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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MARDI 8 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du lundi 7 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Réforme du Sénat. - Election des sénateurs. - Suite de la discussion d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi adoptées par le Sénat «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (suite) «...»

MM.
Guy Geoffroy,
Bruno Le Roux.
Clôture de la discussion générale commune.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION
DE LA PROPOSITION DE LOI
PORTANT RÉFORME DE L'ÉLECTION DES SÉNATEURS «...»

Motion de renvoi en commission de M. Ayrault : Mme Catherine Génisson, MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Pascal Clément, président de la commission des lois ; Guy Geoffroy, Jean-Jack Queyranne. - Rejet.

Loi organique portant réforme du Sénat
DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er. - Adoption «...»
Article 2 «...»

Amendements identiques n°s 2 de M. Vaxès et 4 de M. Roman : MM. Michel Vaxès, Bernard Roman, Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois ; le président de la commission, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

Article 3 «...»

Amendement n° 5 de M. Roman : M. Bernard Roman.
Les amendements n°s 5 et 6 de M. Roman n'ont plus d'objet.
Adoption de l'article 3.

Après l'article 3 «...»

Amendement n° 7 de M. Dosière : MM. Jean-Jack Queyranne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 4 «...»

Amendements identiques n°s 3 de M. Vaxès et 8 de M. Roman : MM. Michel Vaxès, Bernard Roman, le rapporteur, le ministre, Robert Pandraud. - Rejet.
Adoption de l'article 4.

Article 5 «...»

Amendement n° 9 de M. Roman : MM. Bernard Roman, le rapporteur, le président de la commission, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. - Retrait.
MM. Bernard Roman, le président de la commission.
Adoption de l'article 5.

Articles 6 et 7. - Adoptions «...»
Article 8 «...»

M. Mansour Kamardine.
Adoption de l'article 8.
Le vote sur l'ensemble de la proposition de loi organique aura lieu après la discussion des articles de la proposition de loi.

Loi sur l'élection des sénateurs
DISCUSSION DES ARTICLES
Article 1er «...»

Amendement de suppression n° 9 de M. Roman : MM. Bernard Roman, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission des lois : M. le rapporteur.
Retrait des amendements n°s 1 à 3 de la commission.
Adoption de l'article 1er.

Articles 2 à 4. - Adoptions «...»
Après l'article 4 «...»

Amendements n°s 4 de M. Vaxès, 16 de M. Roman, 5 de M. Vaxès et 17 de M. Roman : MM. Michel Vaxès,Bernard Roman, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 6 de M. Vaxès. - Rejet.

Article 5 «...»

Amendements de suppression n°s 7 de M. Vaxès et 10 de M. Roman : MM. Michel Vaxès, Bernard Roman, le rapporteur, le président de la commission, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 11 de M. Roman : M. Bernard Roman. - L'amendement n'a plus d'objet.
Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes.
Adoption de l'article 5.

Article 6 «...»

Amendements de suppression n°s 8 de M. Vaxès et 12 de M. Roman : MM. Michel Vaxès, Bernard Roman, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 13 de M. Roman : MM. Bernard Roman, le rapporteur, le ministre, Guy Geoffroy, Bruno Le Roux, Gilbert Gantier. - Rejet.
Adoption de l'article 6.

Après l'article 6 «...»

Amendement n° 14 de M. Roman : MM. Jean-Jack Queyranne, le rapporteur, le ministre, Bernard Roman. - Rejet.

Article 7. - Adoption «...»
Après l'article 7 «...»

Amendement n° 15 de M. Dosière : MM. Bernard Roman, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Bernard Roman,
Guy Geoffroy,
Michel Vaxès.

VOTE SUR L'ENSEMBLE
DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
PORTANT RÉFORME DU SÉNAT «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi organique portant réforme du Sénat.

VOTE SUR L'ENSEMBLE
DE LA PROPOSITION DE LOI
SUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi sur l'élection des sénateurs.
2.  Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

RÉFORME DU SÉNAT
ÉLECTION DES SÉNATEURS

Suite de la discussion
d'une proposition de loi organique
et d'une proposition de loi adoptées par le Sénat

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion :
    - de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (n°s 936, 1000) ;
    - de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réforme de l'élection des sénateurs (n°s 937, 1000).

Discussion générale commune (suite)

    Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, nous sommes donc à mi-chemin de la discussion générale de ces deux propositions de loi relatives au Sénat. Pour le nouveau parlementaire que je suis,...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Nouveau, mais talentueux !
    M. Guy Geoffroy. ... l'évocation de ces deux textes au sein de cette assemblée ne manque pas de m'interroger. Je m'étais déjà étonné, lors des discussions que nous avons eues à l'occasion de la révision constitutionnelle, de cet acharnement dont certains de nos collègues font preuve à l'égard du Sénat.
    Je voudrais faire une mise au point préalable au cas où certains auraient des doutes. Il est vrai que si ces textes, que j'ai lus dans le détail, comme chacun d'entre nous, étaient adoptés, le département de Seine-et-Marne, dont je suis l'élu, aurait deux sénateurs de plus. Je rassure tous ceux qui se poseraient des questions à cet égard : je n'ai nulle intention, en 2004, d'être candidat au Sénat dans mon département.
    M. Bruno Le Roux. Ce serait un appauvrissement de l'Assemblée !
    M. Guy Geoffroy. Mon intervention présente donc un caractère totalement gratuit et tout à fait républicain.
    M. Bruno Le Roux. Nous serons au moins deux !
    M. Guy Geoffroy. Je dis cela avec une certaine dose d'humour, car ces textes, qui ne traduisent pas une ambition exagérée, mais ont au moins le mérite d'exister, et que le Sénat a eu le courage de nous présenter, ne méritent pas l'opprobre qui leur est réservé. En effet, il est de bon ton dans cette assemblée, sur certains bancs en particulier, mais d'autres n'en sont pas exclus, de crier haro sur le Sénat. Jean-Jack Queyranne nous a appelés ce matin à un peu plus de mesure et de raison.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Admettons une bonne fois pour toutes que le choix a été fait, sous les multiples républiques que nous avons connues, de faire du Sénat notre seconde assemblée nécessaire, celle qui équilibre, celle qui agit dans la durée, celle qui donne de la mesure face aux mouvements parfois erratiques de notre opinion publique. Bref, celle qui équilibre nos institutions. Les attaques réitérées contre la Haute Assemblée ne sont bonnes ni pour notre démocratie ni pour notre institution parlementaire. Il est de bon ton aujourd'hui, sur certains bancs, de dire que le Sénat, c'est anachronique, que c'est une « anomalie », que c'est ringard, que cela ne rime plus à rien et qu'il faut soit le supprimer, soit le réformer profondément pour en faire une Assemblée nationale bis, ce qui serait le pire. Tout cela est très injuste. J'entendais tout à l'heure avec beaucoup d'émotion Bernard Roman rendre un hommage tout particulier au statut du député devenant sénateur. Je l'entendais dire, parlant de ses collègues socialistes, que lorsque l'on quitte l'Assemblée nationale pour entrer au Sénat on cesse d'être socialiste pour devenir sénateur. C'est émouvant et cela mérite de figurer dans les plus belles pages de l'histoire de notre assemblée. Ainsi le sénateur François Mitterrand, retoqué du suffrage universel direct en 1958,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Eh oui !
    M. Guy Geoffroy. ... ne serait-il en 1959, accédant au Sénat, qu'un pauvre hère essayant de trouver une place dans l'attente de jours meilleurs ! Ainsi, les sénateurs Robert Badinter, Pierre Mauroy, Michel Charasse et autres ne seraient-ils que des bannis du socialisme devenus sénateurs et méritant à ce titre l'opprobre général. Soyons sérieux ! Il est clair que le Sénat a eu un rôle à jouer tout au long de l'histoire de notre République. Et ce n'est pas en 1946, quand les constituants ont décidé de le ramener au rang de Conseil de la République, qu'il a perdu son rôle d'élément fort et équilibrant, qui n'a jamais pris et ne devra jamais prendre la place de l'Assemblée nationale. Sans doute faut-il à cet égard préciser la portée de certains termes après la dernière révision constitutionnelle. Accorder la primeur au Sénat pour l'examen de certains textes ne veut pas dire lui accorder la primauté. Je ne me suis jamais senti diminué dans mes charges de député de la République, et cela ne sera pas plus le cas demain qu'hier ou qu'aujourd'hui, depuis qu'il a été décidé que certains textes pourraient être examinés en première lecture d'abord par le Sénat. Aurions-nous peur, nous députés, que ces textes soient examinés d'abord par le Sénat au point d'être totalement muets lorsqu'ils arrivent ensuite ici ?
    M. Bruno Le Roux. Quand ils arrivent ici, le Gouvernement vous oblige à les adopter conformes !
    M. Guy Geoffroy. Démonstration en a été faite avec le procès d'intention que vous nous avez intenté lors de l'examen récent du projet de loi sur la Corse, dont on connaît malheureusement le sort définitif depuis hier. Vous nous aviez alors a priori reproché de vouloir adopter le texte conforme, ce que nous n'avons pas fait. Nous avons pleinement assumé, tous ensemble, nos responsabilités de législateur premier et ultime. C'est le rôle de l'Assemblée nationale.
    Ces propositions de loi méritent-elles cet opprobre ? Probablement pas. Les sénateurs ont en effet pris une initiative qu'ils n'étaient pas obligés de prendre, même sous la contrainte, en décidant de ramener la durée de leur mandat de neuf à six ans. Cela a été souligné par les élus de l'opposition et cela mérite à nouveau d'être salué, parce que c'est un des éléments essentiels de cette réforme. Il lui donne sa véritable dimension tout en maintenant une certaine durée aux réflexions et aux travaux du Sénat.
    Autre élément : l'âge. On prétend que le changement n'est pas radical. Certes, on peut partir de trente-cinq ans pour arriver un jour à vingt-trois ans, et pourquoi pas dix-huit ou un âge intermédiaire ? Cela serait sujet à critique. Je suis d'ailleurs surpris que nos collègues socialistes n'aient pas relevé ce qui a été dit en commission des lois dont les travaux, menés sous la houlette du président Clément, ont été très sérieux.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Comme toujours !
    M. Guy Geoffroy. La commission a en effet souligné que les sénateurs étant, de par la Constitution, les représentants des collectivités territoriales, il n'était pas outrageant d'exiger d'eux une certaine expérience de la vie des collectivités locales. C'est l'esprit qui a animé le Sénat. Je le disais ce matin : nous ne sommes pas au bout du compte. Il y aura probablement d'autres réflexions, d'autres inflexions, mais ce premier pas me semble intéressant.
    Deux autres points méritent réflexion et je voudrais m'y attarder avant de conclure. Le premier tient au mode de désignation des sénateurs et le second à la parité.
    Le mode de désignation des sénateurs, sous la IIIe République, était exclusivement le scrutin majoritaire et personne à l'époque n'y voyait malice. Puis, après l'intermède de la IVe République, il est devenu plus équilibré, combinant les systèmes proportionnel et majoritaire, pour tenir compte des écarts de population entre départements. Il est excessif de dire de ces propositions de loi vont totalement déséquilibrer nos institutions. Cela a été dit en commission par le président Clément et ce matin encore. Il n'est pas besoin d'en faire la démonstration. Depuis 1958, le Sénat a modifié à plusieurs reprises le nombre de ses membres, l'Assemblée nationale également, et cela ne s'est pas fait au détriment de notre assemblée, même s'il est justifié de prévoir que nous augmentions à nouveau le nombre de députés.
    Quant à prétendre qu'il serait aujourd'hui très mal perçu dans notre pays d'augmenter le nombre des élus, posons-nous la même question à propos de l'intercommunalité ! Nous n'hésitons pas, dans ce domaine, à créer de nouveaux échelons de décision, de nouveaux décidants, de nouveaux élus, de nouveaux présidents, vice-présidents et membres de bureau. Alors, de grâce ! une fois encore faisons preuve d'un peu de retenue !
    Je terminerai par la parité. Je le répète, il est réducteur et grave d'assimiler la question de la parité à celle de la représentation proportionnelle. Comme son nom l'indique, cette dernière n'a qu'une ambition : représenter, de la manière la plus proportionnelle possible, l'ensemble des populations. Comment peut-on prétendre, comme nos collègues socialistes le font par l'intermédiaire d'un amendement, que l'on peut valablement appliquer une représentation réellement proportionnelle lorsqu'il n'y a que deux sénateurs à élire dans un département ?
    M. Bernard Roman. Cela s'est déjà fait pour un seul !
    M. Guy Geoffroy. Une liste qui obtiendrait 65 % des voix aurait un sénateur et une autre qui obtiendrait 35 % des voix en aurait également un ! Qu'est-ce que cela voudrait dire ?
    M. Bernard Roman. Au scrutin majoritaire, on peut avoir deux élus avec 51 % des voix et aucun avec 49 % !
    M. Guy Geoffroy. Voilà ce que donnerait la représentation proportionnelle dans un département où deux sénateurs doivent être élus ! Mieux vaut reconnaître que lorsque le nombre de représentants est faible, la notion de proportionnalité n'est pas évidente et qu'il vaut mieux avoir le courage de désigner ses représentants au suffrage majoritaire. Il faudra travailler sur cette question et s'interroger sur le courage des formations politiques - vous l'avez fait tout à l'heure, monsieur le ministre - en matière de parité. Il faudra aussi choisir les modes de scrutin adaptés. Un scrutin de liste, même majoritaire, permet plus facilement une représentation paritaire qu'un scrutin proportionnel là où il n'a pas sa place, par exemple là où il n'y a que deux ou trois personnes à élire dans un même ressort territorial. Face à une telle question, nous devons faire preuve de beaucoup de pragmatisme et d'humilité. Nous devons nous garder d'utiliser tous les grands mots de la République pour parler en termes trop rapides et définitifs de ce que nous propose aujourd'hui le Sénat. Nos collègues sénateurs on eu le mérite de se pencher sur leur sort en essayant d'entrevoir l'avenir.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il était temps !
    M. Bernard Roman. Ils y étaient obligés !
    M. Guy Geoffroy. Mes chers collègues, certains d'entre nous - et je me tourne vers ceux qui vilipendent le Sénat - pourraient avoir un jour envie d'achever leur carrière au Sénat. (Sourires.)
    M. Bernard Roman. Non !
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Prudence !
    M. Guy Geoffroy. Nous saurons alors les regarder. Les évolutions doivent être prudentes, pragmatiques, efficaces. Tel est le souhait de notre majorité. C'est pourquoi le groupe UMP votera ces propositions de loi sans aucun état d'âme, en espérant qu'elles seront une contribution utile dans un domaine où il nous faudra progresser, notamment s'agissant de la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Mon intervention sera sans doute moins longue que prévu, car beaucoup a déjà été dit ce matin par Bernard Roman et Jean-Jack Queyranne. Il y a quelque chose de décalé à nous retrouver ici, un lundi de juillet, pour débattre de l'élection des sénateurs.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Et alors ? Où est le problème ? Vous aviez des projets de vacances ?
    M. Bruno Le Roux. C'est décalé par rapport à la situation politique dans ce pays, par rapport aux attentes de nos concitoyens.
    M. Guy Geoffroy. Il faut changer d'argument, vous dites toujours ça !
    M. Bruno Le Roux. Il est surprenant que nous soyons ici, une dizaine, à discuter de l'élection des sénateurs.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous n'êtes pas obligé d'être député ! Vous pouvez faire autre chose !
    M. Bruno Le Roux. A un an du renouvellement partiel du Sénat, son président et sa majorité ne vont voir aboutir à temps les réformes qu'ils ont élaborées en vase clos, sans se soucier des attentes de nos concitoyens, que grâce au bon vouloir du Gouvernement, qui nous impose l'examen de ces textes dans un ordre du jour déjà particulièrement chargé. Monsieur le rapporteur, je vous l'ai dit ce matin, vous faites preuve de beaucoup de courage et d'abnégation à essayer de trouver quelque chose de dynamique dans cette réforme, après avoir vainement tenté, il y a quelque semaines, de défendre celle des modes de scrutin aux élections régionales et européennes, exigée par l'UMP et déjà censurée par le Conseil constitutionnel.
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Partiellement !
    M. Bruno Le Roux. Est-il bien raisonnable d'occuper la session extraordinaire de notre assemblée alors que gronde le mécontentement sur votre politique économique et sociale,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. N'exagérons rien ! Tout ce qui est excessif est insignifiant !
    M. Bruno Le Roux. ... à débattre d'une pseudo-réforme du Sénat ? Guy Geoffroy a parlé d'une réforme « sans ambition exagérée ». Nous aurions pu être associés à la réflexion des sénateurs. Nous aurions pu réfléchir avec eux, au sein d'une commission, au fonctionnement de la démocratie, du Sénat, mais à aucun moment les sénateurs n'ont voulu ouvrir ce débat avec nous. Ce n'est pas de bonne méthode. Cette réforme a été élaborée entre eux, a minima, sans concertation préalable. Voilà pourquoi c'est ce que vous appelez, monsieur Geoffroy, une réforme sans ambition exagérée. Je le regrette.
    Monsieur le ministre, au regard du résultat obtenu hier en Corse, je ne peux une nouvelle fois que vous mettre en garde. Cela traduit un véritable désaveu de votre politique et de la méthode de votre gouvernement, désaveu précédé depuis plusieurs mois par un important mouvement social dans tout le pays.
    M. Robert Pandraud. Pourquoi alors avez-vous appelé à voter oui ?
    M. Bruno Le Roux. Ce mécontentement est encore très vif aujourd'hui.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Parlez du sujet !
    M. Bruno Le Roux. Je pense en particulier à la communauté éducative.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous êtes hors sujet !
    M. Bruno Le Roux. Cela vous ennuie que je parle de ceux qui attendaient que nous ayons des débats sérieux répondant à leurs préoccupations ! Il y a aujourd'hui un grand mécontentement dans ce pays.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si vous étiez élève, vous seriez noté « hors sujet » !
    M. Bernard Roman. Mais vous n'êtes pas là pour le noter, monsieur Clément !
    M. Bruno Le Roux. Je pense en particulier aux intermittents du spectacle. Votre politique en matière économique et sociale contribue à davantage de chômage et d'injustice sociale.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Revenez au sujet !
    M. Bernard Roman. Mais c'est le sujet !
    M. Bruno Le Roux. Voilà les vraies questions dont les Français auraient aimé que nous discutions ici, à l'Assemblée.
    M. Guy Geoffroy. C'est de la langue de bois !
    M. Bruno Le Roux. Cela vous ennuie que je parle de ce qui aurait dû être discuté aujourd'hui au lieu d'une réforme du Sénat.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vous qui fixez l'ordre du jour !
    M. Bruno Le Roux. Vous donnez à penser aujourd'hui, monsieur le ministre, en nous imposant de débattre de ce texte, que rien de ce qui est essentiel à nos concitoyens n'est important pour vous et pour votre gouvernement.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce n'est pas excessif...
    M. Bruno Le Roux. Vous nous demandez de débattre d'un nouveau texte qui consacre, une fois de plus, un affaiblissement de l'Assemblée nationale.
    M. Guy Geoffroy. Mais ce n'est pas vrai !
    M. Bruno Le Roux. Déjà, la révision constitutionnelle du 17 mars 2003 a donné le droit de priorité au Sénat sur les textes relatifs aux collectivités territoriales. Le Gouvernement, quant à lui, de plus en plus souvent, soumet d'abord ses projets au Sénat en forçant sa majorité à les voter conformes. Heureusement que la pression de l'opposition est parfois là pour montrer qu'on ne peut pas se contenter de jouer les godillots, même quand on est dans la majorité ! Regardez un peu ce qui s'est passé depuis un an : ces textes qui passaient d'abord au Sénat, cette façon de ne pas les étudier au fond à l'Assemblée, et cette tentation de vouloir aller vite en les votant conformes. Il s'agit là d'un véritable affaiblissement de notre assemblée !
    Aujourd'hui, on augmente le nombre de sièges de sénateurs et, par là même, leur poids relatif au Congrès. Ce n'est pas acceptable dans la mesure où notre assemblée est, sur le plan démocratique, la plus représentative.
    Par ailleurs, il n'y a que deux possibilités de réforme : les bonnes et les mauvaises.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça valait la peine de le souligner...
    M. Bruno Le Roux. Inutile d'employer des périphrases : ce n'est même pas une pseudo-réforme, c'est une mauvaise réforme que vous nous proposez aujourd'hui. Elle ne nous donne pas les moyens de répondre aux vraies questions qui touchent à la représentativité et à la légitimité de l'action du Sénat et qui permettraient à celui-ci de jouer un véritable rôle dans nos institutions. Au contraire, on assiste à une manipulation des plus ridicules. En effet, derrière une à deux demi-mesures positives, attendues depuis longtemps et dont nous reconnaissons qu'elles vont dans le bon sens, se cache un recul inacceptable sur le point fondamental de la représentativité du Sénat.
    Le président du Sénat entendait rénover la Haute Assemblée pour en assurer la pérennité dans le paysage institutionnel français. Un groupe de réflexion avait été mis en place sous la présidence de M. Hoeffel, qui a rendu un rapport sérieux, comportant de réelles avancées. Mais les propositions de loi que nous examinons aujourd'hui sont bien loin de reprendre ses propositions. Nous assistons plutôt à une véritable régression par rapport à l'esprit du rapport Hoeffel.
    A une période où la question de l'utilité du Sénat s'est posée - et se pose très certainement encore - on pouvait s'attendre à une proposition appelant enfin à un bicamérisme rénové. Or les propositions qui nous viennent du Sénat lui-même vont à l'encontre d'une telle ambition. Aujourd'hui, l'alternance est une donnée permanente dans les institutions démocratiques. Dès lors, comment admettre qu'une assemblée soit verrouillée au point qu'elle ne connaisse jamais, je ne dis pas de changement de majorité, mais de possibilité de changement de majorité ?
    Cette réforme ne prévoit pas la rénovation, elle n'allège pas le fonctionnement de la chambre haute, elle anéantit encore davantage tout espoir d'alternance.
    Faut-il en conclure que le Sénat est immobile, fermé aux évolutions et aux changements ? Nous voulons bien admettre qu'il soit exempt des soubresauts de la vie politique afin de maintenir un prétendu équilibre dans le pays. Mais cela l'exonère-t-il pour autant de s'adapter aux réalités qui répondent aux vraies questions posées par la société ? Je ne le pense pas. Le Sénat ignore aujourd'hui toute une partie de nos concitoyens en sous-représentant totalement la France urbaine. Il ignore aussi les nouvelles dynamiques territoriales, que ce soit les régions ou les établissements publics de coopération intercommunale. D'ailleurs, la majorité sénatoriale, voire la majorité tout court, leur refuse toujours l'avancée, qui me semble logique, de l'élection au suffrage universel. Pourquoi, mes chers collègues, n'êtes-vous donc jamais à l'origine des grandes avancées démocratiques des institutions de notre pays ? Que ce soit pour l'élection des conseils municipaux, pour les régions, pour dégager des majorités qui permettent en même temps de respecter la diversité politique,...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Et le vote des femmes, qui est-ce ?
    Mme Catherine Génisson. La parité, c'est nous !
    M. Bruno Le Roux. La parité, c'est encore la gauche.
    M. Guy Geoffroy. Le vote des femmes, c'est le général de Gaulle.
    M. Bernard Roman. Il fallait poursuivre !
    M. Guy Geoffroy. C'est nous qui avons donné le droit de vote à dix-huit ans !
    M. Bernard Roman. Vous êtes des bonapartistes libéraux !
    M. Bruno Le Roux. Après Bernard Roman et Jean-Jack Queyranne, je crois utile de rappeler que le projet de porter de trois à quatre sièges le seuil à partir duquel les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel pourrait se heurter à un sérieux obstacle constitutionnel. L'élection proportionnelle favorise incontestablement la parité. En 2001, le rééquilibrage entre hommes et femmes au Sénat a été très net. Le nombre de femmes a plus que triplé, passant de sept à vingt-deux sur les 101 sénateurs sortants. Nous ne cessons de citer le très sérieux rapport de Mme Marie-Jo Zimmermann du 5 février 2003,...
    M. Robert Pandraud. Excellent rapport !
    M. Bernard Roman. En effet. Puisse-t-elle être entendue !
    M. Bruno Le Roux. ... rédigé au nom de la délégation aux droits des femmes à propos du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen. Il est, sur le sujet, d'une très grande objectivité. On peut, notamment, y lire que « jusqu'au renouvellement de 2001, le Sénat était un bastion fermé à la parité. Force est donc de se réjouir de la réforme du scrutin sénatorial, qui a étendu le scrutin proportionnel de liste à tous les départements élisant plus de deux sénateurs et imposé une parité stricte entre les femmes et les hommes sur les listes ».
    Aujourd'hui, Mme Zimmermann écrit, dans son rapport d'information sur la réforme que vous nous proposez : « L'analyse de cette réforme nous conduira à en dresser un bilan global défavorable à la parité. Elle manifeste un recul de la dynamique paritaire initiée par la révision constitutionnelle de juillet 1999. » Elle ajoute : « Au-delà des problèmes constitutionnels qu'elle pourrait soulever, la réforme envisagée aurait des effets particulièrement négatifs, parce qu'elle conduirait à porter atteinte à la dynamique paritaire. » Elle a entièrement raison.
    M. Bernard Roman. Mille fois raison !
    M. Bruno Le Roux. Par ailleurs, force est de constater que l'arrivée des femmes au Sénat a eu aussi un effet de rajeunissement, tout comme, d'ailleurs, l'arrivée, grâce à la parité, des femmes dans les conseils municipaux. Aujourd'hui, la moyenne d'âge des conseillers municipaux a baissé. C'est un élément qui n'est d'ailleurs pas sans importance quand on discute de l'âge auquel on pourrait entrer au Sénat. Il est prévu d'abaisser cet âge de trente-cinq à trente ans. Je considère qu'on pourrait permettre de rentrer au Sénat à partir de vingt-trois ans et obliger à en sortir à un certain âge. La réflexion serait très certainement beaucoup plus pertinente, vue sous cet aspect.
    Depuis 2001, la moyenne d'âge des femmes élues ou réélues au Sénat est de cinquante-trois ans, contre cinquante-neuf ans pour les hommes : cela fait quand même une très grosse différence ! L'impact extrêment positif de la réforme apparaît de manière encore plus flagrante, lorsque, parmi les 102 sénateurs élus ou réélus en 2001, on distingue ceux qui ont continué à être élus au scrutin majoritaire et ceux qui ont été élus au scrutin proportionnel. Parmi les 28 derniers qui ont été élus au scrutin majoritaire en 2001, il n'y avait que deux femmes ; parmi les 74 sénateurs élus à la proportionnelle, avec obligation de parité, il y avait 20 femmes. Mes chers collègues, la conclusion est évidente : dans le cas qui nous intéresse, revenir au scrutin majoritaire, c'est faire reculer la parité.
    Tout à l'heure, mon collègue Geoffroy demandait pourquoi, dans le cas où la proportion serait de 65 % à 35 %, il devrait y avoir un sénateur de chaque côté ? Je demande, à l'inverse, pourquoi, dans le cas d'une proportion de 49 % à 51 %, il n'y en aurait pas un de chaque côté ?
    M. Bernard Roman. Bien sûr !
    M. Bruno Le Roux. Prenons l'exemple d'un département qui vote à 51 % pour une famille politique et à 49 % pour l'autre. Avoir deux sénateurs dans ce département n'est pas quelque chose qui semble plus acceptable que la démonstration que vous nous avez faite il y a quelques instants.
    M. Bernard Roman. Bien sûr ! C'est ça, la démocratie !
    M. Robert Pandraud. Sauf que, de toute manière, il y en a un de trop !
    M. Bruno Le Roux. Ce matin, monsieur le ministre, vous avez tenté de démontrer que le scrutin majoritaire devrait être maintenu dans les départements ruraux et que la réduction du nombre de sénateurs serait un grave danger. Or, ce qui est important, aujourd'hui, pour ces départements, ce n'est pas tant le nombre de sénateurs que la capacité que nous avons à pouvoir les aider à mettre en place des dynamiques territoriales. On peut se poser la question quand on examine la plupart des départements que vous nous citiez ce matin : pendant des années, la grande majorité d'entre eux n'ont connu aucune alternance politique au niveau du Sénat.
    M. le ministre délégué aux libertés. Vous parlez de la Creuse ?
    M. Bruno Le Roux. Je peux d'autant le dire que, parmi ceux-ci, il n'y a pas que des départements de droite - même s'ils sont plus nombreux. En effet, car, pour les départements de gauche aussi, il n'est pas bon que, pendant plusieurs décennies, il n'y ait pas de renouvellement possible.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Quel beau désintéressement !
    M. Bruno Le Roux. Il vaudrait mieux que ces départements aient des représentants qui puissent introduire une saine émulation. Est-ce dans la discussion ? Nous ne sommes pas jusqu'au-boutistes sur cette question.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Et là où il n'y a qu'un sénateur ?
    M. Bruno Le Roux. La question de la proportionnelle nous semble beaucoup plus importante.
    La jurisprudence constitutionnelle récente semble accréditer la thèse de l'anticonstitutionnalité, qui pèse, à mon avis très fortement, sur votre texte. A l'occasion de sa décision du 3 avril 2003, relative à la réforme de l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, le Conseil constitutionnel a dénoncé une inégalité s'agissant de la règle des listes alternées à l'Assemblée de Corse, qui sont composées différemment des listes des sections départementales pour les élections régionales. Il a considéré qu'aucune différence de traitement n'était justifiée pour fonder la constitutionnalité de cette rupture d'égalité. Il n'a pas censuré cette rupture d'égalité, uniquement parce que le faire eût conduit à annuler tout dispositif paritaire et méconnu ainsi l'objectif constitutionnel qui tend à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Toutefois, il a clairement enjoint au législateur de mettre fin à cette inégalité dans la prochaine loi relative à l'Assemblée de Corse. Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs annoncé lui-même, en Corse, les nouvelles modalités qui respectent totalement les injonctions du Conseil constitutionnel sur cette question.
    Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a avancé un second argument, qui plaide pour dégager un principe constitutionnel empêchant tout retour en arrière en matière de parité.
    On peut estimer que par cette jurisprudence, qui s'inspire de la lettre de l'article 3 de la Constitution, selon lequel la loi doit favoriser l'égal accès aux mandats, il existerait un effet « cliquet », empêchant de revenir sur une disposition favorisant l'accès des femmes au mandat sénatorial, ou qui aurait pour effet de réduire la proportion de femmes élues et, donc, d'augmenter le seuil à partir duquel le mode de scrutin proportionnel est applicable.
    C'est donc à bon droit, monsieur le ministre, que nous pouvons invoquer cette jurisprudence à l'appui du maintien de l'élection proportionnelle des sénateurs à partir de trois sièges. Nous avons d'ailleurs pu constater que la majorité sénatoriale comme le Gouvernement étaient mal à l'aise sur cette question. En effet, la première a dû adopter une position de compromis entre la situation issue de la réforme de 2000 et le retour à la situation antérieure ; quant au second, il a, par votre voix, exprimé ses réticences : « Nos formations politiques, incapables de donner leur place aux femmes, ont inventé une disposition constitutionnelle pour se contraindre à faire ce qu'elles auraient dû faire naturellement. » Je pense, monsieur le ministre, que ce que vous disiez il y a quelques semaines est toujours valable. En tout cas, votre déclaration a le mérite d'être sincère et honnête. Car vous connaissez bien le fonctionnement des partis politiques et de leurs élus et vous savez bien que, dans les commissions d'investiture, l'obligation de parité est un outil très fort donné à ceux qui souhaitent faire pression en faveur du renouvellement.
    J'ai examiné avec attention la série des départements qui seront renouvelables en 2004 et je peux, si vous le souhaitez, faire avec vous la liste de tous ceux où l'élection des sénateurs se fera au scrutin majoritaire et où la parité ne sera pas respectée,...
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Absolument ! Et il y en a beaucoup !
    M. Bruno Le Roux. ... quelle que soit la volonté manifestée par M. Juppé,...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ou par M. Hollande !
    M. Bruno Le Roux. En ce qui nous concerne, la parité est inscrite dans nos statuts...
    M. Charles Cova. Chez nous, elle est dans le coeur !
    M. Bruno Le Roux. Par conséquent, nous nous y tiendrons, quel que soit le mode de scrutin que vous adoptiez, monsieur le ministre.
    Je disais donc que je sais très bien, car j'ai étudié les choses et j'ai quelques contacts dans les départements, que dans la majorité de ceux qui seront renouvelables en 2004, la parité disparaîtra faute de scrutin proportionnel.
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Bruno Le Roux. On peut toujours faire les plus belles déclarations dans cet hémicycle, sur le terrain elles se heurtent à des intérêts bien ancrés et le renouvellement ne se fera pas.
    M. Bernard Roman. C'est un texte misogyne ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous n'avez peur de rien !
    M. Bruno Le Roux. Cela étant, monsieur le ministre, nous approuvons la réduction du mandat sénatorial à six ans. Je rappelle d'ailleurs que nous avons été les premiers à la suggérer dans une proposition de loi cosignée par Claude Estier, Robert Badinter et Guy Allouche. Il me semble en effet qu'en réduisant le mandat le plus long de tous les pays d'Europe, on met fin à une véritable anomalie.
    Dans un mouvement général de rapprochement des élus et des citoyens, cette réforme du Sénat, notamment celle de la durée du mandat, était attendue. En acceptant le 24 septembre 2000 la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans, les Français ont rendu plus difficile la justification par les sénateurs du maintien de leur mandat à neuf ans. Il faut donc replacer l'avancée proposée par les sénateurs dans la logique actuelle de nos institutions. C'est peut-être une avancée. Mais il aurait été impossible d'aller à l'encontre de ce mouvement aujourd'hui. Et puis, je remarque que les sénateurs le font au dernier moment possible pour eux, à la date butoir d'un an avant le prochain renouvellement. Il ne me semble pas que cela corresponde, de leur part, à une véritable avancée.
    Cette réduction s'accompagne du renouvellement par moitié tous les trois ans, ce qui nécessite des mesures transitoires. Actuellement, le Sénat est renouvelable par tiers. Son effectif est réparti en trois séries. La proposition de loi prévoit qu'à partir de 2010 seulement, la Haute Assemblée sera renouvelée par moitié tous les trois ans. Je souhaite pour ma part - et nous avons déposé un amendement en ce sens - un renouvellement intégral, tous les six ans, afin de le faire correspondre au renouvellement des conseils municipaux. Il serait ainsi plus lisible pour les électeurs de savoir qu'une fois passées les élections municipales, le Sénat, représentant des collectivités territoriales, est renouvelé en une seule fois. Cette proposition, monsieur le ministre, outre qu'elle a le mérite de la clarté, permettrait de rapprocher le Sénat des citoyens, pour qu'il ne soit plus une assemblée lointaine, au mode de renouvellement compliqué. Je n'ignore pas que toutefois cette réforme se heurte à un obstacle constitutionnel, et que l'abandon du renouvellement partiel au profit d'un renouvellement intégral supposerait au préalable une révision de la Constitution.
    Je voudrais, pour finir, revenir à l'augmentation des effectifs, pour souligner, une fois de plus, combien est étonnante cette proposition. En effet, le Sénat lui-même avait adopté une question préalable, le 16 mars 2000, sur le projet de réforme du gouvernement Jospin créant vingt sièges, considérant que la Haute Chambre « ne devait pas nécessairement rechercher une stricte proportionnalité entre le nombre de sénateurs et la population des départements ; que la qualité du travail d'une assemblée parlementaire ne se mesure pas au nombre de ses membres, et que l'opinion n'apprécierait pas cet accroissement ». Voilà qu'aujourd'hui les mêmes nous proposent de porter leur effectif de 321 à 346 sièges - et donc la création de vingt-cinq sièges supplémentaires. Il s'agit là d'une belle hypocrisie, même si elle permet à M. le rapporteur, dans son rapport, une pirouette qui est assez extraordinaire.
    M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je suis très souple !
    M. Bernard Roman. C'est un sportif, Bignon !
    M. Bruno Le Roux. Mais je trouve son rapport excellent !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Merci !
    M. Bruno Le Roux. ... tout comme était excellent son rapport précédent. M. Bignon s'en tire d'ailleurs à bon compte parce qu'il cite la rapporteure du Sénat sur la commission des femmes. S'il approuvait réellement ses propos, pourquoi ne les avoir repris à son compte ?
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes. En effet !
    M. Bruno Le Roux. Vous n'avez pas osé le faire dans votre rapport. Mais on ne peut pas dire que l'abandon de la proportionnelle sera compensé par le fait qu'on crée plus de sièges, et qu'en créant plus de sièges on aura forcément plus de femmes. Car ce n'est même pas sûr !
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes. Absolument !
    M. Bruno Le Roux. J'ai essayé de regarder un petit peu ce que cela pouvait donner. Si je prends en compte les sortants, les députés qui ont été battus, les personnes sur le terrain, je ne vois pas beaucoup de femmes rentrer au Sénat pas ce biais.
    M. Guy Geoffroy. Vous les présumez battues ? Bel aveu ! Et puis, si le Sénat est fait pour les députés battus, cela devrait avantager le parti socialiste...
    M. Bruno Le Roux. Vous savez, je regarde la carte : penser que ces vingt-cinq sièges supplémentaires entraîneront, de façon compensatoire, une arrivée de femmes au Sénat ne correspond pas à la situation que l'on connaîtra dans un an.
    M. Bernard Roman. Et c'est considérer les femmes comme une marchandise. Scandaleux !
    M. Bruno Le Roux. Le Sénat est conscient, depuis un certain temps, de la nécessité de se réformer. Il n'ignore pas les critiques dont il est l'objet : un mandat exceptionnellement long, un mode d'élection déséquilibré, une légitimité parfois contestée. Il nous propose aujourd'hui, en nous disant de ne plus y revenir ensuite, un service minimum de la réforme. Deux évolutions inéluctables sont acceptées : la réduction à six ans de la durée du mandat, devenue incontournable ; et l'abaissement de l'âge d'éligibilité à trente ans pour « faire moderne ». C'est peu pour une rénovation. C'est ridicule en comparaison du recul sur la parité !
    Nous vous proposons pour notre part, monsieur le ministre, une réforme globale : mandat de six ans, avec renouvellement total du Sénat tous les six ans ; âge d'éligibilité ramené à vingt-trois ans ; scrutin proportionnel dans tous les départements qui élisent plus d'un sénateur ; représentation plus juste de la population, avec la mise en place d'un véritable quotient qui puisse être révisé au fil des changements démographiques ; enfin, nouveau mode d'élection des délégués sénatoriaux.
    Cette réforme ambitieuse mettrait un terme au débat sur la représentativité et donc la légitimité de la Haute Chambre, dont nous pensons qu'elle doit jouer un rôle dans le fonctionnement démocratique de notre pays. Malheureusement, la réforme qui nous est proposée ne permettra ni de clarifier la place du Sénat dans nos institutions, ni d'y assurer une véritable alternance démocratique, ni surtout de le mettre en phase avec l'évolution de la société, puisque le recul de la parité y sera inéluctable dès l'an prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La discussion générale commune est close.

Motion de renvoi en commission
de la proposition de loi
portant réforme de l'élection des sénateurs

    Mme la présidente. Sur la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs, j'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes chargés d'examiner aujourd'hui une double proposition de loi réformant la durée du mandat des sénateurs, l'âge de leur éligibilité, leur mode d'élection, ainsi que sur la composition même du Sénat.
    Avant d'aborder le contenu de ces deux propositions, je souhaite rappeler le contexte dans lequel elles ont été débattues en première lecture au Sénat, le 12 juin dernier. Notre assemblée débutait alors l'examen du projet de loi sur les retraites, qui s'accompagnait d'une importante crise sociale. Quand l'attention des Français se mobilise sur les questions sociales, le Sénat, lui, ne pense qu'à se réformer.
    Mais plus encore que le contexte dans lequel cette réforme a été examinée par les sénateurs, c'est son contenu même qui prête à interrogation, les textes que nous allons examiner proposant plutôt une réorganisation interne à l'usage des sénateurs qu'une amélioration et une modernisation de nos institutions. Dès lors, cette réforme ne peut qu'entretenir l'image que nos concitoyens ont du Sénat, à tort sans doute : celle d'une institution décalée, intemporelle, très éloignée des attentes et des besoins des Français.
    Alors que, fondamentalement, l'enjeu d'une réforme du Sénat est bien de moderniser cette institution, de la doter d'un élan politique, qu'en est-il des deux propositions de loi que nous examinons ?
    La première, organique, porte le nombre de sénateurs de 321 à 346, réduit le mandat de neuf à six ans, prévoit le renouvellement par moitié et abaisse à trente ans l'âge d'éligibilité.
    La seconde, ordinaire celle-là, procède à une nouvelle répartition des sièges de sénateurs entre les départements et relève à quatre sièges le seuil d'application du mode de scrutin proportionnel.
    Si le bicamérisme de notre système parlementaire n'est en général pas remis en cause par l'ensemble des forces politiques de notre pays, il convient néanmoins de réfléchir à un nouvel équilibre de nos deux assemblées, tout en préservant l'autonomie et l'identité de chacune. Alors même que la réforme et l'utilité du Sénat font l'objet de débats réguliers, nous nous devons, à l'Assemblée, de participer à ces échanges.
    Aujourd'hui, nous le savons, nos concitoyens s'éloignent de la politique et de leurs élus. Les sénateurs, de par leur mode d'élection et la durée de leur mandat, leur apparaissent comme bien lointains. Leur fonction, leur action dans la vie politique, est souvent inconnue ou méconnue.
    L'enjeu de ces propositions de loi doit être de confirmer la place du Sénat dans nos institutions, de consacrer l'impulsion politique qu'il lui appartient de donner dans l'accompagnement des réformes nécessaires à notre pays, de rapprocher les sénateurs de nos concitoyens. Dès lors, nous sommes en droit de nous demander si elles répondent à cette nécessité de moderniser notre vie politique.
    C'est à l'aune de ces questions que je souhaite examiner les principaux points de cette réforme. J'y vois pour ma part une réforme à deux visages, tel Janus, cette divinité romaine dont l'une des faces regardait le passé et l'autre l'avenir.
    Avec cette proposition de loi, la majorité sénatoriale, elle aussi, se révèle à deux visages. Elle regarde l'avenir lorsqu'elle propose de diminuer le mandat des sénateurs à six ans. Mais elle regarde le passé, elle est conservatrice, lorsqu'elle propose de modifier le mode de scrutin.
    Permettez-moi de m'attarder plus particulièrement sur cette modification du mode de scrutin, notamment au regard du principe d'application de la parité entre les hommes et les femmes.
    La réforme qui nous est proposée consiste à relever de trois à quatre sièges par département le seuil d'application de la proportionnelle. Quel est son impact sur la mise en oeuvre du principe de parité ? Depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, l'objectif de parité politique a un fondement constitutionnel : l'article 3 de la Constitution, selon lequel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », renforcé par l'article 4, selon lequel les partis politiques doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe paritaire. Soulignons d'ailleurs que cette seconde disposition est due à l'initiative des sénateurs. Cette révision constitutionnelle impose la plus grande vigilance quant à l'application du principe de parité en préalable à toute modification des lois électorales.
    S'agissant des élections sénatoriales, les réformes de juin et juillet 2000, en faisant passer le seuil de la proportionnelle de cinq à trois sénateurs par département, ont eu un effet positif en matière de parité. Je rappellerai brièvement ce qu'ont été ces acquis lors des dernières élections sénatoriales, celles de 2001, afin que chacun mesure parfaitement le risque que cette proposition de modification du mode de scrutin aurait sur la présence des femmes.
    La loi du 6 juin 2000 a imposé la parité stricte entre les femmes et les hommes sur les listes électorales pour les élections sénatoriales au scrutin proportionnel. La loi du 10 juillet 2000 a étendu le scrutin proportionnel de liste à tous les départements élisant au moins trois sénateurs contre cinq auparavant, ce qui a porté à 224 le nombre de sièges pourvus à la représentation proportionnelle, soit environ 70 %, et à 97 le nombre de sièges pourvus au scrutin majoritaire.
    Le bilan de l'application de cette réforme aux élections sénatoriales du 23 septembre 2001 s'est révélé extrêmement encourageant. Alors que le Sénat sortant comptait vingt femmes, soit 6,2 %, il comporte, dans sa nouvelle composition, trente-cinq femmes, soit 10,9 %. La progression peut sembler modeste, mais l'analyse du seul renouvellement de septembre 2001 fait apparaître des résultats intéressants. Parmi les 102 sénateurs sortants, il n'y avait que sept femmes, soit 6,9 % ; parmi ceux qui ont été élus ou réélus, il y en a désormais vingt-deux, soit 21,6 %.
    Sur la fraction du Sénat renouvelée en 2001, le nombre de femmes a donc plus que triplé.
    Il est fondamental de constater que l'impact de la réforme sur la parité a été différencié selon que les élections ont eu lieu au scrutin proportionnel ou non. Sur l'ensemble des 102 sénateurs élus ou réélus en 2001, 28 l'ont été au scrutin majoritaire, 74 à la proportionnelle. Deux femmes seulement figurent parmi les 28 sénateurs élus au scrutin majoritaire. Elles étaient deux auparavant. La progression est donc nulle.
    M. Bernard Roman. Fulgurante !
    Mme Catherine Génisson. Fulgurante dans la nullité ! (Sourires.)
    En revanche, vingt femmes, soit 27,03 %, figurent parmi les 74 sénateurs élus à la proportionnelle avec obligation de parité.
    Même si, en politique, la seule approche mathématique est insuffisante, ces chiffres objectivent très clairement le recul qu'impliquerait ce relèvement du seuil en matière de culture paritaire. Comme les sénateurs socialistes, les députés de notre groupe combattront avec la plus grande détermination cette mesure de régression politique.
    Telles sont aussi les conclusions très explicites des deux délégations parlementaires aux droits des femmes. Je souhaite souligner en particulier la concordance de nos analyses avec celles de la délégation de l'Assemblée et de sa présidente, Mme Zimmermann.
    J'appartiens à un parti politique qui a présenté 36 % de femmes aux dernières élections législatives. La formation à laquelle appartient Mme Zimmermann en a présenté 18 %. Mais nous nous retrouvons côte à côte pour défendre l'application du principe de parité politique.
    M. Jean-Jack Queyranne. Très bien !
    Mme Catherine Génisson. Plus largement, nous avons le devoir de nous mobiliser sur l'ensemble de ces bancs et d'agir pour que l'égalité entre les femmes et les hommes soit une réalité dans tous les actes de la vie.
    M. Bernard Roman. Excellent !
    Mme Catherine Génisson. Ce retour en arrière dans l'application de la parité politique serait une brèche inacceptable dans la dynamique créée par la loi du 6 juin 2000.
    La parité politique est encore fragile. Elle demande la mobilisation permanente de l'ensemble des politiques.
    Malgré la loi sur la parité, nous sommes encore les mauvais élèves de la classe européenne et si cette réforme était adoptée, la France redeviendrait à coup sûr la lanterne rouge de l'Europe.
    Cette analyse démontre que le relèvement de trois à quatre sièges du seuil d'application de la proportionnelle porterait atteinte à la parité et qu'une telle proposition est politiquement inacceptable.
    Guy Carcassonne, constitutionnaliste renommé, estime que l'article 3 de la Constitution devrait suffire à empêcher l'acceptation de cette réforme par le Conseil constitutionnel.
    M. Bernard Roman. Il a raison !
    Mme Catherine Génisson. Vous-même, monsieur le ministre, avez été un avocat convaincant de la parité, quand vous avez déclaré au Sénat : « Le Sénat peut fixer lui-même son mode de scrutin. C'est une tradition. Mais il faut éviter l'inconstitutionnalité. » Cette déclaration a d'ailleurs laissé plus que perplexes les sénateurs de la majorité et même certains membres du Gouvernement.
    Certes, si les partis politiques doivent, même sans injonction législative, soutenir la culture paritaire, force est de constater qu'ils sont plus que timides en la matière - et je ne veux pas être méchante. Lorsque la parité n'est pas imposée par la loi, nous restons perplexes quant à la volonté des partis politiques d'appliquer ce principe de leur propre initiative. J'en veux pour preuve les résultats des dernières cantonales, où moins de 10 % de femmes ont pu être élues.
    M. Jean-Claude Abrioux. C'est la vox populi !
    Mme Catherine Génisson. Justement ! les citoyens et les citoyennes apprécient beaucoup l'application de la loi sur la parité. Je peux en témoigner comme sans doute toutes les femmes de cette assemblée, ainsi que les sénatrices. Ce principe est beaucoup plus entré dans le quotidien des hommes et des femmes de notre pays que dans les partis politiques.
    Je ne souhaite pas refaire le débat qui a animé nos assemblées lors de la révision de la Constitution et mobilisé les Français sur l'objectif de parité. Cependant, sans cette inscription dans la Constitution et sans son caractère obligatoire, aucun changement profond n'aurait été amorcé. Certes, nous pouvons regretter d'avoir été obligés de recourir à une loi pour favoriser l'égal accès des hommes et des femmes en politique. Néanmoins, les dernières élections le prouvent, là où la loi s'applique, elle a permis des avancées décisives pour la démocratie. Là où elle ne s'applique pas, elle a eu très peu d'effets d'entraînement sur la désignation des candidates, sauf, il faut bien le constater, pour les élections municipales.
    Par ailleurs, nous le savons, les principaux partis politiques respectent mal le principe de parité, et ce même en présence de sanctions financières, lorsqu'il s'agit de scrutins uninominaux, comme en atteste le résultat des dernières élections législatives.
    Enfin, je souhaite souligner que l'obligation de la parité pour les départements élisant au moins trois sénateurs a permis également le rajeunissement des élus. Lors du dernier renouvellement de septembre 2001, l'arrivée des femmes a eu un effet de rajeunissement, car la moyenne d'âge des femmes élues ou réélues est de 53,9 ans, contre 59,3 ans pour les hommes.
    Alors que l'image du Sénat est déjà très lointaine pour nos concitoyens, qu'en sera-t-il avec cette proposition de loi qui fait reculer la parité en politique ? Qu'en sera-t-il avec cette proposition de loi qui pourrait, dès lors, être décrite comme un arrangement politicien ?
    Aux deux questions fondamentales qui doivent guider cette réforme, à savoir celle de la modernisation de nos institutions et celle de la consolidation du rôle politique du Sénat, je peux malheureusement répondre que cette proposition aura l'effet contraire. Avec cette modification du mode de scrutin, la majorité sénatoriale, alors qu'elle aurait dû regarder l'avenir en renforçant notamment la parité, préfère conforter le passé. Je le répète, nous nous opposerons avec vigueur à cette proposition. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    En revanche, l'abaissement de la durée du mandat de neuf ans à six ans correspond bien à la réforme attendue et les sénateurs, en la proposant, ce qui a supposé qu'ils s'investissent personnellement, ont fait preuve d'une réelle vision d'avenir. Cette mesure importante met fin à un archaïsme de notre démocratie. Soulignons d'ailleurs qu'elle avait été proposée par les sénateurs socialistes dès juin 2000.
    M. André Vallini. Très juste !
    Mme Catherine Génisson. Neuf ans de mandat, c'est une durée extraordinairement longue, quasi unique en Europe et dans le monde ; une durée insolite, désormais inadaptée à l'accélération du temps politique et aux évolutions rapides de notre société ; une durée qui a perdu toute cohérence avec l'ensemble des autres mandats électoraux, encore plus depuis l'instauration du quinquennat ; une durée qui ne semble plus utile au regard de l'identité du Sénat. Pour ces raisons, on ne peut qu'acter positivement cette décision.
    En effet, réduire le mandat de neuf ans à six ans constitue une modernisation attendue de notre vie politique. Le renouvellement plus fréquent de ses membres, sans qu'il y ait pour autant changement de majorité - j'y reviendrai - permettra au Sénat d'impulser plus facilement les réformes et d'être un accélérateur de projets. Les sénateurs socialistes, de même que les membres de notre groupe lors de l'examen du texte par la commission des lois, se sont félicités de cette avancée.
    Je n'aurai pas le même enthousiasme à propos de l'autre réforme attendue, à savoir l'abaissement de l'âge minimal pour devenir sénateur. Le Sénat constitue également dans ce domaine une exception. Alors que l'âge requis pour accéder à l'ensemble des autres fonctions électives est de dix-huit ou vingt-trois ans, les sénateurs, eux, doivent être âgés d'au moins trente-cinq ans. On peut donc être député à vingt-trois ans, Président de la République à vingt-trois ans, conseiller général ou régional à dix-huit ans, mais il faudra encore attendre trente ans, si la proposition de loi est adoptée, pour devenir sénateur.
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    Mme Catherine Génisson. Qu'est-ce qui justifie ce décalage ?
    M. Bernard Roman. Rien !
    M. Robert Pandraud. Quand on devient sénateur à vie, il ne faut pas commencer trop tôt ! (Sourires.)
    Mme Catherine Génisson. Rien, en effet ! L'argument selon lequel l'âge d'éligibilité serait l'un des caractères identifiant notre Haute Assemblée me laisse quelque peu perplexe.
    Alors même que l'ensemble de la classe politique s'est rajeunie, notamment du fait de la parité, pourquoi maintenir un tel écart ?
    La question mérite d'être posée, comme le montrent les arguments avancés lors de la discussion de ce texte.
    Certains évoquent la nécessaire expérience.
    M. Bernard Roman. Parlons plutôt de gérontocratie !
    Mme Catherine Génisson. L'expérience, qualité indéniable, serait-elle l'apanage de nos seuls collègues sénateurs, à l'exclusion du Président de la République et des députés ?
    D'autres évoquent la nécessité de conserver une spécificité au Sénat afin, semble-t-il, de protéger le bicamérisme. A trop gommer les différences entre les deux assemblées, l'architecture de la Ve République serait menacée. Nous connaissons l'indépendance de la Haute Assemblée : l'abaissement de l'âge d'éligibilité à vingt-trois ans ne l'aurait pas compromise.
    M. Bernard Roman. Bien sûr que non !
    Mme Catherine Génisson. Maintenir une discrimination par l'âge ne favorise pas l'égalité de représentation des citoyens, alors même que les assemblées politiques - cela ne concerne pas que le Sénat - doivent être plus représentatives de notre société. Jeunes, actifs âgés, hommes, femmes, retraités... l'ensemble des catégories sociales et socioprofessionnelles doivent être mieux représentées.
    Prenons l'exemple des collectivités territoriales, et tout particulièrement des conseils municipaux, qui constituent l'échelon de proximité par excellence. Certes, les dernières élections municipales ont connu un rajeunissement et une féminisation. En revanche, les fonctions excécutives restent encore majoritairement occupées par des hommes, et surtout par des personnes qui ont le temps de les exercer. L'argument de l'expérience est presque toujours invoqué. En fait, le vrai sujet de réflexion semble plutôt l'articulation des temps de vie. Quand les jeunes débutent en même temps leur carrière professionnelle et leur vie familiale, leurs obligations deviennent difficilement conciliables avec une responsabilité politique. Ainsi se retrouve posée la question du statut de l'élu, élément fondamental pour la modernisation de notre démocratie. Le gouvernement de Lionel Jospin avait réalisé, en la matière, des avancées qui méritent d'être confortées.
    L'alignement sur vingt-trois ans de l'âge d'éligibilité ne permettrait sans doute pas d'élire du jour au lendemain un Sénat représentatif, jeune et féminisé. En rester à trente ans revient toutefois à se priver d'évolution vers une meilleure représentativité.
    En ce qui concerne enfin les mesures qui consistent à augmenter le nombre de sénateurs et à procéder à leur renouvellement par moitié, la majorité sénatoriale a préféré, là aussi, regarder vers le passé plutôt que de bâtir l'avenir.
    Je m'étonne du choix des sénateurs de proposer la création de vingt-deux sièges supplémentaires. On soutient qu'il s'agirait d'une injonction du Conseil constitutionnel. Je connais cet argument et j'y reviendrai. Cependant, une telle proposition paraît pour le moins décalée dans le contexte politique actuel. Sans tomber dans une démagogie facile, force est de constater qu'en la formulant, les sénateurs brouillent un peu plus l'image qu'ont les Français de la Haute Assemblée.
    Cette proposition fait effectivement suite à une décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000, qui demande au législateur « de modifier la répartition par sièges des sénateurs dans les départements afin de tenir compte des évolutions de la population des collectivités territoriales dont le Sénat assure la représentation » . Mais j'observe tout d'abord que le Conseil constitutionnel ne nous fait pas obligation d'augmenter le nombre des sénateurs. Il a simplement enjoint au législateur de rétablir une représentation équitable. Sans polémiquer inutilement, rappelons que cette modification avait été proposée par le gouvernement de Lionel Jospin dès le mois de mars 2000, dans un autre contexte politique et social. Mais la majorité sénatoriale de l'époque avait rejeté cette loi organique.
    Etonnamment, le Sénat adopte à présent cette proposition. Quelle est aujourd'hui la position des sénateurs - et ils sont nombreux - qui, à l'époque, avaient opposé avec succès la question préalable au projet gouvernemental ? Cette proposition tendant à augmenter le nombre des sénateurs repose le problème de l'équilibre entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Elle soulève la question de notre bicamérisme et ce qui en fonde la spécificité alors que la règle issue des travaux préparatoires de la Ve République avait institué un rapport de deux tiers - un tiers au sein du Congrès.
    L'autre argument, tout aussi préoccupant, est celui de la limite de telles augmentations d'effectifs, bien que le Sénat nous ait assuré que c'était la dernière réforme. Qu'en sera-t-il dans dix ans ? Faudra-t-il augmenter de nouveau le nombre des sénateurs ? Jusqu'où irons-nous ? Comment garantir l'équilibre au sein du Congrès ?
    Ces questions sont en suspens et n'ont pas été suffisamment débattues lors de l'examen de cette proposition par la commission des lois. Quand on argue des recommandations du Conseil constitutionnel qui imposeraient cette augmentation du nombre de sénateurs, pourquoi ne pas suivre celle du 6 juillet 2000, qui affirmait que « la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales doit tenir compte de la population qui y résidait », et ce même si la proposition d'un délégué pour 300 habitants n'est pas possible.
    Dès lors, comment ne pas s'étonner que la réforme du Sénat ne propose pas également une modification de la désignation des délégués municipaux au collège électoral sénatorial ? Comment ne pas s'étonner que des sénateurs puissent représenter 70 000 ou 300 000 habitants ?
    Regrettons que cette réforme n'ait pas été l'occasion de moderniser cette institution et de la doter d'une représentation des territoires conforme à la réalité de notre pays.
    M. Bernard Roman. Absolument !
    Mme Catherine Génisson. En effet, la sous-représentation de la France urbaine et la sur-représentation des communes rurales affectent toujours la représentativité de la seconde chambre. On le sait, ce système des délégués a empêché toute alternance au Sénat - ce point a été très largement développé par mon collègue Bruno Le Roux. Cette question, qui ressurgit, depuis 1958, à chaque grand rendez-vous politique, mérite un travail parlementaire très approfondi.
    La durée du mandat réduite à six ans et l'augmentation du nombre des sénateurs impliquent nécessairement la redéfinition du mode de renouvellement des sénateurs. Aujourd'hui, les sénateurs sont renouvelés par tiers, suivant trois collèges A, B, C. La proposition de loi prévoit que, à partir de 2010, le Sénat sera renouvelable par moitié tous les trois ans afin de ne provoquer aucune réduction de la durée des mandats en cours. Je ne reviendrai pas ici sur les modalités de ce passage. En revanche, je souhaite insister tout particulièrement sur l'occasion manquée par cette réforme de renouveler et de moderniser nos institutions et de redonner au Sénat un formidable élan politique.
    Les conseils municipaux dont les délégués constituent l'immense majorité du conseil des grands électeurs sont renouvelés tous les six ans. Faire que chaque renouvellement municipal soit suivi d'un renouvellement sénatorial aurait assurément permis de rapprocher le Sénat des électeurs.
    M. Bernard Roman. Bien sûr !
    Mme Catherine Génisson. J'entends les arguments d'anticonstitutionnalité que soulève cette proposition. Je ne les ignore pas. La Constitution stipule en son article 32 que le président du Sénat est élu après chaque renouvellement partiel. Mais c'est bien là la principale faiblesse de ce texte. La majorité sénatoriale a perçu la nécessaire réforme de son institution de la part des citoyens, des élus territoriaux. Au lieu d'engager cependant un véritable débat sur son rôle, sur l'architecture de notre Ve République, elle a préféré procéder à un simple toilettage. Elle a choisi le prêt-à-porter au lieu de répondre aux exigences de modernisation de notre vie politique.
    M. Bernard Roman. Tout à fait !
    Mme Catherine Génisson. Je l'ai dit, notre Constitution repose donc sur un équilibre inégalitaire entre les deux chambres. Les mesures proposées le modifient, sans toutefois le remettre en cause totalement. Ces deux propositions de loi apparaissent plus comme une volonté du Sénat de changer son image que de procéder à une véritable réforme. Or celle-ci s'impose tant il est vrai que le Sénat a une image pour le moins statique aux yeux de nos concitoyens.
    En conclusion, je dirai que la majorité sénatoriale, au-delà d'avancées que l'on ne peut nier, a raté le rendez-vous d'une réforme sur le fond de son institution. Dans notre assemblée, nous avons la volonté d'approfondir les présentes dispositions. C'est ce à quoi se sont attelés les députés du groupe socialiste. Alors que nos amendements ont été refusés par la commission des lois, le retour de ces textes en commission est indispensable.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
    Mme Catherine Génisson. Aussi, je vous propose de voter cette motion de renvoi en commision. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Le renvoi en commission s'apparentant plutôt à une modalité d'organisation du travail de l'Assemblée, le Gouvernement ne pense pas avoir d'observation à faire dans ce domaine.
    M. Robert Pandraud. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Comme en témoigne le rapport de la commission, qui est extrêmement argumenté, chacun a eu l'occasion de s'exprimer et nous avons eu longuement le temps de débattre. Nous avons même pu apporter des preuves contraires s'agissant d'objections qui, je dois le confesser, m'avaient au départ ébranlé. Ainsi, sur l'équilibre entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
    M. Bernard Roman. On y reviendra ! Vous pourriez être encore ébranlé !
    M. Pascal Clément, président de la commission. D'ailleurs, Guy Geoffroy, avec le talent qu'on lui connaît, y est revenu, de même que le ministre, qui a développé ce point. Bref, et je le dis avec toute l'honnêteté qui me caractérise, je ne vois pas comment on pourrait approfondir l'examen de ces textes. Je vous invite donc, mes chers collègues, à repousser cette motion de renvoi en commission.
    Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion du renvoi en commission de la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.
    M. Guy Geoffroy. Le propos global de Mme Génisson ne souffre pas de critique quant à sa cohérence. Elle a repris, de manière très complète, des points maintes fois évoqués par ses collègues, et rien ne peut lui être reproché à ce titre. On ne peut, en revanche, que souligner le manque de renouvellement des arguments, si l'on excepte l'enrichissement du catalogue des vocables utilisés lorsqu'on parle du Sénat. On savait qu'il était « anachronique », qu'il constituait une « anomalie » : on a appris aujourd'hui que le Sénat était une institution « décalée » et même « intemporelle ». Cela n'échappera pas à l'historien.

    Sur le fond, j'ai noté que Mme Génisson avait déclaré : « Les sénateurs apparaissent bien lointains ». Dès lors, est-il cohérent de présenter des amendements visant à supprimer des sénateurs là où ils ne sont pas déjà bien nombreux, c'est-à-dire dans les départements ruraux, qui ont eu tendance à se dépeupler depuis un certain nombre d'années ? Ce n'est probablement pas en supprimant des sénateurs dans les zones rurales qu'on les rendra plus proches de la population.
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux qu'ils sont proches de la population !
    M. Guy Geoffroy. S'agissant du mode de scrutin et de la parité, nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer à de multiples reprises depuis ce matin. Toutes les questions évoquées ont fait l'objet, comme l'a rappelé le président Clément, d'échanges nourris et fort intéressants. Malgré la qualité de son intervention, Mme Génisson ne nous a donc pas convaincus que le travail fait en commission était insuffisant. C'est la raison pour laquelle je propose à notre assemblée, au nom du groupe UMP, de ne pas adopter cette motion.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Jack Queyranne. Les textes qui nous sont proposés sont à la fois incomplets et imparfaits. Et si nous voulons faire un travail législatif cohérent, il nous appartient de remetttre l'ouvrage sur le métier, monsieur le président de la commission. Certes, nos discussions ont été nourries, mais quand nous nous sommes séparés jeudi dernier, rien n'indiquait que votre majorité avait vraiment confiance dans la portée de ces propositions de lois : elle semblait consciente des reculs qu'elles impliquaient sur le plan de la parité ; bien plus, elle redoutait des motifs d'inconstitutionnalité sur de nombreux points.
    Si nous voulons aider le Sénat à se réformer, parce que là est bien la question, si, au-delà de la réduction de la durée du mandat et du timide abaissement de l'âge d'éligibilité, nous souhaitons enrichir les textes et les rendre irréprochables sur le plan constitutionnel, il nous faut donc suivre la proposition de Mme Génisson.
    Dans la continuité de l'action qu'elle a menée au cours de la législature précédente, dans le cadre de l'observatoire de la parité, action maintenant reprise par Mme Zimmermann en tant que présidente de la Délégation aux droits des femmes, Catherine Génisson a souligné ce qui apparaît aujourd'hui vis-à-vis des femmes de notre assemblée, mais, au-delà, vis-à-vis des femmes du Sénat, comme un déni de représentativité.
    Sur ce point, il faut remettre en cause le principe de la modification de la représentation proportionnelle, qui est maintenant portée à quatre sièges par département. Alors qu'un consensus assez large s'exprime à cet égard, les tentatives faites au sein de la commission des lois pour essayer de corriger le texte n'ont pas débouché. Il faut donc reprendre le travail. Il faut retourner en commission avec le souci d'améliorer le texte. C'est pour cela que le renvoi en commission me semble devoir être voté par l'Assemblée, en particulier par la majorité de cette assemblée, qui rendrait ainsi service au Sénat. Si les textes proposés souffrent d'inconstitutionnalité et sont donc annulés par le juge constitutionnel, le Sénat n'en sortira pas grandi, en effet. Sa représentativité et sa légitimité seront en recul aux yeux de l'opinion, ce qui serait dommage pour lui. Alors, chers collègues de la majorité, aidez le Sénat et votez la motion de renvoi en commission de Mme Génisson. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

LOI ORGANIQUE PORTANT RÉFORME DU SÉNAT
Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle en premier lieu les articles de la proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, dans le texte du Sénat.

Article 1er

    Mme la présidente. « Art. 1er. - L'article LO 275 du code électoral est ainsi rédigé :
    « Art. LO 275. - Les sénateurs sont élus pour six ans. »
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Article 2

    Mme la présidente. « Art. 2. - I. - L'article LO 276 du code électoral est ainsi rédigé :
    « Art. LO 276. - Le Sénat est renouvelable par moitié. A cet effet, les sénateurs sont répartis en deux séries 1 et 2, d'importance approximativement égale, suivant le tableau n° 5 annexé au présent code. »
    « II. - A titre transitoire, les sénateurs de la série C rattachés par tirage au sort à la série 2 sont élus pour neuf ans en 2004.
    « Durant la première semaine d'octobre 2003, le bureau du Sénat procédera en séance publique au tirage au sort des sièges de sénateurs de la série C dont la durée du mandat sera de neuf ans, sous réserve des dispositions du III de l'article 3.
    « A cet effet, les sièges de la série C seront répartis en deux sections, l'une comportant les sièges des départements du Bas-Rhin, à l'Yonne, à l'exception de la Seine-et-Marne, et l'autre, ceux des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de l'Ile-de-France ainsi que les sièges des sénateurs de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    « III. - Les dispositions du I entreront en vigueur à compter du renouvellement partiel de 2010. »
    Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 2 et 4.
    L'amendement n° 2 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 4 est présenté par M. Roman et les membres du groupe socialiste.
    Les amendements sont ainsi libellés :
    « Rédiger ainsi l'article 2 :
    « L'article LO 276 du code électoral est ainsi rédigé :
    « Art. LO 276. - Le Sénat se renouvelle intégralement. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 2.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à proposer le renouvellement du Sénat en une seule fois. L'article 1er prévoit la réduction de neuf à six ans de la durée du mandat sénatorial. Si nous nous réjouissons que cette durée excessive, qui était en effet la plus longue d'Europe pour un parlementaire, soit enfin réduite, nous regrettons néanmoins que le renouvellement s'effectue par moitié.
    L'un des principaux arguments provoqués pour refuser le renouvellement intégral est qu'il serait contraire contraire à l'esprit du bicamérisme. Pourtant, dans la grande majorité des pays où le bicamérisme est la règle, un renouvellement général a lieu dans la seconde assemblée comme dans la première. Nous ne pouvons donc considérer que le renouvellement partiel serait la condition sine qua non du bicamérisme.
    L'autre argument avancé pour justifier le refus d'un renouvellement intégral est constitutionnel. Un tel renouvellement serait contraire aux articles 25 et 32 de la Constitution. Sans entrer dans une analyse de la Constitution, je ferai simplement deux remarques. Notons tout d'abord qu'il y a plusieurs interprétations possibles de l'article 25 de la Constitution. Pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas du tout convaincus que cet article soit incompatible avec un renouvellement intégral du Sénat. S'agissant ensuite de l'article 32, nous observons que rien n'empêche une révision constitutionnelle afin de mettre le droit en accord avec la mise en place d'un tel renouvellement.
    Enfin, et au-delà de ces arguments techniques, nous sommes convaincus que le Sénat aurait tout à gagner d'un renouvellement intégral tant pour renforcer sa légitimité que sa représentativité. L'adoption d'une telle disposition permettrait au Sénat d'être représentatif de l'opinion des électeurs dans leur évolution, même si - nous ne l'ignorons pas - le scrutin indirect, avec une forte dominante de système majoritaire, freine toute idée de changement. Cet amendement s'oppose à une conception conservatrice d'un Sénat « modérateur » permettant de bloquer les attentes et les aspirations du mouvement populaire.
    Faut-il rappeler quelques faits historiques pour illustrer ce propos ? La résistance à l'impôt sur le revenu, l'opposition au vote des femmes, son rôle dans la chute du Front populaire : voilà autant d'exemples significatifs qui plaident pour l'adoption de cet amendement. Grâce à lui, les grands mouvements de l'opinion populaire seront mieux pris en compte et le Sénat pourra enfin rompre avec son conservatisme de tradition.
    Enfin, un tel renouvellement, qui aurait lieu en même temps dans l'ensemble des circonscriptions, permettrait l'ouverture d'un débat, sur le plan national, sur les missions du Sénat et les enjeux politiques qui concernent nos concitoyens. Pouvons-nous prendre le risque d'en faire l'économie ? Nous ne le pensons pas, pour ce qui nous concerne. C'est la raison pour laquelle nous invitons l'Assemblée à adopter notre amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Bernard Roman. Je reprendrai à mon compte certains des arguments qui viennent d'être développés par M. Vaxès. Nous nous heurtons tous à la difficulté soulignée par Mme Génisson. Il s'agit, en effet, d'une disposition constitutionnelle, le principe du renouvellement partiel du Sénat étant inscrit à l'article 32 de la Constitution.
    Est-ce une loi organique ou une loi ordinaire qui permettront de réformer le Sénat ? Nous ne le pensons pas, quant à nous.
    Nous considérons, tout en ne remettant pas en cause le bicamérisme - cette chance pour notre République qu'offre la complémentarité entre les deux chambres - que la deuxième chambre est aujourd'hui si décalée par rapport à l'évolution de la société qu'elle semble davantage représenter la France du xixe siècle que celle du xxie siècle. Alors que 95 % des grands électeurs sont issus des communes, il apparaît pratiquement impossible pour une des deux chambres de connaître un jour l'alternance, pour une simple raison de sociologie nationale. Or cela n'est pas objectivement acceptable dans la première démocratie du monde.
    Aujourd'hui, alors que nous ne pouvons pas aller vers une modification du texte fondamental, nous sommes amenés à faire des propositions dans un cadre contraint. Et l'exercice est singulièrement restreint. Notre amendement tend donc à proposer que le renouvellement du Sénat se fasse en une seule fois, au lendemain du renouvellement municipal, tous les six ans.
    A cet égard, monsieur le rapporteur, permettez-moi de constater une erreur dans votre rapport.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Est-ce possible ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman. Vous précisez en effet que le principe du renouvellement partiel n'a jamais été en cause depuis l'origine.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si ! En 1945 !
    M. Bernard Roman. « Comme on l'a souligné précédemment, le principe du renouvellement partiel du Sénat appartient à la tradition parlementaire française depuis 1875 et n'a jamais été remis en cause. », indiquez-vous ainsi à la page 33 de votre rapport. Or il l'a été dans les propositions du rapport Mauroy, dont je rappelle que celles qui concernaient le Sénat ont été validées en grande partie par un certain nombre de membres de l'opposition de l'époque, majorité d'aujourd'hui.
    Enfin, l'argument selon lequel le renouvellement partiel permettait un effet de lissage politique qui était source de stabilité me semble complètement décalé sinon inutile. Monsieur le ministre, vous connaissez mieux que personne les statistiques du ministère de l'intérieur. Sur les 36 500 maires qui figurent sur les listings du ministère de l'intérieur, moins de 1 800 sont répertoriés comme étant de « gauche » ou « divers gauche ». Tous les autres sont « droite », « divers droite » ou « non inscrits ». Ce corps électoral étant, dans notre pays, à la source de 95% de celui des sénateurs, comment peut-on imaginer que le Sénat connaisse un jour une autre majorité qu'aujourd'hui ?
    M. Guy Geoffroy. Supprimez le peuple ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman. C'est une drôle de conception de la démocratie que vous avez là ! Une démocratie qui, dans ses textes, érige une chambre qui ne connaîtra jamais l'alternance est une anomalie. Ce terme, qui a déjà été évoqué par le passé, n'a manifestement pas plu à notre collègue Geoffroy,...
    M. Guy Geoffroy. Si !
    M. Bernard Roman. ... mais c'est bien une anomalie.
    Nous proposons, à défaut de corriger cette anomalie, d'essayer de la limiter quelque peu par un renouvellement total qui aurait lieu tous les six ans.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 2 et 4 ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, comme l'ont déjà dit les orateurs qui les soutenaient, en anticipant sur l'argument constitutionnel que je vais exposer. L'article 32 de la Constitution prévoit, en effet, comme je l'indique dans mon rapport, que le renouvellement du Sénat s'effectue de façon partielle. Il paraît donc difficile de s'opposer à la Constitution.
    J'ajoute que ce qui avait été remis en cause formellement, juridiquement, par une loi, était, non le renouvellement partiel, mais le renouvellement par tiers, et on avait procédé en 1948 à un renouvellement par moitié. Le principe du renouvellement partiel contribue à faire du Sénat une institution modératrice et s'inspire également du renouvellement par moitié que connaissent les conseillers généraux, qui sont de grands électeurs. Le renouvellement partiel semble donc s'imposer, et le renouvellement total n'est pas une bonne mesure pour le Sénat.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Madame la présidente, je souhaite intervenir sur l'amendement de M. Vaxès, parce qu'il traite d'un sujet auquel je suis personnellement attaché. Je sens qu'à gauche, depuis quelques années, fleurit l'idée qu'il n'y a aucune raison pour que le Sénat soit renouvelé partiellement, et qu'il serait plus sain pour la démocratie de renouveler toutes les instances en même temps : tous les cinq ans l'Assemblée nationale et tous les six ans les conseils municipaux et donc le Sénat. J'y suis, pour ma part, fondamentalement opposé, car nous serions alors en présence de deux chambres des députés, c'est-à-dire deux chambres clonesques.
    Quel est l'intérêt du bicamérisme ? J'emploie à dessein ce mot, parce que je suis un militant de la République bicamérale. C'est d'avoir, précisément, deux chambres qui ne se ressemblent ni par le mode d'élection, ni par la durée du mandat, ni même par les pouvoirs, ce qui est le cas de la Ve République, à la différence de la IIIe, comme on l'a déjà rappelé au cours du débat sur la décentralisation. L'argument massue en faveur de l'Assemblée nationale, c'est que nous avons le dernier mot législatif.
    Renouveler les deux chambres de la même manière, c'est-à-dire d'un seul coup, nuirait, je le crois très honnêtement, à l'intérêt que présente le bicamélisme. Je rappelle que, tant en 1875 qu'en 1948, le constituant a voulu que le Sénat soit renouvelé partiellement pour assurer la pérennité non seulement de l'institution sénatoriale, mais aussi de l'institution républicaine. Pour ma part, monsieur Vaxès, j'ai observé que dans la période contemporaine, il y a une vingtaine d'années - vous comprenez sans doute à quelle époque exacte je fais allusion -, le Sénat a joué tout son rôle. Vous savez en effet que, nous, députés, sommes le fruit d'un moment donné de l'expression populaire. Or celle-ci peut avoir ses excès. Il est donc important que des représentants soient élus à un autre moment de notre histoire afin de faire contrepoids.
    M. Bruno Le Roux. Autrement dit, il est bien d'avoir un Sénat à droite quand la gauche l'emporte à l'Assemblée.
    M. Bernard Roman. Mais ça ne peut pas être l'inverse.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si, ça peut être l'inverse, mes chers collègues.
    M. Bruno Le Roux et M. Bernard Roman. Mais non !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais si !
    Mme la présidente. Laissez s'exprimer M. le président de la commission !
    M. Bruno Le Roux. Ce que vous appelez les excès, c'est la victoire de la gauche !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ils sont ainsi, madame la présidente.
    Monsieur Le Roux, je suis sûr que vous connaîtrez de votre vivant - dois-je vous souhaiter longue vie ? - l'alternance au Sénat.
    M. Bernard Roman. Mais non ! Je vais vous donner les chiffres !
    M. Pascal Clément, président de la commission. On a fait observer tout à l'heure que le président Gaston Monnerville était sûrement le principal opposant au général de Gaulle. On a donc connu, dans l'histoire contemporaine, un Sénat opposé.
    M. Bernard Roman. Le Sénat n'était pas pour autant à gauche !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Sur le plan de l'équilibre de nos institutions, il serait néfaste, monsieur Vaxès, je le répète, que deux élections simultanées renouvellent les deux assemblées, car celles-ci seraient issues d'une même poussée de l'opinion publique, et nous serions peut-être victimes des excès de cette élection, quels qu'en soient les vainqueurs d'ailleurs.
    Telles sont les raisons pour lesquelles je suis fondamentalement opposé à ces amendements. Je le répète, il est bon et sain que l'une des assemblées ne soit pas renouvelée complètement. De la seconde assemblée - qualificatif que je préfère à celui de haute assemblée - qui représente les collectivités territoriales, on dit bien du reste qu'elle est sage. Eh bien, cette sagesse tient aussi à son mode d'élection différent selon lequel ses membres sont désignés, d'une part, par les grands électeurs, d'autre part, à des périodes différentes, désormais deux. Sinon, autant avoir un monocaméralisme dont vous savez comme moi qu'il est celui des régimes les plus totalitaires qu'a connus l'histoire du monde. Il faut donc faire attention : la démocratie est fondée sur le bicaméralisme et les deux chambres ne doivent pas se ressembler.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable.
    Monsieur Roman, je ferai trois observations.
    D'abord, c'est vrai, Gaston Monnerville fut un opposant déterminé au général de Gaulle. Vous me direz qu'il n'était pas de gauche ;...
    M. Bernard Roman. Je n'ai pas dit cela : j'ai dit que la majorité du Sénat n'était pas de gauche !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... je n'en sais rien ! Il était radical-socialiste. Il était élu du Sud-Ouest, je crois...
    M. Jean-Jack Queyranne et M. Bernard Roman. Du Lot !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... qui est plutôt une terre de gauche.
    M. Jean-Jack Queyranne. Et il était d'origine guyanaise !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Voilà une majorité sénatoriale qui trouve grâce à vos yeux. Rien n'est donc désespéré.
    C'était un homme de gauche, que le malheur des temps a peut-être parfois contraint à siéger à droite, comme disait Jouvenel. Mais que voulez-vous, c'est l'effet de la déception que l'on peut avoir, parfois, à l'égard de ses propres amis, ou l'infidélité à l'idéal qui était à l'origine de l'engagement politique, qui conduit à de telles extrémités. C'est en tout cas une situation fréquente que celle d'un homme de gauche contraint de siéger à droite par le malheur des temps.
    En outre, nous ne vivons pas dans un système bipartiste, qui ferait que l'alternance vous reviendrait forcément. Vous refusez d'ailleurs un tel système.
    M. Bernard Roman. Non ! Le parti unique !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous nous l'avez suffisamment expliqué. C'est votre choix, il est tout à fait respectable.
    Deuxième observation, la politique qui se dégage de vos amendements, sur lesquels le président Clément s'est exprimé, est de faire ressembler de plus en plus le Sénat à l'Assemblée nationale. J'en veux pour preuve, votre amendement sur l'âge d'éligibilité premièrement dont vous voulez qu'il soit le même pour les deux chambres ; deuxièmement, votre volonté de donner plus de poids au critère de population par rapport à celui du territoire, alors que c'est bien ce qui distingue les deux chambres ; troisièmement, le renouvellement partiel.
    Donc votre politique tend par amendements successifs à gommer cette différence. Naturellement, vous n'y arrivez pas totalement, mais c'est ce à quoi vous voulez parvenir. Cela revient à réduire à néant le bicaméralisme.
    Troisième observation, on est là en pleine rhétorique puisque vous savez parfaitement que vos amendements sont inconstitutionnels. Et s'il y a quelque chose d'irrecevable au sens propre, c'est bien cela.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Nous ne reviendrons pas aussi longuement sur l'ensemble des amendements, car nous ne sommes pas là pour faire de l'obstruction,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. On l'a vu récemment !
    M. Bernard Roman. ... même si ce texte ne nous convient pas. Mais nous saisissons quand même l'occasion qui nous est donnée pour affirmer fortement nombre de choses.
    Il ne se trouve pas, je pense, dans cet hémicycle une famille politique qui s'oppose au bicamérisme, s'ils sont, comme M. Clément, des militants de cette vision de l'organisation de la démocratie. Evacuons donc ce débat.
    La question que se pose à travers ces deux textes - et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir élévé le débat par rapport aux amendements que nous sommes amenés à présenter - c'est celle du rôle de chacune des assemblées, de sa place dans l'équilibre de nos institutions. A l'heure actuelle, et je le dis aussi à nos amis de la majorité à l'Assemblée nationale qui vont dans ce sens, on est en train de voir se déplacer de manière subtile le curseur dans l'équilibre des pouvoirs entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
    Mme Catherine Génisson. C'est vrai !
    M. Bernard Roman. Et je ne suis pas le seul à le dire. En effet, je pourrais vous citer des déclarations du président de l'Assemblée nationale qui vont dans ce sens, y compris sur le nombre des membres du Congrès. Je ne suis donc pas le seul à dire que le curseur est en train de se déplacer dangereusement vers le Sénat. Et je prendrai quelques exemples.
    Monsieur Clément, vous nous dites, très justement, que la grande différence entre l'Assemblée nationale et le Sénat, c'est que l'Assemblée nationale a le dernier mot législatif. Considérez-vous - et vous me répondrez si vous vous en sentez la possibilité - que vous avez le dernier mot sur ce texte, alors que l'exécutif va vous demander, comme il l'a fait hier pour le fonctionnement des institutions, de nous coucher pour prendre une décision conforme avec le Sénat et donc suivre totalement le texte élaboré par le Sénat ?
    Même s'il y a des réticences et si nombre d'entre vous savent bien que le Conseil constitutionnel examinera d'un oeil critique plusieurs de ces dispositions, le fait est que nous allons accepter tranquillement une évolution de nos institutions où le Sénat décide pour le Sénat. Alors qu'une telle mesure aura des conséquences sur le fonctionnement de nos institutions, nous allons dire tranquillement « oui » aux propositions de M. Poncelet et de ses amis. Voilà une dérive dangereuse des institutions de la Ve République, aux termes de laquelle l'Assemblée nationale n'aurait plus le dernier mot.
    Au reste, dans les navettes, nous savons qu'il n'y a plus deux ou trois lectures dans chaque chambre mais une seule lecture puisque un groupe majoritaire au Sénat - c'est la première fois dans le Ve République qu'il y a un groupe majoritaire au Sénat - et la majorité de l'Assemblée nationale parviennent à un accord en commission mixte paritaire sous la bienveillante attention de l'exécutif - ça aussi c'est le fonctionnement de nos institutions. De telles méthodes tirent vers le bas l'ensemble de la démocratie parlementaire, en particulier la place de l'Assemblée nationale.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, c'est indigne !
    M. Bernard Roman. Monsieur le président de la commission, vous pouvez penser autrement...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Oui !
    M. Bernard Roman. ... mais vous ne pouvez pas m'empêcher de penser cela...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Certes. Mais vous pensez mal !
    M. Bernard Roman. ... et de le constater dans les décisions que nous prenons.
    Il est vrai que les amendements que nous proposons, M. Vaxès et moi-même, respectivement au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste, sont inconstitutionnels. Nous le savons et nous le disons.
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. M. Vaxès ne l'a pas dit.
    M. Bernard Roman. A travers ces amendements, nous voulons rappeler que nous ne pouvons pas modifier la place du Sénat, le caractère décalé du Sénat dans nos institutions. Ils sont cependant indispensables pour s'opposer à l'évolution que nous sentons, et qui n'est d'ailleurs pas étrangère au fait que le Premier ministre soit un ancien sénateur et qu'il a des liens organiques avec le Sénat.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est une attaque ad hominem !
    M. Bernard Roman. Peut-être ! Vous pouvez penser qu'il y a d'un côté le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et de l'autre le sénateur. Non, le Premier ministre est un ancien sénateur. C'est ainsi.
    M. Guy Geoffroy. De tels procès d'intention sont inadmissibles !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. C'est intolérable !
    M. Bernard Roman. Cette évolution est dangereuse pour l'équilibre de nos institutions.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Mauroy est un ancien Premier ministre et il est sénateur !
    M. Bernard Roman. La grande différence, c'est que M. Mauroy a déjà été élu au suffrage universel direct, monsieur le ministre.
    M. Bruno Le Roux. Raffarin, jamais !
    M. André Vallini. M. Raffarin n'a jamais été élu au suffrage universel direct. Il n'a jamais été ni député, ni maire, ni conseiller général !
    Mme la présidente. Monsieur Vallini !
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président de la commission, comme toujours je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. J'y prends d'ailleurs quelque plaisir parce que vous vous exprimez souvent avec élégance et quelquefois avec passion.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il est vrai ! (Sourires.)
    M. Michel Vaxès. Mais ni l'élégance ni la passion ne peuvent justifier la validité des propos que vous pouvez tenir à un moment ou à un autre. Je peux vous répondre avec la même conviction car je considère, fondamentalement, comme vous dites, que notre proposition qui vise à renouveler en une seule fois les sénateurs est une bonne mesure.
    J'entends bien l'argument que vous mettez en avant, selon lequel la similitude avec l'Assemblée nationale risquerait de gommer les spécificités de chacune des chambres. Mais cet argument est spécieux. Chacun sait en effet que la représentation nationale est élue au suffrage direct, tandis que les sénateurs sont élus au suffrage indirect par les grands électeurs. Chacun sait aussi que les pouvoirs sont différents. Et la similitude dans le temps d'une élection ne peut pas justifier le mimétisme des fonctionnements de l'une et de l'autre assemblée. Ce n'est donc pas sur ces raisons que nous nous fondons pour proposer cet amendement mais pour une raison beaucoup plus simple et fondamentale : celle de la démocratie.
    Le Sénat, on l'a dit sur tous les bancs, représente les collectivités territoriales. Il est normal que, à chaque renouvellement des collectivités territoriales, il puisse refléter la réalité telle que la volonté populaire l'a exprimée. C'est aussi simple que cela !
    Mme Catherine Génisson et M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Michel Vaxès. C'est aussi fondamental que cela car c'est une question de démocratie. Qu'on ne vienne pas nous parler de l'inquiétude de ceux qui considèrent que cette Haute Chambre doit revêtir une certaine stabilité. Lorsque vous regardez la réalité après les élections municipales, je ne pense pas que vous ayez observé des bouleversements extraordinaires de la réalité politique au Sénat.
    C'est donc pour une question de démocratie, pour faire correspondre la réalité politique du Sénat à la réalité de l'opinion publique telle qu'elle est sortie des urnes lors des élections des collectivités territoriales que nous considérons que notre amendement devrait être accepté par cette assemblée, si celle-ci se prononçait sur le fond.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. M. Roman m'ayant fait l'amitié de me poser une question, je m'empresse d'y répondre.
    Il est vrai, que le constituant a prévu que, s'agissant des lois organiques concernant le Sénat, les deux assemblées devaient les adopter dans les mêmes termes. Cela signifie que l'Assemblée nationale ne peut pas imposer au Sénat des dispositions que ce dernier ne souhaite pas.
    Je suis cependant assez surpris de sa position, compte tenu du contexte qui entoure le vote de cette proposition de loi sénatoriale. En effet, s'il y a ici débat entre la majorité et l'opposition, le groupe socialiste du Sénat - et j'avoue que j'ignore la position du groupe communiste - est totalement d'accord avec le groupe majoritaire qu'il vient de critiquer.
    M. Bernard Roman. Sur la loi organique !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est l'essentiel !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est dire que le Sénat était très consensuel, pour ne pas dire absolument consensuel s'agissant de cette proposition de loi.
    M. Bernard Roman. Organique !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Oui ! C'est bien celle dont nous parlons, monsieur Roman.
    A cet égard, quand l'Assemblée fait des suggestions, il est bien évident que cela ne revient pas à se « coucher » ; je reprends ce terme puisque vous avez l'air de prophétiser un futur que vous connaissez visiblement mieux que moi. Reconnaître que nous ne pouvons pas être en désaccord sur cette loi organique avec le Sénat équivaut simplement à tenir compte de la Constitution.
    Puisque vous avez indiqué que cela est contestable, permettez-moi de relever une autre contradiction, au sein du parti socialiste. Je suis d'ailleurs étonné que cette affirmation vienne de vous, monsieur Roman, car je croyais que l'un de vos maîtres à penser était Pierre Mauroy, cet homme qui a tracé la voie non seulement pour la France, pendant la période où il a été Premier ministre, mais aussi pour la belle région du Nord, dont vous êtes un élu. Or ce dernier ne s'est pas contenté de la règle relative aux lois organiques en la matière. Il a souhaité que toute loi concernant les collectivités territoriales soit d'abord examinée par le Sénat ; cela va nous rappeler quelque chose à l'Assemblée !
    M. Bernard Roman. Où cela est-il écrit ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Autrement dit, ce n'est pas M. Raffarin, ancien sénateur, qui l'a proposé. Cela figure dans le rapport Mauroy. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
    En la matière, ma bible est un livre signé François Robbe et préfacé par un homme que vous connaissez sans doute puisqu'il est de vos amis : Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur du Territoire de Belfort. Son auteur y a donc écrit que M. Mauroy, non seulement estime que l'examen des textes concernant les collectivités territoriales doit avoir lieu d'abord au Sénat, mais aussi - j'ai gardé le meilleur pour la fin - qu'en cas de désaccord - et je vous rappelle qu'il s'agit non plus de lois organiques, mais de lois ordinaires - le Sénat devrait avoir le dernier mot. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas vrai !
    M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas dans le rapport Mauroy !
    M. Bernard Roman. Il faudrait changer de livre de chevet !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Comme vous êtes très sceptiques, je vais vous lire ce qui semble être une citation dans ce livre puisque cela est imprimé en italique.
    S'agissant de la première proposition, M. Pierre Mauroy a suggéré, également et surtout, de modifier les règles de la procédure législative, en imposant que tout projet de loi concernant les collectivités territoriales soit déposé en première lecture au Sénat, le Conseil d'Etat assurant la qualification du texte. Il proposait aussi qu'en cas de désaccord entre les deux assemblées, dans la discussion d'un texte concernant les collectivités locales, l'Assemblée nationale ne puisse imposer son point de vue qu'à la majorité absolue des membres la composant, comme pour les lois organiques.
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas dans le rapport Mauroy !
    M. Pascal Clément, président de la commission. La citation est authentifiée par un renvoi en bas de la page 81 qui indique : « Pierre Mauroy : Le Sénat, Chambre de la décentralisation ».
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas dans le rapport !
    M. Pascal Clément, président de la commission. M. Mauroy est bien toujours M. Mauroy ! Il n'y en a pas deux : le Mauroy du rapport et le Mauroy du livre Le Sénat, Chambre de la décentralisation ?
    Je ne doute pas, monsieur Roman, que vous connaissiez M. Mauroy mieux que moi, mais je vous cite mes sources : elles sont incontestables. Elles sont superbes, réduisent à néant tous les arguments que vous avancez à ce propos depuis ce matin. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Madame la présidente, permettez-moi de répondre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Charles Cova. Si cela doit tourner au dialogue, nous allons partir !
    Mme la présidente. Monsieur Roman, je ne vous donne la parole que si vous me promettez d'être bref.
    M. Bernard Roman. Je veux confirmer à M. le président Clément qu'il n'y a bien qu'un seul Pierre Mauroy. (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Me voilà rassuré !
    M. Bernard Roman. Il n'a pas deux visages, comme Janus qu'a évoqué Mme Génisson.
    Connaissant bien le rapport Mauroy, je peux vous assurer qu'il ne comporte pas les propos que vous avez cités.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Peut-être, mais cela figure dans d'autres écrits de Pierre Mauroy !
    M. Bernard Roman. En effet, il est fort possible qu'ils figurent dans d'autres propositions formulées par Pierre Mauroy, mais parmi d'autres portant réforme du Sénat, notamment pour en changer complètement la composition, car s'il avait davantage de légitimité qu'aujourd'hui, sa place dans le processus législatif pourrait être différente.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous ramez !
    M. Bernard Roman. Pas du tout monsieur Devedjian !
    Certes, il est vrai que l'article 24 de la constitution dispose que le Sénat représente les collectivités territoriales. Le seul problème, c'est qu'il représente les mêmes depuis 1946, celles qui datent de plus d'un siècle. Or, depuis, ont été créées les régions et les intercommunalités, qui sont devenues des collectivités locales ou des établissements publics essentiels au développement de notre pays.
    Mme la présidente. Monsieur Roman, s'il vous plaît !
    M. Bernard Roman. Et les élus de ces nouvelles collectivités ne participent pas à l'élection des sénateurs.
    On peut essayer de bâtir des édifices avec un Sénat assis sur la France du xixe siècle, mais ce n'est pas ainsi que nous avancerons le mieux.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2 et 4.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Article 3

    Mme la présidente. « Art. 3. - I. - L'article 1er de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « A chaque renouvellement partiel du Sénat, sont élus six sénateurs représentant les Français établis hors de France. »
    « II. - L'article 5 de cette même loi organique est abrogé.
    « III. - A titre transitoire, la durée du mandat de deux des quatre sénateurs représentant les Français établis hors de France élus en 2004 est fixée à neuf ans. Leur désignation sera faite par voie de tirage au sort effectué par le Bureau du Sénat en séance publique dans le mois suivant leur élection.
    « IV. - Les dispositions du I et du II entreront en vigueur à compter du renouvellement partiel de 2010. »
    M. Roman, M. Dosière et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 5, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de l'article 3 :
    « Les douze sénateurs de la circonscription des Français établis hors de France sont élus en même temps et sont rattachés à la série 1 (ancienne série B). »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Cet amendement a trait aux sénateurs représentant les Français établis hors de France, qui sont aujourd'hui rattachés à différentes séries. Nous proposions qu'ils soient tous rattachés à la même, mais notre proposition s'inscrivait dans le cadre d'un renouvellement total du Sénat, même si l'on peut considérer qu'ils pourraient être rattachés à une même série en cas de renouvellement partiel. Il devrait donc tomber.
    M. Robert Pandraud. Absolument !
    M. Bernard Roman. J'en profite pour souligner, monsieur le ministre, que, lors de la première assemblée constituante de 1945, la question de la représentation des Français de l'étranger avait été examinée. Pour des raisons matérielles, parce qu'il était difficile de faire voter les Français de l'étranger, on n'avait pas retenu la possibilité de les faire représenter par des députés, et, en 1946, il avait été décidé qu'ils seraient représentés par des sénateurs. Il ne serait pas complétement aberrant de modifier ce choix.
    En effet, il n'y a aucune raison, sous prétexte que les Français établis hors de France sont représentés par des sénateurs élus à cet effet, de les priver d'une représentation à l'Assemblée nationale. Une telle réflexion mérite de rester ouverte.
    Mme la présidente. Monsieur Roman, je vous ai laissé la possibilité de présenter l'amendement n° 5, mais, en fait, il devait tomber, de même que l'amendement n° 6.
    Je mets aux voix l'article 3.
    (L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

    Mme la présidente. M. Dosière et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 7, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « L'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 complétant l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs est ainsi modifiée :
    « I. - L'article 13 est ainsi rédigé :
    « Art. 13. - Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège de délégués formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger et de délégués supplémentaires élus dans les conditions prévues à l'article suivant. Le nombre de délégués membres de ce collège est fixé à un délégué pour 3 000 électeurs inscrits sur la liste visée à l'article 2 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger, ou une fraction de ce nombre. »
    « II. - Après l'article 13, il est inséré un article 13-1 ansi rédigé :
    « Art. 13-1. - Les délégués supplémentaires pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
    « Leur élection ainsi que celle de leurs suppléants se déroulent sur la même liste suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir.
    « Chaque membre élu du Conseil supérieur des Français de l'étranger peut présenter une liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants.
    « L'ordre des suppléants résulte de leur rang de présentation. En cas de refus ou d'empêchement d'un délégué, le suppléant de la même liste venant immédiatement après le dernier délégué est appelé à le remplacer.
    « Un membre élu du Conseil supérieur des Français de l'étranger empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre membre de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un membre ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable. »
    « III. - L'article 21 est ainsi rédigé :
    « Art. 21. - Les délégués pour l'élection des sénateurs représentants les Français établis hors de France votent dans les locaux des ambassades et consulats ouverts à cet effet. »
    La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.
    M. Jean-Jack Queyranne. Cet amendement proposé par mon collègue René Dosière tend à élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis à l'étranger. Actuellement, ce collège est formé par les 150 membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, ce qui signifie que, compte tenu des modalités du scrutin, un sénateur représentant les Français de l'étranger est élu avec environ 40 voix.
    Je tiens à souligner les difficultés que pose cette représentation. En effet, on estime que si nos compatriotes établis hors de France sont environ 1 900 000, seulement 410 000 sont immatriculés au titre d'électeur des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, dont 79 000 en moyenne participent aux votes, soit un taux de participation inférieur à 20 %. Nous estimons qu'il conviendrait d'assurer une meilleure représentativité du Conseil supérieur des Français de l'étranger, donc des sénateurs qu'il élit et qui portent, souvent avec beaucoup d'intérêt et au travers de propositions intéressantes, les préoccupations de nos compatriotes établis à l'étranger.
    C'est pourquoi cet amendement propose d'augmenter le nombre de ceux qui élisent ces sénateurs de 850 pour porter le corps électoral à 1 000. Dans ces conditions, le vote devrait être organisé dans les locaux des ambassades et des consulats et il serait possible, ultérieurement, d'utiliser le vote électronique. D'ailleurs, le Président de la République a souhaité, le 24 septembre 2001 que, dès les prochaines échéances nationales, le vote par internet puisse être expérimenté pour des milliers de Français expatriés car, en raison de leur éloignement d'un consulat, ils sont privés de l'effectivité de leur droit de vote. Une telle réforme irait dans le bon sens et donnerait une plus grande représentativité aux sénateurs élus par les Français établis hors de France.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
    Considérant que le nombre de 150 membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger est trop faible, on aurait pu comprendre qu'il soit porté à 1 000, mais ce n'est pas ce qui est proposé. L'amendement prévoit en effet que les 850 nouveaux membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger seraient élus non pas par le collège électoral habituel, mais par les 150 membres actuels. Ce système compliqué n'améliorerait donc en rien la représentativité de ce conseil.
    On peut même s'interroger sur la constitutionnalité de cette proposition, par référence à une décision du Conseil constitutionnel qui a censuré une disposition relative aux délégués des conseils municipaux votée au cours de la législature précédente. Il y a rappelé que le collège électoral devait être composé essentiellement de membres élus.
    En augmentant de façon considérable le nombre de délégués non élus par le corps électoral correspondant, vous risqueriez une censure pour inconstitutionnalité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. L'avis du Gouvernement est défavorable, pour deux raisons.
    D'abord, l'amendement tend à insérer dans la loi organique une disposition qui relève de la loi ordinaire. C'est bien sûr possible, mais cela paraît tout de même disproportionné.
    Ensuite, comme l'a souligné M. Bignon, si l'on adoptait cette proposition, 15 % seulement des délégués seraient des membres élus au Conseil supérieur des Français de l'étranger, les autres n'étant que des délégués de ces délégués. Cela serait donc probablement sanctionné par le Conseil constitutionnel, qui a précisé que les élus doivent représenter une part essentielle du collège électoral.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

    Mme la présidente. « Art. 4. - Le premier alinéa de l'article LO 296 du code électoral est ainsi rédigé :
    Nul ne peut être élu au Sénat s'il n'est âgé de trente ans révolus. »
    Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 3 et 8.
    L'amendement n° 3 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe communiste et républicain ; l'amendement n° 8 est présenté par M. Roman et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le dernier alinéa de l'article 4, substituer au nombre : "trente le nombre "vingt-trois. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 3.
    M. Michel Vaxès. Je tiens au préalable à regretter que ni le ministre ni la commission n'aient répondu à l'argument fondé sur la démocratie que j'ai évoqué pour défendre mon précédent amendement. Peut-être profiteront-ils d'une autre occasion pour le faire ?
    L'article 4 propose d'abaisser l'âge d'éligibilité aux fonctions de sénateur de trente-cinq à trente ans. Il s'agit d'un progrès notable et nous serions de fort mauvaise foi de ne pas le reconnaître. Toutefois, il est bien trop timide, d'autant que les auteurs de la proposition eux-mêmes ont manifesté leur souci de rapprocher ce seuil de l'âge requis pour l'élection à d'autres fonctions. Or nous en serions encore loin, puisqu'il suffit de dix-huit ans pour être conseiller municipal, conseiller général ou conseiller régional, et vingt-trois ans pour être député ou Président de la République !
    J'ai bien entendu, dans la discussion, évoquer la nécessité d'avoir du recul pour justifier qu'il faille avoir trente ans au moins pour être sénateur, mais cela correspond à un manque d'humilité affligeant. Cela semble en effet signifier qu'un même recul ne serait pas nécessaire pour être élu Président de la République, par exemple. De telles incohérences dans les arguments justifient que ces derniers ne puissent emporter notre adhésion.
    Rien ne les justifie, en effet, sinon une vision peu reluisante de la jeunesse.
    Quant à nous, nous pensons qu'il est temps que le Palais du Luxembourg rompe enfin avec l'image poussiéreuse et fort peu flatteuse qui lui colle à la peau. Un rajeunissement et une féminisation de ceux qui siègent dans son hémicycle ne peuvent que lui être bénéfiques. Cela ne devrait pas effrayer outre mesure la majorité sénatoriale. Ainsi que je l'ai rappelé ce matin, ce n'est pas parce que l'âge d'éligibilité est à vingt-trois ans que l'Assemblée est menacée par le péril jeune.
    Il faut moderniser la vie publique et offrir aux plus jeunes de nos concitoyens la possibilité de se présenter aux élections sénatoriales. La majorité sénatoriale, ainsi que, il faut le craindre, celle de notre assemblée, ne feraient que justifier, en refusant cet amendement, les propos de Léon Blum, qui qualifiait le Sénat de « réduit inexpugnable du conservatisme ».
    Il est temps de faire preuve d'un peu d'audace, mes chers collègues, en ramenant l'éligibilité à vingt-trois ans. Pourquoi, à cet âge, un homme ou une femme qui peut être élu député ou Président de la République, ne pourrait-il pas devenir sénateur ?
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour défendre l'amendement n° 8.
    M. Bernard Roman. Cette question a déjà été fréquemment évoquée tant dans la discussion générale que lors de la présentation des motions.
    On pourrait logiquement penser que l'âge pour lequel l'expérience la plus longue devrait être requise en France serait celui de l'éligibilité à la Présidence de la République. Or, alors que l'on peut y être candidat à vingt-trois ans, il faut avoir au moins trente-cinq ans pour avoir l'honneur d'être candidat aux élections sénatoriales. Certes, le Sénat, dans cette proposition de loi, daigne ramener l'âge minimal à trente ans, mais j'ai envie de dire, vivement la VIIe République ! En effet, on gagne, en moyenne, cinq ans d'âge d'éligibilité par République, puisqu'il s'agissait de quarante ans sous la IIIe et que l'on va arriver à trente sous la Ve, alors que l'âge est resté inchangé sous la IVe.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'est pas mal !
    M. Bernard Roman. Peut-être, mais vivement la VIIe. Même Arnaud Montebourg est doublé sur sa gauche.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous finirez au biberon !
    M. Bernard Roman. Plus sérieusement, je crois que ceux qui s'opposent à ce que l'on aligne l'âge d'éligibilité des sénateurs sur celui retenu pour les députés ou pour le Président de la République mettent en avant - tel a du moins été le cas, en commission - la nécessité que ces représentants des collectivités territoriales justifient d'un minimum d'expérience. Autant ce critère de l'expérience doit être pris en compte, autant en prendre prétexte pour reporter l'âge d'éligibilité de ces élus est une forme de drame quant à la conception de la démocratie.
    En effet, dans une démocratie de représentation, l'un des signes de la crise d'identification du peuple à ses représentants est bien que le monde politique ressemble de moins en moins à la société qu'il est censé représenter. Imposer, comme première condition d'accès à la fonction élective, le fait d'avoir une expérience et poser comme principe que l'on ne peut avoir d'expérience avant trente ans, c'est se couper, sur le plan symbolique, d'une partie essentielle des citoyens les plus jeunes de notre pays. On sait bien qu'il n'arrivera sans doute jamais qu'un jeune ou une jeune de vingt-trois ans soit candidat à l'élection présidentielle, mais dire aux jeunes qu'entre dix-huit ans, âge auquel leur est donné le droit de vote, et trente ans, âge auquel on leur reconnaît une certaine expérience, ils doivent rester élus territoriaux sans possibilité de devenir représentants de la nation, c'est une faute grave que l'on commet à leur égard.
    Je ne veux pas faire d'excès de jeunisme - c'est toujours facile - mais avoir dans une assemblée un certain nombre de représentants qui n'ont pas l'expérience mais qui ont toutes les spécificités de l'engagement de la jeunesse est très utile pour trouver le point d'équilibre nécessaire dans les décisions que nous avons à prendre. En refusant d'admettre qu'à vingt-trois ans, un jeune est digne d'être sénateur alors qu'on le reconnaît digne d'être candidat à la Présidence de la République, nous privons le Sénat d'un tel apport.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Comme le président Clément, elle considère que la différence d'âge est une richesse. N'uniformisons pas les mandats, les modes d'élection et les périodes de renouvellement car nous risquerions de sombrer dans un bicamérisme affadi.
    Prenons acte, au contraire, de la bonne intention des sénateurs. De quarante ans, sous la IIIe République, on va passer, si cette proposition de loi est votée, à trente ans ! C'est quand même un progrès substantiel.
    Vous dites, cher collègue, ne pas vouloir faire de jeunisme. Vous avez raison car l'efficacité de la mesure que vous proposez est extrêmement limitée. Ayons le courage de regarder les choses en face. A l'Assemblée nationale, où l'âge d'éligibilité est de vingt-trois ans, aucun député n'a entre vingt-trois et trente ans...
    M. Jean-Jack Queyranne. Si. Deux !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. ... et six députés ont entre trente et trente-cinq ans. Je sais bien que ce n'est pas une raison en soi, mais cela montre l'inefficacité de la mesure.
    Encore une fois, nous examinons une proposition de loi organique. Comme Pascal Clément l'a rappelé, il faut trouver un consensus. Le Sénat, conscient de la nécessité de rajeunir son image, fait un pas qu'il considère comme substantiel. Prenons-en acte. Sous la IVe République, aucun progrès n'avait été fait. Sous la Ve, nous gagnons cinq ans, ce n'est pas si mal.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Roman, nous sommes là purement dans le domaine du symbolique. Actuellement, il n'a pas de sénateur de trente-cinq ans, et il est assez peu probable qu'il y en ait de trente ans, comme le Sénat le prévoit aujourd'hui, tant il est difficile pour un jeune de passer la course d'obstacles qui y conduit.
    D'ailleurs, la réflexion des sénateurs n'est pas sotte. Le Sénat étant l'assemblée des collectivités territoriales, il n'est pas déraisonnable de poser comme condition pour y entrer l'exercice d'au moins un mandat de collectivité territoriale. Si, en faisant au mieux les choses, vous êtes élu à dix-huit ans à un mandat local, celui-ci durant six ans, cela vous conduit à vingt-quatre ans et, de toute façon, pas à vingt-trois ans !
    Une chose m'amuse dans votre argumentation, monsieur Roman : vous dites que les organes doivent être représentatifs de la société et que nous avons souffert, le 21 avril, de cette insuffisance de représentativité de la société telle qu'elle est.
    M. Bernard Roman. Je n'ai pas dit cela !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous n'avez pas dit cela, mais, d'une manière générale, d'autres l'ont dit.
    Or la société est de plus en plus âgée. La population ne rajeunit pas, malheureusement ; sa moyenne d'âge ne cesse de s'élever. Nous n'aurions, d'ailleurs, pas le problème des retraites autrement. L'argument selon lequel il faudrait abaisser l'âge de l'élection pour tenir compte d'un rajeunissement de la société est tout à fait contraire à l'évolution sociologique. Nous voyons bien que c'est l'inverse qui se produit.
    M. Pascal Clément, président de la commission. En plus, c'est idiot !
    Mme la présidente. La parole est à M. Robert Pandraud.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Enfin, un grand commissaire !
    M. Robert Pandraud. Je suis contre l'amendement, pour des raisons évidentes que le ministre a rappelées. Jetons un coup d'oeil rapide sur les investitures données par les partis - car nous sommes quand même dans un régime de partis et d'investitures. Quelles sont celles qui sont données dans des circonscriptions ou départements gagnables à des jeunes de moins de vingt-cinq ans ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Aucune !
    M. Robert Pandraud. Je n'en connais pas. Monsieur Roman, vous l'avez justement fait remarquer, une fois qu'on est élu au Sénat, on y reste compte tenu de la stabilité du corps électoral. Si, d'aventure, de jeunes élus y entraient, ils resteraient cinquante ans au Sénat !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est vraiment malin !
    M. Robert Pandraud. Si vous voulez faciliter l'équilibre financier de la caisse des retraites,...
    M. Michel Vaxès. Il vaut mieux qu'ils commencent tôt !
    M. Robert Pandraud. ... jouez ce jeu-là. Mais je n'y vois pas d'autre intérêt qu'une dissertation - pas désagréable - sur la pyramide des âges dans telle ou telle assemblée.
    M. Charles Cova. C'est du jeunisme forcé !
    M. Robert Pandraud. Soyons sérieux, j'attends de voir un Président de la République élu à vingt-trois ans.
    M. Michel Vaxès. Cela n'empêche pas de fixer l'âge d'éligibilité à vingt-trois ans !
    M. Robert Pandraud. Si cela arrivait, dans une société de plus en plus vieillissante, il y aurait vraiment beaucoup de choses de changé. En tout cas, je ne crois pas que ce soit au suffrage universel qu'il serait élu, mais je ne vois pas par quel autre moyen il pourrait l'être.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour répondre au Gouvernement.
    M. Pascal Clément, président de la commission. On l'a beaucoup entendu déjà !
    M. Bernard Roman. Le groupe socialiste a eu la faiblesse de me confier la responsabilité de défendre sa position sur ce texte, monsieur Clément.
    M. Guy Geoffroy. C'est effectivement une faiblesse !
    M. Bernard Roman. Cela prouve que, même quand on a plus de vingt-trois ans, on peut faire des choses qui ne sont pas tout à fait cohérentes. (Sourires.) Donc, vous m'entendrez jusqu'à la fin de ce débat.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il en fait tout un roman ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman. Je veux simplement revenir sur l'argumentation qui nous est opposée. Prenant en compte l'âge moyen de nos assemblées, on pourrait également en conclure qu'il faut modifier l'âge d'éligibilité des parlementaires. Comme il n'y a pas de députés de moins de trente ans et de sénateurs de moins de quarante ans, il faudrait ramener le seuil d'éligibilité à trente ans dans le premier cas et à quarante ans dans le second cas, bien que je connaisse quelques sénateurs qui sont entrés à trente-cinq ans.
    M. Jean-Jack Queyranne. M. Mélenchon !
    M. Bernard Roman. Je pense, par exemple, à M. Mélenchon, qui devait avoir un peu plus de trente-cinq ans.
    M. Charles Cova. C'est la gauche, ça !
    M. Bernard Roman. J'ai du mal à comprendre, monsieur le ministre Devedjian, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que en ce qui concerne la parité, vous vous fiiez au volontarisme des partis et pas en ce qui concerne la représentation des jeunes. C'était flagrant dans la démonstration que vient de nous faire M. Pandraud. Personnellement, je pense que le volontarisme des partis politiques doit conduire à rajeunir la représentation nationale. Tout en disant cela, je souhaite, monsieur le président Clément, que l'on n'oublie pas que ce n'est pas parce que les sénateurs sont des représentants des collectivités territoriales qu'ils n'ont pas à traiter d'un certain nombre de problèmes pour lesquels la parole des jeunes ou des plus jeunes serait bien agréable à entendre. Et puisque je n'en suis pas à une provocation près...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah, quel aveu !
    M. Bernard Roman. ... et que j'ai cru comprendre que M. Sarkozy et M. Perben, sous l'arbitrage du Président de la République, engageaient une réflexion qui nous conduira à travailler sur les problèmes de la toxicomanie au Parlement, je rappellerai les statistiques et la réalité : 50 % des jeunes de moins de trente ans ont été, dans notre pays, confrontés à ce que certains appellent les drogues douces. Je ne crois pas que le pourcentage soit le même dans les rangs des députés ni même des sénateurs. Nous n'avons connaissance du problème que par des livres ou par des témoignages. Je trouverai bien que, au moment où nous parlerons de ces questions, cette connaissance des choses soit présente dans notre hémicycle. Et cela vaut pour tous les problèmes de société, que nous traitons par la voie législative. Ce qui est vrai pour l'Assemblée nationale l'est aussi pour le Sénat. En effet, il n'a pas pour seul rôle de représenter les collectivités territoriales, il légifère, et comme il y a plus de choses dans deux têtes que dans une, le bicamérisme trouve toute sa place pour enrichir le débat législatif...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Franchement, monsieur Roman, ce n'est pas bientôt fini ?
    M. Bernard Roman. Monsieur Clément, si vous devez faire les soldes, rien ne vous en empêche. Mais nous avons aussi le droit de nous exprimer dans le cadre de ce débat.
    Je ne crois pas abuser de mon temps de parole. Nous examinons des articles très importants. J'irai donc jusqu'au bout de mon expression, en souhaitant, malgré l'impatience du président de la commission, que l'on examine la possibilité, pour les jeunes de vingt-trois ans, d'être candidats aux élections sénatoriales.
    M. Bruno Le Roux. Très bien !
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 3 et 8.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.
    (L'article 4 est adopté.)

Article 5

    Mme la présidente. « Art. 5. - I. - L'article LO 274 du code électoral est ainsi rédigé :
    « Art. LO 274. - Le nombre des sénateurs élus dans les départements est de 326. »
    « II. - A titre transitoire, le nombre des sénateurs élus dans les départements sera de 313 en 2004, de 322 en 2007. »
    M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 9, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 5 :
    « L'article LO 274 du code électoral est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. LO 274. - Le nombre de sénateurs élus dans les départements est de 304.
    « La répartition est effectuée entre les départements sur la base d'un quotient de population fixé par la loi. Ce quotient est actualisé à l'issue de chaque recensement dans le but de maintenir constant l'effectif du Sénat. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. J'ai cru comprendre, en lisant les comptes rendus du Sénat que, si on lui proposait un dispositif permettant, comme le suggère le Conseil constitutionnel, de procéder à une nouvelle répartition des sénateurs dans les départements, en maintenant un effectif constant de 304 sénateurs, le ministre serait prêt à le reprendre au nom du Gouvernement. C'est l'objet de l'amendement n° 9. Nous ferons dans un second temps, dans un amendement qui sera examiné un peu plus tard, une proposition de répartition dans l'ensemble des départements.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous ne l'avez pas préparée ?
    M. Bernard Roman. Si, elle l'est !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement. Elle est favorable au fait de tenir compte de l'évolution démographique et est donc opposée à une modification de la représentation des sénateurs à effectif constant.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je critique cet amendement sur le fond. Comme l'a fait très justement observer le ministre, quand la deuxième assemblée représente un territoire, elle a un nombre fixe de sièges, puisque le territoire, lui, ne bouge pas. Mais nous ne sommes pas dans un système fédéral, monsieur Roman, et je pense que vous êtes de ceux qui n'y sont pas favorables. Si vous fixez un nombre de sièges ne varietur, cela signifie qu'implicitement, vous acceptez que le Sénat ne représente que le territoire. Comme une partie, certes minoritaire, se fonde sur la démographie, il est tout a fait normal que ce nombre évolue. Le considérer fixé serait contraire à l'unicité de la République et serait le signe avant-coureur d'un système fédéral qui se dessinerait à l'horizon.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission, madame la présidente.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour répondre à la commission.
    M. Bernard Roman. Je répondrai brièvement en deux points.
    Monsieur Clément, aux termes de l'article 24 de Constitution, le « Sénat assure la représentation des collectivités territoriales » et il est hors de question pour nous de faire une proposition contraire à l'esprit et à la lettre de la Constitution. Cela étant, puisqu'on m'oblige à aller un peu plus loin, je fais remarquer que, si nous proposions une répartition entre les départements sur la base d'un sénateur pour 200 000 habitants - ce chiffre correspondant à la population française divisée par 304 - et non pas par tranche de population à partir de 200 000 habitants, cela conduirait inéluctablement à réduire le nombre de sénateurs dans certains départements et à l'augmenter dans d'autres compte tenu des évolutions de population constatées. Nous aurions à la fois l'équilibre entre les territoires et la population, et c'est ce que nous recherchons. Il est donc clair que cette proposition ne vise en aucun cas à réduire le rôle de représentation des territoires qui est celui du Sénat.
    Second point de mon intervention : je poserai à nouveau la question que j'ai posée ce matin. Puisqu'on nous propose la création de vingt-cinq postes de sénateurs, je voudrais savoir si la commission des finances de l'Assemblée nationale a eu à examiner cette question sous l'angle de l'article 40, et quel a été le résultat de sa délibération. Qui peut faire croire que la création de vingt-cinq postes de sénateurs n'engage pas de dépenses supplémentaires ou de charges nouvelles pour la nation ? Cette question mérite réponse.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je répondrai, à propos de l'article 40, qu'on ne peut pas comparer une demande de dépense supplémentaire présentée par un parlementaire et la proposition de loi du Sénat, qui consiste à appliquer le coefficient démographique à la représentation des territoires français. Cela n'a rien à voir. En revanche, il est parfaitement exact que, si le Gouvernement ne voulait pas de ce projet, il ne le défendrait pas.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je souhaite répondre d'un mot à M. Roman : à supposer que vous ayez raison, monsieur Roman, le Gouvernement lève le gage.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il n'y en avait pas !
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Je prends acte de la déclaration du ministre, mais il n'y avait pas de gage dans cette proposition, et je ne vois donc pas comment on peut lever un gage qui n'existait pas.
    Je demande à nouveau au président de la commission des lois si la commission des finances s'est réunie sur cette question et, pour que les choses soient très claires, y compris pour ceux qui examineront cette loi organique, je rappelle les termes de l'article 40 : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques » - ce qui n'est pas le cas - « , soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. » - ce qui est le cas.
    La proposition qui nous est faite n'a pas été passée au crible de l'article 40. Nous n'avons donc pas respecté la procédure qui s'impose à notre assemblée de par la Constitution. Je me permets simplement de le constater.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Bignon, rapporteur, a présenté un amendement, n° 1, ainsi libellé :
    « Après les mots : "élus dans les départements est de, rédiger ainsi la fin de l'article 5 : "322. II. - A titre transitoire, le nombre des sénateurs élus dans les départements sera de 310 en 2004, de 318 en 2007. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cet amendement tient compte des demandes du Conseil constitutionnel qui, par deux fois, nous a invités à adapter la représentation des sièges de sénateurs entre les départements aux évolutions démographiques. Les sénateurs ont tiré les conclusions des changements démographiques intervenus et constatés dans les recensements de 1990 et de 1999, en augmentant, dans un certain nombre de départements, le nombre de sénateurs. Mais, s'ils en ont tenu compte à la hausse, ils n'en ont pas tenu compte à la baisse. Or, il est apparu à la commission des lois qu'une stricte application des principes juridiques posés par le Conseil constitutionnel devrait conduire à tenir compte de l'évolution démographique également à la baisse. Elle propose donc de limiter l'augmentation du nombre de sénateurs proposée, puisque deux départements ont connu une baisse de leur population : la Creuse et Paris.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement comprend bien le caractère juridique de cet amendement qui vise à rendre le texte conforme à des principes invoqués, notamment par l'opposition. Pourtant celle-ci n'a pas pu ne pas se rendre compte qu'elle en ferait les frais, dans deux départements qu'elle détient - Paris et la Creuse - puisqu'il ferait diminuer le nombre de sénateurs de quatre.
    Certes, le Sénat a pris un petit risque de censure par le Conseil constitutionnel, mais j'espère que ce dernier acceptera ce petit écart. En tout état de cause, ce ne serait pas se comporter de bonne manière à l'égard de l'opposition que de lui faire supporter la totalité de l'ajustement. Je vous demande donc, monsieur Bignon, de retirer votre amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. La discussion que nous avons eue ensemble concernant les lois organiques, monsieur Roman, pourrait servir de transition vers ce que vient de souligner M. le ministre à propos de l'amendement de la commission. La commission des lois a estimé nécessaire d'actualiser aussi à la baisse. Nous n'avons pas changé les règles depuis la loi de 1948 ! Si l'on applique le principe de la création d'un sénateur supplémentaire par tranche de 250 000 habitants, il en résulte - c'est arithmétique - que Paris perdrait trois sénateurs et la Creuse un.
    Cela dit, la Constitution a prévu que, s'agissant d'une loi organique concernant le Sénat, il faut non pas que l'Assemblée, monsieur Roman, « se couche » - ce mot m'a choqué -, mais que l'Assemblée et le Sénat se mettent d'accord.
    Je ne vous cache pas que le Sénat a eu connaissance de l'amendement adopté par notre commission des lois et qu'il a fait savoir au Gouvernement qu'il souhaitait persévérer dans la même voie. Je ne sais pas si c'est diabolique (Sourires), mais nous ne pouvons pas avoir raison contre la Haute Assemblée. Alors, pourquoi perdre votre temps ? Et parce que nous ne le pouvons pas, même si nous pensons le contraire - et nous l'avons voté -, nous donnons raison d'avance au Sénat, en attendant que le Conseil constitutionnel, s'il était saisi, ce qu'à Dieu ne plaise, tranche.
    Le président de la commission ou son rapporteur sont en mesure de retirer cet amendement dont le Sénat a fait savoir qu'il n'en voulait pas, pour des raisons qui, selon moi, ne sont ni juridiques ni arithmétiques. Si j'en crois le ministre, les raisons seraient politiques.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est plutôt par élégance !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Par conséquent, et parce que personne ne souhaite faire de navettes pour le plaisir, je vais prendre l'initiative, en accord avec le rapporteur, de retirer cet amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
    M. Bernard Roman. Je demande la parole.
    Mme la présidente. Je vous l'accorde à titre exceptionnel et à condition que vous soyez bref, monsieur Roman.
    M. Bernard Roman. Je le serai puisqu'il ne s'agit que de corriger les calculs de M. le ministre qui sont inexacts.
    D'abord, je le remercie de vouloir faire une bonne manière à l'opposition. Mais, d'après nos calculs, sur les trois sièges de sénateur de Paris, deux seulement concernent le groupe socialiste du Sénat ; dans la Creuse, le siège le concerne également. Mais le siège de sénateur restant à Paris ne le concerne pas.
    M. Clément vient de nous apprendre que le Sénat avait fait savoir à l'exécutif que l'amendement lui posait problème.
    J'ai cru comprendre qu'un sénateur de Paris s'en était d'ailleurs ému publiquement. Donc, si je donne acte de cette bonne manière, je tiens cependant à souligner que la perte ne toucherait pas exclusivement le parti socialiste.
    J'ajoute, monsieur Clément, qu'il ne s'agit pas pour nous de faire une réforme contre le Sénat. Mais il existe un dispositif parlementaire qui s'appelle la navette. Si le Sénat propose une mesure avec laquelle nous ne sommes pas d'accord, il nous est loisible de voter un autre dispositif, quitte à ce que le texte reparte dans la navette, voire en commission mixte paritaire.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça ne sert à rien !
    M. Bernard Roman. Je veux bien retirer le mot « se coucher », mais il s'agit bien tout de même là d'« abandonner le combat »...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais puisque ça ne sert à rien !
    M. Bernard Roman. Mais si ! C'est utile, monsieur Clément ! Nous sommes en désaccord ; nous le manifestons par notre vote ;...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le vote de la commission a suffi !
    M. Bernard Roman. ... le Sénat en tient compte dans une lecture supplémentaire. Le texte revient en deuxième lecture ici puis, si ça ne suffit pas, en commission mixte paritaire.
    Nous disposons quand même d'une arme de premier plan. En effet, si le Sénat n'était pas d'accord avec des propositions de l'Assemblée nationale, il n'y aurait pas de réforme, et cette proposition de loi ne serait pas votée. Donc, il s'agit bien d'un abandon du combat.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Monsieur Roman, la navette a eu lieu en quelque sorte, puisque la commission a voté « urbi et orbi » cet amendement, que le Sénat l'a su et qu'il a fait savoir son désaccord par l'intermédiaire du Gouvernement. Alors gagnons du temps. La navette présente de l'intérêt quand elle aboutit en commission mixte paritaire, mais je ne vous apprendrai pas, monsieur Roman, qu'il n'y a pas de CMP s'agissant d'une loi organique relative au Sénat. C'est donc du temps perdu, ni plus ni moins.
    Nous sommes déjà au mois de juillet, en session extraordinaire. Il nous reste encore beaucoup de textes à examiner, je crois vous l'avoir entendu dire il y a quelques instants. Grâce à la commission des lois, la navette a eu lieu. Il n'y a pas d'humiliation, il y a respect de la Constitution. Le Sénat prend ses risques et le Conseil constitutionnel dira ce qu'il en est.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
    (L'article 5 est adopté.)

Articles 6 et 7

    Mme la présidente. « Art. 6. - I. - Au titre VII du livre V du code électoral, avant l'article L. 439, sont insérés trois articles LO 438-1, LO 438-2 et LO 438-3 ainsi rédigés :
    « Art. LO 438-1. - Deux sénateurs sont élus en Nouvelle-Calédonie.
    « Deux sénateurs sont élus en Polynésie française.
    « Un sénateur est élu dans les îles Wallis et Futuna.
    « Art. LO 438-2. - Les dispositions organiques du livre II, à l'exception de l'article LO 274, sont applicables à l'élection des sénateurs en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna sous réserve des dispositions suivantes :
    « 1° Pour la Nouvelle-Calédonie, il y a lieu de lire :
    « a) "Nouvelle-Calédonie au lieu de : "département ;
    « b) "haut-commissaire de la République et "services du haut-commissaire de la République au lieu de : "préfecture ;
    « c) "commissaire délégué de la République au lieu de : "sous-préfet ;
    « 2° Pour la Polynésie française, il y a lieu de lire :
    « a) "Polynésie française au lieu de : "département ;
    « b) "haut-commissaire de la République et "services du haut-commissaire de la République au lieu de : "préfet et "préfecture ;
    « c) "chef de subdivision administrative au lieu de : "sous-préfet ;
    « 3° Pour les îles Wallis et Futuna, il y a lieu de lire :
    « a) "Wallis-et-Futuna au lieu de : "département ;
    « b) "administrateur supérieur et "services de l'administrateur supérieur au lieu de : "préfet et "préfecture ;
    « c) "chef de circonscription territoriale au lieu de : "sous-préfet.
    « Art. LO 438-3. - Pour l'application des articles LO 131 et LO 133, un décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat déterminera celles des fonctions exercées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna qui sont assimilées, quelle que soit la collectivé dont elles relèvent, aux fonctions énumérées auxdits articles. »
    « II. - Les articles 6 et 7 de la loi organique n° 85-689 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés et des sénateurs dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie sont abrogés.
    « III. - Les dispositions du I et du II prennent effet pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française à compter du prochain renouvellement de la série à laquelle elles appartiennent. »
    Je mets aux voix l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)
    « Art. 7. - Le siège du sénateur représentant l'ancien territoire des Afars et des Issas est supprimé. » - (Adopté.)

Article 8

    Mme la présidente. « Art. 8. - I. - Dans le chapitre V du titre II du livre III du code électoral, avant l'article L. 334-15, il est inséré un article LO 334-14-1 ainsi rédigé :
    « Art. LO 334-14-1. - Deux sénateurs sont élus à Mayotte.
    « Les dispositions organiques du livre II du présent code sont applicables à l'élection des sénateurs de Mayotte. »
    « II. - La loi organique n° 76-1217 du 28 décembre 1976 relative à l'élection du sénateur de Mayotte est abrogée.
    « III. - Les dispositions des I et II prennent effet à compter du prochain renouvellement de la série à laquelle Mayotte appartient. »
    La parole est à M. Mansour Kamardine, inscrit sur l'article 8.
    M. Mansour Kamardine. Madame la présidente, je me réjouis de ce que les débats se déroulent dans une ambiance excellente. Et je veux dire ma satisfaction de voir renforcée la représentation de Mayotte au Parlement. Jusqu'à présent, Mayotte n'était représentée au Sénat et à l'Assemblée que par deux parlementaires, de sorte que si l'un d'eux était empêché dans l'une de ces deux chambres, la voix de Mayotte n'était plus entendue.
    Cette sous-représentation sera donc corrigée, ce qui répond au voeu exprimé par l'ensemble des collectivités mahoraises puisque ces propositions avaient fait l'objet, depuis 1996, de débats au conseil général.
    En outre, je remercie M. le rapporteur pour la qualité de son travail.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
    (L'article 8 est adopté.)
    Mme la présidente. Le vote sur l'ensemble de la proposition de loi organique aura lieu après la discussion des articles de la proposition de loi à laquelle nous allons maintenant procéder.

LOI SUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS
Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle donc maintenant les articles de la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs, dans le texte du Sénat.

Article 1er

    Mme la présidente. « Art. 1er. - Le tableau n° 6 annexé au code électoral et fixant le nombre de sénateurs représentant les départements est ainsi modifié :

DÉPARTEMENTS NOMBRE
de sénateurs
Ain 3
Alpes-Maritimes 5
Bouches-du-Rhône 8
Drôme 3
Eure-et-Loir 3
Haute-Garonne 5
Gironde 6
Hérault 4
Isère 5
Maine-et-Loire 4
Oise 4
Bas-Rhin 5
Haut-Rhin 4
Seine-et-Marne 6
Var 4
Vaucluse 3
Guadeloupe 3
Guyane 2
La Réunion 4
Val-d'Oise 5
Yvelines 6
Total 326
    M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 9, ainsi rédigé :

    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Comme nous n'avons pas soutenu la proposition d'augmentation du nombre des sénateurs, nous demandons la suppression de cet article qui propose une nouvelle répartition.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. C'est un amendement de conséquence. Défavorable à la position du groupe socialiste dans la loi organique, la commission l'est aussi dans la loi ordinaire !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Bignon, rapporteur, a présenté un amendement, n° 1, ainsi rédigé :
    « Après la quatrième ligne (Bouches-du-Rhône) du tableau de l'article 1er, insérer la ligne suivante :
    « Creuse : 1. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous allons tirer la leçon des explications fournies par le président Clément sur l'amendement déposé à l'article 5 de la loi organique : nous retirons l'amendement n° 1 ainsi que les amendements n°s 2 et 3 qui avaient le même objectif pour Paris.
    Mme la présidente. Les amendements n°s 1, 2 et 3 sont retirés.
    Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)

Articles 2 à 4

    Mme la présidente. « Art. 2. - I. - La série 1 est composée des sièges de l'ancienne série B et des sièges des sénateurs de l'ancienne série C dont la durée du mandat a été fixée pour le renouvellement partiel de 2004 à six ans.
    « La série 2 est composée des sièges de l'ancienne série A et des sièges de sénateurs de l'ancienne série C dont la durée du mandat a été fixée pour le renouvellement partiel de 2004 à neuf ans.
    « II. - Une loi votée avant le renouvellement partiel de 2004 mettra à jour le tableau n° 5 annexé au code électoral à la suite du découpage des séries 1 et 2 par tirage au sort.
    « III. - Les dispositions du I entreront en vigueur à compter du renouvellement partiel de 2010.
    « IV. - A titre transitoire, le tableau n° 5 annexé au code électoral et fixant la répartition des sièges de sénateurs entre les séries est ainsi modifié :

SÉRIE A SÉRIE B SÉRIE C
Représentation des départements
Ain à Indre. Indre-et-Loire à Pyrénées-Orientales. Bas-Rhin à Yonne.
    Essonne à Yvelines.
Guyane. La Réunion. Guadeloupe, Martinique.------------------
Représentation de la Nouvelle-Calédonie, des collectivités d'outre-mer
et des Français établis hors de France
Polynésie française. Nouvelle-Calédonie. Mayotte.
Iles Wallis et Futuna.   Saint-Pierre-et-Miquelon.
Français établis hors de France. Français établis hors de France. Français établis hors de France.------------------
    Je mets aux voix l'article 2.

    (L'article 2 est adopté.)
    « Art. 3. - I. - L'article L. 440 du code électoral est abrogé.
    « II. - L'article L. 442 du même code est ainsi modifié :
    « 1° Les mots : "du sénateur de la Polynésie française» et "du sénateur de la Nouvelle-Calédonie sont remplacés respectivement par les mots : "des sénateurs de la Polynésie française et « des sénateurs de la Nouvelle-Calédonie » ;
    « 2° Les mots : "série A et "série B sont remplacés respectivement par les mots : "série 2 et "série 1.
    « III. - Les dispositions du I et du 1° du II prennent effet à compter du prochain renouvellement de la série à laquelle la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française appartiennent.
    « Les dispositions du 2° du II prennent effet à compter du renouvellement partiel de 2010. » - (Adopté.)
    « Art. 4. - A compter du renouvellement de 2010, à l'article 2 de la loi n° 83-390 du 18 mai 1983 relative à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, les mots : "au tiers sont remplacés par les mots : "à la moitié. » - (Adopté.)

Après l'article 4

    Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements n°s 4, 16, 5 et 17, qui, malgré la place, peuvent être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 4, présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Les six premiers alinéas de l'article L. 284 du code électoral sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
    « Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 300 habitants ou une fraction de ce nombre.
    « Lorsque ce nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil. Dans le cas contraire, les membres du conseil municipal sont délégués de droit, les autres délégués étant élus dans les conditions fixées à l'article L. 289. »
    L'amendement n° 16, présenté par M. Roman et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après l'article 7, insérer l'article suivant :
    « Les six premiers alinéas de l'article L. 284 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
    « Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 400 habitants ou une fraction de ce nombre. Le Conseil de Paris élit un nombre de délégués égal à dix fois son effectif.
    « Lorsque le nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil.
    « Lorsque le nombre de délégués est supérieur à l'effectif du conseil municipal, les membres de ce conseil sont délégués de droit, les autres délégués étant élus dans les conditions fixées à l'article L. 289. »
    L'amendement n° 5, présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Les six premiers alinéas de l'article L. 284 du code électoral sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
    « Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 500 habitants ou une fraction de ce nombre.
    « Lorsque ce nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil. Dans le cas contraire, les membres du conseil municipal sont délégués de droit, les autres délégués étant élus dans les conditions fixées à l'article L. 289. »
    L'amendement n° 17, présenté par M. Roman et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après l'article 7, insérer l'article suivant :
    « Les six premiers alinéas de l'article L. 284 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
    « Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 500 habitants ou une fraction de ce nombre. Le Conseil de Paris élit un nombre de délégués égal à dix fois son effectif.
    « Lorsque le nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil.
    « Lorsque le nombre de délégués est supérieur à l'effectif du conseil municipal, les membres de ce conseil sont délégués de droit, les autres délégués étant élus dans les conditions fixées à l'article L. 289. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Michel Vaxès. Je défendrai en même temps les amendements n°s 4 et 5, ainsi que l'amendement n° 6 qui viendra en discussion après, car ils poursuivent le même objectif.
    Ces trois amendements vous proposent d'élargir le collège électoral à l'heure où nous examinons une réforme du Sénat qui ignore totalement cette question. Une réforme qui a pour objectif de moderniser cette chambre ne peut passer sous silence un aspect aussi essentiel et aussi déterminant pour la légitimité qui lui est accordée. En effet, aujourd'hui, la sur-représentation manifeste des campagnes et la sous-représentation évidente des villes est un obstacle réel à sa représentativité par rapport à la société française.
    Légitimité, représentativité, ces deux vertus intimement liées manquent cruellement à la Haute Assemblée. Nous proposons donc un premier amendement tendant à faire désigner par les conseils municipaux un délégué pour trois cents habitants. Nous ne l'ignorons pas, le Conseil constitutionnel avait, il y a trois ans, censuré cette disposition législative au motif qu'elle induisait un déséquilibre du corps des grands électeurs en défaveur des élus locaux. Mais nous ne sommes pas fatalistes et nous ne désespérons pas de voir la jurisprudence du Conseil constitutionnel évoluer sur ce point.
    Néanmoins, et afin de ne pas heurter trop brutalement les plus légitimistes d'entre vous et ne pas les dissuader d'adopter une disposition visant à asseoir la légitimité du Sénat sur un plus grand nombre d'électeurs, nous proposons un deuxième amendement, qui est un amendement de repli. Il porte ce seuil à 500 et si cela était encore trop, un autre qui le porte à 700 en sus des 9 000.
    Voilà pourquoi nous vous demandons, chers collègues, de bien vouloir adopter l'un ou l'autre de ces trois amendements : vous déciderez du niveau de modification en fonction de votre audace.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman pour défendre les amendements n°s 16 et 17.
    M. Bernard Roman. Comme M. Vaxès, j'en appelle, mes chers collègues, à votre audace pour corriger le manque de représentativité du Sénat, dû à la fois à l'évolution démographique et aux mutations géographiques à l'intérieur du territoire national ces dernières décennies.
    Si la Constitution stipule que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » - article 24 -, n'oublions pas que, en son article 3, elle précise : « Le suffrage peut être direct ou indirect [...]. Il doit demeurer universel, égal et secret. »
    Or force est de constater que, aujourd'hui, et le Conseil constitutionnel l'évoque dans sa décision de juillet 2000, cette égalité du suffrage n'est plus assurée par le mode de désignation des grands électeurs. Pour y remédier, nous faisons, nous aussi, deux propositions et l'Assemblée choisira en fonction de son degré d'audace. Elles tiennent compte de la décision du Conseil constitutionnel qui avait refusé la désignation d'un délégué pour 300 habitants, au motif qu'il y aurait de ce fait plus de grands électeurs non élus que de grands électeurs élus.
    La plus ambitieuse de nos deux propositions consiste en la désignation d'un grand électeur pour 400 habitants. La moins ambitieuse, un électeur pour 500 habitants, permettrait néanmoins de corriger une inégalité de fait. En effet, dans une commune de 50 habitants, le poids d'un citoyen dans l'élection des sénateurs est 20 à 30 fois plus important que dans une commune de 1 000 habitants. Certains sénateurs représentent 70 000 habitants quand d'autres en représentent 300 000 ! C'est à cette inégalité qu'il faut remédier et nos propositions vont dans ce sens.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 4, 16, 5, 17, ainsi que sur l'amendement n° 6 ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur tous ces amendements.
    Je veux citer le membre de phrase essentiel de la décision du Conseil constitutionnel sur une proposition du gouvernement Jospin tendant à modifier le corps électoral sénatorial : « Par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »
    Aujourd'hui, il s'agit de savoir ce qui est essentiel. Le sujet est complexe.
    Aujourd'hui, nous sommes à un délégué pour 1 000 habitants. Un délégué pour 300 a été considéré comme mettant en cause ce « caractère essentiel ». Est-ce que c'est le cas aussi d'un délégué pour 700, qui revient à augmenter de 20 % le corps électoral ?
    Pour employer une image simple, si l'on ajoute à un verre de vin, 20 % d'eau, le contenu de ce verre est-il encore « essentiellement » du vin ? Ou est-il dénaturé ? (Sourires.)
    Voilà ce qu'a voulu dire le Conseil constitutionnel !
    A 5 % ou 10 %, on est dans l'épure, à 20 % on n'y est plus. C'est la raison pour laquelle la commission s'est opposée à ces amendements.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Dans le régime actuel, le nombre de grands électeurs est de 138 000 dont 11 400 non-élus, soit 8 %, part considérée comme essentielle par le Conseil constitutionnel.
    M. Vaxès propose, dans son amendement n° 4, que chaque conseil municipal désigne un délégué pour 300 habitants, ce qui porterait le nombre des grands électeurs à 203 000, dont 61 000 non-élus, soit 30 %. Le Conseil constitutionnel a déjà censuré un dispositif de ce genre, il est donc inutile d'y revenir.
     M. Roman propose, lui, dans l'amendement n° 5, un délégué pour 500 habitants, ce qui porterait le nombre des non-élus à 22 %.
    M. Bernard Roman. C'est raisonnable !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce pourcentage est proche de celui de 30 %, qu'a rejeté le Conseil constitutionnel.
    L'amendement n° 6 de M. Vaxès propose que les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires par tranche de 700 habitants en sus de 9 000, ce qui porterait le nombre des grands électeurs à 157 800, soit 20 % de non-élus.
    Or, par rapport à la part essentielle - et, sur ce sujet de l'essence et de l'existence, on peut se référer à Jean-Paul Sartre -,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Plutôt à Aristote ! Parlez-nous des philosophes !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... il me semble que les auteurs de ces amendements en appellent plus à l'existence qu'à l'essence.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Et même à l'existentialisme !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. L'existentialisme est-il un humanisme ? La question est traitée.
    Selon le dictionnaire, l'essence, c'est la nature des choses. Or en portant à 20 % le nombre des non-élus, on change la nature des choses, et je crains que nous ne risquions alors la censure du Conseil constitutionnel.
    Telle est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Je trouve singulier que la question de ce qui est essentiel soit posée en ces termes.
    De fait, la révision constitutionnelle est nécessaire, car l'essentiel demeure tout de même le citoyen.
    M. Bernard Roman. Bien sûr !
    M. Michel Vaxès. Or les délégués des conseils municipaux sont des citoyens. Qu'ils représentent 20 % du corps électoral pour les sénatoriales me paraît une excellente chose pour la démocratie. Je regrette que vous ne nous suiviez pas sur ce point, monsieur le ministre.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 6, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Le dernier alinéa de l'article L. 285 du code électoral est ainsi rédigé :
    « En outre, dans ces communes, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 700 en sus de 9 000. »
    Cet amendement a déjà été défendu.
    La commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

    Mme la présidente. « Art. 5. - Le premier alinéa de l'article L. 294 du code électoral est ainsi rédigé :
    « Dans les départements où sont élus trois sénateurs ou moins, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
    Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 7 et 10.
    L'amendement n° 7 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 10 est présenté par M. Roman et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 5. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 7.
    M. Michel Vaxès. Madame la présidente, la défense de cet amendement vaudra défense de l'amendement n° 8 à l'article 6, qui est un amendement de conséquence.
    Les articles 5 et 6 sont ceux dont les dispositions suscitent de notre part la plus vive opposition.
    Mme Catherine Génisson. Exactement !
    M. Michel Vaxès. L'article 5 met en place l'élection au scrutin majoritaire dans les départements où sont élus trois sénateurs ou moins, alors que l'article 6 prévoit, lui, que l'élection ait lieu à la proportionnelle dans les départements où sont élus au moins quatre sénateurs. La majorité sénatoriale propose ainsi de modifier les articles L. 294 et L. 295 du code électoral, qui ne datent pourtant que du 10 juillet 2000.
    Pourtant, ces dispositions avaient su faire la preuve de leurs effets positifs sur la féminisation et le rajeunissement du Sénat. Il s'agit donc d'un véritable recul démocratique qu'il incombe à notre assemblée de refuser. La parité est ici clairement menacée. Je suis convaincu de l'inconstitutionnalité des dispositions proposées, qui maltraitent ce principe. Ayant déjà évoqué ce point durant la discussion générale, je n'y reviens pas, mais j'appelle pour cette raison l'ensemble de mes collègues à la plus grande prudence.
    En faisant le choix du scrutin majoritaire, la majorité sénatoriale se pose délibérément en adversaire du pluralisme, tout comme la majorité des deux chambres l'a fait lors du vote de la loi modifiant l'élection des conseils régionaux et des représentants au Parlement européen. Favoriser, de fait, les partis dominants en écartant de la représentation les petites formations, voilà, là encore, un formidable recul démocratique. Ne participons pas à ce retour en arrière, susceptible de ternir un peu plus l'image de nos collègues sénateurs. C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer les articles 5 et 6 de cette proposition.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l'amendement n° 10.
    M. Bernard Roman. Comme M. Vaxès vient de le dire, il s'agit là de l'un des points les plus importants de la proposition de loi ordinaire. Nous le savons, la proposition de loi organique fera, par nature, l'objet d'une vérification de sa constitutionnalité par le Conseil constitutionnel. S'agissant de cet article de la loi ordinaire, que nous jugeons contraire à la Constitution, nous déposerons un recours devant le même juge, comme je l'ai annoncé ce matin.
    De quoi s'agit-il ? Aujourd'hui, la représentation proportionnelle s'applique aux départements comptant trois sièges de sénateur ou plus. Cela concerne cinquante départements et correspond à 212 sièges. Après le relèvement, qui nous est proposé aujourd'hui, du seuil d'application de la représentation proportionnelle, les sénateurs seront élus au scrutin majoritaire dans soixante-dix départements. Vingt départements vont donc changer de mode de scrutin.
    Rappelons-le, après la réforme du mode de scrutin sénatorial de juillet 2000, à laquelle s'est appliquée - et non l'inverse - la modification de l'article 3 de la Constitution visant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, le dernier renouvellement de 2001 a vu l'élection, parmi les soixante-quatorze sénateurs élus à la représentation proportionnelle avec obligation de listes paritaires, de vingt femmes, soit près de 30 %, alors que l'on a compté seulement deux femmes parmi les vingt-huit sénateurs élus au scrutin majoritaire, ce qui correspondait à un statu quo par rapport à la situation antérieure.
    Alors que nous avons modifié l'article 3 de la Constitution pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, nous sommes ici en présence d'une proposition de loi qui, dans le sens littéral et juridique du terme, défavorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
    J'entends bien l'argument selon lequel le Conseil constitutionnel ne peut pas s'opposer au pouvoir du législateur de modifier la loi électorale. Pour autant, lorsque cette modification de la loi électorale contrevient à un principe constitutionnel, j'estime que le Conseil constitutionnel est dans son rôle s'il décide de ne pas valider cette modification.
    Je crois me souvenir d'une décision du Conseil constitutionnel « s'immisçant » dans le pouvoir du Parlement de définir la loi électorale. En effet, il a refusé une disposition introduite par voie d'amendement dans le texte d'une loi ordinaire sur la limitation du cumul des mandats, et qui abaissait de 3 500 à 2 500 ou à 2 000 habitants le seuil des communes dans lesquelles le scrutin était organisé à la proportionnelle.
    Mme Catherine Génisson. Absolument !
    M. Bernard Roman. En censurant une telle disposition, le Conseil constitutionnel s'est ainsi « immiscé » dans le pouvoir qu'a le Parlement d'élaborer la loi électorale.
    Si l'article 5 était adopté, cela aurait des conséquences dramatiques sur la présence des femmes dans la vie politique du Parlement et plus particulièrement du Sénat. Ce serait un retour en arrière sans précédent dans le juste combat pour la place des femmes en politique. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
    Il s'agit, par cet article, de corriger le déséquilibre causé par la loi du 10 juillet 2000 qui a introduit massivement la représentation proportionnelle dans le mode d'élection des sénateurs. Certes, le scrutin majoritaire était dominant avant cette réforme, puisqu'il s'appliquait dans quatre-vingt-cinq départements concentrant 67 % de la population française et concernait 206 des 320 sièges du Sénat, soit près des deux tiers, ce qui pouvait être considéré comme excessif.
    Toutefois, pour répondre à un excès dans un sens, le gouvernement de M. Jospin a commis un excès en sens inverse, et c'est celui-ci que nous essayons de corriger. Ce dernier excès a l'apparence de l'égalité puisque les sénateurs de cinquante départements sont élus au scrutin proportionnel et ceux de cinquante autres sont élus au scrutin majoritaire. En fait, c'est une fausse parité, puisque cela aboutit à faire élire 70 % des sénateurs à la représentation proportionnelle...
    M. Jean-Jack Queyranne et M. Bruno Le Roux. Et alors ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. ... et non plus la moitié.
    Si vous me laissez terminer mes explications, j'essaierai de faire valoir les vertus de deux scrutins. Commme je l'ai dit ce matin en présentant mon rapport, l'une des caractéristiques de l'élection du Sénat est de consacrer le double mode de scrutin, à la fois majoritaire et proportionnel. Le Sénat est la seule assemblée politique française a être élue de cette façon.
    Le scrutin majoritaire favorise l'enracinement local...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Et la proximité !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. ... des sénateurs et leur indépendance vis-à-vis des partis politiques, d'autant plus qu'ils peuvent se présenter soit isolément, soit sur une liste qui n'est pas bloquée. Il est probable que le Sénat s'enrichit de la présence de fortes individualités, d'élus de proximité ayant une grande expérience de la vie locale.
    M. André Vallini. Quel recul !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Quant à la représentation proportionnelle, elle favorise la représentation des différentes formations politiques. Et elle est particulièrement justifiée dans les départements à forte population urbaine dans lesquels le tissu social est plus hétérogène, et l'argument de proximité moins évident, compte tenu du plus grand anonymat qui y règne et qui distend le lien entre l'électeur et l'élu.
    M. André Vallini. Mais non !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La loi du 10 juillet 2000 a voulu corriger un déséquilibre, mais elle l'a fait à l'excès. En effet, le fait que 70 % des sénateurs soient désormais élus au scrutin proportionnel ne correspond pas à l'esprit...
    M. André Vallini. Quel esprit ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. ... de cette institution et du double mode d'élection.
    M. André Vallini. C'est laborieux !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cessez de m'interrompre sans arrêt, monsieur Vallini !
    M. André Vallini. En tout cas, votre démonstration est alambiquée, monsieur le rapporteur !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Non, elle n'est pas alambiquée !
    M. André Vallini. C'est difficile de justifier l'injustifiable !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il fallait mieux écouter, monsieur Vallini !
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur le rapporteur.
    M. Jérôme Bignon. rapporteur. Décidément, il est difficile de parler sur ces types de scrutin, tant la tension devient vive chez les socialistes,...
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas vrai !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. ... dès qu'ils voient remettre en cause ce qu'ils ont fait au détriment de l'équilibre institutionnel de notre pays.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très juste !
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Vous ne supportez pas l'idée que cette institution qu'est le Sénat puisse être élue comme elle l'a été traditionnellement, c'est-à-dire à la fois au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel. La proposition du Sénat n'a pas d'autre but que de maintenir cette caractéristique. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a rejeté les amendements.
    M. Eric Raoult. La gauche n'aime pas le Sénat !
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. De quoi s'agit-il ? Il s'agit du mode électoral des sénateurs, qui, depuis déjà fort longtemps, représente la caractéristique particulière d'être double : une partie des sénateurs est élue au scrutin proportionnel, l'autre au scrutin majoritaire.
    Je rappelle que, jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur cette question, soit parce qu'il n'existait pas, soit parce que celle-ci ne lui a jamais été soumise.
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes. Voilà !
    M. Bernard Roman. Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur le passage au scrutin proportionnel pour les départements où sont élus au moins trois sénateurs !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, il s'agissait d'une loi ordinaire et il n'en a pas été saisi. Je le répète, il s'agit d'une première. Sans préjuger les conclusions du Conseil, on peut néanmoins se lancer dans des interprétations.
    M. Bernard Roman. Je ne voudrais pas vous contredire, monsieur le président de la commission, mais...
    Mme la présidente. Monsieur Roman, vous n'avez pas la parole !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais qu'il la prenne si vous l'y autorisez, madame la présidente. En tout cas moi, je l'y autorise.
    Mme la présidente. Avec l'accord du président de la commission, monsieur Roman, vous avez la parole.
    M. Bernard Roman. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui prévoyait un grand électeur pour 300 habitants. Or cette disposition figurait dans le même texte que celui qui a ramené à trois sénateurs par département le seuil à partir duquel l'élection a lieu au scrutin proportionnel. Donc, il a été saisi de cette question.
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Clément.
    M. Pascal Clément, président de la commission.
Le Conseil constitutionnel n'a jamais été saisi de la question du double mode de scrutin. Or c'est bien cela l'objet de notre débat.
    Pour la première fois, le Conseil constitutionnel va se prononcer sur le double mode de scrutin.
    Mme Catherine Génisson. Assurément, c'est une première !
    M. Guy Geoffroy. Eh oui !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Depuis de nombreuses années, nous nous demandons, à la commission des lois, si ce dispositif comporte une quelconque inconstitutionnalité. Je ne sais pas ce que va répondre le Conseil constitutionnel, mais je voudrais vous faire part de mon opinion.
    Selon moi, ce dispositif est constitutionnel, et je vais vous dire pourquoi.
    On peut considérer que le scrutin proportionnel doit s'appliquer aux grands départements qualifiés d'urbains et jusqu'à la réforme récente, ces grands départements étaient ceux qui comportaient quatre sièges de sénateur ou plus - et que le scrutin majoritaire doit s'appliquer pour les départements plus petits, qualifiés de moins urbains ou ruraux. Dans un cas, on cherche à appliquer un scrutin de proximité, c'est-à-dire le scrutin majoritaire ; dans l'autre, un scrutin plus représentatif, c'est-à-dire le scrutin proportionnel. Cependant, dès lors que l'on accepte le principe du double mode de scrutin, on ne peut fixer de chiffre précis. Le nombre de sièges sera fatalement arbitraire.
    Vous pensez que le fait de remonter de trois à quatre sénateurs par département le seuil à partir duquel s'appliquera le scrutin proportionnel va à l'encontre de la modification de l'article 3 de la Constitution visant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Mais, à ce propos, laisez-moi vous raconter une histoire (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui s'adresse en particulier à ceux qui n'étaient pas parlementaires à l'époque et qui ne sont donc pas allés à Versailles.
    Je suis de ceux qui ont voté la réforme de l'article 3 de la Constitution parce que le Premier ministre de l'époque, M. Lionel Jospin, avait laissé entendre, pour faciliter cette modification - certes, ce n'était pas dans son discours public, mais toute la presse de l'époque s'en faisait l'écho -, qu'il proposerait une loi qui concrétiserait l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, assortie d'un quota à 30 %. Pour ma part, je n'ai voté la parité que parce qu'il était prévu un quota de 30 %. Si on m'avait dit qu'une loi ultérieure prévoirait une parité de 50-50, je n'aurais pas voté la réforme constitutionnelle car, à mes yeux, c'était automatique et humiliant pour les femmes.
    Je suis de ceux qui se sont fait piéger dans cette affaire.
    M. Bernard Roman. Bravo !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Jamais le Premier ministre de l'époque n'a dit que la loi devant intervenir dans la foulée de la modification constitutionnelle prévoirait la parité absolue. Du reste, interrogé en commission des lois, le ministre compétent nous avait laissé entendre que la parité serait de l'ordre de 30 %. Fin de l'histoire.
    De quoi s'agit-il aujourd'hui ? La question est de savoir si, oui ou non, on respecte cette loi qui régit maintenant la République, en remettant de trois à quatre le seuil à compter duquel s'appliquera le scrutin proportionnel. Si par hasard - tout est possible -, le Conseil constitutionnel estimait que, ce faisant, l'on contrevenait à l'article 3 de la Constitution, cela signifierait qu'il ne peut y avoir parité que s'il y a élection sur le mode proportionnel. Cela serait une nouvelle considérable.
    M. Guy Geoffroy. Tout à fait, c'est ce que j'ai dit !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je vous rappelle que trois ou deux, c'est pareil puisque la proportionnelle à deux sièges, c'est ni plus ni moins que le scrutin majoritaire. Depuis la loi socialiste, nous avons la proportionnelle pour tous les sénateurs, sauf deux. Je n'imagine donc pas que l'élévation du seuil à quatre sénateurs pour l'instauration de la proportionnelle puisse être frappée d'inconstitutionnalité, sous peine de considérer que nous, les députés devrions passer à la proportionnelle. De quel droit le Conseil constitutionnel pourrait-il considérer le scrutin majoritaire comme contraire à la parité ? Car cela reviendrait à cela !
    M. Bernard Roman. Non !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si, monsieur Roman ! Je suis totalement convaincu qu'en aucun cas le juge constitutionnel ne peut dire que la proportionnelle est le seul mode de scrutin possible pour permettre l'application de la parité et que le scrutin majoritaire ne peut favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Je suis donc convaincu que la disposition dont il est question ne peut être inconstitutionnelle. Ce débat sera d'ailleurs lu par nos juges constitutionnels.
    Prenons un exemple concret ! En 1985, le Président de la République de l'époque - moment d'histoire délicieux que je voudrais rappeler à l'assemblée ! -, François Mitterrand, disait à la télévision - je m'en souviens encore - : « Nous allons installer un mode de scrutin en instillant de la proportionnelle. » J'étais alors de ces ignorants - je le confesse - qui ne connaissaient pas l'exacte signification de ce mot, ou très peu.
    J'ai alors consulté mon Larousse, mon Robert, mon Littré et qu'y ai-je lu ? « Instillation, goutte-à-goutte ». Or, vous avez versé tout le flacon. Nous avons eu la proportionnelle intégrale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'était en 1985. En 1986, nous avons eu des élections à la proportionnelle et en 1988, la droite, qui avait repris le pouvoir, a réinstauré le scrutin majoritaire. J'en ai quelques souvenirs, puisque j'étais le rapporteur de la loi. Si nous suivons votre raisonnement, nous n'aurions pas pu le faire si la loi sur la parité avait existé. Qui pourrait soutenir que nous n'aurions pas pu réinstaurer le scrutin majoritaire pour l'élection des députés français ? Donc, je vous le dis, à vous et au Conseil constitutionnel, on ne peut déclarer inconstitutionnel le fait de monter le seuil de trois à quatre sous prétexte que ce serait contraire à la parité, sauf à dire que seul le scrutin proportionnel favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, ce qui n'est évidemment pas possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Monsieur le président, vous avez développé votre argumentation avec beaucoup de verve, mais la manière dont vous posez le problème ne correspond pas à la réalité. Il ne s'agit pas de remplacer un mode de scrutin par un autre. Il s'agit, dans une loi électorale, de modifier un seuil qui a des conséquences sur un principe constitutionnel. De la même manière que le Conseil constitutionnel a sanctionné l'abaissement de 3 500 à 2 500 du seuil pour l'application de la proportionnelle dans les communes prévu par la loi sur la limitation du cumul des mandats, il sera confronté à l'incidence que pourrait avoir la modification du seuil sur le respect d'un principe constitutionnel. L'exemple que vous prenez sur la modification complète d'un mode de scrutin n'a rien à voir avec le dispositif auquel nous sommes confrontés. Ce dispositif est clair. On peut avoir des débats juridiques, de constitutionnalistes sur cette question, mais je veux revenir à l'essentiel. En 2001, vingt femmes ont été élues au Sénat grâce à ce mode de scrutin et à ce principe constitutionnel que nous avons votés à l'unanimité. Si nous suivons la proposition de loi ordinaire du Sénat, que les sénateurs socialistes n'ont d'ailleurs pas votée, nous diminuerons la représentation des femmes au Sénat dans une proportion considérable. Aucun sénateur ne peut faire mine de l'ignorer. Il a fallu des décennies et des décennies pour ouvrir le palais du Luxembourg aux femmes d'une manière significative et nous allons rayer tout cela ici en levant le doigt pour adopter l'article 5. Ce sera un retour en arrière scandaleux pour les femmes et leur place dans la vie politique. Voilà pourquoi nous avons présenté ces amendements.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 7 et 10.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 5 :
    « Dans les départements où est élu un sénateur, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Nous venons de refuser l'application de la proportionnelle dans les départements à trois sièges. Cet amendement vise à l'instaurer dans les départements à deux sièges. Donc, je pense qu'il tombe.
    Mme la présidente. Je n'en suis pas convaincue, mais si vous le dites !
    La parole est Mme Marie-Jo Zimmermann.
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je m'abstiendrai sur l'article 5, car, sans vouloir polémiquer ni avec le président Clément ni avec le rapporteur, je crois qu'en remontant le seuil nous défavorisons la parité.
    A la page 24 de son rapport, M. Bignon évoque deux arguments pour prétendre qu'il n'y a pas d'atteinte à la parité. D'abord, il se réjouit du fait que, la loi sur la parité ne s'étant pas encore appliquée aux séries A et C, la parité continuera à progresser malgré la réforme. Je demande à voir ! Il faut comparer la proposition de loi avec la législation existante et non avec l'ancienne législation d'avant 2000 en fonction de laquelle les séries A et C avaient été élues.
    M. Bernard Roman et M. Bruno Le Roux. Bien sûr !
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes. Or, par rapport à la législation existante le recul de la parité est réel.
    M. André Vallini. C'est flagrant !
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes. Le second argument de M. le rapporteur est que l'augmentation du nombre des sénateurs profiterait davantage à ceux qui sont élus à la proportionnelle. C'est vrai, mais l'incidence positive de cette augmentation du nombre des sénateurs est onze fois plus faible que les conséquences négatives de la modification du seuil à la proportionnelle.
    Page 23, le rapporteur reconnaît lui-même qu'avec la nouvelle loi la proportion des sénateurs élus au scrutin proportionnel ne sera plus que de 52 %, au lieu de 74 %. La chute de la parité s'appliquera à la différence correspondante entre 74 % et 52 % des sénateurs.
    C'est la preuve mathématique que le recul de la parité sera considérable, donc difficilement compatible avec l'article 3 de la Constitution. Voilà pourquoi je m'abstiendrai sur cet article 5.
    M. André Vallini. C'est bien le moins !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
    (L'article 5 est adopté.)
    M. Jean-Jack Queyranne. Je note qu'il y a d'autres abstentions...

Article 6

    Mme la présidente. « Art. 6. - Le premier alinéa de l'article L. 295 du code électoral est ainsi rédigé :
    « Dans les départements où sont élus quatre sénateurs ou plus, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. »
    Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 8 et 12.
    L'amendement n° 8 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 12 est présenté par M. Roman et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 6. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 8.
    M. Michel Vaxès. Il est défendu.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l'amendement n° 12.
    M. Bernard Roman. Il est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 8 et 12.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 13, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 6 :
    « Dans les départements où sont élus deux sénateurs ou plus, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. En fait, je me suis trompé tout à l'heure. C'est cet amendement qui devait tomber, pas l'amendement n° 11.
    Mme la présidente. C'est bien ce qui me semblait !
    M. Bernard Roman. Cet amendement vise à instaurer la représentation proportionnelle dans les départements où il n'y a que deux sièges de sénateurs, et je veux, après M. Leroux, redire à M. Geoffroy ce qui peut se produire avec le scrutin majoritaire - question évoquée à l'instant par M. le président Clément. Je prendrai l'exemple d'un département où la gauche obtient 55 % des votes, et la droite 45 %. Comme on présente des listes avec possibilité de panachage, au scrutin majoritaire, et que l'on compte les voix sur les noms, dans la plupart des cas, les deux sièges de sénateurs reviennent à la gauche, et la droite est maltraitée, puisqu'avec 45 % des voix des grands électeurs, elle n'a aucun siège. C'est incroyable, quand même ! Pour corriger cette injustice intolérable, et pour que la droite soit dignement représentée là où avec 45 % des suffrages des grands électeurs, on la bafoue aujourd'hui en ne lui donnant aucun siège, je propose d'instaurer la proportionnelle dans les départements où il y a deux sièges. Dans ces cas, le plus injuste des scrutins, c'est le scrutin majoritaire.
    M. Michel Vaxès. C'est contraire au pluralisme !
    M. Bernard Roman. Le plus juste, c'est le scrutin proportionnel. Si, dans ce même département, la gauche obtenait 70 % des voix et la droite 30 %, au scrutin majoritaire comme au scrutin proportionnel, c'est la gauche qui emporterait les deux sièges. Vous voyez donc que la proportionnelle est le mode de scrutin le plus juste. D'où l'intérêt de l'appliquer dans les départements à deux sièges !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Sans vouloir rallonger les débats, je tiens à dire que les discussions de fond sur la portée des modes de scrutin méritent beaucoup mieux que cet amalgame insupportable qui est fait entre validité des modes de scrutin et défense de la parité. On veut nous faire croire que, si nous voulons défendre la parité, nous sommes obligés d'adopter un mode de scrutin proportionnel. On nous entraîne sur ce terrain, en nous expliquant qu'il y a un mode de scrutin juste et un mode de scrutin injuste. Or, il y a un mode de scrutin pour prendre des décisions - c'est le scrutin majoritaire, qui permet de dégager des majorités - et un mode de scrutin pour représenter, qui n'a pas pour vocation de dégager des majorités - c'est le mode de scrutin proportionnel. A ce propos, je ferai d'ailleurs remarquer que l'on parle souvent, pour les élections municipales, d'un scrutin proportionnel tempéré de scrutin majoritaire, ce qui est totalement inexact. En réalité, il s'agit exactement de l'inverse. Aux élections municipales, la liste arrivée en tête se voit attribuer, d'autorité, la moitié des sièges plus un, et le reste des sièges est attribué, à la proportionnelle, à l'ensemble des listes en présence. Il s'agit donc bien, contrairement à ce qui est dit habituellement, d'une élection majoritaire au scrutin de liste, mâtinée de scrutin proportionnel. Quant aux élections régionales, on a dit qu'on leur appliquerait un mode de scrutin identique à celui des élections municipales. Or, ce n'est pas vrai. En effet, les élections régionales se déroulent au scrutin proportionnel, majoré d'un certain pourcentage, afin de renforcer la capacité de ce mode de scrutin à dégager des majorités. Il s'agit donc d'un problème très sérieux et ceux qui voudraient le traiter d'une manière trop abrupte, en montrant du doigt ceux qui ne seraient pas « paritaires » parce qu'ils refuseraient dans certaines conditions le scrutin proportionnel, auquel ils préféreraient le scrutin majoritaire, parce qu'il est plus près du terrain et permet une meilleure représentation dans les petites collectivités, font fausse route.
    Je souhaite également insister sur l'application aux petits départements de la représentation proportionnelle. Celle-ci n'a de valeur que si, une fois le calcul fait - que ce soit au plus fort reste, à la plus forte moyenne ou selon l'un des nombreux autres dispositifs existants -, on constate que le lien entre le nombre de voix et le nombre de sièges est le plus proche possible, quelle que soit la liste. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on estime la plupart du temps de tenir compte des listes qui ont obtenu moins de 5 % dans la répartition des sièges. Moins il y a de sièges à pourvoir, moins le résultat est proportionnel, puisque, selon les exemples qui ont été cités, deux listes peuvent être très proches l'une de l'autre et bénéficier d'une représentation quasi proportionnelle tandis que pour deux listes très éloignées, le choix des électeurs ne serait pas respecté, celui qui est nettement minoritaire ayant exactement le même poids que celui qui est nettement majoritaire. Cela ne serait pas acceptable.
    Par ailleurs, je veux redire avec force à propos de la parité - et je suis tout à fait en phase avec la Délégation -, il faut aller au bout de la logique. Certes, la proportionnelle a des vertus et des mérites, mais elle n'est pas la seule à pouvoir garantir la parité, qui doit faire l'objet d'un effort, d'une volonté. On pourrait d'ailleurs se demander, les uns et les autres, quels partis politiques représentés dans cette assemblée qui seraient prêts à prendre l'engagement, en fonction de ce qu'ils ont décidé aujourd'hui, de présenter des candidates dans le cadre de listes proportionnelles, non pas aux deuxième, quatrième et sixième rangs, mais aux premier, troisième et cinquième rangs.
    Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes. Voilà !
    M. Guy Geoffroy. Personne ne le propose. Pourtant, si l'on veut une véritable parité, il faudrait peut-être que ces messieurs, dont je fais partie, ne soient pas toujours en tête. Or cela relève de la responsabilité des partis.
    Je terminerai en revenant sur les propos qu'a tenus tout à l'heure M. Vallini et qui n'ont pas été relevés. Je ne veux pas stigmatiser notre collègue, mais il a eu une réaction tout de même très intéressante, qui figurera d'ailleurs au Journal officiel. Il a, en effet, prétendu que notre Premier ministre...
    Mme la présidente. Monsieur Geoffroy, vous avez largement dépassé votre temps de parole !
    M. Guy Geoffroy. Certes, madame, mais je ne suis pas le seul...
    M. Pascal Clément, président de la commission. M. Roman aussi a largement dépassé le sien !
    M. Guy Geoffroy. ... et je ne suis pas intervenu longuement sur les articles.
    Monsieur Vallini, vous avez attaqué le Premier ministre en disant qu'il n'avait jamais été élu maire, député ou conseiller général, mais seulement sénateur et conseiller régional et que ce n'était pas une élection au scrutin direct. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure.
    M. André Vallini. C'est un constat !
    M. Guy Geoffroy. Cela pose un léger problème. En effet, vous avez tellement voulu attaquer le Premier ministre que vous vous êtes contredit à propos de la proportionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Présentez vos regrets, monsieur Vallini ! Vous avez blessé le Premier ministre !
    M. André Vallini. Je ne regrette rien, et je maintiens !
    M. Bernard Roman. Vallini n'ira pas au paradis !
    Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Dans ce type de débat, il ne faut pas confondre la loi et les pratiques politiques. Pour les prochaines élections européennes, monsieur Geoffroy, le parti que je représente ici aura des femmes pour têtes de liste, dans la moitié des régions.
    M. Guy Geoffroy. C'est très bien !
    M. Bruno Le Roux. C'est une volonté qui ne nous est pas dictée par la loi. Elle s'inscrit dans la logique de la parité, à la différence de ce que vous dites aujourd'hui sur le Sénat.
    Aujourd'hui, la question du scrutin majoritaire ou du scrutin proportionnel semble dépassée. Nous sommes dans un système politique qui a su ménager une application raisonnée de la proportionnelle. Chaque fois que nous avons discuté de la proportionnelle ces dernières années, c'était pour l'appliquer de telle sorte qu'elle permette de dégager de véritables majorités, des majorités stables. Je pense en particulier aux élections régionales, mais pour les autres élections, la part réservée à la proportionnelle ne pose pas non plus de problèmes.
    En revanche, la proposition de revenir au scrutin majoritaire pour les élections sénatoriales ne peut pas être faite pour dégager une majorité. Une majorité existe au Sénat, et elle n'a pas été et ne serait pas remise en cause par la proportionnelle.
    M. Jean-Jack Queyranne. Elle est garantie !
    M. Bruno Le Roux. En l'occurrence, l'application de la proportionnelle vise d'abord à faire respecter le pluralisme politique, ce qui nous semble important.
    Contrairement à ce qu'a dit M. Geoffroy, je ne pense pas que des écarts importants entre deux formations politiques dans tel département puissent autoriser la même représentation de l'une et de l'autre. Dans un département qui élit trois sénateurs au scrutin proportionnel, le parti très majoritaire obtiendra deux sièges et le parti minoritaire n'en obtiendra qu'un. Et à supposer qu'on étende la proportionnelle aux départements élisant deux sénateurs, on ne peut pas imaginer qu'un gros écart de voix donne néanmoins un sénateur à chacune de ces deux formations politiques. Donc, même dans ce cas, la volonté des électeurs est respectée.
    Quant à la parité, lorsque le rapporteur s'est exclamé : « La loi de 2000 a introduit de façon massive... », j'avais peur qu'il n'ajoute : « des femmes au Sénat » (Sourires), mais il a juste dit : « la proportionnelle ». Il reste que, s'il n'y avait pas eu la proportionnelle lors du dernier renouvellement, aucune des seize nouvelles femmes qui sont entrées au Sénat n'aurait eu la moindre chance d'être élue. Elles auraient pu être plus nombreuses s'il n'y avait pas eu plusieurs listes d'un même parti dans certains départements, mais j'ai vérifié que toutes doivent leur élection au scrutin proportionnel.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    Ainsi tous les groupes se seront exprimés.
    M. Gilbert Gantier. Je ne veux pas prolonger ce débat fort intéressant sur la proportionnelle et le scrutin majoritaire. Il existe dans notre bibliothèque des traités très fouillés sur ce sujet dont nous pourrions parler pendant des jours et des semaines sans l'épuiser. Cependant, je ne peux pas laisser notre collègue Bruno Le Roux soutenir que la proportionnelle permet de dégager une majorité dans une assemblée, car c'est complètement faux !
    M. Guy Geoffroy. Bien sûr !
    M. Gilbert Gantier. Il existe un pays qui pratique le scrutin proportionnel intégral, c'est Israël. Eh bien, Israël n'a jamais de majorité et un des ses malheurs est qu'il est condamné, pour cette raison, à former des gouvernements de coalition. Par ailleurs, il existe un pays doté d'un régime dont on conviendra qu'il est assez démocratique, l'Angleterre, qui pratique le scrutin majoritaire depuis toujours.
    Ce sont des réalités devant lesquelles on est bien obligé de s'effacer.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)

Après l'article 6

    Mme la présidente. M. Roman et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 14, ainsi libellé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 299 du code électoral est ainsi modifié :
    « I. - Le début de la première phrase du premier alinéa de cet article est ainsi rédigé :
    « Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, chaque candidat... (Le reste sans changement.) »
    « II. - Après la première phrase du premier alinéa de cet article est insérée une phrase ainsi rédigée : "Cette personne est obligatoirement une personne du sexe opposé à celui du candidat.
    « III. - Après le premier alinéa de cet article est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours, si les candidats sont groupés en listes, celles-ci doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. L'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. La personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article LO 319 est obligatoirement une personne du sexe opposé au sien. Dans le cas où les candidatures sont isolées, les mêmes dispositions concernant le remplaçant s'appliquent. »
    La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.
    M. Jean-Jack Queyranne. Cet article additionnel vise à favoriser la parité dans l'élection des sénateurs. Il répond aux préoccupations que M. Geoffroy avait exprimées devant la commission des lois, en émettant le souhait, sans le formaliser, que, dans le cadre du scrutin majoritaire, on puisse établir des listes alternant les hommes et les femmes.
    Nous allons dans le sens de ses préoccupations puisque cet amendement tend à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives. Dans les départements où il n'y a qu'un siège à pourvoir, il est proposé que le suppléant soit de sexe opposé à celui du candidat. Dans les départements où il y a plusieurs sièges à pourvoir, en l'occurrence jusqu'à trois si jamais votre loi était votée...
    M. Bernard Roman. Par malheur !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... et si, par malheur, elle ne subissait pas la censure du Conseil constitutionnel, les candidats seraient groupés en listes, qui devraient être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe.
    Il faut rappeler que ces listes peuvent être incomplètes, qu'elles ne sont pas bloquées, que l'électeur peut rayer des noms, en ajouter d'autres, panacher entre plusieurs listes, et que le décompte des voix ne se fait pas par liste mais par nom.
    Si les candidatures sont isolées, chaque candidat devrait avoir un suppléant de sexe opposé.
    Cette proposition a pour objet d'aller vers la parité au Sénat. Corrigeant les effets du scrutin majoritaire, elle a un caractère contraignant. Mais je crois qu'elle recevra un bon écho du côté de nos collègues, hommes et femmes, de la majorité qui se sont préoccupés, à juste titre, du risque que faisait courir à la parité le scrutin majoritaire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à un amendement qui paraît plus cosmétique que contraignant. Les candidatures isolées restent possibles et risquent de confiner les femmes dans un rôle de suppléante. La possibilité de constituer des listes incomplètes demeure, de même que la possibilité de panacher. On ne voit donc pas bien l'intérêt de cette mesure, certes sympathique dans son esprit, mais probablement peu efficace dans ses effets.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission sur cet amendement à caractère un peu « conjugal ».
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Monsieur le ministre, je trouve votre adjectif assez péjoratif. Si je m'en réfère à ce que le président Clément pensait en votant la modification de la Constitution sur la parité, cela relève du même esprit.
    Au moins, cet amendement aurait le mérite de faire en sorte que les candidatures soient paritaires. Dans un scrutin majoritaire, le mieux que l'on puisse faire, c'est d'obliger les parties à constituer des listes alternant un homme et une femme, et les candidats isolés à prendre un suppléant de sexe opposé. Certes, dans le cadre du scrutin majoritaire plurinominal, l'électeur vote par nom, peut rayer des noms et panacher, et les candidats peuvent présenter des listes incomplètes, mais l'acte de candidature se fait forcément de manière paritaire.
    Je ne vois pas au nom de quoi on peut s'opposer à une mesure qui est conforme à l'esprit de la Constitution. Même si on ne peut pas obtenir la parité en termes de résultats, il faut au moins qu'en termes de candidatures il y ait autant de femmes que d'hommes qui soient présentés par les partis politiques ou qui soient candidats à titre individuel. Ce serait une toute petite avancée. Mais je constate que, même sur une toute petite avancée, nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7

    Mme la présidente. « Art. 7. - L'article L. 52-3 du code électoral est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
    « Le libellé et, le cas échéant, la dimension des caractères des bulletins doivent être conformes aux prescriptions légales ou réglementaires édictées pour chaque catégorie d'élection :
    « - pour les élections au scrutin majoritaire, les bulletins de vote ne peuvent comporter aucun nom propre autre que celui du ou des candidats ;
    « - pour les élections au scrutin de liste, les listes présentées dans chacune des circonscriptions départementales ou régionales peuvent prendre une même dénomination afin d'être identifiées au niveau national. Il peut s'agir du nom d'un groupement ou parti politique et, le cas échéant, de celui de son représentant. »
    Je mets aux voix l'article 7.
    (L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

    Mme la présidente. M. Dosière et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 15, ainsi rédigé :
    « Après l'article 7, insérer l'article suivant :
    « Le 1° de l'article L. 280 du code électoral est supprimé. »
    La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Il s'agit de corriger ce qui est, me semble-t-il, une petite anomalie.
    Aux termes de l'article 24 de la Constitution, les sénateurs sont les représentants des collectivités territoriales. Cet amendement va sans doute à l'encontre de tous les développements que nous avons faits sur l'équilibre des institutions et le rôle du Parlement, mais il a au moins le mérite de la cohérence. Les députés font partie des grands électeurs à côté des représentants des collectivités territoriales. A quel titre ? Eux sont des représentants de la nation. Nous proposons donc de les rayer de la liste des grands électeurs du collège électoral sénatorial.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Les députés ne représentent que 0,40 % du collège électoral sénatorial. Il est inutile, voire blessant, de les priver du droit de participer à l'élection des sénateurs. Ces derniers participent à l'élection des députés, on ne voit pas pourquoi l'inverse ne serait pas légitime.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission. Parmi les grands électeurs, il y a aussi les conseillers généraux et les conseillers régionaux.
    M. André Vallini et M. Bernard Roman. Ce sont les élus de collectivités territoriales.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Les députés, notamment dans notre système électoral où ils sont élus au scrutin uninominal, sont également les représentants des territoires.
    M. André Vallini. Non, ils représentent la nation !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Et aussi les territoires.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

    Mme la présidente. Nous en venons aux votes sur l'ensemble des deux propositions de loi, en commençant par la proposition de loi organique.
    Normalement, chacun des deux textes devrait donner lieu à des explications de vote séparées. Mais je vous propose de les regrouper. (Assentiment.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous avez raison, madame la présidente.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste.

    M. Bernard Roman. Mes chers collègues, il y a dans ces deux textes des éléments dont nous reconnaissons qu'ils vont dans le bon sens, même s'ils ne nous semblent pas suffisants.
    Le Sénat est contraint de se réformer. Il l'est par le Conseil constitutionnel. Il l'est par l'opinion publique. Il l'est par l'opposition. Il l'est par une partie même de sa majorité qui, manifestement, n'était pas très représentée aujourd'hui sur ces bancs.
    M. Guy Geoffroy. Nous sommes plus nombreux que vous !
    M. Bernard Roman. Je ne parle pas quantitativement. Je fais référence à des articles que j'ai lus sur la réforme des institutions et aux prises de position d'un certain nombre de députés qui s'investissent dans un groupe de travail sur la modernisation de la vie politique et qui se préoccupent, comme le Président de l'Assemblée nationale, de la place de l'Assemblée dans ces institutions modernisées.
    Bref, le Sénat, contraint de se réformer, propose un certain nombre d'avancées.
    Le mandat passe de neuf ans à six ans : c'est bien le moins après le vote du quinquennat.
    L'âge d'éligibilité passe de trente-cinq à trente ans, même si nous aurions préféré une harmonisation à vingt-trois ans.
    Le renouvellement aura lieu par moitié, même si nous aurions souhaité un renouvellement intégral.
    Ce sont des petits pas, qui cherchent à masquer la volonté effrénée du Sénat, de sa majorité, de résister au mouvement. Car malgré ces petits pas, on assiste, je le disais en commission, à une forme de « bétonnage » qui touche à des questions décisives dans le dispositif institutionnel français.
    Si le nombre de sénateurs est augmenté de manière démesurée, c'est sans doute par facilité. Cette distribution de sièges fait penser à un refus d'assumer ses responsabilités, car il aurait fallu faire accepter par les élus de tel ou tel département les renoncements qu'imposait l'évolution de la démographie pour assurer une représentation plus équitable au niveau national.
    Cette mesure conduit aussi à une évolution préoccupante de la composition du Congrès, qui réduit, de manière mécanique, le rôle de l'Assemblée nationale au sein du Parlement. Il s'agit là d'un premier recul qui nous paraît très alarmant.
    Le deuxième recul, plus inquiétant encore, est le silence total de ces deux propositions sur une préconisation du Conseil constitutionnel concernant le corps électoral et le respect du principe d'égalité dans le suffrage, la représentation devant tenir compte de l'évolution de la population qui réside dans les collectivités territoriales. Nous ne pouvons que dénoncer cet étrange silence du Sénat.
    Enfin, la plus grave des atteintes portées par ces textes à nos institutions, puisqu'elle touche à notre loi fondamentale, à la Constitution, c'est le recul sans précédent de la place des femmes dans nos instances politiques, qui découle de la proposition faite par le Sénat de modifier le seuil d'application du scrutin proportionnel pour l'élection des sénateurs, ce seuil passant des départements de trois sièges et plus aux départements de quatre sièges et plus. La proposition de loi élimine ainsi 26 départements de la proportionnelle.
    Toutes ces considérations nous amènent à voter « non », à nous opposer de manière ferme et catégorique à ces deux textes, tant la loi organique que la loi ordinaire. Nous avons le sentiment que le palais du Luxembourg est aujourd'hui une forteresse assiégée, que sa muraille se lézarde et que ses occupants se sont résolus à abandonner la façade aux fissures pour mieux bétonner de l'intérieur ce temple du conservatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.
    M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains de nos collègues ont prétendu ce matin, en défendant les motions de procédure, que ce débat ne présentait pas d'intérêt. Je crois que nos travaux, tout au long de cette journée qui s'achève après les multiples interventions, parfois animées, des uns et des autres, des unes et des autres, ont montré que cette opinion n'était pas fondée. Nous avons débattu aujourd'hui du Sénat, de l'institution parlementaire dans son ensemble, des problèmes qui se posent à nous, de l'âge minimal pour accéder à telle ou telle assemblée, de la parité, des modes de scrutin. Tous ces débats, dont la clôture évidemment n'est pas définitive, ont dépassé incontestablement les clivages traditionnels et les opinions plus ou moins convenues. Ce n'est pas un des moindres mérites de ces textes que de nous avoir permis d'évoquer toutes ces questions en allant au fond des choses.
    Mais revenons à leur contenu même, à leur portée et à la décision qu'il nous faut prendre.
    Sur leur portée, personne n'a prétendu que le Sénat, à travers ces propositions de loi, avait l'ambition, pour solde de tout compte et, si j'ose dire, de manière « définitivement définitive », de régler par des avancées considérables toutes les questions qui se posent depuis des années au sujet de la place du Sénat au sein de l'institution parlementaire. Mais inversement, et l'orateur du groupe socialiste ne m'a pas démenti, on ne peut pas non plus prétendre qu'il n'y ait pas d'avancées dans ces textes. Il y en a, et elles sont à l'initiative du Sénat.
    D'aucuns objecteront qu'il ne pouvait pas faire autrement. Sans doute, mais il n'était pas obligé de la faire dans les conditions où il l'a fait.
    Ces avancées doivent être rappelées.
    Premièrement, la durée du mandat est ramenée de neuf ans à six ans. Il sera dit que c'est le Sénat, en 2003, sous cette législature, qui l'aura proposé, et le Parlement qui l'aura accepté.
    Deuxièmement, nous allons abaisser de trente-cinq à trente ans l'âge minimal pour être sénateur. On a dit que cela n'était pas suffisant. Mais il a été démontré que la question méritait d'être un peu plus creusée que certains propos trop rapidement affirmatifs ne le laissaient présager.
    S'agissant des modes de scrutin et de la parité, certaines ont eu tendance à trop mêler ces deux thèmes pour finalement décréter que, hors le scrutin proportionnel, il n'y avait point de salut pour la parité. Certes, nul ne conteste certaines des informations données par nos collègues socialistes, et notamment par Bruno Le Roux. Mais sont-elles à ce point définitives qu'il faille en faire un dogme selon lequel seul le scrutin proportionnel serait à même de dégager des majorités - cela a été dit, et je vous remercie de l'avoir noté -, mais également d'établir la parité ?
    Démonstration est faite aujourd'hui qu'un travail public comme celui que nous avons accompli va permettre aux organes politiques dont nous sommes ici les élus de prendre la véritable dimension de leur responsabilité par rapport à ces questions. Je fais confiance à Marie-Jo Zimmermann, et à la Délégation aux droits des femmes au sein de notre assemblée, pour pousser le plus loin possible la volonté qui est la sienne, celle des femmes de cette assemblée, mais au-delà qui est la nôtre,...
    M. Bruno Le Roux. Il faut l'aider !
    M. Guy Geoffroy. ... de faire en sorte que la parité s'installe normalement,...
    M. Bernard Roman. Paroles, paroles !
    M. Guy Geoffroy. ... sans excès de précipitation arbitraire dans l'ensemble de nos institutions.
    M. André Vallini. Vous faites le contraire !
    M. Guy Geoffroy. Je rappellerai d'ailleurs, et cela devrait amener chacun d'entre vous à faire preuve d'un peu d'humilité, que, parmi les 110 propositions du candidat François Mitterrand en 1981, il y en avait une qui promettait l'installation - et non pas l'instillation - de la parité dans notre système politique.
    M. Eric Raoult. Eh oui ! Une promesse de plus qui n'a pas été tenue !
    M. Bernard Roman. Nous l'avons fait !
    M. Guy Geoffroy. Le président Mitterrand a eu une occasion rêvée, magistrale de le faire en 1985, lorsqu'il a fait voter par l'assemblée élue en 1981 la réforme du mode de scrutin pour les élections législatives, cette réforme qui avait instauré pour la première et j'espère la dernière fois le scrutin proportionnel intégral pour les élections législatives, et qui avait fait sièger à l'extrême-droite de cet hémicycle vos amis de l'époque, ceux du Front national...
    M. Bernard Roman. Arrêtez ! Si nous n'avions pas voté pour le candidat Chirac, en mai 2002, il n'aurait jamais été élu Président de la République !
    M. Guy Geoffroy. Eh bien, il n'a pas saisi cette occasion de rendre obligatoire la parité. Et il aura fallu attendre vingt ans pour que cet engagement pris solennellement devant le peuple par François Mitterrand soit mis en oeuvre. Alors, prenons le temps de la réflexion.
    Ce que nous propose le Sénat et dont nous avons débattu tout au long de cette journée n'est pas révolutionnaire,...
    M. André Vallini. Oh non ! C'est même réactionnaire !
    M. Guy Geoffroy. ... mais prenons en compte cette avancée. C'est ce que vous invite à faire la majorité de cette assemblée adoptant dans la confiance et la détermination les deux propositions de loi organique et ordinaire qui nous été présentées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, votre majorité est restée sur la défensive pour permettre l'adoption d'un texte qui, à l'évidence, ne convainc pas, y compris dans vos propres rangs - je me demande même si vous n'avez pas quelques interrogations personnelles. Elle a manqué d'audace et de courage. Elle s'est battue en multipliant les arguments techniques pour éviter la confrontation sur le plan politique aux propositions que nous lui avons faites à travers nos amendements. C'est particulièrement vrai s'agissant de l'entrée des femmes au Sénat. Nos collègues semblent la regretter et dressent de nouveaux obstacles à la parité en revenant sur les avancées d'hier. Au fond, la majorité refuse le rajeunissement, refuse une meilleure représentativité de la Haute Assemblée, refuse de faire avancer la démocratie dans nos institutions. Bref, elle refuse tout ce qui va dans le sens de l'histoire. L'histoire qui nous donnera raison de voter aujourd'hui contre ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Vote sur l'ensemble de la proposition de loi organique
portant réforme du Sénat

    Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique portant réforme du Sénat.
    (L'ensemble de la proposition de loi organique est adopté.)

Vote sur l'ensemble de la proposition de loi
sur l'élection des sénateurs

    Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi sur l'élection des sénateurs.
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

2

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI CONSTITUTIONNELLE

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 5 juillet 2003, de M. Jacques Kossowski une proposition de loi constitutionnelle visant à permettre l'inscription à l'ordre du jour des propositions de loi présentées par la majorité des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
    Cette proposition de loi constitutionnelle, n° 1006, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Mardi 8 juillet 2003, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 823, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France :
    M. Thierry Mariani, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 949).
    Fixation de l'ordre du jour.
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT