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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 9 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 8 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Serge Blisko, Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, Patrick Braouezec, Christophe Caresche, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant le titre Ier «...»

Amendement n° 413 de M. Perruchot : MM. Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Christophe Caresche, Claude Goasguen. - Retrait.

Avant l'article 1er «...»

Amendements identiques n°s 46 rectifié de la commission des lois et 414 de M. Goasguen : MM. Claude Goasguen, le ministre.
Sous-amendements à l'amendement n° 46 rectifié :
Sous-amendement n° 381 corrigé de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Sous-amendement n° 457 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Le sous-amendement n° 411 de M. Caresche tombe.
Sous-amendement n° 456 de M. Caresche : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.
MM. Serge Blisko, le président.
Sous-amendement n° 450 de M. Perruchot : MM. Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, le ministre, Claude Goasguen, Serge Blisko, Patrick Braouezec. - Adoption de l'amendement n° 450 rectifié.
Sous-amendement n° 451 de M. Perruchot : MM. Nicolas Perruchot, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Sous-amendement n° 374 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Retrait.
Sous-amendement n° 380 de Mme Boutin : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Sous-amendement n° 382, deuxième rectification, de M. Caresche. - Retrait.
Adoption de l'amendement n° 46 rectifié modifié ; l'amendement n° 414 est satisfait.
MM. Christophe Caresche, le président.
Amendement n° 245 rectifié de M. Caresche : M. Caresche. - Retrait.
Amendement n° 47 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Serge Blisko, Noël Mamère. - Adoption.
Amendement n° 386 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Christophe Caresche, Serge Blisko, Pierre Cardo. - Adoption.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN
Article 1er «...»

Amendements de suppression n°s 246 de M. Caresche et 299 de M. Braouezec : MM. Christophe Caresche, Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Jean-Christophe Lagarde, Etienne Pinte. - Rejet.
Amendements n°s 300 de M. Patrick Braouezec et 48 de la commission : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Christian Estrosi, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet de l'amendement n° 300.
MM. le rapporteur, le ministre.
Sous-amendements à l'amendement n° 48 :
Sous-amendement n° 375 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Sous-amendement n° 444 corrigé de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'amendement n° 48.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Les amendements n°s 247 de M. Caresche, 186 de M. Pinte, 17 de M. Mamère et 301 de M. Braouezec tombent.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 459 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 2 «...»

MM. Christophe Caresche, le ministre, Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, Jean-Pierre Grand, Noël Mamère.
Amendements de suppression n°s 248 de M. Caresche et 302 de M. Braouezec : MM. Christophe Caresche, Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre.
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

COMMUNICATION RELATIVE AU DÉBUT
DES TRAVAUX DE LA SESSION ORDINAIRE 2003-2004
ORGANISATION DE LA DISCUSSION
DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004

2.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION ET SÉJOUR
DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour rappelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n°s 823, 949).

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, à l'issue de la discussion générale du projet relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, ainsi que vous l'avez intitulé, il me revient, au nom de M. Ayrault et des députés socialistes, de présenter cette motion de renvoi en commission.
    En effet, il est bon que la commission des lois se penche plus longuement sur une matière aussi vaste qui touche au droit des personnes individuelles, à l'identité nationale, voire à l'économie.
    On ne peut se contenter d'à-peu-près, d'effets d'annonce ou de confusions, ni, surtout, proposer un dispositif si complexe qu'il va perdre et perd déjà toute lisibilité aux yeux des premiers intéressés, les immigrés, qui, contrairement à nous, n'ont pas la chance d'avoir étudié le texte et les pièges qu'il recèle.
    Vous avez lancé, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement, un programme d'intégration des immigrés. Une réforme d'ensemble, nous avez-vous dit : dans un premier temps, la réforme du droit d'asile défendue par M. de Villepin, puis la réforme de l'immigration, du droit et du séjour des étrangers, pour « restaurer une approche sereine et dépassionnée de la question ». J'entends vous démontrer que le présent projet de loi dément ces intentions et ces objectifs : c'est une machine de guerre qui va malheureusement conjuguer vieilles ficelles et innovations dangereuses.
    M. Claude Goasguen. Ça commence bien !
    M. Jean Roatta. On va se battre, alors !
    M. Serge Blisko. Je voulais vous réveiller, mes chers collègues : c'est fait !
    M. Christian Estrosi. M. Blisko n'est pas du matin !
    M. Serge Blisko. Vous avez raison, monsieur Estrosi.
    Je veux vous dire notre déception de n'avoir pu assister à un débat différent, un débat sur l'immigration en Europe, sur les flux migratoires qui la parcourent, sur l'avenir de notre démographie et sur le fait que ces mouvements de population, même s'ils ont une longue histoire dans notre pays, sont les corollaires de l'économie mondialisée que nous connaissons aujourd'hui, où tout s'échange, les marchandises, les capitaux, les idées, mais aussi les hommes et les femmes, d'une manière qu'il faut rendre la plus digne et la plus organisée possible.
    Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre, que c'était un peu le débat que vous souhaitiez. Cela nous fait d'autant plus regretter que ce projet de loi ne réponde pas à ces bonnes intentions. Nous retombons dans les vieilles ficelles. D'abord avec le retour aux certificats d'hébergement façon loi Debré de 1995. On a beau changer leur nom pour en faire des « attestations d'accueil », il y a toujours derrière une impossibilité, voire un délit d'hospitalité.
    M. Jean Roatta. Quel culot !
    M. Serge Blisko. Vieille ficelle aussi le retour à l'autorisation préalable imposée pour les mariages avec des étrangers alors que la France l'avait supprimée en 1981 pour mettre la loi en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme. Vieille ficelle encore : l'évocation obsessionnelle de la fraude.
    M. Claude Goasguen. Parce qu'il n'y en a pas, bien sûr !
    M. Serge Blisko. Nous en avons eu une démonstration tout au long de la discussion générale. Rappelez-vous, Charles Pasqua s'en était proclamé, déjà en 1993, le grand pourfendeur, en multipliant les mesures de lutte contre les détournements en tout genre dont l'effet principal a été d'accréditer chez nos concitoyens l'idée d'une menace grave, d'une invasion d'étrangers fraudeurs.

    Certes, l'utilisation de faux documents est condamnable, mais parler de demandes d'asile infondées, de multiplication des mariages blancs ou de paternité de complaisance me paraît curieux.
    M. Claude Goasguen. Ça n'existe pas, bien sûr !
    M. Serge Blisko. Loin de répondre à l'objectif affiché, le contrat d'intégration qui constitue la mesure phare des mesures gouvernementales annoncées est bien là pour jouer le rôle d'épée de Damoclès.
    Mes chers collègues, je suis pour, comme chacun ici, je crois, une intégration réussie et - pourquoi pas ? - un contrat. Encore faut-il savoir ce que contient ce contrat. En subordonnant la pérennisation du droit au séjour à une condition d'intégration, on risque en réalité de déstabiliser les publics les plus vulnérables, c'est-à-dire en clair les immigrés, qui sont éloignés de notre culture, que nous faisons venir pour des raisons économiques. Nous devrions au contraire les protéger et faire un effort pour les intégrer au plus vite. Dans ce contexte, les quelques avancées proposées sur le plan de la double peine sont bien insuffisantes.
    M. Christian Estrosi. Monsieur Blisko, je vous signale que vous ne vous adressez qu'au groupe UMP puisque personne n'est présent sur les bancs du groupe socialiste !
    M. le président. Monsieur Estrosi, ne remuez pas le couteau dans la plaie : laissez poursuivre M. Blisko.
    M. Serge Blisko. La qualité supplée la quantité !
    M. Claude Goasguen. C'était juste une remarque pour le Journal officiel !
    M. Serge Blisko. J'ai bien compris cette interruption politicienne qui ne me déstabilisera pas !
    M. Christian Estrosi et M. Claude Goasguen. Voilà M. Caresche ! (« Ah ! » sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Serge Blisko. Mais la réforme envisagée ne se contente pas de répéter ; elle innove aussi, en puisant d'ailleurs à des sources que je n'estime pas très agréables, comme celle de l'harmonisation par le bas, qui est symbolique de la future législation européenne de l'immigration. On remet ainsi en cause le droit au séjour durable jusque-là reconnu aux étrangers admis dans ce cadre. Le Gouvernement ne manquera pas de faire valoir que, faute d'une telle harmonisation, la France se retrouverait en difficulté, menacée, prévoit qu'elle serait de devenir la cible de toute l'immigration du monde qui, ne pouvant pas entrer dans les autres pays européens, arriverait en France. Mais autant supprimer tout de suite ce qui fonde nos institutions et bannir l'esprit de 1789. Avant de nous harmoniser vers le bas, peut-être devrions-nous proposer à l'Europe, comme nous l'avons fait il y a plus de cent ans, une autre voie, une autre manière de penser.
    Je le disais : ce texte s'inscrit dans un cadre où s'articulent à la fois la sécurité intérieure, qui en était le premier volet, l'asile, la justice - nous avons examiné le texte de M. Perben au mois de mai - et l'intégration qui, nous l'espérons, finalisera l'ensemble. Nous regrettons la hâte et la confusion sous l'empire desquelles vous avez agi en éparpillant les mesures concernant les étrangers dans plusieurs textes. Nous aurions souhaité, et c'eût été sans doute un signe fort en direction de la population immigrée, que vous commenciez par l'examen de la loi sur l'intégration. J'ai déjà exprimé, lors de la discussion du projet de loi sur l'asile, notre profond désaccord sur l'idée qui faisait de l'asile une des composantes de l'immigration. Je crois que nous avons, avec M. Caresche, amplement démontré que l'asile et l'immigration, même s'ils concernent tous les deux des populations étrangères, ne se confondent pas et n'ont rien à voir l'un avec l'autre.
    Comme le dit souvent le président de la commission de loi, un droit compliqué n'est jamais un droit utile, ni pour ceux qui sont chargés de l'appliquer ni pour ceux qui le subissent. Ce projet complique inutilement le droit des étrangers, multipliant les catégories juridiques et créant une suspicion permanente. C'était et c'est toujours le rôle de la commission des lois de remettre un peu d'ordre dans les idées, de redonner aux concepts leur sens, d'être précis et de donner aux textes une cohérence. Faute de l'avoir fait, nous obtenons une législation opaque, complexe et incompréhensible, non seulement par les intéressés, mais aussi par tous les Français qui s'interrogent et qui suivent nos travaux.
    Le projet de loi doit être réexaminé par la commission car nous ne pouvons accepter la contradiction évidente entre l'exposé des motifs, qui s'appuie sur l'image d'une France qui ne ferme pas ses portes - nous sommes d'accord -, tout en contrôlant les flux migratoires - nous sommes encore d'accord -, et les mesures proposées, qui consistent à transformer en course d'obstacles l'entrée en France, y compris pour les courts séjours.
    Monsieur le ministre, ne nous faites pas le procès d'être laxistes. Comme vous, nous voulons plus de fermeté à l'encontre de ceux qui détournent nos lois...
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ah ! Voilà !
    M. Serge Blisko. ... et qui profitent de la misère du monde pour organiser des filières. Toutefois, cette nécessité ne doit pas occulter nos objectifs d'humanité, de citoyenneté et d'intégration.
    Il convient de renforcer les politiques visant à réduire les déséquilibres et à faciliter l'intégration des étrangers en situation régulière. A cet égard, l'insertion des immigrés dans la vie sociale est fondamentale. Le Gouvernement l'affirme aussi mais il se plaît à l'ignorer et ce texte rend l'accès au travail encore plus difficile.
    Tel qu'il est présenté, il est même dangereux, M. Valls l'a fort bien démontré. En effet il procède d'une volonté de précarisation des étrangers en situation régulière sur le territoire par l'allongement du délai pour le passage de la carte de séjour temporaire à la carte de résident, par la multiplication des obstacles, par la remise en cause du principe général du regroupement familial et par l'introduction de la notion, très vague, d'intégration à la société française, laquelle mériterait au moins d'être précisée.
    Surtout, il donne un pouvoir accru aux maires, comme en témoigne le titre de séjour, il leur accorde même un rôle majeur dans la délivrance des attestations d'accueil.
    Monsieur le ministre, vous invoquez beaucoup les élus locaux pour montrer que vous êtes attaché à la décentralisation. Vous soulignez que les maires sont bien placés pour connaître les capacités des logements où les familles seraient accueillies. Il serait donc mieux à même de juger du bien-fondé d'une attestation d'accueil ou d'un certificat d'hébergement. En fait cela signifie très clairement que l'Etat se défausse sur les maires de la fonction essentielle de maîtrise des flux d'immigration. Ce faisant, il va rompre l'égalité entre les communes.
    Car certains sont noyés sous un flot de demandes. L'un de nos collègues, député de Marseille, a évoqué le chiffre de 5 000 certificats d'hébergement pour un arrondissement de 30 000 habitants. Ce problème d'ordre quantitatif devrait conduire à un réexamen complet du dispositif.
    Cette disposition de texte me rappelle cette fameuse remarque d'Emmanuel Kant selon lequel le principe de la morale devrait être de ne pas faire aux autres ce que l'on ne voudrait pas que l'on nous fasse. Ne vous défaussez donc pas sur les maires d'une responsabilité d'Etat. Vous risquez de les mettre en porte-à-faux envers les intéressés, légitimement désireux de recevoir dans leur appartement ou dans leur maison de la famille pour quelques jours ou quelques semaines, et les associations, d'autant qu'il auront extrêmement peu de moyens, sinon le recours à l'OMI, pour contrôler la qualité de l'accueil, notion sur laquelle d'ailleurs je m'interroge.
    En effet, les amendements présentés en commission sur ce sujet montrent que les minimas en mètres carrés envisagés par nos collègues de province ne sont pas réalistes pour les grandes villes, en particulier Paris, où ils sont rarement atteints. Les appartements y sont beaucoup plus exigus, en particulier dans les quartiers défavorisés où vivent la plupart des immigrés. En fait, la qualité de l'accueil ne saurait être réduite au nombre de mètres carrés disponibles et si une telle disposition était reprise dans un décret, elle limiterait fortement les possibilités de visites familiales, ce qui irait à l'encontre du but que vous poursuivez, celui de l'intégration des familles déjà installées en France.
    Il serait pour le moins étonnant que le fait d'être en situation régulière et intégré s'accompagne de restrictions apportées aux visites de famille. Cela ferait courir le risque de déstabiliser complètement les travailleurs immigrés installés régulièrement dans notre pays.
    L'élargissement des cas permettant le relevé d'empreintes digitales est également de nature à entraîner de nombreux dérapages. Cette généralisation nous paraît même techniquement impossible.
    Enfin, le projet de loi ne mentionne pas la possibilité de remettre en cause la réglementation applicable aux ressortissants algériens. En effet, les modifications envisagées ne devraient pas, sauf dispositions contraires non connues à ce jour, s'appliquer à eux, à l'exception, bien sûr, de celles relatives à l'éloignement et à l'asile. La rupture de l'égalité selon le pays d'origine est pourtant patente et les nombreux immigrés algériens qui vivent dans notre pays s'en rendront encore davantage compte.
    Article par article, je pourrais démontrer que le travail en commission n'a pas pallié les insuffisances du projet. Je n'en évoquerai que quelques cas significatifs qui pourront d'ailleurs nous servir de base à une réflexion plus approfondie.
    Les socialistes n'ont jamais considéré, mes chers collègues, que les problèmes d'immigration étaient simples. Il faut beaucoup de travail, beaucoup d'imagination, beaucoup de coeur et de la raison, aussi, pour les aborder, et c'est précisément à cela que je vous invite maintenant.
    L'article 1er introduit la renonciation au bénéfice d'un jour franc en cas de refus de signer la notification écrite de non-admission. Si je prends pour hypothèse que sur tous les bancs de l'hémicycle, nul n'est hostile aux droits des personnes - c'est l'évidence -, chacun conviendra que cette nouvelle disposition est particulièrement choquante, d'autant, mes chers collègues, que le refus de signer est souvent opposé par des étrangers qui ne comprennent pas ce qu'on leur soumet. Si l'on avait, à tout le moins, rendu obligatoire l'assistance d'un interprète, on aurait rétabli une certaine égalité de chances, mais elle n'est pas assurée à ce stade de la procédure. On peut donc légitimement s'inquiéter de cette disposition, qui n'est pas conforme aux principes généraux du droit selon lesquels on ne peut renoncer à un droit que de façon expresse et en étant parfaitement averti des conséquences.
    De la même façon, la limitation de la liberté individuelle et de la liberté d'aller et de venir par des fonctionnaires n'ayant pas la qualité d'officiers de police judiciaire est inadmissible et non conforme aux règles constitutionnelles. Nous avons défendu avec acharnement la sauvegarde de ces garanties fondamentales, sans écho jusqu'à ce jour. Il n'est pas trop tard, mes chers collègues, pour revenir sur ces deux points, qui me paraissent vraiment exorbitants du droit commun. La commission doit pouvoir corriger ces dispositions, en particulier en rétablissant la nécessité d'avoir, au minimum, la qualité d'OPJ pour être habilité à prendre une mesure coercitive à l'encontre d'une liberté fondamentale reconnue par la Constitution.
    En particulier en rétablissant la nécessité d'avoir au minimum la qualité d'OPJ pour être habilité à prendre une mesure coercitive à l'encontre d'une liberté fondamentale reconnue par la Constitution.
    Avec l'article 2, le maire deviendra la seule autorité compétente pour la délivrance de l'attestation d'accueil, ce qui élargit considérablement son pouvoir de police, sans aucun moyen supplémentaire, évidemment. Il est d'ailleurs précisé qu'il agira alors en tant qu'agent de l'Etat, ce qui est normal. Il pourra donc diligenter des enquêtes policières mais aussi des enquêtes de l'OMI sur les conditions matérielles d'hébergement. Cependant que se passera-t-il dans l'hypothèse où un étranger souhaitant recevoir sa famille la plus proche ne disposera pas d'un logement suffisamment grand ? Nous devons donc nous interroger sur l'atteinte ainsi portée au respect de la vie privée et familiale. Car de telles dispositions vont à l'encontre de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
    D'ailleurs M. Caresche a donc bien démontré leur inconstitutionnalité la semaine dernière. Nous devons donc les renvoyer en commission et décider leur suppression pure et simple. A défaut, elles doivent être rectifiées afin que, seule, l'absence manifeste d'éléments susceptibles de justifier une telle demande puisse être invoquée pour refuser un certificat d'hébergement. Même si nous n'avons pas été entendus jusqu'à présent, il est toujours temps de prévoir la nécessité de motiver les refus du maire avant de les transmettre au préfet, seul agent de l'Etat compétent pour prononcer la décision. Nous déposerons un amendement en ce sens à l'article 2.
    L'article 7 permet aux étrangers admis au regroupement familial d'obtenir une carte de séjour temporaire, mention vie privée et familiale que le conjoint regroupant soit en possession d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident. Cette disposition tire la conséquence des restrictions posées au regroupement familial : alors qu'ils bénéficiaient auparavant d'une carte de dix ans, les membres de la famille d'un étranger installé en France ne recevront désormais qu'une carte temporaire. Comme tous les titulaires de ce titre précaire, ils ne seront jamais certains de sortir de la période probatoire qui leur sera imposée.
    Il est une autre restriction qui marque un retour à la situation antérieure à 1998 : l'étranger conjoint d'un Français devra, pour obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale, être entré régulièrement et attester de sa vie commune avec le conjoint français. Or comment peut-on apprécier la communauté de vie dans l'hypothèse d'une entrée en France très récente du conjoint étranger ? A partir de quand la vie ensemble est-elle assez commune pour devenir une clause suffisante ? Va-t-on imposer que la vie commune soit obligatoire avant le mariage dans l'hypothèse où les deux conjoints auront déjà été présents sur le territoire ? De telles imprécisions juridiques ne peuvent que donner lieu à de nombreux contentieux, ce qui n'est jamais agréable. De plus, elles risquent de se retourner contre ceux qui n'ont absolument pas l'intention de tourner la loi, mais qui aspirent simplement à vivre normalement aux côtés de leur conjoint français.
    L'article 8 introduit la notion de protection subsidiaire en lieu et place de l'asile territorial, évoqué lors de l'examen du projet relatif au droit d'asile. Je constate simplement que le Gouvernement conserve une optique de refoulement et s'enferme dans une logique policière en matière d'asile comme en matière d'immigration.
    Mes chers collègues, je vous l'ai déjà expliqué voilà près d'un mois : que trouveront les réfugiés en arrivant en France ? Que deviendront ceux qui verront leur demande rejetée ? Ce sera le refoulement vers ces nouveaux camps de transit européens que certains appellent déjà des camps de détention et qui nous paraissent totalement monstrueux, eu égard à la Convention de Genève, d'une part, et aux traditions d'accueil de la France, d'autre part.
    A l'article 9, Christophe Caresche soutiendra un amendement qui tend à accorder à un député désigné par l'Assemblée nationale la place prévue pour un maire au sein de la commission des titres de séjour.
    Nous nous interrogeons également sur le fait qu'aucun cas de saisine de plein droit de la commission n'est prévu alors que le préfet pourra, de sa propre initiative, la saisir pour toute question réglementant « les différentes catégories d'étrangers ». Nous nous sommes rendu compte, à la lecture de ce texte, qui est un bricolage de la loi de 1998 et de l'ordonnance de 1945, déjà retouchée plusieurs dizaines de fois, que, loin de clarifier, de simplifier le dispositif, il ne fait que le compliquer. Je souhaite donc que la commission des lois puisse retravailler cet article et revoir l'économie générale du projet.
    L'article 10 pose le principe d'une nouvelle condition d'intégration dans la société française. Particulièrement floue, cette disposition donnera un pouvoir discrétionnaire aux préfectures, instaurant ainsi une inégalité de traitement. A cet égard, le rapport élaboré par Mme le préfet Escoffier avait déjà montré que les pratiques des préfectures au regard du statut des étrangers étaient extrêmement différentes, ce qui avait un effet de précarisation de la situation des étrangers en situation régulière. Si nous ne sommes pas fondamentalement opposés à l'introduction de la notion d'intégration, nous aurions souhaité qu'elle soit travaillée beaucoup plus longuement. L'intégration est très complexe et elle ne saurait être réduite à la maîtrise du français, même si cela peut constituer un indice. Il est bien des cas d'immigrés qui travaillent, en particulier dans des secteurs que les Français d'origine désertent aujourd'hui, comme le bâtiment, le nettoyage et d'autres métiers très durs. Bien qu'ils parlent mal le français, ils jouent un rôle économique absolument indispensable. D'ailleurs, les chambres patronales réclament souvent, à grand renfort de colloques, que l'on favorise leur entrée en France parce qu'ils ont des problèmes d'effectifs.
    Nous souhaiterions donc que ce critère de connaissance de la langue ne soit pas unique. Un tel choix me semble peu réfléchi, peu pesé et, pour tout dire, précarisant et même inquiétant pour ces étrangers. Il faut absolument revoir cette disposition en introduisant la notion d'intégration par le travail afin d'éviter le recours à des critères subjectifs tels que l'allure générale, le type d'habitat, les coutumes domestiques car cela serait générateur de grands dangers et irait complètement à l'encontre de l'intégration souhaitée.
    L'article 12 instaure une condition cumulative tout à fait exorbitante en prévoyant qu'un parent d'enfant français n'obtiendra désormais la carte de résident que s'il exerce l'autorité parentale et subvient effectivement aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis deux ans.
    Cette condition cumulative a évidemment pour but de maintenir les parents d'enfants français, pourtant inéloignables, dans une situation précaire. Décidément, je ne comprends pas très bien votre état d'esprit, monsieur le ministre. Cette disposition est-elle un patchwork de différentes pressions qui peuvent d'ailleurs ne pas être extérieures mais existent en vous-même ? En effet, ce texte amasse les contradictions, puisqu'il pourra permettre de ne pas délivrer une carte de résident alors que l'on sait très bien qu'une bonne insertion professionnelle, un salaire régulier dans un travail légal permettent à un père de subvenir aux besoins de son enfant.
    Cette disposition est d'autant plus choquante que la loi du 4 mars 2002, relative à l'autorité parentale, permet au juge des affaires familiales d'attribuer l'autorité parentale à un parent, quand bien même celui-ci ne pourrait pas subvenir aux besoins de son enfant. Il est en effet indéniable que l'on peut être un bon parent sans avoir de gros moyens économiques, par exemple si l'on est chômeur ou RMiste. Inversement, on peut gagner beaucoup d'argent, avoir un bon métier, comme on dit, et être un très mauvais parent. Cela me paraît frappé du coin du bon sens. Le fait de subvenir à une hauteur subjectivement déterminée aux besoins d'un enfant ne suffit pas à faire un bon parent. En revanche, on est un bon parent quand on accomplit son devoir de mère ou de père de famille, avec autorité, souplesse et sens d'un certain nombre de valeurs que nous partageons tous. La condition économique du parent n'a rien à voir avec cette notion. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale, au nom de laquelle l'éloignement d'un parent qui serait dans une situation économique difficile serait tout à fait contraire à la Convention internationale sur les droits de l'enfant.
    Avec l'article 14, le Gouvernement poursuit sa litanie d'exclusion, en introduisant une condition supplémentaire à l'obtention de plein droit de la carte de résident familial, celle « d'intégration satisfaisante ». On tourne toujours en rond ! En effet, quelle signification a-t-elle ? Elle n'est d'ailleurs nulle part clairement définie dans ce projet. Peut-être voulez-vous nous renvoyer, monsieur le ministre, au projet de loi sur l'intégration, qui compléterait le texte en discussion à cet égard. Pourtant il aurait été préférable de commencer par là afin que les règles du jeu soient clairement établies... Une fois cette condition d'intégration satisfaisante bien définie, le débat aurait pu se dérouler de façon sereine et nous aurions pu faire ensemble le point sur ce qui s'est passé au cours des vingt-cinq dernières années, c'est-à-dire depuis le moment où l'on a interrompu l'immigration à tout-va, qui ne permettait, il est vrai, aucune intégration sérieuse.
    Je ne souhaite pas que l'on revienne sur ce sujet aujourd'hui, mais il est indéniable que le choix alors opéré est l'une des causes des difficultés actuelles puisque les enfants d'alors arrivent à l'âge adulte. Nous connaissons tous à la fois leurs frustrations et leurs espoirs et leur profond désir d'intégration tout en gardant certaines racines. Nous aurions donc pu avoir sur ce sujet une discussion qui nous aurait grandis.
    Avec l'article 16, nous retrouvons un chiffre magique qui n'est généralement guère favorable aux droits et aux libertés individuels ! Ainsi, il élargit l'incrimination de délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers dans les espaces maritimes et terrestres du territoire de la République. Cependant les exclusions de poursuites pénales sont considérablement limitées.
    Certes, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué, au cours du débat, que nous étions trop angoissés, et qu'il était bien évident qu'il ne s'agissait pas de poursuivre des personnes physiques ou des personnes morales comme les associations de la loi de 1901 ayant pour objet la solidarité avec des étrangers, ou les organisations humanitaires. Dans votre esprit, cet article 16 ne vise que les filières, les passeurs, les modernes négriers et les trafiquants de main-d'oeuvre.
    Nous comprenons parfaitement que les immunités familiales demeurent, bien que restreintes, l'aide au séjour régulier. En revanche, elles ne s'appliquent pas, selon la rédaction actuelle des textes, aux associations personnes morales. Pourtant, monsieur le ministre, vous les connaissez aussi bien que nous puisque vous recevez leurs représentants dans votre bureau et vous savez qu'elles ne constituent pas des filières de passeurs. Vous avez même répondu au GISTI, qui est peut-être l'association la plus extrême dans ce secteur. Vous êtes donc parfaitement en mesure de distinguer les associations de bonne foi, même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec elles - vous encore moins que nous - des filières et des différentes mafias qui profitent de la précarité des étrangers.
    Mais si nous connaissons ces associations, pourquoi ne pas indiquer clairement qu'elles sont exclues du champ de la répression ? Bien entendu, - dois-je le préciser ? - nous sommes extrêmement vigilants sur cette question et souhaitons l'incrimination et la condamnation des filières d'immigration clandestine.
    J'aimerais que vous soyez encore plus précis et que vous répondiez à cette question. Je ne fais nullement référence à un prisonnier de Villeneuve-lès-Maguelone, mais nous assistons aujourd'hui à une incrimination et même à ce que d'aucuns appellent une criminalisation de l'action syndicale et associative qui n'est pas de nature à vous réconcilier avec ceux qui défendent les droits de l'homme, si tant est que vous souhaitiez vous réconcilier avec eux, et qu'ils souhaitent se réconcilier avec vous. Je crois qu'il y a là un geste à faire afin que les associations se sentent de plein droit dégagées de toute menace.
    Il existe toujours un conflit, monsieur le ministre, entre la loi de la famille, les lois naturelles de l'hospitalité, de l'aide à l'étranger et à celui qui se trouve dans le besoin et auquel on tend la main, et les lois de la cité. C'est le vieux conflit d'Antigone dans un Etat de droit qui n'est soumis ni à de grandes menaces intérieures - je regrette de le dire au ministre de l'intérieur - ni à des risques de dissociation de la société, je pense que nous devrions faire preuve de plus de générosité.
    L'article 19 pose un vrai problème, qui a été souvent cité : celui des mariages arrangés pour faire bénéficier un étranger d'une situation régulière. Comme M. Caresche l'a amplement développé lorsqu'il a défendu l'exception d'irrecevabilité la semaine dernière, il me semble que nous disposions déjà de tout l'arsenal pénal nécessaire pour empêcher ces mariages.
    Je relèverai simplement une mesure qui risque de produire des effets pervers. Si nous nous rendons compte qu'une jeune fille est contrainte à un mariage forcé et que nous n'avons pas eu les moyens de la tirer de cette situation, pourquoi faut-il la condamner à deux ans de mariage forcé pour le coup ? N'aurait-on pas intérêt à aller plus vite ? Cela me semble un peu limitatif du droit des jeunes femmes et des jeunes filles. Certaines situations sont claires : le mariage est totalement arrangé et a pour but de régulariser la situation d'un étranger sur le plan économique ou des papiers. Mais il en est d'autres plus complexes et plus ambiguës : une jeune fille peut être contrainte moralement de se marier, sans qu'il y ait pour autant une histoire de régularisation de papiers à la clé. Nous devrions développer un certain nombre de moyens de prévention pour que ces jeunes filles ou ces jeunes femmes soient mieux protégées. Je regrette encore une fois que, en dépit du dépôt d'un certain nombre d'amendements en commission, nous soyons passés à côté de la réaffirmation de cette notion essentielle qu'est la protection des plus faibles, car c'est bien ce qui est demandé au législateur.
    Je ne reviendrai pas sur l'article 30 si ce n'est pour rappeler que nous avons été profondément heurtés par l'intrusion du ministère de l'intérieur dans les procédures d'asile. Je l'ai déjà dit, les demandeurs d'asile abusifs existent. Un dispositif rénovant l'OFPRA, lui donnant plus de moyens et raccourcissant les délais de réponse en matière de demande d'asile, était à notre sens le meilleur moyen dissuasif vis-à-vis de ceux-ci. Quand un demandeur d'asile arrive devant son officier de protection de l'OFPRA, il est tenu, sous peine de ne pas obtenir le droit d'asile, de lui donner les renseignements les plus exacts et les plus intimes possibles sur le lieu d'où il vient, la façon dont il a été traité, les menaces dont il a fait l'objet, les souffrances même qu'il a endurées. Le fait que ces éléments puissent être communiqués au ministère de l'intérieur ne me paraît pas de bon aloi, non pas parce que je pense qu'il n'y a pas de secret professionnel au ministère de l'intérieur, mais parce que si vous dites à quelqu'un que ce qu'il va dire peut être communiqué à une autre administration, et au cas où l'asile serait refusé, se retourner contre lui me semble, pour le coup, extrêmement désavantageux et défavorable au demandeur d'asile qui risque de ne plus avoir confiance dans l'OFPRA et plonger dans la clandestinité. Ce serait dommage car je persiste à penser que, avec des moyens supplémentaires, l'OFPRA et la commission de recours peuvent faire du très bon travail.
    Je ne développerai pas non plus, car M. Caresche l'a fait très précisément, la complexification du système de maintien en rétention prévue dans le projet de loi à l'article 33. Nous nous trouvons à l'évidence en face d'une difficulté. Il faut renforcer le rôle du juge de la liberté et de la détention dans nos tribunaux. Vous connaissez comme moi les difficultés, monsieur Mariani. Nous sommes allés quelques jours après vous à Bobigny. Ce que nous y avons vu n'est pas satisfaisant.
    M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je suis bien d'accord.
    M. Serge Blisko. Et je ne me place là que du point de vue du fonctionnement de la justice. Je n'entre pas dans la polémique au sujet des conditions d'attente et de confort, que l'on peut toujours améliorer. Je ne doute pas, monsieur le ministre, de votre volonté d'améliorer le confort, tant en zone d'attente qu'en zone de rétention. Là n'est pas la question. Vous nous l'avez souvent dit. Vous considérez qu'il faut traiter les retenus ou ceux qui attendent avec plus d'humanité et nous sommes d'accord sur ce point. Nous souhaitons simplement que vous ayez les moyens matériels supplémentaires pour le faire.
    Ce qui nous paraît tout à fait anormal, c'est l'« embolisation » de la justice dans ce type d'audience. Mon collègue Caresche et moi-même avons eu le sentiment d'un immense gâchis quand nous avons vu que pratiquement deux jours par semaine un tribunal entier était « embolisé » par ces demandeurs. Le traitement administratif tel qu'il est pratiqué dans certains pays européens n'est pas non plus une solution. Nous tenons à ce qu'il y ait des juges de la liberté et de la détention, des JLD comme on dit dans le jargon, et que ce soit les magistrats de l'ordre judiciaire et non les magistrats de l'ordre administratif qui conservent cette fonction. Mais nous souhaitons vraiment que cesse « l'absurdie » à laquelle nous assistons. Excusez-moi pour ce néologisme, je ne parle pas des conditions matérielles dans lesquelles on fait attendre ces personnes, mais du fait qu'elles attendent quelques étages plus bas qu'on veuille bien en trois minutes juger de leur affaire. Et encore, si le jugement a duré trois minutes au lieu de deux, c'est parce que, comme M. Mariani, nous avons eu un traitement de faveur et que nous avons des explications sur ce qui était en train de se passer. La représentation nationale ne peut pas se satisfaire de la façon dont les audiences dites 35 bis et 35 quater ont lieu dans ce tribunal.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !
    M. Serge Blisko. Je ne raviverai pas la polémique qui s'est développée entre vous et M. Le Roux au sujet de la salle d'audience de Roissy, monsieur le ministre, mais ne pourrait-on pas installer un tribunal à Roissy ? C'est la solution que nous proposons pour sortir « par le haut » de la situation actuelle. Vous allez me répondre que vous n'êtes pas le ministre de la justice, mais seulement le ministre de l'intérieur. Mais votre poids et votre influence au Gouvernement sont suffisamment grands pour, si vous le jugez juste, plaider cette cause. Vous êtes avocat, vous savez qu'à Roissy, il n'y a pas que le sort des étrangers qui est traité mais qu'il y a également de grosses affaires commerciales qui sont jugées et les 400 000 emplois recensés dans l'aéroport justifieraient la tenue deprud'hommes et l'application du droit aéronautique. Je ne détaillerai pas, ce n'est pas l'objet du débat de ce matin, la création d'un tribunal me semblerait une solution élégante permettant de sortir par le haut de l'embrouillamini actuel. Si vous êtes d'accord avec cette solution, qui a recueilli l'assentiment des magistrats, pourriez-vous vous en faire l'interprète auprès du Gouvernement ?
    Je reconnais comme vous qu'il est tout à fait absurde que soixante-cinq policiers ou gendarmes soient mobilisés tous les jours pour procéder au transfèrement des zones d'attente de Roissy au tribunal de Bobigny.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils sont même soixante-neuf !
    M. Serge Blisko. Les magistrats ont d'ailleurs du mal à y appliquer le droit. Il faut donc trouver une autre solution. Celle que nous proposons permettrait de dédoubler le tribunal de Bobigny en créant un tribunal à Roissy. Cela se justifie amplement.
    Comme vous le voyez, nous aurions encore beaucoup de travail à faire en commission si nous n'étions pas soumis à un ordre du jour au rythme aussi effréné qui nous conduit à discuter dans la précipitation d'un projet aussi important que celui-ci en l'entrecoupant d'autres projets de loi. Nous reprenons en effet une discussion qui a commencé jeudi dernier. Vendredi, l'Assemblée a examiné un texte sur l'archéologie préventive et, hier, un texte sur l'élection des sénateurs. Je pense que nous ne faisons pas du travail parlementaire de grande qualité en ce moment.
    Nous sommes d'ailleurs tous un peu fatigués. Nous en avons le droit, puisque nous sommes le 8 juillet et que nous sommes en session extraordinaire...
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Au contraire. Les débats sont beaucoup plus détendus !
    M. Serge Blisko. Et disant cela, c'est plus le médecin qui s'exprime au vu de vos mines pâles que le député. (Sourires.) Ce texte nécessiterait donc d'être renvoyé en commission afin que nous puissions mieux travailler.
    Mais il est une autre raison, plus profonde, peut-être. Les débats sur l'immigration, nous en avons de façon récurrente. Mais ils sont toujours décevants, quel que soit le gouvernement qui les porte, parce que nous avons toujours l'impression de passer à côté des vraies questions : l'intégration, les flux migratoires, le fait que nous vivons dans une économie et dans un monde ouverts, et dans une Europe en voie d'élargissement. Les questions que nous nous posons seront peut-être encore plus pressantes dans moins d'un an, au 1er mai 2004, avec l'intégration de dix nouveaux pays dans l'Union européenne. A titre d'exemple, vous avez peut-être lu comme moi, mes chers collègues, un article consacré à la difficile question des Roms dans deux pays qui nous rejoindront un peu plus tard, la Roumanie et la Bulgarie. Nous risquons de connaître des phénomènes mal maîtrisés, même si chacun d'entre nous essaie, à la place où il est, de peser sur ces situations.
    Les questions d'immigration sont corrélées au codéveloppement. Or le codéveloppement ne concerne pas seulement le Maghreb, le Mali ou d'autres pays de l'Afrique subsaharienne mais, demain, ces pays d'Europe de l'Est dont les niveaux de vie sont extrêmement différents du nôtre. Je parle moins des dix pays concernés par le prochain élargissement que des autres, ceux qui ne vont pas nous rejoindre mais qui nous sont très voisins. Vous connaissez tous, sans doute, la situation qui prévaut dans l'enclave russe de Kaliningrad, qui compte deux millions d'habitants - cela nous ramène à Kant ! Cette région miséreuse, immense zone de marché noir, a un niveau de vie très inférieur à celui de la Pologne, qui lui-même est inférieur, même s'il est en train d'évoluer positivement, à celui des quinze pays de l'actuelle Union.
    Ce n'est qu'un exemple. Les phénomènes migratoires intraeuropéens - sans compter le Caucase ni certaines parties de l'Asie centrale situées aux confins de l'Europe - risquent de rendre caduc tout notre arsenal législatif et de remettre en cause les retouches - certainement plus de vingt - dont la loi de 1945 a fait l'objet.
    Le groupe socialiste et ses amis auraient souhaité que l'on reprenne l'ensemble du débat et que l'on commence par l'intégration en réfléchissant au moyen de mettre en place, avec l'aide des techniciens qui sont nombreux dans ce domaine aujourd'hui, un dispositif particulièrement clair, simple et lisible, tant pour les Français que pour ceux qui aspirent à venir en France.
    J'aurais souhaité aussi que l'on ait une discussion plus approfondie sur la distorsion - que vous avez évoquée, monsieur le ministre, sans vous y arrêter - entre le regroupement familial, l'immigration « subie » comme vous l'avez appelée, et celle que nous devrons choisir et sur les pistes que nous devons lancer pour, dans telle ou telle branche de l'économie, grâce à la mise en place également d'un système de formation, avoir les immigrés qui nous manquent. Nous sommes tous plus ou moins présidents ou membres de conseils d'administration d'hôpitaux. Nous voyons bien les manques énormes qu'il y a, tant en infirmières qu'en personnels soignants.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. Serge Blisko. Cette question ne peut pas être résolue comme nous le faisons actuellement, c'est-à-dire d'une manière totalement imprévisible et aléatoire. D'ailleurs, chaque fois que nous avons tenté d'utiliser cette voie, nous avons échoué.
    Prenons l'exemple que Christophe Caresche a déjà signalé la semaine dernière. Nous manquons d'informaticiens, l'Allemagne aussi. Cette dernière a lancé un appel sur Internet aux informaticiens, après en avoir longuement discuté au Parlement, et l'Allemagne a pu recruter 15 000 informaticiens.
    M. Claude Goasguen. Ils en avaient demandé 40 000 ! C'est donc un échec !
    M. Serge Blisko. La France a lancé le même appel, mais de façon plus ou moins camouflée, et 4 000 informaticiens seulement sont arrivés dans notre pays, dans des conditions précaires et peu claires. Si nous nous retrouvons dans une telle situation, c'est parce que nous n'osons pas regarder les problèmes en face. Je citerai avant de conclure un autre exemple qui a retenu mon attention.
    Monsieur le ministre, à plusieurs reprises depuis un an, vous vous êtes autofélicité - et vous avez reçu également des félicitations d'un grand nombre de responsables politiques de tous bords - de la façon dont vous avez résolu le problème de Sangatte. En agissant sur la Grande-Bretagne et en mettant en accord nos deux législations sur l'asile, vous avez modifié la situation de telle sorte que les personnes qui étaient arrivées à Sangatte n'avaient plus de raison de vouloir filer par tous les moyens en Grande-Bretagne ; et le site lui-même, où des filières de passeurs s'étaient constituées, n'avait plus lieu d'être. Avec l'aide de la Croix-Rouge, vous avez pu le fermer. Le gouvernement précédent l'avait ouvert - je tiens à le rappeler - en déléguant une mission de service public à la Croix-Rouge. En aucun cas Sangatte n'a été un camp improvisé ou la honte de l'Europe, comme cela a été dit. Le site était simplement devenu ingérable. Or nous avons retrouvé les Kurdes et les Afghans de Sangatte à Paris, à la gare du Nord. Ils ne se laissent pas facilement approcher, et la seule chose qui les intéresse toujours, c'est de partir vers la Grande-Bretagne, non plus pour des raisons économiques, mais simplement pour rejoindre leurs familles.
    Le dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, est ce qui s'est passé dans le Calaisis. On l'a assez évoqué. La ministre canadienne de l'immigration est venue et a pris les curriculum vitae des personnes réfugiées à Sangatte. Et, alors que nous les considérions simplement comme des irréguliers, des malheureux, que nous pouvions aider du point de vue humanitaire, mais qui, en aucun cas, ne méritaient notre attention sur un plan professionnel, la ministre canadienne de l'immigration, elle, a distribué des dizaines de visas d'immigration au Canada à des diplômés qui vivaient dans des cartons, des blockhaus ou dans le hangar de Sangatte.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est de la ségrégation sociale !
    M. Serge Blisko. Le Canada est un pays que nous connaissons bien et dont nous sommes proches. Il a cependant une approche différente de la nôtre. Et nous avons sans doute perdu un grand nombre de compétences !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et les autres ?
    M. Serge Blisko. Je ne reproche rien à personne car l'affaire était très délicate et totalement enkystée quand vous êtes arrivé à Sangatte, monsieur le ministre. La France devait en sortir et si je n'approuve pas la voie que vous avez choisie, je reconnais qu'elle était au moins honorable, respectueuse de la dignité des personnes et soucieuse de leur protection, car un grand nombre d'actes de violence ont été commis dans ce lieu.
    Je ne dis pas que le Canada est mieux que la France ; je souligne simplement les différences d'approche de nos deux pays concernant l'immigration. Celle du Canada, vous avez raison, cher collègue, est certainement plus centrée sur l'utilité et répond à la nécessité pour ce pays de faire venir des immigrés. Mais je souhaiterais que l'on explore collectivement cette voie parce que, pour des raisons malheureusement démographiques - cela a été évoqué à plusieurs reprises au cours du débat sur les retraites -, nous n'échapperons pas à la question de l'immigration. Je ne saurais dire à quel niveau, puisque le débat n'a pas vraiment eu lieu, mais celle-ci est importante pour l'avenir de notre pays.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Blisko a raison : très souvent, les lois sur l'immigration ont été baclées. Ainsi, la loi RESEDA n'avait donné lieu qu'à une courte réunion de la commission, et elle avait été étudiée en séance publique alors que l'encre du rapport n'était même pas sèche.
    Mais, cette fois, mon cher collègue, ce n'est pas le cas ! Cette fois, et c'est tout à fait exceptionnel, nous avons eu cinq réunions de la commission des lois, et M. le ministre nous a fait l'honneur de participer à deux d'entre elles pour répondre à toutes les questions des députés. Je n'aurai pas la cruauté de comparer avec le nombre de réunions pour la loi de M. Chevènement. Nous avons procédé, en outre, à quarante auditions ouvertes à tous les membres de la commission. M. Christophe Caresche y était présent d'ailleurs de manière assidue. Ainsi, nous avons entendu des représentants des services de l'Etat, du GISTI - Groupe d'information et de soutien des immigrés -, du MRAP - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples -, de la Coordination nationale des sans-papiers, entre autres. Rarement autant d'auditions ont accompagné l'examen d'un projet. Nous avons visité des tribunaux, des préfectures, des aéroports, des centres de rétention. Enfin, le rapport a été mis à la disposition de l'ensemble des parlementaires le 24 juin. C'est dire que, pour une fois, nous avons eu beaucoup de temps pour étudier un projet de loi, d'abord parce que le ministre l'a voulu, mais aussi parce que l'examen du projet de loi sur les retraites dont nous avons débattu récemment a pris plus de temps que prévu.
    Par conséquent, s'il est un renvoi en commission qui ne se justifie pas, c'est bien celui-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Serge Blisko. On n'a pas encore assez travaillé !
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe UMP.
    M. Christian Estrosi. Je veux souligner à mon tour, au nom du groupe UMP, le travail considérable qu'a effectué la commission, et saluer son rapporteur, Thierry Mariani, et son président, Pascal Clément. Nous sommes nombreux à avoir participé à ses nombreuses auditions.
    Monsieur Blisko, vous nous dites que nous avons fait du mauvais travail, parce que trop de textes se sont empilés, et qu'il est grand temps de prendre des vacances - car, mon cher collègue, c'est un peu ce que vous nous avez dit, en résumé.
    M. Christophe Caresche. Vous résumez beaucoup, et même vous caricaturez !
    M. Christian Estrosi. Mais les Français ne s'attendent pas à ce que les représentants du peuple partent en vacances ! Ils souhaitent que nous poursuivions, de manière soutenue, parce qu'ils attendent depuis un an, dans la voie des réformes sur lesquelles nous avons pris des engagements très clairs. Et justement, le contrôle des flux migratoires dont nous traitons aujourd'hui est un des domaines prioritaires dans lesquels ils espèrent - que nous soyons en juillet, en août ou en tout autre mois de l'année ! - des réponses précises. Notre boulot, c'est de répondre à la demande des Français ! Nous avons fait sur ce texte un excellent travail et vous auriez pu vous abstenir de présenter ce matin cette troisième motion de procédure au nom du groupe socialiste.
    Nous en sommes déjà à cinq heures de débat, entre l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Caresche, la question préalable défendue par M. Valls, et la motion de renvoi en commission de ce matin, qui est tout à fait injustifiée. Je note une corrélation entre les trois motions que vous avez présentées, c'est que vous n'avez cessé de souffler le chaud et le froid, ce qui est révélateur du malaise auquel se trouve actuellement confronté le parti socialiste. Je salue d'ailleurs le ton très modéré que vous avez eu à la tribune, monsieur Blisko.
    Au fond, vous êtes très gênés, car vous ne cessez de saluer certaines dispositions qui vous paraissent bonnes, tout en vous efforçant de leur trouver quelques éléments criticables qui vous permettraient d'apporter un peu de contradiction au débat ! Finalement, c'est une façon de reconnaître l'équilibre - équilibre voulu par le ministre - que le projet respecte entre humanisme et fermeté.
    Vos deux ou trois arguments principaux ne sont vraiment pas défendables. Vous dénoncez le fait que nous souhaitons nous inscrire dans le prolongement de législations d'autres pays de l'Union européenne qui ont été réformées. Il était quand même bien normal que la France, même arrivant en dernière position, harmonise enfin sa législation avec celle des autres pays. Ne pas l'avoir fait nous a fragilisés, et ce surtout depuis la loi que je n'appellerai pas RESEDA parce que personne ne sait ce dont il s'agit, mais la loi Jospin-Chevènement. Avec Claude Goasguen, Marie-Jo Zimmermann, Thierry Mariani et quelques autres, nous avons passé quelques jours et quelques nuits à combattre de toutes nos forces cette loi un peu scélérate qui a provoqué, pendant cinq années, l'ouverture de nos frontières à tous les vents, l'explosion des chiffres relatifs au regroupement familial,...
    M. Patrick Braouezec. C'est faux !
    M. Christian Estrosi. ... à l'attribution des certificats d'hébergement, aux mariages mixtes, non seulement en France mais à l'étranger. Et nous avons rencontré bien d'autres difficultés encore. On sait que 90 % des étrangers en situation clandestine étaient en situation légale quand ils sont entrés dans notre pays et que c'est la loi Jospin-Chevènement qui nous a ôté tout moyen de les raccompagner chez eux.
    Je considère le présent texte comme une grande chance. Nous n'avons pas de temps à perdre pour légiférer, et il n'y a aucune raison de le renvoyer en commission et de perdre un peu plus de temps encore. Après la loi d'orientation pour la sécurité intérieure et la loi sur la sécurité intérieure, il marque le retour de l'autorité de l'Etat dans notre pays.
    A ce propos, en terminant, qu'il me soit permis au nom du groupe UMP de rendre un hommage immense au ministre de l'intérieur pour la dignité et la fierté qu'il a rendues tant aux hauts fonctionnaires qu'à la police et à la gendarmerie, mais aussi à tous les citoyens français qui se sentaient humiliés depuis quatre ans de savoir l'assassin présumé d'un préfet de la République en liberté, pour le résultat qu'il a obtenu vendredi dernier avec l'arrestation d'Yvan Colonna. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe communiste.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, l'explication de vote sur cette motion me donne l'occasion de dire les regrets du groupe communiste que la possibilité de défendre l'une des trois motions de procédure ne lui ait pas été accordée.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous n'y sommes pour rien ! C'est entre vous et les socialistes !
    M. Claude Goasguen. C'est à cause de l'impérialisme socialiste !
    M. Patrick Braouezec. Nous disposons donc de peu de temps pour dire notre opposition radicale à ce projet aussi injuste qu'inefficace qui, loin de maîtriser l'immigration, va, dans la continuité des lois précédentes, qu'il aggrave, fabriquer encore plus de sans-papiers et déstabiliser un peu plus les étrangers en situation régulière, avec des mesures de « désintégration ».
    Contrairement à ce qu'affirme M. le rapporteur dans l'introduction de son rapport, ce projet ne met en oeuvre aucune rupture. Il aggrave les restrictions à l'entrée et au séjour, les atteintes au droit à la vie privée et familiale et les discriminations.
    Le paradoxe, monsieur le ministre, c'est que vous faites du Pasqua puissance 2 tout en affirmant, à juste titre, que cette politique est un fiasco complet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le coût humain, social, économique et symbolique de cette politique irréaliste de fermeture des frontières et de précarisation des 3 200 000 habitants étrangers de France est énorme. Il pèse non seulement sur les intéressés mais sur l'ensemble de la société, en particulier dans les quartiers populaires.
    L'appareil répressif fonctionne comme une fabrique à sans-papiers. La France en compte aujourd'hui probablement 300 000. Un nombre supérieur à celui d'avant 1986, c'est-à-dire avant la première loi Pasqua et la généralisation de l'obligation de visa.
    On sait désormais comment fonctionne cette fabrique à sans-papiers.
    Elle est d'abord due à la restriction irréaliste de la délivrance de visas par la France. Vous préconisez de renforcer la fermeture des frontières et de réduire encore le nombre des visas délivrés par la France, en vous fondant sur le fantasme de l'invasion toujours annoncée et jamais observée. Rappelons que la France comptait 3,6 millions d'habitants étrangers en 1990 et 3,2 millions en 1999, soit 400 000 de moins.
    En 1987, la France avait délivré 5,6 millions de visas ; en 1999, elle en a délivré moins de 2 millions. Que font les personnes auxquelles on refuse ces visas, époux ou épouses, demandeurs d'asile ou étudiants ? Tout le monde le sait, une bonne partie de ces étrangers viennent avec ou sans visa et restent clandestinement.
    M. Claude Goasguen. Il ne faut pas de visa du tout alors ?
    M. Patrick Braouezec. Il est donc indispensable non pas de restreindre encore le nombre de visas, mais d'en faciliter la délivrance. C'est une question de respect de la vie privée et familiale des personnes. C'est aussi une façon juste et réaliste de réduire le nombre des sans-papiers.
    Un grand nombre d'étrangers se maintiennent en situation irrégulière, parce qu'ils savent que les chances d'obtenir un premier ou un nouveau visa sont très faibles, voire nulles. Donc assouplir la politique de visas permettrait de faciliter les allées et venues entre la France et les pays d'origine.
    M. Claude Goasguen. Pourquoi ne pas les supprimer carrément !
    M. Patrick Braouezec. En outre, les atteintes au droit d'asile vont encore être aggravées par le nouveau projet du Gouvernement. Le nombre de réfugiés statutaires n'a cessé de baisser dans notre pays depuis 1946 : il était de 350 000 en 1950 et de près de 110 000 en 1999. En 2002, ce sont environ 90 000 demandes, asile conventionnel et asile territorial confondus, qui ont été présentées à la France. Moins de 9 000 cartes de séjours ont été accordées dans une société de 60 millions de personnes. Comment parler dès lors d'invasion, de générosité, d'abus du droit d'asile.
    En revanche, cette politique restrictive, avec 90 % de refus, est responsable de 80 000 nouveaux sans-papiers potentiels. Dans votre discours de présentation, monsieur le ministre, vous nous avez décrit cette fabrique à sans-papiers. Vous vous proposez de la transformer en usine !
    Nous savons tous également qu'aucun système policier et judiciaire ne peut permettre de les éloigner dans une proportion significative. Le taux d'exécution des mesures de reconduite à la frontière est de l'ordre de 20 %. Depuis plus de vingt ans, les ministres de l'intérieur se succèdent dans une surenchère répressive. Il faut rappeler que l'arsenal répressif et discriminatoire de M. Pasqua a permis seulement, si j'ose dire, 2 500 expulsions de plus que sous son prédécesseur immédiat.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous demandez d'adopter un renforcement de cet arsenal inefficace. Vous avez présenté la reprise des charters comme l'un des outils efficaces de cette politique. Les charters ne servent pas à reconduire les clandestins dans leur pays. En réalité, ils ne sont qu'un spectacle triste, inefficace et coûteux.
    Pour expulser les quelque 300 000 sans-papiers, il faudrait plus de 6 000 « vols groupés », comme celui du lundi 3 mars. Aucun régime, même totalitaire, ne pourrait accomplir cette déportation. Et l'on ne peut sérieusement vous soupçonner, monsieur le ministre, de vous fixer un tel objectif. Ce spectacle, depuis quinze ans, n'a en rien calmé la xénophobie. Il n'a fait que l'attiser, tout simplement parce qu'il la légitime.
    Depuis plus de vingt ans, le message des ministres de l'intérieur sur l'impossible fermeture des frontières est celui de la « fermeté » et de « l'humanité ». Or le maintien dans la clandestinité de dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants nés ou scolarisés en France n'est ni ferme ni humain.
    L'immigration est une question trop importante pour relever de la seule police. Notre pays et l'Europe ont besoin d'une politique respectueuse du droit d'asile, de la liberté de circulation, du droit de vivre en famille et du droit au travail, pour favoriser les allers et retours volontaires bénéfiques aux relations Nord-Sud. Continuer à nier ces principes, ce n'est pas lutter contre l'immigration irrégulière, mais fabriquer des sans-papiers. C'est pourquoi nous voterons cette motion de renvoi en commission.
    M. Serge Blisko. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Monsieur Estrosi, pas de procès d'intention entre nous ! Ce texte a beau arriver à la veille des vacances, nous sommes là, et pour en discuter autant qu'il le faudra !
    M. Christian Estrosi. C'est M. Blisko qui le regrettait !
    M. Christophe Caresche. Vous avez rappelé les conditions dans lesquelles la loi RESEDA avait été examinée. Moi aussi j'étais présent et je me souviens d'une opposition extrêmement déterminée...
    M. Christian Estrosi. Merci de cet hommage !
    M. Christophe Caresche. ... - n'est-ce pas, messieurs Estrosi, Mariani et Goasguen ? - qui avait prolongé les débats au-delà d'une centaine d'heures.
    M. Claude Goasguen. Moins que pour les retraites, quand même !
    M. Christophe Caresche. Vous comprendrez que nous ayons à coeur, nous aussi, de défendre nos positions.
    M. Claude Goasguen. Vous n'en avez pas !
    M. Christophe Caresche. Nous ne dénions pas au Gouvernement le droit de présenter un texte sur cette question. Il est légitime aussi d'apporter des améliorations à une législation ou de l'adapter. Et nous reconnaissons bien volontiers le travail réalisé par le rapporteur. Mais il n'y avait pas d'urgence à présenter ce projet car la situation pouvait être améliorée, mais elle ne revêt pas le caractère catastrophique que certains dénoncent, notamment M. Estrosi. La situation que le Gouvernement a trouvée au regard de l'immigration, je l'ai dit dans mon exception d'irrecevabilité, n'était pas de même nature que celle que nous avions trouvée en 1997, à savoir un pays où le débat sur le sujet était extrêmement conflictuel et les tensions très fortes. L'objectif de la loi RESEDA, et je pense qu'il a été atteint, était d'ailleurs d'apaiser le débat sur l'immigration.
    Nous ne sommes pas, à l'évidence, dans le même contexte.
    M. Claude Goasguen. S'il y a eu le 21 avril, ce n'est pas par hasard !
    M. Christian Estrosi. Il a oublié Sangatte !
    M. Christophe Caresche. Un dialogue aurait pu se nouer, y compris avec certains élus de la majorité, pour essayer d'aller au-delà et d'élaborer un texte qui rassemble tous les républicains.
    M. Claude Goasguen. Vous avez toujours refusé !
    M. Christophe Caresche. Nous étions disponibles et nous le restons...
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas vrai !
    M. Christophe Caresche. ... pour réaliser un travail sérieux et responsable et contribuer à un débat apaisé et serein sur la question de l'immigration.
    M. Claude Goasguen. C'est le contraire que vous faites !
    M. Christophe Caresche. Tel est notre état d'esprit, même si, comme l'a souligné M. Blisko, nous considérons certaines mesures comme excessives et disproportionnées - nous le verrons au cours de l'examen des amendements.
    Ce texte pouvait - et cela aurait eu un sens après le 21 avril - être l'occasion pour tous les républicains de se rassembler autour du thème de l'immigration. J'ai le sentiment que, pour le moment, elle est manquée.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Blisko, pour ce qui concerne le délai d'examen du texte, comme l'a dit Christian Estrosi, je ne pense pas qu'il y ait eu de problèmes particuliers : annoncé puis déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale de longue date, il a été longuement étudié. Votre demande de renvoi en commission était donc une manoeuvre dilatoire. C'est d'autant plus vrai que défendre une telle motion ne dure pas en général une heure, ce que vous avez fait, et c'est regrettable.
    Quant aux propos de M. Braouezec concernant les visas, ils m'ont non seulement étonné, mais choqué. Dénonçant la politique française en matière de visas, il nous explique que c'est parce que nous n'en délivrons pas assez que des gens entrent chez nous en situation irrégulière.
    M. Patrick Braouezec. C'est une réalité !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Si on suit son raisonnement, même si dix millions de visas étaient délivrés chaque année, si douze millions de personnes voulaient entrer, il faudrait s'adapter !
    M. Claude Goasguen. Il veut supprimer les visas !
    M. Patrick Braouezec. Fantasmes que tout cela !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Poursuivons jusqu'au bout dans sa logique. On se demande bien pourquoi il y a des visas dès lors que quelqu'un ferait une demande, nous devrions l'accepter, sans quoi il arriverait de toute façon et nous n'aurions rien à dire !
    M. Claude Goasguen. C'est même pire ! C'est la théorie du péché défendu !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi, dès lors, mener une politique de l'immigration ?
    M. Patrick Braouezec. Il y a 90 000 demandes !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Voilà qui explique pourquoi il s'oppose aux expulsions ou aux reconduites à la frontière : il n'est pas normal que nous voulions faire respecter nos règles !
    Le fond de sa pensée et de son idéologie, c'est qu'il ne doit pas y avoir de règles.
    M. Patrick Braouezec. Mais si, il faut des règles !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Comme certaines associations que nous avons rencontrées, il préconise que nous baissions les bras, que nous renoncions à légiférer et à appliquer quelque règle que ce soit, puisque, de toute façon, nous ne pouvons parvenir à nos fins.
    M. Braouezec n'a cependant pas tort s'agissant de l'efficacité des lois qui se sont succédé - on verra pour celle-là ! Tous les fonctionnaires de police chargés du problème nous ont dit que l'on n'a jamais pu constater un effet direct d'une loi restrictive et plus ferme que les autres sur le nombre de candidats à l'immigration. En revanche, ils ont pu observer, chaque fois qu'il y a eu libéralisation de la politique des visas, des entrées et des séjours en France, une explosion immédiate du phénomène. Dans la discussion générale, des orateurs ont rappelé que la loi Chevènement-Jospin avait fait progresser considérablement le nombre des demandes et des entrées réelles sur le territoire.
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas vrai !
    M. Claude Goasguen. Il y a les chiffres !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Braouezec, vous nous reprochez notre fantasme d'invasion. Je ne l'ai pour ma part jamais ressenti. Mais, puisque nous sommes élus du même département, savez-vous combien de gens qui ont un problème de logement sont en situation irrégulière ? Cela ne vous intéresse même pas. Notre département, la Seine-Saint-Denis, accueille pourtant de nombreux primo-arrivants, ...
    M. Patrick Braouezec. Et pourquoi la Seine-Saint-Denis est-elle seule à les accueillir ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... et ce n'est pas seulement parce que l'aéroport de Roissy y est implanté. Dans votre ville comme dans la mienne, ces personnes, que, souvent, l'OMI a acceptées au titre du regroupement familial, sont celles qui habitent les logements les plus insalubres. Voilà pourquoi nous demandions au ministre de l'intérieur que les normes soient revues.
    Ce matin encore, avant de venir à l'Assemblée nationale, je prenais connaissance d'un dossier où l'OMI, considérant que l'on peut loger sept personnes dans vingt mètres carrés, donnait un avis favorable. Comme, en tant que maire, je devais donner le mien, j'ai écrit, textuellement : « Sept personnes dans vingt mètres carrés, est-ce sérieux ? » Notre problème, en Seine-Saint-Denis, ce n'est pas un phénomène d'invasion, mais la capacité d'accueillir ces populations dans des conditions dignes et satisfaisantes.
    M. Caresche dit qu'il n'y a pas d'urgence. On a l'impression que c'est systématiquement le discours que nous sert le parti socialiste depuis un an : il n'y avait pas d'urgence sur la sécurité, et pourtant Dieu sait que les difficultés étaient grandes ; il n'y en avait pas sur les retraites, mais il a bien fallu qu'on fasse le travail, puisque le précédent gouvernement avait préféré attendre ; et il n'y en avait pas non plus sur l'immigration. Pourtant, de 1997 à aujourd'hui, il s'est passé bien des choses. On a vu que la loi Chevènement-Jospin entraînait quelques difficultés. Le ministre de l'intérieur ou Christian Estrosi ont rappelé certains chiffres : 90 % des étrangers en situation irrégulière sont rentrés légalement sur notre territoire et s'y sont maintenus sans que l'on puisse rien faire. Ces chiffres, la précédente majorité les avait, elle aurait pu agir, mais elle a considéré qu'il n'y avait aucune urgence.
    Nous, nous sommes au gouvernement depuis un an, et ce n'est pas présenter un texte dans l'urgence que s'être donné le temps de faire le tour de la question, le temps de travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Christian Estrosi. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant le titre Ier

    M. le président. Je donne lecture du libellé du titre Ier :

« TITRE Ier

« DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE
N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945
RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE
ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE »

    M. Perruchot et M. Lagarde ont présenté un amendement, n° 413, ainsi rédigé :
    « Avant le titre Ier, insérer l'article suivant :
    « Dans un délai de trois ans, les dispositions de la présente ordonnance sont intégrées dans les conventions bilatérales conclues par la France, notamment celles conclues avec le Maroc, la Tunisie et l'Algérie. »
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement d'appel - comme on dit dans le jargon de l'Assemblée nationale - concerne un sujet que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer au cours de la discussion générale. Vous avez déjà apporté quelques éléments de réponse à nos questions, monsieur le ministre, mais je souhaiterais que vous puissiez nous apporter quelques précisions.
    L'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont, avec la France, une histoire commune un peu particulière, et c'est peut-être pour cela qu'ils nous proposent beaucoup de candidats à l'immigration. Il se trouve que nous avons passé avec ces pays des conventions particulières qu'il faudrait veiller à harmoniser avec le texte que nous appliquons, c'est-à-dire, en règle générale, l'ordonnance de 1945 rectifiée plusieurs fois.
    Jeudi dernier, vous avez, monsieur le ministre, expliqué ce qui s'appliquait et ce qui ne s'appliquait pas. Je souhaiterais vous demander s'il est possible d'avoir une idée - non pas un délai imposé par la loi, ce qui serait absurde -, mais de celui dans lequel les gouvernements de ces pays, traitant d'égal à égal avec la France, peuvent accepter de conformer ces accords avec la loi que nous nous apprêtons à adopter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Nos collègues Perruchot et Lagarde soulèvent un vrai problème et leur intention est bonne, mais je crois qu'ils sont eux-mêmes convaincus que la solution qu'ils proposent n'est pas applicable. L'article 52 de la Constitution rappelle que le Président de la République négocie et ratifie les traités. Le ministre nous a déjà annoncé, en commission, qu'il avait l'intention de revoir rapidement cette question.
    Si M. le ministre nous confirme son intention de renégocier ces accords dans un délai raisonnable, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement, monsieur Lagarde.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 413.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Lagarde, cette question est essentielle car, en matière d'immigration, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont une certaine importance. Ainsi, sans renégociation des accords, plusieurs dispositions s'appliqueront d'office, si l'Assemblée les vote : celles qui concernent les nouvelles conditions de délivrance des attestations d'accueil, les empreintes digitales des demandeurs de visa, la commission du titre de séjour, l'augmentation de la durée de la procédure de rétention, les sanctions renforcées contre les passeurs et les transporteurs, la lutte contre les mariages blancs. C'est un premier point qu'il était bon de préciser.
    D'autres mesures ne s'appliqueraient pas en l'état actuel de la convention : celles qui touchent aux conditions d'intégration, à la durée de vie commune avant l'accès à la carte de résident en cas de mariage et à la rupture du caractère systématique de la délivrance d'une carte de résident en cas de regroupement familial. Seules les mesures feront l'objet d'une négociation, que je vais engager très rapidement avec ces trois pays. Toutefois, je ne peux préciser le délai, puisque, naturellement, il faut laisser le temps de discuter la convention.
    Pour autant, il semble difficile de maintenir votre amendement portant article additionnel avant le titre Ier. De deux choses l'une. Dans le premier cas, cette injonction n'a pas de caractère normatif : le groupe UDF l'a souvent indiqué et je me souviens encore du débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation. Monsieur Lagarde, je ne peux pas imaginer que vous vous contredisiez, que vous me demandiez aujourd'hui le contraire de ce que vous me recommandiez hier. Dans le second cas, notre amendement a un caractère normatif, et il est alors contraire à la Constitution. Vous le savez d'ailleurs très bien.
    Vous avez déposé cet amendement d'appel pour que le Gouvernement vous réponde. Je crois l'avoir fait aussi précisément que possible. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous retirer cet amendement ?
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je suis, pour ma part, très hostile à cet amendement. Nous avons des liens historiques avec ces trois pays et ce serait une erreur de les remettre en cause au moment où, par exemple, Air France reprend ses vols vers Alger. Au-delà du problème de l'immigration, cet amendement pose la question de la nature du lien que la France veut entretenir avec ces pays. Les considère-t-on comme tous les autres ou continue-t-on à entretenir des relations spécifiques, particulières, qui font que leurs ressortissants sont accueillis en France dans des conditions qui ne relèvent pas tout à fait du droit commun ?
    Le ministre a par ailleurs indiqué que de nombreuses mesures s'appliquent déjà, notamment celles concernant les conditions d'intégration. N'oublions pas que ce sont des pays francophones. Je ne suis vraiment pas d'accord pour que l'on remette en cause ces accords spécifiques.
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Je suis, quant à moi, d'accord avec les propos du représentant de l'UDF qui soulève un véritable problème, même s'il n'est pas encore loisible d'en discuter dans cet hémicycle. Je voudrais apporter quelques précisions à mon collègue Caresche.
    Nous allons entrer dans une entité européenne : un jour viendra où il faudra discuter de l'harmonisation des politiques d'immigration issues, d'une part, du lien historique entre la France et les pays du Maghreb, et, d'autre part, rendues nécessaires par la construction européenne. Si nous ne le faisons pas, de graves distorsions se produiront dans la construction de l'Europe, et la France ne sera pas forcément dans la position la plus facile.
    La réflexion doit donc s'organiser au niveau du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur sur l'harmonisation de la politique traditionnelle à l'égard de nos amis de l'autre rive de la Méditerranée et des conditions d'application du traité d'Amsterdam. Sans cela, nous aurons, d'une part, les pays méditerranéens comme la France, l'Italie et l'Espagne, qui auront une immigration très ciblée issue de l'autre bord de la Méditerranée, et, d'autre part, l'Allemagne ou la Pologne qui se gonfleront d'immigrés venus des pays de l'Est.
    Paradoxalement, si on laisse aller le phénomène des flux migratoires, il risque d'accentuer les distorsions intra-européennes et, à terme, de provoquer des forces très difficiles à maîtriser. La réflexion doit donc s'organiser au niveau de l'Europe et la demande de notre ami Lagarde mérite d'être prise en considération, même si, comme l'a dit le ministre, il est un peu prématuré d'en parler aujourd'hui.
    M. le président. Ce débat est fort intéressant, mais je pense que M. Lagarde va retirer son amendement au vu des explications de M. le ministre.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je tiens à remercier M. le ministre des précisions très utiles pour l'ensemble de la représentation nationale qu'il a données, et à ajouter - c'est aussi une forme de réponse à M. Caresche - qu'il ne s'agit pas là d'altérer les liens avec ces pays. Dans certains cas, c'est même le contraire. Ainsi, il n'y a pas si longtemps, les Algériens étaient pénalisés par rapport à tous les autres étrangers du fait de leur gouvernement. Pour eux, les délais étaient plus longs, ce qui n'était pas normal. Ils vivaient pourtant déjà sur notre territoire, mal et, pour nombre d'entre eux, depuis fort longtemps.
    Je demande simplement que cette harmonisation soit faite, chaque fois que cela se justifie, non seulement pour la cohérence de notre politique migratoire, mais également pour éviter que les ressortissants de l'Algérie, de la Tunisie ou du Maroc soient moins bien traités que les autres - ce qui serait un comble.
    M. le président. L'amendement n° 413 est retiré.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 46 rectifié et 414.
    L'amendement n° 46 rectifié est présenté par M. Mariani, rapporteur, et M. Goasguen ; l'amendement n° 414 est présenté par M. Goasguen.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :
    « Article préliminaire. - Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état du bilan de la politique de maîtrise des flux migratoires menée l'année précédente.
    « Ce rapport indique et commente :
    « - le nombre des différents titres de séjours accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
    « - le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;
    « - le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;
    « - le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement, comparé à celui des décisions prononcées ;
    « - une estimation du nombre d'étrangers n'entrant pas dans les catégories précédentes et se trouvant sur le territoire français en situation irrégulière ;
    « - le nombre des procédures, et leur coût, mises en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;
    « - une évaluation du nombre de travailleurs clandestins. »
    La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Ces deux amendements identiques reprennent une idée que Thierry Mariani et moi-même avions développée lors du débat sur la loi RESEDA. Nous n'avions pas été entendus alors, quoique nous ayons réussi à faire voter dans l'ultime nuit des délibérations une mesure qui prévoyait la rédaction d'un rapport présentant à l'Assemblée nationale et à la nation un état quantifié de la politique des flux migratoires.
    Si j'attache de l'importance à cette question, ce n'est pas que j'aie à tout prix envie de lire un rapport de plus. Au contraire, je sais par expérience que, souvent, lorsqu'un gouvernement promet un rapport, c'est qu'il ne peut rien promettre d'autre. Mais, en l'occurrence, le racisme quotidien et la xénophobie sont essentiellement alimentés par le qu'en-dira-t-on.
    M. Patrick Braouezec. C'est un expert qui parle !
    M. Claude Goasguen. Dans le voisinage, on le sait bien, l'arrivée d'un inconnu chez quelqu'un que l'on connaît alimente la rumeur : au bout d'une semaine, on parle de quatre personnes qui sont entrées en fraude, puis de quinze,...
    M. Patrick Braouezec. Puis de 12 millions !
    M. Claude Goasguen. ... puis c'est l'inflation, et la rumeur d'Avignon, comme on disait autrefois, devient un phénomène national.
    M. Christophe Caresche. Avignon, ça ne se passe pas très bien !
    M. Claude Goasguen. Non, la rumeur d'Avignon, c'est autre chose. C'est une vieille affaire.
    M. Patrick Braouezec. Parlons-en !
    M. Claude Goasguen. Non. N'en parlons pas.
    M. Serge Blisko. On peut parler des intermittents.
    M. Christophe Caresche. Parlons-en par intermittence !
    M. Claude Goasguen. Cette surenchère de fausses informations favorise un climat de xénophobie quotidienne. Contre cette rumeur, l'information doit être la plus claire possible. A ce titre, le document présenté par le ministre de l'intérieur, Jean-Pierre Chevènement, était encore plus incompréhensible que les chiffres discordants qui émanaient du ministère des affaires étrangères - qui a ses chiffres -, de l'OMI - qui a les siens -, du ministère de l'intérieur - qui a sa propre comptabilité - et de quelques officines qui nous donnent leurs propres évaluations, qui ne concordent, en général, ni sur les chiffres ni sur les concepts et permettent toutes les interprétations. J'avais soulevé ce problème au cours de la discussion générale.
    M. Serge Blisko. Les chiffres de la police et les chiffres des manifestants, en quelque sorte !
    M. Patrick Braouezec. Mais ici, ce sont les chiffres de la police qui sont les plus élevés !
    M. Claude Goasguen. Mes chers collègues, vous prétendez aujourd'hui que vous avez la main tendue pour discuter avec nous de la politique d'immigration, mais n'oubliez jamais que le refus de discuter que vous nous avez opposé, il y a cinq ans, a permis à un autre candidat que le vôtre de parvenir au deuxième tour de l'élection présidentielle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous portez, je le rappelle, certaines responsabilités dans le refus d'une politique consensuelle.
    M. Christophe Caresche. La campagne sur le thème de l'insécurité, c'est pas nous qui en sommes responsables !
    M. Claude Goasguen. Dans certains pays, on a réussi à ne pas dramatiser l'immigration, comme en Allemagne, où les sociaux-démocrates ont eu l'intelligence de traiter avec les chrétiens-démocrates. Vous avez toujours refusé ce dialogue. De notre côté, la porte est ouverte, mais vous avez payé très cher cette faute d'analyse, par l'absence de votre candidat au deuxième tour de l'élection présidentielle.
    Aujourd'hui, il est peut-être temps de donner aux Français la possibilité de savoir et de mettre fin à cette rumeur permanente sur l'immigration. Les Français ont besoin de savoir. Peut-être reviendra-t-on tout à l'heure sur l'autre dimension de la politique de l'immigration qu'est l'avenir de l'immigration, mais il s'agit, avec cet amendement, de savoir quel est le fait de l'immigration afin que le vrai débat politique puisse s'organiser.
    C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter cet amendement, qui est important pour la lutte contre la xénophobie et le racisme.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement est tout à fait favorable à la transparence et a été très frappé de constater que, sur un sujet comme l'immigration, non seulement on ne peut pas débattre des concepts sans être prisonnier des intégrismes, mais que, de surcroît, on ne dispose pas des chiffres qui permettent de savoir où on en est. Je dois à la vérité de dire que j'ai été moi-même très étonné de voir que mes prédécesseurs - je ne leur en fais pas le reproche - ne comptabilisaient même pas le nombre d'étrangers réadmis ou non, ce qui en dit long.
    Vous le savez, en matière d'expulsion, il existe trois catégories d'étrangers : ceux qu'on raccompagne à la frontière, car ils ont fait l'objet d'une décision d'expulsion ; ceux qu'on réadmet, car ils ont été arrêtés à la frontière ou non loin de la frontière, dans l'espace Schengen ; et ceux que l'on n'admet pas, c'est-à-dire, pour l'essentiel, ceux qui sont arrêtés dans la zone internationale des aéroports. Je ne disposais d'aucune statistique sur les non-admis et sur les réadmis, pour comparer les chiffres de cette année et ceux de l'année précédente. Or chacun est bien convaincu que ces non-admis et ces réadmis font aussi partie de la politique d'immigration.
    Par conséquent, le Gouvernement donne un avis très favorable à cette proposition. Ainsi, les chiffres ne feront plus l'objet de polémiques entre nous. Un gouvernement se doit de s'engager sur le nombre de titres qu'il attribue sur sa politique en matière d'éloignement. J'irai même plus loin : je rendrai compte tous les mois des statistiques d'éloignement, catégorie par catégorie, afin que les Français sachent si nous sommes, oui ou non, dans un Etat de droit, si les décisions sont appliquées ou non, si les frontières et les papiers servent à quelque chose. Tout ce qui va dans le sens de la transparence va dans le sens de la démocratie. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. le président. Sur l'amendement n° 46 rectifié, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté des sous-amendements n°s 381 corrigé, 411, 457 et 456.
    Le sous-amendement n° 381 corrigé est ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, substituer au deuxième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié les trois alinéas suivants :
    « Article préliminaire. - La politique d'immigration est évaluée annuellement par le Haut Conseil à l'intégration et à l'immigration, le résultat de ses travaux fait l'objet d'une communication publique.
    « Au vu, notamment, de ces travaux et, également, du rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Gouvernement dépose un rapport devant le Parlement, avant le 15 novembre, sur les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante. A la suite de ce dépôt, un débat est organisé afin d'arrêter ces orientations.
    « Sont jointes à ce rapport les observations émises par la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. »
    Le sous-amendement n° 411 est ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, substituer au deuxième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié les deux alinéas suivants :
    « Au vu, notamment, du rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de celui du Haut Conseil à l'intégration, le Gouvernement dépose un rapport devant le Parlement, avant le 15 novembre, sur les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante. A la suite de ce dépôt, un débat est organisé afin d'arrêter ces orientations.
    « Sont jointes à ce rapport les observations émises par la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. »
    Le sous-amendement n° 457 est ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, subtituer au deuxième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié les deux alinéas suivants :
    « Au vu, notamment, du rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de celui du Haut Conseil à l'intégration, le Gouvernement dépose un rapport devant le Parlement, avant le 15 novembre, sur les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante.
    « Sont jointes à ce rapport les observations émises par la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. »
    Le sous-amendement n° 456 est ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, compléter le deuxième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié par la phrase suivante :
    « A la suite de ce dépôt, un débat peut être organisé afin d'arrêter les orientations pour l'année suivante. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Nous aussi, nous pensons que le débat sur l'immigration doit être public et non pas confidentiel. Je l'ai dit en défendant l'exception d'irrecevabilité, notre pays a vécu pendant longtemps dans l'illusion d'une immigration zéro. Cela n'était ni vrai ni conforme aux intérêts de notre pays. La présentation annuelle d'un rapport au Parlement nous paraît donc une initiative tout à fait positive.
    Par ailleurs, Serge Blisko en a parlé, en 2001, le Gouvernement a, par une circulaire, permis que 4 000 informaticiens étrangers soient recrutés par les entreprises françaises. Cette question n'a jamais été évoquée ni publiquement ni lors d'un débat à l'Assemblée nationale. Si nous voulons entrer dans une logique de maîtrise de l'immigration en reconnaissant la nécessité d'une immigration économique, en fixant des objectifs, peut-être des quotas, comme cela a été suggéré au début du débat, il faut que la discussion soit publique et, même, qu'elle ait lieu ici, au Parlement.
    Le sous-amendement n° 457 vise à intégrer dans le dispositif le travail statistique d'ores et déjà effectué par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par le Haut Conseil à l'intégration. Il me paraît important que ces deux organismes soient clairement cités dans la loi.
    Par ailleurs, ce rapport ne doit pas seulement porter sur les orientations passées, mais également sur celles à venir. Il ne doit pas être un simple bilan chiffré, mais le Gouvernement doit y dire ce qu'il entend faire pour l'année à venir. Le sous-amendement n° 457 introduit donc ces deux dispositions supplémentaires.
    Quant au sous-amendement n° 456, il va encore plus loin puisqu'il propose que le dépôt du rapport donne lieu chaque année à un débat, à l'Assemblée nationale et au Sénat, sur l'immigration. Cette disposition serait très utile car elle permettrait d'assurer la transparence en organisant un débat public sur la question.
    M. le président. Monsieur Caresche, vous avez donc défendu les sous-amendements n°s 381 corrigé, 457 et 456 ?
    M. Christophe Caresche. Oui, monsieur le président, et les sous-amendements n°s 411 et 245 rectifié ne sont pas défendus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 381 corrigé ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Les sous-amendements n°s 381 corrigé, 411 et 456 ne sont pas cohérents avec l'esprit du dispositif approuvé par la commission. Ils posent de surcroît, M. Caresche l'a plus ou moins dit, des difficultés constitutionnelles dans la mesure où une formulation impérative serait inconstitutionnelle. Mais si elle n'est pas contraignante, les sous-amendements perdent tout intérêt. Donc, avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 381 corrigé.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 457 ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Le sous-amendement n° 457 de M. Caresche fait le lien entre le rapport du Gouvernement et ceux de l'OFPRA du Haut Conseil à l'intégration et de la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. Comme le disait M. le ministre, nous sommes pour la transparence. Donc, avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 457.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 411 tombe.
    Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 456 ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable pour les raisons invoquées tout à l'heure contre le sous-amendement n° 381 corrigé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable sur la forme, mais pas sur le fond.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. On comprend bien l'argument de l'inconstitutionnalité, mais il serait bon aujourd'hui de lier les deux, le rapport et le débat. Je voulais soutenir l'amendement de notre collègue Goasguen tout à l'heure car, franchement, il n'y a que la France, avec son système parlementaire, pour accepter d'attendre aussi longtemps le dépôt d'un rapport et même la tenue d'un débat. Dans n'importe quelle démocratie traditionnelle, on l'aurait fait depuis bien longtemps et on aurait dépassionné le débat.
    L'initiative de Claude Goasguen et du rapporteur est excellente. Mais il faudrait également discuter. Faute de pouvoir l'inscrire dans la loi, on pourrait, si les orateurs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste en étaient d'accord, prendre l'engagement d'organiser annuellement un tel débat qui permettrait d'éclairer les Français sur les choix des différents gouvernements. Sinon, on risquerait - c'est un peu ce que disait tout à l'heure le ministre de l'intérieur - qu'un jour un autre ministre de l'intérieur ne comptabilise plus rien et qu'on ne sache plus ce qui se passe. Or les Français ne sont plus prêts à l'accepter.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 456.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Perruchot et M. Lagarde ont présenté un sous-amendement, n° 450, ainsi rédigé :
    « Dans le quatrième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié, après le mot : "séjour, insérer les mots : ", visas et attestations d'accueil. »
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais rectifier ce sous-amendement. L'évaluation des visas peut soulever des difficultés, je le conçois. C'est pourquoi je vous propose d'insérer seulement les mots : « attestations d'accueil », au lieu des mots : « visas et attestations d'accueil ».
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avant sa rectification, la commission était défavorable au sous-amendement n° 450. Communiquer les visas accordés par pays peut nous mettre en situation parfois délicate. En revanche, proposer, comme le fait notre collègue, de mentionner les attestations d'accueil est une très bonne chose. Avis favorable au sous-amendement rectifié.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'insertion des mots « attestations d'accueil ». Sur la communication des visas, je m'en remets aux explications du rapporteur.
    Je me conforme à la tradition, mais je dis aussi que la tradition, il faut savoir la faire évoluer. A la place qui est la mienne, je ne peux pas aller beaucoup plus loin, cela ne dépend pas du ministre de l'intérieur. Mais en ce qui concerne ce que vous avez appelé, les uns et les autres, la politique d'immigration, je souhaite qu'on n'hésite pas à parler aussi de la question des visas. On ne peut pas systématiquement le faire, à cause des problèmes de relations internationales, en fonction de la tension qui règne dans telle ou telle région du monde, mais, en la matière, le secret, la dissimulation, la non-transparence des informations créent de grands malaises.
    Lorsque j'ai lancé le débat sur l'immigration, un certain nombre de gens un peu irresponsables ont parlé de « lepénisation » des esprits. Pour moi, la lepénisation des esprits est le fruit de la clandestinité, du refus du débat, des fausses pudeurs, du mensonge, de la dissimulation, du refus de voir les réalités en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Braouezec. Ne me regardez pas, monsieur le ministre, je n'ai jamais dit cela !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nos compatriotes ont le droit de savoir quels sont les étrangers qui sont sur notre territoire, quels sont ceux que nous acceptons et que nous accueillons, et ceux que nous rejetons. Pour se conformer aux droits de l'homme, on doit agir dans la transparence la plus totale. C'est de cette façon qu'on combattra les extrêmes, le racisme et la xénophobie.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Enfin un discours réaliste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voilà pourquoi je donne un avis favorable à ce sous-amendement ainsi rectifié.
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Je remercie M. le ministre de son intervention dont je comprends parfaitement l'idée politique sous-jacente. Cette idée, je voudrais essayer de la développer brièvement tant elle me paraît essentielle pour préserver l'esprit qui anime nos travaux. C'est la possibilité de discuter devant le Parlement de notre politique d'immigration d'une manière que je qualifierai de traditionnelle, à l'instar de ce qui se passe dans les autres pays démocratiques, en vue d'obtenir la meilleure information possible.
    A cet égard, je voudrais faire deux remarques sur la politique des visas.
    Tout d'abord, ce qu'a dit le ministre de l'intérieur est tout à fait important. Il n'est pas normal que les citoyens de notre pays ne puissent connaître, pour des raisons diplomatiques qui ressortissent à une autre période de notre histoire, l'état exact des visas délivrés. Mais au-delà, nous devons prendre en considération ce qu'un autre pays démocratique a été contraint de faire. La question qui se pose est la suivante : confronté à la politique de flux migratoire d'un pays où il représente les intérêts de la France, un pays quelquefois très proche, par exemple africain, un ambassadeur peut-il être celui vers lequel on se tourne pour demander un visa ? Je le sais bien, la demande est adressée aux consulats. Mais la réalité n'est pas aussi simple, et le consul occupe en général le bureau situé à côté de celui de l'ambassadeur. Comment celui-ci peut-il à la fois assumer sa fonction au mieux des intérêts de la France et en même temps refuser un visa parce que les contingents de politique d'immigration sont dépassés ? Voilà la question extraordinairement importante qui se pose à d'autres grands Etats, comme les Etats-Unis.
    Ils ont été contraints de modifier la structure de leurs institutions : ce n'est plus le ministère des affaires étrangères, mais le département de la sécurité qui délivre les visas - vous le verrez d'ailleurs en France, où la nouvelle procédure est en cours d'instauration. Il est clair que si la délivrance des visas doit s'accompagner d'un certain nombre de vérifications destinées à certifier la présence du détenteur du visa et à déterminer s'il est ou non en fraude, un tel travail relève davantage du ministère de l'intérieur que du ministère des affaires étrangères. Nous devons donc tenir compte de deux évolutions : premièrement, la politique du visa tend à devenir transparente, au point de devenir, dans un certain nombre de cas, foncièrement incompatible avec la représentation dans les meilleures conditions des intérêts de la France dans les pays étrangers. Deuxièmement, il est nécessaire que le contrôle des visas soit dégagé des contingences diplomatiques. Je suggère donc, monsieur le ministre, que vous puissiez défendre au niveau du Gouvernement - et nous vous aiderons à le faire - l'idée que la politique des visas est, certes, une affaire diplomatique, mais dont le ministère de l'intérieur ne doit pas être absent si nous ne voulons pas perpétuer les distorsions de chiffres et l'obscurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cette discussion est extraordinairement éclairante, en particulier pour l'opposition. D'abord, parmi les éléments en notre possession, nous n'avons pas l'ensemble des visas, par pays d'origine. Le rapport du Haut Conseil à l'intégration mentionne le volume global des visas. On voit bien que l'on touche du doigt la raison d'Etat qui n'est pas la même selon qu'on est ministre des affaires étrangères ou ministre de l'intérieur.
    J'ai toujours à l'esprit l'image du récent voyage à Alger du Président de la République, Jacques Chirac. Vous en étiez peut-être, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non.
    M. Serge Blisko. On entendait les jeunes Algériens réclamer avec insistance des visas, et exprimer leur souffrance, leur besoin et leur souhait de pouvoir visiter la France, voire d'y séjourner en famille pendant trois mois, et de prendre un peu l'air pour sortir d'une situation relativement complexe et douloureuse pour beaucoup d'entre eux. Vous allez me dire qu'ils souhaitent rester plus de trois mois. (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un procès d'intention que l'on fait aux Algériens et on leur oppose une politique restrictive. A ce propos, il faudrait s'interroger pour savoir si elle est suivie avec la même ardeur dans tous les bureaux consulaires, mais passons. Je suis pour la transparence, y compris sur ce sujet. Alors, oui ou non, fera-t-on en sorte que les jeunes Algériens visitent la France, qu'ils la traversent, même si les Algériens ont les moyens, grâce à la presse et à l'audiovisuel, de connaître la réalité française - c'est différent quand on est loin ? Ce serait bon pour notre pays et on a toujours intérêt à favoriser de tels échanges, ce qui ne signifie pas encourager le séjour clandestin ou illégal une fois que le visa est périmé. Au nom d'une parfaite transparence, nous soutenons l'amendement qui réclamait une liste des visas par pays. Si je comprends bien, il a été retiré. Malheureusement, je ne peux pas défendre un amendement qui n'existe plus. Mais nous allons le reprendre.
    M. le président. Il n'a pas été retiré. Comme le disait Pierre Reverdy, il y a des mois qui durent parfois une éternité.
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Blisko est un homme fort obligeant, mais l'amendement n'ayant pas été retiré, il ne lui sera pas possible de le reprendre. Je souhaiterais simplement compléter ce qui a été dit par Claude Goasguen, car nous partageons le même souci. En rédigeant le sous-amendement n° 450, Nicolas Perruchot et moi-même sommes allés un peu trop vite et trop loin par rapport à ce que nous souhaitons, même si cela ne change rien à la nécessité pour notre pays - et je partage l'avis du ministre - de se doter, comme cela existe ailleurs, d'un service de l'immigration, qui ne fasse que cela et qui s'occupe de l'entrée, du séjour, des visas, de l'intégration et de l'acquisition de la nationalité française. Une telle structure permettrait d'avoir enfin une politique cohérente et efficace.
    M. Christophe Caresche. Elle serait rattachée au ministère de l'intérieur ou aux affaires étrangères ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Elle ne peut pas, à l'évidence, dépendre du ministère des affaires étrangères, nos représentations consulaires ou l'ambassadeur sont soumis à de multiples pressions. Il va de soi que ce n'est pas au ministère des affaires étrangères de gérer cette question !
    M. Christophe Caresche. Le ministère de l'intérieur s'occupe déjà de beaucoup de choses.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Faites-lui confiance.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Mais le ministre de l'intérieur a esquissé une autre voie possible lors de la discussion générale : il s'agirait de discuter la politique des visas par pays. Aujourd'hui, ceux qui paient les pots cassés de l'immigration sauvage, que vous avez contribuée à développer, sont précisément ceux qui veulent venir juste quelques semaines pour voir leur famille...
    M. Christophe Caresche. Nous sommes d'accord !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Vous parliez des Algériens ! Eh bien, ce n'est pas la politique des visas qui les empêche de venir, ce sont les délais du consultat d'Alger parce qu'il faut s'y prendre des mois à l'avance. Ainsi, on négocierait d'Etat à Etat un cadre global ensuite, un service spécialisé en France prendrait le relais et traiterait la question de l'immigration de bout en bout de façon efficace et cohérente. Le jour où ce service existera et où il sera rattaché au ministère de l'intérieur, et non plus au ministère des affaires étrangères, je demanderai à ce que le nombre des visas par pays soit consigné dans le rapport. A ce moment-là, cela aura un sens et une cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Claude Goasguen. Très bien.
    M. le président. En attendant, monsieur Lagarde, maintenez-vous l'amendement ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, rectifié.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Juste deux remarques.
    La première, nous sommes très favorables à tout ce qui oeuvre pour la transparence et la clarté. Ce qui va dans le sens du fantasme et de l'irrationnel ne fait qu'envenimer le débat sur l'immigration, comme de parler de 12 millions de visas par exemple.
    La deuxième remarque concerne une de vos formules, monsieur le ministre. Vous avez parlé à deux reprises de « lepénisation des esprits » en montrant du doigt le groupe communiste. Je n'ai à aucun moment employé cette expression, ni ici ni ailleurs. J'essaye toujours d'être vigilant et mesuré dans les propos que je tiens. Cela étant, il est certain qu'en se contentant de traiter la question de l'immigration avec des mesures de police, on se place sur le même terrain que celui qui prône une société policière.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 450, tel qu'il a été rectifié.
    (Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    M. Perruchot et M. Lagarde ont présenté un sous-amendement, n° 451, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, après le septième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié, insérer l'alinéa suivant :
    « - de la durée moyenne des procédures visées aux alinéas précédents. »
    La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. Dans le même esprit et dans un souci de cohérence, il nous semble également important d'obtenir des éléments statistiques quant à la durée moyenne des procédures visées à l'amendement de M. Goasguen, pour compléter le dispositif et aller dans le sens de la transparence que nous souhaitons établir.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani. Défavorable. L'intention est louable, mais obtenir de telles informations exigerait un lourd travail.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Bien sûr !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La rédaction de votre sous-amendement me pose un problème, monsieur Perruchot. J'ai cru comprendre que vous vouliez connaître la durée moyenne de maintien des étrangers en rétention ou en zone d'attente. Est-ce bien cela ?
    M. Nicolas Perruchot. Non, monsieur le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ce cas, même avis que la commission. Je suis tout à fait prêt à vous communiquer les durées moyennes de rétention. Sans être en désaccord sur le fond, la rédaction n'est pas suffisamment claire pour que je puisse accepter votre sous-amendement : elle risque de prêter à beaucoup d'autres interprétations. Peut-être pourriez-vous le retirer quitte à voir, au moment de l'examen du projet au Sénat, si on ne peut pas l'introduire sous une autre forme.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le président Retirez-vous votre sous-amendement, monsieur Perruchot ?
    M. Nicolas Perruchot. J'accède à la demande du ministre car il faut en effet préciser la rédaction.
    M. le président. Le sous-amendement n° 451 est retiré.
    M. Pinte a présenté un sous-amendement, n° 374, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, après le huitième alinéa de l'amendement n° 46 rectifié, insérer les quatre alinéas suivants :
    « - le nombre d'étrangers qui ont obtenu une carte de séjour temporaire au titre de l'article 42 du projet de loi ;
    « - le nombre d'étrangers qui, alors qu'ils résident hors du territoire français en application d'une mesure d'expulsion au moment de la promulgation de la loi, ont obtenu un visa et une carte de séjour au titre de l'article 42 du projet de loi ;
    « - le nombre d'étrangers expulsés après avoir fait l'objet d'un arrêté d'expulsion au titre de l'article 22 du projet de loi ou condamnés à une interdiction du territoire telle que prévue à l'article 38 du projet de loi modifiant l'article 131-30-1 du code pénal ;
    « - le nombre d'étrangers expulsés après avoir fait l'objet d'un arrêté d'expulsion au titre de l'article 24 du projet de loi ou condamnés à une interdiction du territoire telle que prévue à l'article 38 du projet de loi modifiant l'article 131-30-2 du code pénal. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet amendement, on en revient à des problèmes d'information et de transparence. Comme en matière d'immigration, vous l'avez reconnu, tout à l'heure, monsieur le ministre, nous ne maîtrisons pas les chiffres en matière de double peine, autre volet de votre projet de loi. La situation est exactement la même, voire pire. En effet, que ce soit Mme Chanet, conseiller à la Cour de cassation quand elle a fait son rapport en 1998, le groupe de travail que vous avez mis en place, ou tous ceux qui de près ou de loin se sont intéressés au problème de la peine complémentaire dite « double peine », personne n'a pu obtenir des chiffres leur permettant d'apprécier la réalité : rien sur les interdictions du territoire français, que la mesure soit appliquée ou non ; aucun chiffre non plus sur le relèvement de l'interdiction du territoire français. Le ministère de la justice n'a pas été en mesure de nous donner des statistiques fiables.
    Quand nous nous sommes adressés à votre ministère - je précise que ce n'est pas nouveau, et ne date pas de notre nomination il y a un an -, il n'a pas pu fournir des statistiques sur les arrêtés ministériels ou préfectoraux d'expulsion. Nous n'avons pu connaître le nombre d'arrêtés suivis d'effet. Nous ne savons pas non plus, en matière d'interdiction du territoire français, si la peine a été relevée par la justice. De la même manière, nous ne savons pas si le ministère de l'intérieur a abrogé des arrêtés ministériels ou préfectoraux d'expulsion.
    De la même manière, nous ne connaissons pas non plus le nombre de personnes qui ont été assignées à résidence, avec ou sans droit au travail. L'amendement de MM. Goasguen et Mariani me semble donc très intéressant, à condition qu'il soit complété, afin que le bilan qu'ils demandent à juste titre chaque année fasse état de la situation des personnes concernées par la double peine. C'est la raison pour laquelle je vous propose de préciser que ce bilan annuel de la politique de maîtrise des flux migratoires précise le nombre de ceux qui ont pu obtenir un titre de séjour au titre de l'article 42 du projet, car appartenant aux catégories bénéficiant d'une protection quasi absolue au moment de leur expulsion du territoire, ou de leur condamnation à une interdiction du territoire, ainsi que le nombre de ceux qui bénéficient d'une protection quasi absolue ou relative et qui ont fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou ont été condamnés à une interdiction du territoire au titre des articles 22, 24 et 28 du projet de loi. Ce bilan sera ainsi beaucoup plus exhaustif et permettra, tant au Gouvernement qu'à nous-mêmes, d'y voir plus clair non seulement en matière de maîtrise de l'immigration, mais également en ce qui concerne l'application des dispositions sur la peine complémentaire ou double peine.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. La plupart des éléments demandés par Etienne Pinte sont déjà inclus dans l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai le regret de vous dire, monsieur Pinte, que le Gouvernement partage l'avis de la commission, pour une raison simple : ce que demandent M. Goasguen et M. le rapporteur, c'est un rapport et des chiffres précis sur l'immigration. Or les questions d'expulsion, ou d'interdiction du territoire français pour des raisons d'ordre public, ne sont pas des régulateurs de la politique migratoire. Ce sont des éléments d'une politique de sécurité. Vous connaissez ma détermination à réformer ce que l'on appelle à tort la double peine, mais si ce sous-amendement était adopté cela laisserait à penser que la réforme de la double peine a pour but de réguler la politique migratoire. Or cela n'a rien à voir.
    Cela dit, monsieur Pinte, je suis tout à fait prêt à fournir les chiffres que vous demandez, mais pas dans un rapport sur les flux migratoires, parce qu'à ce moment-là, on aboutirait à un résultat inverse à celui que vous recherchez, à savoir la transparence. Ne mélangeons pas les choses ! Les chiffres de la politique migratoire doivent être connus, mais, vous avez raison, vous devez aussi disposer de ceux que, malheureusement, l'on ne connaît pas. Je pense aux expulsions, par exemple, il y en a eu cinq cents environ l'an passé, pour des motifs d'ordre public. Je m'engage à vous donner ces chiffres chaque année si vous le souhaitez, mais pas dans le cadre du rapport sur la politique de maîtrise des flux migratoires. Il ne faut pas mélanger les choses, ce que certains de nos adversaires s'emploient à faire. Sous bénéfice de ces explications, peut-être pourriez-vous retirer votre sous-amendement, monsieur Pinte.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Le débat sur ces sous-amendements montre que si nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'un débat public et d'une transparence accrue, nous ne le sommes pas forcément pour les mêmes raisons. Pour notre part, nous considérons que ces indicateurs doivent permettre à la France d'assumer une politique d'immigration ouverte et qu'ils possèdent une vertu pédagogique alors que d'autres considèrent que ces mêmes indicateurs servent plutôt à démontrer qu'il faut avoir une politique plus restrictive.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Procès d'intention !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'Assemblée nationale manifeste une volonté unanime de transparence, mais le mieux est l'ennemi du bien.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. A trop entrer dans le détail de ce que le Gouvernement devra inscrire dans le rapport, on risque de réduire le nombre des informations fournies, qui se limiteraient à celles qui auront été expressément prévues. Je vous propose une chose. Les débats font état d'une volonté unanime que le Gouvernement aille le plus loin possible dans l'expression des détails, des chiffres et de la transparence sur la politique d'immigration. C'est la volonté qui compte et le Gouvernement, quel qu'il soit, doit le faire honnêtement. Ayons un premier débat à la fin de l'année et nous verrons alors s'il y a des compléments à apporter. Mais on peut passer toute la journée pour savoir quel rapport, quels chiffres, quels alinéas il faut ajouter, on en oubliera forcément un et, à ce moment-là, cela deviendra suspect. Je me demande si la première rédaction, celle de l'amendement n° 46 rectifié, n'est pas la meilleure : le Gouvernement doit chaque année remettre au Parlement un rapport précis contenant les chiffres de la politique de maîtrise des flux migratoires sur l'ensemble de ces aspects. Dans le cadre du débat, les parlementaires pourront toujours demander des détails s'ils ne les ont pas, mais je crains que la batterie des sous-amendements ne restreigne la qualité du débat au lieu de la renforcer.
    M. le président. Monsieur Pinte, retirez-vous votre sous-amendement ?
    M. Etienne Pinte. Loin de moi l'idée de confondre maîtrise de l'immigration et double peine. Il faut que les choses soient claires. Nous avons trop souffert, depuis le fameux rapport Chanet, de manquer d'éléments nous permettant d'apprécier les mesures d'interdiction du territoire français ou les arrêtés ministériels d'expulsion. Le Parlement doit donc en avoir connaissance chaque année. Je reconnais volontiers que ce n'est pas dans le volet immigration que j'aurait dû proposer ces mesures et que j'aurais mieux fait de présenter un amendement dans la seconde partie, concernant les peines complémentaires. Cela étant, monsieur le ministre, l'important c'est que votre département ministériel et celui de la justice puissent, chaque année, en fonction de leurs responsabilités et de leurs compétences, nous donner les chiffres qu'ils ont jusqu'à présent été incapables de nous présenter, pour que nous ayons une vue globale de l'application de cette peine complémentaire, dite double peine.
    M. le président. Donc, je suppose que vous retirez votre sous-amendement, monsieur Pinte ?
    M. Etienne Pinte. Tout à fait !
    M. le président. Le sous-amendement n° 374 est retiré.
    Mme Boutin a présenté un sous-amendement, n° 380, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, compléter l'amendement n° 46 rectifié par l'alinéa suivant :
    « - les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat. »
    La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir ce sous-amendement.
    M. Claude Goasguen. Ce sous-amendement est tout à fait dans la ligne de l'information nécessaire à la constitution d'un rapport. Je voudrais dire à ce propos à quel point nous apprécions l'esprit du texte de M. Sarkozy. Ce projet de loi a l'immense mérite de constituer le préalable à une véritable politique d'immigration qui n'est possible que dans la mesure où des mesures administratives préalables sont remplies dans les meilleures conditions. Je confirme ce que j'ai dit dans la discussion générale. Pour l'instant, la France n'a pas de politique d'immigration. Elle n'a fait que prendre des mesures administratives qui s'imposaient. Désormais, la loi Sarkozy nous permettra d'avoir une politique d'immigration d'avenir. Comme la plupart des membres de cette assemblée, je souhaite que cette politique d'immigration soit débattue ici, annuellement, avec le maximum d'informations. Dans cette optique, le sous-amendement de Mme Boutin vise à indiquer dans le rapport les actions entreprises dans le cadre d'une politique de codéveloppement, à l'instar de ce qu'avait fait M. Séguin avec le Mali en 1987 et qui n'a pas été suffisamment connu. Dans ce contexte, je ne pense pas que ce sous-amendement soit malvenu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 380.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un sous-amendement, n° 382 deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, compléter l'amendement n° 46 rectifié par les trois alinéas suivants :
    « - le nombre d'autorisations de travail délivrées à des étrangers, les catégories professionnelles et les zones géographiques concernées ;
    « - le nombre de condamnations prononcées sur le fondement des articles L. 364-1, L. 364-2, L. 364-3 du code du travail, comparé à celui des infractions constatées sur le fondement de ces mêmes articles ;
    « - le nombre de condamnations prononcées sur le fondement de l'article 20 bis de la présente ordonnance, comparé à celui des infractions constatées sur le fondement de cet article. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement est retiré.
    M. le président. Le sous-amendement n° 382 deuxième rectification est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié, modifié par les sous-amendements adoptés.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 414 est satisfait.
    M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 245 rectifié, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :
    « Article préliminaire. - La politique d'immigration est évaluée annuellement par le Haut Conseil à l'intégration et à l'immigration, le résultat de ses travaux fait l'objet d'une communication publique.
    « Au vu, notamment, de ces travaux et, également, du rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Gouvernement dépose un rapport devant le Parlement, avant le 15 novembre, sur les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante. A la suite de ce dépôt, un débat est organisé afin d'arrêter ces orientations.
    « Sont jointes à ce rapport les observations émises par la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Excusez-moi, monsieur le président, mais j'ai retiré le sous-amendement n° 382 deuxième rectification par erreur, à la place de cet amendement n° 245 rectifié.
    M. le président. Je suis désolé, monsieur Caresche, mais le vote est intervenu.
    L'amendement n° 245 rectifié est retiré.
    M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 47, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le dernier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est abrogé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit de supprimer l'obligation de motiver les refus de visas délivrés aux étudiants étrangers.
    Nous sommes très critiques vis-à-vis de la loi Chevènement dite RESEDA, mais elle a incontestablement eu le mérite de permettre que le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers passe de 29 000 en 1998 à 65 000 en 2002. Cependant, l'obligation de motiver les refus donne un travail considérable aux consulats. C'est pourquoi il vous est proposé de supprimer cette obligation. J'insiste sur le fait que cela ne privera les demandeurs d'aucun de leurs droits, je pense notamment au recours administratif préalable devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. M. Mariani a bien commencé en parlant d'une augmentation de visas pour les étudiants. Vous savez combien ces étudiants étrangers sont importants pour notre pays en raison des liens de coopération très utiles qu'ils créent dans tous les domaines, qu'ils rentrent dans leur pays d'origine ou qu'ils décident de rester dans le nôtre.
    D'une manière générale, il n'est jamais bon de ne pas motiver une décision. Cela ouvre la porte à l'arbitraire. Je ne vois donc pas pourquoi on refuserait cette obligation de motivation sous prétexte d'un surcroît de travail dans les consulats. En outre, il peut y avoir des erreurs matérielles. Lorsque vous êtes dans un poste consulaire à l'étranger, vous n'êtes pas obligé de connaître dans le détail l'articulation, parfois très complexe, des établissements d'enseignement supérieur en France. Donc, mieux vaudrait embaucher du personnel bien formé dans les consulats pour examiner les demandes, plutôt que de supprimer l'obligation de motivation ce qui risquerait d'aboutir à une baisse très néfaste du nombre d'étudiants étrangers en France, au profit des Etats-Unis ou du Canada. Chaque fois que nous avons visité des pays étrangers, les responsables de l'enseignement supérieur nous ont suppliés de délivrer des visas à leurs étudiants en nous disant : « Vous êtes en train de couler la France du point de vue universitaire. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui, c'est la réalité, mes chers collègues. Même les francophones ne venaient pas chez nous. Je l'ai vu au Sénégal. C'est dommage, mais c'est comme ça !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Supprimer la motivation des refus, c'est en effet laisser place à l'arbitraire administratif, et, si l'on ajoute à cela les restrictions frappant le budget de la recherche, notre pays va creuser son retard par rapport aux pays anglo-saxons. Vous savez pourtant que le président des Etats-Unis s'intéresse maintenant à l'Afrique et que, depuis longtemps, les Américains viennent dans les files d'attente, aux portes de nos consulats, faire des propositions alléchantes aux étudiants. Si la France continue à se fermer et se transforme en citadelle, elle va s'assécher en refusant le génie venu d'autres pays. J'estime que ce n'est pas aller dans le sens de l'histoire.
    Je tiens à souligner, enfin, que, dans notre politique de l'immigration, nous procédons à certaines formes de ségrégation et de discrimination : il y aurait de bons immigrés et de mauvais immigrés. Un étudiant venant de l'Inde, par exemple, serait un très bon immigré, parce que l'on ne fait rien de mieux en matière de recherche informatique et de hautes technologies. Un étudiant africain, évidemment, est considéré comme de moindre valeur ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est grotesque !
    M. Noël Mamère. Demandez à un Africain les difficultés qu'il rencontre pour venir dans notre pays, en particulier s'il est étudiant ! C'est un véritable parcours du combattant qui écoeure les candidats à l'immigration ! Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le Sénégal a renvoyé le compliment à la France en organisant à son tour un charter pour des Français qui n'étaient pas en règle avec les formalités sénégalaises.
    M. Jean-Christophe Lagarde et Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela n'a rien à voir !
    M. Noël Mamère. Donc, mieux vaut accepter cette obligation de motivation, qui garantit au moins des décisions conformes à la loi.
    M. Charles Cova. Vous n'avez pas vécu en Afrique, monsieur Mamère ! Moi si !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 386, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après les mots : "à ses moyens d'existence, la fin du 2° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est ainsi rédigée : ", à la prise en charge par une compagnie d'assurance agréée des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France pendant la durée de validité de son visa ainsi qu'aux garanties de son rapatriement. En cas de visite familiale ou privée, l'obligation d'assurance peut éventuellement être satisfaite dans les conditions prévues à l'article 5-3.»
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet important amendement dispose qu'un étranger sollicitant l'entrée en France devra désormais présenter une attestation d'assurance relative à la prise en charge des soins médicaux qu'il pourrait engager durant son séjour.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Des dispositions particulières sont prévues pour les visites familiales ou privées.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. De nombreux autres pays exigent systématiquement de telles attestations et, pourtant, ils ont eux aussi une politique d'immigration relativement ouverte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable. C'est un amendement de bon sens !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Ce n'est certainement pas le bon sens. C'est au contraire une proposition restrictive. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il est facile d'invoquer les exemples étrangers, en oubliant qu'en Angleterre, par exemple, les demandeurs d'asile ont le droit de travailler, alors que ce n'est pas le cas chez nous, surtout depuis que notre Assemblée a adopté la réforme du droit d'asile, qui est extrêmement restrictive,...
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n'est pas l'avis du HCR !
    M. Noël Mamère. ... mais qui n'a pas été votée par la gauche. Je ne puis d'ailleurs m'empêcher de penser qu'il y a un lien entre cet amendement et la suppression de l'aide médicale d'Etat. Comment parler de disposition de bon sens lorsqu'on sait que nombre d'étrangers n'ont pas les moyens économiques et intellectuels de se procurer ce genre d'attestations ? On voudrait fermer le pays à une certaine forme d'immigration qu'on ne s'y prendrait pas autrement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Charles Cova. Nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde !
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Si je lis bien l'amendement, j'en déduis que des étrangers venant sur notre sol peuvent évidemment avoir un travail, cotiser à ce titre et donc bénéficier de l'aide médicale et de l'aide sociale.
    Par ailleurs, M. Mamère vient de le dire, on ne peut pas ne pas mettre en regard cet amendement avec la suppression de l'aide médicale de l'Etat, que nous avons dénoncées parce qu'elle pose un grave problème de santé publique.
    Nous sommes donc très défavorables à cette mesure et, plus généralement, à la politique que le Gouvernement conduit en ce domaine.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je précise pour la bonne information de l'Assemblée nationale que cette mesure est le décalque du dispositif que met en oeuvre avec succès le Gouvernement socialiste et Vert en Allemagne.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous avons puisé notre inspiration aux meilleures sources et nous transmettrons à M. Fischer et à M. Schröder les compliments de M. Mamère et de M. Caresche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Chaque fois, on nous oppose le même argument.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Eh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On n'est jamais trahi que par les siens !
    M. Charles Cova. C'est l'Europe !
    M. Serge Blisko. Alors, permettez-moi, monsieur le ministre et monsieur le président de la commission des lois, de vous donner un conseil. Si vous avez des questions sur ce que pensent les socialistes, posez-les-nous directement, ne passez pas par les Allemands !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La comparaison est intéressante.
    M. Serge Blisko. Nous sommes mieux à même de vous répondre.
    Exiger une assurance médicale pose un problème grave pour deux raisons. D'abord, la France a signé des accords de réciprocité en matière de sécurité sociale et cet amendement très étonnant arrive comme un cheveu sur la soupe...
    M. Pierre Cardo. Pas du tout ! Demandez aux hôpitaux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est juste l'amendement « Schröder » ! Vive l'Internationale socialiste !
    M. Serge Blisko. ... parce que ces accords excluent le recours à une assurance privée. De plus, des titres de séjour particuliers ont été créés pour les gens qui ont besoin de se faire soigner en France et ont été reconnus dans la loi de 1997, que vous ne remettez pas en cause.
    M. Charles Cova. Vous êtes naïf !
    M. Serge Blisko. Vous êtes donc en train, avec cet amendement, de rendre totalement inopérants un certain nombre de dispositifs réglementaires et légaux qui encadrent les situations de ce type.
    M. Claude Goasguen. Mais non ! Cela ne change rien !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je ne vais pas citer les grands auteurs, mais l'un d'eux dit : « L'exemple frappe plus que la menace. » En l'occurrence, monsieur le ministre, celui que vous citez ne vaut pas pour nous. D'ailleurs, si nous devions toujours prendre exemple sur les Allemands, vous devriez vous, en tant que ministre de l'intérieur, introduire un peu plus de proportionnelle dans les scrutins pour que les Verts puissent participer beaucoup plus activement aux exécutifs.
    M. Claude Goasguen. Il n'y a que les scrutins qui intéressent M. Mamère !
    M. Noël Mamère. Je vous rappelle que, lorsque les Verts allemands, aux dernières élections législatives, ont obtenu 7,5 % des voix, ils ont eu 51 députés. Lorsque les Verts français, en 1997, ont obtenu 7,5 % des voix, ils n'en ont eu que sept. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est la faute au PS, qui refuse de vous donner des circonscriptions !
    M. Noël Mamère. La critique s'adresse aussi à nos amis du parti socialiste.
    Cela étant, nous disons souvent oui à M. Fischer, oui à M. Schröder. M. Fischer, par exemple, a su inciter le Chancelier allemand à refuser fermement la guerre en Irak, suivi très peu de temps après par le Président de la République française. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'Allemagne est confrontée à l'immigration beaucoup plus que la France.
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas la même !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Il ne faut pas tout confondre !
    M. Noël Mamère. Il est trop facile de faire croire, comme s'y emploient bon nombre de nos collègues de la majorité, que la France accueillait toute la misère du monde. Ce n'est pas vrai ! Nous ne sommes qu'au onzième rang en ce qui concerne l'immigration. Les problèmes que nous rencontrons ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux des Allemands. Et de toute façon, en Europe, nous n'avons pas besoin de copier ce qui est le plus mauvais chez nos voisins.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous vous déconsidérez, monsieur Mamère !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. On peut estimer normal de demander à des personnes voulant séjourner en France trois mois au maximum, avec un visa de tourisme, de souscrire une couverture maladie.
    M. Claude Goasguen. Ça vaut 100 balles !
    M. Pierre Cardo. Quand nous allons nous-mêmes à l'étranger, dans la plupart des cas, c'est ce que nous faisons.
    Vous parlez d'accords de réciprocité, monsieur Blisko, mais êtes-vous allé dans les hôpitaux demander comment ces accords sont respectés, quels sont les remboursements effectués ? Vous savez pertinemment qu'il n'y a aucun contrôle administratif dans les hôpitaux. Si quelqu'un veut se faire soigner sans contrôle et sans payer, il va aux urgences et on le soigne, parce que c'est le code de déontologie.
    M. Serge Blisko. C'est magnifique !
    M. Pierre Cardo. Dès lors, il n'y a pas trente-six solutions pour arriver à une réponse cohérente...
    M. Patrick Braouezec. Il faut supprimer ce principe d'humanité ?...
    M. Noël Mamère. Il faut faire comme en Suisse : vous payez ou vous allez ailleurs ?...
    M. Pierre Cardo. Attendez ! Les gens qui vivent sur le territoire national travaillent, cotisent et paient des impôts, ou bien ont des droits sociaux qui les couvrent.
    Un touriste, ce n'est pas pareil, et il me semble que la moindre des choses, quand on souhaite séjourner en France, c'est de souscrire une assurance pour couvrir les frais médicaux. Cela évitera que les gens entrent en trombe dans les hôpitaux et en sortent aussi rapidement dès qu'ils vont mieux.
    On sait combien les hôpitaux sont débordés, combien ils manquent de moyens. On peut peut-être leur éviter cette forme particulière de tourisme que l'on observe depuis de nombreuses années.
    La solution proposée n'a rien d'excessif, il ne faut pas exagérer ! On verra ce qu'elle donne, mais elle peut limiter ces comportements inacceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, puis nous passerons au vote.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Est-ce que l'on restreint l'accès aux soins ? Pas du tout ! Il n'en est pas question !
    Les hôpitaux français et l'ensemble de notre système de santé restent ouverts à tout étranger présent sur notre sol, qu'il soit en situation régulière ou irrégulière. Simplement, l'étranger qui sollicite un visa de tourisme va payer son billet d'avion 1 000 ou 1 200 euros. Pensez-vous qu'il soit excessif de lui demander de payer 30 ou même 50 euros pour une assurance santé ?
    Monsieur Mamère, je suis président d'un petit hôpital, à Valréas, 9 000 habitants. Je tiens à votre disposition la liste des impayés qui m'est présentée à la fin de chaque été. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Au mois d'octobre ou de novembre, le conseil d'administration de l'hôpital les inscrit sous la rubrique « admission en non-valeur », ce qui veut dire, en clair, qu'il tire un trait sur des milliers d'euros.
    Ce que nous proposons, avec cet amendement, c'est que ces touristes étrangers continuent à être soignés en France, mais que les hôpitaux, petits ou grands, puissent ensuite être remboursés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 386.
    (L'amendement est adopté.)

    (M. François Baroin remplace M. Marc-Philippe Daubresse au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. Nous abordons l'article 1er.

Article 1er

    M. le président. Art. 1er. - Le dernier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est remplacé par les dispositions suivantes :
    « En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc. Le refus d'admission sur le territoire est notifié par un procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire, un agent de police judiciaire ou par le chef de service de contrôle aux frontières ou par un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier. L'étranger est invité à indiquer sur ce procès-verbal s'il renonce au bénéfice du délai d'un jour franc. Il est réputé y renoncer lorsqu'il refuse de signer le procès-verbal. »
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 246 et 299.
    L'amendement n° 246 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 299 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 246.
    M. Christophe Caresche. L'article 1er modifie les règles selon lesquelles le bénéfice d'un jour franc avant le rapatriement est accordé aux étrangers qui se voient opposer un refus d'entrer sur le territoire. Il introduit une mesure très expéditive, voire inique, qui consiste à considérer que l'étranger qui refuse de signer le procès-verbal lui demandant s'il renonce ou non au jour franc est réputé y renoncer. Nous savons en effet que beaucoup d'étrangers qui arrivent en France ne disposent pas des informations nécessaires sur les procédures et hésitent à signer les documents qu'on leur présente.
    Cette disposition nous inquiète, car elle implique qu'un simple refus de signature aurait pour conséquence le renoncement à un droit garanti par la loi. Elle nous semble même contraire - je l'ai indiqué dans mon exception d'irrecevabilité - au principe constitutionnel qui veut qu'il ne puisse être renoncé à un droit que par une manifestation expresse de volonté.
    Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 299.
    M. Patrick Braouezec. L'article 1er modifie l'article 5 de l'ordonnance de 1945, qui dispose : « En aucun cas le refus d'entrer ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc. », en précisant, dans un nouvel alinéa, que l'étranger « est réputé y renoncer lorsqu'il refuse de signer le procès-verbal ».
    Cette disposition est contraire aux principes généraux du droit, selon lesquels il ne peut être renoncé à un droit que de façon expresse, sauf cas de forclusion.
    S'il est vrai que de nombreux étrangers refusent de signer leur notification de maintien, il apparaît aussi que cela est souvent dû à la crainte de signer un document dont ils ne comprennent pas le sens et ignorent les conséquences.
    Ainsi, compte tenu des difficultés liées à l'interprétariat, à la complexité de la procédure et à la notion même de jour franc, rarement comprise par les étrangers, cet article impliquerait pour eux le renoncement quasi systématique à ce droit.
    Il est à craindre qu'une telle disposition ne facilite leur éloignement rapide sans examen approfondi de leur situation, sans qu'ils aient eu le temps de comprendre la procédure, de contacter un conseil, une association ou un membre de la famille, ni même d'organiser, le cas échéant, les conditions de leur retour dans leur pays d'origine ou de provenance.
    Mais le plus grave est la méfiance ainsi affichée par le Gouvernement à l'égard de tous les étrangers arrivant sur notre territoire. Cette méfiance se ressent d'ailleurs dans les termes mêmes du rapport, où M. Mariani considère que « le refus de signer est parfois utilisé comme une manoeuvre dilatoire pour fragiliser les procédures engagées :... »
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est la vérité !
    M. Patrick Braouezec. « ... des étrangers cherchent ainsi à créer un vice de procédure en soutenant ultérieurement, devant le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande de prorogation du placement en zone d'attente, ne pas avoir été informés de leurs droits ou avoir fait l'objet d'une tentative d'éloignement contre leur gré avant l'expiration du "jour franc. »
    Ainsi, non contents d'entrer irrégulièrement en France, les étrangers utiliseraient en plus tous les détournements procéduraux imaginables de notre droit - qu'ils connaissent parfaitement, bien sûr - pour rester le plus longtemps possible sur notre territoire...
    Cette suspicion généralisée est inacceptable, d'autant plus qu'elle justifie les multiples atteintes aux droits les plus fondamentaux, par exemple celle qui résulterait de cet article 1er dont l'objet est de faire renoncer les étrangers à un droit de manière tacite.
    Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis négatif sur les deux amendements.
    De qui parle-t-on ? D'étrangers arrivant en situation irrégulière à la frontière, principalement dans les aéroports. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le jour franc existe depuis 1981 et que nous sommes, à ma connaissance, le seul pays d'Europe à accorder ce droit. Est-ce que l'article 1er le remet en cause ? Pas du tout ! Le jour franc demeure.
    Simplement, nous nous sommes rendus à Roissy avec plusieurs collègues et nous avons constaté que lorsqu'on leur propose de signer ce formulaire, certains étrangers, c'est vrai, n'y comprennent rien, mais d'autres refusent avec l'arrière-pensée que l'absence de signature pourrait être utilisée comme vice de procédure.
    Pour s'assurer de la bonne compréhension du procès-verbal, je vous proposerai tout à l'heure l'amendement n° 88, qui prévoit explicitement que l'étranger se verra notifier dans une langue qu'il comprend que le refus de signer vaut renonciation.
    Pour le reste, le dispositif proposé à l'article 1er mérite d'être maintenu. Il a au moins le mérite de la clarté et permettra d'éviter tout problème de procédure.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement partage les observations du rapporteur.
    Je précise en outre à l'Assemblée que l'article 1er, tel qu'il est rédigé, ne fait que transcrire dans la loi la jurisprudence de la cour d'appel. Car je tiens à rappeler à tous ceux qui nous donnent des leçons sur les principes de droit que la cour d'appel a confirmé que le refus de signer le procès-verbal valait renonciation au jour franc. Nous vous proposons simplement de mettre la loi en accord avec la jurisprudence de la cour d'appel.
    M. Pierre Cardo. Cela paraît logique !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je soutiens les amendements de suppression présentés par M. Caresche et M. Braouezec. En fait, monsieur le ministre, avec la disposition introduite à l'article 1er, vous voulez verrouiller encore un peu plus le dispositif juridique du maintien en zone d'attente. Je ne pense pas qu'on puisse parler d'une consécration législative de la jurisprudence. Il s'agit en réalité d'un contournement des jurisprudences non seulement des cours d'appel, mais aussi de la Cour de cassation sur le jour franc. L'exposé des motifs de votre projet de loi le confirme : « Cette question a en effet fait l'objet de jurisprudences divergentes de la part des juridictions, qu'il convient de clarifier. »
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Des juridictions de première instance.
    M. Noël Mamère. Si l'on veut faire du droit, il ne faut pas s'arrêter à la cour d'appel, il faut s'intéresser aussi aux décisions de la Cour de cassation.
    Au vu des observations réitérées des associations habilitées à visiter les zones d'attente des étrangers, il apparaît que le droit au jour franc est déjà aujourd'hui très largement restreint par les pratiques des services chargés de sa mise en oeuvre. Mais vous entérinez l'interprétation selon laquelle l'étranger renonce au bénéfice de ce délai s'il ne signe pas le procès-verbal qui lui notifie son refus d'admission sur le territoire français. Or la législation ne prévoit aucun dispositif d'information des étrangers sur cette nouvelle contrainte et les étrangers placés en zone d'attente ne disposent pas, il faut le rappeler, d'une assistance juridique indépendante susceptible de les aider dans la mise en oeuvre de leurs droits. C'est une atteinte au principe qui voulait que l'étranger puisse mettre ce jour franc à profit pour se défendre face au refus des autorités françaises en zone d'attente.
    Pour ces raisons, nous considérons que la meilleure des choses serait de supprimer l'article 1er qui tend à modifier l'article 5 de l'ordonnance de 1945.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. « Se défendre face au refus des autorités françaises en zone d'attente », nous dit M. Mamère. Il y a, à nos yeux, trois cas de figure possibles. En vous les exposant, je vais dire pourquoi nous avions déposé un amendement similaire avant, d'une part, que l'amendement du rapporteur relatif à l'information de l'étranger ait été déposé, d'autre part, que nous nous soyons rendus dans la zone d'attente de Roissy pour voir comment les choses se déroulaient concrètement.
    Le premier cas de figure est celui du demandeur d'asile. Il ne faut pas ignorer le fait qu'une partie des étrangers demandent l'asile sans jamais en avoir eu l'idée, alors qu'ils espéraient simplement passer au travers des mailles du filet. C'est seulement à l'occasion de ce jour franc qu'ils passent dans la zone d'attente que, parmi les multiples informations qui circulent, parfois de mauvaises d'ailleurs, on leur souffle celle-ci : « Demande l'asile, ça te permet de rester quelques mois ! » Il y a là, à la faveur du jour franc, un détournement manifeste de la demande d'asile. Car le vrai demandeur d'asile sait qu'il est poursuivi dans son pays et fait sa demande dès qu'il arrive sur notre sol.
    Le deuxième cas de figure, c'est celui de l'étranger qui cherche par tous les moyens à entrer en France et utilise le jour franc pour tenter de détourner la procédure.
    Le troisième cas de figure, évoqué déjà par le rapporteur, c'est celui de l'étranger qui ne sait pas comment cela se passe, qui achète un billet dans son pays auprès de telle ou telle filière, pas forcément clandestine d'ailleurs, car il s'agit parfois d'organismes de voyage officiels ayant pignon sur rue, et qui tente sa chance en sachant fort bien qu'il n'a aucune raison d'être accepté sur notre territoire. Cette personne-là, il n'y a aucune raison non plus qu'on la laisse bénéficier du jour franc si elle refuse de signer, dès lors qu'elle est informée de la signification de son refus. Si elle n'est pas demandeur d'asile, si elle n'est pas là pour tricher, si elle décide de renoncer au jour franc parce qu'elle a compris que sa tentative a échoué et après avoir été informée de ses droits, rien ne s'oppose à ce qu'elle soit rapatriée sans délai, même s'il est fort probable, malheureusement, qu'elle recommencera.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le ministre, je partage l'analyse qui vient d'être faite. Tant que notre rapporteur n'avait pas déposé d'amendement garantissant aux intéressés d'être informés très précisément de leurs droits et de la signification du refus de signer ce fameux procès-verbal, refus valant renoncement au délai franc de vingt-quatre heures, il est évident que le texte proposé par le Gouvernement allait bien au-delà du respect que nous devons à ces personnes à qui nous refusons le droit d'entrée ou le droit d'asile.
    Monsieur le rapporteur, j'insiste beaucoup pour que votre amendement soit non seulement voté mais appliqué. La semaine dernière, au centre de rétention de Bobigny, j'ai pu mesurer les difficultés rencontrées par des jeunes femmes d'origine roumaine, qui y séjournaient avec leurs petits enfants ou leurs bébés. Il n'y avait pas d'interprète. Ces femmes ignoraient pourquoi elles étaient là, ce qu'elles allaient devenir, quand on les laisserait partir. Dans un cas comme celui-là, il est impensable que la loi puisse être appliquée autrement que dans l'esprit de votre amendement, que j'estime essentiel.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner au moins un commencement de réponse à ce sujet ? Comme mon collègue de Seine-Saint-Denis l'a demandé tout à l'heure, et j'ai déposé un amendement en ce sens, vous devez nous garantir que les intéressés sauront bien, s'ils refusent de signer le procès-verbal, qu'ils renoncent au bénéfice du jour franc et quelles en seront les conséquences.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 246 et 299.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 300 et 48, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 300, présenté par MM. Braouezec, Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 1er :
    « Après le premier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Les étrangers visés par l'article 15 de l'ordonnance, ainsi que leurs conjoints enfants et ascendants, bénéficient de plein droit d'un visa d'entrée en France lorsqu'il en font la demande. »
    L'amendement n° 48, présenté par M. Mariani, rapporteur, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 1er :
    « Les quatre derniers alinéas de l'article 5 de la même ordonnance sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
    « Tout refus d'entrée sur le territoire fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par le chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou d'un fonctionnaire désigné par lui titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et de contrôleur dans le second. Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix, et de refuser d'être rapatrié contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc. La décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend. L'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il renonce au bénéfice de ses droits ; il est réputé y renoncer lorsqu'il refuse de la signer. La décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration. »
    La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement n° 300.
    M. André Gerin. Le projet de loi propose de renforcer la fermeture des frontières, dont le bilan depuis plus de quinze ans est clair et connu de tous : il s'agit d'une fabrique de sans-papiers. Ce texte se fonde sur les fantasmes xénophobes de l'invasion toujours annoncée, étayés par une philosophie de suspicion et d'amalgame. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Partant du principe que 90 % des sans-papiers sont entrés en France régulièrement avec un visa, il suggère de réduire encore le nombre de visas délivrés en France.
    L'instauration de l'obligation de visa pour venir en France a été étendue à un nombre considérable de pays depuis 1986. Or chacun sait bien que les quelque 300 000 sans-papiers de France sont plus nombreux qu'alors.
    Dans un monde inégal en matière de richesse et de respect du droit, les ressortissants de 126 pays sont aujourd'hui soumis par l'Europe à l'obligation de visa, selon les accords de Schengen. Et il convient d'ajouter à cette liste 22 pays supplémentaires, considérés comme étant « à risque migratoire » par le Gouvernement français.
    En 1987, la France avait délivré 5,6 millions de visas, contre moins de deux millions en 1999. Si cette raréfaction parvient à empêcher, par exemple, des grands-parents d'obtenir des visas pour assister au mariage ou à la naissance de leurs petits-enfants, elle se révèle souvent peu dissuasive pour de jeunes travailleurs résolus à tenter leur chance par tous les moyens. Que deviennent les époux et les enfants auxquels on interdit pendant de longues années de venir rejoindre leurs conjoints et leurs parents, au motif de ressources ou de conditions de logement inadéquates ? Que deviennent les victimes de persécutions qui se voient opposer un refus de visa ou un rejet de leur demande d'asile ? Que deviennent les étudiants auxquels on refuse le droit de poursuivre des études en France alors que cette formation est souvent indispensable à leur avenir et à celui de leur pays ?
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. André Gerin. Personne n'est dupe : une bonne partie de ces étrangers viennent avec ou sans visa et restent clandestinement. Le dogme de la fermeture est rigide. Il est idéologique et ne correspond pas à la réalité. Le mouvement des sans-papiers a amplement prouvé l'inefficacité de la fermeture des frontières, alors qu'elle induit des dégâts humains et économiques considérables.
    M. Charles Cova. C'est de la démagogie pure !
    M. André Gerin. Il est donc indispensable non pas de restreindre encore le nombre de visas mais de faciliter fortement les délivrances. C'est une question de respect de la vie privée et familiale des personnes. C'est aussi une façon juste et réaliste de réduire le nombre de sans-papiers.
    M. Claude Goasguen. Demandez donc la suppression pure et simple des visas !
    M. André Gerin. Un grand nombre d'étrangers se maintiennent en situation irrégulière parce qu'ils savent que leurs chances d'obtenir un premier ou un nouveau visa sont faibles, voire nulles. Assouplir la politique des visas permettrait de faciliter les allées et venues entre la France et les pays d'origine.
    M. Charles Cova. M. Gerin prépare sa réélection !
    M. André Gerin. Beaucoup de sans-papiers choisiraient alors cette solution. La politique actuelle les assigne à résidence en France. Ils savent en effet qu'un départ leur interdirait purement et simplement de revenir visiter leurs proches de façon régulière. Il s'agit là non pas de théorie, mais de cas concrets.
    M. Charles Cova. Démagogue !
    M. André Gerin. En intervenant auprès du ministère des affaires étrangères, il arrive aux élus que nous sommes d'obtenir un visa de circulation, ou le statut de visiteur valant dispense de visa pour tel ou tel membre de famille. Or ces visas, qui permettent plusieurs visites, respectent les relations familiales et préviennent le maintien en situation irrégulière, sont aujourd'hui délivrés au compte-gouttes.
    Par notre amendement, et malgré le dépit exprimé par la majorité, nous souhaitons donc faciliter la délivrance de visas aux conjoints, enfants et ascendants des personnes pouvant bénéficier de plein droit d'une carte de dix ans.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 300 et présenter l'amendement n° 48.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je préférerais que l'amendement n° 48 soit examiné après le vote de l'amendement n° 300.
    M. le président. Soit.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement de notre collègue communiste tend tout simplement à donner systématiquement un visa à tous les conjoints ou enfants d'une personne résidant en France.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Incroyable !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est sympathique, mais totalement irréaliste. J'ajoute que si cet amendement était adopté, nous n'aurions plus qu'à supprimer la procédure de regroupement familial. Plus sérieusement, la délivrance d'un visa n'est jamais de droit. Cette disposition serait la porte ouverte à tous les abus. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur, les abus sont surtout du côté de ceux qui refusent systématiquement les visas pour les membres des familles de personnes installées dans notre pays.
    Je rappelle que l'amendement de notre collègue Gerin, que nous soutenons, vise simplement à battre en brèche l'idée qui préside à ce projet de loi et qui consiste à transformer toute personne demandant un visa d'entrée dans notre pays comme un fraudeur potentiel !
    M. Claude Goasguen. C'est votre interprétation !
    M. Noël Mamère. Or aucun chiffre public concernant le nombre de fraudeurs et de ceux qui détournent la loi n'a été diffusé. En outre, nous en sommes à la trente-huitième modification de l'ordonnance de 1945.
    M. Claude Goasguen. Eh oui ! A mon avis, l'immigration est un problème important.
    M. Noël Mamère. Si ces modifications successives, faites tant par la droite que par la gauche, avaient été efficaces, on le saurait.
    M. Pierre Cardo. La gauche, qui n'a pas été efficace jusqu'à présent, pourrait garder le silence !
    M. Noël Mamère. Et si elles n'ont servi à rien, c'est que la proposition qui nous est faite de modifier pour la trente-neuvième fois l'ordonnance de 1945 recèle des arrière-pensées idéologiques qui consistent à remettre l'immigration au centre du débat et à faire de l'immigré l'indésirable. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Vanneste. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités ! Et ne prêtez pas vos fantasmes aux autres !
    M. Pierre Cardo. M. Mamère est quelque peu provocateur !
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. De toute évidence, l'amendement de M. Gerin, largement soutenu par M. Mamère, vise de manière très idéologique à agiter une fois de plus un chiffon rouge,...
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas vrai !
    M. Christian Estrosi. ... et à laisser entendre que ce texte aurait pour objectif de diminuer le nombre de visas actuellement accordés par la France. Tel n'est absolument pas le cas.
    En revanche, vous proposez bien, quant à vous, de permettre à tout le monde de pénétrer chez nous sans avoir à demander de visas, car c'est à ce résultat qu'aboutira votre amendement.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Eh oui !
    M. Christian Estrosi. C'est tellement plus simple, monsieur Gerin ! La France devrait donc être la seule démocratie à accueillir toutes celles et tous ceux qui, dans le monde entier,...
    M. André Gerin. Bien sûr !
    M. Christian Estrosi. ... souhaiteraient profiter de la création de richesses des Français, qui est le fruit de leur effort et de leur travail. Ce serait tellement plus confortable de pouvoir ainsi venir chez nous sans avoir à demander la moindre autorisation !
    M. André Gerin. Bien sûr !
    M. Noël Mamère. Caricature !
    M. Christian Estrosi. On se demande d'ailleurs pourquoi, alors que vous participiez à l'action du gouvernement précédent, vous n'avez pas cherché à obtenir une telle mesure dans la loi RESEDA.
    M. André Gerin. Nous n'avons pas soutenu la loi RESEDA ! Nous souhaitions l'abrogation des lois Pasqua et Debré ! Vous faites une caricature !
    M. Christian Estrosi. Comment expliquer cette nouvelle attitude ?
    M. André Gerin. On peut ne pas être d'accord avec notre amendement, mais il est conforme à nos positions précédentes.
    M. le président. Monsieur Gerin, je vous en prie, laissez parler M. Estrosi !
    M. André Gerin. Avec vous, monsieur Estrosi, c'est la suspicion et l'amalgame généralisés.
    M. Pierre Cardo. Il s'agit non pas de suspicion, mais de prudence ! Il y aura un contrôle !
    M. Christian Estrosi. Vous vous livrez à une véritable caricature. Mais vous sous-estimez à quel point les Français sont excédés par l'attitude que vous adoptez aujourd'hui et à quel point ils exigent que l'autorité de l'Etat puisse s'exercer. Avec ce texte, il est question non pas d'interdire de délivrer des visas à qui que ce soit mais de pouvoir contrôler, lorsqu'on attribue un visa, qu'il ne servira pas ensuite à se mettre en situation d'illégalité. Il ne s'agit de rien d'autre.
    M. André Gerin. Vous faites un amalgame entre tous les immigrés !
    M. Pierre Cardo. Non, nous précisons par le texte les dispositions pour éviter que les Français, eux, ne fassent l'amalgame.
    M. Christian Estrosi. Nous nous donnons les moyens de contrôler les visas que nous accordons aux étrangers et nous n'acceptons pas l'amalgame que vous êtes en train d'essayer de faire et la provocation à laquelle vous vous livrez à cette occasion.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Deux lectures de l'amendement présenté par notre collègue Gerin sont possibles. On peut considérer aux termes de la première - c'est l'intervention précédente de Patrick Braouezec - que la politique des visas pour un séjour touristique ou une visite privée et familiale n'a pas lieu d'être et qu'on devrait purement et simplement la supprimer. Mais alors, que le groupe communiste assume cette position et l'énonce clairement et non pas subrepticement. L'idée n'est pas en soi scandaleuse et ignominieuse, même si elle me paraît totalement injustifiée pour notre pays. Elle pourrait en tout cas être défendue.
    Mais il y a une deuxième lecture, et là je partage le souci de M. Gerin. Accorder une carte de séjour de dix ans à quelqu'un, et l'empêcher ensuite de faire venir sa famille parce que les délais d'obtention des visas sont trop longs, ce qui va donc nuire à la vie privée et familiale, pose effectivement un problème. Tel n'était pas l'objectif de la loi. Mais, M. Gerin, si votre amendement n'est pas idéologique, il arrive au mauvais moment.
    Vous dénoncez, en effet, la situation actuelle qui pénalise les familles de ceux qui sont installés chez nous de façon régulière. Les problèmes qui existent dans nos consulats, par exemple au Sénégal ou en Algérie, viennent justement d'une demande abusive de visa de tourisme, ce dernier étant le moyen, pour les candidats à l'immigration irrégulière, de rentrer sur notre territoire, prétendument pour trois mois, sans risque de se retrouver en zone d'attente à l'aéroport. C'est à cause de cela que des candidats de bonne foi sont confrontés à des délais d'attente qui ne leur permettent pas de venir chez nous. Mais, aux termes du présent texte, monsieur Gerin, les visas de tourisme ne pourront plus être source de détournement. Ainsi, grâce notamment à la prise d'empreintes digitales, quelqu'un ne pourra plus s'évanouir dans la nature sans qu'on puisse jamais plus l'identifier. Lutter contre le détournement de la procédure des visas revient à permettre à ceux qui veulent venir voir leur famille en France de le faire. Votre amendement est donc inutile.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 48.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement n° 48, qui a été adopté par la commission, vise à clarifier la portée de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui en est effectivement, comme le rappelait mon collègue Mamère, à sa trente-huitième modification.
    L'amendement n° 48 concerne le principal changement apporté par le Gouvernement à l'ordonnance : le refus de signer la décision écrite de non-admission vaudra désormais renonciation aux droits dont dispose l'étranger concerné, notamment le jour franc. Ce refus de signature, que nous avons constaté sur le terrain, notamment lors de nos déplacements à Roissy, fragilise en effet les procédures de la PAF et crée des vices de procédures qui, invoqués devant le juge des libertés et de la détention, se traduisent par des admissions sur le territoire français. Notre amendement introduit cependant une précision de taille, en prévoyant explicitement que la décision et la notification des droits qui l'accompagnent devront être communiqués à l'étranger dans une langue qu'il comprend, reprenant en cela des préoccupations énoncées en particulier par notre collègue Etienne Pinte. La personne non admise sera donc, si cet amendement est adopté, pleinement informée des conséquences de sa décision de signer ou de ne pas signer la décision écrite de non-admission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Sur l'amendement n° 48, je suis saisi de deux sous-amendements, n°s 375 et 444 corrigé.
    Le sous-amendement n° 375, présenté par M. Caresche et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après les mots : "prise par, rédiger ainsi la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 48 : "un officier de police judiciaire. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. L'amendement n° 48 montre que les objections que nous avons fait valoir, voilà un instant, étaient fondées, monsieur le rapporteur. Il y avait un risque d'inconstitutionnalité évident avec la rédaction initiale du projet de loi : cet amendement comporte donc une avancée très intéressante, qui pourrait améliorer le droit actuel. L'étranger sera ainsi averti, dans une langue qu'il comprend, de ses droits et des procédures applicables lors de l'entrée sur notre territoire. Cela étant, comme M. Pinte, je m'interroge sur la mise en oeuvre de cette avancée qui suppose des moyens importants. Nous aimerions être rassurés et obtenir des garanties sur ce point.
    Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la disposition visant à confier à un fonctionnaire désigné par le chef de service de la police nationale ou des douanes et qui aurait au moins le grade de brigadier, la possibilité de prononcer une décision de refus d'entrée sur le territoire. Nous considérons, et c'est l'objet de notre sous-amendement, que cette mesure coercitive doit être prise au minimum par un fonctionnaire ayant la qualité d'officier de police judiciaire. Je rappelle que les brigadiers peuvent avoir cette qualité d'OPJ depuis la loi du 18 novembre 1998 - j'en étais d'ailleurs le rapporteur - portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise d'application de la police nationale, qui concerne les gardiens de la paix et les brigadiers. Prévoir que ce fonctionnaire doit avoir une qualification de police judiciaire - et ce n'est pas incompatible avec l'intention du Gouvernement de confier cette fonction à des brigadiers - constituerait une garantie supplémentaire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Le projet de loi prévoit que la décision de non-admission pourra être prise par un fonctionnaire titulaire au moins du grade de brigadier. La proposition de notre collègue tendant à limiter cette prérogative aux OPJ nous paraît trop rigide. De plus, les habilitations seront délivrées par le chef de service et sous son contrôle. Enfin, dans notre esprit, leur choix devra prioritairement se porter sur les agents du corps de maîtrise et d'application, les ACMA, qui pourront, éventuellement, avoir suivi la formation d'OPJ.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 375.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un sous-amendement, n° 444 corrigé, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'avant-dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 48. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Comme je l'ai dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, votre amendement me satisfait pleinement et je suis prêt à retirer mon sous-amendement puisque vous nous avez donné des garanties, en tout cas législatives. J'aimerais toutefois que vous alliez un peu plus loin s'agissant de l'application de la disposition que vous nous proposez. En effet, je suis disposé, comme je l'ai fait dernièrement au centre de rétention de Bobigny, à envoyer l'une de mes collaboratrices d'origine roumaine pour servir d'interprète entre la police nationale et les femmes qui se trouvent en rétention. Mais c'est au ministère de l'intérieur qu'il revient d'assurer systématiquement ces tâches grâce à des interprètes agréés. Les étrangers qui sont susceptibles de bénéficier du jour franc doivent être informés dans leur langue des conséquences que leur refus ou leur accord peut avoir sur leur sort afin de se déterminer en toute connaissance de cause.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Chacun peut constater la différence entre la gauche et la droite : il y a d'un côté une intention, et de l'autre une obligation légale. Grâce à nous, une loi va être votée et obligation sera faite dorénavant aux gouvernements, quels qu'ils soient, de prévoir des interprètes. La précédente majorité n'avait rien fait, quant à elle, pendant cinq ans. Cela démontre à l'évidence que le présent projet de loi est un texte équilibré, à la fois ferme et généreux. L'assistance d'un interprète n'était pas un droit, elle va le devenir. Et mieux qu'un droit, ce sera une réalité, monsieur Pinte.
    M. le président. Retirez-vous votre sous-amendement, monsieur Pinte ?
    M. Etienne Pinte. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Le sous-amendement n° 444 corrigé est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 48.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
    Les amendements n°s 247 de M. Caresche, 186 de M. Pinte, 217 de M. Mamère et 301 de M. Braouezec tombent.

Après l'article 1er

    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 459, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans l'article 5-2 de la même ordonnance, les mots : "des quatre derniers alinéas sont remplacés par les mots : "du dernier alinéa. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 459.
    (L'amendement est adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Après l'article 5-2 de la même ordonnance, il est inséré un article 5-3 ainsi rédigé :
    « Art. 5-3. - Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois doit présenter un justificatif d'hébergement. Dans le cas d'un hébergement chez une personne privée, ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen du 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée.
    « L'attestation d'accueil, signée par l'hébergeant et accompagnée de justificatifs, est présentée pour validation au maire de la commune du lieu d'hébergement ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire d'arrondissement, agissant en qualité d'agent de l'Etat.
    « Le maire peut refuser de valider l'attestation d'accueil demandée dans les cas suivants :
    « - l'hébergeant ne peut pas présenter les pièces justificatives requises, qui seront déterminées par décret ;
    « - il ressort, soit de la teneur de l'attestation et des justificatifs présentés, soit de la vérification effectuée au domicile de l'hébergeant, que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales ;
    « - les mentions portées sur l'attestation sont inexactes ;
    « - les attestations antérieurement signées par l'hébergeant ont fait apparaître, après enquête demandée par l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil aux services de police ou de gendarmerie, un détournement de la procédure.
    « A la demande de l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil, l'Office des migrations internationales peut procéder à des vérifications sur place, préalablement à sa délivrance. Les agents de l'office qui sont habilités à procéder à ces vérifications ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du consentement, donné par écrit, de celui-ci. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un accueil dans des conditions normales sont réputées non remplies.
    « Tout recours contentieux dirigé contre un refus de validation d'une attestation d'accueil doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif auprès du préfet territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter du refus. Le préfet peut soit rejeter le recours, soit valider l'attestation d'accueil.»
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. L'article 2, qui concerne les attestations d'accueil, anciennement appelées certificats d'hébergement, est suffisamment important pour qu'on s'y attarde.
    Il s'agit, en quelque sorte, d'un marronnier parlementaire puisque le sujet revient de façon récurrente.
    En premier lieu, je souhaite revenir sur l'historique - je le dis pour l'un des orateurs de la majorité qui s'est exprimé dans la discussion générale - et rappeler que c'est la gauche qui avait créé les certificats d'hébergement. A l'époque, l'intention originelle était, lorsqu'un étranger vivant en France voulait faire venir ses amis ou sa famille pour un court séjour, de fournir un élément d'appréciation supplémentaire lui permettant d'obtenir ce visa. Il ne s'agissait donc pas d'exercer un contrôle sur l'étranger, bien au contraire. Le certificat d'hébergement n'était alors en aucun cas considéré comme un deuxième visa.
    Les statistiques, qui font apparaître que le nombre d'attestations d'accueil a fortement augmenté ces dernières années, ne montrent d'ailleurs aucune hausse corrélative du nombre des visas de court séjour. Si l'augmentation des attestations d'accueil n'a pas eu de répercussions importantes sur la délivrance des visas de court séjour, c'est bien parce que l'attestation d'accueil n'est qu'un élément d'appréciation parmi d'autres.
    Nous persistons, pour notre part, à considérer que le certificat d'hébergement, ou attestation d'accueil, doit tout simplement permettre à un étranger de prouver qu'une personne peut l'accueillir dans notre pays.
    Deuxième observation, l'attestation d'accueil permet l'exercice d'un droit fondamental inscrit dans la Constitution. Un parlementaire que vous reconnaîtrez, déclarait, en 1997, lors de l'examen de la loi Debré : « En ce qui concerne l'hébergeant, il nous faut garder présent à l'esprit qu'accueillir quelqu'un chez soi, parent, ami ou connaissance, constitue un droit directement lié à l'intimité de la vie privée, quelle que soit la nationalité de celui qui reçoit et de celui qui est reçu. » Ce parlementaire n'est autre que Pierre Mazeaud. Lorsque M. Debré avait voulu réformer la politique du certificat d'hébergement, M. Mazeaud avait présenté un amendement à l'Assemblée nationale en défendant l'idée que le fait pour un étranger de pouvoir recevoir sa famille ou ses amis durant une période relevait du droit à l'intimité de la vie privée, du droit à la vie familiale qui est reconnu par la Constitution. Toute mesure qui tendrait à resteindre ce droit, bien évidemment, serait inconstitutionnelle.
    Troisième point,...
    M. le président. Rapidement, monsieur Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je termine, monsieur le président, mais le débat est important.
    Troisième point, les mesures proposées vont introduire une rupture d'égalité sur le territoire national. Là encore, je me référerai au passé parce que c'est bien ce qui avait motivé, à l'époque, M. Mazeaud. Il avait considéré, l'argument est d'importance, qu'on ne pouvait pas laisser aux seuls maires la possibilité de décider de la délivrance d'un certificat d'hébergement. Cet amendement, qui avait été adopté par l'Assemblée nationale en 1997, visait à faire en sorte que ce soit le préfet, et non plus le maire, qui délivre les certificats d'hébergement.
    Je vais vous lire, monsieur le ministre, une citation que vous allez reconnaître. Elle est extraite d'un débat qui vous opposait à M. Mégret, à propos des dispositions de la loi Debré : « Le maire de Neuilly a affirmé son soutien au projet de loi Debré sur l'immigration en suggérant toutefois que ce soit un service de l'Etat plutôt que les citoyens qui se chargent de contrôler le départ d'un étranger bénéficiant d'un certificat d'hébergement. » A l'époque, vous sembliez donc considérer que la possibilité de délivrer ou de ne pas délivrer le certificat d'hébergement, c'était du ressort de l'Etat, et notamment du préfet, et qu'elle ne pouvait pas relever simplement du maire.
    M. le président. Vous n'êtes pas raisonnable, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. Monsieur le ministre, les mesures que vous prévoyez nous inquiètent car elles remettent en cause le droit pour un étranger de faire venir sa famille pour un court séjour et constituent une rupture d'égalité puisque la réponse à la délivrance du certificat d'hébergement dépendra de la pratique de chaque maire. Pour ces deux raisons, nous sommes hostiles à vos mesures.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je remercie d'abord M. Caresche d'être un si fervent supporter de toutes mes émissions, y compris des plus anciennes. Mais je lui rappellerai que les dispositions de la loi de M. Debré n'avaient en l'occurrence rien à voir. Il s'agissait de vérifier les conditions de départ des étrangers.
    J'aurai pour ma part une citation plus intéressante concernant les attestations d'accueil. Le maire socialiste de Montgeron, grande ville de la région parisienne, Gérald Hérault, vice-président du conseil général de l'Essonne - ce n'est pas rien ! - a décidé de suspendre dans sa commune la signature de toute attestation d'accueil, jugeant ce dispositif « permissif, totalement contraire à la volonté de l'Etat de maîtriser les flux migratoires ». Il justifie sa décision, que je n'aurais osé prendre moi-même, par l'augmentation « spectaculaire de ces attestations, qui ont remplacé les certificats d'hébergement. »
    Voilà, monsieur Caresche, que les élus socialistes se retrouvent avec nous. On va décidément avoir du mal à faire de la place à tout le monde ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ajoute que votre intervention, cela s'appelle une coquille vide !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je n'avais pas l'honneur d'être parlementaire au moment où les attestations d'accueil ont été créées. J'ai bien entendu la logique du discours de M. Caresche. Mais qu'il me pardonne, je suis maire et je ne suis pas une machine à signer. Et si je dois attester de quelque chose, je dois avoir la capacité d'émettre un avis et de vérifier que j'émets cet avis dans des conditions satisfaisantes.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Ça tombe sous le sens !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Sinon, que l'on délègue n'importe quel fonctionnaire de l'Etat ou de la collectivité territoriale, mais qu'en aucun cas l'on ne me demande de faire ce travail. Car alors on n'a qu'à me remplacer par une photocopieuse !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et ce n'est vraiment pas la peine d'élire des gens pour ça.
    Par ailleurs, M. Caresche affirme que l'augmentation des attestations d'accueil n'a pas d'impact sur les visas de court séjour. Eh bien si, il en a un ! Et il est pervers : l'embouteillage dans les consulats. En effet, devant le nombre de fausses attestations d'accueil ou d'attestations d'accueil qui ont un autre objet que le court séjour, on s'aperçoit que des gens ne peuvent plus venir du tout.
    J'ai demandé à une personne pourquoi elle avait déposé huit attestations d'accueil successives en quatre mois. Elle m'a répondu qu'aucune n'avait abouti à une entrée sur notre territoire. Une fois de plus, ce sont les gens de bonne foi qui sont pénalisés pour les autres, parce qu'on ne fait pas le travail convenablement.
    Il est donc essentiel, pour l'UDF, que le maire puisse exercer un contrôle sur les conditions dans lesquelles on délivre des attestations. Pour illustrer mon propos, je vais vous citer deux cas qui sont arrivés à Drancy, il n'y a pas si longtemps.
    Un couple, habitant dans un deux-pièces avec deux enfants en bas âge, est venu me demander à pouvoir changer de logement - c'est légitime. Mais quand, quelques semaines plus tard, les mêmes personnes viennent me demander une attestation d'accueil pour héberger trois personnes supplémentaires, dont un enfant, est-ce raisonnable ? Elles ne pensaient pas que le lien serait fait. Peut-on penser une seconde que ces trois personnes vont venir vivre chez celui à qui l'on a délivré une attestation d'accueil ? Je ne le crois pas. On ne peut pas vivre à sept pendant trois mois dans un deux-pièces, même en étant de bonne volonté. On sait bien que les trois personnes en question vont aller ailleurs. Je ne vois pas pourquoi on nous fait signer un document dont on sait parfaitement qu'il est faux.
    Pire : un jour, une dame fort maladroite, d'origine asiatique, est venue déposer au bureau de l'état civil de ma commune dix-neuf demandes simultanées pour des jeunes de dix-sept à vingt-cinq ans, qui faisaient soi-disant tous partie de sa famille et qui venaient tous lui rendre visite. Dix-neuf d'un coup ! J'avoue que, si elle les avait déposées à trois ou quatre jours d'intervalle, les dix-neuf personnes auraient obtenu leur attestation d'accueil. L'enquête qui a ensuite été menée, à ma demande, par les services de l'Etat, a montré que c'était une main-d'oeuvre clandestine qui voulait entrer en France.
    M. Maurice Giro. C'est un vrai tour-opérateur !     M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, non seulement on doit pouvoir exercer ce contrôle, mais surtout on doit savoir qui entre et qui sort, justement pour ne plus pénaliser ceux qui jouent le jeu. Certains font des demandes d'attestations d'accueil à répétition pour des gens qui ne ressortent jamais. C'est à l'Etat de nous dire, puisqu'il peut le savoir, qui est entré et qui est ressorti. Le maire doit pouvoir savoir si une personne a fait les choses dans les règles ou non. J'ai déposé un amendement - mais je crois savoir que le Gouvernement n'y est pas favorable - qui donne au maire le droit de refuser de nouvelles attestations d'accueil à l'hébergeant qui n'aurait pas signalé que la personne qu'il hébergeait n'était pas repartie.
    M. Jean-Pierre Grand. Chacun prend ses responsabilités !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Dans ce pays, en la matière, on favorise toujours le vice au détriment de la vertu ; je ne trouve pas cela normal.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Je ne caricaturerai pas, mais deux chiffres ont tout de même été cités dans la discussion générale et rappelés par M. le ministre. Monsieur Caresche, en 1998, on a compté 120 000 attestations d'accueil et, en 2002, 735 000. On peut « faire du papier pour faire du papier » sans rien vérifier, comme le disait M. Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Faites une déclaration sur l'honneur !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Je suis maire, les attestations d'accueil, je les vois passer, mais sans comprendre, effectivement, mon rôle et celui des employés de mairie. Il n'y a aucun contrôle. Dans ce cas, supprimons purement et simplement ce principe. Si les attestations d'accueil perdurent, ce qui me semble nécessaire, vu l'évolution exponentielle qu'elles ont connue - elles ont été quasiment multipliées par six en quatre ans -, il doit y avoir un minimum de contrôle. C'est ce que l'on vous proposera lors de l'examen des différents amendements tendant à conférer des pouvoirs accrus aux maires. Je pense que, comme ils connaissent bien la réalisté du terrain, ils sont le plus à même de vérifier si les conditions sont remplies.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
    M. Jean-Pierre Grand. Les attestations d'accueil sont un document qui, dans leur forme de délivrance actuelle, sont très largement contestées par l'ensemble des maires. Les maires, toutes tendances politiques confondues, sont nombreux à refuser de les signer les yeux fermés. Monsieur Caresche, le jour où, malgré la persécution dont j'ai fait l'objet de la part de la CIMADE, j'ai décidé de ne plus signer moi-même des documents dont je ne pouvais nullement vérifier l'authenticité, j'ai tout de même, en tant que maire républicain soucieux du droit, continué à faire établir le document par mes services. Toutefois, j'ai demandé que les intéressés aillent les signer à la gendarmerie. Dès lors que les gens y ont été contraints, le nombre de documents a chuté de 50 %. Je vous laisse le soin de réfléchir aux raisons.
    Il est tout à fait impossible, pour un maire, de signer les documents dont il ne peut pas vérifier l'authenticité des informations, concernant notamment la personne hébergée.
    De plus, il est à mon sens absolument impossible pour un maire d'accepter les yeux fermés, comme l'a précisé tout à l'heure M. Lagarde, qu'une famille qui dispose d'un tout petit logement accueille une autre famille de quatre ou cinq personnes. Nous savons très bien que les conditions décentes d'hébergement ne seraient pas alors remplies. Là aussi, il faudra revoir le problème.
    En outre, je trouve qu'il est insupportable de ne pas pouvoir vérifier si les personnes accueillies sur notre territoire pour une durée inférieure à trois mois sont reparties dans leur pays d'origine.
    Autre élément : quand j'avais pris la décision dont je viens de vous faire part, de nombreuses familles étrangères vivant régulièrement sur notre sol m'avaient alors fait savoir qu'elles avaient été contraintes de demander des certificats d'accueil qui, bien naturellement, servaient à favoriser l'immigration clandestine.
    Le texte examiné aujourd'hui par notre assemblée était attendu par des centaines et des centaines de maires. Je tenais en conséquence, monsieur le ministre, à vous en remercier.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. L'intervention de M. Grand montre bien l'état d'esprit qui préside à ce texte, faisant effectivement de l'étranger quelqu'un d'indésirable et soupçonné en permanence.
    M. Jean-Pierre Grand. De tels propos sont scandaleux ! On est au moins aussi porteurs que vous des valeurs républicaines !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Un peu de respect pour les gens !
    M. Noël Mamère. Il se trouve, mon cher collègue, que je suis moi aussi maire d'une commune et que je ne pratique pas du tout de la même manière que vous !
    Le projet de loi, à travers l'article 2 - article essentiel -, revient, dans les faits, à la rédaction de la loi de 1997, dite loi Debré, comme l'a souligné tout à l'heure mon collègue Caresche.
    Les mêmes motifs de refus de délivrance sont définis : mentions incomplètes ou inexactes, non-conformité du logement après visite de l'OMI, détournement de procédure.
    Cependant, à l'inverse de la loi de 1997, c'est le maire, agissant comme agent de l'Etat, qui refuse la validation de l'attestation. Le recours contentieux, en particulier en référé, n'est possible qu'après la saisine du préfet qui dispose d'un mois pour statuer.
    Nous constatons tout d'abord que l'introduction de cette disposition est justifiée, dans l'exposé des motifs, par des présupposés dont aucun élément ne vient prouver la réalité. En effet, en quoi le dispositif actuel présente-t-il des « faiblesses » comme cela est dit dans l'exposé des motifs ? Combien d'attestations auraient-elles été délivrées par complaisance ?
    M. Pierre Cardo. Ce n'est pas de la complaisance, c'est une absence de contrôle.
    M. Noël Mamère. Il semble surprenant qu'aucune donnée chiffrée ni aucun bilan sérieux ne soient présentés pour justifier un changement de la législation qui va concerner plusieurs dizaines de milliers de personnes, françaises ou étrangères.
    L'absence de précision sur les motifs de refus de validation de l'attestation d'accueil laisse un très large pouvoir d'appréciation au maire.
    En effet, que sont des conditions « normales » d'hébergement ? Est-il fait référence à la notion juridique de « logement décent » défini par la loi SRU du 13 décembre 2000 ? Est-il fait référence aux normes de peuplement qui permettent d'ouvrir droit à l'allocation de logement en application de l'article L. 542-2 du code de la sécurité sociale ? Rappelons que le respect de ces normes de peuplement n'est pas aujourd'hui une condition nécessaire à l'octroi d'un titre de séjour dans le cadre du regroupement familial.
    Par ailleurs, quels sont les « détournements de procédure » pouvant justifier un refus de validation ? Le fait pour un étranger accueilli de demeurer sur le territoire après la durée de validité de son visa entraînerait-il l'impossibilité pour la personne accueillant de demander ultérieurement la délivrance d'une attestation d'accueil ?
    M. Pierre Cardo. Ce serait souhaitable !
    M. Noël Mamère. On en reviendrait indirectement à la responsabilisation et à la pénalisation des personnes accueillantes, fortement contestée en 1997 lors du projet de loi de M. Debré.
    De plus, la rédaction du quatrième alinéa de cet article 2 donnant au maire la possibilité de demander une enquête aux services de police ou de gendarmerie est extrêmement imprécise. Sur quels critères un maire demandera-t-il une enquête sur les demandes antérieures d'un hébergeant ? Un fichier sera-t-il créé dans chaque commune pour enregistrer les demandeurs d'attestation d'accueil et les détournements constatés ?
    Dans la pratique, l'introduction de cet article va amener, comme l'a souligné M. Caresche, une véritable rupture du principe d'égalité devant la loi.
    M. Pierre Cardo. Où est le problème ?
    M. Noël Mamère. Elle pourrait même conduire certains maires à refuser systématiquement et en toute légalité la délivrance d'attestation d'accueil.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Et d'autres à les autoriser systématiquement !
    M. Noël Mamère. Ce risque de comportement extrémiste de certains maires est d'autant plus encouragé que l'article proposé écarte la possibilité de contester efficacement les refus de délivrance en imposant un recours gracieux préalable au recours contentieux.
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l'article 2.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 248 et 302.
    L'amendement n° 248 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 302 est présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 2. »
    La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 248.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement tend surtout à assurer que le fait de pouvoir, pour un étranger, faire venir en France sa famille ou ses amis est un droit qui doit être préservé.
    Nous craignons en effet que les dispositions proposées permettent à certains maires d'opérer un blocage systématique, qui empêcherait l'étranger d'accéder à ce droit. Qui peut croire, par exemple, que M. Bompard, à Orange - comme M. Le Chevalier, lorsqu'il était maire de Toulon -, appliquera ces dispositions dans le même état d'esprit que, par exemple, le maire de Neuilly ? Nous risquons ainsi de constituer, sur le territoire national, des enclaves dans lesquelles des étrangers ne pourront plus bénéficier d'un certain nombre de droits.
    Nous souhaitons donc qu'il appartienne à l'Etat de décider, en dernière instance, de délivrer ou de refuser un certificat d'hébergement. Nous considérons que cela ne relève pas de la compétence des maires, même si ces derniers peuvent avoir un rôle dans ce dispositif. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens. L'immigration est une prérogative de l'Etat qui doit continuer à jouer un rôle déterminant dans ce domaine.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 302.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article est, bien évidemment, insatisfaisant, et pour plusieurs raisons.
    D'abord le système proposé par le projet de loi pour la délivrance des attestations d'accueil nous ramène aux certificats d'hébergement, qui avaient pourtant été supprimés en 1998 par la loi RESEDA...
    M. Pierre Cardo. Malheureusement supprimés !
    M. Patrick Braouezec. ... et remplacés par les attestations d'accueil.
    Actuellement, une telle attestation ne peut être refusée que pour absence de justificatif valable ou pour non-concordance entre les indications figurant sur l'attestation d'accueil et les justificatifs présentés.
    Le projet de loi revient à la rédaction de l'article introduit par la loi Debré de 1997, et pose les mêmes conditions de refus de délivrance de l'attestation d'accueil, telles que l'absence de présentation par l'hébergeant des pièces justificatives requises, l'inexactitude des mentions portées sur l'attestation, ou encore un éventuel détournement de procédure par l'hébergeant. En revanche, la différence avec le système instauré par la loi Debré est qu'il reviendra au maire de valider, ou non, cette attestation d'accueil.
    L'exposé des motifs donne une indication des justifications apportées par le Gouvernement pour introduire ces dispositions.
    Le premier serait que le dispositif actuel présenterait des faiblesses, lesquelles auraient facilité le détournement du système. Cependant, avant d'adopter une disposition législative, pourrions-nous connaître précisément ces faiblesses et avoir les chiffres des détournements de la procédure de l'attestation d'accueil ?
    Nous pouvons encore lire, dans cet exposé des motifs, que certaines attestations sont délivrées par complaisance. Il semble pour le moins curieux de prévoir un changement de législation qui n'est étayé par aucun élément objectif chiffré, et qui va pourtant concerner des milliers de personnes, françaises et étrangères.
    En outre, il est fait référence aux « conditions normales » d'hébergement dans lesquelles les étrangers doivent être accueillis. On peut faire, à cet égard, la même remarque qu'en 1997 : que doit-on entendre par « conditions normales » d'hébergement ? Cette nouvelle imprécision juridique n'en justifiera pas moins le refus de délivrance d'une attestation d'accueil.
    Enfin, une autre innovation de cet article 2 est que le maire aura la possibilité de demander aux services de police ou de gendarmerie une enquête sur d'éventuels détournements de procédure, au vu des attestations antérieurement signées par les hébergeants.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Très bien !
    M. Patrick Braouezec. Outre le fait que vous n'explicitez pas, une fois encore, ce qui constitue ces détournements de procédure, la mise en oeuvre de cette disposition impliquera forcément la mise en place d'un fichier d'hébergeants, sinon comment garder la mémoire des attestations antérieurement signées par l'hébergeant ? Quel est l'avis de la CNIL à ce sujet ? Le fait de taire la création d'un tel fichier ne peut que laisser augurer du pire.
    Enfin, dernière disposition contestable de cet article, il est prévu que tout recours contentieux devant un tribunal administratif devra être obligatoirement précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif auprès du préfet dans un délai de deux mois. Il s'agit, une fois de plus, d'un régime d'exception pour les étrangers. Alors que le droit commun permet de saisir directement le juge administratif, un étranger ne bénéficiera donc pas de ce droit. Cette nouvelle disposition ne fera qu'allonger des procédures qui sont déjà bien longues.
    Toutes ces raisons nous ont conduits à déposer cet amendement de suppression de l'article 2 que nous vous demandons d'adopter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur le président, contrairement à ce qu'affirment les auteurs des amendements, le système des attestations d'accueil ne portera pas atteinte à la vie familiale et privée, puisqu'il ne visera en aucun cas les personnes concernées par le regroupement familial. Il portera seulement sur les visites, limitées dans le temps, de membres de la famille ou d'amis.
    S'il était avéré, ce qui reste à démontrer, le risque de rupture d'égalité dans le traitement des demandes d'attestations d'accueil existerait déjà dans le système actuel du décret de 1982, modifié par celui de 1998, en fonction duquel c'est déjà le maire qui certifie les attestations. La dépêche de l'AFP que nous a rappelée M. le ministre montre que certains maires, y compris de vos amis, en sont déjà à refuser ce type d'attestation.
    De plus, le texte proposé permet, par la saisine du préfet des refus de validation, de déterminer une pratique au niveau national et de contrecarrer les éventuels excès.
    Monsieur Braouezec, il y a un peu plus de trente-six mille maires et je ne vois pas pourquoi, pour une vingtaine de maires, au maximum, qui risquent de commettre des excès,...
    M. Patrick Braouezec. Vous êtes bien optimiste, monsieur Mariani !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... on priverait les milliers d'autres du droit d'opérer un minimum de contrôles. De plus, les excès peuvent aussi exister en sens inverse. Je serais curieux de voir si certaines municipalités gérées par vos amis ne signeront pas systématiquement des attestations d'accueil.
     Par ailleurs, je m'étonne que les auteurs d'un des amendements proposent une nouvelle rédaction du texte par l'amendement n° 249 à l'article 5-3 de l'ordonnance, laquelle est loin de cette volonté de suppression.
    Enfin, monsieur Braouezec, je vous indique que les faiblesses de la procédure résident d'abord dans le fait qu'il n'y a aucun contrôle, comme l'a souligné M. Lagarde, ce qui a donné ces chiffres étonnants : on est passé de 120 000 à 735 000 attestations en cinq ans. Trouvez-vous cela normal ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce débat est extrêmement intéressant parce qu'il montre la défiance d'une partie de l'Assemblée à l'égard des élus locaux. C'est un point sur lequel je ne veux pas fuir le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il est extraordinaire que vous estimiez que des élus qui n'auraient pas vos opinions n'auraient pas la légitimité nécessaire pour assumer une procédure !
    M. Patrick Braouezec. C'est un procès d'intention !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Absolument pas !
    M. Patrick Braouezec. Mais si !
    M. Pierre Cardo. C'est tout de même ce que vous avez dit !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous avons un autre raisonnement. Nous considérons qu'à partir du moment où l'on a été élu on a au moins autant de représentativité que le milieu associatif. J'ai évidemment le plus grand respect pour le milieu associatif, mais pardonnez-moi de souligner que ceux qui ont été élus par la population, même s'ils n'ont pas les mêmes idées que moi, sont les garants de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette légitimité en vaut bien d'autres !
    Je m'étonne d'ailleurs que ce soient des élus eux-mêmes qui s'attaquent à ce système. On remet toujours en cause de prétendues féodalités locales. Or dois-je rappeller que si les féodalités sont nombreuses en France, certaines sont élues et, mieux, réélues ! Il y en a donc assez qu'elles reçoivent des leçons de tous les autres ! On passe son temps, à l'Assemblée nationale, à s'incliner devant des commissions administratives dont les membres n'ont d'autre légitimité que le fait d'avoir été désignés par un mouvement associatif.
    M. Pierre Cardo. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Certes, je tiens à rendre hommage à ces bénévoles, qui sont souvent extrêmement dévoués, mais permettez-moi de souligner que, quand on est élu par l'ensemble de la population de sa commune, on a au moins autant de légitimité que quand on est élu par l'assemblée générale des adhérents de son association à jour de leurs cotisations. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je revendique le fait que la démocratie, dans notre pays, repose sur ce maillage extraordinaire des 36 500 maires de France. Et même si quelques-uns ont des opinions politiques qui ne me plaisent pas, même si je suis en total désaccord avec eux, ils expriment la démocratie parce que nos concitoyens les ont choisis. Eh bien, la politique d'immigration doit s'appuyer aussi sur ce maillage extraordinaire de la démocratie locale.
    Je tiens à lui rendre hommage parce que j'ai cru comprendre qu'il y avait, sur les bancs de l'opposition, une réserve à l'endroit d'hommes et de femmes qui ont été élus et qui ont droit à notre considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. Irrecevable !
    M. le président. Je suis saisi d'un trop grand nombre de demandes d'intervention pour répondre à la commission et au Gouvernement : MM. Cardo, Caresche, Mamère, Lagarde, Braouezec et Pinte. Compte tenu de l'heure, je ne peux leur donner la parole. Ils sont inscrits pour cet après-midi.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au lundi 21 juillet 2003 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    S'agissant des travaux de la session ordinaire de 2003-2004, la conférence des présidents a, d'abord, fixé au mercredi 1er octobre la date de la première séance de questions au Gouvernement.
    La conférence des présidents a, en outre, décidé que la première séance d'initiative parlementaire, dont il reviendra au groupe de l'Union pour un mouvement populaire de proposer l'ordre du jour, aura lieu le mardi 7 octobre, matin, et se poursuivra le jeudi 9 octobre, matin.
    Elle a par ailleurs fixé au mardi 14 octobre, matin, la première séance de questions orales sans débat.
    La conférence des présidents a arrêté les modalités de la discussion du projet de loi de finances pour 2004.
    Les vingt-cinq discussions budgétaires de la deuxième partie auront lieu à raison de quatre jours de séance par semaine, soit une durée totale d'organisation de soixante-quinze heures, ainsi réparties : dix-huit heures pour les commissions, quarante-deux heures pour les groupes et députés non inscrits et quinze heures pour le Gouvernement.
    Chaque discussion se déroulera en deux phases, l'une consacrée aux interventions d'ordre général, l'autre aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement, exception faite de trois ou quatre budgets, qui seront choisis au mois de septembre pour faire l'objet d'un examen, à titre principal, en commission des finances élargie.
    Le Gouvernement, les commissions et les groupes devront faire connaître pour le mardi 2 septembre au plus tard la répartition de leur temps de parole entre ces discussions.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 823, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France :
    M. Thierry Mariani, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 949).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ANNEXE
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 8 juillet 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 8 juillet au lundi 21 juillet 2003 inclus a été ainsi fixé :
Mardi 8 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    -
suite de la discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et aux séjours des étrangers en France (n°s 823, 949).
Mercredi 9 juillet 2003
    
L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    - suite de l'ordre du jour de la veille ;
    - discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes (n°s 609, 827).
Jeudi 10 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    - discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n°s 950, 1003, 997, 1001, 1002).
Vendredi 11 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    - suite de l'ordre du jour de la veille.
Mardi 15 juillet 2003
    
Le matin, à 10 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    - discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n°s 862, 963) ;
    - discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au référendum local (n°s 900, 956) ;
    - discussion du projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales (n°s 855, 955).
    (Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)
Mercredi 16 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    - éventuellement,
suite de l'ordre du jour de la veille ;
    - discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n°s 939, 988) ;
    - discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive ;
    - discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations (n°s 834, 993).
Jeudi 17 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30 :
    - discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la chasse (n°s 909, 990).
    L'après-midi, à 15 heures :
    - discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour l'initiative économique ;
    - discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
    Le soir, à 21 h 30 :
    -
discussion, en deuxième lecture, du projet de loi de sécurité financière (n°s 901, 908).
Eventuellement, vendredi 18 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30, et l'après-midi, à 15 heures :
    Navettes diverses.
Eventuellement, lundi 21 juillet 2003
    
Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Navettes diverses.