidien qui restent trop souvent sans réponse.
    Dans un sondage récent, réalisé par l'institut CSA auprès d'un échantillon national représentatif, 90 % des personnes interrogées se déclaraient favorables à la création de cette juridiction.
    La nécessité du juge de proximité provient d'un constat très simple.
    Aujourd'hui, il n'existe pas de réponse adaptée au traitement des petits litiges de la vie quotidienne. Au civil, les audiences des tribunaux d'instance sont surchargées, et les délais de jugement encore trop longs. Qui plus est, bon nombre de ces petits conflits ne sont pas portés à la connaissance des juridictions, le coût des procédures étant jugé trop élevé, et la saisine du juge trop complexe. Au pénal, les infractions aux règles élémentaires de la vie en société commises par certains jeunes ne sont pas systématiquement poursuivies.
    Il en résulte un sentiment de défiance à l'égard de l'institution judiciaire.
    Il est essentiel d'y mettre fin. Nous avons reçu, de ce point de vue, un message très clair des électeurs il y a deux mois (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'union pour la majorité présidentielle et du groupe union pour la démocratie française.)
    Le présent projet institue un juge de proximité et en détermine les compétences, au civil comme au pénal.
    Il sera complété par un projet de loi organique que j'ai présenté au conseil des ministres mercredi dernier et dont vous débattrez à l'automne.
    Ce projet déterminera le statut de ce magistrat, ses conditions de recrutement, sa formation, les exigences déontologiques qu'il devra respecter et son régime disciplinaire. A cet égard, toutes les garanties sont apportées.
    Le juge de proximité, bien que juge non professionnel, devra disposer d'un bagage juridique - diplôme et expérience professionnelle - garantissant sa compétence tout en assurant un large recrutement. Pourront ainsi être nommés des magistrats retraités, des auxiliaires de justice, des universitaires et des juristes d'entreprises, etc.
    Le juge de proximité sera soumis au statut de la magistrature pour toutes les dispositions qui ne sont pas incompatibles avec le caractère temporaire et intermittent de ses fonctions.
    Il sera nommé pour une durée de sept ans par décret du Président de la République, pris sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
    Des incompatibilités de fonction sont prévues pour garantir son indépendance et son impartialité. Il exercera ses fonctions sous forme de vacations rémunérées dans des conditions fixées par décret. Celles-ci seront, en proportion, d'un montant comparable à celui des magistrats exerçant à titre temporaire.
    On est bien loin du magistrat « de second rang » dont certains se font l'écho.
    M. Gérard Léonard. C'est évident !
    M. le garde des sceaux. S'agissant de sa compétence, le juge de proximité constituera une véritable juridiction, statuant à juge unique et rendant des décisions ayant force exécutoire en matière tant civile que pénale.
    Sur le plan civil, il connaîtra des affaires de nature personnelle mobilière - c'est-à-dire des recouvrements de créance - d'un montant inférieur à 1 500 euros.
    Le Sénat a précisé que les procès-verbaux d'accord que les conciliateurs de justice dressent, pourraient être homologués par le juge de proximité, dans les limites de sa compétence.
    La procédure à suivre devant le juge de proximité sera très simple. Elle s'inspirera de celle en vigueur devant le tribunal d'instance. La recherche de la conciliation devra en tout état de cause être privilégiée.
    Afin qu'il soit le plus proche possible des justiciables, le juge de proximité pourra tenir des audiences foraines dans tout lieu public approprié : mairie, maison de justice et du droit.
    S'il existe une difficulté sérieuse, le juge de proximité pourra renvoyer l'affaire devant le juge d'instance, à l'instar du juge de l'exécution ou du juge aux affaires familiales, qui peuvent, s'ils le souhaitent, saisir le tribunal de grande instance, statuant en collégialité.
    Sur le plan pénal, le juge de proximité pourra connaître à l'égard tant des majeurs que des mineurs, de certaines contraventions appartenant aux quatre premières classes. Il recevra, pour les mineurs, une compétence actuellement détenue par les tribunaux de police. Cette compétence ne concernera que des juges de proximité spécialement habilités à cet effet. Ces juges pourront notamment prononcer à l'égard des mineurs une admonestation ou une mesure de réparation, ainsi que des amendes. Il validera également les mesures de composition pénale.
    Ainsi, le juge de proximité sera, pour les justiciables, un maillon essentiel dans le tissu judiciaire de première instance.
    Le projet de loi prévoit le recrutement de 3 300 de ces juges, ce qui correspond à environ 330 à 350 emplois à temps complet.
    Bien sûr, le dispositif connaîtra une montée en puissance progressive et, tant que les juges de proximité ne seront pas en nombre suffisant, les juges d'instance continueront à se prononcer sur les litiges.
    Je terminerai sur ce point en disant que la réforme, loin de marquer une défiance à l'égard des tribunaux d'instance, leur permettra de se recentrer sur les tâches les plus techniques, qui pourront d'ailleurs être, le cas échéant, élargies par le transfert de certains contentieux du tribunal de grande instance.
    La concertation que j'ai menée avec les professionnels m'a montré la nécessité de veiller également à une bonne articulation entre la justice de proximité et les conciliateurs de justice.
    Le juge de proximité ne porte en aucune manière atteinte à la mission importante dévolue aux conciliateurs de justice, que nous sommes bien décidés à développer. En effet, il s'agit de deux types d'intervention différents : le conciliateur est chargé de rapprocher les parties et il joue un rôle essentiel dans la recherche d'une transaction. Le juge, lui, même s'il doit privilégier également la conciliation, est là, avant tout, pour dire le droit et rendre une décision exécutoire.
    Deuxième objectif de réforme : l'amélioration de la juridiction administrative.
    Les procédures devant les juridictions administratives sont trop longues, en particulier au niveau des cours administratives d'appel. Un plan d'urgence est indispensable. Il comprend non seulement la création de 480 postes, mais aussi des mesures d'accompagnement, notamment l'instauration d'assistants de justice. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat.
    Troisième objectif, très important : la lutte contre la délinquance des mineurs.
    C'est, à l'évidence, un sujet fondamental de préoccupation des Français, et c'est un engagement du Président et du Gouvernement. Les mineurs, nous le savons tous, sont de plus en plus nombreux à commettre des infractions, à recourir à des actes de violences, et ce de plus en plus jeunes.
    Je suis, comme beaucoup d'entre vous, un élu local, un père de famille et un responsable politique. Comment ne pas voir qu'il y a là un défi fondamental pour l'action politique ?
    Bien évidemment, la justice n'est pas seule concernée par la délinquance juvénile. Elle n'est que l'un des maillons. Le premier maillon, c'est évidemment la famille, qui doit être mieux aidée à assumer sa fonction éducative. L'école est un autre maillon essentiel. Elle doit pouvoir accomplir sa mission de transmission des savoirs et de transmission des valeurs, ainsi que sa mission d'intégration républicaine. La justice n'en doit pas moins assumer sa propre responsabilité.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Cette responsabilité est d'abord de développer un exceptionnel effort éducatif en direction des mineurs. Je rappelle que nous augmentons ainsi de 25 % le nombre d'éducateurs sur cinq ans. C'est absolument sans précédent. Qu'est-ce que cela signifie, sinon une priorité politique claire en faveur de l'éducation, non seulement en milieu ouvert, mais aussi au sein des structures d'accueil existantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cette responsabilité de la justice est ensuite d'ouvrir toute une gamme de réponses graduées et cohérentes tout au long de la chaîne éducative et pénale.
    Cette volonté politique, elle est très nouvelle. Oui, mesdames et messieurs les députés, nous voulons tenir nos engagements.
    Nous créons des centres éducatifs fermés pour mettre à l'écart du risque de récidive un petit nombre de jeunes qui participent au « noyau dur » de la délinquance, mis en évidence par tous les travaux récents et que nous ne savons pas traiter aujourd'hui.
    M. Jean Marsaudon. Très juste !
    M. le garde des sceaux. Les jeunes placés dans ces centres suivront un programme intensif d'activités, organisé par des éducateurs, ainsi qu'un programme d'enseignement dispensé par l'éducation nationale. Pour le fonctionnement de ces centres, il sera fait appel au secteur public et au secteur associatif habilité.
    Leur vocation éducative et d'insertion professionnelle sera essentielle. Je me suis assuré, avec mes collègues Luc Ferry et Xavier Darcos, que l'éducation nationale assumera le suivi pédagogique de ces jeunes, afin de mettre en oeuvre les enseignements adaptés à leurs besoins.
    On a beaucoup glosé sur mon intention de mettre en prison les mineurs de treize à seize ans.
    M. Yves Bur. C'est caricatural !
    M. le garde des sceaux. La vérité, c'est qu'il serait contraire à tous les principes de priver les jeunes de liberté par une simple mesure de placement. C'est pourquoi les centres fermés ne sont pas des prisons. Toutefois, si l'on veut qu'ils fonctionnent, il faut disposer aussi d'une solution plus énergique...
    M. Jacques Myard. Ô combien !
    M. le garde des sceaux. ... pour les mineurs qui refuseraient la règle du jeu. Les principes exigent que cette solution plus énergique, physiquement contraignante, obéisse au régime de la détention, parce que c'est celui qui est entouré des nombreuses garanties indispensables. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas exclure le recours à la détention provisoire pour les jeunes de treize à seize ans.
    Mais ce sera, je l'affirme avec force, un recours exceptionnel.
    M. Jacques Myard. Cela dépend d'eux !
    M. le garde des sceaux. Et cette détention provisoire, il n'est pas du tout envisagé qu'elle se déroule en prison, au sens traditionnel du terme, mais au sein d'un établissement spécialisé.
    J'ajoute que, lorsque j'ai pris mes fonctions, il y avait 110 mineurs de treize à seize ans en prison. Pourquoi ? Notamment, sachez-le, parce qu'au stade de la condamnation, la prison est déjà possible. Alors, je dis à tous ceux qui feignent de l'ignorer : je vous en prie, assez d'hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La vérité, c'est que la détention dans les quartiers pour mineurs des prisons a lieu dans des conditions qui, aujourd'hui, ne sont pas satisfaisantes. C'est pourquoi nous créerons des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs à fort contenu éducatif et de préparation à la réinsertion.
    M. Guy Teissier. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Dans ces centres, il n'y aura évidemment pas de détenus majeurs ; une stricte séparation sera établie entre les classes d'âge, ainsi qu'entre les prévenus et les détenus. Dans un esprit pragmatique et équilibré, nous nous inspirons des exemples étrangers qui marchent.
    Votre commission des lois a bien compris la gradation qui s'établit au sein de la palette de réponses que constitue le dispositif proposé dans le projet de loi initial. C'est pourquoi elle a souhaité revenir sur un amendement adopté au Sénat qui tend à brouiller la progression des réponses entre le centre de placement immédiat, le centre éducatif renforcé et le centre éducatif fermé. Je suis favorable à l'amendement de votre commission qui rétablit la cohérence et la lisibilité du dispositif que je vous propose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Myard. Bravo, monsieur le rapporteur !
    M. le garde des sceaux. Sans remettre en cause les principes qui fondent l'ordonnance du 2 février 1945, notamment la primauté de l'action éducative, la spécialisation des magistrats et la gradation de la responsabilité du mineur en fonction de son âge, le Gouvernement vous propose d'adapter ce texte en diversifiant les moyens mis à la disposition des juges.
    D'abord, le principe de la responsabilité pénale des mineurs, dès lors qu'ils sont dotés de discernement, existe aujourd'hui mais doit être réaffirmé clairement par la loi.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Dans l'intérêt même des mineurs, il faut disposer d'un ensemble de réponses applicables en fonction de la personnalité du mineur et de son évolution. Je propose donc de créer, entre les mesures éducatives et les peines, des sanctions éducatives, comprenant un réel contenu pédagogique. Tel est le cas de l'interdiction de paraître, de l'interdiction de rencontrer la victime, de la confiscation ou encore de la mesure de réparation, qui existe déjà, et de l'obligation de suivre un stage de formation civique. Ces sanctions éducatives auront vocation à s'appliquer aux mineurs dès l'âge de dix ans. Le non-respect de la décision pourra être suivi, le cas échéant, d'une décision de placement.
    Ces propositions sont inspirées d'un souci de pragmatisme et de réalisme. Il s'agit de trouver les outils nouveaux et de rénover les réponses qui nous permettront d'endiguer cet énorme gâchis humain et social : la délinquance des mineurs les plus jeunes.
    On sait que la délinquance fonctionne comme un escalier dont on monte les marches progressivement : c'est pourquoi il est préférable d'intervenir plus précocement, de manière à éviter ultérieurement une peine de prison.
    Les mesures que je vous propose n'ont d'autre but que de marquer les limites et les règles. Qui peut aujourd'hui oser prétendre qu'il y ait là quoi que ce soit de contraire à l'éducation ?
    La vérité, mesdames et messieurs les députés, c'est que nous ne savons pas aujourd'hui lutter contre cette délinquance très précoce. Nous manquons de moyens pour y faire face. Ce projet vous propose de les créer. Ceux qui crient au « tout-répressif » refusent, tout simplement, de voir la réalité de notre société en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Myard. Fini, les professionnels du laxisme !
    M. le garde des sceaux. L'accélération des procédures de jugement est aussi un enjeu essentiel pour lutter contre le sentiment d'impunité de certains mineurs. La procédure de comparution à délai rapproché est peu utilisée car elle est trop complexe. L'extension aux mineurs de la comparution immédiate n'est ni réaliste ni opportune, comme votre commission des lois l'a bien compris. Il existe une voie médiane. Pour les mineurs déjà bien connus du tribunal pour enfants, et qui ont commis des actes ne nécessitant aucune investigation particulière, je propose que le jugement puisse intervenir dans un délai de dix jours à un mois. Dans l'attente du jugement, une mesure provisoire sera requise par le parquet auprès du juge des enfants.
    Quant aux mineurs délinquants multirécidivistes, ce ne sont pas les plus nombreux, mais ils commettent les actes les plus graves. C'est cette escalade qu'il faut enrayer par des mesures appropriées. Aujourd'hui, ces mineurs sont détenus en maisons d'arrêt. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je vous propose de créer des établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs. Ainsi, la direction de l'administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pourront mettre en place une prise en charge adaptée à leur âge, pour les garçons comme pour les filles, qu'ils soient détenus provisoirement ou condamnés.
    L'intervention éducative auprès des mineurs incarcérés doit être systématique. Il n'est pas normal que les mineurs les plus difficiles soient privés d'éducateurs lorsqu'ils sont privés de liberté.
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    M. le garde des sceaux. J'ai visité récemment deux établissements, l'un en Grande-Bretagne, l'autre en Belgique. Ils représentent ce vers quoi doivent tendre les futurs établissements pénitentiaires spécialisés que je viens d'évoquer.
    En matière de prévention de la récidive, l'objectif du Gouvernement est de continuer à développer la mesure de réparation et le programme des classes-relais. Ces dispositifs ont, en effet, prouvé leur efficacité.
    Il faut enfin réduire les délais de prise en charge des mesures de milieu ouvert par la protection judiciaire de la jeunesse. L'objectif du Gouvernement est d'y consacrer une partie importante des moyens accordés à la protection judiciaire de la jeunesse par le projet de loi d'orientation.
    Autre nécessité, la simplification de la procédure pénale.
    Les réformes successives de la procédure pénale intervenues ces dernières années ont abouti à une complexité croissante, qui affaiblit considérablement l'efficacité de la répression.
    M. Jacques Myard. C'est la faute à la gauche !
    M. le garde des sceaux. Il est indispensable de simplifier et de rééquilibrer les règles applicables, sans remettre en cause les principes fondamentaux de notre droit, au premier rang desquels figurent la présomption d'innocence et le respect des droits de la défense.
    Je vous propose, dès aujourd'hui, pour accompagner la mise en place des moyens nouveaux dégagés par ce projet, de lever certains facteurs de blocage ou de ralentissement du traitement des affaires, de rééquilibrer la situation de la victime face au délinquant et, plus largement, de rééquilibrer les possibilités d'intervention répressive, sans lesquelles l'effort indispensable de la prévention en amont n'est qu'illusion.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le garde des sceaux. C'est dans cet esprit que le Gouvernement vous propose d'étendre le champ d'application et l'efficacité de la composition pénale. Il s'agit de donner plus de portée à cette mesure. Sa validation pourra en outre être confiée au juge de proximité. Malgré une certaine complexité, cette alternative efficace aux poursuites devant le tribunal correctionnel se développe dans les juridictions.
    En matière de détention provisoire, il m'est apparu nécessaire de renforcer le rôle du procureur de la République. Représentant l'intérêt général et la société, ce magistrat doit disposer des instruments juridiques lui permettant de veiller à une exacte et juste application de la loi, comme à la garantie de l'ordre public et des libertés.
    Ainsi, le juge d'instruction qui ne suit pas les réquisitions du parquet en cas de demande de placement en détention provisoire devra rendre sans délai une ordonnance motivée, qui sera immédiatement portée à la connaissance du ministère public.
    En ce qui concerne les demandes de mise en liberté, je vous propose d'instituer une procédure de « référé-détention ». Cette procédure permettra au parquet, dans des hypothèses graves, de corriger les effets d'une éventuelle erreur d'appréciation du juge d'instruction ou du juge des libertés. Il s'agit de rétablir le ministère public dans son rôle de représentation et de protection de l'intérêt de la société. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le Sénat a précisé le fonctionnement de ce dispositif.
    En ce qui concerne l'examen des demandes de mise en liberté, je vous propose de différencier les conditions d'examen de ces demandes en fonction de la situation pénale de l'intéressé, pour éviter ce que nous connaissons de plus en plus, c'est-à-dire une asphyxie des chambres de l'instruction. Il s'agit bien de simplifier la procédure et non pas d'augmenter le nombre de prévenus en détention, comme l'illustre ma volonté de développer l'usage du bracelet électronique.
    Le projet que je vous soumets respecte le principe posé par la loi du 15 juin 2000 de « délais butoirs » pour le maintien des prévenus en détention provisoire. Mais, pour éviter des remises en liberté intempestives, il est prévu que des délais exceptionnels de prolongation puissent être acceptés par la chambre d'instruction : quatre mois en matière correctionnelle et deux fois quatre mois en matière criminelle.
    Je vous propose de simplifier et de renforcer la cohérence de la procédure d'instruction.
    Dans la continuité de la réforme de 1995 sur le juge unique en matière correctionnelle, je vous demande de créer les conditions d'un écoulement plus rapide du contentieux.
    En ce qui concerne la procédure du « témoin anonyme », le Sénat a renforcé, je crois, le respect des droits de la défense.
    L'extension de la procédure de la comparution immédiate donne au parquet un outil supplémentaire pour le traitement de la délinquance et introduit davantage de souplesse dans la politique pénale. Je sais que cette mesure a inquiété plusieurs organisations qui se sont exprimées au cours de la concertation préalable au projet. Aussi voudrais-je insister sur sa portée exacte. Il s'agit de permettre, dans l'intérêt à la fois des mis en cause et des victimes, le jugement rapide d'affaires simples. Or la difficulté intrinsèque d'une affaire n'est nullement liée au niveau de la peine encourue. Je suis d'ailleurs tout disposé à réfléchir à des aménagements à cette disposition, s'il vous apparaissait nécessaire de rassurer ceux qui craignent qu'elle puisse aboutir à certaines difficultés.
    L'amélioration de la situation des victimes, qui est au coeur des préoccupations des Français, est un volet essentiel de ce projet de loi.
    J'ai reçu de nombreuses associations de victimes. Je suis allé à leur rencontre. J'ai dialogué avec elles. Je me suis rendu compte à quel point les victimes se sentent oubliées, mal informées, soumises à des démarches qu'elles ne comprennent pas, parfois humiliées.
    J'ai tenu, face à ces difficultés, à leur apporter des aides concrètes, dans l'urgence douloureuse à laquelle elles sont confrontées. Je suis, je dois le dire, choqué de voir les victimes encore maintenues dans une situation, sinon de marginalisation dans les procédures, du moins d'infériorité. Je souhaite qu'elles puissent disposer de l'aide la plus immédiate, qu'elles soient accompagnées tout au long de la procédure et que la solidarité de l'Etat à leur égard se manifeste mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est pourquoi le projet prévoit, en premier lieu, un accompagnement juridique immédiat. La victime pourra, dès qu'elle porte plainte, se faire désigner un avocat par le bâtonnier, afin d'éviter qu'elle ne soit confrontée à de multiples démarches. Ce dispositif a été bien précisé par le Sénat.
    M. Jacques Myard. C'est un progrès.
    M. le garde des sceaux. Je propose également que l'aide juridictionnelle de plein droit soit étendue, sans conditions de ressources, aux victimes d'atteintes corporelles résultant des crimes les plus graves. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Le Sénat a ajouté le viol à la liste de ces infractions pénales. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur ce point.
    En deuxième lieu, le rapport annexé prévoit que la victime puisse disposer, y compris au moment de l'exécution de la peine, de renseignements appropriés. Un décret sera prochainement pris à cette fin. Le Sénat a ajouté la possibilité pour la victime de saisir, lorsque les conditions en droit sont remplies, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction.
    En troisième lieu, le projet instaure une procédure judiciaire d'enquête ou d'information pour rechercher les causes d'une disparition suspecte. Ce dispositif permettra de poursuivre les enquêtes en interrompant la prescription, quelle que soit la date à laquelle remontent les disparitions.
    D'autres actions seront entreprises, qui sont mentionnées dans le rapport annexé.
    Ainsi seront mis sur pied des dispositifs d'urgence - les SAVU - permettant de faire face aux premiers besoins des victimes, par exemple pour la personne agressée dans la rue qui n'a pas les moyens de rentrer chez elle.
    Des schémas type d'intervention seront également mis en oeuvre pour mieux coordonner les différentes interventions en matière de catastrophes collectives. Des exemples comme celui de Toulouse ont montré à quel point il est indispensable de disposer d'une cellule opérationnelle et de fonds d'urgence.
    Enfin, des travaux seront entrepris pour permettre une indemnisation plus juste et plus transparente, notamment grâce à l'élaboration d'un barème indicatif pour évaluer les préjudices. Les victimes ne comprennent pas les divergences existant entre les juridictions sur ce point.
    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi de programme constitue un véritable plan d'ensemble, destiné à donner à la justice les moyens d'agir pour cinq ans. Je vous assure que l'engagement du Gouvernement sera sans faille pour faire de ce projet un succès, avec le concours indispensable du Parlement. Je compte beaucoup sur vos contributions, vos réflexions et vos propositions pour améliorer ce texte, mais aussi pour le faire entrer dans les faits, au service de notre ambition commune pour la justice, car je la sais partagée. Cette ambition pour l'action, ce projet de loi vous propose de nous donner les moyens de la mettre en oeuvre.
    Ce texte n'est, au fond, pas autre chose qu'une épreuve de vérité. Comme l'a affirmé le Président de la République, « la plus grande épreuve de vérité pour le politique, c'est de démontrer sa capacité à garantir la sûreté, la dignité et la liberté de chacun. C'est son honneur et son devoir. » Cette épreuve de vérité, mesdames et messieurs les députés, je vous propose, non sans une certaine gravité, d'en relever le défi, en apportant votre pierre à la construction d'une justice plus sereine, plus efficace, plus proche de nos concitoyens. Une justice qui réponde à leurs attentes légitimes. Une justice au service du peuple français, au nom duquel elle rend ses décisions, au service de la République et de ses valeurs qui nous rassemblent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, mes chers collègues, je dois vous rendre compte du travail effectué par la commission des lois sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.
    Nous nous sommes évidemment rendu compte de l'importance de ce projet et je peux vous assurer que nous y avons consacré tout le temps nécessaire : le temps de l'analyse de chacune des dispositions, le temps de la préparation d'amendements qui vous seront soumis dans les jours à venir et le temps de l'écoute.
    Nous avons, pour notre part, rencontré et écouté plus de quarante organisations professionnelles représentant tous les maillons de la chaîne pénale, depuis les forces de police jusqu'aux organisations de magistrats, en passant par les fonctionnaires de justice, les surveillants de l'administration pénitentiaire et les éducateurs.
    Je voudrais, en quelques mots, vous rendre compte du travail que nous avons effectué sur les cinq grandes priorités de cette loi.
    La première est incontestablement l'apport de moyens « historiques » pour la justice de notre pays. Jamais, dans l'histoire de la République, n'a été présentée une loi prévoyant de consacrer autant de moyens à la justice. Trois chiffres simplement portant sur les cinq ans de la programmation : 3,650 milliards d'euros en crédits de paiement, 1,750 milliard d'euros en autorisations de programme et plus de 10 000 embauches.
    Dans cinq ans, les crédits de paiement dont dispose la justice de notre pays auront quasiment doublé et les autorisations de programme lui permettant de lancer de nouveaux projets d'investissement quasiment triplé.
    Cet effort est indispensable parce que l'état de notre justice est préoccupant et préoccupe nos concitoyens.
    M. Hervé de Charette. C'est vrai !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Notre justice pénale ne parvient pas à faire face à l'accroissement de la délinquance. Dans ces conditions, un des principaux moyens de régulation est le classement sans suite, qui choque tant nos concitoyens parce qu'ils n'admettent pas que le même acte commis à Paris, à Marseille ou à Lyon ne reçoive pas la même réponse pénale, parce qu'ils n'admettent pas qu'un grand nombre de faits de délinquance, alors même qu'on a identifié les auteurs, ne se voient opposer aucune réponse pénale, parce qu'ils n'admettent pas qu'un grand nombre de décisions de justice ne soient pas appliquées.
    Vous connaissez tous, mes chers collègues, les conclusions de cette étude réalisée par la principale organisation professionnelle de magistrats qui font apparaître que plus du tiers des décisions de justice comprenant une peine d'emprisonnement ferme n'était pas appliqué. Je ne sais si le chiffre est exact à 5 ou 10 % près. Mais, en tout cas, je suis convaincu que l'Etat s'affaiblit lui-même chaque fois qu'un juge rend au nom du peuple français un jugement qui ne peut être appliqué faute de moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous trouvons les mêmes difficultés en matière de justice civile. Et comme elle ne peut recourir au classement sans suite pour résoudre le problème de l'encombrement, il en résulte une augmentation considérable des délais. Mes chers collègues, la durée moyenne de jugement d'une affaire devant le tribunal de droit commun, le tribunal de grande instance, est de plus de neuf mois ! Encore faut-il savoir que ce chiffre est largement plus favorable que la réalité car il fait la moyenne entre les actions en référé, par nature plus rapides, et les actions au fond. Et si l'une des deux parties fait appel, il faut alors ajouter plus de dix-sept mois de délai devant les cours d'appel. La justice se prononce tellement tard que, quelles que soient la décision et les motivations de celle-ci, on peut considérer qu'elle ne se rend plus. Dans un certain nombre de cas, nous sommes quasiment au bord du déni de justice. Comment ne pas être affectés lorsque nous apprenons que notre pays est condamné par la Cour européenne des droits de l'homme ? Oui, chacun de nos concitoyens a droit à un procès équitable dans des délais raisonnables.
    La situation est, hélas ! catastrophique devant le juge administratif. Jugez plutôt : quand l'un de nos concitoyens veut saisir, pour un problème de permis de construire, par exemple, le tribunal administratif, le délai moyen est de un an et huit mois ; et si l'affaire vient en appel, il faut y ajouter plus de trois ans. Nous sommes donc à près de cinq ans de délai en moyenne pour rendre un jugement. Cela n'est plus acceptable !
    Mes chers collègues, si vous prenez le temps d'analyser - et le rapport vous y invite - l'évolution de ces délais au cours des dernières années, vous constaterez qu'il n'y a aucune amélioration notable. Nous ne pouvons plus continuer à tolérer une telle situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Sans sombrer dans l'autosatisfaction, disons simplement que le présent projet de loi donne une impulsion fantastique aux moyens de la justice.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas de l'autosatisfaction ?
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est du dopage !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Disons également que nous allons devoir être vigilants sur l'évaluation des moyens qui vont être mis en place.
    Monsieur le ministre, vous avez accepté une disposition prévoyant l'évaluation des nouveaux moyens par un organisme extérieur. C'est extrêmement courageux de la part du ministère de la justice ; c'est aussi indispensable car nous allons mobiliser une part importante des impôts payés par nos concitoyens. Il est donc normal de prévoir de comparer les moyens mis en oeuvre aux résultats.
    Mes chers collègues, nous devons également être vigilants sur un deuxième point. Parallèlement, en effet, à cette action consentie en faveur de la justice, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a engagé lui aussi un fantastique effort pour renforcer l'efficacité de la police et de la gendarmerie, ce qui se traduira immanquablement par un accroissement des procédures qu'aura à connaître la justice. Dans les mois et les années à venir, nous aurons donc à veiller à ce que la montée en puissance de la justice soit bien en état de suivre celle de la nouvelle organisation des forces de police et de gendarmerie. Rien n'est plus démotivant pour ces dernières que de voir que leur travail est inutile parce que la justice n'arrive pas à suivre.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout à fait !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Deuxième priorité de ce projet de loi : la délinquance des mineurs. Chacun doit bien garder à l'esprit la gravité de la situation, en la matière. Chers collègues, en 2001, 177 017 mineurs ont été mis en cause dans notre pays.
    M. Hervé de Charette. C'est tragique !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de 15 % ces quatre dernières années ! Ils représentent 21 %, soit plus du cinquième, des personnes mises en cause dans notre pays et 36 %, soit plus du tiers, pour les infractions dites de délinquance de voie publique. Deux phénomènes viennent s'ajouter à cela : l'accroissement de la violence de cette délinquance avec la multiplication des multirécidivistes - on considère que 60 à 85 % des infractions sont commises par seulement 5 % des mineurs mis en cause -, et le rajeunissement des délinquants.
    Alors, face à un tel constat, personne ne détient de solution miracle. Pour notre part, nous essayons simplement d'adapter la loi. En matière de délinquance des mineurs, comme dans tout autre domaine, il n'existe pas des lois de droite et des lois de gauche, il y a simplement des lois adaptées ou inadaptées à leur temps. Or, il n'est pas besoin d'avoir fait de longues études pour comprendre qu'un jeune de dix-sept ans en 2002 n'a rien à voir avec un jeune de dix-sept ans en 1945.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Alors, quelles mesures concrètes prendre pour remédier à cette augmentation de la délinquance et pour lutter surtout contre le sentiment d'impunité ?
    Trois exemples concrets.
    Le premier cas concerne les mineurs très jeunes. Pour mineur de douze ou treize ans qui s'engage dans la voie de la délinquance, nous allons créer ce que nous appelons des sanctions éducatives.
    Elles permettront notamment au juge d'interdire la fréquentation de tel ou tel lieu. Mes chers collègues, quand un jeune de douze ans commence à fréquenter un centre commercial où sévit une bande qui deale de la drogue, il revient normalement au père ou à la mère de lui interdire de s'y rendre. Mais, si les parents sont défaillants, il est tout à fait normal que la loi donne au juge la possibilité de combler cette carence. Certes, un certain nombre de mineurs ne respecteront sans doute pas cette interdiction. Si, malgré tout, grâce à cette nouvelle disposition, nous empêchons 100, 200 ou 300 mineurs de poursuivre dans une logique de délinquance, nous aurons déjà bien travaillé.
    Deuxième cas, la comparution à délai rapproché. Si nous voulons lutter contre l'impunité, il faut rapprocher le moment où la sanction est prononcée de celui où l'infraction est commise. Dans cetains départements, ce délai atteint ou dépasse un an. Dans de telles circonstances, la sanction n'a plus aucun effet éducatif. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Avec la comparution à délai rapproché, un mineur qui a déjà eu affaire à la justice pourra être jugé dans un délai allant de dix jours à un mois. L'objectif est de lui signifier rapidement qu'il a franchi la ligne blanche, pour que, dans sa tête, le lien soit clair entre l'infraction qu'il a commise et la sanction qui lui sera infligée. Mes chers collègues, dans cette affaire, l'important, ce n'est pas tant la gravité de la sanction que la rapidité avec laquelle elle est prononcée et exécutée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Troisième cas, les délinquants multirécidivistes. Il existe actuellement toute une série de mesures éducatives. Mais que faire quand un mineur qui en a déjà bénéficié commet une nouvelle infraction grave ? De quel outil disposons-nous aujourd'hui lorsque nous sommes confrontés à un mineur multirécidiviste, placé dans un centre éducatif comme il en existe aujourd'hui 54, qui ne respecte pas les règles du jeu ? Que pouvons-nous faire quand il fugue, quand il retourne dans son quartier et recommence à commettre des actes de délinquance et que les victimes se multiplient ? Rien.
    Cette loi, et c'est son grand intérêt, prévoit précisément de créer ce qu'on appelle des centres éducatifs fermés. Comme l'a expliqué M. le ministre, nous tenons à maintenir une gradation. Le premier stade de sanction, c'est ce qui existe aujourd'hui. Or chacun constate bien que, pour un certain nombre de mineurs, cela ne marche pas. Il est pourtant du devoir de la société de leur donner une deuxième chance. Nous avons l'ambition de le faire dans ces centres éducatifs fermés, quand l'école a échoué, quand la famille ne parvient pas à leur transmettre le minimum de repères et de valeurs nécessaires à la vie en société.
    Pour donner le maximum d'efficacité à cette deuxième chance, la loi va permettre de condamner ce mineur à une peine de prison s'il ne respecte pas la règle du jeu. Avec cette sanction, il s'agit pour le juge de faire comprendre au jeune que, s'il ne saisit pas cette deuxième chance que constitue son placement, il risque de revenir devant lui et d'être condamné alors à la peine la plus importante prévue dans notre société, la prison.
    Mes chers collègues, là aussi, nous restons humbles. Nous ne prétendons pas qu'avec les centres éducatifs fermés nous allons résoudre tous les problèmes. Mais, disons-le sincèrement, si, grâce à eux, nous arrivons à réinsérer dans notre société quelque dizaines, quelques centaines de jeunes chaque année, nous n'aurons pas perdu notre temps en discutant et en votant cette loi.
    Chaque jour, j'entends de nombreux jeunes de notre pays se plaindre. N'oublions pas en effet que les premières victimes des délinquants sont d'abord les jeunes de notre pays. L'immense majorité d'entre eux aspire à vivre dans le respect des lois et ne comprend pas pourquoi ces multirécidivistes sont parfois l'exemple dans leur quartier. Nous leur devons une réponse.
    M. Xavier de Roux et M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Troisième priorité de ce projet de loi, le juge de proximité. Depuis des dizaines d'années, de très nombreux parlementaires de toutes sensibilités politiques ont défendu cette idée. Bien sûr, la justice doit d'abord être rendue par des magistrats professionnels et ce projet de loi le montre puisqu'il prévoit le recrutement d'environ un millier de magistrats supplémentaires sur cinq ans. Autant dire que l'Ecole nationale de la magistrature va tourner à plein. Cela étant, un grand nombre de nos concitoyens ont des compétences juridiques, le sens des valeurs civiques et sont prêts à consacrer une partie de leur temps à rendre la justice. Le premier intérêt d'un tel dispositif, c'est d'abord d'utiliser cette compétence. Ce ne sera pas la première fois que des citoyens seront appelés à participer au rendu de la justice.
    Le deuxième grand intérêt du dispositif, au-delà du jugement des petites affaires civiles, c'est qu'il permettra de donner une réponse aux petits actes de délinquance de la vie courante, qui rendent invivable le quotidien de beaucoup de nos concitoyens. Problèmes de voisinage, tapage nocturne, pot d'échappement trafiqué de deux-roues, voilà autant de faits qui troublent la vie de nombreux Français et contre lesquels la police ne peut rien, souvent faute de temps pour s'en occuper. D'autant qu'elle sait bien que, si elle parvient à intervenir, la justice, elle, n'aura pas le temps de donner une suite.
    Avec les juges de proximité nous pourrons couvrir l'ensemble du territoire français. Désormais, des personnes compétentes pourront écouter les victimes et fixer des repères à celles et ceux qui auront commis des infractions. Soyons clairs : il s'agira d'infliger des peines d'amende et non des sanctions graves, mais aussi et surtout de rappeler les règles de la vie en société à ceux qui les transgressent en insistant sur le fait que le respect des autres est nécessaire.
    M. Serge Poignant. Très bien !
    M. Jean-Luc Warsmann. Quatrième priorité, la simplification des procédures. Mes chers collègues, nos concitoyens ne peuvent pas comprendre que des personnes poursuivies pour des actes extrêmement graves - parfois même des actes criminels - ont une chance de se retrouver mises en liberté parce que la loi est rédigée de telle façon qu'elles peuvent trouver une faille et l'exploiter.
    Prenons l'exemple des délais couperets : si un juge d'instruction qui n'a pas eu le temps nécessaire de finir une instruction passe ce délai, le détenu concerné risque de se retrouver mis en liberté.
    M. Lionnel Luca. C'est arrivé !
    M. Jean-Luc Warsmann. Avec ce projet de loi, nous apportons des solutions pragmatiques, pratiques, grâce notamment à la possibilité, comme l'a expliqué M. le garde des sceaux, de bénéficier de délais supplémentaires. Cette disposition était extrêmement attendue.
    Cinquième et dernière priorité, les prisons.
    Il y a deux ans, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient respectivement accompli un travail considérable en la matière au sein de commissions parlementaires. Mes chers collègues, le présent projet de loi va précisément nous permettre des avancées sur trois des principales questions qui avaient été soulevées par notre commission d'enquête.
    Premier point, l'état des prisons. Nous le savons tous, un certain nombre d'établissements pénitentiaires de notre pays sont dans un tel état de vétusté que la détention s'y déroule dans des conditions peu acceptables. Ce texte prévoit donc un gros effort pour construire des prisons neuves et fermer celles qui sont obsolètes.
    La deuxième avancée est colossale. Elle concerne la détention des mineurs. En théorie, mes chers collègues, il existe dans de nombreux établissements pénitentiaires, des quartiers pour mineurs. Mais ceux-ci ne garantissent pas aujourd'hui une séparation tout au long de la journée entre mineurs et majeurs. Ce projet de loi prévoit précisément des établissements uniquement destinés aux mineurs. Cela permettra d'écarter le risque d'une prison école de la délinquance et de mettre en place un contenu éducatif. Nous retrouvons là notre souci de la seconde chance.
    La commission des lois a également voté à l'unanimité le souhait qu'à ce projet puisse répondre au cours de cette législature une loi pénitentiaire pour donner une suite à toutes ces questions fondamentales.
    En conclusion, mes chers collègues, chacun a pu constater combien l'ensemble de ces moyens va permettre d'accroître l'efficacité de la justice. Nous allons avoir encore un gros travail à fournir ces prochains jours. Mais je suis sûr que quand nous rentrerons dans nos circonscriptions, tous, nous pourrons dire à nos concitoyens : oui j'ai travaillé sur le projet de loi sur la justice, oui je l'ai voté et oui j'en suis fier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans sa déclaration de politique générale, le 2 juillet dernier, Jean-Pierre Raffarin, s'est engagé à donner à l'Etat des moyens pour assurer avec efficacité la sécurité et la justice. Cet objectif fondamental du Gouvernement a donné lieu rapidement à la présentation devant le Parlement d'un dispositif cohérent et global : nous avons examiné voilà quelques jours la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure et nous commençons aujourd'hui l'examen de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Grâce à ces deux projets quasiment jumeaux, qui traitent de façon cohérente et coordonnée les questions liées à la sécurité et à la justice, l'approche est donc complète.
    Mon premier point portera sur la nature de la loi qui a été choisie. Vous présentez, monsieur le garde des sceaux, une loi de programme et cette décision me paraît particulièrement pertinente pour trois raisons.
    En premier lieu, une loi d'orientation et de programmation permet au Gouvernement une vision cohérente et d'ensemble. En refusant de procéder ainsi, le précédent gouvernement avait commis une erreur - ce ne fut d'ailleurs pas la seule. Certaines réformes ont en effet été engagées sans que des moyens suffisants soient affectés, désorganisant ainsi l'appareil judiciaire.
    S'agit-il là d'une preuve de naïveté ? Deux exemples sont, hélas, édifiants.
    Premièrement, la loi sur la présomption d'innocence a suscité en juin 2001 l'analyse suivante de l'inspection générale des services judiciaires : « Les répercussions de cette loi ont sensiblement aggravé une situation déjà fragile. Selon le ministère de la justice, 40 % des emplois de magistrats créés ont été absorbés par la loi du 15 juin 2000 dont l'impact avait été mal appréhendé. »
    Deuxième exemple : l'application des 35 heures a été particulièrement délicate dans l'administration pénitentiaire. Ainsi, sur les 1 500 emplois créés dans la loi de finances pour 2002, 700 ont été consacrés à la seule prise en compte des 35 heures.
    L'intérêt, monsieur le ministre, d'une loi d'orientation et de programmation telle que celle que vous présentez est de proposer une approche globale et cohérente prenant en compte à la fois la politique judiciaire annoncée et les moyens qui lui sont nécessaires.
    Une loi de programmation permet aussi, et c'est important pour nous, chers collègues, une visibilité essentielle pour le contrôle parlementaire.
    Le ministère de la justice est, nous le savons, le premier constructeur de l'Etat avec un patrimoine de 1,830 million de mètres carrés de surface hors oeuvre net. C'est la raison pour laquelle le principe de l'annualité budgétaire paraît peu adapté aux exigences d'une bonne gestion des crédits d'équipement, pour lesquels les besoins sont colossaux. Ceux-ci doivent être programmés dans le temps.
    Avec une loi de programmation, le Parlement dispose d'une vue d'ensemble des opérations prévues puis engagées, d'une mise en perspective des crédits votés avec les dépenses réellement financées.
    Enfin, et c'est primordial également, une loi de programmation doit réhabiliter le principe essentiel de l'action politique, susciter et justifier la confiance.
    Les crédits prévus dans une loi de programmation ne sont qu'indicatifs : ils n'ont aucune valeur normative ni impérative. Mais une telle loi s'analyse, vous le savez, monsieur le ministre, comme un engagement moral du Gouvernement vis-à-vis du pays et de la représentation nationale. C'est pour le Gouvernement une ardente obligation de respecter un véritable contrat dont les termes sont bien identifiés : les objectifs sont fixés par le Gouvernement pour cinq ans, les montants des crédits sont programmés, les moyens sont mis en application année après année dans les lois de finances - notre commission des finances y sera spécialement attentive - et les résultats font l'objet d'une véritable évaluation. Le dispositif prévu à l'article 6 doit être amélioré afin que le Parlement soit le destinataire privilégié de cette évaluation, confortant ainsi son contrôle dans l'optique prévue par la loi organique du 1er août 2001.
    En présentant une loi de programmation, vous avez choisi une méthode de transparence et d'efficacité que nous approuvons.
    Qui plus est, votre projet de loi est ambitieux. Pour répondre à la légitime aspiration des Français à disposer d'une justice plus efficace, plus rapide et plus proche, vous entendez consacrer à celle-ci des moyens sans précédent. Comme cela a déjà été dit, en particulier par Jean-Luc Warsmann, 10 100 emplois supplémentaires sont créés, ce qui représente une augmentation des effectifs de 15 %, 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme sont prévus, ce qui revient à doubler le niveau moyen annuel des investissements du ministère. Des crédits d'investissement couvrant 50 % des autorisations de programme sont également planifiés.
    Le montant de l'enveloppe financière destinée à financer les emplois, les investissements et les mesures d'accompagnement s'établit ainsi à 3,65 milliards d'euros pour la période 2003-2007, auxquels vient s'ajouter la reconduction annuelle des moyens d'engagement et de paiement ouverts en 2002. Nous aurons, monsieur le ministre, à préciser ce point.
    Il est intéressant de décliner les efforts financiers secteur par secteur.
    Pour les services judiciaires, 4 450 emplois sont programmés, dont 950 emplois de magistrat. Contrairement aux pratiques du gouvernement précédent, il est prévu, et c'est une bonne chose, de créer quatre postes de greffier pour un magistrat, au lieu de deux pour un. Cela correspond beaucoup mieux aux nécessités quotidiennes de la vie judiciaire.
    Pour les services pénitentiaires, je distinguerai les objectifs et les moyens.
    Pour ce qui concerne les objectifs, 37 400 créations d'emplois sont programmées et 1 313 milliards d'euros d'autorisations de programme sont inscrits, permettant la réalisation de 11 000 places : 4 000 pour remplacer des places obsolètes et 7 000 places en création nette. La nécessité absolue de ce programme de construction, inédit par son ampleur, a été illustrée par de nombreux rapports parlementaires dénonçant des conditions de détention indignes dans certains établissements datant de plusieurs siècles.
    La nécessité impose de faire vite. La population pénitentiaire a augmenté de 13,4 % en un an. On compte aujourd'hui 56 385 détenus pour 47 500 places.
    Le projet de loi propose, précisément pour aller vite, des moyens juridiques innovants : externalisation de la réalisation d'équipements lourds, possibilité d'expropriation avec la procédure d'extrême urgence. Vous disposerez, monsieur le ministre, d'outils juridiques qui devraient permettre de gagner un temps précieux.
    La protection judiciaire de la jeunesse est, elle aussi, fortement dotée : 1 250 emplois sont programmés, financés par 293 millions d'euros de dépenses ordinaires, 55 millions d'euros d'autorisations de programme sont également prévus pour financer les centres éducatifs fermés, innovation importante de ce projet.
    Pour les juridictions administratives, qui sont actuellement complètement embouteillées du fait de l'augmentation du nombre d'affaires traitées par chaque magistrat et des délais moyens de jugement, en particulier, pour les cours administratives d'appel, il est prévu 480 créations d'emplois, 114 millions d'euros de dépenses ordinaires et 60 millions d'euros d'autorisations de programmme pour la création de la cour administrative d'appel de Versailles et de deux tribunaux administratifs.
    Les moyens financiers sont importants et efficacement prévus. Mais ils ne suffiront pas s'ils ne sont pas accompagnés d'une réflexion d'ensemble sur l'organisation de la justice.
    Comme le soulignait Patrick Devedjian dans le rapport de la MEC, la Mission d'évaluation et de contrôle, consacré aux moyens des services judiciaires, il ne faut pas « se contenter d'une augmentation toujours plus grande des crédits qui permettrait d'éluder des réformes de stucture pourtant indispensables ». Je partage totalement cet avis. L'effort demandé au contribuable ne doit pas dispenser les services de la justice de la recherche nécessaire de productivité pour améliorer la qualité du service public de la justice.
    Les voies de réforme sont multiples. J'en prendrai simplement trois exemples.
    Une première voie est la modernisation de la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse, dont certains dysfonctionnements doivent être stigmatisés. Je citerai deux chiffres : le délai moyen de prise en charge des mesures et des peines est de cinquante-deux jours, ce qui est bien trop long ; le taux de consommation des crédits de paiement a été de 24 % en 2001. Il y a quelque jours, au 1er juillet 2002, il n'était que de 13 %.
    Une deuxième piste est le lancement d'une véritable réforme de la carte judiciaire. Et l'idée de mutualiser les ressources humaines et les moyens budgétaires dans le cadre d'un futur « tribunal de première instance » évoquée dans le rapport annexe est tout à fait intéressante.
    Troisièmement, il faudra aussi achever la mise en place des services administratifs régionaux qui ne figurent toujours pas dans le code de l'organisation judiciaire.
    Vous avez également prévu dans votre rapport annexe des pistes intéressantes : politique de contractualisation, réduction de la présence des magistrats dans les seules commissions administratives, recentrage du rôle du magistrat entouré d'une véritable équipe dont les greffiers seront les pierres angulaires et disposeront de missions étendues, recentrage sur les missions juridictionnelles. C'est en poursuivant dans cette voie de la rationalisation, en conjuguant moyens nouveaux et réformes de fonctionnement et de structure que nous relèverons le défi d'une justice digne de notre démocratie.
    M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Pélissard.
    M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis. Il reste, monsieur le ministre, et je conclurai sur ce point, à surmonter deux obstacles.
    Le premier est celui des recrutements. Il faudra compléter les capacités d'accueil des différentes écoles : Ecole nationale de la magistrature, Ecole nationale des greffes, Centre national de formation et d'étude de la PJJ, Centre de formation des personnels pénitentiaires, Ecole nationale d'administration pénitentiaire.
    Le second obstacle est la sous-consommation des crédits d'équipement. En 2000, le taux de consommation des crédits inscrits au chapitre 57-60 n'a été que de 47,5 %. La situation est encore plus préoccupante pour les crédits d'équipement pénitentiaire, dont le taux de consommation n'a été, en 2000, que de 38,8 %. Le cycle de construction de bâtiments judiciaires ne donne lieu à consommation massive des crédits qu'à partir de la quatrième année de programme.
    Des éléments nous permettent d'être optimistes quant à l'amélioration de cet état de fait : la création de l'Agence de maîtrise d'ouvrage chargée des travaux d'équipement, qui est maintenant opérationnelle, et surtout la création d'un secrétariat d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Celui-ci aura un effet entraînant sur la réalisation des travaux en insufflant une volonté politique forte, volonté politique que vous symbolisez, monsieur le garde des sceaux et monsieur le secrétaire d'Etat.
    Monsieur le président, mes chers collègues, la commission des finances, saisie pour avis, a approuvé le projet de loi d'orientation et de progammation pour la justice. Celui-ci donne un nouveau démarrage efficace, volontaire et ambitieux à la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur une remarque qu'a faite M. Maxime Gremetz il y a quelque trois quarts d'heure. Vous verrez qu'il n'y a aucune intention ironique à cela. Il a dit que, quand un homme politique allait voir ses électeurs, la question pour eux n'était pas de savoir si cela vient de la gauche ou de la droite, mais de savoir si c'est bon ou mauvais pour eux. M. Gremetz avait raison.
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas la Bible !
    M. Pascal Clément, président de la commission. De temps en temps, quelqu'un peut dire une vérité !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le nouveau testament selon Saint-Maxime ! (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous êtes un fidèle, d'ailleurs, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Pas vraiment !
    M. le président. Arrêtez, monsieur Brard. Vous allez être excommunié !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ne commencez pas, monsieur Brard, à nous empêcher de parler. M. le président va ensuite me reprocher de dépasser mon temps de parole !
    M. Jean-Pierre Brard. Je suis sûr d'avoir votre absolution !
    M. le président. Monsieur Brard, vous irez vous confesser après !
    M. Julien Dray. C'est M. Clément qui a commencé, monsieur le président, comme d'habitude !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je vous remercie, monsieur Brard, de me laisser m'exprimer.
    Je suis convaincu que ce projet, si nous le sortions de tout contexte partisan, serait accepté par l'ensemble des Français.
    M. Julien Dray. Non !
    M. Patrick Braouezec. C'est tout à fait faux !
    M. Pascal Clément, président de la commission. A ceux qui ne sont pas de mon avis, je ferai remarquer sans provocation que nous sommes en train de réaliser les promesses de M. Jospin sur deux aspects : le juge de proximité et le centre éducatif fermé.
    M. Gérard Léonard. C'est vrai !
    M. Julien Dray. Vous ne l'avez pas bien écouté !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je vais y revenir.
    Les reproches que vous faites au texte, mes chers collègues de l'opposition, sont peu crédibles.
    Vous avez commencé par des considérations dilatoires du genre : « Le Gouvernement a présenté ce texte dans la précipitation, pendant la période estivale où personne ne suit grand-chose de l'actualité politique ! »
    M. Christophe Caresche. C'est vrai !
    M. Patrick Braouezec. C'est le moins qu'on puisse dire !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je ferai plusieurs observations à ce sujet.
    Première observation : est-ce nous qui avons voulu l'inversion des élections ?
    M. Christophe Caresche. La campagne électorale est terminée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je vous fais observer que, si l'élection s'était déroulée au bon moment, ce problème aurait été débattu au mois de mai !
    Deuxième observation : nous avons eu cinq ans pour réfléchir sur l'explosion de la délinquance et l'inanité des initiatives que vous avez prises. Voyez-vous, mes chers collègues, être dans l'opposition, cela sert surtout à réfléchir.
    M. Christophe Caresche. Depuis qu'il est dans la majorité, il ne réfléchit plus !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous en avons donc profité pour réfléchir et, maintenant que nous en avons la possibilité, nous avons la capacité de mettre en oeuvre le fruit de notre réflexion. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Troisième observation : nous étions dans l'obligation de répondre aux déboires d'une loi récente, qui, elle, avait certainement dû se faire dans la précipitation puisque vous avez été obligés de la réviser quelques semaines plus tard. Le soin de s'occuper de cette révision a été confié à un brillant collègue. Pour partie, les dérives les plus criantes de cette loi ont été gommées. Je ne reviens pas sur le sujet bien que ce ne soit pas l'envie qui m'en manque, tellement c'était ridicule...
    M. Julien Dray. Au contraire, revenez-y !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nos électeurs, tout comme les vôtres d'ailleurs,...
    M. Julien Dray. Nous n'avons pas les mêmes !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... n'ont cessé, au cours de la campagne électorale, de nous demander quand le Gouvernement de la France allait enfin s'occuper de ce qui les intéresserait.
    M. Patrick Braouezec. Mais pas n'importe comment !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Et ce qui intéresse les électeurs, c'est d'abord le problème de l'insécurité.
    Mais comment aborder un tel dossier, me direz-vous ? Vous êtes d'accord pour prendre des mesures en matière de sécurité, mais pas les nôtres.
    J'aimerais revenir quelques instants sur l'aspect intellectuel du débat - même si le mot fait toujours un peu ronflant - à savoir les ordonnances de 1945. A cet égard, je tiens à rendre un hommage très particulier au rapporteur de la commission des lois, qui a procédé à pas moins de quarante auditions, et ce par une température absolument insupportable, monsieur le président.
    M. le président. Je n'y peux rien, monsieur Clément !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous êtes le président de l'Assemblée.
    M. le président. Mais je ne fais pas la pluie et le beau temps !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais vous pouvez décider d'installer la climatisation, monsieur le président ! Je voulais profiter de mon intervention à cette tribune pour vous lancer un appel à ce sujet, monsieur le président, au nom de tous mes collègues commissaires.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez encore des illusions !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce qui m'a frappé, au cours de toutes ces auditions, c'est qu'une grande majorité des personnes qui ont été entendues ont considéré que ce que proposait le Gouvernement était bien. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Jack Queyranne. C'est une escroquerie !
    M. Christophe Caresche. Il faisait vraiment très chaud ! (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ne m'obligez pas à dire, mesdames, messieurs de l'opposition, car ce serait fort indélicat, qu'on vous a peu vus en commission, pour ne pas dire qu'on ne vous y a pas vus du tout.
    Et ce qui gênait ceux qui n'étaient pas favorables au texte, c'était - je le dis avec respect - le fait que nous revenions sur l'ordonnance de 1945. J'ai bien senti que nous touchions là à un problème typiquement français, à un problème de principe, à une espèce de sacralisation d'un texte qui fait que celui qui y touche est montré du doigt par les belles âmes de ce pays.
    D'ailleurs, la dernière édition du journal du soir qui sert de conscience à l'intelligentsia attaque de front le problème dans un éditorial en première page.
    M. Julien Dray. Il n'aime pas Cécile Prieur car elle ne l'a pas interviewé !
    M. Pascal Clément, président de la commission. De quoi s'agit-il ? Il y est dit clairement que l'ordonnance de 1945 privilégie la prévention sur la répression...
    M. Julien Dray. Non !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... et il est expliqué, ce qui est tout à fait vrai, que, s'agissant des mineurs, on ne peut pas se contenter de sanctionner - la sanction serait même stupide et souvent contre-productive - et qu'il fallait surtout mettre l'accent sur l'aspect éducatif.
    Que s'est-il passé depuis 1945 ?
    M. Julien Dray. M. Clément a été élu député !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Sans reprendre le discours du ministre et du rapporteur, je rappellerai cependant que, tant que la situation de 1945 a prévalu et que les ordonnances de 1945 donnaient des résultats sur le terrain, personne n'a pensé à les remettre en cause.
    Les remet-on en cause aujourd'hui ? A cette question, vous répondez oui. Eh bien, j'affirme solennellement du haut de cette tribune qu'il n'est est rien. Nous ne remettons pas en cause l'ordonnance de 1945, mais - écoutez bien le terme que j'emploie -, nous la complétons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Un hégélien dirait : nous la surmontons !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pourquoi la complétons-nous ? Tout d'abord - c'est le premier constat, que je rappelle brièvement parce que vous connaissez tout cela par coeur -, depuis dix ans, nous assistons à une explosion de la délinquance puisqu'elle a augmenté de 80 %. Ensuite - second constat et second chiffre à garder en tête -, 5 % des délinquants commettent 80 % des délits. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir comment traiter le problème de ces 5 % de délinquants forcément récidivistes. Jusqu'à présent, messieurs, vous ne l'avez pas fait et on se plaint de la montée de la délinquance.
    Le problème n'est donc pas, comme vous voulez le faire croire, de stigmatiser la jeunesse française, mais de mettre en exergue et de régler le problème posé par ces 5 % de délinquants. Tel est l'objet du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Du reste, le problème a été réglé d'une façon, j'allais dire inattendue, dans la mesure où la solution n'est pas celle que vous dénoncez et que l'on retrouve dans le titre du Monde il y a quelque temps : « La prison à partir de treize ans ».
    M. Lionnel Luca. Lamentable !
    M. Julien Dray. Il faut interdire Le Monde ! (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est une contrevérité ! Je souhaite donc expliquer de façon simple et, je l'espère, pas trop schématique la nouvelle organisation proposée. Le projet de loi prévoit désormais trois étapes dans la chaîne pénale applicable aux mineurs.
    La première étape est constituée justement par des mesures éducatives, qui sont la première sanction.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est l'éducation britannique !
    M. Pascal Clément, président de la commission. La deuxième étape est le contrôle judiciaire mais, au lieu de revêtir la forme traditionnelle que nous connaissons, il s'effectuera dans des maisons éducatives et fermées. Jusqu'à présent, quand un mineur ne respectait pas le contrôle judiciaire, on le plaçait dans une famille ou dans un établissement. Et si jamais il se conduisait mal, savez-vous ce que l'on faisait ? On le remettait à ses parents ! Voilà comment était sanctionné le non-respect du contrôle judiciaire jusqu'à l'heure où nous parlons.
    La troisième sanction, qui n'est pas créée par le projet de loi de M. le garde des sceaux, puisqu'elle existe déjà, c'est l'incarcération.
    Par conséquent, ce qui est nouveau, contrairement à ce qui a été dit, ce n'est pas l'incarcération, mais la maison d'éducation, laquelle n'est plus renforcée, mais fermée.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce qui est nouveau, c'est que vous incitez à incarcérer des mineurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pas du tout !
    M. Lionnel Luca. M. Le Guen n'a rien compris.
    M. le président. Je vous en prie, monsieur le président, ne vous laissez pas interrompre par M. Le Guen.
    M. Pascal Clément, président de la commission. J'essaie, monsieur le président, mais je ne suis qu'un modeste orateur.
    Vous remarquerez, mes chers collègues, que, maintenant que la démonstration commence à entrer dans les esprits, les députés de l'opposition crient parce qu'ils sont gênés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, ce que vous dites à l'opinion depuis quelques jours, et qui est repris par les médias, est faux ! Il faut dire la vérité : il s'agira de mesures éducatives, de contrôle judiciaire et, dans certains cas - mais seulement pour une durée de quinze jours ou d'un mois renouvelable une fois - de l'incarcération suivie du retour dans la maison d'éducation fermée ou dans un autre établissement.
    Les ordonnances de 1945 et leurs compléments sont respectés, mais celles-ci ne prévoyaient rien en matière de répression. Prévention plus répression, en français cela s'appelle l'éducation ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Quel est celui d'entre nous qui, père de famille, n'a jamais sanctionné son enfant ?
    Et ne riez pas car le problème est grave !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je ris de tristesse !
    M. le président. Monsieur Le Guen !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il m'interpelle !
    M. Pascal Clément, président de la commission. A moins que vous ne vouliez démontrer aux Français que vous vous fichez du problème de la délinquance. Or je sais que vous estimez aussi qu'il est grave !
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ils sont laxistes !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il est donc indéniable qu'il fallait le régler.
    Pendant cinq ans, vous ne l'avez pas fait ; puis, pendant un mois, M. Jospin a expliqué qu'il allait le régler et il a formulé deux propositions, dont l'une concernait la création du juge de proximité. A cet égard, M. Lang, qui s'exprime beaucoup - y compris ce matin, au scandale général - a tenu voici quelques jours des propos - plus intelligents que ceux qu'il a tenus ce matin - selon lesquels il ne fallait pas se plaindre de la mise en place du juge de proximité puisque cela correspondait à l'une de vos propositions ! Aujourd'hui, vous semblez contre ! Mettez-vous donc d'accord entre vous ! (Sourires.)
    Vous montez aussi sur vos grands chevaux pour protester contre les maisons éducatives fermées. Pourtant, la seule différence notable entre elles et les maisons d'éducation renforcée - lesquelles coûtent d'ailleurs extrêmement cher, mais on y fait du très bon travail - est que ces dernières sont ouvertes.
    Or, si vous permettez à un jeune grand délinquant multirécidiviste de sortir quand il veut, le soir ou le matin, comment pouvez-vous espérer le redresser ? Comment voulez-vous le remettre dans la bonne voie ?
    Je suggère donc au garde des sceaux de transformer ces maisons d'éducation renforcée et de les faire fonctionner immédiatement comme des maisons éducatives fermées.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous voulez fermer les maisons ouvertes !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous disposerions ainsi d'entrée de jeu de cinquante-quatre maisons - selon les chiffres donnés par le rapporteur - pour mettre en oeuvre la nouvelle politique. Il serait donc possible de l'engager rapidement.
    En effet, mes chers collègues, compte tenu des déboires que nous avons connus, il y a la volonté d'aller vite. Le référé-détention et la comparution immédiate sont des moyens d'éviter les libérations intempestives qui ont tellement choqué l'opinion. En fait, elles ont été les fruits de la loi sur la présomption d'innocence. Vous voulez que l'on n'y revienne pas, mais le référé-détention ne sera jamais que le correctif apporté à cette loi votée trop vite.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est anticonstitutionnel !
    M. Pascal Clément, président de la commission. En ce qui concerne la comparution immédiate, comment peut-on se plaindre de l'engorgement et de la lenteur de la justice, et refuser des mesures qui tendent à la rendre plus rapide ? Cela est d'autant moins compréhensible qu'il y aura toujours le délai nécessaire à l'instruction du dossier du jeune et que seront évidemment respectés tant les droits de la défense que les devoirs que nous avons vis-à-vis des mineurs.
    Chers collègues, ce texte n'a donc aucun caractère choquant. Cependant, il a suffi qu'un sénateur, plus connu que d'autres, je l'admets, donne le signal au petit monde de l'intelligentsia française que ce texte était mauvais, pour que vous vous précipitiez dans l'erreur avec le brillant que vous avez quand vous foncez ainsi. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je reconnais en effet que, dans de tels cas, vous l'êtes toujours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. C'est en expert de l'erreur que vous parlez !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pour terminer, je voudrais très objectivement vous donner deux sujets de méditation pour les cinq ans à venir. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Comme nous en sortons, je parle d'expérience ! (Sourires.)
    Je le fais d'ailleurs avec modestie et sans fausse vanité car j'ai beaucoup perdu dans cette maison où j'ai été bien plus longtemps dans l'opposition que dans la majorité.
    Le premier sujet de méditation, à propos duquel je citerai une phrase que vous connaissez tous, est votre incapacité à comprendre le peuple français (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais si ! Alors que l'on a entendu parler du problème de la sécurité pendant les trois mois des campagnes présidentielle et législative, vous nous demandez de ne pas toucher à l'ordonnance de 1945. En clair, vous voudriez que nous ne fassions rien !
    De deux choses l'une : soit vous êtes les tenants de la phrase célèbre de Bertolt Brecht : « Si le peuple ne nous plaît pas, changeons le peuple » et il faut le dire (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Julien Dray. La citation n'est pas tout à fait exacte.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez lu Brecht bizarrement.
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... soit vous voulez, pédagogiquement, essayer de comprendre ce qui est en train d'arriver à notre pays car la France est heureuse d'avoir un gouvernement et une majorité parlementaire qui répondent enfin à la question posée, alors que tel n'a pas été le cas pendant des années. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le deuxième sujet de méditation que j'ai trouvé délicieux repose sur une phrase de Jünger.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes approximatif dans vos citations ! Me permettez-vous de vous interrompre ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, je ne vous le permets pas, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Ignorantus, ignoranta, ignorantum !
    M. le président. Continuez, monsieur Clément, il vous reste quelques minutes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je livre donc à votre méditation cette phrase de Jünger qui a été relevée par Revel : « Il y a toujours, dans la vie des régimes politiques, un moment tragi-comique où ils dénoncent comme une trahison toute tentative de les sauver. » Vous auriez pu être sauvés si vous aviez compris cela dans les cinq années qui viennent de s'écouler. Nous, nous le faisons. C'est tragi-comique, mais vous ne comprenez toujours pas. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 31 juillet 2002.

    « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 154, d'orientation et de programmation pour la justice :
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 157),
    M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 158).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 31 juillet 2002
SCRUTIN (n° 5)


sur l'amendement n° 3 de M. Gremetz à l'article premier (art. L. 322-4-6-1 du code du travail) du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (obligation de formation professionnelle pour les employeurs bénéficiaires du soutien de l'Etat).

Nombre de votants

166


Nombre de suffrages exprimés

165


Majorité absolue

83


Pour l'adoption

26


Contre

139

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Pour : 2. - MM. Sébastien Huyghe et Jean-Pierre Nicolas.
    Contre : 128 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (141) :
    Pour : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - M. Jean-Claude Viollet.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non inscrits (20).
    Pour : 3. - Mme Martine Billard, MM. Simon Renucci et Roger-Gérard Schwartzenberg.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Sébastien Huyghe, Jean-Pierre Nicolas, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 6)


sur l'amendement n° 29 corrigé de MM. Salles et Rodolphe Thomas à l'article 2 du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (obligation de la conclusion d'une convention sur l'accompagnement des salariés embauchés dans le cadre du dispositif).

Nombre de votants

254


Nombre de suffrages exprimés

253


Majorité absolue

127


Pour l'adoption

63


Contre

190

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Pour : 3. - Mme Maryvonne Briot, MM. François Goulard et Alfred Trassy-Paillogues.

    Contre : 190 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - Mme Béatrice Vernaudon.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (141) :
    Pour : 41 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non inscrits (20).
    Pour : 3. - Mme Martine Billard, MM. Alfred Marie-Jeanne et Simon Renucci.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    Mme Maryvonne Briot, M. François Goulard, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 7)


sur les amendements n° 5 de M. Gremetz, n° 20 de Mme Billard et n° 91 de M. Gorce tendant à supprimer l'article 3 du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (financement du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle par une contribution spécifique).

Nombre de votants

251


Nombre de suffrages exprimés

251


Majorité absolue

126


Pour l'adoption

51


Contre

200

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Contre : 192 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (141) :
    Pour : 45 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non inscrits (20).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Simon Renucci.

SCRUTIN (n° 8)


sur l'amendement n° 53 de M. Christian Paul avant l'article premier du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (relatif à la consolidation des emplois d'utilité sociale créés par les associations).

Nombre de votants

269


Nombre de suffrages exprimés

267


Majorité absolue

134


Pour l'adoption

50


Contre

217

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Pour : 2. - MM. Jacques Bobe et Dominique Dord.
    Contre : 206 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (141) :
    Pour : 42 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstentions : 2. - MM. Jean Dionis du Séjour et François Sauvadet.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non inscrits (20).
    Pour : 2. - MM. Alfred Marie-Jeanne et Simon Renucci.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Jacques Bobe, Dominique Dord, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».