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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 16 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 15 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Référendum local. - Expérimentation par les collectivités territoriales. - Discussion d'un projet de loi organique adopté par le Sénat et d'un projet de loi organique «...».

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»
(Expérimentation par les collectivités territoriales)

Exception d'irrecevabilité de M. Ayrault : MM. Bernard Derosier, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Marc-Philippe Daubresse, Gilles Artigues. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE «...»

MM.
Jean-Pierre Blazy,
Gilles Artigues,
André Chassaigne,
Marc-Philippe Daubresse,
René Dosière,
Léonce Deprez,
Michel Charzat.
Clôture de la discussion générale commune.

Référendum local
Article unique «...»

Amendement n° 1 de la commission des lois : M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois, pour le projet relatif au référendum local. - Adoption.
Amendement n° 30 de M. Dosière : MM. René Dosière, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 19 de M. Blazy : M. Jean-Pierre Blazy.
Amendement n° 20 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre, René Dosière. - Rejet des amendements n°s 19 et 20.
Amendement n° 23 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 2 de la commission et 22 de M. Jean-Pierre Blazy : MM. le rapporteur, Jean-Pierre Blazy, le président de la commission, le ministre, René Dosière, Gilles Cocquempot. - Adoption de l'amendement n° 2.
L'amendement n° 22 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement n° 24 de M. Blazy.
Amendement n° 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 4 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 31 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 32 de M. Dosière : MM. René Dosière, Alain Gest, rapporteur ; le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 33 de M. Chassaigne, 9 de M. Daubresse et 5 de la commission : MM. André Chassaigne, Marc-Philippe Daubresse, le rapporteur, le président de la commission, le ministre, Léonce Deprez, Jean-Pierre Blazy, André Chassaigne, Gilles Artigues. - Rejet de l'amendement n° 33 ; adoption de l'amendement n° 9 ; l'amendement n° 5 n'a plus d'objet.
Amendement n° 26 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 6 de la commission : MM. le rapporteur ; le ministre. - Adoption.
Amendement n° 29 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 18 rectifié de M. Chassaigne et 28 de M. Blazy : MM. André Chassaigne, Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 27 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 11 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre, Guy Geoffroy. - Rejet.
Amendements n°s 21 de M. Blazy et 12 de M. Chassaigne : MM. Jean-Pierre Blazy, André Chassaigne, le rapporteur, le président de la commission, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 8 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article unique modifié.

Après l'article unique «...»

Amendement n° 10 de M. Daubresse : MM. Marc-Philippe Daubresse, le rapporteur, le ministre, René Dosière. - Retrait.
Amendement n° 25 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 14 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 13 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 17 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 16 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 15 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
M. le président de la commission.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Jean-Pierre Blazy,
Gilles Artigues,
Marc-Philippe Daubresse,
André Chassaigne.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi organique relatif au référendum local.

Expérimentation
par les collectivités territoriales
DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er «...»

Amendement de suppression n° 10 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, Michel Piron, rapporteur de la commission des lois, pour le projet relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales ; le ministre. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission des lois, avec les sous-amendements n°s 19, 15 et 26 de M. Derosier : MM. le rapporteur, Bernard Derosier, le ministre. - Rejet des sous-amendements ; adoption de l'amendement.
Les amendements n°s 18, 14 et 25 de M. Derosier n'ont plus d'objet.
Amendement n° 11 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 2 de la commission : MM. le rapporteur ; le ministre. - Adoption.
Amendement n° 12 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 4 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 6 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 24 de M. Derosier : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 20 et 21 de M. Derosier : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 23 de M. Derosier : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 9 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 22 de M. Derosier : MM. Bernard Derosier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 «...»

Amendement de suppression n° 13 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Bernard Derosier,
Marc-Philippe Daubresse,
Gilles Artigues,
André Chassaigne.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi organique relatif à l'expérientation par les collectivités territoriales.
2.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

RÉFÉRENDUM LOCAL
EXPÉRIMENTATION PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Suite de la discussion d'un projet de loi organique adopté par le Sénat et d'un projet de loi organique

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion :
    - du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au référendum local (n°s 900, 956) ;
    - et du projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales (n°s 855, 955).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Exception d'irrecevabilité
(Expérimentation par les collectivités territoriales)

    Mme la présidente. Sur le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales, j'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, la décentralisation est un processus inéluctable dans l'évolution normale des démocraties. Elle répond à une question cruciale à la base même du pacte démocratique : celle de la répartition et de l'exercice du pouvoir. En ce sens, la décentralisation est d'abord une question politique : elle reflète la philosophie politique des uns et des autres. Les citoyens, aujourd'hui, sont mieux informés, plus à même de participer à la vie de la cité. Les décisions qui les concernent doivent être prises le plus près possible du lieu de leur mise en oeuvre.
    En mars 1982, Pierre Mauroy et la gauche ont initié une philosophie à rebours des canons dominants de l'organisation de l'Etat en France. Cette organisation historique trouvait ses raisons dans notre histoire. La Révolution de 1789 imposait la nécessité de créer l'unité de la République. Plusieurs décennies plus tard, la décentralisation devait naître. Il s'agissait de refonder le pacte républicain en admettant que l'unité de la République s'ancrait désormais également dans l'autonomie et la diversité de ses collectivités.
    L'enjeu de la décentralisation est donc, au premier abord, simple, même si sa réalisation est complexe. Il s'agit de confier à des élus locaux responsables les compétences qu'ils seront, à leur échelon, en fonction du cadre et des modalités de leur élection, les mieux à même d'exercer, afin que la France soit aussi bien gouvernée que possible. Ainsi la décentralisation a-t-elle pour objectif de répondre aux attentes des citoyens avant même de satisfaire les usagers des services publics. L'unité de la République et l'égalité de l'ensemble des citoyens sont à ce prix. Ce n'est qu'en fonction d'un tel objectif que la décentralisation doit être appréhendée.
    Le 2 juillet dernier, le ministre délégué aux libertés locales dénonçait un principe d'égalité coupable de tyrannie. L'égalité exige que l'on prenne en compte les différences de situation. Point n'est besoin de jouer sur les mots et d'en appeler à l'équité contre l'égalité. La décentralisation est donc une réponse au besoin d'égalité des citoyens avant celle des territoires.
    Or, à ce jour, le Gouvernement ne nous a rien proposé de tout cela, sinon une grande opération médiatique portant le titre un peu pompeux d'« Assises des libertés locales ». Au contraire, on a révisé la Constitution afin d'ajouter de la confusion à notre texte fondamental. On a triomphé d'inscrire dans l'article 1er de notre Constitution que l'organisation de la République est décentralisée. Le Gouvernement et la majorité qui a voté cet ajout ont, en réalité, enfoncé une porte ouverte, puisque les lois de décentralisation en avaient depuis longtemps décidé.
    D'autre part, on a modifié le mode de scrutin pour les élections régionales, et de la manière la plus inique qui soit pour la démocratie parlementaire, en faisant usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. On a réduit du même coup la représentativité des assemblées élues localement. On a introduit dans les listes régionales une compétition entre les représentants des différents départements, de sorte que le conseil régional pourrait se muer en assemblée d'élus départementaux.
    M. René Dosière. Hélas !
    M. Bernard Derosier. Enfin, nous débattons aujourd'hui du projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales. A la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution autorise les collectivités territoriales à déroger, quand la loi ou le règlement l'a prévu, aux dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences. Le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd'hui a pour objet de définir les modalités d'encadrement de telles dérogations expérimentales.
    Qui pourrait prétendre, sans être de mauvaise foi, que le projet de loi organique va dans le sens de la décentralisation, puisqu'il n'apporte rien à cette dernière, mais organise au contraire une réforme de l'Etat qui pourrait s'avérer catastrophique pour la décentralisation ? Votre projet, monsieur le ministre, ne répond en rien aux objectifs de la décentralisation et se contente, en l'espèce, d'organiser les modalités d'une réforme, maladroite, me semble-t-il, de l'Etat. Car la décision d'introduire dans la Constitution la pratique de l'expérimentation n'a pas eu pour effet de révolutionner le droit public français. Ce projet de loi organique confirme les doutes que l'on pouvait nourrir en lisant les articles 37-1 et 72 de la Constitution ; il ne s'agit ni plus ni moins que de consacrer ce qui existe déjà, en le complexifiant considérablement.
    En effet, avant même la révision constitutionnelle, l'expérimentation existait. Elle était encadrée par un contrôle juridictionnel, constitutionnel ou administratif. Ce contrôle reposait sur une appréciation, par le juge, de l'intérêt général justifiant cette dérogation temporaire au droit commun et aux principes, tels que l'égalité, qui le régissent. Le garde des sceaux l'a d'ailleurs confirmé en novembre 2002 et notre rapporteur rappelle les propos de M. Perben : « Le fait d'inscrire le principe d'expérimentation dans la Constitution modifie l'équilibre entre le principe d'égalité et le principe d'expérimentation. » Il n'y a pas d'innovation lorsqu'il s'agit simplement d'organiser une procédure qui existe depuis longtemps. Plus encore, pousser le vice jusqu'à admettre qu'il reviendra au juge de trancher, alors que c'était, par la force des choses, déjà le cas auparavant, est l'aveu d'un recul.
    Certes, l'expérimentation est dans l'esprit des lois de décentralisation. Les socialistes y voient un progrès et sont d'ailleurs attachés avec constance à cette procédure. Ils se reconnaissent pleinement dans les recommandations du rapport de Pierre Mauroy sur l'avenir de la décentralisation, qui, en octobre 2000, envisageait la mise en oeuvre d'actions expérimentales à condition que celles-ci préfigurent une généralisation et ne se transforment pas en une sorte de « décentralisation à la carte » qui remettrait en cause les principes d'égalité, de solidarité et des libertés publiques. Le groupe socialiste a ainsi voté, en janvier 2001, la proposition de loi constitutionnelle de M. Méhaignerie, après avoir fait adopter des amendements permettant de mieux encadrer ce droit à l'expérimentation. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a introduit, pour les régions qui en font la demande, des transferts expérimentaux dans plusieurs domaines : les ports d'intérêt national, les aérodromes, l'inventaire des monuments et des richesses artistiques de la France.
    Le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui consiste à laisser l'Etat décider seul de ce dont il veut se débarrasser. Il fera ensuite son choix entre les collectivités qui pourront bénéficier, ou supporter, ce régime dérogatoire. Outre l'opacité de ce dispositif, il me semble que vous méprisez ainsi l'appréhension des diverses situations locales qui, pourtant, sont l'essence même de la décentralisation.
    En effet, l'expérimentation au service de la décentralisation, c'est à la fois la clause générale de compétence propre à chaque échelon territorial inscrite dans le code général des collectivités territoriales et le respect du principe d'autonomie de ces dernières. Chaque initiative locale originale, justifiée par un intérêt déterminé au niveau local par l'assemblée délibérante élue à ce niveau, est une expérimentation qui pourrait être utile à la nation.
    En l'occurrence, il semble que, en aucune manière, on ne reconnaisse aux collectivités « un rôle d'entraînement et d'exemplarité ». C'est pourtant ce que notre collègue Pascal Clément affirmait en rapportant le projet de loi constitutionnelle. Si l'initiative doit venir des collectivités, elle se fera par conséquent de manière relativement informelle, et il est à craindre que ces initiatives ne soient « sur mesure », voire parfois clientélistes. Cela desservira la décentralisation comme la réforme de l'Etat.
    Au moment de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, notre collègue Ségolène Royal a défendu, au nom du groupe socialiste, un amendement précisant que les dérogations législatives ou réglementaires ne peuvent avoir pour effet que d'élargir ou d'améliorer les conditions d'exercice d'un droit, de renforcer les protections individuelles et collectives, d'améliorer effectivement le service rendu aux usagers et ne peuvent remettre en cause le principe d'égalité devant le service public.
    M. René Dosière. Très bien, cela va mieux en le disant !
    M. Bernard Derosier. Dans la mesure où le juge constitutionnel a admis, dans plusieurs décisions, le principe de la règle expérimentale, à condition que soient respectées diverses exigences portant sur la teneur de l'expérimentation, sa durée et ses conditions de sortie, nos interrogations, du point de vue de la constitutionnalité, ne portent pas sur le fond du projet.
    N'est pas décentralisateur qui veut et, une fois de plus, la démonstration est faite que la décentralisation de droite n'est pas la décentralisation de gauche.
    M. Marc-Philippe Daubresse. On ne vous le fait pas dire !
    M. Bernard Derosier. Pour la droite, la décentralisation, c'est d'abord le renforcement du pouvoir des élus locaux. Pour la gauche, c'est avant tout le développement des responsabilités des citoyens. Il me semble que, à mener plusieurs réformes de front, vous avez fini par ne plus les discerner entre elles. Vous commettez en effet un cruel contresens en estimant que l'expérimentation, telle que vous la préconisez, servira la décentralisation.
    En effet, vous nous présentez aujourd'hui un texte facilitant la réforme de l'Etat et offrant la possibilité au Gouvernement - puisque l'expérimentation sera sans doute initiée en priorité, et en application de l'article 40 de la Constitution, par projet de loi et non proposition - de désigner des collectivités cobayes.
    Pour notre rapporteur, l'expérimentation est une méthode qui a pour objectif de « dégager une théorie générale ». Il s'agit donc plus de généraliser une expérimentation que de procéder à l'expérimentation en vue de la décentralisation.
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est vous qui le dites ! Ce n'est pas ce que dit le rapporteur !
    M. Bernard Derosier. Je le dis et je le démontre, mon cher collègue. Pour ces raisons, ce texte me semble profondément inutile à la décentralisation, d'autant plus qu'il est également nuisible. L'expérimentation telle que vous nous la proposez va desservir la cause de la décentralisation.
    Votre projet recèle des incertitudes et des incohérences textuelles qu'il importe de souligner. Surtout, il nous paraît incomplet, dangereusement incomplet.
    Dans la mesure où il permet de déroger aux règles d'organisation des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales, il devrait prévoir les conditions dans lesquelles ces collectivités seront appelées à donner leur accord aux dispositions projetées. Ainsi, monsieur le ministre, si une loi autorisait des régions à exercer à titre expérimental les compétences en matière de collèges, exercées par les départements, selon quelles modalités ces derniers seraient-ils consultés ?
    Votre texte permettra, dans les territoires, l'existence de régimes d'exception. De facto, il organise un transfert déguisé. Par conséquent, en prévoyant de manière insuffisante la réversibilité du processus et en facilitant de manière excessive les reconductions, vous mettez en place un régime d'exception propre à certaines collectivités.
    M. René Dosière. Très juste !
    M. Bernard Derosier. Si l'on additionne les délais qui figurent dans le projet, on obtient neuf années d'expérimentation possibles - cinq ans plus trois ans plus un an de prorogation grâce au dépôt du projet de loi prévu par la loi organique -...
    M. René Dosière. Plus long qu'un mandat sénatorial !
    M. Bernard Derosier. ... au terme desquelles on se rendra éventuellement compte de l'inanité du système. Mais, en ce cas, il est peu probable que la réversibilité fonctionne.
    Plus encore, ce cadre dépasse largement les limites d'une législature, ce qui est préjudiciable au législateur qui peut initier une expérimentation puis s'en désintéresser ou avoir oublié l'objectif recherché neuf ans plus tôt.
    Plus encore, rien n'est prévu si une loi généralisant ou stoppant l'expérimentation n'est pas votée. Est-ce le régime des ordonnances de l'article 38 qui s'appliquera ? En n'organisant pas clairement la fin de l'expérimentation, on risque, au détriment de la décentralisation, de favoriser de fréquents changements de situation juridique propres à déconcerter le citoyen et à engendrer un désordre législatif et réglementaire. D'ailleurs, comment la collectivité expérimentant prendra-t-elle en compte les nouveaux textes intervenus pendant qu'elle expérimente ? Votre projet présente trop de lacunes et favorise la multiplication des conflits de normes et des contentieux. La sécurité juridique en souffrira.
    Plus encore, c'est la sécurité de l'ensemble des collectivités territoriales qui risque de faire les frais d'une décentralisation expérimentée à l'initiative de l'Etat. L'extension envisagée du dispositif des zones franches urbaines proposée dans le projet pour la ville et la rénovation urbaine constitue un exemple assez éloquent qui illustre nos inquiétudes. Certaines de ces ZFU entreront en effet en concurrence avec des dispositifs d'aide à la création d'entreprises déjà créés à l'initiative d'une collectivité que je connais bien, le département du Nord. Lorsque j'en ai informé le ministre, il a refusé de m'entendre.
    Plus largement, qu'est-ce qui nous garantit que, demain, certaines expérimentations proposées et déléguées à des collectivités territoriales n'entreront pas en concurrence avec des dispositifs mis en place par d'autres collectivités ? J'y vois, quant à moi, un risque de délégation proposée par l'Etat au mépris des initiatives des collectivités territoriales et au détriment de la décentralisation.
    M. René Dosière. Très bonne analyse !
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. Bernard Derosier. Nous éprouvons en revanche la plus sévère incrédulité face à ce qui nous paraît une entorse à un dispositif que nous avons critiqué, mais que le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a voulu à toute force instaurer. Il s'agit de la primauté que vous avez prévue, aux termes de l'article 39 de la Constitution révisée, au bénéfice du Sénat, pour l'examen des projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales ».
    M. René Dosière. C'est inadmissible !
    M. Bernard Derosier. Lors des débats sur le projet de loi constitutionnelle, le groupe socialiste a combattu ce privilège accordé au Sénat.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Le Congrès a tranché !
    M. Bernard Derosier. Nous ne contestons pas le fait que, d'une manière générale, des textes intéressant les collectivités locales puissent être d'abord examinés par le Sénat.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n'est pas le débat de ce jour !
    M. Bernard Derosier. C'est une faculté dont dispose le Gouvernement, qui ne s'est pas privé d'y recourir, quelles que soient les majorités.
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est le débat d'hier !
    M. Bernard Derosier. Aucune raison juridique ne justifie que cette possibilité soit devenue une règle.
    Le Sénat est, certes, aux termes de l'article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités territoriales. Mais, dans un Etat qui n'est pas fédéral, cette caractéristique n'impose pas de conférer une telle primauté à la Haute Assemblée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est fait ! Le Congrès a tranché !
    M. Bernard Derosier. Ecoutez ma démonstration avec un peu de patience, monsieur le président Clément ! Le Congrès a tranché, mais vous pouvez écouter ma démonstration sur le fait que le Gouvernement et la majorité se préparent à ne pas respecter la Constitution.
    L'article 24 ne fixe que les modalités d'élection du Sénat, il n'en fait pas une chambre des collectivités. La constitutionnalisation de la prééminence du Sénat sur les textes relatifs aux collectivités territoriales, qui lie les mains du Gouvernement, était donc inutile, même si, monsieur le président Clément, elle est aujourd'hui dans la Constitution. Mais, que je sache, une Constitution, ça se modifie, dans un sens ou dans un autre.
    M. René Dosière. Et cela, il faudra le changer !
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Il faudra attendre un peu !
    M. Jean-Pierre Blazy. Quatre ans !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Un peu plus, je crois !
    M. Bernard Derosier. La constitutionnalisation de la prééminence du Sénat est aussi dangereuse - et là, vous nous soutiendrez, monsieur le président de la commission, puisque vous étiez favorable à notre point de vue au moment de la discussion de la modification constitutionnelle - car, dans la mesure où le Gouvernement ne peut pas engager sa responsabilité devant le Sénat, et dès lors que le Sénat applique l'article 40 avec beaucoup plus de souplesse que l'Assemblée,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Un peu plus.
    M. Bernard Derosier. ... la conjonction de ces deux spécificités risque de renforcer l'aspect quelque peu corporatiste d'une chambre au sein de laquelle des représentants d'élus locaux débattront en premier des problèmes des élus locaux.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Bernard Derosier. On pourrait craindre des dérives à moins.
    Nous avons aussi désapprouvé vigoureusement cette modification en ce qu'elle crée une source presque inépuisable de contentieux. En effet, la notion de « principal objet » nous paraît suffisamment floue et imprécise pour appeler des interprétations différentes, donc divergentes, et donc conduire à des contestations qui ne serviront pas l'efficacité du travail parlementaire. L'abandon de la référence aux ressources par rapport à la version initiale de l'article 3 du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République ne corrige pas cette faille.
    Le plus grave est le déséquilibre institutionnel que votre majorité, monsieur le ministre, a accepté, pour certains, il est vrai, avec réticence.
    A ma connaissance, nous nous inscrivons toujours dans la logique et l'esprit de la Ve République. Les constituants de 1958 ont voulu que notre bicaméralisme associe une première chambre élue au suffrage universel direct et une deuxième chambre élue au suffrage indirect. Ainsi, ils ont voulu un bicaméralisme inégalitaire.
    Ce choix était justifié. L'Assemblée nationale détient son droit de priorité parce qu'elle est élue au suffrage universel direct et qu'elle représente l'intérêt général. Contrairement au Sénat, elle est l'expression de la souveraineté nationale.
    Le gouvernement de M. Raffarin a donc délibérément remis en cause un facteur d'équilibre institutionnel...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est normal, il vient du Sénat.
    M. Bernard Derosier. ... fondé sur des différences dans les modes d'élection des deux assemblées,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Jaloux !
    M. Bernard Derosier. ... sans rétablir cet équilibre en modifiant la loi électorale qui s'applique aux sénateurs - celle-ci vient même d'être modifiée dans des conditions qui aggravent le déséquilibre, et mon collègue Bernard Roman, à cette même tribune, en a dénoncé les effets négatifs. L'alternance, quoi que vous en disiez, est actuellement impossible au Sénat.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n'est pas la question !
    M. Bernard Derosier. On peut donc imaginer, demain, notre assemblée, bien qu'élue au suffrage universel direct, empêchée de débattre d'un texte et de le faire voter, en raison du blocage du Sénat.
    M. Michel Piron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales. C'est hors sujet !
    M. Bernard Derosier. Si le dispositif constitutionnel de 1982 avait été celui du nouvel article 39, les lois Mauroy-Defferre de 1982 auraient-elles pu être adoptées ? Comment aurait été traitée la loi sur l'intercommunalité de 1992 ? Le pouvoir exorbitant octroyé au Sénat ne le conduira-t-il pas à revendiquer un jour une sorte de droit de veto ?
    J'attends avec intérêt les réponses qui seront apportées à ces interrogations, d'autant que nous n'avons pas été les seuls à les formuler. Le Conseil d'Etat, d'après les informations que nous avions obtenues, se montrait critique dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle, estimant qu'il ne paraissait pas conforme à la conception du bicaméralisme qui prévaut au moins depuis 1946 de donner à l'assemblée qui n'est pas élue au suffrage universel direct la primauté dans l'examen d'une catégorie très importante de textes législatifs.
    Pierre Méhaignerie, dans le rapport pour avis qu'il avait présenté au nom de la commission des finances, émettait lui aussi des doutes. Il n'avait pas été le seul à exposer ses interrogations : le président de notre commission des lois, rapporteur du projet de loi constitutionnelle, ne semblait pas totalement rassuré.
    Aujourd'hui, par un curieux retournement, le projet de loi organique sur les expérimentations, qui, si je ne m'abuse, a bien pour objet principal « l'organisation des collectivités territoriales », est présenté en première instance à l'Assemblée nationale, au mépris de la révision constitutionnelle imposée quelques mois auparavant, y compris à ceux des parlementaires UMP qui en voyaient très clairement les failles.
    M. René Dosière. Le ministre veut se faire pardonner !
    M. Bernard Derosier. Le président de la commission des lois avait averti des risques liés à la modification de l'article 39. Nous en vivons aujourd'hui la première illustration.
    Je n'imagine pas une seconde que vous ayez de « l'organisation des collectivités territoriales » une conception restrictive, qui se heurterait d'ailleurs au contenu même du livre Ier du code général des collectivités territoriales. Sinon, vous l'auriez spécifié lors de nos débats sur la révision constitutionnelle, ou bien le rapport de la commission des lois aurait donné les précisions nécessaires. Je note d'ailleurs, pour illustrer mon propos, que, s'agissant des départements, les relations entre les départements et les services de l'Etat figurent dans le livre Ier. Or, il est clair que la majorité des expérimentations porteront sur ce domaine.
    Pour sa part, le groupe socialiste ne voit pas en quoi ce texte, qui prévoit des possibilités de déroger au régime général d'organisation des collectivités territoriales, pourrait ne pas être concerné par l'article 39 de la Constitution. Il est probable, monsieur le ministre, que le Conseil constitutionnel, lorsqu'il sera amené à se prononcer sur ce point, y verra un motif de censure. Car manifestement, ce texte aurait dû être examiné en premier lieu par le Sénat.
    M. René Dosière. Très juste !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est savoureux !
    M. Bernard Derosier. Ce n'est pas savoureux, monsieur le ministre, c'est la réalité ! Certes, nous nous sommes opposés à cette modification de la Constitution, mais...
    M. Guy Geoffroy. Quel culot ! Plus c'est gros, mieux ça passe !
    M. Bernard Derosier. Ce n'est pas du culot, mon cher collègue. Nous rirons bien quand le Conseil constitutionnel se prononcera. Et je ne doute pas un instant que l'honnêteté intellectuelle de ses membres les amènera à vous dire le droit constitutionnel que manifestement vous avez oublié !
    M. Guy Geoffroy. Si c'est ce que vous voulez, il faudra bien auparavant que nous débattions de cette loi !
    M. Jean-Pierre Gorges. M. Derosier devient agressif !
    M. Bernard Derosier. Non, pas du tout. Vous voulez que je vous montre comment je suis quand je suis agressif ? Demandez à M. Daubresse, parfois il le sait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Unin pour un mouvement populaire.)
    Je souligne donc à nouveau, mes chers collègues - et vous savez bien que vous êtes ébranlés dans votre conviction - que ce texte aurait dû venir en premier lieu devant le Sénat.
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est fou ce que nous sommes ébranlés !
    M. Jean-Pierre Gorges. Nous tremblons !
    M. Bernard Derosier. Riez, riez ! Rira bien qui rira le dernier ! Vous savez, dans le nord, on dit : « El bac s'artourne d'sus l'pourchau », (le bac finira bien par se retourner sur le pourchau). (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Vous en savez quelque chose !
    M. Marc-Philippe Daubresse. On dit aussi : « Grand diseux, peu faiseux » !
    M. Bernard Derosier. C'est vrai, et vous en savez quelque chose, monsieur Daubresse !
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est-à-dire ?
    M. Bernard Derosier. Vous serez tenté de nous répondre, monsieur le ministre, que nous devrions nous réjouir que ce texte n'ait pas été examiné en premier lieu par le Sénat, puisque nous étions défavorables à la constitutionnalisation de cette pratique. Ce serait bien insatisfaisant de votre part et vous ne vous en contenterez pas.
    D'ailleurs, la question, en l'espèce, n'est pas celle de l'opinion du groupe socialiste, mais celle de la constitutionnalité du texte.
    M. René Dosière. Très juste !
    M. Bernard Derosier. Si la majorité ne respecte pas les règles qu'elle a elle-même fait voter, à quoi joue-t-elle ?
    Devons-nous comprendre que vous admettez votre erreur ? Est-ce à dire que MM. Clément et Méhaignerie avaient vu juste ? Devons-nous déduire qu'après la révision constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République, après le simulacre de réforme du Sénat adopté par la majorité la semaine dernière, vous estimez avoir fait deux cadeaux à M. Raffarin, très sourcilleux sur les privilèges sénatoriaux,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est petit, tout petit !
    M. Guy Geoffroy. Il s'achève mal, ce discours !
    M. Bernard Derosier. ... qui justifient que vous fassiez, aujourd'hui, une fleur à M. Debré, à juste titre préoccupé de l'aggravation du déséquilibre institutionnel entre les deux assemblées - et vous le savez bien, mes chers collègues - et bien en mal de faire respecter les prérogatives constitutionnelles de la chambre qu'il préside aujourd'hui ?
    Ainsi donc, beaucoup de questions demeurent posées. Elles sont, pour l'instant, sans réponses. Peut-être y répondra-t-on aisément par des « On verra lorsqu'on y sera » ou d'autres « On va créer une commission » ou encore « On négociera », voire « Le juge tranchera ». Ces questions prennent une dimension vertigineuse lorsqu'elles sont multipliées par les 100 départements, les 36 500 communes, les 26 régions et je ne sais combien d'établissements publics de coopération intercommunale concernés par ce texte.
    Une dernière question me laisse sceptique quant à la réelle applicabilité de votre projet. Comment financera-t-on ces expérimentations sans violer le principe d'égalité de tous devant les charges publiques ?
    M. René Dosière. Très bonne question !
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est dans la Constitution !
    M. Bernard Derosier. Les collectivités les financeront-elles elles-mêmes ? En ce cas, on sait que l'expérimentation sera un moyen pour les collectivités les plus riches d'inaugurer des compétences qu'il faudra par la suite compenser.
    Au contraire, l'Etat compensera-t-il les expérimentations ? En ce cas, faut-il comprendre que les collectivités expérimentatrices auront la liberté d'initier des dépenses qu'il faudra, au nom de la compensation, payer sans les avoir engagées...
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui ! Bonne question !
    M. Bernard Derosier. ... et que les élus locaux disposeront ainsi d'une marge que l'article 40 de la Constitution dénie aux parlementaires ?
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est la véritable question.
    M. Bernard Derosier. Plus précisément encore, l'évaluation budgétaire du poids de l'expérimentation aura-t-elle lieu à la fin des expérimentations ou donnera-t-elle lieu à une discussion spécifique annuelle lors du vote de la loi de finances ?
    Il ne me semble pas opportun de s'engager sur la voie où vous nous invitez sans même avoir abordé la question financière. Je sais - je l'ai entendu sur ma droite - que vous allez me renvoyer à l'article 72-2 de la Constitution. Cet article précise que ce sont les « transferts de compétences », et non les expérimentations, qui s'accompagnent de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
    Votre projet n'est pas bon parce qu'il ne va pas dans le sens de la décentralisation. Il se borne en effet à consacrer et à ouvrir de plus grandes perspectives à un procédé centralisé de réforme de l'Etat dans lequel on désignera les collectivités locales qui voudront bien servir de cobayes aux réformes proposées. Faute de concertation et parce que mal rédigé, il court le risque de nuire à la décentralisation en installant durablement différentes collectivités dans un état d'exception mal maîtrisé et pourtant durable.
    M. Jean-Pierre Blazy et M. René Dosière. Très bien !
    M. Bernard Derosier. La démocratie locale n'y gagnera pas, d'autant moins que la lisibilité de l'action publique en ressortira considérablement brouillée. Utiliser les arguments de l'abstention aux dernières élections, ou le vote du 21 avril 2002, me semble particulièrement maladroit.
    Ce projet témoigne donc une fois de plus que la décentralisation n'est pour vous - à tout le moins - qu'un hochet médiatique ou une incantation mais en aucune manière un projet politique cohérent.
    On ne modifie pas notre Constitution impunément. Quelles que soient vos motivations, c'est votre affaire. Mais à quoi bon discuter d'un texte que le Conseil constitutionnel risque fort de censurer ?
    M. Guy Geoffroy. Justement ! Discutons-en pour que vous ayez le plaisir de lui déférer ce texte !
    M. Bernard Derosier. Notre ordre du jour est suffisamment chargé - et je vois le président de notre assemblée qui en discute avec le ministre (Sourires) - pour que nous ne perdions pas de temps à participer à un débat inconstitutionnel.
    C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par un constat. Je défie quiconque serait même doué de divination de savoir en vous écoutant, cher collègue Derosier, quel est le sujet du texte dont nous débattons ce soir.
    M. Bernard Derosier. Je peux recommencer, si vous voulez !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Cela ne changerait rien. Car si nous n'avons pas compris où était le rapport avec le sujet, c'est parce que vous n'en avez pas traité une seule seconde ! Vous avez fourni un gros effort, je le reconnais, dans la recherche d'une disposition sur laquelle fonder cette exception d'irrecevabilité. Saluons donc l'effort, car il existe ! Quant à savoir s'il est couronné de succès, c'est beaucoup moins sûr !
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'avez peut-être pas tout compris !
    M. Pascal Clément, président de la commission. J'admets, monsieur Blazy, que la finesse de la pensée de M. Derosier a parfois pu m'échapper. Néanmoins, je souhaiterais revenir sur ce qu'a voulu nous démontrer notre collègue.
    J'en viens à mon deuxième constat. Lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle, nous avions cru comprendre que votre opposition concernait essentiellement la modification de l'article 39.
    M. René Dosière. Bien sûr !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Sur les autres aspects de la réforme, nous ne vous avions guère entendus. Aujourd'hui, vous vous fondez sur ce à quoi vous vous opposiez ! Voilà que nous aurions dû suivre l'ordre prévu par l'article 39. C'est un beau paradoxe que je tenais à souligner !
    M. René Dosière. Nous respectons la Constitution, c'est tout !
    M. François Brottes. C'est l'arroseur arrosé !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Cela ne manque pas de sel.
    M. Guy Geoffroy. Ils n'y croient pas eux-mêmes ! Ils multiplient les contorsions !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Comme quoi, cet argument vous permet d'être contre dans un sens ou dans l'autre sens. De toute façon, vous êtes contre, massivement contre ! Au moins, c'est clair, l'affaire est entendue.
    Cela dit, j'ai cru comprendre que vous aviez développé deux points, cher monsieur Derosier. Le premier porte sur la question de savoir ce que signifie l'article 39 dont la modification initialement envisagée a, je vous le rappelle, été amendée au cours du débat parlementaire. Cet article dispose à présent que le Sénat est saisi avant l'Assemblée nationale des projets de loi dont le principal objet est « l'organisation des collectivités territoriales ». Or, la signification du mot « organisation » se comprend très facilement, a contrario, quand on se souvient des amendements qui ont été apportés au projet de loi constitutionnelle initial. Je vous rappelle, en effet, monsieur Derosier que, à l'origine, le Sénat devait être saisi en premier lieu des textes « ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources ». Quand, vous m'avez fort aimablement fait parler, ainsi que Pierre Méhaignerie, vous avez simplement adapté les critiques que j'avais émises s'agissant de l'inclusion dans le champ de l'article 39 des textes portant sur les ressources, et surtout sur les compétences. Or, ce sont précisément les domaines que nous avons décidé d'exclure de la modification constitutionnelle, pour ne mentionner que « l'organisation ». Par conséquent, même si vous ignoriez ce qu'il faut entendre par « l'organisation », le fait que nous ayons renoncé à inclure dans le champ de la révision constitutionnelle les textes portant sur les ressources et les compétences devrait, quand même, vous faire voir de quoi il s'agit.
    Les projets de loi organique dont nous discutons ce soir ont pour objet l'expérimentation et le référendum...
    M. René Dosière. Tout le monde l'avait compris !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Eh bien non, tout le monde ne l'avait pas compris. Manifestement, ces objets sont à inclure non pas dans « l'organisation » mais dans les « compétences » des collectivités territoriales, puisqu'il est bien prévu que le droit à référendum ne peut se faire que dans des compétences très précises. Sinon, il serait illégal. Nous avons même amendé le texte sur la question de savoir si le préfet pouvait immédiatement surseoir à l'organisation de ce référendum si, par hasard, il venait à porter sur une autre compétence que celles indiquées par la loi. C'est donc bien dire qu'il s'agit ici de textes dont le principal objet est les « compétences » des collectivités territoriales et non pas leur « organisation ». Voilà pour ce premier point d'inconstitutionnalité. Vraiment, monsieur Derosier, avec la meilleure volonté du monde pour vous donner toutes vos chances, je ne vois pas du tout où vous voyez un motif d'inconstitutionnalité.
    Je voudrais dire aussi que vous avez dit quelque chose qui m'a véritablement choqué. Ce premier point méritait une explication, mais il n'était pas choquant. Ce qui m'a choqué - et c'est là une pratique dont on devrait définitivement se défaire quand on est dans l'opposition, ma remarque vaut donc alternativement pour les uns et pour les autres -, c'est que vous soyez allé chercher l'appui du Conseil d'Etat, dont l'avis est donné au Gouvernement et n'est pas public, pour expliquer que la loi est mauvaise. Enfin, monsieur Derosier ! Vous, un grand démocrate, un grand républicain, vous voulez nous faire admettre, nous faire croire, nous faire imaginer que le conseil du Gouvernement serait plus puissant que le peuple souverain ? Ça ne vous gêne pas ? C'est effrayant ! Je pense que votre langue a fourché. Vous ne vouliez quand même pas dire que le peuple souverain allait s'en remettre à l'avis de juges qui sont par ailleurs les conseils de l'Etat ! Il n'en est évidemment pas question !
    Je retiens donc que vous retirez votre deuxième argument, du moins je préfère l'imaginer, parce qu'il est indigne d'un républicain comme vous.
    Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais dire : M. Derosier est intéressant sur le premier point, mais évidemment pas crédible. Sur le deuxième point, il a déjà retiré ce qu'il a pu vouloir dire sur le Conseil d'Etat. En conclusion, il est donc favorable au projet, mais il ne pouvait pas le dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Derosier, je vous ai écouté attentivement. Je note que vous ne soulevez aucune objection à l'encontre de la loi organique sur le référendum local et que vos objections ne portent que sur la loi organique relative à l'expérimentation par les collectivités locales.
    Faisant flèche de tout bois, vous avez émis de nombreuses critiques. Admettez que celles concernant la Constitution n'ont pas leur place dans une exception d'irrecevabilité.
    Plus savoureuses ont été les critiques que vous avez émises en contestant la « loi sénatoriale ». Toutefois, je vous rappelle qu'elle a été votée par le groupe socialiste du Sénat.
    M. Bernard Derosier. Ils sont d'abord sénateurs avant d'être socialistes !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Bien, vous le leur avez dit.
    M. Guy Geoffroy. Nous le leur disons aussi !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Au demeurant, c'est plutôt à leur honneur d'être d'abord des sénateurs avant d'être des membres d'un parti politique. Et j'espère que c'est la même chose pour tous les membres des différents groupes. Ici, vous êtes d'abord des députés avant d'appartenir à tel ou tel parti. Vous êtes tous des représentants de la souveraineté nationale.
    M. Bernard Schreiner. Nous aimerions que ce soit vrai pour tout le monde !
    M. Gilles Cocquempot. M. Raffarin, lui, reste, sénateur avant tout !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous êtes les représentants de la souveraineté nationale, cette situation doit transcender tous les clivages.
    Au Sénat, ce sont d'abord des sénateurs qui ont voté la réforme que vous critiquez.
    J'en viens à votre unique argument, car il me semble que vous n'en avez développé qu'un. Je l'accepte parfaitement et l'avocat que je suis peut le comprendre. Peut-être cela tient-il à l'habitude qu'ont les avocats de défendre parfois l'insoutenable, y compris des thèses qu'ils ont eux-mêmes combattues.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est un grand défenseur de la présomption d'innocence qui parle !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Votre seul argument consiste à nous demander d'être fidèles à nos principes, à ce que nous avons voulu, et de saisir le Sénat en premier.
    Eh bien, monsieur Derosier, nous le sommes, et je vais vous le montrer.
    Vous avez critiqué le Conseil d'Etat, à mon avis à tort.
    M. Bernard Derosier. Je n'ai fait que le citer !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. En effet, vous l'avez cité, en disant qu'il avait critiqué la réforme de la Constitution. Eh bien, en agissant ainsi, il est sorti de son rôle. C'est au représentant de la souveraineté nationale de dire ce que doit être la Constitution, et à lui seul. En l'occurrence, le Conseil d'Etat est un conseil juridique qui peut souligner ce qui est pertinent ou contraire au droit, mais qui ne peut pas indiquer ce qui est bien ou mal pour le pays. S'agissant d'une réforme de la Constitution, seul m'intéresse l'avis du Conseil d'Etat sur les conséquences juridiques de ce qui est envisagé par le souverain, mais pas son appréciation de la vie politique de notre pays au sens noble du terme.
    En revanche, pour ce qui est de la loi organique, l'avis du Conseil d'Etat est effectivement important car - s'il reste dans les limites de sa fonction bien entendu - il donne un conseil juridique, un avis sur le droit. S'agissant de la loi organique sur l'expérimentation, le Conseil d'Etat nous a précisé que, selon l'article 39 de la Constitution, ce sont les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales qui sont soumisen premier au Sénat. Or le principal objet du texte relatif à l'expérimentation concerne les compétences et non l'organisation. Comme l'a dit fort heureusement le président Clément, les compétences ont été extraites de l'organisation. Nous sommes donc parfaitement en conformité avec la Constitution. En tout cas, c'est l'avis du Conseil d'Etat.
    Malgré votre don prophétique, vous avez fait un pronostic qui me semble quelque peu aventureux. Pour ma part, j'ai l'habitude des juges et je me garde bien de faire des pronostics car le droit est une science incertaine.
    M. Gilles Cocquempot. La politique aussi !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Napoléon ne disait-il pas : « Il n'est pas de tyran qui n'ait trouvé un juriste ! » (Sourires) C'est vous dire combien le droit est incertain.
    Je considère que le Gouvernement est de bonne foi lorqu'il saisit en premier l'Assemblée nationale, et ce en accord avec l'avis du Conseil d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Dans les explications de vote l'exception d'irrevabilité, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe UMP.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Bernard Derosier vient de se livrer devant nous à un numéro aventureux de contorsionniste pour défendre une exception d'irrecevabilité dont la première partie s'apparentait d'ailleurs plus à une question préalable.
    S'agissant de la seconde partie de son propos, je ne m'y attarderai pas étant donné que le président de la commission des lois et le ministre viennent de démontrer brillamment que l'argumentation de notre collègue sur l'article 39 de la Constitution était pour le moins spécieuse, puisqu'elle a consisté à nous demander de ne pas voter les projets de loi organiques qui nous sont proposés au prétexte qu'ils sont conformes à la Constitution. Voilà ce qu'il vient d'essayer de nous démontrer !
    M. Bernard Derosier. J'ai dit le contraire !
    M. Marc-Philippe Daubresse. J'en reviens aux arguments qu'il a présentés au début de son propos et qui auraient trouvé davantage leur place dans la défense d'une question préalable.
    D'abord, nous avons vu surgir le vieil esprit jacobin qui souffle encore largement dans les rangs du parti socialiste et qu'incarne si bien Ségolène Royal, formée à l'Ecole nationale d'aministration.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous deviez la supprimer !
    M. Marc-Philippe Daubresse. On nous explique ici et là, jour après jour, que la réforme de la décentralisation portera atteinte au principe d'égalité. Au contraire, le grand intérêt de ces deux projets de loi organique - en particulier celui sur l'expérimentation -, c'est d'encadrer, sous le contrôle étroit du Parlement, tout le processus pour que le principe d'expérimentation et le principe d'égalité puissent coexister dans un équilibre bien pensé.
    D'autres arguments renvoyaient à ce qu'a fait le précédent gouvernement. Et là, on touche au paradoxe. Bernard Derosier a fait allusion aux conclusions de la commission sur l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy. Or, justement, celui-ci disait qu'on ne pouvait envisager d'expérimentations que si elles étaient, d'une part, réversibles et, d'autre part, généralisables en cas de succès. Et c'est précisément ce que prévoit le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales. Ce texte est une réponse concrète à ce que préconisait Pierre Mauroy.
    M. Derosier nous parle de l'opacité de ce projet, et lui oppose la loi Vaillant sur la démocratie de proximité, dont il était le rapporteur, et le débat qui a eu lieu sur la proposition de loi Méhaignerie sur le droit à l'expérimentation. Or, les conditions que le porte-parole du groupe socialiste avait mises pour voter cette proposition de loi sont remplies par le projet de loi organique relatif à l'expérimentation. On voit bien la difficulté qu'a éprouvée M. Derosier pour poursuivre son numéro de funambule !
    Quant à la loi Vaillant, elle n'encadrait strictement rien. Nous, nous allons encadrer les choses de manière très précise.
    En revanche, il a fait allusion à l'action du précédent gouvernement en ce qui concerne la Corse - et je le comprends, car ce n'était pas très glorieux. En effet, celui-ci était parti tête baissée dans un piège constitutionnel. Et, bien évidemment, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de le sanctionner. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Enfin, en ce qui concerne les transferts de charges et de moyens financiers, de grâce, mes chers collègues de la gauche plurielle, arrêtez de nous donner des leçons, alors que vous avez transféré, sans aucune contrepartie financière, les SDIS et l'APA.
    M. Bernard Derosier. Les SDIS, c'est vous, avec la loi de 1996 !
    M. Marc-Philippe Daubresse. S'agissant des SDIS, l'application a eu lieu sous votre gouvernement.
    Quant à l'APA, monsieur le président du conseil général du département du Nord, comment pouvez-vous tenir sur le terrain un discours dénonçant l'actuel Gouvernement, alors que vous savez très bien que c'est votre gouvernement qui a mis cette aide à la charge des départements,...
    M. Bernard Derosier. C'est faux ! Vous mentez ! C'est une honte.
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... et ce sans aucune contrepartie financière ? Voilà ce qu'on appelle un exercice de sincérité. Le problème avec vous, les socialistes, c'est que vous avez des sincérités successives.
    En écoutant l'orateur du groupe socialiste, je me rappelais cette phrase de Woody Allen : « La réponse est non, mais au fait quelle était la question ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe UDF.
    M. Gilles Artigues. Le groupe UDF que je représente dans cette assemblée regrette que ce grand débat sur la décentralisation n'entraîne pas un consensus.
    Nous sommes surpris du procès d'intention fait à ces textes, en particulier des accusations portées à leur encontre et selon lequelles ils créeront des inégalités territoriales. Comme si le Gouvernement était totalement irresponsable et cherchait à instaurer une France à plusieurs vitesses. En fait, il s'agit d'une simple manoeuvre destinée à retarder la véritable discussion, que l'ensemble de nos concitoyens considèrent pourtant comme très importante.
    Ces textes n'ont rien d'anticonstitutionnel. Ils sont même le prolongement de la loi de révision constitutionnelle et vise à l'améliorer.
    Les réponses point par point de M. le ministre et du président de la commission nous ont convaincus. Le groupe UDF ne votera donc pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale commune

    Mme la présidente. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je vais parler du texte relatif au référendum local, qui a été qualifié par nos collègues socialistes au Sénat de « coquille vide ». Sans doute voulaient-ils dire par là que ce texte sonne un peu creux. En effet, il s'agit surtout d'un moyen pour le Gouvernement de justifier sa grande entreprise de décentralisation, bien souvent éloignée des préoccupations concrètes des Français, en faisant croire à un développement de la citoyenneté au niveau local. Je dis bien « en faisant croire » car il apparaît que la réalité du texte tend à limiter les conditions de mise en oeuvre de ce que nous appelons pour notre part la « démocratie participative ». J'y reviendrai.
    Le Gouvernement nous présente la référendum local comme étant l'alpha et l'oméga de la démocratie participative. Il convient de modérer cet enthousiasme et de rappeler que celle-ci ne passe pas seulement par ce type de consultation, qui peut même prendre, dans certains cas, un aspect plébiscitaire, mais qu'elle passe également - et peut-être surtout - par des dispositifs associant les citoyens à la prise de décision, comme les conseils de quartier, les comités consultatifs sur les services publics locaux, et, de manière plus générale, par le développement la vie associative, culturelle et sociale à l'échelon local.
    Et surtout, monsieur le ministre, l'enthousiasme récent du Gouvernement vis-à-vis du référendum local paraît bien étrange, à l'heure où le référendum au plan national, s'il ne tombe pas en désuétude, est utilisé avec parcimonie et sanctionné par un fort taux d'abstention.
    Je me souviens même d'un candidat de droite, qui, lors de l'élection présidentielle, affirmait que le peuple serait consulté à propos de la réforme constitutionnelle sur la décentralisation à laquelle il envisageait de procéder et qui, une fois au pouvoir, a bien modéré ses ardeurs. M. Chirac n'a pas fait usage du référendum pour la décentralisation. Qu'en sera-t-il demain pour l'insertion de la charte de l'environnement dans la Constitution ?
    Assurément, pour la majorité, le référendum national ne paraît pas un moyen pertinent de consultation des Français !
    Dans ces conditions, il est bien étrange de voir aujourd'hui le Gouvernement se faire le défenseur de la consultation directe du peuple, alors qu'il ne la pratique pas lui-même au niveau national, au mépris de ses engagements électoraux.
    Vous vantez la démocratie locale et la participation des citoyens d'un côté, et vous évitez le référendum national de l'autre. Voilà qui n'est pas fait pour faciliter la compréhension des citoyens ni pour encourager leur participation à la vie publique. Et ce n'est pas l'échec cinglant que le Gouvernement vient de subir le 6 juillet dernier en Corse qui l'incitera à consulter demain les citoyens par voie référendaire.
    J'ai pourtant une explication à ce paradoxe. La réforme constitutionnelle de la décentralisation du 28 mars dernier a été, dans le meilleur des cas, mal comprise par nos concitoyens, et bien souvent vécue comme une remise en cause de certains acquis, et donc comme une source d'inquiétudes supplémentaires. Ces inquiétudes sont d'ailleurs légitimes, car ce que vous considérez comme de la décentralisation s'apparente bien au contraire à un véritable démantèlement de l'Etat.
    C'est la gauche qui a initié la décentralisation, et notre conception est au contraire celle d'un processus visant à mieux associer le citoyen à des décisions qui les concernent très directement.
    Le Gouvernement trouve donc dans le référendum local un moyen pour justifier aux yeux des Français une réforme qui, il faut l'avouer, ne passionne guère le pays. Il entend parachever sa réforme constitutionnelle par un gadget démocratique qui, lorsqu'il n'innove pas, restreint de fait le champ d'application de la démocratie locale.
    La démocratie locale est une réalité. Depuis une vingtaine d'années se développent à l'échelon communal de nombreuses formes de participation et d'exercice de la citoyenneté. Les élections locales participent pleinement à la vie démocratique de notre pays, et c'est bien souvent au niveau local que l'engagement individuel du citoyen trouve un débouché immédiat.
    Pour autant, si la démocratie locale existe, elle a besoin de la démocratie participative pour se développer : le citoyen doit être le plus directement possible associé aux prises de décisions. C'est là une condition essentielle pour enrayer la désaffection des citoyens vis-à-vis de la démocratie, dont les conséquences sont une forte abstention, une méfiance vis-à-vis des élus dans leur ensemble et un vote extrême. Souvenons-nous du 21 avril !
    Nous sommes bien évidemment favorables à la démocratie participative, à l'égard de laquelle beaucoup d'élus affichent pourtant leur scepticisme, parce qu'elle est présentée comme concurrente de la démocratie représentative et donc de leur fonction.
    Alain Gest, le rapporteur de la commission, tente de dépasser ce débat et cette vaine opposition, et explique à juste titre que des procédures d'association directe des citoyens aux décisions locales enrichissent le débat public et responsabilisent à la fois les citoyens et les élus, en créant un mouvement de confiance en leur faveur et en favorisant le respect de leurs décisions.
    Il faut en effet en finir avec les craintes injustifiées que suscite le retour du citoyen sur le devant de la scène, et au contraire encourager ce mouvement, sollicité il est vrai par les intéressés eux-mêmes, comme le rappelle un sondage de 1997 cité par notre rapporteur : 85 % des Français jugent ainsi essentiel de mettre en place et de financer des projets qui favorisent la participation des citoyens à la vie locale.
    La gauche a toujours été convaincue de la nécessité de rapprocher le citoyen de la prise de décision.
    M. Jean-Pierre Gorges. Ben alors !
    M. Jean-Pierre Blazy. Elle a même toujours été convaincue de la nécessité de décentraliser. La loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, départements et régions, est l'une des plus grandes réformes institutionnelles de ces vingt dernières années en France et constitue, on le sait, le point de départ de toute le processus de décentralisation. Elle est l'oeuvre de la gauche, et la droite avait à l'époque voté contre, ne l'oublions pas. Il faudra certes attendre une dizaine d'années avant que nous ne mettions en place le droit pour les électeurs d'être directement consultés au niveau municipal. Toutefois, même si je regrette ce délai, sans doute trop long, je note que ces deux avancées majeures ont été mises en place par la gauche.
    Laissez-moi également vous rappeler que la loi du 6 février 1992 est venue concrétiser la volonté, exprimée dix ans plus tôt, de développer la participation des citoyens pour accompagner le mouvement de décentralisation. Pierre Joxe a ainsi reconnu pour la première fois aux électeurs d'une commune le droit d'être directement consultés sur les décisions que les autorités municipales sont autorisées à prendre. Certes, cette consultation n'avait qu'une valeur d'avis et n'était organisée qu'à l'initiative des élus, mais elle ouvrait la voie de la démocratie participative.
    Cette loi d'orientation de février 1992 permettait également de développer une meilleure information des citoyens et de les associer aux décisions municipales au travers de comités consultatifs. La participation des citoyens passe également par de tels dispositifs.
    La loi dite « démocratie de proximité » du 27 février 2002 a permis, elle aussi, de faciliter la participation des citoyens aux décisions qui les concernent en rendant obligatoires les conseils de quartier dans les communes de 80 000 habitants ou plus, en assouplissant le fonctionnement des comités consultatifs et en rendant obligatoire la création d'une commission consultative compétente pour l'ensemble des services publics locaux afin de mieux prendre en compte les avis des usagers. La participation des citoyens a été encouragée par cette loi, et l'actuelle majorité a pourtant voté contre, il y a seulement un peu plus d'un an.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Blazy. Il convient également de citer la loi du 4 février 1995 - une loi défendue et présentée par Charles Pasqua - qui comporte une avancée notable : l'initiative populaire. En effet, cette loi permet à un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales de demander au conseil municipal ou à l'organe délibérant d'un EPCI d'organiser une consultation sur une opération d'aménagement relevant de sa compétence. Bien que limitée, cette initiative est une avancée non négligeable pour la démocratie participative.
    Monsieur le ministre, votre projet n'est pas satisfaisant et ne peut finalement que décevoir nos attentes et surtout celles des citoyens. Il comporte ainsi de nombreuses insuffisances.
    Tout d'abord, le référendum local prévu par le Gouvernement est organisé uniquement par les collectivités territoriales : communes, départements et régions. Or l'impossibilité pour les intercommunalités d'organiser un tel référendum décisionnel est un vrai problème. En effet, depuis la loi Chevènement, l'intercommunalité s'est considérablement développée dans notre pays. Ce mouvement s'est tout naturellement accompagné d'un transfert de compétences des communes vers les intercommunalités. Ces compétences ne sont pas les moindres : aménagement économique, social et culturel de l'espace communautaire, mais aussi transports urbains, une partie du logement social, l'eau, l'assainissement ou le traitement des déchets. La loi organique, en limitant le référendum local aux collectivités territoriales, exclut donc les intercommunalités. Certes, celles-ci ne sont pas élues au suffrage universel, et nous ne pouvons que regretter un tel déficit démocratique.
    Permettez-moi, monsieur le ministre, de livrer à la représentation nationale l'analyse de François Luchaire, ancien membre du Conseil constitutionnel - donc un éminent constitutionnaliste - qui a notamment participé à l'élaboration de la Constitution de la Ve République - une référence - à propos des insuffisances dont je parle. L'exclusion des intercommunalités du référendum local pose un réel problème d'efficacité, le référendum local se prêtant plus, selon ses propres termes, « aux décisions majeures [plutôt] qu'aux décisions mineures ». Il regrette que les communes membres des communautés « ne puissent pas recourir au référendum dans les domaines » de compétence « les plus importants ». Seront donc exclues du champ du référendum toutes les compétences transférées, mieux même, il suffira, dans ces communautés, de déclarer une compétence d'intérêt communautaire pour la faire échapper, provisoirement ou durablement, à la décision des électeurs.
    Vous conviendrez, monsieur le ministre, que la portée de votre projet est plus que limitée si les citoyens n'ont pas les moyens de se prononcer sur des sujets majeurs qui relèvent des EPCI et qui sont au coeur des préoccupations quotidiennes des Français aujourd'hui. Ce sont ces mêmes préoccupations, touchant notamment au cadre de vie et à l'aménagement, qui justifiaient, selon le Président de la République, la mise en place d'un référendum local.
    Votre texte contredit donc dans la pratique la volonté du Président ! Cela est regrettable. C'est face à de telles difficultés et à de telles contradictions que votre texte, monsieur le ministre, dévoile sa nature véritable : il n'est qu'un affichage, un moyen pour vous d'affirmer une évolution vers plus de démocratie locale, alors que celle-ci n'est qu'apparente. Les citoyens et les élus ne pourront pas s'y tromper !
    Mais l'exclusion des intercommunalités n'est pas la seule insuffisance de ce texte. Votre projet de loi organique prévoit que seuls les électeurs inscrits sur les listes électorales pourront participer au scrutin organisé pour le référendum local. Cette disposition exclut évidemment les citoyens d'origine étrangère, et même, dans le cas de référendums organisés par les départements ou les régions, les ressortissants de l'Union européenne. Le Conseil constitutionnel a pourtant établi une distinction entre, d'une part, les élections nationales et, d'autre part, les élections locales, qui ne participent pas directement de la souveraineté. Dans ces conditions, il apparaît étonnant d'exclure ces habitants étrangers, résidant parfois depuis plusieurs années dans la même commune, de décisions concernant très directement leur cadre de vie. On ne peut pas parler de démocratie locale et ne l'appliquer qu'à moitié. Le référendum local doit concerner tous les habitants, et ceci dans un souci de respect de la démocratie, d'égalité entre tous, mais aussi d'efficacité. La démocratie participative locale ne saurait s'en passer.
    La question du vote des étrangers aux élections locales est bien entendu une question de fond, revendiquée et débattue à l'occasion de l'examen de nombreux textes. La procédure du référendum local que vous instaurez aurait pu constituer une avancée notable dans le sens de l'équité entre les acteurs de la démocratie au niveau local. Si, bien entendu, ce n'est pas le rôle de la loi organique de modifier la Constitution, votre réforme constitutionnelle du 28 mars dernier aurait dû aller dans ce sens. Cependant, ce n'est pas le cas. Une nouvelle fois, votre conception de la démocratie directe locale n'est assurément pas la nôtre.
    Monsieur le ministre, les insuffisances de votre texte portent également sur l'initiative du référendum local. Ainsi, un référendum ne peut être proposé à l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale que sur l'initiative de l'exécutif de la collectivité.
    M. René Dosière. L'exécutif seul !
    M. Jean-Pierre Blazy. Il n'est plus question, comme en 1995, d'organiser une consultation à la demande d'un cinquième des électeurs inscrits. Bien au contraire, le projet de loi du Gouvernement bride l'initiative populaire, puisque la réforme constitutionnelle fait explicitement référence à une initiative de l'exécutif de l'assemblée territoriale. Monsieur le ministre, soyez conséquent ! Si vous voulez réellement approfondir la démocratie directe locale, si vous souhaitez réellement encourager la participation des citoyens, reconnaissez alors que l'initiative populaire est le meilleur moyen.
    M. René Dosière. Très bien !
    M. Jean-Pierre Blazy. Le projet de Constitution européenne envisage d'ailleurs un droit d'initiative populaire au niveau européen. Bien évidemment, il ne s'agit pas pour autant de permettre à n'importe quel individu d'exiger la tenue d'un référendum. Mais un certain nombre de citoyens, un cinquième par exemple, comme le prévoit la loi du 4 février 1995 pour les consultations, devrait pouvoir être à l'origine d'un référendum, pour interpeller les habitants ou même rappeler les élus à leurs responsabilités. Ce serait s'inscrire dans la logique de la loi Pasqua de février 1995. Quel meilleur moyen d'impliquer les citoyens et de les reconcilier avec les enjeux politiques auxquels sont confrontés leurs élus ? N'opposons pas systématiquement la démocratie représentative et la légitimité des élus à la démocratie participative et à l'initiative populaire. Bien au contraire, il faut y voir un approfondissement nécessaire de la démocratie, favorisant l'émergence d'une opinion publique locale et de comportements citoyens et responsables.
    Monsieur le ministre, nos voisins européens allemands, italiens et portugais permettent déjà à une fraction du corps électoral de présenter aux élus une demande de référendum. Cette disposition est souhaitable, et son absence dans votre texte est là encore un élément tendant à rendre impossible toute application pratique de vos belles déclarations d'intention. Votre texte est un trompe-l'oeil pour nos concitoyens, et ceux-ci ne s'y laisseront pas prendre.
    Monsieur le ministre, votre projet ne développera pas la participation citoyenne. Le Gouvernement se présente comme le champion de la démocratie directe locale et des droits des citoyens. Il ne fait en réalité que réduire ces droits. Je prendrai comme exemple, en complément de ce que je viens de dire à propos de l'initiative populaire, le fameux droit de pétition prévu par la réforme constitutionnelle de mars dernier. Magnifique affichage politique ! Les citoyens peuvent donc interpeller les collectivités territoriales ? Le gouvernement de M. Raffarin inscrirait dans le marbre républicain de la Constitution ce droit hautement démocratique, et consacrerait ainsi l'intervention des citoyens dans le débat politique local ? Dans ce cas, nul besoin d'initiative populaire, me direz-vous.
    Mais la réalité est tout autre, et la déception sera à la hauteur des effets d'annonce du Gouvernement. Lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, le Sénat a amendé le texte gouvernemental, ramenant le droit de pétition à une simple faculté de demander - donc sans garantie de résultat - l'inscription d'une question à l'ordre du jour. Cette mesure, vous le comprenez aisément, vide votre projet initial de son maigre contenu positif. Mais nul n'était besoin d'un amendement de la sorte pour convaincre de la réalité des restrictions du droit de pétition entraînées par votre réforme constitutionnelle. Permettez-moi de citer à nouveau François Luchaire, qui s'exprime en ces termes à propos du droit de pétition prévu par le premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution : « Véritable pavé de l'ours, cette disposition, loin d'ajouter, retranche. » Cela a au moins le mérite d'être clair. Il s'explique ensuite : « Le droit de pétition est toujours ouvert sans texte. Qui peut empêcher quelqu'un de demander quelque chose à un autre ? La pétition est d'un usage courant dans toutes les formes d'organisation de notre société. L'organisation d'un droit de pétition n'est utile que si, sous certaines conditions le cas échéant, cette demande collective débouche obligatoirement sur une prise en compte de son objet. Mais tel n'est pas le cas ici [...] Pis encore, cette disposition nouvelle [de la Constitution] réduit le droit actuel. [...] Après la modification constitutionnelle, la loi prévue fixera nécessairement des conditions restrictives (un formalisme éventuel, un nombre minimal de signatures, etc.) qui provoqueront l'échec prématuré de la pétition, avant même qu'elle ne parvienne aux élus concernés. » Voilà ce qu'écrit le professeur Luchaire.
    Comme vous le voyez, monsieur le ministre, votre réforme constitutionnelle restreignait déjà, dans la pratique, les droits des citoyens qu'elle entendait promouvoir. Ce projet de loi organique sur le référendum s'inscrit dans la même démarche.
    Qu'en est-il cependant des conditions de mise en oeuvre du référendum, et tout spécialement de la condition du quorum de participation ? Monsieur le ministre, vous avez expliqué devant le Sénat que « le Gouvernement n'est pas favorable à cette disposition, d'abord parce que lui-même, quand il procède à une élection nationale ou à un référendum, ne s'impose pas de respecter cette obligation. Il lui paraît donc excessif d'imposer aux collectivités territoriales qui procèdent au référendum des règles qu'il ne s'impose pas à lui-même dans les mêmes circonstances ». Cet argument contre l'instauration d'un quorum n'est, selon nous, malheureusement pas valable et la comparaison entre référendum national et local non plus, tant les conditions encadrant l'organisation d'un référendum au niveau national sont importantes.
    En vérité, sans un quorum de participation obligatoire, vous rendez la pratique du référendum local impossible, car trop risquée et aléatoire pour les exécutifs locaux. Le Sénat a voulu pallier cette insuffisance. Dès lors qu'un référendum est décisionnel, il semble en effet nécessaire qu'un nombre important d'électeurs inscrits se prononce. Il est clair que si un nombre trop restreint de citoyens se rend aux urnes, la portée et le sens d'une décision prise par cette infirme partie de la population et rendue obligatoire est en fait peu conforme à la règle démocratique. Une minorité active peut imposer dès lors sa décision à une majorité passive.
    Le groupe socialiste est donc favorable à l'institution d'un seuil de participation mais il s'interroge sur le niveau auquel il convient de fixer le quorum. Il ne saurait être question ni de déséquilibrer la démocratie représentative en lui faisant perdre de la légitimité, ni de faire semblant s'agissant du développement de la démocratie participative. Il ne faut donc pas retenir un quorum qui risque de rendre impossible dans les faits la validation d'un référendum local au niveau communal, et plus encore aux niveaux départemental et régional. Cette question mérite d'être approfondie. Mais les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte aujourd'hui ne le permettent pas tout à fait.
    Nous débattons aujourd'hui d'un texte censé développer la démocratie directe locale et encourager la participation des citoyens. A la fin de votre intervention au Sénat, monsieur le ministre, vous avez déclaré : « Il m'a souvent semblé que l'abstention était une attitude respectable qui avait une valeur politique. L'important, dans un pays de liberté, c'est de pouvoir voter contre. La démocratie, c'est plus le droit de voter contre que de voter pour. » Les Corses ont répondu à votre appel, vous en conviendrez. (Sourires.) Ils ont voté contre au référendum du 6 juillet, mais ils ont participé fortement. Si l'abstention est bien évidemment respectable, elle n'est pas souhaitable dans une démocratie. Nous pourrions tomber d'accord là-dessus.
    Mme la présidente. Monsieur Blazy, veuillez conclure.
    M. Jean-Pierre Blazy. Au final, nous disposons d'un texte incomplet, dont on mesure mal la portée des quelques rares avancées démocratiques. Vous ne prenez pas en compte les étrangers non communautaires, vous excluez les EPCI du champ d'application de ce référendum et vous bridez l'initiative populaire. Votre projet ne contribue pas à développer la démocratie locale. Il la limite, comme en attestent les conditions restrictives prévues par la réforme constitutionnelle pour le droit de pétition.
    Ainsi, monsieur le ministre, au mieux, le Gouvernement montre sa méconnaissance de la véritable démocratie locale, qui ne saurait se contenter d'un tel gadget ; au pire, il utilise ce texte pour justifier aux yeux des Français sa réforme de la décentralisation, impopulaire et incomprise. Votre décentralisation revient en vérité à un transfert de compétences et de charges vers les collectivités locales, elle s'apparente à un démantèlement de l'Etat dont nous avons pu mesurer certaines conséquences dans le domaine de l'éducation. Les Français sont d'ailleurs nombreux à s'être mobilisés contre elle lors des récents mouvements sociaux, ce qui est une preuve d'attention de leur part, mais certainement pas d'approbation.
    Mme la présidente. Monsieur Blazy, vous avez largement dépassé votre temps de parole.
    M. Jean-Pierre Blazy. Les carences de ce texte prennent tout leur sens replacées dans le contexte de la réforme constitutionnelle que nous avons refusée. Ce projet sert à la justifier, à la légitimer, mais pas à l'approfondir et encore moins à faire participer activement les citoyens aux décisions locales.
    Vous avez dit vous-même tout à l'heure que ce texte, voulu essentiellement par le Président de la République, ne serait pas « porteur » de transformations sociales. Or ce que nous souhaitons, c'est développer la démocratie locale et la participation des citoyens, dans toutes leurs dimensions. Ce n'est visiblement pas l'intention du Gouvernement. Dans ces conditions, parce que nous refusons votre conception de la décentralisation et de la démocratie participative, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Marc-Philippe Daubresse. Quel archaïsme !
    M. Guy Geoffroy. Que de poncifs !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation, tout comme la construction européenne, a toujours été un des thèmes forts que l'UDF a défendus ces dernières années. Ces sujets nous ont permis un positionnement politique clair et une lisibilité. Ces questions prioritaires ont d'ailleurs des points communs, elles sont liées en particulier par le principe de subsidiarité qui veut que l'on recherche en toutes circonstances le niveau d'intervention le plus pertinent pour être efficace. Et très souvent, le pouvoir doit s'exercer au plus proche de ceux de nos concitoyens auxquels il s'adresse. Cela, tout le monde est d'accord pour le reconnaître de manière théorique, mais, dans la réalité, nous avons parfois une organisation administrative un peu centralisée, en tout cas pas véritablement adaptée à la situation du moment. On reproche d'ailleurs également à l'Etat d'être interventionniste, de ne pas jouer suffisamment son rôle de régulateur et de ne pas favoriser les initiatives et la responsabilité.
    Ici même, dans cet hémicycle et, quelques semaines plus tard, à Versailles, nos collègues Pierre Albertini et Anne-Marie Comparini ont expliqué ce qu'étaient pour nous les piliers de la réussite de la décentralisation. Ils ont souhaité l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Ils ont souligné que l'ensemble des scrutins devait permettre une représentativité des idées, des partis, mais aussi des territoires. Ils ont également parlé de clarification. La clarification, c'est avant tout la simplification. Nous pensions que, peut-être, nous pouvions dans cette réforme supprimer un échelon entre la région et le département. Cela n'a pas été la direction choisie par le Gouvernement. Nous ne pouvons que souhaiter une complémentarité de ces différentes instances, tout comme nous voudrions qu'au niveau de l'intercommunalité qui prend de plus en plus d'importance, règne une bonne coopération entre l'ensemble des communes, une coopération cohérente et souple.
    Mais la clarification, c'est aussi la participation des citoyens. Cette décentralisation sera réussie si les citoyens sont bien associés, si le débat n'est pas simplement un débat d'initiés ou d'élus. Comment mieux associer les citoyens qu'en leur donnant la parole ? C'est la raison pour laquelle nous sommes tout à fait favorables au référendum, François Bayrou l'a affirmé avec force lors de la campagne électorale, en particulier sur l'éducation. Nous l'avons répété lors des discussions sur les retraites. Nous considérons en effet qu'un référendum, au tout début des négociations, aurait permis de faire admettre par l'opinion un certain nombre de principes, que la justice aurait été la clé de voûte de la réforme. Une autre voie a été choisie. Nous l'avons bien évidemment suivie, car je crois qu'il aurait été très néfaste de donner à notre pays le sentiment qu'il ne pouvait pas être réformable. Le Gouvernement a été courageux. Nous l'en remercions.
    De même, on nous avait prédit que le résultat de la consultation locale en Corse porterait un coup d'arrêt à la décentralisation. Ce n'était plus la peine de préparer mon intervention, m'avait-on soufflé, puisque le texte n'allait plus passer. Il n'en est rien. Le Gouvernement a su aussi tirer les points positifs de cette consultation, notamment la participation très élevée. Il a pris acte du choix des Corses. Même si cette consultation n'était pas décisionnelle, c'est le statu quo qui a été choisi, c'est le statu quo qui sera observé.
    Malgré tout, je crois qu'il faut tirer quelques enseignements de cette consultation. Le cas de la Corse est certes un peu particulier, et l'expérimentation était quand même un peu spéciale, mais on peut quand même pointer certaines difficultés.
    D'abord, si la question est claire, les enjeux ne le sont pas forcément. En l'occurrence, on parlait de regrouper deux départements mais on voulait quand même garder deux conseils territoriaux, deux préfets. Les Corses n'ont peut-être pas bien compris.
    Ensuite, le contexte dans lequel se font les consultations est important. Incontestablement, des éléments ont eu une influence sur cette consultation corse. On ne pouvait pas prévoir le jour de l'arrestation d'Yvan Colonna, mais la date du procès des auteurs présumés de l'assassinat du préfet Erignac était, elle, connue.
    M. Jean-Pierre Blazy. Les fonctionnaires corses ont réagi à la réforme des retraites !
    M. Gilles Artigues. Et cela a dû avoir une influence. Il faut que nous puissions tenir compte de ce genre d'élément pour d'autres consultations.
    M. Jean-Pierre Blazy. Et l'impact de la réforme des retraites ?
    M. Gilles Artigues. Et puis il y a toujours un danger lorsque celui qui pose la question prend position pour le « oui » ou pour le « non » : le danger est que la consultation se transforme en plébiscite ou bien en sanction de l'action générale qui est menée.
    Toutes ces questions ont été soulevées au Sénat, en particulier par notre collègue UDF Yves Detraigne, qui voit, dans ce référendum local, un danger de déresponsabilisation les élus locaux, qui ont pourtant la légitimité du suffrage universel. Un maire est élu pour six années. Il ne peut pas remettre en jeu son mandat chaque fois qu'il a un projet d'aménagement urbain.
    Yves Detraigne a également évoqué la loi d'orientation sur l'organisation territorialisée de la République. Celle-ci prévoyait déjà des consultations locales, pour les communes seulement, il est vrai, qui n'étaient pas décisionnelles. Or, en une dizaine d'années, seule une centaine de consultations ont été organisées. Les élus locaux ne sont peut-être pas très demandeurs de ce type de consultations, finalement. Il nous faudra certainement expliquer, mieux informer pour que cette procédure puisse se généraliser.
    Malgré tout, ce projet de loi contient de nombreux points positifs. Le fait d'instaurer un seuil par exemple est une bonne chose. Il ne faut pas qu'une minorité d'électeurs impose une décision à une collectivité. On avait pensé à 50 %, on parle maintenant de 40 %, en référence, je crois, au référendum sur le quinquennat.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ah non ! C'est moins !
    M. Gilles Artigues. C'est, semble-t-il, une bonne échelle.
    Nous avons aussi apprécié le fait que seuls les exécutifs puissent être à l'origine de ces référendums locaux, qui ne doivent pas être transformés en référendums d'initiative populaire. Il est bon, grâce à un contrôle très strict, qu'on ne puisse pas les organiser à propos de tout et n'importe quoi. Quant à l'exclusion des établissements intercommunaux, elle évitera sans doute d'avoir à trancher des conflits entre communes.
    En tout état de cause, le présent projet de loi de référendum local s'inscrit bien dans la continuité de la loi de démocratie de proximité du 27 février 2002, que nous avons, expérimentée en tant qu'élus locaux. C'est à ce titre que dans la ville de Saint-Etienne, qui compte plus de 80 000 habitants, j'ai mis en place des conseils de quartiers et des adjoints de quartiers.
    M. René Dosière. C'est bien !
    M. Gilles Artigues. Le référendum local correspond à la manière dont on fait de la politique aujourd'hui : ce ne sont plus les élus qui décident, les décisions sont prises en concertation.

    Malgré tout, il y a des limites. Dans nos réunions de quartiers, nous rencontrons toujours les mêmes personnes, et ce sont ceux qui parlent le plus fort qui sont entendus. Il est bon que chacun puisse, dans le secret de l'isoloir, donner son avis sur un aménagement urbain, sur une nouvelle ligne de transports en commun, ou sur un équipement public. Nous allons pouvoir nous en servir, et c'est une très bonne chose.
    Le second projet de loi en discussion concerne l'expérimentation par les collectivités territoriales. Nous sommes tout à fait favorables au fait d'étendre à l'ensemble du pays une mesure qui aura été expérimentée sur un petit territoire ou, au contraire, de la cantonner pour tenir compte des spécificités, qu'elle soient frontalières ou insulaires par exemple. Il est bon que le contrôle de légalité du préfet soit renforcé, il ne faut pas non plus expérimenter tout et n'importe quoi. Enfin, nous ne pouvons que nous féliciter de l'évaluation que nous réclamons chaque fois que c'est possible. Ainsi sera exercé un contrôle des politiques publiques.
    L'argument le plus fort en faveur de l'expérimentation a été avancé par le Président de la République hier, lors de son intervention du 14 juillet. Il a souligné qu'en France nous avions plutôt une culture de l'affrontement. Souvent, en effet, le conflit précède la négociation. L'expérimentation, en apportant la preuve concrète que les choses marchent et qu'elles peuvent donc être généralisées, devrait permettre de surmonter plus vite certaines oppositions. Le projet que nous avons voté samedi, tôt dans la matinée, sur la ville et la rénovation urbaine et proposé par votre collègue Jean-Louis Borloo en est l'illustration. Il comprend une disposition sur le rétablissement personnel à propos duquel certains s'interrogeaient. Il fallait donner une nouvelle chance, mais une seule. L'exemple de la région Alsace-Moselle où la faillite civile existe a permis de se rendre compte que les récidives étaient peu nombreuses. Cette expérimentation à notre insu nous a ainsi permis d'adopter une mesure qui représente une véritable avancée sociale.
    M. Emile Blessig. Merci ! (Sourires.)
    M. Gilles Artigues. En conclusion, monsieur le ministre, le groupe UDF votera les deux projets de loi. Les quelques réserves que je viens d'exprimer font l'utilité de notre groupe au sein de la majorité gouvernementale. Préparés de longue date avec les élus locaux, à l'occasion des nombreuses assises des libertés locales que vous avez organisés dans l'ensemble des régions, ces textes représentent une avancée non seulement pour les élus, mais pour l'ensemble des Français. Il ne s'agit pas simplement de moderniser nos institutions, mais, plus largement, de donner un second souffle à notre démocratie et au civisme, dont nous savons, depuis le 21 avril 2002, combien le socle est fragile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Dosière. Ce ne sera pas suffisant !
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous avons à discuter aujourd'hui est une nouvelle déclinaison des desseins décentralisateurs de M. le Premier ministre. Il ne peut donc s'apprécier que dans la globalité d'un projet que nous rejetons en bloc. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Proriol. Quel sens de la nuance !
    M. André Chassaigne. Les résultats du dernier référendum en Corse révèlent d'ailleurs que notre point de vue est partagé par une grande partie de la population. Les Corses ont montré le 6 juillet dernier leur attachement aux valeurs de la République, ces valeurs que vous croyez aujourd'hui pouvoir jeter au rebut de l'histoire ! (« Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dès lors, le report de la discussion de ces deux lois organiques s'imposait, leur légitimité étant aujourd'hui sérieusement remise en cause par les résultats de cette consultation. Une partie du peuple français a en effet exprimé un refus clair du principe même de l'expérimentation au nom de laquelle certains citoyens ne sont pas soumis aux mêmes règles que les autres, et l'égalité devant la loi reste un vain mot.
    C'est en fait un véritable projet de société que le Premier ministre cherche au nom de la proximité à imposer au pays. L'enjeu n'est pas de rapprocher les pouvoirs des citoyens, comme vous le déclarez, le répétez, et même le ressassez, mais de bouleverser l'architecture administrative et institutionnelle de la République pour mettre nos institutions au service des intérêts marchands.
    Dans le débat, la proximité est un simple alibi, une formule magique qui justifierait tout. L'utilisation de ce terme est d'autant plus abusive que votre décentralisation va à l'opposé. Une décentralisation de proximité consisterait à améliorer le fonctionnement de notre démocratie, en renforçant les formes d'expression de la démocratie locale et les liens entre démocratie représentative et démocratie participative. Mais la démocratie locale ne doit en aucun cas s'exercer aux dépens de l'unité de la nation, de ses institutions et de ses services publics.
    En quoi le démantèlement de l'éducation nationale permettrait-il d'améliorer le fonctionnement de la démocratie locale ? En quoi, par exemple, le transfert du CNDP à Chasseneuil-du-Poitou...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce n'est pas mal, Chasseneuil-du-Poitou !
    M. André Chassaigne. ... pourra-t-il contribuer à redonner confiance aux citoyens dans les valeurs de notre République ? Au contraire, ce transfert révèle jusqu'à la caricature les effets pervers de la décentralisation : clientélisme et satisfaction des égoïsmes des potentats locaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Marc-Philippe Daubresse. Vous savez de quoi vous parlez !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il n'arrive même pas à y croire !
    M. André Chassaigne. L'invocation de la sacro-sainte proximité est d'autant plus indécente que le projet dépossède, de fait, les citoyens de l'exercice de leurs droits démocratiques.
    Ainsi, les régions bénéficieront des compétences dites « nobles », c'est-à-dire celles où existeront une réelle marge de manoeuvre politique et un réel pouvoir d'impulsion sur les autres collectivités territoriales notamment. Il est intéressant précisément de constater que la région est non seulement la collectivité qui est la plus éloignée des citoyens, monsieur Proriol, mais qu'elle est aussi celle d'où le Gouvernement vient d'expulser les expressions politiques minoritaires en modifiant le mode de scrutin.
    M. Jean Proriol. Vous y avez siégé, monsieur Chassaigne, et vous ne disiez pas cela ! C'est un comble !
    M. André Chassaigne. Là où le Gouvernement va déléguer de réels pouvoirs politiques de décision, il prend soin au préalable de noyauter le débat démocratique afin de mieux contrôler d'éventuelles « dérives ». Encore un bel exemple de démocratie de proximité ! La réalité, c'est que rien dans les textes gouvernementaux ne contribue à rapprocher les pouvoirs des citoyens. Ils annoncent plutôt la mise au pas de notre pays.
    M. Pascal Clément, président de la commission. La normalisation ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. C'est le coup de Prague !
    M. Jean Proriol. Budapest !
    M. André Chassaigne. Aucun pouvoir supplémentaire n'est donné aux citoyens, au contraire.
    Cette réforme organise la soumission de tous les acteurs publics à la loi du marché. Sa seule justification est la diminution des dépenses publiques et sociales de l'Etat, la désertion des acteurs publics du champ économique pour mieux permettre aux entreprises d'y faire tout ce qu'elles veulent, sans contrôle. Le renard libre dans le poulailler libre !
    Ce n'est pas pour rien que vous avez abrogé la loi Hue qui permettait de contrôler et d'évaluer les aides apportées aux entreprises.
    M. Jean Proriol. Ce sont les électeurs qui ont chassé Hue !
    M. André Chassaigne. La vérité, c'est que votre décentralisation s'inscrit dans la perspective de la construction d'une Europe fédérale, soumise aux dogmes libéraux du traité de Maastricht.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah, enfin !
    M. André Chassaigne. Ces textes dessinent ainsi une France où les compétences de l'Etat seront limitées à ses prérogatives régaliennes et répressives. L'Etat va être mis au service des entreprises...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Du grand capital !
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est la faute du MEDEF !
    M. André Chassaigne. ... au nom d'une prétendue efficacité. Où est la proximité ? Vous n'ignorez pas qu'il existe un vrai problème de représentativité de la classe politique de ce pays.
    M. Guy Geoffroy. Surtout pour le PC !
    M. André Chassaigne. La montée des votes extrêmes et de l'abstention reflète la profondeur du fossé qui existe entre les élus et les citoyens de ce pays. La crise de confiance des Français en leurs institutions et en leurs représentants est aujourd'hui profonde. La reconquête de la confiance des électeurs devrait être pour nous tous ici un enjeu majeur.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous ne sommes pas au congrès du PC !
    M. André Chassaigne. Aujourd'hui, ce qui relie encore les citoyens à l'Etat, à la République, ce sont pour l'essentiel les services publics - l'éducation nationale, les transports, la santé, l'énergie entre autres - parce que c'est grâce au service public que les valeurs d'égalité, de solidarité, ont encore un sens.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah !
    M. André Chassaigne. C'est le service public qui donne toute sa dimension à l'oidée que l'intérêt générl doit guider les politiques publiques. Or, toute votre politique vise aujourd'hui à démanteler les services publics et à remettre en cause leurs statuts pour mieux contester les valeurs qu'ils portent.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Au profit du MEDEF ! (Sourires.)
    M. André Chassaigne. Votre gouvernement essaie de couper la dernière attache qui relie les Français à la République. Comment pouvez-vous donc nous parler encore de proximité ?
    Au sein de ce projet global, nous contestons en particulier le principe même de l'expérimentation.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mieux vaudrait se tromper tout de suite ?
    M. André Chassaigne. En effet, le droit à l'expérimentation créera de fortes distorsions entre les territoires qu'il morcellera encore davantage qu'aujourd'hui.
    Les citoyens seront soumis à des réglementations différentes selon leur lieu de résidence. La portée du principe fondamental de l'égalité devant la loi sera inévitablement affaiblie. L'unité et l'indivisibilité, autres fondements de notre République, perdront toute signification.
    Bien sûr, vous sous-estimez, voire occultez, la portée symbolique, politique et juridique de cette loi organique. Ce débat s'inscrit, avez-vous dit, monsieur le ministre, « dans le droit-fil de la réforme constitutionnelle, et sans s'en affranchir ». Est-il nécessaire de préciser qu'étant défavorables à votre conception de la décentralisation et opposés au principe d'expérimentation, nous ne soutiendrons évidemment pas cette loi organique en discussion aujourd'hui ?
    Pour revenir au contenu précis de ce texte, il pourrait apparaître comme une simple déclinaison de la révision constitutionnelle, n'apportant rien de nouveau à ce qui est malheureusement déjà inscrit dans la Constitution.
    M. Guy Geoffroy. C'est le peuple qui décidera !
    M. André Chassaigne. Ce n'est qu'en partie vrai.
    Deux questions nous préoccupent tout particulièrement.
    Tout d'abord, l'ambiguïté du dernier alinéa du nouvel article LO 1113-2. En effet, lorsqu'une collectivité candidate répond aux conditions légales exigées par la loi, le texte ne précise pas que le Gouvernement a compétence liée pour l'autoriser à déroger à la loi,...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Bien sûr que si !
    M. André Chassaigne. ... ce qui signifie que le Gouvernement aura la possibilité de choisir lui-même les collectivités qui pourront expérimenter.
    Si, effectivement, la loi ne précise pas que le Gouvernement a compétence liée lorsqu'il publie la liste des collectivités autorisées à expérimenter, alors cette loi organique ouvrira une ère d'arbitraire très aventureuse, qui marquera le retour des pratiques féodales les plus méprisables. Des collectivités vassales, celles qui auront accepté de s'incliner devant leur suzerain, bénéficieront des largesses du Gouvernement. (Rires sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quel meilleur présage que les promesses conditionnelles faites au cours de la campagne référendaire corse ?
    M. Guy Geoffroy. Et le centralisme démocratique ?
    M. André Chassaigne. De plus, votre projet de loi organique - et c'est là notre deuxième inquiétude - ne prévoit aucune limite au champ d'expérimentation, à l'exclusion bien sûr - fort heureusement ! - des conditions essentielles d'exercice des libertés publiques ou des droits constitutionnellement garantis.
    M. René Dosière. C'est bien le moins !
    M. André Chassaigne. Les expérimentations pourront donc concerner des domaines extrêmement sensibles, comme l'éducation, la santé ou l'emploi. Là encore, il faut bien mesurer l'ampleur des régressions que ce texte pourra autoriser.
    L'exemple de l'éducation nationale est édifiant. Les personnels sont parvenus, au terme de leur large et courageux mouvement de grève, à faire retirer de l'avant-projet de loi relatif au transfert de compétences un chapitre introduisant une expérimentation au sein de l'éducation nationale. Il s'agissait tout simplement d'enterrer le caractère national de l'école républicaine ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. C'est une fable !
    M. André Chassaigne. Mais si cette loi organique autorise le Gouvernement à proposer au Parlement de voter des dispositions aussi graves que celles qui ont été retirées, et sans aucune limite, alors nous avons vraiment toutes les raisons de nous inquiéter pour l'avenir de notre République ! Le nouveau référendum local pose d'autres types de problèmes. Il plaque sur notre droit diverses dispositions juridiques nouvelles, qui ne sont d'ailleurs pas toutes négatives. Mais il ne suffit pas de plaquer de beaux articles de loi sur un thème aussi sensible et riche que la démocratie locale. Pour encourager celle-ci, il est nécessaire de prendre en compte ses modes de fonctionnement spécifiques, notamment la place que prennent les associations dans les débats publics locaux, mais aussi l'apport réel dans ces débats des étrangers non communautaires : personne n'exige la carte d'identité des personnes qui interviennent dans les associations... La citoyenneté, dans les quartiers et les villages, n'a jamais été affaire de nationalité. La citoyenneté consiste à intervenir dans les affaires publiques pour donner son avis et à contribuer à l'élaboration de solutions collectives. Comment alors peut-on refuser à des citoyens d'être aussi des électeurs ?
    La démocratie locale ne se renforcera pas en excluant du débat public des personnes pourtant concernées dans leur vécu quotidien.
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous dénonçons l'inadéquation de votre projet au regard des exigences locales de citoyenneté. Ce texte reste dans une logique strictement représentative. Son intérêt est donc bien limité : alors que la nécessité est aujourd'hui de développer les démarches participatives, vous excluez les étrangers non communautaires, bien qu'ils participent à la vie locale et paient des impôts.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. André Chassaigne. Et vous limitez les participants officiels aux campagnes de ces référendums locaux aux seuls groupes d'élus et partis politiques membres des assmblées délibérantes, c'est-à-dire tout ce qui présente un caractère officiel.
    M. Guy Geoffroy. C'est normal !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce sont les élus du peuple !
    M. André Chassaigne. Le champ de votre réforme est en fait un pré carré, monsieur le ministre. Quel est l'intérêt d'organiser un référendum local si l'on n'autorise pas l'expression de tous les groupes de citoyens intéressés par la question en débat ? Pourquoi ne pas plutôt profiter de l'organisation de tels référendums pour faire vivre la démocratie locale en laissant s'exprimer tous les citoyens, toutes les associations ?
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Dans ce texte si bien encadré, si bien cadenassé pointe la crainte que les notables, les potentats locaux ont envers tout ce qui relève de l'initiative populaire, la crainte de ce qui n'est pas directement contrôlable par les élus : les conseils de quartier, les associations, les pétitions, etc. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, le projet de loi organique concernant le référendum local que vous nous proposez de voter aujourd'hui ne contient pas la moindre disposition qui puisse favoriser l'épanouissement de démarches participatives réelles de la part des citoyens. Les Français vous font-ils si peur que cela ?
    Ainsi, dans votre projet, une pétition ne peut que demander l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée délibérante d'une question locale particulière et cette inscription n'est pas de droit. Là encore, il s'agit de permettre aux élus de contrôler les initiatives populaires. Seules les assemblées délibérantes pourront soumettre à un référendum local une question particulière intéressant cette collectivité, vous l'avez dit, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs. Là encore vous avez cadenassé. Rien n'est laissé à l'initiative des citoyens. Votre projet de loi organique étouffe la démocratie locale et limite toutes les possibilités de développer les démarches participatives. Bien au contraire, notre démocratie a besoin de respirer. Ce texte aurait pu donner une grande bouffée d'air à nos institutions et à notre démocratie. Vous ne l'avez pas voulu. Ce n'était pas votre but.
    J'espère, mes chers collègues, que vous êtes bien conscients des implications politiques fondamentales portées par les deux textes qui nous sont soumis. Quant à nous, conscients de nos responsabilités, nous nous y opposons fermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Dans un monde qui change, il faut savoir évoluer si l'on veut rester soi-même.
    M. René Dosière. Ça commence bien !
    M. Marc-Philippe Daubresse. D'une certaine manière, le résultat des dernières élections en France aura illustré cet adage.
    M. René Dosière et M. Jean-Pierre Blazy. Vous parlez des élections en Corse !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je parlais des élections présidentielles, parce que si je voulais parler de la Corse, monsieur Blazy, monsieur Dosière, je devrais rajouter deux ou trois pages à mon discours et Mme la présidente me rappellerait à l'ordre, parce qu'il y aurait beaucoup à dire sur votre dernière loi sur la Corse. Mais c'est comme vous voulez. On peut s'amuser, si vous le souhaitez !
    Chacun a bien compris que, par leur vote de 2002, les Français ont voulu sanctionner une organisation obsolète et des comportements archaïques pour établir un nouvel ordre permettant à la France de gagner les défis du xxie siècle. En quelques mois, le Gouvernement aura marqué sa volonté de changer de politique et de tenir les engagements qui ont été pris durant la dernière campagne électorale, ne vous en déplaise ! Après la campagne présidentielle, il y a eu des élections législatives à deux tours...
    M. Jean-Pierre Blazy. On attend les prochaines !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... et, au deuxième tour, les Français ont désigné une majorité. Celle-ci a une légitimité pour mettre en oeuvre les réformes fondamentales, qui ont fait l'objet de nos promesses électorales.
    M. Jean-Pierre Blazy. On attend 2004 !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Le Premier ministre ne s'y est pas trompé en mettant la réforme de la décentralisation au coeur de son programme de gouvernement. Et pourtant - nous le savons bien ici, nous qui sommes pour la plupart des élus locaux - cette réforme reste un sujet d'initiés. Après le vote des lois Voynet sur la réorganisation des territoires, Chevènement sur l'intercommunalité ou Vaillant sur la démocratie de proximité, c'est devenu une usine à gaz. A part quelques élus et quelques initiés, bien malin qui peut s'y retrouver dans cet enchevêtrement de compétences, dans cette fiscalité incompréhensible et dans ces politiques de proximité qui, à force d'être illisibles, ne sont plus comprises par personne.
    M. René Dosière. La décentralisation va arrêter tout ça !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Pourtant la décentralisation, monsieur Dosière - vous en savez quelque chose - est une oeuvre de longue haleine. Et je me plais à répéter de temps en temps que le premier qui en a parlé c'était le général de Gaulle, que celui qui a ensuite essayé de mener une réforme de la décentralisation c'était Raymond Barre et qu'à l'époque les socialistes n'ont pas soutenu cette réforme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ensuite, si vous reprenez l'exposé des motifs de la loi Bonnet...
    M. René Dosière. Elle proposait un référendum local d'initiative populaire !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... du gouvernement Barre, vous verrez qu'elle a directement inspiré les lois Defferre et Mauroy sur la décentralisation de 1982 et 1983. Vingt ans après, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en s'appuyant à l'évidence sur les conclusions du rapport Mauroy, a voulu faire cette réforme que M. Jospin n'a pas su, n'a pas voulu ou n'a pas pu faire, pour cause d'élection présidentielle.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez voté contre la décentralisation !
    M. Marc-Philippe Daubresse. De fait, et cela explique sans doute son échec aux dernières élections, la gauche plurielle n'a pas su prendre la mesure de cette nouvelle revendication des citoyens qui souhaitent être mieux associés aux décisions locales. Elle a cherché à faire une loi relative à la démocratie de proximité qui, dans un premier temps, proposait des modèles de démocratie dirigistes, encadrés, tous sur le même moule, et il a fallu des amendements de l'opposition pour aboutir à une loi mettant en place un modèle beaucoup plus souple.
    M. René Dosière. Vous ne l'avez pas votée cette loi ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je l'ai votée (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais après que la commission mixte paritaire y a heureusement mis un peu de sagesse et de souplesse ! Vous pouvez reprendre mes déclarations de l'époque.
    Pour relancer ce nouveau pari raté pour cause d'immobilisme, le gouvernement Raffarin a donc lancé une fusée à trois étages. Le premier étage constitutionnel définit les principes sur lesquels doit se fonder cette réforme : péréquation, autonomie financière des communes, expérimentation et démocratie locale.
    M. Jean-Pierre Blazy. Attention à l'implosion de la fusée !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Le deuxième étage, c'est le logiciel qui permet de mettre en place cet ordinateur de la décentralisation avec les lois organiques dont nous discutons ce soir. Quant au troisième étage, fondamental, ce sera la grande loi de transferts de compétences.
    M. Jean-Pierre Blazy. Oh là là !
    M. André Chassaigne. Je crains le pire !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce sera une grande loi puisqu'elle aura un impact de 15 milliards d'euros, c'est-à-dire bien plus que ce que les lois Defferre de 1982 et 1983 avaient prévu.
    M. René Dosière. Avec l'actualisation, ce n'est pas évident !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Beaucoup d'élus locaux appellent de leurs voeux cette grande loi qui permettra de libérer les énergies locales.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Très bien !
    M. Marc-Philippe Daubresse. S'agissant de l'expérimentation, nous n'avons pas attendu de revenir au pouvoir - Michel Piron l'a brillamment souligné dans son rapport - pour introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation puisque c'est à l'initiative de notre collègue Pierre Méhaignerie qu'une proposition de loi, pour une fois votée par le groupe socialiste, a été adoptée. J'y reviendrai, n'ayez crainte !
    Il est également intéressant de noter que la commission Mauroy sur l'avenir de la décentralisation a insisté sur la nécessité de « mettre en oeuvre des actions expérimentales qui doivent être conçues comme la préfiguration d'une généralisation et ne sauraient être transformées en une décentralisation à la carte ».
    M. René Dosière. Mais le Sénat n'avait pas voté ce texte !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Force est pourtant de constater qu'aucun dispositif d'encadrement des expérimentations n'était prévu ni par la loi Vaillant sur la démocratie de proximité ni par la loi sur la Corse, mais je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est surtout à vous que cela doit faire mal !
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est donc tout le mérite du projet de loi organique qui nous est proposé de définir rigoureusement ce processus d'expérimentation, sous le contrôle étroit du Parlement, comme nous l'avons souhaité depuis le départ. Ce qu'il faut retenir, c'est l'idée que l'expérimentation a toute sa place dans les domaines d'une certaine complexité et où il faut prendre le temps de faire une expérience avant de décider définitivement. Je le dis pour M. Chassaigne, qui a l'air de considérer que l'on va revenir au temps d'Ivanhoé, de Robin des Bois, des féodalités,...
    M. Gilles Cocquempot. Et de Thierry la Fronde !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... alors que ce projet de loi d'expérimentation permettra au contraire de s'assurer d'abord de la pertinence du projet ou du bon niveau de collectivité.
    M. André Chassaigne. Les ATOS, c'est un bon exemple !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Les élus bretons, par exemple, pensent que, pour la politique de l'eau, le niveau le plus pertinent est la région. D'autres pensent que c'est le département. L'expérimentation peut permettre de savoir quel est le bon niveau et de trouver la solution adaptée pour être le plus efficace possible et le plus proche des attentes des citoyens. C'est tout l'intérêt d'un projet d'expérimentation.
    La deuxième idée, c'est de pouvoir tester non pas le bon niveau de décentralisation, mais le transfert lui-même. Quant à la troisième idée, elle consiste à dire que là où ne se pose pas de problème technique ou financier, il peut y avoir un problème d'acceptation politique. On l'a bien vu, monsieur Chassaigne, lorsque la CGT d'en haut et la SNCF d'en haut ont échoué dans leurs discussions sur le transfert des transports régionaux de voyageurs. Lorsque plusieurs gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont engagé et terminé ce processus de décentralisation des transports de voyageurs par la voie de l'expérimentation, les conditions ont étéréunies pour que la CGT d'en bas et la SNCF d'en bas, c'est-à-dire les directions régionales de la SNCF, se mettent d'accord sur des modalités adaptées à la réalité du terrain et à l'attente des usagers de nos différentes régions. On voit donc bien toute l'utilité de l'expérimentation.
    Il était évidemment indispensable de préciser les modalités de ce droit à l'expérimentation et, monsieur le ministre, vous y avez parfaitement réussi à travers ce projet de loi organique. Quelles sont en effet les questions qu'il fallait résoudre ?
    D'abord, il fallait répondre aux objections faites par le Conseil constitutionnel sur le projet de loi sur la Corse et préciser la teneur des compétences expérimentées, la durée de l'expérience, les conditions de sortie de l'expérience, la manière de réaliser l'évaluation et la place éminente que nous voulons voir jouer par le Parlement dans l'ensemble du processus de décentralisation, depuis l'amont jusqu'à l'aval. Tout cela figure de manière très claire dans le projet de loi qui nous est présenté, alors qu'il n'y avait rien dans le projet de loi Vaillant. J'ai entendu tout à l'heure M. Derosier nous parler d'opacité. Lisez les deux textes, celui qui vous est présenté ce soir et la loi Vaillant, et vous verrez où est l'opacité !
    M. René Dosière. La loi Vaillant est plus dense !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ensuite, il fallait éviter qu'il y ait contradiction entre le principe d'égalité et le droit à l'expérimentation. Les deux principes sont désormais de valeur juridique équivalente, pour reprendre l'expression du garde des sceaux lors de la réforme de la Constitution que nous avons été une majorité à voter, L'expérimentation ne remet pas en cause le principe d'égalité, bien au contraire. Nous vivons dans une France profondément inégalitaire.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça, c'est vrai ! Et ça ne s'arrange pas depuis un an !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Mais qui était au pouvoir ces vingt dernières années ?
    M. Guy Geoffroy. C'est le résultat de vingt ans de socialisme !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Dans ma région Nord - Pas-de-Calais, où les maladies professionnelles, l'alcoolisme, le cancer sont très répandus les dépenses de santé par habitant sont beaucoup plus faibles que dans le Sud-Est de la France. On peut donc se poser des questions. La seule manière de mettre un terme à ces inégalités, c'est bien de mettre en oeuvre un processus de décentralisation...
    M. Jean-Pierre Blazy. Cela va affaiblir le rôle de l'Etat !
    M. André Chassaigne. C'est le contraire qui va se produire !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... et de mettre en place le fameux principe de péréquation que nous, nous avons inscrit dans la Constitution, ce que vous n'avez jamais réussi à faire pendant que vous étiez au pouvoir.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas en affaiblissant le rôle de l'Etat dans ce domaine que vous lutterez contre les inégalités !
    M. Marc-Philippe Daubresse. On peut également s'interroger sur le délai. Le fait d'avoir prévu un délai de cinq ans, éventuellement extensible à huit ans, relève du bon sens. L'expérimentation des transports de voyageurs s'est faite sur sept ans. On a ainsi pu évaluer l'utilité de l'expérience dans certaines régions de France et améliorer le dispositif à l'issue de ce délai. Il n'y a donc rien de choquant dans le fait de prévoir un délai de cinq ans, éventuellement extensible à huit ans.
    Enfin, on nous dira que l'expérimentation peut poser de graves problèmes en matière de financement. Cessez de nous donner des leçons sur les transferts de charges financières de l'Etat vers les collectivités locales après ce que vous avez fait avec les SDIS ou l'APA ! Nous, nous avons inscrit dans la Constitution que tout transfert de charges impliquait un transfert de ressources, ce que, encore une fois, vous n'avez ni su faire ni voulu faire quand vous étiez au gouvernement de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Bravo !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Nous attendons donc que nos collègues socialistes soient cohérents avec les positions prises lors du vote de la proposition de loi Méhaignerie sur l'expérimentation. J'ai relu au Journal officiel ce que déclarait alors Jean-Pierre Dufau, qui était porte-parole du groupe socialiste.
    M. René Dosière. C'est une bonne lecture !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Voici ce qu'il disait : « Le groupe socialiste est ouvert au principe du droit à l'expérimentation, mais dans des conditions qu'il faut encadrer. Le premier principe est celui de la généralisation de l'expérimentation. Le second principe consiste à respecter les compétences régaliennes de l'Etat. On doit aussi imaginer une procédure qui encadrerait le droit à l'expérimentation : validé au moment de sa création, il devrait être ensuite évalué. » C'est très exactement ce que prévoit le projet de loi organique. Alors, soyez cohérents et cessez d'avoir des sincérités successives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'en viens maintenant au texte sur le référendum local, monsieur le ministre. Ce projet de loi organique, beaucoup d'orateurs l'ont dit, pose le problème de la réconciliation entre la démocratie participative et la démocratie représentative. L'empilement des territoires est source de confusion pour le citoyen qui a besoin d'être associé étroitement à tout ce qui concerne son destin. Il suffit de lire tous les textes qui concernent le droit à l'expression des citoyens pour constater que si, depuis vingt-cinq ans, la démocratie représentative a beaucoup progressé - le rapporteur l'a parfaitement illustré -, la démocratie participative marque le pas. Il est d'ailleurs significatif de constater que la majorité précédente a refusé un amendement, voté - je le reconnais - par le groupe communiste, que j'avais présenté, visant à intituler la loi Vaillant loi sur la « démocratie participative », plutôt que sur la « démocratie de proximité », comme si le groupe socialiste avait peur du mot « participatif ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Lorsque j'entends certains élus socialistes souhaiter que le référendum que nous avons prévu soit à l'initiative des citoyens, et non pas des exécutifs des collectivités locales, je leur réponds : mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait dans cette fameuse loi Vaillant sur la démocratie de proximité ? Si vous y teniez tellement, vous aviez là l'outil idéal.
    M. Jean-Pierre Blazy. On pensait le faire après ! (Sourires.)
    M. Marc-Philippe Daubresse. Vous tenez ici un discours qui ne correspond pas à vos actes sur le terrain, quand vous gérez vos collectivités locales. D'ailleurs, si l'opposition de l'époque n'y avait veillé, la gauche nous aurait proposé un modèle unique rigide de quadrillage des quartiers, à la Martine Aubry. Je connais cela très bien, cela existe à Lille. On verrouille, on cadenasse, comme vous dites, monsieur Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Des soviets, en quelque sorte !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Exactement ! Et le CARNACQ, le Carrefour national des associations d'habitants et de comités de quartier, déclarait à l'époque, au sujet de la loi Vaillant, que l'on allait mettre en oeuvre une instrumentalisation des habitants par les élus.
    M. René Dosière. C'était au début du texte, pas à la fin !
    M. Gilles Cocquempot. A Lille, nous sommes plus consensuels !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Heureusement que nous avons modifié le modèle pour le rendre plus souple en commission mixte paritaire !
    A travers ce projet de loi, vous nous proposez une méthodes, fondamentalement différente, monsieur le ministre. Il s'agit en fait de prendre la mesure de cette nouvelle revendication des citoyens de mieux participer aux décisions locales et de faire émerger une démocratie plus charnelle, plus citoyenne, qui doit servir de relais à une République encore trop centralisée et à une Europe devenue trop lointaine.
    M. Jean-Pierre Blazy. Une « démocratie charnelle » !
    M. Marc-Philippe Daubresse. De ce point de vue, la mesure consistant à introduire dans une loi organique un référendum local décisionnel est une véritable révolution culturelle.
    M. André Chassaigne. On aura tout entendu !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Jusqu'ici, il n'y avait que des référendums consultatifs. Ce projet de loi donne véritablement aux élus les outils pour vérifier et valider une politique. Le cas échéant, si l'on constate, comme cela s'est passé en Corse, que la population n'est pas prête à suivre, le référendum permet de respecter sa décision...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Au moins on la consulte !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... et de ne pas mettre en oeuvre certaines réformes si on sent que le temps n'est pas venu.
    Il faut donc trouver un équilibre entre démocraties participatice et représentative pour éviter deux écueils : le risque de plébiscite, si les modalités d'organisation du référendum n'étaient pas suffisamment encadrées - elles le sont désormais, après le passage au Sénat -, et le risque de gadget si les seuils retenus pour valider ce réferendum et son rôle décisionnel étaient trop hauts, vidant de son contenu le présent projet de loi. Nous en avons parlé, monsieur Blazy, et j'attends ce que votre groupe va dire sur cette question.
    Il faut aussi un équilibre entre les principes constitutionnels de respect de la libre administration des communes et le droit à l'expression des habitants - je n'y reviens pas -, un équilibre entre le rôle d'organisation du scrutin par les collectivités locales et le rôle de contrôle du préfet, qui vérifie la légalité des actes, ou du juge, qui traite le contentieux.
    Reste à régler trois problèmes et notamment celui du corps électoral. Monsieur Dosière, nous avons eu, sous le précédent gouvernement, un long débat sur cette question en commission des lois. Excusez-moi de vous le dire, mais il ne faut pas confondre nationalité et citoyenneté. La logique d'un référendum décisionnel, c'est de se fonder sur un corps électoral qui correspond à celui de la nation. Ce qui n'empêche pas qu'il y ait des citoyens dans la République et si ces citoyens de la République veulent avoir droit à la parole, rien ne les empêche de demander la nationalité française pour exprimer, outre leur fierté d'être Français, leur attachement à la manière dont on organise leur collectivité territoriale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Quelle conception restrictive de la démocratie locale !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je ne vois rien là de choquant ! Pendant des années, vous nous avez distillé des pensées « politiquement correctes » sur le sujet. Laissez-nous remettre les choses à l'endroit ! (Mêmes mouvements.) On peut être fier d'être français, le manifester, solliciter la nationalité française et avoir un droit de vote en contrepartie. C'est cela aussi, la démocratie française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Très bien !
    M. Marc-Philippe Daubresse. S'agissant du seuil pertinent pour rendre le référendum décisionnel, je tiens à remercier le Gouvernement qui, dans sa volonté d'ouvrir largement ce nouveau droit à référendum, n'avait pas prévu de seuil ; mais chacun conçoit bien, et le rapporteur l'a dit lui-même, que c'était tout de même un pari un peu risqué. Le seuil fixé doit permettre de rendre la consultation efficiente. Chacun imagine la difficulté qu'aurait une commune à mettre en oeuvre une décision où 10 % seulement des inscrits se seraient déplacés pour voter.
    Pour autant, le seuil de 50 % des inscrits proposé par nos collègues sénateurs ne me semble pas raisonnable, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, les systèmes du même type existant dans d'autres pays européens prévoient des seuils plus bas. En deuxième lieu, le taux moyen de participation - j'en ai organisé une dans ma commune - est en dessous de 40 %. En troisième lieu, il sera très difficile de mobiliser 50 % des inscrits au niveau départemental ou régional. Si l'on veut donc rendre ce système opérant pour les régions et les départements, le seuil d'un tiers des inscrits me semblerait plus adapté. C'est à mon avis l'argument le plus important.
    En outre, un tiers des inscrits constitue un pourcentage tout à fait lisible pour le citoyen. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous n'y êtes pas défavorable. La commission a déposé un amendement proposant 40 % qui va, à mon avis, tout à fait dans le bon sens. Peut-être pourrons-nous nous retrouver sur cette proposition.
    Je termine sur les EPCI. Je suis à l'origine, avec d'autres, du fait que, dans la Constitution, figure le droit à l'expérimentation et le rôle de chef de file des EPCI. Monsieur le ministre, vous étiez présent quand le Premier ministre est venu à Marseille discuter de cette question, notamment avec l'association des communautés urbaines de France. Il y a eu un débat et on s'est demandé à quel moment on enclencherait ce processus.
    La difficulté tient principalement au fait que ces EPCI sont élus au suffrage indirect. Par ailleurs, la problème ne se pose pas dans les mêmes termes dans des communautés de communes en zone rurale, et dans des communautés urbaines très intégrées comme la mienne, qui ont deux milliards d'euros de budget. Il faudra donc stabiliser ce système et trouver les bonnes passerelles avant de mettre en route des mécanismes qui ne peuvent fonctionner qu'avec des collectivités locales légitimes. Le débat de leur élection au suffrage universel, notamment dans les grandes agglomérations, viendra en son temps. Lorsqu'il sera tranché, on pourra logiquement réfléchir à la possibilité de permettre aux intercommunautés d'organiser des référendums décisionnels.
    Mes chers collègues, la distance entre le pouvoir et les citoyens s'est dangereusement creusée au cours des vingt dernières années. Sans doute la démocratie représentative s'est-elle renforcée. Mais nos habitants ont besoin de comprendre et de s'approprier le système complexe dans lequel nous évoluons. Comment construire cet espace public plus ouvert, plus participatif et, en définitive, plus démocratique ? C'est tout l'enjeu du processus de décentralisation engagé par le Premier ministre.
    En recentrant l'Etat sur ses missions régaliennes, comme on l'a fait pour la sécurité et la justice, en clarifiant l'articulation des pouvoirs locaux, en élargissant leur compétence comme on le fera au cours de l'automne, en leur donnant le droit à l'expérimentation dans un processus très encadré par le Parlement, en rénovant la fiscalité locale comme vous le ferez d'ici à la fin de l'année, en définissant de nouvelles modalités de participation démocratique, nous contribuons à revivifier les responsabilités et les enjeux politiques qui sont à la source de la démocratie.
    Réformer l'Etat en libérant les énergies locales, n'est-ce pas le défi auquel vient de nous convier le Président de la République dans son discours du 14 juillet ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Le dialogue, toujours le dialogue !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera avec enthousiasme ces deux projets de loi organiques de décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour des raisons de temps, et compte tenu des propos pertinents tenus tout à l'heure par Bernard Derosier sur le texte concernant l'expérimentation, je m'en tiendrai au texte qui traite du référendum local, emblème de la démocratie représentative que vous souhaitez.
    Les communes, les conseils généraux et les conseils régionaux pourront désormais demander aux électeurs de la commune, du département ou de la région, d'approuver ou de refuser par oui ou par non une délibération concernant une question de leur compétence.
    Est-ce un progrès en matière de démocratie locale ? Apparemment oui, puisqu'il s'agit de demander à la population de se prononcer directement. Mais dès lors que la réponse est aussi simpliste, il conviendra que la réponse du jeu soit, elle aussi, simple.
    On a vu, avec le référendum sur la Corse, qu'il est fréquent que le concitoyen exprime dans un référendum un vote qui va au-delà de la question posée. Pour preuve, monsieur le ministre, ce que vous disiez vous-même au Sénat à propos du référendum national - « je vote contre le Gouvernement, donc je vote non au référendum » - s'applique parfaitement au scrutin du 6 juillet. Même si ce n'était pas la question posée, ce fut la réponse apportée.
    Il est vrai que, avec une prudence qui n'a d'égale que celle des sénateurs, la majorité de la commission des lois a bien encadré cette procédure. Il n'est pas question de permettre à une partie de la population de réclamer un tel référendum, il n'est d'ailleurs même pas question de permettre à une partie des élus de faire une telle proposition. Seul l'exécutif, c'est-à-dire le maire ou le président du conseil général ou régional, peut décider d'inscrire cette procédure à l'ordre du jour de son assemblée délibérante. Encore lui faudra-t-il éviter la période liée à un calendrier électoral généralement chargé. C'est assez dire que le recours à cette procédure ne sera pas très fréquent.
    S'il s'agissait réellement d'une volonté de faire participer la population, il aurait fallu rendre beaucoup plus aisé le recours à cette formule au niveau communal. Je dis au niveau communal, mais cela aurait aussi pu être au niveau intercommunal, si vous n'aviez pas exclu cette possibilité. Je suis pour ma part perplexe quant à l'utilité du référendum au niveau départemental et a fortiori au niveau régional.
    A ces deux niveaux, en effet, l'organisation du référendum s'accompagne d'une mise en tutelle des communes obligées de se soumettre aux décisions des collectivités concernées pour l'organisation du scrutin. Or la nouvelle rédaction de l'article 72, alinéa 5, de la Constitution est précise : aucune collectivité ne peut exercer une tutelle sur une autre. Que se passera-t-il par exemple pour un référendum régional ? C'est le conseil régional qui en déterminera les modalités d'organisation, fixant les heures d'ouverture et convoquant les électeurs.
    A cet égard, je dois relever une innovation qui n'ira pas sans poser de multiples problèmes : jusqu'à présent, dans notre pays, c'est l'Etat, par l'intermédiaire de ses représentants, à savoir le préfet, le sous-préfet et le maire, qui était chargé d'organiser les élections. Avec les dispositions que vous proposez, il n'y a pas de problème avec le référendum communal puisque c'est le maire qui l'organise. Mais avec le référendum local, départemental ou régional, ce droit d'organiser des élections appartiendra désormais au président du conseil régional ou au président du conseil général dans des conditions juridiques particulières.
    Je ne retiens qu'un point : les résultats de ces référendums continueront à être transmis à la préfecture. Que fera celle-ci lorsqu'elle recevra les résultats ? Pourra-t-elle les rendre publics, ou devra-t-elle les transmettre au conseil régional, par exemple ? Ainsi, avec ce texte, le préfet devient le subordonné du président du conseil régional, ce qui ne correspond pas à ma conception de la décentralisation.
    Plus fondamentalement, quel sens aura un référendum pour ces collectivités ? S'agissant de collectivités dont les territoires sont à des degrés différents de richesse, de besoins, un référendum risque davantage de cristalliser les oppositions latentes entre urbains, ruraux, montagnards, habitants des vallées ou du littoral... plutôt que de rassembler les points de vue. A moins qu'à ce niveau, la tentation d'un référendum plébiscitaire ne gagne un exécutif soucieux d'affirmer son autorité ou son hostilité au gouvernement en place.
    Quelle tentation offrez-vous à un président de conseil général et à sa majorité que de mener une campagne référendiaire à caractère plébiscitaire - dans les délais prévus, naturellement : six mois avant une élection cantonale - pour contourner, d'une certaine manière, un mode de scrutin particulièrement archaïque !
    Que direz-vous si un président de conseil général décide de soumettre au référendum local une délibération sur l'APA, par exemple, pour s'opposer aux mesures de régression sociale prises par le Gouvernement ? A propos de l'APA, monsieur Daubresse, je vous signale qu'il ne s'agit pas d'un transfert de compétences, mais d'une prestation nouvelle, égalitaire sur tout le territoire - contrairement à la PSD, qui variait selon les départements. Vous voyez bien qu'il y a déjà une différence.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Vous ne l'avez pas financée ! Vous avez laissé les départements le faire !
    M. René Dosière. L'Etat attribue 800 millions d'euros, ce que l'on peut d'ailleurs estimer insuffisant. Mais je vous rappelle que, du temps de votre PSD, il ne versait rien du tout.
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui, il faut s'en souvenir !
    M. René Dosière. Je regrette, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'ait pas suffisamment pris en compte le fait qu'un référendum communal n'a pas tout à fait la même signification qu'un référendum départemental ou régional.
    Je regrette également que le Gouvernement n'ait pas retenu la formule du référendum à questions multiples. Cela aurait permis d'éviter toute dérive plébiscitaire. Le référendum à options multiples a une valeur pédagogique forte, comme en a fait la démonstration, à plusieurs reprises, il y a déjà vingt ans, la municipalité de Mons-en-Baroeul, alors dirigée par Marc Wolf.
    En organisant une consultation de la population monsoise sur une projet comportant trois options en matière de dépenses et de fiscalité, on a fait prendre conscience à la population de la réalité d'un choix budgétaire. A l'époque, il est vrai, une telle démarche autogestionnaire n'a pas suscité que des encouragements...
    Plus généralement, monsieur le ministre, votre dispositif consiste à favoriser la démocratie locale en renforçant la participation des citoyens. Mais d'autres solutions me paraissent plus efficaces. Actuellement, les dispositions relatives à la participation des citoyens contenues dans les textes de février 1992, février 1995, du 27 février 2002 - donc les grandes lois concernant la démocratie locale - constituent autant de dispositifs permettant de vivifier la vie démocratique de nos communes.
    Il m'a fallu, en préparant ce débat, parcourir deux publications universitaires récentes pour me remémorer la diversité de l'ampleur de ces procédures. L'Annuaire 2001 des collectivités locales, publié par le CNRS et rédigé par le GRALE, et une étude du CURAPP - Centre universitaire de recherches administratives politiques de Picardie - consacrée à la démocratie locale et publiée aux PUF. L'analyse de ces universitaires, qui a la caractéristique d'être sans complaisance envers les élus, fait apparaître que tous ces dispositifs de participation ne fonctionnent pas ou mal.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Parce qu'ils ne sont pas décisionnels !
    M. René Dosière. Ainsi en est-il de la consultation communale ou intercommunale, qui est beaucoup trop encadrée dans le temps pour exister véritablement. Pourtant, cette consultation est beaucoup plus intéressante que le référendum local, car elle permet de soumettre à la population des solutions alternatives, alors que la réponse au référendum est souvent biaisée.
    Songez que la consultation à l'initiative des électeurs, permise par le texte de Charles Pasqua, n'a été appliquée qu'à deux reprises, compte tenu du souci - d'ailleurs, excessif - , de canaliser les signatures des citoyens.
    Quant aux commissions consultatives locales, qui devraient permettre aux habitants de s'intéresser au fonctionnement des services publics locaux, en particulier de ceux qui sont concédés, elles n'existent pas toujours.
    Que dire, enfin, de l'information de base du citoyen, condition première de la démocratie locale ? Les comptes rendus de séance des conseils municipaux, généraux sont ou inexistants ou partiels et paraissent avec un tel retard qu'ils n'ont plus guère d'intérêt.
    A ce propos, madame la présidente, le compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, qui est un exemple pour toutes les collectivités, non seulement françaises, mais dans le monde,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Bravo, mesdames, messieurs !
    M. René Dosière. ... paraît, je dois le dire, dans un délai beaucoup trop long qui est d'autant plus étonnant d'ailleurs qu'il n'est pas le fait des rédacteurs des débats, qui, eux, après que notre séance sera terminée, vont être amenés à mettre ce compte rendu au point. Il y a sans doute là un problème, madame la présidente.
    Je ferme la parenthèse.
    Monsieur le ministre, toutes ces procédures fonctionnent très mal. Je souhaiterais que vous lanciez une évaluation pour voir pourquoi, et améliorer le dispositif.
    Lorsque l'on constate que la décentralisation a surtout bénéficié aux élus locaux, on ne fait qu'émettre une évidence. Tel était bien, au départ, l'objectif recherché par le ministre de l'intérieur de l'époque. Mais aujourd'hui, devant les effets conjugués de ces dispositions institutionnelles - modes de scrutin, cumul des mandats, statut des élus - il convient de corriger un phénomène qui contribue au blocage de la démocratie locale : la confusion entre les pouvoirs de l'exécutif et du délibératif. C'est là qu'il faut mettre de l'oxygène pour que le débat public retrouve sa véritable signification. Songez que, aujourd'hui, un conseil municipal n'a même pas la possibilité de mettre en cause son maire. En cas de conflit, ce dernier peut rester en poste quant tout son conseil municipal aura démissionné !
    Il convient également d'augmenter la place des minorités au sein des conseils municipaux des villes de plus de 3 500 habitants et plus, en réduisant la prime majoritaire. La loi municipale de 1982 avait représenté un progrès puisque, auparavant, la minorité n'était pas du tout représentée. Mais aujourd'hui, vingt ans après, on voit bien qu'il faut aller plus loin pour donner à la minorité les moyens de se comporter en opposition responsable.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Il fallait le faire !
    M. René Dosière. On ne peut pas tout faire, monsieur Daubresse ! On en a déjà fait pas mal...
    Cet affaiblissement nécessaire de l'exécutif local implique une indispensable réduction du cumul des mandats. Cette conjonction renforce justement le poids des exécutifs locaux, au point que l'on peut parler de « féodalités locales ».
    M. Pascal Clément, président de la commission. Allons bon...
    M. René Dosière. Mais nous savons maintenant que, sur ce point, il n'y a pas grand-chose à attendre de ce gouvernement. Car il est revenu lui-même sur le non-cumul d'une fonction exécutive locale avec un mandat de député européen, moins pour des motifs d'intérêt général que pour des motifs liés au département des Hauts-de-Seine, ce territoire que le Premier ministre qualifie de « Sarkoland ». Par-délà une dénomination moderne, la réalité est beaucoup plus « médiévale ». On est bien dans un système féodal. Pour votre part, monsieur le ministre, vous préférez parler de « dégénérescence » de la République. La formule est cruelle, mais je la trouve très juste.
    Enfin, un autre aspect aboutit au désintérêt du citoyen et se manifeste par la montée de l'abstention au niveau local. Concernant l'abstention, j'ai lu vos déclarations au Sénat. Il est vrai que, dans une société apaisée, les gens ont tendance à se mobiliser moins fortement. Les élections locales n'ont jamais provoqué de guerre civile. Pour ma part, la signification du vote a toujours été très claire : gérer les affaires locales, améliorer la vie quotidienne, et non rompre avec le capitalisme.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il y a eu des pleurs, à Lille !
    M. René Dosière. En matière de participation au niveau municipal, les chiffres sont éloquents : de 1965 à 1983, l'abstention reste autour de 22 % ; en 1989, elle passe à 27 % en 1995, à 31 % et en 2001 à 33 % - période où l'alternance est justement apparue. Bien entendu, pour chaque collectivité municipale, nous notons des évolutions spécifiques comme à Paris. Mais la tendance est là. Je suis d'ailleurs très inquiet quant à la façon dont évolue la participation des citoyens aux élections municipales lorsque je constate comment est vécue l'intercommunalité sur le terrain.
    S'agissant de l'intercommunalité, l'opacité qui résulte de son fonctionnement contribue à la démobilisation des citoyens. Je m'efforcerai brièvement de vous en convaincre.
    L'intercommunalité, lancée en 1992 et renforcée en 1999, a connu un tel succès qu'aujourd'hui 30 000 communes sont concernées, 49 millions d'habitants, soit huit Français sur dix. Ce succès est particulièrement fort en milieu urbain et il gagne même la région parisienne. La France a enfin trouvé la réponse à son émiettement communal.
    Mais ce succès a son revers. Avec les transferts de compétences, avec une assemblée élue au deuxième degré et dont les exécutifs intercommunaux sont même élus au troisième degré, le citoyen ne sait plus qui fait quoi - quand je parle du citoyen en milieu rural, je vise aussi les élus. Et la manière dont les décisions sont prises constitue la plus belle illustration du centralisme démocratique où le chef de l'exécutif, aidé par son secrétaire général, fait ratifier par le bureau d'abord, puis par le comité syndical, des décisions élaborées en petit comité.
    Ce type de fonctionnement s'appuie sur un consensus - je devrais dire d'une connivence - entre élus de droite et de gauche, qui occulte d'autant plus le débat démocratique que les élus ne rendent compte à personne, pas même à leurs conseils municipaux. J'ajoute sans vouloir généraliser, qu'il n'est même pas rare de constater qu'au regard du travail fourni, l'indemnisation avantageuse des vice-présidents de l'intercommunalité constitue, pour certains maires, une tentation de cumul financier qui conduit de plus en plus fréquemment à remettre en cause l'image traditionnelle de désintéressement du maire d'une commune rurale.
    Et, en face de cette opacité, on s'aperçoit que la fiscalité intercommunale explose. Entre 1995 et 2001, le produit net, final, compte tenu des reversements des quatre taxes, a augmenté de 80 %, passant de 2,7 à 4,9 milliards d'euros. En 2002, l'augmentation a été de 26 %. Dans le même temps, même si la fiscalité communale a réduit son rythme de progression, elle a continué à croître.
    Aujourd'hui, même si l'opacité règne un peu sur les statistiques fiscales, on peut dire que le budget de l'intercommunalité à fiscalité propre est supérieur à celui des régions, mais qu'il est beaucoup moins contrôlé.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Pour quels services rendus ?
    M. René Dosière. Certes, payer ses impôts pour un républicain, ce doit être une joie, comme l'écrivait il y a 120 ans, un jeune écolier d'Orléans, je veux parler de Charles Péguy, dont les cahiers d'écolier font l'objet actuellement d'une émouvante exposition. Mais encore faut-il que l'on sache à quoi les impôts servent et comment ils sont utilisés.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Cela ne suffit pas.
    M. René Dosière. A l'époque, le jeune Péguy considérait qu'ils allaient à l'armée, à l'école et plus généralement aux fonctionnaires. Aujourd'hui avec l'intercommunalité, on ne sait pas à quoi servent les impôts.
    De ce point de vue-là, il est caractéristique que l'on peut faire un référendum sur le budget d'une commune de 300 habitants, qui s'élève à 370 000 euros environ, mais qu'on ne peut pas en faire un sur le budget de la communauté urbaine de Bordeaux où il atteint 850 millions d'euros, ni à Lille, 2 milliards d'euros.
    Il y a là tout de même un paradoxe. J'entends bien votre réponse : il faut attendre que l'intercommunalité soit naturellement constituée. Au demeurant, aujourd'hui le référendum dans l'intercommunalité est anticonstitutionnel. Mais si j'insiste sur ce point, c'est que je souhaite vous sensibiliser à l'importance que l'intercommunalité prend dans la vie quotidienne, aux difficultés qu'elle suscite en matière de démocratie locale. Il faut absolument qu'en 2007 les structures intercommunales fassent l'objet d'une élection qui permette un vrai débat local.
    Attendre davantage, monsieur le ministre, c'est-à-dire 2013, ce serait faire régresser la démocratie locale dans notre pays. Et si l'école de la démocratie ne fonctionne plus, c'est toute notre démocratie qui ensuite ne marchera plus.
    Par exemple, à ce sujet, je vous suggère un mode de scrutin mixte. Par exemple, pourquoi ne pas élire sur l'ensemble du territoire intercommunal, au scrutin majoritaire, un exécutif collégial qui choisira son président en son sein et, en même temps, élire au niveau de chaque commune, au scrutin proportionnel, les délégués des communes à l'assemblée intercommunale ? Ceux-ci continueront à être les porte-parole et les défenseurs de leur commune. Qu'importe si l'assemblée et l'exécutif ont une majorité différente. Il appartiendra à l'exécutif de présenter de bons projets et à l'assemblée intercommunale de les amender avant de les voter. On aura ainsi renouvelé et modernisé la démocratie municipale.
    Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il ne faut pas attendre que tout le territoire soit couvert par l'intercommunalité. C'est maintenant qu'il faut préparer les esprits à cette évolution.
    Face à ces questions majeures pour les Français, votre proposition de référendum local me paraît bien timide et inadaptée. Elle ne constitue pas une innovation majeure dans l'apprentissage de la démocratie que doit constituer la vie locale, en particulier communale et son prolongement, l'intercommunalité. On peut même se demander s'il ne s'agit pas d'un gadget, utile en termes de communication, pour montrer qu'on veut aller vers le peuple...
    Mme la présidente. Monsieur Dosière, s'il vous plaît...
    M. René Dosière. J'ai terminé, madame la présidente. ... mais être populaire, comme le sont la plupart des maires de notre pays, ce n'est pas être populiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Madame la présidente, je me demandais, en écoutant les uns et les autres s'exprimer ce soir dans le cadre du débat sur ces projets de loi que M. Daubresse a raison de qualifier de passionnant, comment pouvait être résumé l'objectif commun à l'ensemble des orateurs. Cet objectif qui est le vôtre, monsieur le ministre est celui-ci : construire la décentralisation de la République sans défaire son unité. Il me semble qu'une telle ambition devrait être partagée aujourd'hui par tous les élus locaux et nationaux.
    Je me demandais par ailleurs si la saison d'été, peu propice aux réflexions de fond sur les chantiers de la décentralisation, pouvait expliquer le fait que l'on en parle très peu dans les journaux actuellement. Ne semble-t-il pas finalement plus facile à un certain nombre de Français de demander plus à l'Etat, parce qu'il est en haut et dispose de plus de ressources que les pouvoirs décentralisés qui, eux, sont près des citoyens ?
    Toujours est-il que les projets qui nous rassemblent en ce lendemain de 14 juillet 2003, monsieur le ministre, mes chers collègues, et qui portent le nom de décentralisation, ne semblent pas suffisamment préoccuper notre opinion publique et les médias qui s'attachent à répondre à sa demande d'information. Pourtant, cette vaste réforme de la décentralisation est l'une des réponses à apporter au malaise que tout le monde a constaté et qui s'est traduit par les résultats du premier tour de l'élection présidentielle d'avril 2002. Notre Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a donc eu raison de juger nécessaire de poursuivre cette oeuvre de décentralisation, amorcée dans le bons sens, dès 1982, par Gaston Defferre. A l'époque, j'étais de ceux qui souhaitaient que la France aille dans ce sens.
    Il appartient donc aux élus de la nation que nous sommes de faire comprendre aux Français que notre objectif est de répondre au besoin qu'ils ressentent d'un Etat moins centralisé, qui libère les capacités d'initiative des hommes, des citoyens, et les capacités de réveil des territoires qui, dans leur diversité, font la France.
    Il est vrai que les Français se sont sentis coupés de la politique, tant ils ont ressenti l'opacité qui entoure l'action publique, tant ils ont du mal à percevoir « qui fait quoi » ou « qui décide quoi » dans la complexité actuelle de notre système institutionnel qui a contribué au malaise depuis quelques années. Les manifestations de ces semaines de juin à propos des retraites, de ces semaines de juillet à propos des intermittents du spectacle, confirment qu'il nous faut clarifier les niveaux de responsabilité où doit être assumée la conduite de notre république. Les textes que nous devons adopter ce 15 juillet à l'Assemblée nationale marquent incontestablement la volonté de rendre cette république plus proche des citoyens.
    Les projets de loi organique relatifs à l'expérimentation et au référendum local ne sont susceptibles de contribuer à mettre la France en mouvement, comme le souhaite le Président de la République, que parce que nous avons voté à Versailles, en mars 2003, un nouvel article 1er de la Constitution affirmant l'organisation décentralisée de la République. C'est une étape décisive qui a été franchie en 2003, dans la continuité des étapes déjà franchies depuis 1982.
    Le référendum local pourra donc, dans cet esprit, devenir un outil mis à la disposition des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux, ce dont nous devons tous nous réjouir. Plus que celui d'une consultation pour avis, il aura désormais un caractère décisionnel, dans des limites fixées : s'il est voulu par le tiers des membres du conseil des collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants, ou par la majorité des membres du conseil des collectivités de moins de 3 500 habitants.
    L'adoption de cette réforme doit donc contribuer à développer dans les communes la pédagogie de la démocratie. Mais elle doit aussi - elle devrait en tout cas - dès le collège et le lycée, tendre à initier les jeunes à la culture des ressources actuelles et potentielles que leur territoire porte en lui-même. J'insiste beaucoup, monsieur le ministre, pour que vous preniez contact avec le ministre de l'éducation nationale, afin qu'à travers les programmes scolaires on apprenne aux jeunes ce que représente la valeur de leur territoire. Le territoire est une source de vie, que les élus locaux doivent développer, enrichir, par leur action, par leur dynamisme, par leurs projets. Et il faut que les citoyens soient associés à la mise en valeur et en vie de ce territoire.
    Et c'est un culte nouveau qu'il faut développer dans le pays, celui de la valorisation du territoire. Il est bon, il est nécessaire, de communiquer aux citoyens, et d'abord aux jeunes, cette volonté de mettre en valeur et en vie ce territoire de leur commune.
    Le référendum, pour des projets ou des choix d'adaptation de leur territoire le justifiant, peut devenir le moyen de sortir les citoyens d'une attitude de passivité à l'égard des chances d'avenir comme des risques de déclin que leur territoire porte en lui. Combien de drames constatons-nous jusque dans le bassin minier à cause de la passivité de ceux qui se sont contentés d'attendre que les usines vieillissent et finissent par fermer !
    Dans le Pas-de-Calais, nous avons réagi à temps, dès les années 60, pour que d'autres activités industrielles relayent les activités minières, car nous savions que nous ne pourrions plus vivre et faire vivre à partir de la production du charbon. Eh bien, c'est dans toute la France qu'il faut passionner les esprits et les volontés, pour que le territoire devienne source de vie et d'avenir. C'est cela, l'essence de la décentralisation ! C'est ce qui la rend indispensable à notre époque.
    L'essentiel, pour éviter de tomber dans le piège d'un oui ou d'un non motivés par d'autres raisons que la question posée, est de faire comprendre que le référendum est un appel à la participation des citoyens à la gestion du présent, mais surtout du futur de leur territoire, et non une opération électoraliste entre les échéances normales qui rythment la vie de la démocratie locale.
    Par contre, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'abstention à l'égard d'un référendum - et là j'apporte une nuance à ce qui a été dit tout à l'heure - doit pouvoir être jugée comme une forme de consensus : si on ne vote pas, c'est parce qu'on fait confiance aux élus, et qu'on les laisse agir dans le sens qu'ils jugent bon. C'est quelquefois une des raisons de l'abstention.
    Beaucoup plus novatrice que le référendum est en réalité la mesure législative proposée par le Gouvernement relative à l'expérimentation. Tout le monde l'a reconnu.
    Certes, cette expérimentation est présentée avec des garanties d'encadrement très précises en ce qui concerne l'objet et la durée, et son évaluation par le Parlement après rapport établi par le Gouvernement.
    Le but est de faire jaillir des idées neuves et de permettre, à partir d'un territoire bien choisi, des adaptations de notre droit aux évolutions de la vie économique et de notre société.
    Il n'empêche que l'expérience qui vient d'être vécue en Corse révèle la résistance des Français au changement des structures territoriales et des règles de vie commune, à la base de la vie de la nation.
    Le « non » de la Corse peut être jugé comme inspiré d'abord par la peur de voir les nationalistes tenter de sortir de la République la collectivité territoriale corse devenue unique.
    Mais au-delà de la Corse, la loi, comme l'esprit français l'a conçue depuis la Révolution et depuis Jean-Jacques Rousseau, a été comprise comme « l'expression de la volonté générale ». Et en cela, elle est indispensable.
    Ce qui donne force à la loi, c'est que tous les citoyens sont censés concourir directement par les élus du peuple à la formation de la loi.
    Cette ouverture législative à l'expérimentation au niveau de telle ou telle collectivité territoriale a été proposée depuis plusieurs années par notre collègue Pierre Méhaignerie, novateur en la matière.
    Il faut reconnaître qu'un élu de Bretagne a plus de motivation à vouloir cette expérimentation qu'un élu d'une région moins excentrée. Mais nous devons admettre que la France, comme le monde, doit s'adapter aux évolutions du nouveau siècle qui s'ouvre. Si bien que l'expérimentation peut être un des moyens permettant de rationaliser le processus de création législative et d'adopter des lois mieux adaptées à leur objet.
    Il nous faudra toutefois, comme le prévoit le projet de loi, veiller au respect des conditions de cette expérimentation, et notamment à la règle de la durée de cinq ans qui lui sera imposée.
    Nous avons suffisamment recours au vocabulaire de l'Etat de droit pour ne pas provoquer, par un désordre législatif, des tolérances trop nombreuses liées à une crise du droit au sein de notre République.
    La France n'est ni les Etats-Unis, ni la Suisse et nous ne pouvons faire de notre de vie en République un laboratoire d'expériences qui risqueraient de soulever autant de risques de désunions entre Français qu'il y aurait d'expériences diversifiées admises juridiquement d'une région à l'autre.
    Il ne peut être envisagé de supprimer la discipline collective que la loi, même dure, - dura lex - impose aux citoyens d'une République. Le penchant gaulois de notre peuple tend à vouloir souvent l'application de la loi pour les autres plutôt que pour soi-même. J'en veux pour preuve le paiement de l'impôt et le respect du code de la route.
    La loi nationale est d'ailleurs elle-même appelée à être expérimentale dans la mesure où elle est l'expression d'une société en mouvement, ainsi que le souhaite le Président de la République. Cette société a besoin d'équilibre et le respect des lois y contribue. La tâche des élus de la nation et la difficulté de cette tâche consistent à prévoir une loi assez intelligente pour permettre que son application soit respectueuse d'une volonté de justice concernant les territoires et les citoyens qui peuplent ceux-ci au sein de notre République.
    Il faut donc veiller à ce que le mot « égalité » entourant les mots « liberté » et « fraternité » ne soit pas vidé de son contenu par la réforme sur l'expérimentation que nous voulons adopter. Je le dis, étant membre du groupe de l'UMP, comme d'autres l'ont dit sur d'autres bancs.
    L'essentiel est que dans l'esprit des élus de la nation, la volonté d'équité reste prioritaire à l'égard des textes concernant les territoires et les citoyens qui font la richesse de la France...
    M. René Dosière. Très bien !
    M. Léonce Deprez. ... et qui doivent assurer l'avenir de notre République.
    La volonté d'équité doit avoir une traduction à travers le mot de péréquation, et Marc-Philippe Daubresse l'a dit tout à l'heure.
    Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur Deprez.
    M. Léonce Deprez. Les projets de loi sur le référendum local et sur l'expérimentation nous apportent un espoir de dynamisation de notre démocratie locale sans rompre avec le devoir d'équité qui doit inspirer notre législation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charzat, dernier orateur inscrit.
    M. Michel Charzat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique sur le référendum local mérite un examen attentif, car il pose des problèmes de mise en oeuvre et de principes.
    La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a instauré un référendum local décisionnel. Il s'agit maintenant de déterminer les conditions d'organisation des référendums locaux portant sur tout projet de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité locale.
    Il est souhaitable - on me pardonnera, alors que nous sommes tous un peu fatigués, d'émettre de tels truismes - de favoriser la participation du citoyen aux décisions locales.
    C'est là une exigence que le législateur a prise en compte depuis une dizaine d'années : la loi du 6 février 1992 a reconnu la possibilité aux électeurs de la commune d'être consultés ; la loi du 5 février 1995 a prévu qu'un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent saisir le conseil municipal en vue de l'organisation d'une consultation sur une opération d'aménagement ; la loi du 19 juillet 1999 a reconnu la même possibilité en matière d'aménagement pour les intercommunalités ; la loi « démocratie de proximité » du 27 février 2002 favorise la participation des habitants, notamment par la création des conseils de quartier, auxquels, rappelons-le, les formations de l'actuelle majorité se sont opposées.
    Enfin la révision constitutionnelle récente a instauré le référendum local décisionnel dont nous parlons ce soir, mais aussi les consultations locales pour avis, à l'initiative du législateur, et le droit de pétition.
    Ce dispositif, convenons-en, est foisonnant, quelque peu baroque, voire redondant. Il aurait été sage d'inscrire la mise en oeuvre du référendum local dans une démarche d'ensemble, cohérente. Il aurait été sage de clarifier, plutôt que de complexifier, d'évaluer plutôt que de légiférer.
    Après la discussion devant le Sénat, certaines questions demeurent obscures. Le champ du référendum s'applique-t-il aux expérimentations ? Une décision d'une assemblée délibérante peut-elle remettre en cause une décision référendaire locale, et si c'était le cas, dans quel délai ?
    Des risques d'interférence, voire de contradiction se présentent, par exemple entre le droit de pétition qui permet de demander à un exécutif local d'organiser un référendum, et le référendum local décisionnel qui le refuse.
    Mais, au-delà, trois considérations de fond nourrissent notre désaccord avec ce projet.
    La première considération a trait à la portée fort limitée du référendum local décisionnel. Plusieurs orateurs l'ont rappelé, l'intercommunalité s'est développée très rapidement depuis la loi Chevènement. Déjà, à la ville comme à la campagne, 80 % de nos concitoyens sont concernés par des groupements à fiscalité propre. Or ce projet ne concerne pas les groupements à fiscalité propre. Les transferts obligatoires dans le cadre des communautés urbaines sont considérables, mais les autres groupements - communautés de communes, communautés d'agglomération - sont allés très souvent bien au-delà de l'obligation de la loi en matière de transferts. Bref, le référendum local sera très souvent une coquille vide, puisque la plupart des problèmes qui intéressent nos concitoyens ne lui seront pas accessibles.
    La deuxième considération se fonde sur l'interférence entre les collectivités concernées. On vient de le voir, les communes ne pourront pas - ou guère - recourir au référendum local décisionnel. Les départements et les régions en seront, dans les faits, les principaux acteurs. D'où le risque de tutelle d'un échelon sur un autre, et particulièrement sur les communes.
    On ne peut du reste exclure qu'un référendum local fasse l'objet d'une utilisation partisane. La loyauté est la règle dans la compétition électorale, mais cette règle - nous le regrettons tous - peut faire l'objet de certaines entorses. Il serait navrant qu'un exécutif, à l'approche de son renouvellement, soit tenté de recourir à cette procédure pour faire valoir son action à bon compte et ainsi bénéficier d'une pré-campagne.
    Il serait également désolant que l'exécutif d'une collectivité territoriale tente d'influencer le scrutin de renouvellement de collectivités implantées sur son territoire. L'hypothèse d'un maire d'une grande ville voulant peser par un référendum local opportunément organisé sur le renouvellement des cantons urbains de sa commune constitue certes un cas d'école. Mais nul n'est parfait...
    Monsieur le ministre, vous prévoyez dans ce texte qu'aucune campagne en vue d'un référendum ne pourra être organisée six mois avant une élection locale ou nationale. C'est un délai trop court pour limiter les risques de détournement et les manoeuvres. Un délai de douze mois aurait été un minimum à respecter dans ce domaine.
    Enfin, troisième considération, ce projet accroît la confusion entre démocratie participative et démocratie représentative. Démocratie participative et démocratie représentative constituent deux modalités de l'expression du choix démocratique. La première enrichit la seconde, mais ne peut s'y substituer. Les élus doivent garder la décision dont la responsabilité leur incombe, qui résulte de leur élection par le peuple.
    Avec ce référendum local décisionnel, on se trouve à une limite de la séparation de ces notions. Les élus issus du suffrage universel devront-ils s'incliner devant les résultats d'un scrutin dont ils peuvent avoir eu, ou pas, compte tenu du droit de pétition, l'initiative, scrutin auquel une faible part du corps électoral aurait participé et dont le résultat serait influencé par la « surmobilisation » de la fraction des électeurs particulièrement concernés par la consultation ?
    Cette remarque, qui vaut pour les référendums nationaux, est beaucoup plus préoccupante dans le cas des scrutins locaux, où les passions affinitaires et les intérêts de proximité ont souvent libre cours.
    Le Sénat, en décidant d'instaurer un seuil très élevé - 50 % des inscrits -, a voulu faire respecter la primauté de la démocratie représentative. En fait, il ne pouvait choisir qu'entre deux inconvénients : ou bien celui de minorités tyranniques, ou bien celui d'une majorité introuvable. Dans la pratique, il a rendu le recours au référendum local quasiment inopérant.
    Monsieur le ministre, ce projet de loi est mal conçu. C'est une coquille vide, un dispositif qui pourrait être détourné de son objet. Enfin et surtout, ce projet risque d'accroître la confusion entre ce qui relève de la participation et ce qui relève de la décision.
    Certes, la crise de la démocratie et de la citoyenneté appellent des réponses neuves et hardies. Mais ces réponses doivent être réalistes, créatrices de nouvelles dynamiques et non de blocages stériles.
    Je pense, comme beaucoup d'entre vous, que la démocratie participative représente vraiment une nouvelle dimension de l'action politique locale. C'est un défi que les élus doivent être en mesure de relever à tout moment.
    Les citoyens sont plus ou moins actifs - ils sont plutôt sceptiques, voire trop souvent passifs -, mais ils ne pardonnent plus aux élus d'être défaillants, routiniers, satisfaits d'eux-mêmes : c'est dire que la démocratie participative est un beau risque que les élus doivent prendre.
    Alors, ne leur compliquons pas la tâche ! La démocratie participative n'a pas besoin de prothèses hasardeuses, à l'image de cet objet politique mal identifié qu'est votre projet de référendum décisionnel.
    Mes chers collègues, le moment est venu de mettre de l'ordre dans nos pensées, et du discernement dans notre arsenal législatif : la délibération n'est pas la confusion, la participation n'est pas la décision ; la démocratie n'est pas la démagogie ; la démocratie locale n'est pas la démocratie à la carte.
    Vous l'avez compris : tel qu'il nous est présenté, sans véritable cohérence, lourd de contradictions et de confusions, ce projet ne peut recueillir l'adhésion du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La discussion générale commune est close.

RÉFÉRENDUM LOCAL

    Mme la présidente. J'appelle, en premier lieu, l'article unique du projet de loi organique relatif au référendum local dans le texte du Sénat.

Article unique

    Mme la présidente. « Article unique. - Le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
    « I. - Le chapitre II intitulé "Coopération décentralisée devient le chapitre IV. Les articles L. 1112-1 à L. 1112-7 deviennent  respectivement les articles L. 1114-1 à L. 1114-7.
    « A l'article L. 1722-1, les références : "L. 1112-1 et "L. 1112-5 à L. 1112-7 sont remplacées par les références : "L. 1114-1 et "L. 1114-5 à L. 1114-7 et, au 3° de l'article L. 1781-2, la référence : "L. 1112-1 est remplacée par la référénce : "L. 1114-1.
    « II. - Il est rétabli un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Participation des électeurs aux décisions locales

« Section unique

« Référendum local

« Sous-section 1

« Dispositions générales

    « Art. LO 1112-1. - L'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale peut soumettre à référendum local tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de cette collectivité.
    « Art. LO 1112-2. - L'exécutif d'une collectivité territoriale peut seul proposer à l'assemblée délibérante de cette collectivité de soumettre à référendum local tout projet d'acte relevant des attributions qu'il exerce au nom de la collectivité, à l'exception des projets d'acte individuel.
    « Art. LO 1112-3. - Dans les cas prévus aux articles LO 1112-1 et LO 1112-2, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale, par une même délibération, détermine les modalités d'organisation du référendum local, fixe le jour du scrutin, qui ne peut intervenir dans un délai inférieur à deux mois à compter de la transmission de la délibération au représentant de l'Etat, convoque les électeurs et définit la question qui leur est posée, libellée de manière à leur permettre de décider, en répondant par "oui ou par "non, s'ils approuvent le projet de délibération ou d'acte soumis à référendum local.
    « Le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale dispose d'un délai de dix jours pour déférer la délibération au tribunal administratif s'il l'estime illégale. Il peut assortir son recours d'une demande de suspension.
    « Le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui statue dans un délai d'un mois, en premier et dernier ressort, sur la demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ou du projet de délibération ou d'acte soumis à référendum.
    « Lorsque la délibération organisant le référendum local ou le projet de délibération ou d'acte soumis à référendum est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui en prononce la suspension dans les quarante-huit heures.
    « Art. LO 1112-4. - La délibération décidant d'organiser un référendum local adoptée par l'assemblée délibérante d'un département, d'une région ou d'une collectivité à statut particulier est notifiée par le représentant de l'Etat aux maires des communes situées dans le ressort de cette collectivité, dans un délai de quinze jours, sauf s'il a été fait droit à sa demande de suspension.
    « Les maires organisent le scrutin. Si un maire refuse de procéder à cette organisation, le représentant de l'Etat, après l'en avoir requis, y procède d'office.
    « Art. LO 1112-5. - Les dépenses liées à l'organisation du référendum constituent une dépense obligatoire de la collectivité territoriale qui l'a décidée.
    « Les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes pour l'organisation d'un référendum décidé par une autre collectivité territoriale leur sont remboursées par cette collectivité de manière forfaitaire, au moyen d'une dotation calculée en fonction du nombre des électeurs inscrits dans la commune et du nombre des bureaux de vote qui y sont installés. Les tarifs de cette dotation sont fixés par décret.
    « Art. LO 1112-6. - Une collectivité territoriale ne peut organiser de référendum local :
    « 1° A compter du premier jour du sixième mois précédant celui au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général ou au renouvellement d'une série des membres de son assemblée délibérante ;
    « 2° Pendant la campagne ou le jour du scrutin prévus pour des consultations organisées dans son ressort sur le fondement du dernier alinéa de l'article 72-1, de l'article 72-4 et du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution.
    « Aucune collectivité territoriale ne peut organiser de référendum local pendant la campagne ou les jours du scrutin prévus pour :
    « 1° Le renouvellement général ou le renouvellement d'une série des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
    « 2° Le renouvellement général des députés ;
    « 3° Le renouvellement de chacune des séries des sénateurs ;
    « 4° L'élection des membres du Parlement européen ;
    « 5° L'élection du Président la République ;
    « 6° Un référendum décidé par le Président de la République.
    « La délibération organisant un référendum local devient caduque dans les cas prévus au présent article ou en cas de dissolution de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale l'ayant décidé, de démission de tous ses membres ou d'annulation définitive de leur élection.
    « Une collectivité territoriale ne peut organiser plusieurs référendums locaux portant sur un même objet dans un délai inférieur à un an.
    « Art. LO 1112-7. - Le projet soumis à référendum local est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s'il réunit la majorité des suffrages exprimés.
    « Le texte adopté par voie de référendum est soumis aux règles de publicité et de contrôle applicables à une délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité ou à un acte de son exécutif.

    « Sous-section 2
« Information des électeurs, campagne électorale
et opérations de vote

    « Art. LO 1112-8. - Un dossier d'information sur l'objet du référendum décidé par la collectivité territoriale est mis à disposition du public dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
    « Art. LO 1112-8-1. - La campagne en vue du référendum local est ouverte le deuxième lundi précédant le scrutin à zéro heure. Elle est close la veille du scrutin à minuit.
    « Elle est organisée par la collectivité territoriale ayant décidé de recourir au référendum local dans les conditions définies au chapitre V du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception de l'article L. 52-3. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "parti ou groupement habilité à participer à la campagne au lieu de : "candidat et de : "liste de candidats.
    « Les interdictions prévues par l'article L. 50-1, le troisième alinéa de l'article L. 51 et l'article L. 52-1 du code électoral sont appliquables à toute propagande relative au référendum dès l'adoption par l'assemblée délibérante de la collectvié territoriale de la délibération visée à l'article LO 1112-3.
    « Les dispositions de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion sont applicables aux référendums locaux.
    « Art. LO 1112-9. - Sont habilités à participer à la campagne en vue du référendum, à leur demande, par l'exécutif de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le scrutin :
    « - les groupes d'élus constitués au sein de l'assemblée délibérante conformément au règlement intérieur de celle-ci ;
    « - les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins 5 % des élus de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum ;
    « - pour un référendum décidé par une commune de moins de 3 500 habitants, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins trois candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du dernier renouvellement du conseil municipal ;
    « - pour un référendum décidé par un département, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher des candidats dont l'addition des voix a atteint au moins 5 % des suffrages exprimés au niveau de l'ensemble des cantons lors du premier tour du renouvellement de l'une des séries des conseillers généraux ;
    « - pour un référendum décidé par une région ou une commune de 3 500 habitants et plus, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins la moitié des candidats d'une liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour du renouvellement général de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale.
    « Chaque élu ou candidat ne peut se rattacher qu'à un seul parti ou groupement politique.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
    « Art. LO 1112-10. - Seuls peuvent participer au scrutin les électeurs de nationalité française inscrits, dans les conditions prévues par les articles L. 30 à L. 40 du code électoral, sur les listes électorales de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum et, pour un référendum local décidé par une commune, les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne inscrits, dans les conditions prévues aux articles LO 227-1 à LO 227-5 du code électoral, sur les listes électorales complémentaires établies pour les élections municipales.
    « Art. LO 1112-11. - Les opérations préparatoires au scrutin, les opérations de vote, le recensement des votes et la proclamation des résultats sont effectués dans les conditions prévues par le chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 56, L. 57, L. 58, L. 66, L. 68 (deuxième alinéa) et L. 85-1.
    « Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 65, il y a lieu de lire : "les réponses portées au lieu de : "les noms portés ; "des feuilles de pointage au lieu de : "des listes» ; "des réponses contradictoires au lieu de : "des listes et des noms différents ; "la même réponse au lieu de : "la même liste ou le même candidat.
    « Les bulletins de vote autres que ceux fournis par la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau de vote. Chacun des bulletins ou enveloppes annexés porte mention des causes de l'annexion.
    « Art. LO 1112-11-1. - Sont applicables au référendum local les dispositions du chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 88-1, L. 95, L. 113-1 (1° à 5° des I, II et III).
    « Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "parti ou groupement politique habilité à participer à la campagneau lieu de : "candidat et de "liste de candidats.
    « Art. LO 1112-12. - La régularité du référendum local peut être contestée dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre l'élection des membres de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ayant décidé de l'organiser. »
    M. Gest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour le projet de loi organique relatif au référendum local, a présenté un amendement, n° 1, ainsi rédigé ;
    « Dans le dernier alinéa du I de l'article unique, substituer à la référence : "L. 1781-2, la référence : "L. 1791-2. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour le projet de loi organique relatif au référendum local. Correction d'une erreur de référence.
    Mme la présidente. Je note que le Gouvernement émet un avis favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Dosière, Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 30, ainsi libellé :
    « Après le mot : "peut, rédiger ainsi la fin du texte proposé pour l'article LO 1112-2 du code général des collectivités territoriales : "proposer à l'assemblée délibérante de cette collectivité de soumettre à référendum local tout projet d'acte relevant des attributions qu'il exerce au nom de la collectivité, à l'exception des projets d'acte individuel.
    « La proposition de l'exécutif est également formulée sur demande écrite du tiers des membres de l'assemblée délibérante de la collectivité concernée. »
    La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Cet amendement vise à donner aux assemblées délibérantes la possibilité de proposer un référendum local.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. Il faut préserver les prérogatives de l'exécutif, faute de quoi nous courrons le risque, que j'ai d'ailleurs évoqué dans mon intervention, de voir une assemblée en désaccord avec son exécutif faire trancher le conflit par le référendum.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis, pour les mêmes raisons.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

    Mme la présidente. M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 19, ainsi rédigé :
    « Après le texte proposé pour l'article LO 1112-2 du code général des collectivités territoriales, insérer l'article suivant :
    « Art. LO 1112-2-1. - L'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut soumettre à référendum local tout projet de délibération portant sur des compétences exercées par cet établissement public de coopération intercommunale. »
    Voulez-vous défendre en même temps votre amendement n° 20, monsieur Blazy ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Volontiers, madame la présidente.
    Mme la présidente. Cet amendement, des mêmes auteurs, est ainsi rédigé :
    « Après le texte proposé pour l'article LO 1112-2 du code général des collectivités territoriales, insérer l'article suivant :
    « Art. LO 1112-2-2. - L'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut soumettre à référendum local tout projet de délibération portant sur des compétences exercées par cet établissement public de coopération intercommunale après accord des deux tiers au moins des conseils municipaux de ces communes membres représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou de la moitié au moins des conseils municipaux de ces mêmes communes représentant les deux tiers de la population. »
    Vous avez la parole, monsieur Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Avant de présenter ces amendements, nous aurions aimé, monsieur le ministre, vous entendre réagir à nos commentaires et connaître votre sentiment...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je le ferai au cours du débat.
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons certes le souci de la concision et la volonté d'avancer le plus rapidement possible, mais tout de même ! Il y a un service minimum à assurer... (Sourires.)
    Les amendements n°s 19 et 20 ont pour objet de permettre - et les orateurs socialistes ont beaucoup insisté sur ce qu'ils considèrent comme une des principales insuffisances de ce texte - aux EPCI d'organiser des référendums locaux. La limitation du champ d'application du référendum local aux seuls communes, départements et régions réduit considérablement la portée de ce qui se veut une innovation, alors qu'aujourd'hui la plupart des sujets de proximité susceptibles d'intéresser nos concitoyens relèvent de compétences exercées au niveau intercommunal. Tel est l'esprit de ces deux amendements, l'amendement n° 20 ayant plus particulièrement pour objet de permettre aux EPCI à fiscalité propre d'organiser des référendums après accord de la plupart des communes membres.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable sur les deux amendements n°s 19 et 20. Le débat a montré que le problème posé était celui de la reconnaissance du droit des EPCI à être considérés comme des collectivités locales et, à ce titre, à présenter un projet de référendum.
    Comme je l'ai déjà indiqué, le problème a été tranché lors du vote de la réforme constitutionnelle. J'ai bien entendu les arguments tant de M. Blazy et que de M. Charzat ou de M. Dosière, qui regrettaient vivement que les groupements de communes à fiscalité propre ne soient pas encore considérés comme des collectivités locales. C'est leur droit le plus absolu. Reste que les amendements présentés ne peuvent manifestement pas être pris en considération compte tenu du problème constitutionnel qu'ils posent.
    M. René Dosière. Ce sont des amendements d'appel.
    M. Alain Gest, rapporteur. Nous l'avions bien compris, monsieur Dosière,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Préparons l'avenir !
    M. Alain Gest, rapporteur. ... mais vous avez manifesté une telle volonté de parler de l'intercommunalité que nous sommes en droit de nous demander si vous ne regrettez pas de ne pas être allés jusqu'au bout et de ne pas avoir pratiquement rayé les communes de la carte administrative française. Notre avis sur ce point est très certainement différent du vôtre.
    M. René Dosière. Nous n'avons jamais voulu les supprimer ! Et Marcellin, en 1971 ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Vous avez souhaité entendre nos réactions sur vos interventions. Au moment où nous vous en faisons part, souffrez que nous ayons éventuellement un avis différent du vôtre...
    Ajoutons, et cette seconde raison ne peut que conforter la position défavorable de la commission, que les deux niveaux de collectivités, la collectivité locale, commune, département, région, d'une part, le groupement de communes d'autre part, n'ont évidemment pas la même légitimité.
    M. René Dosière. C'est effectivement un problème.
    M. Alain Gest, rapporteur. Il n'est donc pas concevable que nous puissions leur donner la même possibilité de recours au référendum.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis, madame la présidente. Si M. Blazy le veut bien, je répondrai à ses questions au fur et à mesure de la discussion des amendements. Nous y gagnerons en clarté.
    Sur la forme messieurs, pour commencer, les amendements n°s 19 et 20 sont contraires à la Constitution. Vous-mêmes en êtes conscients, messieurs, puisque vous avez reconnu qu'il s'agissait d'amendements d'appel.
    Sur le fond, je vous accorde bien volontiers que l'intercommunalité est un réel succès, pour ne pas dire une sorte de miracle que nous devons à la loi de 1999. Il convient de le préserver. Mais instaurer d'ores et déjà l'élection - encore que M. Dosière ait parlé de 2007...
    M. René Dosière. En effet, d'ici à cinq ans.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est effectivement une proposition raisonnable, mais un de vos amendements propose 2003. Je suis tout à fait d'accord pour le réexaminer en 2007.
    M. Jean-Pierre Blazy. Avant, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je vous sens moins d'accord d'ailleurs pour nous laisser la possibilité de le réexaminer en 2007... (Sourires) En l'état actuel des choses en tout cas, ce ne serait pas réaliste, quoi qu'en disent ceux que j'appellerai « les cabris de l'intercommunalité » - vous n'en n'êtes sûrement pas, car je vous sais gens raisonnables. Accélérer à ce point le processus de l'intercommunalité reviendrait sans doute à la mettre en péril.
    M. Léonce Deprez. C'est vrai !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Les équilibres au sein des intercommunalités sont encore fragiles. En fait, le pouvoir d'intégration n'a pas eu le temps de produire tous ses effets et les communes adhérentes, particulièrement les communes rurales, se sentent souvent menacées par le dispositif. Or, accorder le droit au référendum suppose - c'est une question de cohérence - d'instaurer le suffrage universel pour l'élection des organes de l'intercommunalité,...
    M. Guy Geoffroy. Evidemment !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... et le faire dès aujourd'hui compromettrait son existence même. Les intercommunalités résutent encore souvent de pactes politiques, fruit de négociations, et de pondérations qui ne sont pas nécessairement en relation avec le rapport démographique.
    M. André Chassaigne. C'est vrai.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Certaines communes ont accepté d'avoir moins de voix que ce à quoi leur population leur aurait permis de prétendre : c'était le prix à payer pour constituer la structure intercommunale. Si vous passez au suffrage universel direct - un homme, une voix -, le pacte explose...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Et c'est fini !
    M. Alain Gest, rapporteur. Absolument !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... et vous aurez détruit ce qui avait précisément permis la constitution de l'intercommunalité. Tant que l'intégration des intercommunalités ne sera pas beaucoup plus avancée, le passage à l'élection au suffrage universel représente un véritable danger.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je pense comme le ministre !
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Monsieur le ministre, vos arguments...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Sont bons !
    M. René Dosière. ... ne sont pas sans fondement. J'appelle toutefois votre attention sur le fait qu'il existe de très fortes résistances - au demeurant plus à droite qu'à gauche, mais tout de même un peu partout - contre le passage à cette étape ultérieure, à savoir l'élection de l'intercommunalité au suffrage universel. Reste qu'il est possible de trouver diverses formules - j'en ai proposée une, il peut y en avoir d'autres - permettant de préserver l'autonomie des communes. Mais il ne faudrait pas que les inconvénients que vous soulevez n'en viennent à en occulter un autre majeur : sans légitimité démocratique - croyez-en mon expérience d'élu sur le terrain, et d'autres collègues ont pu s'en apercevoir tout comme moi -, l'intercommunalité est un obstacle à la démocratie locale. Entre divers inconvénients, mieux vaut choisir le moindre et peut-être privilégier la démocratie locale. Quoi qu'il en soit, d'ici à 2007, tout un travail de pédagogie s'impose. Et il est de votre rôle d'essayer, en consultant, en exposant, de montrer comment on peut évoluer.
    M. Léonce Deprez. On va y venir !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Blazy et les membres du groupe socialiste, ont présenté un amendement, n° 23, ainsi rédigé :
    « Après le texte proposé pour l'article LO 1112-2 du code général des collectivités territoriales, insérer l'article suivant :
    « Art. LO 1112-2-3. - Un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent saisir l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale ou l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en vue de l'organisation d'un référendum local sur un sujet relevant de la compétence de cette collectivité territoriale ou de cet établissement public de coopération intercommunal.
    « Dans l'année, un électeur ne peut signer qu'une seule saisine tendant à l'organisation d'un référendum local.
    « L'assemblée délibérante ou l'organe délibérant délibère sur le principe de ce référendum. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Autre insuffisance du texte que nous avons relevée, le refus de l'initiative populaire. L'amendement n° 23 a précisément pour objet de reconnaître le référendum d'initiative populaire. Si l'on souhaite un véritable approfondissement de la démocratie directe locale, le référendum décisionnel local ne doit pas relever de la seule initiative des élus locaux. Comme cela se fait dans d'autres pays de l'Union européenne, une fraction du corps électoral doit pouvoir présenter aux élus locaux une demande de référendum.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. M. Blazy, que j'ai écouté très attentivement, nous a rappelé que la gauche « avait toujours été convaincue qu'il fallait se rapprocher du citoyen »,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !
    M. Alain Gest, rapporteur. ... mais elle ne l'a pas fait.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ah si !
    M. Alain Gest, rapporteur. Elle n'a prévu que de simples consultations sans jamais franchir clairement le pas en proposant le référendum...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'était un début !
    M. Alain Gest, rapporteur. De surcroît, elle n'a jamais permis à la population d'en prendre directement l'initiative.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'était il y a onze ans, c'était un début !
    M. Alain Gest, rapporteur. Mais depuis onze ans, notre collègue Daubresse l'a fait remarquer avec brio, vous avez eu maintes occasions de le faire.
    M. René Dosière. Il fallait bien vous en laisser un peu ! (Sourires.)
    M. Alain Gest, rapporteur. C'est ce que nous sommes en train de faire, monsieur Dosière.
    Deux raisons nous ont conduits à rejeter l'amendement n° 23. Premièrement, il y est fait référence à un établissement public de coopération intercommunale, ce qui renvoie à mes arguments précédents. Deuxièmement, il prévoit que l'assemblée délibérante est tenue de délibérer sur le principe du référendum. Or, le premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution emploie, pour le droit de pétition, le terme « demander ». Cette question a été réglée par la réforme constitutionnelle, et c'est la raison pour laquelle nous sommes contraints de rejeter votre amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 2 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 2 présenté par M. Gest, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Substituer au premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-3 du code général des collectivités territoriales les deux alinéas suivants :
    « Art. LO 1112-3. - Dans les cas prévus aux articles LO 1112-1 et LO 1112-2, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale, par une même délibération, détermine les modalités d'organisation du référendum local, fixe le jour du scrutin, qui ne peut intervenir moins de deux mois après la transmission de la délibération au représentant de l'Etat, convoque les électeurs et précise le projet d'acte ou de délibération soumis à l'approbation des électeurs.
    « L'exécutif de la collectivité territoriale transmet au représentant de l'Etat dans un délai maximal de huit jours la délibération prise en application de l'alinéa précédent. »
    L'amendement n° 22, présenté par M. Blazy et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Substituer au premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-3 du code général des collectivités territoriales, les deux alinéas suivants :
    « Dans les cas prévus aux articles LO 1112-1 et LO 1112-2, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale, par une même délibération, délibère sur le principe, les modalités d'organisation du référendum et définit la question posée aux électeurs, libellée de manière à leur permettre de décider, en répondant par "oui ou par "non, s'ils approuvent le projet de délibération ou d'acte soumis à référendum local.
    « Le représentant de l'Etat, sur proposition de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale, arrête les modalités d'organisation de ce référendum local, fixe le jour du scrutin et convoque les électeurs. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 2.
    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement précise que l'exécutif d'une des assemblées communale, départementale ou régionale dispose d'un délai maximal de huit jours pour que sa délibération soit portée à la connaissance du représentant de l'Etat, avant que la procédure éventuelle ne soit mise en place.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 22.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement précise qu'il appartient au préfet d'arrêter, sur proposition de l'assemblée délibérante, les modalités d'organisation du référendum local, et de convoquer les électeurs. En effet, on le sait, pour l'ensemble des scrutins décisionnels, l'organisation et la convocation des électeurs relèvent soit de la compétence de l'Etat, soit de celle de son représentant. C'est donc bien à l'Etat qu'il appartient de décider des modalités d'organisation et de convocation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 22 ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, parce que cet amendement dénote quelques relents de centralisme.
    M. René Dosière. Non, simplement un sentiment républicain !
    M. Alain Gest, rapporteur. Tout à l'heure, j'ai entendu plusieurs orateurs invoquer le risque de tutelle d'une collectivité sur une autre. Or, avec cet amendement, vous risquez de créer une tutelle du préfet sur une collectivité désireuse de soumettre un sujet à référendum. Vous en conviendrez, c'est assez curieux dans le cadre d'un projet de loi visant à accentuer la décentralisation. Nous n'avons pas souhaité que le référendum local soit l'occasion de rétablir la tutelle de l'Etat sur les collectivités et la commision a rejeté votre amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Cet amendement est même un peu surprenant. A mes yeux, ce n'est pas un problème de tutelle. Il suffit de savoir qui propose le référendum. Si c'est une collectivité, c'est à son responsable de le faire, et c'est à l'Etat d'effectuer le contrôle de légalité a posteriori. Mais ce n'est en aucun cas à l'Etat de convoquer les électeurs puisque nous voulons accomplir un pas de plus vers la décentralisation.
    M. René Dosière. C'est la disparition de l'Etat !
    M. Pascal Clément, président de la commission. A chacun son métier. C'est une question de bon sens. Si l'on donne aux élus le pouvoir d'interroger leurs administrés, c'est aux élus d'organiser le référendum, et non pas à l'Etat. C'est une nouvelle étape dans la décentralisation. Vous, vous faites toujours un pas en avant et un pas en arrière : votre décentralisation, c'est du tango.
    M. Bernard Derosier. Quelle mauvaise foi !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est très favorable à l'amendement n° 2 de la commission : c'est une précision utile, qui permet d'éviter la dénaturation du champ de compétence. Il est, à l'inverse, défavorable à l'amendement n° 22 de M. Blazy : le référendum local est un mode d'administration des collectivités locales.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Par conséquent, elles doivent seules en avoir la responsabilité. Le préfet ne joue qu'un rôle de contrôle.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Point !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il ne le joue pleinement que s'il n'est pas acteur.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Absolument !
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Monsieur le ministre, pourquoi, dans ce cas, les résultats du référendum local sont-ils envoyés à la préfecture, aux termes du texte que vous nous proposez ? Que va faire le préfet de ces résultats ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Les transmettre au Gouvernement !
    M. René Dosière. Un conseil régional organise une consultation et envoie les résultats à la préfecture. Qu'en fait le préfet ? Ne croyez-vous pas qu'il faille préciser qu'ils doivent être envoyés directement au conseil régional qui a organisé le référendum ? Il y a là quelque chose qui cloche.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. La décentralisation ne doit pas supprimer la République.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Les jacobins sont à l'ouvrage !
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne demandons pas que ce soit le préfet qui décide à la place des collectivités territoriales, qu'il s'agisse de la commune, du département ou de la région. Nous redoutons les risques de tutelle, mais les lois de décentralisation interdisent la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. Lorsqu'il s'agit d'un référendum départemental ou régional, le préfet peut être garant de son organisation...
    M. Marc-Philippe Daubresse. Si Defferre vous voyait !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... et des modalités républicaines de son déroulement dans l'ensemble du département.
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est de la suspicion !
    M. Guy Geoffroy. Comme si les élus locaux n'étaient pas des républicains !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Dosière a demandé pourquoi les résultats étaient transmis au préfet. Il y a deux raisons à cela.
    D'une part, le préfet exerce un contrôle de légalité : il peut ainsi estimer devoir faire un recours sur les résultats du référendum. C'est son devoir. Il faut donc qu'il ait connaissance de ces résultats, qu'il voie s'il y a eu fraude, si le scrutin s'est déroulé dans des conditions normales.
    D'autre part, comme les délibérations soumises à référendum sont du même régime juridique que les délibérations prises par un conseil - municipal, général ou régional -, c'est la transmission au préfet qui, au titre même de la loi de 1982, donne force exécutoire à la délibération. En l'occurrence, le vote remplace la délibération.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Cocquempot.
    M. Gilles Cocquempot. Monsieur le ministre, je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre interprétation. Que le préfet soit chargé du contrôle de légalité sur l'organisation et la bonne organisation du scrutin, c'est une chose. Qu'il soit chargé de constater les résultats, c'en est une autre, mais qui n'a rien à voir avec le contrôle de légalité. Le contrôle de légalité concerne l'organisation du scrutin, pas le résultat.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. L'un est la conséquence de l'autre !
    M. Gilles Cocquempot. Là, on mélange les genres. S'agit-il d'un contrôle a posteriori des résultats du scrutin pour les transmettre au ministre de l'intérieur ?
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 22 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement n° 24 de M. Blazy.
    M. Gest, rapporteur, a présenté un amendement, n° 3, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-3 du code général des collectivités territoriales :
    « Le représentant de l'Etat dispose d'un délai de dix jours à compter de la réception de la délibération pour la déférer au tribunal administratif s'il l'estime illégale. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement s'inscrit dans le même ordre d'idées que celui qui demandait à l'exécutif de transmettre sa délibération dans un délai déterminé. Il s'agit de préciser la date à partir de laquelle court le délai pour le déféré préfectoral.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Gest, rapporteur, a présenté un amendement, n° 4, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-4 du code général des collectivités territoriales :
    « Art. LO 1112-4. - La délibération décidant d'organiser un référendum local adoptée par l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale autre que la commune est notifiée, dans les quinze jours à compter de sa réception, par le représentant de l'Etat aux maires des communes situées dans le ressort de cette collectivité, sauf s'il a été fait droit à sa demande de suspension. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement, dans le même esprit que les précédents, précise la date à partir de laquelle court le délai de notification aux communes.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 31, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article LO 1112-6 du code général des collectivités territoriales par l'alinéa suivant :
    « Plusieurs référendums locaux peuvent être organisés, le même jour, dans le ressort de la même commune, à l'initiative de collectivités territoriales différentes. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement vise à rendre possible le regroupement, le même jour, de référendums locaux organisés sur des sujets différents, à l'initiative de la commune et de la région ou du département. Cela renforcerait la mobilisation des électeurs en leur évitant de se déplacer plusieurs fois. Ne nous reprochez pas de mélanger les enjeux nationaux et locaux car cet amendement, vous le voyez, a pour seul but de favoriser la participation du citoyen.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a considéré que tout ce qui n'est pas interdit est autorisé.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Evidemment !
    M. Alain Gest, rapporteur. Par voie de conséquence, il n'y a aucun obstacle à ce qu'un département, une région, une commune décident, le même jour, d'organiser des référendums sur des sujets différents mais touchant à leurs compétences respectives. Cet amendement est donc superfétatoire et la commission l'a rejeté. Mais peut-être avait-il seulement pour objet de vérifier auprès du ministre que ce regroupement était possible.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission. La loi le permet. L'amendement est satisfait. Il est donc inutile et je vous propose de le retirer.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, vos propos clarifient l'interprétation éventuelle du texte. L'objet de l'amendement était précisément de clarifier, mais ce que vous venez de dire et qui figurera au Journal officiel devrait écarter toute difficulté de mise en oeuvre pour l'avenir. Je retire donc cet amendement.
    Mme la présidente. L'amendement n° 31 est retiré.

    M. Dosière a présenté un amendement, n° 32, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article LO 1112-6 du code général des collectivités territoriales par l'alinéa suivant :
    « Il ne peut être procédé le même jour à plusieurs referenda locaux portant sur le même objet et dont l'initiative appartiendrait à des collectivités territoriales distinctes. »
    La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Cet amendement, un peu différent, vise à interdire qu'aient lieu, le même jour, des référendums de collectivités différentes sur le même sujet.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Vous auriez dû vous mettre d'accord !
    M. René Dosière. Cela n'a rien à voir ! Cette fois, c'est sur le même sujet. On peut imaginer que, dès lors qu'un conseil général organise un référendum, une commune décide d'en organiser un sur le même sujet...
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas possible ! Ils n'ont pas les mêmes compétences !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Pourquoi tant de suspicion ?
    M. René Dosière. ... au risque d'avoir des résultats contradictoires.
    Le rapporteur vient de dire que « tout ce qui n'est pas interdit est autorisé ». Autrement dit, si cet amendement n'est pas accepté, cela signifie qu'il est possible d'organiser, sur le même sujet, le même jour, un référendum communal et un référendum départemental.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ils n'ont pas les mêmes compétences !
    M. René Dosière. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. M. Dosière oublie que cette loi veut que la collectivité qui organise un référendum ne l'organise que sur la compétence qui lui est propre.
    M. René Dosière. Vous croyez que les compétences sont cloisonnées à ce point ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Le principe étant établi, il pourrait arriver que le sujet prête au moins à discussion, et je comprends l'objet de votre amendement. Dans cette hypothèse, le juge tranchera. C'est la raison pour laquelle nous avons rejeté votre amendement.
    M. René Dosière. Pourquoi faire davantage confiance au juge qu'à la loi ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Parce que nous sommes en République et que c'est l'un des éléments qui la fondent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. N'abaissez pas le politique !
    M. Bernard Derosier. C'est en contradiction avec ce que vous avez dit tout à l'heure !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n°s 33, 9 et 5, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 33, présenté par M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-7 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : "si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin. »
    L'amendement n° 9, présenté par M. Daubresse, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-7 du code général des collectivités territoriales, substituer aux mots : "la moitié, les mots : "le tiers. »
    L'amendement n° 5, présenté par M. Gest, rapporteur, et M. Clément, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-7 du code général des collectivités territoriales, substituer aux mots : "la moitié, le taux : "quarante pour cent. »
    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 33.
    M. André Chassaigne. Cet amendement vise à supprimer la disposition introduite au Sénat en vertu de laquelle la participation d'au moins la moitié des électeurs inscrits est exigée pour que le résultat d'un référendum puisse être validé. Pourquoi instaurer ce quorum alors qu'un tel seuil n'est pas exigé pour les référendums nationaux ? Il apparaît anormal de traiter différemment la souveraineté populaire selon qu'elle s'exerce au niveau national ou au niveau local, selon qu'elle concerne le référendum ou d'autres types de consultations.
    De plus, le fait de fixer a priori un seuil de 50 % pour un référendum local nous fait juges du comportement des électeurs avant même qu'ils se soient prononcés. Ce n'est absolument pas notre rôle de parlementaires.
    Cet amendement vise donc à supprimer une disposition qui illustre parfaitement la méfiance des élus de la majorité envers les citoyens. Ce n'est pas un hasard si le sénateur Hoeffel a déclaré que « ce quorum contribue à rappeler que, dans notre esprit, l'autorité des élus prime ».
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour soutenir l'amendement n° 9.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Cet amendement porte également sur le seuil. J'ai développé une argumentation à ce sujet dans la discussion générale. Il est difficile de se passer d'un seuil, comme vient de le proposer M. Chassaigne. Si une collectivité territoriale organise un référendum et que seuls 10 % des inscrits vont voter, elle rencontrera de grandes difficultés à mettre en oeuvre les résultats d'une consultation qui, il faut le préciser, est décisionnelle. Pour autant, le seuil de 50 % proposé par le Sénat est dissuasif. Cela prouve - je suis votre argumentation, monsieur Chassaigne - que certains ne veulent pas donner à la démocratie participative la possibilité de s'exprimer pleinement. Il faut donc trouver un seuil pertinent. La commission a proposé 40 %, ce qui semble aller dans le bon sens, mais on sait, que pour certains référendums nationaux, on a eu du mal à atteindre les 40 %. Il est certes plus facile d'y parvenir dans les communes, mais ce texte concernera toutes les collectivités territoriales, y compris les régions et les départements. Si l'on veut qu'un département ou une région puisse utiliser ce nouveau droit et donner la pleine signification à la démocratie participative, on doit reconnaître que le seuil de 40 % sera difficile à atteindre.
    Par ailleurs, je note - le rapporteur Alain Gest l'avait souligné dans son rapport - que l'une des premières lois qui a donné cette possibilité très encadrée de référendum était la loi Marcellin sur les fusions et regroupements de communes qui prévoyait un seuil de 25 % des inscrits pour que ce soit décisionnel.
    J'ai, quant à moi, cherché une cote lisible pour le citoyen, qui tienne compte de ce qui se passe en France et dans les autres pays européens. Nous avons posé ce débat avec mon collègue Geoffroy en commission des lois. Je vous propose donc de fixer le seuil au tiers des électeurs inscrits. Si la commission pouvait aller jusqu'à accepter cet amendement, nous en serions très heureux.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 5.
    M. Alain Gest, rapporteur. Je remercie M. Chassaigne dont l'amendement a au moins le mérite de préciser la position de son groupe. J'ai vainement attendu, en écoutant nos collègues socialistes, des éclaircissements à ce sujet.
    M. René Dosière. Vous êtes trop pressé ! Attendez !
    M. Alain Gest, rapporteur. Vous nous reprochiez, il y a quelques instants, de ne pas vouloir vous répondre. Je vous réponds : j'ai bien écouté M. Dosière et M. Blazy, j'ai même lu Mme Ségolène Royal...
    M. René Dosière. Bonne lecture !
    M. Alain Gest, rapporteur. ... ou M. Charasse...
    M. René Dosière. Il est moins représentatif, c'est un sénateur !
    M. Alain Gest, rapporteur. ... qui ont précisé, eux, qu'ils étaient favorables au seuil de 50 %.
    C'est le point sur lequel il y a eu jusqu'à présent le plus de débats. M. Chassaigne propose de revenir au texte initial du Gouvernement.
    M. René Dosière. Il n'y avait pas de seuil !
    M. Alain Gest, rapporteur. Nous avons considéré que c'était prendre le risque de voir le résultat d'un référendum obtenu par la mobilisation d'une minorité agissante. Je l'ai dit tout à l'heure : sur des sujets bien spécifiques, il peut y avoir une participation insuffisante et il paraît difficile d'imaginer qu'un référendum n'ayant mobilisé que 10 % des électeurs puisse avoir une valeur décisionnelle.
    C'est la raison pour laquelle nous avons été nombreux à partager l'avis du Sénat et de l'ensemble des associations d'élus sur la nécessité de fixer un seuil significatif. J'ai noté ce terme, qui est revenu plusieurs fois dans les interventions des associations d'élus et lors du débat au Sénat.
    M. René Dosière. Déterminant !
    M. Alain Gest, rapporteur. « Significatif. » Or, le taux de 50 % est effectivement très significatif. Il a le mérite de la clarté. Mais nous avons considéré qu'il pouvait être trop élevé, notamment, comme vous l'indiquiez, monsieur Dosière, pour certaines collectivités territoriales. Vous avez cité le département et la région. J'y ajouterai les grandes villes. Dans des scrutins très divers, on constate que c'est justement dans les grandes villes que le taux de participation est souvent le plus faible.
    M. René Dosière. A Paris, ça s'est amélioré !
    M. Alain Gest, rapporteur. Sans doute, mais il faut voir la moyenne. Nous avons regardé tout cela, et je vous demande, ce dont je ne doute pas, de nous faire confiance. Si Pascal Clément et moi-même avons proposé 40 %, c'est après avoir étudié les résultats des scrutins européens, des scrutins nationaux et des consultations municipales organisées depuis 1992. A ce sujet, je voulais juste préciser à l'attention de M. Daubresse que, contrairement à ce qu'il indiquait tout à l'heure, il est rare - je crois avoir pointé cinq exceptions sur une centaine de consultations - que le chiffre de 40 % ne soit pas atteint. C'est la raison pour laquelle il nous a paru pertinent de retenir ce seuil.
    J'ai indiqué que le seul défaut de ce taux de 40 % était sans doute sa lisibilité. Et je conviens volontiers que le tiers des électeurs...
    M. René Dosière. Trente-trois pour cent, ce serait un bon chiffre ! Dites trente-trois !
    M. Alain Gest, rapporteur. Mais non, ce n'est pas parce que cela fait trente-trois ! C'est un rappel médical que vous feriez, monsieur Dosière. Non, c'est tout simplement parce que l'on fait souvent référence à deux tiers par exemple. Le seuil d'un tiers pouvait apparaître plus lisible.
    C'est la raison pour laquelle j'avais, à titre personnel, laissé la porte ouverte. Mais je me dois, madame la présidente, de rappeler que la commission a adopté l'amendement que j'ai présenté avec Pascal Clément et dans lequel nous proposons de retenir un seuil de 40 %.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le débat n'est pas, selon moi, théorique, mais empirique. En effet, la question qui se pose à nous est celle de savoir, d'une part, ce qui peut fonctionner et, d'autre part, ce qui est nécessaire pour que le résultat soit légitime.
    Sur le premier point, il est bien évident que l'on observe de plus en plus souvent que la participation électorale diminue.
    M. René Dosière. Le Gouvernement trouve cela plutôt bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le Gouvernement a lancé l'idée qu'il pourrait ne pas y avoir de seuil, assimilant en cela, et selon moi de manière contestable, référendum national et référendum local. C'est donc l'empirisme qui avait poussé le Gouvernement à faire cette proposition. Or je constate que les parlementaires du Sénat comme de l'Assemblée sont, dans un ensemble assez impressionant, monsieur le ministre, très sensibles à la question de la légitimité du résultat. En effet, que signifierait un référendum auquel participeraient 10 % des électeurs d'une commune ou d'un département et qui aurait pour conséquence, peut-être, la construction d'une infrastructure extrêmement lourde, sinon quasi éternelle, en tout cas pérenne ?
    Adopter une méthode empirique tout en essayant de ne pas ignorer le niveau de légitimité minimum, tel est l'objet de notre discussion. Le Sénat a proposé un seuil de 50 %, le Gouvernement aucun seuil : il y a donc une marge. Le rapporteur et moi-même avons proposé à notre commission, qui l'a adopté, un seuil de 40 %. Cependant, l'un de nos collègues, et il était le seul, Marc-Philippe Daubresse, a suggéré que nous retenions un tiers des voix.
    M. René Dosière. D'autres proposaient 25 % !
    M. Alain Gest, rapporteur. Des inscrits !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je veux dire avant tout qu'il n'existe pas de chiffre symbolique - que ce soit un quart, un tiers ou la moitié - qui ferait la différence avec les autres. La question est de savoir si, empiriquement le référendum aura un résultat, et si ce résultat sera considéré comme légitime par les gens. Or, j'ai le sentiment que le seuil retenu par le Sénat est trop élevé et qu'il conviendrait de le fixer à 40 %. Toutefois, comme ce texte risque de faire l'objet d'une navette, nous aurions intérêt, d'un point de vue que je qualifierai de pédagogique, à adopter le seuil de 33 %...
    M. René Dosière. Pour terminer à 40 % !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... pour éventuellement aboutir, mon cher collègue, à peu près au milieu. C'est cela le débat. Le Sénat a l'air très attaché au seuil de 50 %. Nous, nous sommes plus conscients de l'empirisme nécessaire à la détermination de ce seuil. Je ferais cependant observer, et ce n'est pas mince, qu'un référendum pour lequel le seuil que nous allons fixer ne serait pas atteint aurait tout de même une valeur juridique, mais strictement indicative : son résultat ne lierait pas le conseil municipal, général ou régional.
    M. René Dosière. Il deviendrait consultatif !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Tout à fait.
    M. René Dosière. Comme en Corse !
    M. Pascal Clément, président de la commission. En tout cas, le référendum ne serait pas peine perdue. C'est très important pour la suite, et on ne l'a pas assez dit.
    Donc, moi je serais assez enclin, mes chers collègues, à suggérer à notre assemblée, à commencer par la majorité, d'accepter - alors que j'ai moi-même, avec le rapporteur, proposé les 40 % - le taux de 33 % en espérant qu'ainsi le Sénat se rapproche de la moyenne.
    M. René Dosière. Ça c'est la stratégie d'un homme expérimenté, qui sait ce que c'est que la navette !
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est vrai que j'ai une vague expérience de la navette.
    Donc, voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire. Je propose par conséquent d'adopter l'amendement de Marc-Philippe Daubresse.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il est vrai que lorsqu'on regarde les résultats des consultations qui ont eu lieu dans les communes, la plupart ont des participations assez honorables, et même souvent importantes.
    M. René Dosière. Très honorables, même !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Par exemple, la consultation du 13 juin 1999 sur le principe d'une fusion avec la ville de Lille.
    M. Bernard Derosier. Un référendum illégal !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Il n'avait rien d'illégal !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il a été annulé, mais enfin la participation est ce qu'elle est.
    M. Bernard Derosier. Ah ! Donc vous prenez cet exemple comme ça, au hasard ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je parle de la participation, et de rien d'autre, pour ne pas faire de polémique inutile.
    La participation à Marcq-en-Baroeul a été de 51,10 % ; à La Madeleine de 43,98 % ; à Lambersart, monsieur Daubresse, de 49,75 %.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Et c'était le jour des élections européennes !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je donne cet exemple parce que cela concerne beaucoup de gens ici, et je ne me prononce pas sur le reste.
    Verlinghem : 65,97 % ; Hem : 49,79 % ; Croix : 44,53 % ; Mouvaux : 56,74 % ; et même 71,04 % pour Ennetières-en-Weppes ; 49,21 % pour Hallennes-lez-Haubourdin ; 53,78 % pour Wasquehal...
    Donc une participation assez...
    M. Bernard Derosier. Toutes des villes de droite !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je peux prendre d'autres exemples si vous voulez. Vous voulez me dire quoi, monsieur Derosier ? Que dans les villes de gauche la participation est encore supérieure ? Ou plutôt inférieure ?
    M. Bernard Derosier. Je veux vous dire que ce référendum-là était tout à fait politicien.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Mais non, il s'agissait de savoir si elles voulaient la fusion ou non !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je ne parle pas du résultat, et je ne veux pas entrer dans ces considérations. Nous parlons simplement de la participation.
    M. René Dosière. Et à Mons-en-Baroeul ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. 42,2 %.
    A Argelès-Bagnères - qui est peut-être une ville de gauche, monsieur Derosier, mais je n'en suis pas sûr, je dis ça un peu au hasard -,...
    M. Bernard Derosier. Oh si ! C'est même tout à fait à gauche !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... la participation a été de 97,9 %.
    M. René Dosière. Sur quel sujet ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'était sur le nom de la ville. Cela a passionné les foules.
    M. René Dosière. Et à Marmande ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ah, Marmande, je suis sûr que c'est de gauche.
    M. René Dosière. C'est même tout à fait à gauche !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. A Marmande, sur l'implantation de nouvelles enseignes commerciales, la participation a été de 31,10 %.
    M. René Dosière. Oui, mais le sujet...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le sujet n'est pas très mobilisateur.
    Bref, tout cela pour dire que j'ai le sentiment que la participation est en fait liée à l'intérêt porté à la consultation plus qu'à l'absence de civisme, et que dans ce domaine les craintes sont souvent excessives. Il suffit de faire des consultations qui intéressent la population et qui ne sont pas théoriques.
    Je partage plutôt la position du président Clément et suis donc, Alain Gest me pardonnera, favorable à l'amendement de Marc-Philippe Daubresse, qui fixe le seuil à 33 %. Et puis nous verrons bien avec le Sénat.
    Mme la présidente. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. J'approuve tout à fait la proposition du président Clément qui reprend en fait celle de Marc-Philippe Daubresse. Deux considérations me paraissent essentielles. Il faut quand même faire choc dans l'opinion publique. C'est une nouvelle étape, c'est une nouvelle époque, c'est un nouveau siècle. C'est une nouvelle culture de la démocratie locale qu'il faut communiquer. Il faut donc stimuler le goût du référendum.
    D'autre part, si on stimule ce goût et si on pratique ces référendums, ils vont être plus nombreux qu'ils ne le sont aujourd'hui, même s'ils portent sur des sujets intéressants et importants.
    Une participation d'un tiers me paraît plus raisonnable car, ainsi, on pourrait renforcer la pratique du référendum et en donner le goût à la population.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Premier point, nous considérons, pour ce qui nous concerne, qu'on ne peut pas assimiler le référendum local au référendum national. Le référendum national est soit constitutionnel, soit législatif. C'est l'ensemble du corps électoral national qui est appelé à s'exprimer. Dans le référendum local, comme son nom l'indique, c'est une commune, un département, une région, et sur un sujet particulier. Nous sommes donc favorables au principe d'un quorum et non pas d'une assimilation au référendum national, comme le proposait le projet du Gouvernement dans sa première version ou comme le propose notre collègue Chassaigne.
    Second point, je constate - et on vient d'en avoir une belle démonstration - les hésitations de la majorité, de la droite sur cette question...
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est de l'empirisme, voilà tout ! Ce n'est pas de l'idéologie.
    M. Jean-Pierre Grand. Un débat, c'est fait pour débattre !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... qui montrent bien une absence de conviction à vouloir mettre en oeuvre le référendum local,...
    M. Jean-Claude Lenoir. Que ne faut-il pas entendre !
    M. Guy Geoffroy. C'est en trop !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... et à développer cette démocratie participative que nous souhaitons, pour notre part. Là, on vient d'en avoir une belle démonstration : 50 % selon le Sénat, 40 % selon la commission, un tiers selon M. Daubresse.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Parlement sert à quelque chose !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Un tel argument ne vous grandit pas, monsieur Blazy !
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est bien laborieux !
    M. Jean-Pierre Blazy. Et ensuite, le président de la commission, avec la sincérité qu'on peut lui reconnaître,...
    M. Bernard Derosier. Une sincérité variable ! Il a une très grande capacité d'adaptation.
    M. Jean-Pierre Blazy. ... ou peut-être avec la capacité d'adaptation qui est la sienne, nous dit finalement qu'il faudra négocier avec les sénateurs. Quel bel empirisme que celui qui consiste à dire qu'il faut accepter 33 % pour finalement négocier à 40 %. Tout cela nous montre une absence de conviction sur ces questions.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je ne fais pas de l'idéologie !
    M. Jean-Pierre Blazy. Et cela renforce la démonstration que mes collègues et moi-même avons tenté de faire tout à l'heure, pour dire que ce projet de loi de référendum local relève plus du gadget, du trompe-l'oeil qu'il ne témoigne de la conviction de la majorité et du Gouvernement qu'il faut développer la démocratie locale.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Bon, concrètement, vous pensez quoi ?
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est la raison pour laquelle sur cette question, nous nous abstiendrons ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Grand. Voilà qui est courageux !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Tout ça pour dire qu'il n'a pas d'opinion !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça valait le coup d'intervenir pour dire ça. C'est nullissime !
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Je n'ai pas été convaincu par cette espèce de discussion de république épicière (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui me fait penser aux négociations sur le marché de mon village, quand il s'agit d'acheter un veau et de négocier le prix.
    M. Alain Gest, rapporteur. Mais non !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce n'est pas indigne de négocier, monsieur Chassaigne ! Pourquoi ce mépris pour ceux qui vendent leurs bêtes ?
    M. André Chassaigne. Je me demande si cela ne cache pas autre chose, et si cela ne ressemblerait pas plus à une république bananière qu'à une république épicière.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Après les veaux, les bananes !
    M. André Chassaigne. Il y a convergence avec d'autres articles de votre projet, et je pense en particulier à celui qui limite les participations à la campagne électorale. D'un côté, vous limitez les participations à la campagne électorale, et de l'autre vous dites que certains n'iront pas voter, et qu'en dessous d'un certain seuil, la participation ne sera pas suffisante pour que le projet soumis à référendum soit adopté.
    Moi je dis qu'il faut maintenir le texte d'origine. Il n'y a pas lieu de fixer un seuil.
    M. Bernard Derosier. Le seul soutien du Gouvernement, c'est M. Chassaigne !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Cette question des seuils a été également débattue au sein du groupe UDF. Nous estimons qu'un tiers des inscrits est un seuil à la fois significatif, raisonnable et parlant. Le groupe UDF votera donc l'amendement Daubresse.
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
    M. Marc-Philippe Daubresse. On ne peut quand même pas laisser M. Chassaigne dire ce qu'il vient de dire.
    Pour la première fois, une loi organique propose un référendum décisionnel, qui est vraie révolution culturelle et un acte concret pour mettre en oeuvre la démocratie participative, bien plus concret que toute une série de discours qu'on a entendus depuis des années.
    M. André Chassaigne. Eh bien justement ! Pourquoi limiter la démocratie participative ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. La question qui est posée est une question de légitimité. Comme l'a dit à juste titre le président de la commission, il faut trouver un seuil qui puisse permettre d'organiser le maximum de référendums tout en étant un seuil légitime. C'est donc un vrai débat.
    Par ailleurs, il est piquant d'entendre M. Blazy nous faire toute une démonstration sur la prétendue indécision de la majorité, alors qu'il vient de constater sur les bancs de celle-ci une quasi-unanimité pour soutenir le seuil d'un tiers des inscrits. Vous, au contraire, vous êtes en difficulté, du côté du groupe socialiste. J'ai bien entendu votre collègue Bernard Roman, pour qui j'ai beaucoup d'estime, dire qu'il était pour 50 % des inscrits. Et je vous ai entendu - peut être pas en commission, mais pas loin, monsieur Blazy - dire que vous, vous étiez plus proche d'un tiers des inscrits. Vous avez donc une vraie difficulté, au groupe socialiste, et vous cherchez à la masquer en disant que la majorité est indécise. Eh bien, vous allez voir le résultat du vote, monsieur Blazy !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme. la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement est adopté.)
    M. Guy Geoffroy. Voilà un vote indécis !
    Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 5 tombe.
    M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 26, ainsi libellé :
    « Après les mots : "est mis à, rédiger ainsi la fin du texte proposé pour l'article LO 1112-8 du code général des collectivités territoriales :
    " la disposition du public. Un décret en Conseil d'Etat détermine la composition de ce dossier d'information et les conditions de sa mise à disposition du public. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement a pour objet d'augmenter les garanties qui entourent l'information du public sur le référendum local.
    Le décret en Conseil d'Etat devra préciser le contenu du dossier. Il devra également préciser les lieux de mise à disposition de ce dossier d'information.
    Il devra, enfin, prévoir une période de consultation qui permette effectivement aux citoyens de le consulter. Cela pourra être, par exemple, pendant toute la période de la campagne.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a considéré qu'il était extrêmement compliqué de prévoir...
    M. Jean-Pierre Blazy. Encore des hésitations !
    M. Alain Gest, rapporteur. Ecoutez, monsieur Blazy, je pense qu'au niveau des hésitations, vous avez fait très fort à l'instant !
    Mme la présidente. Monsieur Blazy, c'est M. le rapporteur qui a la parole !
    M. Alain Gest, rapporteur. Manifestement, Mme Royal aurait eu avantage à venir parmi nous ce soir. Elle aurait eu au moins un point de vue assez tranché.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Elle n'aurait pas hésité à changer d'avis !
    M. Bernard Derosier. Vous avez été à la même école ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Nous avons considéré qu'il était difficile de déterminer à l'avance le contenu d'un dossier qui, par définition, va être différent suivant les questions qui seront soumises à référendum. A moins de vouloir constituer quelque chose d'extrêmement rigide et qui poserait des problèmes plus qu'autre chose, il convient donc de rejeter cet amendement.
    Cela étant, nous avons bien compris que donner quelques précisions afin que la population soit le mieux informée possible, et qu'elle puisse voter en toute connaissance de cause, était quelque chose d'assez louable. La commission comprend donc la finalité de cet amendement mais considère qu'il est assez difficile à mettre en oeuvre.
    M. Gilles Cocquempot. C'est dommage !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement ne méconnaît pas les intentions de M. Blazy, mais son amendement, qui n'est pas dépourvu d'intérêt, introduit une lourdeur que la campagne devrait rendre inutile. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gest, rapporteur, a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-8-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : " lire : « , insérer le mot : " groupe, . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Alain Gest, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 29, ainsi rédigé :
    « A la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-9 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : ", par l'exécutif de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le scrutin. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement tend à préciser que l'habilitation des partis et groupements politiques à participer à la campagne en vue du référendum ne peut être accordée par l'exécutif de la collectivité territoriale organisatrice de ce même référendum.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a considéré que la loi organique était particulièrement précise sur les critères d'habilitation des partis, groupements et groupes à participer à la campagne pour un référendum. Il va de soi que l'exécutif ne disposera d'aucun pouvoir d'appréciation. Il s'agit d'une compétence liée, qui est sanctionnée par le juge administratif sur la base de l'erreur de droit. Par conséquent, monsieur Blazy, vos inquiétudes ne sont pas justifiées. Rejet de l'amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que celui de la commission : rejet de l'amendement. Il s'agit d'une compétence liée et, par conséquent, l'exécutif n'a pas d'autre choix que celui d'appliquer la loi. S'il manque à cette obligation, le contrôle de légalité est là pour la lui imposer.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gest, rapporteur, a présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « A la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-9 du code général des collectivités territoriales, substituer aux mots : "conformément au règlement intérieur de celle-ci les mots : "dans les conditions prévues par le présent code. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement tend à introduire dans le texte la référence au code des collectivités territoriales, dans lequel figurent très clairement les dispositions concernant les groupes d'élus.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 18 rectifié et 28, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Après le mot : "politiques, rédiger ainsi la fin du troisième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-9 du code général des collectivités territoriales : "et, dans des conditions définies par décret, les syndicats et associations concernés. »
    L'amendement n° 28, présenté par M. Blazy et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Après le troisième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-9 du code général des collectivités territoriales, insérer l'alinéa suivant : "- les associations qui existent depuis au moins un an ; »
    La parole est à M. André Chassaigne pour soutenir l'amendement n° 18 rectifié.
    M. André Chassaigne. Cet amendement tend à permettre à toutes les forces vives d'une collectivité de participer à la campagne référendaire. Nous ne pouvons en effet admettre que les partis politiques n'ayant pas obtenu suffisamment de suffrages lors des dernières élections soient écartés de l'action politique locale, que ce soit au niveau des communes ou à ceux des départements ou des régions. Cette exclusion est totalement incompatible avec l'idée même de démocratie locale.
    Toutefois, vous avez vous-mêmes, à coups de 49-3, démontré votre attachement à la vie démocratique locale en fixant des seuils couperets si élevés qu'ils vont écarter de la vie politique régionale et européenne les petites formations, qui, comme les associations, participent de la diversité et font vivre la démocratie au niveau local. Or il faut les laisser apporter leur contribution au débat, leur donner l'occasion de s'exprimer. Quel est l'intérêt d'organiser un référendum local si seuls les partis officiels et établis ont le droit de s'exprimer ? Ce n'est pas ainsi que l'on redonnera aux citoyens confiance dans les règles démocratiques.
    Tel est le sens de l'amendement que j'invite l'Assemblée à voter.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour défendre l'amendement n° 28.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement tend à permettre aux associations qui existent depuis au moins un an de participer à la campagne. Cette obligation d'existence depuis au moins un an est imposée pour éviter que ne se constituent des associations pour la circonstance. En revanche, la participation des associations qui sont vraiment ancrées dans la vie locale nous semble nécessaire à l'occasion de l'organisation d'un référendum local.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Monsieur Chassaigne, vos inquiétudes ne sont pas justifiées, puisque le texte dispose que les partis politiques peuvent participer à la campagne, ainsi que des groupes réunissant des élus - constitués à la limite pour le référendum - et des candidats qui sont intervenus dans le débat électoral concernant la collectivité où est organisé le référendum. Par conséquent, il n'y a pas de volonté d'exclure qui que ce soit.
    En revanche, il est clair que, selon l'article 4 de la Constitution, seuls les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage, mais pas les syndicats et les associations. Telle est la raison pour laquelle la commission a rejeté ces deux amendements.
    M. André Chassaigne. C'est une démocratie à guichets fermés !
    M. Alain Gest, rapporteur. Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que celui de la commission : défavorable aux deux amendements. Ceux-ci confondent en effet représentation politique et représentation des intérêts particuliers. La vocation des syndicats comme celle des associations est de représenter des intérêts particuliers.
    M. André Chassaigne. C'est cela, la démocratie participative !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Pour autant, les syndicats et les associations peuvent participer à la campagne sous leur responsabilité.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Après le troisième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-9 du code général des collectivités territoriales, insérer l'alinéa suivant :
    « - les conseils de quartier et les commissions consultatives des services publics locaux ; »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous allez sans doute demander le rejet de cet amendement, mais vous ne pourrez pas m'opposer la même objection que pour le précédent.
    Cet amendement vise à associer les conseils de quartier et les commissions consultatives des services publics locaux - dont la loi du 27 février 2002 a rendu la création obligatoire à partir d'un certain seuil d'habitants - à la campagne référendaire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Au risque de vous décevoir, monsieur Blazy, je vous ferai la même réponse que précédemment. Ce n'est pas parce que les comités de quartier ont une existence légale depuis la loi de 2002 qu'ils concourent pour autant à l'expression du suffrage : l'article 4 de la Constitution ne le prévoit pas. C'est la raison pour laquelle votre amendement a été rejeté par la commission.
    M. Jean-Pierre Blazy. Et la démocratie participative, alors ?
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Gest a raison, nous sommes là dans le cadre de la représentation politique. Ce n'est pas le cas de l'amendement. Avis défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 11, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article LO 1112-10 du code général des collectivités territoriales :
    « Art. LO 1112-10. - Peuvent participer au scrutin les habitants de la collectivité territoriale concernée, ayant leur domicile fiscal dans la commune au sens de l'article 4 B du code général des impôts. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. L'amendement est dans la continuité de mon intervention lors de la discussion générale. Il vise à faire participer au scrutin les habitants de la collectivité territoriale concernée ayant leur domicile fiscal dans la commune au sens de l'article 4 B du code général des impôts. Nous considérons en effet que des personnes qui concourent à la vie d'une collectivité, tout en payant des impôts dans une autre, peuvent participer à un scrutin se déroulant dans la première.
    A cet égard, l'argumentation précédente de M. Daubresse ne m'a absolument pas convaincu. Il est des cas où des personnes ne possédant pas la nationalité française participent très activement à la vie citoyenne de notre pays, travaillent dans celui-ci et y paient des impôts : elles devraient être associées aux prises de décision concernant le vécu quotidien.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le vote des étrangers, en somme !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Monsieur Chassaigne, cet amendement nous fait entrer, sans le dire, dans un débat sur le vote des étrangers.
    M. André Chassaigne. J'ai déposé un amendement sur le sujet.
    M. Alain Gest, rapporteur. Je tiens seulement à vous indiquer que votre proposition est contraire à l'article 72-1 de la Constitution, qui fait référence aux électeurs, pas aux foyers fiscaux. C'est la raison pour laquelle l'amendement a été rejeté par la commission.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que celui de la commission : défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Sans vouloir entrer dans un débat qui serait très long, il convient néanmoins de s'interroger sur les raisons qui poussent à présenter un tel amendement.
    L'objet du projet est de permettre que, sur un sujet déterminé, les électeurs décident à la place de leurs représentants locaux : conseillers municipaux, conseillers généraux ou conseillers régionaux. Or cet amendement vise tout simplement à permettre à un citoyen d'être électeur dans deux collectivités à la fois, ce qui serait fondamentalement scandaleux.
    De plus, en justifiant cela par le fait de payer des impôts dans l'une des deux, M. Chassaigne nous ramène au temps du suffrage censitaire. Cela me surprend de la part d'un élu communiste et républicain.

    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Je comprends l'argumentation qui vient d'être développée. Pour autant, imaginez un référendum qui porte sur des aménagements urbains ou sur l'organisation commerciale dans une commune. Il y aura dans cette commune des commerçants directement intéressés et concernés par les résultats de ce référendum, sans pour autant être électeurs dans celle-ci.
    Si l'on veut vraiment développer la démocratie participative, il faut pouvoir surmonter ce type d'obstacle. Je suis persuadé qu'à l'avenir, il y aura des évolutions en ce sens.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 21 et 12, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 21, présenté par M. Blazy et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article LO 1112-10 du code général des collectivités territoriales par les mots et la phrase suivante :", ainsi que les étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. La loi détermine leurs conditions d'inscription sur les listes électorales. »
    L'amendement n° 12, présenté par M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le texte proposé pour l'article LO 1112-10 du code général des collectivités territoriales par l'alinéa suivant :
    « Participent également au scrutin décidé par une commune les étrangers non communautaires résidant dans cette commune. »
    « II. - En conséquence, au début de cet article, supprimer le mot : "Seuls. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l'amendement n° 21.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il s'agit, par cet amendement, de permettre aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne de participer aux référendums locaux.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il a déjà été défendu !
    M. Jean-Pierre Blazy. Le développement de la démocratie participative suppose en effet que l'on associe à la consultation tous les habitants - je dis bien « habitants » et non « citoyens » - d'une même ville, d'un même département ou d'une même région.
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l'amendement n° 12.
    M. André Chassaigne. Cet amendement se rapproche de l'amendement que j'ai défendu précédemment.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Un peu ! (Sourires.)
    M. Alain Gest, rapporteur. En effet, il y ressemble !
    M. André Chassaigne. Toutefois, celui-ci est beaucoup plus précis et demande clairement à ce que les étrangers non communautaires puissent participer au « bouillonnement démocratique local ».
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Bouillonnement » ! Oh ! la la !
    M. André Chassaigne. Ces étrangers ont des devoirs, mais ils ont aussi des droits.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Même avis que précédemment : rejet.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. A titre personnel, je voudrais dire que je suis convaincu que, si la gauche n'avait pas fait du débat sur cette question un débat strictement idéologique, de tels amendements auraient probablement été adoptés car ils sont de bon sens. Il est évident que, s'agissant de référendums locaux portant sur des questions pratiques, tout le monde conçoit que les habitants devraient voter.
    Toutefois, vous avez, depuis des années, tant voulu politiser ce débat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Jean-Pierre Blazy. Trop facile !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... instrumentaliser celui-ci, que nous sommes obligés de refuser des amendements de bon sens, sauf à laisser croire à une partie de l'opinion publique que nous sommes favorables au vote des étrangers pour les scrutins politiques.
    M. André Chassaigne. C'est au ras des pâquerettes !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Autrement dit, vous ne rendez pas service aux causes que vous défendez, parce que voilà un exemple parfait de contre-productivité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Mauvais argument !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 21 et 12 ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Sobrement : défavorable aux deux amendements.
    M. André Chassaigne. La sobriété évite de dire des bêtises !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Gest, rapporteur, a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1112-11-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : "lire, insérer le mot : "groupe,. »
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement est de coordination.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article unique, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article unique, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article unique

    Mme la présidente. M. Daubresse et M. Decocq ont présenté un amendement, n° 10, ainsi libellé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « Le premier alinéa de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
    « L'exécutif d'une collectivité territoriale est obligatoirement tenu de présenter à l'assemblée délibérante tout projet de fusion de communes, afin que ladite assemblée soumette automatiquement ce projet à référendum local. »
    La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Cet amendement - que je vais retirer - est surtout destiné à appeler l'attention du Gouvernement sur le problème posé par la loi Marcellin sur les fusions de communes, qui n'a pas été revue depuis 1971, ni même toilettée.
    M. René Dosière. Vous voulez faire disparaître les communes !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Absolument pas !
    A cet égard, il a été fait allusion, sans les commenter, aux résultats d'un référendum que nous avions organisé dans plusieurs communes de la région lilloise, après une nouvelle tentative de la commune de Lille de fusionner avec une commune voisine pour se constituer des réservoirs électoraux supplémentaires.

     A la page 11 de son rapport, M. Gest écrit que la loi du 11 juillet 1971 prévoit l'organisation d'une consultation des électeurs sur l'opportunité d'une fusion de communes, lorsque la demande en est faite par le représentant de l'Etat dans le département, par la moitié des conseils municipaux des communes comptant les deux tiers de la population ou par les deux tiers des conseils municipaux des communes comptant la moitié de la population. Nous sommes en présence d'un dispositif ancien, archaïque et qui se réfère à des seuils qui ne correspondent plus à ceux que nous retenons aujourd'hui.
    Sur un sujet aussi important que la modification du territoire d'une commune en raison d'une fusion, faut-il rendre le référendum obligatoire ? Dans quelles conditions doit-il avoir lieu ? Le représentant de l'Etat doit-il toujours faire partie du dispositif ? Autant de questions qui, selon M. Decocq et moi-même, rendent nécessaire un toilettage de la loi Marcellin.
    J'entends bien - et je l'ai dit à la commission - que cette opération ne saurait se faire dans le cadre du présent projet de loi organique, mais M. Decocq et moi-même souhaiterions savoir si le Gouvernement a prévu quelque chose à ce sujet.
    Bien entendu, je retire l'amendement.
    M. René Dosière. Loi scélérate que cette loi Marcellin, qui n'a d'ailleurs pas marché !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Je comprends parfaitement le souci de M. Daubresse. Les exemples qu'il a pu citer démontrent l'importance considérable que peuvent avoir des décisions de fusion de communes, qui plus est lorsque des représentants dont nous avons cru comprendre qu'ils étaient favorables à la démocratie participative oublient de tenir compte des résultats de multiples référendums. C'est bien la démonstration qu'il faut toiletter la loi de 1971. Toutefois, monsieur Daubresse, nous sortons là, comme vous l'avez dit vous-même, du cadre de la loi organique. C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas retenu l'amendement, tout en notant qu'il pourrait très bien être un élément de la future loi sur le transfert des compétences.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Daubresse, le Gouvernement a bien entendu votre message. Il y est sensible, naturellement, puisque ce message montre que l'on assiste à une vraie dénaturation de la démocratie. Il faudra sans doute réviser la loi de 1971. Cela pourrait peut-être se faire dans le cadre de la furture loi ordinaire de décentralisation relative aux transferts de compétences, ce qui permettra d'éviter l'écueil que vous avez vous-même perçu.
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Je voudrais rappeler à M. Gest, qui tout à l'heure accusait les socialistes de vouloir la disparition de communes,...
    M. Alain Gest, rapporteur. Ce n'est pas le genre de la maison !
    M. René Dosière. ... que la loi de 1971, votée par une majorité qui n'était pas de gauche, a voulu faire disparaître les communes.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, mais les socialistes s'en sont bien servis !
    M. René Dosière. En revanche, ce sont les socialistes et des majorités de gauche qui ont voté les lois en 1992 et 1999 sur l'intercommunalité. Bernard Derosier pourrait d'ailleurs rappeler les conditions dans lesquelles a été votée la loi de 1992 en première lecture à l'Assemblée.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je conviens que la loi de 1971, qui était une loi de droite, n'était pas une bonne loi. Toutefois, elle a bien été utilisée par la gauche !
    Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.
     M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 25, ainsi libellé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 2142-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
    « Art. L. 2142-3 - Un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent saisir l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale ou l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en vue de l'organisation d'une consultation sur un sujet relevant de la compétence de cette collectivité territoriale ou de cet établissement public de coopération intercommunale.
    « Dans l'année, un électeur ne peut signer qu'une seule saisine tendant à l'organisation d'un référendum local.
    « Cette saisine de l'assemblée délibérante ou de l'organe délibérant ne peut intervenir avant la fin de la première année ni après la fin de la quatrième année suivant l'élection de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale concernée ou de la désignation de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale concerné.
    « L'assemblée délibérante ou l'organe délibérant délibèrent sur le principe et les modalités d'organisation de cette consultation.
    « La délibération qui décide la consultation indique expréssement que cette consultation n'est qu'une demande d'avis. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement cherche à élargir le champ d'application des consultations d'initiative populaire déjà prévues dans le code général des collectivités territoriales, par la loi de février 1995, dite loi Pasqua. Nous offrons à la majorité l'occasion de donner un peu plus de sens à son projet puisque nous proposons qu'une consultation d'initiative populaire, qui, actuellement, n'est possible que sur une opération d'aménagement relevant de la décision des autorités municipales, puisse être élargie à tout sujet de la compétence d'une collectivité territoriale ou d'un EPCI.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable puisque cet amendement porte sur les consultations et non pas sur le référendum, objet du projet de la loi organique dont nous discutons. Mais on peut tout à fait imaginer un élargissement, dans la future loi de décentralisation, des possibilités de consultation, notamment pour répondre aux interrogations s'agissant des groupements intercommunaux.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis, madame la présidente.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
     Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 14, ainsi rédigé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « Sur demande écrite du tiers des membres du conseil municipal, pour les communes de 3 500 habitants et plus, ou du tiers des membres du conseil général, régional ou de l'assemblée territoriale ; ou pour les communes de moins de 3 500 habitants, sur demande écrite de la majorité des membres du conseil municipal, l'assemblée élue délibère sur l'organisation d'un référendum local dans le territoire de sa compétence. Dans ce cas, l'urgence ne peut être invoquée. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Cet amendement vise à autoriser une minorité des membres d'une assemblée délibérante à prendre l'initiative de l'organisation d'un référendum local. Sans revenir sur ce que j'ai souligné précédemment, il est nécessaire d'améliorer les droits de la minorité présente dans les conseils, et même des élus qui font partie de la majorité, en leur octroyant par exemple un pouvoir d'initiative en matière de déclenchement d'un référendum local.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. Elle a jugé cet amendement inutile, parce que déjà satisfait dans le code général des collectivités territoriales qui permet à une partie des membres de l'assemblée délibérante de fixer un ordre du jour.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 13, ainsi rédigé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « Sur demande écrite du tiers des membres du conseil municipal, pour les communes de 3 500 habitants et plus, ou du tiers des membres du conseil général, régional ou de l'assemblée territoriale ; ou pour les communes de moins de 3 500 habitants, sur demande écrite de la majorité des membres du conseil municipal, l'assemblée élue délibère sur l'organisation de la consultation dans le territoire de sa compétence. Dans ce cas, l'urgence ne peut être invoquée. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est le même amendement !
    M. André Chassaigne. Non, ce n'est pas le même. L'amendement n° 13 aurait dû être appelé après l'amendement n° 16 qui introduit une notion que nous aurions souhaité rajouter, celle de la consultation. Nous considérons que s'il peut y avoir un référendum, des consultations peuvent également être organisées qui permettent de recueillir l'avis de certaines parties de la population sur des problèmes précis. Cet amendement permet de préciser dans quelles conditions on peut autoriser une minorité de membres d'une assemblée délibérante à être à l'initiative d'une consultation locale.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement traite des consultations, comme vient de le souligner M. Chassaigne, il ne concerne donc pas le projet de loi organique dont nous discutons. Qui plus est, je ferai la même réponse que précédemment, les demandes formulées par M. Chassaigne sont déjà satisfaites dans le code général des collectivités territoriales.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
     Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 17, ainsi rédigé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « Un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales peut saisir le conseil municipal, l'assemblée départementale, régionale ou territoriale en vue de l'organisation d'un référendum local sur une opération d'intérêt général relevant de la décision des autorités municipales, départementales, régionales ou territoriales. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Cet amendement vise à permettre à un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales de saisir l'assemblée délibérante dont ils relèvent en vue de l'organisation d'un référendum local sur une opération d'intérêt général relevant de la compétence de cette assemblée délibérante.
    Là encore, il s'agit d'étendre les modes d'intervention possibles des citoyens dans les affaires les concernant. La démocratie locale ne pourra vraiment s'épanouir qu'en donnant aux citoyens la possibilité de participer directement au débat qui appelle dans les collectivités locales l'élaboration de réponses collectives. C'est en quelque sorte une façon de concrétiser les propos que vous avez été plusieurs à tenir sur le fait qu'il fallait faire avancer la démocratie participative.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Cet amendement présente l'intérêt de combiner le référendum local et la procédure du droit de pétition, reprenant ainsi les débats que nous avons déja eus dans le cadre de la réforme constitutionnelle. Mais la future loi sur les transferts de compétences dans le cadre de la décentralisation devrait justement introduire quelques articles sur le droit de pétition. Il apparaît dès lors prématuré de déterminer le fonctionnement du droit de pétition pour le seul référendum et de ne pas l'envisager dans sa globalité. La commission a donc donné un avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 16, ainsi rédigé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « Un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales peut saisir le conseil municipal, l'assemblée départementale, régionale ou territoriale en vue de l'organisation d'une consultation sur une opération d'intérêt général relevant de la décision des autorités municipales, départementales, régionales ou territoriales. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Cet amendement, dont j'ai parlé tout à l'heure, vise à proposer un outil supplémentaire, la simple consultation destinée à demander aux habitants leur avis sur une question. Cette consultation pourrait être organisée à l'initiative des électeurs.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Je rappelle à M. Chassaigne que nous étudions un texte relatif aux référendums et non pas aux consultations. Son amendement n'est par conséquent pas recevable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 15, ainsi rédigé :
    « Après l'article unique, insérer l'article suivant :
    « 10 % des électeurs inscrits dans le ressort d'une collectivité territoriale peuvent, par voie de pétition, obtenir l'inscription à l'ordre du jour du conseil de cette collectivité, d'une question relevant de sa compétence. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. L'argument selon lequel un amendement relatif aux consultations serait hors propos ne tient pas. Non seulement il s'agit d'un amendement portant article additionnel, mais j'estime, de surcroît, que la démocratie participative ne se découpe pas en tranche comme un saucisson.
    Le projet de loi constitutionnel relatif à l'organisation décentralisée de la République a instauré un droit de pétition. Il prévoit que des citoyens puissent obtenir l'inscription à l'ordre du jour des assemblées des collectivités territoriales d'une question relevant de leur compétence. Lors de l'examen de ce texte, l'un de nos collègues avait proposé un amendement visant à ramener le droit de pétition à la simple faculté de « demander » l'inscription d'une question à l'ordre du jour. En adoptant cet amendement, le Sénat a, dans les faits, vidé cette disposition de son contenu.
    En effet, le droit de remettre des pétitions aux élus et aux assemblées territoriales existe, dans notre pays, depuis longtemps, vous l'avez d'ailleurs rappelé tout à l'heure, monsieur le rapporteur, et nul n'est besoin de l'inscrire dans la Constitution ni de fixer un nombre minimum de signataires. Ce serait même un véritable retour en arrière, car toute pétition déposée sur le bureau d'un maire, par exemple mais ne réunissant pas un minimum de signatures pourrait alors ne pas être examinée, et donc ne connaître aucune suite.
    Le présent projet de loi organique doit au contraire donner un véritable pouvoir à nos concitoyens, celui d'obtenir ce qu'ils demandent de l'institution à laquelle ils s'adressent. Si l'on veut que les Français investissent le terrain de la démocratie locale, s'intéressent à la vie de leur commune, de leur département ou de leur région, il faut leur en donner les moyens concrets en développant la démocratie participative. Bien sûr, notre proposition ne réglera pas totalement la question de la coupure entre les citoyens et la politique, coupure qu'ils ressentent trop souvent, en raison de la manière dont la politique est exercée, mais elle offre des outils pour y parvenir.
    M. Pascal Clément. président de la commission. Arrêtez de vous flageller !
    M. Bernard Derosier. S'il aime...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Tout le monde n'est pas maso !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
    M. Alain Gest, rapporteur. Je confirme à M. Chassaigne, qui s'interrogeait sur la nature de ma réponse à l'amendement précédent, que les référendums font l'objet d'une loi organique, tandis que les consultations relèvent d'une loi ordinaire.
    S'agissant de son amendement n° 15, j'indique qu'il est inconstitutionnel à double titre : d'une part, parce qu'il concerne lui aussi, le droit de pétition et donc n'a pas sa place dans une loi organique ; d'autre part parce que le premier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution précise que les électeurs peuvent « demander » et non pas obtenir une inscription à l'ordre du jour. Avis défavorable de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Heureusement que le rapporteur est là !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je voulais, avant que nous ne votions le projet, dédier quatre petits vers d'Apollinaire à l'ensemble de l'Assemblée mais particulièrement au groupe socialiste, qui stigmatisait, tout à l'heure, les incertitudes qui étaient les nôtres :
    « Incertitude, ô mes délices
    « Vous et moi nous nous en allons
    « Comme s'en vont les écrevisses,
    « A reculons, à reculons. » (Sourires et exclamations.)

Explications de vote

    Mme la présidente. Dans les explications de vote sur l'ensemble, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ces vers d'Apollinaire m'inspirent une explication de vote, en prose !
    Ce projet de loi, comme l'ont précisé nos collègues sénateurs socialistes, est une coquille vide. J'ajoute, c'est un alibi, un trompe-l'oeil. Si, sur le principe, nous ne pouvons qu'être favorables au référendum local, nous considérons que les modalités que vous proposez avec ce texte ne permettront pas de répondre aux attentes des citoyens en matière de démocratie directe locale. Ce projet est insuffisant parce qu'il ne prévoit pas le référendum d'initiative populaire. Vous-même, monsieur le ministre, dans votre intervention, avez reconnu, qu'à la différence du texte sur l'expérimentation par les collectivités locales que nous allons aborder après, à une heure très tardive,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, matinale !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... le projet de loi relatif au référendum local ne serait pas un grand texte de réelle « transformation sociale », pour reprendre votre expression. C'est tout à fait notre sentiment. Nous voterons donc contre ce projet.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Gilles Artigues. Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, ce texte complète utilement la loi de démocratie de proximité, montrant par là même qu'un gouvernement de droite peut aller encore plus loin dans le sens de la démocratie participative. La discussion a été très ouverte. Elle a permis des avancées grâce, en particulier, à l'adoption de l'amendement relatif au seuil qui est incitatif pour les élus et lisible pour les citoyens sans lesquels nous ne pourrions rien faire. En tout cas, contrairement à ce que prétend l'opposition, ce texte ne sera pas un gadget.
    Nous souhaitons néanmoins, monsieur le ministre, qu'une évaluation soit faite de toutes ces consultations décisionnelles, en particulier lorsqu'elles seront conduites à l'initiative des régions et des départements, ce qui constitue l'aspect le plus novateur de ce projet de loi que le groupe UDF votera, bien évidemment, sans réserve et même avec enthousiasme.
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je serai bref à cette heure tardive. Je constate que l'opposition a fait des efforts laborieux pour essayer de justifier son vote négatif sur ce texte. Je peux comprendre la position de M. Chassaigne qui est assez cohérente avec les positions défendues par le groupe communiste sous le précédent gouvernement, je n'en dirai pas de même de l'attitude de l'opposition socialiste. Du temps où ils étaient au gouvernement, ils se proclamaient en faveur du référendum local.
    M. Jean-Pierre Blazy. Je viens de le redire !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Or nous discutons aujourd'hui d'une vraie transformation culturelle grâce à la création d'un référendum décisionnel, nous en organisons les conditions.
    M. Bernard Derosier. Ne masquez pas vos turpitudes en vous en prenant à nous !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Nous prévoyons un ensemble de mesures que vous souhaitiez prendre...
    M. Jean-Pierre Blazy. Je viens de le dire, mais c'est la façon de le faire qui ne nous plaît pas !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... mais que, comme je l'ai dit tout à l'heure, vous n'avez pas osé, pas voulu, pas pu ou pas su décider ! Vous voici devant vos contradictions. Vous avez de plus donné, tout à l'heure, la démonstration de vos indécisions et des problèmes qui vous agitaient de manière interne entre les jacobins et les girondins...
    M. Bernard Derosier. Demandez à M. Deprez qu'il vous explique !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... entre ceux qui veulent plus pour la démocratie représentative et ceux qui veulent moins. Il y a une vraie difficulté entre vous que vous devrez résoudre !
    Cela étant, nous considérons pour notre part que nous disposons d'un outil utile et intelligent qui nous permettra de mettre en oeuvre la démocratie participative. L'effort qui a été fait sur le seuil des inscrits démontre bien la volonté du Gouvernement comme de la majorité de donner une réelle consistance à ce texte. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP le votera sans aucune réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Chassaigne. Le texte que vous nous proposez...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Est excellent !
    M. André Chassaigne. ... déploie beaucoup d'efforts pour essayer de nous faire croire qu'il s'agit de démocratie participative.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils n'y sont pas arrivés !
    M. André Chassaigne. Cela a le goût de la démocratie participative, cela a l'odeur de la démocratie participative, cela a la couleur de la démocratie participative.
    M. Pascal Clément, président de la commission. On ne vous voit pas venir !
    M. André Chassaigne. Mais, au final...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est un ersatz !
    M. André Chassaigne. ... vous passez votre temps à bétonner le texte de façon à supprimer toute tentative.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Oui, on est pour le « capital » !
    M. André Chassaigne. Vous excluez en effet par doses successives, les étrangers non communautaires, les associations, les partis qui ne sont pas suffisamment représentés... Bref, tout est fait pour annihiler ce que vous déclarez vouloir développer.
    M. Bernard Derosier. Bravo !

Vote sur l'ensemble

    Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique relatif au référendum local.
    (L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

EXPÉRIMENTATION
PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

    Mme la présidente. « Art. 1er. - Dans le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est ajouté après le chapitre II un chapitre III intitulé « Expérimentation » ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Expérimentation

    « Art. LO 1113-1. - La loi qui autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives régissant l'exercice de leurs compétences, définit l'objet d'intérêt général et la durée de l'expérimentation qui ne peut excéder cinq ans ; elle mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé ; elle précise en tant que de besoin les cas dans lesquels celle-ci peut être entreprise ainsi que le délai dans lequel le bénéfice de l'expérimentation peut être demandé ; elle détermine, en fonction de leur nature juridique et de leurs caractéristiques, les catégories de collectivités territoriales auxquelles elle s'applique.
    « Art. LO 1113-2. - Toute collectivité territoriale entrant dans le champ d'application défini par la loi mentionnée à l'article LO 1113-1 et pour laquelle la loi a ouvert une possibilité de dérogation, peut demander, dans le délai prévu à l'article précédent, par une délibération motivée de son assemblée délibérante, à bénéficier de l'expérimentation mentionnée par cette loi. Sa demande est transmise au représentant de l'Etat qui l'adresse, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales. Le Gouvernement vérifie que les conditions légales sont remplies et publie, par décret, la liste des collectivités territoriales autorisées à déroger à la loi.
    « Art. LO 1113-3. - Les actes à caractère général et impersonnel d'une collectivité territoriale portant dérogation aux dispositions législatives font l'objet, après leur transmission au représentant de l'Etat, d'une publication au Journal officiel de la Répubique française. Leur entrée en vigueur est subordonnée à cette publication.
    « Art. LO 1113-4. - Le représentant de l'Etat peut assortir un recours dirigé contre un acte pris en application du présent chapitre d'une demande de suspension ; cet acte cesse alors de produire ses effets jusqu'à ce que le juge administratif ait statué sur cette demande. Si le juge administratif n'a pas statué dans un délai d'un mois suivant sa saisine, l'acte redevient exécutoire.
    « Art. LO 1113-5. - Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement, aux fins d'évaluation, un rapport assorti des observations des collectivités territoriales qui ont participé à l'expérimentation. Ce rapport expose les effets des mesures prises par ces collectivités en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l'organisation des collectivités territoriales et des services de l'Etat ainsi que leurs incidences financières et fiscales.
    « Chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport retraçant l'ensemble des demandes d'expérimentation qui lui ont été adressées, ainsi que les suites qui leur ont été réservées.
    « Art. LO 1113-6. - Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, la loi détermine selon le cas :
    « - les conditions de la prolongation ou de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder trois ans ;
    « - le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ;
    « - l'abandon de l'expérimentation.
    « Le dépôt d'un projet de loi à cet effet proroge l'expérimentation. Cette prorogation ne peut excéder un an et doit faire l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française.
    « En dehors des cas prévus ci-dessus l'expérimentation ne peut être poursuivie au-delà du terme fixé par la loi qui l'avait organisée.
    « Art. LO 1113-7. - Le Gouvernement, agissant par voie de décret en Conseil d'Etat autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, aux dispositions règlementaires régissant l'exercice de leurs compétences. Ce décret contient les précisions mentionnées à l'article LO 1113-1.
    « Les collectivités territoriales peuvent demander à bénéficier de l'expérimentation prévue par le décret mentionné à l'alinéa qui précède, dans les conditions et selon les procédures définies à l'article LO 1113-2. Les actes d'une collectivité territoriale dérogeant aux dispositions réglementaires sont soumis au régime défini à l'article LO 1113-3 et peuvent faire l'objet d'un recours du représentant de l'Etat dans les conditions exposées à l'article LO 1113-4. Le décret en Conseil d'Etat mentionné au premier alinéa précise les modalités d'évaluation des dispositions prises sur le fondement de l'autorisation.
    « Le Gouvernement adresse au Parlement un bilan des évaluations auxquelles il est ainsi procédé.
    « L'expérimentation ne peut être poursuivie au-delà de l'expiration du délai mentionné par le décret en Conseil d'Etat qui l'avait autorisée, si elle n'a fait l'objet, par décret en Conseil d'Etat, de l'une des mesures prévues à l'article LO 1113-6. »
    M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 10, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Cet amendement de suppression est la conséquence de la ferme opposition de mon groupe parlementaire au principe de l'expérimentation.
    Tout d'abord, je l'ai déjà rappelé lors de mon intervention générale, ce principe équivaut à une remise en cause du principe républicain fondamental d'égalité devant la loi. Je crois malheureusement nécessaire de rappeler ici que notre République s'est construite notamment autour de la conquête de l'égalité civile, que ce principe est le premier qui a été proclamé le 26 août 1789, et que sa portée symbolique est telle qu'il n'a pas à être concurrencé par l'inscription dans la loi de principes qui ne sont que l'émanation des fantaisies d'apprentis sorciers thatchériens. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La voie de l'expérimentation donne l'impression curieuse d'être une voie sans retour, un itinéraire bis qui ne nous amène pas sur les lieux de nos vacances, mais plutôt vers les futurs chantiers de déconstruction de l'unité de la République et de destruction des solidarités nationales.
    Cette expérimentation ne trompe personne. Elle n'est qu'un chemin détourné vers un approfondissement non assumé de la décentralisation. Vous comptez imposer vos desseins décentralisateurs en faisant miroiter, par le biais du principe de l'expérimentation, un possible retour en arrière. C'est simplement malhonnête.
    M. André Chassaigne. Cette stratégie d'expérimentation pose de réels problèmes. Il paraît évident que les évaluations promises de ces expérimentations seront écrites avant même que les dérogations à la loi ne soient autorisées. Et les conclusions de ces évaluations seront bien entendu positives.
    Nous ne pouvons plus supporter ces modes de gouvernement fondés sur le secret, le mensonge et la méfiance envers les réactions des citoyens. (« Oh la la ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cet amendement de suppression.
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales,pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 10.
    M. Michel Piron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République, pour le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales. Pour un essai, c'est quelque chose ! J'entends bien à quel point M. Chassaigne considère que l'expérimentation va contre l'égalité. Certes, il m'avait bien semblé, en écoutant tout à l'heure son intervention dans le cadre de la discussion générale, qu'un certain syncrétisme caractérisait l'expression de sa pensée, mais je ne vois toujours pas en quoi l'expérimentation et l'égalité s'opposent.
    Expérimenter, me semble-t-il, c'est d'abord tester et vérifier. C'est donc accepter l'idée que tout savoir n'est pas forcément a priori, mais peut être a posteriori. Il s'agit d'abord d'une démarche scientifique, et je ne sache pas qu'en la circonstance l'aspect scientifique des choses doive être opposé au concept d'égalité.
    Je veux enfin rappeler, sur le fond, que l'on peut avoir différentes conceptions de l'égalité, mais que le mot égalité peut également renvoyer à des éléments concrets. Or, il me semble, que dans ce débat, la confusion entre, d'une part, l'égalité et l'identité, qui ne sont pas deux concepts équivalents, et, d'autre part, entre l'identité et l'uniformité est permanente. Sans doute n'avons-nous pas, monsieur Chassaigne, la même philosophie. En effet, je ne suis pas de ces idéalistes hégéliens qui considèrent qu'il suffit de penser le monde pour que celui-ci s'ordonne en fonction de nos pensées.
    Au nom de cette différence, la commission a évidemment émis un avis défavorable, puisqu'il s'agirait ici de supprimer tout simplement le coeur du projet. Rappelons que la Constitution prévoit le principe de l'expérimentation et confie à une loi organique le soin de l'encadrer. C'est l'objet de l'article 1er.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Chassaigne, vous vous êtes parfaitement accommodé de l'expérimentation dans le passé, qu'il s'agisse de transport ferroviaire et de démocratie de proximité avec la loi de M. Vaillant. Avis très défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Puisque vous vous appuyez sur un raisonnement scientifique, d'après lequel l'expérimentation consisterait à valider une hypothèse, je vous signale que votre approche s'apparente tout simplement au déterminisme : après vous être fixé des objectifs politiques, vous vous servez de l'expérimentation comme d'un outil pour arriver à vos fins. J'en suis persuadé et l'avenir le démontrera.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 1, ainsi libellé :
    « Après les mots : "définit l'objet, rédiger ainsi la fin du texte proposé pour l'article LO 1113-1 du code général des collectivités territoriales : "de l'expérimentation ainsi que sa durée, qui ne peut excéder cinq ans, et mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé.
    « La loi précise également la nature juridique et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l'expérimentation, ainsi que, le cas échéant, les cas dans lesquels l'expérimentation peut être entreprise. Elle fixe le délai dans lequel les collectivités territoriales qui remplissent les conditions qu'elle a fixées peuvent demander à participer à l'expérimentation. »
    Sur cet amendement, M. Bernard Derosier et les membres du groupe socialiste ont présenté trois sous-amendements n°s 19, 15 et 26.
    Le sous-amendement n° 19 est ainsi rédigé :
    « Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 1, substituer au nombre : "cinq, le nombre : "trois. »
    Le sous-amendement n° 15 est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 1 par l'alinéa suivant :
    « Cette loi ne peut autoriser que des dérogations qui ont pour effet d'élargir ou d'améliorer les conditions d'exercice d'un droit, de renforcer les protections individuelles et collectives, d'améliorer effectivement le service rendu aux usagers ; elle ne peut autoriser de dérogations susceptibles de remettre en cause le principe d'égalité devant le service public. »
    Le sous-amendement n° 26 est ainsi rédigé :
    « I. Compléter l'amendement n° 1 par l'alinéa suivant :
    « Si l'expérimentation entraîne une augmentation des charges financières des collectivités territoriales, il est procédé, dans des conditions fixées en loi de finances, à un transfert équivalent de ressources de l'Etat à ces collectivités territoriales. »
    « II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes éventuelle pour l'Etat est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits perçus au titre des articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
    M. Michel Piron, rapporteur Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui reformule de manière, nous semble-t-il, un peu plus explicite, le texte qui nous était proposé.
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir les sous-amendements n°s 19, 15 et 26.
    M. Bernard Derosier. J'ai développé tout à l'heure mes arguments pour inviter l'Assemblée à voter l'exception d'irrecevabilité. Elle ne m'a pas suivi. Sans doute a-t-elle été plus sensible à ceux du président Clément, qui a cru bon de donner à son propos un caractère quelque peu condescendant. Néanmoins, je reprendrai le même raisonnement, monsieur le ministre, puisque vous n'avez pas répondu sur tout les points, ce que je comprends tout à fait.
    J'avais relevé la durée excessive de l'expérimentation : cinq ans, suivis d'une prolongation de trois ans, plus une année pour mettre en oeuvre la loi qui pourrait suivre, soit neuf ans en tout : c'est plus long qu'une législature de l'Assemblée nationale et, bientôt, qu'un mandat sénatorial. Il serait donc raisonnable de ramener cette durée à trois ans.
    Je profite de l'occasion pour clarifier le débat entre nous. Je vous entends souvent parler, monsieur le ministre, ainsi que quelques collègues de la majorité, de l'expérimentation dans le domaine du ferroviaire. Je ne sais pas trop à quoi vous faites allusion. Si vous faites référence à l'initiative du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, qui remonte à 1974, ce n'était pas une expérimentation.
    M. le ministre délégué aux libertés locales et M. Marc-Philippe Daubresse. Non, ce n'est pas ça !
    M. Bernard Derosier. Il s'agissait d'une délibération qui a ensuite servi de référence à d'autres régions, qui s'en sont inspirées, sans qu'il fût besoin d'une loi organique pour fixer les conditions de l'expérimentation.
    Le sous-amendement n° 15 vous invite, mes chers collègues, à bien préciser le champ de l'expérimentation, afin d'éviter le risque, que vous considérez comme non fondé, d'une décentralisation à la carte, qui remettrait en cause les principes d'égalité et de solidarité. Là aussi, j'ai déjà développé cette thèse en défendant l'exception d'irrecevabilité, je n'insiste donc pas davantage. Il s'agirait de limiter les dérogations expérimentales à celles qui auraient pour effet d'améliorer la situation des citoyens.
    Enfin le sous-amendement n° 26 vise à empêcher l'Etat de transférer des charges sur les collectivités territoriales sans les avoir compensées. Vous n'avez pas répondu sur ce point, monsieur le ministre. J'aimerais savoir si, dans le cadre d'une expérimentation, l'article de la Constitution qui fait obligation de transférer les moyens nécessaires à l'exercice des compétences transférées s'applique, ou s'il faut prévoir les conditions financières de l'expérimentation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les trois sous-amendements ?
    M. Michel Piron, rapporteur. Avec le sous-amendement n° 19, il est proposé de passer de cinq à trois ans d'expérimentation. L'exemple des services régionaux de voyageurs a montré qu'il avait fallu sept ans au moins pour aller au bout de l'expérience, si vous ne voulez pas prononcer le mot d'expérimentation. En outre, le délai en question n'est pas un minimum, mais un maximum, et on peut parfaitement imaginer d'y consacrer moins de temps. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.
    Le débat soulevé par le sous-amendement n° 15 a déjà été tranché par la révision constitutionnelle. Il avait été déposé à l'époque mais n'avait pas été adopté. La Constitution ne contenant pas de telles restrictions, il n'est donc pas possible de les réintroduire au niveau de la loi organique.
    S'agissant enfin du sous-amendement n° 26, on comprend bien le souhait exprimé par M. Derosier. Toutefois, l'expérimentation, rappelons-le, se fait dans le cadre constitutionnel, notamment en respectant l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités. Autrement dit, toute expérimentation se traduisant par un transfert de charges sera assortie d'une compensation financière. Avis défavorable.

    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1 de la commission.
    S'agissant du sous-amendement n° 19, j'y suis défavorable. Monsieur Derosier, vous proposez de réduire de cinq à trois le nombre d'années d'expérimentation. Puisque vous m'avez, non sans malice, interpellé sur la question du ferroviaire, nous pensions, vous le savez bien, aux trains express régionaux dont le principe d'expérimentation a été acquis en 1995, les modalités définies en 1997 et la généralisation par le gouvernement de Lionel Jospin opérée en 2000.
    Dans ce cas, on a bien vu que la durée de cinq ans était parfaitement nécessaire et utile. Nous nous y tenons donc.
    Sur le deuxième sous-amendement, le n° 15, il me paraît inutile parce qu'il va de soi qu'il s'agit d'améliorer l'exercice d'un droit et la protection des libertés individuelles. Je rappelle que le Parlement est le gardien de l'intérêt général et qu'il est inutile de dire aux parlementaires qu'ils doivent respecter l'intérêt général. C'est leur vocation.
    Enfin, à propos du dernier sous-amendement, la Constitution s'applique même en cas de transfert temporaire de compétences. Il y aura donc transfert de charges par l'Etat, avec une évaluation de la commission des charges.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 19.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 15.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence, les amendements n°s 18, 14 et 25 de M. Derosier n'ont plus d'objet.
    M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article LO 1113-1 du code général des collectivités territoriales par l'alinéa suivant :
    « L'objet de l'expérimentation ne pourra en aucun cas concerner le service public de l'éducation nationale. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. C'est un amendement d'une grande importance (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Comme toujours !
    M. André Chassaigne. Particulièrement celui-là.
    Dans le cas de l'éducation nationale, l'objectif est de prévoir dans la loi un garde-fou qui éviterait les dérives et empêcherait certains de jouer les apprentis sorciers.
    L'amendement se justifie d'abord par le fait qu'il y a un mois, le Gouvernement s'est engagé auprès des représentants syndicaux des personnels à retirer de son projet de loi relatif au transfert de compétences les dispositions expérimentales concernant l'éducation nationale. Nous souhaitons que le Gouvernement manifeste sa bonne volonté en gravant le contenu de l'accord dans le marbre de la loi.
    Plus fondamentalement, cet amendement réaffirme, de façon extrêmement solennelle, le caractère national de notre système éducatif, puisqu'il affirme qu'il ne peut pas être démantelé. Il ne saurait y avoir une éducation différente d'une collectivité à l'autre.
    Cette préoccupation dépasse les questions de personnel, même si elles ont cristallisé les mécontentements. A ce propos, on peut d'ailleurs se demander pourquoi, avec une gestion des personnels au niveau du département ou de la région, le travail serait mieux fait qu'avant. Le personnel est déjà géré au sein de l'établissement, le placer sous tutelle départementale ou régionale n'ajoutera ni proximité ni efficacité.
    Mais au-delà, se profilent le problème des programmes et des diplômes, ainsi que la question de la formation des personnels. En maintenant entrouverte la porte à l'expérimentation, le risque est grand, à force de grignotages successifs, de voir porter des coups à l'éducation nationale et d'en arriver, comme dans d'autres pays, à un système où il n'y a plus d'unité. C'est pourtant chez nous une tradition qui permet surtout - et j'insiste beaucoup là-dessus - de transmettre les valeurs fondamentales de la République.

    C'est pourquoi je considère cet amendement comme extrêmement important, à cause de sa dimension symbolique.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Michel Piron, rapporteur. Madame la présidente, c'est la seconde fois que j'entends parler d'apprenti sorcier. Je ne sais pas s'il y a des exorcistes dans l'hémicycle, mais je m'inquiète. (Sourires.)
    La commission a constaté qu'une telle restriction n'est pas prévue à l'article 72 de la Constitution. En conséquence, le Conseil constitutionnel ne manquerait certainement pas de censurer cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis, madame la présidente. L'amendement est inconstitutionnel, puisque la Constitution fixe elle-même les cas limitatifs dans lesquels une expérimentation ne peut avoir lieu, c'est-à-dire lorsque les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnel garanti sont mises en cause, et seulement dans ces cas-là.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du texte proposé pour l'article LO  1113-2 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : "et pour laquelle la loi a ouvert une possibilité de dérogation. »
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Michel Piron, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 12, ainsi rédigé :
    « Substituer à la dernière phrase du texte proposé pour l'article LO 1113-2 du code général des collectivités territoriales, les deux phrases suivantes :
    « Les collectivités locales autorisées à déroger à la loi sont celles qui remplissent les conditions légales exigées. Leur liste est publiée par décret. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Voici encore un amendement qui a pour objectif de prendre des garanties. J'ai exposé tout à l'heure les risques encourus. Il faut donc veiller à ce que le Gouvernement n'ait aucun droit de regard sur la liste des collectivités locales autorisées à déroger à la loi, dès lors qu'elles respectent les conditions légales exigées. Or, la rédaction de l'article laisse place au doute. C'est pour cette raison que je vous invite à voter cet amendement, qui doit prémunir la République de tout risque d'arbitraire dans l'application de la loi d'expérimentation et auquel vous devez être sensible, puisque vous avez réagi quand je parlais des suzerains et des vassaux...
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

    M. Michel Piron, rapporteur. A écouter M. Chassaigne et surtout à lire son exposé sommaire, je me rends compte que Jankélévitch avait raison, lui qui, au début de son Traité des vertus, disait que l'évidence peut quelquefois n'être pas évidente. Pourtant, monsieur Chassaigne, vous me permettrez d'observer que le projet est parfaitement clair et qu'il s'agit en l'espèce d'une évidence.
    M. Jean-Pierre Blazy. Qui n'est pourtant pas évidente ! (Sourires.)
    M. Michel Piron, rapporteur. Je ne vois d'ailleurs pas comment les collectivités locales qui ne seraient pas dans la légalité, pourraient agir. Le Gouvernement aura une compétence liée pour établir la liste des collectivités habilitées à expérimenter ; la seule chose qu'il puisse faire, c'est en effet de vérifier qu'elles répondent bien aux conditions de la loi d'habilitation. Avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le rapporteur a parfaitement raison. Le Gouvernement se borne à vérifier le contrôle de légalité, qui a pour seul objet de contrôler qu'une collectivité candidate à une expérimentation respecte les conditions de la loi d'habilitation. C'est un contrôle, et rien d'autre.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 3, ainsi rédigé :
    « A la fin de la dernière phrase du texte proposé pour l'article LO 1113-2 du code général des collectivités territoriales, substituer aux mots : "déroger à la loi, les mots : "participer à l'expérimentation. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 4 rectifié, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article LO 1113-3 du code général des collectivités territoriales, après le mot : "législatives, insérer les mots : "mentionnent leur durée de validité. Ils. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. L'information du public sur les conditions d'élaboration de l'acte et sur le cadre de l'expérimentation est particulièrement importante eu égard aux conséquences possibles notamment la caducité des actes. D'où la précision qui est apportée ici sur la durée de validité des actes pris en vertu de l'expérimentation qu'on souhaite voir mentionnée.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est une précision utile. Le Gouvernement y est favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 5, ainsi rédigé :
    « Au début du texte proposé pour l'article LO 1113-4 du code général des collectivités territoriales, insérer la phrase suivante :
    « Les actes pris en application du présent chapitre seront soumis aux règles de contrôle applicables aux délibérations et aux actes des collectivités territoriales. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. Il s'agit d'un amendement que nous serions disposés à retirer - nous souhaiterions même pouvoir le faire - au vu des précisions que M. le ministre nous aura données.
    Il a pour objet de préciser de manière explicite que les actes expérimentaux dérogatoires seront soumis aux mêmes règles de contrôle que les actes dits « classiques » édictés par les collectivités territoriales dans les conditions de droit commun.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je le confirme à l'Assemblée : même en l'absence de mention expresse, les actes expérimentaux des collectivités territoriales seront soumis aux règles habituelles de contrôle. Ainsi, toutes les délibérations prises à titre expérimental devront être transmises au préfet, de même que les actes les plus importants de l'exécutif. La précision apportée par l'amendement n'est donc pas utile, monsieur Piron, et le Gouvernement serait très heureux de vous voir retirer un amendement que j'oserais qualifier de superfétatoire.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. L'amendement est retiré, bien entendu.
    Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.
    M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article LO 1113-4 du code général des collectivités territoriales, substituer, par deux fois, au mot : "juge, le mot : "tribunal. »
    Il s'agit, monsieur le rapporteur, d'un amendement de précision...
    M. Michel Piron, rapporteur. Tout à fait.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Derosier et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 24, ainsi rédigé :
    « Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-5 du code général des collectivités territoriales, insérer l'alinéa suivant :
    « En cas de non-transmission de ce rapport d'évaluation au Parlement, la loi ne peut prolonger, modifier, ou généraliser les mesures prises à titre expérimental.
    La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Le texte proposé pour l'article LO 1113-5 du code général des collectivités territoriales prévoit l'élaboration d'un rapport d'évaluation. On le sait d'expérience, les gouvernements, quelles que soient les majorités, tardent parfois à déposer de tels rapports. Cet amendement vise à donner toute sa valeur à ce rapport d'évaluation, car il nous paraît essentiel. Il précise donc que la prolongation, la modification ou la généralisation de l'expérimentation, ne pourra se faire qu'après transmission du rapport d'évaluation au Parlement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Michel Piron, rapporteur. Avis défavorable. Subordonner l'intervention du législateur au dépôt d'un rapport par le Gouvernement briderait l'initiative législative et, en cela, serait contraire à l'article 39 de la Constitution. Néanmoins, l'amendement soulève la question pertinente de l'articulation entre l'évaluation et la sortie de l'expérimentation, mais cette question devrait être résolue par un amendement à venir.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis défavorable que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 7, ainsi libellé :
    « Après le mot : "des, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-5 du code général des collectivités territoriales : "propositions d'expérimentation et demandes formulées au titre de l'article LO 1113-2 que lui ont adressées les collectivités, en exposant les suites qui leur ont été réservées. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. Cet amendement a un double objet. Il permet, dans un premier temps, de préciser l'initiative en amont que détiennent les collectivités en matière d'expérimentation, puisque celles-ci peuvent adresser des propositions d'expérimentation pouvant faire par la suite l'objet d'une loi d'habilitation. L'amendement impose également au Gouvernement de motiver les suites réservées à ces propositions d'expérimentation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est un excellent amendement. Le Gouvernement y est favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales, après le mot : "expérimentation, insérer les mots : "et au vu de son évaluation. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. Cet amendement devrait répondre aux préoccupations de M. Derosier, mais, à la différence du sien, il ne conditionne pas l'initiative législative au dépôt d'un rapport du Gouvernement. En l'absence de rapport, rien n'interdirait aux parlementaires de procéder eux-mêmes à l'évaluation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est un bon amendement, parce qu'il renforce l'obligation d'évaluation. Le Gouvernement y est favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, déposés par M. Derosier et les membres du groupe socialiste n°s 20 et 21 pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
    Ces amendements peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 20 est ainsi rédigé :
    « Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales. »
    L'amendement n° 21, est libellé comme suit :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales :
    « - les conditions de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder deux ans ; »
    La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. L'amendement n° 20 vise à supprimer la possibilité de prolongation ou de modification de l'expérimentation. Si celle-ci est positive, il sera alors possible de la généraliser. Dans le cas contraire, elle devra être abandonnée.
    L'amendement n° 21 relève du même esprit. Si l'expérimentation est positive, elle pourra toujours être généralisée. Si un doute subsiste, l'amendement maintient néanmoins la possibilité de modifier l'expérimentation pour deux ans.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Michel Piron, rapporteur. M. Derosier a rappelé qu'il avait déjà utilisé un premier argument sur la durée. Je ne peux que lui rappeler le contre-argument que je lui avais opposé concernant l'amendement n° 20.
    S'agissant de l'amendement n° 21, l'esprit est le même : pas de possibilité de prolongation de l'expérimentation, mais uniquement une possibilité de la modifier pour une durée qui ne peut être supérieure à deux ans. Il peut être difficile de procéder à une évaluation au bout de cinq ans, d'où la possibilité de prolonger l'expérimentation durant trois ans.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Derosier et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 23, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales. »
    La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de prolonger l'expérimentation d'un an par simple dépôt d'un projet de loi.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Michel Piron, rapporteur. Avis défavorable. La reconduction automatique d'un an du fait du dépôt d'un projet de loi obéit à une considération pragmatique. Il est en effet indispensable, compte tenu de l'encombrement toujours possible du calendrier parlementaire, de prévoir le cas où la loi de sortie de l'expérimentation ne serait pas adoptée avant le terme de celle-ci. Il y va de la sécurité juridique des actes, qui risqueraient autrement de se retrouver caduques.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Piron, rapporteur, a présenté un amendement, n° 9, libellé comme suit :
    « Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales :
    « Le dépôt d'une proposition ou d'un projet de loi ayant l'un de ces effets proroge cette expérimentation jusqu'à l'adoption définitive de la loi, dans la limite d'un an à compter du terme prévu dans la loi ayant autorisé l'expérimentation. Mention est faite de cette prorogation au Journal officiel de la République française. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Michel Piron, rapporteur. Le projet de loi réserve la possibilité de proroger l'expérimentation au seul Gouvernement, ce qui pourrait être considéré comme contraire à l'article 39 de la Constitution, qui partage l'initiative entre le Gouvernement et le Parlement. En outre, c'est le législateur qui autorise l'habilitation. Il nous a donc semblé normal qu'il soit également autorisé à prendre l'initiative du terme de l'expérimentation. La reconduction automatique de cette expérimentation introduite par le dépôt de la proposition de loi, est encadrée puisqu'elle ne peut se faire qu'au vu de l'évaluation de l'expérimentation, conformément à l'amendement n° 8 de la commission. En outre, il reviendra au Gouvernement, s'il est contre la reconduction de l'expérimentation, d'inscrire rapidement à l'ordre du jour la proposition de loi afin de mettre un terme à cette même expérimentation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est une clarification très utile. Les parlementaires ont en effet exactement le même droit d'initiative que le Gouvernement. Cela va encore mieux en le disant !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Derosier et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales par l'alinéa suivant :
    « L'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois. »
    La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Cet amendement se justifie par son texte même.
    M. Jean-Pierre Blazy. Quelle concision !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Michel Piron, rapporteur. Cet amendement nous a paru excessivement rigide. Une expérimentation doit pouvoir être prorogée plusieurs fois si nécessaire, à condition bien entendu de ne pas outrepasser le délai maximal de cinq ans, éventuellement extensible à huit, prévu par la loi organique. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

    Mme la présidente. « Art. 2. - Au chapitre unique du titre unique du livre Ier de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales, il est ajouté un article LO 5111-5 ainsi rédigé :
    Art. LO 5111-5. - Les dispositions des articles LO 1113-1 à LO 1113-7 sont applicables aux établissements publics regroupant exclusivement des collectivités territoriales. »
    M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s- communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 13, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 2. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Nous avions demandé la suppression de l'article 1er. Il nous paraît logique de demander celle de l'article 2 dans la mesure où nous sommes opposés au principe d'expérimentation, mais nous avançons un argument supplémentaire.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. L'argument qui tue ! (Sourires.)
    M. André Chassaigne. En effet, comment attribuer de nouveaux pouvoirs aux établissements publics de coopération intercommunale sans avoir préalablement réglé la question de leur légitimité démocratique et des relations qu'ils entretiennent avec les communes dont ils sont l'émanation ? Cela a été d'ailleurs souligné par divers intervenants. Ces regroupements se sont déjà construits avec les imperfections que l'on connaît. On ne peut ajouter du flou au flou !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Michel Piron, rapporteur. Ah, monsieur Chassaigne, quand je vous entends parler d'imperfections, je me dis que l'expérimentation est justement là pour tendre à la perfection !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Quel rapporteur ! Et à trois heures du matin ! (Sourires.)
    M. Michel Piron, rapporteur. Cet amendement priverait les EPCI de la possibilité de procéder à des expérimentations prévue explicitement par le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. Par conséquent, nous ne pouvons, hélas ! être favorables à votre amendement, monsieur Chassaigne.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Explications de vote

    Mme la présidente. Dans les explications de vote sur l'ensemble, la parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste.
    M. Bernard Derosier. Je crois que tout a été dit.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça, c'est vrai !
    M. Bernard Derosier. Les propos désobligeants de M. Clément ne m'empêcheront pas de répéter que nous sommes favorables à l'expérimentation - nous en avons apporté la preuve à maintes reprises par le passé, notamment avec la loi de février 2002 relative à la démocratie de proximité. Mais nous ne voulons pas de l'expérimentation qui nous est proposée là, par des décentralisateurs de droite comme le président Clément, qui n'ambitionnent qu'une chose : avoir entre leurs mains davantage de pouvoirs. Ce projet de loi nous paraît très dangereux. Il ne permettra pas le développement de la décentralisation que nous souhaitons. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre, monsieur le ministre.
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe UMP.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur Derosier, vous ne m'avez pas convaincu. Je voudrais vous lire très rapidement le petit texte suivant : « La reconnaissance d'un droit à l'expérimentation est, dans son principe, de nature à permettre à nos collectivités locales de mieux répondre encore aux attentes de leurs habitants grâce à l'adaptation de leur mode d'organisation ou des modalités d'exercice de leurs attributions. Le droit d'expérimentation peut être ainsi un facteur de progrès pour les collectivités locales, pour leurs habitants, en définitive pour notre pays. L'excès d'uniformité est, en effet, dans bien des domaines, source d'inégalités ou d'iniquités. Il est donc légitime et opportun de poser la question du droit à l'expérimentation des collectivités territoriales. Les propositions de M. Méhaignerie sont donc, dès lors, bienvenues. » Ces propos sont de Daniel Vaillant, monsieur Derosier. Et M. Vaillant posait les questions auxquelles il fallait répondre pour avoir un droit à l'expérimentation bien pensé dans notre pays. J'ai la liste de ces questions. Ce texte y répond en totalité.
    M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons bien posé les questions et vous y avez mal répondu !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Votre démonstration est mauvaise et votre position est totalement incohérente avec les lois relatives à la démocratie de proximité, à la Corse et avec la proposition de loi Méhaignerie sur le droit à l'expérimentation. Nous, nous sommes cohérents. Le Premier ministre a lancé une grande réforme de la décentralisation. Il donne là un vrai droit à l'expérimentation, rigoureusement encadré par le Parlement, assorti de modalités rigoureuses, précises, généralisables et réversibles. Il donne également ce droit aux EPCI, ce qui satisfait une demande forte de notre part. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera avec enthousiasme ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues, pour le groupe UDF.
    M. Gilles Artigues. Depuis que je m'intéresse à la chose publique, j'entends parler de l'expérimentation, plus particulièrement au sein de ma famille politique. Je me souvient notamment des discours enflammés de Pierre Méhaignerie sur le sujet. Il doit être très fier que nous soyons enfin passés de la théorie à la pratique avec ce deuxième acte de la décentralisation. Espérons que l'expérimentation nous permettra de sortir d'une culture de l'affrontement au profit d'une culture du dialogue, mieux adaptée aux évolutions de notre société. Le groupe UDF votera bien sûr ce projet de loi organique tant attendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe d'Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Oui, mais Pierre Méhaignerie a abandonné sa famille politique !
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Chassaigne. Je redis, au cas où je n'aurais pas été compris durant mes différentes interventions, que nous sommes farouchement opposés à l'expérimentation.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ça, c'est clair ! On a compris !
    M. André Chassaigne. Ce n'est qu'un outil au service d'une politique. Nous ferons le point dans cinq ans, dans dix ans, mais je suis persuadé qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Vous allez utiliser l'expérimentation comme un outil pour casser une société, pour casser les services publics, pour démanteler. Chacun pourra s'en rendre compte à l'heure du bilan.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils seront battus avant !

Vote sur l'ensemble

    Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales.
    (L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

2

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 15 juillet 2003, de M. Jean-Luc Warsmann, une proposition de résolution modifiant le règlement en vue d'informer l'Assemblée nationale sur la mise en application des lois.
    Cette proposition de résolution, n° 1023, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Aujourd'hui, mercredi 16 juillet, à onze heures, première séance publique :
    Fixation de l'ordre du jour ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 939, relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives :
    M. Bernard Depierre, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 988) ;
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive :
    M. Michel Herbillon, rapporteur (rapport n° 1022) ;
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 834, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations :
    M. Laurent Hénart, rapporteur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 993).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le mercredi 16 juillet 2003, à deux heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
Commission supérieure du service public
des postes et télécommunications
(1 poste à pourvoir)

    La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a désigné Mme Catherine Vautrin comme candidate.
    La candidature est affichée et la nomination prend effet dès la publication au Journal officiel du mercredi 16 juillet 2003.

CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mercredi 16 juillet 2003, à 9 heures, dans les salons de la présidence.