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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 12 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mercredi 11 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Loi de finances rectificative pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 40 (précédemment réservé) «...»

Amendement n° 31 de la commission des finances : MM. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Augustin Bonrepaux. - Adoption de l'amendement n° 31 rectifié.
Amendement n° 59 de M. Marleix : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 40 modifié.

Après l'article 40 «...»
(amendements précédemment réservés)

Amendement n° 4 de M. Pinte : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 151 de M. Bonrepaux et amendements identiques n°s 73 deuxième rectification de M. Couve, 167 rectifié de M. Bouvard et 168 rectifié de M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, Marc Laffineur, Michel Bouvard, le rapporteur général, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 151 ; adoption des amendements identiques modifiés.
Amendement n° 110 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur général. - Adoption.
Amendement n° 81 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur général, François Brottes, Charles de Courson, Marc Laffineur. - Adoption.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Charles de Courson,
Augustin Bonrepaux,
Marc Laffineur.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
MM. le ministre, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Marchés énergétiques. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : M. Christian Bataille, Mme la ministre, MM. Jean-Claude Lenoir, Daniel Paul, Jean Dionis du Séjour, Jean Gaubert. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.
3.  Dépôt de rapports «...».
4.  Dépôt d'un rapport d'information «...».
5.  Dépôt d'un avis «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n°s 382, 444).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 40.

Article 40
(précédemment réservé)

    M. le président. « Art. 40. - I. - La première phrase du sixième alinéa de l'article L. 561-3 du code de l'environnement est remplacée par une phrase ainsi rédigée :
    « Le taux de ce prélèvement est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la prévention des risques et de l'économie dans la limite de 4 %. »
    « II. - Dans la limite de 15 millions d'euros, jusqu'au 31 décembre 2003, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement peut contribuer, pour les biens affectés par des inondations et coulées de boue survenues dans les communes pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle a été constaté depuis le 31 août 2002 et ayant fait l'objet de l'indemnisation mentionnée à l'article L. 125-2 du code des assurances :
    « a) Au financement de l'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'Etat, de terrains et constructions à usage d'habitation ou affectés à des entreprises industrielles, commerciales ou artisanales de moins de 10 salariés ;
    « b) Au financement des mesures de prévention mentionnées au 4° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement pour les terrains et constructions mentionnés au a ci-dessus.
    « Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent paragraphe.
    « III. - Dans la limite de 600 000 euros et jusqu'au 31 décembre 2003, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné au II ci-dessus contribue au financement de travaux de construction de la galerie hydraulique de dérivation visant à prévenir les conséquences dommageables qui résulteraient du glissement de terrain du site de la Clapière dans la vallée de la Tinée, dans les Alpes-Maritimes. »
    M. Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, a présenté un amendement, n° 31, ainsi rédigé :
    « Supprimer le I de l'article 40. »
    La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Cet amendement, monsieur le ministre délégué au budget, vise à supprimer le I de l'article 40, qui ouvre la possibilité de porter à 4 % le prélèvement sur le produit des primes et cotisations au titre de la garantie obligatoire contre les catastrophes naturelles qui est actuellement fixé à 2 %. Je rappelle que la garantie peut représenter jusqu'à 12 % du coût de l'assurance.
    Nous n'avons, en effet, aucune idée de la valeur des bâtiments qui devront être délocalisés, et nous sommes donc dans l'incertitude la plus totale sur le coût des différentes interventions que ce fonds va pouvoir conduire au titre de cet article 40. Par ailleurs, le fonds dispose de crédits disponibles non négligeables, de l'ordre de 80 millions d'euros, c'est-à-dire quatre fois le montant annuel de ses ressources.
    Le Gouvernement nous propose de porter le plafond de 2 % à 4 % par anticipation d'un projet de loi qui ne viendra en discussion qu'au début de l'année prochaine et sans aucune évaluation financière. Or, c'est un problème de principe, la commission des finances est très attentive à ce que, chaque fois qu'une augmentation d'impôt est proposée, elle soit assortie de simulations financières qui la justifient. Ce n'est pas le cas. Mieux vaut donc attendre le projet de loi qui étendra la loi Barnier au début de l'année prochaine pour évaluer les montants financiers qui seront nécessaires et fixer alors l'augmentation de la taxe au titre de la garantie catastrophes naturelles.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le rapporteur général. Vous avez affirmé des principes que j'ai quelques difficultés à combattre, tant ils me semblent frappés au coin non seulement du bon sens mais de la bonne gestion.
    Le fonds dispose aujourd'hui de réserves de trésorerie incontestables. Il est toutefois important qu'il puisse faire face à une augmentation de ses dépenses liées à l'article 40.
    Je comprends votre préoccupation, je souhaite même que vous puissiez obtenir que le Gouvernement, dans son ensemble, s'agissant de fonds qui disposent de réserves, tienne compte de vos préoccupations, mais nous pourrions peut-être trouver une solution intermédiaire qui me permettrait de ne pas demander le rejet de votre amendement. Proposez-moi une autre solution et je ferai le maximum pour y être favorable.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, et je suis prêt à vous faire une proposition intermédiaire.
    Ce fonds est alimenté par une taxe dont le plafond était fixé jusqu'en 1999, donc en régime de croisière, à 2,5 %. Il a été réduit à 2 % depuis 1999 parce qu'il y avait des excès de trésorerie, et dans un souci de bonne gestion. Nous savons que ce fonds aura de nouvelles missions. Il va notamment prendre en charge les délocalisations de bâtiments construits dans des zones inondables. On ne va pas les reconstruire au même endroit, c'est l'enseignement des dernières inondations. On est donc d'accord sur la nécessité d'ouvrir le fonds Barnier aux acquisitions pour permettre la délocalisation de ces bâtiments installés en zones inondables.
    Ce que je vous propose, monsieur le ministre, c'est qu'en attendant le texte de l'année prochaine, on revienne au plafond qui existait jusqu'en 1999, c'est-à-dire à un taux de 2,5 %.
    M. le président. L'amendement n° 31 est donc rectifié.
    L'amendement, n° 31 rectifié, est ainsi rédigé :
    « A la fin du dernier alinéa du I de l'article 40, substituer au taux : "4 %, le taux : "2,5 %. »
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31 rectifié ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'y suis favorable, monsieur le rapporteur général, et je vous remercie de cette proposition.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais exprimer quelques réserves. M. le rapporteur général nous dit qu'il faut attendre la loi. Je crains que les catastrophes, elles, ne l'attendent pas.
    Partout, on est obligé de faire des plans d'exposition au risque, mais l'Etat n'est pas en mesure de donner aux collectivités locales les conseils nécessaires. Ainsi, le service de restauration des terrains en montagne doit donner son avis, mais il est proposé dans la loi de finances de supprimer vingt emplois sur ce service. Il ne faudrait pas donner l'impression que l'on veut prévenir un risque sans avoir les moyens d'y faire face. Quand on a fait un plan d'exposition aux risques, il se trouve des entreprises ou des maisons qui sont en zone dangereuse. Comment fait-on ? L'Etat, encore une fois, essaie d'aller au plus économique, qui n'est pas forcément le plus intelligent. On fait faire des travaux de restauration parce que cela coûte moins cher que le rachat des bâtiments, et c'est souvent inefficace.
    Comme pour l'ADEME, comme pour le Fonds national des adductions d'eau, nous ferons le bilan dans le courant de l'année 2003. Vous vouliez supprimer le I de l'article, monsieur le rapporteur général. Je vous en laisse l'entière responsabilité. Dans le courant de l'année 2003, nous ferons le bilan, et nous verrons qu'il y aura des problèmes.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement ne veut pas restreindre les moyens d'action. Il proposait de porter par anticipation à 4 % le plafond du prélèvement. C'est la commission des finances qui, constatant qu'il y a 80 millions d'euros de réserves inemployées à ce jour et que le projet de loi qui va traiter de ces nouvelles interventions ne sera déposé qu'au printemps prochain, a refusé dans un souci de bonne gestion. Ce faisant, on s'inscrit exactement dans la démarche du précédent gouvernement qui, en 1999, a fait passer le plafond de 2,5 % à 2 %. A la demande du ministre, pour montrer le souci de la commission des finances de coopérer, j'ai accepté une solution intermédiaire, le taux d'avant 1999, de 2,5 %. Il n'y a donc aucun risque que le fonds ait des difficultés pour prendre en charge un certain nombre de travaux qui seraient rendus nécessaires d'ici au vote de la loi modifiant la loi Barnier.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Marleix, Ferrand, Grand et Mariani ont présenté un amendement, n° 59, ainsi rédigé :
    « Dans le a) du II de l'article 40, après le mot : "commerciales, insérer le mot : ", agricoles. »
    La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir cet amendement.
    M. Michel Bouvard. L'ordre du jour ayant été modifié, notre collègue Alain Marleix ne peut lui-même soutenir l'amendement qu'il avait déposé et qui a pour objet d'étendre le bénéfice du fonds de prévention des risques naturels majeurs à diverses activités qui n'étaient pas concernées, notamment les activités agricoles. Certes, nous aurions pu attendre, pour ce faire, l'élargissement du champ d'intervention du fonds prévu par le texte sur les risques naturels majeurs, qui est actuellement soumis au Conseil d'Etat. Mais nous devons faire face à des demandes urgentes, notamment dans les régions Languedoc-Roussillon et PACA, victimes des inondations.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable. Les exploitations agricoles disposent de moyens d'intervention dont ne bénéficient pas les établissements commerciaux ou industriels. En effet, au titre de la garantie de ce type de risque, peuvent intervenir le FEOGA-Garantie, qui, je le signale au passage, a ouvert une enveloppe de 2,3 millions d'euros pour la région Languedoc-Roussillon et, d'autre part, le Fonds national de garantie des calamités agricoles. Il ne paraît donc pas utile de rendre les exploitations agricoles éligibles au fonds Barnier.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, vous me voyez un peu embarrassé : j'entends et comprends bien les arguments du rapporteur général, mais je voudrais simplement lui signaler qu'il s'agit d'un engagement pris par M. le Premier ministre, à l'occasion de son déplacement dans le département du Gard, alors victime de cette tragédie. Vous savez que, pour un ministre, l'engagement du Premier ministre est une exigence.
    Je le répète, votre argumentation, monsieur le rapporteur général, me paraît frappée au coin de la bonne connaissance du sujet, mais, pour la population, elle pourrait passer pour le signe que l'engagement pris sur le terrain ne sera pas respecté, et je vous demande de bien vouloir comprendre la position un peu particulière du Gouvernement. Je regrette d'ailleurs que nos équipes n'aient pas eu le temps de se consulter sur le sujet afin d'éviter cette stéréophonie qui n'est pas des plus harmonieuses.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 40, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 40, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 40
(amendements précédemment réservés)

    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 40, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Après les mots : "syndicat de communes, la fin du dernier alinéa de l'article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : "ou dans un syndicat mixte. S'il s'agit d'un syndicat de communes, ce dernier devient un syndicat mixte au sens de l'article L. 5711-1. Ni les attributions du syndicat, ni le périmètre dans lequel il exerce ses compétences ne sont modifiés. »
    La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir cet amendement.
    M. Michel Bouvard. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 151, 73 deuxième rectification, 167 rectifié et 168 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 151, présenté par M. Bonrepaux, M. Migaud et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après l'article 40, insérer l'article suivant :
    « I. - L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances est ainsi modifiée :
    « A. - Dans la première phrase du I de l'article 2, après les mots : "chaque année, sont insérés les mots : "par une attestation délivrée par les services des impôts ;
    « B. - Après les mots : "comme délégués syndicaux, la fin de l'avant-dernier alinéa (2°) du II de l'article 2-1 est ainsi rédigée : ", soit d'une proposition du chef d'entreprise soumise à la consultation de l'ensemble des salariés ;. »
    « II. - Le I est applicable à compter du 1er janvier 2003. »
    « III. - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
    « IV. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    Les amendements n° 73 deuxième rectification, 167 rectifié et 168 rectifié sont identiques.
    L'amendement n° 73 deuxième rectification est présenté par M. Couve ; l'amendement n° 167 rectifié est présenté par M. Michel Bouvard ; l'amendement n° 168 rectifié est présenté par M. Bonrepaux.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Après l'article 40, insérer l'article suivant :
    « I. - Après les mots : "comme délégués syndicaux, la fin du troisième alinéa du II de l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances, est ainsi rédigée : ", soit, en l'absence d'une telle représentation syndicale et d'un accord collectif de branche, d'une proposition du chef d'entreprise soumise à l'ensemble des salariés ;. »
    « II. - Le I est applicable à compter du 1er janvier 2003. »
    « III. - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
    « IV. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 151.
    M. Augustin Bonrepaux. Les deux amendements que je présente ont le même objectif et visent à améliorer le dispositif des chèques-vacances dans les petites entreprises. La loi du 12 juillet 1999 donne à l'employeur de PME et PMI la possibilité de faire profiter ses salariés d'un avantage social grâce à l'abondement qu'il apporte. Or, sa procédure de mise en oeuvre est trop complexe du point de vue technique et administratif pour ce type d'entreprise.
    Il ressort des trois années d'expérimentation que les employeurs favorables aux chèques-vacances souhaitent que la mise en oeuvre de ce dispositif soit simplifiée et non discriminante, afin d'éviter les divisions ou les tensions parmi le personnel.
    Nous avions déjà déposé un amendement lors de la discussion de la loi de finances. M. le ministre et M. le rapporteur général sont parfaitement au courant de nos propositions, que nous avons améliorées en tenant compte de leurs remarques.
    Afin que les salariés puissent véritablement exercer leur droit aux chèques-vacances, il est donc proposé de modifier la loi afin d'y introduire une procédure simplifiée applicable dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de comité d'entreprise.
    Cette proposition permettrait de faciliter la tâche du chef d'entreprise dans la mise en oeuvre du chèque-vacances. Elle bénéficierait, en même temps, à un plus grand nombre de familles françaises et améliorerait en définitive les comptes du tourisme pour notre pays.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, puis-je considérer que votre présentation de l'amendement n° 151 vaut également pour l'amendement n° 168 rectifié ?
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l'amendement n° 73 deuxième rectification.
    M. Marc Laffineur. Cet amendement propose, lui aussi, de donner à l'employeur des PME-PMI la possibilité de faire profiter ses salariés d'un avantage social, grâce à l'abondement qu'il apporte. Or, la procédure de mise en oeuvre de ce dispositif est trop complexe du point de vue technique et administratif pour ce type d'entreprise. Cet amendement a pour objectif de simplifier les choses.
    M. le président. Monsieur Bouvard, vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 167 rectifié, si tant est qu'il soit nécessaire d'en rajouter...
    M. Michel Bouvard. Non, il n'est pas utile d'en rajouter, monsieur le président, si ce n'est pour rappeler, avec Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial du budget du tourisme, et avec les élus de la montagne, notamment Martial Saddier, qui évoquait le sujet cet après-midi, combien il est important de faciliter le départ des familles en vacances de neige.
    M. François Brottes. C'est très important !
    M. Michel Bouvard. Nous avions évoqué ce sujet à l'occasion de la première lecture de la loi de finances pour 2003 et nous étions convenu, avec M. le ministre, de retravailler la question pour présenter un nouvel amendement dans le cadre du collectif. Nous sommes au terme de cette démarche et attendons une réponse positive, compte tenu du travail qui a pu être effectué avec les services de l'agence nationale du chèque-vacances, du ministère du tourisme et avec vos propres services, monsieur le ministre.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 151 de M. Bonrepaux, ainsi que sur les trois amendements identiques n°s 73 deuxième rectification, 167 rectifié et 168 rectifié ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné ces amendements, mais nous en avons abondamment discuté sous une rédaction différente, il y a quelques semaines, à l'occasion de l'examen des articles non rattachés de la loi de finances pour 2003. La rédaction de l'amendement n° 151 ne convient pas. En revanche, celle des amendements n°s 167 rectifié, 168 rectifié et 73 deuxième rectification correspond tout à fait à la discussion que nous avions eue. A l'époque, deux questions s'étaient posées. La première concernait l'harmonisation de la référence au revenu fiscal, et un amendement avait pu être accepté. La seconde concernait les petites entreprises de moins de cinquante salariés, ne disposant pas de représentation syndicale ou de représentants du personnel, et il s'agissait d'étendre le bénéfice des chèques-vacances avec une procédure de consultation à imaginer. Il nous est aujourd'hui proposé de consulter l'ensemble du personnel à l'initiative du chef d'entreprise.
    Compte tenu des discussions que nous avons pu avoir jusqu'à présent, je suis très heureux que nous arrivions à une rédaction satisfaisante, et j'émets un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, je me joins au rapporteur général pour souligner que les conditions dans lesquelles nous travaillons sont de nature à élaborer de la bonne norme. En examinant des propositions d'amendements à la loi de finances, nous avions constaté que leur rédaction n'était pas satisfaisante, et nous nous étions promis de travailler ensemble jusqu'au collectif. Nous y sommes. Le texte qui nous est proposé a la faveur de la commission des finances et celle du Gouvernement. Je suis donc en mesure de donner l'avis favorable du Gouvernement aux amendements n°s 73 deuxième rectification, 167 rectifié et 168 rectifié. Naturellement, je lève le gage.
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, maintenez-vous l'amendement n° 151.
    M. Augustin Bonrepaux. Je le retire.
    M. Jean-Louis Dumont. Quelle sagesse !
    M. le président. L'amendement n° 151 est retiré.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 73 deuxième rectification, 167 rectifié et 168 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.
    (Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 110, ainsi rédigé :
    « Après l'article 40, insérer l'article suivant :
    « Dans le premier alinéa du III de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 1990 (n° 90-1169 du 29 décembre 1990), les mots : "10 milliards de francs sont remplacés par les mots : "1,825 milliard d'euros. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'article 68 de la loi de finances rectificative pour 1990, amendé en 1994, permet au ministre de l'économie de céder ou d'annuler jusqu'à 10 milliards de francs de créances, soit aujourd'hui 1,52 milliard d'euros. Ce plafond concerne deux mécanismes de conversion de dette : les conversions en annulation et les conversions de créance en investissement. Les annulations sont effectuées en contrepartie du financement que le pays débiteur s'engage à mettre en oeuvre en faveur de projets utiles au développement d'un montant équivalent. Les conversions en investisseurs permettent au pays débiteur de racheter par anticipation, avec décote, selon une valeur de marché et en monnaie locale, sa dette vis-à-vis de la France à des investisseurs qui l'ont préalablement achetée à la France et qui cherchent à la convertir en projets d'investissement locaux. Ces mécanismes permettent au ministre de l'économie de prendre des mesures qui favorisent à la fois des projets d'aide pour les pays en développement et l'investissement français à l'étranger. Parallèlement, les conversions en investissement offrent des opportunités de gestion active des créances de l'Etat.
    Le plafond « conversion » est aujourd'hui très largement gagé, à hauteur de 1,49 milliard d'euros de conversions sur le 1,52 milliard autorisé. D'une part, les opérations passées ont conduit à réaliser 1,34 milliard d'euros de conversions ; d'autre part, les accords de conversion vivants présentent des enveloppes résiduelles pour un montant total de 150 millions d'euros. La marge disponible par rapport à ces engagements n'est donc plus aujourd'hui que de 31 millions d'euros. Aussi, le Gouvernement sollicite par voie d'amendement le rehaussement de ce plafond de conversion de 300 millions d'euros. Cela permettra de prendre de nouveaux engagements en faveur d'opérations de conversion de dettes. La France est, en effet, régulièrement sollicitée dans ce domaine, dans lequel elle bénéficie d'une expérience reconnue par les Etats débiteurs.
    Je suis désolé d'avoir été un peu long, mais cela procède du respect que l'exécutif doit à la représentation nationale pour obtenir des autorisations.
    M. Jean-Louis Dumont. L'autorisation, il faut la gagner !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis favorable à cet amendement, qui permet de mieux gérer les créances qui ont été accordées à des pays en développement. Il est tout à fait souhaitable que le Gouvernement puisse bénéficier d'un plafond plus important pour réaliser les opérations de restructuration de ces créances, qui vont de l'abandon jusqu'à la vente d'une fraction des créances, selon les procédures que vous connaissez.
    Monsieur le ministre, avant que nous n'abordions le dernier amendement du Gouvernement, portant sur le plan de sauvetage de France Télécom, je souhaite remercier le Gouvernement. Je tiens, en effet, à souligner que, dans le cadre de ce collectif, nous avons adopté, avec votre accord, plusieurs dizaines d'amendements sur lesquels vous vous étiez engagé dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2003.
    En effet, à des questions assez complexes, qui étaient d'ailleurs posées par des parlementaires appartenant aussi bien à la majorité qu'à l'opposition, vous avez répondu qu'il fallait un délai pour travailler sur ces sujets. Je pense aux chèques-vacances, dont on vient de parler, mais aussi au sujet compliqué, évoqué par notre collègue Viollet, de la garde partagée. Sur chacun de ces points, nous avions senti que nos propositions n'étaient pas parfaitement rédigées, mais que les objectifs étaient essentiels. Vous avez tenu parole dans un laps de temps limité, et je remercie vos services. Nombre d'entre nous ont travaillé avec eux pour arriver aux bonnes rédactions. Aujourd'hui, je suis très heureux de souligner que l'on compte par dizaines les amendements à ce collectif qui sont acceptés et qui sont directement issus de discussions que nous avons eues au cours des dernières semaines.
    M. Charles de Courson. Cela nous change de Fabius !
    M. Jean-Louis Dumont. Monsieur de Courson, c'est petit !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Nous en arrivons au dernier amendement, l'amendement n° 81, qui est présenté par le Gouvernement.
    Cet amendement est ainsi rédigé :
    « Après l'article 40, insérer l'article suivant :
    « Les emprunts contractés par l'ERAP, dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Télécom, bénéficient, en principal et intérêts, de la garantie de l'Etat, dans la limite de 10 milliards d'euros en principal. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avant de vous présenter cet amendement relatif à France Télécom, je voudrais, d'un mot, dire à M. le rapporteur général que les remerciements qu'il a formulés doivent en effet être partagés avec les équipes qui travaillent à mes côtés et qui, en liaison directe avec les vôtres, essaient de mettre en oeuvre la volonté de la représentation nationale et du Gouvernement.
    Mesdames et messieurs les députés, vous avez pu penser - je l'ai entendu dire ici et là - que, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2003, il n'y avait pas eu assez d'amendements adoptés. Néanmoins, j'avais pris des engagements pour que nous puissions travailler et adopter certains amendements à l'occasion d'une échéance prochaine. Nous y sommes et, en effet, la moisson, comme on dit dans mon pays rural, est importante. Je m'en réjouis, car notre législature débute ainsi sous de bons auspices.
    Mesdames et messieurs les députés, je viens vers vous pour une question que vous connaissez tous, puisque la commission des finances m'a fait l'honneur de m'auditionner spécifiquement sur ce sujet, qui est au coeur de l'actualité. Vous le savez, la situation financière de France Télécom est très dégradée, marquée par un endettement excessif et par la disparition des fonds propres consolidés au niveau du groupe. Elle exige la mise en oeuvre d'un ambitieux plan de redressement.
    Ce plan comporte deux volets principaux : un plan d'économies, destiné à dégager 15 milliards d'euros de trésorerie libre supplémentaire sur les trois prochaines années, et une recapitalisation de la part des actionnaires de l'entreprise. L'Etat, aujourd'hui principal actionnaire de France Télécom, fera son devoir en participant à un renforcement substantiel des fonds propres de l'entreprise. Le Gouvernement a choisi de confier à l'ERAP, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial, la mise en oeuvre de cet effort de 9 à 10 milliards d'euros.
    Pourquoi confier cette mission à l'ERAP ? Dans un souci de transparence, l'Etat souhaite clairement identifier son engagement en faveur de France Télécom en recourant à une structure patrimoniale spécifique. A cet effet, le Gouvernement a modifié les statuts de l'ERAP, par un décret en date du 2 décembre, afin de lui ouvrir la possibilité de détenir des participations dans le secteur des télécommunications. L'Etat lui apportera à brève échéance les titres qu'il détient dans France Télécom. Dans un premier temps, la contribution de l'ERAP prendra la forme d'une avance d'actionnaire d'un montant de 9 à 10 milliards d'euros. Toutefois, l'ERAP a besoin de la garantie de l'Etat pour lever les fonds nécessaires. Tel est l'objet du présent amendement.
    Mesdames et messieurs les députés, ce sujet a fait l'objet d'une audition complète devant la commission des finances. A l'occasion de cet échange, le Gouvernement a pu répondre à de nombreuses questions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme vous l'indiquiez à l'instant, monsieur le ministre, la commission des finances a eu l'occasion, malgré l'urgence, d'être totalement informée de ce plan de sauvetage. Elle l'a été par le nouveau président de France Télécom, qui a été auditionné jeudi dernier, puis par le Gouvernement, puisque vous-même, monsieur le ministre, vous vous êtes rendu devant la commission. Nous avons été très convaincus, par ces deux auditions, du bien-fondé des différents aspects du plan de sauvetage, et je me bornerai à insister sur quelques points.
    Le premier, c'est que si France Télécom est dans cette situation difficile, c'est d'abord, essentiellement, en raison de l'alourdissement très rapide de son endettement. Celui-ci est lié au fait que sa croissance externe, qui était indispensable dans le monde concurrentiel des télécommunications, et qui s'est faite par acquisition d'autres entreprises - Orange par exemple -, n'a pu se faire que par endettement. En effet, pour des raisons statutaires, il était impossible à l'entreprise de se développer en procédant à des échanges d'actions. Chaque fois qu'elle avait à acquérir une entreprise, notamment dans le cadre européen, elle ne pouvait le faire qu'en cash et en s'endettant, si bien que l'endettement a très rapidement atteint un niveau astronomique, puisqu'il est de 70 milliards d'euros aujourd'hui. Mais ce montant est à rapprocher des acquisitions, qui sont elles-mêmes considérables : plus de 100 milliards d'euros entre 1999 et le début de cette année.
    Le problème qui se pose aujourd'hui vient de ce que cet endettement doit bien entendu être résorbé. Par ailleurs, il coûte en intérêts. Les dépenses à ce simple titre, sur l'année 2003, sont de l'ordre de 15 milliards d'euros. L'entreprise va donc se trouver confrontée à un problème de liquidités dans les prochains mois, problème lié exclusivement à l'endettement, car il faut souligner que du point de vue de son compte d'exploitation, du cash-flow dégagé, de la rentabilité des opérations, la situation de France Télécom est saine. France Télécom a donc surtout besoin d'être soutenue pour passer le cap difficile des échéances liées au remboursement des emprunts. Cette période sera par définition temporaire, puisque la valeur d'une entreprise se mesure en fonction de sa rentabilité, de ses résultats, du cash-flow dégagé, qui, en l'espèce, je le répète, sont tout à fait satisfaisants.
    L'ERAP, grâce à la garantie d'emprunt proposée dans cet amendement, va pouvoir, ayant recueilli les actions détenues par l'Etat au sein de France Télécom, procéder à une avance d'actionnaire de l'ordre de 9 milliards d'euros, qui ne sera d'ailleurs pas forcément tirée dans son intégralité dans les prochains mois. Cette avance d'actionnaire a vocation à être transformée, par la suite, en une consolidation en fonds propres, ce qui se fera d'ailleurs en faisant appel aux autres actionnaires, puisque l'Etat n'interviendra qu'à hauteur de sa participation. Par conséquent, la restauration des liquidités de l'entreprise, d'une part, et le maintien de sa rentabilité, d'autre part, permettront de constituer les fonds propres qui lui faisaient défaut jusqu'à présent.
    Il est vrai, monsieur le ministre, qu'à un terme plus ou moins lointain, se posera la question du pourcentage d'actions détenues par l'Etat dans cette entreprise. Mais s'il y a un enseignement à tirer des problèmes qu'a connus France Télécom, c'est bien qu'il faut s'interroger sur le degré de présence de l'Etat et sur sa capacité d'intervention financière dans une entreprise publique qui est soumise à la concurrence et qui, dès lors, a à faire face à des investissements très importants.
    Donc, à travers la garantie qu'appporte l'Etat à l'ERAP et grâce à l'avance d'actionnaire de 9 milliards d'euros procurée par cet établissement, l'entreprise France Télécom va pouvoir faire face à ses échéances de court terme et se développer dans de bonnes conditions. Car je le répète, c'est une entreprise saine qui a des personnels de grande qualité, une grande efficacité, une grande productivité. Elle est un de nos fleurons industriels et elle doit le rester.
    M. Claude Gaillard, M. Jean-Claude Lenoir et M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Cet amendement du Gouvernement est en effet très important. Il s'intègre, cela vient d'être rappelé, dans le cadre du plan proposé par le nouveau président de France Télécom, puisqu'il s'agit pour l'Etat de prendre sa part dans le renforcement des fonds propres de l'opérateur.
    J'ai noté, lors de l'audition de M. Breton devant notre commission des finances, d'une part, qu'il n'y avait pas de remise en cause de la stratégie de France Télécom sur ses métiers et sur son nécessaire développement à l'international, et d'autre part, comme vient d'ailleurs de le rappeler M. le rapporteur général, que les résultats opérationnels de l'entreprise sur les derniers exercices sont positifs et en croissance. J'indique au passage que la contribution de l'opérateur au budget de l'Etat pendant les vingt dernières années est bien supérieure au niveau d'endettement constaté aujourd'hui, mais là n'est pas le débat.
    Ainsi, aujourd'hui, l'Etat fait son devoir et prend ses responsabilités, après une période agitée par une bulle spéculative qui a totalement faussé les données. Cela montre, au passage - vous voyez que nous ne tirons pas tous les mêmes conclusions -, l'inconséquence de l'aspect « économie virtuelle » de la bourse. L'Etat prend aussi ses responsabilités après une période d'irresponsabilité, voire, là encore, d'inconséquence de la Commission européenne, qui n'a pas du tout joué son rôle lors des attributions anarchiques et spéculatives des licences UMTS en Europe. Nous savons que, sur ce point, seule la France a été raisonnable et responsable dans ce dossier.
    Nous sommes donc devant un amendement lourd, qui mérite, monsieur le ministre, un minimum d'explications complémentaires.
    D'abord, sur la question de l'emploi et des compétences de grande qualité internes à France Télécom, quelles seront les conséquences du plan en cours ?
    Ensuite, pour ce qui est du statut de l'entreprise, on a le sentiment - mais c'est plus qu'un sentiment, c'est presque une certitude - que le Gouvernement veut prendre prétexte de la situation actuelle pour privatiser l'entreprise publique. Avez-vous l'intention, comme vient de l'évoquer M. le rapporteur général, et dans quel délai, de modifier la loi Fillon de 1996 sur les télécommunications ? Ce texte n'est d'ailleurs pas pour rien dans une prétendue régulation de ce marché qui, en fait, n'a eu de cesse que d'imposer des contraintes lourdes à France Télécom. De cela aussi, il faudra tirer les conclusions.
    Troisième question, monsieur le ministre, quels actifs allez-vous autoriser France Télécom à céder pour, comme le disent certains, « alléger la voilure » ?
    Autre question, comment va se traduire, dans ce contexte, le volontarisme que le Gouvernement a affiché à plusieurs reprises dans cet hémicycle - après son prédécesseur, d'ailleurs - pour accélérer la mise en oeuvre des services à haut débit et de téléphonie mobile sur l'ensemble du territoire ?
    Enfin, quel sera l'impact du plan proposé sur les missions de service public de l'opérateur France Télécom dans le cadre du service universel qu'il a l'obligation d'assumer ?
    Au final, monsieur le ministre, ce qui nous importe, c'est de savoir si la volonté du Gouvernement est d'aider France Télécom à franchir un cap difficile - auquel sont confrontés beaucoup d'autres opérateurs dans le monde - ou de soutenir aujourd'hui l'opérateur public pour mieux vous en débarrasser demain ?
    M. le président. La parole est à M. Charles deCourson.
    M. Charles de Courson. Il faut d'abord rappeler que France Télécom va perdre entre 19 et 20 milliards d'euros en 2002. Aucune entreprise française n'a autant perdu dans les trente dernières années. Il n'y a aucun précédent. Fait plus grave, les capitaux propres de France Télécom seront négatifs de 7 à 8 milliards de francs à la fin de cette année. Ce sont les données que nous a communiquées le nouveau président de France Télécom. Donc, bien sûr, l'Etat doit assurer sa responsabilité d'actionnaire principal. Il faudra sortir 9 milliards.
    Et il faut aussi que la nouvelle direction, qui est venue nous l'exposer, assume le plan de redressement, c'est-à-dire réalise les 15 milliards d'euros d'économies en trois ans et restructure aussi la dette. Songez que sur 70 milliards, 50 milliards doivent être remboursés en trois ans. Cela signifie que l'on a financé des investissements à long terme avec une dette qui s'étale sur à peine trois ans.
    L'Etat, donc, doit absolument sortir 9 milliards. Vous le savez, monsieur le ministre, puisque je vous ai interrogé au nom du groupe UDF sur ce point, que nous pensons que vous faites un gros effort de transparence, mais que nous ne sommes pas sûrs, à l'UDF, que le montage budgétaire que vous avez choisi soit le meilleur. Pourquoi ?
    Il y avait en fait deux solutions. Il y avait d'abord la bonne vieille technique qu'a toujours utilisée la direction du Trésor pour toutes les structures publiques qui rencontraient d'énormes problèmes de capitaux propres : c'est ce que j'appelle le faux nez. Le faux nez s'endette d'un certain nombre de milliards ; il recycle cet endettement sous forme de capitaux propres ; et on rembourse la dette par des retours, des cessions d'actifs et des dotations bugétaires de l'Etat. C'est ainsi que l'on a restructuré le Crédit lyonnais, pour ne citer qu'un exemple parmi bien d'autres. C'est la solution que vous avez choisie.
    L'autre solution était d'inscrire 9 milliards d'euros dans les dotations en capital de l'Etat. Celui-ci se serait alors endetté pour financer 9 milliards d'euros supplémentaires de déficit budgétaire. Cela avait le mérite de la clarté, et contrairement à ce qui a souvent été dit, cela ne changeait pas la situation du point de vue du critère de Maastricht puisque, au regard du traité, cela n'était pas considéré comme une dégradation de 9 milliards du déficit du budget de l'Etat. Cela ne changeait rien non plus du point de vue du deuxième critère de Maastricht, celui de l'endettement. Que vous utilisiez la méthode dite du faux nez ou l'inscription sur le budget de l'Etat, l'appréciation reste la même : cela rentre dans la dette publique.
    Cela ne changeait donc qu'une chose : l'apparence de l'affichage. Mais au moins, c'était clair. Et, monsieur le ministre, ce n'est quand même pas ce gouvernement qui est responsable de cette situation.
    M. Richard Mallié. Ça, c'est bien vrai !
    M. Charles de Courson. Il doit l'assumer, comme beaucoup d'autres choses léguées par l'ancien gouvernement. Mais il faut bien faire face. Nous, nous aurions préféré la deuxième solution.
    Mais au-delà de ce problème, le groupe UDF voudrait poser deux questions. Cette affaire pose une nouvelle fois deux problèmes centraux.
    Le premier, c'est celui de la gouvernance des entreprises publiques. Quel a été le rôle du conseil d'administration ? Le drame de beaucoup de ces entreprises publiques tient au fait que le conseil d'administration ne joue pas son rôle, et que ce sont les ministres du moment et le président de l'entreprise qui règlent directement leurs affaires entre eux. Parfois même, sans l'accord du ministre concerné et sans aucun contrôle, on voit les entreprises publiques s'engager dans des investissements considérables via leurs filiales à l'étranger. Il faut aussi poser la question du rôle des administrations centrales chargées de la tutelle du secteur.
    La deuxième question de fond est très simple - et tous les membres de l'actuelle majorité ont toujours eu à cet égard une position claire : faut-il maintenir des entreprises concurrentielles dans le secteur public dans ces conditions ? La réponse, mes chers collègues, est évidente.
    M. François Brottes. Ces entreprises ont des missions de service public !
    M. Charles de Courson. Mon cher collègue, on peut avoir des missions de service public avec des sociétés privées. C'est ce qu'on appelle une concession de service public. Vous confondez le service public avec le mode de gestion du service public.
    M. Richard Maillé. Exactement !
    M. Charles de Courson. Ce n'est pas parce que l'eau est un service public qu'elle est gérée forcément en régie. D'ailleurs dans 80 % des cas, y compris dans des collectivités que vous dirigez, chers collègues de l'opposition, elle est gérée dans le cadre de concessions.
    M. Jean-Louis Idiart. Pensez-vous que ce soit le meilleur exemple à prendre ?
    M. Charles de Courson. Oui ! Ce qu'il faut, c'est contrôler les concessions, et distinguer clairement la propriété ou la gestion de l'entreprise, de la concession. C'est la position du groupe UDF qui a toujours, depuis vingt ans, à temps et à contretemps, dit qu'il fallait remettre dans le secteur privé les activités concurrentielles et que l'Etat assume sa fonction régalienne. Quand il y a un service public, il y a des concessions, et il faut contrôler avec vigueur les concessions de service public et leur respect. C'est cela, la sagesse, et le contribuable ne s'en portera que mieux.
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Je me félicite de l'amendement déposé par le Gouvernement puisqu'il va permettre de sauver l'opérateur le plus endetté du monde - 70 milliards d'euros -, qui devait rembourser 15 milliards d'euros dès 2003 et aurait donc dû déposer son bilan.
    Entre des économies qui devront être faites au niveau de l'entreprise et le marché obligataire, le plan est bien équilibré. Mais permettez-moi de revenir sur les causes des difficultés de France Télécom.
    A ceux qui disent que le gouvernement précédent a fait preuve de sérieux sur les licences UMTS, je répondrai qu'elles étaient tellement chères que personne n'en a voulu ! Seule France Télécom a dû acheter, sur pression du Gouvernement, une licence UMTS. Le produit de cette vente devait d'ailleurs être affecté au fonds de réserve des retraites, dont on a vu ce qu'il est devenu ! Et ce n'est que parce qu'il a vu que personne ne pouvait acheter ces licences UMTS que le gouvernement précédent en a abaissé le prix. Sa responsabilité est quand même très lourde ! Les achats ont été réalisés à un moment où la bulle était la plus élevée. En outre, comme l'entreprise n'était pas privatisée, il a fallu payer cash. On voit où tout cela a mené. Cette responsabilité tient à une idéologie. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il faut être pragmatique en la matière, ne pas être idéologue comme on a pu l'être ces dernières années, et faire en sorte que l'entreprise devienne privée.
    M. Jean-Louis Dumont. Ça n'a rien à voir !
    M. Marc Laffineur. C'est une évidence. Cela n'empêchera pas du tout la continuité du service public. Pour que le service public soit rendu le mieux possible, il suffit de fixer un cahier des charges.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, j'essaierai de répondre aux questions qui ont été posées et aux observations qui ont été formulées.
    En vous écoutant, monsieur Brottes, j'ai eu le sentiment que vous essayiez de justifier la politique qui avait été menée par le précédent gouvernement.
    M. Eric Besson. Ce ne serait pas choquant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, une chose doit nous réunir : le souci de redonner à France Télécom toutes ses chances.
    M. François-Michel Gonnot. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Tel est l'objectif du Gouvernement, dont vous pouvez observer qu'il présente ce sujet sans chercher à polémiquer...
    M. Jean-Louis Dumont. D'autres s'en chargent !
    M. Jean-Louis Idiart. Il suffit d'écouter MM. Laffineur et de Courson !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... alors que, entre nous, la tentation pourrait être forte ! Vous m'avez fait l'amitié cet après-midi de me dire que vous relisiez les propos que j'ai tenus au Sénat : je pourrais, moi, vous relire les déclarations du précédent gouvernement sur la gestion de France Télécom.
    M. Jean-Louis Idiart. Et alors ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je ne suis pas sûr que vous y seriez favorable encore aujourd'hui et que vous seriez d'accord pour les signer.
    M. Jean-Louis Idiart. Vous voyez que vous lancez des attaques !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cela étant, je ferme cette parenthèse que M. Brottes a ouverte et que je ne croyais pas nécessaire d'ouvrir.
    Il faut, monsieur le député, que tous les Français soient assurés que France Télécom est une très belle entreprise, qu'elle a toutes ses chances, pour son avenir, dans le concert international dans lequel elle est inscrite. Et le mieux qu'on puisse faire, à raison de sa situation d'aujourd'hui, c'est de faire en sorte que son actionnaire, qui est l'Etat, lui redonne les moyens de pouvoir à nouveau repartir à la conquête du monde. Voilà comment nous devons poser le problème.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais c'est bien ce qu'a dit M. Brottes !
    M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais, monsieur Bonrepaux, M. Brottes s'est exprimé pour me donner des conseils. Je pense qu'il aurait mieux fait de les adresser au gouvernement qu'il soutenait.
    M. Dominique Tian. Très juste !
    M. Richard Mallié. Exactement ! Un peu de modestie, chers collègues de l'opposition !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme. Vous avez ensuite évoqué la question de l'emploi. Monsieur le député, le Gouvernement a choisi de faire confiance au président qu'il a nommé, pour que celui-ci présente un plan de reconquête qui ait les meilleures chances de succès. Et ce n'est pas le Gouvernement qui va lui donner des instructions sur la manière d'organiser son plan de bataille.
    M. Jean-Louis Dumont. Qu'il fixe au moins les objectifs !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si ce président a été choisi, c'est en raison de ses compétences et, à ce titre-là, le Gouvernement lui renouvelle toute sa confiance.
    Le président de cette entreprise a indiqué qu'il existe dans ses effectifs des personnels qui bénéficient du statut de la fonction publique et qui pourraient souhaiter, à cette occasion, revenir dans la fonction publique. Lors de mon audition par la commission des finances, j'ai moi-même indiqué que le Gouvernement ferait le maximum pour les accueillir dans les meilleures conditions. Il n'est d'ailleurs pas inutile, en termes de management, que notre fonction publique puisse accueillir en son sein des personnels qui ont connu une expérience commerciale et industrielle. Voilà donc la preuve que le Gouvernement se préoccupe des salariés de France Télécom et ouvre la porte à ceux qui appartiennent à la fonction publique et qui souhaiteraient la rejoindre.
    Vous soupçonnez le Gouvernement de prendre prétexte de la situation actuelle pour procéder à une privatisation. Croyez-vous qu'avec la situation financière que vous avez laissée au Gouvernement, celui-ci puisse se permettre d'avoir des caprices à hauteur de 10 milliards d'euros ? Comment pouvez-vous pensez une telle chose ? Le Gouvernement n'a pas de caprices : il est au travail, pour essayer de redresser la situation catastrophique dans laquelle vous avez laissé les finances publiques.
    M. Charles de Courson. Il n'a pas le choix !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En effet, il n'a pas le choix. Il n'a pas non plus le temps, comme vous en avez malheureusement la tentation, de polémiquer pour savoir si l'Etat doit conserver plus ou moins 50 % du capital de France Télécom. Ce qui importe, c'est la réussite de l'entreprise, et il sera toujours temps, quand elle sera redressée, de prendre la décision la plus appropriée.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très juste !
    M. François Brottes. C'est le rapporteur qui a évoqué cette question, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant de l'impact qu'aura cette décision sur les obligations de service public, des orateurs qui sont intervenus après vous ont rappelé que celles-ci résultent d'un cahier des charges. L'Etat exigera de l'entreprise qu'elle le respecte, et il n'y a pas de raison qu'il soit modifié.
    Vous avez, enfin, demandé si nous soutenions France Télécom. C'était là une façon distinguée de rendre un hommage au Gouvernement : il l'accepte et il vous en remercie. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur de Courson, vous auriez préféré un financement budgétaire de cette recapitalisation. Ce n'est pas le choix qu'a fait le Gouvernement, car il a la conviction profonde que la solution qu'il a retenue est préférable à celle que vous avez proposée. Je ne critique pas votre préférence, mais c'est seulement à l'issue de l'opération que nous saurons vraiment quelle était la meilleure solution.
    Mais de deux choses l'une : soit on considère que cette entreprise n'a plus de valeur, auquel cas votre solution pourrait se justifier, soit au contraire on estime que, malgré ses problèmes actuels de fonds propres, elle a toutes ses chances pour l'avenir, et on procède à une opération en capital. Dès lors, une structure doit porter les actions de cette entreprise et, le moment venu, grâce à la valeur qu'aura retrouvée cette entreprise - valeur qui s'est très nettement redressée ces derniers jours, comme vous l'avez remarqué -, il sera possible de procéder au remboursement des prêts souscrits pour la recapitalisation.
    Enfin, s'agissant de la gouvernance des entreprises publiques, de cette grande question de l'Etat actionnaire que vous avez évoquée, monsieur de Courson, je vous indique que Francis Mer a confié à M. Rouvillois et à M. Barbier de La Serre une mission qui vise à redéfinir les règles de gouvernance des administrateurs qui représentent l'Etat. Leur rapport sera rendu au début de 2003. Et il pourrait être utile que, à cette occasion, nous organisions un débat au Parlement sur cet important sujet.
    Je ne reviendrai pas sur l'intervention de Marc Laffineur : plus qu'une question, c'était l'affirmation du soutien de son groupe à la politique du Gouvernement.
    En conclusion, mesdames et messieurs les députés, en vous priant de m'excuser d'avoir été un peu long, mais le montant en question le justifie, je voudrais vous dire que ce qui vous est demandé, c'est un acte de foi envers cette entreprise, qui est une belle entreprise. Et si France Télécom s'est retrouvée finalement exsangue pour ce qui est de ses fonds propres, c'est tout simplement parce qu'elle a été obligée, ainsi que l'a souligné le rapporteur général, de financer sa croissance externe - ce qui était nécessaire - sans pouvoir recourir à l'émission d'actions, contrairement à toutes les autres entreprises. C'est ce qui explique ses difficultés, que nous devons considérer comme passagères. Ce qui importe, c'est que nous lui donnions aujourd'hui les moyens de se rétablir, et alors, en effet, les Français retrouveront, à travers le succès de France Télécom, les espoirs qu'ils avaient placés en elle lors de sa mise sur le marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Bouvard. Excellent !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
    (L'amendement est adopté.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote sur l'ensemble, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDF tient tout d'abord à féliciter le Gouvernement pour la qualité de la discussion sur ce collectif budgétaire, ce compliment s'adressant également à ses collaborateurs.
    La sincérité et la transparence de ce texte ont permis de poser les vraies questions sur la situation budgétaire de notre pays. L'attitude du Gouvernement, ouverte au débat et à la négociation, a été décisive dans ce domaine. La majorité tout comme l'opposition - il faut le noter, parce que ce n'est pas très fréquent dans cette assemblée - ont pu réfléchir ensemble et participer activement à la discussion. L'adoption, d'ailleurs, de quelques amendements proposés par l'opposition est une preuve de la détermination du Gouvernement à créer les conditions d'une véritable concertation et d'un vrai dialogue démocratique.
    Après nous être exprimés sur le fond et la forme de ce texte, nous pouvons maintenant voter un projet de loi de finances rectificative cohérent et transparent. Cela ne doit cependant pas nous faire oublier l'état critique de nos finances publiques.
    Nous frôlons dès 2002 le critère de Maastricht limitant à 3 % du PIB le déficit public, et nous pourrions atteindre ce plafond en 2003, à moins d'exécuter le budget pour 2003 avec une très grande rigueur. En effet, si l'on prend en compte les dérives attendues pour le budget de la sécurité sociale et une croissance plus faible de 0,5 à 1 point de la croissance estimée à 2,5 % pour 2003, on sera très proche du plafond maastrichtien de 3 %.
    Quant au critère de 60 % de la dette publique, il risque, lui aussi, d'être atteint du fait de l'affaire France Télécom, qui représente 0,6 point du PIB à elle toute seule.
    Dans cette conjoncture, une gestion rigoureuse tant sur le budget de l'Etat que sur les budgets sociaux est indispensable. Elle sera déterminante par rapport au respect des critères de Maastricht. Mais elle appelle aussi l'accélération des réformes dont ce pays a besoin : réforme des retraites, dont la négociation débutera dès la fin du mois de janvier ; réforme de l'organisation du territoire, laquelle a commencé sous la forme d'une révision constitutionnelle avec le texte sur la décentralisation ; réforme de l'assurance maladie et réforme de l'Etat, qui restent toutes les deux à lancer.
    Tout cela n'ira pas sans de très grandes difficultés. Je crois que toute la majorité en est consciente. L'heure n'est plus au conservatisme, car le conservatisme, c'est la mort de ce pays. Du reste, qui paye son coût social ? Les couches sociales les plus modestes de notre société ! Donc la gestion rigoureuse est un élément central de la justice sociale.
    Mes collègues de l'opposition me rétorqueront sans aucun doute que lorsqu'on parle de gestion, on pense à la rigueur. Eh bien, nous n'avons pas peur de parler de la rigueur, car nous considérons qu'elle est une vertu, à l'inverse du laxisme pratiqué par nos précédesseurs, lequel a conduit notre pays à avoir, structurellement, l'un des taux de chômage les plus élevés de tous les pays démocratiques et un chômage massif des personnes peu ou pas qualifiées.
    Lors de la discussion, le groupe UDF a évoqué quatre points précis auxquels il a attaché une attention toute particulière. Je ne les reprendrai pas, ils ont déjà été largement évoqués. Cela dit, je souhaite rendre hommage à l'attitude du Gouvernement, qui a prêté une écoute attentive à nos propositions. Je l'en remercie. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à prendre en considération certaines de nos inquiétudes et à donner une suite à des idées que nous avons lancées. Soyez-en, là encore, remercié.
    Nous sommes satisfaits, car nous savons, monsieur le ministre, que nous pouvons vous faire confiance. En effet, à chaque fois que vous vous êtes engagé, tant à l'égard de notre groupe que du groupe UMP, et même des groupes de l'opposition, vous avez toujours tenu parole. C'est pourquoi le groupe UDF votera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme d'un débat qui s'est déroulé un peu dans la confusion. Et il faut bien reconnaître que la majorité n'a pas été très attentive aux recommandations que lui avait faites hier soir le président de la commission des finances. En effet, alors que nous y étions prêts et que nous espérions terminer cette discussion dans la nuit d'hier à aujourd'hui - et, pour notre part, non seulement nous n'avons pas abusé des motions de procédure, mais, de plus, nous avons retiré beaucoup de nos amendements -, nous l'achevons seulement ce soir. Mais cela est dû, il faut bien le reconnaître, à la majorité. Celle-ci doit avoir un problème. Quand on passe deux heures à discuter d'un amendement du Gouvernement,...
    M. Richard Mallié. Le débat, c'est la démocratie !
    M. Augustin Bonrepaux. ... que la majorité aurait dû connaître, et qu'ensuite il faut encore une suspension de séance d'une heure pour parvenir à un accord, si ce n'est pas perdre beaucoup de temps, qu'est-ce que c'est ?
    M. Charles de Courson. Nous ne sommes pas des godillots !
    M. Richard Mallié. D'habitude, c'est vous qui nous faites perdre du temps, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. De surcroît, trop de dispositions importantes ont été introduites par voie d'amendement. A l'exception de celle concernant France Télécom, dont je comprends bien qu'elle ne pouvait être présentée autrement, les autres dispositions auraient dû figurer dans le projet.
    Je me tourne aussi vers la commission : si nous passions un peu plus de temps en commission, si nous étions davantage écoutés quand nous demandons le renvoi d'un texte en commission, nous ne ferions pas en séance publique un travail de commission. Je n'ai pas été le seul à le déplorer : M. Garrigue lui-même a estimé que l'Assemblée donnait un drôle de spectacle.
    Nous avons donc perdu beaucoup de temps dans l'examen d'un collectif qui constitue tout de même une épreuve de vérité pour le Gouvernement. Celui-ci est au pied du mur, il doit assumer la responsabilité de sept mois de pouvoir. Je remarque que, lors des précédentes alternances, lorsqu'un gouvernement présentait un collectif ou prenait des mesures financières, celles-ci se traduisaient par une inflexion à la fin de l'année. Ainsi, alors qu'en 1997 le déficit prévisionnel avait été fixé à 3,5 %, nous l'avons ramené au-dessous de 3 % à la fin de l'année. Surtout, le gouvernement d'alors n'a pas invoqué continuellement, comme vous le faites, la faute des autres : il a assumé la situation.
    M. Richard Mallié. Bien sûr, il a bénéficié de la croissance !
    M. Augustin Bonrepaux. Là, nous avons un gouvernement qui n'assume pas. C'est la faute des autres : des Américains, des Allemands, et bientôt ce sera la faute du Ciel pour ceux qui y croient.
    M. Daniel Garrigue. C'est surtout la faute des socialistes !
    M. Augustin Bonrepaux. Il faudrait tout de même que vous assumiez vos responsabilités.
    Pourtant, les résultats sont là : en réduisant les recettes d'un côté et en chargeant, de l'autre, la barque des dépenses dans le collectif de juillet, pour bénéficier de reconduction de crédits en 2003,...
    M. Charles de Courson. Si seulement c'était vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. ... vous avez dépassé les prévisions les plus pessimistes de l'audit. L'audit prévoyait une marge basse et une marge haute : eh bien, vous êtes encore au-dessus de la marge haute !
    M. Charles de Courson. Un peu !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est dire que, finalement, ce dérapage relève bien de votre responsabilité (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Richard Mallié. C'est la meilleure ! Quel culot !
    M. Daniel Garrigue. Provocateur !
    M. Augustin Bonrepaux. ... parce que vous êtes là depuis sept mois.
    Le gouvernement précédent avait, au bout de la même période, réussi à redresser les finances (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), alors que vous, vous les avez aggravées ! (Mêmes mouvements.)
    M. Richard Mallié. Il suffit !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est tout de même vous qui avez voté la baisse de l'impôt sur le revenu !
    M. Michel Bouvard. Oui, de même que les crédits consacrés aux emplois-jeunes, que vous n'aviez pas prévus !
    M. Richard Mallié. Ainsi que ceux destinés à l'APA !
    M. Augustin Bonrepaux. Cette baisse des impôts représente 2,5 milliards, soit exactement le montant du dépassement du déficit ! Vous en portez donc la responsabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il est vrai aussi que nous avons connu quelques satisfactions au cours de ce débat. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. Je reconnais, monsieur le ministre, que vous êtes attentif aux préoccupations des uns et des autres, mais malheureusement, vous êtes « corseté » par le Gouvernement et vous ne pouvez pas toujours faire ce que vous voudriez.
    Nous avons ensemble, et grâce au rapporteur général, fait progresser l'intercommunalité ; c'est un point de satisfaction. De même, vous nous avez écouté à propos de la garde alternée, et vous avez même amélioré l'amendement de notre collègue Viollet ; c'est une bonne chose. Vous avez aussi repris l'amendement de notre collègue Bapt sur AZF, et je ne pense pas que vous ayez trop de responsabilité dans l'exploitation politicienne que certains ont voulu en faire ; c'est un progrès pour les entreprises sinistrées. Enfin, nous avons également fait progresser ensemble le chèque-vacances, c'est-à-dire la possibilité pour les classes les plus modestes de faire du tourisme.
    M. Richard Mallié. Que ne l'avez-vous fait avant !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous avons donc la satisfaction d'avoir contribué à améliorer la situation d'un certain nombre de personnes.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, veuillez conclure.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est important, monsieur le président, et nous n'avons pas abusé de la parole depuis vingt-quatre heures !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous disposez de cinq minutes pour faire votre explication de vote ! Ce temps est écoulé, je vous demande de conclure.
    M. Augustin Bonrepaux. Sur France Télécom, nous avons voté le redressement. Pour autant, nous avons exprimé nos inquiétudes car nous n'avons pas la même conception que vous du service public. M. Mer ayant affiché son intention de privatiser, nous sommes donc inquiets quant à l'avenir de ce service public.
    M. Richard Mallié. Vous, vous ne vous êtes jamais occupés de la situation de France Télécom !
    M. Dominique Tian. La précédente majorité ne s'est jamais inquiétée de l'argent des contribuables, monsieur Bonrepeaux.
    M. Augustin Bonrepaux. De même, nous sommes inquiets pour ce qui est de l'aménagement du territoire en raison de votre refus de créer des zones franches rurales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux...
    M. Augustin Bonrepaux. Comme la réduction des investissements de France Télécom, la suppression des crédits pour les ponts détruits nous inquiète.
    M. Richard Mallié. Vous n'avez rien fait !
    M. Augustin Bonrepaux. Alors, où allons-nous ? Où va notre pays ? Je crois que M. de Courson l'a indiqué tout à l'heure : nous allons vers une politique de rigueur. Malheureusement, ce sont les catégories les plus modestes et les zones défavorisées qui en feront les frais. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Charles de Courson. C'est le contraire !
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.
    M. Marc Laffineur. Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, pour la façon dont les débats se sont déroulés. Cette atmosphère de convivialité, nous y sommes maintenant presque habitués, puisque nous l'avons déjà connue lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003. J'ai aussi apprécié votre esprit d'ouverture, puisque de très nombreux amendements d'origine parlementaire ont été adoptés.
    Ce collectif budgétaire permettra, à l'instar de la loi de finances rectificative votée en juillet dernier, de financer de très nombreuses mesures décidées ces dernières années mais qui ne bénéficient pas d'inscription de crédits,...
    M. Richard Mallié. Exactement !
    M. Marc Laffineur. ... qu'il s'agisse de l'APA, de la CMU, des emplois-jeunes, de la suppression de la vignette ou des primes de Noël de 2001 et de 2000 ! Le Gouvernement aura dû financer trois primes de Noël dans la même année !
    M. Richard Mallié. Monsieur Bonrepaux, c'est à vous que ça s'adresse !
    M. Augustin Bonrepaux. Cela se saurait si la prime de Noël n'avait pas été payée l'année dernière !
    M. Marc Laffineur. Toutes ces mesures décidées par le gouvernement précédent n'avaient pas été financées, voilà la vérité !
    M. Augustin Bonrepaux. Je le répète, cela se saurait si la prime de Noël de l'an dernier n'avait pas été payée !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, seul M. Laffineur a la parole.
    M. Marc Laffineur. Monsieur Bonrepaux, je ne vous ai pas interrompu pendant que vous interveniez, je vous demande d'avoir la même attitude à mon égard.
    Grâce à ce collectif budgétaire, nous allons sauver France Télécom, mais aussi l'ANDA, répondant ainsi à la demande de la profession agricole. Il est vrai que cela a donné lieu à un débat, y compris - et c'est tout à fait normal - au sein de la majorité, et qu'une petite suspension de séance a été nécessaire pour parvenir à un accord. Toutefois, je me souviens d'une suspension de séance qui a duré deux heures, quand la précédente majorité - la majorité plurielle, comme on disait à l'époque - a essayé de parvenir à un accord sur la taxe Tobin !
    M. Augustin Bonrepaux. On parlait de choses sérieuses en ce temps-là !
    M. Charles de Courson. La loi sur la chasse, par exemple !
    M. Marc Laffineur. Je me souviens aussi de discussions qui ont duré des heures et des heures.
    Grâce à ce collectif budgétaire, nous allons pouvoir - et je vous en remercie, monsieur le ministre, - tenir les promesses que nous avons faites durant les campagnes électorales. Nous avons notamment fait un effort en matière de défense,...
    M. Augustin Bonrepaux. Surtout de défense !
    M. Richard Mallié. Il y avait tant de retard à rattraper !
    M. Marc Laffineur. ... de sécurité civile, de transport maritime et de révision des pensions de ressortissants de nos anciennes colonies.
    M. Augustin Bonrepaux. Voilà qu'il parle des colonies maintenant !
    M. Marc Laffineur. Nous avons également, car c'est le rôle de la France, consenti un effort en faveur des pays en voie de développement, notamment du Liban, conformément à l'engagement du Président de la République. Ce pays, ami de la France, se verra accorder 500 millions d'euros.
    M. Augustin Bonrepaux. Et vous n'avez pas trouvé 10 millions pour les pauvres !
    M. Marc Laffineur. Bien entendu, le groupe UMP votera avec enthousiasme ce collectif budgétaire qui permettra, dans la transparence, de faire tenir à notre pays le rôle qui est le sien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
    (L'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2002 est adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons consacré seize heures de débat à la loi de finances rectificative, plus que ce que nous pensions, et probablement plus que ce que nous souhaitions. Cela dit, la majorité n'a pas été baillonnée et l'opposition non plus.
    M. Michel Bouvard. Voilà !
    M. Jean-Louis Idiart. Certains ont été responsables, d'autres moins...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je remercie le Gouvernement et le ministre d'avoir accepté certains amendements et d'avoir montré, vis-à-vis de l'opposition, beaucoup de sympathie, ...
    M. Charles de Courson. Et de respect !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... chacun l'a noté ici. (Sourires.)
    M. Jean-Louis Idiart. C'est la qualité de l'opposition qui en est la cause !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nous avons eu une capacité d'initiative. Cela dit, je reste persuadé, chers collègues, que nous légiférons trop.
    M. Jean-Louis Idiart. Et mal !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. De multiples sous-amendements ont été déposés, et ce n'est pas du très bon travail.
    Nous avons consacré deux heures à l'ANDA. Ce n'était pas de trop, car plusieurs centaines de milliers de personnes étaient concernées et ce n'était pas facile à faire comprendre. En revanche, consacrer une heure aux ponts et une heure aux inondations était sans doute un peu excessif.
    M. Jean-Louis Idiart. Ce n'était pas n'importe quoi ! On pouvait leur consacrer une heure.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je rappelle aussi à nos collègues de l'opposition que nous avons tenu deux réunions au titre de l'article 88.
    Mais surtout, chers collègues, je tiens à remercier, pour la qualité de leur travail, le rapporteur général (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et les administrateurs. Avez-vous remarqué l'importance du rapport ? Si vous ne connaissez pas les problèmes de l'éthanol, lisez les vingt-cinq pages qui lui sont consacrées et vous comprendrez parfaitement.
    Enfin, pour sa cordiale coopération et son travail, je tiens à remercier l'ensemble du personnel, qui a été très patient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je m'associe aux remerciements du président Méhaignerie.
    Je viens d'avoir l'honneur de vous présenter mon troisième texte budgétaire au nom du Gouvernement et je tiens à vous exprimer mes remerciements et mes compliments. Des remerciements pour la cordialité chaleureuse que vous m'avez toujours offerte à l'occasion de ces trois textes. Des compliments parce que mon expérience de dix années de vie parlementaire me permet de mesurer la qualité de vos travaux, la qualité du travail mené par le rapporteur général, par les administrateurs de la commission, par vos commissaires des finances et par l'ensemble de l'Assemblée nationale.
    Certes, mesdames et messieurs les députés, sous la Ve République, la norme législative est en grande partie proposée par le Gouvernement. Celle-ci doit être moins dense, comme le président de la commission des finances l'a remarqué avec raison. Mais elle doit émaner davantage du Parlement. En conséquence, tout au long de l'année, et pas seulement dans les huit jours précédant un texte budgétaire, mes collaborateurs et moi-même resterons à votre disposition pour que nous puissions travailler dans les meilleures conditions et faire en sorte que les textes adoptés soient la loi du Parlement de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et, du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, aux remerciements qui viennent d'être formulés, je joins ceux de la présidence - au sens collectif du terme -, puisque ce texte a été suivi par plusieurs vice-présidents. La cordialité a régné, les travaux furent de qualité et le débat s'est déroulé sans trop d'incidents. Je tenais à le souligner.
    Je vais maintenant suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

MARCHÉS ÉNERGÉTIQUES

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat
après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie (n°s 326, 400).
    La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie que le Gouvernement a l'honneur de vous soumettre a pour objet principal de transposer en droit français la directive communautaire de 1998 relative aux règles communes du marché intérieur du gaz naturel.
    Cette directive vise à ouvrir partiellement à la concurrence le transport et la fourniture de gaz. Sa transposition est à la fois nécessaire, utile et urgente.
    Nécessaire car il s'agit d'un engagement pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Cette directive a été négociée et approuvée par notre pays dès 1998, avec succès - selon les propres termes de Christian Perret. On ne peut donc malheureusement que regretter les atermoiements du précédent gouvernement, qui a accepté de signer à Bruxelles ce qu'il a refusé de faire voter à Paris.
    M. Pierre Ducout. Il a mis le temps qu'il fallait !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cette transposition est utile. L'ouverture du marché à la concurrence est en effet un pas supplémentaire dans la mise en oeuvre des réformes structurelles dont notre pays a besoin pour restaurer et accroître sa compétitivité. Je le dis avec solennité devant cette assemblée : ce gouvernement est favorable à la libéralisation des marchés de l'énergie, non par dogmatisme, mais par pragmatisme.
    M. Pierre Cohen. Mais non, c'est par idéologie !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. La libéralisation des marchés permettra de meilleures conditions d'achat, une plus grande liberté d'innover et d'entreprendre, une volonté accrue de satisfaire les clients. Elle est souhaitée par l'ensemble des entreprises françaises, notamment les entreprises fortement consommatrices d'énergie, qui y voient un facteur important d'amélioration de leurs coûts. Il serait donc contre-performant de vouloir s'y opposer. Pour autant, il ne s'agit pas d'être naïf et de penser que la libéralisation puisse se suffire à elle-même. Il n'est en effet de libéralisation efficace que maîtrisée et progressive, c'est-à-dire régulée. Ce projet de loi entend répondre à cette nécessité en définissant le cadre d'une régulation à même d'assurer une coexistence équilibrée entre concurrence et service public.
    Enfin, cette transposition est urgente. La France aurait dû y procéder depuis deux ans déjà.
    M. Claude Gaillard. Eh oui !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Ce retard est lourd de conséquences pour les intérêts économiques de notre pays.
    M. Pierre Ducout. Il ne faut pas exagérer !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. La Cour de justice européenne vient ainsi de condamner la France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette condamnation pourrait être assortie, d'ici quelques mois, d'astreintes financières conséquentes si cette loi n'était pas votée.
    Par ailleurs, ce retard a contribué à décrédibiliser l'image de la France en Europe, dans le secteur de l'énergie.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Jean Dionis du Séjour. La France est mauvaise élève !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. J'ai été frappée, lors des derniers conseils énergie, de l'isolement total de notre pays,...
    M. Pierre Ducout. C'est un autre problème !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... voire de la suspicion dont nous faisons l'objet, nos collègues étant exaspérés ou semblant l'être par la dissymétrie entre l'ouverture, même théorique, de leurs propres marchés et notre attitude protectionniste.
    Le changement d'attitude politique que je me suis employée à expliquer a permis de rompre cet isolement. Mais il est clair que notre capacité à faire entendre nos différences à Bruxelles reste amoindrie par notre attitude passée.
    M. François Brottes. C'est l'inverse !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Enfin, cette absence de transposition handicape le développement de Gaz de France en Europe. Certains pays, comme l'Espagne ou l'Italie, lui refusent ainsi de prendre des participations dans des entreprises nationales, prenant prétexte de l'absence d'ouverture légale du marché français ou, du moins d'une certaine insécurité juridique.
    Or l'Europe bouge. C'est aujourd'hui que le marché se structure, que les groupes de demain se forment. Il est donc impératif que nous donnions à Gaz de France la liberté d'accroître le développement de ses activités en Europe.
    L'absence de transposition est d'autant dommageable pour les intérêts économiques de notre pays que Gaz de France a effectivement ouvert l'accès au transport de gaz depuis le mois d'août 2000...
    M. Pierre Ducout. A la demande du gouvernement d'alors !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... pour anticiper sur une ouverture de toute façon inexorable.
    M. Pierre Ducout. Absolument !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le marché français est ainsi effectivement ouvert. Seize gros sites industriels représentant 25 % du volume de clients éligibles ont déjà pu changer de fournisseur, ...
    M. Pierre Ducout. C'est vrai !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... trois nouveaux opérateurs étant déjà présents sur le marché.
    Il y a donc bien urgence à transposer. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité présenter dans les meilleurs délais ce projet de loi au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, et déclarer, en accord avec les présidents des deux assemblées, l'urgence.
    A cet égard, je voudrais me féliciter du travail remarquable accompli par le Sénat (Rires sur les bancs du groupe des députés socialistes et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui a, notamment, complété utilement le texte en introduisant plusieurs dispositions concernant le marché de l'électricité. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que j'entends examiner dans le même esprit d'ouverture les amendements que votre assemblée souhaitera présenter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    Enfin, je souhaite remercier spécialement votre rapporteur, François-Michel Gonnot, les membres de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, et bien entendu son président, Patrick Ollier, pour la diligence et l'efficacité avec lesquelles ils ont procédé à l'étude de ce texte.
    Avant de détailler le contenu du projet que nous vous soumettons, je veux souligner que cette loi s'inscrit dans un ensemble plus vaste de réformes qui visent à refonder la politique énergétique française face à un monde plus ouvert et plus incertain, où le respect de l'environnement et la maîtrise de nos approvisionnements sont des exigences d'une parfaite actualité.
    Le protocole de Kyoto et le sommet de Johannesburg, comme la situation actuelle au Proche et au Moyen-Orient ou les conséquences internationales des attentats terribles du 11 septembre 2001 sont autant d'éléments qui exigent la définition d'une politique énergétique adaptée à un contexte international renouvelé.
    A cet effet, le Gouvernement entend poursuivre et encadrer la libéralisation des marchés de l'énergie en veillant à une coexistence équilibrée entre concurrence et service public. C'est l'objet du projet de loi. C'est également l'objet de l'accord politique conclu lors du dernier Conseil énergie du 25 novembre 2002, que nous avons accepté parce qu'il assurait un équilibre satisfaisant. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.
    Le Gouvernement entend aussi donner aux deux grandes entreprises nationales que sont EDF et GDF les moyens de s'adapter à cette libéralisation et de devenir deux grandes entreprises européennes. Cela passe par une ouverture minoritaire de leur capital, qui leur permettra, d'une part, de lier des alliances et, d'autre part, de réunir les capitaux nécessaires à leur développement autrement que par un endettement aux risques difficilement maîtrisables, comme nous avons eu l'occasion de le constater dans le cas d'autres entreprises, privées ou publiques.
    M. Pierre Ducout. Ce n'est pas comparable !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Cette évolution se fera évidemment sans remettre en cause le statut des agents et en veillant à ce que le système spécifique de financement des retraites reçoive les garanties nécessaires. Le Gouvernement a, conformément à sa méthode, privilégié le dialogue social et demandé aux partenaires sociaux de lui remettre des propositions à cet effet. Comme vous le savez, les partenaires sociaux ont abouti, lundi dernier, à un relevé de conclusions commun posant les principes d'une refondation du système de financement du régime de retraite des industries électrique et gazière. Ce relevé de conclusions, dont je me félicite, est actuellement soumis à la consultation des personnels des entreprises. Il appartiendra ensuite à l'Etat de prendre les mesures législatives et réglementaires nécessaires à cette refondation du système de retraite.
    Enfin, le Gouvernement entend doter la France d'une loi d'orientation sur les énergies, qui définira et précisera, à l'issue d'un grand débat national organisé au début de l'année prochaine, nos grandes options énergétiques en matière de nucléaire, d'énergies renouvelables, de maîtrise de la sécurité et de l'approvisionnement en énergie.
    Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir est la première pierre législative de cette refondation. Comme je l'ai indiqué en introduction, il vise à l'ouverture progressive à la concurrence du marché gazier français, mais également à la constitution d'un marché européen unique de l'énergie.
    Pour le plus grand bénéfice des consommateurs, car cette loi doit conduire à de meilleures conditions d'achat du gaz pour les entreprises françaises, ce qui leur permettra de rester compétitives face à la concurrence internationale.
    Mais aussi pour le plus grand bénéfice de nos entreprises d'énergie, au premier rang desquelles GDF, car la constitution d'un marché unique est une occasion unique pour nos entreprises de conquérir des parts de marché en Europe, en faisant valoir leur savoir-faire et leurs compétences, et ainsi de s'ériger en véritables champions européens.
    Si la constitution d'un marché européen ouvert est donc à la fois profitable aux consommateurs et aux entreprises, les exemples de la crise californienne, de la faillite d'ENRON et des difficultés de British Energy sont néanmoins là pour nous rappeler qu'il n'est pas de bonne libéralisation sans régulation adaptée.
    M. Pierre Ducout et M. François Brottes. Ce n'est pas suffisant !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Parce que l'énergie n'est pas un bien comme les autres, parce qu'elle est indispensable à la vie moderne, ce projet de loi institue deux garde-fous fondamentaux pour encadrer l'ouverture du marché à la concurrence. D'une part, il impose des obligations de service public à tous les acteurs de la filière gazière.
    M. Pierre Micaux. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. D'autre part, il institue une autorité de régulation dotée de pouvoir étendus.
    M. Pierre Micaux. C'est nécessaire !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. En effet.
    Dans ces deux domaines, nous avons choisi d'aller au-delà de la directive de 1998, soit en anticipant sur les prochaines directives en cours de négociation, soit en reprenant certaines dispositions de la loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité. Les pouvoirs du régulateur sont ainsi largement identiques à ceux confiés à la Commission de régulation de l'électricité par la loi dite « électrique ».
    Le projet de loi s'articule autour de trois dispositions fondamentales.
    La première pose le principe de la libéralisation progressive et maîtrisée du marché de la fourniture de gaz naturel.
    Ce projet de loi donne ainsi aux clients éligibles, c'est-à-dire aux clients professionnels, la possibilité de choisir librement leur fournisseur de gaz naturel. Les clients éligibles seront, dans un premier temps, les entreprises fortement consommatrices de gaz, soit 450 sites industriels. Conformément aux conclusions du sommet de Barcelone de mars 2002, l'éligibilité sera étendue aux clients professionnels en 2004.
    En revanche, cette loi ne prévoit pas de modifier la situation actuelle des ménages. Dans ces cas, la fourniture reste assurée par Gaz de France ou par les distributeurs non nationalisés. Comme vous le savez, les Etats se sont accordés, lors du dernier Conseil énergie, sur une ouverture du marché des ménages au 1er juillet 2007, après que la Commission européenne aura présenté, en 2006, un rapport d'étape sur les conséquences de l'ouverture du marché, notamment aux petits professionnels, dont la situation est assez proche de celle des ménages. Le Gouvernement a jugé préférable de ne pas anticiper sur l'ouverture du marché des ménages...
    M. Claude Gaillard. Il a eu raison !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... et propose que cette étape ultime fasse l'objet, en son temps, d'une disposition législative explicite.
    M. Claude Gaillard. Voilà !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Outre les entreprises fortement consommatrices, le Gouvernement a également souhaité rendre éligibles l'ensemble des cogénérateurs - 1 500 sites -, et les dix-sept distributeurs non nationalisés. Ces distributeurs, qui ont encore l'obligation de s'approvisionner auprès des transporteurs de gaz, doivent en effet disposer des moyens de mieux maîtriser leur rentabilité et donc de mieux se préparer aux étapes ultimes de l'ouverture du marché.
    Le projet de loi ouvre l'activité de fourniture à l'ensemble des entreprises européennes qui seront titulaires d'une autorisation délivrée par l'Etat. Cette autorisation peut imposer à son titulaire des obligations de service public particulières en fonction de la nature des clients fournis et en fonction de l'activité assurée, notamment en ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement.
    Enfin, afin de permettre ce lien direct entre nouveaux fournisseurs et clients éligibles, le projet de loi impose aux transporteurs de gaz, dont Gaz de France, de donner accès à leur réseau de transport dans des conditions transparentes et non discriminatoires.
    En second lieu, le projet de loi définit les obligations de service public qui s'imposent à tous les acteurs de la filière gazière et j'ai souhaité qu'un titre spécifique leur soit consacré. Je tiens, en effet, à souligner devant cette assemblée l'attachement de notre gouvernement au service public en général...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... et plus particulièrement dans le domaine de l'énergie. L'accès à l'énergie est un droit tout aussi fondamental que l'accès au logement, tant l'électricité et le gaz sont devenus indispensables à la vie quotidienne.
    Le service public est la traduction concrète de ce droit. C'est un élément essentiel du contrat social français. C'est l'outil qui permet de garantir l'égalité entre les citoyens et de mettre en oeuvre une véritable solidarité entre les Français. C'est donc avec détermination que j'ai défendu auprès de mes collègues européens, lors de la négociation du deuxième paquet de directives, cette originalité culturelle de la France fréquemment appelée le service public à la française.
    M. Patrick Ollier, président de la commission, M. Pierre Micaux. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je crois pouvoir dire que nous avons su convaincre nos partenaires puisqu'aucun texte communautaire n'est allé aussi loin dans la reconnaissance des missions de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'article 3 de la directive prévoit ainsi explicitement que « les Etats peuvent imposer des obligations de service public portant sur la sécurité d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de l'énergie fournie, et la protection de l'environnement. En particulier, les Etats peuvent mettre en oeuvre une planification de long terme et les instruments d'incitation afférents ; prendre les mesures appropriées pour protéger les clients finaux, notamment les clients plus vulnérables, en leur garantissant le maintien de l'accès à l'électricité, et les territoires des régions reculées ; prévoir un fournisseur en dernier ressort ou confier cette mission aux opérateurs de distribution. »
    Vous noterez sans surprise, à cette énumération, la similitude des dispositions de la directive et de celles prévues dans le projet de loi. Ces dernières portent principalement sur la sécurité d'approvisionnement, l'harmonisation tarifaire, la solidarité envers les plus démunis.
    La sécurité d'approvisionnement de la France est pour l'instant assurée par la diversité des contrats de long terme conclus par EDF avec la Russie, l'Algérie, la Norvège et, demain, l'Egypte. L'ouverture du marché à la concurrence suppose que l'Etat dispose des moyens de vérifier que cette sécurité reste globalement garantie par la diversité des contrats de long terme des nouveaux fournisseurs. A cet effet, l'autorisation délivrée aux fournisseurs est assortie d'une obligation de communiquer chaque année un plan prévisionnel d'approvisionnement et, en fonction du volume concerné et du type de clients desservis, de présenter une diversification d'approvisionnement suffisante.
    En second lieu, la péréquation tarifaire. A la différence de l'électricité, qui est une énergie non substituable, les tarifs de vente de gaz ne sont pas identiques sur tout le territoire mais ils sont fortement harmonisés. Il est proposé d'inscrire ce principe dans la loi. Les différences de tarif ne pourront ainsi excéder les différences relatives au coût de raccordement des distributions au réseau de transport du gaz naturel. Les prix seront donc uniformes à l'intérieur des vingt-sept zones de desserte qui couvrent le territoire français. Entre ces zones, les différences de prix resteront également limitées.
    Enfin, la solidarité avec les plus démunis. Le projet de loi prévoit notamment le maintien de l'accès au gaz pour les personnes en difficulté et introduit dans la loi la possibilité de conventionnement entre les acteurs locaux et les distributeurs pour la réalisation d'actions de diagnostic des installations intérieures.
    Enfin, la troisième grande disposition de ce projet de loi définit les principes d'une régulation destinée à garantir le bon fonctionnement du marché et la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence.
    A cet effet, le texte reprend la grande majorité des dispositions déjà prévues par la loi électrique et propose d'élargir les compétences de l'actuelle Commission de régulation de l'électricité au secteur du gaz. Il confie à l'Etat la fixation des tarifs de vente de gaz aux clients non éligibles, après avis de la nouvelle Commission de régulation de l'énergie, et celle des tarifs d'accès au réseau de transport, sur proposition de la CRE. Des dérogations à ces tarifs pourront être accordées aux opérateurs désireux de développer de nouvelles infrastructures, afin de garantir le maintien d'un réseau adapté à une demande de gaz en forte croissance.
    Ce projet de loi impose également aux opérateurs l'obligation de procéder à une séparation comptable des activités de transport, de distribution et de stockage, afin de permettre à la Commission de régulation de l'énergie de vérifier l'absence de pratiques anticoncurrentielles ou de subventions croisées entre activités en monopole et en concurrence.
    En revanche, à la différence de la loi électrique, le Gouvernement ne propose pas de mettre en place chez les opérateurs gaziers l'équivalent du réseau de transport d'électricité.
    Deux raisons justifient ce choix.
    D'une part, le marché du gaz est profondément différent de celui de l'électricité. C'est un marché encore en développement, où il existe une véritable concurrence, à la fois avec d'autres énergies, comme le fioul, et entre les différents opérateurs publics ou privés.
    D'autre part, le projet permet de s'assurer que les transporteurs ne pourront utiliser le réseau de transport à des fins anticoncurrentielles. La CRE dispose en effet de la capacité de demander aux opérateurs de transport de procéder aux améliorations et aux investissements nécessaires pour permettre le raccordement d'un client le demandant, dans la mesure où ces investissements sont justifiés économiquement.
    Outre la transposition de la directive de 1998, le Sénat a souhaité introduire des dispositions relatives à l'électricité, que le Gouvernement a accueillies favorablement. Avec deux ans de recul, certains articles de la loi électrique se sont en effet révélés inapplicables ou présentant des effets tout à fait contraires aux intérêts économiques de notre pays. Le Sénat a donc souhaité remédier à ces imperfections.
    Le Gouvernement s'en félicite et juge en particulier opportunes les modifications apportées au fonctionnement actuellement très imparfait du fonds du service public de la production d'électricité. Le nouveau dispositif prévu permettra, d'une part, d'asseoir le mécanisme de contribution aux charges de service public sur la consommation finale d'électricité transitant par les réseaux ; d'autre part, d'étendre ce dispositif aux charges résultant de l'application des tarifs sociaux. Le Gouvernement apprécie également la suppression du plafonnement de l'activité de négoce d'électricité, qui avait amené l'ensemble des sociétés françaises à créer des filiales à l'étranger au détriment du développement de l'emploi en France.
    En conclusion, mesdames et messieurs les députés, je voudrais rappeler que ce projet de loi vise uniquement à transposer la directive gaz de 1998 et à améliorer la loi électrique. Il n'a pas pour objet d'accélérer l'ouverture du marché à la concurrence en anticipant sur la transposition des futures directives européennes, et encore moins de transformer la forme juridique d'EDF et GDF.
    Ces deux sujets constituent évidemment des éléments de contexte importants sur lesquels je suis tout à fait disposée à expliquer la position du Gouvernement. Je souhaiterais néanmoins que l'on ne se trompe pas de débat et que l'on prête toute l'attention nécessaire à un projet de loi certes technique, mais qui nous fait accomplir un pas supplémentaire dans la voie des réformes structurelles dont notre pays a besoin pour affronter le monde d'aujourd'hui et de demain.
    J'espère qu'il contribuera à démontrer la volonté de la France de participer activement à la construction européenne et de tirer les bénéfices d'une libéralisation maîtrisée, tout en restant fidèle à ses principes d'égalité et de solidarité qui sont au fondement même du service public. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Madame la ministre, vous avez rappelé à juste titre qu'il y a tout juste quinze jours, le 28 novembre, la France était condamnée par la Cour de Justice des Communautés européennes pour n'avoir pas encore transposé la directive du 22 juin 1998, notamment dans ses dispositions concernant le marché intérieur du gaz naturel. Vous avez rappelé également combien cette période avait été difficile pour Gaz de France, notre opérateur historique, qui avait été contraint d'appliquer certaines dispositions de cette directive depuis le 10 août 2000, dans la mesure où elles étaient applicables, et avait dû le faire dans des conditions difficiles de flou juridique, tout en subissant la paralysie de sa politique commerciale dans les pays de l'Union européenne, notamment en Espagne.
    Il est temps de mettre fin à cette situation et de transposer réellement la directive. L'urgence en est aujourd'hui incontestable.
    Le Gouvernement a choisi de réaliser cette transposition par la voie d'un projet de loi, donc en y associant pleinement le Parlement. Je tiens à vous en remercier au nom de l'ensemble des députés.
    Je tiens également à saluer le travail du Sénat qui, en examinant le texte dans un délai très court, a réussi à l'améliorer et à l'enrichir substantiellement.
    Le projet de loi, tel qu'il a été modifié par le Sénat, opère, en effet, une ouverture à la concurrence maîtrisée et réaliste de nos marchés énergétiques. Il s'agit bien, en effet, désormais des marchés énergétiques, c'est-à-dire du marché du gaz naturel mais aussi de celui de l'électricité, car le Sénat a complété le projet de loi pour modifier la loi du 10 février 2000, dont de nombreuses dispositions s'étaient révélées inapplicables.
    La commission des affaires économiques s'est attachée à poursuivre le travail d'amélioration du projet de loi. Je vous proposerai donc en son nom, mes chers collègues, des modifications de la rédaction adoptée par le Sénat, dont beaucoup visent à simplifier le texte et à en améliorer la rédaction, afin de faciliter l'application de la loi. D'autres correspondent à des modifications plus substantielles. Les principales portent sur les points suivants :
    La commission vous propose d'abord un nouvel article de principe, rappelant l'objet principal du texte et le rôle des différents intervenants publics dans le secteur du gaz naturel. Cet article étend, en outre, le champ de la loi aux autres types de gaz que le gaz naturel susceptibles de circuler dans les réseaux de gaz naturel. Il s'agit ainsi d'encourager, en clarifiant le régime auquel ils sont soumis, l'utilisation des gaz issus, notamment, de la biomasse, et donc de promouvoir, en matière gazière, les énergies renouvelables.
    En matière gazière, la commission vous propose également de clarifier le régime de l'éligibilité en conciliant deux préoccupations.
    La première est de permettre une ouverture du marché réelle et sans discrimination. C'est pourquoi la commission vous propose, par exemple, de reconnaître l'éligibilité des fournisseurs, qui conditionne le bon fonctionnement du marché et d'étendre l'éligibilité des producteurs d'électricité à partir de gaz naturel à la part de leur consommation de gaz utilisée pour la production de chaleur, ce qui est nécessaire pour éviter de considérables difficultés d'application du texte.
    La seconde préoccupation de la commission a été de veiller parallèlement à ce que les règles d'ouverture du marché ne puissent pas être utilisées de manière abusive, ce qui l'a conduite, par exemple, à lier l'éligibilité à la notion de site, comme cela est déjà la cas pour l'électricité. Pour la même raison, la commission vous propose de porter de trois à trente jours le délai au terme duquel devient effective la résiliation des contrats d'un client faisant jouer son éligibilité, ce qui permettra à son ancien fournisseur de s'adapter à cette situation et garantira le bon fonctionnement des réseaux.
    En ce qui concerne les tarifs gaziers, la commission vous propose de reconnaître le rôle des opérateurs et d'adapter la procédure de dérogation afin de l'accélérer.
    En matière de dissociation comptable, la commission souhaite simplifier les dispositions prévues et étendre le champ de la dissociation à l'exploitation des installations de gaz naturel liquéfié.
    S'agissant du titre relatif au service public du gaz naturel, la commission a accompli un double effort de clarification et d'enrichissement.
    La clarification a visé, d'une part, à mieux mettre en valeur, par des aménagements rédactionnels, la liste des obligations de service public qui s'imposent aux opérateurs gaziers et, d'autre part, à formuler d'une manière juridiquement plus précise les dispositions en faveur de la sécurité des installations intérieures. Dans ce domaine, il a été choisi d'en rester au principe de la responsabilité privée, mais avec des compléments pour aider les personnes en situation de précarité, notamment en ce qui concerne la prise en charge de la mise en conformité des installations.
    La commission a ajouté une obligation de diagnostic des installations intérieures de gaz à l'occasion d'une mutation immobilière, sur le modèle de la loi sur les termites, qui contribuera à consolider encore le dispositif.
    L'enrichissement essentiel apporté dans la partie relative au service public concerne l'instauration d'un plan indicatif pluriannuel visant à vérifier l'adéquation des plans d'investissements des opérateurs avec l'évolution de la demande nationale de gaz naturel. Il s'agit d'un dispositif purement informationnel, n'ayant aucune visée contraignante, mais dont l'élaboration annuelle devrait favoriser une concertation régulière entre l'Etat et les opérateurs. Ceci devrait ainsi créer un cadre informel permettant de traiter de manière consensuelle d'éventuels problèmes qui pourraient résulter d'un manque de coordination entre les initiatives privées.
    La commission a resserré le dispositif des observatoires de l'électricité et du gaz en supprimant les observatoires régionaux et en recentrant les missions de l'observatoire de la diversification sur le suivi des activités purement nationales.
    Sur la partie très technique du projet de loi concernant le transport et la distribution de gaz naturel, la commission s'est surtout efforcée d'aller vers une présentation et une rédaction plus claires, en levant, par exemple, une ambiguïté sur le fait que la possibilité de déclencher des expertises aux frais des opérateurs, à des fins de sécurité ou de protection de l'environnement, était bien sûr réservée exclusivement au ministre chargé de l'énergie ou au représentant de l'Etat dans le département.
    Dans le secteur de l'électricité, la commission vous propose de nombreuses modifications.
    Elle suggère, d'abord, de garantir la pérennité du fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACE dont chacun ici connaît l'utilité, en adaptant son mode de financement.
    Elle vous propose aussi diverses adaptations au dispositif régissant la compensation des charges de service public. Ces adaptations significatives laissent néanmoins subsister des difficultés importantes.
    A cet égard, il faut rappeler que les charges de service public représentent aujourd'hui un poste très lourd, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, et que les contributeurs qui en assurent la compensation devront en outre, acquitter la TVA sur cette compensation, ce qui portera la charge totale du dispositif à plus de 1,7 milliard d'euros. La future loi d'orientation sur l'énergie devra être l'occasion de réaliser une analyse approfondie de l'intérêt général attaché à chacune de ses charges.
    Le présent projet de loi ne concerne, lui, que leur compensation. Il importe, en effet, que celle-ci ne se traduise pas par une augmentation insupportable de la facture d'électricité ni pour les industriels, dont le prix de l'énergie est un élément majeur de compétitivité, ni pour les ménages, dont la consommation d'électricité est souvent d'autant plus élevée que leurs revenus sont modestes. Un amendement du Gouvernement, que nous examinerons sans doute demain, apporte une solution aux difficultés posées par le nouveau mécanisme aux industriels électro-intensifs.
    Il importe également que les ménages ne soient pas pénalisés par le nouveau dispositif. Cela ne relève pas d'une disposition législative et c'est pourquoi la commission ne vous propose pas d'amendements en ce sens. La solution passe, en effet, par une décision du Gouvernement baissant le tarif réglementé payé par les ménages à due concurrence de l'augmentation totale de leur facture, en incluant la TVA liée à la compensation des charges de service public. Il importe cependant, madame la ministre, que vous nous confirmiez la volonté du Gouvernement de réaliser cette baisse afin de ne pas augmenter la facture d'électricité des ménages.
    Enfin, la commission a également adopté d'autres modifications tirant les enseignements des premières années d'application de la loi du 10 février 2000 - la loi électrique. Trois exemples illustreront l'esprit dans lequel elle a travaillé.
    Elle vous propose d'abord de reconnaître l'éligibilité des distributeurs non nationalisés pour l'approvisionnement de l'ensemble de leurs clients. Cette modification permet d'aligner le régime des DNN du secteur électrique et du secteur gazier. Cela leur donnera l'occasion de s'adapter progressivement à la concurrence d'ici à juillet 2004, date à laquelle l'ensemble des clients professionnels deviendront éligibles.
    Dans la continuité du travail du Sénat, qui a pris acte du caractère inapplicable de certaines des dispositions de la loi électrique, notamment de celles encadrant de manière excessivement stricte l'exercice de l'activité d'achat pour revente, la commission vous demande de supprimer une disposition de cette loi fixant à trois ans la durée minimale du cadre contractuel de la fourniture d'électricité. Cette disposition est, en effet, inadaptée au fonctionnement d'un marché libre, dans lequel il appartient aux parties de négocier la durée des contrats les liant en fonction de leurs besoins.
    Enfin, la commission vous propose d'organiser l'évolution des tarifs des contrats des clients éligibles n'ayant pas fait jouer leur éligibilité, disposition également proposée en matière gazière.
    Outre ces dispositions, la commission a également adopté, à l'initiative de son président, M. Patrick Ollier, un amendement tendant à concilier l'implantation des éoliennes et la protection de l'environnement. Il s'agit de mettre fin aux incertitudes, voire au vide juridique, dans lesquels la construction de ces équipements est aujourd'hui possible, incertitudes qui ont suscité une émotion légitime là où des projets importants ont été annoncés. En permettant de garantir l'association des populations et le respect des paysages, ces dispositions permettront l'implantation sereine des éoliennes, qui conditionne leur développement ultérieur.
    Tels sont, résumés de manière succincte, les principaux points sur lesquels la commission vous propose de modifier le projet de loi adopté par le Sénat. Ses propositions permettront de l'améliorer en en préservant l'esprit, ouvrant ainsi la possibilité d'un accord en commission mixte paritaire entre les deux assemblées, accord qui conditionnera une promulgation rapide de la loi qui n'a déjà que beaucoup trop tardé et que nous souhaitons la plus proche possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Christian Bataille.
    M. Christian Bataille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un roman au déroulement tragique et inexorable, Chronique d'une mort annoncée, Gabriel García Márquez nous raconte le meurtre, préparé dans les détails, du personnage principal, Santiago Nasar. Tous les habitants d'une petite ville d'Amérique du Sud connaissent le projet des assassins. Pourtant, personne n'empêchera la mort d'un homme. Les uns l'attendent avec impatience, d'autres sont témoins indifférents, mais rien n'empêchera l'aboutissement du crime.
    M. Jean Dionis du Séjour. Si, Christian Bataille ! (Sourires.)
    M. Christian Bataille. Certes, l'histoire, somme toute devenue banale en Europe, de la privatisation du gaz et de l'électricité n'a pas forcément la dimension d'une tragédie, sud-américaine ou grecque, aux forts accents symboliques. De plus, même si la libéralisation des marchés énergétiques est, à court terme, inéluctable, la fin de l'histoire n'est écrite nulle part. Et je suis persuadé, avec l'ensemble du groupe socialiste, que, après bien des errements politiques, bien des concessions au marché et à l'air du temps, c'est l'intérêt public, l'esprit de service public et l'intérêt général qui finiront par l'emporter.
    Nous voudrions pourtant une dernière fois vous exhorter, vous convaincre de nous épargner une expérience libérale aussi funeste qu'inutile pour notre économie. L'histoire récente le démontre : le libéralisme, la privatisation ne sont que des théories de papier. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Dans la pratique, elles n'ont jamais fonctionné...
    M. Jean Dionis du Séjour. Alors que le communisme fonctionne !
    M. Christian Bataille. ... et se sont soldées par des échecs coûteux pour les finances publiques.
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur. Dire cela après avoir tant privatisé !
    M. Christian Bataille. Le libéralisme théorique que le parti des exagérés, parmi vous, revendique, n'est pas la réponse globale, l'autre vision du monde, la clé miraculeuse qui ouvrirait les portes d'un avenir radieux. Cela n'a jamais marché, mais vous, votre gouvernement, votre majorité continuez quand même, comme si vous vouliez confirmer par l'absurde l'adage qui veut que l'on ne change pas une tactique qui perd. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Patrick Ollier, président de la commission. On a vu cela il y a six mois !
    M. François Brottes. Ça dérange !
    M. Christian Bataille. Je vais donc m'exprimer sur les services publics en général, sur le gaz et sur l'électricité en particulier, puisque le texte que vous nous soumettez aujourd'hui annonce une politique que vous revendiquez et que vous allez développer dans la période à venir. Je vous démontrerai que ce projet est contraire à la Constitution de la République, à sa lettre et à son esprit, tant en matière économique et sociale qu'en matière d'indépendance nationale.
    Notre actualité est émaillée d'informations sur les mouvements sociaux et financiers, concernant La Poste, France Télécom, Air France, toutes entreprises relevant encore aujourd'hui - mais pour combien de temps ? - du service public.
    M. Hervé Novelli. Pas longtemps !
    M. Christian Bataille. Ce projet de loi, qui concerne Gaz de France et Electricité de France, n'est donc pas un texte économique neutre, mais bien un texte politique, qui concerne le service public, sa confrontation avec la réalité européenne libérale et, finalement, son existence même.
    La notion française de service public peine à trouver une traduction européenne. Les exigences du service universel ou les services d'intérêt général ne sont que des versions affadies, à la sauce libérale, d'une notion forte qui est au coeur de la réalité républicaine. Cette différence d'approche trouve certainement son origine dans une différence de conception de ces services, perçus en France comme des instruments de justice sociale au service d'usagers-citoyens, et compris, au niveau communautaire comme des moyens d'offrir des prestations marchandes efficaces à des clients-consommateurs.
    La préférence accordée à cette dernière approche explique la soumission croissante des services publics à des obligations concurrentielles qui ne reflètent pas leurs fonctions singulières. La libéralisation partielle a surtout concerné jusqu'à présent les grands services publics économiques, dans les secteurs de la poste ou des télécommunications, des transports, de l'énergie. Les règles communautaires de concurrence, en vertu de l'article 86 du traité de l'Union européenne, s'applique en principe aux services publics d'intérêt économique général. Cependant, ces derniers ne constituent, malheureusement, qu'une catégorie particulière au sein des services d'intérêt général, qui comprennent aussi des services non économiques - système éducatif, protection sociale... - et des fonctions régaliennes - sécurité, justice, diplomatie... -, pour lesquels une libéralisation partielle n'est malheureusement pas exclue à l'avenir, compte tenu des débats en cours à l'OMC. Le pire est toujours à craindre.
    Pour nous en tenir aux services d'intérêt économique général, il faut considérer leur importance politique. Les services publics sont au coeur de notre modèle de société et concourent à notre cohésion nationale. Leur qualité n'a plus à être démontrée ; l'attachement de nos concitoyens à leur égard en témoigne avec éloquence. Ce constat, hier jugé archaïque par les partisans du marché, est aujourd'hui de plus en plus partagé. Il est clair, désormais, que l'heure de la libéralisation forcenée est passée. De plus en plus, les citoyens en France, en Europe et dans le monde, demandent des services économiques soucieux de l'intérêt général. Ils ne se satisfont pas de la conception communautaire qui ne prend en compte que l'intérêt du consommateur et s'inscrit dans les règles de la concurrence, au regard desquelles l'organisation des services d'intérêt économique général doit être aussi peu dérogatoire que possible.
    Le service public, irréductible à la seule perspective économique, procède d'une philosophie éminemment républicaine, qui est à la fois politique et sociale. En son coeur, on ne trouve pas le consommateur, mais le citoyen. La distinction n'est pas seulement un problème de vocabulaire : le citoyen, s'il est généralement un consommateur, a des préoccupations plus larges que la satisfaction de ses besoins économiques. Il se préoccupe également de cohésion sociale, d'indépendance nationale et d'aménagement du territoire.
    Il en va ainsi dans bien des domaines autres que l'énergie. L'actualité récente a porté sur les télécommunications. L'ouverture à la concurrence et l'ouverture du capital de France Télécom étaient considérées par la majorité de droite, en 1996, comme une source de profits et de développement. Le secteur des télécommunications a été le premier domaine dans lequel la Commission européenne a mis en application le concept de service universel. Cette notion a été largement imposée par la détermination de la France tenant à préserver les acquis de la théorie du service public face à une Commission européenne et à des partenaires européens tous acquis aux thèses libérales. Ces derniers s'étaient enfermés dans une logique d'harmonisation des prestations et de pure ouverture à la concurrence en s'en remettant aux vertus du marché pour dégager les meilleurs équilibres pour la société en matière de télécommunications.
    Face à Bruxelles, qui se contentait au départ d'imposer des formats « minima » de prestations de services pour éviter une concurrence déloyale, le concept de service universel pouvait ête perçu comme un radeau permettant de maintenir hors de la tourmente du marché les besoins élémentaires des populations. Comme nous l'avions déclaré à l'adresse du gouvernement de M. Juppé lors des débats qui ont eu lieu dans cette assemblée le 9 mai 1996, dans votre esprit - et c'est aussi l'esprit de votre texte, le « service public à la française », c'est-à-dire ouvert à tous dans des conditions d'égalité d'accès et de transparence, se réduit au seul « service universel », à savoir un minimum de prestations.
    Finalement, alors que nous avions un service public qui fonctionnait, nous avons fait l'expérience d'une ouverture du capital qui a appauvri beaucoup de petits actionnaires...
    M. Jean Dionis du Séjour. La faute à qui ?
    M. Christian Bataille. ... qui ont été abusés par la réputation de l'entreprise publique.
    Si France Télécom fonctionne bien sur le plan technique bien parce que ses salariés ont conservé une culture de service public, l'entreprise s'est considérablement endettée par des opérations de rachat trop coûteuses. De plus, la péréquation géographique se réduit comme une peau de chagrin et bien des secteurs ruraux de notre territoire restent non desservis pour le réseau de téléphonie mobile, ce qui induit une inégalité entre les citoyens.
    Le dernier épisode de cette histoire est en train de se dérouler sous nos yeux. Après l'ouverture du capital, l'Etat conservant, nous a-t-on dit, la majorité et donc le pouvoir de décision, on annonce cette fois la vente des actifs qu'il possède encore. Certes, cela fait plaisir aux doctrinaires libéraux, mais cela renfloue surtout les caisses de l'Etat. Pour financer les réductions d'impôts annoncées à grand fracas, on vend l'argenterie du ménage !
    Ce scénario est tout à fait prémonitoire de ce qui va se passer pour GDF et EDF : premier temps, ouverture à la concurrence ; deuxième temps, ouverture du capital, troisième temps, privatisation.
    J'en viens maintenant à ce qui concerne La Poste. Grâce à une transposition minimaliste de la directive, la France a pu préserver son service public postal. Il est intéressant de relever qu'en ce domaine la nécessité de mettre en place une autorité de régulation du marché indépendante ne se soit pas imposée. Les pouvoirs de régulation - délivrance des licences, contrôle du marché, fixation des prix - du service universel sont entièrement confiés au ministère chargé des postes sans que cela soulève de protestation de la part des opérateurs. On est en droit d'espérer que le service universel postal ne sera pas vidé de sa substance par le marché, comme dans d'autre secteurs.
    On peut observer toutefois que l'esprit de service public a changé et que La Poste a mis en oeuvre une politique d'économie de moyens, qui a malheureusement touché les secteurs ruraux et réduit parfois fortement le service qui était rendu jusqu'alors de manière équitable à toute la population.
    M. Jean Dionis du Séjour. Quel rapport avec les marchés énergétiques ?
    M. Christian Bataille. En ce qui concerne le contrôle aérien, une inspiration toujours dogmatique libérale a conduit la Commission européenne à proposer une démarche de libéralisation progressive similaire à celle qui a été appliquée dans les secteurs des télécommunications ou des transports collectifs. Une telle approche était inacceptable car le contrôle aérien constitue un service qui met directement en jeu la sécurité des citoyens. On ne pouvait donc ouvrir à la concurrence, voire à la privatisation, un tel secteur. En définitive, Bruxelles a décidé que le choix des opérateurs demeurerait national et que, dans ce cas, les activités pourraient continuer à relever du service public. La réticence exprimée depuis trois ans par la France ainsi que l'action syndicale ont empêché une ouverture à la concurrence des prestations liées au contrôle aérien.
    Ces quelques exemples ont permis de décrire le contexte. J'en viens maintenant au cas du gaz et de l'électricité.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ah ! Enfin !
    M. Christian Bataille. Vous nous soumettez, madame la ministre, un texte dont l'objet devait être limité à la transposition de la directive européenne Gaz. Celle-ci, qui demande l'ouverture à la concurrence du marché du gaz pouvait être transposée a minima et nous pouvions continuer à marquer notre préférence pour le service public. Personne n'est dupe de votre stratégie. Votre texte dissimule - mal, d'ailleurs - une offensive contre le service public du gaz, qui va déstabiliser GDF ainsi qu'EDF du fait de dispositions concernant l'électricité introduites par le Sénat.
    Compte tenu de la politique d'achat de Gaz de France, la libéralisation supposée de l'achat et de la revente de gaz est une imposture. En effet, l'action la plus sensible de la société nationale Gaz de France est d'abord l'achat de gaz à l'étranger. Or les principaux vendeurs de gaz auprès desquels s'approvisionne Gaz de France offrent, à leurs échelles respectives, des produits d'Etat : Gazprom en Russie, Sonatrach en Algérie, et même Statoil en Norvège. Ce n'est donc pas l'exploitation réalisée à l'étranger par des entreprises d'Etat qui va être libéralisée, mais la distribution en France de ces produits. Jusqu'à présent, contrairement à ce qui est parfois affirmé, Gaz de France avait la taille suffisante pour négocier ses achats de gaz. L'entreprise publique fait profiter la collectivité nationale de cette position puisqu'elle vend aux industriels et aux clients domestiques à un prix raisonnable et presque équivalent sur l'ensemble du territoire. Il est à craindre que cela ne soit plus le cas et que les clients industriels, et eux seuls, bénéficient de façon disproportionnée de rabais tarifaires au détriment des clients domestiques et même des PME, et que les tarifs deviennent très inégaux selon les territoires.
    Par ailleurs, nous allons dépendre beaucoup plus des marchés « spot », soumis à des effets d'accordéon résultant d'une politique libérale d'achats de court terme, alors que, jusqu'à présent, les contrats gaz avaient créé des relations durables et de long terme avec les pays producteurs de gaz. Cette coopération permettait souvent à ces derniers d'anticiper et de sécuriser leurs investissements.
    Les ressources proches en mer du Nord risquent de s'épuiser d'ici à une vingtaine d'années. Nous dépendrons alors de sources plus lointaines, d'approvisionnements hasardeux par des entreprises privées, alors que l'entreprise GDF, adossée à l'Etat, gérait très bien, à elle seule, ce rapport aux approvisionnements étrangers. En somme, ce projet de loi livre notre stratégie énergétique de long terme aux calculs boursiers que les entreprises vont faire sans considérations géostratégiques.
    L'effet le plus sensible de cette libéralisation sera finalement de peser sur les marges par la probable remise en cause du statut de 1946 dont bénéficient les salariés. Ce statut, objet de toute l'animosité du MEDEF, loin de représenter une inégalité à l'intérieur du monde du travail, a au contraire une fonction de référence qui tire vers le haut l'ensemble des salariés. Le gaz fourni sera toujours le même et dépendra toujours du prix mondial mais, en rognant sur les salaires, on fera croître les marges des actionnaires.
    Le projet prévoit que les sites de stockage seront accessibles aux opérateurs concurrents comme s'il ne s'agissait que d'installations accessoires au réseau, dont le propriétaire pourrait être légalement tenu de partager les capacités. La réalité de la distribution gazière contredit une telle perception. En outre, les sites de stockage sont généralement réalisés au prix d'investissements extrêmement lourds. En France, le contexte géologique renchérit encore les coûts de construction de tels sites. Enfin, s'il est exact que certains impératifs de consommation entraînent une certaine fluctuation de la demande de nombreux clients importants, notamment industriels, des modes de distribution modulés sont praticables et n'exigent pas nécessairement la mise en oeuvre d'un stockage de précaution de la part du fournisseur. En conséquence, le fait qu'un opérateur concurrent ait accès au réseau existant ne devrait pas lui donner automatiquement accès aux capacités de stockage.
    Y aura-t-il toujours un service du gaz partenaire des communes ? Jusqu'à cette date de fin 2002, Gaz de France a renforcé, à la satisfaction des communes concernées, son partenariat avec les collectivités territoriales. La grande entreprise publique a ainsi participé de façon notoire à l'équipement des communes et des usagers, y compris dans beaucoup de secteurs les plus défavorisés. On peut craindre que la recherche nouvelle d'un retour rapide sur investissement ne conduise à l'abandon de cette politique de cohésion nationale. France Télécom, qui est en voie de privatisation, fournit - hélas ! - un exemple négatif en laissant à la charge des communes les frais d'effacement des réseaux, sans subvention, comme précédemment.
    Il est à craindre que Gaz de France privatisé ou tout autre investisseur privé n'obéisse à la même logique.
    Enfin, la sécurité des canalisations, et surtout des stockages, doit relever d'une politique de long terme pour les réserves stratégiques et de sécurisation des installations, qui impose que priorité soit donnée à la sécurité par rapport au profit. L'entreprise publique est la mieux placée pour apporter les garanties nécessaires en ce domaine.
    En définitive, si l'ouverture à la concurrence résulte des engagements pris par notre pays, la privatisation que vous voulez et qui est au coeur de votre politique n'est nullement nécessaire. Elle est même dangereuse pour un marché qui reste instable.
    Le titre même de votre projet de loi, « Marchés énergétiques », indique bien l'ambiguïté d'un texte qui concerne aussi largement l'électricité que le gaz.
    Sans doute en accord avec votre majorité UMP du Sénat, avez-vous préféré la technique du saucissonnage des textes : la libéralisation du marché du gaz par le Gouvernement, l'ouverture à grande échelle du marché de l'électricité par le Sénat. Cela relève d'une stratégie de paliers qui ne trompe personne comme ne trompera personne le titre VII du projet de loi intitulé : « Dispositions relatives au service public de l'électricité », alors que, dans les dix-sept articles relatifs à l'électricité, vous ne parlez à aucun moment du service public. Pour être plus sincères peut-être auriez-vous dû l'intituler « Dispositions relatives à la privatisation de l'électricité ». Pas plus que les élus du groupe socialiste, les salariés ne sont trompés par ces ruses. Ils se sont rassemblés massivement dès le 3 octobre pour protester contre la privatisation.
    Pour bien comprendre l'évolution que vous faites subir à notre législation électrique, il est intéressant de réexaminer la loi du 10 février 2000, dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur.
    L'électricité a longtemps été tenue à l'écart du processus de mondialisation et de libéralisation de l'économie. Pour tous, pouvoirs publics, producteurs, distributeurs, consommateurs industriels, ménages, l'énergie en général et les énergies de réseau en particulier ne pouvaient être considérées comme un bien ordinaire. Jusqu'aux années 1970, les acteurs économiques se sont félicités de voir l'électricité échapper à la « main visible » du marché. Progressivement, cette unanimité a disparu : le choc pétrolier de 1973 a abouti, selon les pays, à des évolutions contraires. En France, il a conforté l'Etat. Le gouvernement de l'époque, celui de M. Messmer, s'est affirmé dans sa mission de pilote de la politique énergétique avec le lancement du programme électronucléaire. Dans d'autres pays, tels les Etats-Unis, ce choc pétrolier a révélé les dysfonctionnements des marchés intérieurs et donné le départ d'un mouvement de déréglementation qui a fini par atteindre la France vingt ans plus tard. Nous n'en avons d'ailleurs pas fini !
    A partir de la fin des années 1970, le libéralisme parfois le plus radical avance ses pions, tant à Washington qu'à Londres ou Bruxelles, parvenant dans un premier temps à banaliser le bien « électricité », puis, dans un second temps, à enclencher des mécanismes économiques et politiques permettant à la déréglementation de faire tache d'huile et d'ouvrir progressivement la quasi-totalité des marchés.
    L'électricité est-elle un bien comme un autre ? Les principaux pays ont été contraints par la force des événements à lui conférer un statut particulier. Elle est devenue rapidement un bien vital pour l'économie et les citoyens. Elle est un bien de première nécessité, de par ses nombreuses usages pour les particuliers, à commencer par l'éclairage.
    En matière économique, la production d'énergie structure l'activité, modèle le paysage économique et joue ainsi le rôle de catalyseur du progrès et d'aménageur de l'espace.
    L'électricité est aussi, pour la nation, un élément essentiel de son indépendance. Elle influe de manière déterminante sur la politique énergétique puisque toutes les énergies primaires, fossiles, nucléaires ou renouvelables peuvent concourir à sa production. C'est en se fondant sur une conscience aiguë du rôle stratégique de l'électricité qu'ont été lancés en France le programme hydroélectrique dans les années 1930 et le programme nucléaire des années 1970.
    Enfin, l'électricité et sa production posent des problèmes environnementaux. Les centrales thermiques génèrent des gaz à effet de serre. Les centrales nucléaires posent le problème du stockage et de la gestion des déchets. Les infrastructures de transport et les champs d'éoliennes constituent autant d'agressions à l'harmonie des paysages et à leur tranquillité.
    Nos concitoyens perçoivent pratiquement l'électricité comme un bien inépuisable et universel. Les esprits sont aujourd'hui perturbés en grande partie parce qu'elle apparaît depuis longtemps comme partie intégrante du service public. Organisée autour d'Electricité de France, l'électricité répond aux grands principes de service public.
    Le principe de continuité interdit toute rupture dans le fonctionnement du service. La stabilité des prix, la qualité du service rendu aux usagers, la rareté des coupures et, plus généralement, la conduite d'un programme électronucléaire garant de la sécurité de nos approvisionnements électriques procèdent, à des titres divers, de ce principe. De ce point de vue, notre programme nucléaire peut être considéré comme consubstantiel du service public lui-même.
    M. Jean Dionis du Séjour. Ah ? Nouveau mot !
    M. Pierre Ducout. Non, il n'est pas nouveau !
    M. Christian Bataille. Le principe d'universalité trouve en particulier sa traduction dans l'obligation de fournir tous les usagers qui le demandent Il est quasiment né avec le développement de l'énergie électrique, puisque les cahiers des charges des concessions mises en place par la loi du 15 juin 1906 le prévoyaient déjà.
    Le principe de mutabilité impose au service public de s'adapter à la demande et aux circonstances, ce qui implique - entre autres - pour le concessionnaire du réseau l'obligation d'assumer les travaux d'extension et de renforcement dudit réseau. C'est en application de ce principe d'adaptation, dont la mise en oeuvre est décidée unitaléralement par l'Etat, qu'a été engagé le programme électronucléaire et qu'a abandonné l'éclairage public au gaz par les villes, alors que le service était municipal.
    Enfin, le principe d'égalité se traduit par la péréquation des tarifs mais se prolonge également dans la facilité d'accès au service qu'assurent par la modicité des tarifs et par les dispositions particulières prises en faveur des personnes en situation précaire. Aujourd'hui, contrepartie du monopole, les tarifs sont fixés par l'autorité de tutelle selon des critères permettant d'équilibrer les comptes d'EDF cependant signalons que, dès 1905, le législateur avait pris en compte la nécessité de lutter contre des pratiques prohibitives en prévoyant des clauses de prix maximal dans les cahiers des charges des concessions.
    L'électricité est également un bien soumis à des contraintes techniques et économiques particulières.
    Sa nature de bien social par excellence, aurait pu inciter les pouvoirs publics à soustraire l'électricité au jeu du marché. Mais, au-delà des considérations liées au bien-être des citoyens, au progrès, à l'indépendance nationale et à la protection de l'environnement, l'attention des pouvoirs publics a été attirée par la puissance montante de grands groupes capitalistiques, favorisant concentration et formation de monopoles.
    L'électricité est un produit qui ne se stocke pas. Cette situation de « non-propriété » implique, pour tout producteur, une adéquation permanente de l'offre à la demande. Or celle-ci peut fluctuer énormément selon les périodes. Les compagnies électriques sont donc obligées de détenir des parcs de centrales, soutenant la demande en base, auxquelles s'ajoutent d'autres équipements, intervenant dans les périodes de pointe. Il faut donc, pour répondre à la demande, un éventail d'ouvrages de base, de semi-base et de pointe, qui fonctionnent rarement en même temps. C'est dire au passage le danger que représenterait une part trop grande accordée aux marchés « spot », car les équipements de production d'électricité nécessitent un apport capitalistique important.
    L'effet classique du développement des industries de réseau est d'aboutir à l'émergence de monopoles naturels sur les aires d'intervention des opérateurs.
    Dans tous les pays industrialisés, le développement du secteur électrique a suivi une évolution analogue. A l'origine, l'électricité était laissée au secteur privé, dans un paysage extrêmement fragmenté. L'explosion de la demande, la rationalisation de la production, l'accroissement de la taille des centrales ont conduit à un mouvement de concentration, dès les années 30, avec l'apparition de groupes intégrés. Le désir des pouvoirs publics de contrôler le secteur électrique, ajouté aux nécessités de la reconstruction, a favorisé la prise de contrôle par l'Etat. Le Plan et son « ardente obligation » exprimèrent cette ambition.
    Ce modèle néocolbertiste s'est trouvé renforcé par les prodigieux efforts d'équipement hydroélectrique et nucléaire rendus nécessaires.
    Pour toutes ces raisons, politiques, techniques, économiques, l'électricité est longtemps apparue comme ce que certains appellent « une zone d'échec au marché ».
    A l'inverse de cette approche spécifique, l'approche européenne a banalisé l'électricité, qui n'entre que très peu, à l'origine, dans le droit européen. Ce laconisme est confirmé par l'Acte unique, en 1985, et par la décision d'ouverture du marché intérieur en 1993. Le traité de Maastricht, lui-même, n'en parle que d'une manière vague et non prioritaire. Ces silences doivent aujourd'hui s'interpréter comme le refus de mener une véritable politique énergétique commune et comme la preuve que les biens énergétiques, et donc l'électricité, ne doivent pas faire l'objet d'un traitement spécifique. Le gaz et l'électricité ont été considérés comme des marchandises relevant du droit à la concurrence. Pour Bruxelles, l'ouverture des marchés est une obligation qui n'a pas pour corollaire la définition d'une politique commune de l'énergie. On ne peut que le regretter.
    Cette situation a conduit à une « banalisation juridique » du courant électrique, n'excluant toutefois pas la reconnaissance de la spécificité du secteur de l'électricité par la Cour de Luxembourg.
    Ces considérations ont par ailleurs conduit à une banalisation économique de l'électricité, tout d'abord par la traduction du phénomène de mondialisation qui explique qu'EDF, anticipant dès 1990 sur une hypothétique ouverture à la concurrence, ait engagé des capitaux considérables dans ses investissements à l'étranger. Ce développement international a ensuite servi d'argument à ceux qui demandaient à la France d'ouvrir son marché à la concurrence. Il faut souligner, ces dernières années, les importants efforts d'interconnexion des réseaux du Vieux Continent et la progression des échanges d'électricité.
    Dans le même temps, l'électricité étant un élément essentiel des coûts de production, les clients industriels en quête de rentabilité, n'admettent plus de ne pas pouvoir faire jouer la concurrence sur la fourniture de courant électrique. Pour certaines activités fortement consommatrices - métallurgie, sidérurgie, industrie papetière - la notion de client captif tend à devenir intolérable. Ce n'est pas la demande citoyenne, la demande des consommateurs domestiques, mais bien la pression des industriels aux Etats-Unis et en Europe qui a joué un rôle non négligeable en faveur de la déréglementation. L'avenir proche, j'en suis persuadé, démontrera en France, comme cela a été fait aux Etats-Unis, que la volonté de faire baisser les coûts est illusoire et risque d'être une erreur funeste conduisant à un marasme total sur le marché de l'électricité.
    Si nous marchons vers la libéralisation, c'est donc parce que l'Europe considère l'électricité comme un bien ordinaire.
    Après une phase de consensus jusqu'en 1989, la politique européenne de l'électricité a connu bien des aléas. On se souvient de la tentative de passage en force de la commission en 1991 sous la houlette de M. Leon Brittan, commissaire européen à la concurrence. Cette tentative s'est conclue par une marche arrière de la Commission et par une réhabilitation des obligations de service public à l'initiative du Parlement européen.
    La nouvelle mouture du projet de directive présentée en février 1994 reconnaissait que le secteur électrique peut, en raison des missions d'intérêt économique général qui lui incombent, échapper partiellement au droit commun de la concurrence. Le débat s'est concentré sur la définition des missions d'intérêt économique général et a porté sur les impératifs liés à la sécurité d'approvisionnement. La prise en compte de la proposition française d'acheteur unique, en alternative au système ATR - accès des tiers au réseau - suscita l'espoir de sauvegarder le système français.
    Hélas ! le 22 mars 1995, la Commission assortit la mise en oeuvre d'un marché de l'électricité de conditions telles qu'elle vida de son sens la proposition française d'acheteur unique.
    Toutefois ! la Commission a retenu la notion de planification et même l'expression « service public ». Il faut souligner que le conseil des ministres de l'énergie de juin 1996 fut décisif pour l'adoption de la directive électricité aboutit le 19 décembre 1996, et qui a été transcrite dans les différents Etats membres, notamment en France par la loi du 20 février 2000.
    Cette directive propose une ouverture limitée du marché qui nous impose à ce jour 30 % d'ouverture à la concurrence. Elle ne concerne donc que les clients éligibles, c'est-à-dire les plus gros consommateurs. Elle retient la notion d'obligation de service public, admet le principe de subsidiarité, mais limite néanmoins la marge de manoeuvre des Etats membres.
    Pour en terminer avec ce rappel historique, je veux rappeler que l'échange entre la majorité de droite du Sénat et la majorité de gauche de l'Assemblée avait révélé des points de clivage intéressants quant à la sécurité d'approvisionnement et l'indépendance énergétique et quant la péréquation tarifaire.
    La loi avait précisé le rôle de la commission de régulation de l'électricité, qui est, pour l'essentiel, de réguler de l'accès à l'usage des réseaux. Encore aujourd'hui, nous voulons réaffirmer que la définition de la politique énergétique appartient au pouvoir politique, expression du suffrage universel, et non pas à une autorité dite indépendante et devenant un ministère bis de l'énergie.
    Il faut, à mon sens, continuer à s'interroger sur cette conception de type anglo-saxon qui consiste à confier à un collège extérieur la détermination de choix politiques qui relèvent de l'exécutif. La mise en oeuvre de cette loi de 2000, malgré la possibilité d'un accès pour les concurrents d'EDF à 30 % du marché, a d'ailleurs démontré la solidité de notre service public, puisque celui-ci n'a cédé à la concurrence que 5 % de son marché, malgré un réel caractère concurrentiel.
    M. Jean Dionis du Séjour. Donc, ça marche !
    M. Christian Bataille. Cela est très supérieur au cas allemand, qui, malgré ses 100 % d'ouverture théorique, n'a cédé à la concurrence que 2 % de son marché.
    Deux enjeux politiques nous semblent essentiels, quelle que soit l'évolution dans le domaine de l'électricité. Et les socialistes seront particulièrement vigilants en ce qui concerne la desserte de tout le territoire, sans discrimination ainsi que la péréquation des tarifs. Ces deux principes sont incontournables et je ne peux vous dissimuler ma crainte de les voir sacrifiés par la libéralisation et la privatisation.
    L'aménagement du territoire en matière d'électricité est désormais un fait acquis. Il est l'expression de la volonté de développer les territoires densément peuplés ou peu peuplés, faciles d'accès ou non, proches ou éloignés des lieux de production. Une politique qui laisserait au marché concurrentiel les secteurs les plus rentables, qui se trouveraient ainsi les mieux équipés, serait une politique inéquitable qui aggraverait le risque de voir s'instaurer une France à deux vitesses.
    La péréquation des tarifs est l'expression de la solidarité entre tous les Français et entre toutes les catégories de consommateurs, industriels et domestiques. Elle ne peut se pratiquer que sur une large échelle, et le découpage entre les fonctions de production, de transport et de distribution auquel vous allez ajouter la dispersion entre entreprise publique et entreprise privée, ou encore, au nom d'une conception de la décentralisation que nous ne partageons pas, la séparation en régions, mettra la péréquation en péril. Chaque Français qui paie son courant au même tarif : voilà un symbole fort qui ne peut être remis en question !
    M. Jean Dionis du Séjour. Mais il ne n'est pas !
    M. Christian Bataille. Le problème de la sécurité des installations nucléaires et de la gestion des déchets nucléaires est incontournable. On ne peut imaginer une industrie privatisée dans laquelle ces deux dossiers seraient soumis à la loi de la concurrence et du profit, qui conduit inéluctablement à rogner sur la sécurité pour augmenter les marges. De plus, l'accès à la technologie nucléaire doit continuer à être contrôlé et maîtrisé par les Etats.
    M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !
    M. Christian Bataille. On vérifie, à notre désavantage collectif, sur les côtes espagnoles, en ce moment même, les dérives auxquelles peut conduire la recherche du profit maximum au détriment de la sécurité et du respect de l'environnement.
    M. Jean Dionis du Séjour. Amalgame !
    M. Christian Bataille. Pour toutes ces raisons, la production d'électricité nucléaire doit continuer à être assurée par l'Etat, la puissance publique étant le meilleur garant de la sécurité des citoyens.
    Pour conclure sur la situation de l'électricité, on constate qu'à la loterie des directives, l'Europe du ciel ou de la poste aura eu finalement plus de chance que l'électricité ou le gaz. Un jour prochain, on pourra peut-être dire que le libéralisme a gagné le combat des directives électricité. Toutefois, je crains que ce ne soit une amère victoire pour vous, car le choix que vous voulez nous imposer - l'Europe ou le service public - risque de laisser des traces durables dans notre peuple, qui pourra penser que nous n'avons pas eu l'Europe sociale mais que nous avons eu l'Europe des privatisations. Si cela devait être le cas, craignez que votre obstination libéralisatrice ne débouche sur une perte de confiance durable dans la construction européenne. Ce serait une catastrophe car, sans la confiance des peuples, l'Europe n'a pas d'avenir.
    M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !
    M. Christian Bataille. Pourquoi nous opposons-nous à votre texte en ce qui concerne l'élection cité.
    Vous avez subrepticement introduit, à partir de l'article 20, des dispositions qui vont modifier le marché de l'électricité bien plus que la loi ne le fait pour le marché du gaz. Ce jour, rien ne nous oblige à aller au-delà de l'ouverture à la concurrence d'une part d'un tiers environ de notre marché. Pourtant, vous anticipez, sans aucune raison, sur les directives européennes à travers l'article 20 octies en disant : « Le seuil est défini de manière à permettre l'ouverture du marché national de l'électricité à l'exclusion des clients domestiques. » Cela signifie que vous allez doubler le degré d'ouverture au niveau de plus des deux tiers. Pourquoi ? Rien ne le justifie, si ce n'est votre hâte à aller vers l'ouverture totale du marché et du capital, et donc d'arriver aux conditions de la privatisation dont tout le monde parle, mais que personne ne veut avouer, pour reprendre la métaphore que j'ai utilisée dans mon introduction.
    Avec un service public national fort, la France est, parmi les grands pays industrialisés, un pays qui reste particulier. La cohésion d'EDF fait son unité et sa force. Il peut être utile de comparer la situation de la France avec les expériences des autres pays. Je ne retiendrai que quelques exemples.
    Le cas allemand est intéressant, car l'Allemagne a réclamé et obtenu une libéralisation que la France ne souhaitait pas. S'est-elle appliquée ce principe ? Oui, en apparence. A-t-elle ouvert son marché à la concurrence étrangère ? Non, de toute évidence. Si on regarde la carte des opérateurs électriques en Allemagne, on constate que le paysage est très morcelé. Les opérateurs, souvent des collectivités territoriales, peuvent faire appel à des prises de participation publiques ou privées.
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Tout cela n'a aucun rapport avec la Constitution !
    M. Christian Bataille. Cependant, ces collectivités ont le souci de conserver une maîtrise des entreprises de production ou de distribution d'électricité.
    Dans la réalité, le marché allemand reste fermé, car les concurrents étrangers n'ont pas accès aux multiples appels d'offres ouverts à la concurrence d'une manière plus apparente que réelle. L'Etat fédéral a des difficultés à définir une politique énergétique, et voit son action limitée à la législation et aux subventions.
    M. Jean Dionis du Séjour. Il y a de la lumière, tout de même !
    M. Christian Bataille. Législation de limitation de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires, qui s'appliquera dans de nombreuses années. Subventions aux charbonnages, pour encourager l'utilisation du charbon et du lignite dans la production d'électricité. On le voit, si l'Allemagne sait s'organiser pour fermer son marché, elle n'a pas véritablement de stratégie énergétique, et on peut se demander comment elle pourra réduire son effet de serre, vu le niveau élevé de consommation de charbon dans la production d'électricité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Dionis du Séjour. Que font donc les Verts en Allemagne ?
    M. Christian Bataille. Le deuxième cas connu est celui de la Grande-Bretagne. C'est l'exemple même de l'échec de la mise en pratique des théories libérales. N'oublions pas que c'est un commissaire britannique, M. Leon Brittan, qui, le premier, a voulu libéraliser en force le marché de l'énergie, il y a une dizaine d'années. Il aurait mieux fait de réfléchir dès cette époque aux difficultés spectaculaires que rencontrait dans son propre pays la libéralisation dans divers domaines correspondant à des services publics démantelés.
    Les tenants du libéralisme n'aiment pas qu'on leur remémore le naufrage de la privatisation de British Railways dans le domaine ferroviaire. Pourtant, le gouvernement anglais a réussi la rare performance de transformer un service public qui fonctionnait en une série d'entreprises privées qui ne fonctionnaient plus, avec des trains qui arrivent en retard, qui déraillent, et des bilans financiers en déficit considérable (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Alain Bocquet. On peut être fiers de la SNCF !
    M. Christian Bataille. ... aboutissant à la nécessité, pour les pouvoirs publics, de reprendre les choses en main. L'opérateur ferroviaire Railtrack a dû faire l'objet d'un plan de sauvetage. Il a été transformé, il y a un an, en société à but non lucratif, rebaptisée Network Rail.
    Ces derniers temps, c'est British Energy, compagnie privée d'énergie nucléaire, qui illustre l'échec du modèle libéral de production d'électricité en Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique a dû lui apporter, avec l'accord de Bruxelles, une aide considérable de 1,5 milliard d'euros.
    Comme l'indique le journal Le Monde du 30 novembre dernier, « les difficultés de British Energy, qui appartient désormais quasiment au service public, soulignent le fiasco des dernières privatisations de l'ère Thatcher-Major : le chemin de fer et l'électricité ». Toutefois, pour faire politiquement bonne mesure, ce quotidien ajoute : « British Energy subit le contrecoup du processus de libéralisation du marché de l'électricité engagé depuis 1997 par le gouvernement Blair. » Cette crise est le résultat de la guerre des prix que se livrent en toute anarchie les producteurs d'électricité et qui se traduit par des difficultés pour tous les producteurs.
    Pour diversifier nos exemples, nous allons observer, de l'autre côté de l'Atlanque, le cas du Québec et celui des Etats-Unis.
    M. Jean Dionis du Séjour. Et la Russie soviétique ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission. Et la Constitution, monsieur Bataille ?
    M. Christian Bataille. Au coeur du continent nord-américain, Hydro-Québec offre un parfait contre-exemple d'une entreprise publique qui fonctionne bien et livre à ses 4 millions de clients, dont 13 000 industriels, un savoir-faire reconnu, une électricité abondante, à un tarif raisonnable. Hydro-Québec a une politique de long terme en matière d'hydroélectricité grâce à sa capacité d'investissement. Le marché québécois est certes ouvert à la concurrence, mais l'entreprise n'a pas de compétiteur réel. Hydro-Québec est une entreprise d'Etat que la population considère comme patrimoine national, et aucun gouvernement ne courrait le risque politique de la privatiser.
    Aux Etats-Unis enfin, on a trop peu parlé à mon sens des difficultés d'une conversion libérale qui a transformé des entreprises publiques relevant des Etats ou des collectivités en entreprises privées. Ces entreprises, uniquement préoccupées par le marché de l'énergie au jour le jour, n'ont pas modernisé et adapté leur système de production, et ont conduit à une compétition dangereuse qui a abouti dans certains Etats à une pénurie provoquant des pannes d'électricité, des coupures de courant, le rationnement de la consommation. L'exemple de la Californie est le plus connu. Au pays de la Silicon Valley, le courant électrique est devenu une denrée rare.
    M. Jean Besson. Il ne faut pas exagérer !
    M. Christian Bataille. Il faut ajouter que, contrairement à ce qui était avancé, la déréglementation n'a pas fait baisser les prix, puisque les compagnies électriques maîtresses du jeu ont voulu raréfier l'offre d'électricité pour faire monter les prix payés par le consommateur.
    M. Jean Dionis du Séjour. Ça, c'est vrai...
    M. Christian Bataille. On ne peut achever de peindre le tableau américain sans évoquer la faillite dramatique d'Enron, le licenciement de ses salariés et la ruine des fonds de pension de retraite, qui prive des milliers de salariés de leur droit à la retraite. On ne saurait trop répéter que les fonds de pension sont un errement vers lequel la France et EDF ne doivent pas se laisser aller.
    M. Yves Bur. On change de débat !
    M. Christian Bataille. Ces quelques exemples indiquent combien la réflexion s'impose pour préserver un système électrique français qui s'équilibre et qui fonctionne. Comme le disent certains commentaires, pourquoi abandonner un système qui marche pour lui substituer un système qui n'a pas fonctionné dans d'autres pays ?
    Si la France veut rester un grand pays, une politique d'indépendance de ses approvisionnements est essentielle.
    La planification des investissements et le choix du long terme contre le court terme s'imposent en matière énergétique. La France a toujours privilégié cette politique. Comme je l'ai déjà dit, nous bénéficions aujourd'hui d'investissements hydroélectriques réalisés il y a plus de cinquante ans et d'investissements électronuclaires réalisés depuis une trentaine d'années. La recherche du profit immédiat, le choix d'investissements à temps de retour bref, l'aventure libérale en somme exposeront la France à un changement complet de politique énergétique.
    Notre pays risque de devoir s'approvisionner sur les marchés internationaux en achetant des quantités d'énergies primaires polluantes : charbon, pétrole, mais aussi gaz, qui produit, il faut le rappeler, de l'effet de serre.
    En matière hydroélectrique, nous sommes allés au plafond des possibilités de notre territoire et, par ailleurs, le renouvellement de notre parc de centrales suppose des investissements sur la longue durée, qui nécessitent la puissance de l'Etat, soucieux de l'intérêt général, de l'intérêt national, bien plus que les capitaux qui veulent du profit maximum à court terme.
    Dans un monde instable, aucun approvisionnement hors de la Communauté européenne, elle-même déficitaire, n'est sûr.
    Notre pays est indépendant pour plus de la moitié de ses besoins en énergie, dans le bilan énergétique global. Il faut maintenir au moins à ce niveau notre taux d'indépendance énergétique.
    Investir des sommes considérables dans notre politique de défense a un sens, mais quel sens cela conserverait-il si, dans le même temps, nous abandonnions au marché et à ses incertitudes notre indépendance énergétique acquise par une vision prospective et par l'effort de la collectivité nationale tout entière ?
    L'indépendance énergétique est aussi vitale pour notre pays que l'indépendance des armes.
    Mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je vous propose l'adoption de l'exception d'irrecevabilité car ce texte de loi heurte plusieurs principes qui ont rang de prescriptions constitutionnelles.
    Le premier de ces principes, je viens de le développer, est l'indépendance nationale.
    Il y a plus de seize ans que le Conseil constitutionnel a, le 25 juin 1986, donné son interprétation à propos de la loi autorisant le Gouvernement à privatiser par simple ordonnance. Il a fait du respect du principe de l'indépendance nationale un impératif incontournable et préalable à tout transfert de propriété du secteur public vers le secteur privé. Or on peut s'inquiéter des risques que fait peser ce projet de loi sur le respect de l'indépendance nationale en matière énergétique. La libéralisation du marché de l'énergie paraît difficilement compatible avec la sécurité d'approvisionnement, et donc la pérennité et la continuité du service public.
    Par ailleurs, faut-il rappeler que, si la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen protège le droit de propriété, le Conseil constitutionnel a, à plusieurs reprises, souligné que l'article 17 de la Déclaration, qui consacre le droit de propriété, ne concernerait pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques - décision de juin 1986 et de juillet 1994. Cela empêche le Gouvernement et le Parlement de dilapider le bien public et le service public pour des intérêts à court terme. Si l'on poursuit le parallélisme des formes empruntées par le juge constitutionnel, on pourrait même considérer qu'une atteinte à la propriété publique n'est imaginable, comme pour la propriété privée, que pour des motifs d'intérêt général. En la circonstance, ce n'est pas du tout le cas. C'est même le contraire, tant sont nombreux les exemples de dérégulation de services publics qui sont préjudiciables aux usagers.
    En dernier lieu, il faut souligner toute la portée du neuvième alinéa du Préambule de 1946 pour le secteur de l'énergie : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. »
    M. Yves Bur. Quel archaïsme !
    M. Christian Bataille. Il faut se rappeler que cet alinéa du Préambule de 1946, figurant en toutes lettres dans notre Constitution, était justifié par la nécessité d'assurer l'indépendance nationale et par la volonté d'empêcher la domination des trusts sur la vie économique et sociale. Cet alinéa a justifié a posteriori la nationalisation de l'électricité et du gaz notamment. Cependant, la loi du 8 avril 1946, comme l'a souligné M. Paul Ramadier,...
    M. Jean Dionis du Séjour. Ça nous rajeunit !
    M. Christian Bataille. ... rapporteur du projet de loi, n'avait pas pour objet de tout nationaliser mais seulement ce qui était nécessaire au fonctionnement du service public.
    Cette approche aboutit à la prise en charge par les services publics des grandes fonctions collectives. Il s'agit d'un élément fondamental pour l'organisation du développement économique du pays, mais aussi pour le renforcement du lien social, instrument de cohésion et de solidarité, et facteur de promotion de l'égalité. Toutes ces notions sont antinomiques avec la recherche du profit à court terme véhiculé par les tenants du libéralisme économique.
    Mes chers collègues, mon objectif a été de vous démontrer en quoi ce projet de loi conduit, de manière inévitable, à la privatisation des services publics. Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. De toute évidence, monsieur Bataille, nous ne lisons pas le projet de loi que je soumets ce soir à votre assemblée avec les mêmes lunettes. Je serais même tentée de dire que vous le voyez à travers un prisme déformant...
    M. Yves Bur. Et surtout à travers un rétroviseur !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... qui vous à même conduit, c'est un comble, à me reprocher d'avoir consacré un chapitre spécial à la défense du service public !
    Permettez-moi de vous dire que votre plaidoyer contre la libéralisation est archaïque. Fort heureusement, votre avis n'est pas forcément partagé. « Les ambitions de ce projet de loi sont fortes. Il s'agit tout d'abord d'introduire, de façon contrôlée et progressive, une concurrence dans le système gazier français, qui sera utile à sa dynamisation et permettra aux opérateurs français de participer au marché intérieur européen. » Peut-être pensez-vous que c'est moi qui m'exprime ainsi ce soir. Non, c'était M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie du gouvernement socialiste (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), le 29 mars mars 2001, devant le Sénat, lorsqu'il tentait de faire passer le projet de loi de transposition, que vous avez d'ailleurs contribué à bloquer.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est une phrase sortie de son contexte !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous le verrons lors des débats, mais je tiens à rappeler brièvement quelques points à cette heure tardive. L'Etat conserve la maîtrise de la politique énergétique, dans le domaine électrique, via les mécanismes de la loi 2000 que vous avez votée, et, dans le cas du gaz, par la procédure d'autorisation que nous mettons en place. La péréquation tarifaire, vous le savez fort bien, n'est en rien remise en cause, au contraire. Dans le cas du gaz, elle sera inscrite pour la première fois dans la loi.
    M. Jean-Louis Idiart. Quand on est social-libéral, on est social-libéral.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le caractère intégré des entreprises n'est en aucune manière entamé, ni par cette loi, ni par les directives européennes. Quant au stockage de gaz, vous avez bien lu le projet de loi : leur accès aux tiers n'est absolument pas prévu par ce texte. Pour toutes ces raisons, je considère que le texte proposé est un juste équilibre entre la concurrence et le service public.
    Aucun des arguments que vous avez soulevés ne me paraît fondé et, encore moins, ne constitue une cause d'irrecevabilité. La détermination du Gouvernement sera totale. Si la représentation nationale approuve ce projet de loi, nous conduirons résolument notre pays sur la voie du dynamisme économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Claude Lenoir. Je voudrais d'abord, puisque nous sommes rassemblés autour de Mme la ministre de l'industrie, exprimer notre émotion : nous venons d'apprendre que la fusée Ariane 5 n'a pas réussi le lancement qui était organisé ce soir et que le lanceur, malheureusement, est perdu. Je pense qu'il y a des moments où l'Assemblée peut être unanime. Nous sommes nombreux ici à appartenir au groupe parlementaire sur l'énergie. Nous avons reçu cette information avec une immense tristesse et nous voulons simplement exprimer notre sympathie au personnel des organismes et industries de l'espace, et leur manifester toute notre confiance.
    J'en viens à l'exception d'irrecevabilité.
    Pour quelqu'un qui serait arrivé parmi nous il y a quelques instants et aurait écouté Christian Bataille, l'étonnement serait extrême. Quel paradoxe ! Nous sommes ce soir en train d'examiner un texte qui transpose une directive signée par le gouvernement précédent. Nous, UMP et UDF, sommes en train de faire le travail que la majorité précédente n'a pas pu, pas su, ou pas voulu réaliser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas la même transposition !
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous sommes contraints d'examiner aujourd'hui, demain et encore après-demain un texte que vous aviez le temps d'examiner il y a quelques années puisque cette directive remonte à plus de quatre ans, et que le précédent gouvernement avait déposé un projet de loi en mai 2002.
    En relisant le texte qui avait été arrêté par le précédent gouvernement, mon cher collègue, je me demande pourquoi vous trouvez tant de défauts à la démarche empruntée de façon réaliste, pragmatique et courageuse par le gouvernement de M. Raffarin. Vous avez fait montre, une fois de plus, de très grandes qualités...
    M. Jean Besson. D'acteur !
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes un parfait sophiste, adepte de ce jeu de l'Antiquité qui permet un jour de plaider dans un sens et, le lendemain, avec les mêmes arguments, dans un autre. Une exception d'irrecevabilité devrait normalement avancer des arguments constitutionnels. On les a entendus à la fin, mêlés dans la conclusion. Pendant une heure dix, vous avez parlé un petit peu de gaz, mais essentiellement d'électricité.
    Quel paradoxe que de vous entendre aujourd'hui, vous qui fûtes hier le rapporteur de la transposition de la directive électricité, fustiger ainsi la directive gaz !
    M. Pierre Ducout. Votre transposition !
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous pourrions citer un certain nombre de déclarations des membres du gouvernement précédent et de la précédente majorité parlementaire. Si vous voulez un argument pour repousser cette exception d'irrecevabilité, mes chers collègues de la gauche, si vous voulez réfléchir un instant sur les conséquences d'un vote favorable à cette exception d'irrecevabilité, je vais vous citer un extrait, vraiment très court, d'une déclaration de M. Bataille le 24 avril 2001 : « C'est parce que, dans un passé récent, nous n'avons pas examiné la directive gaz que nous devons aujourd'hui faire face aux effets de ce refus. Il ne faudrait pas que l'industrie française soit pénalisée. »
    Elle l'est, hélas ! en raison des retards que vous avez accumulés. N'ajoutez pas une manoeuvre de retardement. Mes chers collègues, repoussez l'exception d'irrecevabilité et regardons l'avenir avec confiance, avec un service public réaffirmé car modernisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Nayrou. Vous y croyez ?
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Daniel Paul. A cette heure tardive, je ferai simplement quelques remarques.
    En voyant leurs insuffisances, les communistes ne sont pas des défenseurs aveugles d'un certain nombre d'entreprises ou de services publics.
    Savez-vous, mes chers collègues, que, d'ores et déjà, sous la pression du marché, ce sont les clients domestiques de Gaz de France qui assurent la rentabilité de l'entreprise, et non pas les entreprises auxquelles Gaz de France fournit du gaz ? Ce n'est pas une raison pour liquider l'entreprise publique. Au contraire !
    Il y a des enjeux de sécurité d'approvisionnement, de sécurité des installations. Vous savez, je suppose, que toutes les installations de Gaz de France sont classées Seveso. Sous nos routes, sous nos voies de chemin de fer, il y a 38 000 kilomètres de canalisation qui sont autant de lieux dangereux. Vous avez sans doute en tête l'accident mortel qui s'est produit il y a quelques jours à Toulouse, tout simplement parce qu'une canalisation qui conduisait à un nombre insuffisant de clients n'avait pas fait l'obet de l'entretien et de la maintenance nécessaires.
    M. Yves Bur. C'était le service public !
    M. Daniel Paul. Dans le cadre de la concurrence, les entreprises se soucient avant tout de leur rentabilité financière. Comment imaginer alors qu'elles vont investir dans des opérations de stockage, signer des contrats à long terme, tout simplement entretenir les réseaux ? Comme on l'a vu de l'autre côté de la Manche, dans un certain nombre d'autres domaines, face aux impératifs de rentabilité, c'est le reste qu'on laisse tomber !
    Rien ne vous embarrasse, par ailleurs. Vous allez au-delà de la directive, pour être, si je puis dire, la bonne élève de l'Europe, et vous intégrez même dans votre texte des amendements à la loi sur l'électricité, en retirant plus particulièrement ce que les députés communistes, mais pas seuls, avaient contribué à y introduire. J'ai le sentiment que c'est la même chose que pour la loi de modernisation sociale, ou les 35 heures : vous ne cassez pas tout, mais suffisamment pour faire perdre son sens à l'entreprise publique GDF.
    J'ai évoqué les problèmes de spécificité gazière, les problèmes de sécurité des approvisionnements, de la sécurité en général, et les impératifs de rentabilité. J'en terminerai tout simplement en disant que les députés communistes ont effectivement pesé, il y a quelques années, pour que cette directive ne soit pas transposée sans un grand débat national.
    On ne remet pas en cause une entreprise comme GDF, sans que les Français et les agents de GDF soient consultés, et sans que soit dressé le bilan des dégâts causés par le libéralisme dans d'autres pays et dans d'autres secteurs. Vous reconnaissez d'ailleurs, madame la ministre, que, avant d'aller plus loin dans les modifications envisagées, il faudra faire un bilan en 2006. Mais ne serait-il pas préférable de le faire d'ores et déjà ? Aujourd'hui comme hier, nous entendons peser pour empêcher que nos entreprises publiques ne soient bradées. Dès ce soir, en tout cas, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe UDF.
    M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF est particulièrement attaché à la construction européenne, qu'il considère comme l'avenir de la France, y compris dans ses dimensions sociales, économiques et politiques. Ce qui est inconstitutionnel pour nous, c'est le non-respect des traités européens, qui engagent la parole de la France. La gauche plurielle, pour le respect de ses équilibres et de ses tractations, avait fait de la France le mauvais élève de l'Europe. Notre pays a payé très cher, diplomatiquement et économiquement, ces pratiques inconstitutionnelles. Il est temps que cela cesse, il est temps de respecter le droit et d'honorer notre parole nationale. Pour ces raisons, l'UDF votera contre l'exception d'irrecevabilité.
    M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Gaubert. Permettez-moi d'abord d'associer le groupe socialiste de cette assemblée à l'émotion exprimée par notre collègue Lenoir et à l'hommage qu'il a rendu à nos chercheurs et techniciens qui doivent être terriblement déçus, comme nous, par l'échec du lancement d'Ariane cette nuit. Nous voudrions en tout cas leur renouveler l'expression de notre admiration et de notre soutien pour les succès qu'ils ont connus, et que, nous n'en doutons pas, ils connaîtront encore à l'avenir.
    Christian Bataille, dans une intervention que l'on attendait brillante, et qui le fut...
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons eu mieux !
    M. Jean Gaubert. D'autres ont pu être brillants en d'autres temps, monsieur Lenoir.
    M. Pierre Ducout. Cinq heures durant, en d'autres temps !
    M. François Brottes. Et pour une mauvaise cause !
    M. Jean Gaubert. En tout état de cause, la concision n'exclut pas la brillance.
    Christian Bataille a rappelé le caractère inconstitutionnel d'un acte qui dessaisit l'Etat de ses prérogatives. Il ne s'agit pas de dénoncer cela pour le plaisir, mais parce que cela a, pour nous et, je crois, pour tous les Français, une grande importance. Faut-il rappeler le rôle déterminant de l'Etat dans la garantie de l'approvisionnement - c'est encore plus vrai pour le gaz que pour l'électricité, puisque nous sommes complètement dépendants de l'extérieur et de quelques marchés ou de quelques secteurs d'approvisionnement -, dans la péréquation, à laquelle les Français sont très attachés, et dans la régulation ?
    Voilà ce que l'Etat faisait, et fait encore, dans notre pays, depuis plus de cinquante ans. Mais peut-être est-ce parce que nous le faisions avec succès que nous sommes devenus, au regard des eurocrates libéraux, de mauvais élèves. Si nous avons le sentiment de ne pas vivre sur la même planète, d'avoir un système qui marche bien, nous n'avons aucune raison de battre notre coulpe. Il est vrai que, pour Bruxelles, quand il y a un témoin gênant, il vaut mieux le supprimer, ou en tout cas le faire rentrer dans le rang.
    Sous prétexte de concurrence, c'est plutôt la pénurie qu'on organisera, nous aurons l'occasion de le démontrer dans d'autres moments de ces débats. Les choix énergétiques ne seront plus librement décidés par les représentants des citoyens.
    M. Claude Birraux. Ils ont l'habitude de ne pas décider !
    M. Jean Gaubert. C'est la garantie de fourniture égale qui sera largement entamée. On pouvait transposer la directive de 1996...
    M. Jean-Claude Lenoir. C'est votre directive, c'est vous qui l'avez signée !
    M. Pierre Ducout. Pas en 1996 !
    M. Jean-Claude Lenoir. Ils sont toujours en retard !
    M. Jean Gaubert. Monsieur Lenoir, nous avons tout notre temps et je veux bien continuer sur ce sujet. Mais je disais que personne n'était opposé à la transposition de cette directive.
    M. Jean Dionis du Séjour. Vous ne l'avez pas fait !
    M. Claude Birraux. Pourquoi ?
    M. Jean Gaubert. La seule différence entre vous et nous, c'est que nous souhaitions le faire a minima - c'est d'ailleurs pour cela qu'il y avait eu blocage -, alors que vous considérez que, pour qu'on vous accepte comme les bons élèves, pour qu'on ne vous pose plus de questions, il faut un libéralisme zélé et en faire beaucoup plus qu'on ne nous en demandait.
    On a traité M. Bataille de sophiste. Et si, tout simplement, M. Bataille était un sage ?
    M. Jean-Claude Lenoir. Cela se saurait ! (Sourires.)
    M. Jean Gaubert. C'est à cette sagesse que je voudrais exhorter l'Assemblée en l'appelant à voter, à l'instar du groupe socialiste, l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
    M. le président. Mes chers collègues, il est une heure moins vingt-cinq. La séance de ce matin doit impérativement être ouverte à neuf heures, car il s'agit d'une fenêtre parlementaire. Nous n'avons donc aucune souplesse pour poursuivre notre débat.
    Mme Buffet m'a fait savoir qu'elle avait l'intention de défendre la question préalable pendant une demi-heure. A cela s'ajouteraient les explications de vote sur la question préalable.
    Nous ne pourrons, dans ces conditions, achever la présente séance avant une heure du matin.
    Nous allons donc interrompre là nos travaux.
    La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

3

DÉPÔTS DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Xavier de Roux, un rapport n° 463, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen (n° 378).
    J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Jean-Pierre Door, un rapport n° 464, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi adoptée par le Sénat relative à la responsabilité civile médicale (n° 370).
    J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Bernard Depierre, un rapport n° 465, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi adoptée par le Sénat modifiant l'article 43 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 371).
    J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Emile Blessig, un rapport n° 466, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux juges de proximité (n° 242).
    J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Gilbert Gantier, un rapport n° 467, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 1 à la convention sur la sécurité sociale du 2 octobre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n° 43).

4

DÉPÔT
D'UN RAPPORT D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Pierre Lequiller, un rapport d'information n° 469, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur le mandat d'arrêt européen.

5

DÉPÔT D'UN AVIS

    M. le président. J'ai reçu, le 11 décembre 2002, de M. Jacques Remiller, un avis n° 468, présenté au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen (n° 378).

6

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, jeudi 12 décembre, à neuf heures, première séance publique :
    Discussion de la proposition de loi, n° 317, de M. Yves Bur et plusieurs de ses collègues visant à protéger les mineurs contre la diffusion de programmes comprenant des scènes de violence gratuite ou de pornographie :
    M. Yves Bur, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 401).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 326, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie :
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 400).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le jeudi 12 décembre, à zéro heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES

    Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre en date du 10 décembre 2002 qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants :
N° E 1537 (10675/00 DROIPEN 31 MIGR 59 COMIX 590). - Initiative de la République française en vue de l'adoption de la directive du Conseil visant à définir l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers : actes législatifs et autres instruments (adoptée le 28 novembre 2002).
N° E 1547 (10676/00 DROIPEN 32 MIGR 60 COMIX 591). - Initiative de la République française en vue de l'adoption de la décision-cadre du Conseil visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers : actes législatifs et autres instruments (adoptée le 28 novembre 2002).
N° E 1565 (COM [2000] 489 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Comité de la sécurité maritime et modifiant les règlements en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution par les navires. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution par les navires (1re et 2e propositions adoptées le 5 novembre 2002).
N° E 1598 (COM 573 final). - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les conditions sanitaires applicables aux sous-produits animaux, modifiant les directives 90/425/CEE et 62/118/CEE (adoptée le 21 octobre 2002).
N° E 1675 (COM [2001] 38 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE, EURATOM) n° 58/97 relatif aux statistiques structurelles sur les entreprises (adoptée le 5 novembre 2002).
N° E 1726 (COM 183 final). - Proposition de directive du Conseil portant modification de la directive 2000/29/CE du Conseil concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté (adoptée le 28 novembre 2002).
N° E 1838 (COM [2001] 507 final). - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1719/1999/CE définissant un ensemble d'orientations, ainsi que des projets d'intérêt commun, en matière de réseaux transeuropéens pour l'échange électronique de données entre administrations (IDA). Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1720/1999/CE du Parlement européen et du Conseil adoptant un ensemble d'actions et de mesures visant à assurer l'interopérabilité de réseaux transeuropéens pour l'échange électronique des données entre administrations (IDA) et l'accès à ces réseaux : communication de la Commission au Parlement et au Conseil : évaluation d'IDA-II (1re et 2e propositions adoptées le 21 octobre 2002).
N° E 1878 (COM [2001] 663 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 4045/89 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section « garantie » (adoptée le 28 novembre 2002).
N° E 1887 (COM 674 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, la convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (Convention HNS) (adoptée le 18 novembre 2002).
N° E 1940 annexe 4 (SEC [2002] 851 final). - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 4 au budget 2002. - Etats des recettes et des dépenses par section. - Section III : Commission (adopté suite à l'arrêt définitif du budget rectificatif et supplémentaire n° 4 de l'UE pour l'exercice 2002 par le président du PE le 26 septembre 2002).
N° E 1984 (5712/2/02 REV 2 ENFOPOL 18). - Initiative du Royaume d'Espagne visant à adopter une décision du Conseil portant création d'un formulaire type destiné aux échanges d'informations concernant les terroristes : note de la présidence du groupe Terrorisme au groupe Terrorisme (adoptée sous la forme d'une recommandation du Conseil le 14 novembre 2002).
N° E 2007 (COM [2002] 204 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Bulgarie, d'un accord concernant les produits de la pêche sous forme d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Bulgarie, d'autre part (adoptée le 26 novembre 2002).
N° E 2053 (SG D/230296). - Lettre de la Commission européenne du 21 juin 2002 relative à une demande de dérogation présentée par l'Autriche conformément à l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil (77/388/CE) du 17 mai 1977, en matière de TVA (sous-traitance et prêt de main-d'oeuvre dans la construction) (adoptée le 5 novembre 2002).
N° E 2077 (COM [2002] 409 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne, d'une part, et le Royaume de Norvège, d'autre part, concernant le protocole n° 2 de l'accord bilatéral de libre-échange entre la Communauté économique européenne et le Royaume de Norvège (adoptée le 11 novembre 2002).
N° E 2079 (COM 368 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échanges de lettres relatifs à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République d'Angola concernant la pêche au large de l'Angola pour la période allant du 3 mai 2002 au 2 août 2002 (adoptée le 11 novembre 2002).
N° E 2080 (COM [2002] 369 final). - Proposition de règlement du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échanges de lettres relatifs à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République d'Angola concernant la pêche au large de l'Angola pour la période allant du 3 mai 2002 au 2 août 2002 (adoptée le 11 novembre 2002).
N° E 2091 (COM [2002] 467 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 384/1996 [384/96] du Conseil, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (adoptée le 5 novembre 2002).
N° E 2092 (COM [2002] 468 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2026/1997 (2026/97) du Conseil, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (adoptée le 5 novembre 2002).
N° E 2095 (COM 491 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne et la France à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 3 de la directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (construction et entretien de ponts sur le Rhin) (adoptée le 5 novembre 2002).
N° E 2097 (COM [2002] 438 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion au nom de la Communauté européenne de l'accord international sur le cacao de 2001 (adoptée le 18 novembre 2002).
N° E 2100 (COM 514 final). - Proposition de règlement du Conseil instituant le fonds de solidarité de l'Union européenne (adoptée le 11 novembre 2002).
N° E 2101 (COM 525 final), volume I. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en vue de proroger la faculté d'autoriser les Etats membres à appliquer des taux réduits de TVA pour certains services à forte intensité de main-d'oeuvre (adoptée le 3 décembre 2002).
N° E 2102 (COM [2002] 525 final), volume II. - Proposition de décision du Conseil qui proroge la durée d'application de la décision 2000/185/CE autorisant les Etats membres à appliquer un taux réduit de TVA sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre conformément à la procédure prévue à l'article 28, paragraphe 6, de la directive 77/388/CEE (adoptée le 3 décembre 2002).
N° E 2106 (COM 526 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord (paraphé le 8 août 2002) entre la Communauté européenne et la République fédérative du Brésil concernant des arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application provisoire (adoptée le 5 novembre 2002).
N° E 2107 (SEC [2002] 835 final). - Projet de règlement de la Commission portant modalités d'exécution du règlement (CE) du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (avis conforme du Conseil le 18 novembre 2002).
N° E 2111 (COM 503 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres concernant les modifications des annexes de l'accord entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Zélande relatif aux mesures sanitaires applicables au commerce d'animaux vivants et de produits animaux (adoptée le 28 novembre 2002).
N° E 2127 (COM [2002] 560 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la prorogation de l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table (adoptée le 26 novembre 2002).
N° E 2130 (COM 620). - Proposition de décision du Conseil relatif à la conclusion d'un accord sous forme d'un échange de lettres dérogeant temporairement, en ce qui concerne l'importation dans la Communauté de tomates originaires du Maroc, aux dispositions du protocole agricole n° 1 de l'accord euroméditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part (adoptée le 28 novembre 2002).