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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 4 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 3 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Ayrault : MM. Christophe Caresche, Gérard Léonard, Serge Blisko, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Ayrault : MM. Manuel Valls, Christian Estrosi, Bruno Le Roux, Nicolas Perruchot. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Claude Goasguen,
Bruno Le Roux, le ministre,
Nicolas Perruchot,
André Gerin, le ministre,
Christian Estrosi.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Fin de la mission d'un député «...».
3.  Dépôt du rapport d'une commission d'enquête «...».
4.  Saisine du Conseil constitutionnel «...».
5.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n°s 823, 949).
    La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je présente aujourd'hui, devant votre assemblée, mon cinquième projet de loi en un an.
    M. Eric Raoult. Bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est pour moi, à chaque fois, une nouvelle histoire qui commence, un débat qui s'ouvre, une occasion de confronter nos points de vue et, certainement, d'enrichir notre réflexion.
    Le débat que nous avons eu sur la loi de sécurité intérieure a montré que, sur certains sujets sensibles autant que difficiles, nous étions capables sur tous les bancs de l'Assemblée, malgré nos différences, de nous retrouver sur des objectifs communs. Je ne doute pas que nous aurons sur le présent texte des débats d'un intérêt et d'une densité comparables.
    Le ministère de l'intérieur a cet avantage de permettre de porter des projets qui sont au coeur de problématiques transversales de notre société. Peut-on ignorer que la question de l'immigration est actuellement au croisement de multiples interrogations de nos compatriotes ? J'ai pour ambition qu'au terme de notre débat nous ayons répondu à une partie de ces interrogations.
    Face aux difficultés de l'intégration, nos compatriotes mettent en cause la politique migratoire mise en oeuvre par le passé. Face aux perspectives démographiques de notre pays, face à l'élargissement de l'Union européenne, face à l'émergence d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des idées et des biens, les Français se demandent ce que sera l'immigration pour l'avenir.
    Certes, nous ne pourrons pas débattre de tous ces points en détail, mais ces questions seront en toile de fond de nos débats, comme elles le sont depuis plus d'un an dans la politique migratoire que j'essaye de mettre en oeuvre avec mes collègues du Gouvernement, Dominique de Villepin et François Fillon. C'est dire l'importance du sujet de l'immigration, sa sensibilité et l'attente qu'il suscite chez les Français.
    Qu'il me soit permis de souhaiter - j'essaierai pour ma part de le faire - que nous abordions ce débat avec un grand sens de la responsabilité. On ne débat jamais de l'immigration. On éructe sur l'immigration. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On se fait des procès d'intention sur l'immigration. On n'avance plus d'idées, par manque de courage.
    Et pourquoi faut-il que nous soyons responsables les uns et les autres ?
    D'abord, parce que l'immigration, c'est une question d'hommes et de femmes. D'un côté, ceux qui cherchent en Europe une vie meilleure - et qu'ils n'aient pas la même couleur de peau, qu'ils ne viennent pas de pays d'Europe, n'empêche en rien qu'ils sont des êtres humains. De l'autre, nos compatriotes, qui s'interrogent sur la capacité de la France à rester un pays ouvert à l'immigration tout en gardant son identité et son modèle républicain. Peut-on encore accueillir des immigrés et garder notre modèle républicain, et faire l'intégration ?
    Ensuite, parce que l'immigration, je n'hésite pas à le dire, est l'une des questions de société où la confiance de nos compatriotes dans l'Etat s'est littéralement effondrée.
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cette question-là ne concerne pas la majorité contre l'opposition, elle concerne toutes les formations politiques.
    M. Richard Mallié. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nos compatriotes font-ils encore confiance aux responsables politiques sur la question de l'immigration ?
    Cette confiance s'est effondrée d'abord quant au discours. Depuis plusieurs années le débat sur l'immigration est prisonnier de l'affrontement de deux outrances qui le privent d'une parole sereine et responsable.
    D'un côté, on érige en objectif un mythe, celui de l'immigration zéro. Ce mythe n'a aucun sens !
    D'abord, il est contraire à la réalité. Inutile de promettre ce que nous ne pouvons garantir, ni les uns, ni les autres. Cent mille personnes environ, chaque année, entrent en France de manière légale. Ce seul chiffre réduit à néant l'idée même de l'immigration zéro. Et si on voulait supprimer ces entrées légales, alors il faudrait le dire et en assumer toutes les conséquences.
    Mais mieux, le mythe de l'immigration zéro est contraire à l'intérêt de notre pays, qui a toujours été et doit demeurer un pays construit à partir de vagues d'immigration successives. L'immigration, c'est l'ouverture aux autres, c'est l'enrichissement de notre culture, c'est la confiance dans l'avenir et non le repli sur le passé.
    De l'autre côté, un autre intégrisme revendique l'ouverture totale des frontières. Je veux le dire simplement, sans chercher à insulter quiconque : ce discours est authentiquement irresponsable.
    M. Pierre Cardo. Pour le moins !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est à l'évidence incompatible avec la capacité économique et sociale de notre pays à accueillir et à intégrer en nombre illimité des ressortissants étrangers.
    M. Pierre Cardo. Surtout quand ils s'installent toujours aux mêmes endroits.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est contraire à l'intérêt des pays d'origine, dont on ne parle jamais et qui ne doivent pas se voir pillés de leurs élites.
    Enfin et surtout, cet intégrisme est irresponsable parce qu'il pousse à l'alimentation des peurs, à la xénophobie, à la montée du racisme et au repliement sur soi.
    Ce discours est invoqué au nom des droits de l'homme, pour mieux culpabiliser celui qui ne le partage pas. Or, en vérité, l'absence de contrôle des flux migratoires affaiblit l'accueil, l'intégration et les droits des hommes et des femmes qui viennent en France dans le cadre d'une immigration légale. Toutes les associations qui oeuvrent concrètement auprès des étrangers réclament aujourd'hui un renforcement de la maîtrise des flux migratoires, pour le bénéfice même de ceux qu'elles aident.

    Mais la confiance de nos concitoyens s'est également effondrée quant à la capacité de l'Etat à maîtriser réellement les flux migratoires. Depuis de nombreuses années, ayons l'honnêteté de le reconnaître, les Français sont abreuvés d'une parole officielle qui déclare l'immigration sous contrôle. Or ils voient bien chaque jour que la réalité est différente et qu'elle s'est significativement aggravée dans les années récentes.
    Non seulement l'immigration légale augmente, de 12 % en 2000 et de 15 % en 2001, mais l'immigration clandestine explose. J'affirme que le chiffre souvent cité de 30 000 clandestins par an, évalué dans les années 1996-1997, n'a plus aucune signification aujourd'hui. (Approbation sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je vais le prouver. En 2002, nous avons reçu 80 000 demandeurs d'asile avec un taux de rejet de 85 %, ce qui représente 68 000 personnes déboutées. Dans le même temps, nous avons raccompagné 7 500 clandestins. Le calcul est vite fait : le chiffre de 30 000 clandestins de plus par an est faux.
    M. Jean-Paul Garraud. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce n'est pas un fantasme ! Ce n'est pas une peur ! Nous devons regarder cette réalité en face, l'affronter sereinement, l'analyser lucidement et décider de ce qu'il convient de faire. C'est cela, notre travail. Il nous faut passer des incantations aux démonstrations et à l'action. Nos compatriotes ne font plus confiance à l'Etat pour résoudre ces problèmes, parce que l'Etat ne les résout pas. L'enjeu de ce débat, c'est de trouver des solutions.
    Tous les pays européens subissent une pression comparable. Mais la différence avec la France, c'est que tous ont modifié leur législation pour la rendre plus efficace. Voulez-vous des exemples ? Les Danois l'ont modifiée en juin 2001 ; les Autrichiens en juillet 2002 ; les Italiens en septembre 2002 ; les Britanniques en novembre 2002. La France ne peut pas rester à l'écart de ce processus, sauf à devenir le maillon le plus faible de l'immigration clandestine en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est la question à laquelle nous devons répondre. Elle n'oppose pas la gauche à la droite ; elle oppose les responsables aux irresponsables.
    Les Français ne sont pas hostiles aux étrangers. Ils sont, en revanche, au mieux exaspérés, au pire désespérés par l'incapacité de l'Etat à maîtriser les flux migratoires. La xénophobie et le repli identitaire sont les fruits de l'impuissance et du laxisme de l'Etat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le temps est venu de dire que nous ne croyons pas à la fatalité de flux migratoires non maîtrisés. Des mesures législatives et administratives peuvent être prises - j'allais dire doivent être prises - pour lutter contre les filières criminelles d'immigration. Car, il faut maintenant parler non plus des filières d'immigration mais des filières criminelles d'immigration.
    M. Jean-Paul Garraud. C'est le trafic d'êtres humains !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ces mesures sont efficaces. Là encore, ne m'en veuillez pas de citer des chiffres, mais les démonstrations sans exemples n'ont pas de valeur pédagogique.
    L'organisation de vols groupés pour désengorger la zone d'attente de Roissy, au début de cette année, a eu des effets très significatifs sur la pression migratoire en provenance d'Afrique. Je soumets ces chiffres à la représentation nationale et je serais très heureux que qui que ce soit veuille en débattre pour en contester la réalité. Au début du mois de mars 2003, il arrivait en moyenne à Roissy soixante Sénégalais et cinquante Ivoiriens clandestins par semaine. Ce flux a été ramené, dès le mois d'avril, à quatre Sénégalais et trois Ivoriens. Que s'est-il passé ? Entre-temps, nous avions organisé quatre vols groupés de retour de clandestins à destination du Sénégal et de la Côte d'Ivoire. Plus intéressant encore, la réaction ferme de la France a conduit le Sénégal à élucider l'origine de ces filières et à prendre des mesures contre un certain nombre d'officines basées à Dakar qui distribuaient des titres de voyage falsifiés.
    Les mesures qui renforcent notre maîtrise des flux migratoires doivent être, aussi souvent que possible, adossées à une politique communautaire de gestion des frontières. Je l'affirme, contrairement à ce que j'entends dire parfois, l'Europe est une aide en matière de contrôle d'immigration, et non un handicap.
    M. Claude Goasguen et M. Olivier Dassault. Absolument !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais je pense aussi que les pays d'origine doivent être associés à la définition et à la mise en oeuvre de la politique migratoire. Nous l'avons fait avec la Roumanie, la Bulgarie, le Mali, le Sénégal et les trois pays du Maghreb. Bientôt, nous le ferons avec la Chine.
    Nous devons tourner la page du colonialisme qui nous empêche, du fait de notre passé, de nous parler franchement, de puissance à puissance, de civilisation à civilisation, de grand pays à grand pays, pour poser les problèmes sur la table, sans offenser qui que ce soit.
    Je vous le dis, il n'est pas normal que nous ayons délivré, en 2002, 14 000 visas à des ressortissants maliens et obtenu 237 laissez-passer consulaires pour renvoyer des clandestins. Il y a là un déséquilibre qu'aucun, parmi nous, ne peut accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais je suis le premier à reconnaître qu'il n'est pas normal non plus qu'il y ait plus de 7 000 Français en situation irrégulière au Sénégal. J'ai conclu avec les autorités sénégalaises un accord équitable qui place chacun devant ses responsabilités avec le souci de n'humilier personne, parce qu'on ne construit rien sur l'humiliation. Le Sénégal contribue au retour groupé de ses ressortissants en les faisant escorter par la police sénégalaise. Nous faisons de même avec les ressortissants français, un premier retour de quinze personnes ayant été organisé le 28 juin dernier. Je vous le dis très simplement, la France n'exige rien d'autres pays qu'elle ne serait en mesure d'accepter pour elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Myard. Réciprocité !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il m'est beaucoup plus facile d'obtenir un accord de nos partenaires africains, notamment, en leur demandant des accords de réadmission quand je leur explique que je ne leur demande rien d'extravagant, et que la France est prête à assumer les mêmes conséquences dans les mêmes conditions pour ses ressortissants.
    Il n'y a plus alors de passé colonial, il n'y a plus alors de racisme, il n'y a plus alors de Noirs contre Blancs, d'Africains contre Européens : il y a deux gouvernements responsables qui essaient de lutter ensemble contre des filières criminelles qui vivent de l'argent extorqué aux plus malheureux de nos compatriotes du monde.
    Je pense également que la France ne fait pas assez la différence entre les étrangers en situation régulière et les clandestins. Nous devons avoir une politique d'accueil plus dynamique et promouvoir l'intégration des nouveaux arrivants dans notre société. Le Gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures pour améliorer l'intégration des Français issus de l'immigration. Ces mesures n'ont pas de sens et n'auront pas de résultats si, dans le même temps, nous ne luttons pas avec plus d'efficacité contre les clandestins. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Encouragé par une vision de la société au cours des années 80, le communautarisme montre des signes de présence. Des communautés issues de l'immigration s'organisent pour résister à l'intégration républicaine par des pratiques endogames. Ce sont des jeunes femmes françaises issues de l'immigration, mariées de force à l'étranger, mais aussi des jeunes femmes étrangères, mariées et installées en France, mais privées de l'accès à la langue française, à la formation professionnelle et à la vie sociale. Cette réalité est inacceptable, car elle est contraire à l'idéal républicain que nous partageons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'estime enfin que notre pays doit retrouver une politique migratoire. Telle n'est plus le cas depuis de trop nombreuses années parce que la délivrance des visas n'obéit pas à une politique suffisamment délibérée.
    M. Pierre Cardo. Eh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je voudrais démontrer cette idée qui me tient très à coeur. Le volant d'immigration légale est entièrement alimenté par des flux que nous subissons, comme le regroupement familial et les demandeurs d'asile. C'est moins le cas s'il s'agit de raisons humanitaires que j'accepte bien volontiers. Mais en tout état de cause, ce n'est pas une immigration choisie, revendiquée, pensée. Moins d'un immigrant sur dix est choisi en fonction de critères qui correspondent soit aux besoins de notre économie soit à nos capacités d'intégration. Voilà le problème. Je ne propose en rien de revenir sur le regroupement familial, mais je constate que ce dernier relève de l'immigration subie, et non pas d'une immigration revendiquée, sollicitée, organisée, prévisible.
    Par ailleurs, submergée par l'immigration clandestine, la France ne peut pas augmenter le nombre de ses immigrés en situation régulière. Elle ne peut donc rien proposer aux pays d'origine pour les inciter à s'engager dans une gestion commune des flux migratoires. On pourrait très bien imaginer de conclure des accords avec un certain nombre de pays. Les termes de cet accord seraient simples : « Vous nous aidez à lutter contre les clandestins et nous donnons davantage de visas d'entrée pour ceux qui viennent de façon régulière. » Je souhaite que notre pays élargisse ses marges de manoeuvre pour demeurer un pays ouvert à l'immigration, mais dans un cadre contrôlé.
    Cette politique migratoire doit se définir au Parlement. Celui-ci ne peut se borner à préciser dans le détail les conditions de délivrance de tel ou tel titre de séjour, tandis que de simples circulaires ministérielles peuvent faire varier de un à dix le nombre de visas délivrés ou le nombre d'immigrants au titre du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Sur le plan de la démocratie, c'est une situation parfaitement anormale. Cette politique migratoire doit également associer les élus locaux et plus particulièrement les maires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Trop longtemps, l'immigration est restée une question confisquée par les administrations centrales, comme si aucun maire n'était capable d'aborder ce sujet de société avec la modération et le sang-froid nécessaire. Les communes ont pourtant un rôle décisif à jouer en matière d'immigration. Sans elles, l'intégration n'a aucune chance. Je vous ai fait, dans ce texte, des propositions pour renforcer la responsabilité des maires. Je sais que des amendements importants ont été déposés en ce sens par votre rapporteur. Notre débat sera fondateur en la matière.
    Politique migratoire, gestion communautaire des frontières, implication des pays d'origine, restauration de la capacité de l'Etat à lutter contre l'immigration clandestine, intégration, implication des élus locaux : telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les idées simples, mais fortes, qui sont les nôtres en matière d'immigration.
    Le projet de loi que je vous propose comprend quarante-cinq articles. Il s'agit d'une structure conforme au souci de clarté juridique du débat législatif. Une première série de dispositions concerne l'intégration des étrangers en situation régulière. Nous modifions en profondeur l'esprit de l'ordonnance de 1945. Pour la première fois, en effet, la notion d'intégration dans la société française est introduite dans notre droit et devient une condition d'accès pour obtenir la carte de résident.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La carte de résident donne droit au séjour pendant dix ans et est automatiquement renouvelable. Elle traduit un désir d'installation durable sur le territoire et doit être réservée, je n'hésite pas à l'affirmer, à ceux qui ont prouvé une réelle volonté d'intégration dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il s'agit de faire comprendre qu'on ne peut pas demander à être intégré durablement dans une société sans manifester en même temps le souci de s'y intégrer. C'est du bon sens. Et je regrette que ce bon sens ait été oublié depuis trop longtemps. Des représentants des maires participeront désormais aux commissions du titre de séjour placées auprès des préfets. Ces commissions verront leurs compétences élargies et la politique migratoire au niveau local tiendra davantage compte des réalités du terrain.
    M. Pierre Lellouche. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Enfin, un dispositif vous sera proposé pour lutter contre la stupéfiante augmentation des mariages arrangés ou forcés célébrés à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Cardo. Il était temps !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Savez-vous, mesdames, messieurs les députés, que les mariages mixtes Français-étranger célébrés à l'étranger ont augmenté de 70 % sur les dix dernières années, en particulier en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Mieux, ils sont désormais plus nombreux que les mariages mixtes célébrés en France pour la simple raison qu'il n'y a alors aucun contrôle. Eh bien, cela, non plus, nous ne pouvons pas l'accepter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Cardo. Evidemment !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Une deuxième série de dispositions est destinée à mettre un terme à certaines failles béantes de notre législation. Oui, 90 % des sans-papiers sont entrés en France de manière régulière, mais s'y sont maintenus au-delà de la date de validité de leur visa. Notre pays doit rester un pays ouvert au tourisme et aux visites privées et familiales. Mais il ne peut poursuivre dans cette voie s'il ne s'assure pas du retour des personnes dans leur pays d'origine. A cette fin, il vous est proposé de créer un fichier des empreintes digitales des demandeurs de visa alimenté, à terme, par au moins 120 de nos postes consulaires. Tout étranger qui, au bout de trois mois en France, aura oublié d'où il vient et qui il est, rendant par là même impossible l'organisation de son retour, se verra confronté à ses empreintes digitales à la date de son entrée.
    M. Lucien Degauchy. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela nous permettra d'obtenir les laissez-passer consulaires de retour sans aucune contestation possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Cette mesure simple résoudra définitivement la question des sans-papiers. Je rappellerai que la suppression de tout contrôle sur les attestations d'accueil, décidée par la loi RESEDA du 11 mai 1998...
    M. Pierre Lellouche. C'est honteux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... a entraîné une augmentation faramineuse de la fraude. Elles sont passées de 160 000 à 735 000...
    M. Jacques Myard. Incroyable !
    M. Pierre Lellouche. Bravo Chevènement !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... entre 1998 et 2002. Ces chiffres devraient convaincre les plus réticents. Il est urgent de rendre aux maires la possibilité de refuser la validation de ces attestations d'accueil (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) en cas de logement incompatible avec des conditions normales d'hébergement ou en cas de détournement de procédure. Je citerai l'exemple récent d'un hébergeant qui a trouvé le moyen de délivrer quinze attestations d'accueil pour une même période de quinze jours. De deux choses l'une : soit il a un très grand appartement, soit il se moque du monde, en tout cas, cela mérite vérification.
    M. Alain Marsaud. Bravo RESEDA !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans le même esprit, le projet de loi comporte plusieurs mesures destinées à lutter contre les mariages et les parentalités de complaisance. Depuis la loi RESEDA, le mariage avec un ressortissant français donne automatiquement droit à un titre de séjour. De l'avis de tous les maires, de gauche comme de droite, cette facilité a entraîné une forte augmentation des mariages de complaisance.
    M. Pierre Cardo. Oh oui !
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas vrai !

    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les premiers titres de séjour délivrés à des conjoints de Français ont augmenté de 470 % entre 1998 et 2002...
    M. Alain Marsaud. C'est l'amour ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... tandis que les cartes de résident fondées sur le même motif augmentaient de près de 70 %. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
    M. Richard Mallié. La faute à qui ?
    M. Charles Cova. Bravo le laxisme !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo Vaillant !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En tout cas, on peut se demander au nom de quoi M. Chevènement donne encore des leçons de républicanisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - M. Manuel Valls applaudit également.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Même M. Valls applaudit !
    M. Manuel Valls. Je n'ai pas oublié le 21 avril !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quand on se trompe tout le temps, on finit par avoir des ennemis partout ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs dispositions vous sont donc proposées pour lutter contre ce détournement de l'institution du mariage. Il en est de même pour les reconnaissances mensongères en paternité. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
    Une troisième série de dispositions est dirigée contre les filières criminelles d'immigration.
    M. Serge Blisko. Là, il n'y a rien à dire !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La lutte contre l'immigration clandestine ne doit pas se tromper de cible. L'un des phénomènes les plus importants de ces cinq dernières années en matière d'immigration est la criminalisation des filières. Ces réseaux ont compris que le trafic des clandestins était pour eux plus rentable et moins dangereux que tout autre trafic car les clandestins ne pouvaient pas se défendre.
    M. Lucien Degauchy. Eh oui !

    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ainsi, des réseaux spécialisés dans la drogue ou dans la prostitution se sont intéressés à l'organisation de filières criminelles.
    M. Jean-Paul Garraud. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nos adversaires font dans le domaine de l'immigration la même erreur qu'en matière d'insécurité.
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Yves Jego. C'est évident !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les victimes des filières sont d'abord les clandestins et ensuite les immigrés légaux qui souffrent de l'amalgame. Lutter contre les filières criminelles d'immigration clandestine c'est donc protéger les plus pauvres, les plus démunis et les plus modestes, exactement comme nous l'avons fait en essayant de rétablir l'ordre dans les cités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Et que l'on ne compte pas sur moi pour nous excuser de mener cette politique.
    M. Manuel Valls. On n'y comptait pas trop !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La politique généreuse c'est justement de détruire les filières criminelles.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La politique irresponsable c'est de fermer les yeux, comme à Sangatte où j'ai trouvé six réseaux criminels de passeurs installés sous la garde de l'Etat dans le fameux hangar. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel scandale !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'auveuglement atteint son sommet lorsqu'une série d'associations vilipendent ce projet de loi comme attentatoire au devoir de solidarité.

    M. Richard Mallié. C'est scandaleux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je pense en apporter une démonstration cinglante.
    Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui, mesdames, messieurs les députés, ne comporte en effet aucune sanction contre les personnes physiques ou les associations qui apportent une assistance humanitaire à des personnes en situation irrégulière. Mieux, il ne fait qu'appliquer les engagements internationaux de la France signés par le gouvernement qui nous a précédés à Palerme en décembre 2000, et par 112 Etats, dont le Canada, l'Australie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Les mesures stigmatisées par un certain nombre d'associations sont donc la transposition d'une convention signée au nom de la France par nos prédécesseurs.
    Quelles sont ces mesures ? Ce projet de loi aggrave les sanctions dirigées contre les passeurs en trois circonstances et trois circonstances seulement. En premier lieu, lorsque la criminalité est organisée, ce qui vise les filières. Qui peut prétendre que doubler les peines de prison contre les filières criminelles c'est porter atteinte au devoir de solidarité ? En deuxième lieu, lorsque les filières mettent en cause gravement la vie d'autrui. Je pense à ces malheureux, trimbalés à fond de cale ou dans les camions frigorifiques ou sans aération, comme on en retrouve à Calais ou ailleurs tous les jours. Qui peut nous reprocher de punir plus durement ceux qui se comportent ainsi ? En troisième lieu, lorsque les conditions de travail et d'hébergement sont indignes de la personne humaine. Lequel ici va se lever pour dire que la France a tort d'aggraver les sanctions dans ces trois cas seulement, le dernier visant les marchands de sommeil et les ateliers clandestins ?
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vous ai entendu, mesdames et messieurs de l'opposition, me reprocher, peut-être à juste titre, de ne pas être assez sévère dans la loi de sécurité intérieure avec les propriétaires d'ateliers clandestins et les marchands de sommeil. Je compte sur votre vote pour que l'Assemblée nationale, unanime, adresse le signal le plus fort aux filières de criminels sans scrupule qui exploitent la misère humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Faisant cela, je me borne à appliquer une convention que vous aviez signée au nom de la France, ce qui était votre honneur. J'espère que vous n'hésiterez pas à le rappeler à ceux avec qui, parfois, vous avez la faiblesse de défiler.
    Que des artistes se soient laissé piéger par cette pétition me désole. Sans doute ont-ils eu peu de temps à consacrer à la lecture de mon texte. Mais que des associations, bien au fait du droit des étrangers, habituées à la lecture des textes juridiques, se soient fourvoyées dans une analyse aussi grossière en dit long sur des postures idéologiques dont leur action est en vérité constamment animée.
    Je terminerai par une dernière disposition, et non la moindre : la réforme de la procédure de rétention préalable à l'éloignement des étrangers. Avec douze jours, fractionnés en trois périodes et cinq présentations juridictionnelles, la France a le délai de rétention administratif le plus court de toute l'Europe et la procédure la plus compliquée.
    M. François Loncle. Et les centres les plus pourris !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ces délais sont respectivement de quarante jours en Espagne - grande dictature, comme on le sait - de deux mois en Italie, de dix-huit mois en Allemagne, et sont illimités en Grande-Bretagne, en Finlande et aux Pays-Bas. J'aimerais que l'on m'explique au nom de quoi ce que nos quatorze partenaires font nous n'aurions pas le droit de le faire en restant raisonnables et encore en dessous des délais en vigueur dans les autres démocraties. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pourquoi un délai considéré comme parfaitement démocratique ailleurs même s'il est de deux mois, de six mois ou illimité, deviendrait-il gravement attentatoire à la liberté parce qu'il dépasserait douze jours chez nous ? Certes, la rétention préalable à l'éloignement ne doit pas être une alternative à la prison. Il faut qu'elle soit réduite au strict nécessaire, mais il n'est pas acceptable que les décisions d'éloignement qui sont la simple application de la loi ne soient pas exécutées.
    Qui a demandé l'autorisation aux Français de ne pas exécuter les décisions d'éloignement ? Quels Français s'imaginent-ils que les décisions d'éloignement prononcées ne sont pas appliquées parce que l'on a du mal à identifier les étrangers, parce que l'on a du mal à obtenir des laissez-passer consulaires, parce que l'on a du mal à organiser les transports ?
    Les accords de réadmission en cours de négociation par l'Union européenne ouvrent aux Etats d'origine un délai d'un mois pour répondre à la demande de laissez-passer consulaire pour organiser le retour. Pourquoi, alors que l'Europe considère que donner un délai d'un mois pour répondre à une demande de laissez-passer consulaire est conforme aux droits de l'homme, ne pourrions-nous garder les clandestins que douze jours, soit dix-huit jours de moins pendant lesquels ils pourront disparaître ? Ne nous étonnons pas que, dans ces conditions, les Français n'aient plus confiance en l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je propose donc que nous nous calions sur le délai prévu par l'Union européenne. Puisque cette dernière va imposer aux Etats d'origine un mois pour répondre à une demande de laissez-passer consulaire, je souhaite que nous puissions garder le clandestin pendant un mois, le temps d'obtenir le laissez-passer consulaire, ni plus ni moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Myard. C'est raisonnable !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La France a la politique d'éloignement la plus faible, la plus indigente, oserais-je dire, de toute l'Europe. Nous avons reconduit 7 500 clandestins à la frontière en 2002, sur 40 000 décisions d'éloignement. Nous faisons à peu près autant de reconduites que la Belgique et moins que la Suède. Dans le même temps, l'Allemagne socialiste et l'Espagne libérale ont procédé à 30 000 reconduites par an. Ces deux pays sont-ils moins des démocraties que le nôtre ? Et au nom de quoi n'aurions-nous pas le droit, nous, de faire ce que les autres font ?
    Le projet de loi propose donc un allongement de la durée de rétention pour la faire passer de douze jours à un maximum de trente-deux jours.
    Il me reste à évoquer un sujet qui m'est cher, une réforme qui me semble s'écarter de toute logique politique, un acte de justice que je ne peux réaliser qu'avec vous : il s'agit de la réforme de la législation relative aux expulsions, aux peines d'interdiction du territoire, médiatiquement et improprement appelée la « double peine ». Je ne veux pas cacher ce débat. Quoi que vous décidiez, in fine, nous devrons le mener franchement, dans la transparence, avec le souci de la pédagogie ; et je me battrai pour convaincre.
    A cet égard, je souhaite d'abord que nous nous entendions précisément sur les termes de ce débat.
    Je sais que l'expulsion est une mesure de police et que l'interdiction du territoire est une peine complémentaire, comme il en existe bien d'autres dans le code pénal. Je sais également que certaines peines complémentaires du code pénal ne concernent que les Français, et que la peine d'interdiction du territoire n'est donc pas la seule peine discriminatoire de notre législation. Je ne me placerai donc pas sur le terrain juridique.
    M. Jean-Claude Lefort. Et voilà !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous sommes en effet au seuil d'un débat grave, dans lequel chaque position est respectacle. Je tiens à l'affirmer très solennellement, mais je vous demande de ne pas vous arrêter à des arguties juridiques.
    M. Jean-Claude Lefort. Et voilà !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous sommes les élus du peuple français.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Richard Mallié. Nous sommes là pour faire la loi !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous devons apprécier le bien-fondé de cette législation à la lumière de son efficacité et de ses conséquences humaines et sociales.
    Je souhaite également que nous nous entendions bien sur la portée de cette réforme.
    D'abord, il n'est pas question de réformer la peine d'interdiction du territoire lorsqu'elle concerne des personnes en situation irrégulière. Si le séjour est irrégulier, c'est que l'étranger est en France depuis une durée trop brève pour que l'on puisse considérer qu'il y a établi l'essentiel de ses liens privés et familiaux. Dans cette hypothèse, il n'y aura pas de changement, comme je l'ai déjà indiqué, notamment lors du débat sur la question du délit de racolage commis par des prostituées étrangères : à partir du moment où l'on est étranger, en situation irrégulière, que l'on n'a pas créé de liens avec la France, quand on est condamné pour un délit, on exécute sa peine de prison, puis on est raccompagné chez soi.
    Par ailleurs, je ne conteste absolument pas le droit, ni même le devoir, pour un pays comme le nôtre, d'éloigner de son territoire les étrangers qui n'y sont venus que pour y commettre des actes de délinquance. La peine d'interdiction du territoire et le régime de l'expulsion sont des instruments efficaces pour écarter de notre pays des étrangers indésirables. Nous ne changeons pas davantage les dispositions correspondantes.
    Autrement dit, lorsqu'un étranger est condamné, qu'il soit en situation irrégulière ou régulière, je considère qu'il est normal et nécessaire que, une fois sa peine de prison effectuée, il soit expulsé de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christophe Caresche. Attendez la suite !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ne faites pas tellement le glorieux : vous avez eu cinq ans pour faire quelque chose en la matière et vous n'avez rien fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ne politisons d'ailleurs pas la question qui doit rester sur le plan humain, chacun étant placé face à sa conscience.
    Je ne vous fais pas le procès de ne pas l'avoir fait ; ne me reprochez donc pas d'essayer de le faire dans de bonnes conditions.
    Il s'agit d'un problème difficile, car il met en cause la capacité de conviction d'un homme politique. Quand un homme politique croit qu'une action est juste, il ne doit pas attendre que l'opinion soit prête : il doit la mener et convaincre. C'est ce que j'essaie de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Raoult. Ils sont gênés à gauche ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Gerin. Pas nous en tout cas !
    M. Jean-Claude Lefort. D'autres peut-être, mais pas nous !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La question se pose donc lorsque les mesures d'expulsion menacent des étrangers qui ont construit toute leur vie en France, parce qu'ils y sont nés, parce qu'ils y sont entrés très jeunes, voire parce qu'ils s'y sont mariés. Certes, ils sont des étrangers de jure...
    M. Jean-Claude Lefort. Des frères !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... mais ils sont des Français de facto. La question de l'expulsion alors doit être posée de manière différente, car son application aurait des conséquences sans commune mesure avec les peines complémentaires du code pénal. Etre arraché à ses enfants français, parce que nés en France, de son épouse française, est un acte cruel qui n'a rien à voir avec le droit pénal. Aucune autre sanction pénale n'est aussi grave.
    Lorsqu'un tribunal correctionnel condamne un homme qui a fauté, il ne décide pas de punir ses enfants français, à être orphelins de père ou de punir son épouse française à être privée de son mari. Il est vrai que les intéressés n'ont pas la nationalité française et certains d'entre nous considèrent que cette différence justifie l'application d'un régime pénal spécifique. Je respecte cette opinion. Elle est le signe d'un attachement à la nation qui fait honneur à ceux qui l'expriment. Néanmoins je ne crois pas pour autant, du plus profond de mes convictions, que cette raison soit suffisante, car ce n'est pas parce qu'une personne n'a pas la nationalité française qu'elle doit être traitée de façon insensible, que ses chances de réinsertion doivent être à jamais compromises et que sa famille doit être punie avec elle. Un même délit doit entraîner une même peine pour tous, ni plus ni moins.
    Si vous voulez que notre politique puisse continuer à être ferme, elle doit être juste. Dans de tels cas, je l'affirme, l'Etat n'est pas juste parce qu'il punit des innocents ; nul ne peut l'accepter, sur aucun des bancs de cette assemblée.
    C'est la raison pour laquelle je veux faire appel non pas à des réflexes politiques mais à une véritable réflexion : cela est-il juste ou injuste ? Cela est-il cruel ou nécessaire ? A mon avis, cela est cruel, cela est injuste et, de surcroît, cela est totalement inefficace. Quatorze mois d'expérience au ministère de l'intérieur me permettent de l'affirmer. En effet quand vous expulsez un homme qui a construit toute sa vie en France où il laisse sa femme et ses enfants, il n'a qu'une pensée : y revenir. Dès lors la double peine entretient et renforce même la clandestinité.
    M. Bruno Le Roux. Très bien !
    M. Patrick Braouzec. C'est pareil pour les sans-papiers !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ainsi on veut expulser Chalabi qui, bien qu'Algérien, est né en France et a vécu toute sa vie en France. Dans ces conditions, comment voulez-vous que je convainque les Algériens d'accepter dans leur pays un homme d'une trentaine d'années qui n'a jamais vécu en Algérie ?
    Le cas de Bouchlalek, qui a six enfants français et une femme française, est identique. En effet comment voulez-vous que je le renvoie au Maroc en espérant qu'il ne reviendra pas, alors que sa femme et ses enfants vont rester en France ?
     Cela démontre qu'une telle mesure est non seulement injuste et cruelle, mais en plus totalement inefficace. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Je vous propose donc d'essayer de trouver la réponse la mieux adaptée à chaque cas. En l'espèce, je crois qu'il faut distinguer trois catégories de personnes.
    La première est constituée par les étrangers. Pour eux la règle est simple : quand ils commettent une faute en France, ils accomplissent leur peine de prison en France puis ils sont expulsés.
    La deuxième comprend les Français pour lesquels la règle est aussi simple : quand ils commettent une faute en France, ils font de la prison en France et ils restent en France.
    M. Pierre Cardo. Hélas ! (Rires et exclamations.)
    M. Jean-Claude Lefort. Quand même !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ces temps de laïcité, c'est une vision bien peu chrétienne de l'humanité, monsieur Cardo. (Sourires.)
    M. Manuel Valls. Il y en a qui sont déjà au purgatoire !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Enfin la troisième catégorie comprend ceux qui sont français de fait et étrangers de droit. Je pense surtout à ceux qui sont arrivés en France avant l'âge de treize ans, lequel n'a pas été choisi au hasard, car il a une signification au regard de notre droit pénal.
    Pour ces étrangers qui sont en France depuis plus de vingt ans, qui ont construit des liens, avec notre pays, qui ont une femme française, et des enfants français, je propose que l'expulsion ne puisse pas être prononcée, à l'exception de deux cas.
    M. Pierre Lellouche. Le terrorisme !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le terrorisme, effectivement, monsieur Lellouche, non pas parce qu'il s'agirait d'une infraction particulièrement grave, mais parce qu'il est difficile de demander à rester dans notre pays alors qu'on a comploté contre la France au nom d'intérêts étrangers. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Le moins que l'on puisse dire est que ces actes ne constituent pas la marque d'un enracinement en France tel que cela mériterait que l'on fasse une exception pour leurs auteurs.
    Toutefois, je ne veux pas fuir : je propose l'exception du terrorisme non parce que je considère qu'il est plus grave que le viol ou le trafic de drogue, mais parce que le crime est en lui-même contradictoire avec la déclaration d'adaptation à la nation. Quand on complote contre la nation, on ne peut pas lui demander de vous recevoir.
    M. Pierre Lellouche. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La deuxième exception concernerait les atteintes aux intérêts fondamentaux de l'Etat, c'est-à-dire l'espionnage. Pour la même raison, on ne peut à la fois comploter contre la France et lui demander de vous accueillir. (Applaudissements plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Claude Lefort. Vous n'allez pas rester longtemps en France, monsieur Lellouche.
    M. le président. Monsieur Lefort !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mesdames, messieurs, j'ai entendu bien des propos sur ce sujet. Je tiens donc à affirmer que ma proposition ne procède d'aucune considération tactique ; elle est, au contraire, fondée sur une conviction : on peut agir en France beaucoup plus fort, beaucoup plus vite et beaucoup plus complètement qu'on ne le croit, à la seule condition que les Français aient le sentiment que cette action est juste et qu'elle est équilibrée.
    A cet égard, non seulement la double peine ne sert pas la politique que nous voulons mettre en oeuvre, mais elle la complique, car elle permet à ceux qui contestent à la France la volonté de réguler les flux migratoires, de caricaturer cette politique. Supprimons la caricature, mettons en place la politique adéquate et nous aurons le soutien de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Dans l'esprit du Gouvernement, ce débat sur l'immigration n'est pas un débat médiocre. Nous allons être regardés ; nous allons être écoutés. Nous devons donc faire preuve de notre capacité à traiter du sujet sereinement, fortement, raisonnablement. On peut certes se demander s'il est possible de parler de questions fortes sans excès. Mais je pense que c'est justement quand les thèmes sont forts que l'on n'a pas besoin d'excès.
    J'espère d'ailleurs de toutes mes forces que nous pourrons dégager une majorité qui, sur des sujets de cette nature, ira au-delà de notre seule majorité parce que la question de l'immigration est décisive pour le pacte républicain et pour la confiance des Français dans l'Etat et dans l'ensemble de la classe politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le ministre de l'intérieur, il était temps ! Oui, il était temps que nous revoyions enfin notre politique d'immigration. Comme pour la loi sur la sécurité intérieure, vous avez choisi d'agir. Nous ne pouvons que vous en féliciter et vous soutenir, car le temps perdu pour la France a déjà été trop long.
    Depuis trop longtemps, la France n'a plus de politique d'immigration. Malgré la pression exercée à nos frontières, le nombre croissant de sans-papiers et la décomposition de notre tissu social, nous avons continué à subir ces phénomènes migratoires sans nous donner de véritables moyens d'intégrer les étrangers installés sur notre sol. Je ne reviendrai pas sur les errements de la loi votée par la gauche plurielle en 1997, qui s'est révélée désastreuse. Nous aurons l'occasion d'évoquer ses dispositions pendant les débats pour les corriger, mais je tiens à rappeler quelques vérités incontestables.
    D'abord, il faut admettre que, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, à plus de 90 %, les étrangers aujourd'hui sans papiers sont entrés sur notre territoire tout à fait légalement, en étant titulaires d'un visa. Simplement, ils n'en sont jamais repartis. En dépit de cette constatation, entre 1997 et 2001, la gauche a multiplié les délivrances de visas. En fait la France n'a eu aucune politique pendant ces années-là en la matière. Ainsi, entre 1996 et 2001, le nombre de visas délivrés a été multiplié par quatre pour les Maliens, passant de 7 000 à 28 000, par trois pour les Chinois, passant de 34 000 à 91 000. Quant au nombre de visas délivrés à des Marocains, il est passé pendant la même période de 59 000 à 146 000. Quant aux chiffres les plus graves, à mon avis, car ils illustrent le mieux cette dérive, ils concernent les attestations d'accueil qui ont été portées de 120 500, en 1996, à plus de 735 000 en 2002.
    Je tiens à rappeler également la chute vertigineuse de l'exécution des décisions d'éloignement. De ce point de vue, la France se caractérise par un manque d'efficacité évident. Ainsi, en 2001, à peine 20 % des mesures d'éloignement ont été exécutées. Cette faiblesse, nous le savons, mes chers collègues, est connue des filières d'immigration clandestine, pour lesquelles la France représente une formidable opportunité.
    Une rupture était donc indispensable. Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France soumis aujourd'hui à l'examen de l'Assemblée met cette rupture en oeuvre. Dès à présent, on peut dire qu'il sera l'un des textes forts de notre législature. Alliant pragmatisme et équilibre, générosité et fermeté, vous avez choisi, monsieur le ministre, de traiter les problèmes concrets et de combler les failles bien trop nombreuses de notre législation, plutôt que, comme l'avait fait la gauche, d'énoncer de grands principes inapplicables.
    Mes chers collègues, ne caricaturons pas le débat. La France, que nous représentons tous dans cet hémicycle, est et restera un pays d'accueil et d'immigration. Nous sommes tous conscients ici de ce que la France doit aux étrangers qui se sont installés sur son territoire, au cours des siècles passés, en termes de rayonnement politique, économique, intellectuel et culturel. Aujourd'hui près de 3,3 millions d'étrangers vivent de façon régulière sur notre sol et chaque année, 100 000 s'installent durablement dans notre pays.
    Nous refusons catégoriquement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les extrémismes, tant celui des idéalistes qui veulent accueillir toute la misère du monde que celui des irréalistes qui rêvent d'une immigration zéro dans un pays fermé sur lui-même. La France doit rester et restera un pays ouvert à tous ceux qui acceptent et partagent ses valeurs républicaines.
    Pourtant, force est de constater que le modèle français d'intégration est aujourd'hui cassé, faute d'une réelle volonté politique.
    Ce projet de loi, monsieur le ministre, pose la première pierre d'une nouvelle politique d'immigration. Ne souffrant pas de la même phobie d'agir que les socialistes, vous êtes en train de démontrer que l'on peut maîtriser l'immigration et non plus la subir.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce projet est équilibré, évitant les écueils et les faux-pas.
    Vous êtes plus ferme sur l'immigration clandestine et vous protégez mieux les étrangers qui, arrivés sur notre sol, ont choisi de s'y installer et d'y vivre en toute sérénité, tout en respectant les lois de la République.
    Notre commission a adopté la même démarche pragmatique.
    Dans le cadre de ses travaux préparatoires, j'ai fait en sorte qu'un véritable débat puisse avoir lieu indépendamment des clivages partisans. Ainsi, l'ensemble de ses membres ont été conviés à la quarantaine d'auditions qui se sont déroulées pour préparer ce texte. Je remarque d'ailleurs que l'opposition y a été régulièrement représentée.
    Nous nous sommes déplacés sur le terrain, entretenus avec les acteurs de la lutte contre l'immigration clandestine, rendus dans plusieurs préfectures, dans la zone d'attente de Roissy ainsi que dans des centres de rétention. Nous avons assisté à des audiences organisées au tribunal de grande instance de Bobigny, en application des articles 35 bis et 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
    Pour un texte essentiel, il était indispensable de prendre en considération, comme vous l'avez fait, les réalités du terrain. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, au nom des membres de la commission des lois, d'avoir accepté de vous déplacer personnellement à deux reprises devant la commission pour nous expliquer votre texte.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est tout à fait vrai !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. A ce stade du débat, mon rôle n'est pas de rappeler les principales dispositions du projet de loi. Il consiste à vous rendre compte du travail effectué sur ce texte au sein de la commission des lois.
    En tant que membre de cette commission j'ai trouvé essentiel de faciliter l'accès au droit. En effet, ma première remarque, lors du début de ma mission, a été pour constater la difficulté de la lecture de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les renvois multiples à d'autres dipositions, ces vides qui renvoient à des circulaires. C'est pourquoi il m'est apparu primordial de rendre cette ordonnance plus lisible, mieux accessible à tous et à toutes.
    Par ailleurs, la commission des lois a décidé d'apporter trois séries d'améliorations à ce projet : nous avons adopté une série d'amendements visant à rechercher une plus grande efficacité des procédures et des intervenants en matière de maîtrise de l'immigration ; nous avons adopté des amendements visant à lutter avec efficacité contre les détournements de procédure ; enfin, nous avons choisi de respecter le juste équilibre de la réforme de la double peine.
    En premier lieu, il convenait de renforcer l'efficacité du projet de loi en matière de procédures. Pour renforcer l'intégration des étrangers dans notre pays, le projet de loi prévoit d'appliquer dès maintenant les principes de la future directive européenne relative au statut des résidents de longue durée. Désormais, le statut de résident ne sera donné dans toute l'Union européenne qu'aux personnes qui, après un séjour de cinq ans, remplissent des conditions satisfaisantes d'intégration.
    Par ailleurs, le projet de loi modifie la composition de la commission des titres de séjour afin de renforcer son efficacité. Dans le même souci, la commission des lois a choisi d'inclure dans cette commission deux acteurs qui nous semblent particulièrement importants : le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi qu'une personne qualifiée pour sa compétence en matière de sécurité publique. Il était tout de même surprenant que, dans une telle commission, il y ait deux représentants des associations sociales, mais pas un seul responsable de l'ordre public dans les départements.
    Enfin, nous avons choisi de permettre l'audition du maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné par cette commission.
    Je tiens à saluer d'ores et déjà l'un des points forts du projet de loi : le renforcement du rôle des maires, notamment en matière du contrôle des attestations d'accueil. J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre la suspicion de certains vis-à-vis des maires. Je fais confiance aux 36 000 maires de France pour assumer de manière plus efficace et plus rapprochée le contrôle des attestations.
    M. Jean Roatta. Très bien.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Dans la même logique, nous vous proposerons de pouvoir substituer les services communaux à ceux de l'Office des migrations internationales pour la mise en oeuvre des opérations de vérification des conditions de logement et de ressources requises tant dans le cadre des demandes de regroupement familial que dans celui de la délivrance des attestations d'accueil. Là aussi, par des amendements adoptés en commission, le rôle des maires sera renforcé.
    Deux nouveautés sont apportées à ce projet de loi pour renforcer l'efficacité des procédures de l'ordonnance de 1945.
    D'une part, la commission des lois a adopté un amendement de Christian Estrosi et Christian Vanneste visant à permettre de confier le transfèrement des personnes retenues en centre de rétention ou en zone d'attente à des sociétés privées.
    D'autre part, à la suite des remarques de plusieurs associations de policiers, d'avocats et de magistrats, bref, de tous les intervenants dans les procédures relatives aux droits des étrangers, la commission des lois a adopté un amendement visant à encadrer l'exercice de la profession d'interprète, en imposant des règles minimales de compétence et de secret professionnel.
    M. Eric Raoult. Très bien.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Un avocat me disait, hier encore, que cet amendement est peut être une avancée historique dans notre procédure, dont on ne mesure pas toujours la portée. En effet, il est aujourd'hui possible à quiconque de se présenter dans un commissariat ou un tribunal et de se déclarer interprète. Les compétences ne sont pas vérifiées et il n'est pas rare de rencontrer des interprètes totalement incompétents. Par ailleurs, aucune déontologie n'était prévue à ce jour, et rien n'interdisait à un interprète de répéter mot pour mot à un policier les propos qu'une personne avait tenus devant son avocat. Pire, au-delà de l'incompétence, des policiers nous ont rapporté l'existence d'interprètes membres de réseaux de trafics d'être humains démantelés, allant rapporter toutes les déclarations d'un individu aux chefs de la filière, lorsqu'ils ne lui conseillaient pas de se taire.
    En deuxième lieu, notre commission a visé à maîtriser l'immigration en essayant d'éviter les détournements de procédure.
    C'est dans cette matière que nous devons nous montrer fermes. Les conditions d'accueil des immigrés légaux dépendent en partie de notre capacité à refuser les immigrés illégaux qui se servent des failles de notre législation.
    M. Christian Vanneste. Tout à fait.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ainsi, le projet de loi rétablit le contrôle effectif des attestations d'accueil. Il était temps !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh oui !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne rappellerai pas les chiffres déjà cités à deux reprises dans le débat.
    Depuis la loi RESEDA, encore issue de l'idéologie de la gauche plurielle, les maires, sans pouvoir effectif, ne pouvaient que se borner à constater les détournements de procédure. Le projet de loi avec pragmatisme, a rétabli ces possibilités de contrôle. Par ailleurs, la commission des lois, dans une volonté d'équilibre, a décidé de ramener le délai de la décision implicite de rejet de la décision d'accueil à un mois.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Toujours pour lutter contre les détournements de procédure, il sera désormais possible de demander une contre-expertise auprès d'une commission médicale régionale pour évaluer l'état de santé de l'étranger qui demande un titre de séjour en arguant de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de se faire soigner dans son pays d'origine.
    De même, nous avons décidé de lutter contre le développement exponentiel des demandes de regroupements familiaux illégaux dits « sur place ». En pratique, il s'agit d'enfants ou de conjoints souvent entrés régulièrement sur notre territoire qui, étant restés illégalement, demandent à bénéficier du regroupement familial. Selon les chiffres de l'OMI, ces cas sont loin d'être marginaux. Ainsi, le nombre de ces « admissions au séjour » s'est élevé, en 2001, à 2 808 personnes. A Paris uniquement, près de 900 décisions ont été rendues en 2002 sur des dossiers de ce type.
    Aujourd'hui, en l'absence de sanction, hormis sur le plan de l'accès aux prestations sociales, ce phénomène risque de prendre des proportions de plus en plus inquiétantes. C'est pourquoi la commission des lois a adopté un amendement proposant que les demandes de regroupements familiaux illégaux dits « sur place » soient sanctionnées par le retrait du titre du séjour de la personne à l'origine de la demande.
    De plus, nous avons choisi de lutter contre les détournements de la procédure de l'asile à la frontière. Ainsi, parmi les droits notifiés à l'étranger placé en rétention devra figurer la possibilité dont il dispose de demander l'asile, en précisant que cette demande ne sera recevable que si elle est formulée dans les cinq premiers jours.
    M. Christian Estrosi. Bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Par ailleurs, lorsqu'un étranger non admis déposera une demande d'asile dans les quatre derniers jours de la durée légale de son maintien en zone d'attente, celle-ci sera prorogée d'office de quatre jours. Trop souvent, en effet, des dossiers sont déposés à la dernière minute - en plus, si c'est un vendredi soir, il est difficile à la justice de travailler dans certains délais - et les personnes sont relâchées dans la nature sans aucun contrôle, tout simplement les délais sont trop courts.
    Enfin, il a été décidé d'adopter une procédure de contrôle des documents d'état civil présentés par les étrangers à l'appui, par exemple, d'une demande d'admission au séjour ou d'accès à la nationalité française. Il s'agit de lutter contre un phénomène de fraude, trop peu connu, qui s'est développé très fortement ces dernières années et qui touche jusqu'à 80 % des documents présentés par les ressortissants de certains Etats.
    Enfin, le Gouvernement propose de réformer ce qu'il est convenu d'appeler dans le langage courant la double peine. Ce sera l'honneur de ce texte de permettre d'agir quand d'autres, pendant des années, ont fait des colloques, des tables rondes,...
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... des articles, mais strictement rien de concret. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Comme pour les retraites !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La motivation de cette réforme est, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, d'assurer une meilleure prise en compte de la vie privée et familiale des étrangers ayant commis des actes de délinquance avant toute décision d'éloignement du territoire national.
    M. Christian Estrosi. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. En effet, il est plus que fréquent que ces étrangers soient établis en France depuis de nombreuses années, n'ayant plus aucune attache réelle avec leur pays d'origine et ayant une famille française, une épouse ou un époux français, des enfants français.
    Dans le même temps, la réforme permettra de rendre aux expulsions et aux interdictions du territoire leur caractère effectif, en concentrant les efforts de la puissance publique sur l'exécution des mesures d'éloignement réellement applicables.
    En conclusion, ce texte est ambitieux et doit être salué. Il est porteur d'un projet pour la France. Il est aussi, sur le plan du droit au séjour et à l'intégration, le symbole d'une volonté politique claire au service d'une souveraineté retrouvée.
    Conscient des difficultés du terrain et évitant les écueils idéologiques, vous avez choisi, monsieur le ministre, de combler les lacunes de notre législation.
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. En contrepartie de ce renforcement de la lutte contre l'immigration illégale, vous avez choisi de mieux protéger les étrangers qui souhaitent s'établir sur notre sol.
    M. Serge Blisko. Ça, c'est moins sûr !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Votre projet de loi, comme son nom l'indique, vise à maîtriser l'immigration et à mieux encadrer le séjour des étrangers en France. Je souhaite que demain la France développe une politique volontariste d'immigration. Lors de votre audition devant la commission des lois, vous nous avez exposé votre volonté de constituer de véritables « filières positives d'immigration ». Vous avez évoqué il y a quelques instants les exemples du Mali et de la Roumanie. Après les déplacements que vous avez effectués dans ces deux pays, le système commence à fonctionner.
    Bien sûr, nous vous soutenons dans cette nouvelle démarche. C'est la seule qui permette à long terme d'avoir une réelle politique dans cette matière où tout doit être pragmatique, mesuré et équilibré.
    C'est ainsi que nous reprendrons à nouveau le contrôle de notre politique migratoire, que nous respecterons notre tradition historique et que nous permettrons, en ce début de siècle où la mondialisation est omniprésente, de créer une nouvelle voie, celle du codéveloppement avec ces pays qui attendent beaucoup de la France.
    Notre responsabilité aujourd'hui est de ne pas les décevoir, mais aussi de montrer aux Français notre détermination à rétablir la souveraineté de l'Etat. C'est ce que vous avez fait sur la sécurité, c'est ce que vous faites aujourd'hui sur l'immigration et ce texte nous satisfait pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, après le rapporteur, de vous remercier à nouveau pour votre disponibilité, la chose est assez rare pour être soulignée. Vous nous avez exposé votre projet pendant plusieurs heures, puis vous êtes revenu devant notre commission pour répondre à l'ensemble des commissaires.
    Votre projet de loi nous a permis de travailler dans une atmosphère pacifiée qui m'a étonné, c'est parce qu'il a précisément trois caractéristiques : il permet d'accueillir, de pacifier et c'est un projet général.
    C'est un projet qui permet d'accueillir. Et là, tout le début de votre exposé était d'une clarté totale. Pourquoi, en France, n'avons-nous pas réglé depuis si longtemps le problème de l'immigration ?
    M. Christian Vanneste. Parce que les socialistes étaient au pouvoir !
    M. Serge Blisko. Mais non !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, je ne le pense pas. C'est parce que nous n'avons pas su, collectivement, clarifier le problème comme l'a fait le ministre de l'intérieur aujourd'hui.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je me souviens d'avoir tenté de comprendre la totalité de la loi REDEDA.
    M. Eric Raoult. Personne n'y est arrivé !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est un peu mon métier, mais je n'y étais pas parvenu. C'était affreusement compliqué.
    M. Eric Raoult. Typiquement socialiste !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'était une loi bâtie par des intellectuels pour des intellectuels. Ce qui me frappe dans la loi présentée par le ministre de l'intérieur, et c'est déjà un excellent signe, c'est qu'on a tous parfaitement compris. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Serge Blisko. Je n'ai pas l'impression !
    M. Christophe Caresche. C'est encore plus compliqué !
    M. Serge Blisko. Vous êtes plus intelligents que nous !
    M. Pascal Clément, président de la commission. On l'a vu tout à l'heure, mes chers collègues. Nous avons tous écouté et compris, et, j'ose le dire pour vous, en grande partie adhéré.
    Le premier point, en effet, de la philosophie de ce projet de loi présenté par le Gouvernement, c'est l'accueil, mais, si on ne peut pas mesurer l'immigration qui arrive dans notre pays, si l'on n'est pas capable de connaître le nombre d'immigrés qui viennent dans notre pays, on n'accueille pas. On laisse des étrangers venir sur le pas de nos portes, on n'ouvre sûrement pas la porte. On laisse gonfler le nombre des clandestins et on fait monter le rejet. C'est le contraire de l'accueil. Qui pourrait le nier ?
    M. Jean Roatta. Tout à fait !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Jusqu'à présent, la France n'a pas accueilli ses immigrés. Elle les a, au mieux, subis, si elle ne les a pas rejetés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce projet permet donc, d'abord, l'accueil des étrangers dans notre pays. Nicolas Sarkozy a expulsé le concept de l'immigration zéro, ce qui, honnêtement, est original et courageux. Reconnaissons-le, l'actuelle majorité est tombée longtemps dans ce panneau.
    M. Gérard Léonard. Moi, jamais ! (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Aujourd'hui, la question a été clarifiée, pour ne pas dire nettoyée, nous savons où nous allons. Nous aurons tous les ans des immigrés supplémentaires, mais nous maîtriserons cette immigration. Nous pourrons ainsi accueillir réellement les étrangers et leur offrir ce que l'on a de mieux, c'est-à-dire notre style de vie à la française et, soyons francs, notre système économique et social.
    M. Serge Blisko. Nos fromages !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Jusqu'à présent, on accueillait sur le pas des portes, mais on n'ouvrait pas les maisons. Là, nous souhaitons accueillir véritablement les étrangers.
    M. Christophe Caresche. Nous n'avons pas lu le même texte !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Dès lors qu'ils arrivent en France, autant en faire, soit des Français, soit des étrangers heureux d'être en France qui en acceptent les us et coutumes, même si eux-mêmes en importent. Ils peuvent d'ailleurs créer, c'est d'ailleurs une heureuse tradition française, un melting-pot culturel, sans tomber dans le communautarisme, en intégrant les valeurs de la République française.
    Ce débat avait besoin d'être pacifié. Jusqu'à présent, et Nicolas Sarkozy l'a assez dit, si on l'ouvrait, on passait pour un homme de droite, voire d'extrême droite. Et si on ne l'ouvrait pas, on acceptait de continuer à ne pas maîtriser l'immigration et à alimenter le rejet de l'immigration. A partir d'aujourd'hui, nous aurons la certitude que les lois de la République seront respectées. C'est la condition majeure pour que les Français acceptent l'autre : savoir que l'autre acceptera d'avance de respecter les lois de la République.
    Pour ce faire, vous avez décidé de procéder à un certain nombre de réformes techniques sur lesquelles je ne reviendrai pas. J'espère simplement qu'on ne restera pas des heures à discuter de l'allongement de la durée maximale de la rétention administrative de douze à trente-deux jours. Le ministre a été clair. Le délai de douze jours était ridicule. On savait très bien quil ne permettait pas d'obtenir un accord consulaire du pays étranger pour la reconduite.
    M. Gérard Léonard. Evidemment !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Avec le nouveau délai, la France sera encore le pays où la durée de la rétention sera la plus courte.
    Hors de ce contexte de pacification des esprits que je rappelais, il est une autre mesure de bon sens, qui pourrait être mal interprétée, celle-là, c'est le fichier des empreintes digitales pour les étrangers qui sollicitent la délivrance d'un visa. Il devrait nous permettre de lutter contre l'amnésie générale des immigrés.
    Le troisième point et dernier que je souhaite évoquer concerne l'intégration. J'étais de ceux qui ont été extrêmement heureux quand le Premier ministre du deuxième gouvernement Chirac de 1986 à 1988 a souhaité créer une commission sur l'acquisition de la nationalité. En effet, cette commission, qui était, comme toutes les commissions, pluraliste, avait proposé que l'acquisition de la nationalité française n'intervienne qu'après accord de l'intéressé et non plus automatiquement.
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. J'avoue que j'avais été, à l'époque, profondément ému. On avait décidé qu'aimer la France imposait une déclaration d'amour.
    M. Christian Vanneste. Absolument !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le gouvernement suivant est revenu sur cette mesure. J'ai souffert, au regard de l'idée que je me fais de mon pays, que l'on veuille revenir sur cette déclaration d'amour que l'on demandait aux étrangers. Aujourd'hui, les critères d'intégration qui sont retenus pour le simple fait de résider dans notre pays me rappellent, et cela me fait infiniment plaisir, cette déclaration d'amitié envers la France qui permettait l'acquisition de la nationalité. On demande aux étrangers qui souhaitent séjourner dans notre pays de s'intéresser, pour commencer, à notre langue et de prouver, à travers certains critères d'intégration, leur volonté de s'insérer dans le tissu français.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    Mme Maryse Joissains-Masini. C'est le minimum !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Bref, ce projet de loi non seulement organise l'accueil et pacifie le dossier, mais il permet, enfin, l'intégration.
    Je terminerai par un beau vers de La Tour du Pin : « Tout homme est une histoire sacrée. » Toutes nos législations, en particulier dans ce domaine, doivent être guidées par le souci constant de l'homme. Eh bien, je le dis parce que je le pense profondément, ce projet, monsieur le ministre, est inspiré par un souci constant de l'homme. Je pense que tous ceux qui aiment la France, tous ceux qui aiment l'homme, s'y retrouveront. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immigration occupe le débat politique français depuis de nombreuses années. La législation sur les étrangers n'a cessé d'être modifiée. L'ordonnance de 1945 est un des textes de notre droit les plus remaniés, particulièrement ces vingt dernières années. Et dans le pays, le débat sur cette question est permanent.
    On peut s'interroger sur les motivations qui ont conduit l'Assemblée nationale, les gouvernements, à proposer périodiquement la modification de ce texte.
    S'agit-il de définir une véritable politique d'immigration ou d'utiliser, d'instrumentaliser à des fins politiques un débat dont on sait qu'il charrie les craintes, les peurs, les fantasmes d'une partie de nos concitoyens ? S'agit-il de répondre sereinement et sérieusement à la difficile et complexe question des flux migratoires ou s'agit-il d'exploiter la peur de l'autre, la crainte de l'étranger dans un contexte de mondialisation qui inquiète et menace l'identité nationale ?
    Monsieur le ministre, vous nous trouverez toujours disponibles pour définir et élaborer, en responsabilité - et pourquoi pas ensemble ? - une politique d'immigration à la fois ouverte et maîtrisée. Mais nous serons également toujours présents pour dénoncer et combattre la vision dangereuse de l'immigration qui fait de l'immigré, étranger et Français, un délinquant en puissance, pour nous opposer à la stigmatisation de l'étranger, à cette image de l'immigré fraudeur, véhiculée avec complaisance dans l'espoir de rallier les suffrages des électeurs égarés. Par certains aspects, monsieur le ministre, votre projet cède à cette tentation : il est excessif.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ah bon !
    M. Christophe Caresche. Excessif dans la remise en cause des conditions de séjour des étrangers en situation régulière et qui ont vocation à rester dans notre pays. Pourquoi allonger le délai d'obtention de la carte de résident en le portant à cinq ans au lieu de trois aujourd'hui ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pour remplir les critères d'intégration !
    M. Christophe Caresche. Parlant de cette mesure, un bon connaisseur du problème de l'intégration, reconnu par tous, Patrick Weil...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le père de RESEDA !
    M. Christophe Caresche. ... disait qu'elle était la plus répressive depuis la Libération. Pourquoi avoir touché à la carte de résident, ce titre de séjour qui donne une perspective, un projet d'avenir aux étrangers dans notre pays ?
    Plus que d'autres dispositions de ce texte, qui sont pourtant, elles aussi, très contestables, c'est ce coup porté à l'intégration des étrangers en situation régulière qui nous inquiète. Nombre d'entre eux risquent de se retrouver en situation précaire avec des cartes de séjour temporaires qui ne leur permettent pas d'envisager un projet d'avenir.
    Ce texte précarise l'immigration légale à un moment où la question de l'intégration est un défi majeur pour notre pays, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre.
    Ce texte est aussi excessif dans la lutte contre l'immigration clandestine. On a le sentiment d'une traque obsessionnelle dans laquelle l'étranger est tenu de se dévoiler presque dans son intimité.
    M. Claude Goasguen. Arrêtez !
    M. Christophe Caresche. Je le prouverai !
    M. Jean-Luc Warsmann. Ce discours est complètement décalé par rapport au texte !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est excessif !
    M. Christophe Caresche. C'est vous qui êtes excessif !
    M. Serge Blisko. Relisez le texte, mesdames, messieurs de la majorité !
    M. Christophe Caresche. L'étranger doit rendre compte de ses intentions, de sa vie privée et familiale, voire de sa vie sentimentale.
    Il ne s'agit pas de nier l'existence de la fraude et de la nécessité de la combattre, mais le moyen que vous nous proposez paraît souvent disproportionné et d'une efficacité non avérée.
    Pourquoi, par exemple, allonger autant le délai de rétention, au risque d'ailleurs d'une censure du Conseil constitutionnel - j'y reviendrai tout à l'heure ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il n'y a pas de risque ! Il n'y a qu'à voir ailleurs en Europe.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. On a le délai le plus court d'Europe !
    M. Christophe Caresche. Mais vous savez bien, monsieur Clément, puisque vous êtes meilleur juriste que moi, que le Conseil constitutionnel se prononce au vu de la Constitution, pas au vu des expériences européennes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Certes, mais il est également influencé par la vie politique européenne !
    M. Christophe Caresche. Nous étions prêts à discuter de ce sujet - dans ce projet de loi RESEDA -, la durée avait déjà été portée à quinze jours, le délai de rétention en zone d'attente étant de vingt jours. Mais pourquoi proposer de rallonger ce délai à trente-deux jours, alors que quelques jours supplémentaires auraient sans doute suffit à obtenir un résultat pratiquement identique ?
    M. Claude Goasguen. Ça aurait été tout aussi anticonstitutionnel !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh oui !
    M. Christophe Caresche. Pourquoi créer un délit pour les mariages de complaisance, en prévoyant des peines très importantes - on y reviendra dans le débat - donc a priori dissuasives...
    M. Gérard Hamel. Parce qu'il y a des drames derrière !
    M. Christophe Caresche. ... cinq ans de prison, 30 000 euros d'amende, la confiscation des biens et en plus, proposer une procédure complexe et attentatoire à la liberté du mariage - j'essaierai de le démontrer dans le cadre de cette exception d'irrecevabilité - qui vise, dans les faits, à interdire le mariage pour les étrangers en situation irrégulière ? Pourquoi également ce soupçon exagéré de paternité de complaisance ? Il faudra, sur ce plan, parce que jusqu'à présent nous ne disposons pas d'éléments précis pour nous en convaincre, nous prouver que la situation que vous décrivez est réelle, tant celle-ci nous paraît marginale.
    M. Eric Raoult. L'état civil du 18e peut témoigner du contraire ! Double langage !
    M. Christophe Caresche. Vous avez eu, monsieur le ministre, la main lourde, trop lourde pour tous ceux qui sont attachés à la dignité des personnes, qu'elles soient françaises ou étrangères, et au respect des libertés individuelles.
    Après le 21 avril, on aurait pu espérer que les républicains se rassemblent sur une vision commune de l'immigration.
    M. Claude Goasguen. Nous aussi, on aurait pu l'espérer !
    M. Gérard Léonard. C'est vous qui ne le voulez pas !
    M. Christophe Caresche. C'eût été une réponse forte au vote extrémiste.
    Certes, sur la double peine, les avancées sont réelles, je vous en donne acte une nouvelle fois, monsieur le ministre, tout comme je reconnais votre engagement personnel dans cette affaire - vous avez en effet été plus loin que le groupe de travail que vous aviez mis en place sur cette question.
    M. Eric Raoult. Plus loin que Jospin !
    M. Serge Blisko. Moins sectaire que Raoult !
    M. Claude Goasguen. Et que Jospin !
    M. Christophe Caresche. Nous les voterons, si elles ne sont pas remises en cause par votre majorité. Nous avons conscience, monsieur le ministre, des difficultés que cette question peut poser à une partie de votre majorité, et, bien évidemment, nous ne jouerons pas la politique du pire avec une surenchère qui serait totalement déplacée. Mais vous avez décidé de privilégier une conception négative de l'immigration, qui aura pour conséquence de fragiliser les étrangers vivant régulièrement sur notre sol, et qui met en cause certaines libertés fondamentales.
    C'est au point qu'on peut se demander si l'aménagement de la double peine que vous proposez, et qui aurait dû faire, logiquement, l'objet d'un projet de loi séparé, n'a pas pour vocation de cautionner ou de servir d'alibi aux autres mesures de ce texte, qui sont, pour la plupart, des mesures restrictives - mais je suis certain qu'une telle pensée vous est étrangère, monsieur le ministre.
    Cette conception négative de l'immigration exprimée par votre projet de loi nous inquiète. Elle va alimenter et accréditer l'idée d'une France déclinante et soumise à une poussée migratoire irrépressible.
    M. Gérard Hamel. Oh !
    M. Christophe Caresche. Cette représentation est doublement fausse.
    D'une part, dans l'appréciation qu'elle donne du vieillissement de la France. La France veillit, certes, mais elle reste, en Europe, le pays où la dénatalité est la moins forte.
    M. Serge Blisko. Exact !
    M. Christophe Caresche. Il est regrettable, d'ailleurs, que, dans le débat sur les retraites, le Gouvernement ait donné l'image d'une France cacochyme, dans le seul but de faire passer une réforme visant à réduire le niveau des retraites.
    M. Jean-Luc Warsmann. Oh !
    M. Manuel Valls. Très juste !
    M. Jean Roatta. Ce n'est pas possible !
    M. Serge Blisko. Eh oui !
    M. Claude Goasguen. Cacochyme vous-même !
    M. Christophe Caresche. Notre pays conserve une vitalité nataliste, qui ne justifie pas les scénarios catastrophiques que certains bâtissent.
    D'autre part, en ce qu'elle véhicule l'image d'une immigration incontrôlée.
    M. Jean-Claude Guibal. Vous caricaturez !
    M. Christophe Caresche. La France a stabilisé, depuis plus de vingt ans, la part des immigrés dans sa population. Elle a donc, globalement, maîtrisé avec efficacité les flux migratoires.
    La thèse du déclin et celle de l'envahissement sont les deux faces d'une même monnaie. Il faut les combattre l'une et l'autre, car elles ne correspondent pas à la réalité. C'est pourquoi, monsieur le ministre, malgré l'appréciation critique que nous portons sur votre texte, nous ne nous opposerons pas à tout.
    La droite a renoncé, dites-vous, à la thèse de l'immigration zéro. C'est une bonne chose. La gauche, tout au moins les socialistes, reconnaissent la nécessité d'une maîtrise des flux migratoires. Nous ne sommes pas adeptes d'une ouverture inconsidérée de nos frontières, qui n'est justifiée ni sur le plan démographique, ni sur le plan économique, et dont les conséquences risqueraient de déstabiliser la cohésion de notre société.
    Cette nécessaire maîtrise des flux migratoires suppose des mesures de contrôle de nos frontières, et de lutte contre l'immigration clandestine. Mais ces mesures doivent être motivées par des situations réellement constatées - j'y reviendrai -, elles doivent être proportionnées et, bien entendu, elles doivent respecter les libertés fondamentales.
    M. Gérard Hamel. C'est le cas !
    M. Christophe Caresche. Sur ce dernier point, je voudrais démontrer que plusieurs dispositions de votre projet de loi ne sont pas conformes à la Constitution. C'est l'objet de cette exception d'irrecevabilité.
    Mais, auparavant, je voudrais - comme vous l'avez d'ailleurs fait vous-même, monsieur le ministre - m'interroger sur la politique d'immigration que nous devons définir pour notre pays.
    M. Gérard Léonard. Il serait temps !
    M. Christophe Caresche. Quelle politique d'immigration voulons-nous ?
    La France est, de longue date, un pays d'immigration, et tout indique qu'elle le restera. Il faut le reconnaître et le dire.
    Trop longtemps, nous avons - à droite surtout, mais aussi parfois à gauche - propagé l'idée fausse que l'immigration était stoppée dans notre pays. Cela n'a jamais été le cas, nous le savons bien. Or cette idée a conduit à une double impasse.
    La première a été de ne pas avoir assumé publiquement et officiellement la réalité de l'immigration dans notre pays. C'est une faute, car cela a donné du crédit aux idées les plus absurdes, laissant croire que la France pouvait fermer ses frontières au monde, que c'était une bonne chose et que c'était possible. Ce faisant, il n'a pas été expliqué aux Français pourquoi notre pays avait besoin d'immigration et quel niveau d'immigration était souhaitable. C'est bien sur ce point qu'avant toute chose notre débat devrait porter. Compte tenu de sa démographie, de ses besoins économiques, quel est le nombre d'immigrés que notre pays est prêt à accueillir dans les prochaines années ?
    M. Richard Mallié. Et que faites-vous de la politique nataliste ?
    M. Christophe Caresche. J'y reviendrai.
    Je note avec satisfaction, monsieur le ministre, que vous condamnez la thèse de l'immigration zéro. Mais à aucun moment, même si vous en avez un peu parlé tout à l'heure, nulle part dans votre texte, vous ne fixez d'orientation ou d'objectif, même généraux, quant au taux de l'immigration dans notre pays. Considérez-vous que le niveau actuel - environ 130 000 étrangers entrent dans notre pays chaque année, dont 100 000 non européens - est satisfaisant ? Faut-il réduire ce flux ou aller plus loin ? On a le sentiment que si vous avez franchi le pas quant à l'immigration zéro, vous n'êtes pas encore prêt à afficher publiquement une politique d'accueil de plusieurs dizaines de milliers d'étrangers dans notre pays. J'essaierai, pour ma part, de donner une réponse à cette question que je juge essentielle.
    La deuxième impasse à laquelle a conduit la thèse de la fermeture des frontières fut la mise en oeuvre de politiques restrictives, notamment avec la loi dite Pasqua. Je veux y revenir car celle-ci a eu des conséquences catastrophiques pour notre pays.
    M. Claude Goasguen. Moins que la loi Chevènement !
    M. Jean-Luc Warsmann. On discute de la loi Sarkozy. On ne va pas remonter vingt ans en arrière !
    M. Christophe Caresche. En effet, elle a considérablement tari le flux migratoire, détournant de notre pays de nombreux étrangers - je pense notamment aux étudiants qui avaient vocation à y venir.
    M. Gérard Léonard. C'est faux !
    M. Christophe Caresche. Elle a créé des situations juridiques inextricables en remettant en cause le droit de vivre en famille, pourtant reconnu par la Constitution et la Convention européenne des droits de l'Homme. Elle a engendré une nouvelle catégorie d'étrangers sur notre sol, ni expulsables ni régularisables.
    Puisque vous invoquez souvent l'héritage, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que la situation que vous a laissée la gauche en matière d'immigration n'est pas comparable à celle dont cette dernière a hérité en 1997. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Ghislain Bray. On peut en parler !
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Christophe Caresche. Souvenez-vous ! La France connaissait à l'époque une situation explosive, de tension extrême, liée précisément aux conséquences de l'application de la loi Pasqua.
    M. Serge Blisko. Eh oui ! 300 000 « sans-papiers » !
    M. Claude Goasguen. Et la loi Chevènement, qu'est-ce qu'elle a fait ?
    M. Christophe Caresche. C'est dans ces circonstances que la gauche a dû procéder aux régularisations et que la loi de 1998 a permis de retrouver un flux migratoire plus conforme aux besoins de notre pays,...
    M. Serge Blisko. Eh oui !
    M. Christophe Caresche. ... de dénouer des situations inextricables et d'instaurer un dispositif de régularisation dit « au fil de l'eau », dont vous faites d'ailleurs, monsieur le ministre, l'éloge dans l'exposé des motifs de votre projet de loi. On peut d'ailleurs le comprendre de la part d'un ministre de l'intérieur, car ce dispositif est tout de même bien pratique pour éviter les points de fixation en matière d'immigration irrégulière. Son existence montre qu'une gestion intelligente de ce problème est possible.
    Convenez qu'avec la loi RESEDA de 1998, nous étions sortis des ornières dans lesquelles nous avaient précipités les lois de 1993, puis de 1997,...
    M. Claude Goasguen. Les chiffres prouvent le contraire !
    M. Jean-Luc Warsmann. Toujours l'autosatisfaction !
    M. Christophe Caresche. ... dictées par cette conception absurde de l'immigration zéro, tous freins bloqués.
    Votre majorité avait combattu à l'époque la loi de 1998 avec beaucoup de véhémence et en tenant des propos parfois extrêmement choquants.
    M. Claude Goasguen. On nous avait traités d'esclavagistes ! Nous attendons toujours des excuses !
    M. Christophe Caresche. Nous verrons au cours de ce débat si elle a changé. A la lecture de certains amendements, on peut en douter.
    Je voudrais revenir, monsieur le ministre, à la question que j'ai posée il ya un instant, et que je crois essentielle pour la suite de notre débat : que voulons-nous pour la France en matière d'immigration et quels sont les objectifs que s'assigne l'autorité publique en ce domaine ?
    Partons de l'existant.
    Constatons que la part des étrangers dans la population française est stable depuis vingt ans. Elle reste proche de 7,5 %. Constatons également que le solde migratoire entre le recensement de 1990 et celui de 1999 a été, selon l'INSEE, de 630 000 personnes, ce qui représente en moyenne 70 000 personnes par an. Ce chiffre est très comparable à ceux de certains pays européens comme le Royaume-Uni, mais nous place très loin derrière l'Allemagne - vous aimez bien prendre ce pays comme exemple -, qui a accueilli ces dix dernières années plusieurs millions d'étrangers, il est vrai dans des circonstances historiques exceptionnelles.
    Il est donc faux de dire que la France a connu ces dernières années un flux migratoire irrépressible et incontrôlé. Les chiffres, qui restent très mesurés, montrent au contraire que la politique française en matière de contrôle des flux migratoires a été d'une efficacité certaine.
    M. Jean-Luc Warsmann. Tout va bien alors ?
    M. Christophe Caresche. La question est de savoir si ce flux migratoire correspond aux besoins de la France. Sur le plan démographique, notre pays connaît, certes moins que d'autres pays européens, une baisse de la fécondité. Ce « mouvement de ciseaux », qui associe une forte hausse de l'immigration à une forte baisse de la fécondité, ne s'observe pas en France comme en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Mais le maintien de sa population active, notamment pour financer les retraites...
    M. Claude Goasguen. On a déjà entendu ça !
    M. Jean-Luc Warsmann. Cent cinquante-cinq heures de débat sur les retraites ! Maintenant, c'est la loi Sarkozy que nous examinons !
    M. Christophe Caresche. On peut faire le lien entre ces deux débats !
    Le maintien de la population active de notre pays, disais-je, suppose de conserver dans les années à venir un apport migratoire au moins égal à celui que nous connaissons aujourd'hui.
    Selon un rapport récent du Commissariat au Plan, la France « pourra conserver les effectifs de sa population d'âge actif sur le demi-siècle qui vient si sa fécondité reste voisine du seuil de remplacement et si elle continue d'accueillir les immigrants au rythme d'environ 120 000 par an en migration nette ».
    Cela signifie qu'il est nécessaire de préserver une politique d'accueil des étrangers dans notre pays. Car au-delà de notre tradition, au-delà de nos valeurs, c'est aussi notre intérêt.
    Cela signifie égalemment que cette politique doit continuer d'être maîtrisée. C'est un raisonnement erroné que de considérer que l'ouverture totale des frontières de notre pays serait une solution à la baisse de la démocratie... pardon, je voulais dire : à la baisse de la démographie française et européenne.
    M. Eric Raoult. Lapsus révélateur !
    M. Christophe Caresche. Sur le plan de l'emploi, en dépit d'un niveau de chômage élevé dont la progression continue de nous inquiéter, certains secteurs d'activité économique ont besoin de l'immigration. Il est grand temps de le reconnaître.
    M. Claude Goasguen. On n'a jamais dit le contraire !
    M. Christophe Caresche. Il est temps de dire aux Français que des pans importants de notre économie ne fonctionneraient pas sans la contribution de l'immigration.
    M. Claude Goasguen. On n'a jamais soutenu le contraire !
    M. Christophe Caresche. Ne pas le faire reviendrait à encourager le travail clandestin. Comment ne pas dénoncer l'hypocrisie qui consiste, d'un côté, à sanctionner très lourdement des étrangers en situation irrégulière et, de l'autre, à fermer les yeux sur ceux qui exploitent honteusement ces mêmes étrangers ?
    M. Claude Goasguen. Le projet de loi tend à y mettre fin !
    M. Christophe Caresche. Dans votre texte monsieur le ministre, vous proposez de créer un délit destiné à sanctionner les mariages de complaisance. Vous prévoyez des peines extrêmement lourdes, allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende, la confiscation des biens, l'interdiction du territoire français pour cinq ans, et j'en oublie. Mais savez-vous quel est le quantum de peine pour un employeur qui exploite le travail clandestin ? Six mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Un amendement a été déposé à ce sujet !
    M. Christophe Caresche. Je m'en réjouis car il y a bien là deux poids, deux mesures, ce qui dénote une certaine complaisance à l'égard du travail clandestin.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il n'est pas admissible d'entendre parler de « complaisance » !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Pourquoi n'avez-vous rien changé ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, pourquoi n'avez-vous rien fait ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous défendez une exception d'irrecevabilité ! Aussi, c'est de la Constitution que vous devriez parler !
    M. Christophe Caresche. Ce que je veux dénoncer, c'est que l'on sanctionne par des peines de plus en plus lourdes les étrangers qui sont en situation irrégulière alors que l'on maintient une législation constante applicable aux employeurs qui emploient ces étrangers en situation irrégulière.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Pourquoi n'avez-vous rien fait sur ce point pendant cinq ans ?
    M. Christophe Caresche. Je note que vous ne prévoyez rien à ce sujet dans votre texte.
    On pourrait même penser qu'il y a une volonté inavouable de maintenir dans la précarité des étrangers qui fournissent ainsi une main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. Discours passéiste !
    M. Christophe Caresche. Reconnaître le rôle de l'immigration dans le domaine économique, c'est mieux lutter contre le travail clandestin. C'est aussi se donner les moyens d'une meilleure efficacité et d'une plus grande transparence. Car la France accueille des étrangers pour combler le déficit de main-d'oeuvre dans certains secteurs économiques. Elle le fait, mais elle ne le dit pas. Sait-on, par exemple, que la France a permis, en 2001, le recrutement de quatre mille informaticiens étrangers à la demande des entreprises françaises ?
    M. Jacques-Alain Bénisti. Qui a donné l'autorisation ?
    M. Christophe Caresche. Elle l'a fait en toute confidentialité, par une circulaire signée du directeur de la population et des migrations.
    Parallèlement, l'Allemagne a recruté huit mille informaticiens en créant un titre de séjour spécial et en envoyant sur Internet des formulaires dans le monde entier pour susciter des candidatures.
    Il en est de même dans le secteur médico-social avec le recrutement de personnel étranger pour compenser la pénurie, notamment d'infirmières.
    Ces questions mériteraient d'être débattues ici même par la représentation nationale.
    M. Claude Goasguen. Oui !
    M. Christophe Caresche. On a le sentiment que notre pays mène en ce domaine une politique honteuse - j'allais dire : clandestine.
    M. Claude Goasguen. C'est la vôtre !
    M. Christophe Caresche. Oui, le débat devrait être ouvert sur la question de l'immigration économique, même dans un contexte économique et social difficile.
    Faut-il que la France s'inspire de systèmes de quotas ou de points, comme d'autres pays ? Il s'agit bien de cela, monsieur le ministre, quand vous nous dites que la France doit choisir l'immigration plutôt que la subir, même si bénéficier du regroupement familial n'est pas subir l'immigration, car ce regroupement est non seulement un choix politique, mais aussi un principe inscrit dans nos textes et dans nos références constitutionnelles.
    Il est regrettable que votre texte se contente de faire ce constat et qu'il ne propose pas d'ouvrir véritablement le débat sur ces questions.
    Définir une véritable politique d'immigration, c'est aussi s'inscrire dans une réalité européenne. L'harmonisation des législations est une nécessité, mais elle ne doit pas être le prétexte à des reculs qui touchent en particulier les conditions de séjour des étrangers dans notre pays avant même que les textes ne soient adoptés au niveau européen.
    Nous regrettons que vous nous proposiez d'anticiper, notamment en ce qui concerne le statut de résident, des dispositions qui ne font pas encore l'objet d'une directive. Pourquoi ne pas attendre que la directive soit adoptée pour la traduire dans notre législation nationale ?
    M. Claude Goasguen. Pour le moment, la législation est nationale !
    M. Jean-Luc Warsmann. Si je vous comprends bien, votre position, c'est d'attendre !
    M. Claude Goasguen. C'est toujours la même chose avec eux : il faut attendre !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Caresche est cohérent !
    M. Christophe Caresche. Vous invoquez une directive qui n'est pas adoptée et qui est l'objet de discussions entre les pays européens.
    M. Claude Goasguen. C'est comme pour les retraites : il faudrait attendre !
    M. Eric Raoult. Et on ne règle pas le problème !
    M. Christophe Caresche. Les directives, on les applique une fois qu'elles sont adoptées.
    L'harmonisation européenne ne doit pas être un prétexte pour mettre en place des politiques de restriction drastique de l'immigration.
    M. Jean-Luc Warsmann. Vos propos sont contradictoires !
    M. Christophe Caresche. Depuis quelques années, on assiste en effet, comme vous l'avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, à une véritable course entre les pays européens, qui veulent adapter leurs législations respectives afin de limiter leur attractivité par rapport aux autres. Voilà de quoi il s'agit.
    M. Claude Goasguen. On n'a jamais dit le contraire !
    M. Christophe Caresche. Le seul objectif est de limiter l'accès à son propre pays en espérant que le flux migratoire se reportera sur les autres.
    Ce mouvement est très inquiétant. Il donne lieu à une forme de malthusianisme, qui se révèlera dangereux dans l'avenir.
    M. Eric Raoult. Dangereux pour les socialistes !
    M. Christophe Caresche. La politique européenne en matière d'immigration comme en matière d'asile nous inquiète. Il faut la reprendre sur de nouvelles bases.
    M. Claude Goasguen. Vous ramez, monsieur Caresche ! C'est dur pour vous aujourd'hui !
    M. Manuel Valls. Ce que dit M. Caresche est excellent !
    M. Christophe Caresche. A l'évidence, la France a un rôle majeur à jouer dans ce domaine.
    L'Europe doit définir une politique d'immigration conforme à ses valeurs, à ses besoins et à la place qu'elle entend occuper dans le monde. Elle doit le faire en tenant compte de la diversité des pays qui la composent. C'est un point central.
    M. Claude Goasguen. C'est dur de ramer !
    M. Eric Raoult. Il est commis d'office !
    M. Christophe Caresche. Si je rame, c'est moins que vous !
    « L'Union européenne réunit des pays qui n'ont pas vécu la même histoire et qui n'ont aucune raison d'en solder les comptes démographiques au même moment »...
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous ne voulez pas honorer les engagements que vous avez pris à Palerme ?
    M. Christophe Caresche. Je cite là le rapport du Commissariat général au Plan.
    L'Allemagne, la France, les pays du sud de l'Europe n'ont pas connu les mêmes chocs migratoires ces vingt dernières années.
    M. Manuel Valls. Certes !
    M. Christophe Caresche. Vouloir aligner leurs politiques migratoires sans tenir compte de ces spécificités serait une profonde erreur.
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous voulez renier la signature que vous avez donnée à Palerme ?
    M. Christophe Caresche. L'Europe doit assurément définir un cadre commun, mais chaque pays doit pouvoir continuer à définir une politique migratoire qui lui est propre, en cohérence avec les autres, mais aussi avec sa propre spécificité, sa propre histoire, sa propre tradition, y compris juridique. C'est pourquoi nous n'approuvons pas la manière dont vous invoquez l'harmonisation européenne pour justifier l'alignement par le bas de notre législation, en particulier pour ce qui touche aux conditions de séjour des étrangers sur notre sol.
    M. Jean-Luc Warsmann. J'ai du mal à vous suivre : il y a quelques minutes, vous disiez qu'il fallait harmoniser, et maintenant il ne faut plus le faire : vos propos sont contradictoires.
    M. le président. Monsieur Warsmann, laissez M. Caresche poursuivre sa démonstration !
    M. Manuel Valls. Elle est brillante !
    M. Jean-Luc Warsmann. Nous avons mal à la tête !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Caresche a du mal à se comprendre lui-même !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Sa démonstration n'est pas cohérente !
    M. Eric Raoult. Ce n'est pas une démonstration ! C'est tout le problème !
    M. le président. Monsieur Caresche a encore une heure devant lui. Poursuivez, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. Je vais essayer. Mais les députés de la majorité veulent allonger le débat plus que de raison. (Sourires.)
    Monsieur le ministre, votre texte n'est pas seulement, comme ou l'a souvent présenté, un texte concernant l'immigration clandestine : il traite aussi des conditions de séjour des étrangers en situation régulière dans notre pays. Ce volet n'est pas celui dont on parle le plus, mais il n'est pas le plus anodin, d'abord parce qu'il concerne des millions de personnes installées dans notre pays de manière régulière et dont la vocation est d'y rester, ensuite parce que les mesures que vous proposez sont significatives et qu'elles auront des conséquences importantes pour beaucoup d'entre eux.
    En vérité, cet aspect de votre projet de loi est sans doute le plus contestable et le plus inquiétant car il met en péril les conditions mêmes d'intégration de ces étrangers en précarisant leur séjour.
    Ainsi, un étranger titulaire d'une carte temporaire devra désormais attendre cinq ans, au lieu de trois aujourd'hui, pour pouvoir prétendre à une carte de résident, seul titre qui permette l'installation dans la durée puisqu'il est valable dix ans, et un véritable accès au travail. Je le répète, cette carte de résident, adoptée dans les années 80, est le titre de séjour qui donne véritablement aux étrangers la capacité de s'intégrer. ceux-ci pouvaient l'obtenir au bout de trois ans sous certaines conditions, relatives notamment à l'exercice d'une activité dans notre pays. Cette possibilité sera limitée, ce qui précarisera le séjour de nombreux étrangers qui devront dorénavant attendre cinq ans pour prétendre à l'obtention de cette carte. Cela alourdira considérablement le travail des préfectures puisque, durant cinq ans, les étrangers concernés devront demander chaque année le renouvellement de leur titre de séjour temporaire.
    Nous y voyons non seulement une atteinte aux conditions d'intégration, mais aussi une mesure inefficace qui augmentera d'une manière très importante le travail de l'administration.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ce sera au contraire une simplification pour l'administration !
    M. Christophe Caresche. Cela signifie que, pour le Gouvernement, l'intégration n'est pas le résultat d'un processus, mais un préalable à l'installation. Curieuse conception, qui aboutit à compromettre l'intégration de ceux-là mêmes dont on exige des preuves d'intégration ! Autant dire que nous ne partageons pas cette démarche qui, de toute évidence, risque de produire l'effet inverse de celui qui est recherché.
    Notons par ailleurs que les critères d'évaluation de l'intégration ne sont pas suffisamment précis dans le texte.
    M. Claude Goasguen. C'est vrai !
    M. Christophe Caresche. Le « faisceau d'indices » dont vous parlez peut être diversement apprécié. Ainsi, le flou législatif va laisser la porte ouverte à l'arbitraire, et donc à des inégalités inévitables entre étrangers en fonction des personnes qui traiteront les dossiers.
    Dans le contexte du regroupement familial, le projet de loi supprime la délivrance de plein droit aux membres de la famille qui rejoignent un étranger en possession d'une carte de résident. Ainsi, au sein d'une même famille, les uns auront une carte de résident et les autres une carte de séjour temporaire. Cela veut dire concrètement que tous les membres n'auront pas les mêmes droits ni donc les mêmes perspectives d'intégration.
    On imagine aisément combien cette disparité de statuts peut fragiliser, voire ébranler la stabilité des familles étrangères.
    M. Eric Raoult. C'est déjà le cas !
    M. Christophe Caresche. Dans la solitude et l'angoisse de l'exil, c'est la force d'être unie qui permet à une famille de surmonter les difficultés. En individualisant les cas, on introduira un déséquilibre qui peut être néfaste pour la cohésion de la famille et pour ses chances de réussite.
    Vous l'avez compris, nous n'avons pas la même analyse que le Gouvernement sur la question de l'intégration. (« C'est sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    S'il est légitime de demander - ce qui est déjà prévu dans la législation actuelle - des efforts de la part de l'étranger pour s'insérer dans notre société, celle-ci doit prendre sa part de responsabilité pour favoriser son intégration. Ce n'est pas en précarisant son séjour et ses chances de trouver du travail que l'on peut inciter l'étranger à tisser sereinement des liens d'affection et de respect avec notre société et notre culture.
    Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, aborder la question de la lutte contre l'immigration clandestine.
    Je l'ai dit, la maîtrise des flux migratoires est une nécessité qui suppose des mesures coercitives pour éviter et sanctionner la fraude. De même, notre pays doit se donner les moyens de faire exécuter les décisions de justice. Cela est valable pour l'immigration, mais aussi pour les autres domaines,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Soit ! Mais il y a du travail !
    M. Christophe Caresche. ... notamment pour tout ce qui concerne la délinquance financière.
    En tout cas, nous n'avons pas d'états d'âme ni de complexes par rapport à ces questions. Mais nous voulons les aborder avec rigueur et dans le respect d'un certain nombre de principes.
    D'abord, s'agissant de la fraude, il faut être capable d'en évaluer l'ampleur et ses conséquences. Mais ce n'est malheuresement pas toujours le cas.
    Je reprendrai l'exemple de la paternité de complaisance, qui est sans doute le plus caricatural.
    Je n'ai, pour ce qui me concerne, pas le moindre chiffre ni le moindre indicateur statistique tendant à démontrer ce phénomène. Ni votre projet, ni l'étude d'impact, ni le rapport de M. Mariani, ni les statistiques officielles ne donnent non plus la moindre indication. Celui-ci semble très improbable, tant il paraît artificiel. En tout cas, aucune preuve ne vient le confirmer.
    Autre exemple qui montre que la question de la fraude doit être abordée avec prudence : les mariages de complaisance.
    J'essaierai plus loin de défendre l'idée qu'une partie de votre dispositif menace la liberté du mariage, qui est une liberté fondamentale. Mais auparavant, je voudrais démontrer que le phénomène que vous dénoncez est loin d'avoir l'ampleur que vous prétendez.
    Les mariages mixtes ont progressé, il est vrai, au cours du temps : ils n'ont cessé d'augmenter de manière régulière ces quarante dernières années, passant de 15 809 en 1960 à 34 585 aujourd'hui. Mais est-ce un phénomène inquiétant en soi ? Non, au contraire : l'augmentation des mariages mixtes est considérée par les sociologues comme un indicateur d'intégration.
    M. Eric Raoult. Cela dépend !
    M. Yves Jego. Surtout quand ils sont célébrés à l'étranger !
    M. Christophe Caresche. Ce phénomène est-il imputable à la progression des mariages de complaisance ? A l'évidence non !
    Deux indicateurs permettent d'en juger.
    D'abord, le nombre des acquisitions de la nationalité française par mariage s'est stabilisé depuis quelques années après avoir augmenté significativement dans les années 90. De 22 113 en 1998, il est passé à 23 994 en 2001. Ce nombre n'a donc pas progressé d'une manière significative depuis 1998, contrairement à ce que vous avez déclaré dans la presse, où vous avez fait état d'une augmentation de 400 %.
    Ensuite - et vous allez voir que je suis scrupuleux -, le nombre des cartes de résident portant la mention « conjoint français » délivrées ces dernières années marque une progression : 9 270 en 1998 et 12 252 en 2002. Cette progression, si elle est significative, n'en est pas moins mesurée puisqu'elle porte sur 3 000 personnes, à comparer aux 120 000 à 130 000 étrangers qui entrent chaque année légalement sur notre territoire.
    M. Serge Blisko. Oui : légalement !
    M. Christophe Caresche. Qui plus est, il semble difficile d'imputer uniquement à la fraude cette augmentation.
    M. Jean Roatta. Il faudrait donc ne rien faire !
    M. Christophe Caresche. Les mariages de complaisance ne concernent en réalité que quelques centaines de personnes ; on peut donc considérer que c'est un phénomène marginal.
    M. Jean-Luc Warsmann. Par conséquent, tout va bien.
    M. Christophe Caresche. Cela ne signifie pas qu'il convient de ne rien faire, mais le dispositif que vous proposez de mettre en place pour le combattre paraît disproportionné. On est donc en droit de se demander si vous ne privilégiez pas l'affichage au réalisme.
    M. Jean Roatta. C'est autant de drames humains.
    M. Thierry Mariani. Je pourrais prendre un autre exemple : celui des attestations d'accueil, évoquées par le ministre et par le rapporteur. Avec les certificats d'hébergement que vous allez rétablir dans les faits,...
    M. Jean Roatta. Bonne mesure !
    M. Christophe Caresche. ... elles ne constituent que l'un des éléments d'appréciation qui permettent aux consulats de décider de délivrer un visa de court séjour. Elles ne sont en aucun cas un deuxième visa.
    Leur nombre a en effet doublé depuis 1999...
    M. Yves Jego. Mais non, c'est beaucoup plus !
    M. Christophe Caresche. ... sans que l'on observe d'augmentation corrélative des visas de court séjour. La délivrance de ces derniers est restée pratiquement stable entre 1998 et 2001. Autrement dit, l'augmentation du nombre d'attestations d'accueil n'a pas eu de véritable incidence sur le nombre de visas de court séjour délivrés. Cela s'explique aisément...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ben voyons !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il faut demander aux maires.
    M. Christophe Caresche. Vous confondez tout. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Manuel Valls. Eh oui !
    M. Christophe Caresche. Les attestations d'accueil ne donnent pas automatiquement droit à la délivrance d'un visa. Elles ne sont qu'un élément d'appréciation parmi d'autres.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, mais un élément majeur.
    M. Christophe Caresche. Un des éléments d'appréciation, monsieur le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quels sont les autres ?
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il ne faut donc rien faire !
    M. Christophe Caresche. A l'évidence, les consulats refusent de nombreux visas à des étrangers qui détiennent pourtant une attestation d'accueil. Tous les élus locaux qui sont parmi nous le savent. Une partie de l'augmentation est liée au renouvellement des demandes d'attestation d'accueil par les personnes qui se sont vu refuser leur visa. Dans les faits, il s'agit d'une démarche redondante. Dès lors, faut-il revenir au dispositif lourd et complexe des certificats d'hébergement ? La question se pose, compte tenu de l'incidence très relative des attestations d'accueil sur la délivrance des visas.
    Je citerai d'autres exemples, monsieur le ministre, dans le cours du débat. A ce stade, je note simplement que dans de nombreux cas mentionnés par votre projet de loi, la fraude n'est pas suffisamment avérée et quand elle l'est, les mesures existantes suffisent bien souvent à les combattre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Bien souvent, mais pas toujours !
    M. Jacques-Alain Bénisti. A Paris, peut-être qu'il n'y a pas de problème mais allez voir dans les banlieues !
    M. Christophe Caresche. Au lieu de vous en tenir à ces mesures, vuos nous proposez des dispositions complexes, coûteuses en moyens, qui vont considérablement accroître les contentieux et qui, pour une part d'entre elles, je vous le dis, ne seront pas appliquées.
    De ce point de vue, votre texte n'est pas réaliste. La mise en oeuvre de toutes les mesures que vous proposez supposerait la mobilisation de moyens que vous n'avez pas.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il a dit la même chose à propos de la loi sur la sécurité ! Quelle cohérence !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui, monsieur le ministre !
    M. Christophe Caresche. Je ne citerai qu'une de ces mesures, que nous ne contestons ni sur le fond, ni sur le principe : l'établissement de fichiers d'empreintes digitales des étrangers demandeurs de titres de séjour ou de visas.
    M. Jean-Luc Warsmann. Alors vous êtes d'accord avec cette mesure ?
    M. Christophe Caresche. Oui, sur le principe.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ah !
    M. Christophe Caresche. Mais c'est sa mise en oeuvre qui pose problème. Ce projet suppose de constituer des bases de données digitales. Avec 3 millions de visas délivrés chaque année, cela fait trente millions de fiches sur dix ans.
    M. Claude Goasguen. Il y a des crédits pour ça, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. Mais justement, c'est là-dessus que nous aimerions aussi avoir des réponses, car ni le projet de loi ni l'étude d'impact ne donnent d'indication sur la mise en oeuvre concrète des mesures que vous proposez.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est sûr que cela coûte moins cher d'avoir des clandestins !
    M. Christophe Caresche. A bien des égards, votre texte demeure un texte d'affichage. Nombre de dispositions ne seront pas appliquées et quand elles le seront, elles n'auront qu'une efficacité limitée.
    M. Jacques-Alain Bénisti. En somme, tout va bien !
    M. Christophe Caresche. Mais l'arsenal législatif que vous déployez ne sera pas sans conséquence sur les libertés fondamentales. La lutte contre la fraude ne doit pas priver ceux qui ne fraudent pas de leurs droits et de leurs libertés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut rechercher sur ce plan un équilibre satisfaisant, or vous ne l'avez pas trouvé. Sur plusieurs points, le texte que vous présentez est contraire à la Constitution.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Mais vous ne l'avez pas lu !
    M. Christophe Caresche. Je vais exposer maintenant les motifs d'inconstitutionnalité.
    M. Eric Raoult. Vous n'avez qu'une heure et demie !
    M. Manuel Valls. Vous ne présidez pas cette séance, monsieur Raoult !
    M. le président. Monsieur Raoult, il n'y a pas de problème, nous sommes dans les délais. M. Caresche arrive maintenant au terme de sa démonstration en exposant les motifs d'inconstitutionnalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Ils auraient dû constituer le seul objet de son intervention !
    M. Christophe Caresche. Le Conseil constitutionnel a fixé de manière précise, dans sa décision du 13 août 1993 portant sur les fameuses lois dites « Pasqua », le cadre juridique dans lequel peuvent s'exercer des mesures coercitives à l'égard des étrangers.
    Il a notamment rappelé, dans un considérant de principe très important, les droits et libertés qu'il faut reconnaître aux étrangers résidant sur le territoire de la République. Je le cite : « Si le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur cosntitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. S'ils doivent être conciliés avec la sauvegarde de l'ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle, figurent, parmi ces droits et libertés, la liberté individuelle et la sûreté, notamment la liberté d'aller et venir...
    M. Serge Blisko. Eh oui !
    M. Christophe Caresche. ... la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale. »
    Liberté d'aller et venir, liberté du mariage, droit à mener une vie familiale normale et droit de recours contre une décision, c'est sous ces quatre aspects que je voudrais examiner les dispositions de votre texte.
    Tout d'abord, la liberté d'aller et venir.
    Elle n'est à l'évidence pas garantie par l'allongement important du délai de rétention administrative que vous prévoyez.
    M. Claude Goasguen. Mais vous étiez pour tout à l'heure !
    M. Christophe Caresche. Non, vous m'avez mal compris.
    M. Jean-Luc Warsmann. Attention, on vous écoute !
    M. Christophe Caresche. Le délai de rétention qui était de douze jours au total passerait à trente-deux jours.
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas assez !
    M. Christophe Caresche. Même si vous avez consenti, monsieur le ministre, à réduire de moitié ce délai - il était initialement de deux mois dans votre avant-projet -...
    M. Jean-Luc Warsmann. Tout à l'heure, vous étiez pour l'allongement !
    M. Christophe Caresche. Oui, mais pas à ce point. J'ai dit qu'on aurait pu envisager d'augmenter le délai de rétention de quelques jours. Là, vous passez de douze jours à trente-deux jours. Le Gouvernement a eu la main lourde.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce délai reste le plus court d'Europe !
    M. Christophe Caresche. Je parlerai de l'Italie et de la Grande-Bretagne dans un instant, ne vous inquiétez pas.
    Je souhaite tout d'abord rappeler que la détention administrative des étrangers est un régime d'exception. Dans l'ordre juridique français, le pouvoir de porter atteinte à la liberté individuelle est normalement réservé à l'autorité judiciaire.
    M. Christian Estrosi. Et que font vos amis socialistes Schröder et Blair ?
    M. Christophe Caresche. L'article 66 de la Constitution en fait le gardien de la liberté individuelle : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
    On peut évidemment, monsieur le ministre, se tourner vers l'étranger - et vous n'avez pas manqué de le faire - pour constater que le délai de rétention est plus important dans d'autres pays européens.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Partout !
    M. Christophe Caresche. On peut même rêver d'un délai illimité comme au Royaume-Uni. Mais ces comparaisons ont leurs limites : celles de la spécificité des systèmes juridiques. Ils ne sont pas identiques et n'autorisent pas des comparaisons hâtives.
    M. Claude Goasguen. Le système est le même en Italie.
    M. Christophe Caresche. Au demeurant, il ne me semble pas que des étrangers soient maintenus en rétention en Angleterre durant des mois et des mois dans l'attente de leur expulsion effective !
    M. Yves Jego. Qu'en savez-vous ?
    M. Christophe Caresche. La rétention administrative des étrangers est donc, dans notre droit, une exception. Elle ne peut se faire que sous le contrôle du juge, que s'il y a nécessité, et pendant le temps strictement nécessaire au départ de l'intéressé. Or ce n'est plus le cas.
    M. Jean-Luc Warsmann. Pourquoi ? Donnez-nous des arguments !
    M. Christophe Caresche. Tels sont les principes que le Conseil constitutionnel a rappelés de manière constante dans les cinq décisions qu'il a rendues depuis 1980 sur cette question.
    On peut toujours objecter que la haute instance n'a jamais indiqué explicitement le délai au-delà duquel le maintien en rétention serait contraire à l'article 66 de la Constitution.
    M. Manuel Valls. M. Warsmann va être convaincu !
    M. Christophe Caresche. Ce délai est passé de sept à douze jours entre 1986 et 1998. En outre, dans sa décision du 22 août 1997, le Conseil constitutionnel ne s'est pas opposé à la réitération d'un maintien en rétention, portant celui-ci à vingt-quatre jours, lorsque l'étranger s'est refusé à déférer à la mesure d'éloignement dans les sept jours suivant le premier maintien en rétention. Il est vrai également que le Conseil constitutionnel a validé l'extension progressive du champ d'application des justifications de la rétention, en acceptant, par exemple, l'hypothèse où l'étranger n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente de document de voyage permettant précisément l'exécution d'une mesure d'éloignement. Mais il n'a admis la constitutionnalité de l'allongement du délai de rétention que lorsque celui-ci était justifié par des circonstances particulières et lorsque la durée de cet allongement était, au final, limitée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est le cas !
    M. Christophe Caresche. La décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986 du Conseil constitutionnel est particulièrement éclairante sur ce point. Les nouvelles justifications à la mise en rétention relèvent moins de modifications profondes des motivations et du régime de la rétention que d'une traduction, sous différentes formes, des obstacles auxquels est confrontée l'administration pour assurer dans la pratique l'éloignement des étrangers.
    Tel est l'état du droit. Or celui-ci risque d'être remis en cause par la nouvelle rédaction de l'article 35 bis de l'ordonnance de 1945, en raison du double allongement du délai de droit commun de la rétention et de sa prorogation.
    Jusqu'à maintenant, le délai de droit commun était limité à sept jours. L'article 33 de votre projet de loi étend considérablement ce premier délai de rétention. Dans un premier temps, un délai de quarante-huit heures est appelé à s'écouler à l'expiration de la garde à vue ou à l'issue de la période d'incarcération. A l'issue de ces quarante-huit heures, le juge des libertés et de la détention saisi peut ordonner un prolongement de la rétention de l'étranger pour une durée légale de quinze jours.
    M. Jean-Luc Warsmann. Le juge, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. En d'autres termes, avec ce texte, le délai de base de la rétention administrative passe de sept jours à dix-sept jours. Entre sept jours hier et dix-sept jours demain, il y a une marge de dix jours pendant lesquels l'étranger sera privé de sa liberté d'aller et venir.
    M. Claude Goasguen. Et alors ?
    M. Christophe Caresche. Entre le constat de l'impossibilité objective pour l'étranger de quitter immédiatement le territoire français et la garantie de dix-sept jours donnée à l'administration pour prendre une mesure d'éloignement avant toute prorogation éventuelle de la rétention, le Gouvernement pratique le grand écart. Jamais, depuis 1981, le délai de droit commun de la rétention administrative n'avait été modifié. Or, non seulement ce pas est franchi, mais dans des proportions importantes puisque, au total, ce sont dix jours supplémentaires qui sont accordés à l'administration. Il s'agit bien d'un recul en matière de liberté d'aller et venir.
    Un allongement limité aurait pu se concevoir, monsieur Warsmann.
    M. Jean-Luc Warsmann. Je vous écoute !
    M. Christophe Caresche. Le projet de loi de Jean-Pierre Chevènement proposait quinze jours. A l'issue de l'examen du Parlement, nous avons voté douze jours.
    M. Gérard Léonard. Ce n'est pas glorieux !
    M. Yves Jego. Non, ce n'est pas glorieux de ne pas avoir suivi M. Chevènement.
    M. Christophe Caresche. N'y a-t-il pas d'autre titre de gloire que celui d'allonger le délai de rétention ?
    Un allongement limité aurait pu se concevoir, disais-je.
    M. Gérard Léonard. On connaît le résultat !
    M. Claude Goasguen. Mais vous avez dit que vous étiez favorable à un allongement.
    M. Christophe Caresche. Monsieur Goasguen, je le répète, le Conseil constitutionnel n'a admis la constitutionnalité de l'allongement de la durée de rétention que lorsque la durée de cet allongement était, au final, limitée.
    M. Jean-Luc Warsmann. Alors, vous êtes pour une prolongation ?
    M. Christophe Caresche. Mais non, j'ai constaté le fait que ce délai n'était pas limité.
    M. Jean-Luc Warsmann. Et puis, il y a un juge !
    M. Christophe Caresche. Il s'agit donc bien d'un recul. Le projet de loi de Jean-Pierre Chevènement proposait un délai moindre et la durée de rétention d'un étranger maintenu en zone d'attente est de vingt jours. Il était possible d'allonger raisonnablement ce délai.
    Si l'on prend en compte les deux régimes de rétention, il faut adjoindre vingt jours supplémentaires. Or le passage de douze à trente-deux jours du délai de rétention constitue une rupture manifeste d'équilibre, une remise en cause d'un dosage raisonnable entre l'ordre public, la maîtrise de l'immigration et le respect des libertés fondamentales.
    M. Serge Blisko. Eh oui !
    M. Christophe Caresche. On est donc fondé à soutenir qu'il y a disproportion entre cet allongement de la durée de la rétention et sa motivation.
    En outre, vous n'apportez pas, monsieur le ministre, d'éléments probants indiquant que la durée de privation de liberté a une influence réelle sur la mise en oeuvre effective de ces décisions. S'il s'agit de donner un peu plus de temps à l'administration pour remplir les formalités administratives, quelques jours supplémentaires suffisent. S'il s'agit d'obtenir de certains consulats qu'ils modifient leurs pratiques dans la délivrance de laissez-passer consulaires, une telle mesure semble illusoire. Vous l'avez d'ailleurs confirmé, puisque vous avez indiqué que le problème était de nature politique. L'allongement disproportionné de la période de rétention ne changera rien à leur attitude en ce cas.
    J'en viens maintenant à la liberté du mariage et au deuxième motif d'inconstitutionnalité.
    Je ne mets, bien sûr, pas en cause la nécessité de combattre les mariages de complaisance.
    M. Gérard Hamel. Vous ne pouvez quand même pas nier leur existence !
    M. Jean-Luc Warsmann. Mais il faut « faire confiance », vous comprenez !
    M. Christophe Caresche. Mais il existe déjà dans la loi un dispositif pour cela, même s'il n'est pas d'une grande efficacité.
    M. Jean-Luc Warsmann. Donc, tout va bien !
    M. Christophe Caresche. Mais non, attendez que j'en vienne au coeur de mon propos !
    M. Jean-Luc Warsmann. Faites-nous des propositions concrètes !
    M. Christophe Caresche. J'y viens !
    M. Claude Goasguen. C'est dur de ramer !
    M. Christophe Caresche. A l'évidence, les mariages de complaisance existent, même si leur nombre est sans doute plus limité que certains semblent le croire, comme je l'ai montré tout à l'heure.
    Sur ce plan, il faut se méfier de certaines représentations qui s'attachent au mariage mixte et qui nous éloignent beaucoup de la rationalité. Mais il est indéniable que le mariage peut être détourné de sa vocation dans l'espoir d'obtenir un titre de séjour.
    C'est un problème qui se pose, non seulement en France, mais aussi dans la plupart des pays européens. Pour cette raison, l'Union européenne s'est saisie de cette question et le Conseil européen a adopté une résolution, le 4 décembre 1997, sur les mesures à adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance. La question est de savoir comment les combattre (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sans mettre en cause la liberté du mariage qui est un droit constitutionnel !
    M. Yves Jego. Donnez-nous une leçon !
    M. Christophe Caresche. Eh bien, je vais vous la donner !
    Aujourd'hui, la lutte contre les mariages blancs est déjà une réalité législative, je l'ai dit.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Donc, tout va bien !
    M. Christophe Caresche. Ainsi, est-il prévu, à l'article 175-2 du code civil, que, lorsqu'il suspecte un mariage de complaisance, l'officier d'Etat civil peut saisir le procureur de la République qui peut surseoir à la célébration du mariage. En outre, selon l'article 175-2 du même code, le ministère public peut « former opposition au mariage pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela ne marche pas du tout !
    M. Christophe Caresche. Cela ne marche peut-être pas bien, mais c'est une preuve de l'incapacité du Gouvernement à donner des instructions aux procureurs pour faire appliquer la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'article 184 indique que « tout mariage contracté en contravention à la liberté de consentement peut-être attaqué par le ministère public ».
    Enfin, l'article 190-1 prévoit que « le mariage qui a été contracté en fraude à la loi peut être annulé à la demande de l'époux de bonne foi ou du ministère public, formée dans l'année qui suit le mariage ».
    Malgré cette législation, votre projet ne consacre pas moins de quatre articles à la lutte contre les mariages blancs.
    M. Claude Goasguen. Evidemment, puisqu'il y en a beaucoup !
    M. Christophe Caresche. L'article 36 exige, pour les mariages contractés à l'étranger, que chacun des futurs époux se présente personnellement au consulat au moment de leur démarche, aux fins de publication des bans. C'est d'ailleurs une disposition qui va plutôt dans le bon sens, puisqu'elle vise essentiellement les mariages forcés.
    L'article 37 prévoit d'alourdir, sans discernement, la procédure de l'article 175-2 du code civil au détriment des futurs époux qui souhaitent fonder un couple mixte.
    L'article 19 crée une nouvelle incrimination à l'encontre des mariages blancs faisant encourir des peines d'une particulière sévérité.
    L'article 11, enfin, exige le doublement de la durée du mariage pour ouvrir droit à l'obtention de la carte de résident.
    La première remarque qui vient à l'esprit est que cela fait beaucoup pour lutter contre un phénomène dont l'ampleur paraît, somme toute, limitée.
    M. Yves Jego. Quelle honte de dire ça !
    M. Claude Goasguen. Regardez les chiffres !
    M. Christophe Caresche. L'accumulation de mesures de contrôle a priori et a posteriori peut-être interprétée comme une volonté de stigmatiser les mariages mixtes et de restreindre l'accès au mariage des étrangers qui n'ont aucune intention de frauder. En effet, la nouvelle incrimination de l'article 19 du projet de loi permet un contrôle des motivations du mariage a posteriori et une sanction en cas de détournement.
    M. Claude Goasguen. Vous n'arrivez pas à le croire vous-mêmes !
    M. Christophe Caresche. Il convient donc de supprimer au moins la procédure prévue à l'article 175-2 du code civil que vous entendez renforcer et dont l'objet est de lutter a priori contre les mariages blancs. C'est d'autant plus nécessaire que cette procédure de contrôle a priori par les maires, en liaison avec le procureur et le préfet, que vous prévoyez de renforcer avec l'article 37, nous paraît très contestable au regard de la liberté du mariage. Puisque M. Warsmann m'a interpellé, je lui répondrai que ce que nous disons est très clair.
    M. Yves Jego. Pour vous seulement !
    M. Jérôme Rivière. Les Français ne l'ont pas compris en tout cas !
    M. Christophe Caresche. A partir du moment où le Gouvernement propose une incrimination assortie de sanctions extrêmement lourdes, donc a priori dissuasives, pour les mariages de complaisance, pourquoi proposer un second dispositif qui, lui, est contestable, sur le plan constitutionnel, extrêmement complexe et dont l'efficacité sera douteuse ? A partir du moment où le Gouvernement propose une incrimination, il n'a qu'à s'y tenir !
    M. Jean-Luc Warsmann. Il faut les détecter les faux mariages !
    M. Christophe Caresche. Cela signifie donc que vous n'avez pas confiance dans l'incrimination et dans le délit que vous allez créer.
    M. Claude Goasguen. Non, cela veut dire que l'on évite à la justice un alourdissement de ses tâches !
    M. Jean-Luc Warsmann. Et c'est très cohérent !
    M. Christophe Caresche. Non, ce n'est pas cohérent...,
    M. Claude Goasguen. Mais si, c'est cohérent ! Ce sont des mesures préventives !
    M. Christophe Caresche. Nous pensons qu'un seul dispositif serait suffisant.
    M. Claude Goasguen. Cela s'appelle de la prévention !
    M. Christophe Caresche. Le second dispositif que vous créez est très contestable au regard de la liberté du mariage.
    Je voudrais rappeler que, en 1993, le Conseil constitutionnel a été saisi de l'inconstitutionnalité de dispositions prévoyant la saisine du parquet par l'officier de l'état civil, lorsqu'il existait des indices sérieux laissant présumer que le mariage était envisagé dans un autre but que l'union matrimoniale. Le Conseil constitutionnel a considéré que la subordination de la célébration du mariage à de telles conditions préalables méconnaissait le principe de la liberté du mariage, composante de la liberté individuelle.
    M. Claude Goasguen. Mais le Conseil constitutionnel ce n'est pas vous, monsieur Caresche ! Saisissez-le !
    M. Christophe Caresche. Le législateur a réagi à cette censure en adoptant une nouvelle rédaction conforme à la notion de consentement, qui fonde la liberté du mariage,...
    M. Claude Goasguen. Laissez le Conseil constitutionnel décider !
    M. Christophe Caresche. ... l'article 146 du code civil subordonnant en effet le mariage au consentement. La loi du 30 décembre 1993 a alors permis la saisine du parquet par l'officier d'état civil lorsque « le mariage envisagé était susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 du code civil ». En outre, la Cour européenne des droits de l'homme estime de son côté que le droit de se marier obéit aux lois nationales des Etats membres contractants pour ce qui concerne son exercice. Les limitations qui en résultent ne doivent pas le restreindre ou le réduire d'une manière ou d'une autre. L'article 37 du projet de loi vient bouleverser ces règles. Il fait en effet de la régularité du séjour une condition du droit au mariage, puisque constitue un indice sérieux de fraude le fait de ne pas justifier devant l'officier d'état civil de la régularité du séjour.
    M. Claude Goasguen. Eh voilà !
    M. Christophe Caresche. Dans une telle hypothèse, le préfet et, à Paris, le préfet de police, sont avertis immédiatement de cette situation. Comment ce nouveau dispositif va-t-il se concilier avec l'article 347 de l'instruction générale relative à l'état civil ? Celui-ci précise que « l'officier d'état civil appelé à célébrer un mariage doit s'assurer que les conditions de fond et de forme posées par la loi sont remplies. L'officier d'état civil n'a pas à effectuer d'investigations pour s'assurer de la réalité du consentement ». On constate donc que le projet de loi glisse de la condition civiliste du consentement, qui a prévalu jusqu'ici, vers la condition de la régularité du séjour. En d'autres termes, la liberté du mariage s'incline devant la régularité du séjour. En effet, l'article 37 fait du séjour une condition du consentement, le futur conjoint étranger devant faire la preuve de son droit au séjour. Or, le consentement et la régularité du séjour sont deux terrains différents.
    M. Claude Goasguen. Cela s'appelle la fraude à la loi !
    M. Christophe Caresche. Par là même, l'équilibre consacré par la jurisprudence constitutionnelle de 1993, et fondé sur la seule exigence du consentement, est rompu.
    Je voudrais également souligner le fait que cet article 37 est en contradiction manifeste avec l'exposé des motifs du projet de loi, adopté il y a quelques semaines, qui habilite le Gouvernement à simplifier et modifier le droit par ordonnances et qui stipule que « la présentation des pièces justificatives pourra être remplacée par les déclarations sur l'honneur, en application d'un principe de confiance envers la bonne foi de l'usager, ce qui n'exclut pas la mise en place de procédures de contrôle et de sanctions proportionnées ».
    M. Jean-Luc Warsmann. Il ne s'agit pas de deux lois ! Je ne vois pas où est le problème !
    M. Christophe Caresche. En l'occurrence, s'agissant des mariages mixtes, on ne voit pas pourquoi ce principe n'est pas retenu par le Gouvernement.
    J'en viens au troisième point d'inconstitutionnalité : la remise en cause du droit de mener une vie familiale normale.
    M. Serge Blisko. Eh oui !
    M. Christophe Caresche. Plusieurs dispositions de votre texte sont susceptibles de remettre en cause ce principe.
    Premièrement, je souhaite évoquer le dispositif de l'article 2 sur les certificats d'hébergement. Si l'on prend votre projet de loi complété par l'amendement du rapporteur, qui préconise d'exiger un certificat d'hébergement pour les seules visites à caractère familial, on aboutit, par exemple, à priver un enfant né en France de parents français d'origine étrangère de l'entretien de tout lien avec ses grands-parents pour la seule cause d'insuffisance « des conditions normales d'hébergement ». Or, depuis la loi de 2002 concernant la réforme relative à l'autorité parentale, le code civil énonce, conformément au droit international, que « l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit ». On ne saurait admettre au titre des motifs graves l'insuffisance de la surface habitable. Permettez-moi de souligner que, bien souvent, notamment en raison de la crise du logement, notamment à Paris, monsieur Goasguen,...
    M. Claude Goasguen. Vous n'aviez qu'à construire des logements sociaux, monsieur Caresche, au lieu d'acheter des immeubles dans le 16e !
    M. Christophe Caresche. ... de nombreuses familles ne peuvent pas accéder à un logement satisfaisant indépendamment de leur volonté.
    Deuxièmement, je voudrais évoquer l'article 12 du projet de loi relatif à l'accès de plein droit à la carte de résident. Il remplace une condition alternative par une condition cumulative en exigeant du parent étranger d'un enfant français, titulaire même partiellement de l'autorité parentale, qu'il subvienne effectivement aux besoins de son enfant, depuis la naissance ou depuis au moins deux ans, pour obtenir de plein droit une carte de résident. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a eu déjà l'occasion de se prononcer le 22 avril 1997, en précisant ce qu'il fallait entendre par « subvenir aux besoins de son enfant pour assurer l'entretien de celui-ci ». Il a été disposé que « doit être regardé comme subvenant effectivement aux besoins de son enfant, le père ou la mère qui a pris les mesures nécesaires, compte tenu de ses ressources, pour assurer l'entretien de celui-ci ; que toute interprétation méconnaîtrait le droit des intéresés à mener une vie familiale normale ».
    Or, que dit le code civil depuis la réforme relative à l'autorité parentale de 2002 ? Je vais me permettre de vous rappeler les articles 371-1 et 371-2 du code civil.
    L'article 371-1 dispose que « l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne... ».
    Quant à l'article 371-2, il est ainsi rédigé : « Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. »
    M. Claude Goasguen. On le connaît par coeur !
    M. Christophe Caresche. L'autorité parentale - on ne saurait être plus clair ! - entraîne bien l'obligation d'entretien effectif de l'enfant par ses parents à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
    M. Claude Goasguen. Et alors ?
    M. Christophe Caresche. Pourquoi exiger d'un étranger qu'il exerce « même partiellement l'autorité parentale » et « qu'il subvienne effectivement aux besoins de l'enfant » sans d'ailleurs préciser, comme l'exige le Conseil constitutionnel, que cet entretien doit être proportionnel aux capacités des parents ? Dès lors, on peut se demander si votre intention inavouée n'est pas de précariser les étrangers (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Claude Goasguen. Sarkozy, c'est Thénardier !
    M. Christophe Caresche. ... parents d'enfants nés en France, en leur déniant d'emblée l'accès à la carte de résident. Ce faisant, vous compromettez les capacités de ces parents de s'insérer professionnellement et donc d'être en mesure de subvenir aux besoins de leur enfant. Il s'agit bien d'une atteinte au droit de vivre en famille.
    J'en viens à l'article 13. Il vise à supprimer la délivrance de plein droit de la carte de résident aux conjoints et enfant mineur ou juste majeur d'un étranger titulaire de la carte de résident arrivant sur le territoire dans le cadre d'un regroupement familial. Vous n'êtes pas sans savoir qu'en 1993, le Conseil constitutionnel a énoncé que « les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière, ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale »...
    M. Jacques-Alain Bénisti. Mais à Paris vous ne voulez plus d'étrangers ! Vous les envoyez en banlieue !
    M. Christophe Caresche. ... et de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique. Or, l'article 13 méconnaît ce droit. Le conjoint et les enfants auront, certes, la possibilité d'obtenir une carte de séjour temporaire, mais l'exigence du renouvellement annuel durant au moins cinq ans fragilise leurs perspectives d'intégration.
    J'en viens au quatrième point d'inconstitutionnalité : le déni du droit de recours contre une décision.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ce sera dur !
    M. Christophe Caresche. Ce sera encore plus dur quand le Conseil constitutionnel censurera votre texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Estrosi. Vous dites ça à chaque fois !
    M. Christophe Caresche. L'article 1er du projet de loi vise à dénier à l'étranger un droit de recours contre une décision lui faisant grief. Or, aux termes de l'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme le souligne le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet 1999 « il résulte de cette disposition, qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; que le respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958 ».
    Or vous souhaitez retirer à l'étranger concerné le bénéfice d'un jour franc avant l'exécution d'une mesure de rapatriement, dès lors qu'il refuse de signer le procès-verbal notifiant le refus d'entrée. C'est une atteinte substantielle au droit des étrangers à un recours effectif devant une juridiction. Vous oubliez, monsieur le ministre, que la décision de refus d'entrée prise par « un agent de police judiciaire ou par le chef de service de contrôle aux frontières ou par un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier » peut priver un étranger de la possibilité de déposer une demande d'asile, ou qu'elle peut même être, tout simplement, abusive. Je vous proposerai donc, pour vous éviter tout risque de censure, de supprimer cet article 1er.
    Telles sont, monsieur le ministre, les observations et les critiques que je tenais à formuler sur le projet de loi que vous nous présentez sur la maîtrise de l'immigration et le séjour des étrangers en France. Au-delà des motifs de censure constitutionnelle que je viens d'exposer, pour atteinte à certaines libertés, je rappelle le caractère à la fois excessif et irréaliste de votre texte. On l'imagine conçu par un esprit soupçonneux, toujours sur la défensive. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. Un Thénardier paranoïaque !
    M. Christophe Caresche. Et l'on regrette qu'il ne dessine aucune orientation positive face aux problèmes soulevés. Un empilement de mesures répressives ne peut tenir lieu de politique d'immigration. Malgré votre volonté d'action, que je ne mets pas en cause, monsieur le ministre, vous semblez prisonnier d'une conception restrictive et, au fond, traditionnelle dans votre camp politique.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Le ministre de l'intérieur prisonnier, c'est nouveau !
    M. Christophe Caresche. Il manque à notre pays un regard neuf sur l'immigration,...
    M. Yves Jego. Ce n'est pas le vôtre en tout cas ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christophe Caresche. ... une approche sincère et innovante qui permette de dépasser les clivages habituels entre conservateurs et progressistes, afin d'évoluer ensemble dans ce domaine.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ça vous fait sourire vous-même !
    M. Christophe Caresche. C'est vous qui me faites sourire !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est laborieux !
    M. Claude Goasguen. A la rame, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. Je considère que votre projet de loi ne prend pas suffisamment en compte cet enjeu, tout spécialement dans le contexte que j'ai évoqué en introduction. Mais au-delà de ces remarques, je veux vous redire notre volonté de mener avec vous un débat responsable et constructif.
    M. Yves Jego. Ça commence mal !
    M. Christophe Caresche. Vous le savez comme moi, ce sujet sensible tient au coeur de tous les républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gérard Léonard pour le groupe UMP.
    M. Gérard Léonard. Le seul mérite du discours de M. Caresche est de nous avoir rajeunis de presque un an. En effet, nous avons entendu exactement les propos rituels qu'il nous avait déjà assénés lors de l'examen de la LOPSI et de la LSI. La recette est simple. On commence par brosser les grandes lignes d'une politique que l'on voudrait voir mettre en oeuvre, mais que l'on n'a pas été capable de mener.
    M. Yves Jego. Très juste !
    M. Gérard Léonard. Ensuite, on juge que le dispositif proposé est excessif. C'est d'ailleurs assez révélateur d'une conception de la vie publique où, face à une situation délabrée, on laisse courir.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très juste !
    M. Gérard Léonard. C'est la politique du chien crevé au fil de l'eau. C'était vrai pour les retraites et pour la sécurité, c'est vrai aujourd'hui pour l'immigration.
    Enfin, on prétend que tout cela est bien gentil, mais viole allègrement les principes du droit. Je ne reviendrai pas sur les arguties juridiques qui ont été développées.
    M. Serge Blisko. Ce sont des arguments, pas des arguties !
    M. Gérard Léonard. Soyons assurés qu'elles recevront la même sanction que lors des textes précédents...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Absolument : pas une disposition n'a été annulée par le Conseil constitutionnel !
    M. Gérard Léonard. ... et avançons sereinement, avec le sentiment de servir notre pays. Soyons cependant indulgents avec M. Caresche, car il faut bien reconnaître que l'exercice était difficile ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous voterons contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'était malicieux et bien vu !
    M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. L'exercice était en effet difficile pour M. Caresche, car vous n'avez cessé de l'interrompre.
    M. Claude Goasguen. Vous savez toute la sympathie que nous avons pour M. Caresche !
    M. Serge Blisko. Ce ne sont pas de bonnes méthodes, car il faut savoir s'écouter. En effet, je ne dis pas que nous trouvons les solutions aux problèmes,...
    M. Yves Jego. Ça, on a vu que vous ne les trouviez pas !
    M. Serge Blisko. ... mais si nous partions des mêmes prémisses, du même diagnostic, nous pourrions sans doute cheminer de manière moins heurtée et moins politicienne que celle dont vous venez de faire preuve.
    Au-delà des arguments juridiques, cette exception d'irrecevabilité a tout de même montré que ce texte comportait des impasses. Tout d'abord, quoi qu'en ait dit le ministre, le projet de loi pose mal la question de l'immigration dans la France d'aujourd'hui. Certaines études montrent bien que nous avons affaire à des mouvements longs, qui ne sont d'ailleurs pas aussi importants que vous le dites ou que certains démagogues l'affirment. Par ailleurs, certains liens avec l'économie - je ne parle même pas du débat sur les retraites qui s'est terminé ce matin -, la démographie ou la mondialisation, dont on parle tant - échanges de populations, de savoirs, de capitaux - ne sont pas du tout pris en compte. On considère l'immigration - et c'est sans doute une erreur que nous commettons tous - comme un phénomène social, politique, un problème brûlant qu'il faut prendre avec des pincettes parce que des démagogues, en particulier à l'extrême droite, veulent toujours nous entraîner sur ce terrain. Nos réponses sont inadaptées, puisque c'est à qui en fera plus que l'autre et désamorcera une polémique dans laquelle nous ne sommes pas très à l'aise, ni les uns ni les autres. Pour ma part, j'ai au moins le courage et l'honnêteté de le dire.
    M. Caresche a fait remarquer qu'aujourd'hui l'immigration en Europe de l'Ouest et, plus largement, dans le Nord, n'était pas qu'un phénomène social ou policier, mais quelque chose de beaucoup plus important, que nous devons connaître avant de maîtriser. Il a beaucoup insisté sur la nécessité d'avoir une connaissance plus fine et plus précise de ces phénomènes, qui sont complexes.
    M. Caresche a montré dans sa deuxième partie que ce texte, loin de répondre aux problèmes posés, risquait de déséquilibrer la vie de dizaines de milliers d'immigrés...
    M. Jacques-Alain Bénisti. Clandestins !
    M. Serge Blisko. ... en situation régulière. Avec humour, il vous a fait remarquer : vous leur demandez des preuves d'intégration avant même qu'ils aient commencé à s'intégrer !
    M. Yves Jego. Au bout de cinq ans, ils ne sont pas intégrés ?
    M. Serge Blisko. D'où une situation fertile en contentieux et en drames humains. On pourrait dire à ces familles, qui sont dans une démarche d'intégration : vous n'êtes pas assez intégrés, vous parlez français mais vous faites des fautes de grammaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Caricature !
    M. Serge Blisko. La politique du Gouvernement est un tout ! Or actuellement, les crédits du FASILD, le fonds d'action et de soutien à l'intégration et à la lutte contre les discriminations, sont gelés et réduits.
    M. Yves Jego. Mensonge !
    M. Serge Blisko. Si vous nous aviez proposé - et c'est sans doute ce qui nous a le plus déçus - un dispositif d'intégration, nous aurions pu en discuter de façon claire.
    M. Yves Jego. Que ne l'avez-vous fait pendant cinq ans !
    M. Serge Blisko. Dernier point : vous organisez la précarité et contribuez à déstabiliser gravement les centaines de milliers...
    M. Jacques-Alain Bénisti. De clandestins !
    M. Serge Blisko. ... d'immigrés qui, dans nos communes, dans nos entreprises, sont en voie d'intégration,...
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il n'a rien compris !
    M. Serge Blisko. ... et en leur demandant quelque chose de très compliqué et de très flou.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous n'avez pas lu le texte !
    M. le président. Monsieur Blisko, vous n'avez pas à défendre une deuxième exception d'irrecevabilité. Concluez votre explication de vote !
    M. Charles Cova. C'est s'opposer pour s'opposer ! Ça ne rime à rien !
    M. Serge Blisko. Je suis très surpris que vous vous défaussiez sur les maires s'agissant des attestations d'accueil. Vous créez du contentieux, des ruptures d'égalité. Vous savez très bien que cela ne peut pas marcher. Il y aura des différences sensibles entre les mairies, selon leur couleur politique et les pressions dont les maires seront victimes. Et les ruptures d'égalité qui en résulteront nous placeront en dehors de la Constitution, comme Christophe Caresche l'a très bien dit.
    Il s'agit d'un texte de déstabilisation, d'un texte dangereux pour les libertés fondamentales, en particulier pour les immigrés en situation régulière. Il mérite d'être renvoyé par le Conseil constitutionnel. Nous voterons évidemment cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. En fait d'arguments juridiques démontrant l'anticonstitutionnalité du projet de loi, nous avons entendu une explication en réalité bien faible, d'une faiblesse inversement proportionnelle à sa longueur. Mais ce qui m'a le plus frappé en écoutant notre collègue Caresche, c'est sa lecture systématiquement soupçonneuse du texte du ministre de l'intérieur.
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Jean-Christophe Lagarde. On a l'impression de déceler les fantasmes de l'auteur de l'exception d'irrecevabilité à toutes les virgules du texte. A chaque fois qu'une mesure répond à des difficultés concrètes et réelles, on nous explique soit que cela n'existe pas, soit qu'il y a d'autres moyens, soit qu'on n'a qu'à faire appliquer la loi. La lecture qui a été faite de ce texte par le représentant du groupe socialiste m'a paru particulièrement erronée.
    Contester - et cela m'a beaucoup choqué, monsieur Caresche - l'augmentation du nombre de « mariages blancs » dans ce pays, sous prétexte qu'il n'y a pas de statistiques, c'est dire aux maires que ce qu'ils voient se passer dans leur mairie n'existe pas.
    M. Yves Jego. Tout à fait !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je vais même vous dire que depuis l'annonce de la loi du ministre de l'intérieur, le nombre de mariages blancs a explosé.
    M. Serge Blisko. Mais vous avez un arsenal juridique ! Vous avez les moyens de vous y opposer !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Certains sont beaucoup plus pressés de se marier, parce qu'ils imaginent que si la loi est votée d'ici à la fin du mois, ils auront du mal à obtenir la régularisation de leur titre de séjour. On l'a constaté dans ma commune, on l'a constaté dans la commune de Nicolas Perruchot. Je suis sûr que la plupart d'entre vous ont pu le constater.
    Cela signifie qu'il était utile d'intervenir. Le mariage blanc est aujourd'hui, en France, le moyen le plus simple, le plus rapide et le plus facile pour se faire régulariser. C'est peut-être le dernier recours, mais les plus malins l'utilisent en premier recours et, malheureusement, ça marche ! Vous devriez être attentifs aux situations ainsi créées, notamment au niveau humain. Car elles sont parfois catastrophiques.
    M. Eric Raoult. En effet !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Au bout d'un an, il nous faut loger les jeunes filles, leur trouver des revenus car elles ont été abandonnées avec un gosse. Quant à l'autre, il a disparu dans la nature... On ne peut pas accepter que le mariage, qui est une institution de liberté, soit ainsi dévoyé !
    Là encore, et, contrairement à ce que vous venez d'affirmer, nous avons besoin de nous appuyer sur les maires pour que le système fonctionne. Aujourd'hui, ceux-ci sont contraints de par la loi à faire des choses absurdes. En tant qu'officiers d'état civil, c'est-à-dire au nom de l'Etat, ils commettent sciemment des actes qui confinent à l'absurdité et roulent la République dans la farine ! Alors non, on ne peut pas accepter de ne pas discuter de ce projet de loi ! Nous voterons contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Manuel Valls.
    M. Manuel Valls. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a voulu son texte sur l'immigration. Celui-ci est bien sûr fondateur, essentiel, incontournable.
    M. Christian Vanneste. Jusque-là, c'est bien...
    M. Manuel Valls. C'est en tout cas ce que le rapporteur et le ministre nous ont dit et n'auront de cesse de répéter dans les heures et les jours qui viennent. Pourtant, et nous le regrettons sincèrement, il n'apporte pas l'apaisement nécessaire au débat sur l'immigration. En n'osant pas faire une grande loi qui prenne date et clarifie la position de la France, qui serait le cadre à partir duquel se bâtiraient les avancées futures, en se contentant de définir de nouvelles dispositions contraignantes, dures mais aussi techniques, ce texte ne règle pas la question politique qui touche à l'immigration et pourrit notre débat politique depuis trop longtemps.
    Bien sûr, vous dites que ce projet est le socle, qu'il permet de résoudre les problèmes sans dogmatisme, qu'il allie fermeté et générosité, qu'en quelque sorte, il clôt le débat.
    M. Pierre Cardo. Ce n'est pas ce qu'il a dit !
    M. Manuel Valls. Nous ne le pensons pas. Je tiens à rappeler que la loi relative à l'entrée, au séjour des étrangers en France et au droit d'asile du 11 mai 1998, présentée par la gauche et le gouvernement de Lionel Jospin, portée - rendons-lui hommage cette fois-ci - par Jean-Pierre Chevènement, avait le mérite de rechercher le consensus, de tenter de mettre un terme aux déchirements passionnels en introduisant des mesures techniques, législatives claires, simples, efficaces, inspirées par les recommandations du rapport remis par Patrick Weil au gouvernement d'alors.
    Très clairement, elles s'inscrivaient, elles aussi, en rupture avec la législation de la précédente majorité. Cette loi instituait la volonté de maîtriser les flux migratoires - car nous ne pouvons pas accueillir tous ceux qui veulent venir en France - et définissait clairement un statut pour les résidents étrangers dans le respect scrupuleux des droits fondamentaux. Le mérite de cette loi est d'avoir tenté, autour d'une législation équilibrée, de sortir la question de l'immigration de la situation dans laquelle l'avait enfermée un débat public biaisé et noyé dans les arrière-pensées politiciennes.
    Les principales dispositions de la loi RESEDA visaient à faciliter la liberté de circulation pour les bénéficiaires de la carte de dix ans, à mettre en place un statut adapté aux différentes catégories d'immigrés admis sur le territoire - notamment carte de séjour différenciée : scientifique, vie privée et familiale, artistique et culturelle, à améliorer les dispositifs de lutte contre l'immigration illégale ; et à créer l'asile territorial...
    Cependant, les années passées nous ont montré que les mesures techniques, législatives sont, certes, nécessaires mais aussi insuffisantes. Sur l'immigration comme sur l'intégration - j'évoquerai la problématique du contrat d'intégration que vous préparez - notre pays ne peut pas se contenter de prévoir des mesures techniques, de fixer seulement des conditions. Nous avons besoin de mettre en oeuvre des dynamiques politiques claires, éloignées des querelles de bas étage, une politique capable d'affirmer un objectif en toute sérénité.
    M. Bruno Le Roux. Très bien !
    M. Manuel Valls. Aussi votre arsenal de nouvelles mesures relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France ne peut-il pas suffire. D'une part - nous y reviendrons tout au long de la discussion générale et de l'examen des articles - les nouvelles dispositions ne sont pas porteuses d'une amélioration significative de notre politique d'immigration. Certaines sont même dangereuses.
    M. Bruno Le Roux. Ou inefficaces...
    M. Manuel Valls. D'autre part, rien n'est fait par le Gouvernement pour renouveler ce qui s'inscrit dans le prolongement de l'immigration, à savoir l'intégration et tous les outils qui permettent de lui donner un sens dans notre pays : restauration de l'ascenseur social par un volontarisme éducatif ; mise en oeuvre d'un nouveau rapport à la nation, espace commun ; lutte contre les discriminations ; ouverture de nouveaux droits aux résidents, comme nous vous le proposions par exemple au mois de novembre 2002, avec la proposition de loi de Bernard Roman et de Bruno Le Roux sur l'octroi d'un droit de vote des résidents étrangers non communautaires, qui avait donné lieu à des interventions inquiétantes de la part de collègues siégeant sur les bancs de la majorité.
    A ce propos, disons-le d'emblée, nous saluons les dispositions proposées pour mettre un terme à la double peine. Le débat initié, toujours en novembre 2002, par le groupe socialiste et auquel notre collègue Etienne Pinte avait fortement contribué a permis à chacun, dans l'Hémicycle, de mesurer lucidement l'incohérence de mesures d'éloignement du territoire frappant des femmes et des hommes que tout rattache à la France.
    La double peine qui, à partir de 1970, s'est peu à peu introduite dans notre droit, est effectivement une incohérence. Elle engendre une inégalité et une injustice qu'il nous faut effacer.
    La loi RESEDA a corrigé l'esprit des lois Pasqua en garantissant une protection, malheureusement insuffisante, en fonction des liens avec la France. La circulaire du 19 novembre 1999, se fondant sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, a pour sa part atténué le champ d'application de la double peine, puisque consigne a été donnée aux parquets de considérer les attaches des étrangers à notre pays. Mais cela était insuffisant. Nous ne sommes pas allés asez loin. Nous aurions dû le faire avant. La réussite du défi de l'intégration - et je suis heureux qu'à des degrés divers nombre d'entre nous, sur tous les bancs, l'aient compris - passe aussi par là.
    La fin de la double peine est indispensable. Celle-ci crée en effet des situations terribles, elle déchire des familles, et nul ici ne peut le nier. Vouloir la supprimer ne veut pas dire faire preuve de laxisme. Non, bien au contraire : c'est garantir que la fermeté dans l'application de la sanction est la même pour tous. Le travail de la justice ne doit pas paramétrer l'accueil et le séjour des étrangers sur notre territoire. Le principe de la double peine est terrible parce qu'il crée un sous-droit pour des sous-résidents.
    Outre son caractère inhumain, la mesure d'éloignement est le plus souvent inopérante, inefficace, et surtout contre-productive. Qui peut empêcher un père ou une mère de tenter de revenir en France, par tous les moyens, pour vivre avec ses enfants ? Qui peut empêcher un jeune de vouloir revenir avec sa famille ? Des interdictions du territoire ont été prononcées envers des jeunes entrés en France dès leur plus jeune âge ; ils ont été expulsés dans des pays qu'ils ne connaissent pas, suite à des peines de prison ferme d'un an.
    Tous n'ont de cesse de revenir alors clandestinement en France, où ils sont contraints à une vie illégale, propice à un retour à la délinquance. Cette pratique fabrique ainsi des bannis et favorise l'émergence de statuts de seconde zone, car très souvent - trop souvent - la double peine frappe des citoyens, des femmes, des hommes se sentant français, bien que ne l'étant pas administrativement.
     Nous étions inquiets, après le débat dont nous avions pris l'initiative à la fin de l'année 2002. Car à entendre la plupart des orateurs de la majorité, pourtant moins dogmatiques que lors de la discussion générale de la proposition de loi sur le droit de vote des résidents - on nous épargna, cette fois-ci l'intervention de notre collègue de Villiers -, nous craignions que les intentions du ministre de l'intérieur, qui s'était engagé dans ce dossier, ne survivent pas au printemps.
    Notre collègue Leonetti déclarait, par exemple : « Nous pensons que la législation actuelle est bonne dans son principe. Il nous paraît normal de renvoyer chez eux les étrangers déliquants. Qu'y a-t-il de pénalisant à rentrer chez soi ? » Ce que nos collègues refusaient d'entendre c'est que le « chez soi » réel n'est pas forcément le « chez soi » administratif.
    Alors, oui : nous saluons cette avancée et nous vous soutiendrons, monsieur le ministre.
    M. Bruno Le Roux. Il en aura besoin !
    M. Manuel Valls. Mais c'est bien l'acte de générosité qui cache le reste. Vous faites là, monsieur le ministre, démonstration de votre courage, de votre hauteur d'esprit, de votre volonté de convaincre coûte que coûte votre majorité,...
    M. Claude Goasguen. Ça devient suspect...
    M. Manuel Valls. ... sur un sujet important, mais qui reste marginal par rapport à la masse des immigrés présents en France. Car nous sommes sceptiques sur la méthode et opposés sur le fond.
    Les explications du rapporteur sur le caractère hautement utile de l'extension de la période de séjour régulier requise pour obtenir la carte de résident ne sont vraiment pas convaincantes. Elles manifestent la volonté de calmer les regards suspicieux, de faire croire à un durcissement des règles relatives à l'obtention des différentes catégories de titres de séjour. Mais le seul effet réel de ces dispositions, outre la volonté decontenter une partie de votre majorité sera de faire naître un malaise supplémentaire chez les femmes et les hommes récemment installés dans notre pays et, plus particulièrement, celles et ceux désireux de s'y installer durablement, celles et ceux manifestant le plus significativement leur appétit d'intégration et leur attachement à la communauté nationale.
    La lutte contre l'immigration clandestine, nécessaire indispensable ne s'accompagne pas d'une politique étrangère à la hauteur des enjeux. Car ce qui pousse des millions de personnes à migrer, chaque année, c'est avant tout le mal-être, la désespérance, la croyance de plus en plus ancrée d'une sorte d'inéluctabilité, pour ne pas parler de fatalité, du sous-développement de certaines régions du globe.
    On ne sait pas, on sait peu à quel point sont développés les flux migratoires au sein même des régions touchées par le sous-développement et qui manifestent un peu plus la croyance répandue que l'espoir est forcément ailleurs.
    L'article 2 du projet met en place des dispositions relatives aux attestations d'accueil, donnant un pouvoir démesuré aux maires.
    Je suis maire d'une ville dans laquelle résident de nombreux étrangers, et le mode actuel de délivrance des attestations d'accueil ne me convient pas. Mais celui que vous nous proposez ne me va pas non plus. Actuellement, rien n'est fait pour s'assurer que la demande, devenue temporaire, n'est pas en fait une future installation dans la clandestinité.
    M. Claude Goasguen. C'est vrai !
    M. Manuel Valls. Or les dispositions proposées motivent l'acceptation ou le refus de délivrance de l'attestation à la capacité des hébergeants à accueillir normalement leur famille. C'est, d'une part, parfaitement subjectif et, d'autre part, propice à un retour de l'arbitraire. Dans certaines communes où les Français d'origine étrangère sont nombreux, où les étrangers en situation régulière sont nombreux - c'est le cas à Evry -, c'est la fin de l'accueil ! Dans ces communes, les gens désireux de garder le contact avec leurs familles ne pourront, pour les voir, qu'aller chez elles et renoncer parfois à les faire venir en France. Ce sera sans doute le cas à Orange, mais aussi dans d'autres communes dans lesquelles le maire fera de la non-délivrance de ces attestations un étendard, notamment en période électorale.
    Le Gouvernement prend le risque, par cette nouvelle disposition, de faire de l'accueil des étrangers un enjeu municipal, avec toutes les manipulations qui peuvent naître d'un tel débat dans nos communes.
    C'est un sujet sérieux. Je m'inscris dans le ton qui était celui du ministre quand il a présenté son projet de loi. Je l'incite à réfléchir à la problématique plus politique de l'utilisation qui pourra être faite des attestations d'accueil sous la forme ainsi proposée. Il aurait été préférable, comme l'a proposé Christophe Caresche, de laisser l'instruction des dossiers aux maires et aux préfets le soin de leur traitement, notamment ceux refusés par l'autorité municipale.
    Dans le cas des mariages et des paternités, l'arbitraire et la suspicion sont également de mise. Nous le regrettons. Il n'est pas dans mon propos, évidemment, de nier l'existence de mariages blancs sur notre territoire. Mais leur présentation dans le projet de loi, outre le fait que nous n'avons pas de chiffres vérifiés, fait passer une réalité incontestable - mais réduite - pour un mouvement de masse. Le développement des mariages mixtes, et nous devons aussi nous en réjouir, marque bien plus la capacité de brassage de notre pays que la constitution de tentaculaires filières de mariages à caractère dolosif.
    Les Français circulent plus à travers le monde. Il est donc non seulement compréhensible, mais aussi logique, que le nombre de mariages entre nos concitoyens et des étrangers soit en augmentation constante, et somme toute modérée. Il n'y a pas d'explosion pouvant faire penser à des détournements massifs de l'esprit du mariage, institution protégée par la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la France en 1974.
    Pour ce qui est de la paternité, les dispositions proposées sont purement et simplement arbitraires. Un sans-papier, ne travaillant naturellement pas ou en tout cas pas avec ses propres papiers, ne disposant donc officiellement d'aucun revenu, bien que quasi systématiquement il les déclare, aura des difficultés à prouver son implication dans l'entretien et l'éducation de ses enfants nés en France. Inversons le raisonnement : oserions-nous imposer les mêmes exigences et définir d'équivalentes dispositions pour la maternité ? Ce que le Gouvernement nous propose de faire avec les pères, leur refuser l'obtention d'un titre de séjour, est dans l'esprit aussi absurde, monsieur le ministre, que les peines d'interdiction de territoire vécues par les victimes de ce que nous appelons la « double peine ». Car un père, qu'il soit ou non en mesure de subvenir aux besoins des siens, et même qu'il le fasse ou non, demeure un père et ne peut envisager de vivre loin de ses enfants.
    M. Bruno Le Roux. Evidemment !
    M. Manuel Valls. Sans titre de séjour, les pères concernés par les nouvelles dispositions resteront en France dans la clandestinité. Ce refus est un non-sens.
    L'objet de la question préalable n'est pas de détailler toutes les dispositions nouvelles et tous les amendements présentés en commission et acceptés ou non par la majorité. Les orateurs du groupe socialiste auront l'occasion d'y revenir en détail, lors de la discussion générale puis de l'examen des articles. Mais l'analyse des exemples que j'ai cités révèle que l'esprit du projet de loi n'est pas celui annoncé.
    En réalité, pour l'essentiel, les dispositions envisagées transforment une politique permettant une immigration à caractère durable en une politique faisant de l'immigration temporaire le nouveau type d'immigration désiré désormais par la France. Nous touchons là, monsieur le ministre, à une contradiction, et même à la contradiction de votre projet de loi et de l'esprit même de votre politique, en tout cas de celle que vous affichez depuis plusieurs mois. Bien plus que la manifestation d'une volonté de permettre et faciliter l'intégration, elle en est un frein et creuse un peu plus le fossé existant entre la République et les immigrés, particulièrement ceux qui souhaitent établir définitivement leur famille et leurs intérêts dans notre pays.
    M. Jean Le Garrec et M. Bruno Le Roux. Bien sûr !
    M. Manuel Valls. En rendant encore plus long le processus qui sépare l'immigration et la naturalisation, vous prenez la responsabilité de créer de la rancoeur et du ressentiment chez ceux qui, pourtant, se sentent déjà français. L'acquisition de la nationalité, aisée avant 1993, et malgré un réel assouplissement depuis 1997, demeure un processus long et pénible. Il est mal vécu par de nombreux résidents, et les amène à penser que la France ne veut pas d'eux.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !
    M. Manuel Valls. Ce n'est pas cela une politique généreuse. Ce n'est pas cela non plus une politique ferme. La fermeté implique la détermination. Or ce projet fait naître une sorte de flou quant aux intentions réelles du gouvernement de la République.
    Mais au-delà même de ses dispositions, la faiblesse de ce texte - et nous abordons la raison d'être essentielle de cette question préalable - tient au caractère partiel de l'approche proposée. Dissocier l'entrée et le séjour de l'intégration, de la politique ou, à tout le moins, du discours international de la France, est un problème profond, une attitude qui manifeste le refus de prendre à bras-le-corps la question de l'immigration, de concevoir un texte fondateur pour rendre lisible la politique française et fixer à notre pays un cap exigeant, un objectif équilibré en la matière.
    Car l'immigration est un sujet transversal, un des plus transversaux qui soient. Elle n'est pas une simple variable du peuplement, elle n'est pas seulement un système de procédures à mettre en oeuvre : nous l'admettons tous. Aussi le travail entrepris par le Gouvernement sur la création d'un contrat d'intégration, à la suite du discours prononcé par le Président de la République à Troyes, en octobre 2002, devrait-il naturellement se trouver joint à l'examen du projet de loi. La prise en compte du degré d'intégration que vous souhaitez pour l'attribution de la carte de résident, comme les longues digressions sur l'intégration dans le rapport de M. Mariani, montrent que la majorité elle-même est consciente de l'aspect indissociable de ces deux politiques. Comment nous demander aujourd'hui d'adopter ces dispositions qui exigent des étrangers un degré d'intégration dont nous ignorons, par ailleurs, la mesure ou encore la définition ?
    M. Bruno Le Roux. Très bien !
    M. Manuel Valls. Prenons donc les éléments à notre disposition. Si l'on en croit M. le rapporteur, le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003 a dessiné les contours d'un contrat d'intégration. Il offrirait aux primo-arrivants, je cite le rapport, « des formations linguistiques, sociales et professionnelles ». D'une durée d'un an, il serait renouvelable deux fois. L'intention est louable. Un meilleur accueil des primo-arrivants est nécessaire, mais si le contrat d'intégration doit s'arrêter à cela, c'est un peu court ! C'est une mesurette qui, sans aucun problème, aurait pu figurer dans le présent projet de loi.
    J'imagine que votre réflexion n'est pas achevée. En tout cas, nous l'espérons, car il serait regrettable que le contrat d'intégration s'arrête à si peu. Nous aurions aimé qu'immigration et intégration ne fassent qu'un bloc pour déterminer les axes de la politique française d'accueil.
    La définition d'une politique forte, volontaire en matière d'intégration est une exigence de notre temps. L'immigration, terme polysémique, est avant tout l'acte quasi instantané marquant l'entrée dans le pays d'arrivée. L'intégration est tout ce qui suit. Et au fond, le passage de l'immigration à l'intégration est la réponse à la question : comment devient-on citoyen ? Voilà pourquoi résoudre le problème de l'intégration dans notre pays, donner un sens à l'arrivée de l'immigrant, c'est également permettre à la France de réduire la fracture civique dont elle souffre et que le 21 avril 2002 a révélée. C'est contribuer à interrompre le processus de délitement avancé de notre lien social. Non, ce n'est pas seulement une amélioration pour les étrangers en France, c'en est une aussi pour le peuple français. C'est permettre à la communauté nationale de redonner un sens à son existence.
    Aussi souhaiterions-nous que l'ensemble de la représentation nationale soit associé à la conception d'une nouvelle politique d'intégration, tant elle est essentielle à notre pays, que ce soit, comme vous le désirez, sous la forme d'un contrat d'intégration ou, comme nous l'envisagerions, dans un pacte national d'intégration largement ouvert.
    Ce que nous savons de votre projet ne nous convient pas, parce qu'il ne touche que les primo-arrivants. Il est insuffisant parce qu'il ne considère pas l'intégration dans toutes ses dimensions. Il l'est également parce que l'intégration n'est pas une question de langue ou de métier ; elle n'est pas qu'économique et sociale ; elle est aussi adhésion à un corps de valeurs et de principes.
    Or, aujourd'hui, la crise de l'idée de nation en France ne rend plus ces valeurs perceptibles. La construction d'un nouveau rapport à la nation et à la République est essentielle. Plus personne ne comprend ce que signifie « vivre ensemble » et notre pacte républicain s'en trouve miné. En n'adaptant pas notre conception à la mondialisation, à la construction européenne, mais surtout aux évolutions de notre société, nous n'avons pas collectivement servi l'idée de nation. Nous l'avons même affaiblie, ce qui a fait le jeu du Front national. Abandonner cette thématique, celles des valeurs communes, aux extrémistes est insupportable. C'est donc aux politiques de reprendre l'initiative pour redonner du sens, pour susciter l'adhésion, pour s'assurer que notre avenir commun est une construction collectivement désirée.
    Résoudre la question de l'intégration, ce n'est pas seulement améliorer la vie des étrangers dans notre pays, c'est aussi redonner du sens à l'idée de nation et servir l'image que le peuple français a de lui-même. Car, finalement, les moyens qu'une nation se donne pour intégrer sont la mesure de sa santé, de sa confiance en ses propres valeurs, de sa capacité à créer des repères communs. C'est bien cet échec troublant que révèle la panne du modèle français d'intégration.
    Alors que notre assemblée aborde un débat essentiel, nous ne pouvons pas disjoindre l'examen de ce projet du reste de la politique menée par le gouvernement de M. Raffarin depuis plus d'un an. L'opérationnalité, la pertinence de nouvelles approches se jugent dans leur contexte, en l'occurrence un contexte de régression pour notre pays. Dans un tel environnement, les sujets d'inquiétude sont nombreux.
    Ainsi, les gels de crédits de la ville subis par le ministre délégué à la ville, M. Borloo, dont les bonnes intentions sont évidentes mais qui doit affronter la réalité d'un budjet très éloigné de ses désirs et de ses annonces, frappent les habitants de nos quartiers, quelle que soit leur origine. Les associations qui cherchent à y faire avancer la rénovation, mais aussi l'éducation par le soutien scolaire et l'alphabétisation, déjà handicapées par la fin des emplois-jeunes, se trouvent dans une situation problématique à cause de ces coupes claires. La situation budgétaire est devenue si critique que, lors de la dernière séance de questions au Gouvernement, M. Borloo a été contraint de faire la distinction entre « vrai argent » et « faux argent », entre crédits de paiement et autorisations de programme. Et quand le Gouvernement n'arrive pas à avancer dans la rénovation des quartiers - nous en parlerons la semaine prochaine -, notre modèle d'intégration est touché, tant il est vrai que la plupart des nouveaux arrivants sont condamnés à vivre dans les quartiers concernés par la politique de la ville.
    MM. Fillon et Mattei ne manquent pas, lit-on dans la presse, une occasion de faire part au Premier ministre des problèmes qu'ils rencontrent pour assurer, suite aux gels de crédits, ne serait-ce que le fonctionnement de leurs ministères. Comment mener une politique d'intégration forte quand on diminue les crédits du FAS ?
    Par ailleurs, l'inquiétant silence du Gouvernement sur le logement ne contribue pas à apaiser nos craintes : 18 000 constructions de logements sont gelées ; le principe de mixité sociale est voué à l'oubli ; l'ambition créée par la loi SRU d'équilibrer la répartition des logements sociaux sur tout le territoire a disparu.
    M. Claude Goasguen. Pas du tout !
    M. Manuel Valls. Partout dans notre pays, l'obtention d'un logement social est devenue un véritable parcours du combattant. Et les désaccords sur les chiffres, donc au final sur les réalisations, entre Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo ne font qu'accroître notre scepticisme. Y aura-t-il autant de reconstructions qu'il y a de démolitions ? Combien y aura-t-il de constructions nettes ? Nul ne le sait.
    M. Claude Goasguen. A Paris notamment !
    M. Manuel Valls. Pourtant, cette question, dans le débat que nous avons aujourd'hui, est essentielle. Depuis un an,...
    M. Claude Goasguen. Vous n'aviez pas plus de résultats !
    M. Manuel Valls. ... et ce n'est pas nouveau, c'est toujours dans les mêmes villes, dans les mêmes quartiers, dans les mêmes cages d'escalier que l'immigration, qu'elle soit régulière ou irrégulière, arrive.
    De même, l'abandon de toute politique active pour l'emploi, la poussée dramatique du chômage dans notre pays sont aussi de nature à bloquer un peu plus notre modèle d'intégration. La fin des emplois-jeunes, l'abandon de la loi de modernisation sociale, la baisse de charges sans contrepartie en termes d'emplois, la baisse des crédits de l'éducation et de la formation professionnelle affaiblissent évidemment notre pays dans la lutte contre le chômage qui fait des ravages dans les quartiers populaires. Ce devrait être une lutte permanente. C'est ce que vous a dit, hier, François Hollande, lors du débat sur la motion de censure. C'est ce que nous vous répétons depuis des mois. C'est ce que vous refusez de comprendre ou d'admettre. C'est enfin ce qui continue d'intensifier le malaise français qui nous est apparu à tous le 21 avril 2002.
    Pour un pays comme la France, une politique de l'immigration ne peut pas non plus s'élaborer sans prendre en compte la politique étrangère. Car, je l'évoquais à l'instant, il y a dans le monde des poussées migratoires importantes. Leurs causes sont simples : le désespoir, la faim, la maladie, la guerre, dans lesquels sont plongés trop d'hommes et de femmes. Avec la chute du mur de Berlin, nous espérions l'avènement d'un monde nouveau. Sans conflits, bien sûr, mais les enjeux de pouvoir entre blocs ayant disparu, nous pouvions aussi raisonnablement penser qu'une nouvelle ère s'ouvrait, une ère de développement partagé. Il n'en est rien.
    La voix de la France, tantôt audacieuse avant le conflit irakien, tantôt seulement incantatoire, comme à Johannesburg ou dans les négociations économiques, se doit d'être la voix d'une autre mondialisation, respectueuse des hommes et de l'environnement. Le débat sur la politique étrangère est trop souvent absent de cet hémicycle pour que nous nous privions de l'y inviter lorsque l'immigration est abordée. La France doit permettre l'émergence d'un autre chemin. Or notre pays n'avance pas, sur la scène internationale, de proposition permettant ne serait-ce que d'entrevoir l'avènement d'une nouvelle donne. Absente du débat sur l'Europe sociale, sans position audible sur l'Accord général sur le commerce et les services, sans souffle sur le drame du Sud, la France ne se donne pas les moyens de rééquilibrer les rapports de force internationaux.
    M. Claude Goasguen. Vous auriez dû voter les crédits de la défense !
    M. Manuel Valls. Car ce n'est pas dans le cadre diplomatique que se construira un monde plus juste, mais par l'expression d'une volonté politique.
    Or, justement, nous avons une volonté, une ambition forte. Nous formulons des propositions pour permettre l'avènement d'un nouveau modèle d'intégration dans notre pays. Un modèle différent du vôtre, différent aussi de celui qui a été pratiqué jusque-là.
    M. Claude Goasguen. Il fallait le mettre en oeuvre ! J'aurais aimé en voir les résultats.
    M. Manuel Valls. L'intégration, processus hautement symbolique et que la République peine à créer, s'élabore avec des outils. Nous vous avions proposé de donner à notre pays - et il y a là une différence politique claire, nette entre nous - un outil d'intégration puissant, avec le droit de vote et l'éligibilité des résidents étrangers extra-communautaires aux élections locales.
    M. Pierre Cardo. En quoi cela pourrait-il influer sur les flux migratoires ?
    M. Charles Cova. Une utopie de plus !
    M. Manuel Valls. Cette proposition de loi faisait suite à l'adoption, le 3 mai 2000, d'une proposition de Noël Mamère, votée par la gauche et que le Gouvernement n'avait pas pu ou su poursuivre, l'avis du Sénat étant nécessaire pour permettre une réforme constitutionnelle.
    M. Claude Goasguen. Que vous n'avez pas voulu poursuivre !
    M. Manuel Valls. Parce que c'est une accession à l'expression et une marque suprême de considération, voter, c'est aller vers l'intégration. Nous ne devons plus voir le droit de vote comme une fin, mais comme un moyen de l'intégration. L'attribution de la nationalité française est évidemment une des conditions qui la favorisent mais, en accordant le droit de vote à tous les résidents, nous élargirions le champ de la citoyenneté à ceux qui, tout en sentant qu'ils appartiennent à la communauté nationale, restent attachés à leurs anciennes racines.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est incroyable !
    M. Claude Goasguen. Il fallait faire voter ce texte !
    M. Manuel Valls. Donner le droit de vote à la première génération, c'est faire passer un message aux jeunes des générations suivantes, dire que la France a de la considération pour leurs parents ou leurs grands-parents, affirmer que notre pays veut l'intégration, qu'il ne se contente pas de la proclamer mollement...
    M. Christian Vanneste. C'est du mépris pour ceux qui ont choisi d'être français ! Quelle contradiction !
    M. Manuel Valls. ... qu'il montre sa reconnaissance à ceux qui ont tant apporté à notre pays, souvent sur les chaînes des usines automobiles, dans les mines, dans la sidérurgie, dans le bâtiment, à ceux aussi qui sont morts pour la France.
    M. Claude Goasguen. Et la cristallisation ? Vous l'avez maintenue !
    M. Manuel Valls. Ce n'est pas désacraliser le vote que de considérer que voter est aussi un vecteur d'intégration. Bien au contraire, c'est la concrétisation d'une aspiration incompressible de plusieurs centaines de milliers de résidents, la reconnaissance de leur voix, un signe de confiance de nature à renforcer les liens entre eux et la République.
    M. Claude Goasguen. Tout cela est incantatoire !
    M. Charles Cova. Rien que des mots !
    M. Manuel Valls. S'il s'agit d'une désacralisation, il faudrait alors revenir sur le vote des résidents communautaires. Ce serait logique. Car il n'est pas possible d'accepter qu'un Algérien ou un Sénégalais, que ces femmes et ces hommes qui vivent en France depuis des décennies, n'aient pas les mêmes droits qu'un Irlandais venu uniquement travailler quelques années.
    M. Claude Goasguen. Il fallait faire voter ce texte, monsieur Valls !
    M. Bruno Le Roux. Il a été voté à l'Assemblée. Mais vous avez refusé de le voter au Sénat !
    M. Claude Goasguen. Non ! Vous avez refusé de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat : j'ai de la mémoire !
    M. Bruno Le Roux. Vous, en tout cas, vous aviez voté contre !
    M. le président. Monsieur Le Roux et monsieur Goasguen, vous n'avez pas à débattre ! Laissez M. Valls exposer sa question préalable.
    M. Manuel Valls. Il n'est pas possible d'accepter que des citoyens payant leurs impôts, participant pleinement à la vie de leur commune, de leur département, de leur région, parfois à de hauts niveaux de responsabilité, dans le tissu économique, social ou associatif, n'aient pas la possibilité de s'exprimer sur leur devenir et de le gérer.
    Il n'est pas possible de tenir un discours fort sur l'autorité de l'Etat en affirmant que nul n'est censé ignorer la loi et de ne pas permettre à certains d'être acteurs jusqu'au bout de la vie de la cité, de s'exprimer par le suffrage au moment même où nous réfléchissons à l'approfondissement de la démocratie locale. Ils peuvent être délégués du personnel, adhérer à un syndicat ou un parti politique, participer aux élections prud'homales, présider une association, siéger dans les instances des établissements scolaires et ils ne seraient pas dignes de s'exprimer électoralement ou d'exercer d'autres responsabilités, notamment électives ?
    M. Pierre Cardo. Ce n'est pas la question !
    M. Claude Goasguen. Vous sortez votre chiffon rouge !
    M. Manuel Valls. Aujourd'hui, les droits que nous reconnaissons aux étrangers résidents s'arrêtent à la porte des bureaux de vote. Une telle discrimination est indéfendable.
    M. Christian Vanneste. Vous enlevez toute signification au mot de citoyen !
    M. Manuel Valls. J'ai pu constater, dans ma ville, au moment de l'élection des conseils de quartier, à quel point voter, pour des résidents de longue date, constituait une reconnaissance et concrétisait leur attachement indéfectible à notre pays.
    M. Christian Vanneste. Qu'est-ce qu'un citoyen ?
    M. Manuel Valls. Oui, cela nous oppose. Et alors ? C'est la noblesse du débat !
    M. Claude Goasguen. Vous bradez la citoyenneté !
    M. Christian Vanneste. Où est Rousseau dans tout cela ?
    M. Manuel Valls. Un projet de loi sur l'immigration, une conception de l'intégration ne peut pas être que coercitive. Il fallait aussi ouvrir une perspective d'espoir. Le droit de vote pourrait la donner aux résidents étrangers.
    M. Claude Goasguen. Il fallait faire voter ce texte, monsieur Valls ! Mais vous préférez votre chiffon rouge ! C'est une supercherie !
    M. Manuel Valls. Contrairement à vous, monsieur Goasguen, je n'étais pas député et je n'ai pas été ministre !
    M. Pierre Cardo. Vous étiez conseiller au plus haut niveau !
    M. Manuel Valls. Sur la question de la religion aussi, notre pays doit avancer pour permettre l'intégration sans heurts des religions non considérées dans la loi de 1905 pour des raisons historiques. La loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, talisman précieux, moment fondateur dans l'histoire de notre République et, par bien des apsects, aboutissement de la Révolution française, est un acquis sur lequel personne ne veut plus revenir. Pourtant, elle ne prend pas en compte l'émergence dans notre pays de nouvelles confessions - notamment l'Islam - issues des vagues d'immigration de la deuxième moitié du xxe siècle et qui continuent aujourd'hui.
    Monsieur le ministre, vous avez poursuivi et concrétisé le travail initié par vos prédécesseurs. Malgré les difficultés, malgré les questions posées par la création d'une organisation du culte musulman (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Christian Vanneste. Ça, vous n'avez pas osé le faire !
    M. Manuel Valls. ... il faut poursuivre dans cette voie et nous vous soutiendrons.
    Donner à la République les moyens d'être plus ouverte est nécessaire pour permettre l'intégration, mais aussi pour conforter en Europe le modèle laïque français qui ne pourra être suivi que s'il se donne les moyens d'être efficace et honnête.
    De même, pour les étrangers, les blocages de notre système éducatif, qui joue moins son rôle d'ascenseur social - une réalité aggravée par la politique du Gouvernement, qui ne fait plus de l'éducation une priorité -, contribuent aussi à bloquer notre modèle d'intégration. C'est une réalité historique indéniable. Le propre des immigrés, des étrangers est d'arriver dans le nouveau pays le plus souvent en bas de l'échelle sociale : quand l'ascenseur social est bloqué, ils en sont aussi les premières victimes.
    M. Claude Goasguen. C'est vrai !
    M. Manuel Valls. Remettre l'école, la transmission des connaissances, des savoirs, des valeurs au coeur de notre projet de société est donc essentiel.
    M. Pierre Cardo. On est d'accord !
    M. Charles Cova. Vous enfoncez des portes ouvertes !
    M. Manuel Valls. La France se doit de redéfinir une ambition éducative et de renouer avec l'époque où l'école - toute comparaison ayant évidemment ses limites -, sous la IIIe République, était une institution grâce à laquelle tout était possible. La relance de l'école, mais aussi l'introduction d'une part de discrimination positive, comme c'est le cas à Sciences Po, dont le dispositif est une réussite intéressante sinon totale car fondé sur des bases territoriales et sociales plutôt que sur des bases ethniques, peuvent contribuer à améliorer notre système d'intégration.
    Oui, l'introduction de discriminations positives est une des solutions que nous avons à explorer et que nous vous proposons d'explorer. De nombreux établissements sont aujourd'hui fermés. Seules certaines catégories socioprofessionnelles accèdent aux grandes écoles...
    M. Claude Goasguen. C'est vrai !
    M. Manuel Valls. ... et même, évidemment, aux filières les plus prestigieuses des grandes universités. Le cas de l'université Paris IX-Dauphine qui pratique la sélection à l'entrée et qui, à ce titre, d'ailleurs, se place au-dessus de la loi est particulièrement éclairant : seulement 5 % des étudiants y sont boursiers. Les classes populaires et les enfants, qu'ils soient ou non issus de l'immigration, y sont quasiment absents...
    M. Claude Goasguen. Il fallait réformer, monsieur Valls !
    M. Manuel Valls. ... malgré, comme toujours, quelques exceptions.
    Exiger de cette université qu'elle applique une forme de discrimination positive contribuerait utilement à débloquer notre modèle d'intégration...
    M. Claude Goasguen. Il faut donner la liberté aux universités, monsieur Valls !
    M. Manuel Valls. ... et la crise de l'ascenseur social.
    Pareillement, il nous faut favoriser l'intégration des jeunes issus de l'immigration dans les IUFM et dans la fonction publique.
    Par ailleurs, la lutte contre les discriminations à l'emploi, au logement ou tout simplement dans la vie sociale doit toujours être renforcée. Elle ne concerne pas seulement les étrangers, elle doit accompagner tous ceux qui ne s'apparentent pas d'une manière ou d'une autre au citoyen « normal». Toutes les discriminations fondées sur l'appartenance sexuée, sexuelle, religieuse, ethnique, sociale ou professionnelle sont donc à combattre. La lutte contre les discriminations est un combat difficile à mener sur le plan juridique et social tant la mise en oeuvre de celle-ci est subtile.
    La discrimination est l'expression moderne et silencieuse du rejet de l'autre. Elle frappe les plus faibles et exprime la loi du plus fort, du plus « nombreux ». Les résistances à l'oeuvre dans les entreprises et dans la fonction publique pour éviter la prise de responsabilité d'enfants de l'immigration extra-européenne mettent en évidence l'ampleur du chemin restant à parcourir.
    L'introduction dans chaque région d'un guichet unique ayant pour mission à la fois d'informer, de prévenir et de mettre en évidence les délits serait une avancée considérable. Sa simple existence connue de tous - et il faut le faire connaître - contribuerait à freiner les velléités discriminatoires.
    Car, dans la lutte contre les discriminations, l'efficacité est de rendre indissociables la prise de sanctions et le travail pédagogique permettant un changement des mentalités et des pratiques.
    A titre d'exemple, je voudrais évoquer le cas de certains propriétaires contre lesquels nous devons agir avec résolution, ceux qui, dans les immeubles qu'ils rénovent, font tout pour chasser des locataires anciens dont la couleur comme le niveau de revenu ne conviennent pas au « standing » désiré. C'est malheureusement une réalité que nous percevons dans nos communes.
    M. Claude Goasguen. C'est ce que fait la Ville de Paris en ce moment !
    M. Manuel Valls. Ne prenez pas l'exemple de Paris, monsieur Goasguen, car à Evry nous avons dû accueillir dans des conditions particulières, il y a quelques années, ceux que l'on appelait « les Maliens de Vincennes » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qu'un maire que vous avez bien connu avait chassé de la capitale !
    M. Claude Goasguen. Delanoé le fait ! Demandez donc à Christophe Caresche de vous en parler !
    M. Manuel Valls. Alors ne nous donnez aucune leçon sur ce point car nous savons qui a pratiqué dans la région parisienne la discrimination !
    Dans les centres anciens en rénovation, les familles immigrées étaient fort utiles lorsque les appartements proposés étaient dans un état de délabrement avancé. Quand la rénovation est achevée, on préfère une population plus présentable. Une information et une action doivent être menées pour éviter la multiplication des abus.
    M. Claude Goasguen. Et les bulldozers !
    M. Manuel Valls. Ce n'est pas ma culture, monsieur Goasguen !
    M. Claude Goasguen. Mais c'est celle de vos alliés !
    M. Manuel Valls. Dans le domaine de l'éducation, beaucoup reste à faire et notamment dans nos quartiers populaires, ceux dans lesquels se retrouvent presque tous les primo-arrivants. Car c'est toujours dans les mêmes villes, toujours dans les mêmes quartiers que les logiques des bailleurs, des propriétaires, parfois même de l'Etat ou des élus, les conduisent.
    Il nous faut développer de nouvelles méthodes d'éducation à la citoyenneté, permettre de concrétiser le principe de l'égalité des chances que notre pays voit s'éloigner d'année en année. Nous avons des exemples autour de nous d'efficacité de système scolaire dans la capacité à effacer par l'éducation les inégalités sociales. Les pays scandinaves, notamment la Finlande, sont particulièrement performants dans ce domaine et ce qu'ils ont créé est très éloigné de la politique menée depuis de longs mois par Luc Ferry.
    Pour casser les ghettos, pour permettre en France un véritable brassage social, ethnique, un équilibre du territoire restauré, nous devons prendre avec détermination nos dispositions pour faire vivre la mixité sociale. Là encore, l'atteinte de l'objectif exige de la pédagogie. Il faut consentir à fournir cet effort salutaire. L'article de la loi Solidarité et renouvellement urbain fixant modestement le principe de 20 % de logements sociaux dans chaque commune doit devenir une priorité nationale et non plus simplement faire l'objet d'une sanction financière. Oui c'est une priorité nationale.
    Mais aussi, un grand projet de loi sur l'immigration et l'intégration devrait permettre de revoir la vocation internationale de la France, d'aborder la question des étudiants étrangers en France notamment ceux issus des pays qui ont un lien historique avec notre pays et notre belle langue. Alors même que les systèmes d'enseignement supérieur dans les pays du sud s'appauvrissent toujours plus, la France pourrait réfléchir à une amplification de son effort et accorder des bourses en quantité plus importante.
    Dans le cadre de partenariats bilatéraux, la France pourrait se rendre utile au développement de pays avec lesquels elle conserve toujours des liens forts en contribuant à la constitution d'une élite hautement qualifiée et francophile.
    M. Pierre Cardo. Qui viendra travailler chez nous !
    M. Manuel Valls. Mais aussi parce que la France a une place historique, parce qu'elle est la patrie des droits de l'homme, parce que, et cela continue d'avoir un sens, la France est le berceau de la révolution, du refus de l'oppression et de l'asservissement, parce qu'elle continue de jouir de la symbolique de cette image, la France doit en Europe et dans le monde être en pointe pour affirmer une exigence et un refus.
    La France dans le monde aujourd'hui, au-delà de la préservation de notre exception culturelle et de notre système de protection sociale dont on voudrait nous faire croire qu'il est un luxueux anachronisme, doit aider au réveil de l'esprit de Bandung qui, dans de nombreux pays du tiers monde, prévalait lors du début de la décolonisation au milieu du siècle dernier.
    C'est la mort de cet esprit, de cet idéal d'indépendance, de démocratie, de modernité, de développement équilibré qui est à l'origine de toutes les pressions migratoires que connaît le monde.
    Mais le problème de ces années, que le général de Gaulle louait comme en témoigne son formidable discours de Phnom Penh, est que l'esprit qui les caractérisait ne convenait pas dans le contexte de la guerre froide. La lutte entre les blocs soviétiques, d'une part, et atlantiques, d'autre part, ne pouvait souffrir aucune velléité de non-alignement.
    Pourtant, cet esprit, sa résurgence sont les seuls à même de sortir le Sud de son arriération économique - abandonnons les euphémismes des institutions internationales qui préfèrent parler de « pays en voie de développement ». Oui, il faut sortir le Sud de son arriération économique et de la désespérance sociale généralisée.
    Alors, dans ce contexte, la France a un rôle à jouer pour permettre une recomposition de l'architecture internationale, une architecture financière issue de la conférence de Bretton Woods, sans solidarité, sans efficacité, les décennies passées l'ont prouvé.
    Pour y arriver, la France doit accepter de prendre des risques, de heurter les bonnes consciences. Elle doit aussi donner l'exemple en mettant en oeuvre une hausse constante des crédits à la coopération dans le souci de permettre des avancées structurelles du développement, de la démocratie et en créant les conditions d'une évaluation lucide de l'efficacité de la distribution de ces crédits.
    C'est ce que nous attendons du Président de la République : reproduire sur les questions économiques ce qu'il a été capable d'affirmer au moment de la crise irakienne.
    Une politique de l'immigration moderne, c'est construire des partenariats bilatéraux sur les échanges d'étudiants - j'en parlai tout à l'heure - mais aussi sur l'immigration durable. La France a besoin de l'immigration, tout le monde le sait. Alain Juppé regrettait, à l'automne 1999, sa politique d'immigration. Il déclarait : « L'Europe, compte tenu de sa démographie, aura sans doute besoin d'apports de main-d'oeuvre étrangère. »
    Alors pourquoi fuir le débat ? Pourquoi ne pas traiter de cette nécessité avec sérénité ? L'opinion publique est d'ailleurs prête à entendre ce discours.
    Oui, l'institution d'un système de quotas doit être soumise à la réflexion commune, pour qu'enfin cesse en France la présentation tendancieuse de l'immigration comme un poids, comme un problème pour la France.
    L'immigration est une chance et il ne faut pas avoir peur de le dire. La chance est d'offrir à notre pays, avec un système de quotas, par exemple, une réelle maîtrise des flux et plus encore de permettre à la politique de l'immigration d'avoir des objectifs. Il sera toujours difficile en effet d'atteindre une immigration zéro.
    Ce système nous permettrait de sortir de l'hypocrisie et d'avoir enfin, sur ce sujet, une politique assumée, claire, intelligente, lisible et courageuse.
    Dans le BTP, dans la restauration, dans l'agriculture, ce sont aujourd'hui des étrangers qui pourvoient des postes contraignants, mal rémunérés, dont ne veulent plus les Français.
    Alors, qui construit la France ? Qui la nourrit ? Pourquoi avoir peur de le dire ?
    Pareillement, nous avons ces derniers jours beaucoup parlé - c'est le cas de le dire ! - des retraites. Nous avons évoqué la durée de cotisation, le niveau des pensions, des cotisations. Mais qu'en est-il de la réalité démographique de l'immigration ? Quelle est sa contribution à la solidarité intergénérationnelle ?
    Alors que notre pays compte 2,4 actifs, pour un retraité, il y a 4,3 actifs étrangers pour un retraité étranger. Pourquoi ne pas intégrer ces réflexions dans un projet de loi qui porte sur l'immigration ?
    Bernard Stasi disait il y a quelques années : « L'immigration : une chance pour la France ». Vous-même, monsieur le ministre, le laissiez entendre face à Jean-Marie Le Pen, lors de votre passage à l'émission Cent Minutes pour convaincre. Mais il faut s'en donner les moyens, en assumant une politique d'accueil claire et en permettant l'établissement d'une citoyenneté de résidence, seul véritable levier de l'intégration. Il faut donner des droits, en accordant, sous certaines conditions d'ancienneté, le droit de vote, en créant les conditions d'une laïcité partagée. Il faut donner un nouveau souffle à notre pacte républicain, en replaçant l'école au coeur de l'action publique, en cassant les ghettos,...
    M. Claude Goasguen. Sur ce point, nous sommes d'accord !
    M. Manuel Valls. ... en luttant contre les discriminations, en luttant contre l'insécurité, parce que, dans les quartiers les plus difficiles, elle touche tout le monde et en particulier les couches populaires et ce nouveau prolétariat qui est constitué de Français, de Français d'origine étrangère, d'étrangers, et qui souffrent de cette insécurité et de cette situation.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils souffrent surtout d'avoir été abandonnés pendant cinq ans !
    M. Manuel Valls. Il faut risquer la France en proposant une alternative au modèle ultralibéral, inefficace et injuste qui finira par attiser toutes les tensions dont notre monde se croyait débarrassé. Il faut assumer sans complexes une réelle politique de l'immigration, en luttant contre l'immigration clandestine, mais en ne faisant pas croire qu'elle ferme ses portes, malgré vos propos, monsieur le ministre, car il y a une contradiction entre votre discours initial et le message que vous faites passer à votre majorité.
    Voilà ce que nous attendons - ce que nous pourrions attendre - d'un grand texte sur l'immigration : l'accueil et l'intégration.
    Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'opinion publique, j'en suis convaincu, comprend le besoin qu'a notre pays d'avoir une immigration structurelle. Elle est prête à l'entendre. Encore faut-il assumer cette réalité. Avoir une politique de l'immigration cohérente et intégrée, c'est répondre à notre crise politique. C'est accepter de légiférer, sans avoir peur du Front national. C'est affirmer avec force que notre République considère ses immigrés comme une richesse, dont elle attend beaucoup, et pour laquelle elle est prête à tendre la main.
    Immigration, accueil, séjour, intégration : voilà les composantes d'une vraie loi, d'un vrai projet de société à proposer au pays, monsieur le ministre ! Une loi pour clarifier les objectifs de la politique de l'immigration dans notre pays, pas pour faire de l'immigré la cause de tous les maux. Une loi pour affirmer une volonté ferme et sans équivoque de dépasser les clivages qui pourrissent le débat sur l'immigration depuis vingt ans, pas une loi pour satisfaire l'UMP.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Caricature !
    M. Manuel Valls. Une loi pour montrer que le ghetto est un horizon dépassable, pas une loi pour masquer la réalité d'une politique économique et sociale. Une loi pour arrêter un nouveau discours et une méthode d'action de la France pour une autre mondialisation.
    M. Claude Goasguen. C'est un discours du siècle dernier !
    M. Manuel Valls. C'est vous, monsieur Goasguen, qui venez, non pas du siècle dernier, mais du xixe siècle ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Une loi pour affirmer que l'immigration est un moyen d'endiguer l'essoufflement démographique de notre pays. Une loi pour dire, tout simplement, que l'immigration est une chance pour la France. Une loi pour établir une citoyenneté de résidence, pour faire à nouveau avancer l'intégration en France.
    Alors je sais ce que vous me répondrez : « Mais vous trouvez déjà que M. Sarkozy en fait beaucoup trop sur beaucoup de sujets ! » Eh bien, justement, un tel projet ne doit pas être porté par un seul ministre, fût-il talentueux.
    M. Claude Goasguen. Il fallait le faire, monsieur Valls, puisque vous étiez au cabinet du Premier ministre Jospin !
    M. Manuel Valls. Et peut-être que, depuis vingt ans, le problème de tous les gouvernements - il est vrai, monsieur Goasguen, que vous n'avez été ministre que quelques semaines - est d'avoir considéré que la question de l'intégration était principalement du ressort du ministre de l'intérieur.
    La question de l'immigration est au coeur du malaise français que le 21 avril a révélé...
    M. Yves Jego. Enfin, vous l'avez compris !
    M. Manuel Valls. ... crise du lien social, perte de confiance en un contrat social qui, sous les effets conjugués de la mondialisation, de la construction européenne, de la fragmentation de la société française, n'est plus palpable.
    Ce choix, cette méthode, ne sont pas contradictoires avec le discours de raison que vous appelez de vos voeux, et dont Christophe Caresche a bien démontré la pertinence. Bien au contraire, il constitue l'élément essentiel de la réussite de la politique d'immigration dans notre pays. Sinon, un prochain gouvernement, un prochain ministre de l'intérieur seront obligés de présenter à leur tour une loi qui prétendra, sans succès, réglementer l'immigration.
    Soyons clairs, la politique de l'immigration est la seule en France pour laquelle le Gouvernement n'ose pas avouer ou fixer son objectif et c'est en cela que le Front national réussit parfaitement à casser le débat sur cette question et à en faire un sujet de discorde.
    Politique sans objectifs, elle se contente d'être un catalogue ou un système de procédures. De fait, on sait comment entrent les immigrés, mais rarement pourquoi, et on ne dit jamais que c'est utile et bénéfique. Les gouvernements ont peur de dire que le pays a besoin de ses immigrés, que les étrangers ont toujours apporté quelque chose à notre pays, et qu'avant d'être des fils de l'immigration permettant la victoire de la France en Coupe du monde les étrangers, en France, ce sont des progrès scientifiques, des progrès économiques, des progrès culturels.
    Car enfin, nous le savons tous, la France, l'Europe se doivent d'avoir une politique de l'immigration claire et réelle. L'enjeu, bien plus qu'une réforme technique relative aux conditions d'entrée, est la construction d'une immigration réussie. Pour cela, la République doit changer sa façon d'envisager l'immigration en cessant d'être frileuse. Non, la France ne perd pas sa substance avec l'immigration, elle l'enrichit.
    Clarifier la vision française de l'immigration, c'est aussi permettre au peuple français de résoudre la crise de l'idée de nation et de l'être français. Car nous sommes d'accord sur un point : la finalité de l'intégration, c'est devenir français et aimer l'être. « Le jour où je suis devenu français, j'étais très heureux et très ému. C'est une chance de pouvoir manifester le désir de l'être. La plupart des Français le sont par hasard. » Tels sont les propos de Bernard Stasi, des propos que je pourrais faire miens.
    M. Yves Jego. Adhérez à l'UMP, monsieur Valls !
    M. Manuel Valls. Je regrette vraiment que nous ne soyons pas plus nombreux à venir débattre de ces sujets même si, je le reconnais, les hasards du calendrier ont placé son examen au terme d'une session parlementaire en tous points épuisante. Avec ce débat sur un thème qui a agrégé toutes les frustrations, toutes les crispations, toutes les contradictions de la société française, nous sommes en effet au coeur de la fracture civique. Un débat sur l'immigration est propice à un questionnement sur le sens de la nation, de la nationalité. Oui, c'est un temps propice à ce type d'examen. C'est une occasion à saisir.
    Le groupe socialiste vous invite, chers collègues, à adopter cette question préalable parce que le Gouvernement n'ose pas aller suffisamment loin, parce qu'il n'est plus possible, en France, de débattre de l'immigration sans savoir quel modèle d'intégration nous proposons, parce que la maîtrise des flux est indissociable de la mise en oeuvre d'une autre politique étrangère et parce que la réalité de l'immigration en France n'est pas reconnue, ni même abordée.
    Voyons la politique de l'immigration comme une chance. Osons casser la terrible ségrégation sociale, territoriale, ethnique, qui s'est mise en place depuis des années dans notre pays. Recréons l'espoir d'une France rassemblée et sereine, une France qui assume son histoire, sa réalité, une France qui aille de l'avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Jego. Que de révélations tardives !
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Christian Estrosi. Je me demandais sincèrement, monsieur Valls, comment vous alliez jouer ce rôle qui me paraissait particulièrement difficile pour vous.
    M. François Loncle. Il a été excellent !
    M. Christian Estrosi. Or, je dois dire que vous l'avez rempli à merveille, en pratiquant un parfait double langage. Mais vous avez surtout considérablement manqué de modestie.
    M. Claude Goasguen. C'est le moins que l'on puisse dire !
    M. Manuel Valls. J'apprends beaucoup avec le ministre de l'intérieur !
    M. Yves Jego. Ne visez pas trop haut, monsieur Valls !
    M. Eric Raoult. M. Valls, c'est la gauche « d'en haut » !
    M. Christian Estrosi. Dans cet exercice, vous avez essayé à la fois de revendiquer l'héritage et de vous en débarrasser. Vous entendre faire l'apologie de la loi RESEDA, tout en expliquant que vous ne siégiez pas ici et donc que vous n'aviez joué aucun rôle dans la précédente majorité, était tout à fait intéressant.
    M. Eric Raoult. M. Valls était une éminence grise !
    M. Christian Estrosi. Surtout lorsque l'on sait que vous avez été le grand artisan de l'échec de M. Jospin à la dernière élection présidentielle ! (« Merci ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous feriez mieux aujourd'hui de tirer un certain nombre de conséquences des erreurs passées.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très juste !
    M. Christian Estrosi. Manifestement, ce n'est pas ce que vous avez décidé de faire. Je me contenterai quant à moi de rappeler que vous avez joué avec le feu pendant des années. Après avoir systématiquement agité le chiffon rouge de l'immigration, vous venez faire ici de grandes propositions. Il faudrait rédiger un rapport.
    M. Manuel Valls. Vous ne cessez de répéter que vous attendez nos propositions !
    M. Christian Estrosi. Il faudrait aussi engager une grande réforme transversale, qui passerait par l'éducation nationale, par le ministère de la ville, par le ministère de l'intégration...
    M. Claude Goasguen. Il faut demander à Teulade !
    M. Christian Estrosi. ... et par je ne sais quel autre ministère. Vous n'avez pas compris que la politique que vous avez générée dans les quartiers a développé les ghettos dont vous avez parlé, monsieur Valls !
    M. Manuel Valls. Et alors ? Ils existent !
    M. Eric Raoult. Valls ferme les Franprix !
    M. Christian Estrosi. En effet, pendant cinq ans nous avons vu l'ensemble de nos cités de France regorger de Françaises et de Français parmi les plus modestes, parmi les plus démunis ainsi que de familles d'étrangers les plus démunies. Ils se sont tous sentis oubliés par le Gouvernement que vous avez soutenu, que vous avez encouragé, dont vous avez assuré la communication : telle est la réalité.
    Depuis vingt ans, vous ressortez systématiquement la question du droit de vote des étrangers chaque fois que l'on approche d'une échéance électorale.
    M. Claude Goasguen. Ils l'agitent comme un chiffon rouge !
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas vrai ! J'ai présenté notre proposition de loi sur ce sujet en 2000.
    M. Christian Estrosi. Vous avez encore fait le coup trois mois avant l'élection présidentielle puisque vous avez présenté et fait voter le texte à l'Assemblée nationale...
    M. Claude Goasguen. Et pas au Sénat !
    M. Christian Estrosi. ... mais en prenant bien soin de ne pas l'inscrire à l'ordre du jour au Sénat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. Parce que nous savions que la droite de le voterait pas !
    M. Claude Goasguen. Et la navette ? Cela existe !
    M. Christian Estrosi. Quelle contradiction pour vous-même et pour l'ensemble de vos amis, monsieur Valls !
    La réalité est que vous avez voulu faire du Front national votre allié objectif, pour essayer de diviser la droite et de continuer à gouverner. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. Et cela a donné Le Pen au deuxième tour de la présidentielle !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Merci Mamère !
    M. Christian Estrosi. Mais ce temps est révolu ! Les Français voient bien que nous apportons des réponses concrètes à leurs préoccupations. Le ministre de l'intérieur regarde aujourd'hui les Français droit dans les yeux avec ce texte pour contrôler les flux migratoires. Cela vous gêne et vous dérange.
    En tout cas le groupe UMP appelle à voter contre votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il n'y a rien à ajouter !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, Manuel Valls s'est exprimé avec conviction, et avec la modestie qui sied forcément...
    M. Eric Raoult. A un ancien conseiller de M. Jospin !
    M. Claude Goasguen. Merci pour le résultat !
    M. Bruno Le Roux. ... dans cette thématique de l'immigration. Il a d'ailleurs rappelé des éléments qui nous amèneront à approuver certaines dispositions de votre texte, en particulier celles relatives à la double peine.
    En revanche, j'avais l'impression en vous écoutant, monsieur le ministre, que vous étiez en train non pas de nous présenter le texte que vous nous soumettez aujourd'hui, mais d'ouvrir devant l'Assemblée un véritable débat sur la question de l'immigration. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Léonard. Mais si ! Ce texte est un élément de cette politique !
    M. Eric Raoult. Il devient sourd !
    M. Christian Estrosi. Avec les socialistes, c'est toujours trop ou pas assez !
    M. Bruno Le Roux. En effet, les propos que vous avez tenus ne correspondent pas au projet dont nous sommes saisis. Malgré tout vous n'êtes pas ouvert à une discussion sur l'immigration ; vous n'êtes pas réceptif à certaines idées qui pourraient déboucher sur un consensus. Certes il n'est pas obligatoire de le réaliser sur cette question, mais cela serait certainement possible si l'on posait les véritables questions en la matière.
    En fait vous n'avez pas osé aller jusqu'au bout d'une certaine logique, préférant répondre uniquement au souhait de votre majorité qui voulait voter un texte avant la fin de nos travaux. Or ce projet se révélera au mieux inefficace, au pire dangereux non seulement pour les étrangers qui voudront rejoindre notre territoire dans les prochains mois, mais aussi pour ceux qui sont déjà installés dans notre pays et qui n'entendent pas parler d'intégration malgré les discours que vous tenez depuis un an.
    Ainsi que Manuel Valls l'a excellement souligné, il aurait convenu de débattre différemment de cette question de l'immigration, en partant de l'intégration, de l'accueil, du séjour et en définissant une politique de l'immigration.
    M. Christian Estrosi. Dommage que vous n'ayez rien fait quand vous étiez au pouvoir !
    M. Bruno Le Roux. A la différence de ce que nous avons fait en 1998,...
    M. Christian Estrosi. Et avec quel résultat !
    M. Bruno Le Roux. ... votre texte ne s'appuie pas sur une politique définie en France en matière d'immigration. Elle est la grande absente de ce débat.
    Par ailleurs, je rappelle à M. Estrosi que nous avons débattu du vote des étrangers dès 2000, sur la base d'ailleurs d'une proposition de loi de nos amis du groupe des Verts.
    M. Claude Goasguen. Oui et après ?
    M. Christian Estrosi. Qu'avez-vous fait ensuite ?
    M. Bruno Le Roux. Vous aviez annoncé - je vous citerai plus tard quelques déclarations - qu'au Sénat vous voteriez contre ce texte.
    M. Claude Goasguen. Et la navette, monsieur Le Roux, à quoi sert-elle ?
    M. Bruno Le Roux. Vous savez bien que le texte devait être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.
    M. Claude Goasguen. Pas du tout !
    M. Christian Estrosi. Vous n'avez pas le courage d'aller jusqu'au bout !
    M. Bruno Le Roux. En fait, ce chiffon rouge, c'est vous qui l'avez agité. Nous, nous souhaitons aller jusqu'au bout de ce débat. Nous sommes prêts, d'ailleurs, si vous nous assurez que vous avez changé d'avis...
    M. Claude Goasguen. Pas du tout !
    M. Bruno Le Roux. ... à inscrire ce texte dès notre prochaine niche parlementaire pour vous donner la possibilité de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Claude Goasguen. Gagnez des élections !
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur Valls, vous avez indiqué, dans votre intervention, que ce texte ne pouvait pas suffire. D'après vous, il manquerait bien des dispositions dans le volet intégration. Avant de revenir sur ce point, je tiens à vous rappeler que ce projet a été précédé par un texte sur le droit d'asile et que M. Fillon en présentera un autre sur l'intégration. Cela démontre que, contrairement à ce que vous prétendez, le Gouvernement a pris la mesure du problème.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. Nicolas Perruchot. Même si l'on peut déplorer que l'on n'ait pas regroupé ces trois questions dans un même texte, cette démarche permettra d'apporter une réponse globale aux problèmes très importants de l'immigration et de l'intégration.
    J'en reviens au volet intégration, puisque vous avez fait un long développement sur l'intégration par le vote. Or il me semble que c'est une erreur de vouloir faire voter les immigrés avant de les avoir intégrés correctement.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Très bien !
    M. Nicolas Perruchot. Dans nos banlieues et dans nos cités, nous avons récupéré des centaines, voire des milliers de personnes défaillantes économiquement, totalement exclues et qui vivent dans des ghettos. Avant de les faire voter, de leur faire comprendre et admettre les choses, il faut les intégrer, leur donner une place pleine et entière dans la République. L'insertion économique me paraît être une étape indispensable avant d'essayer de les intégrer par le vote.
    Après avoir entendu les derniers commentaires de Bruno Le Roux, je pense même que cela serait dangereux. Vouloir commencer l'intégration par le vote reviendrait à agiter un nouveau chiffon rouge dans les banlieues. Monsieur Valls, il me semble que ce serait prendre le problème à l'envers. Ne renouvelez pas l'erreur que vous avez commise avec la politique de la ville. Ce sujet mérite un débat assez long. Certes, nous nous opposerons sans doute car nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais, sur le fond, je le répète, ce serait une erreur de vouloir commencer à intégrer par le vote avant d'assurer une intégration économique et citoyenne.
    M. Yves Jego. Très bien !
    Vos propos contenaient quelques attaques contre nous, mais je dois vous dire que les nouveaux maires élus en mars 2001 n'ont pas attendu vos interventions ou les lois du précédent gouvernement pour essayer d'intégrer des gens issus de l'immigration dans nos équipes municipales.
    M. Eric Raoult. Absolument !
    M. Nicolas Perruchot. Ainsi j'ai fait élire à Blois trois personnes, et j'en suis très fier, issues de l'immigration et je n'ai pas eu besoin d'avoir une étiquette PS ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    Quant à la situation dans les banlieues et dans les cités que vous avez stigmatisée, elle est le résultat d'une politique de la ville désastreuse qui n'a pas pris en considération le problème des ghettos. Jean-Louis Borloo nous proposera prochainement d'apporter des réponses.
    Enfin vous avez terminé en soulignant qu'il fallait voir l'intégration comme une chance. Telle est bien notre opinion, monsieur Valls. Nous considérons, sur les bancs de la majorité, que l'intégration peut être une chance. Les dispositions prises par le ministre et par ce gouvernement nous permettront de faire en sorte que l'intégration soit bien une chance et non un risque pour ce pays. C'est pourquoi le groupe UDF rejettera votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Goasguen, premier orateur inscrit.
    M. Claude Goasguen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un débat qui semble tenir en haleine la France depuis vingt-ans alors que, en réalité, il n'a jamais commencé.
    En France on parle beaucoup de l'immigration, mais il n'y a pas de politique de l'immigration. A vrai dire il n'y en a jamais eu au sens où on peut l'entendre dans d'autres pays qui sont nés de l'immigration : l'Australie, les Etats-Unis, le Canada entre autres.
    M. Loïc Bouvard. Tout à fait !
    M. Claude Goasguen. Le débat sur l'immigration en France a été détourné pour plusieurs raisons, politiques d'abord. Il est vrai que le passé colonial de la France, les circonstances de la guerre d'Algérie ont rendu très difficile la prise en compte par l'opinion publique française de la réalité de la politique d'immigration en chargeant de manière affective, pour ou contre, des éléments objectifs de la vie d'une nation.
    Notre pays a été paralysé entre deux grands courants, peu importants sur le plan quantitatif, mais très présents par la force des cris poussés : les phobiques et les angéliques.
    En effet, notre pays a été frappé de miasmes et de phobies qui ont tourné au racisme, certains de nos compatriotes oubliant que les immigrés avaient combattu avec nous,...
    M. Eric Raoult. Tout à fait !
    M. Claude Goasguen. ... qu'ils avaient été nos frères d'arme, que les tirailleurs algériens avaient pris Monte Cassino, que les Sénégalais étaient morts aux côtés des Bretons en 1914-1918. Ceux qui nous accusent de considérer que les immigrés ne sont pas une chance pour la France font insulte à notre passé individuel et collectif en oubliant ceux qui ont donné leur sang et leurs enfants pour la défense du territoire national.
    Cessez donc de tenir ce discours d'exclusion, qui sert peut-être surtout à vous donner bonne conscience ! Nous avons plus d'estime que vous ne le croyez pour les immigrés et pour leurs descendants, et nous savons que la venue de la plupart d'entre eux dans notre pays est une nécessité pour notre richesse nationale.
    A côté des phobiques criards, sévissaient les angéliques, tout aussi bruyants dans leur genre. Ils tombaient, plus ou moins consciemment, non pas dans le racisme, mais dans le quasi frauduleux ! En effet, ils voulaient faire croire - et j'entends encore quelques séquelles de ce discours dans cet hémicycle - que la France était ouverte à tous pour mettre fin à la misère du monde. Il a fallu qu'un Premier ministre socialiste vienne dire, ici même, que la France n'était pas cela et que si elle était la terre des droits de l'homme, elle était aussi celle de la légalité.
    Je tiens à dire aux bonnes consciences angéliques que lorsqu'on apprend l'alphabet français à un jeune Sénégalais dans la détresse de la brousse de son pays, il ne sait pas qu'il finira sa détresse sénégalaise dans les miasmes du racisme enfumé et humide de la banlieue parisienne. Aux angéliques qui veulent ouvrir toute grandes les portes, je demande de bien prendre conscience des conséquences de leur politique, notamment la poussée du racisme avec laquelle ils ont joué d'une manière honteuse. On a même osé nous parler, tout à l'heure, des procédures concernant les immigrés, en particulier du vote des étrangers, ce chiffon rouge qu'on agite depuis vingt ans pour faire monter le Front national, sans même avoir l'audace d'aller jusqu'au bout de ses idées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cependant, au-delà de l'action des phobiques et des angéliques, se posent des problèmes plus graves.
    D'abord, la politique d'immigration a été noyée dans l'administratif. Si nous avons quelquefois tendance à trop légiférer en France, il est des domaines dans lesquels le législateur n'intervient pas assez. Tel est le cas de l'éducation nationale, qui est mangée par les règlements, mais aussi de l'immigration. Nous nous sommes ainsi laissés enfermer dans un maquis de dispositions administratives faisant de la France un pays où l'on a accumulé des mesures pour colmater les voies d'une immigration non voulue mais subie, alors que nous devrions avoir la maturité des grandes démocraties, et déterminer l'immigration souhaitable pour la richesse de notre nation.
    Ce projet, à l'opposé de la catastrophique loi RESEDA, donnera les soubassements administratifs qui nous permettront sans doute de définir, dans les mois qui viennent, une véritable politique de l'immigration en France.
    Je souhaite, monsieur le ministre, que l'on agisse dans la transparence, en matière d'information d'abord. L'amendement que j'avais proposé en vain à Jean-Pierre Chevènement il y a cinq ans et qui a été repris par la commission des lois devrait, par la diffusion de chiffres vrais et compréhensibles pour l'ensemble de la nation, faire taire les rumeurs qui sont souvent à la base des racismes les plus abjects.
    Au-delà de l'information, nous devons aussi penser à la délibération. En effet, je ne vois pas pourquoi l'Assemblée ne débattrait pas régulièrement de la politique d'immigration qu'elle souhaite pour la France. Dans certains pays, qui sont de grandes démocraties, le Parlement discute chaque année du nombre et de la qualité des visas et des cartes de séjour ; je pense en particulier à la politique australienne.
    Pourquoi les Français, qui sont désormais confrontés à la nécessité d'assurer une immigration souhaitée et indispensable, ne se poseraient-ils pas les questions rituelles : Comment ? Combien ? Dans quelles conditions ? Cela constituerait sans doute le point de départ d'une politique de l'immigration que nous n'avons pas encore connue, qui ne serait pas une simple suite de textes administratifs par lesquels chaque gouvernement ajoute des règles de plus en plus complexes et ayant la caractéristique d'être la plupart du temps tournées ! En effet, ceux qui sont dans la détresse voient mieux que les citoyens d'un pays quelles sont les difficultés d'application d'une loi.
    En ce qui concerne la loi RESEDA, j'avais indiqué à plusieurs reprises à M. Chevènement qu'elle permettrait surtout à des avocats marrons ou à des passeurs en fraude de donner l'espoir aux candidats à l'immigration qu'ils pourraient passer à travers les mailles du filet de la législation française.
    Nous avons donc dénoncé, il y a cinq ans, une loi qui a été catastrophique pour notre politique d'immigration et j'avais proposé à M. Chevènement de rechercher un consensus à ce sujet. Il me semble en effet qu'il ne peut y avoir de politique de l'immigration dans ce pays que consensuelle. C'est la raison pour laquelle nous sommes attristés par les discours fallacieux, pénibles, qui remontent à des lustres de politiques socialistes et qui sont tenus par certains pour essayer de se différencier.
    On nous parle sans arrêt du 21 avril, mais ce sont ces politiques qui ont amené Le Pen au deuxième tour. Les socialistes auraient-ils oublié que c'est dans le consensus entre chrétiens démocrates et sociaux-démocrates que l'Allemagne a adopté ses grandes lois d'immigration !
    M. Gérard Hamel. Les socialistes sont partis.
    M. Christian Vanneste. Il n'y en a plus dans l'hémicycle !
    M. Claude Goasguen. Nous avions accompli ce geste quand nous étions dans l'opposition et j'espérais, après les événements qui avaient placé le candidat du Front national au deuxième tour, que les socialistes auraient la maturité de faire en sorte que ce projet soit accepté par tous. Tel ne sera malheureusement pas le cas.
    Quant aux mesures proposées, monsieur le ministre, je dois dire que je les trouve modérées. M. Caresche a eu beau essayé de trouver des raisons de s'y opposer, son discours était tellement poussif qu'il était difficile à écouter.
    Cette modération vous honore, même si, dans nos rangs, elle ne laisse pas sans amertume certains députés qui auraient voulu que l'on aille plus loin. Cependant, vous avez eu raison de tenir compte, dans l'élaboration législative, de l'état de l'opinion. En effet, il n'est pas de bonnes lois qui ne soient acceptées par la majorité. Or l'immense majorité des Français n'est ni Front national ni angélique ; l'immense majorité des Français veut une loi sur l'immigration, simple, claire et appliquée, une loi de bon sens. C'est bien ce que vous proposez.
    Tel est le cas en ce qui concerne les visas, préparant sans doute une évolution que les Américains ont connue avant nous : leur attribution devrait, à terme, relever d'un service différent du circuit des ambassades. En effet, nous verrions mal les ambassadeurs, dans certains pays, imposer la prise d'empreintes digitales pour la délivrance de visas, alors qu'ils sont censés mener une politique d'ouverture. Confrontés au même problème, les Américains ont confié à un autre département d'Etat la gestion des visas. En tout cas, vous avez eu raison de prendre cette mesure, car les abus sont nombreux.
    Avec ce texte d'ailleurs, vous proposez des dispositions pour combattre tous les abus de la loi RESEDA. En ce qui concerne, par exemple, les mariages blancs, comment peut-on être aussi aveugles, sourds ou de mauvaise foi, pour nier qu'il y a un problème en France ?
    Par ailleurs, une circulaire ne suffira probablement pas à régler les problèmes posés en la matière par le Pacs et il faudra bien donner, tôt ou tard, aux intéressés un statut juridique, réclamé par ceux qui en ont passé un.
    La mesure relative à l'attestation d'accueil procède du bon sens et j'estime que vous avez parfaitement abordé la question du regroupement familial. J'espère que, au cours du débat, vous accepterez certains de nos amendements, car la question des ressources qui implique des contrôles a donné lieu à beaucoup d'abus.
    La loi RESEDA a ouvert un panier percé. Si les Français ont le droit de savoir, les immigrés ont aussi le droit de ne pas être confrontés à des incertitudes administratives. Le courage et l'humanisme veulent que l'on élabore une loi claire et courageuse, adaptée à la situation du pays, qui ne prête pas à confusion et ne contienne pas des promesses qu'on ne peut tenir.
    Sur le sujet de la double peine, s'exprimeront sans doute des opinions divergentes. A ce propos, je regrette que l'on veuille conserver la prescription décennale d'illégalité que M. Chevènement avait introduite dans la loi RESEDA pour remédier au problème des sans-papiers. En réalité, cette disposition l'avait aggravée puisque toute personne suffisamment habile pour vivre en situation d'illégalité réussit à faire en sorte que celle-ci devienne quasi légale ! En l'occurrence, l'habileté tient lieu d'intégration, mais vous reconnaîtrez tout de même, monsieur le ministre, que, sur le plan des principes, cela est difficile à admettre.
    Certes, M. Chevènement arguait de la construction d'une vie familiale et sociale pour justifier cette prescription décennale, mais cela me semble contestable, même si je comprends la nécessité administrative de régler des problèmes qui deviendront sinon insolubles.
    M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de l'Europe. La politique que nous souhaitons s'inscrit dans le traité d'Amsterdam et le problème de la rétention administrative ne pourra pas se régler simplement par une loi. A la conférence de Thessalonique, le problème a été évoqué. On ne trouvera de solution que dans le cadre d'une convention européenne, qui a l'immense avantage d'être supraconstitutionnelle, et qui nous permettra sans doute d'établir un mode de rétention administrative commun à l'ensemble des pays, car les immigrés en situation difficile jouent sur les différences. Notre pays, qui est le plus faible en ce domaine, est évidemment celui où il est le plus facile de tourner la législation. L'Europe nous servira. J'espère que, sous la présidence de l'Italie, qui a mis au premier rang de ses préoccupations le problème de la maîtrise de l'immigration, la France sera un artisan actif d'une politique qui nous mette d'accord sur les concepts de l'immigration, car ils ne sont pas les mêmes selon les pays. « Résident » ne signifie pas la même chose en France et en Allemagne. Il en est de même pour la rétention administrative.
    Je souhaite également que l'on ne parle plus de l'immigration sans évoquer la coopération. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je pense à nos amis, à nos frères africains qui sont dans la difficulté et que nous devons aider, en même temps que la France, fière d'être le pays des droits de l'homme, ne leur fait pas de vaines promesses. Il n'y aura pas de résolution du problème de l'immigration avec l'Afrique sans une grande politique de la coopération. Je regrette simplement que les gouvernements successifs n'aient pas pris suffisamment le problème à bras le corps. Je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir engagé des discussions bilatérales.
    Par delà le contrôle de l'immigration, je souhaite que les rapports d'immigration soient liés à une véritable politique de coopération économique,...
    M. Gérard Léonard. Très bien.
    M. Claude Goasguen. ... voire que la France s'engage dans une politique bilatérale de réinsertion d'un certain nombre d'immigrés en Afrique. Je souhaite, moi, une immigration temporaire, qui permette à l'Afrique de garder ses éléments les plus forts. On ne peut plus assister à la désertification du Mali, parce que les Maliens ne peuvent pas rentrer chez eux.
    M. Guy Geoffroy. Il a raison.
    M. Claude Goasguen. Je souhaite véritablement qu'on permette à ceux qui souhaitent retourner chez eux de rentrer avec honneur, ayant travaillé pour la France, reconnaissante de leur travail et leur donnant la possibilité de se former et de réinsérer dans leur pays d'origine. C'est ainsi que nous ferons une coopération moderne. Nous avons des devoirs à l'égard de l'Afrique que nous devons assumer en même temps que nous réglons le problème de l'immigration. Les Africains, qui sont nos frères, méritent la coopération de notre pays ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. C'est un débat forcément important que nous abordons ici. Il n'y a pas une journée sans que nous soyons confrontés, dans nos permanences ou ailleurs, à des demandes d'intervention pour un regroupement familial ou l'obtention de papiers, et vous savez bien que les demandes d'intervention que vous recevez au ministère, ou que les préfets reçoivent dans les départements, ne sont pas signées seulement par des élus de l'opposition.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Bien sûr.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai.
    M. Bruno Le Roux. Il est donc nécessaire d'avoir un débat et de répondre de façon plus claire aux questions et pas sous forme dérogatoire à toute une série de textes qui sont particulièrement difficiles à appliquer.
    Le décalage est grand entre les objectifs que vous fixez et le texte de votre projet de loi. Souhaitez-vous réellement sortir d'un débat souvent caricatural, en tout cas que nous avons toujours abordé, et je le regrette, de façon trop caricaturale dans ce pays et même dans cette assemblée ? J'en doute à l'examen de votre projet de loi, qui est dans la lignée de ceux qui nous ont été soumis dans les années 90, notamment par Charles Pasqua, et qui ont montré qu'en dehors des déclarations de principe, ils généraient bien souvent de l'inefficacité. En plus, votre texte risque de menacer les droits des étrangers régulièrement installés dans notre pays. La philosophie, vous ne l'avez pas rappelé aussi explicitement aujourd'hui, mais il suffit de lire un certain nombre d'écrits de la majorité, est toujours la même : nous devons nous protéger de l'invasion afin de protéger notre identité nationale, nos valeurs, nos avancées sociales.
    M. Eric Raoult. On n'a jamais dit ça !
    M. Bruno Le Roux. Je vous trouverai toutes les déclarations...
    M. Eric Raoult. Chiche !
    M. Bruno Le Roux. ... que vous voulez sur cette question.
    M. Eric Raoult. D'accord !
    M. Bruno Le Roux. Avec la permission du président, je reprendrai donc la parole...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ah non ! (Sourires.)
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Pas deux fois !
    M. Bruno Le Roux. ... pour vous donner quelques éléments de ce point de vue, avec l'autorisation du ministre aussi. (Sourires.)
    Le projet de loi, par un manque de courage, je pense,...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Manque de courage ?
    M. Bruno Le Roux. ... à poser les questions importantes, contribue à entretenir la confusion entre immigration clandestine et immigration régulière. Il est aussi sans conteste un coup porté à l'intégration des étrangers en situation régulière.
    Nous l'avons dit et Manuel Valls l'a parfaitement expliqué, l'intégration est la plus grande absente de votre politique et, sur ce point, nous ne pouvons plus nous contenter simplement de déclarations. Quand on parle de sécurité et qu'on dit qu'il n'y a pas de prévention, vous nous répondez que vous allez y venir, mais c'est toujours dans un deuxième temps. On parle d'immigration et on évoque l'intégration, vous allez nous répondre que vous allez y venir, que vous avez déjà fait des choses. Il n'y a pas d'intégration aujourd'hui et votre politique, de ce point de vue, est bancale.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?
    M. Bruno Le Roux. Nous avons fait la loi RESEDA...
    M. Eric Raoult. Qu'est-ce que ça donne sur le terrain ?
    M. Bruno Le Roux. La loi RESEDA reposait sur une analyse de l'immigration et des questions liées à l'intégration.
    Les rapports qui avaient été demandés par Jean-Pierre Chevènement à Patrick Weil notamment, comportaient de nombreuses propositions sur ces questions. Elles ont été mises en oeuvre, imparfaitement peut-être, pas jusqu'au bout, elles auraient dû être complétées par une loi sur le vote des étrangers par exemple, qui donne un signe fort en matière d'intégration, ce n'est pas le seul. Vous avez refusé tous ces outils durant la précédente législature.
    Aujourd'hui, je vous demande simplement de mettre en oeuvre ce qui vous semble à vous être une politique d'intégration. Elle est absente du texte que vous nous présentez aujourd'hui.
    La politique de maîtrise de l'immigration dans notre pays ne doit pas conduire à fragiliser les étrangers qui vivent régulièrement sur notre sol, ni à mettre en cause certaines libertés fondamentales. Elle doit s'harmoniser dans l'espace européen, prendre en compte les migrations de populations au niveau mondial, et actualiser cette donnée de façon régulière. Le débat que nous ouvrons aujourd'hui est donc des plus importants. Il doit être mené avec sérieux. Article après article, nous essaierons de vous faire des propositions pour contribuer à élaborer un texte efficace et équilibré.
    Nous nous inquiétons de votre projet, une partie des mesures étant au mieux inefficaces, au pire dangereuses et illusoires.
    Nous aurions souhaité au contraire une réponse forte au vote extrémiste de 2002.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n'est certainement pas le droit de vote des étrangers !
    M. Bruno Le Roux. Un rassemblement républicain autour d'une vision commune de l'immigration, un débat au fond sur l'immigration, sur l'intégration, et sur les perspectives nécessaires à notre pays auraient été nécessaires. Vous n'ouvrez pas aujourd'hui ce débat à l'Assemblée nationale.
    M. Gérard Léonard. Vous noyez le poisson !
    M. Bruno Le Roux. Votre projet n'est pas efficace pour de multiples raisons. il remet en cause les conditions de séjour des étrangers qui sont en situation régulière, et qui ont vocation à rester dans notre pays. En renforçant les contraintes pour permettre de bénéficier du regroupement familial, vous pénalisez ceux qui sont régulièrement installés en France.
    M. Eric Raoult. C'est faux !
    M. Bruno Le Roux. Votre politique aura ainsi pour conséquence de favoriser le passage de situations régulières à des situations irrégulières. Pourtant, j'imagine bien que tel n'est pas l'objectif que vous poursuivez.
    M. Guy Geoffroy. C'est une affirmation gratuite !
    M. Bruno Le Roux. Il suffit de voir les mécaniques qui se mettent en place à la lecture d'un certain nombre d'articles, qui ne sont pas simplement techniques, et les résultats. Patrick Weil dit bien que ceux qui sont en situation irrégulière vont adopter des procédures leur permettant de passer au travers des mailles du filet et que vous allez, par toute une série de procédures bureaucratiques, fragiliser ceux qui sont sur notre territoire en situation régulière,...
    M. Manuel Valls. Tout à fait !
    M. Bruno Le Roux. ... je pense notamment à la question du renouvellement des titres de séjour.
    M. Manuel Valls. Voilà !
    M. Guy Geoffroy. C'est le chiffon rouge !
    M. Bruno Le Roux. Votre texte, monsieur le ministre, est ambigu. Vous acceptez des avancées réelles sur la double peine, mais au prix, en contrepartie, de dispositions attentatoires aux droits et libertés des étrangers résidant en France.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Lesquelles ?
    M. Bruno Le Roux. Les socialistes ont clairement dit leur attachement à l'abrogation de la double peine...
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Et vous n'avez rien fait !
    M. Eric Raoult. Vous n'avez pas eu le courage de le faire !
    M. Bruno Le Roux. ... mais celle-ci ne concerne que quelques dizaines de personnes par an, alors que votre projet va aggraver en réalité la situation de millions de personnes installées sur notre territoire et limiter leurs droits.
    M. Eric Raoult. Les socialistes se penchent sur les problèmes, mais ne les résolvent pas !
    M. Bruno Le Roux. Le projet qui nous est présenté va contribuer à rendre plus complexe la législation dans ce domaine où, déjà, seuls les spécialistes arrivent à se repérer. Les citoyens ont du mal à s'y retrouver et encore plus les étrangers. De plus, votre texte tend à démultiplier le travail administratif. On perdra du temps, de la cohérence et encore de l'efficacité.
    Je veux aussi vous mettre en garde, monsieur le ministre, contre la dangerosité de votre projet. Nombre de dispositions renforcent la suspicion sur l'honnêteté des étrangers, partant du postulat qu'il faut à tout moment traquer la fraude, à travers les mariages, les reconnaissances de paternité, le regroupement familial, les attestations d'accueil ou les certificats d'hébergement.
    M. Gérard Hamel. Cela n'existe pas, c'est vrai !
    M. Bruno Le Roux. Les dispositions ajoutées par votre projet de loi sont, pour la plupart, des entraves à la réalisation d'une vie familiale normale.
    La qualification négative de l'immigration qui ressort de votre projet de loi nous inquiète. Elle va alimenter l'idée d'une France affaiblie, soumise à une poussée migratoire irrépressible, et lui donne du crédit. Nous ne pouvons pas accepter une telle représentation qui fait le lit de l'extrême droite et qui ne correspond en rien à la réalité.
    M. Guy Geoffroy. Qui a fait le lit de l'extrême droite ?
    M. Bruno Le Roux. La France est, de longue date, un pays d'immigration et, comme le disait Christophe Caresche il y a quelques instants,...
    M. Manuel Valls. Et il le disait bien !
    M. Bruno Le Roux. ... tout indique qu'elle le restera. Il faut le reconnaître, le dire et organiser une politique claire qui nécessite forcément une maîtrise des flux migratoires.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Sans contrôle, sans rien vérifier !
    M. Christophe Caresche. Ne caricaturez pas, monsieur Lagarde !
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est ce qu'il vient de dire !
    M. Bruno Le Roux. Je vais y venir.
    Il n'est pas question, bien entendu, de prôner l'ouverture inconsidérée de nos frontières qui n'est justifiée ni sur le plan démographique ni sur le plan économique et dont les conséquences risqueraient de déstabiliser la cohésion de notre société. Certains, c'est vrai, monsieur le ministre, défendent une telle position. Je n'ai pas entendu la gauche la soutenir, en tout cas dans cet hémicyle. Quand on agite cette question, c'est pour caricaturer le débat. Personne ici, je pense, n'est partisan d'une ouverture inconsidérée de nos frontières.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Vous êtes contre tout contrôle !
    M. Bruno Le Roux. Nous posons-nous toujours les bonnes questions sur l'immigration ? Prenons, par exemple, la question de l'emploi. On constate que certains secteurs d'activité économique doivent recourir à l'immigration alors même que nous connaissons un niveau élevé et croissant du chômage.
    M. Serge Blisko. C'est ça la réalité !
    M. Bruno Le Roux. Dès lors, nous aurions aimé l'ouverture d'un débat sur la question de l'immigration économique.
    M. Nicolas Perruchot. Bonne idée !
    M. Bruno Le Roux. Il nous paraît souhaitable de discuter aujourd'hui de ce néocolonialisme migratoire qui se met en place. Pour un certain nombre de métiers, nous pillons aujourd'hui des pays en développement. Vous n'ouvrez pas ce débat important qui serait pourtant nécessaire.
    Il reste indéniable que la nécessaire maîtrise des flux migratoires suppose des mesures de contrôle de nos frontières et de lutte contre l'immigration clandestine, mais ces mesures doivent répondre à des situations constatées, elles doivent être proportionnées et, bien entendu, respecter les libertés fondamentales.
    L'enjeu de la politique de maîtrise de l'immigration, c'est la lutte contre l'immigration clandestine, contre la criminalité organisée qui installe les filières et met souvent en danger la vie de nombreux étrangers qui rejoignent notre continent dans l'espoir de connaître une vie meilleure. C'est aussi le combat de notre pays contre la pauvreté et les conditions de vie contraires à la dignité humaine.
    Votre texte, de ce point de vue, est loin d'apporter la réponse adéquate. Il ne place pas notre pays au coeur d'une politique de coopération ambitieuse. Il ne pose pas véritablement la question du point de départ : quelle aide pouvons-nous apporter pour que des gens ne soient pas contraints de quitter par tous les moyens leur pays dans l'espoir de mener une vie normale et décente dans notre pays ? Nous aurions aimé avoir un tel débat, qui nous obligerait peut-être à améliorer la réflexion sur la coopération, la façon dont nous la mettons en place, et qui aurait peut-être permis de confronter nos idées sur les outils de maîtrise de l'immigration. Je pense en particulier, et je m'exprime à titre personnel, aux quotas d'immigration.
    M. Serge Blisko. Eh oui, ayons ce débat !
    M. Bruno Le Roux. Je pense depuis longtemps que la question doit être posée. C'est un débat respectable, je pense que nous pouvons l'ouvrir en dehors de toute caricature. J'ai toujours été pour une politique qui affiche clairement des objectifs en matière de quotas. Nous n'aurons pas encore un tel débat, à moins que vous le souhaitiez, alors qu'il me semble important.
    Votre texte tend plutôt à l'amalgame, en mettant, par exemple, sur un pied d'égalité les personnes physiques et morales qui agissent dans un but humanitaire et les organisations mafieuses.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Oh !
    M. Bruno Le Roux. C'est une question qui m'inquiète beaucoup.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n'est nulle part dans le texte !
    M. Bruno Le Roux. La Commission consultative des droits de l'homme a d'ailleurs fait remarquer, dans un avis sur ce projet adopté le 15 mai dernier, que votre texte n'était pas intelligible : « La notion de bande organisée permet de traiter de la même manière un réseau comme une famille, ce qui n'est pas sans risque de détournement de l'esprit de ces mesures. »
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Venant de cette commission, c'est un compliment !
    M. Bruno Le Roux. Je respecte toutes les commissions qui ont un rôle complémentaire à celui que nous avons ici et qui, notamment celle-ci, contribuent à éclairer le débat public...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est sûr ! C'est bien connu !
    M. Bruno Le Roux. Les avis de cette commission sont toujours particulièrement intéressants. C'est vrai qu'ils ne vont pas toujours dans le sens ni des textes que vous déposez...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ni de ceux que vous aviez déposés !
    M. Bruno Le Roux. ... ni surtout des amendements complémentaires qui sont déposés par votre majorité.
    M. Eric Raoult. Cela vous est aussi arrivé, monsieur Le Roux !
    M. Bruno Le Roux. Je souhaite, monsieur le ministre, que nous empêchions toute poursuite à l'encontre d'une personne qui apporte sans contrepartie une aide directe ou indirecte à un étranger en état de nécessité, au sens de l'article 122-7 du code pénal. Ce principe d'ailleurs, consacré par toutes les civilisations juridiques évoluées, interdit toute poursuite pénale à l'égard d'une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu pour la loi pénale. Les personnes physiques et les associations humanitaires qui apportent un soutien désintéressé aux étrangers sont clairement mises en cause et menacées par votre texte.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vous qui avez ratifié la convention de Palerme ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. Bruno Le Roux. En effet, monsieur le ministre.
    M. Jean-Luc Warsmann. Voilà une bonne remarque !
    M. Eric Raoult. Il ne sait pas quoi répondre !
    M. Bruno Le Roux. Si, monsieur Raoult !
    Les articles 16, 17 et 18 du projet de loi renforcent substantiellement la répression pénale en matière d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Prévue par la convention de Palerme !
    M. Bruno Le Roux. Pas dans cet esprit, et vous n'étiez pas obligé d'introduire de telles dispositions dans ce texte.
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il ne fallait pas ratifier !
    M. Bruno Le Roux. Vous jetez ainsi, et ce n'était pas dans la convention de Palerme, la suspicion sur tous ceux qui s'efforcent de combattre la misère et les traitements inhumains.
    M. Gérard Léonard. C'est faux !
    M. Bruno Le Roux. Votre politique, celle du Gouvernement dans son ensemble, et Manuel Valls l'a rappelé en évoquant une politique d'immigration cohérente, met pas à pas en péril les associations, et particulièrement celles qui apportent leur aide aux étrangers. Vous nous aviez dit il y a quelques semaines, lors de l'examen de la loi sur la sécurité, que les associations seraient préservées. J'ai interrogé il y a quelques jours les associations qui viennent en aide, par exemple, aux personnes prostituées. Aucun moyen ne leur est donné pour remplir leur mission.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce n'est pas vrai !
    M. Bruno Le Roux. En tout cas, de tout ce que vous nous aviez annoncé ici, à l'Assemblée, rien n'a été mis en place.
    M. Eric Raoult. Elles sont subventionnées par le ministère des affaires sociales !
    M. Bruno Le Roux. Envers les associations qui s'occupent aujourd'hui des étrangers, vous menez la même politique.
    M. Guy Geoffroy. C'est une affirmation gratuite !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Elles sont dans les avions !
    M. Bruno Le Roux. Vous essayez de les fragiliser, d'abord avec la fin des emplois-jeunes, ensuite avec la suppression des aides financières, notamment dans le secteur de l'intégration,...
    M. Eric Raoult. Vous mentez !
    M. Bruno Le Roux. ... et, maintenant, avec l'incrimination des associations humanitaires !
    Outre la forme, manifestement inconstitutionnelle, de l'article 18 qui prévoit la confiscation des biens indivis sans indemnisation et qui porte ainsi atteinte au droit de propriété, on peut dès lors noter quelques contradictions entre les dispositions de votre projet et les déclarations publiques que vous avez effectuées. En effet, vous avez écrit à la présidente du GISTI que les personnes physiques et les associations humanitaires qui apportent un soutien désintéressé aux étrangers faisaient l'objet d'une grande tolérance de la part des services de police et que vous n'aviez nullement l'intention de poursuivre celui de nos compatriotes qui tend la main à la personne en situation de détresse, quelle que soit sa situation au regard de la législation sur le séjour.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et voilà ! On ne saurait mieux dire !
    M. Bruno Le Roux. Je note que votre majorité ne vous suit pas sur ce point puisque la commission a refusé un amendement de M. Perruchot prévoyant que les personnes qui auraient aidé un étranger en situation irrégulière mais en état de nécessité ne peuvent pas faire l'objet de poursuites pénales.
    Heureusement, le groupe socialiste est là pour vous permettre de mettre en cohérence votre discours et le texte que vous nous proposez. En effet, la commission, réunie au titre de l'article 88, a adopté un amendement du groupe socialiste qui va tout à fait dans le sens de vos déclarations.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Alors, pourquoi me faire ce procès ? Ce n'est pas digne de vous !
    M. Bruno Le Roux. Votre texte allait dans la mauvaise direction, nous l'avons rectifié !
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Respectez-moi et excusez-vous, monsieur Le Roux !
    M. Bruno Le Roux. J'adopterai la jurisprudence du Premier ministre : on n'évoque même pas la question !
    L'amendement prévoit d'empêcher les poursuites à l'encontre d'une personne qui apporte une aide directe ou indirecte à un étranger en état de nécessité. C'est une première avancée. Il faut aller plus loin.
    Un autre de nos amendements disposait que les individus d'une même famille qui agissent ensemble ne peuvent, en aucun cas, être assimilés aux membres d'une bande organisée ou de réseau vivant de l'immigration clandestine. Cet amendement mérite d'être retenu et nous espérons que vous accepterez cette seconde avancée significative.
    Monsieur le ministre, je m'étonne du silence complet, et peut-être complaisant, de votre projet de loi sur l'incrimination des employeurs de main-d'oeuvre étrangère en situation irrégulière. Le code du travail est très clair sur cette question : « Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. » Mais l'amende est purement symbolique : une contravention de cinquième classe. Pourquoi ne pas avoir prévu de renforcer la lutte contre le travail clandestin comme vous l'avez fait, d'une part, en relevant les peines encourues pour l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière,...
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous avons adopté un amendement dans ce sens !
    M. Bruno Le Roux. ... d'autre part, en créant un nouveau délit visant à incriminer le fait de contracter, d'organiser ou de tenter d'organiser un mariage blanc ?
    Je terminerai cette intervention en évoquant dès à présent - j'y reviendrai dans la discussion des articles - la question de la délocalisation des audiences du juge des libertés en charge de se prononcer sur le maintien en zone d'attente des étrangers arrivant en France, pour l'essentiel demandeurs d'asile.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vous qui avez créé la salle d'audiences de Bobigny et celle de Roissy !
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, je sais exactement comment les choses se sont passées. Je sais aussi que le gouvernement de Lionel Jospin, confronté à cette question, avait décidé de ne pas mettre en service cette nouvelle installation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Thierry Mariani, rapporteur. On a fait des dépenses pour rien !
    M. Eric Raoult. C'est scandaleux !
    M. Bruno Le Roux. Notamment après avoir entendu les personnels qui auraient dû y aller travailler.
    M. Jean-Christophe Lagarde. On dépense des millions, on déplace des policiers et ça ne gêne personne, alors qu'on en manque en Seine-Saint-Denis !
    M. Eric Raoult. C'est scandaleux !
    M. Bruno Le Roux. Les questions de transport et de mobilisation des forces de l'ordre sont des questions réelles. Mais la question de la dignité des personnes qui sont transportées en est une autre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Christophe Lagarde. Est-ce que vous l'avez seulement visitée ?
    M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas en mettant en place une justice d'exception, une justice inaccessible, une justice sans publicité que l'on arrivera à résoudre ces questions !
    M. Jean-Christophe Lagarde et M. Eric Raoult. C'est honteux !
    M. Bruno Le Roux. Nous faisons une proposition constructive. Depuis plusieurs années, un débat est ouvert sur la construction d'un nouveau tribunal de grande instance en Seine-Saint-Denis.
    M. Eric Raoult. Et qui a pris la décision ?
    M. le président. Monsieur Raoult, n'interrompez pas M. Le Roux, il va devoir conclure.
    M. Eric Raoult. Il nous provoque, monsieur le président ! Il tient un double langage !
    M. Bruno Le Roux. La création d'une juridiction d'exception sur l'aéroport de Roissy génère de multiples contentieux, non seulement vis-à-vis de l'application de l'ordonnance de 1945 mais également un contentieux commercial, civil et même pénal.
    M. Eric Raoult. C'est le porte-parole des lobbies !
    M. Bruno Le Roux. Il faut sortir de cette situation en ouvrant un nouveau tribunal de grande instance sur la zone de Roissy.
    M. Eric Raoult. C'est Bruno d'Epinay et Le Roux de l'Assemblée !
    M. Bruno Le Roux. Monsieur Raoult, vos insultes sont particulièrement mal venues !
    Nous attendons que vous formuliez des propositions.
    M. Eric Raoult. On va voir !
    M. le président. Monsieur Le Roux, ne dialoguez pas avec M. Raoult, concluez votre intervention !
    M. Bruno Le Roux. Vous avez toujours fait le grand écart : vos déclarations sur le terrain ne reflétaient jamais vraiment ce que vous faisiez ailleurs !
    M. Eric Raoult. Peut-être, mais vous, vous avez perdu votre mairie !
    M. Bruno Le Roux. Un peu de modestie sur cette question ! Cela vous arrivera peut-être un jour. Vous êtes passé à deux doigts !
    M. Manuel Valls. Ça arrive à tout le monde de perdre une élection !
    M. Bruno Le Roux. Si c'est votre seul argument, il n'est pas à la hauteur du débat que nous devrions avoir aujourd'hui.
    Monsieur le ministre, ce débat, nous l'attendions, je dirais même que nous le souhaitions parce qu'il est nécessaire à notre pays.
    M. Guy Geoffroy. Parce que vous n'avez rien fait !
    M. Bruno Le Roux. Vous l'ouvrez aujourd'hui uniquement sous la pression de votre majorité.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Oh !
    M. Jean Roatta. Mais non ! C'est parce que vous n'avez rien fait !
    M. Bruno Le Roux. Et le texte que vous nous présentez est partiel, partial, dangereux, il n'est pas à la hauteur de ce à quoi vous nous avez habitués depuis maintenant une année. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Roux, avec tout le respect que j'ai pour vous, permettez-moi de vous dire que quand on franchit les bornes...
    M. Eric Raoult. Exactement !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n'y a plus de limites ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales Non ! Il doit y avoir une réponse ! (Rires.)
    Vos propos sur l'introduction de la répression des passeurs agissant en bande organisée sont proprement hallucinants. Ils ne relèvent pas de votre mauvaise foi - je ne vous ferai pas ce procès - mais sans doute de quelques trous dans votre compétence.
    M. Eric Raoult. C'est de l'ignorance !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Qui a introduit dans notre législation pénale la répression des passeurs agissant en bande ?
    M. Eric Raoult. Chevènement !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est la loi RESEDA de M. Chevènement ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Vous l'avez votée, monsieur Le Roux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous venez de m'accuser alors que je n'ai fait, sur la troisième incrimination nouvelle, que reprendre celle qui était prévue dans la loi RESEDA elle-même.
    M. Eric Raoult. Exactement!
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous venez donc de dénoncer avec une violence et, pardon de le dire, une outrance inhabituelles ce que M. Chevènement vous avait proposé et ce que vous avez voté à l'époque. Je crains même que vous n'en ayez été le rapporteur.
    M. Christophe Caresche. Non!
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est un tort, cela aurait évité de commettre cette erreur.
    M. Christophe Caresche. On ne ne peut pas répondre, c'est dommage!
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Par ailleurs, alors que la convention de Palerme a été ratifiée par le Parlement à l'unanimité, en 2000, il n'y a pas si longtemps,...
    M. Gérard Léonard. Ils sont amnésiques!
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... vous venez nous dire que la transposition des mesures prévues par cette convention met gravement en cause les droits de l'homme, que c'est une honte par rapport à la tradition française.
    Je suis prêt à écouter et même à accepter des amendements qui amélioreraient notre texte, mais pourquoi avoir commencé ce débat de façon vulgaire, pour reprendre un terme utilisé par M. Mamère, vulgaire au niveau des sentiments et des procès d'intention?
    M. Gérard Léonard. C'est de la mauvaise foi !
    M. Guy Geoffroy. C'est de la caricature systématique !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous avez reproché hier au Premier ministre une déclaration qui était bien anodine...
    M. François Loncle. Pas du tout !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... par rapport aux insultes que vous venez de proférer à l'intention de la majorité dans son ensemble et pas simplement à mon endroit.
    M. Gérard Hamel. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi nous faire ces procès d'intention ? Pourquoi prendre cette tonalité au début d'un débat passionnant ? MM. Caresche et Valls ont été plus pondérés.
    M. Eric Raoult. En effet !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés locales. Je ne partage pas leur opinion sur bien des points, mais à aucun moment nous nous sommes sentis profondément blessés et insultés.
    M. Bruno Le Roux. Mon intervention a eu au moins le mérite de vous obliger à répondre, parce que, tout à l'heure, vous n'avez pas dénié apporter la moindre réponse !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pas du tout, monsieur Le Roux !
    Plusieurs députés de l'Union pour un mouvement populaire. Des excuses !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, je ne vous demanderai pas de vous excuser parce que je sais que de tels propos ne vous ressemblent pas. Un coup de fatigue, le jeudi, ça peut arriver ! (Sourires.) Je dis simplement, monsieur Le Roux, que, quand on ne veut pas recevoir de leçons, on n'en donne pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.).
    M. Bruno Le Roux. Vous, vous en donnez assez souvent !
    M. Manuel Valls. Votre majorité désavoue Raffarin !
    M. Bruno Le Roux. Au moins, ça vous a fait mal, monsieur le ministre !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, ça m'a fait de la peine !
    M. le président. Monsieur Le Roux, vous n'avez plus la parole !
    La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immigration n'est pas un sujet pour l'extrême droite, c'est un sujet pour l'ensemble de la classe politique, pour l'ensemble de nos concitoyens, pour tous ceux qui veulent faire de France un creuset fort de culture et d'identité. Seulement, ce débat est devenu tabou parce que certains ont voulu le cantonner en dehors de la République, parce que certains ont invité les préfectures et les procureurs à ne pas appliquer la loi, à ne pas en faire leur priorité.
    Ce débat, nous ne l'avons pas eu. Le résultat, c'est qu'il s'est radicalisé, comme nous avons pu le constater lors du premier tour des élections présidentielles. Lorsque près de 17 % des électeurs croient que les problèmes de la France sont le fruit de l'immigration, comment ne pas se sentir interpellé ?
    Il ne faut pas se voiler la face. Après plus de vingt-cinq modifications de l'ordonnance du 2 novembre 1945, moults débats, mesures, contre-mesures, la politique d'immigration et d'intégration de la France est un échec.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !
    M. Nicolas Perruchot. Nous n'avons plus la maîtrise des flux migratoires, prérogative essentielle de tout Etat et surtout condition indispensable à l'intégration des étrangers dans notre société. Sans maîtrise des flux migratoires, il n'y aura pas d'intégration réussie. Tant que nos concitoyens auront le sentiment que les étrangers arrivant en France de manière irrégulière ne sont pas raccompagnés à la frontière, ils continueront à faire un amalgame avec les étrangers légaux.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !
    M. Nicolas Perruchot. Il n'y a qu'à voir les réactions négatives sur le terrain face à l'arrivée de réfugiés. Ces personnes meurtries et cherchant en France un accueil digne se retrouvent souvent en butte à l'hostilité parce que d'autres contournent les règles d'entrée et de séjour en France.
    Cette situation a des conséquences sur l'accès des étrangers à l'emploi, au logement, aux loisirs, bref sur les relations des Français à l'étranger.
    L'immigration est donc un sujet sensible mais capital pour l'avenir de notre pays et pour sa cohésion sociale.
    Les faiblesses du système sont bien connues : détournements de la procédure d'asile, attestés par le quadruplement des demandes entre 1998 et 2001 ; explosion, que vous avez rappelée tout à l'heure, monsieur le ministre, du nombre d'attestations d'accueil, dont le nombre est passé de 160 000 à 735 000 entre 1997 et 2002 ; chute du taux d'exécution des décisions d'éloignement, qui est passé de 25 % à 17 % entre 1997 et 2001 ; manque de contrôle sur la mise en oeuvre de la législation.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et absence de volonté !
    M. Nicolas Perruchot. Est-il normal que nous ne sachions pas si le bénéficiaire d'un visa de court séjour est bien reparti au bout de trois mois ? Est-il normal que les ressources jugées suffisantes pour qu'un étranger puisse faire venir sa famille soient un SMIC ? Est-il normal que, lorsque ces ressources sont jugées insuffisantes - dans 70 % des cas - le taux d'accord pour le regroupement familial soit de plus de 80 % ? Est-il normal qu'on encourage les préfets à ne pas appliquer la loi ? Est-il normal qu'un officier de police judiciaire ne puisse pas appliquer une mesure de reconduite à la frontière parce que l'identité de l'étranger a été connue lors d'une procédure d'expulsion d'un squat ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !
    M. Nicolas Perruchot. Est-il normal que des réseaux de proxénétisme se mettent en place dans les centres d'accueil de réfugiés, sans que nous puissions rien faire ? Est-il normal qu'un officier d'état civil, confronté à des indices sérieux laissant présumer un mariage de complaisance, ne puisse pas auditionner les futurs époux ? Est-il normal qu'un étranger placé en zone de rétention depuis plusieurs jours, avant sa reconduite à la frontière ou son expulsion, puisse obtenir sa remise en liberté en demandant l'asile au dernier moment ? Est-il normal qu'un tribunal flambant neuf, à Roissy, ne soit pas utilisé, alors qu'il permettrait d'améliorer le traitement des dossiers des étrangers présents en zone d'attente ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh oui !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Nicolas Perruchot. Autant de situations que je ne comprends pas, et que nos concitoyens ne comprennent pas non plus.
    Face à cette situation, nous devons être responsables, car nos décisions auront des effets importants.
    La France restera-t-elle un Etat-nation, ou deviendrat-elle un agrégat de communautés, entraînant ainsi de profondes fractures au sein de notre société ? Pour moi, ce n'est ni la fermeture totale, ni l'ouverture totale de nos frontières qui permettra d'assurer l'intégration des étrangers et la prospérité de notre pays. Ce qui est déterminant, c'est notre capacité à maîtriser les flux migratoires et à mettre en oeuvre une véritable politique d'accueil et d'intégration des étrangers.
    Au moment d'aborder ce projet de loi, je souhaiterais vous remercier, monsieur le ministre, pour le courage que vous avez d'aborder, sans fard et sans tabous, la situation actuelle, et de proposer des solutions efficaces, mais respectueuses de la liberté et de la dignité des personnes humaines.
    Ce projet de loi va dans le bon sens, car il est équilibré. Il s'inscrit dans une démarche de respect du législateur. Depuis un an, nous constatons une amélioration sensible dans l'exécution des mesures d'éloignement et, tout simplement, dans l'application de la loi. C'est là le premier devoir de l'Etat, qui conditionne sa crédibilité auprès de nos concitoyens. Y avoir renoncé, ce n'est pas faire du social, c'est prendre des libertés avec la volonté du peuple, contre son gré. Aujourd'hui, c'est en toute transparence que l'on nous propose l'aménagement de la double peine, en lieu et place des libertés prises par nos précédesseurs - en toute illégalité, si l'on donne son sens à l'acte législatif.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !
    M. Nicolas Perruchot. Nous avons entendu des critiques relatives à ce projet, et des voix se sont élevées - et s'élèveront encore demain -, laissant entendre qu'il n'était pas nécessaire de durcir les conditions d'accès et de séjour des étrangers.
    M. Serge Blisko. Exactement.
    M. Nicolas Perruchot. Je ne crois pas qu'il s'agisse ici de durcir ou d'assouplir la législation ! Il faut sortir de cet antagonisme manichéen consistant à dire qu'il y a, d'un côté, ceux qui sont prêts à rouvrir les frontières, et, de l'autre, ceux qui veulent mener une politique protectionniste en réglementant durement les conditions d'entrée et de séjour.
    Je pense, pour ma part, que les partisans de ce combat se trompent d'objectif. Il faut cesser de raisonner en termes de clivage, et prendre ce problème dans un sens plus humaniste.
    Lors des nombreuses auditions et visites que nous avons effectuées avec mon collègue Jean-Christophe Lagarde pour préparer cette discussion, tous nos interlocuteurs nous ont dit que la loi RESEDA avait fait exploser le nombre d'arrivées sur le territoire français, sans pour autant qu'un dispositif d'accueil digne de ce nom ait été prévu.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai.
    M. Nicolas Perruchot. Les filières clandestines d'immigration sont de véritables réseaux mafieux, très structurés et organisés, qui profitent de la détresse des migrants pour les exploiter. Le passage coûte extrêmement cher et, pour payer, ces filières d'immigration disposent aussi de filières de travail clandestin, véritables lieux d'esclavagisme.
    On pourrait reprocher à ce texte d'instaurer des mesures très dures, mais je crois qu'il faut garder avant tout à l'esprit que, quel que soit le moyen utilisé, le trafic d'êtres humains ne saurait être toléré. Pour lutter et faire cesser ce scandale inacceptable dans nos sociétés modernes, il faut disposer d'un arsenal complet. N'oublions pas que les premières victimes de l'immigration clandestine sont les immigrés eux-mêmes qui vivent dans des conditions souvent très difficiles.
    M. Jean-Christophe Lagarde et M. Eric Raoult. Exactement !
    M. Nicolas Perruchot. Un seul texte - je le répète - aurait permis de montrer que le Gouvernement souhaite avant tout lutter contre l'immigration clandestine et proposer par ailleurs un parcours d'intégration dans la société française.
    M. Bruno Le Roux. Eh oui !
    M. Nicolas Perruchot. Je laisse le soin à mon collègue Jean-Christophe Lagarde de vous exposer notre vision d'une politique globale d'immigration et d'intégration, car tous ces sujets sont liés - nous le savons tous. J'en donnerai simplement deux exemples. Nous unifions la procédure de demande d'asile tout en maintenant des dispositions différentes pour le droit au séjour. Nous introduisons la condition d'intégration satisfaisante dans la société française pour l'obtention de la carte de résident et de la nationalité, mais seulement dans certains cas et sans prévoir un parcours d'intégration permettant à l'étranger de respecter cet engagement.
    Au groupe UDF, nous considérons que, pour traiter globalement un tel sujet, il aurait été opportun de ne présenter qu'un seul et même texte englobant tout à la fois l'entrée, le séjour puis l'intégration des étrangers en France. Ce texte aurait eu pour effet de tracer une ligne directrice, d'établir une philosophie générale. Nous sommes en droit de regretter, dès lors, l'absence d'un volet « intégration ». Une maîtrise de l'immigration réussie passe par une intégration proposée et satisfaisante. Il faut donner aux étrangers les moyens de s'intégrer dans la société française en leur proposant notamment un enseignement de la langue française et une connaissance des principes de notre république.
    Le texte qui nous est présenté renforce certaines dispositions afin de lutter plus efficacement contre les abus et la fraude en général. Je pense notamment aux attestations d'accueil, au regroupement familial ou encore aux mariages blancs.
    Je me félicite de constater - et nombre de mes collègues m'approuveront, j'en suis sûr - que vous ayez décidé, monsieur le ministre, de vous attaquer au problème du mariage blanc. Maire depuis deux ans, il m'est de plus en plus difficile de célébrer des mariages alors même que j'ai la conviction qu'ils sont frauduleux. Mais je n'ai pas les moyens d'y faire échec. Mariages blancs, mariages de complaisance, mariages forcés, quels que soient les termes employés, ils recouvrent tous le même problème, celui d'une économie parallèle dont sont victimes les femmes.
    Un mariage blanc se négocie dans ma commune entre 7 500 et 15 000 euros. Il représente en moyenne entre 15 % et 20 % des mariages célébrés. Les officiers d'état civil sont de plus en plus souvent confrontés à des demandes de mariage par des conjoints dont l'un est étranger et qui ne se connaissent visiblement pas, ne parlent pas la même langue, font appel à des témoins récurrents de mariage, exigent d'être mariés le plus rapidement possible. Autant d'indices qui conduisent les officiers d'état civil à saisir le procureur de la République, généralement sans résultat. Ils sont alors obligés de célébrer des mariages dont ils soupçonnent fortement le caractère frauduleux.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !
    M. Nicolas Perruchot. Votre texte sanctionne plus sévèrement ces mariages de complaisance. Un très grand nombre de maires attendent ces mesures.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Avec impatience !
    M. Nicolas Perruchot. Je crois qu'elles vont dans le bon sens.
    Il paraissait aussi souhaitable de donner au maire des pouvoirs supplémentaires en matière d'attestation d'accueil. Même si les conditions de délivrance sont durcies par le projet de loi, j'ai déposé un amendement qui permettra au maire d'être régulièrement informé sur les suites données aux attestations d'accueil. En effet, alors qu'il appartient au maire de valider ou non l'attestation, aucune disposition n'est envisagée qui permettrait qu'il soit tenu informé des suites de la procédure. C'est pourquoi il paraît opportun de prévoir une information complète des maires.
    S'agissant enfin de la possibilité de prendre les empreintes digitales des ressortissants demandant la délivrance d'un visa dans leur consulat ou à l'occasion du franchissement de la frontière, nous avons souhaité, avec mon collègue Jean-Christophe Lagarde, non seulement systématiser ce relevé d'empreintes, mais aussi l'accompagner de la prise d'une photo : si l'on veut rendre effectif ce système et constituer un fichier complet, il convient de procéder à ce relevé à chaque sollicitation de délivrance et à chaque franchissement de la frontière. Ces garanties supplémentaires rendront ce système encore plus efficace.
    Enfin, je souhaiterais conclure mon analyse sur le regroupement familial. Les critères proposés par l'ordonnance de 1945 ne semblent plus adaptés, et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous garantissiez qu'il sera procédé à la révision du décret concernant les critères de logement et de ressources.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est nécessaire !
    M. Nicolas Perruchot. Des abus sont fréquemment constatés, et la nécessité de réviser les décrets d'application s'impose.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est sûr !
    M. Nicolas Perruchot. Permettez-moi, avant de conclure, d'aborder un dernier point.
    Lorsque nous aurons adopté ce texte, nous n'aurons pas simplifié pour autant notre législation concernant les étrangers, qui est sans doute l'une des plus illisibles en Europe. Je pense que nous devons aller plus loin dans le suivi et la rationalisation des procédures. En tout état de cause, il est essentiel de garantir aux étrangers, à défaut d'une sécurité juridique quant aux règles qui les concernent et dont nous savons qu'elles ont une durée de vie moyenne inférieure à cinq ans, au moins une information claire et accessible sur leurs droits et sur leurs devoirs.
    Il nous reste du temps pour donner à la France une politique d'intégration digne de sa réputation de pays d'accueil et d'ouverture. J'espère que ce temps sera bien employé. La tâche est importante et, si nul n'est tenu à l'impossible, nous le sommes à l'ambition. Le sauvetage de notre lien social est, je crois, à ce prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. « Selon que l'on soit puissant ou misérable », cette formule revient de manière lancinante quand on considère les choix politiques du gouvernement Raffarin et du Président de la République.
    Monsieur le ministre, un vent mauvais souffle sur ce pays. Cette politique fabrique la haine. Les petites gens sont dans le collimateur et, de ce point de vue, votre texte a le mérite de la clarté.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous voulez qu'on vous rende vos bulldozers ?
    M. André Gerin. Après les retraites, nous changeons de sujet, mais pas de philosophie.
    De quel acharnement faites-vous preuve contre les simples gens : hier contre les travailleurs de notre pays en fin de carrière professionnelle, aujourd'hui contre les étrangers et les réfugiés, ces citoyens de notre planète qui n'ont pas la chance de vivre dans un monde doré et qui se voient la plupart du temps dénier toute citoyenneté ? C'est contre eux que s'élève le projet que vous dites relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers. On ne peut pas vous reprocher votre manque de courage pour présenter une politique ouvertement hostile aux immigrés, soupçonneuse jusqu'à en devenir tatillonne.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Moi, je n'ai jamais conduit de bulldozer !
    M. André Gerin. Mais votre courage ne va pas jusqu'à en assumer entièrement les conséquences.
    Permettez au maire que je suis, de surcroît d'une ville qui compte de nombreux émigrés et Français d'origine étrangère, de s'insurger contre la volonté de se défausser sur les élus locaux. Bien sûr, les mariages blancs, les faux justificatifs de domicile existent, mais ce n'est pas une raison pour enrôler les maires.
    M. Eric Diard. Qui est le mieux à même d'apprécier les situations ?
    M. Serge Grouard. Le maire !
    M. André Gerin. La politique de l'immigration est naturellement une question nationale. Il appartient à l'Etat et à lui seul de s'en occuper, avec le concours de la justice quand c'est nécessaire.
    Les médias ont fait grand cas de votre approche du problème de la double peine. A cet égard, l'avancée est incontestable et positive.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et les libertés locales. C'est honnête de le reconnaître !
    M. André Gerin. Je suis d'autant plus à l'aise pour le reconnaître que je fais partie de ceux qui se battent depuis bon nombre d'années sur cette question et que je pense que cette avancée humaine très importante aurait dû être réalisée depuis bien longtemps. Pour autant, la question de fond n'est pas réglée puisque la double peine est, sur le principe, maintenue.
    Quant au fond, l'arbre ne doit pas cacher la forêt. Je pense, au nom des député-e-s communistes et républicains, que vous installez une société sécuritaire féroce à l'égard de notre peuple.
    Je n'oublie pas le triste anniversaire des lois Pasqua de 1993. D'ailleurs, les député-e-s communistes et républicains ont toujours été pour l'abrogation des lois Pasqua-Debré et ils n'ont pas soutenu les lois Chevènement.
    Au nom d'un pragmatisme qui fait frissonner d'aise vos admirateurs, vous dites récuser à la fois le dogme de l'immigration zéro et celui du laissez-passer sans réserve. Vous dites vouloir revenir à une approche « sereine ». Bref, vous voulez maîtriser le flux migratoire.
    La commission des lois a adopté un amendement tendant à introduire un article préliminaire, qui fait explicitement allusion à ce flux migratoire et donne mission au Premier ministre d'en établir chaque année un bilan. On ne saurait se plaindre de cette initiative.
    L'architecture de votre projet de loi s'appuie sur un socle dont vous avez éprouvé la solidité en d'autres occasions : la lutte contre les fauteurs de désordres publics, en l'occurrence les organisateurs de l'immigration clandestine.
    Je veux être aussi clair que vous : oui, il faut mener un combat résolu, tenace, opiniâtre, sans complaisance, sans concession contre les marchands d'hommes, les négriers, les trafiquants de main-d'oeuvre en tous genres, les patrons des ateliers clandestins. Vous n'ignorez pas qu'il existe de gros et de puissants trafiquants qui ont malheureusement pignon sur rue.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ecoutez donc ce que dit M. Le Roux !
    M. André Gerin. Mais fondamentalement, ce n'est pas de cela qu'il est question dans votre projet de loi. Il est significatif que votre texte ne comporte pas une ligne pour défendre ou protéger les étrangers victimes de ces bandits. Pire, chaque fois que vous évoquez l'immigration clandestine, vous procédez par un scandaleux amalgame entre les voyous et les victimes. En clair, les victimes des truands ne valent guère mieux que les trafiquants. Dès lors, tous les coups sont permis.
    Imaginez un étranger qui a fait un long voyage, dupé ou forcé, et qui se voit arrêté puis placé dans un centre de rétention. S'il refuse de signer le procès-verbal lui signifiant sa situation irrégulière et le refus de son admission sur le sol national, votre projet de loi lui fait perdre le maigre bénéfice du jour franc. Voilà une disposition d'une rare perversité puisque la victime se voit punie pour n'avoir pas le fair-play de reconnaître - mais peut-être ne peut-elle le comprendre - qu'elle a été flouée.
    Cette perversité est tout sauf une maladresse. Elle vise systématiquement à jeter la suspicion sur l'étranger qui se présente à nos frontières. Il s'agit à tout prix de faire passer dans l'opinion l'idée que nous avons à nous défendre, dans le cadre de l'Europe et de l'espace Schengen, contre l'invasion sournoise, « économique », des hordes du Sud ou d'ailleurs.
    Vous spéculez sur la frayeur de l'opinion. Vous vous vantez souvent de vous attaquer à des maux que le précédent gouvernement a délaissés,...
    M. Eric Raoult. Ça, oui !
    M. André Gerin. Bientôt, vous pourrez vous vanter d'avoir anticipé des solutions réclamées par le Front national.
    M. Eric Raoult. Oh ! là là !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Gerin dérape !
    M. André Gerin. Il est devenu de bon ton de dire que vous posez de vrais problèmes. En vérité, vous renversez outrageusement la problématique.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ça, c'est fort !
    M. André Gerin. La réalité se trouve dans ce que dit le chef de l'office central de la répression pour l'immigration irrégulière, à qui M. Mariani fait référence dans son rapport.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Attention, il est là, derrière moi ! (Sourires.)
    M. André Gerin. La réalité, c'est que l'Europe des riches veut se barricader pour se protéger de la misère du monde, comme dans ces quartiers résidentiels des Etats-Unis, ceints de hauts murs, clos par de lourds portails et étroitement surveillés à l'aide des dispositifs les plus sophistiqués.
    La réalité, c'est que l'Europe abrite moins de 5 % des réfugiés du monde, alors qu'il y a plus de réfugiés en Tanzanie que dans les quinze pays membres de l'Union européenne.
    Il est triste de voir la France s'engager dans cette voie, qui rassure peut-être ceux qui ont trop d'argent pour vivre mais qui empoisonne la vie de millions de simples gens.
    Le vernis républicain de la politique actuelle ne résiste pas face à cette terrible réalité. Notre république ne souffre pas de trop de république, mais d'un refus d'intégration des immigrés. La problématique est encore renversée lorsque vous prétendez renouveler le projet d'intégration en délivrant de façon parcimonieuse et hautement conditionnelle des contrats d'accueil et d'intégration, censés offrir aux nouveaux arrivants des formations linguistiques, sociales et professionnelles, ainsi qu'un accompagnement personnalisé, contractualisant des engagements du pays d'accueil.
    Quel fossé entre cette immigration « vitrine » et la réalité que votre projet de loi va dramatiquement aggraver ! En fait, de façon tout à fait pragmatique, vous voulez contrôler les flux migratoires pour répondre à la demande du capital en main-d'oeuvre et pour rejeter tous ceux qui vous semblent de ce point de vue inutiles.
    Nous sommes bien éloignés du principe républicain de la France terre d'accueil et d'asile.
    M. Gérard Léonard. Non !
    M. André Gerin. Votre projet généralise la précarisation. La carte de séjour d'une année renouvelable devient la norme, même pour ceux qui ont des attaches fortes en France. Le délai d'obtention de la carte de résident est réculé de trois à cinq ans et, nouvelle manifestation de renversement de la problématique, il faudra dorénavant faire preuve d'une bonne volonté d'intégration pour l'obtenir, alors qu'à sa création en 1984, adoptée à l'unanimité par la représentation nationale, elle a été considérée comme un outil d'intégration et comme marquant une avancée considérable.
    Les conditions pour le regroupement familial deviennent de plus en plus draconiennes. Mais qui peut croire qu'en précarisant le statut des conjoints, parents, membres d'une famille, on favorisera leur intégration ? Bien au contraire, le projet de loi pèsera sur les plus fragiles, et en premier lieu sur les femmes immigrées.
    Non content de généraliser la précarisation, vous finissez avec votre projet par instaurer la suspicion généralisée. Votre texte durcit tout un ensemble de dispositions existantes et en instaure d'autres, au point de mettre en oeuvre des modes de gestion de l'immigration qui n'ont rien à voir avec nos traditions, ni avec les valeurs humanistes de notre pays.
    Durcissement des conditions de délivrance de l'attestation d'accueil, généralisation des prises d'empreintes digitales, soupçon de principe envers les documents d'état civil étrangers, consécration de la notion de « paternité de complaisance » : tout est fait pour que l'on soit amené à penser que l'étranger est a priori un fraudeur. Il n'est pas besoin de chercher bien loin pour trouver quel public vous voulez séduire avec de telles conceptions.
    J'en viens au point le plus scandaleux de votre projet : la rétention administrative et l'allongement de sa durée.
    Il faut le dire avec force, les zones d'attente sont des zones de non-droit. Certaines offrent des conditions d'hébergement totalement indignes de notre pays, au point que de très nombreuses associations d'entraide demandent leur fermeture.
    M. Serge Grouard. Qu'avez-vous fait à ce sujet pendant cinq ans ?
    M. André Gerin. L'état des lieux met en évidence le non-respect des normes d'accueil dans au moins sept centres en province et trois dans la région parisienne. A Bordeaux, par exemple, le centre est installé dans les sous-sols sans fenêtres d'un commissariat ; à Nantes, les locaux sont vétustes au point que les plafonds menacent de s'écrouler ; à Rivesaltes, le système électrique est hors normes ; à Calais, les retenus dorment dans un dortoir souvent sale, gardés par des CRS ; à Toulouse, les plafonds grillagés font songer à une cage.
    Mais il n'y a pas que les locaux qui posent un problème. La situation des étrangers dans ces centres ressemble beaucoup trop à celle de détenus. Les privations de liberté rappellent l'incarcération, en pire. Or rien ne justifie un tel traitement qui, circonstance aggravante, est infligé en dehors de tout contrôle du judiciaire.
    L'exercice de leurs droits par les étrangers se révèle bien souvent aléatoire. L'information des retenus est rarement et mal assurée. Ceux-ci ignorent bien souvent le sort qui leur est réservé. Les interprètes font défaut et les conseillers juridiques sont la plupart du temps inexistants. Allonger dans ces conditions la durée de la rétention administrative revient à faire payer plus lourdement aux étrangers le seul fait d'avoir choisi la France pour destination.
    Pour ce qui me concerne, je pense qu'il faut aller dans le sens de la fermeture totale de ces zones de rétention afin que l'accueil des étrangers soit reconsidéré de manière digne et humaine dans le cadre du droit et des conventions internationales. Je ferai des propositions à ce sujet.
    M. Serge Grouard. « Y a qu'à ! »
    M. André Gerin. Il faut entendre et lire ce qu'écrivent les associations qui se préoccupent activement du sort des étrangers arrivant à nos frontières et à nos aéroports : « La situation de la zone d'attente de l'aéroport Charles-de-Gaulle de Roissy est particulière : c'est là que sont maintenus la quasi-totalité des étrangers en zone d'attente et que sont enregistrés 96 à 98 % des demandes d'asile. Les conditions sont particulièrement éprouvantes pour les étrangers qui sont maintenus dans ces lieux en général non aérés et sans accès direct aux sanitaires. Les conditions de travail sont également difficiles pour les personnels de la police affectés à ces lieux. »
    Ces associations s'alarment des violences dont se disent victimes, de façon récurrente, les étrangers en attente d'admission sur le territoire. Les brutalités physiques sont courantes et nombreuses, de même que les pressions psychologiques et les humiliations. J'en veux pour preuve ces témoignages d'étrangers traités de « macaques » ou séparés en fonction de leur confession lors d'un déplacement collectif.
    Les associations relèvent des pratiques totalement répréhensibles au regard du respect des droits de l'homme : privations de repas, accès limité aux sanitaires dans les postes de police, appels en pleine nuit par des haut-parleurs à un volume de son excessivement élevé afin d'identifier l'ensemble des personnes. Et que dire des pressions psychologiques visant à obtenir d'un étranger qu'il renonce à faire valoir ses droits fondamentaux ?
    J'insiste sur le fait que ces observations ont été consignées bien avant l'élaboration du présent projet de loi.
    Notre pays se doit de sortir de cette ornière nauséabonde où fleurissent la xénophobie, la haine de l'autre, la méfiance comme mode premier des relations humaines. Nous devons retrouver le chemin du droit en fermant définitivement ces centres d'un autre âge et en réfléchissant à des réponses dignes de ce nom et du xxie siècle, modernes et humaines.
    En conclusion, je dirai qu'il est vain de croire que l'on peut faire cesser certains flux migratoires, ainsi que des analystes sérieux l'ont montré. Il est tout aussi vain de penser que ces flux pourraient déborder au-delà de certaines limites et devenir dangereux. Il est stupide et choquant d'ignorer, du point de vue même de l'intérêt national et de la francophonie culturelle, que c'est une chance pour nous que des étrangers choisissent notre pays, notre culture, notre langue. Nous avons envers eux un devoir de reconnaissance d'autant plus que beaucoup ont eu à subir la colonisation de la France. Certains de nos voisins proches ont eu l'intelligence de le comprendre et de saisir cette chance en opérant des régularisations régulières.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Oui, mais ils ont cessé !
    M. André Gerin. Il ne faut pas perdre de vue que la politique actuelle de répression que mène la France n'est pas seulement un manquement à une tradition d'honneur et à des droits (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qu'elle n'est pas seulement une ignominieuse trahison, mais qu'elle est aussi un mensonge et une grossière mystification...
    M. le président. Monsieur Gerin, il vous faut conclure !
    M. André Gerin. Je vais conclure, monsieur le président.
    Cette politique est une réponse à un danger imaginaire qui sert d'alibi à une politique de racolage actif, qu'il s'agisse du chômage, de l'économie de marché, de la spéculation, dont la dérégulation est une machine à produire de la misère et de la marginalisation, qu'il s'agisse d'un horizon européen commandé par des calculs simplistes, par une fausse science économique, un abandon de pouvoir laissé aux mains des banques centrales.
    N'oublions pas que, si les premières victimes de cette stratégie sordide sont les immigrés et les « sans-papiers », il en résulte un système policier d'inquisition, de fichage et de quadrillage qui menace chaque citoyen dans l'exercice de ses libertés individuelles et collectives.
    Il faut que nous puissions vivre, parler, respirer autrement. Or le délit d'hospitalité sera puni d'emprisonnement. Mais que devient un pays, une culture, une langue, quand on peut parler de délit d'hospitalité, quand la générosité devient aux yeux de la loi un crime ?
    Il faut que nous puissions retrouver le goût d'habiter une culture, une langue et un pays où l'hospitalité soit non plus un crime, mais une vertu.
    C'est le sens de l'attitude constante des député-e-s communistes et républicains, de leur opposition aux lois Pasqua-Debré...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce sont des mensonges et je vais vous le prouver !
    M. André Gerin. Non seulement ce ne sont pas des mensonges, mais je pense que nous pouvons vous prendre en flagrant délit de non-respect de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Gerin, votre intervention comportait deux mensonges et je vais vous le démontrer.
    Le centre de rétention administrative de Coquelles est le plus moderne de France. Il a été inauguré il y a six mois. Dans le Calaisis, les étrangers étaient auparavant placés dans des conditions scandaleuses par les gouvernements que vous avez soutenus.
    M. Eric Raoult. Oh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Depuis six mois, le centre de Coquelles, le plus moderne de France, est ouvert. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je mets au défi la représentation nationale de me démontrer le contraire.
    Premier mensonge, donc.
    Avez-vous été au ZAPI 2 et au ZAPI 3 ?
    M. André Gerin. Je n'ai pas compris votre question !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Savez-vous ce que sont le ZAPI 2 et le ZAPI 3 ? Ce sont les centres de rétention administratifs de Roissy, que vous avez dénoncés. Mais comme vous n'en connaissez même pas le nom, j'en tire la conclusion que vous ne vous y êtes pas rendu.
    Quant à moi, j'y suis allé, tout comme un certain nombre de vos collègues. J'y ai même passé une partie de la nuit.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est moderne et propre !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quelqu'un peut-il affirmer que les ZAPI 2 et ZAPI 3, quand il n'y a pas de surpopulation, font honte à la France ?...
    M. Bruno Le Roux. Celui de Bobigny, si !
    M. Christian Vanneste. Cela se réglera dans le futur !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non, personne ne peut le dire. Il s'agit donc d'un deuxième mensonge.
    Monsieur Gerin, croyez bien que je ne vous mets pas en cause en tant qu'homme : j'ai simplement repris les deux exemples que vous aviez cités.
    Je reconnais que nous avons beaucoup de progrès à faire, mais je n'accepterai pas les mensonges.
    Mais il y a en fait un troisième mensonge.
    Qu'il soit bien entendu que je ne laisserai pas dans ce débat insulter des fonctionnaires français,...
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... qui font un travail parmi les plus difficiles qui soient.
    Une polémique a éclaté avec quelques associations à propos de brutalités qui auraient été commises à l'embarquement. J'ai pris ces affirmations au sérieux, mais j'avais fait filmer les embarquements.
    J'ai invité les sept journalistes qui avaient écrit des articles dénonçant ces brutalités à venir voir au ministère de l'intérieur la totalité du film.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On avait même annoncé qu'on porterait plainte contre la France devant la Convention européenne des droits de l'homme.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Exact !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais où est la plainte ? Que sont devenus les articles ? Les journalistes ont pu voir qu'il n'y avait eu aucune brutalité.
    Si des brutalités sont commises, je les sanctionnerai. Mais, de grâce, monsieur Gerin, ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse ! Les fonctionnaires de la police de l'air et des frontières font un travail difficile. Que personne ne les insulte, en tout cas pas en ma présence ni devant la représentation nationale ! L'amalgame est trop grave !
    Figurez-vous que certains d'entre eux écoutent nos débats et ils ne peuvent que se dire qu'ils font le sale boulot pour la société.
    M. Jean-Christophe Lagarde. On les laisse tomber depuis des années !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous êtes un homme très humain, monsieur Gerin, mais, excusez-moi de vous le dire, les fonctionnaires de police font leur travail de façon républicaine et ils ne méritaient pas un tel traitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, une nouvelle fois vous n'avez pas hésité à vous saisir d'un dossier qui, trop longtemps, par faute de courage, a été occulté. Depuis des années, notre pays a tâtonné entre immobilisme et renoncement en matière de politique de l'immigration. Ce projet de loi marque une vraie rupture et témoigne de la volonté du Gouvernement de redéfinir un cap, de préciser des objectifs et de fonder une doctrine. C'est un texte équilibré, responsable et volontaire.
    L'équilibre se retrouve dans l'appréciation profondément humaniste qui inspire le projet de loi. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir rejeté avec la même force le laxisme et l'extrémisme qui, depuis dès années, prospèrent dans une vraie complicité. D'un côté, les partisans d'une France fermée, repliée sur elle-même, tournant le dos à sa culture, à sa tradition et à son histoire ; de l'autre, un pays ouvert à tous les vents, sans frontière, ce qui revient finalement à supprimer toutes les lois et les règles d'une démocratie.
    L'immigration a trop souvent représenté l'enjeu de débats caricaturaux qui ont exploité la détresse humaine au service d'objectifs électoraux. Régulièrement depuis vingt ans, nous entendons la même rengaine.
    M. Eric Raoult et M. Jean Roatta. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi. Systématiquement, à la veille de chaque échéance électorale, nous voyons le Parti socialiste inscrire en grosses lettres le droit de vote des immigrés dans son programme électoral et susciter des passions qui font du Front national son allié objectif. J'en veux pour preuve la politique profondément démagogique du précédent gouvernement, qui a procédé à des régularisations massives d'étrangers en situation irrégulière dans notre pays. Cette attitude délibérement provocatrice n'a fait qu'exacerber les tension inutiles sur ce sujet qui sans doute, plus que tout autre, doit s'éloigner des débats idéologiques. Vous tournez résolument le dos à ces errements coupables.
    Ce projet est responsable, dans la mesure, où pour la première fois, est appliqué un principe tellement simple qu'on l'a trop souvent oublié : le respect de la loi. Votre attitude ne souffre pas d'ambiguïtés. Les étrangers qui respectent les lois de la République ont des droits et doivent bénéficier de l'attention permanente de la communauté nationale. Les étrangers qui, dès leur arrivée sur le territoire national, transgressent nos lois n'y ont pas leur place et doivent être reconduits chez eux !
    Cette distinction capitale doit en permanence inspirer notre politique d'immigration. Placer sur le même plan les étrangers en situation régulière et ceux qui ne le sont pas constitue une faute lourde. Les étrangers légalement installés sur notre territoire sont les premières victimes d'une situation conduisant aux amalgames les plus injustes. Or, notre pays se doit de les accueillir avec la considération qu'ils méritent. Le Président de la République et le Gouvernement ont pris là aussi des initiatives majeures pour favoriser l'intégration des ressortissants étrangers dans la communauté française.
    Ce texte est également caractérisé par le volontarisme du Gouvernement, qui dessine clairement les contours d'une vraie politique d'immigration pour notre pays. Les fondements de cette politique sont aussi exigeants qu'ambitieux.
    D'abord, le respect de la tradition d'accueil et d'asile qui a forgé la nation française. La France s'est enrichie au fil des siècles d'apports successifs de populations étrangères, elle a toujours accueilli sur son sol les victimes de la tyrannie ou de l'oppression. Notre pays se doit de préserver cette tradition, qui est intimement associée à son rayonnement politique, intellectuel et culturel dans le monde.
    Ensuite, la maîtrise volontaire des flux migratoires. La France a le droit de choisir et de réguler démocratiquement le nombre des personnes étrangères qu'elle souhaite accueillir.
    Par les dispositions de ce projet de loi, monsieur le ministre, vous dotez notre pays d'un arsenal législatif qui va enfin lui restituer cette capacité de choix dont il a été trop longtemps privé.
    Là encore, il relève d'un véritable scandale démocratique que de constater qu'à peine 17 % des procédures d'éloignement de personnes en situation irrégulière sur le sol national ont été exécutées en 2001.
    Par la seule force de la volonté et de l'action, depuis mai 2002, dans le cadre d'une législation qui n'était pas encore réformée, vous avez inversé cette tendance en faisant progresser, de façon notable, le taux d'exécution des décisions d'éloignement.
    Pour autant, il convenait de lever des obstacles juridiques insurmontables. La création d'un fichier d'empreintes digitales pour les demandeurs de visas, l'allongement de la période de rétention, la lutte contre les attestations d'accueil frauduleuses ou contre les mariages blancs contribueront à tarir considérablement les sources d'immigration clandestines.
    Ces dispositions, conjuguées à la détermination avec laquelle vous avez, depuis le début de l'année, procédé à l'organisation de retours groupés, en parfaite coordination avec les pays d'origine des clandestins, devront ainsi conduire à une croissance rapide du taux d'exécution des reconduites à la frontière. Elles s'harmonisent d'ailleurs parfaitement avec la loi réformant le droit d'asile que nous avons récemment adoptée.
    Pour finir, je souhaite souligner le sens de certains amendements adoptés par la commission des lois.
    Tout d'abord, il s'agit d'ouvrir la possibilité d'autoriser des sociétés privées à procéder au transfèrement d'étrangers en situation irrégulière d'un centre de rétention au palais de justice.
    Vous avez rendu à l'instant hommage, monsieur le ministre, à la police de l'air et des frontières. Je veux, pour ma part, rendre hommage à ces policiers qui sont chargés tous les jours de l'accompagnement des personnes placées dans les centres de rétention vers les palais de justice. Vous avez rappelé devant la commission des lois la situation du centre de Roissy : le gouvernement précédent a aménagé des lieux pour les mettre à disposition des magistrats du tribunal de Bobigny, mais ceux-ci refusent de les occuper.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi. Ce qui fait que près de soixante-cinq policiers sont obligés de consacrer chaque jour leur temps et leurs efforts à des tâches d'accompagnement et de transfèrement des étrangers...
    M. Jean-Christophe Lagarde. Alors qu'on en aurait bien besoin ailleurs !
    M. Christian Estrosi. ... vers Roissy où les magistrats les font attendre dans des conditions souvent déplorables.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et ils repartent sans même avoir été jugés !
    M. Christian Estrosi. Nous devons rendre leur dignité à ces policiers, qui ont fait le choix d'assurer d'abord la sécurité des personnes et des biens sur la voie publique, au service de nos concitoyens. Voilà pourquoi nous avons, avec un certain nombre de collègues, proposé de transférer cette charge à des sociétés privées qui, dès lors que ces étrangers ne sont pas dangereux, pourront parfaitement remplir cette mission et, de ce fait, en libérer les policiers.
    Mme Chantal Brunel. Regardez à gauche : il n'y a plus personne !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Sans doute les socialistes sont-ils au purgatoire !
    M. Christian Estrosi. Les autres amendements concernent l'instauration d'une amende pour les compagnies aériennes autorisant l'entrée sur le sol national d'étrangers en situation irrégulière et la possibilité de procéder à la déchéance de la nationalité française pour les personnes ayant été convaincues d'actes de terrorisme et qui avaient formulé leur demande d'acquisition de la nationalité française préalablement à leur condamnation.
    Au total, ce projet de loi doit nous permettre d'aborder enfin, dans l'apaisement et la sérénité, les questions relatives à l'intégration des étrangers dans notre pays.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous sommes entre nous, il n'y a plus de gauche !
    M. Christian Estrosi. Eh oui, cher Thierry Mariani, nous sommes heureux de constater tout l'intérêt que nos interventions suscitent dans l'opposition qui s'est exprimée avec tant de férocité à cette tribune.
    En tout cas, monsieur le ministre, depuis la fermeture du centre de Sangatte, notre action en matière d'immigration fait honneur à notre pays. Aujourd'hui, ce projet de loi marque une nouvelle étape décisive dans l'élaboration d'une politique d'immigration à la fois généreuse et rigoureuse. Nous vous soutenons sans réserve dans cette démarche courageuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

    M. le président. Par lettre du 2 juillet 2003, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Luc-Marie Châtel, député de la Haute-Marne, avait pris fin le 30 juin 2003.

3

DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 3 juillet 2003, de M. Philippe Douste-Blazy, président de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision, le rapport fait au nom de cette commission par M. Michel Diefenbacher.
    Le rapport sera imprimé sous le n° 1004 et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.
    La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la Présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt du rapport au Journal officiel, soit avant le jeudi 10 juillet 2003.

4

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de programme pour l'outre-mer.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heure trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 823, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France :
    M. Thierry Mariani, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 949.)
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT