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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 11 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 10 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Consommation de tabac chez les jeunes. Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat «...».
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

Mme
Muguette Jacquaint,
M.
Jean-Pierre Door,
Mme
Catherine Génisson,
MM.
Pierre-Christophe Baguet,
Yves Bur.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»

Les amendements portant articles additionnels avant l'article 1er sont réservés jusqu'après l'examen de l'article 1er.

Article 1er «...»

M. François Goulard, Mme Martine Aurillac, M. Richard Mallié, Mme Muguette Jacquaint.
Amendements n°s 16 de M. Baguet et 9 rectifié de M. Cherpion : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Door, Mme Muguette Jacquaint, MM. Yves Bur, Jean-Marie Le Guen. - Rejet de l'amendement n° 16 ; adoption de l'amendement n° 9, deuxième rectification.
Amendement n° 6 de M. Vannson : MM. Yves Bur, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 5 de M. Bur et 13 de M. Baguet : MM. Yves Bur, Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 1er modifié.

Avant l'article 1er (amendements précédemment réservés) «...»

Amendements n° 21 du Gouvernement, amendements identiques n°s 14 corrigé de M. Baguet et 19 corrigé de M. Santini et amendement n° 23 de M. Bur : MM. le ministre, Pierre-Christophe Baguet, Yves Bur, le rapporteur, Jean-Marie Le Guen, François Goulard. - Adoption de l'amendement n° 21 ; les amendements n°s 14, deuxième correction, 19 corrigé et 23 tombent.
Amendements n°s 15 corrigé de M. Baguet et 18 corrigé de M. Santini : M. Pierre-Christophe Baguet. - Retrait de l'amendement n° 15 corrigé.
MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre, Yves Bur.
Sous-amendement oral de M. Bur à l'amendement n° 18, deuxième correction : MM. le rapporteur, le ministre Mme Catherine Génisson. - Adoption du sous-amendement oral et de l'amendement n° 18, deuxième correction, modifié.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 3 rectifié de M. Vannson : MM. Yves Bur, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Article 2. - Adoption.

Après l'article 2 «...»

Amendement n° 8 de M. Bur : MM. Yves Bur, le rapporteur, le ministre, Jean-Marie Le Guen, Pierre-Christophe Baguet, Daniel Garrigue. - Retrait.
MM. Jean-Marie Le Guen, le président.

Article 3 «...»

Amendement de suppression n° 10 de M. Cherpion : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
L'article 3 est supprimé.

Après l'article 3 «...»

Amendements n°s 4 et 7 de M. Bur : MM. Yves Bur, le rapporteur, le ministre. - Adoptions.

Article 4 «...»

Amendement n° 11 de M. Cherpion : MM. Yves Bur, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 «...»

Amendement n° 22 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur, François Goulard, Mme Muguette Jacquaint, MM. le ministre, Yves Bur. - Adoption.
L'amendement n° 20 de M. Goulard a été retiré.
Amendement n° 12 de MM. Bur et Goulard : MM. le rapporteur, le ministre, François Goulard, Pierre-Christophe Baguet. - Adoption.
Amendement n° 17 de M. Baguet : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

Mme
Catherine Génisson,
MM.
Pierre-Christophe Baguet,
Jean-Pierre Door,
Mme
Muguette Jacquaint.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
2.  Déclaration de l'urgence d'un projet de loi «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

CONSOMMATION DE TABAC
CHEZ LES JEUNES

Discussion d'une proposition de loi
adoptée par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes (n°s 609, 827).
    La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'emblée à saluer l'initiative de M. le sénateur Bernard Joly, à l'origine de cette proposition de loi qui vise à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, et que j'ai soutenue lors de sa présentation au Sénat.
    Je souhaite également remercier M. le rapporteur, Gérard Cherpion, le président Dubernard et les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la qualité de leurs travaux qui auront permis de vous présenter ce matin un texte équilibré.
    Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a déclaré depuis le début de l'année la guerre au tabac.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il doit s'agir d'une lutte sans concession, destinée à prévenir des dizaines de milliers de morts. Elle relève d'une impérieuse nécessité de santé publique.
    Le tabac tue : ce n'est plus un secret pour personne. La mention apparaît maintenant clairement sur les paquets de cigarettes pour le rappeler. Il tue lentement, mais sûrement. Ainsi, parmi les jeunes ayant commencé à fumer à l'adolescence, la moitié décédera à cause du tabac, dont un quart avant soixante-cinq ans, ce qui signifie que leur vie aura été raccourcie de vingt à vingt-cinq ans !
    Les fumeurs ne vivent pas seulement moins longtemps ; ils vivent aussi moins bien. Le tabac lèse en effet de façon irréversible la plupart des organes vitaux : coeur, poumons, cerveau. Il est la première cause de cancer. Il aliène les individus en les rendant dépendants.
    La question n'est donc plus de savoir pourquoi nous combattons le tabac. Elle n'est pas non plus de savoir comment, puisque les mesures efficaces sont connues. Elles ont en effet été appliquées avec succès non seulement au Royaume-Uni, mais aussi en Finlande et en Suède.
    La seule question qui vaille désormais est celle de savoir si, tous ensemble, nous voulons nous donner les moyens de remporter des victoires décisives face aux pressions de certains lobbies qui vont jusqu'à la provocation en menaçant de baisser le prix des cigarettes au moment où le Gouvernement lance le plan de mobilisation contre le cancer.
    La loi Evin l'a démontré : ces moyens sont avant tout d'ordre législatif et réglementaire. Cette loi a constitué une étape historique dans la lutte contre le tabagisme dans notre pays. Elle a été suivie par une diminution de 14,5 % des ventes de cigarettes de 1992 à 1997. Malheureusement, l'effet s'est estompé entre 1998 et 2001 et les ventes sont restées stables en raison d'une augmentation insuffisante des prix et, peut-être aussi, de l'absence d'un front antitabac solide et appuyé sur l'indispensable détermination politique.
    L'impact de la loi Evin a été insuffisant chez les jeunes. Leur consommation de tabac a connu une hausse importante entre 1992 et 1999, laquelle a été particulièrement visible chez les filles. Aujourd'hui, 40 % des jeunes Français fument de manière quotidienne et 10 % présentent déjà des signes de dépendance au tabac.
    Les jeunes Français détiennent désormais le triste record d'Europe de la consommation de tabac. Cela veut dire que demain, si nous ne faisons rien, nous détiendrons aussi le record d'Europe des cancers du poumon. Cela signifie également, comme le souligne un rapport récent, que la mortalité par cancer bronchique dans la population féminine atteindra demain le niveau de la mortalité par cancer du sein. Nos enfants seront alors en droit de nous demander pourquoi nous n'avons pas su ou, plus grave encore, pourquoi nous n'avons pas voulu les protéger.
    Nous pouvons pourtant éviter toutes ces morts annoncées. Les Français l'attendent de nous. D'ailleurs, 63 % d'entre eux sont favorables à une très forte augmentation des prix du tabac pour réduire la consommation dans notre pays et 69 % approuvent l'interdiction de la vente de cigarettes aux moins de seize ans. Ils ne sont pas isolés. La récente signature, le 21 mai dernier, par quarante et un pays, de la convention-cadre de l'OMS contre le tabac montre à quel point l'opinion mondiale évolue.
    Nous avons déclenché l'offensive contre le tabac en augmentant de façon importante ses prix au mois de janvier. Nous l'avons poursuivie en soutenant la proposition de loi présentée par le sénateur Joly, qui a su appréhender la signification, la portée symbolique et l'actualité de l'interdiction de vente de tabac aux mineurs.
    Le Président de la République a réaffirmé cette priorité en présentant la lutte contre le tabac comme une exigence absolue lors de l'annonce du plan cancer. J'ai moi-même présenté à la presse à la fin du mois de mai le plan complet de notre action.
    Nous voulons agir, et agir vite. Déjà, les premiers résultats nous encouragent, puisque les ventes de cigarettes ont diminué de 9 % durant les quatre premiers mois de l'année par rapport à la même période de l'an dernier. Une autre indication encourageante est constituée par le fait que les ventes de substituts nicotiniques ont augmenté de 25 %.
    Accroître le prix du tabac, c'est non seulement dissuader les non-fumeurs de commencer à fumer, mais c'est aussi donner aux fumeurs une motivation supplémentaire pour s'arrêter.
    Nous voulons aller plus loin. Le plan cancer a fixé nos objectifs pour les cinq prochaines années : réduire le tabagisme de 30 % chez les jeunes et de 20 % chez les adultes.
    Pour protéger les jeunes, il est indispensable de réduire leur accès aux produits du tabac par de nouvelles mesures législatives.
    Nous poursuivrons donc l'augmentation des taxes sur le tabac. C'est le moyen le plus efficace de réduire la consommation, notamment celle des jeunes, comme le rappelle la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement en ce sens.
    Nous poursuivrons cette augmentation autant qu'il le faudra pour atteindre nos objectifs. Nous avons de la marge : au Royaume-Uni, le prix du paquet est presque deux fois plus élevé qu'en France !
    Rendre plus difficile l'accès au tabac, c'est aussi interdire la vente des paquets de petite taille - appelés aussi « paquets-enfants » - que les fabricants de tabac proposent aux jeunes pour les inciter à fumer, car ils sont moins chers et donc plus attractifs. Ces petits paquets ne représentent qu'une faible part de leur chiffre d'affaires. Mais les cigarettiers n'ignorent pas que plus les adolescents fument tôt, plus ils sont dépendants à l'âge adulte et fidèles à la marque qui les a initiés.
    M. François Goulard. Oui.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ces petits paquets représentent donc un véritable investissement fait par l'industrie du tabac aux dépens de la santé de nos enfants.
    M. Yves Bur. C'est affreux !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. L'interdiction des « paquets-enfants » fait partie des recommandations du Conseil de l'Union européenne et de la convention-cadre de l'OMS.
    Rendre plus difficile l'accès au tabac, c'est enfin en interdire la vente aux mineurs de moins de seize ans, parce qu'il s'agit d'une mesure hautement cohérente et symbolique. Elle répond en effet à la nécessité de dénoncer avec force les méfaits du tabac et de les rendre de plus en plus inacceptables pour la société tout entière, et plus particulièrement pour la jeunesse. Cette mesure trouve tout son sens au sein d'un programme global d'action contre le tabac.
    Mais ne nous trompons pas : la guerre contre le tabac n'est pas la guerre contre les buralistes.
    Les sanctions initialement prévues contre eux étaient disproportionnées. Pour faire appliquer cette loi, nous comptons avant tout sur l'engagement des buralistes et leur sens des responsabilités.
    Nous avons besoin de leur engagement personnel. Ils sont en effet au coeur de la lutte contre la contrebande et les promotions frauduleuses. Ils représentent aussi un relais du service public et un réseau de commerces de proximité précieux.
    Je suis conscient des difficultés qu'ils rencontrent, en particulier quand ils sont frontaliers. J'ai reçu le président de la confédération des débitants de tabac de France, M. René Le Pape, et je lui ai assuré que je rechercherai, avec les autres ministres concernés, des solutions à ces difficultés. Elles passeront par une aide à la diversification des activités qui leur sont confiées par les pouvoirs publics ; la réflexion est déjà bien engagée sur ce point. Ces solutions passeront aussi par une modification de l'encadrement de la fiscalité des cigarettes dans l'Union européenne et par un renforcement de la lutte contre la contrebande et la fraude, deux actions qui font partie intégrante de notre plan contre le tabac.
    Vis-à-vis des jeunes, des actions de prévention et d'éducation à la santé seront aussi mises en place. Des campagnes de sensibilisation des adolescents seront diffusées à la rentrée par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES.
    En milieu scolaire, le ministre de l'éducation nationale, en collaboration avec le ministère de la santé, va mettre en place en octobre, dans le cadre du programme Ecole sans tabac, des centres d'information et de conseils cofinancés par les deux ministères.
    Les programmes d'éducation à la santé comprendront un volet sur les consommations à risque, notamment celle du tabac. L'application de la loi Evin sur la protection des non-fumeurs sera renforcée.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Des actions qui se limitent aux jeunes ne sont cependant pas suffisamment efficaces en elles-mêmes. Il nous faut agir sur l'ensemble de la population. Le tabagisme des adolescents est significativement associé à celui de leurs parents, et plus généralement à celui de leur environnement social proche.
    C'est l'objet du programme que j'ai présenté lors de la journée mondiale sans tabac. Il s'agit d'un plan ambitieux et financé, qui mobilise le ministère de la santé mais aussi la mission interministérielle de lutte contre le cancer et la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, et, à travers ces deux missions, de nombreux ministères.
    Nous agirons sur tous les fronts pour ne plus laisser, peu à peu, aucun espace au tabac dans notre société.
    Débanaliser l'image du tabac, éviter aux jeunes de commencer à fumer, protéger totalement les non-fumeurs de la fumée des autres et aider les fumeurs à s'arrêter, voilà les objectifs du plan cancer.
    Au nom du Gouvernement, je remercie l'Assemblée nationale de s'associer, à nos côtés, à cette lutte contre le tabac. C'est un combat dont nous serons fiers et dans lequel je m'engage personnellement, sûr de pouvoir ainsi améliorer durablement la santé des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, adoptée le 11 février dernier par le Sénat avec l'avis favorable du Gouvernement, trouve son origine dans la proposition de loi de M. Bernard Joly, sénateur.
    Son article 1er propose d'interdire la vente des produits du tabac aux mineurs âgés de moins de seize ans. Cette disposition, prévue par un amendement à la loi Evin rejeté en 1990 par la commission mixte paritaire, avait fait l'objet de quatre propositions de loi à l'Assemblée nationale depuis 1996.
    L'interdiction de la vente de tabac aux mineurs a été préconisée par de nombreux experts au cours des dernières années. Le Comité national contre le tabagisme la recommande et elle figure dans le rapport de la commission d'orientation sur le cancer remis en janvier dernier au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Cette mesure est en outre largement soutenue par l'opinion publique - plus de deux tiers des Français y sont favorables, selon une étude datant de 2000, ce qui constitue un indicateur non négligeable de son efficacité. La prise de conscience de la nécessité d'interdire la vente de tabac aux mineurs a donc eu lieu dans notre pays comme en Europe.
    Le 24 mars dernier, le Président de la République prononçait, à l'occasion de la semaine nationale contre le cancer, un discours dans lequel il déclarait la « guerre au tabac ». « La lutte contre le tabac, rappelait-il, est [...] une exigence, une priorité absolue. Les fabricants ne ménagent pas leurs efforts pour rendre plus attractifs des produits qui menacent la vie. A leur imagination presque sans limite nous devons opposer une détermination sans faille, pour dissuader les jeunes de commencer à fumer et pour convaincre les adultes d'y renoncer. »
    Le même souci anime le projet de loi relatif à la santé publique de Jean-François Mattei, que nous examinerons à la session prochaine.
    Le 21 mai, la France adoptait avec 171 Etats membres de l'Organisation mondiale de la santé la convention-cadre pour la lutte anti-tabac. Cette convention est la première au monde à traiter exclusivement d'une question de santé publique. Le 16 juin dernier, la France était un des premiers Etats à signer cette convention. Elle soutenait ainsi, en son nom propre, la signature du texte par l'Union européenne.
    La France s'est engagée à appliquer une convention internationale qui prévoit, notamment à son article 16, de mettre en oeuvre tous les moyens à la disposition des Etats pour restreindre l'accès du tabac aux mineurs, y compris l'interdiction de la vente aux personnes n'ayant pas atteint l'âge fixé en droit interne, ou l'interdiction de commercialiser les petits paquets de cigarettes. Moins d'un mois après cette signature, la proposition de loi du sénateur Joly permet au Parlement de mettre en cohérence le droit interne français avec les engagements internationaux de la France.
    A propos des ravages sanitaires causés par la consommation de tabac, la lecture de quelques lignes du rapport du groupe technique national de définition des objectifs, constitué dans le cadre de l'élaboration de la future loi relative à la santé publique, est éclairante :
    « Le nombre de décès associés au tabac était estimé en 1995 à 60 000 par an en France, soit plus d'un décès sur neuf, toutes causes confondues, et un sur quatre par cancer. D'après une première estimation de l'Académie nationale de médecine, à confirmer, 2 500 à 3 000 décès supplémentaires seraient attribuables au tabagisme passif. Les hommes sont actuellement les plus touchés : 95 % de ces 60 000 décès. Les deux tiers de ces décès surviennent avant soixante-cinq ans. La consommation de tabac est également associée à une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires et de broncho-pneumopathie obstructive. Un fumeur régulier sur deux ayant commencé à fumer à l'adolescence mourra d'une cause associée au tabac, la moitié avant soixante-neuf ans. Les risques du tabagisme passif pour les non-fumeurs sont également bien établis.
    « Concernant la mortalité générale par cancer, la France occupe le premier rang des pays européens, essentiellement du fait des cancers des voies aéro-digestives supérieures. Pour les cancers du poumon, la France est en position intermédiaire. En termes de mortalité prématurée, la France occupe le premier rang des pays européens pour les cancers des voies aéro-digestives supérieures et les cancers du poumon.
    « La mortalité et la morbidité attribuables au tabagisme sont évitables. »
    Pour parvenir dans les meilleures conditions à atteindre cet objectif primordial de santé publique, il est nécessaire d'attaquer le mal à sa racine, c'est-à-dire pendant la période de début d'accoutumance. Car, du fait que le tabagisme crée une dépendance par le biais de la nicotine, si l'on attend que le fumeur soit parvenu à l'âge adulte, où l'on peut estimer qu'il est en mesure d'effectuer des choix de manière pleinement consciente et responsable, il sera souvent trop tard. De manière générale, il est bien connu que la consommation régulière de tabac et la dépendance qui lui est associée commencent à l'adolescence. Cette situation prend en France des dimensions particulièrement préoccupantes. En effet, selon une étude européenne de 1999, alors que 18 % des jeunes adultes suédois ou finlandais de dix-huit à vingt-quatre ans fument, le tabagisme concerne 50 % des jeunes Français.
    Au moins 85 % des cancers du poumon ont pour cause première le tabagisme. Selon la Ligue contre le cancer, la durée de l'exposition et l'âge auquel on commence à fumer sont quatre fois plus importants dans le risque de cancer qu'encourt le fumeur que la quantité de cigarettes fumées par ce dernier. Ces chiffres viennent confirmer, s'il en était encore besoin, la nécessité de lutter contre le tabagisme des jeunes.
    Compliquer l'accès au tabac des adolescents est donc l'objectif que se fixe cette proposition de loi, qui s'inscrit dans une démarche plus vaste. Cette interdiction permettrait de dissuader, au moins partiellement, les jeunes de commencer à fumer à un âge où ils sont particulièrement vulnérables et où se détermine leur futur comportement d'adulte à l'égard du tabac. Elle manifeste également un souci de cohérence de la règle sociale à l'égard de la jeunesse : de même que l'alcool ou les drogues illicites, le tabac, dont le danger et la toxicité sont régulièrement dénoncés par les pouvoirs publics, ne sera plus, désormais, en vente libre. Soulignons que les buralistes qui refusaient jusqu'à présent, pour les raisons les plus louables, de vendre du tabac aux mineurs, s'exposaient au risque d'une condamnation pour refus de vente.
    L'examen prochain du projet de loi relatif à la santé publique permettra de compléter cette initiative sénatoriale en l'inscrivant dans une approche plus globale de l'impact de la consommation du tabac sur la santé. En particulier est annoncée la mise en place du programme Ecole sans tabac, qui comprendra des actions d'information, d'interdiction, d'accompagnement et de prise en charge, selon les termes employés par le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées lors de la discussion générale au Sénat. D'autres mesures doivent être prises en compte dans le cadre de la politique volontariste de lutte contre le tabagisme qu'appelle le plan cancer du Président de la République. Ainsi, la lutte contre la contrebande et la revente à la sauvette, problèmes pris en compte par l'Assemblée lors de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2002, mais qu'il convient de renforcer. De même, il faudrait trouver une solution permettant de lutter contre le phénomène des achats transfrontaliers.
    En effet, la proportion très importante de fumeurs se procurant leur tabac à l'étranger - 10 % d'entre eux reconnaissent le faire au moins une fois par mois - est un obstacle important à toute politique de lutte contre le tabagisme reposant sur la fiscalité. Pour préserver à cette dernière toute sa cohérence, il apparaît nécessaire de promouvoir par tous les moyens les dispositifs visant à harmoniser dans l'Union européenne le niveau des droits indirects pesant sur le tabac. Cette harmonisation était du reste préconisée par la Commission européenne dès le Livre blanc sur le marché intérieur, publié en 1985.
    Conscient des difficultés que suscite l'attractivité d'une fiscalité moindre chez certains de nos voisins de l'Union européenne, le Gouvernement a engagé une action concertée avec certains d'entre eux, en ce qui concerne la hausse des taxes sur le tabac.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cette initiative doit être saluée ; il est à espérer qu'elle contribue de manière significative à rendre pleinement efficaces les politiques nationales de lutte contre le tabagisme. Toutes ces démarches doivent être poursuivies, afin que cette proposition de loi, dont l'objectif est précis et la cible définie, s'inscrive dans le mouvement de grande ampleur de lutte contre le tabac que le Président de la République appelle de ses voeux.
    Quant aux effets de la présente proposition de loi sur les professionnels concernés, il est à noter que les buralistes risquent de perdre une partie de leur chiffre d'affaires. Les clients les plus jeunes se rendront moins fréquemment dans les débits de tabac, ce qui aura une incidence sur la vente de produits associés, de confiseries ou de jeux. Des dispositifs spécifiques pourraient compenser les pertes subies par les buralistes. En particulier, il serait souhaitable d'augmenter le taux de remise - la rémunération des débitants de tabac -, qui s'élève actuellement à 8 %. Ce taux a été fixé par l'arrêté du 21 septembre 1976 en application de l'article 570 du code général des impôts. Cette mesure permettrait d'éviter que les effets indirects d'une politique de santé publique très légitime ne nuisent de manière disproportionnée aux débitants.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Une réflexion a été engagée par le ministère du budget sur ce point, déjà évoqué par le rapport Recours de 1999. La création d'une mission d'information permettrait d'avancer sur cette voie et de concrétiser cette démarche, parallèlement à la politique que mène le Gouvernement en matière de santé publique.
    Le 6 mai dernier, la commission des affaires culturelles, sociales et familiales rejetait la présente proposition de loi, notamment au motif que la sévérité des sanctions prévues à l'égard des buralistes...
    M. Yves Bur. Excessives !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. ... en rendait l'application difficile et, pour tout dire, peu probable.
    M. François Goulard. La commission est sage !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Je regrette ce rejet, qui constitue un signe contradictoire dans la « guerre au tabac » décrétée par le Président de la République. Je le regrette d'autant plus que j'avais proposé de réduire significativement la dureté des sanctions. Néanmoins, je l'ai interprété non pas comme le rejet au fond du texte, c'est-à-dire la lutte contre le tabagisme des jeunes, mais comme une demande pour rendre le dispositif véritablement efficace.
    M. René Couanau. Tout à fait ! Vous avez raison !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Je propose donc que les sanctions soient largement revues à la baisse : ainsi, j'ai déposé un amendement prévoyant de requalifier le délit de vente aux mineurs en contravention de deuxième classe, ce qui supprime la peine d'emprisonnement.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. En outre, l'amende maximale prévue en cas d'infraction est plafonnée à 150 euros. Symboliquement, et pour prendre acte du souci légitime des députés de rendre le texte véritablement applicable, je propose de supprimer l'article 3, consacré aux sanctions, pour réintroduire à l'article 1er la peine prévue en cas d'infraction. Cet article renverra également aux dispositions réglementaires nécessaires à l'application de la proposition de loi en ce qui concerne le contrôle de l'âge des clients. Ces amendements ont été acceptés par la commission lors de la réunion tenue au titre de l'article 88 du règlement.
    Il s'agit en effet non de réprimer une catégorie de commerçants, par ailleurs préposés de l'administration, mais de les associer à la réalisation d'un objectif de santé publique dont ils ont pleinement compris la nécessité.
    En définitive, je vous propose d'adopter la présente proposition de loi, sous réserve de l'adoption de quelques amendements - qui ont reçu hier matin l'approbation de la commission - destinés à rendre le texte plus applicable et à adapter le régime des sanctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du sénateur Joly peut s'analyser sous trois angles.
    Le premier : la santé publique. Cette proposition de loi peut représenter une étape décisive dans notre dispositif législatif antitabac...
    M. François Goulard. Absolument.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... en interdisant de vendre ou d'offrir à titre gratuit des produits du tabac aux mineurs âgés de moins de seize ans, et je ne reprendrai pas les arguments excellemment développés par le ministre et le rapporteur.
    Le tabac est largement plus meurtrier que l'insécurité routière, qui fait huit fois moins de victimes ! Véritable fléau, le tabagisme est aussi la première cause de mortalité évitable.
    La mesure la plus cohérente pour lutter contre le tabagisme est d'empêcher l'initiation précoce au tabagisme. C'est la prévention primaire, mesure à la fois la moins coûteuse, la plus efficace, et associée à la meilleure qualité de vie pour tous.
    Tous nos efforts doivent donc se porter vers un objectif : inciter à ne pas commencer à fumer ; de ce point de vue, la proposition est apparue très satisfaisante à la commission.
    Deuxième angle : les buralistes. Ceux-ci ont exprimé leurs inquiétudes aux députés, notamment des régions frontalières.
    M. Yves Bur. Où il y a un vrai problème !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il est clair que les membres de la commission comptent sur l'engagement des buralistes et sur leur contribution active et responsable.
    C'est la raison pour laquelle ils ont été très hostiles à des sanctions trop lourdes en cas d'infraction, principal reproche à la proposition de loi qui nous a été soumise.
    M. Yves Bur. En effet !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il est primordial de le rappeler : nous faisons la guerre au tabac, pas aux buralistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les buralistes sont des préposés de l'administration qui participent à un précieux réseau de commerces de proximité. Je tiens de ce point de vue à saluer les efforts du rapporteur Cherpion et du député Yves Bur qui ont milité pour une solution raisonnable (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), en concertation avec la confédération des marchands de tabac qu'ils ont rencontré à plusieurs reprises.
    Troisième angle : les industriels, les grandes compagnies mondiales, dont les efforts de lobbying n'ont pas manqué au cours des dernières semaines.
    Parce que nous souhaitons court-circuiter les efforts de ces industriels qui essaient de recruter par tous les moyens de nouveaux fumeurs chez les plus jeunes, nous avons proposé, entre autres, l'interdiction de la vente de petits paquets de cigarettes. Nous souhaitons également que soient précisées les conditions dans lesquelles les oeuvres cinématographiques faisant apparaître des marques de cigarettes, leur symbole ou identité graphique et visuelle peuvent bénéficier de soutiens publics.
    Nous demandons enfin que soit prohibée la publicité de produits comme le papier à cigarettes. Bien sûr, le principal volet de la politique antitabac du Gouvernement ne repose pas sur la prohibition, mais sur la programmation de fortes hausses des prix qui sont un instrument essentiel pour infléchir la consommation.
    Je rappelle que le Président de la République, lors de la présentation des grandes orientations du plan cancer, a indiqué que cette politique serait poursuivie avec résolution, en soulignant que les recettes supplémentaires qui en découleraient financeraient la lutte contre le cancer et les grandes actions de santé publique
    On sait que l'augmentation du prix des cigarettes enregistrée au début de l'année s'est avérée inférieure aux hausses espérées : 11 % au lieu des 17 % attendus.
    Pour tenir compte de cette situation, le Gouvernement propose à l'occasion de ce texte d'augmenter la fiscalité des cigarettes afin d'inciter les industriels à augmenter leurs prix.
    Je n'évoquerai pas ici des sujets comme l'éducation à la santé ou les substituts nicotiniques, car ils seront abordés au cours de la discussion. Je conclurai en disant que le rapporteur et la commission ont amélioré un texte qui peut l'être encore, et qui le sera sans nul doute, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, dans des projets à venir concernant la santé publique et, pourquoi pas, à l'occasion du PLFSS.
    C'est une stratégie globale, nous l'avons bien compris, que vous mettez en place. Et votre message, monsieur le ministre, qui est aussi celui du Gouvernement, les députés de la commission l'ont bien entendu : il y a urgence à faire un geste fort dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Fumer tue » : tel est le nouveau slogan accolé aux paquets de cigarettes. Ce message récurrent n'est pas nouveau. Depuis quelques décennies déjà, on ne cesse de nous mettre en garde contre les méfaits du tabac et l'augmentation des risques de cancer. Aujourd'hui, on dénombre, et vous l'avez rappelé, 40 000 décès dus à des cancers liés au tabac.
    Mais, en dépit de toutes les alertes, en dépit de l'augmentation continue des prix, le nombre de consommateurs réguliers de cigarettes peine à diminuer. Dès lors, taxer, surtaxer, est-ce réellement la bonne solution ? Il est permis de se poser la question, surtout lorsque les recettes de ces taxes ne profitent pas à la prévention !
    Un des constats les plus inquiétants est que, malgré l'envolée manifeste des prix, malgré le renforcement des interdictions, malgré une communication percutante, la consommation ne cesse d'augmenter ces dernières années chez les jeunes : environ 50 % des jeunes hommes et des jeunes femmes fument. L'adolescence est un âge critique, l'âge de toutes les libertés, de tous les défis. Selon une étude de l'INSEE, « la plupart des fumeurs actuels et anciens fumeurs déclarent avoir commencé à vraiment fumer à l'adolescence : environ un quart d'entre eux fumaient déjà quotidiennement à 15 ans, la moitié à 17 ans, et neuf sur dix à 22 ans. Chez les hommes, quel que soit leur âge actuel, l'âge de début du tabagisme quotidien se situe principalement avant 20 ans. Cela est vrai aussi chez les femmes les plus jeunes, alors que chez les femmes les plus âgées, les âges d'entrée sont plus étalés. »
    Face à cette situation, je voudrais souligner ici l'intérêt que nous aurions pu porter à la proposition de loi initiale qui fut déposée au Sénat par M. Bernard Joly. Parmi celles de ses dispositions qui ont été écartées par la commission, il en est une qui avait un but préventif non négligeable : la prise en charge par l'assurance maladie, pour les mineurs de moins de dix-huit ans, des substituts nicotiniques.
    J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi cette disposition a été écartée d'une proposition de loi qui néglige à présent la prévention au profit d'une répression à l'encontre des débitants de tabac. La lutte contre le tabac préoccupe ceux-ci sur deux aspects : le souci de santé publique, bien sûr, et la diversification de leur activité dans l'hypothèse où, comme nous le souhaitons, la consommation diminuerait. Aussi, ils réfléchissent aux mesures qui pourraient être prises pour participer à cette lutte commune et aux compensations fiscales susceptibles d'être apportées, mais aussi aux nouveaux produits de service public de proximité qu'ils pourraient assurer. Monsieur le ministre, sur ces points, ils attendent vos réponses.
    Dans l'immédiat, c'est l'insuffisance manifeste de la prévention, ajoutée au choix de sanctions disproportionnées à l'égard des débitants de tabac, qui a conduit au rejet de cette disposition par la commission.
    Le constat est pourtant clair : malgré différentes dispositions auxquelles j'ai fait allusion - loi Evin, augmentation du prix du tabac, campagnes publicitaires - , nous n'assistons qu'à une baisse relative de la consommation. Ces dispositions sont donc insuffisantes : elles n'ont pas empêché 50 % des jeunes de devenir des fumeurs réguliers. Par conséquent, il faut se demander comment être plus efficace.
    Certes, la proposition de loi qui nous est soumise a un objectif auquel chacun d'entre nous doit souscrire. Mais les réponses proposées nous semblent inadaptées, voire hypocrites. D'un côté, on cherche à prévenir à coup de campagnes d'information dans les écoles ; de l'autre, on cherche à punir. A punir qui ? Les fumeurs ? Les fabricants de cigarette ? Non. Les vendeurs de cigarettes ! Des amendes exorbitantes leur seront infligées s'ils vendent du tabac à des mineurs. De fait, on les stigmatise. Responsabiliser les débitants de tabac et les cafetiers, soit. Mais assurer l'application de ces dispositions me semble difficile. Plus difficile en tout cas que d'engager le remboursement des substituts nicotiniques.
    En effet, vous nous présentez encore un volet prohibitif alors qu'on ne peut pas se contenter de réprimer. Le problème qui nous est posé n'est pas de punir un fumeur mais de l'aider à ne plus fumer, et c'est particulièrement vrai pour les jeunes.
    Bien souvent, ceux-ci commencent à fumer au collège ou au lycée, à la sortie des cours. Et en général, après le lycée, une bonne partie d'entre eux sont devenus des fumeurs réguliers. Que leur propose-t-on concrètement ? Des campagnes de publicité agressives pour leur montrer que fumer est nocif ou des discours empreints de moralité qui, à cet âge, n'ont qu'un effet relatif. Aucune solution concrète n'est proposée aux jeunes si ce n'est l'interdiction. Même s'ils ont une quelconque volonté d'arrêter de fumer, les aides sont rares. Le sevrage « sec » est bien souvent la seule solution.
    Quand un grand plan de lutte contre le cancer est annoncé, comme celui dont se prévaut le Président de la République, on pourrait s'attendre à une action concrète pour aider à l'arrêt du tabac. Or la seule méthode proposée est une augmentation régulière du prix du paquet de cigarettes. Mais vous comme moi, nous ne sommes pas dupes. Vous savez très bien que des marchés parallèles vont être mis en place, que les gens vont aller chez nos voisins européens pour se réapprovisionner. A quoi servent tous ces effets d'annonce et la multiplication des discours du Gouvernement si on ne se pose pas la vraie question ?
    Depuis plusieurs années, le groupe communiste et républicain demande que soient pris en charge les substituts nicotiniques pour une meilleure prévention des risques du tabagisme. Aujourd'hui, le Gouvernement souhaite que soient mis en oeuvre les moyens permettant de restreindre les risques du tabac. S'attaquer à l'âge crucial pour le tabagisme est une bonne idée, mais il faut pouvoir proposer aux jeunes des réponses concrètes : une prise en charge des substituts nicotiniques dans le cadre d'un dialogue avec les professionnels de santé.
    Le groupe communiste et républicain a déposé deux amendements. Tous les deux ont été rejetés en commission, non seulement rejetés mais déclarés irrecevables. Nous ne pouvons, après cela, que nous demander si cette ambitieuse lutte contre les risques liés au tabagisme n'a pas d'ambitieux que le nom. Car ces amendements répondaient de manière active aux besoins de prévention d'une population jeune.
    Le premier avait pour objet d'insérer les substituts nicotiniques dans un circuit de soins directement accessible aux adolescents : l'infirmerie du lycée ou des réseaux de soins, par exemple. Un lycéen pourrait se rendre à l'infirmerie de son lycée où, en plus de substituts nicotiniques pour l'aider à arrêter de fumer, il recevrait une écoute de la part du personnel médical, lequel pourrait sans trop de problèmes se tenir informé de l'évolution de son sevrage. Toutefois, cela suppose également d'accorder les moyens nécessaires à la médecine scolaire, bien trop souvent traitée comme le parent pauvre.
    Aussi, permettez-moi de relayer l'inquiétude légitime, et que je partage, des acteurs de la communauté éducative et de la médecine scolaire quant au projet du Gouvernement de décentraliser certaines responsabilités en matière de vie scolaire vers les collectivités locales, et ce sans moyens supplémentaires particuliers. Il faut reconsidérer cette question et se pencher sérieusement sur le rôle précieux de la médecine scolaire, qu'il convient de développer et d'encourager.
    Le deuxième amendement proposait, de manière plus générale, la prise en charge des substituts nicotiniques par l'assurance maladie pour les moins de dix-huit ans. Il reprenait une disposition de la proposition de loi initiale, qui me paraissait être la plus opportune pour répondre réellement au souci de santé publique qui nous préoccupe aujourd'hui.
    La prise en charge des substituts nicotiniques pourrait être une réponse dans le cadre d'une politique générale de lutte contre le tabagisme. Il faut prendre ce problème au sérieux.
    Montrer à nos concitoyens que nous nous préoccupons de leur bien-être et que l'Etat est aussi là pour les aider, et non systématiquement pour les punir, doit être l'une de nos priorités. C'est pourquoi, aux dispositions de répression, nous opposons dialogue et concertation entre le jeune qui fume et une équipe médicale, en vue d'un sevrage.
    Je crains que cette initiative parlementaire ne soit encore vouée à l'échec car elle ne prend pas en considération le véritable enjeu de la question. Pourtant, monsieur le ministre, en faisant discuter ces amendements, vous avez l'occasion de donner du sens aux actions de prévention et de lutter efficacement contre le tabagisme des mineurs.
    Si nous partageons l'objectif de santé publique visé, nous nous interrogeons sur le bien-fondé de cette proposition de loi qui a été rejetée par la commission et retirée de l'ordre du jour du 15 mai dernier justement pour cette raison.
    Aujourd'hui, en session extraordinaire, ce texte ressurgit alors que le projet de loi sur la politique de santé publique que vous avez déposé comporte un volet consacré à la lutte contre le tabagisme qui s'insère dans un ensemble plus cohérent.
    Mme Catherine Génisson. Exactement !
    Mme Muguette Jacquaint. Je ne comprends décidément pas la démarche du Gouvernement qui dit faire de la lutte contre le tabac l'une de ses priorités et qui, dans le même temps, soutient une proposition de loi aussi « petit bras ».
    Je crois qu'il serait préférable de ne pas légiférer plutôt que de mal légiférer. Une vraie réflexion d'ensemble est aujourd'hui nécessaire afin de lutter de manière réellement efficace contre le tabagisme chez les jeunes. C'est pourquoi le groupe des députés communistes et républicains s'abstiendra sur ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
    M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter d'avoir fait inscrire à l'ordre du jour cette proposition de loi, respectant en cela l'engagement que vous aviez pris en février dernier de restreindre la consommation de tabac chez les jeunes.
    Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat a ensuite été repoussée par la commission des affaires sociales de notre assemblée, le 6 mai 2003, parce qu'elle donnait l'impression d'être excessive et disproportionnée dans ses sanctions et parce qu'elle stigmatisait le métier de buraliste.
    L'engagement que M. le Président de la République a pris le 24 mars 2003 de lutter contre le cancer vaut pour nous obligation d'ouvrir le débat, mais surtout de faire des propositions.
    Dans son allocution, il a rappelé que l'usage du tabac et de l'alcool est en France parmi les plus répandus en Europe. Et je vous propose, monsieur le président, mes chers collègues, de voir pourquoi le tabac et l'alcool sont ce que j'appelle des « tueurs planétaires », contre lesquels le Gouvernement s'apprête à faire la guerre.
    La France compte actuellement 13,5 millions de consommateurs de tabac, dont 8 millions d'hommes et 5,4 de millions de femmes. Nous savons que, chaque année, 60 000 décès - dont 5 000 chez les femmes - sont directement liés à la consommation de tabac et qu'environ 40 000 sont liés à l'alcool.
    L'analyse d'une importante étude économique sur l'alcool et le tabac publiée dans Le Monde du 26 octobre 1999 confirme un coût social pour notre pays de 13,5 milliards d'euros par an. Et pour l'an 2025, le rapport de M. Recours, commandé par le Premier ministre de l'époque en 1999, prévoit une progression majeure du nombre de décès, avec le chiffre faramineux de 160 000 par an.
    Autres chiffres inquiétants mais révélateurs de ce défi : parmi les jeunes de douze à vingt-cinq ans, 37 % déclarent fumer : 34 % de garçons et 40 % de filles. Rappelons aussi, mes chers collègues, vous qui êtes aussi parents ou grands-parents, que la première cigarette est toujours fumée en moyenne à onze ans et trois mois et qu'un parent sur quatre accepte de voir son enfant fumer. L'adolescence est donc bien l'âge critique où se prennent les mauvaises habitudes en matière tabagique. Et chacun sait que les drogues illicites, le tabac et l'alcool ont un point commun : créer une dépendance.
    La direction générale de la santé a fait le constat suivant : entre 1980 et 2000, nous sommes passés de 150 000 à 280 000 cas de cancer.
    Mme Claude Greff. C'est énorme !
    M. Jean-Pierre Door. Le nombre de nouveaux cancers a donc quasiment doublé en moins de vingt ans.
    M. François Goulard. C'est effrayant !
    M. Jean-Pierre Door. Une telle évolution est liée à la progression de certains facteurs de risque, parmi lesquels la consommation d'alcool et de tabac. Notre pays enregistre d'ailleurs une exposition aux risques de maladies cardio-vasculaires et au cancer qui est considérable.
    La consommation de tabac a atteint un niveau élevé. Certes, on a pu constater des sevrages et une prise de conscience chez certains fumeurs depuis que des campagnes d'information ont été lancées et que la loi Evin est respectée dans certains lieux publics, mais cette évolution bénéfique est annihilée par l'extension du tabagisme à de nouvelles catégories de la population, en particulier les jeunes filles et les femmes.
    Nous ne pouvons que nous féliciter que la France présente des résultats positifs en matière de santé. L'espérance de vie à la naissance est parmi les plus élevées du monde, avec quatre-vingt-un ans pour les hommes et quatre-vingt-six ans pour les femmes. Notre effort financier est considérable en matière de santé. La France possède d'ailleurs l'un des meilleurs taux de survie après cancer en Europe ainsi que l'une des meilleures prises en charge au monde pour ce qui concerne les problèmes coronariens. La performance de notre système de santé le situe dans le peloton de tête de tous les pays industrialisés.
    Mais, car il y a un « mais », paradoxalement, dans notre pays, la mortalité prématurée avant soixante ans serait parmi les plus élevées d'Europe. Ses principales causes sont connues : cancers du poumon, consommation d'alcool, accidents routiers.
    Nous devons donc nous poser la question suivante : quelle est la faiblesse française ? La réponse n'est pour personne une surprise : c'est la prévention d'où les actions engagées par le chef de l'Etat et par le ministre de la santé.
    Le champ d'action est immense. Il est indispensable d'agir sur le comportement individuel et plus particulièrement sur les consommations toxiques et addictives comme celles de tabac et d'alcool.
    Force est alors de mettre en oeuvre une politique de dépistage et de prévention pour alerter nos concitoyens sur des sujets majeurs comme les maladies cardio-vasculaires ou le cancer. Après tant d'années de négligence, la prévention est devenue une composante indispensable de la prise en charge de toutes les questions de santé.
    Dans une carrière de médecin cardiologue, on ne compte plus les situations difficiles, de détresse, de handicap, les échecs, les drames. Pendant que je rédigeais ces lignes m'est revenu en mémoire le cas d'une jeune femme de vingt-deux ans, fumant quarante cigarettes par jour et prenant la pilule. Elle présentait un infarctus d'apparition récente qui avait été pris en charge, mais une sténose serrée de l'artère carotide a été à l'origine d'un accident neurologique irréversible. Vingt-deux ans, c'est jeune, et on a envie de dire qu'un tel état pathologique est illégitime. Mais l'association du tabac et de la pilule est potentiellement catastrophique.
    Oui, nous savons que le tabac marque son empreinte mortelle dès le plus jeune âge. Une très ancienne étude américaine avait révélé que les soldats tués lors du conflit au Vietnam présentaient à l'autopsie des lésions sur les parois coronaires et artérielles. Ils étaient pourtant costauds et n'avaient que vingt ans, mais ils fumaient.
    Dans un débat récent sur les méfaits du tabac, un orateur signalait que les objectifs des stratégies de prévention mises en place par l'Etat ne peuvent être réduits à un gain en nombre d'années vécues. Pour les jeunes, l'augmentation de la durée de vie ne veut rien dire, et la consommation de tabac ou d'alcool est souvent révélatrice d'une certaine insouciance. Il serait donc utile que cet aspect des choses soit pris en compte dans l'élaboration de nos politiques de santé publique.
    La lutte contre le tabagisme commencée il y a quelques années par notre collègue Evin est une avancée réelle, mais trop souvent ignorée ou contestée.
    L'interdiction de vente aux moins de seize ans proposée par le rapporteur traduira une certaine prise de conscience de notre société, qui doit enfin sortir de sa coupable indifférence.
    La sanction renforcée des coupables de contrebande de cigarettes envers les mineurs, souvent dans l'environnement scolaire ou dans les lieux de loisirs, doit être confirmée et aggravée, après renfort de l'article 39 de la loi de finances. La lutte contre les actions qui facilitent l'approvisionnement en tabac sur le terrain confirmera la loi Evin qui a été la première arme contre les intérêts des lobbies du tabac.
    Le tribunal de la commune dont je suis l'élu a été le théâtre du procès de la veuve d'un fumeur contre un manufacturier, qui a fait grand bruit il y a quelques années.
    Enfin, une véritable politique de prévention consisterait à mettre en place des mesures d'éducation précoces afin de diminuer la fréquence du tabagisme chez les jeunes.
    Tels sont les axes directeurs du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre.
    J'en viens à ma conclusion.
    Bien vieillir est un défi de santé publique dont la clé appartient aux individus, et cela dès leur plus jeune âge. Le coeur est le formidable moteur de la machine humaine. L'intégrité de l'organisme dans son entier nécessite qu'on le protège contre ces tueurs planétaires.
    Un sondage IFOP publié en mai dernier révélait que 69 % des Français étaient favorables à l'interdiction de la vente de cigarettes aux moins de seize ans.
    Soutenu également par la Fédération française de cardiologie et par les associations de lutte contre le cancer, ce projet de loi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, est utile et nécessaire. Le groupe UMP vous remercie de l'avoir rendu plus que symbolique, proportionné et applicable, en concertation également avec les représentants des buralistes. Pour toutes ces raisons, nous approuvons ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous pencher sur une proposition de loi de Bernard Joly, sénateur, adoptée en première lecture par le Sénat le 11 février 2003 et rejetée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale le 7 mai 2003. Ce texte a pour objet un enjeu fondamental de santé publique : lutter contre le tabagisme et ses conséquences médicales.
    Le texte propose une mesure et un dispositif visant à empêcher les jeunes, dont on sait qu'ils sont un public captif, de s'accoutumer à la consommation de tabac. Comment ne pas être unanimes sur l'objectif quand le tabagisme est la cause de 60 000 décès par an en France, soit plus d'un décès sur neuf, dont 25 % par cancer ? Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, on voit aujourd'hui se développer les cancers bronchiques chez les femmes. Je ne m'attarderai pas sur les conséquences en matière de morbidité, notamment sur le développement des maladies cardio-respiratoires, puisque M. Door vient de le faire.
    Sans stigmatiser les jeunes, comment ne pas réfléchir aux dispositions à prendre afin de faire en sorte que ceux-ci ne commencent pas à fumer et ne s'accoutument pas au tabac ?
    En effet, le Baromètre santé 2000, réalisé par le Comité français d'éducation par la santé, permet d'établir que 37 % des jeunes Français de douze à vingt-cinq ans déclarent fumer, ne serait-ce qu'occasionnellement. Cette proportion est de 8,5 % pour les douze-quatorze ans, 40,9 % pour les quinze-dix-neuf ans, et on atteint le maximum de 47 % chez les vingt-vingt-cinq ans. 4,1 % des douze-quatorze ans déclarent fumer régulièrement, c'est-à-dire au moins une cigarette par jour. 36,8 % des garçons de douze à vingt-cinq ans déclarent fumer, contre 36,5 % chez les filles. Toutefois, les adolescentes de douze à quatorze ans fument plus que les garçons du même âge. Le problème est donc tout à fait réel.
    Le texte que nous examinons est-il cependant adapté, à même de prendre en charge ce grave problème ? Nous ne le pensons pas. A nos yeux, ce texte apparaît comme un cache-misère qui ne résout pas les problèmes qui se posent aujourd'hui. Il serait beaucoup plus judicieux d'aborder cette question difficile dans le cadre du prochain examen du projet de loi relatif à la santé publique.
    En effet, il convient de traiter cette question de manière globale, dans un projet cohérent, avec des moyens réels en matière de prévention. Cette proposition de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. La lutte contre le tabac doit prendre toute sa place dans une politique de santé publique globale fondée sur la prévention. C'est d'ailleurs ce dont nous avons largement débattu en commission. C'est votre programme, monsieur le ministre, dans votre projet de loi sur la santé publique. C'est aussi ce que vous nous avez dit ce matin.
    Nous pensons que les dispositions contenues dans ce texte sont à la fois impraticables et insuffisantes, même si l'interdiction de vente aux mineurs est un vrai sujet qui transcende les clivages politiques - en atteste la vivacité de nos débats en commission hier encore - et la communauté scientifique. Environ 50 % des scientifiques sont pour l'interdiction de vente aux mineurs. Un de nos anciens collègues, Alfred Recours, prônait d'ailleurs cette mesure dans un rapport remis au Premier ministre Lionel Jospin. A l'inverse, des membres de la communauté scientifique y sont opposés, en particulier au sein du Comité français d'éducation pour la santé. Mme Sylviane Ratte, qui est chargée de mission « tabac » à la Ligue contre le cancer, est très hostile à cette disposition.
    Je vais tenter de vous expliquer pourquoi, en ce qui nous concerne, nous pensons qu'elle n'est pas appropriée. Il suffit de regarder les exemples étrangers. Alors que plusieurs pays ont d'ores et déjà une législation interdisant ou restreignant la vente aux mineurs - seize ans en Espagne, en Irlande et au Royaume-Uni, quatorze ans en Italie, dix-huit ans en Finlande et en Suède - il apparaît clairement que de telles mesures connaissent généralement une application assez faible. En outre, lorsqu'elles sont effectives, l'analyse montre qu'elles n'ont pas d'impact en termes de réduction de l'initiation tabagique chez les adolescents.
    Franck Chaloupka, économiste de la santé, professeur à l'université de Chicago, expert auprès de l'OMS et de la Banque mondiale, déclare : « Je ne suis pas sûr que cette politique est efficace pour réduire le tabagisme des jeunes. Dans le rapport de la Banque mondiale, nous avions conclu que ce type de restriction de l'offre est souvent inefficace et que mieux vaut mettre l'accent sur la diminution de la demande, au travers de la hausse des taxes, des limitations du tabagisme dans les lieux publics et au travail, les interdictions de toute publicité et promotion et un accès accru aux médicaments de substitution nicotinique et aux services d'aide à l'arrêt. »
    Nous savons aussi qu'il existe une attente de l'industrie du tabac. Le docteur Alain Blum, directeur du centre de recherche sur l'industrie du tabac de l'université d'Alabama, déclare : « Les compagnies de tabac elles-mêmes ont presque toutes conçu des programmes pour inciter les jeunes à ne pas fumer »...
    M. Yves Bur. On ne peut guère les croire !
    Mme Catherine Génisson. ... « parce que cela correspond à leur nouvelle image compatissante. En effet, leurs propres efforts pour dissuader les adolescents d'accéder aux cigarettes sont plus visibles et agressifs que tout ce que nous avons pu voir dans la communauté sanitaire ».
    Clives Bates, directeur de ASH Royaume-Uni, nous dit : « Les seules mesures de lutte contre le tabagisme que l'industrie du tabac soutient sont celles qui ont le moins de chances de fonctionner et le plus d'être contre-productives. L'accent mis sur les mesures qui régissent l'accès des jeunes au tabac, comme les limites d'âge, leur respect par les détaillants ou le recours direct aux jeunes ont pour effet de renforcer la définition de ce produit comme « adulte » et ainsi d'accroître son attrait auprès des enfants, comme celui d'un fruit défendu ou d'un rite de passage à l'âge adulte. Plus vous mettez l'accent sur les enfants, plus vous rendez le produit attractif pour les personnes qui veulent devenir adultes, à savoir les enfants. »
    Ainsi, une interdiction de la vente de tabac aux moins de seize ans a pour conséquence de renforcer l'idée que le tabac ne serait plus nocif à partir d'un certain âge. Elle peut s'avérer contre-productive dans la mesure où elle contient le message implicite que fumer signifie être adulte. Cette crainte est d'autant plus justifiée que l'industrie du tabac milite pour cette interdiction. Il ne s'agit certainement pas d'une attitude purement dénuée d'intérêt. A aucun moment la question de la responsabilité des fabricants eux-mêmes n'est posée. Or on sait, par exemple, que ces derniers parviennent à contourner la législation grâce à des parrainages d'actions sportives ou culturelles qui visent en réalité à améliorer leur image de marque et à faire indirectement de la publicité pour le tabac.
    Il ne faudrait pas non plus, monsieur le ministre, que cette interdiction soit interprétée comme un signe de désengagement de la prévention et du rôle de l'Etat, mais vos propos m'ont rassurée sur ce point.
    Mais, surtout, nous pensons qu'une politique répressive est moins efficace qu'une politique éducative. L'interdiction déresponsabilise et infantilise les jeunes concernés.
    L'interdiction de la vente de tabac aux mineurs pose ainsi plusieurs questions du point de vue de l'éducation pour la santé : celle du rapport des adolescents et des jeunes à la loi et aux interdits ; celle du rapport entre la loi et l'éducation en matière de santé : interdire est-ce la meilleure façon d'éduquer ? ; celle de la pertinence de la mesure compte tenu de la psychologie de l'adolescent, des représentations de la santé chez les adolescents et les jeunes et des déterminants des comportements de santé dans cette population.
    Ainsi, on peut s'interroger sur le bien-fondé de cette loi. Est-elle destinée à protéger les adolescents enclins naturellement à se soumettre aux interdits et aux normes sociales et pour lesquels la loi aura valeur de repère quant à leur engagement dans des attitudes ou des comportements socialement valorisés ? Ou est-elle destinée aux adolescents qui ont tendance à se poser en s'opposant ou qui s'engagent régulièrement dans des conduites autodommageables et pour lesquels la loi risque de représenter une incitation supplémentaire à l'adoption de comportements favorisant leur intégration à un groupe déviant ? Il faut souligner que les conséquences de cette loi ne seront pas les mêmes selon la perception qu'en auront les adolescents et leur façon de l'intégrer à leur vie quotidienne.
    Le Comité français d'éducation pour la santé soulignait en 2000 que l'adoption de cette mesure sans aucun accompagnement auprès des jeunes comporte le risque de stigmatiser les adolescents fumeurs comme étant des personnes « à problèmes » puisqu'ils se verraient assimilés, en tant que fumeurs, à des déviants ou à des délinquants au regard de la loi et donc de la société.
    Cette mesure, qui vise à « protéger » les mineurs en limitant leur accès au tabac, comporte ainsi le risque de nuire aux plus jeunes plus que de leur être bénéfique. D'une part, l'accent est mis à nouveau sur le symptôme sans action sur les déterminants du tabagisme chez les jeunes. D'autre part, la baisse d'estime de soi qui pourrait résulter de l'assimilation à un déviant ou à un délinquant est susceptible d'exercer une influence négative sur les possibilités éventuelles de sevrage. Enfin, mettre uniquement l'accent sur l'exclusion sociale d'un comportement peut s'avérer très déstabilisant pour un jeune fumeur, alors que plus de la moitié des consommateurs de tabac âgés de douze à dix-huit ans déclarent souhaiter s'arrêter de fumer. Et je ne m'attarderai pas sur la possibilité évidente de faire acheter ses cigarettes en se faisant « taxer » au passage.
    Par ailleurs, il est anormal de transformer les buralistes en boucs émissaires ou de les rendre responsables du phénomène de l'accoutumance au tabac des jeunes. L'interdiction prévue par ce texte est inapplicable lorsqu'on sait que le temps de vente d'un paquet de cigarettes est en moyenne de trente secondes. Sans évoquer les difficultés particulières que vont rencontrer, sur ce point, les commerces situés dans des quartiers sensibles où se posent déjà des problèmes de sécurité.
    En outre, il convient de se rendre compte de la réalité de ce métier. Une manifestation, à Strasbourg, a d'ailleurs récemment réuni 5 000 buralistes très mobilisés. C'était la première fois que cette profession descendait ainsi dans la rue. En effet, elle est actuellement confrontée au développement des ventes transfrontalières et à la prolifération de la contrebande qui fragilisent directement l'équilibre économique de nombreux débits. Or cette proposition de loi risque d'amplifier et d'alimenter ce marché noir.
    La baisse des ventes de tabac et des autres produits et services déséquilibre les comptes de ces commerces. Il conviendrait donc, plutôt que de légiférer dans l'urgence en faisant porter le poids de la lutte contre le tabac chez les jeunes sur cette seule profession, de réfléchir avec eux à la façon de les associer aux enjeux de santé publique. Notre collègue Jean-Marie Le Guen nous a ainsi suggéré hier, en commission, de réfléchir à une charte de bonne pratique entre les buralistes et le ministère de la santé. Et, nous nous réjouissons, monsieur le ministre, que vous nous ayez fait des propositions allant dans ce sens.
    Cette proposition de loi pose donc plus de questions qu'elle n'apporte de réponse à un vrai problème de santé publique. A cet égard, l'argument qui consiste à dire qu'en la matière faire peu ou de façon imparfaite est déjà bien n'est pas recevable. En effet, mettre sur la place publique ce difficile problème implique d'y apporter des solutions crédibles. On ne peut donc se contenter de cette proposition de loi qui pourrait avoir un effet boomerang et plutôt contre-productif parce que le dispositif prévu est inefficace. Non, nous n'avons pas le droit de nous donner bonne conscience à bon compte.
    Et je n'ai pas abordé l'important problème, que personne n'a encore évoqué, de la vente par Internet. Quand on connaît l'attraction de ce moyen de communication sur les jeunes, qui l'utilisent de façon quotidienne et permanente, on ne peut que s'interroger sur l'absence de mesures permettant de lutter contre ce type de vente, notamment lorsqu'on sait que le paquet de cigarettes y est proposé à 2 ou 2,5 euros et que l'on peut disposer de sa commande sous quarante-huit heures.
    Cela étant, il serait stérile de critiquer si nous n'apportions pas des propositions concrètes. Aussi, nous indiquons qu'il est très important de faire réellement respecter les dispositions de la loi Evin dans les lieux publics, les établissements scolaires et les hôpitaux.
    Ainsi, une étude sur les conduites déviantes des lycéens réalisée en 1998 par le CNRS révèle que la prévention en milieu scolaire concerne peu d'élèves : moins de 30 % des lycéens interrogés disent que quelque chose a été fait dans leur établissement pour les inciter à ne pas fumer. Un renforcement du dispositif et des moyens consacrés à la lutte contre le tabagisme est donc primordial. Il est par exemple important de lutter contre les actions de promotion illicites de l'industrie du tabac ciblant les jeunes.
    S'agissant du milieu scolaire, il serait intéressant de demander au ministère de l'éducation nationale de procéder à une enquête à l'école pour faire l'état des lieux de consommation tolérés par les chefs d'établissement. Cela pourrait être l'occasion de susciter une réflexion du corps enseignant sur son rôle en matière de prévention, sur ses responsabilités et sur l'importance de l'exemplarité du comportement des adultes. A cet égard, je note que les parents sont absents de notre discussion. Or, il est essentiel de les mobiliser également.
    Il faut donc responsabiliser les jeunes et les associer très largement aux campagnes de lutte contre le tabac. Voici des exemples très précis qui ont donné des résultats.
    Ainsi, le programme californien vise à changer l'image du tabac dans la société pour qu'il soit perçu négativement par l'ensemble de la société. Il ne se concentre pas sur les jeunes comme premiers destinataires d'un programme de prévention. L'objectif est plutôt de faire en sorte que les enfants ne grandissent pas dans un milieu où l'on fume - école, famille, loisirs - et que les adultes soient conscients du rôle et des modèles qu'ils sont pour les jeunes.
    Les programmes « jeunes », à l'intérieur du programme de l'Etat californien, favorise essentiellement l'implication des jeunes dans des actions d'opposition à une industrie du tabac qui les cible et dont les pratiques ne sont pas éthiques. C'est sur ce registre que le programme californien implique les jeunes sur un militantisme éthique et non pas sur la connaissance des dangers du tabagisme. Les actions peuvent être diverses : campagnes de protestation, développement de slogan et campagnes qui dénoncent les pratiques de l'industrie, l'exploitation des pays en voie de développement, la manipulation du produit.
    Prenons à présent l'exemple de la Floride. La campagne Truth est certainement la campagne ciblant directement les jeunes qui a enregistré le plus de succès : on peut noter une réduction entre 1998 et 2001 de la prévalence du tabagisme de 7 % chez les collégiens et de près de 5 % chez les lycéens.
    Comme dans le programme californien, la campagne Truth s'appuie sur une stratégie de dénonciation du comportement de l'industrie du tabac avec des messages « anti-manipulation » et « contre-marketing ». La différence est qu'elle se donne financièrement les moyens de parler aux jeunes d'une façon aussi intéressante que les cigarettiers
    Cette campagne, qui bénéficie de 15 millions de dollars, vise à jouer au même niveau que l'industrie du tabac en développant une marque et en lui prenant ainsi des parts de marché. Elle utilise toutes les techniques de marketing moderne pour vendre un nouveau produit, « la vérité », et capitaliser sur l'esprit de rébellion.
    Les responsables de cette campagne ont fait appel aux meilleurs publicitaires et ont impliqué les jeunes dès le début du processus. Lors d'une conférence annuelle, 500 jeunes donnent leur avis sur les orientations à prendre par les créateurs de la campagne.
    Vous le voyez, notre marge de manoeuvre est très large en matière de propositions pour faire en sorte que les jeunes soient dans une attitude d'acteurs dans la politique de prévention.
    En outre, il est important d'accompagner toutes les mesures tendant à favoriser l'accès des adolescents aux médicaments d'aide à l'arrêt du tabac. Il est également essentiel d'avoir une vision européenne de ce problème de santé publique et donc d'agir au niveau de l'Europe.
    Enfin, pour qu'une protection des mineurs soit envisageable, l'expérience nous montre qu'il est essentiel de sensibiliser les jeunes à la manipulation dont ils font l'objet et d'oeuvrer pour une société qui rendra le tabac non attrayant, offrant peu d'avantages.
    Après le rejet de ce texte par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 7 mai, nous avons, au titre de l'article 88, à nouveau examiné des amendements tendant à améliorer le texte. S'il faut saluer la patience de notre rapporteur, nos débats sont restés passionnés parce que nous n'avons pas estimé cette proposition de loi à la hauteur des enjeux proposés.
    Monsieur le ministre, nous attendons que vous nous présentiez votre projet de loi relatif à la politique de santé publique, auquel nous espérons travailler le plus rapidement possible.
    M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur le constat accablant des ravages du tabac dressé par mes collègues, car nous le partageons tous à juste titre. C'est ce qui est extraordinaire : j'ai rarement vu afficher sur tous les bancs de notre assemblée une telle unanimité sur l'objectif luttons tous contre le tabac. Pourtant, lors de nos discussions, nos débats furent confus, voire houleux. Pourquoi un tel décalage ? C'est à mon avis une question de forme et de fond. Sur la forme, le chemin pris par ce texte nous met mal à l'aise. Notre assemblée hérite d'un texte isolé et partiel alors que nous attendions tous votre grande loi globale sur la politique de santé publique à l'automne. Aussi avons-nous le sentiment désagréable qu'il manque un pilote dans l'avion. On ne sait pas vraiment ce que veut et ce que recherche le Gouvernement. Désire-t-il vraiment faire oeuvre de salut public ou préfère-t-il continuer à bénéficier de la poule fiscale aux oeufs d'or ? Nous pouvons nous interroger, à la lecture des amendements déposés. Monsieur le ministre, je vous sais personnellement sincère. Votre formation de médecin ne peut que nous rassurer, mais tel n'est pas le cas de tous dans notre pays.
    Le deuxième reproche porte sur une absence de concertation entre les différents partenaires concernés que sont les consommateurs et leurs associations éventuelles, les familles, les buralistes, les fabricants, le corps médical, les psychologues, les parlementaires et l'Etat.
    Le troisième reproche, lié au deuxième, porte sur le manque de recul et de vision européenne, voire mondiale du problème. Tel ou tel, dans cette enceinte, évoque tantôt des futurs projets mondiaux pilotés par l'OMS, tantôt de futures directives européennes.
    Avec la liberté du commerce dans les quinze, demain dans les vingt-cinq pays de l'Union européenne, chacun mesure la limite des politiques nationales propres, notamment sur les prix, les taxes et le conditionnement.
    Plus grave, l'absence de politique européenne cohérente favorise le trafic entre les pays voisins, notamment de la France, et offre surtout de véritables failles dont se saisit allègrement la contrebande mondiale.
    A la lumière de ces reproches, si nous sommes tous unanimes pour poursuivre cette guerre au tabac, nous ne pouvons ignorer les effets pervers de mesures exclusivement nationales et, de surcroît, parfois excessives.
    Notre malaise vient aussi du fait que ce texte est exclusivement répressif et n'aborde pas l'impérieuse nécessité d'une politique tout aussi déterminée de prévention. Or, puisqu'il nous est aujourd'hui soumis, veillons à le rendre moins inadapté et, surtout, attachons-nous à le rendre le plus cohérent possible. Aussi disons-nous oui, trois fois oui, à la guerre au tabac ; oui à des sanctions adaptées et proportionnelles à cette volonté clairement affichée et, surtout, oui à des sanctions applicables. En revanche, prenons des mesures d'accompagnement pour éviter que telle ou telle catégorie professionnelle ne supporte sur ses seules épaules la pleine responsabilité de cette guerre au tabac.
    Dans cet esprit, le groupe UDF a déposé plusieurs amendements. Tout d'abord, sur l'âge pourquoi seize ans ? Pour ménager la jeunesse ? Ne pas trop effrayer ? Préserver le plus longtemps possible des recettes fiscales en promettant, dans le temps, un relèvement à dix-huit ans ? Ne serait-il pas plus confortable, pour tous, à commencer par les plus exposés que sont les buralistes, de s'aligner sur la majorité légale ?
    A ce propos, monsieur le ministre, quitte à arrêter un âge légal minimum, le fixer à seize ans fait prendre à mon avis des risques au Gouvernement. Qui peut vous assurer, aujourd'hui, qu'avec cette nouvelle mesure juridique, vous ne serez pas, demain, poursuivi par un adulte majeur considérant que le Gouvernement ne l'avait pas assez protégé, au temps de sa minorité, des dangers mortels du tabac ?
    Sur le conditionnement, pourquoi dix-neuf cigarettes ? Si nous revenons à notre objectif de lutte contre le tabac, les paquets de dix ou quinze cigarettes sont effectivement plus attractifs financièrement pour les plus jeunes. Il faut donc les éliminer du marché sans hésiter. Mais, là aussi, je mets amicalement en garde le Gouvernement sur le fait que la consommation moyenne, en France, est de 14,3 cigarettes par jour. Si vous imposez un minimum de dix-neuf cigarettes par paquet, qui vous protégera d'une éventuelle action en justice d'un citoyen plaidant qu'il se serait bien limité à 14,3 cigarettes par jour, mais que le Gouvernement l'a contraint à augmenter sa consommation jusqu'à dix-neuf cigarettes parce qu'il n'a pas trouvé de paquet plus petit ? Ce genre de situation se rencontre dans les pays anglo-saxons. Nous pouvons donc anticiper, car gouverner, c'est prévoir.
    De même, si on admet que le coût d'une cigarette est un élément déterminant pour combattre la consommation, pourquoi continuer à autoriser la vente de paquets de vingt-cinq ou trente cigarettes, ce qui diminue significativement le coût unitaire ? Il serait plus logique d'envisager un prix unique pour un paquet unique de vingt cigarettes.
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je déposerai un sous-amendement dans ce but.
    Le plus simple serait donc de revenir au chiffre rond, classique, de vingt cigarettes par paquet. Cette décision aurait au moins le mérite d'enthousiasmer toutes les catégories professionnelles qui ont à compter, à manipuler ou à exposer des paquets de format différent. Cette mesure a même été réclamée par les buralistes avec force.
    Je n'aurai pas la cruauté de rappeler le plan anti-cancer et ses soixante-dix propositions agréées par le chef de l'Etat qui invitent à interdire les paquets de dix ou quinze pour éviter le contournement de la mesure précédente.
    Un autre amendement du groupe UDF porte sur la possibilité découler, après publication de la loi, les paquets non conformes à la nouvelle législation. J'avais proposé un délai d'un an. Nous acceptons, par cohérence, de retirer cet amendement, compte tenu du délai de publication des décrets.
    S'agissant des sanctions, il est vrai qu'il ne faut pas prendre les buralistes pour des boucs émissaires. Toutefois, les législateurs que nous sommes sont bien obligés de constater que, pour l'instant, l'exclusivité de la vente - si nous exceptons le réseau Internet- passe par eux. Aussi convient-il de prendre des mesures claires. Nous ne pouvons édicter de nouvelles règles sans fixer de sanctions en cas de transgression, sinon, quelle qu'elle soit, la règle n'a aucune valeur. Or, dans ce domaine, nous passons vraiment d'un excès à l'autre. Nos collègues sénateurs ne proposaient pas moins, en cas de récidive, qu'un an de prison, 7 500 euros d'amende et la privation de la licence.
    M. Yves Bur. C'est stupéfiant !
    M. Pierre-Christophe Baguet. De son côté, notre commission propose une amende de deuxième classe de 150 euros. Franchement, quelle crédibilité une telle proposition aura ! J'ai expliqué tout à l'heure notre souci de cohérence : oui à la guerre contre le tabac, mais oui à des sanctions adaptées à cet ambitieux objectif, avec des mesures d'accompagnement pour les professionnels. Avec 150 euros d'amende seulement, nous n'affichons pas vraiment notre détermination. Ce n'est plus une cause nationale à défendre. Ainsi, en termes d'éducation routière, la peur du gendarme et la gravité des sanctions ont fait progresser les mentalités. Je suis sûr que ce ne sera pas nécessaire pour la très grande majorité des buralistes, surtout si nous les écoutons et nous leur proposons des mesures d'aide adaptée. Ces sanctions se révéleront toutefois, j'en suis sûr, pédagogiquement nécessaires pour certains et pour l'opinion publique, ne serait-ce que pour les buralistes puissent se justifier auprès de clients quelque peu insistants.
    En ce qui concerne le prix, je suis surpris, monsieur le ministre, de découvrir, à l'occasion de l'examen de ce texte, un amendement gouvernemental qui relève l'incidence globale fiscale de 3 %. Pourquoi avoir choisi cette procédure plutôt que de relever le minimum de perception ? Au regard de notre objectif commun, votre choix a, à mes yeux, le triple handicap de pousser les consommateurs vers les produits à bas prix, de n'avoir pas assez d'impact sur les recettes fiscales, de ne pas donner de garantie suffisante quant à l'augmentation du prix des cigarettes. Prenons l'exemple du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, cher à notre collègue Yves Bur, au lendemain de l'examen duquel trois fabricants ont même baissé leurs prix !
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Si vous relevez le minimum de perception de taxe pour 1 000 cigarettes, vous contraignez les fabricants à augmenter leurs prix, ...
    M. Yves Bur. Absolument !
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... ce qui semble plus conforme à notre logique de guerre au tabac.
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je vous remercie d'approuver mes propos.
    J'attire également votre attention, mes chers collègues, sur les effets pervers d'une hausse, pourtant nécessaire, qui ne s'accompagnerait pas d'un renforcement de la lutte contre la contrebande et d'une harmonisation européenne.
    Aujourd'hui, la contrebande représente 7 % du volume global de cigarettes consommées en France. En Angleterre, il est de 30 % ! Si nous n'y prenons garde, le trafic, demain, sera aussi développé. Nous trouverons partout de véritables réseaux parallèles, accessibles non pas aux seize-dix-huit ans, mais aux dix-douze ans. Menons donc, monsieur le ministre, une chasse globale nationale et européenne. Vous devez aborder d'urgence ce sujet avec vos collègues européens ainsi qu'avec les ministres de l'intérieur et de la justice.
    Le dernier amendement déposé par le groupe UDF, le seul retenu par la commission, s'inscrit toujours dans notre logique de cohérence. Nous devons aider les buralistes à faire face aux baisses souhaitées par tous des ventes de cigarettes. Nous demandons au Gouvernement de présenter, en 2004, un rapport au Parlement étudiant la possibilité d'un alignement sur le régime de droit commun des commerçants en matière de taxe professionnelle.
    Pour conclure, monsieur le ministre, cette guerre légitime contre le tabac ne pourra être gagnée seulement avec des textes de loi. La première des actions à conduire porte sur la prévention. J'espère très sincèrement que vous annoncerez en ce sens toutes les mesures souhaitables dans votre futur projet de loi relatif à la politique de santé publique dont vous nous avez parlé il y a un instant. La seconde action réside dans la concertation. On ne pourra faire évoluer les mentalités sans le concours de tous.
    Optimiste de nature, je suis persuadé que tous les partenaires concernés se prêteront à cet objectif de salut public vous-même, l'Etat, les familles, les consommateurs, les buralistes, les fabricants, les médecins, les psychologues et, nous, les législateurs. Il faut pour cela un leader qui s'engage clairement : nous comptons sur vous, monsieur le ministre.
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en adoptant la réforme des retraites, en engageant enfin la modernisation de l'Etat qui vit au-dessus de nos moyens, et celle de notre système de santé, nous avons pour objectif, entre autres, de préparer l'avenir et de ne pas laisser aux générations futures un fardeau que nous n'aurions pas le courage d'assumer aujourd'hui. Il serait donc pour le moins paradoxal d'être animé d'une telle volonté et de ne rien entreprendre pour les préserver d'un fléau qui peut compromettre leur avenir.
    En effet, le tabagisme menace la santé d'une partie importante de la jeunesse de notre pays et il est temps de mieux prendre la mesure des risques catastrophiques que le tabac fait peser sur les fumeurs, en particulier sur les plus jeunes d'entre eux : un fumeur sur deux mourra de son tabagisme, un tabagisme méticuleusement entretenu par les fabricants de cigarettes dont la stratégie est celle du profit, fût-ce au détriment de la santé de leurs clients consommateurs.
    C'est la raison pour laquelle l'interdiction de vente du tabac aux mineurs de moins de seize ans constitue un signal fort pour développer une prise de conscience et mobiliser notre pays contre ce fléau. Nous n'avons jamais douté de l'importance de cette mesure de santé publique, sous réserve qu'elle ne stigmatise pas une profession, les buralistes, qui exerce, pour le compte de l'Etat et sous son contrôle vigilant, le monopole de la distribution des produits du tabac. En proposant de ramener la sanction pour les débitants de tabac au niveau d'une contravention de deuxième classe, soit 150 euros, nous les responsabilisons sans les accabler, ce qui permettra de nouer avec eux un partenariat actif pour appliquer cette interdiction.
    Cependant, le signal fort que nous adressons aujourd'hui à nos jeunes et à leurs parents ne doit pas rester isolé mais s'inscrire dans une véritable démarche d'éducation et de prévention bien en amont de la limite d'âge, afin que les jeunes comprennent mieux les dangers que l'avidité des cigarettiers fait peser eux et sur leur santé. Oui, monsieur le ministre de la santé, il est urgent de mobiliser l'ensemble du système éducatif dans cette lutte contre le tabac qui doit être sans concession. Nous ne devons pas être troublés par les arguments habilement distillés par l'industrie du tabac dont le lobbying pour atténuer les mesures néfastes à son insolente prospérité doit être dénoncé.
    M. René Couanau. « Insolente » est le mot juste !
    M. Yves Bur. Mes chers collègues, notre combat contre le tabac doit être plus déterminé que jamais car notre pays est en première ligne. Les ravages du tabagisme sont la peste des temps modernes.
    Le tabac tue, il tue dans la souffrance, dans d'affreuses souffrances, et la mort qu'il cause est toujours un drame, car elle est la plupart du temps prématurée ! Le tabac tue davantage de personnes que le sida, les accidents de la route, l'alcoolisme, les meurtres, les suicides, les drogues et les incendies réunis !
    Dans la lutte contre le tabagisme, nous ne devons pas nous tromper de cible. Notre ennemi n'est pas le planteur de tabac qui devrait être mieux rémunéré par les cigarettiers - ils en ont les moyens -, comme c'est le cas aux Etats-Unis, plutôt que d'être encore subventionné par l'Union européenne à hauteur de 76 millions d'euros. Ce n'est pas le buraliste qui assure pour d'autres produits un service de proximité. Il faut l'intéresser plus encore aux enjeux de santé publique et trouver avec lui de nouvelles sources de revenus pour pallier la baisse de consommation que nous visons par une politique agressive contre le tabac. Nous devons négocier au niveau européen pour harmoniser le prix des cigarettes et éviter ainsi les achats transfrontaliers qui fragilisent notre réseau de distribution. Notre ennemi, ce sont les fabricants de cigarettes dont l'unique stratégie a toujours été de préserver et d'accroître leurs profits en trouvant sans cesse de nouvelles cibles, ou plutôt de nouvelles victimes : les femmes, les jeunes et maintenant les populations des pays émergents.
    C'est une industrie qui vend de la mort en différé, qui sait qu'un sur deux de ses clients mourra pour avoir consommé ses produits. Mais elle a toujours minimisé la dangerosité du tabac - elle l'a même longtemps niée contre toute évidence scientifique -, comme elle minimise l'effet addictif de la nicotine. Oui, la cigarette tue chaque jour l'équivalent d'un Airbus A320 dans une relative indifférence Ce n'est plus acceptable !
    Il est vrai que les industries du tabac ont tenté avec un cynisme glacial de relativiser le coût social de la mortalité liée au tabac, tel cet ancien dirigeant de la SEITA qui affirmait que fumer génère plus d'économies - du fait des retraites non versées - que de dépenses d'assurance maladie !
    M. François Goulard. C'est malheureusement vrai !
    M. Yves Bur. Alors que nous cherchons à sauver notre système de retraite, nous devrions nous garder de renforcer la lutte contre le tabac sous prétexte qu'il serait source d'économie pour notre société !
    Mes chers collègues, pour mesurer le cynisme froid de cette industrie de mort, je ne puis que vous recommander la lecture passionnante du livre du professeur Dubois, Le Rideau de fumée, qui est le roman noir, très noir, des méthodes secrètes de l'industrie du tabac pour contrer toute offensive contre ses intérêts. Ce document est particulièrement instructif, mais il laisse le lecteur français sur sa faim, car il n'y est que très peu question de notre industrie nationale. En fait, l'auteur semble s'être heurté à l'impossibilité d'avoir accès aux archives françaises sur la question du tabac, sur l'attitude de l'ex-SEITA qui n'a pas été plus vertueuse que les compagnies étrangères !
    M. René Couanau. C'est le moins qu'on puisse dire !
    M. Yves Bur. Monsieur le ministre, il faut que la transparence se fasse aussi en France sur le comportement notre industrie du tabac qui tue tout autant que les autres, et, hélas ! de son ancienne tutelle, et que les turpitudes françaises soient révélées au grand jour.
    M. René Couanau. Absolument ! « Turpitudes », c'est encore faible !
    M. Yves Bur. Il est temps que les rouages de l'Etat se « désintoxiquent » du lobbying de l'ex-SEITA ; pourtant encore omniprésente avec ALTADIS.
    Le temps doit être révolu où l'on calibrait la taxation pour protéger les intérêts du cigarettier national, devenu maintenant un grand groupe international, plutôt espagnol d'ailleurs. Le système ne doit privilégier aucun fabricant de mort différée, ni le produit leader ni les produits locaux qui sont aussi nocifs que les autres, et ne pas favoriser les transferts de consommation vers les cigarettes les moins chères, déjouant ainsi l'objectif de santé publique qui est de détourner le fumeur de ces produits mortifères.
    Nous devrons de même renforcer les moyens pour faire respecter l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics, en particulier dans tous les établissements scolaires où le tabac n'a pas sa place.
    M. René Couanau. Et à l'Assemblée nationale !
    M. Yves Bur. Le tabagisme passif constitue un risque sérieux pour la santé du non-fumeur : n'oublions pas que le risque de maladie cardio-vasculaire est de 23 % plus élevé chez les non-fumeurs qui vivent avec un fumeur. Les fumeurs ne doivent plus polluer l'air respiré par les autres.
    Il faut aussi veiller à contrer tout détournement de l'interdiction de publicité pour le tabac. Ainsi, certains journaux savent pourtant bien que les pages et encarts qu'ils publient font moins la promotion d'une marque d'habits, ou de « Nuits bleues », ou encore de soirées VSP - Very Special People -, qu'ils ne vantent une marque de cigarettes. Il serait vain de réglementer, monsieur le ministre, si, dans le même temps, on pouvait acheter le paquet d'une marque nationale avec un emballage comme celui que j'ai sous les yeux. Il porte l'inscription : « Liberté, toujours » ; est-ce légal ? - destinée avant tout à masquer le message de santé publique qui sera mis en place à partir du 1er octobre. La marque nationale anticipe déjà cette nouvelle obligation ! Je trouve un tel procédé particulièrement scandaleux !
    M. René Couanau. C'est une honte !
    M. Yves Bur. Monsieur le ministre, les Français approuvent dans leur grande majorité le combat que vous menez aux côtés du Président de la République contre le cancer et contre ce fléau mortel que représente le tabac.
    Nous y participons, pour libérer nos jeunes de l'attraction du tabac et des griffes des industriels du tabac. Ils ne doivent plus être les victimes de ces marchands de mort différée dont l'arme principale reste l'addiction à la nicotine, et qu'ils utilisent pour accentuer la dépendance et entretenir leur sinistre fonds de commerce. Dans ce but, je proposerai avec mon collègue Vannson des amendements pour renforcer la lutte et améliorer la cohérence du dispositif réglementaire pour préserver la santé publique, tout particulièrement celle de nos jeunes.
    C'est la raison aussi pour laquelle nous voterons l'interdiction de vente de tabac aux moins de seize ans en comptant sur vous, monsieur le ministre, pour qu'elle soit accompagnée, voire précédée, d'une puissante action éducative tous azimuts afin de détourner nos jeunes de la tentation du tabac. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mesdames, messieurs, l'ensemble des intervenants l'ont souligné, nous partageons les mêmes convictions et nous sommes tous animés par une même volonté : faire baisser significativement la consommation de tabac. M. Dord s'est exprimé avec sincérité, en nous faisant part de son expérience de cardiologue, et M. Bur vient de nous faire une belle démonstration, mais les autres orateurs n'ont pas été en reste.
    Le débat a porté non pas sur la finalité de ce texte mais sur les moyens mis en oeuvre. Certains, Mme Jacquaint, Mme Génisson, M. Baguet pour une part, ont regretté le caractère incomplet des mesures proposées.
    Mme Catherine Génisson. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est vrai. Mais permettez-moi de vous faire remarquer qu'il s'agit d'une proposition de loi, donc d'un texte d'initiative parlementaire, que le Gouvernement a voulu saluer et respecter. Dans cette optique, il a tenu à l'accompagner sans la dénaturer, c'est-à-dire sans la transformer en un texte beaucoup plus lourd qui n'aurait pas pu être discuté dans la fenêtre parlementaire de trois heures qui nous est proposée. Pour le Gouvernement, ce texte est un élément de la politique de lutte contre le tabac, il s'inscrit dans un programme qui sera poursuivi à l'automne, avec la discussion du projet de loi de santé publique et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    Mme Catherine Génisson. Ah ! Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La discussion d'aujourd'hui devra être poursuivie et complétée par d'autres initiatives dans les domaines de l'éducation à la santé, de la prévention, de la prise en charge et du soin.
    A cet égard, je voudrais souligner que le débat actuel autour du prix du tabac s'inscrit dans une logique beaucoup plus vaste d'utilisation des sommes ainsi perçues au service de la santé publique. J'ai ainsi pris l'engagement que le plan contre le cancer serait financé par le produit de la vente du tabac perçu par l'Etat.
    Le plan cancer comporte soixante-dix mesures. Rassurez-vous, monsieur le président, je ne vais pas les énumérer, j'évoquerai simplement la prise en charge des substituts nicotiniques, dont a parlé notamment Mme Jacquaint.
    Des études réalisées avec substituts et placebos montrent que l'utilisation des substituts multiplie par deux ou trois les chances de s'arrêter de fumer. C'est la raison pour laquelle nous proposerons, à la fois dans le projet de loi de santé publique et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des mesures de protocoles d'arrêt, à travers des programmes expérimentaux. Nous annoncerons à l'automne la mise en place de centres pilotes appelés Ecole sans tabac pour lesquels une convention sera signée avec le ministère de l'éducation nationale. Ces centres pilotes s'attacheront à expliquer le mécanisme de l'arrêt du tabagisme. Ils seront financés par le Fonds national de prévention, d'éducation et d'informations sanitaires, le FNPEIS.
    Mme Génisson notamment a développé le thème de l'efficacité des mesures qui étaient proposées dans la proposition de loi. Je comprends ses réserves, elle a d'ailleurs fait beaucoup de remarques sensées. J'observe néanmoins que des mesures similaires ont déjà été adoptées pour lutter contre la consommation d'alcool : en matière de délivrance d'alcool, d'interdiction de vente à proximité de certains spectacles ou dans les salles de jeu. Le critère de l'âge vaut ce qu'il vaut. C'est malgré tout un repère, qui peut nous être très utile. L'interdiction est un signe fort, c'est un symbole, sur lequel je reviendrai tout à l'heure pour répondre à M. Baguet. Notre optique, je le répète, n'est pas de réprimer mais plutôt de dissuader et l'interdiction de vente ou d'offre à titre gratuit des produits de tabac aux jeunes est une arme de dissuasion dont nous ne pouvons pas nous priver.
    Je sais bien que ce sujet est l'objet de controverses. Mais comme la vitesse sur la route. La limitation de la vitesse sur la route, et notamment sur les autoroutes, soulève des polémiques invraisemblables. Des personnalités autorisées nous expliquent qu'il ne faudrait pas limiter la vitesse sur les autoroutes. (Murmures sur divers bancs.)
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas la même chose !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Et je pourrais dire la même chose d'ailleurs du débat sur les références éducatives. A un moment ou à un autre, c'est cela la responsabilité politique, il faut, après avoir entendu les uns et les autres, se faire une opinion et choisir, même si l'on est persuadé que la solution retenue n'est pas la solution miracle.
    Pour ce qui me concerne, j'ai suffisamment plaidé en faveur du principe de précaution dans cette assemblée, avec d'autres d'ailleurs, pour ne pas être convaincu qu'il importe d'abord de ne pas délivrer de tabac aux jeunes, pour éviter qu'ils ne s'engagent dans cette voie dangereuse.
    J'ajoute que nous sommes très efficaces dans le domaine de la prévention. La dernière campagne, qui portait sur la composition des cigarettes, avec le concours de l'INPES, l'Institut national pour la prévention et l'éducation en santé, a été jugée exemplaire. Elle est prise comme modèle à l'étranger.
    M. François Goulard. C'est une très bonne campagne en effet !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Des actions sont menées, et elles sont efficaces.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. J'ajoute, mais vous l'avez tous dit, que ces mesures qui s'adressent aux jeunes ne doivent pas dispenser les adultes d'adopter des comportements exemplaires. A l'adolescence, les jeunes se demandent comment devenir adultes. Si les adultes fument sous le nez des enfants, ceux-ci ont naturellement la tentation d'en faire autant, croyant ainsi quitter l'enfance et entrer plus vite dans l'âge adulte. (Approbations sur de nombreux bancs.) Nous avons dans ce domaine une responsabilité politique majeure.
    Vous avez également insisté, les uns et les autres, sur la contrebande, sur les circuits illicites, sur Internet.
    Mme Catherine Génisson. Internet, c'est un autre sujet !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous avez raison de soulever ces problèmes, mais nous ne pouvons pas renoncer, au motif que nous ne sommes pas capables de tout contrôler.
    M. François Goulard. Tout à fait !
    M. Yves Bur. C'est un argument des cigarettiers !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. De la même manière que nous ne pouvons pas, malgré les efforts consentis, et les résultats obtenus, garantir la bonne conduite des automobilistes, nous ne pouvons pas non plus assurer qu'il n'y aura pas de contrebande sur les drogues, quelle que soit la nature de ces drogues, malgré les interdictions. Nous devons faire preuve de modestie en la matière. Cela ne doit pas nous empêcher d'avoir la volonté et la détermination de renforcer les contrôles et de donner aux douanes les moyens d'agir.
    Je voudrais, pour terminer, souligner l'importance des mesures qui sont contenues dans cette proposition de loi.
    Je trouve étonnant que certains, notamment Mme Génisson et Mme Jacquaint, puissent considérer qu'au motif qu'on ne peut pas tout résoudre dans un texte, il vaudrait mieux ne rien faire.
    Mme Muguette Jacquaint et Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je le répète : ce texte est une partie du plan de santé publique que nous vous proposerons prochainement. Considérant pour notre part que le travail parlementaire ne devait pas être écarté au profit de la seule initiative gouvernementale...
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ... nous avons voulu laisser sa place à cette initiative. Et je trouve que cette proposition de loi apporte une contribution utile, mais je m'exprimerai plus longuement sur d'autres points lors de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
    A la demande du Gouvernement, les amendements portant articles additionnels avant l'article 1er sont réservés jusqu'après l'examen de l'article 1er.

Article 1er

    M. le président. « Art 1er. - Après l'article L. 3511-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-2-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 3511-2-1. - Il est interdit de vendre ou d'offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, des produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article. Je demande à chacun de respecter le plus possible son temps de parole, compte tenu de l'ordre du jour chargé de la journée.
    La parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Vous pouvez compter sur moi, monsieur le président, pour respecter strictement mon temps de parole.
    Monsieur le ministre, la cause que vous défendez au sein du Gouvernement est une cause juste et vous trouverez la majorité à vos côtés pour vous soutenir.
    Sur un sujet aussi sérieux que la santé, et la santé des jeunes en particulier, il faut remiser au second plan les arguments d'ordre économique. La vraie préoccupation est une préoccupation de santé, non pas de protection de telle ou telle industrie ou catégorie.
    Si la cause est juste, le texte qui nous est soumis, issu d'une proposition de loi sénatoriale, n'est pas totalement satisfaisant. Et il conviendra certainement d'adopter des amendements. On a déjà parlé des sanctions à l'égard des buralistes, qui sont manifestement excessives et pas toujours appropriées.
    On peut s'interroger aussi - et je le fais publiquement - sur la limite d'âge de seize ans. Il est tout à fait normal de protéger les mineurs d'une consommation qui est dangereuse, mais pourquoi fixer la limite à seize ans, alors que la majorité est à dix-huit ans ?
    On voit dans certains amendements, y compris ceux du Gouvernement, des dispositions qui ne sont pas toujours très compréhensibles. Je pense par exemple à cette interdiction de la vente de paquets de moins de dix-neuf cigarettes. Pourquoi pas vingt ? Le bon sens voudrait qu'on adoptât des règles plus simples et plus compréhensibles.
    Je participe depuis quelques années à l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale et, chaque année, nous discutons de la fiscalité sur le tabac. Nous savons qu'elle a un double avantage : l'effet de dissuasion - vous l'avez évoqué à l'instant, monsieur le ministre - et la possibilité de trouver des financements pour l'assurance maladie. Cela répond à une logique incontestable : financer nos dépenses de santé par un prélèvement sur une consommation qui est génératrice de dépenses d'assurance maladie.
    Sur ce point particulier - mais nous y reviendrons tout à l'heure - il faut une cohérence dans l'utilisation de l'arme fiscale. S'il est justifié d'augmenter la fiscalité sur le tabac, la façon de le faire est aussi importante. Si on augmente les droits proportionnels sur le tabac, il faut également augmenter les droits fixes, de telle sorte que l'augmentation de la fiscalité n'entraîne pas un report de la consommation sur les produits les moins chers.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. François Goulard. Car, là, l'objectif de santé ne serait pas atteint.
    Oui, monsieur le ministre, il faut augmenter la fiscalité sur le tabac.
    Oui, il faut tenter de dissuader, notamment les jeunes, de consommer du tabac. Il faut respecter une cohérence dans nos dispositifs. Faute de quoi votre action, notre action ne serait pas comprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.
    Mme Martine Aurillac. Monsieur le président, L'article 1er porte sur le principe même de l'interdiction de vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans. Les risques sanitaires induits par la consommation du tabac pour le fumeur mais aussi pour son entourage sont bien connus et l'information du public est faite à une large échelle, une mention figure aussi les paquets de cigarettes.
    Nul n'est censé ignorer que le tabac fait 60 000 victimes par an - vous l'avez dit, monsieur le ministre. Ce chiffre sera sûrement plus important dans l'avenir, car les filles, des adolescentes de plus en plus jeunes, souvent par une conception bien malvenue de l'égalité des sexes, ont rejoint les garçons sur la route du tabagisme, la jalonnant de nouveaux cancers, proprement féminins, sans pourtant échapper à celui du poumon.
    L'information a eu peu d'effets sur les adolescents et les jeunes adultes. Le cancer leur paraît loin et, après tout, certains y échappent ! Le risque existe mais il n'est pas certain.
    La révolte naturelle de l'adolescence rend les jeunes peu attentifs au discours des adultes, contredit d'ailleurs par tant de mauvais exemples.
    La lutte contre le tabagisme commence à l'école, à condition que les chefs d'établissements, éducateurs, médecins, infirmières scolaires s'y investissent et que les règlements interdisant de fumer dans l'enceinte des établissements soient appliqués et sanctionnés. Le programme « Ecole sans tabac » va tenter d'y parvenir. Il faut monsieur le ministre, l'approfondir et il faut aussi l'évaluer.
    La hausse du prix du tabac, la suppression des petits paquets, moins chers, donc facilitant les premières habitudes, sont de bonnes mesures, dont les limites apparaissent cependant tant que la fiscalité sur le tabac n'aura pas été harmonisée en Europe. La France devrait, dans le droit-fil de la politique affichée par la Commission, prendre une initiative ultérieure dans ce sens.
    Reste l'interdiction de la vente aux mineurs. Bien qu'elle puisse être tournée avec Internet et aussi avec la complicité de majeurs qui achètent des cartouches et les revendent à l'unité, cette mesure limitative est bonne en soi, même si elle reste difficile à mettre en oeuvre par les buralistes.
    Elle les inquiète aussi légitimement, par le caractère tout à fait excessif des sanctions, rejetées d'ailleurs par notre commission.
    La plupart des débitants de tabac sont aussi cafetiers. Ils appliquent, depuis cent ans, une législation ancienne, qui interdit la vente d'alcool aux mineurs. Il faut faire la même chose pour le tabac et harmoniser les sanctions pénales qui doivent rester de simple police - contraventions de deuxième catégorie - mais, en revanche, être appliquées.
    Faute de quoi, monsieur le ministre, cet article risque de rester pur symbole. Largement amendé par notre commission, à juste titre, ce peut être cependant un élément important de prévention et de dissuasion dans la lutte contre le cancer, qui est l'une de nos priorités en matière de santé publique. Nous devons donc l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'OMS plaçait la France parmi les dix pays les plus gros consommateurs de tabac chez les jeunes de onze à quinze ans.
    Or nul ne peut se méprendre sur les méfaits du tabac.
    Ce n'est pas les professionnels de santé - que je suis et que vous êtes, monsieur le ministre - qui diront le contraire.
    Le tabac tue 60 000 personnes chaque année, dans notre pays, soit plus d'un décès sur neuf.
    Les deux tiers environ de ces décès peuvent être considérés comme prématurés. Compte tenu de l'évolution de la consommation de tabac, les projections prévoient 165 000 décès en 2025, soit un doublement des décès masculins et un décuplement des décès féminins.
    C'est pourquoi la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui répond à un réel enjeu de santé publique. Nous ne pouvons qu'approuver son dispositif, qui est déjà appliqué dans un grand nombre de pays européens.
    Toutefois, il ne faut pas que les buralistes soient considérés comme des parias. Et les sanctions prévues en cas de vente à un mineur de moins de seize ans me paraissent disproportionnées.
    Je comprends qu'il faille être dissuasif. Mais dans ce cas, les peines prévues me font penser que l'on veut prendre une masse pour enfoncer tout simplement une punaise. (Sourires.)
    Avec notre collègue Bruno Gilles, nous souhaitons aussi attirer votre attention, mes chers collègues, sur un point que nous avons déjà eu l'occasion d'aborder : celui du danger du tabac de contrebande, notamment en termes de santé publique.
    En effet, la hausse excessive du tabac - 140 % en valeur depuis dix ans - entraîne mécaniquement une augmentation de la contrebande.
    Si une ville comme Marseille, monsieur le ministre, est particulièrement touchée, je crois malheureusement qu'aucune région n'est épargnée. Le phénomène s'étend sur tout le territoire national, l'émergence de nouvelles technologies, tel Internet, facilitant nettement ce type de trafic.
    Les services des douanes et ceux de la police n'hésitent plus à parler d'une « explosion du tabac de contrebande ».
    Nous ne pouvons fermer les yeux et nous sommes obligés de constater que cette économie parallèle fleurit devant les lycées et les collèges, s'adressant avant tout à une population jeune avec des moyens restreints.
    Au Royaume-Uni, où la vente aux moins de seize ans est interdite, environ 250 000 mineurs, semble-t-il, achètent illégalement du tabac de contrebande chaque semaine. Il y a là un réel problème de santé publique.
    Si les cigarettes clandestines sont presque indécelables au goût, elles présentent un risque accru pour la santé. Les cigarettes contrefaites échappent, par définition, à tous les contrôles de mesures légales sur la teneur en nicotine et en goudron.
    Les examens pratiqués sur un lot saisi en février dernier à Saint-Denis l'attestent. Le tabac chinois présentait bien plus de goudron et presque le double de nicotine que ce qui est actuellement autorisé dans l'Union européenne. Or la Chine produit environ 85 % des quelque 100 milliards de cigarettes contrefaites chaque année, dans le monde, estime un expert du marché du tabac.
    Un autre effet pernicieux de ce commerce illicite est la non-application des réglementations sanitaires sur les paquets, telles que celles portant sur les mises en garde ou la vente aux mineurs, que mon collègue Yves Bur soutient fermement.
    Monsieur le ministre, mes chers collègues, une politique ferme à l'égard de la contrebande est indispensable pour que cette proposition de loi, dont chacun s'accorde à reconnaître la nécessité, soit une arme efficace contre la consommation de tabac chez les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, dans mon intervention générale, je ne pense pas avoir dit que nous étions contre tout texte d'initiative parlementaire. Bien au contraire ! Cela a toujours été notre souhait. La proposition de loi de notre collègue sénateur M. Bernard Joly - vous y avez fait référence - va plus loin que ce qui nous est proposé aujourd'hui.
    Vous nous aviez indiqué que nous y reviendrions ultérieurement. Sachez que si vous ne le faites pas, nous reformulerons nos propositions dans le cadre d'un texte plus global de santé publique, de même que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui donne lieu à de telles discussions depuis des années.
    Le présent texte ne repose que sur une démarche d'interdiction. Nous ne sommes pas opposés à l'interdiction si elle s'accompagne d'une action déterminée en faveur de la prévention. Or force est de constater que la prévention est la grande absente de ce texte. Certains amendements témoignent, d'ailleurs, des limites de l'ambition de la majorité s'agissant de la lutte contre le tabac chez les jeunes. Ainsi, un amendement tend à incriminer les débitants de tabac, sauf s'ils prouvent qu'ils ont été trompés. Il y a fort à craindre que, devant les difficultés auxquelles ils seront confrontés, les débitants de tabac ne disent tous qu'ils ont été abusés. Cette disposition me paraît inapplicable.
    Un autre amendement vise à permettre l'écoulement des stocks de paquets de dix cigarettes pendant un certain délai. S'il venait à être adopté, le même texte interdirait la vente de cigarettes aux mineurs, à l'exception de celles conditionnées en paquets de dix. C'est un total contresens à l'égard de l'objectif que nous poursuivons qui est, je le rappelle, la protection de la cible privilégiée que sont les jeunes contre le tabac.
    Enfin, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à renforcer les taxes. Certains de nos collègues ont proposé de les étendre aux produits dérivés, comme le papier à cigarette. De telles dispositions auraient, il est vrai, une influence sur la consommation, même si le papier à rouler est moins cher et que les cigarettes roulées incitent à une moindre consommation. De tout cela, je suis convaincue. Mais ne négligeons pas les marchés parallèles que cela engendrera, comme vient de le rappeler M. Goulard.
    Je souhaiterais également connaître précisément le produit fiscal que l'Etat en attend et quelle part en sera véritablement consacrée à la prévention. A cet égard, j'ai bien entendu, monsieur le ministre, que de futurs textes affecteront une part importante des taxes à la prévention.
    Nous sommes convaincus que la priorité doit être l'aide au sevrage et son accompagnement. C'est pourquoi, ne souhaitant pas nous en tenir à une attitude de seule opposition, nous avons formulé des propositions en ce sens. Elles sont confortées par 300 experts qui, dès 1998, s'étaient prononcés pour le remboursement par la sécurité sociale, après consultation médicale, des timbres anti-tabac. Je me souviens, d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous n'étiez pas loin d'être d'accord avec nous. Cette proposition avait même inspiré un de vos prédécesseurs qui avait imaginé un « forfait sevrage ». C'est une idée qu'il conviendrait, me semble-t-il, d'approfondir sérieusement et rapidement.
    Cependant, si l'effort ne porte pas d'abord sur la prévention, toutes les autres tentatives, même si elles ont le mérite d'exister, risquent d'être vouées à l'échec, au mieux à un demi-échec. Sur un sujet comme celui qui nous préoccupe aujourd'hui, je souhaite très sincèrement que nous ne nous contentions pas d'effets d'annonce, d'une simple manifestation de bonne volonté. Il nous faut vraiment des propositions concrètes. Nous en trouvons bien quelques-unes dans certains amendements, mais elles sont loin de donner toute satisfaction pour une véritable lutte contre le tabac, en particulier chez les jeunes, population que nous visons au premier chef.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 16 et 9 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 16, présenté par M. Baguet, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 3511-2-1 du code de la santé publique :
    « Art. L. 3511-2-1. - Est punie des amendes prévues par les contraventions de la 5e classe le fait de vendre ou d'offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous les commerces et lieux publics, des produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans.
    « Dans les cas prévus au présent article, le prévenu pourra prouver qu'il a été induit en erreur sur l'âge du mineur. S'il fait cette preuve, aucune peine ne lui sera applicable de ce chef. »
    L'amendement, n° 9 rectifié, présenté par M. Cherpion, est ainsi libellé :
    « Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :
    « B. Après l'article L. 3512-1 du même code, il est inséré un article L. 3512-1-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 3512-1-1. - Est puni des amendes prévues pour les contraventions de la deuxième classe le fait de vendre ou d'offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous commerces et lieux publics, des produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans, sauf si le contrevenant fait la preuve qu'il a été induit en erreur sur l'âge des mineurs. Les modalités du contrôle de l'âge sont définies par décret. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement n° 16.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement illustre mes propos dans la discussion générale sur la nécessité d'être cohérent. On ne peut pas prôner une nouvelle politique sans avoir des sanctions proportionnées aux nouvelles règles. Aujourd'hui, chacun l'a rappelé, nous déclarons la guerre au tabac. Dès lors, et ce n'est faire de procès d'intention à personne, on ne peut pas passer d'un excès à l'autre, de la proposition sénatoriale à celle de la commission d'une amende de deuxième classe.
    Je propose une amende de 5e classe, dont je rappelle que le montant maximal s'élève à 1 500 euros et qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive, hors les cas où la loi prévoit que la récidive à la contravention constitue un délit. Pour ma part, je souhaiterais que la récidive ne soit pas reconnue comme un délit.
    Une amende de 1 500 euros me semble proportionnée à l'engagement que nous prenons tous ici de lutter contre le tabac. Entre la proposition de nos collègues sénateurs et celle de la commission, il y avait un juste milieu à trouver. Je pense que je propose là le bon équilibre.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 16.
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Le texte sénatorial était extrêmement sévère pour les buralistes. Or, cela a été dit et répété, notre objet n'est pas de lutter contre les buralistes mais bien contre le tabac. Depuis le début du mois de mai, nous avons, mon collègue Yves Bur et moi-même, eu beaucoup d'entretiens. Nous avons constaté qu'il y avait, de la part des buralistes, une responsabilisation et une prise de conscience extrêmement fortes...
    M. Yves Bur. Tout à fait !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. ... de leur rôle et de l'accompagnement qu'ils doivent apporter en la matière. C'est pourquoi nous devons aller vers les buralistes, pas contre eux, en allégeant les sanctions qui, je vous le rappelle, allaient de 7 500 euros d'amende à un an de prison et au retrait de la gérance.
    M. Yves Bur. Inacceptable !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Ces sanctions étaient tout à fait inacceptables. Je pense qu'en les remplaçant par une contravention de 2e classe, nous avons trouvé le juste équilibre. C'est la raison pour laquelle je propose de repousser l'amendement de M. Baguet et d'adopter le n° 9 rectifié.
    M. Yves Bur et M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Imaginez les réactions quand l'opinion publique saura que les buralistes risquent une amende de 150 euros. Qui nous garantit qu'ils ne seront pas victimes de chantage, que personne ne leur dira : « Pour 150 euros, tu peux me le vendre, ton paquet de clopes » ? Cela va arriver.
    Je trouve qu'il faut prévoir une amende qui soit à la fois proportionnelle et pédagogique, dans le but, d'ailleurs, de protéger les buralistes. Je suis intimement convaincu qu'ils respecteront la loi, surtout si l'on porte l'interdiction de la vente à dix-huit ans, ce qui pourrait leur éviter d'avoir d'éventuels ennuis avec la justice.
    Soyons cohérents : un âge, la majorité légale ; une sanction cohérente et des mesures d'accompagnement. Notre objectif commun est de faire baisser la vente des cigarettes dans le pays. Faisons en sorte que, par nos décisions, les buralistes ne soient pas acculés à la disparition. Proposons-leur des mesures d'accompagnement pour qu'ils puissent se sortir de l'impasse dans laquelle nous les poussons pour la bonne cause, puisque c'est une cause de salubrité publique.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
    M. Jean-Pierre Door. Je comprends très bien l'objectif de M. Baguet, mais tout excès peut se révéler dangereux ; à commencer par l'excès de tabac, bien entendu.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il vaudrait mieux dire, en l'occurrence, que c'est la consommation qui est dangereuse !
    M. Jean-Pierre Door. Ainsi, l'excès de contraventions est certainement dangereux et contraire à l'objectif que nous nous fixons.
    Le rapporteur, en revanche, a fait un effort formidable de conciliation pour maintenir les sanctions dans des proportions raisonnables. Aussi voterons-nous l'amendement qu'il nous propose.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Je me permets de reprendre ce que j'ai dit dans mon intervention sur l'article : on mesure bien la difficulté qu'il y a à mettre en oeuvre cette disposition. Tout le monde sait comment les choses se passent dans les bureaux de tabac. Le buraliste qui voit arriver des jeunes va-t-il leur demander s'ils ont bien dix-huit ans ? Leur demandera-t-il leurs papiers d'identité ?
    Mme Catherine Génisson. Il n'en a de toute façon pas le droit !
    Mme Muguette Jacquaint. En effet ! Dès lors, pour ne pas être sanctionnés, les buralistes diront qu'ils ont été abusés.
    Je ne suis pas a priori contre les interdictions, mais une telle disposition montre ses limites, car on ne saura comment l'appliquer. C'est pourquoi j'y suis défavorable : c'est purement et simplement de la démagogie.
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Je souhaite rappeler à M. le ministre que si nous approuvons cette mesure, qui est forte et qui va dans le bon sens, il n'en reste pas moins qu'il faut absolument négocier avec la profession et organiser un véritable partenariat avec elle pour donner aux buralistes les moyens de l'appliquer. Cela doit se faire dans le cadre d'une négociation d'ensemble sur l'extension éventuelle des possibilités offertes aux buralistes de proposer de nouveaux produits de service public, sur les marges, qui à l'évidence doivent être revues, et sur la lutte contre les achats transfrontaliers - lutte entreprise à l'échelle européenne et que vous menez de manière très active, monsieur le ministre.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne pouvons souscrire à l'argument avancé par la majorité et le Gouvernement. Toutes les comparaisons entre le problème de l'alcool et celui du tabac ne sont pas les bienvenues. Les traditions sont très différentes. La dissuasion de la consommation d'alcool dans un café n'a rien à voir avec le cas d'une personne qui vient demander un paquet de cigarettes, ne serait-ce que parce que l'objet de la dissuasion en matière de consommation d'alcool, c'est l'excès, alors que pour le tabac c'est la consommation elle-même, dès le départ. La comparaison qui a été avancée pour justifier l'action du Gouvernement est donc erronée.
    Mme Catherine Génisson. Au surplus, on peut faire acheter son paquet de cigarettes par quelqu'un d'autre.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est exact !
    Ce qui nous importe, c'est de dissuader de fumer. Or notre discussion sur les amendements révèle de nouveau les grandes ambiguïtés qui existent quant à l'applicabilité de ce texte. Nous reviendrons sur les principes qui ont justifié cette proposition de loi, mais, en tout état de cause, nous continuons à patauger dans l'applicabilité, comme le démontre l'amendement de M. Baguet, qui d'un côté durcit la sanction et, de l'autre, essaie de prendre en compte la réalité de ce que pourront faire les buralistes.
    Démonstration est donc faite des insuffisances de ce texte. C'est essentiellement une loi d'affichage, qui court un risque sérieux : celui de ne pas être appliquée ; au demeurant, si elle devait l'être, elle le serait mal.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. J'apporte une nouvelle rectification à l'amendement n° 9 rectifié. Les mots : « tous commerces et lieux publics » sont remplacés par les mots : « tous commerces ou lieux publics ».
    M. le président. L'amendement n° 9 rectifié devient l'amendement n° 9 deuxième rectification.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le rapporteur, les forces chargées du maintien de l'ordre public auront-elles mandat pour faire respecter l'interdiction faite à une personne privée de donner une cigarette à un mineur dans un lieu public ? Je demande une explication sur ce point précis, car dans la rédaction actuelle, il me semble que si l'un d'entre vous proposait une cigarette à un mineur dans un lieu public - ce que je n'ose imaginer -, il tomberait sous le coup de la loi. Êtes-vous d'accord, monsieur le rapporteur, avec cette interprétation du texte ?
    M. le président. Le rapporteur a bien compris votre question, monsieur Le Guen.
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Nous ne visons, avec cette rectification, qu'à rester fidèles au texte du Sénat.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vannson et M. Bur ont présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article L. 3511-2-1 du code de la santé publique, après les mots : " produits du tabac , insérer les mots : " ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 . »
    La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Dans un souci de santé publique et de prévention du tabagisme chez les jeunes, nous proposons d'étendre au papier à cigarettes l'interdiction de vente aux jeunes. Le papier à cigarettes, tout comme le tabac à rouler, concourt en effet au même objet.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission, le statut du papier à rouler n'étant pas établi au regard des normes européennes.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis, défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme Catherine Génisson. M. Bur peut nous remercier d'avoir voté son amendement !
    M. René Couanau. Provocateurs !
    M. le président. Pas de provocation, s'il vous plaît !
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 5 et 13.
    L'amendement n° 5 est présenté par M. Bur et M. Vannson ; l'amendement n° 13 est présenté par M. Baguet.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le texte proposé pour l'article L. 3511-2-1 du code de la santé publique, substituer au nombre : " seize , le nombre : " dix-huit . »
    La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l'amendement n° 5.
    M. Yves Bur. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que la France va s'engager - et c'est une bonne chose - à signer la convention de l'OMS contre le tabac, et que dans cette convention figure une recommandation visant à interdire la vente de cigarettes aux moins de dix-huit ans. Comment pourrons-nous nous mettre en cohérence au niveau international si nous votons aujourd'hui une interdiction pour les moins de seize ans ?
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement n° 13.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Comme je l'ai dit dans la discussion générale, on prend un risque en fixant à seize ans l'âge en dessous duquel on interdit la vente de tabac. Aujourd'hui, il n'y a pas d'âge légal. En en fixant un, le Gouvernement encourt le risque de poursuites judiciaires. C'est pourquoi il me paraît plus cohérent de se caler sur la majorité légale.
    En interdisant la vente de tabac aux jeunes âgés de moins de dix-huit ans, d'une part, on s'aligne sur la recommandation du Conseil de l'Union européenne dont vient de parler M. Bur, d'autre part, on prémunit le Gouvernement contre d'éventuelles poursuites judiciaires. Qui plus est, on met les buralistes beaucoup plus à l'aise car il ne faut pas oublier que ce sont eux qui seront en première ligne, puisque ce sont eux qui auront à décider s'ils vendent ou non les paquets de cigarettes. Or on ne fait pas vraiment de différence physiquement entre un jeune de seize ans, de dix-huit ans ou de dix-neuf ans.
    En tout état de cause, ce texte de loi va faire oeuvre pédagogique. A partir du moment où l'opinion publique saura que l'âge retenu est dix-huit ans, si un jeune enfreint la règle, il sera beaucoup plus facile pour le buraliste de se défendre devant les tribunaux que si c'était l'âge de seize ans qui était retenu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. On se heurte, là aussi, à une difficulté, car on constate que les jeunes ont très souvent une accoutumance au tabac depuis l'âge de seize ans. Retenir l'âge de dix-huit ans risque d'entraîner des problèmes pour ces jeunes qui sont déjà dépendants du tabac.
    M. Jérôme Lambert. Au contraire, ce sera une bonne raison pour qu'ils arrêtent !
    M. François Goulard. On pourrait même descendre à quatorze ans !
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Il faudrait donc envisager un accroissement progressif de l'âge pour arrêter la consommation de tabac.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La proposition faite par M. Bur et M. Baguet peut parfaitement se comprendre. Cependant, elle risque de rendre plus difficile l'application de l'interdiction. Par ailleurs, la limite de seize ans est cohérente avec la mesure en vigueur pour l'alcool dans les débits de boisson. De plus, c'est cet âge qui a été adopté par la majorité des pays voisins : le Royaume-Uni, l'Autriche, l'Irlande.
    Quoi qu'il en soit, cet âge limite sera de toute façon amené à évoluer dans le cadre de la convention-cadre de l'OMS. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut s'en tenir aujourd'hui à seize ans. Nous verrons comment les choses peuvent évoluer.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 5 et 13.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Nous en revenons aux amendements réservés par le Gouvernement portant article additionnel avant l'article 1er.

Avant l'article 1er
(amendements précédemment réservés)

    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 21, 14 corrigé, 19 corrigé et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Sont interdites la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de dix-neuf cigarettes. »
    Les amendements n°s 14 corrigé et 19 corrigé sont identiques.
    L'amendement n° 14 corrigé est présenté par M. Baguet ; l'amendement n° 19 corrigé est présenté par M. Santini.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Sont également interdites la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de vingt cigarettes. »
    L'amendement n° 23, présenté par M. Bur et M. Vannson, est ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 3511-6 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « La contenance des paquets de cigarettes doit être de vingt unités. »
    La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 21.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Cet amendement vise à interdire la vente ou l'offre de paquets de moins de dix-neuf cigarettes. Cette disposition est conforme à la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 2 décembre 2002 et à la convention-cadre internationale de lutte contre le tabac de l'Organisation mondiale de la santé adoptée le 21 mai 2003 lors de sa cinquante-sixième assemblée. Elle a pour but de protéger les jeunes contre le tabagisme. En effet, les paquets de petite taille sont plus accessibles pour les jeunes en raison de leur moindre coût unitaire et facilitent ainsi le tabagisme de cette population.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre l'amendement n° 14 corrigé.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur Santini étant absent, je défendrai également son amendement n° 19 corrigé.
    J'ai déposé cet amendement parce que je considère qu'on ne peut pas accepter de maintenir en vente des paquets de moins de vingt cigarettes. On en trouve en effet de dix-neuf, de quinze, voire de dix cigarettes.
    J'apporterai d'ailleurs une nouvelle correction à mon amendement en proposant que soient ajoutés après les mots : « paquets de moins de vingt cigarettes », les mots : « et ceux de plus de vingt cigarettes. » Si on n'ajoute pas cette précision, on risque en effet d'avoir quelques déboires à l'avenir parce qu'il existe déjà des paquets de vingt-cinq et de trente cigarettes. Pourquoi pas un jour vingt-six ou vingt-sept ?
    En d'autres termes, je demande la commercialisation de paquets de vingt cigarettes uniquement.
    On se prémunirait ainsi non seulement contre l'achat par les jeunes de paquets de moins de vingt cigarettes plus abordables pour eux sur le plan financier que ceux de vingt cigarettes, mais également contre l'achat par ces mêmes jeunes de paquets de vingt-cinq ou de trente cigarettes, qui reviennent moins cher que l'achat de trois paquets de dix cigarettes, le prix unitaire étant inférieur pour les gros paquets. Il suffit en effet à un jeune de thésauriser un peu pour s'offrir un paquet de trente cigarettes. Et l'on se retrouverait en contradiction avec l'objectif que nous nous sommes fixé de limiter la consommation du tabac, notamment par les plus jeunes.
    La vente de paquets de vingt cigarettes uniquement est d'ailleurs une revendication des buralistes. Il serait plus facile pour eux d'exposer un format unique de paquets plutôt que des formats différents. De fait, cela faciliterait le travail de tout le monde : celui des transporteurs comme celui de ceux qui comptabilisent le nombre de paquets et le nombre de cigarettes. Il faut savoir en effet que, chaque année, il est établi une comptabilité très précise du nombre de cigarettes dans les dépôts et les débits.
    En définitive, avec la vente de paquets de vingt cigarettes uniquement, tout le monde serait gagnant.
    M. le président. L'amendement n° 14 corrigé devient donc l'amendement n° 14, deuxième correction, et se lit ainsi :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Sont également interdites la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de vingt cigarettes et ceux de plus de vingt cigarettes. »
    La parole est à M. Yves Bur, pour défendre l'amendement n° 23.
    M. Yves Bur. Il faut essayer de rendre cohérent notre système de lutte contre le tabagisme.
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. Yves Bur. Il faut d'abord le rendre cohérent en matière de prix. A cette fin, nous devrons obtenir une révision du système de taxation pour décourager toute tentative de déport de consommation des cigarettes les plus chères vers les moins chères.
    Nous devrons en outre essayer d'empêcher tout contournement de la législation que nous mettons en place par la mise sur le marché de paquets de différentes contenances. A cet égard, il est bon d'interdire à la fois les paquets de dix cigarettes, moins coûteux que ceux de vingt cigarettes, et ceux de trente cigarettes, qui rendent la cigarette un peu moins chère.
    Le fait d'imposer un seul produit, à savoir le paquet de vingt cigarettes, mettra tout le monde à égalité à la fois devant la loi et le produit. Nous pourrons donc mener une action beaucoup plus efficace contre ce fléau, qui, il ne faut pas l'oublier, est responsable de beaucoup de drames et de souffrances.
    Il est essentiel de rendre notre lutte contre le tabagisme plus cohérente. Cela supposera beaucoup d'efforts, notamment lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 21, 14, deuxième correction, 19 corrigé et 23 ?
    M. Gérard Cherpion , rapporteur. L'amendement n° 21 a été accepté par la commission. La proposition du Gouvernement d'interdire la vente des paquets de petites tailles, appelés aussi « paquets-enfants », répond tout à fait à l'objectif de la proposition de loi qui nous est soumise.
    Les amendements identiques, n°s 14 corrigé et 19 corrigé, ont été repoussés et l'amendement n° 23 de M. Bur n'a pas été examiné. A titre personnel, je le trouve un peu directif. Il pourra être réétudié dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    M. François Goulard. On ne vote pas sur un tel texte lors de la discussion du PLFSS !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je comprends parfaitement la logique des amendements défendus par M. Pierre-Christophe Baguet et M. Yves Bur. Je rappelle simplement que cette proposition de loi se fonde sur la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 2 décembre 2002, qui enjoint les Etats membres à « adopter des mesures législatives et/ou administratives appropriées, conformes aux pratiques en vigueur et aux situations dans les différents Etats membres, notamment par l'interdiction de la vente de cigarettes à l'unité ou en paquet de moins de dix-neuf unités. » Le seuil de dix-neuf unités est clairement précisé, en référence à l'Allemagne où ce format est très répandu.
    Je crains donc qu'avec l'adoption de ces amendements, nous ne fixions la barre à un niveau tel que la disposition serait susceptible d'être attaquée devant la Cour de justice des Communautés européennes pour entrave injustifiée aux échanges, car celle-ci ne manquerait pas de prendre sa décision au regard de cette recommandation.
    M. François Goulard. Ce n'est pas faux !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on élève le seuil minimal de dix-neuf à vingt cigarettes par paquet, mais si nous ne voulons pas encourir une condamnation par la Cour de justice, il faut s'en tenir aux recommandations de l'Union européenne.
    M. Yves Bur. Bien sûr !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est pourquoi le Gouvernement maintient son amendement et émet un avis défavorable sur les amendements n°s 14 deuxième rectification, 19 corrigé et 23.
    M. le président. IL y a quatre demandes d'intervention, de MM. Le Guen, Baguet, Bur et Goulard.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. En premier lieu, il y a tout de même de quoi être perplexe devant cette discussion et tous ces amendements. Je me demande pourquoi dix-neuf, ou pourquoi vingt, et où passe exactement la ligne jaune de la santé publique. Ce manque de clarté est peut-être lié au fait que ces lois contre le tabagisme, parties de la meilleure intention, sont mises en question par des groupes de pression industriels, actifs tant au plan national qu'européen. Et nous voici, bardés des meilleures intentions, essayant d'avancer au milieu des mines qu'ils ont placées. En fait, notre réglementation nous rend otages de leurs politiques commerciales. Personnellement, je trouve ça extrêmement désagréable, je ne comprendrai pas qu'en adoptant telle ou telle législation, on aille plutôt dans le sens de tel ou tel industriel, sans en connaître précisément les tenants et les aboutissants. J'ai donc l'impression que nous sommes vraiment dans l'opacité la plus grande. Certes, la recommandation européenne est intéressante, mais elle est vraisemblablement elle-même le résultat du lobbying de ces fameuses industries, ...
    M. François Goulard. Absolument ! C'est vrai !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... dont nous avons ici tous ensemble la prétention d'être les adversaires les plus déterminés. Nous nous trouvons donc dans une situation assez paradoxale.
    En second lieu, si la réglementation communautaire est toujours intéressante, la France est plutôt, Dieu merci, en avance en matière de lutte contre le tabac. Si nous avions dû en rester au niveau des réglementations européennes, en matière de publicité par exemple, nous n'aurions jamais fait la loi Evin, puisque la réglementation et les recommandations européennes contre le tabagisme sont toujours en deçà de ce que nous souhaitons. L'argument de la recommandation européenne me paraît insuffisant parce qu'il montre bien que des logiques, y compris économiques, et des intérêts différents sont présents autant à Bruxelles qu'à Paris - ça nous rassure, nous ne sommes pas les seuls à être l'objet de ces démarches industrielles. Mais l'argument du respect de la réglementation européenne est insuffisant car je ne vois pas pourquoi nous accepterions à Paris ce qui a été malheureusement accepté à Bruxelles. Nous devons donc suivre la logique qui nous permet de percevoir ce qui est le plus transparent et le plus clair. Je reconnais que ce n'est pas facile, c'est pourquoi d'ailleurs tout ce processus me gêne beaucoup depuis le départ.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je m'interroge. Doit-on subir les modes de vie allemands ainsi que le lobby des fabricants allemands de tabac ?
    M. Yves Bur. Les distributeurs, dans ce cas.
    M. Pierre-Christophe Baguet. J'en viens aux distributeurs, mon cher collègue. L'Allemagne s'est alignée sur dix-neuf cigarettes par paquet, simplement parce que cela correspond à la capacité des distributeurs de cigarettes. Or, heureusement, Dieu nous en préserve, et j'espère pour longtemps, nous n'avons pas de distributeurs de cigarettes en France. Je ne vois donc vraiment pas pourquoi l'Allemagne imposerait ses vues économiques à l'ensemble de l'Union européenne. Je pense que, au contraire, un vote de l'Assemblée nationale fixant le seuil minimal à vingt cigarettes par paquet donnerait des arguments au gouvernement français pour essayer de revenir à un seuil certainement plus compatible, plus cohérent et en tout cas plus clair avec les directives européennes. En maintenant nos amendements, mon collègue Yves Bur et moi-même rendons service à la France en la préservant, s'ils sont adoptés, d'avoir un jour des distributeurs sur son sol.
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Je rappelle simplement qu'en Allemagne il y a beaucoup de distributeurs, alors que la situation en France est tout à fait différente. Il n'y a donc aucune raison de s'aligner sur le format des distributeurs allemands. Je ne vois pas en quoi cette mesure pourrait être considérée comme contraire à un certain nombre de règles européennes. Il faut d'ailleurs savoir anticiper l'évolution de la législation communautaire, d'autant plus que cette mesure est cohérente avec le plan de mobilisation nationale contre le cancer salué au début de cette année, et qui prévoit qu'il faut interdire les paquets comportant un nombre réduit d'unités, « dix ou quinze », ou augmenter le prix des cigarettes pour éviter le contournement de cette mesure en favorisant indirectement une baisse du prix du tabac. Je reste cohérent avec un plan qui a été salué par tout le monde et je considère que c'est cette cohérence qui me guide durant tout ce débat.
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Je partage l'opinion que M. Le Guen a exprimée. C'est vrai qu'il est assez agaçant de sentir, au cours de toutes ces discussions sur la fiscalité du tabac ou les modes de présentation des paquets de cigarettes, l'influence de lobbies. C'est assez désagréable. Comme vous l'avez dit, ces lobbies exercent leur activité tant au niveau européen que national. Je ne sais en l'occurrence lequel est avantagé par des paquets de dix-neuf ou de vingt cigarettes. J'ai dit tout à l'heure que la logique aurait voulu qu'on fixât la limite à vingt plutôt qu'à dix-neuf, et j'ai failli sous-amender l'amendement gouvernemental pour proposer dix-neuf et demie... (Sourires.)
    Mais j'ai entendu le ministre. S'il existe une règle européenne et une pratique dans certains pays, qui fixe le seuil à dix-neuf cigarettes, ...
    M. Jean-Marie Le Guen et Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas une raison !
    M. François Goulard. ... il y a cependant une réelle menace que notre disposition soit considérée comme une entrave à la libre circulation des produits.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais non !
    M. François Goulard. A mon corps défendant, mais parce que l'argument présenté par le ministre me paraît solide, je me rallie à la position du Gouvernement.
    Mme Catherine Génisson. Donc il vote pour !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements n°s 14 deuxième rectification, 19 corrigé et 23 tombent.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 15 corrigé et 18 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 15 corrigé, présenté par M. Baguet, est ainsi libellé :
    « L'article L. 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « A la date d'application de la présente loi, les produits du tabac qui ne seraient pas conformes aux dispositions prévoyant l'interdiction de la vente, de la distribution, ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de vingt cigarettes peuvent être commercialisés durant une période de douze mois suivant cette date. »
    L'amendement n° 18 corrigé, présenté par M. Santini, est ainsi libellé :
    « L'article L. 3511-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les unités de conditionnement du tabac et des produits du tabac produites avant l'entrée en vigueur de la présente loi, qui ne seraient pas conformes aux dispositions prévoyant l'interdiction de la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de vingt cigarettes, peuvent être commercialisées durant une période de douze mois suivant la date d'entrée en vigueur de cette loi. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement n° 15 corrigé.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Pour être cohérent avec moi-même et comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, je vais retirer cet amendement et défendre celui d'André Santini. Celui-ci m'a communiqué son intention, après ce qui a été dit hier en commission, de le corriger à nouveau, afin de ramener la période de commercialisation à six mois.
    Cela permettrait aux débitants de tabac d'écouler leurs stocks. Nous venons de voter un amendement du Gouvernement interdisant la vente de paquets de moins de dix-neuf cigarettes. Certains débitants de tabac ont des stocks de paquets contenant dix ou quinze cigarettes.
    M. François Goulard. C'est le « baguet » de cigarettes !
    M. le président. Monsieur Baguet, je souhaite que nous nous mettions bien d'accord : vous ne défendez en fait pas l'amendement n° 15 corrigé, mais l'amendement n° 18 corrigé ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. En effet, et j'ai retiré mon amendement n° 15 corrigé.
    M. le président. L'amendement n° 15 corrigé est retiré.
    Vous avez la parole pour défendre l'amendement n° 18 corrigé.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je le corrige donc, monsieur le président, à la demande de M. Santini, qui souhaite remplacer les mots : « durant une période de douze mois » par les mots : « durant une période de six mois. »
    M. le président. Il faut également remplacer les mots : « de moins de vingt cigarettes » par les mots : « de moins de dix-neuf cigarettes », pour être en conformité avec l'amendement du Gouvernement.
    M. Pierre-Christophe Baguet. En effet.
    M. le président. Cet amendement a donc subi deux rectifications : « dix-neuf » à la place de « vingt » et « six mois » à la place de « douze mois ».
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il s'agit de permettre aux débitants de tabac d'écouler leurs stocks de paquets contenant moins de dix-neuf cigarettes.
    M. Yves Bur. On peut encore réduire le délai !
    M. Pierre-Christophe Baguet. En commission, effectivement, M. Bur nous a expliqué que les débitants de tabac écoulaient leurs stocks en deux mois. André Santini propose six mois et, pour ma part, je le suis.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 18, deuxième correction ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission, qui a jugé ce laps de temps beaucoup trop long. Une période de six mois me semble, quant à moi, beaucoup trop favorable et je pense que nous aurions pu la réduire.
    M. le président. Vous n'êtes donc pas totalement favorable à cet amendement ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Je ne peux être défavorable au fait de réduire la période de douze mois, mais elle pourrait être encore restreinte.
    M. le président. L'avis de la commission est donc défavorable.
    Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. Guy Geoffroy. Ne peut-on la porter à trois mois en déposant un sous-amendement ?
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Monsieur le président, c'est là une manoeuvre de plus pour repousser l'application de cette mesure. Je crois qu'il faut limiter le temps de déstockage, pourquoi pas à trois mois, et je propose un sous-amendement en ce sens. Cela me paraît acceptable. Le temps que la loi soit publiée, de toute façon, les buralistes auront le temps de déstocker.
    M. François Goulard. En effet !
    M. le président. Monsieur Baguet, acceptez-vous ce sous-amendement ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ne pouvant téléphoner à André Santini, je maintiens six mois pour l'instant.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement oral ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Favorable.
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Pardonnez-moi de vous le dire, mais nous avons quasiment une discussion de marchands de tapis.
    M. Jean-Marie Le Guen. Est-ce pire que les marchands de cigarettes ?
    Mme Catherine Génisson. C'est vraiment du bricolage ! Je pense que nous ajoutons de la confusion à la confusion. Nous voulons affirmer quelque chose de fort : l'interdiction de vendre des cigarettes.
    M. Yves Bur. Voilà !
    Mme Catherine Génisson. Nous nous attachons au problème du conditionnement des paquets de cigarettes. A partir du moment où nous avons accepté l'amendement portant le conditionnement des paquets à dix-neuf cigarettes, arrêtons-nous en là et nous enverrons au moins quelques messages clairs à travers cette proposition de loi.
    M. le président. Madame Génisson, je ne porte pas de jugement de valeur sur les sous-amendements, je les prends en compte et je les traite.
    Je mets aux voix le sous-amendement oral de M. Yves Bur.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    Je mets aux voix l'amendement n° 18, deuxième correction, modifié par le sous-amendement oral.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. François Goulard. C'est trois mois avec sursis ?

Après l'article 1er

    M. le président. MM. Vannson, Bur et Mariton ont présenté un amendement, n° 3 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « I. - L'article L. 3511-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
    « 1° Dans les premier et troisième alinéas les mots : " ou des produits du tabac sont remplacés par les mots : " , des produits du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 .
    « 2° Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa, après les mots : " des produits du tabac sont insérés les mots : " ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 .
    « II. - Dans les premier et deuxième alinéas de l'article L. 3511-4 du code de la santé publique, les mots : " ou un produit du tabac sont remplacés par les mots : " , un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1 . »
    La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Toujours dans un souci de cohérence par rapport à la prévention du tabagisme chez les jeunes, je souhaite que nous interdisions la promotion pour le papier à rouler les cigarettes. C'est une promotion qui existe encore sur Internet, où vous pourrez en trouver quelques exemples. C'est tout à fait scandaleux. Nous ne pouvons pas interdire le tabac d'un côté et, de l'autre, permettre la promotion pour le papier à rouler, il faut être cohérent.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - L'article L. 3511-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans le cadre de l'éducation à la santé, une sensibilisation au risque tabagique est organisée, sous forme obligatoire, dans les classes de l'enseignement primaire et secondaire. »
    Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    M. le président. M. Bur et M. Vannson ont présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Avant le 30 juin 2004, un décret précise les conditions dans lesquelles les oeuvres faisant directement ou indirectement la publicité ou la promotion de marques de produits du tabac ne peuvent bénéficier des dispositifs publics de soutien à l'industrie cinématographique. »
    La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Le cinéma est encore parfois un vecteur de publicité clandestine au profit d'un certain nombre de marques de cigarettes.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Yves Bur. C'est un débat ouvert depuis longtemps aux Etats-Unis. Silvester Stallone, par exemple, a reconnu avoir reçu 500 000 dollars, je crois, pour faire la promotion d'une marque de cigarettes dans le cadre de ses films. Ces pratiques existent dans d'autres pays, peut-être aussi en France. Une étude effectuée par la direction générale de la santé, en association avec la Ligue nationale contre le cancer, montre que c'est dans les films français que les acteurs fument le plus et qu'une marque de tabac est encore identifiable dans près d'un tiers des 200 films ayant enregistré le plus d'entrées ces vingt dernières années.
    C'est un vrai problème. Un film récent, destiné à un public familial, met en scène un acteur principal qui fume pratiquement pendant toute la durée du film et des enfants de huit ans qui s'essaient à la cigarette ; on y voit également des plans plus ou moins appuyés sur des paquets de cigarettes de marques différentes - Merit ou Gauloises.
    J'ai proposé un amendement prévoyant une sanction assez forte, mais je voulais lancer un appel à la responsabilité de la profession, qui est naturellement sensible aux objectifs de santé publique que nous nous proposons d'atteindre. Peut-être pourrions-nous envisager une charte éthique, en quelque sorte, qui leur permettrait de refuser de telles pratiques.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Yves Bur. Je ne doute pas un instant que les producteurs - ou d'autres personnes - puissent être rémunérés pour la publicité clandestine qu'ils opèrent dans leurs films au profit de telle ou telle marque de cigarettes.
    M. le président. Cela ne concerne pas la pipe ? (Rires.) Je pense au commissaire Maigret...
    M. Pierre-Christophe Baguet. Bon réflexe, monsieur le président !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Avec la philosophie de cet amendement, le Gouvernement est totalement en phase. Mais je souhaite néanmoins faire remarquer qu'il serait difficile de l'adopter sans une concertation avec le Centre national de la cinématographie. Comme vous le savez, nous allons reprendre un certain nombre de dispositions concernant la lutte contre le tabac dans le cadre de la loi relative à la politique de santé publique. Je serais reconnaissant à M. Bur de retirer son amendement et tout à fait heureux que s'engage une concertation. Nous pourrons peut-être envisager de reprendre cette mesure dans le cadre de ce projet de loi.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est un sujet qui recouvre un principe extrêmement important. Le fait est extraordinairement scandaleux mais tout à fait exact : les industries du tabac ont une action financière directe sur l'industrie du cinéma. Pourquoi ? Parce que l'industrie du cinéma cible principalement les jeunes - on sait ce qui se passe dans les salles - et parce que c'est une forme directe de contournement de la loi Evin, qui interdit la publicité pour le tabac.
    Nous sommes donc là devant un détournement caractéristique de la loi, avec un degré inadmissible de cynisme commercial. Une telle attitude ne peut pas être confondue avec la liberté de création culturelle, ...
    M. Yves Bur. C'est évident !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... avec le fait qu'a existé, pour des raisons diverses, un cinéma où le tabac était extrêmement présent. Et personnellement, je ne me risquerai pas une seconde à avancer l'idée que l'on doit limiter la création culturelle.
    Par contre, puisqu'une loi de santé publique doit nous être bientôt présentée, je propose au Gouvernement - et s'il ne le fait pas, j'en prendrai l'initiative avec l'opposition - de nous soumettre un texte tendant à criminaliser, je dis bien criminaliser, les actes de toute personne ou de toute structure qui, dans le but de promouvoir le tabac, aura financé une production cinématographique ou audiovisuelle. De même, tout producteur ayant accepté une manne financière venant de l'industrie du tabac ou ayant, d'une manière ou d'une autre, accepté de sponsoriser de telles productions doit lui-même être incriminé. Il faudra donc prévoir des sanctions non seulement financières, mais également pénales, comme pour la loi Evin.
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je suis donc favorable à une législation de ce type, mais je suis totalement opposé à toute ingérence dans le domaine de la création, y compris à l'idée d'une charte, ne serait-ce que parce que ceux qui ne signeront pas la charte seront libres de leurs agissements. Encore une fois, autant je suis disposé à interpeller les créateurs en les invitant à se demander si la valorisation du tabac dans leurs films est vraiment utile à la création, tout en les laissant juges de leurs choix artistiques, autant je trouverais inacceptable que des industriels financent et que des producteurs soient financés pour des raisons de promotion du tabac.
    Par conséquent, je ne vais pas voter cet amendement, mais je souhaite que, dans la loi de santé publique, le Gouvernement prévoie l'incrimination de ces financements promotionnels.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Si cet amendement avait eu force de loi, nous n'aurions pas, dans notre patrimoine cinématographique, des séries comme Maigret qui font effectivement l'éloge de la pipe. (Sourires.) J'invite donc M. Bur à retirer son amendement, car une telle mesure ne peut pas, comme l'a montré le ministre, être adoptée sans concertation avec la profession.
    Jamais - je ne le crois pas une seconde - un auteur ne pourrait écrire un scénario à de seules fins promotionnelles ou publicitaires. Ce serait une atteinte à la moralité de la profession. (Exclamations sur de nombreux bancs.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Il y en a qui l'ont fait !
    M. Pierre-Christophe Baguet. C'est possible, mais je ne peux croire qu'un créateur le fasse uniquement à des fins financières.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il y a des créateurs sataniques !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Sans doute, mais ne faisons pas de procès d'intention. Il y a un peu trop de sous-entendus dans cet amendement et l'exposé sommaire en témoigne : « C'est dans les films français que les acteurs fument le plus et une marque de tabac est encore identifiable dans près d'un tiers des 200 films ayant fait le plus d'entrées en France ces vingt dernières années. » Quand on écrit cela, mon cher collègue, on se livre à des attaques ciblées contre le cinéma français.
    M. Yves Bur. Mais non !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il est déjà en si grande difficulté qu'il n'est pas vraiment nécessaire de charger encore son sac à dos ! Il attend des réformes fiscales depuis des années. On ne peut pas en même temps prôner la diversité culturelle pour défendre le cinéma français face au cinéma américain et alourdir les charges et contraintes de toute nature qui le grèvent.
    En revanche, il faut certainement mettre en place une concertation. On pourrait modifier cet amendement en demandant par exemple aux professionnels, aux producteurs et à la post-production d'interdire les affiches ou les titres faisant référence au tabac, mais on ne peut pas aller au-delà. On ne saurait menacer de priver de tout financement public toute création culturelle qui ferait, de façon même indirecte, la publicité ou la promotion de marques de tabac ou de produits dérivés.
    La mission d'étude parlementaire sur le cinéma a travaillé pendant neuf mois à l'époque où notre président de séance présidait la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les professionnels que nous avons rencontrés, producteurs ou réalisateurs, étaient tout a fait responsables. Ouvrons le débat avec eux. Mais, s'il vous plaît, mon cher collègue, retirez votre amendement !
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Je rejoins le sentiment de M. Le Guen, car je n'irais pas jusqu'à dire que certains producteurs ou réalisateurs restent toujours insensibles aux arguments des marques qui cherchent à faire de la publicité. Il faut donc essayer d'empêcher l'utilisation systématique de ce type de promotion. Eventuellement par la loi, mais cela ne peut pas s'improviser en quelques minutes. La liberté de création est un principe fondamental, et si l'on commence à intervenir dans ce domaine, on prendra des risques considérables. Du tabac, on pourrait passer à d'autres produits et - pourquoi pas ? - du cinéma à la littérature. Attention à ne pas mettre le doigt dans un engrenage.
    J'estime que la raison commande de retirer cet amendement.
    M. le président. Le débat a eu lieu, monsieur Bur : vous pouvez donc nous annoncer la nouvelle...
    M. Yves Bur. Cet amendement, monsieur Baguet, je l'avais en effet déposé pour que nous puissions ouvrir la discussion. Il ne faut pas le diaboliser. C'était un simple apport à la réflexion. J'ai d'ailleurs souligné dans l'exposé sommaire qu'« il serait absurde de vouloir réglementer l'oeuvre artistique en interdisant la représentation de personnes en train de fumer ! »
    N'allez donc pas chercher dans ce texte des intentions qui n'y figurent pas. Je voulais simplement appeler l'attention de l'Assemblée sur l'existence de la publicité indirecte pour le tabac. C'est une réalité. Ne nous racontons pas d'histoires ! Ne soyons pas naïfs !
    Ce débat a été amorcé et il nous a permis d'interpeller le Gouvernement et la profession. Comme je l'avais prévu dès le départ, je retire donc mon amendement.
    M. le président. Le débat est clos sur ce point et l'amendement n° 8 est retiré.
    M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement peut-il me répondre ?
    M. le président. Monsieur Le Guen, je me doutais que l'amendement serait retiré et j'ai cependant laissé chacun s'exprimer pour que s'amorce le débat souhaité par M. Bur.
    M. Jean-Marie Le Guen. J'ai interpellé le Gouvernement et j'aurais aimé une réponse.
    M. le président. Il l'a donnée.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaitais qu'une sanction figure dans la loi de santé publique.
    M. le président. Le ministre l'a dit.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Eh oui !
    Mme Muriel Marland-Militello. Il faut écouter, monsieur Le Guen !

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - Après l'article L. 3512-1 du même code, il est inséré un article L. 3512-1-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 3512-1-1. - La vente ou l'offre à titre gratuit, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, de produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans est punie de 3 750 euros d'amende.
    « En cas de récidive, l'infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
    « Si la récidive est le fait d'un débitant de tabac, cette peine s'accompagne de la résiliation de son traité de gérance.
    « Dans les cas prévus au présent article, le prévenu pourra prouver qu'il a été induit en erreur sur l'âge du mineur. S'il fait cette preuve, aucune peine ne lui sera applicable de ce chef. »
    M. Cherpion a présenté un amendement, n° 10, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 3. »
    La parole est à M. Gérard Cherpion.
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Amendement de coordination.
    M. le président. Qui est la conséquence des votes antérieurs.
    Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Après l'article 3

    M. le président. M. Bur, M. Vannson et M. Mariton ont présenté un amendement n° 4, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Dans le premier alinéa de l'article 575 du code général des impôts, après les mots : " et les tabacs , sont insérés les mots : " ainsi que le papier à rouler les cigarettes . »
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons fait adopter un amendement augmentant de 25 % les taxes sur le tabac à rouler. Dans la même logique de lutte contre le tabagisme chez les jeunes, l'amendement n° 4 a pour objet d'introduire une taxe additionnelle sur le papier à rouler les cigarettes.
    M. le président. Pourriez-vous nous présenter également l'amendement n° 7, dont l'objet est similaire ?
    M. Yves Bur. Dans le même esprit, je souhaite que soient portées sur les étuis de papier à rouler les cigarettes les mêmes mentions que sur les paquets de cigarettes eux-mêmes. Ce message de santé publique devrait dissuader les jeunes de fumer, en leur rappelant les dangers majeurs du tabagisme.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements de même inspiration ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Favorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 7, également présenté par MM. Bur, Vannson et Mariton, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3511-6 du code de la santé publique, après les mots " des produits du tabac , sont insérés les mots " ainsi que du papier à rouler les cigarettes . »
    Je mets cet amendement aux voix.
    (L'amendement est adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - Dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant, d'une part, l'intérêt, en termes de santé publique, de la prise en charge par l'assurance maladie des substituts nicotiniques en faveur des mineurs de moins de dix-huit ans et, d'autre part, le coût de cette mesure. »
    M. Cherpion a présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Dans l'article 4, substituer au nombre : " trois , le nombre : " six . »
    M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Compte tenu des délais d'élaboration par le Gouvernement du rapport sur l'intérêt du remboursement des substituts nicotiniques aux mineurs de moins de dix-huit ans, il convient de porter le délai de sa remise au Parlement de trois à six mois.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 11.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Dans la deuxième ligne du tableau de l'article 575 A du code général des impôts, le nombre "58,99 est remplacé par le nombre "62. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il s'agit de faire passer le taux normal du droit de consommation de 58,99 à 62 %.
    Toute la fiscalité française sur les cigarettes est construite à partir de la charge fiscale totale afférente à la cigarette la plus vendue - pour ne pas lui faire de publicité, je ne la citerai pas -, un taux appelé « taux normal » étant appliqué à son prix de vente toutes taxes comprises.
    Or ce taux n'a pas été modifié depuis le 1er avril 2000. J'ai donc décidé de mettre à profit cette proposition de loi pour l'augmenter et ainsi affirmer avec force la volonté du Gouvernement d'accroître la fiscalité sur les tabacs.
    Dans un second temps, à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous proposerai une réforme globale de la fiscalité, inscrite dans une perspective pluriannuelle.
    En attendant, je vous demande de bien vouloir adopter l'amendement n° 22, assez représentatif de notre volonté commune de lutter contre la consommation de tabac.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Je l'ai déjà dit tout à l'heure, monsieur le ministre, nous adhérons tous, dans cet hémicycle, aux raisons qui vous poussent à augmenter le prix du tabac au moyen de la fiscalité.
    Il n'en demeure pas moins que la fiscalité du tabac est complexe - on a pu s'en apercevoir à travers votre brève intervention - et appelle probablement une réforme d'ensemble. Vous nous annoncez que celle-ci sera entreprise dans la loi de financement de la sécurité sociale. Toucher aujourd'hui au dispositif comme vous le faites peut, dès lors, paraître étonnant ; il aurait peut-être été plus raisonnable d'attendre tout bonnement l'examen du PLFSS.
    Mais si, compte tenu des chiffres que vous avez indiqués, vous considérez qu'une réaction rapide s'impose et si vous êtes résolu à augmenter immédiatement la fiscalité sur le tabac, il importe que l'intervention soit appropriée. Or l'on sait très bien que toute augmentation des droits proportionnels sur le tabac conduit les consommateurs à préférer les prix les plus bas, à se reporter sur les produits les moins chers, ce qui limite l'impact de la mesure en termes de diminution globale de la consommation.
    Je suis par conséquent, pour ma part, tout à fait disposé à voter l'amendement du Gouvernement, mais en insistant pour que, dans le même temps, par cohérence, nous décidions ensemble d'augmenter le minimum de perception, afin de renchérir les produits les moins chers, l'objectif étant de préserver la santé des consommateurs, qui seront ainsi incités à moins fumer.
    Cela me paraît indispensable, et j'annonce d'ores et déjà que, par souci de lisibilité, je retire mon amendement n° 20 et que je me rallie à l'amendement n° 12 de M. Bur.
    M. le président. C'est noté.
    M. François Goulard. Si, comme le propose M. Bur, nous augmentons les droits fixes, l'augmentation des droits proportionnels que préconise le Gouvernement n'aura pas les effets pervers qu'elle aurait eus, votée isolément.
    M. le président. L'amendement n° 20 de M. Goulard est retiré.
    Quant à l'amendement n° 12, il est désormais cosigné par M. Bur et M. Goulard.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Mon intervention n'étonnera pas M. Mattei, car combien de fois sommes-nous intervenus à ce sujet, en particulier lors du débat sur le financement de la sécurité sociale.
    Taxer le tabac, d'accord, mais le plus important, je le répète, c'est de faire de la prévention pour lutter contre le tabagisme, en particulier chez les jeunes. Or quelle proportion du produit de la taxe est réservée à la prévention ?
    M. le ministre renvoie la question au futur texte sur la santé publique et au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je considère, quant à moi, que le Gouvernement aurait pu faire la preuve de sa volonté d'agir contre le tabagisme des jeunes non seulement en parlant de la taxe mais aussi en disant comment elle sera employée. Voilà la grande question que soulèvent ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. L'amendement du Gouvernement repose sur une constatation extrêmement simple : dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, nous avions rehaussé la fiscalité du tabac en espérant une progression du produit de 17 % ; or celle-ci, dans les faits, n'atteint que 11 %. C'est pourquoi, désireux d'obtenir le montant nécessaire à la mise en oeuvre du programme de santé publique et du plan cancer, j'ai souhaité profiter de cette proposition de loi pour augmenter le taux normal.
    Je comprends parfaitement le raisonnement de M. Goulard et de M. Bur, qui a sa pertinence, et je remercie M. Goulard d'avoir retiré son amendement, car il allait un peu plus loin encore que M. Bur dans le relèvement du minimum de perception.
    J'insiste néanmoins auprès de M. Bur et M. Goulard pour qu'ils retirent maintenant l'amendement n° 12, dans la mesure où le Gouvernement s'engage à revenir globalement sur ces dispositions dans le cadre du PLFSS. Et vous me permettrez d'ajouter encore quelques mots pour tenter de les convaincre.
    Dans la LFSS pour 2003, je vous le rappelle, nous avons déjà augmenté lourdement le minimum de perception en le faisant passer de 87 à 106 euros par 1 000 unités pour les cigarettes brunes et de 90 à 106 euros pour les cigarettes blondes. En revanche, le taux normal, qui frappe au premier chef les cigarettes les plus chères, et que je souhaite relever, n'a pas bougé, lui, depuis le 1er avril 2000. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il était préférable de se contenter, pour l'instant, de ce relèvement et de réserver les mesures touchant les autres paramètres de la fiscalité pour le prochain PLFSS.
    Je souscris donc à votre démarche mais j'aurais préféré que la réforme de la fiscalité du tabac soit abordée dans son ensemble au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et que nous nous contentions aujourd'hui d'un simple réajustement.
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 12.
    M. le président. L'amendement n° 12 de M. Bur, auquel M. Goulard s'associe, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 575 A du code général des impôts, le nombre : "106 est remplacé par le nombre : "108. »
    Vous avez la parole, monsieur Bur.
    M. Yves Bur. Nous voulons faire passer un message : le tabac est dangereux, pour les adultes, mais plus particulièrement pour les jeunes, et, à travers les amendements qui ont été adoptés, nous mettons en place un dispositif particulièrement cohérent pour donner une réalité à la lutte contre le tabagisme des jeunes et la rendre plus efficace.
    Augmenter du même coup le taux de taxation risque de reléguer cette préoccupation au second rang. Au demeurant, se contenter d'augmenter les droits proportionnels serait incohérent, car cela renchérirait les cigarettes de moyenne gamme et de haute gamme, ce qui ne ferait que favoriser un report de consommation des jeunes vers les cigarettes les moins chères.
    Je vous rappelle, monsieur le ministre, que j'avais déjà présenté, lors de l'examen du PLFSS 2003, un amendement tendant à accentuer l'augmentation du minimum de perception ; l'Assemblée l'avait adopté mais il avait été ensuite rejeté par la commission mixte paritaire. La situation a cependant changé car nous sommes loin des recettes escomptées avec les augmentations votées dans la LFSS : elles ont rapporté 500 millions d'euros au lieu du million prévu.
    Si nous avions voté à l'époque ce minimum de perception rehaussé nous aurions pu contraindre l'ensemble des fabricants à augmenter leurs prix et notamment le leader du marché à passer à 4 euros. L'écart entre le prix le moins élevé et le plus élevé aurait été de 40 centimes d'euros, c'est-à-dire dans une norme à peu près correcte.
    Aujourd'hui cet écart a augmenté, il est de 57 centimes d'euros et il va encore se creuser.
    Nous devrions faire preuve de davantage de cohérence. Je comprends que l'on puisse défendre notre industrie nationale. Pour ma part, je ne prends pas parti. Je veux que nous mettions en place un dispositif qui nous permette de décider, en notre âme et conscience, dans un but de santé publique, l'écart de prix entre les cigarettes les plus chères et les moins chères et de réformer ce système de taxation.
    C'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 12 ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Cet amendement avait été repoussé par la commission. Il sera rediscuté dans le cadre du débat plus général sur la fiscalité, comme M. le ministre l'a l'expliqué.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Nous sommes en accord, nous poursuivons les mêmes buts, nous avons les mêmes intentions.
    Votre proposition de renvoyer au projet de loi de financement de la sécurité sociale aurait pu être retenue si nous n'avions pas décidé cette hausse en votant l'amendement que vous avez présenté.
    Yves Bur, comme moi-même avons été rapporteurs pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Bur au titre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, moi-même au titre de la commission des finances. Nous pensons que ce serait une erreur de se cantonner à cette hausse, la consommation des jeunes se portant principalement sur les produits les moins chers. Et puisque l'on parle de message, celui que nous voulons faire passer c'est notre résolution à réduire autant que faire se peut la consommation de tabac chez les jeunes.
    Dans ces conditions, et c'est ma conviction la plus profonde, il est tout à fait opportun d'accompagner la hausse que vous nous avez proposée très légitimement, d'une augmentation des droits fixes. Cela aura, en outre, un impact positif sur les rentrées fiscales dont nous avons besoin pour financer l'assurance maladie.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ce débat est révélateur du manque de préparation de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais si, mes chers collègues !
    Soit nous adoptons l'amendement du Gouvernement et, dans ce cas, il nous faut approuver celui de M. Bur et de M. Goulard. Soit il fallait le repousser - mais vous n'avez pas vu ma main se lever et je le regrette, monsieur le président. Le seul amendement du Gouvernement ne suffit pas à atteindre l'objectif que nous prônons tous.
    En outre, je suis surpris que l'amendement du Gouvernement vienne en discussion devant l'Assemblée alors qu'il n'a pas été abordé au Sénat.
    Si seul l'amendement du Gouvernement est voté, cela aura un effet néfaste pour les jeunes, qui se traduira par un glissement de leur consommation sur les produits à bas prix. Il faut être cohérent.
    Une fois encore les buralistes, dont nous nous accordons tous à dire qu'ils ne doivent pas être transformés en boucs émissaires, seront mis devant le fait accompli. Cette augmentation du prix du paquet de cigarettes que nous recherchons tous aura eu lieu sans concertation ni dialogue, ce que je regrette profondément.
    M. le président. Monsieur Baguet, je prends acte de votre vote sur l'amendement n° 22.
    Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Baguet a présenté un amendement, n° 17, ainsi rédigé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « En 2004, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport faisant état de la possibilité pour les débitants de tabac d'un alignement sur le régime de droit commun des commerçants en matière de taxe professionnelle. Les informations données par ce rapport devront permettre de mieux apprécier le coût d'une telle mesure. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Nous devons avoir une politique ferme de lutte contre le tabac, mais il convient également de tenir compte des différentes catégories professionnelles.
    Nous venons de voter un amendement qui va porter un préjudice aux débitants de tabac. La moindre des choses serait d'adopter cet amendement qui engage le Gouvernement à déposer un rapport sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, en 2004, afin d'aligner les buralistes sur le régime de droit commun des commerçants en matière de taxe professionnelle.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gérard Cherpion, rapporteur. Avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement est adopté.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Nous sommes tous d'accord sur l'objectif de cette proposition de loi. Nous avons néanmoins fait preuve d'amateurisme dans l'élaboration de ce texte et dans la mise en place de dispositifs efficaces de lutte contre les conséquences dramatiques du tabagisme.
    Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je regrette que nos débats n'aient pas permis de clarifier ce texte. Je le répète, il s'agit d'un texte isolé, qui aurait dû être inclus dans la grande loi sur la santé publique. Heureusement, M. le ministre nous l'a annoncée pour l'automne.
    Nous regrettons ces incohérences. Certains amendements ont durci le texte, d'autres, au contraire, l'ont assoupli : cela me donne une impression de yo-yo. J'espère que la commission mixte paritaire débattra plus sereinement et parviendra à un équilibre.
    Néanmoins, le groupe UDF étant partie prenante de ce grand combat contre le tabac, notamment chez des jeunes, il votera ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
    M. Jean-Pierre Door. Bien vieillir, on l'a dit tout à l'heure, c'est un défi pour chaque individu, surtout pour les jeunes. Il faut donc dès la jeunesse refuser le tabac. Le débat, ce matin, a été très intéressant dans la mesure où nous avons pris conscience, enfin, qu'il fallait lutter pour restreindre la consommation de tabac des jeunes. Rien n'est terminé et nous continuerons à l'automne avec le plan de santé publique. Le groupe UMP votera cette proposition de loi.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Dans la discussion générale, monsieur le ministre, j'ai rappelé la volonté du groupe communiste et républicain de lutter contre le tabagisme, en particulier chez les jeunes. J'ai montré qu'il y avait néanmoins des insuffisances, et non des moindres, dans cette proposition, concernant notamment la prévention, car l'un ne va pas sans l'autre. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre du débat sur la santé publique et lors de la discussion du budget de la sécurité sociale. En attendant, le groupe communiste et républicain s'abstiendra sur ce texte.

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
    (L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

2

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

    Acte est donné de cette communication.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SEANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Discussion du projet de loi, n° 950, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine :
    M. Philippe Pemezec, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1003) ;
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 997) ;
    M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis n° 1001) ;
    Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1002).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT