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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 17 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Souhaits de bienvenue aux deux députés nouvellement élus «...».
2.  Questions au Gouvernement «...».

CONFLIT EN CÔTE D'IVOIRE «...»

MM. Pierre-Christophe Baguet, Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

COMPTES SOCIAUX «...»

MM. Gilbert Biessy, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME «...»

MM. Claude Decagny, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

HYPOTHÈSES BUDGÉTAIRES POUR 2003 «...»

MM. François Hollande, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL «...»

Mme Arlette Franco, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

SOMMET EUROPÉEN DE COPENHAGUE «...»

M. Gérard Voisin, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS «...»

MM. Jean-Pierre Balligand, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DÉGRADATIONS PROVOQUÉES
PAR LES RAVE-PARTIES «...»

MM. Daniel Prévost, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

MORATOIRE SUR LES OGM «...»

M. Claude Gatignol, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

RÔLE DE LA FRANCE EN CÔTE D'IVOIRE «...»

MM. Paul Quilès, Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

COUVERTURE DES ZONES
DE TÉLÉPHONIE MOBILE «...»

MM. Michel Raison, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

AVENIR DES FONDERIES DE FONTE «...»

M. Jean-Paul Anciaux, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance «...»

3.  Prestation de serment de deux juges titulaires de la Haute Cour de justice et d'un juge titulaire de la Cour de justice de la République «...».
4.  Marchés énergétiques. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi «...».
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Pierre Ducout,
Jean Dionis du Séjour,
Daniel Paul,
Jean-Claude Lenoir.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

COMMUNICATION RELATIVE À LA DÉSIGNATION
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE «...»
Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

5.  Juges de proximité. - Discussion d'un projet de loi organique adopté par le Sénat «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des lois.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. André Vallini, le rapporteur, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jacques-Alain Bénisti, Jean-Christophe Lagarde, Pascal Clément, président de la commission des lois. - Rejet par scrutin.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean-Christophe Lagarde,
Michel Vaxès,
Jean-Paul Garraud,
Mme
Paulette Guinchard-Kunstler.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
6.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE
AUX DEUX DÉPUTÉS NOUVELLEMENT ÉLUS

    M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos deux collègues élus dimanche dernier, M. Christian Blanc (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et M. Jean-Claude Decagny (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Avant d'appeler la première question, j'indique à l'Assemblée que la conférence des présidents a décidé que, le premier mercredi de chaque mois, les quatre premières questions de la séance seraient consacrées à des thèmes européens.
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    M. le président. La séance du mercredi 15 janvier sera la première organisée selon ces nouvelles modalités.
    Nous commençons par les questions du groupe Union pour la démocratie française.

CONFLIT EN CÔTE D'IVOIRE

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question qui s'adresse à M. le Premier ministre, sera courte, mais grave.
    Nombre de Français éprouvent une inquiétude croissante devant la situation en Côte d'Ivoire. La France paraît chaque jour plus impliquée dans le conflit. On a même cru percevoir, ces derniers jours, un changement dans sa politique, avec l'envoi d'unités parachutistes complémentaires. Aussi souhaiterions-nous savoir quelle politique vous comptez mener à court et à moyen termes pour éviter les dérives dramatiques que l'on a connues, par exemple, au Rwanda (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, je ne saurais trop inciter à ne pas comparer des situations qui ne sont pas comparables. Les principes de la politique vis-à-vis de la Côte d'Ivoire sont clairs. Je les rappelle brièvement : il s'agit d'assurer la sécurité de nos 20 000 compatriotes et de nombreux ressortissants étrangers sur place, d'appuyer les institutions légitimes de la Côte d'Ivoire, en refusant les coups de force comme méthode de conquête du pouvoir, de préserver l'intégrité du pays, de défendre les droits de l'homme, de garantir le respect du cessez-le-feu qui a été négocié par la CEDEAO, communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, et de soutenir la médiation qu'elle a proposée.
    Ces principes n'ont pas varié et ne varieront pas. Mais les moyens peuvent évoluer. Vous le savez, la situation change sur le terrain. Une dissidence est apparue à l'ouest du territoire et le sentiment s'est répandu que la négociation déboucherait difficilement sur quoi que ce soit. Nous avons donc décidé de renforcer les moyens militaires de notre défense pour garantir la sécurité avec les mêmes missions. Nous avons souhaité que la force de la CEDEAO se mette en place le plus vite possible, et nous avons proposé que les différents protagonistes de cette affaire se réunissent à Paris, si nécessaire.
    Quelle conclusion pouvons-nous en tirer ? La médiation de la CEDEAO a été relancée. Hier, à Kara, plusieurs chefs d'Etat se sont rencontrés. Demain, une réunion générale a lieu à Dakar. Nous souhaitons que ces réunions puissent déboucher sur un règlement politique global de la situation. La France a pris ses responsabilités. Elle souhaite que tous les acteurs concernés par cette crise, que ce soit à l'intérieur de la Côte d'Ivoire ou à l'extérieur, mesurent leur responsabilité et l'ampleur des dangers. Nous avons l'espoir qu'une solution politique, pacifique et négociée pourra sortir des discussions actuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

COMPTES SOCIAUX

    M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Gilbert Biessy. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La dégradation des comptes sociaux illustre votre immobilisme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), alors qu'il faudrait engager des réformes profondes en matière de financement des dépenses sociales.
    M. Jean-Claude Abrioux. C'est l'héritage !
    M. Gilbert Biessy. La sécurité sociale connaît un dérapage sérieux de ses dépenses. La faute n'en revient ni aux assurés ni aux professionnels de santé. Le seul responsable est le Gouvernement (Exclamations sur les mêmes bancs) qui a refusé de débattre de nos propositions de financement (Sourires sur les mêmes bancs) pour débloquer les moyens suffisants permettant de répondre aux besoins qui s'expriment.
    Vous remettez en cause l'APA en raison du coût de sa montée en charge. Vous avez refusé notre proposition de ne pas baisser de 5 % les impôts des plus riches, ce qui permettrait de financer cette mesure pour mieux vous orienter vers une mise à contribution des familles et des collectivités locales, et donc de tous les contribuables.
    Enfin, l'UNEDIC est déficitaire de 3,7 milliards d'euros.
    M. Philippe Briand. A cause de qui ?
    M. Gilbert Biessy. C'est le résultat de votre politique qui casse l'emploi avec la suspension des mesures anti-licenciements ou la remise en cause de la réduction du temps de travail créatrice d'emplois.
    Le patronat pousse à diminuer la durée comme le montant de l'indemnisation des chômeurs. Il avance l'idée d'une augmentation des cotisations à la charge des salariés, sans exclure par ailleurs le retour à la dégressivité. (« Mais non ! » sur les mêmes bancs.) Le Gouvernement reste silencieux et, selon l'adage, « qui ne dit mot consent ».
    Une nouvelle fois, ce sont les salariés et les chômeurs qui payent l'addition. Pourquoi ? Parce que vous refusez de perpétuer ce qui fait l'originalité de notre système de protection sociale, pour une part financé par les richesses créées par l'entreprise. Sous couvert de décentralisation, vous engagez un transfert de charges vers les collectivités locales et territoriales, qui n'auront d'autre solution que de solliciter toujours plus les contribuables. Salariés, chômeurs, assurés sociaux : ce sont toujours les mêmes qui payent.
    M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Biessy
    M. Gilbert Biessy. Monsieur le Premier ministre, quand sortirez-vous de cet immobilisme et de cette logique désastreuse pour ce que vous nommez « la France d'en bas » ? Quand engagerez-vous enfin les vraies réformes de financement des dépenses sociales en mettant à contribution les entreprises qui spéculent et créent les conditions de ces dérapages ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, qui croyez-vous tromper (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) en disant que, s'il manque aujourd'hui un milliard et demi pour financer l'APA, c'est la faute du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, ou que l'augmentation du chômage, qui est continue depuis dix-huit mois, même si elle s'est stabilisée en septembre et en octobre, serait imputable à la politique qu'il conduit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En vérité si vous aviez financé l'APA, nous ne serions pas obligés, aujourd'hui, de chercher avec l'Association des départements de France comment pérenniser cette réforme - car c'est une bonne réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous avez raison de dire que, pour l'UNEDIC, l'augmentation du chômage continue depuis dix-huit mois, se solde par un déficit de 3,7 milliards cette année. Mais ce déficit sera de 5 milliards l'année prochaine si rien n'est fait. A l'heure où nous parlons, les partenaires sociaux discutent des moyens de sauvegarder l'assurance chômage, à laquelle nous sommes tous extrêmement attachés. Je profite de l'occasion que vous me donnez, monsieur le député, pour leur dire qu'ils ont toute la confiance du Gouvernement. Celui-ci est en effet associé au paritarisme et souhaite qu'il se développe. Il a noté que les partenaires sociaux ont été capables, par le passé, de prendre des mesures équilibrées pour sauver le régime d'assurance chômage. Quand ils auront pris leurs décisions, le Gouvernement fera connaître les siennes, et je vous assure qu'il assumera toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

LUTTE CONTRE LE TERRORISME

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Decagny, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Claude Decagny. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Les policiers du contre-espionnage ont mené, lundi, une nouvelle opération dans la mouvance islamique. Ils ont interpellé, à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, trois Algériens soupçonnés d'appartenir à un réseau fondamentaliste musulman.
    Des substances chimiques de nature encore inconnue ont été saisies à leur domicile.
    M. Jean Auclair. C'est Guigou qui les leur a fournies ! (Rires.)
    M. Jean-Claude Decagny. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer sur ces arrestations ? Pouvez-vous nous dire quels sont les risques que la France encourt ?
    M. le président. Merci, monsieur Auclair, pour votre contribution au débat ! (Sourires.)
    La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le 16 décembre les services de la DST accompagnés des équipes du RAID ont procédé à quatre arrestations à La Courneuve. Trois des individus interpellés étaient de nationalité algérienne ; le quatrième, de nationalité marocaine.
    Au cours de la perquisition ont été trouvées de fortes sommes d'argent liquide, de faux papiers d'identité, deux conteneurs de 13 kilos de contenance vides, deux fioles remplies d'un liquide en cours d'analyse et une combinaison militaire de protection contre les risques nucléaires, bactériologiques et chimiques.
    Les individus ont, semble-t-il, séjourné en Tchétchénie et sont en relation avec un individu qui répond au nom de Kadri, arrêté le 5 novembre dernier à Londres dans le cadre de l'ouverture d'une procédure judiciaire pour tentative d'attentat avec des produits chimiques.
    Pour l'heure, on peut se féliciter de l'action des services de renseignement français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste) qui, en liaison avec les services antiterroristes, ont arrêté 19 individus pour le seul mois de novembre. On peut également se féliciter de la compétence du président Bruguière sous l'autorité duquel les forces de police ont agi. On peut également se dire, avant même de connaître le résultat des analyses, qu'il valait mieux interpeller ces quatre individus-là avant qu'après. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour le reste, il faut continuer de dire à nos compatriotes que l'Etat français, dans toutes ses composantes, a besoin de la vigilance, de la prudence de chacun. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

HYPOTHÈSES BUDGÉTAIRES POUR 2003

    M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous avez prétendu fonder votre action sur la sincérité et sur la transparence. (« Mais oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Convenez que, pour ce qui concerne le principal texte de notre session, à savoir le budget pour 2003, ces principes ont été mis à mal.
    M. Charles de Courson. Vous êtes expert !
    M. François Hollande. Chacun le sait, les hypothèses de croissance sur lesquelles vous avez fondé votre projet de loi de finance - 2,5 % pour 2003 - ont aujourd'hui perdu une large part de leur crédibilité.
    Plutôt que de corriger vos prévisions, pendant qu'il en est encore temps, vous soumettrez demain, au Parlement, un budget dont on sait que, tant du point de vue des masses que pour ce qui est du déficit, il a perdu une grande part de sa réalité.
    M. Pierre Lellouche. Et vos budgets ?
    M. François Hollande. Votre ministre des finances en a lui-même fait l'aveu en annonçant un gel de crédits, à hauteur de 5 milliards d'euros. Jamais depuis au moins une décennie n'a été annoncé un gel de crédits d'un montant aussi important dès le mois de janvier. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Marc-Philippe Daubresse. Pourtant, il y avait de quoi !
    M. Richard Mallié. Quel culot ! Quel donneur de leçons !
    M. François Hollande. Cette méthode, qui consiste à faire voter demain, par le Parlement, un budget dont on sait qu'il sera bouleversé dans quinze jours par un plan de gel des crédits budgétaires, est à bien des égards un mauvais procédé vis-à-vis de la représentation nationale. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)     M. Pierre Lellouche. Vous avez fait pire !
    M. le président. Monsieur Lellouche !
    M. François Hollande. Le président de la commission des finances a parlé à juste raison d'hypocrisie. Cette méthode révèle en effet une intention, car, lorsqu'on annule 6 milliards de crédits budgétaires...
    M. René André. Parole d'expert !
    M. François Hollande. ... il ne s'agit plus simplement d'une régulation ou d'un mode de gestion, il s'agit d'un plan de rigueur qui n'ose pas dire son nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    C'est la raison pour laquelle, monsieur le Premier ministre, je vous demande de confirmer devant l'Assemblée nationale l'ampleur des crédits qui seraient gelés dès le début du mois de janvier.
    M. Yves Nicolin. Il faut payer vos erreurs !
    M. Jean Leonetti. Et les dégâts que vous avez causés !
    M. François Hollande. Je vous demande aussi de nous soumettre le plus vite possible une loi de finances rectificative qui permettra au Parlement et aux Français de connaître la situation des finances publiques. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En cette période d'incertitude, les Français ont droit à la vérité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. François Hollande. ... et le Gouvernement a le devoir de la leur dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains).
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaite d'abord la bienvenue aux deux nouveaux députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous allez avoir besoin d'eux !
    M. le Premier ministre. Monsieur le député, quelle assurance dans vos propos ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Quelle aisance pour dénoncer votre propre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Figurez-vous, monsieur le Premier secrétaire, que, depuis que nous sommes arrivés aux responsabilités, nous découvrons d'excellents dossiers, des dossiers importants pour la France...
    M. Gilbert Biessy. La modernisation sociale ?
    M. le Premier ministre. ... mais des dossiers au sujet desquels il y a eu beaucoup d'imprévoyance financière.
    Nous devons aujourd'hui faire en sorte de sauver l'industrie des télécoms françaises (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), endettée à plus de 70 milliards d'euros. Nous devons sauver le système d'assistance aux personnes âgées, qui n'a pas été financé, le ministre des affaires sociales l'a dit tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Ce n'est pas la question !
    M. François Hollande. Cela n'a rien à voir avec ma question !
    M. le Premier ministre. Nous sommes aujourd'hui devant la nécessité de sauver le système social français mis en cause par l'imprévoyance au sujet des retraites et de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Laissez le Premier ministre terminer. Faites preuve d'un peu de tolérance !
    M. le Premier ministre. Restons calmes et détendus : c'est bientôt Noël ! (Sourires.) Nous parlons de sujets sérieux, et nous pouvons le faire calmement, sans nervosité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quant à moi, je parle sans aucune nervosité. Je vous dis simplement que notre budget pour 2003 est un budget de transition.
    M. Jean-Marc Ayrault. Mais non !
    M. le Premier ministre. Ce n'est pas, en effet, le budget que nous aurions souhaité présenter, parce qu'il assume l'héritage de cinq ans de socialisme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste), cinq ans de mauvaise gestion que nous devons corriger.
    Vous parlez du taux de croissance. (« Ce sont des sophistes », sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il est évident qu'une hypothèse de taux de croissance est une perspective économique, mais c'est aussi une ambition politique. (« Ben voyons ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.) Et nous voulons clairement dire aux entreprises de France, à tous les acteurs économiques et sociaux, que la crise n'est pas inéluctable et qu'en se mobilisant notre pays a toutes les chances pour réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est pourquoi nous mettons en place divers dispositifs - je pense à l'allégement des charges, à l'allégement fiscal, à la prime pour l'emploi. Savez-vous, par exemple, que, pour les jeunes, l'allégement des charges est sur le point d'atteindre des résultats meilleurs que ceux que nous avions prévus, puisque nous en serons à 30 000 contrats emplois jeunes sans charges d'ici à la fin de l'année. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Voilà des réponses très concrètes !
    Monsieur le Premier secrétaire (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Dites : « Monsieur le député » !
    M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous !
    M. le Premier ministre. Bien sûr qu'il est député ! Mais je croyais que c'était pour lui un honneur d'être Premier secrétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Ici, il est député !
    M. le Premier ministre. Monsieur le député, le Gouvernement tiendra les engagements qu'il a pris devant l'Assemblée nationale. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et quelques députés du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. S'il vous plaît ! Tenez-vous correctement, quand même !
    M. Christian Bataille. C'est honteux !
    M. le président. Monsieur Bataille, c'est terminé !

MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL

    M. le président. La parole est à Mme Arlette Franco, pour le groupe de l'UMP.
    Mme Arlette Franco. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, la semaine dernière, 17 millions de personnes ont été appelées aux urnes pour élire 15 000 juges des conseils de prud'hommes. Si ce scrutin est l'expression d'une démocratie syndicale indispensable, l'abstention n'a cessé de croître depuis les années 1970. Cette année, elle vient d'atteindre un niveau record en progressant de 1,7 % par rapport au précédent scrutin.
    Les élections prud'homales du 11 décembre ont plutôt renforcé le camp de la réforme que celui de l'immobilisme. Les Français semblent en effet pencher à une légère majorité pour un syndicalisme de dialogue et de concertation. Mais, au-delà de ce point positif, le temps paraît venu de rénover les relations sociales.
    Dans cet esprit, il faut chercher à améliorer l'organisation des élections prud'homales. Il n'est pas normal que cette institution paritaire originale et proche des Français que sont les prud'hommes fasse l'objet d'un tel désintérêt. De façon plus profonde, il conviendrait de s'interroger sur ce qui relève du champ de la loi et de celui du contrat. Il conviendrait aussi de réfléchir aux modalités de validation des accords, et peut-être faudrait-il ouvrir le débat sur la représentativité syndicale.
    La gauche a éludé toutes ces questions, convaincue d'être détentrice du monopole social. Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous pour moderniser les règles et les pratiques qui régissent le dialogue social en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, cinq millions et demi de Français se sont déplacés pour aller élire 15 000 juges du travail, salariés ou représentants du patronat. Ces bénévoles font fonctionner une institution qui donne satisfaction aux Français et qui est, je crois après l'UNEDIC que j'ai évoquée précédemment, le deuxième symbole d'un paritarisme qui marche.
    Naturellement, on ne peut pas se satisfaire de la croissance continue du taux d'abstention aux élections prud'homales, et la dernière élection n'a pas changé les choses de ce point de vue. Il est incontestable que des problèmes d'organisation se posent.
    M. Maxime Gremetz. Oh, oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Chaque gouvernement a cherché à améliorer le fonctionnement de ces élections, mais il reste encore des efforts à accomplir. Nous allons donc nous mettre au travail en ce sens.
    Cela dit, je ne crois pas que la raison principale de l'abstention tienne à l'organisation du scrutin. Elle réside plutôt dans un certain scepticisme de nos concitoyens sur la façon dont les relations sociales sont structurées dans notre pays. De fait, nous avons besoin de rénover la démocratie sociale. Pour cela, nous avons besoin de partenaires sociaux qui se respectent, qui soient plus forts, plus proches des Français, et plus responsables, afin que s'instaure un dialogue permettant de régler les problèmes qui se posent dans l'organisation du travail et dans l'adaptation des entreprises à l'économie.
    Notre système repose sur une organisation qui a été mise en place juste après la Seconde Guerre mondiale. Le moment est venu de la rénover. C'est la raison pour laquelle je vais proposer en 2003, sur la base du texte signé en juillet 2001 par la quasi-totalité des organisations syndicales - une seule ne l'a pas signé -, un projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale. Dès le début du mois de janvier, je recevrai les organisations syndicales pour travailler avec elles sur ce texte, fondamental si nous voulons moderniser en profondeur notre société. Cette modernisation, nous allons la mettre en oeuvre avec la décentralisation, avec la réforme de l'Etat, mais aussi avec la réforme de la démocratie sociale à laquelle nous devons maintenant nous attaquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

SOMMET EUROPÉEN DE COPENHAGUE

    M. le président. La parole est à M. Gérard Voisin, pour le groupe Union pour la majorité présidentielle.
    M. Gérard Voisin. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, le sommet européen qui s'est tenu à la fin de la semaine dernière à Copenhague constitue un événement historique, car c'est une promesse de paix, de stabilité et de prospérité en Europe.
    M. François Hollande. Et d'enthousiasme !
    M. Gérard Voisin. Ce sommet a, en effet, été celui de la finalisation des négociations d'adhésion avec dix pays de l'est et du sud de l'Europe, qui rejoindront officiellement l'Union européenne le 1er mai 2004, après dix ans d'efforts et de réformes.
    Treize ans après la chute du mur de berlin, l'Union européenne a donc unifié en son sein le vieux continent en s'ouvrant à la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, Chypre et Malte. Elle met ainsi fin à la division de l'Europe née à Yalta en 1945.
    Les enjeux de l'élargissement sont considérables, et nous devons certainement les expliquer davantage aux Françaises et aux Français pour qu'ils adhèrent, eux aussi, à cette Europe composée désormais de vingt-cinq pays.
    Pouvez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale des résultats de ce sommet et des perspectives qu'il ouvre pour ce qui est de l'avenir de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, il est inutile d'insister sur le caractère absolument historique du conseil européen de Copenhaque de vendredi dernier. Après avoir eu un entretien juste après avec M. Geremek, ministre polonais des affaires étrangères, un des sages de l'Europe, je puis vous assurer que l'enthousiasme populaire a été immédiat dans tous les pays concernés par l'élargissement. Il faut en avoir bien conscience.
    Le bilan du Conseil de Copenhague est bon non seulement pour l'Europe mais aussi pour la France et les positions que nous défendons. Il peut se résumer en quatre points essentiels.
    Premièrement, le coût de l'élargissement est totalement maîtrisé - il faut insister sur ce point - et repose sur la base de l'accord franco-allemand conclu entre le Président de la République et M. Schröder. Quant à la politique agricole commune, elle est préservée non seulement pour la France mais aussi pour les vingt-cinq pays.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Deuxièmement, pour ce qui est des pays qui ne doivent pas rejoindre l'Union immédiatement, nous avons obtenu, comme nous le demandions, que nos amis bulgares et roumains reçoivent un signal suffisamment encourageant pour s'adapter en vue de leur future adhésion en 2007.
    S'agissant de la Turquie (« Nous voulons un référendum ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), elle verra, sa situation réexaminée, sur la base d'un accord franco-allemand, en décembre 2004. C'est seulement à cette date que les vingt-cinq décideront s'il y a lieu ou non d'ouvrir des négociations d'adhésion.
    M. Bernard Bosson et M. François Rochebloine. Par référendum !
    M. le président. Monsieur Bosson, je vous en prie !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Troisièmement, en matière de sécurité maritime, nous avons obtenu avec nos amis espagnols, qui subissent comme nous, en raison de catastrophes maritimes, des dommages économiques et écologiques s'accompagnant de drames humains, l'accélération de la mise en place des mesures de protection déjà décidées et l'instauration d'un régime beaucoup plus rigoureux de responsabilité et de sanctions.
    Quatrièmement, enfin, l'Europe de la défense, inscrite dans les traités, va maintenant se concrétiser sur le terrain. Bien que moins commenté, l'événement est, à mon sens, aussi historique que l'élargissement. La France le demandait depuis longtemps, et le Président de la République l'a enfin obtenu : un accord permanent entre l'OTAN et l'Union européenne permettra des opérations de maintien de la paix en Macédoine d'abord, et en Bosnie ensuite. C'est important pour l'Europe, mais aussi pour la France.
    M. le président. Merci, madame la ministre.
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. N'oublions pas que 2003 sera l'année des ratifications et celle de la campagne d'information des parlementaires et des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Pierre Balligand. Pour reprendre les termes que vous avez utilisés, je vais, moi aussi, monsieur le Premier ministre, vous parler de « choses sérieuses ».
    Vous vous apprêtez à remplacer l'actuel directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (« Encore ! » et protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) dont le mandat est arrivé à son terme hier à minuit.
    M. François Goulard. La protection des camarades, ça suffit ! Le syndicalisme socialiste, ça suffit !
    M. Jean-Pierre Balligand. De toute évidence, le changement de personne qui s'annonce ne peut pas être mis sur le compte d'un défaut de compétence, critère que vous nous décriviez il y a une semaine comme étant le seule déterminant dans le choix du Gouvernement. Je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que de 1997 à 2002, la Caisse des dépôts, qui est un établissement public, a versé au budget de l'Etat 17 milliards d'euros.
    M. François d'Aubert. Et alors ?
    M. Jean-Pierre Balligand. Je vous rappelle aussi que des personnalités éminentes, issues aussi bien du milieu bancaire que du milieu politique, et de vos rangs aussi bien que des nôtres, se sont exprimées publiquement en faveur de la reconduction du mandat du directeur général actuel.
    M. François Goulard. A force de parler de Lebègue, il se répète ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Les raisons de votre décision ne peuvent donc être cherchées que dans votre volonté d'un changement profond et brutal de stratégie pour la Caisse des dépôts.
    M. Bernard Accoyer. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Balligand. La rumeur s'est d'ailleurs répandue qu'il faudrait céder les actifs concurrentiels de la Caisse des dépôts, alors même que nous sommes au pire moment de la conjoncture boursière pour opérer un tel délestage.
    Oubliez-vous, monsieur le Premier ministre, que la Caisse des dépôts a été placée depuis sa création en 1816...
    M. François d'Aubert. Voilà pourquoi il faut que ça change !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... c'est-à-dire depuis bientôt deux siècles,...
    M. François Goulard. Il est temps d'évoluer !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... sous la surveillance expresse du Parlement, et ce afin de protéger l'épargne des Français. Vous n'avez par conséquent pas le droit de céder ses activités concurrentielles sans engager un vaste débat devant la représentation nationale. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
    Vous me permettrez, en tant qu'ancien président de la commission de surveillance, de vous poser, au nom du Parlement, au nom de la chambre des députés (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), trois questions.
    Oui ou non, êtes-vous en train de procéder au remplacement de l'actuel directeur général de la Caisse. (« Oui » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) ... dont les compétences sont reconnues par tous, au-delà des sensibilitées politiques ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)
    Deuxièmement, oui ou non (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. « Oui ! »)

    , ... avez-vous l'intention de privatiser les activités concurrentielles de la Caisse des dépôts (« Oui ! » sur les mêmes bancs), qui représentent 67 % de ses bénéfices ? Citons à titre d'exemple la Caisse nationale de prévoyance, première compagnie d'assurance-vie de ce pays.
    M. le président. Monsieur Balligand, posez votre question !
    M. Jean-Pierre Balligand. Je finis, monsieur le président.
    Si vous privatisez, comment comptez-vous, à l'avenir, financer les missions traditionnelles de la Caisse des dépôts, qui intéressent la vie quotidienne des Français, c'est-à-dire le renouvellement urbain, le développement des PME et le logement social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mes chers collègues, veuillez au moins écouter la réponse de M. le ministre !
    Vous avez la parole, monsieur le ministre.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, il est clair que la Caisse des dépôts a joué, joue et continuera à jouer un rôle majeur dans notre pays.
    M. Bernard Accoyer. Bravo !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est clair que ce rôle est lui aussi appelé à évoluer, du fait que l'environnement dans lequel nous vivons change.
    Il est clair que pour faire évoluer le rôle de la Caisse des dépôts, il faut...
    M. René Couanau. Privatiser !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... procéder à une analyse de toutes les réalisations positives qu'elle a su développer, mais aussi de celles qui le sont peut-être un peu moins.
    Cette caisse a su mettre ses compétences, qui sont importantes, au service des collectivités locales et elle continuera à le faire. Toutefois, elle doit modifier son portefeuille d'intervention, car les problèmes de la France de demain ne seront pas ceux de la France d'hier. (« Ça, c'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Par ailleurs, elle a su développer avec succès un certain nombre d'activités concurrentielles.
    Il est normal que, dans ce contexte, le Gouvernement, qui est chargé de fixer la politique de la Caisse des dépôts, procède à un examen détaillé de la situation.
    M. Christian Bataille. Devant le Parlement !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il informera, bien sûr, le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts de façon que, si besoin est, une nouvelle politique soit adoptée. Et, bien entendu, cette politique se fera dans l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. Vous n'avez pas répondu aux question de M. Balligand, monsieur le ministre !

DÉGRADATIONS PROVOQUÉES PAR LES RAVE-PARTIES

    M. le président. La parole est à M. Daniel Prévost, pour le groupe de l'UMP.
    M. Daniel Prévost. Monsieur le ministre de l'intérieur, dans la nuit du 7 au 8 décembre, une rave-partie a rassemblé plus de 25 000 personnes sur la commune de Marcillé-Raoul en Ille-et-Vilaine,...
    M. François Goulard. Scandaleux !
    M. Daniel Prévost. ... et ce sur des terrains privés, réquisitionnés par les autorités de l'Etat, conformément au décret du 3 mai 2002 pris en application de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.
    M. François Goulard. Il faut virer le préfet !
    M. Daniel Prévost. Loin de se cantonner à la quinzaine d'hectares réquisitionnés par les pouvoirs publics, les raveurs en ont en réalité investi plus de 150, soit dix fois plus.
    Comme vous avez pu le constater lors de votre visite d'hier, ces 150 hectares sont désormais incultivables et impropres à l'élevage. On comprend dès lors non seulement le désarroi légitime de tous ces propriétaires, mais aussi de la population locale, qui a été confrontée à toutes sortes de nuisances.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous, d'une part, nous indiquer les mesures que vous comptez prendre afin que les riverains ayant subi des préjudices liés à la tenue de ces raves soient justement indemnisés et, d'autre part, nous préciser comment le Gouvernement entend encadrer plus strictement à l'avenir ce type de rassemblement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, d'abord, les rassemblements musicaux de jeunes, le Gouvernement tient à l'affirmer, sont une réalité, et une réalité positive. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Cela posé, cette réalité positive, que l'on retrouve à toutes les époques, ne doit pas exister au détriment de ceux qui ont également le droit d'être respectés, notamment les agriculteurs, pour qui la terre n'est pas simplement un instrument de travail. Et j'ai pu mesurer combien la ruralité avait été choquée par ce qui s'était passé.
    M. François Goulard. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est inutile de dire, avec parfois quelque complaisance, que les jeunes ont des préoccupations environnementales si l'on accepte que ceux-ci ne respectent pas l'environnement quand ils se rassemblent à 25 000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Il y a là une contradiction, et ce n'est pas parce qu'il s'agit de jeunes qu'il ne faut pas le souligner.
    Autant les rave-parties sont une réalité positive, autant elles ne doivent pas se transformer en drogue-parties au cours desquelles le commerce de la drogue se pratique au vu et au su de tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. L'idéal des Verts !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quels sont les faits ? La ville de Rennes a organisé, comme chaque année, un festival, qui n'a posé aucun problème. Toutefois, sachant que ce festival s'accompagne tous les ans de l'organisation d'une rave-partie, la préfète a préféré réquisitionner des terrains avec mon accord - et j'assume pleinement cette responsabilité - plutôt que de laisser se dérouler trois ou quatre raves-parties dans n'importe quelles conditions et avec des conséquences sanitaires bien pires.
    La caractéristique juridique de la réquisition est que celle-ci prévoit l'indemnisation par l'Etat. Tout le monde sera donc indemnisé par l'Etat. Toutefois, j'ai bien l'intention de me retourner contre les organisateurs irresponsables qui n'ont respecté aucune de leurs obligations. Il n'y a aucune raison que le contribuable doive payer pour des personnes qui ne tiennent aucun de leurs engagements.
    Enfin, je réunirai au début du mois de janvier les organisateurs de rave-parties...
    M. Jean-Yves Le Déaut. Baratin !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... pour que nous trouvions des terrains appartenant à l'Etat afin de stabiliser l'organisation de ces rassemblements.
    Le Gouvernement n'a pas l'intention de se couper de la jeunesse mais il n'a pas non plus l'intention d'accepter l'inacceptable, notamment pour nos compatriotes en ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

MORATOIRE SUR LES OGM

    M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol, pour le groupe UMP.
    M. Claude Gatignol. Ma question, qui s'adresse à Mme Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, porte sur les organismes génétiquement modifiés, les OGM, et notamment sur la levée éventuelle du moratoire européen concernant les autorisations de commercialisation et de production décidé en 1999. (« Allô, allô » et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Personne aujourd'hui ne peut honnêtement contester l'apport extraordinaire des biotechnologies, aussi bien pour la recherche médicale que pour la recherche agronomique, sciences de l'avenir s'il en est qui bouleversent la connaissance du génome humain, animal et végétal. Nous savons tous que les OGM - que l'on devrait d'ailleurs plutôt appeler « organismes génétiquement améliorés »...
    Mme Martine Billard et M. Yves Cochet. Oh !
    M. Claude Gatignol. ... peuvent nous permettre de limiter le recours aux produits phytosanitaires et aux engrais. En plus, ils sont également porteurs de grands espoirs pour mieux nourrir les habitants de la planète. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Récemment, les quinze ministres de l'agriculture de l'Union européenne ont conclu un accord sur la traçabilité des OGM. A cet égard, je tiens à souligner la force de proposition du ministre français de l'agriculture, Hervé Gaymard, dans cette négociation : l'étiquetage devient obligatoire à partir du moment où les produits alimentaires contiennent plus de 0,9 % de matière transgénique, ce qui semble être une garantie en termes de précaution et de transparence satisfaisante vis-à-vis des consommateurs. La semaine dernière, l'Académie des sciences et l'Académie de médecine ont rendu un avis qui tend à démontrer l'innocuité totale de la consommation des organismes génétiquement modifiés. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Une liste de semences autorisées existe tandis que d'autres sont en attente.
    La traçabilité étant aujourd'hui définie, il reste à régler le cas de la production dans laquelle la France doit avoir la place qui lui revient. C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de nous préciser votre position sur la question des OGM, plus particulièrement sur l'éventuelle levée du moratoire européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, nous avons pris connaissance avec intérêt de l'avis de l'Académie des sciences et de l'Académie de médecine - un avis de nature à apaiser un débat par ailleurs bien passionné. Nous ne voulons ni immobilisme ni irresponsabilité.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mais nous voulons une évaluation précise des risques. Dans ce domaine, la législation française et la législation européenne sont extrêmement fermes et nous allons, dans quelques mois, transposer la directive 2001/18. Je ne doute pas que Mme Haigneré profitera de la transposition de cette directive pour y ajouter les recommandations du comité des quatre sages.
    Lors du dernier conseil des ministres de l'agriculture et du conseil des ministres de l'environnement, nous avons adopté deux nouveaux règlements : un sur les nouveaux aliments destinés à l'alimentation animale et végétale, l'autre sur la traçabilité et l'étiquetage. Il reste maintenant au Parlement à voter ces deux nouveaux règlements. Ce n'est qu'à l'issue des multiples procédures nécessaires à la mise en oeuvre de ces règlements qui garantissent l'information du consommateur que nous pourrons envisager la sortie du moratoire, c'est-à-dire très probablement à la fin de l'année 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

RÔLE DE LA FRANCE EN CÔTE D'IVOIRE

    M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.
    M. Paul Quilès. La situation en Côte d'Ivoire se dégrade sérieusement : on vient de découvrir récemment deux charniers et le ministre des affaires étrangères lui-même considère que toutes les conditions sont réunies pour qu'une catastrophe se produise. Depuis le 19 septembre, la présence militaire française s'est renforcée à plusieurs reprises dans le cadre de ce qu'on appelle l'opération Licorne. Il y a quelques jours encore, un nouveau contingent de 500 hommes est venu renforcer les 1 200 militaires en place. Initialement, l'objectif de la France était - ce qui se comprend parfaitement - d'assurer la sécurité de nos 20 000 ressortissants. Ensuite, il s'est agi d'observer le respect de la trêve intervenue le 17 octobre entre les forces gouvernementales et les rebelles. Aujourd'hui, d'après le colonel porte-parole de l'opération Licorne, les militaires français doivent « prendre une part plus active à la stabilisation du cessez-le-feu, et ils peuvent donc ouvrir le feu sur toute personne les empêchant d'accomplir leur mission ».
    Compte tenu de la gravité du sujet, monsieur le Premier ministre, je pense que vous aurez le souci de répondre, sans polémique cette fois-ci. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. S'il vous plaît, ne réagissez pas !
    M. Patrick Ollier. Il nous provoque !
    M. Paul Quilès. Pouvez-vous dire à la représentation nationale, très exactement, l'étendue et les limites de la mission des troupes françaises qui agissent, je le rappelle, dans le cadre des sept accords de défense et de coopération militaire signés entre la France et la Côte d'Ivoire sur une période de quarante ans, de 1961 à 1980. Je pense que le rôle de notre pays dans cette affaire doit être clair et sans ambiguïté. Mais, comme l'a indiqué justement M. de Villepin, « Aucun pays ne peut agir seul pour recréer les bases de la stabilité politique en Côte d'Ivoire ». « La solution », dit-il, « ne peut être que politique ». Nous souhaitons donc savoir, monsieur le Premier ministre, quelle action la France compte mener, de façon urgente et publique, en direction des Nations unies, pour que la communauté internationale prenne ses responsabilités et n'abandonne pas ce pays à une catastrophe programmée, comme cela s'est trop souvent produit ces dix dernières années en Afrique. Je crois qu'il serait à l'honneur de la France d'agir fermement et rapidement dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur Quilès, je l'ai indiqué tout à l'heure, et je vous le confirme : les missions des forces françaises qui sont présentes en Côte d'Ivoire et de celles qui s'y rendront bientôt, sont tout à fait claires. Elles n'ont pas varié. Il s'agit de veiller à la sécurité de nos compatriotes, vous l'avez vous-même rappelé, et d'assurer le respect du cessez-le-feu pour permettre la négociation. Celle-ci se déroulera sous l'égide africaine de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, conformément à notre souhait, car nous sommes convaincus que la solution de cette crise n'est pas de nature militaire, mais politique.
    Puisqu'on s'interroge sur la présence des forces françaises, je voudrais rappeler que, si l'armée française n'avait pas été sur place au début et si elle n'y était pas aujourd'hui, nous aurions assisté à un bain de sang. Voilà qui suffit à justifier notre présence sur le terrain. Pour répondre à ces missions et compte tenu de l'évolution de la situation, il est apparu nécessaire de renforcer les effectifs. Au final, le contingent devrait comprendre de 2 300 à 2 500 hommes. On peut apprécier diversement les notions d'efficacité et de sécurité. Mais, encore une fois, la mission elle-même n'a pas changé.
    De même, on peut interpréter de diverses manières le rôle des Nations unies dans cette affaire. Pour le moment, les Nations unies se sont intéressées de près à la Côte d'Ivoire, mais par l'intermédiaire des négociations menées sous l'égide de la CEDEAO. Le Président de la République, M. Chirac, a été à maintes reprises en contact avec le secrétaire général de l'ONU. Les négociations engagées, qui doivent aboutir normalement à la réunion, à Paris, des différents protagonistes, associeront la représentation de l'ONU. Les Nations unies, les Etats africains, tout comme l'Union africaine elle-même, sont, vous le constatez, directement associés à la recherche d'une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

COUVERTURE DES ZONES DE TÉLÉPHONIE MOBILE

    M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.
    M. Michel Raison. Ma question s'adresse au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Depuis un trop grand nombre d'années, l'aménagement du territoire se fait, dans notre pays, de façon déséquilibrée, selon une méthode qui s'apparente à celle de la « boule de neige » : on fait du développement là où il y a déjà du développement, on construit des routes en fonction du comptage des véhicules...
    Mme Martine Billard. Heureusement !
    M. Michel Raison. ... et on met du haut débit Internet là où vivent beaucoup d'habitants. Il en va de même pour la téléphonie mobile. Loin de moi l'idée de vouloir opposer la ville à la campagne ! Au contraire, je suis un grand défenseur de la complémentarité. Il n'y a pas d'un côté la ville et de l'autre la campagne. Il y a la France (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), et tout le territoire doit bénéficier du même type d'égards. Lors du CIADT de 2001, le précédent gouvernement avait décidé de débloquer des financements pour installer des pylônes dans les zones les plus retirées, là où existent des « zones d'ombre ». Mais, malheureusement, il semblerait que la communication ne soit pas très bien passée, car nous n'avons toujours rien vu ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Bien entendu !
    M. Michel Raison. Monsieur le ministre, je connais votre détermination, et je sais la façon dont vous avez empoigné à bras-le-corps le dossier.
    M. Jean-Pierre Brard. Il a la carrure ! (Sourires.)

    M. Michel Raison. J'aimerais que vous nous disiez avec précision où en est le dossier sur les plans juridique, technique et financier et quels sont les délais envisagés. Nous sommes impatients. Pour que les communications passent, il faut supprimer au plus vite ces zones d'ombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, le comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire du 13 décembre 2002 a pris un certain nombre d'engagements, conformément à la volonté du Premier ministre, en vue de réduire la fracture numérique, notamment la couverture en téléphonie mobile des zones dites « blanches », c'est-à-dire celles dans lesquelles aucun opérateur ne veut venir, l'équilibre économique n'étant pas assuré.
    Quelles décisions ont été prises ? Premièrement, les préfets de région ont vocation à réunir les élus de façon à déterminer leurs priorités en matière de couverture. Une enveloppe de 44 millions d'euros a été prévue : 30 millions sont déjà partiellement répartis sur les régions, permettant de couvrir à peu près 1 638 bourgs et communes et l'installation d'à peu près 1 200 pylônes. Deuxièmement, les opérateurs ont accepté le principe de l'itinérance locale. Troisièmement, nous avons engagé avec les opérateurs une réflexion pour aller au-delà des 1 200 pylônes. Quatrièmement, nous avons entamé des discussions avec la Commission européenne pour permettre la mobilisation des fonds européens et nous pensons aboutir.
    Nous avons voulu un CIADT d'engagements et non pas de promesses non tenues. Vous pourrez ainsi nous juger sur nos résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR DES FONDERIES DE FONTE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Paul Anciaux. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie. De nombreuses fonderies de fonte ont disparu ces dernières années, la Fonderie d'Autun est l'une des dernières en date. Il reste aujourd'hui soixante-quinze unités sur le sol national. En ne soutenant pas cette production, nous perdons irrémédiablement des savoir-faire et de nombreux métiers. La fonderie de fonte est particulièrement stratégique pour notre pays. Elle emploie de la main-d'oeuvre qualifiée, elle utilise des technologies sophistiquées et génère, dans son sillage, de nombreuses activités. En dessous d'un seuil critique d'emplois potentiels, pourra-t-on encore former des ingénieurs, des techniciens, des professionnels spécialisés dans la fonderie ?
    Au moment où le Gouvernement souhaite que le développement durable représente une dimension majeure de son action, n'oublions pas, madame la ministre, l'activité de recyclage de tonnes de métaux ferreux de récupération que traitent les fonderies de fonte. Souhaitons-nous que ces métaux ferreux soient acheminés sur de longues distances vers les dernières fonderies ou vers les rares pôles sidérurgiques ou exportés à vil prix pour revenir sous forme de produits finis ?
    Madame la ministre, nous avons, sur notre territoire, des entreprises compétitives tant par le prix que par la qualité. Prenons garde à ne pas laisser l'activité de fonderie rejoindre l'histoire industrielle en pensant qu'il n'existe plus d'autre solution que la délocalisation. En France des sites existent, comme à Autun, de la main d'oeuvre qualifiée est encore disponible. Elaborons un projet pour maintenir et redéployer l'avenir de fonderies, encourageons les industriels qui adhéreront à ce projet.
    Nous nous battons pour sauver le site d'Autun. La région est déjà suffisamment sinistrée. L'intersyndicale, les élus, la population, se sont rassemblés dans une association afin de préserver le site, toujours dans l'espoir de pouvoir le présenter à d'éventuels repreneurs. Nous ne recherchons pas un sursis avant la friche industrielle, mais des solutions pour pérenniser une activité dont notre pays a besoin.
    Je souhaite que l'activité fonderie de fonte fasse l'objet d'une réflexion approfondie. Il s'agit, au plan national, d'un véritable choix stratégique, et au plan local, d'un choix d'aménagement concerté du territoire. Merçi, madame la ministre, de m'indiquer s'il existe de la part du Gouvernement une réelle volonté de maintenir et d'encourager les activités de fonderie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur Anciaux, vous venez d'évoquer l'avenir de la fonderie de fonte avec une conviction que je partage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je puis en effet vous assurer de l'intérêt que le Gouvernement porte à ce secteur industriel qui produit deux millions de pièces moulées, dont un tiers à l'exportation, dans un grand nombre d'établissements. Il est vrai que ce secteur traditionnel a dû se restructurer. Cela s'est traduit par la fermeture de certains sites et par la concentration de certaines capacités. Ces redéploiements ont donné naissance à des grands groupes. Mais ce secteur est appelé à connaître d'autres évolutions, auxquelles le Gouvernement sera très attentif. Il s'intéressera notamment aux coûts des travaux de mise aux normes environnementales.
    Vous le voyez, nous ne sommes pas restés indifférents face aux difficultés de ce secteur. Concrètement, nous avons accompagné, dans le cadre du comité interministériel de restructuration industrielle, le plan de sauvetage du groupe Valfond.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. De la même façon, nous participons activement aux études qui ont été lancées par les professionnels afin de mesurer à la fois les forces et les faiblesses de ce secteur, mais surtout pour pouvoir définir une statégie d'action à même de renforcer la compétitivité de ce secteur industriel.
    Monsieur le député, nous connaissons les efforts que vous avez déployés pour défendre la Fonderie d'Autun.
    M. Maxime Gremetz. Ô combien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je puis vous dire que le Gouvernement ne ménagera pas ses efforts pour défendre l'avenir de ce métier de la fonderie.
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.
    La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

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PRESTATION DE SERMENT DE DEUX JUGES
TITULAIRES DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET D'UN JUGE TITULAIRE DE LA COUR

DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
    M. le président. L'ordre du jour appelle la prestation de serment devant l'Assemblée nationale de deux juges titulaires de la Haute Cour de justice et d'un juge titulaire de la Cour de justice de la République.
    Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance portant loi organique sur la Haute Cour de justice et de l'article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».
    Je vais inviter MM. les juges à bien vouloir se lever à l'appel de leur nom et, levant la main droite, à répondre par les mots : « Je le jure. »
    Pour la Haute Cour de justice :
    M. Loïc Bouvard (M. Loïc Bouvard se lève et dit : « Je le jure ») ;
    M. Thierry Mariani (M. Thierry Mariani se lève et dit : « Je le jure ») ;
    Pour la Cour de justice de la République :
    M. Alain Marsaud (M. Alain Marsaud se lève et dit : « Je le jure »).
    Acte est donné par l'Assemblée nationale du serment qui vient d'être prêté devant elle.

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MARCHÉS ÉNERGÉTIQUES

Explications de vote
et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.
    La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, mesdames messieurs le députés, je tiens à vous dire très sincèrement que j'ai été heureuse de soumettre à votre assemblée le premier texte qu'il m'était donné de présenter depuis que j'ai été nommée au Gouvernement.
    Certain d'entre vous connaissent mes engagements européens et mon passé au sein du Parlement européen. Vous comprendrez donc que je me réjouisse singulièrement que cette loi concoure à la création d'un grand marché unique européen du gaz et, par là même, au progrès de la construction européenne ainsi qu'à la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens. En effet, demain, c'est-à-dire dans le cadre d'une Europe à vingt-cinq, la majorité qualifiée sera de plus en plus la règle sur de nombreux sujets importants. C'est donc plus notre capacité à convaincre qu'à imposer un rapport de force qui nous permettra de façonner l'Europe que nous souhaitons.
    Je voudrais me féliciter de la coopération qui a été la nôtre et remercier plus particulièrement M. le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, pour le concours très efficace qu'il a apporté à ce débat et à son heureuse issue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Hervé de Charette. Il est très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Dans mon discours introductif, j'avais indiqué que j'accueillerais avec le plus grand esprit d'ouverture les amendements que votre assemblée pourrait me présenter. Vous avez pu constater que ce n'étaient pas des mots, et je tiens à féliciter le rapporteur pour le travail remarquable qu'il a accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Hervé de Charette. C'est vrai !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. En grande partie grâce à vous, monsieur Gonnot, votre assemblée a complété très utilisement le texte initial en y ajoutant des dispositions permettant de clarifier les objectifs que nous poursuivions : remplir nos engagements européens et libéraliser le marché du gaz en assurant une coexistence équilibrée entre concurrence et service public.
    Je ne regrette pas les quelque vingt heures que nous avons consacrées à ce débat à la fin de la semaine dernière. Le temps que nous avons pris témoigne, s'il en était besoin, de l'importance de l'évolution engagée et des enjeux en cause.
    La qualité, la haute tenue des interventions attestent du sérieux que chacun a souhaité au-delà de nos divergences politiques d'appréciation. C'est pourquoi je tiens à remercier tous les intervenants.
    Dans l'immédiat, il me reste à espérer que Gaz de France pourra conquérir, dès demain, les marchés que son dynamisme mérite. Au-delà, je souhaite que ce travail législatif - qui s'inscrit, comme j'avais eu l'occasion de le dire, dans un ensemble plus vaste - soit la première étape d'un processus propre à renforcer la compétitivité de l'industrie française et à conforter la place de la France au sein de l'Union européenne ainsi que dans le monde.
    Mesdames, messieurs les députés, soyez vivement remerciés de tout cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée va enfin adopter un projet de loi transposant en droit français la directive du 22 juin 1998 relative aux règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. Comme nous avons été très nombreux à le dire au cours du débat, cette transposition était urgente. Le Gouvernement a choisi de procéder par voie parlementaire, ce dont je vous remercie à nouveau, madame la ministre.
    Je tiens également à saluer le travail remarquable accompli par le Sénat, qui a réussi, dans un délai très court, à améliorer le texte initial et à l'enrichir de manière très substantielle. Nous nous sommes efforcés, les uns et les autres, au cours des vingt heures que nous avons consacrées dans l'hémicycle à ce débat, de poursuivre ce travail d'amélioration.
    En matière gazière, notre assemblée a clarifié le régime de l'éligibilité en conciliant deux préoccupations.
    Premièrement, permettre une ouverture du marché réelle et sans discrimination. C'est pourquoi nous avons décidé de reconnaître l'éligibilité des fournisseurs, qui conditionne le bon fonctionnement du marché. Nous avons étendu l'éligibilité des producteurs d'électricité à partir de gaz naturel à la part de leur consommation de gaz utilisée pour la production de chaleur, ce qui est nécessaire pour éviter de considérables difficultés d'application du texte.
    Deuxièmement, veiller parallèlement à ce que les règles d'ouverture du marché ne puissent pas être utilisées abusivement.
    Nous avons ainsi lié l'éligibilité à la notion de site et porté de trois à trente jours le délai au terme duquel devient effective la résiliation des contrats d'un client faisant jouer son éligibilité.
    Diverses améliorations ont également été apportées aux dispositions concernant notamment les tarifs gaziers et la dissociation comptable.
    S'agissant du titre relatif au service public du gaz naturel, l'Assemblée s'est également attachée à enrichir le texte, à travers des débats à la fois passionnants et passionnés, et à renforcer des obligations de service public. Nous avons ainsi précisé le dispositif en faveur des personnes en situation de précarité et nous avons décidé d'instituer une obligation de diagnostic des installations intérieures de gaz à l'occasion d'une mutation immobilière.
    L'enrichissement essentiel apporté dans la partie relative au service public concerne notamment l'obligation pour l'Etat de définir un « plan indicatif pluriannuel » visant à vérifier l'adéquation des plans d'investissement des opérateurs avec l'évolution de la demande nationale de gaz naturel. Ce dispositif devrait permettre de créer un cadre informel palliant les difficultés qui pourraient résulter d'un manque de coordination entre les initiatives privées.
    Dans le secteur de l'électricité, notre assemblée a adopté de nombreuses modifications de la loi du 10 février 2000.
    Tout d'abord, nous avons garanti la pérennité du fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACE, dont chacun connaît l'utilité, en adaptant son mode de financement. Il s'agit là d'une avancée majeure.
    Nos débats ont également permis de régler les principales difficultés posées par le dispositif régissant la compensation des charges de service public.
    Le Gouvernement s'est engagé, par votre voix, madame, et je vous en remercie, à baisser à due concurrence les tarifs réglementés d'électricité afin que le nouveau mécanisme mis en place ne se traduise pas, in fine, par une augmentation de la facture d'électricité des ménages.
    Par ailleurs, un mécanisme de plafonnement a été institué pour apporter une solution aux difficultés posées par le nouveau mécanisme aux industriels électro-intensifs.
    Enfin, de nombreuses autres modifications tirant les enseignements des premières années d'application de la loi du 10 février 2000 ont été adoptées.
    Nous avons ainsi décidé, par exemple, de reconnaître l'éligibilité des distributeurs non nationalisés pour l'approvisionnement de l'ensemble de leurs clients, ce qui permet d'aligner le régime des DNN du secteur électrique et du secteur gazier. Cela leur donnera l'occasion de s'adapter progressivement à la concurrence.
    En outre l'Assemblée a adopté, à l'initiative du président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, un amendement tendant à concilier l'implantation des éoliennes et la protection de l'environnement. En garantissant l'association des populations et le respect des paysages, la disposition adoptée permettra l'implantation sereine des éoliennes qui conditionne leur développement ultérieur.
    Nous avons donc réalisé un travail constructif en améliorant et complétant ce texte. Je vous remercie, madame la ministre, de l'avoir publiquement salué. Cela a été rendu possible par l'implication de très nombreux collègues, sur tous les bancs, qui ont participé activement à ces vingt heures de débat. Qu'ils en soient ici remerciés.
    Ce travail a également été favorisé par le remarquable esprit d'ouverture avec lequel vous avez, madame la ministre, bien voulu examiner les amendements parlementaires. Je vous en remercie au nom de l'ensemble de mes collègues.
    J'espère que nous aurons, dès ce soir, en commission mixte paritaire, l'occasion de conclure ce travail par l'élaboration d'un texte de compromis satisfaisant les préoccupations, en définitive très voisines, des deux assemblées. Ainsi, ce projet de loi pourrait, comme nous le souhaitons tous, être promulgué avant la fin de l'année. Enfin, après vous, madame la ministre, je veux souhaiter bonne chance à Gaz de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Ducout.
    M. Pierre Ducout. Madame le ministre, vous soumettez aujourd'hui à notre vote un projet de loi sur les marchés énergétiques transposant en théorie la directive européenne, adoptée en 1998, sur les règles communes du marché intérieur du gaz. Rappelons que cette directive avait été négociée par le gouvernement de gauche, qui avait obtenu la prise en compte de la défense du service public et une ouverture progressive à la concurrence limitée aux clients industriels - et pour 33 % au maximum du marché en 2008 -, après un bilan des effets de cette ouverture.
    Dans la réalité, et on l'a vu tout au long du débat, le texte, tel qu'il est proposé à notre vote, est une transposition ultralibérale de cette directive : il prend en compte ce que vous avez accepté, à Bruxelles, lors du Conseil européen des ministres de l'énergie, le 25 novembre dernier, à savoir l'ouverture totale du marché pour tous, pour les consommateurs domestiques, avant le 1er juillet 2007, ce qui signifie de fait l'abandon du service public du gaz et de l'énergie.
    Rappelons que la politique du gouvernement de Lionel Jospin a toujours été de défendre efficacement notre service public de l'énergie, notamment les entreprises publiques du secteur particulièrement performantes. La stratégie retenue avait d'ailleurs été payante. En présentant, en 2000, un projet de transposition a minima de la directive gaz de 1998, en demandant à nos entreprises, et particulièrement à Gaz de France, d'ouvrir le marché dès le 10 août 2000 pour les clients industriels consommant plus de 25 millions de mètres cubes de gaz, et en prenant son temps pour transposer formellement la directive, la France s'est donné les moyens de la négociation avec ses partenaires, moins performants en matière énergétique, car ils n'ont pas, pour la plupart, l'organisation efficace à l'échelle nationale des services publics de l'énergie.
    Contrairement à l'image négative qui en est ressortie, le sommet européen de Barcelone de mars dernier a permis à la France d'obtenir de ses partenaires deux avancées : d'abord, le préalable d'une directive-cadre sur les services publics ; ensuite, l'absence d'ouverture du marché aux clients domestiques. Le Président de la République Jacques Chirac s'en était d'ailleurs félicité après le Premier ministre.
    Ces résultats permettaient de transposer a minima la directive, ce qu'aurait fait un gouvernement de gauche, la condamnation pour non-transposition formelle dans le temps prévu étant, en l'espèce, anecdotique, comme l'argutie de l'Espagne prenant ce prétexte pour ne pas ouvrir son marché. Dans les faits, l'Espagne est le pays le moins ouvert de l'Europe avec l'Allemagne. La France n'est donc pas, contrairement à ce que vous prétendez, le mouton noir de l'Europe en la matière.
    L'échec de la libéralisation de l'énergie, telle qu'elle a été pratiquée aux Etats-Unis - aboutissant au scandale Enron -, en Grande-Bretagne - avec British Energy -, l'impuissance des marchés financiers à préparer l'avenir, tout cela devrait vous donner à réfléchir.
    Or à Bruxelles, contrairement aux engagements pris par le président Chirac à Barcelone, vous avez lâché, sans aucune garantie, sans même le préalable d'une directive-cadre, le service public, dont les missions sont la qualité au moindre coût, le principe d'égalité et de continuité au bénéfice de tous les consommateurs dans un objectif de solidarité, le développement de la desserte gazière ainsi que l'indépendance énergétique et la sécurité d'approvisionnement.
    On ne peut pas admettre l'argument selon lequel la France occupe une position minoritaire alors que, dans le même temps, votre gouvernement défend, en matière de pêche ou sur la politique agricole commune, la spécificité française.
    On pourrait craindre que votre objectif, à court terme, ne soit exclusivement financier : préparer la privatisation totale de Gaz de France afin de vendre l'entreprise à Suez, par exemple.
    M. Jean Glavany. Par exemple ? Au hasard... !
    M. Pierre Ducout. Fondée sur l'objectif de défendre et de moderniser le service public et la volonté de conforter les entreprises publiques performantes que sont EDF et GDF, dont le personnel, qui a montré ses qualités et son engagement, doit voir son statut garanti, l'opposition du groupe socialiste à votre texte trouve en outre des échos dans les inquiétudes, voire les mises en garde des sénateurs de droite qui, tout en ayant voté votre texte, sont conscients des enjeux qu'il représente sur le long terme pour notre pays.
    Dans une proposition de résolution, en effet, ils pointent du doigt les autres pays européens qui s'en tiennent à une libéralisation purement formelle et juridique du marché. Ils demandent au Gouvernement de préserver efficacement - ce qui semble signifier que ce n'est pas le cas aujourd'hui - le service public de l'énergie, en le concentrant en particulier pour les personnes les plus démunies, la desserte des régions les plus défavorisées et la péréquation tarifaire. Ils réaffirment leur attachement à l'unité des opérateurs nationaux d'électricité et du gaz. Ils se demandent ce que deviendra la qualité du service de proximité assuré par la direction commune EDF-GDF Services, avec ses 68 000 employés au plus près de nos concitoyens. Enfin, ils s'inquiètent de la préservation de la richesse nationale que constitue les stockages gaziers souterrains.
    Vous avez accepté l'accès des tiers à ces stockages, qui risquent alors d'être utilisés pour de la spéculation à court terme et non pour garantir la continuité et la sécurité énergétique.
    Nous avons été très présents dans la discussion, notamment les membres du groupe sur l'énergie de l'Assemblée, qui suivent ces problèmes depuis très longtemps. Nous avons obtenu des avancées en matière de sécurité et de sûreté des installations gazières, Christian Bataille et Jean-Yves Le Déaut ayant accompli un magnifique travail à ce niveau-là,...
    MM. Christian Bataille et Jean-Yves Le Déaut. Merci !
    M. René André. Ils ne sont pas les seuls !
    M. Pierre Ducout. ... en matière de pouvoir accru de contrôle de l'autorité concédante et de renforcement de l'électrification rurale avec le FACE. En revanche, nous n'avons rien obtenu sur ce qui nous paraît aujourd'hui possible en matière d'égalité, à savoir la péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire.
    Vous avez, par ailleurs, refusé de vous engager sur un nouveau plan de desserte gazière, sur des garanties en matière de service en matériel et en personnel dans les régions les plus reculées et les quartiers sensibles.
    En matière de transparence, madame la ministre, vous refusez de nous fournir la liste des clients éligibles et vous nous avez communiqué difficilement ce qui a été approuvé à Bruxelles.
    Avec cette loi et ce qu'elle prépare, vous abandonnez, dans les faits, le service public de l'énergie et ce qu'il a apporté à nos concitoyens depuis plus de cinquante ans pour assurer la cohésion sociale de notre pays.
    Le service public de l'énergie, bien de première nécessité pour nos concitoyens, assuré par des entreprises publiques performantes, dont il ne faut pas ouvrir le capital à la dictature souvent aveugle du marché,...
    M. Christian Bataille. Très bien !
    M. Pierre Ducout. ... constitue un des piliers essentiels de notre République. Devant tous ces abandons dangereux pour l'avenir de notre pays, le groupe socialiste votera résolument contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. A mi-parcours de la discussion parlementaire, je veux d'abord vous rendre hommage, madame la ministre, pour avoir présenté la transposition de la première directive gaz à l'approbation du Parlement. La France avait engagé sa parole, il était urgent de la tenir. Le temps des rapports et des reports - la formule n'est pas de moi - est terminé, et c'est une très bonne nouvelle.
    La construction du projet européen, patiente, pragmatique, ne doit plus être victime de considérations de politique politicienne, comme ce fut le cas du temps de la gauche plurielle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le groupe UDF et apparentés tient à remercier, pour la qualité des débats de ces derniers jours, le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, les fonctionnaires de l'Assemblée qui travaillent au sein de cette commission, le rapporteur François-Michel Gonnot, ainsi que tous les députés et sénateurs qui se sont personnellement impliqués dans ce dossier. Comme pour La Poste, les télécommunications, les transports aériens et ferroviaires, l'électricité, nous sommes au coeur d'un des grands enjeux politiques actuels du projet européen : l'ouverture à la concurrence européenne d'un marché national dominé par un opérateur historique en situation de monopole et effectuant des missions de service public. Il nous faut tous reconnaître, avec modestie, que nous recherchons en effet un nouveau modèle de développement européen, après la faillite des solutions socialistes et devant les effets pervers de l'ultralibéralisme.
    Ce modèle passe par une ouverture à la concurrence maîtrisée qui permette in fine l'émergence d'une plus grande diversité de produits et à meilleurs coûts pour les clients, sans compter l'enjeu en termes d'emploi industriel, tout en garantissant un véritable service public en matière de sécurité, d'aménagement du territoire et de lutte contre la précarité.
    M. Alain Néri. Vous y croyez ?
    M. Jean Dionis du Séjour. Nos collègues de gauche ont posé des questions pertinentes (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) auxquelles nous devrons apporter de vraies réponses.
    L'élaboration par le ministre de l'énergie d'une planification indicative pluriannuelle de l'évolution de la demande nationale d'approvisionnement et de sa répartition géographique d'une part, ainsi que celle des investissements des infrastructures de transport et de stockage d'autre part, va dans le bons sens ; elle est désormais prévue dans notre texte, je ne doute pas qu'elle le reste.
    Globalement, nous n'avons pas entendu à gauche de perspective d'alternative crédible au projet européen qui sous-tend la loi gaz qui nous est proposée. Nos collègues de gauche restent profondément divisés sur le problème de l'énergie. Les discours tenus par nos collègues socialistes et communistes qui s'inspirent du colbertisme ne sont finalement pas très convaincants et il aurait été intéressant que s'exprime une voix écologiste sur ce thème.
    Pour notre part, nous avons participé aux travaux avec l'approche originale de l'Union pour la démocratie française. Fidèles à nos convictions libérales, sociales et européennes, nous n'opposons pas concurrence d'une part, et service public d'autre part, bien au contraire. Nous défendons une approche ambitieuse qui promeuve les deux. Et, madame la ministre, telle est bien l'économie générale de votre texte. C'est pourquoi le groupe UDF et apparentés le soutiendra même si nous le trouvons trop timide sur le droit à la concurrence et le service public.
    Le marché de l'énergie ne deviendra vraiment concurrentiel qu'avec une autorité de régulation forte, indépendante, adaptée aux spécificités du secteur gazier. En élargissant au gaz les compétences de la CRE dans l'article 6 du texte, madame la ministre, vous allez dans la bonne direction mais, à notre sens, de façon trop timide. Ainsi, le marché ne peut pas se contenter d'une CRE « croupion », il lui faut une « vraie » CRE, forte de prérogatives étendues, asseyant son autorité d'arbitre.
    En ce qui concerne le service public, le projet de loi s'arrête à des déclarations de principe reprises à l'article 11 mais renvoie l'organisation concrète du service public à des décrets d'application. C'est regrettable.
    Cela dit, nous saurons être patients pour construire un véritable consensus national sur ces questions. Même s'il nous paraît encore timoré, le projet de loi va dans le bon sens. Comme il s'agit d'une première étape significative dans un domaine compliqué et sensible, nous ne vous « mégoterons » pas notre soutien. C'est pourquoi le groupe UDF et apparentés votera sans aucune ambiguïté pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Madame la ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi soumis aujourd'hui au vote de notre assemblée, nous assistons à un moment important, celui de la première remise en cause législative des services publics par le Gouvernement. Pour atteindre cet objectif, vous avez décidé d'aller très vite, en recourant à la procédure d'urgence, et vous avez, en évitant tout débat réel, affiché une ferme volonté d'aller bien au-delà des préconisations de la directive, objet de cette transposition en droit français.
    Comment ne pas constater que ce projet relève d'une application dogmatique, ultralibérale, pourtant remise en cause par les faits dans les pays qui vous servent d'exemples ? Vous avez notamment admis le principe de l'ouverture totale du marché du gaz dès 2007 aux simples usagers.
    Vous avez, contrairement à vos engagements, capitulé devant Bruxelles concernant l'accès des tiers, même par accords négociés, aux réseaux de stockage, mettant ainsi en cause l'indépendance énergétique de notre pays.
    Vous avez, tout au long de l'examen de ce texte, refusé d'entendre nos mises en garde sur les problèmes liés à la sécurité d'approvisionnement, la sûreté des installations et de la distribution du gaz, l'équité sociale grâce à des prix accessibles et péréqués.
    Vous avez fait comme si Enron et sa logique financière n'avaient jamais existé.
    Vous avez, par plusieurs dispositions, dessaisi de tout pouvoir la représentation nationale et le Gouvernement en confiant les pleins pouvoirs à une commission de régulation de l'énergie et non pas à une commission de régulation de l'électricité et du gaz, lui conférant ainsi un rôle stratégique sans qu'elle ait à justifier, par exemple, ses décisions en matière tarifaire.
    En fait, vous avez, avec ce texte, souhaité clairement donner un signe au marché, et à ses représentants nationaux du MEDEF (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), que le temps des monopoles publics était terminé, au nom d'une mise en oeuvre, sans plus aucune régulation, du sacro-saint dogme libéral.
    Ce texte sur le gaz vous a même servi de support pour faire sauter les garde-fous et les avancées (arrachées) par les parlementaires communistes dans la loi sur l'électricité de février 2000.
    Madame la ministre, la politique gouvernementale est savamment pesée. Elle s'articule autour d'un projet idéologiquement réfléchi et calé sur un calendrier minutieusement préparé car la droite n'est pas sûre de son fait. Vous savez bien que, au printemps dernier les électeurs n'ont pas donné un blanc-seing à la droite pour casser les entreprises publiques dont l'image, l'efficacité, le rôle de cohésion sociale sont reconnus par l'opinion publique.
    Or, au-delà du secteur gaz, votre démarche libérale actuelle vise l'ensemble des entreprises publiques. Elle ne constitue qu'une première étape vers l'ouverture annoncée du capital d'EDF et de GDF, la remise en cause du statut des salariés ou de ce qui fait le socle de la notion de service public, c'est-à-dire la péréquation tarifaire pour les usagers.
    Votre démarche s'inscrit dans l'offensive générale que vous menez contre l'ensemble des salariés par le biais du dossier de la loi de modernisation sociale, par exemple, ou sur la question cruciale des retraites. En fait, le Gouvernement sépare les problèmes pour éviter les réactions d'opposition globale. Le syndrome de 1995 est encore dans toutes les têtes.
    Soyez convaincue de l'opposition résolue des parlementaires de notre groupe face à ces projets. Nous agirons pour créer des convergences sur les services publics, pour proposer la construction de synergies efficaces avec d'autres secteurs de l'énergie, à travers la constitution d'un pôle public de l'énergie s'appuyant non seulement, bien évidemment, sur le binôme EDF-GDF, mais aussi sur des partenariats avec d'autres groupes.
    A chaque occasion, vous nous entendrez vous proposer, à l'inverse de ce que vous faites au niveau national comme au niveau européen, d'élargir les droits nouveaux des salariés, des usagers, des élus qui doivent, selon nous, pouvoir se prononcer sur les enjeux stratégiques comme ceux de l'énergie, essentiels pour les Etats et les populations.
    Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
    M. Jean-Claude Lenoir. Nous voici au terme d'un long débat consacré à l'examen du texte sur l'ouverture des marchés énergétiques, qui nous a accaparés pendant plusieurs jours et plusieurs nuits. Permettez-moi d'abord, mes chers collègues, de remercier Mme Fontaine, qui l'a conduit avec autorité et compétence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Fayot !
    M. Jean-Claude Lenoir. Elle a fait preuve, tout au long de cette discussion, d'une très grande ouverture d'esprit nous permettant de travailler ensemble, d'une façon utile et efficace.
    Je tiens également à remercier M. le rapporteur, dont la contribution nous aura permis d'avancer plus vite dans l'élaboration du texte que nous allons adopter aujourd'hui.
    L'UMP va voter ce projet de loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) pour deux raisons. La première tient au fait que ce vote nous permettra de tenir un engagement pris par le Gouvernement précédent. (Sourires.) Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que c'est le Gouvernement de M. Jospin qui a approuvé à Bruxelles, en 1998, une directive qu'il a ensuite refusé de soumettre au Parlement, alors qu'il devait la transposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ayant le souci de tenir les engagements de la France, nous nous employons, même tardivement, à redonner du crédit à notre pays.
    A cet égard, les difficultés de l'opposition à faire admettre sa position se mesure à l'aune du talent déployé pour expliquer que la gauche socialiste et communiste allait voter contre un texte que le Gouvernement précédent avait envisagé de faire approuver par le Parlement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Il aura fallu le talent de grands sophistes pour tenter d'expliquer cette position.
    La réalité est que Gaz de France est aujourd'hui entravée dans son développement, et que nous allons lui donner les moyens de se développer, de conforter ses positions au plan européen, grâce à un abaissement progressif et maîtrisé des seuils d'éligibilité.
    La deuxième raison de notre vote positif est que l'examen de ce texte nous a permis de fixer et de souligner en quoi consistent, selon nous, les obligations de service public, conformément à notre conception du service public. Il s'agit des principes d'égalité, de transparence, de sécurité, de continuité, d'équité et de solidarité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Le service public, qui fait notre fierté, doit continuer d'exercer ses missions dans des conditions de marché qui ont évolué en Europe. Loin de se figer, il doit se moderniser.
    Bien que les applications de ces principes de service public soient connues, nous les avons rappelées et soulignées avec force pendant le débat : sécurité des installations et des personnes, continuité de la fourniture de gaz, notamment à l'égard des plus démunis, sécurité d'approvisionnement, protection des consommateurs, transparence des conditions commerciales et aménagement du territoire.
    A cet égard, je veux souligner l'incohérence de l'opposition. Alors que le texte du gouvernement précédent parlait, s'agissant des tarifs, d'harmonisation, aujourd'hui, elle veut nous faire croire qu'elle est attachée à la péréquation, sans doute parce que nous avons repris le mot « harmonisation ». Les mêmes qui, hier, adoraient ce que M. Jospin proposait, ont été les premiers à bondir de leurs sièges pour dénoncer le texte proposé par le Gouvernement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    Bref, vous l'avez compris, mes chers collègues, ce débat aura été l'occasion de montrer, mieux qu'avant, la frontière qui sépare l'archaïsme, qui est en face de nous, du pragmatisme qui est chez nous, et l'idéologie, qui est en face de nous, de la modernité à laquelle nous sommes attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et groupe Union pour la démocratie française).

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif aux marchés énergétiques.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boitiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   474
Nombre de suffrages exprimés   474
Majorité absolue   238
Pour l'adoption   312
Contre   162

    L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

COMMUNICATION RELATIVE À LA DÉSIGNATION
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 17 décembre 2002.    

            « Monsieur le président,
    « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.
    « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
    « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
    « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures dix sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

5

JUGES DE PROXIMITÉ

Discussion d'un projet de loi organique
adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux juges de proximité (n°s 242, 466).
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée examine aujourd'hui en première lecture le projet de loi organique relatif aux juges de proximité, dans les termes votés par le Sénat le 3 octobre dernier.
    La création d'une véritable juridiction de proximité, qui constitue un engagement majeur du Président de la République, répond à une très forte attente de nos concitoyens à l'égard de la justice.
    Apporter aux petits litiges civils du quotidien comme aux petites infractions aux règles de vie en société une réponse judiciaire simple, rapide et efficace est impératif pour conforter la confiance des citoyens dans notre justice.
    Force est de constater que cette réponse fait aujourd'hui bien souvent défaut. Bon nombre de conflits de la vie courante ne sont pas portés devant le juge par crainte de réponse tardive et de coût disproportionné. Quant aux infractions mineures, le taux de classement sans suite est important, sans compter celles qui ne donnent même pas lieu à une plainte par découragement.
    Le Gouvernement s'est assigné une priorité à cet égard : faire adopter dès le début de la présente législature la loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui fixe notamment les compétences de la juridiction de proximité en matière civile et pénale ainsi que ses principales règles d'organisation et de procédure.
    Le choix effectué est celui d'une juridiction autonome nouvelle, composée d'un ou plusieurs juges de proximité qui ne seront pas des magistrats professionnels et qui exerceront une part limitée des fonctions assurées par les magistrats des juridictions de première instance.
    S'agissant de ce dernier point, votre commission des lois propose d'en rétablir très clairement l'affirmation, ce qui me paraît judicieux d'un point de vue constitutionnel.
    Notre objectif dans les cinq ans à venir est de recruter 3 300 juges de proximité. Si vous adoptez le texte aujourd'hui soumis à votre examen, ce recrutement pourra être lancé dès le début de l'année 2003.
    Le choix d'une juridiction autonome est celui de la clarté et de la lisibilité pour nos concitoyens.
    Je sais qu'il a suscité certaines interrogations voire des incompréhensions quant à la place respective de la juridiction de proximité et de la juridiction d'instance, qui incarne également une forme de justice proche des justiciables.
    Je le répète, il n'y a à mon sens aucune opposition, mais, au contraire, une parfaite complémentarité de fonctions entre ces deux formes de justice proche des justiciables. Le juge de proximité déchargera le juge d'instance des petits litiges ne posant pas de difficultés juridiques et ce dernier pourra se recentrer sur les conflits présentant une certaine technicité.
    Il n'en reste pas moins qu'il convient de mieux préciser l'articulation des rapports entre ces deux juridictions très proches l'une de l'autre.
    Votre commission des lois y a été particulièrement attentive, en proposant un amendement qui confie au juge d'instance le soin d'organiser l'activité et les services de la juridiction de proximité. Ce choix est judicieux : la juridiction de proximité, par son fonctionnement, doit s'appuyer sur une autre juridiction. Le tribunal d'instance est à cet égard tout désigné.
    Le texte voté par le Sénat conférait ce pourvoir d'organisation au président du tribunal de grande instance.
    J'avais cependant pris l'engagement que des dispositions réglementaires associeraient étroitement le juge d'instance chargé de la direction et de l'administration du tribunal. Votre amendement va plus loin : il attribue d'emblée, en vertu de la loi, l'ensemble de l'activité d'animation, de coordination et d'organisation des services de la juridiction de proximité au juge d'instance.
    Cette orientation présente l'avantage de mieux faire coïncider la géographie des lieux et la proximité des compétences et des hommes, puisque les juges d'instance et les juges de proximité exerceront dans des locaux le plus souvent communs et avec un personnel de greffe qui travaillera aussi bien pour le juge d'instance que pour le juge de proximité.
    J'ajoute que le rapprochement correspond aux attentes des juges d'instance, telles que j'ai pu les entendre lors des entretiens que j'ai eus avec leurs représentants.
    Votre commission prévoit également, dans la même logique, la participation du juge d'instance au processus d'évaluation de l'activité professionnelle des juges qui la composent. Le Gouvernement, je vous l'indique dès à présent, est également favorable à cette disposition.
    Outre ces aspects essentiels d'organisation, l'objet principal du présent projet est de déterminer le statut du juge de proximité, c'est-à-dire, classiquement, les règles applicables en matière de recrutement, de nomination, de formation, d'incompatibilités et de discipline.
    Ainsi que je l'indiquais précédemment, le choix du Gouvernement est de confier la juridiction de proximité, non à des magistrats de carrière, mais à des juges recrutés à titre temporaire pour une durée limitée, qui assureront, en fonction de leur disponibilité, un certain nombre de vacations.
    Il ne s'agit pas là de la seule réponse efficace au traitement des petits contentieux.
    Ce seront des juges à part entière, qui rendront des décisions ayant force exécutoire. C'est pourquoi ils doivent bénéficier, dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, de garanties d'indépendance de même niveau que celles qui protègent les juges professionnels, sous la seule réserve des adaptations rendues nécessaires par le caractère intermittent de leurs fonctions.
    A cet égard, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion, vous le savez, de se prononcer sur ce point à propos des magistrats recrutés à titre temporaire, juges non professionnels comme les juges de proximité. Il a précisé les conditions propres à assurer l'indépendance de ses juges comme d'ailleurs celles requises pour ce qui touche à leur qualification.
    Le présent projet de loi organique, qui s'est très clairement inspiré de ce précédent, satisfait pleinement aux exigences constitutionnelles.
    Il fixe tout d'abord les conditions de nomination aux fonctions de juge de proximité. Il importe que ces personnes présentent les capacités requises pour l'exercice de fonctions judiciaires. Pourront ainsi être nommés juges de proximité les anciens magistrats de l'ordre administratif comme de l'ordre judiciaire, les auxiliaires de justice tels que les avocats, les notaires, les huissiers de justice, ou encore les personnes justifiant d'une formation supérieure de niveau bac + 4 et d'une expérience professionnelle à caractère juridique : juristes d'entreprise, anciens fonctionnaires de justice...
    Le Sénat a souhaité élargir le champ de ce recrutement à plusieurs catégories de personnes dont il a estimé que l'expérience professionnelle particulièrement importante était de nature à garantir l'aptitude à ces fonctions. Il a notamment visé les conciliateurs de justice, les personnes exerçant des responsabilités de direction ou d'encadrement, ou encore des anciens fonctionnaires de catégorie A.
    Le Gouvernement n'est pas hostile à l'idée d'accorder une plus large place à l'expérience professionnelle, qui est un gage important de bonne justice, dans le respect toutefois des exigences constitutionnelles.
    J'avais souligné devant le Sénat que la navette parlementaire serait l'occasion de préciser le champ de cet élargissement. C'est ce que propose votre commission des lois à travers plusieurs amendements qui renforcent les conditions prévues. Le Gouvernement en approuve globalement l'économie. Il s'agit là d'un aspect important. La justice de proximité ne doit pas être une justice au rabais.
    Les juges de proximité seront nommés pour une durée de sept ans, ce qui permettra d'assurer une certaine permanence dans des fonctions par nature intermittentes.
    Le Sénat avait souhaité que ce mandat soit renouvelable une fois. Mais une telle possibilité de renouvellement - et donc de non-renouvellement - serait contraire aux garanties d'indépendance dont bénéficient les magistrats du siège dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles. Elle s'exposerait ainsi à la censure du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi le Gouvernement ne peut qu'approuver la proposition de votre commission des lois de revenir sur ce point au texte initial du projet.
    L'indépendance des juges de proximité sera également garantie par leur mode de nomination, qui interviendra dans les formes prévues pour les magistrats du siège. Ils seront nommés sur proposition du garde des sceaux par décret du Président de la République, pris sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège. Aucune nomination ne pourra donc intervenir sans l'aval de ce conseil.
    Ce dispositif est essentiel. Le Gouvernement ne veut pas d'une justice qui pourrait susciter les soupçons. Les juges de proximité bénéficieront de garanties équivalentes à celles des magistrats professionnels.
    La formation de ces juges est également une question centrale. Il est effectivement fondamental, pour une justice de qualité, que ces juges puissent avoir une formation appropriée. Elle doit porter sur l'actualisation des connaissances théoriques, les spécificités de leurs fonctions et les règles déontologiques. Cette formation sera organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportera un stage pratique en juridiction.
    Votre commission des lois propose que, si le Conseil supérieur de la magistrature en décide ainsi, le candidat dont la nomination lui est soumise par le garde des sceaux suive une formation à caractère probatoire, à l'issue de laquelle le Conseil supérieur rendra son avis. Même si le Conseil supérieur estime inutile un stage probatoire, le juge de proximité suivra en toute hypothèse une formation complémentaire d'adaptation.
    Ce dispositif souple m'apparaît tout à fait satisfaisant. Il renforce globalement les exigences de formation tout en permettant d'opérer des distinctions selon le cursus professionnel des candidats. Il est clair qu'un conseiller à la Cour de cassation en retraite n'aura pas à se soumettre à un stage probatoire que pourra en revanche suivre un responsable de service juridique d'une entreprise.
    J'ajoute que le Gouvernement veillera, par les textes réglementaires d'application, à ce que les modalités de cette formation, et notamment sa durée, soient compatibles avec l'exercice d'une activité professionnelle, faute de quoi de nombreux candidats potentiels seraient dissuadés de postuler.
    S'agissant, en second lieu, des modalités d'exercice des fonctions de juge de proximité, le projet de loi prévoit que ceux-ci exerceront leurs missions à temps partiel sur la base de vacations.
    Les modalités de leur rémunération seront fixées par un décret en Conseil d'Etat dans des conditions qui, naturellement, ne seront pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité de traitement avec les magistrats professionnels.
    Dès lors qu'ils n'exerceront leurs fonctions juridictionnelles que pour une part limitée de leurs temps, les juges de proximité auront la possibilité d'exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, du moins, bien sûr, si elles ne portent atteinte ni à leur indépendance ni à la dignité de la fonction.
    S'agissant des membres des professions libérales juridiques et judiciaires, tels que les avocats, notaires, huissiers ou greffiers de tribunaux de commerce, les liens étroits qu'ils entretiennent professionnellement avec l'institution judiciaire commandent en outre de poser des règles particulières d'incompatibilité, de nature à prévenir au maximum les risques de conflit d'intérêts. Il est ainsi raisonnable de prévoir qu'il ne pourront être juges de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où se situe leur domicile professionnel.
    A l'occasion de son examen par le Sénat, ces règles propres à prévenir tout conflit d'intérêts ont encore été renforcées, notamment par l'interdiction d'effectuer des actes de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité, ou de faire état de leur qualité de juge de proximité dans leur activité professionnelle. Ces dispositions doivent être approuvées.
    Enfin les juges de proximité, qui prêteront le même serment que les magistrats professionnels, relèveront comme eux, en matière disciplinaire, de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège.
    Le Gouvernement est à cet égard favorable à la clarification apportée par l'un des amendements de votre commission quant à la procédure suivie en cas d'exercice d'une activité professionnelle nouvelle qui serait incompatible avec les fonctions de juge de proximité.
    Avec ce dispositif très complet, le statut des juges présente toutes les garanties voulues. Nous ne voulons ni d'une justice de seconde zone, ni d'une justice de notables. Notre seul souci est de répondre de manière satisfaisante à l'attente des justiciables. Je suis convaincu que nous l'avons fait.
    Deux autres dispositions ont en outre été introduites dans ce projet, à l'initiative du Gouvernement, lors de la première lecture devant le Sénat. Elles sont relatives à des mesures de gestion qui contribueront à améliorer le fonctionnement des juridictions judiciaires.
    Il s'agit, en premier lieu, de pérenniser la possibilité, pour les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, d'être maintenus en activité en surnombre en juridiction pendant trois ans après leur admission à la retraite par limite d'âge. Cette possibilité n'est aujourd'hui ouverte que jusqu'au 31 décembre 2002. Il est nécessaire de lui donner maintenant un caractère permanent, comme vous l'avez déjà décidé dans la loi d'orientation et de programmation, pour les magistrats des juridictions administratives.
    Cette mesure contribuera très utilement, je crois, à la politique de réduction des délais de jugement et de résorption des stocks d'affaires à juger, améliorant ainsi au même titre que l'instauration de la juridiction de proximité la qualité de la réponse judiciaire.
    Il s'agit, en second lieu, de supprimer la fonction de juge des affaires familiales de la liste des fonctions spécialisées du siège dont la durée d'exercice est limitée à dix ans. Prévue par la loi organique du 25 juin 2001, cette spécialisation qui doit se traduire par la localisation d'emplois correspondants, conduirait en effet, compte tenu de l'importance de l'effectif concerné, à introduire dans la gestion des juridictions une rigidité très préjudiciable à leur bon fonctionnement. C'est ce que nous confirment les rapports qui nous parviennent des présidents des tribunaux de grande instance.
    Il m'apparaît donc préférable de revenir sur ce point à l'état de droit antérieur, dans lequel cette fonction était attribuée par l'ordonnance de roulement du président de la juridiction.
    Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les grandes lignes du projet de loi organique que le Gouvernement soumet aujourd'hui à votre examen. C'est un projet ambitieux pour nos concitoyens. Nous ne devons pas les décevoir. Votre commission des lois et son rapporteur, M. Blessig, l'ont bien compris. Je rends hommage à leur travail d'une très grande qualité, comme à leur détermination profonde dans la recherche des solutions les plus adaptées aux réalités concrètes.
    Je crois que nous avons beaucoup avancé sur le concept global de justice de proximité, qu'il s'agisse de ces nouveaux juges ou des juges d'instance. Leur complémentarité est totale et le texte qui vous est proposé, amendé comme cela est suggéré par votre commission des lois, en traduit très bien l'idée. Nous avons un dispositif performant. Il reste à le mettre en place. Nous le ferons en 2003 dès que la loi organique sera adoptée par le Parlement.
    Mesdames et messieurs les députés, votre vote aujourd'hui est donc essentiel et j'espère pouvoir compter sur votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 qui a créé les juridictions de proximité et défini leurs compétences civiles et pénales. Le Conseil constitutionnel avait validé la création de ces juridictions de proximité dans sa décision du 29 août 2002 dont deux points sont à relever. Reconnaissant d'abord la création d'un nouvel ordre de juridiction composé de juges non professionnels, il en surbordonne la mise en place à l'adoption d'une loi fixant le statut des juges de proximité, ce statut devant, par ailleurs, intégrer une double garantie, celle de l'indépendance du juge de proximité et celle de ses capacités.
    Nous sommes, par conséquent, saisis aujourd'hui d'un projet de loi organique définissant le statut de ces juges de proximité. Votre commission des lois s'est penchée sur ce texte et a constaté que ce statut permet à des personnes d'exercer cette fonction parallèlement, mais sous certaines conditions, à la poursuite de leur activité professionnelle, le texte s'inspirant largement des dispositions statutaires de 1995 permettant l'exercice à titre temporaire de la fonction de magistrat.
    Par conséquent, trois séries de dispositions apparaissent fondamentales et ont été tout particulièrement examinées par la commission : en premier lieu, la capacité et les conditions de recrutement des futurs juges de proximité ; en second lieu, les garanties statutaires et leur mise en oeuvre ; enfin, la nécessaire coordination entre la juridiction de proximité et la juridiction d'instance.
    En ce qui concerne les conditions de recrutement, le projet de loi initial prévoyait de recruter des personnes à profil juridique, c'est-à-dire d'anciens magistrats, des personnes de formation juridique supérieure bénéficiant d'une expérience professionnelle de quatre ans ou des membres de professions libérales juridiques et judiciaires. Le Sénat, considérant la nature des contentieux soumis à la juridiction de proximité, c'est-à-dire les litiges de la vie quotidienne, des procédures engagées par des particuliers pour des besoins de leur vie non professionnelle et d'une valeur en litige inférieure à 1 500 euros, a mis en avant des qualités autres que strictement juridiques. Il a donc proposé un élargissement des conditions de recrutement : vingt-cinq ans d'ancienneté dans certaines fonctions, les anciens fonctionnaire de catégorie A et équivalents, les conciliateurs, les assesseurs des tribunaux pour enfants.
    La commission des lois a confirmé cette démarche d'élargissement sur la base du recrutement de juges de proximité en insistant sur deux caractéristiques. La première est le recrutement fondé sur une logique plus fonctionnelle que catégorielle. En effet, la démarche de la juridiction de proximité associe une démarche de conciliation et une compétence judiciaire plus classique. Il est donc nécessaire de tenir compte des aptitudes acquises dans l'exercice de fonctions antérieures. Par ailleurs, l'élargissement des conditions de recrutement n'est pas sans incidences sur les possibilités de sélection des candidats et sur leur formation.
    A l'origine, le texte du Gouvernement, fondant le recrutement sur des profils plus classiques de personnes ayant une compétence juridique de haut niveau, ne prévoyait pas de formation probatoire. Compte tenu de l'élargissement des modalités de recrutement, la commission a adopté un amendement autorisant le Conseil supérieur de la magistrature à y soumettre des candidats, s'il l'estime nécessaire. Par conséquent, cette procédure de recrutement s'exercera à plusieurs niveaux, et c'est extrêmement important, car on a entendu beaucoup de critiques sur les modalités de recrutement.
    M. André Vallini. Et ce n'est pas fini !
    M. Emile Blessig, rapporteur. La procédure donnera lieu à une enquête au niveau de la cour d'appel, enquête approfondie avec constitution d'un dossier, à un entretien avec le premier président et le procureur général, puis à une instruction par la chancellerie. Mais surtout, tous les dossiers seront soumis au Conseil supérieur de la magistrature, qui exerce un droit d'approbation, puisqu'aucune nomination ne peut intervenir sans son avis conforme. Par conséquent, devant une candidature, le Conseil supérieur a trois possibilités : avis conforme et nomination, refus de nomination, ou soumission du candidat à une formation probatoire théorique et pratique organisée par l'Ecole nationale de la magistrature.
    Cet encadrement des conditions de recrutement constitue une première garantie de la qualité des juges de proximité. Cependant, tout candidat aux fonctions de juge de proximité suivra une formation.
    Le texte comporte, par ailleurs, d'autres mesures destinées à s'assurer que le juge de proximité, dans l'exercice de ses fonctions, se conduise en bon juge. Il s'agit d'abord de garanties statutaires, puisque les juges de proximité sont soumis au statut de la magistrature et se voient appliquer les règles disciplinaires de ces derniers. Il existe des dérogations, dont la principale est l'exercice d'une activité professionnelle, mais celles-ci sont encadrées strictement par des incompatibilités, incompatibilité géographique, incompatibilité professionnelle, par l'information obligatoire en cas de changement d'activité professionnelle et le renvoi d'une affaire à un autre juge en cas de conflit d'intérêts.
    Ces règles déontologiques ont été renforcées par le Sénat : interdiction de faire état de la fonction de juge de proximité sur son papier à lettre, extension des incompatibilités d'exercice aux salariés du juge de proximité, lorsqu'il exerce une autre profession.
    Pour ce qui est de la durée de la fonction, dans le but d'accroître les garanties statutaires et notamment l'indépendance du juge de proximité, la commission des lois a adopté un amendement visant à ne pas autoriser le renouvellement de la durée d'exercice de leurs fonctions.
    Enfin, il convient de rappeler que la juridiction de proximité exerce une compétence limitée du tribunal d'instance. Elle obéit aux mêmes règles de procédure et partage les mêmes locaux ainsi que le même greffe. Du reste, le juge d'instance palliera l'absence ou l'empêchement d'un juge de proximité ou alors statuera en cas de renvoi. Par conséquent, les relations avec les tribunaux d'instance sont primordiales pour assurer le succès de la réforme sur le terrain.
    M. André Vallini. Quelle confusion !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est du pragmatisme !
    M. Emile Blessig, rapporteur. C'est pourquoi la commission des lois a adopté un certain nombre d'amendements visant à renforcer la place du juge d'instance, juge professionnel dans l'organisation au quotidien de la juridiction de proximité.
    En conclusion, mes chers collègues, cette réforme de la justice de proximité a un double objet. Elle va bien au-delà d'un simple réaménagement technique destiné à améliorer la productivité des tribunaux d'instance. Elle ne peut et elle ne veut en aucun cas remplacer ces derniers. La justice de proximité veut faciliter l'accès à la justice pour bon nombre de justiciables qui n'obtiennent pas de l'institution judiciaire la réponse adéquate aux litiges de leur vie quotidienne qui, bien souvent, l'empoisonnent : injonction de payer, action en réparation d'un préjudice modeste, action en exécution d'une obligation de faire pour des travaux, une livraison, ou bien au pénal, contravention pour tapage nocturne ou dégradations volontaires.
    Bien sûr, ces litiges peuvent être, sous un certain aspect, considérés comme mineurs. Mais pour le particulier, pour le justiciable, pour ceux qui nous ont envoyés ici, dont nous devons organiser le mode de vie collectif, il n'y a pas de petit litige.
    M. André Vallini. Alors, il faut de vrais juges !
    M. Emile Blessig, rapporteur. Cette réforme a pour objet de faciliter la participation sous certaines conditions du citoyen à l'oeuvre de justice et briser ainsi partiellement une image largement répandue chez les justiciables d'une justice complexe et lointaine. Avec les juges de proximité, une première étape de la rénovation - indispensable - de notre appareil judiciaire est engagée. C'est la concrétisation de la volonté réformatrice du Gouvernement et de sa majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que l'on puisse faire remonter l'idée de la justice de proximité à Moïse, dont on se souvient tous qu'il désigna des juges pour résoudre les affaires simples, lui-même se réservant les affaires difficiles, la justice de proximité s'est mise en place de manière effective sous la Révolution française, avec une double préoccupation : d'une part, mettre fin aux justices seigneuriales de l'Ancien régime, trop coûteuses, trop éloignées des justiciables, trop complexes et trop lentes et, d'autre part, combiner une conception conciliatrice de la justice pour les affaires mineures et la conception contentieuse à laquelle les révolutionnaires tenaient beaucoup, car ils voulaient limiter la mission des juges à la stricte application de la loi, expression de la volonté générale.
    Ce fut donc l'instauration du « juge de paix », institution qui reste empreinte, deux siècles plus tard, d'un fort symbolisme. Je cite l'un de nos lointains prédécesseurs, le député Prugnon, devant l'Assemblée constituante, le 7 juillet 1790 : « Le nom seul de juge de paix fait bien au coeur, il fait adorer la justice ». On a même pu dire à l'époque du juge de paix qu'il était un père plutôt qu'un juge.
    De sa création jusqu'au début du XXe siècle, le juge de paix ne devait en fait disposer d'aucune connaissance juridique. Seuls le bon sens et l'équité devaient le guider dans sa mission de résoudre les litiges et, subsidiairement, en cas d'échec de la conciliation, il recouvrait alors son pouvoir de juger.
    Au XIXe siècle, son élection fut remplacée par sa nomination par le pouvoir exécutif, avec une dérive sous le Second empire puisque de nombreux juges de paix se sont transformés, alors, en agents électoraux des candidats officiels du régime.
    Au début du XXe siècle, un examen professionnel s'est imposé. Pour garantir leur indépendance, leur révocation fut encadrée, jusqu'à la réforme du 22 décembre 1958 qui les remplaça par les juges d'instance.
    Depuis la Révolution française, en fait, s'il y a une idée consensuelle en matière de justice, c'est bien la justice de proximité. Je ne connais personnellement personne qui soit contre, je ne vois même pas qui pourrait l'être. Pensez donc ! La justice plus la proximité ! Les deux réunies !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ce n'est pas la peine qu'on discute alors ! Autant voter le texte tout de suite !
    M. André Vallini. Je parle de la vraie justice de proximité, mon cher collègue.
    M. Guy Geoffroy. Celle qu'il nous est proposé de créer !
    M. André Vallini. Les justiciables en attendent beaucoup. Ils l'imaginent plus rapide, plus simple, plus accessible. De leur côté, les magistrats, les avocats et tous ceux qui participent à la mission de justice en attendent qu'elle libère l'institution judiciaire du flot des contentieux mineurs et répétitifs, pour leur permettre de consacrer plus de temps aux affaires plus complexes.
    L'idée est double : faire en sorte que l'on puisse disposer, le plus en amont du procès, et pour l'éviter, de conciliateurs, de médiateurs et autres arbitres qui permettent d'aboutir à une solution du litige sans recourir à la voie juridictionnelle, et si celle-ci s'impose, prévoir des tribunaux nombreux, faciles d'accès et bien répartis sur tout le territoire.
    Or tout cela existe en France, monsieur le ministre, et votre réforme est donc d'abord inutile.
    Votre argument selon lequel il n'existerait pas aujourd'hui de solution adaptée pour juger les petits litiges de la vie quotidienne et les petites infractions est irrecevable. Une justice de proximité gratuite, simple d'accès, où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, où la procédure est orale, et dans laquelle le juge a la possibilité de concilier les parties, existe déjà en France, c'est la justice d'instance, avec les 473 tribunaux d'instance, très accessibles - il suffit d'une simple déclaration au greffe -, rapides de surcroît, puisque les délais de jugement sont en moyenne de trois à cinq mois, contre neuf au tribunal de grande instance et dix-sept mois en appel, soit les délais les plus courts du système judiciaire français.
    Vous-même, monsieur le garde des sceaux, avez reconnu ici, en juillet dernier : « Il existe une juridiction de proximité dans notre pays, c'est le tribunal d'instance. » Vous aviez raison.
    Une justice de proximité, ce sont aussi tous les modes de résolution amiable des conflits qui ont été développés depuis une vingtaine d'années dans notre pays, au civil aussi bien qu'au pénal.
    En fait, c'est dans tous les Etats modernes, en Europe notamment, que l'on développe depuis vingt ans des modes nouveaux de résolution des conflits : conciliation, médiation, transaction et toutes les procédures de règlement amiable, en matière civile comme en matière pénale.
    Votre projet va au rebours de cette tendance à déjudiciariser les conflits puisqu'il va empiéter sur les compétences des conciliateurs de justice, ces bénévoles qui rendent une justice de paix, gratuite et de qualité, à qui les juges d'instance délèguent de nombreuses affaires, et qui parviennent à un accord entre les parties dans 60 à 70 % des cas.
    Pour développer la justice de proximité, et il faut le faire, il y avait une solution toute simple : c'était d'améliorer ce que nous avons déjà, et qui fonctionne bien et, au lieu de créer un juge, de renforcer le juge d'instance et de le reconnaître comme pivot de la justice de proximité.
    A ce point du débat, une question se pose : pourquoi ce texte ? Son origine réside en fait dans un engagement électoral, dans une promesse, une de plus, du candidat Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle.
    M. Guy Geoffroy. On les tient, les promesses !
    M. André Vallini. Une promesse...
    M. Richard Mallié. Ça se tient !
    M. Guy Geoffroy. Nous sommes fidèles à nos engagements !
    M. André Vallini. ... démagogique, ai-je dit en commission des lois, une promesse électorale du candidat Chirac que vous êtes tenus de tenir aujourd'hui, avec de grandes difficultés. Dès notre session extraordinaire de juillet, il vous a fallu essayer péniblement de lui donner corps en créant un objet juridique nouveau, le juge de proximité, dont la seule caractéristique connue était qu'il devait absolument être nouveau.
    Vous avez voulu aller trop vite, et le Conseil constitutionnel, par sa décision du 29 août 2002, vous a rappelés à l'ordre. Il vous a donc fallu en urgence vous résoudre au dépôt d'un projet de loi organique,...
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est ce qui avait été annoncé !
    M. André Vallini. ... ce qui n'était pas prévu...
    M. Jean-Luc Warsmann. Bien sûr que si !
    M. André Vallini. ... puisque vous pensiez au début pouvoir vous en affranchir.
    M. Guy Geoffroy. C'est totalement faux !
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'était annoncé depuis longtemps !
    M. André Vallini. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel considérait en effet que les juridictions de proximité ne pourraient être mises en place qu'une fois promulguée la loi fixant les conditions de désignation et le statut de leurs membres.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est évident !
    M. André Vallini. Ça ne l'était pas pour le Gouvernement au mois de juillet, monsieur Warsmann.
    M. Jean-Luc Warsmann. Bien sûr que si ! J'étais le rapporteur, je l'avais annoncé !
    M. André Vallini. D'où le texte dont nous débattons aujourd'hui, et qui est d'abord une réforme inutile.
    Une réforme inutile, mais une réforme coûteuse aussi.
    En effet, le recrutement des 3 300 juges de proximité sur cinq ans que vous annoncez va coûter très cher aux finances publiques. Il va représenter l'équivalent du recrutement de 330 magistrats à temps plein, nouveaux et professionnels qui auraient été, eux, très utiles pour renforcer les juges d'instance bien sûr, mais aussi les autres juges, pour accélérer le traitement des procédures correctionnelles et des procédures d'appel qui sont celles qui souffrent le plus d'un manque de moyens.
    M. Jean-Luc Warsmann. Quel aveu sur votre bilan !
    M. André Vallini. Votre projet de loi de finances pour 2003, monsieur le ministre, ne crée que 180 postes de magistrat, soit 120 de moins que prévus par le plan de recrutement quinquennal sur lequel le précédent gouvernement et Mme Lebranchu s'étaient engagés. Votre choix de recruter 3 300 juges est d'autant plus inacceptable au regard de ce manque de crédits, sans parler du gel budgétaire annoncé par M. Mer.
    M. Guy Geoffroy. Ça y est, ça revient !
    M. André Vallini. A propos du coût financier, je veux aussi aborder la rémunération des juges de proximité. On n'en sait pas grand chose. On sait seulement qu'elle sera fixée par décret en Conseil d'Etat, mais pas de quelle nature elle sera. Dans un premier temps, vous aviez prévu qu'il seraient payés pratiquement autant que les juges d'instance, ce qui naturellement n'a pas manqué de susciter quelques remous chez ces derniers. Puis, vous avez dit que vous veilleriez à assurer un équilibre entre la rémunération des magistrats professionnels et celle des juges de proximité. Il est donc indispensable que vous nous éclairiez sur ce point.
    Réforme inutile et réforme coûteuse. Réforme très compliquée aussi. Vous avez dit cet été, lors des débats sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice : « Je conviens volontiers qu'un autre choix était possible, qui eût consisté à rester dans le cadre du tribunal d'instance et à assister les juges d'instance de magistrats non professionnels, mais le Gouvernement a choisi de créer une juridiction autonome, nouvelle, et ce choix m'apparaît comme le plus lisible pour nos concitoyens. »
    M. le garde des sceaux. Je le redis.
    M. André Vallini. Je pense que c'est exactement le contraire qui va se produire, et qu'avec vos nouveaux juges, vous allez brouiller la lisibilité de la justice.
    Au fond, une formule résume bien votre choix : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Un exemple : nous savons tous qu'il ne saurait y avoir de juridiction sans un chef de juridiction. Or, comme il n'y en avait pas de prévu dans votre loi d'orientation, on se savait pas comment pourrait fonctionner la justice de proximité, qui affecterait les magistrats de proximité, à quel endroit, quels dossiers leur seraient confiés, comment on répartirait les dossiers. Prenant conscience de cela, vous prévoyez maintenant que leurs fonctions seront réparties au sein du tribunal d'instance.
    J'entends bien que le ressort peut, à la rigueur, être le même entre juge d'instance et juge de proximité, mais, si le juge de proximité est une juridiction en soi, vous ne pouvez pas répartir les tâches entre cette juridiction et une autre. La commission des lois, majorité comprise, s'est penchée avec perplexité la semaine dernière sur cette question. Vous avez commencé par annoncer une nouvelle catégorie de magistrats, en précisant bien, dans de très nombreuses déclarations, qu'il s'agissait d'une nouvelle juridiction, d'une catégorie nouvelle de magistrats à part entière. Puis, vous vous êtes rendu compte que cela ne marcherait pas, et vous nous dites aujourd'hui que ces nouveaux magistrats seront en fait rattachés au tribunal d'instance et au tribunal de grand instance pour leur fonctionnement et leur organisation. Vous les intégrez donc dans le droit commun des tribunaux d'instance. Ce ne sont plus de nouveaux juges, mais des assistants des juges d'instance.
    En fait, vous avez ajouté dans la loi organique une disposition totalement contradictoire avec la loi d'orientation, ce qui intéressera sans doute le Conseil constitutionnel, et cette réforme ne va rien simplifier. Au contraire, à partir du moment où vous créez une juridiction et où vous lui assignez un bloc de compétences, la délimitation entraînera inévitablement une multiplication des conflits de compétences. Si le juge de proximité se déclare compétent, ce qui est le réflexe naturel de tous les juges, et comme aucune procédure n'est prévue dans votre texte pour les cas où l'exception d'incompétence sera soulevée par un justiciable, ce qui ne manquera pas d'arriver, c'est alors la Cour de cassation qui sera saisie et on assistera ainsi au développement inéluctable du contentieux d'incompétence. Belle simplification de la justice, monsieur le ministre !
    Pour aggraver encore la situation, votre projet de loi ne précise nulle part si les décisions rendues par les juges de proximité seront ou non susceptibles d'appel.
    Votre réforme est donc inutile, coûteuse et compliquée, elle est aussi et surtout dangereuse.
    Le Conseil d'Etat a rappelé qu'une loi organique était nécessaire pour assurer l'indépendance, l'impartialité et la compétence de cette justice de proximité. Et le Conseil constitutionnel a ajouté que cette loi devrait comporter les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789.
    Parlons d'abord de cette capacité, c'est-à-dire de la compétence et de la formation de vos futurs magistrats de proximité.
    Votre texte exige un diplôme sanctionnant une formation juridique de quatre ans et une expérience professionnelle de quatre ans. C'est à l'évidence nettement insuffisant. Prenons l'exemple de quelqu'un qui a une licence ou une maîtrise de droit, qui a travaillé pendant quatre ans dans le secteur juridique et n'a plus exercé de profession juridique depuis dix, quinze ou vingt ans. Comment peut-on imaginer une seconde en faire un juge ? Le droit, vous le savez bien, est en constante évolution. Même pour les petits litiges, il demande un suivi permanent, une mise à jour que ne manquent pas de faire les avocats. Il y en a dans cet hémicycle.
    M. Jean-Luc Warsmann. Ici il n'y a que des députés !
    M. André Vallini. Le CSM a d'ailleurs considéré que les candidats n'ayant jamais exercé de fonctions juridictionnelles devraient effectuer un stage probatoire, une telle précaution faisait l'écho aux inquiétudes émises par tous les syndicats de magistrats.
    A l'origine d'ailleurs, vous aviez dit que le juge de proximité serait rémunéré pour tenir compte de son niveau élevé de diplôme et d'expérience. Mais depuis, vous avez accepté des amendements au Sénat qui admettent que le juge de proximité peut n'avoir aucune formation juridique, à la seule condition de justifier de vingt-cinq années d'activité dans des fonctions d'encadrement dans le domaine juridique - passe encore - mais aussi économique ou social. Le Sénat a même ajouté les anciens fonctionnaires de catégorie A et les anciens militaires ! Quel rapport avec la justice ? Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler ce que disait Clemenceau sur la justice militaire par rapport à la justice et sa comparaison entre la musique militaire et la musique.
    M. Jean-Luc Warsmann. Cela n'a rien à voir ! N'en parlez pas !
    M. André Vallini. Nous estimons nous, que, pour rendre la justice, c'est-à-dire, pour se prononcer en droit, il faut avoir des connaissances en droit. Même pour de « petits litiges » ! Monsieur le ministre, vous le savez, quelle que soit la somme en jeu, les questions de droit à résoudre peuvent être parfois très compliquées.
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous êtes pour la suppression des prud'hommes ?
    M. André Vallini. Un petit litige, ce n'est pas forcément une question simple sur le plan juridique, et les problèmes les plus mineurs en apparence n'en sont pas moins parfois de vrais problèmes de droit. Je pense au droit de propriété, très compliqué, au droit des loyers, compliqué aussi, aux servitudes de passage, très complexes, à d'autres sujets encore.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est hors sujet !
    M. André Vallini. Votre projet est d'autant plus dangereux que les juges de proximité auront aussi des compétences en matière pénale. Ils seront compétents pour juger les contraventions des quatre premières classes, pour valider les compositions pénales, y compris en matière délictuelle, pour prononcer des amendes jusqu'à 3 800 euros ou pour accorder des dommages et intérêts demandés par les victimes des infractions pénales. Certes, vous avez exclu de leur champ de compétence tout ce qui pourrait entraîner des sanctions privatives de liberté - encore heureux puisqu'aux termes de la Constitution, seule l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Ces juges de proximité n'étant pas membres du corps judiciaire, ils ne devraient pouvoir prononcer aucune sanction pénale, même s'il ne s'agit pas de peines d'emprisonnement.
    Ce raisonnement est encore plus vrai en ce qui concerne la justice des mineurs dont on a beaucoup parlé cet été. Ces juges ne posséderont en effet, ni les connaissances, ni la formation nécessaire.
    M. Guy Geoffroy. Elle leur sera donnée !
    M. André Vallini. En matière de délinquance juvénile, il y a un principe très important qui s'appelle la spécialisation de la justice des mineurs.
    M. Jean-Luc Warsmann et M. Guy Geoffroy. C'est encore faux ! On n'enlève aucune compétence au juge des mineurs.
    M. André Vallini. C'est faux qu'il existe un principe de la spécialisation de la justice des mineurs ? C'est une nouveauté. Heureusement que ce n'est pas vrai.
    M. le président. Poursuivez, monsieur Vallini !
    M. André Vallini. Vous souhaiteriez tellement que la justice des mineurs soit une justice de droit commun. C'est un aveu ! La justice des mineurs est une justice à part.
    M. Guy Geoffroy. Ce sont des procès d'intention !
    M. le président. Chers collègues, laissez M. Vallini poursuivre sa démonstration et vous, monsieur Vallini, ne vous laissez pas interrompre.
    M. Jean-Luc Warsmann. Qu'il ne dise pas des contrevérités !
    M. André Vallini. Réforme inutile, réforme coûteuse, réforme compliquée, réforme dangereuse, pas seulement pour ce que je viens d'indiquer sur la formation et la compétence des futurs magistrats, mais aussi parce qu'on s'interroge beaucoup sur leur indépendance et sur leur impartialité.
    C'est sans doute là, monsieur le ministre, qu'il y a les doutes les plus sérieux sur la constitutionnalité de votre loi organique. En effet, les dispositions sur le statut des membres des juridictions de proximité ne semblent conformes ni à la décision du Conseil Constitutionnel, que je citais tout à l'heure, ni à l'avis du Conseil d'Etat que j'ai évoqué aussi, et qui faisaient référence tous les deux à l'indépendance et à l'impartialité nécessaires à l'exigence de toute fonction juridictionnelle.
    Le Conseil supérieur de la magistrature lui-même, dans son avis du 19 septembre dernier, critique les conditions de nomination et d'exercice des juges de proximité, estimant que « certaines dispositions du projet de loi ne satisfont pas l'exigence d'impartialité qu'implique la fonction de juger et que ce texte n'apporte pas toutes les garanties propres à satisfaire au principe d'indépendance, qui comprend l'exigence d'impartialité ». Le CSM considère en outre que « les auxiliaires de justice, les avocats et les officiers ministériels ne devraient pas pouvoir exercer leurs nouvelles fonctions dans le ressort de la cour d'appel où ils ont leur domicile professionnel ».
    M. Jean-Jack Queyranne. Bien sûr !
    M. André Vallini. Quand on parle d'indépendance, il faut d'abord examiner le mode de nomination. Or que dit votre texte ? Que les juges de proximité seront nommés dans une juridiction déterminée par décret du Président de la République sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Cette dernière exigence est certes rassurante,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Quand même !
    M. André Vallini. ... mais quels éléments d'appréciations le CSM prendra-t-il en compte et, surtout, et c'est là que je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, comment se fera la sélection des candidats en amont ?
    Vous avez expliqué que toutes les candidatures seraient soumises au CSM. C'est faux. Qui choisira les candidats qui seront déférés à l'appréciation du CSM ? Ce sont les services de la Chancellerie. Le CSM n'aura donc pas connaissance de toutes les candidatures qui auront été adressées à la Chancellerie.
    M. le garde des sceaux. C'est toujours comme ça !
    M. André Vallini. Ces candidatures auront été filtrées par le procureur général, par le premier président de la cour d'appel, et bien sûr, par les services de la chancellerie. De là à imaginer qu'on aura demandé l'avis du préfet de département, il n'y a qu'un pas. Comment voulez-vous que ces juges de proximité échappent au soupçon de dépendance par rapport au pouvoir exécutif et de partialité ? On s'achemine tout droit vers un recrutement de notables.
    M. Jean-Luc Warsmann. Voilà un beau procès d'attention !
    M. André Vallini. Comme chacun le sait, la sélection de droit commun, pour les magistrats comme pour les fonctionnaires d'ailleurs, c'est le concours, monsieur le ministre, le concours républicain,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Comme pour les conseillers prud'hommes !
    M. André Vallini. ... celui qui assure les garanties d'égalité, d'objectivité, d'impartialité, le concours qui, depuis la IIIe République, a toujours été considéré comme la voie la plus sûre pour éviter la faveur, comme l'on disait autrefois, pour éviter le soupçon de considérations politiques ou personnelles.
    Dans le cas présent, on aurait dû prévoir un recrutement par concours. On aurait pu, à tout le moins, faire comme M. Méhaignerie en 1995 qui, pour le recrutement des juges à titre temporaire, avait, lui, pris la précaution de prévoir une sélection initiale confiée à l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel, puis à la commission d'avancement. Dans votre texte, il n'y a ni concours républicain, ni assemblée générale des magistrats, ni même passage par la commission d'avancement,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Il y a juste le CSM, mais il ne compte pas à vos yeux !
    M. André Vallini. ... au point que le premier président de la Cour de cassation, le premier magistrat du pays, M. Guy Canivet, s'en est lui-même inquiété, et à juste titre.
    La procédure que vous proposez suscitera donc un soupçon très fort sur l'indépendance de ces magistrats. Quant à l'impartialité, on sait que la proximité, de toute façon, pose des problèmes d'impartialité...
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous êtes contre la justice de proximité ?
    M. André Vallini. ... car chacun sait que la distance entre le juge et le justiciable est toujours une garantie d'impartialité. L'on imagine déjà des anciens commissaires de police jugeant les contraventions, des huissiers sanctionnant les débiteurs ou des directeurs de contentieux d'organismes de crédit jugeant les mauvais payeurs !
    Quant au cas d'un juge de proximité exerçant en même temps la profession d'avocat, dans une juridiction voisine - des magistrats qui veulent devenir avocats, j'en connais, des avocats qui veulent passer dans la magistrature, cela peut arriver aussi, mais être en même temps avocat et magistrat, il fallait y penser -, qui retrouvera un collègue, voire un associé, défendant les intérêts de l'une des parties, croyez-vous une seconde que son indépendance et son impartialité seront garanties ?
    Ce recrutement effectué au niveau local ouvrira la voie à toutes les influences, à toutes les pressions, à tous les soupçons. Le Conseil supérieur de la magistrature a donc eu bien raison de dire qu'il ne suffit pas de prévoir une distance de tribunal à tribunal. C'est au moins jusqu'au niveau de la cour d'appel qu'il faut aller, d'autant que, si une incompatibilité survient, c'est le juge de proximité qui devra prévenir le président du tribunal de grande instance, de même qu'il devra le prévenir en cas de conflit d'intérêts lors d'un litige. Tout cela est bien dangereux !
    Réforme inutile, réforme coûteuse, réforme compliquée, réforme dangereuse enfin.
    M. Jean-Luc Warsmann. Et discours laborieux !
    M. André Vallini. C'est pourquoi votre projet fait l'unanimité contre lui.
Tous les syndicats de magistrats, qui ont quand même leur mot à dire en la matière, le rejettent d'une seule voix, par une motion commune.
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est normal !
    M. André Vallini. C'est la première fois depuis longtemps que tous les syndicats de magistrats signent une motion commune.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas une raison pour ne rien faire !
    M. André Vallini. Ils le jugent dangereux et estiment qu'il apporte « une mauvaise réponse à un faux problème », cumulant les deux inconvénients majeurs pour une juridiction : un juge unique et non professionnel.
    Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez rencontré les juges d'instance, qui sont les premiers concernés. J'ignore quels sont ceux que vous avez vus, mais ceux avec qui j'ai parlé se sont déclarés particulièrement choqués par une réforme dans laquelle ils lisent, en fait, une négation de leur action.
    M. le garde des sceaux. Nous n'avons pas rencontré les mêmes !
    M. André Vallini. Estimant que la justice de proximité viendra empiéter sur la justice d'instance, qui est celle qui fonctionne le mieux dans notre pays, Mme Laurence Pecaut-Rivolier, présidente de l'association nationale des juges d'instance, a fait part de sa « stupéfaction face à un projet qui lui semble une aberration, décidé sans aucune concertation et qui semble en fait annoncer à terme le démantèlement de la justice d'instance professionnelle et indépendante ». A cet égard, je veux rappeler l'annexe de votre loi d'orientation du 9 septembre 2002, qui propose à terme - c'est un signe - la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance.
    « Ce projet m'a profondément heurtée », explique Mme Valérie de Lamorat, juge d'instance à Rambouillet. Elle ajoute : « Si, moi, je ne suis pas juge de proximité, que suis-je ? » « Les juges de proximité, c'est nous. Nous avons un contact direct avec le justiciable », renchérit M. Eric Commeignes, juge d'instance à Montpellier. Tous ces juges, on le sait, règlent les contentieux de la vie courante, et ils le font bien : crédits à la consommation, litiges entre bailleurs et locataires, litiges portant sur des travaux mal effectués, des funérailles, des frais de scolarité, des élagages d'arbres, et bien d'autres.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Quatorze mois après les faits !
    M. André Vallini. Simples de prime abord, ces affaires, qui nous donnent apparemment envie de sourire, font, en réalité, appel à des notions juridiques parfois complexes. Et les juges d'instance ne comprennent pas pourquoi ni comment un juge non professionnel, qui n'aura jamais fait de droit, serait plus compétent qu'eux pour régler ces litiges.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est encore faux !
    M. André Vallini. Le juge non professionnel aura la tentation - et on le comprend - de trancher avec bon sens, comme l'on dit, et non en droit, alors que juger en équité n'est pas toujours la meilleure façon de régler un litige et que la justice, monsieur le ministre, ce n'est pas couper la poire en deux, c'est dire le droit.
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est pour ça qu'on ne règle pas les problèmes !
    M. André Vallini. Quant aux conciliateurs de justice, ils sont eux aussi, comme les juges d'instance, plus que réservés sur votre projet et ils ont de bonnes raisons pour cela. Nelly Bonnart-Pontay, présidente de l'association nationale des conciliateurs de justice, déclare : « La justice de proximité va affaiblir nos fonctions et nous conduire à disparaître. » Les conciliateurs qui disent cela donnent pourtant satisfaction à tout le monde, et trouvent une solution pour 60 % ou 70 % des litiges qui leur sont confiés.
    M. Jean-Luc Warsmann. Avant, vous étiez contre !
    M. André Vallini. La présidente de l'association des conciliateurs ajoute : « Nous faisons un véritable travail de justice de paix. A l'heure de la conciliation et de la médiation citoyenne, cette réforme prend le contre-pied des politiques de délestage de la justice. C'est comme si on faisait marche arrière en rejudiciarisant des conflits qui se régulaient par un autre biais. »
    Ainsi, ce projet ne tient aucun compte de l'apport des conciliateurs de justice depuis vingt ans : dans la majorité des cas, ils trouvent des solutions amiables, qui permettent souvent de rétablir un dialogue entre les parties et représentent - les élus locaux le savent bien - un élément d'apaisement des tensions dont souffrent certains quartiers de nos villes.
    Monsieur le ministre, votre projet, personne n'en veut et vous le faites quand même. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) On ne peut que rester perplexes devant ce refus obstiné d'écouter ceux qui ne sont certes pas ministres de la justice, mais tout simplement des professionnels de la justice, ceux qui en sont les acteurs au quotidien, qui l'étaient avant votre arrivée place Vendôme, qui le seront encore après votre départ et qui sont tous hostiles à votre texte, décidé sans aucune concertation...
    M. Richard Mallié. C'est faux !
    M. Jean-Luc Warsmann. Quel tissu de contrevérités !
    M. André Vallini. ... et seulement destiné à donner corps à un slogan électoral.
    En conclusion, monsieur le garde des sceaux, nous ne sommes pas opposés à la justice de proximité,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous avez dit l'inverse !
    M. André Vallini. ... à la vraie justice de proximité, que nous avons développée.
    M. Jean-Luc Warsmann. Comment ?
    M. André Vallini. Nous avons oeuvré pendant cinq ans, et vous le savez, à rendre la justice plus proche des citoyens,...
    M. Jean-Luc Warsmann. Les délais sont longs !
    M. André Vallini. ... plus efficace, plus rapide...
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est l'inverse ! C'est encore un mensonge !
    M. André Vallini. ... plus compréhensible et donc en renforçant les tribunaux d'instance qui ont, eux aussi, profité des 30 % d'augmentation - excusez du peu, monsieur Warsmann - des crédits de la justice pendant cinq ans sous Mmes Guigou et Lebranchu.
    M. Jean-Luc Warsmann. Regardez les délais : jamais les tribunaux n'ont été aussi encombrés !
    M. André Vallini. Les crédits, je le répète, ont augmenté de 30 % : on verra si vous en faites autant.
    M. Jean-Luc Warsmann. Répéter cinq fois un mensonge, ce n'est pas en faire une vérité !
    M. Richard Mallié. C'est la méthode Coué ?
    M. Guy Geoffroy. En tout cas, c'est mal parti avec le gel budgétaire annoncé par le ministère de l'économie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, calmez-vous !
    M. Guy Geoffroy. Nous sommes très calmes, malgré toutes ces contrevérités !
    M. André Vallini. Les chiffres sont là : 30 % d'augmentation en cinq ans. Vous n'en ferez pas la moitié !
    Nous avons aussi développé les modes de résolution amiable des conflits tant au civil qu'au pénal, sans oublier les maisons de justice et du droit que nous avons multipliées...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !
    M. André Vallini. ... sur tout le territoire pour une vraie justice de proximité, notamment dans les quartiers dits sensibles.
    Mme Marylise Lebranchu. Et ça marche !
    M. André Vallini. Oui, les maisons de justice et du droit, ça marche.
    M. Jean-Luc Warsmann. Toujours votre autosatisfaction !
    M. André Vallini. Ces maisons marchent mieux...
    M. Jean-Luc Warsmann. Cela ne suffit pas !
    M. André Vallini. ... que ne marcheront vos juges de proximité.
    Monsieur le garde des sceaux, votre justice de proximité s'inscrit sans doute dans la volonté de plaire à la France d'en bas. Celle-ci est confrontée à des « petits litiges ». Mais, sachez que, 1500 euros, ce n'est pas rien pour celui qui gagne le SMIC. Et il faut craindre que cette justice pour la France d'en bas ne soit une justice moins indépendante, moins impartiale, moins compétente, bref une justice au rabais.
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous êtes pour la suppression des prud'hommes ?
    Mme Marylise Lebranchu. Aux prud'hommes, on fait appel, monsieur Warsmann !
    M. André Vallini. Je voudrais à ce sujet vous rappeler le mot de Michel Debré qui, en 1958, a supprimé les juges de paix pour les remplacer par les juges d'instance et qui a qualifié la justice de paix de « justice ancillaire » car elle permettait de faire juger les bonnes par leur patron. Michel Debré, alors Premier ministre, proposait la création de juges d'instance au motif que tous les citoyens ont droit à voir leur cause entendue par un magistrat professionnel leur offrant des garanties de compétence. La France d'en bas, elle aussi, a droit à de vrais juges, monsieur le garde des sceaux.
    Votre propre majorité conteste ce texte.
    Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai !
    M. André Vallini. Je me souviens que, cet été, lors du débat sur votre loi d'orientation, MM. Albertini, de Roux et Goasguen - ils ne sont pas là aujourd'hui, c'est un signe - n'avaient pas de mots assez durs,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui ! On les a entendus !
    M. André Vallini. ... de critiques assez virulentes pour qualifier cette « idée curieuse » - je crois que c'était le mot M. de Roux -, ce « mouton à cinq pattes » qu'est, à leurs yeux, le juge de proximité.
    Aujourd'hui, c'est au prix de nombreuses contorsions, de beaucoup d'abnégation - je salue notamment celle de M. le rapporteur - et de beaucoup de résignation que la majorité s'apprête à voter ce texte en sachant par avance qu'il est voué à l'échec et que les juges de proximité n'auront sans doute pas plus d'avenir ni de réussite que les magistrats à titre temporaire créés par M. Méhaignerie il y a sept ans, et qui, aujourd'hui, ne sont pas plus de dix. Mais, il faut obtempérer aux ordres de l'Elysée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Assumez ! Assumez votre soutien sans faille au Président de la République, il ne faut pas en avoir honte. Vous obtempérez aux ordres de l'Elysée qui, d'ailleurs, n'a pas supporté l'avis très critique rendu par le CSM sur cette justice de proximité au point d'en interdire la publication sur Internet.
    M. Guy Geoffroy. Il ne faut pas dire cela !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est scandaleux ! Les limites sont franchies ! Un peu de respect pour l'Assemblée !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez des écoutes à l'Elysée ?
    M. Richard Mallié. C'est « l'Elyséegate » ! (Sourires.)
    M. André Vallini. L'Elysée reste attaché à la promesse électorale du candidat Chirac, à laquelle vous essayez péniblement, ce soir, de donner une cohérence juridique.
    M. Guy Geoffroy. Vous, vous ne savez pas ce que c'est que de respecter ses engagements !
    M. André Vallini. Quant à nous, nous voterons contre ce texte, non pas parce que nous sommes opposés à la justice de proximité, mais parce que...
    M. Jean-Luc Warsmann. Parce que vous êtes contre tout !
    M. André Vallini. ... nous sommes opposés à celle que vous voulez mettre en place et qui sera davantage une justice approximative qu'une justice de proximité.
    Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Christophe Caresche. Après cela, monsieur le garde des sceaux, vous devriez retirer le texte !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Monsieur Vallini, votre exception d'irrecevabilité, que j'ai écoutée avec intérêt, m'inspire deux ou trois observations. Que vous soyez pour la justice de proximité et contre les juges de proximité, c'est votre droit, mais, ce faisant, vous vous livrez à quelques amalgames. On peut s'interroger sur l'échec des magistrats à titre temporaire. Je suis, pour ma part, stupéfait de constater que, pour certaines structures de notre pays, il est impossible d'évoluer, de s'ouvrir, que seul est possible le repli sur soi. Il ne faut pas confondre compétence et capacité. La compétence, c'est une tête bien faite : cela suffit-il pour faire un bon juge ? Est-ce que, dans notre société, un citoyen ne peut pas être, sous certaines conditions, associé à l'oeuvre de justice ? Telles sont les questions fondamentales, les données du débat politique. Il ne suffit pas de dire que la réforme aboutira quand on dégagera les moyens. Demandez aux justiciables : ils vous diront que les juridictions d'instance ne marchent pas aussi bien que vous le pensez.
    Le mouvement que nous voulons imprimer à la justice est plus audacieux que la caricature que vous en avez faite. Mais nous devons savoir quelle est la place du citoyen dans notre justice, et si, sous certaines conditions, cette association est possible.
    Je voudrais vous rappeler que, dans notre système judiciaire, il existe 27 000 juges non professionnels. Comme par hasard, je ne vous ai pas entendu porter la moindre critique sur ceux-là !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce ne sont pas des juges uniques ! On peut faire appel de leurs décisions !
    M. Emile Blessig, rapporteur. Eux aussi, pourtant il leur arrive de juger en premier ressort, et même sans appel. Le problème est donc beaucoup plus large que vous ne l'avez dit en caricaturant et en simplifiant. La question est de savoir si notre société accepte de bouger, si notre organisation judiciaire accepte de se réformer et quelle place il peut y avoir, dans cette réforme, pour les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Le rapporteur est très bon !
    M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voudrais revenir sur certains éléments du débat...
    M. le président. Non, monsieur Le Bouillonnec, il s'agit d'une explication de vote.
    Mme Marylise Lebranchu. Il en a le droit !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais bien sûr, je veux revenir sur certains éléments du débat qui permettent de formuler une explication de vote et prolongent le débat que nous avons eu à la fin de la session extraordinaire, en juillet dernier. Je trouve inacceptable de faire ainsi reposer l'analyse du système du tribunal d'instance sur des approximations qui trahissent une certaine méconnaissance du dossier.
    Qui sont, actuellement, les juges non professionnels ? Ce sont, par exemple, les conseillers prud'homaux.
    M. Jean-Paul Garraud. Oui !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Or, quand il faut départager leurs voix, à qui a-t-on recours ? Aux juges d'instance.
    M. Jean-Luc Warsmann. Aux juges départiteurs !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et il reste ensuite une possibilité de saisine de la cour d'appel. Il faudra préserver cette garantie pour les justiciables, et il faudra, de même, pour la justice de proximité ne jamais oublier que juger, c'est d'abord appliquer la loi. Or, pour appliquer la loi, il faut la connaître mieux que le justiciable, en apprécier la portée réelle pour, ensuite, l'utiliser équitablement.
    M. Jean-Paul Garraud. C'est vrai.
    M. Jean-Yves le Bouillonnec. Qui peut nier que personne, mieux que les magistrats et les juridictions, ne s'est approprié ce savoir-là ?
    Depuis le juge de paix, il y a eu bien des évolutions. Je rappelle qu'auparavant, on saisissait le juge d'instance avec un préalable de citation en conciliation et qu'il fallait d'abord citer en conciliation avant d'assigner au fond devant le tribunal d'instance. Cette audience préalable obligatoire a été considérée comme trop laborieuse pour pouvoir permettre une justice rapide. Et c'est alors qu'on a introduit la saisine directe, par simple déclaration.
    Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'avoir un avocat. Une simple déclaration suffit. On se présente au greffe, on dénonce au juge, par exemple, des troubles de voisinage à tel endroit, et le juge d'instance convoque la personne concernée. C'est ça, la justice de proximité. Et on a fait mieux encore en créant le conciliateur.
    Il est un autre aspect important : le partage de la réflexion et de la décision, la notion de collégialité. Les assesseurs des tribunaux d'instance ne siègent pas seuls. Ils sont assesseurs du juge professionnel. Les conseillers prud'homaux ne jugent pas seuls. Vous êtes, vous, en passe de créer un juge unique. Dans notre société, l'acte le plus difficile est de juger, c'est-à-dire de trancher des intérêts contradictoires en application de la loi. C'est pour cela que nous critiquons, non pas la dimension de proximité souhaitée par tous, mais le mode que vous utilisez pour répondre à cette attente. Il valait mieux - nous l'avons dit en juillet - songer à un juge d'instance ayant des assesseurs, fussent-ils citoyens, au lieu de donner une compétence qui, par l'exigence qu'elle impose, va dépasser les juges civils. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il est un seul point sur lequel on puisse s'accorder avec vous, Monsieur Vallini : la notion de justice de proximité n'est pas récente. En 1790 déjà, on avait voulu mettre au service des justiciables un magistrat différent des autres juges professionnels et présentant des spécificités propres : singularité des missions et originalité des recrutements. C'est dans cet esprit que le Gouvernement souhaite aujourd'hui créer cette nouvelle juridiction.
    Nous ne remettons bien entendu pas en cause les tribunaux d'instance qui effectuent un travail considérable et de qualité. Mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui. Nous devons simplement faire le constat d'échec d'une justice trop lente, peu efficace et, par conséquent, dissuasive pour nos compatriotes. La lenteur de règlement et l'élargissement des missions dévolues aux tribunaux d'instance leur ont fait perdre cette proximité pour laquelle ils avaient été créés en 1958.
    En moyenne, et particulièrement en région parisienne, le traitement d'un dossier prend aujourd'hui quatorze mois dans les tribunaux d'instance...
    M. Jean-Pierre Blazy. Non !
    M. Jacques-Alain Bénisti. ... qui croulent sous le nombre toujours plus important de contentieux à traiter. De même, les procédures de conciliation, qui ont vu le jour en 1978, pour faciliter le règlement amiable des différends en dehors de toute procédure judiciaire, n'aboutissent - il faut le dire, parce que c'est la réalité - que dans un cas sur deux. Un cas sur deux n'est donc pas traité aujourd'hui, contrairement aux attentes des Français.
    M. Bernard Derosier. Le cas de Chirac !
    M. Jean-Pierre Blazy. Juppé !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Malgré de nombreuses tentatives, force est de constater que la justice de proximité ne s'est jusqu'à ce jour jamais concrétisée en France. En revanche, les expérimentations réalisées dans d'autres pays européens, comme l'Angleterre, montrent la réussite de cette justice de proximité. Prenons exemple sur ce qui marche plutôt que sur ce qui ne marche pas.
    Les Français ne croient plus en la justice actuelle pour le règlement des petits litiges. C'est notre rôle de représentants de la nation que de rapprocher aujourd'hui la justice de nos concitoyens, en créant une nouvelle juridiction originale qui soit à même de sanctionner dans les meilleurs délais les actes d'incivilité du quotidien.
    C'est le maire d'une commune de banlieue ayant sur son territoire une cité sensible de 6 000 habitants qui vous parle.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'êtes pas le seul !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Nous vous invitons à venir voir la réalité sur le terrain, dans ces cités sensibles.
    Monsieur Vallini, vous avez raison de dire que Jacques Chirac et le Gouvernement ont pris un parti qui n'est pas le vôtre, et qui est de répondre favorablement à la demande légitime des Français et de créer une juridiction complémentaire des tribunaux d'instance, pour les désengorger et trancher les affaires de petite délinquance et les petits conflits civils où de faibles montants financiers sont en jeu.
    Je voudrais particulièrement insister sur la notion de complémentarité. Comme cela a été dit, certains syndicats de magistrats et même certains conciliateurs expriment leur désapprobation à l'égard de ce texte.
    M. André Vallini. Tous !
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est légitime car ils se sentent aujourd'hui désavoués dans leur travail...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est un aveu !
    Mme Marylise Lebranchu. Eh oui !
    M. Jacques-Alain Bénisti. ... puisque cela constitue, malheureusement, un constat d'échec.
    De même, ce projet fait l'objet de réticences de la part d'un certain nombre de députés qui n'ont pas de mandat de proximité et qui sont éloignés des réalités de terrain. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Jack Queyranne. Cet argument est scandaleux !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Leur situation rend leur ignorance excusable.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Arrêtez !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Je serais même tenté de dire : pardonnez-leur, ils ne savent pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    A mes yeux, les juges de proximité sont appelés à devenir des partenaires des tribunaux d'instance Grâce aux juges de proximité, qui auront un champ de compétences clairement défini et, comme l'a rappelé le rapporteur, limité, nous aboutirons à un meilleur traitement des petits contentieux, à un désengorgement des tribunaux et, par conséquent, à une plus grande rapidité de traitement des affaires et ainsi à une justice plus efficace
    M. le président. Il vous faut conclure, monsieur le député.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ces juges de proximité seront bien évidemment des hommes de terrain ((Rires et exclamation sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. André Vallini. Le terrain, vous n'avez que ce mot à la bouche !
    M. Jacques-Alain Bénisti. ... proches des problèmes humains, ayant une maturité et des connaissances juridiques suffisantes pour juger les cas de petite délinquance avec bon sens et équité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Derosier. Ces propos sont frappés mais pas forcément au coin du bon sens !
    M. le président. Monsieur Bénisti, concluez d'une phrase.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Un choix nous est clairement proposé : ou nous continuons à nous voiler la face et à nous installer dans le laxisme d'une justice lancinante (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), inadaptée et ne répondant plus aux réalités des situations actuelles, ou nous écoutons les Français, qui nous supplient de rectifier cette aberration et de leur offrir une justice de proximité, plus rapide, plus proche de chaque citoyen, et répondant véritablement et concrètement à leurs légitimes attentes.
    Je vous appelle donc, mes chers collègues, à rejeter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Christophe Lagarde. La première des choses que j'attendais de cette exception d'irrecevabilité était d'apprendre en quoi le texte présenté est irrecevable. Malheureusement, notre éminent collègue ne m'a pas paru aborder ce thème. Pour respecter notre règlement, mieux eût valu qu'il opposât une question préalable ou déposât une motion de renvoi en commission. Le choix qu'il a fait est regrettable pour les travaux de l'Assemblée, mais je le respecte.
    M. Jean-Luc Warsmann. Cette remarque est très juste !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je n'ai pas vu, monsieur Vallini, à quel moment vous démontriez l'irrecevabilité du texte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Vallini. Je l'ai démontrée en trois points !
    M. Jean-Jack Queyranne. Il peut recommencer !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Toujours est-il que vous avez présenté un réquisitoire contre le projet de loi, qui me paraît excessif et vain.
    Vous l'avez dit, certains professionnels et certains élus ont pu exprimer des réticences quant à l'indépendance et à l'impartialité des juges de proximité. Toutefois, je ne comprends pas en quoi le concours serait le seul moyen de les garantir. En effet, quant on entend en commission des lois des représentants de syndicats de magistrats nous expliquer qu'ils n'ont pas l'intention d'appliquer les dispositions du projet de loi de la sécurité intérieure, qui va nous être soumis dans quelques semaines, je m'interroge sur la garantie d'indépendance et d'impartialité qui peut découler d'un du concours.
    M. Richard Mallié. Voilà !
    M. Jean-Christophe Lagarde. De même, nous savons tous que les conseillers prud'homaux ne sont pas impartiaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais c'est une juridiction collégiale !
    M. André Vallini. Ils sont élus !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Justement, ils sont élus !
    Le système du concours républicain que vous avez vanté à cette tribune n'est pas le seul garant possible de l'impartialité des décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Très bien ! M. Vallini a dit tout et son contraire !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Vous préférez que les jugements soient rendus par des juges professionnels. Mais quand je vois dans mon département le nombre de jugements d'instance qui sont systématiquement annulés en appel, je m'interroge sur la compétence des juges professionnels. Au tribunal de Bobigny, il est quasiment admis que le droit sera finalement rendu par la cour d'appel.
    Vous reprochez au Gouvernement de vouloir recruter 3 300 juges à temps partiel. Vous dites que, pour le même prix, il aurait mieux valu recruter 300 juges à temps plein. Mais je n'ose imaginer que ces 3 300 juges de proximité travailleront à 10 % d'un temps plein. De fait, ils permettront qu'un plus grand nombre de jugements soient rendus, et ainsi les tribunaux seront désengorgés.
    Vous avez dit : « Juger, c'est appliquer la loi. » Mais quand il n'y a pas de jugement, la loi n'est pas appliquée ! Pour ma part, je préfère créer un système qui permette que la loi puisse être appliquée par des magistrats, qu'un système dans lequel la loi n'est pas appliquée faute de jugement, ce qui est le cas actuellement. Nous voterons donc contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je vais tenter de recadrer le débat.
    D'abord, le texte qui nous est soumis a été annoncé cet été lors de l'examen de la première loi Perben, qui, comme chacun sait, a été transmise au Conseil constitutionnel par nos collègues du groupe socialiste, et sans doute aussi par nos collègues de l'autre groupe appartenant à la gauche. Ce qui fait que le présent texte a été probablement encadré par le Conseil constitutionnel, ce qui est une chance pour les législateurs que nous sommes.
    Cet encadrement s'est fait sur deux points. Premièrement, dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel souligne que le projet de loi devra « comporter des garanties appropriées » pour satisfaire au principe d'indépendance et aux exigences de capacité.
    Deuxièmement, il demande que le recrutement soit satisfaisant sur le plan quantitatif - et cela relève de notre mission - et que la compétence des juges soit garantie. Nous devons donc tenir compte de l'avis du Conseil constitutionnel, faute de quoi les dispositions que nous allons voter risqueront d'être invalidées demain. Toutefois, à la différence des autres textes, cet avis a été rendu en amont et non en aval, ce qui facilite considérablement les travaux du Parlement.
    Par ailleurs, nous savons où nous allons. En effet, les magistrats temporaires, qui sont au nombre d'une quinzaine en France et ont été créés à l'époque où M. Méhaignerie était garde des sceaux, sont de même nature que les juges de proximité et ont donné pleinement satisfaction. On peut dire qu'ils ont annoncé ces derniers.
    De plus, ces juges ne traiteront que des infractions relevant des cinq premières classes, à l'exception des peines privatives de liberté. Autrement dit, ils jugeront des affaires qui concernent la vie quotidienne des Français et pour lesquelles il existe un vide pratique et juridique. Ils permettront de combler celui-ci.
    S'agissant de l'indépendance des juges de proximité, si l'on s'en tenait à la rédaction adoptée par le Sénat, qui prévoit que ceux-ci seront nommés pour une durée de sept ans renouvelable une fois, il pourrait y avoir un danger car les conditions de renouvellement du mandat ne sont pas précisées par le texte. C'est pourquoi la commission des lois vous proposera de rétablir le texte initial du Gouvernement qui dispose que les juges nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, ce qui est de nature à garantir leur indépendance.
    Pour ce qui est de la compétence, afin d'éviter tout risque d'invalidation pour des motifs d'ordre constitutionnel, la commission s'est attachée à ce que, à part la profession de conciliateur de justice, aucune autre profession ne soit émunérée nominativement dans le texte, car une liste n'est jamais exhaustive. La seule exception est due au fait que la profession de conciliateur est, comme celle de magistrat à titre temporaire, une excellente préparation pour devenir juge de proximité.
    Enfin, la commission estime que seul le CSM doit apprécier l'opportunité de soumettre certains candidats à une formation probatoire. Un tel stage permettra de nommer au poste de juge de proximité des personnes qui, tout en n'ayant pas a priori les qualités techniques requises, posséderaient des qualités professionnelles et de l'expérience. Ce dispositif est de nature à rassurer non seulement le justiciable mais aussi le Conseil constitutionnel sur la compétence des juges nommés.
    Bref, le texte est totalement encadré. Son opportunité a été reconnue lors du vote de la loi de programmation en juillet. Quant aux modalités proposées, elles sont de nature à rassurer quiconque craindrait que ce texte soit invalidé pour un motif d'inconstitutionnalité. Voilà quelques éléments propres à éclairer les débats de l'Assemblée et auxquels pourront se référer les juges constitutionnels quand ils nous feront l'honneur de les lire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   129
Nombre de suffrages exprimés   129
Majorité absolue   65
Pour l'adoption   42
Contre   87

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était attendu.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il était attendu par les députés de la majorité, mais il était surtout attendu par la population, qui, manifestant un bon sens populaire, réclamait depuis longtemps le retour du juge de paix pour traiter les petits conflits de la vie quotidienne, c'est-à-dire ceux qui pourrissent la vie des uns et des autres et qui, faute de donner lieu à un jugement, font naître le sentiment que, si on peut transgresser une règle secondaire sans qu'il se passe rien, on peut aussi transgresser des règles plus importantes de vie en commun. Aujourd'hui, ce voeu, qui traduit un bon sens populaire, va être exaucé par le Gouvernement.
    Ce texte était attendu par les habitants des quartiers, notamment ceux des quartiers difficiles,...
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... qui se sentent impuissants et abandonnés, à force de voir classer les petits délits et les petits litiges.
    Ce texte était attendu par ces personnes qui, faute d'avoir vu leur plainte enregistrée dans les commissariats de police au motif que le problème n'est pas d'ordre pénal, viennent nous voir dans nos mairies car elles ne savent plus à qui s'adresser pour obtenir justice.
    Un tel projet était attendu par les mères de famille, qui voient leurs enfants grandir dans un environnement où jamais rien ne se passe lorsque l'on commet une faute, de la plus petite à la plus grosse, où les règles de vie en commun ne sont jamais appliquées et où le système éducatif est totalement déréglé.
    Il était attendu par de très nombreux maires, car ils sont en réalité en première ligne. Ce sont eux qui reçoivent les demandes des familles qui, ne sachant plus vers qui se tourner, pensent que, parce que nous sommes les « premiers magistrats » de la ville et que nous exerçons les fonctions d'officier de police judiciaire, nous pouvons faire quelque chose. Or nous savons bien que nous ne pouvons rien faire !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà la réalité !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et quand ces familles ont entendu parler des tribunaux d'instance, elles ne savent pas à quoi ils servent. Et si elles savent qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, elles ne se sentent pas pour autant capables de défendre directement leur cause.
    On a évoqué la possibilité de nommer les assesseurs aux tribunaux d'instance. Il est vrai qu'un tel système aurait pu être choisi, mais la vertu principale de la création d'un juge de proximité est que ce juge s'occupera des petits litiges de la vie quotidienne sans que les Français aient besoin d'entrer dans un système judicaire qui, il faut le reconnaître, fait peur et désespère souvent par sa lenteur. Il s'agira donc d'un remède aux dysfonctionnements que vivent tous les Français.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Tout à fait !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce texte permettra également d'améliorer la situation de tous ceux qui sont victimes des petites incivilités de voisinage. La justice d'instance, dont on nous a brillamment expliqué qu'elle est, en France, celle qui fonctionne le mieux, néglige trop ce genre de litige. Lorsque le volume d'affaires qu'il doit traiter est trop important et surtout s'il s'agit d'affaires relativement lourdes, le juge d'instance finit par évacuer ce qui peut relever du domaine du banal. Or le banal, pour un certain nombre de nos concitoyens, est justement ce qui rend la vie quotidienne insupportable et les conduit à perdre le respect d'eux-mêmes. Bien souvent, ils ne demandent à la justice que de leur permettre de retrouver respect et dignité.
    Ce texte touchera directement la vie des Français, non seulement en permettant que ceux-ci puissent saisir ces juges de proximité pour régler les petits litiges, mais aussi en réduisant le nombre des contentieux en attente devant les tribunaux d'instance, lesquels pourront se consacrer uniquement au traitement de dossiers plus complexes.
    On nous parlait tout à l'heure de la rapidité de jugement : cinq mois en moyenne. Cinq mois pour un jugement en correctionnelle, c'est bien, et les Français ne pourraient qu'être satisfaits d'avoir une justice capable de juger ainsi les choses. Mais cinq mois pour un tout petit litige, sans compter la procédure d'appel derrière, c'est totalement excessif et les gens laissent tomber, ils ne s'adressent plus à l'institution judiciaire.
    C'est même sans doute une des raisons pour lesquelles la classe politique, l'ancien gouvernement ont été rejetées lors du vote du 21 avril dernier. Cette espérance-là, nous devons la prendre en compte.
    Cette réforme allégera, bien sûr, la charge de travail des juridictions mais surtout, il complétera l'arsenal législatif et les moyens mis à disposition pour combattre, soit l'insécurité réelle, soit le sentiment d'insécurité et d'abandon qu'éprouvent de nombreuses personnes. Le Gouvernement considère donc cette institution des juridictions de proximité non pas comme l'unique solution, mais comme un élément d'un dispositif. Je rappelle à cet égard que si nous sommes appelés à voter ce projet de loi séparément de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, c'est pour tenir compte de l'avis du Conseil d'Etat.
    Cela dit, ce projet est contesté par une grande partie de la magistrature, essentiellement pour deux raisons. La première, c'est le souci naturel - ou en tout cas souhaitable - chez un magistrat de l'équité et de la qualité des jugements rendus par des personnes compétentes. Ce souci est légitime, il faut le reconnaître. Mais vous avez pris les précautions nécessaires, monsieur le ministre, pour qu'à la fois les personnes qui rendront la justice et la nouvelle institution permettent d'aboutir à des jugements de qualité. Et je me demande au nom de quoi ces jugements, rendus par des juristes spécialement formés, seraient de moins grande qualité que les jugements émis par les professionnels et surtout, en quoi ils seraient moins profitables aux Français et aux justiciables que la situation actuelle, c'est-à-dire l'absence de jugement ou le renoncement à ester en justice.
    La seconde préoccupation des magistrats professionnels est sans doute corporatiste et, à ce titre, je considère que nous ne devons pas la prendre en compte. La décision de la représentation nationale doit avant tout répondre à l'aspiration des Français. Les magistrats ont tendance comme toute autre corporation, à vouloir préserver l'existant, à vouloir que tout le monde entre dans le même moule. Or, les juges de proximité ne seront pas des professionnels et leur nomination ne sera pas définitive puisque vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous souhaitiez revenir sur l'amendement sénatorial qui permettrait de renouveler leur mandat. Je crois que c'est une bonne chose. Le caractère temporaire de leur nomination leur permettra d'être indépendants. Quitte à déranger les magistrats professionnels, cela permettra aux Français de vivre mieux. Voilà ce qui doit dicter la décision de l'Assemblée nationale.
    Des plus, comme le soulignait tout à l'heure notre collègue Jacques-Alain Bénisti, ces juges vivront comme tout le monde.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Et les autres ? Ils ne vivent pas comme tout le monde ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ils vivront dans tous les quartiers, et seront issus de toutes les catégories sociales.
    M. Michel Vaxès. Vous rêvez !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n'est pas le cas dans le corps de la magistrature aujourd'hui ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quand on juge dans un département difficile, alors qu'on vit dans un quartier bien protégé, que ses enfants vont dans les meilleures écoles, sans avoir la moindre idée de la désespérance des gens qu'on a en face de soi : oui, on juge peut-être en droit, oui, on juge peut-être avec impartialité, mais les Français qui subissent cette vie oppressante ne comprennent pas qu'on ne prenne à aucun moment en compte la gravité de la situation qu'ils endurent ! Les juges de proximité, au contraire, seront capables d'être à l'image des Français. Et cela me paraît une bonne chose.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Parce que les juges ne sont pas des Français ? C'est très grave ce que vous dites !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Si vous pensiez que tel ne doit pas être le cas, vous devriez le jour où l'alternance se produira - le plus tard possible je l'espère -, nous proposer la suppression des jurys d'assises.
    M. Jean-Pierre Blazy. Le compte à rebours est commencé !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il nous reste un petit de temps, vous devrez patienter, monsieur Blazy.
    Enfin, vous avez su prendre, monsieur le ministre, les précautions pour éviter une justice au rabais. Ce projet garantit l'indépendance des juges, avec le retour au texte initial sur le non-renouvellement du mandat, l'exercice professionnel interdit dans leur juridiction - ce qui est évidemment la moindre des choses -, une formation adaptée. Les moyens qui leur seront alloués et le fait qu'ils seront adossés aux TGI garantissent qu'ils travailleront avec les mêmes professionnels de justice que les juges professionnels.
    Mais comme les greffes des tribunaux sont déjà encombrés, il faudra leur affecter plus de moyens si l'on veut que le juge de proximité puisse travailler.
    Le principe de vacation quant à lui me paraît un bon système, il évite les dérives possibles quant aux pressions qui pourraient être exercées et permet de régler les questions d'évolution de carrière.
    Le seul problème que je relève dans ce texte, et je ne suis pas le seul, concerne l'absence de possibilité d'appel. Il sera nécessaire, sinon à ce stade, mais dans l'avenir, à la lumière de l'expérience, de prévoir une procédure d'appel. Il arrivera fatalement un jour ou l'autre qu'un justiciable se sente floué. L'aspiration à laquelle nous répondons aujourd'hui en suscitera sans doute une autre de la part d'un justiciable qui aura le sentiment de ne pas avoir été jugé de façon équitable par le juge de proximité, de pouvoir se retourner vers un autre magistrat. La justice de proximité permettra de traiter de très nombreuses affaires qui aujourd'hui sont mal, voire pas traitées par les tribunaux d'instance mais elle créera certainement, à un moment ou à un autre, un encombrement au niveau des cours d'appel.
    Néanmoins, le projet institue le corps des magistrats de proximité et le groupe UDF votera ce texte sans autre réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en août dernier, le groupe des député-e-s communistes et républicains votait contre le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Nous exprimions ainsi notre désaccord sur le fond à l'égard de bon nombre de ses dispositions parmi lesquelles notamment les volets concernant les mineurs et la justice dite « de proximité ».
    Parce que ce texte a été élaboré et soumis au Parlement dans la précipitation, le Gouvernement a été contraint de rédiger, par la suite, ce projet de loi organique, confirmant ainsi que la majorité parlementaire s'était prononcée et avait adopté le principe de la création d'une nouvelle juridiction sans même en connaître la substance !
    Ce projet de loi détermine les règles statutaires applicables aux juges de proximité en matière de recrutement, de nomination, de formation, d'incompatibilité, de discipline, il complète l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature. Son contenu conforte et renforce notre appréciation négative des dispositions qu'il envisage d'inscrire dans notre droit, car il ouvre la voix à une justice à deux vitesses. Il sera, selon nous, lourd de conséquences dans l'évolution de notre système judiciaire. Il ne répondra pas aux attentes légitimes de nos concitoyens qui aspirent à une justice effectivement plus proche du justiciable, une justice plus accessible, plus rapide, plus efficace, plus compréhensible.
    Le Gouvernement a fait le choix de la complexification de notre système judiciaire là où, pourtant, il était possible de faire simple. Pourquoi ne pas avoir, en effet, choisi de nous soumettre un projet qui se serait attaché à améliorer le fonctionnement des tribunaux d'instance ? Ils sont aujourd'hui les instruments d'une véritable justice de proximité. Vous reconnaissez d'ailleurs vous-même, monsieur le garde des sceaux, que le tribunal d'instance est une juridiction de proximitié et que vous auriez pu faire le choix de rester dans le cadre de cette juridiction en associant des magistrats non professionnels aux juges d'instance.
    Nous regrettons que ce choix de l'échevinage n'ait pas été fait. Nous le regrettons d'autant plus vivement que votre réforme, en venant empiéter sur les compétences des tribunaux d'instance, porte le risque d'aboutir à leur démantèlement. Ce premier niveau de juridiction serait alors définitivement privé de juges professionnels.
    Pourquoi ce choix alors que la justice d'instance est celle qui fonctionne le mieux aujourd'hui ? N'est-elle pas en effet celle qui offre les délais de jugement les plus courts, par comparaison à l'ensemble des juridictions civiles ?
    En 2001, le délai moyen de traitement des affaires s'y élevait à un peu plus de cinq mois, tandis que celui des cours d'appel était de près de dix-huit mois, que celui des tribunaux de grande instance était de plus de neuf mois, et que celui des conseils de prud'hommes était de plus de onze mois.
    La création d'une nouvelle juridiction composée de magistrats non professionnels ne répondra pas à la nécessité d'une simplification, pourtant indissociable d'une justice de proximité efficace. Elle risque, en effet, de venir alourdir notre procédure puisque viendra se poser, dans la grande majorité des cas, la question de la compétence du juge saisi.
    En choisissant la voie de la complexification, en refusant de vous appuyer sur ce qui existe déjà, vous nous privez de la possibilité d'améliorer encore une justice de proximité efficace, au-dessus de tout soupçon de partialité. Les crédits de vacation dégagés pour le recrutement de 3 300 juges de proximité et assistants de justice auraient en effet permis le recrutement de 300 magistrats à temps plein qui auraient pu venir étoffer les effectifs des juges d'instance.
    Cette décision, assortie d'une réforme de la carte judiciaire, dont nous dénonçons depuis longtemps le caractère désuet et incohérent, et d'un développement des conseils départementaux d'accès au droit et des maisons de justice et du droit, aurait pu permettre un accès simple au droit sur l'ensemble du territoire.
    Dans cet esprit, en privilégiant les procédures de conciliation, de médiation et de transaction, vous auriez favorisé les procédures alternatives aux poursuites dans le domaine pénal et les procédures de règlement amiable des conflits en matière civile. Vous ne l'avez pas fait. Il est vrai qu'une telle évolution n'aurait pas présenté l'avantage pour le Gouvernement d'une communication séduisante autour d'un nouvel outil.
    Pourtant la création d'une nouvelle juridiction va poser de nombreuses difficultés, et pas des moindres.
    Par exemple, ainsi que l'énonce le texte proposé pour l'article 41-17-1, ces magistrats non professionnels, à qui va être dévolue une partie des compétences des tribunaux d'instance, et dans une moindre mesure une partie des compétences des tribunaux de grande instance, seront répartis au sein de leur juridiction par le président du tribunal de grande instance chargé de l'organisation de la juridiction de proximité. Si je comprends bien, les juges de proximité sont donc des juges d'instance qui feront partie des tribunaux d'instance. Mais comment cela est-il possible au regard de l'article 7 de la loi du 9 septembre dernier ?
    Ensuite, comment peuvent-ils être répartis au sein de leur juridiction puisque les juges de proximité sont des juges uniques et sont, à eux seuls, une juridiction ?
    A la lecture de cet article, nous devons également comprendre que les besoins matériels de cette nouvelle juridiction, je pense notamment aux locaux et aux greffes, seront couverts, en définitive, par les tribunaux d'instance.
    Pourquoi alors ne pas avoir fait plus simple, plus efficace et plus sûr, du point de vue de la qualité de la justice rendue en ajoutant, pour un coût identique, 300 magistrats supplémentaires à temps plein aux 419 juges d'instance actuels ? Vous auriez alors quasiment doublé le nombre de ces magistrats professionnels en améliorant sensiblement dans le même temps notre actuelle justice de proximité. Si tel était votre objectif, pourquoi n'avoir pas fait ce choix ?
    Mais ce n'est pas tout. La procédure prévue pour le recrutement de ces nouveaux magistrats non professionnels est très préoccupante. En effet quelle appréciation sera portée sur leur indépendance ?
    Le projet de loi prévoit qu'ils seront nommés dans les formes prévues pour les magistrats du siège. Avec toutefois une différence essentielle - il me paraît d'autant plus important de le souligner que vous avez omis, monsieur le ministre, de soulever cette question : si les magistrats professionnels sont recrutés par concours, lequel offre toutes les garanties d'impartialité, par qui seront sélectionnés les candidats qui seront soumis à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ? Aujourd'hui, nous l'ignorons ! Et sur quels critères ?
    Mais là n'est pas la seule question posée par cette réforme concernant les garanties essentielles d'impartialité et d'indépendance.
    Par exemple, pourront être nommés juges de proximité, d'après les critères établis, les auxiliaires de justice tels que les avocats, les notaires, les huissiers de justice, ou encore les juristes d'entreprise. Pour garantir leur indépendance et leur impartialité, dites-vous, ils ne pourront exercer leurs fonctions de juge de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel. Cela n'empêchera pas un avocat, exerçant la fonction de juge de proximité dans une juridiction voisine, de se retrouver face à un collègue associé défendant l'une des parties en présence. Comment dans ce cas, qui ne sera pas exceptionnel, garantir aux parties l'indépendance et l'impartialité du magistrat ?
    J'ajoute que ce texte est bien trop imprécis, et les questions relatives à la formation, à l'indemnisation de cette formation, aux recrutements, aux rémunérations, sont renvoyées aux décrets d'application privant ainsi la représentation nationale d'une appréciation suffisamment éclairée de ce nouveau dispositif.
    Une certitude cependant : la quasi-totalité des professionnels de la justice ont rédigé une motion de protestation contre cette nouvelle juridiction.
    Les signataires représentent le corps des magistrats des ordres judiciaire et administratif, mais aussi une partie des fonctionnaires des tribunaux et des avocats. L'Union syndicale des magistrats, le Syndicat de la magistrature, l'Association nationale des juges d'instance, l'Union syndicale des magistrats administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative, le Syndicat des avocats de France, la CGT-services judiciaires, tous dénoncent l'absence de concertation préalable avec les professionnels du monde judiciaire. Ainsi, la présidente de l'Association nationale des juges d'instance déclarait-elle : « Nous avons travaillé à cette justice de proximité depuis des années, recruté et formé des conciliateurs. Personne n'a pris la peine de venir parler avec nous. C'est sidérant ! »
    M. André Vallini. Scandaleux !
    M. le garde des sceaux. Et totalement faux !
    M. André Vallini. C'est pourtant ce qu'elle a dit.
    M. Emile Blessig, rapporteur. Peut-être, mais c'est faux !
    M. Michel Vaxès. Je partage son indignation : il est navrant que le Gouvernement n'ait pas pris la peine de travailler sur ce projet avec les professionnels de la justice. Ils sont pourtant les mieux à même de déterminer les carences et les besoins de notre système judiciaire. Aujourd'hui, ils s'opposent dans une belle unanimité à la création d'une nouvelle juridiction qui se juxtaposera à la justice d'instance sans présenter les mêmes garanties d'indépendance et d'impartialité.
    Je le répète, le groupe des député-e-s communistes et républicains appelle de tous ses voeux une justice de proximité efficace qui ne se substitue pas à la juridiction la plus proche, la plus accessible, la moins coûteuse, la plus efficace, de notre système judiciaire. C'est précisément pour cela qu'il s'oppose résolument à ce projet de loi organique. Il refuse de prendre le risque d'ouvrir la voie à une justice à deux vitesses : l'une, rendue par des magistrats non professionnels, s'adressant aux citoyens ordinaires pour leurs petits litiges, l'autre, destinée aux litiges importants, rendue par des magistrats professionnels.
    Cette philosophie n'est pas la nôtre, elle rend, pour nous, ce projet inamendable. Evidemment, nous voterons contre.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord réagir aux propos qui ont été tenus jusqu'à présent par l'opposition. Tant dans l'exception d'irrecevabilité que dans la discussion générale, les orateurs de l'opposition ont prétendu que la réforme proposée était inutile, compliquée, coûteuse et même dangereuse.
    M. André Vallini et M. Michel Vaxès. Surtout dangereuse !
    M. Jean-Paul Garraud. A les entendre, il ne faudrait rien faire.
    M. Jean-Pierre Blazy. Oh non !
    M. André Vallini. Au contraire !
    M. Christophe Masse. Il ne faudrait rien faire ! Voilà la différence !
    M. Jean-Paul Garraud. Une fois de plus, l'opposition n'a rien compris au sens de la réforme. Je sais bien, mes chers collègues, que la gauche veut faire le bonheur du peuple malgré lui, mais là vous dépassez les bornes. Vous semblez oublier que cette réforme répond à une forte aspiration populaire, qu'elle est soutenue par le peuple car elle introduit une véritable proximité. La proximité, nous l'avons comprise, vous, vous l'avez perdue de vue.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Jean-Paul Garraud. C'est d'ailleurs un des problèmes qui vous a valu d'être sanctionnés lors des dernières élections.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Jean-Paul Garraud. Cette réforme est en phase avec les attentes des Français, ce qui n'a rien de surprenant car jamais autant qu'aujourd'hui nos concitoyens n'ont eu recours à la justice et ne se sont pressés aux portes des palais.
    Jamais non plus les Français n'ont accordé si peu de crédit à l'institution judiciaire. Et ils ont quelques raisons à cela. Depuis des années en effet, les délais de procédure, que ce soit dans le secteur civil ou dans le secteur pénal, n'ont cessé de s'allonger. Le divorce le plus simple se fait attendre pendant un temps qui paraît infini, sans parler des procès en responsabilité, des demandes d'indemnités de licenciement, des réparations de malfaçons, dont l'issue n'intervient pas toujours en temps utile, loin s'en faut. En réalité, alors qu'on ne cesse de proclamer, conformément aux exigences de la Cour de Strasbourg, que la justice doit être rendue dans un délai raisonnable, le temps judiciaire s'étire interminablement.
    Il fallait donc rendre la justice aux citoyens, et c'est tout l'objectif de la justice de proximité. Force est de constater que le problème ne se résume pas à une question de moyens : c'est bien plutôt sur le plan structurel qu'il faut rechercher l'origine des dysfonctionnements judiciaires. C'est ce à quoi je veux m'attacher car la réforme des structures est maintenant essentielle.
    On ne peut pas cantonner le problème de la justice à un problème de moyens, comme on l'a souvent entendu dans le passé. Il y a des réformes de structures à faire et c'est toute l'ambition de ce texte courageux !
    A l'analyse, il apparaît que toutes les réformes entreprises ces dernières années au prétexte d'améliorer le fonctionnement de la justice n'ont fait qu'aggraver les maux dont elle souffre. Au pénal, la loi du 15 juin 2000, supposée renforcer la présomption d'innocence, n'a fait que compliquer inutilement les procédures en multipliant le nombre des intervenants, de sorte que les postes créés ne servent qu'à accomplir exactement le même travail qu'auparavant et même d'une façon bien moins efficace, comme on l'a vu avec la remise en liberté de dangereux délinquants, ce qui décrédibilise l'action judiciaire et décourage les forces de l'ordre. Partant du principe qu'il fallait protéger l'individu, on a désarmé la société.
    Supposés diriger et contrôler le travail des enquêteurs, les magistrats passent leur temps à se contrôler entre eux. Le procureur estime-t-il qu'un délinquant doit être écroué, il en saisit le juge d'instruction, qui lui-même doit en saisir le juge de la détention, lequel n'a pour sa part aucun contact avec les services d'enquête et ne connaît rien des développements prévisibles de l'affaire.
    Désormais, tout le monde contrôle tout le monde. Mais en définitive, plus personne ne se parle vraiment et l'« interface » entre police et justice que constituaient les juges d'instruction perd toute effectivité. Or c'est le contraire qu'il faut faire : simplifier et accélérer la procédure, mieux encadrer la désignation des juges d'instruction en réservant l'accès de la fonction aux meilleurs, renforcer et accélérer les pouvoirs de contrôle et les moyens d'action des chambres d'instruction.
    Devant les cours d'assises, la situation n'est pas meilleure. L'instauration d'un appel aurait dû conduire à simplifier la procédure en première instance, ce qui aurait rendu celle-ci moins traumatisante pour les victimes, moins dévoreuse de temps pour les magistrats et moins dispendieuse pour le contribuable. Mais c'est l'option inverse qui a été retenue.
    En matière civile, le constat est le même. La maîtrise des délais échappe en grande partie au juge. Ce sont les plaideurs qui en disposent et qui rythment le déroulement du procès. Et comme, par définition, ils ont des intérêts opposés, il s'en trouve toujours un pour « jouer la montre » en recourant à des artifices de procédure. Et pour peu qu'il soit nécessaire d'avoir recours à un expert, lorsque la décision interviendra tardivement, la justice aura-t-elle été vraiment rendue ?
    Là encore, une conception trop individualiste de la justice entrave son fonctionnement et l'empêche d'accomplir sa mission de régulation sociale.
    Il ne sert donc à rien de recruter davantage de juges, de construire de nouveaux palais et de donner plus de moyens à la justice si c'est pour lui permettre de tourner à vide, ce qui est, hélas, bien le cas si l'on considère qu'au pénal, 80 % des procédures étaient jusqu'à présent classées sans suite, que seule une faible part des peines étaient exécutées et qu'au civil, dans certaines cours d'appel, la longueur des délais s'apparente à un véritable déni de justice.
    Dans le même temps, la mise en place de la RTT (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. André Vallini. Il y avait longtemps !
    M. Jean-Paul Garraud. ... nécessitera elle aussi la création de nouveaux postes de magistrats et de fonctionnaires dans le seul but d'accomplir strictement le même volume de travail qu'actuellement.
    Il était donc plus que temps de réagir et de repenser de fond en comble le fonctionnement de l'institution judiciaire en remettant tout à plat. C'est ce à quoi vous vous attachez, monsieur le garde des sceaux.
    Il faut en effet cesser d'empiler les réformes...
    M. André Vallini. Que faites-vous d'autre ?
    M. Jean-Paul Garraud. ... et de compliquer les procédures en perdant de vue leur finalité.
    M. André Vallini. Vous allez faire autre chose ?
    M. Jean-Paul Garraud. A quoi sert la procédure pénale ? A identifier les auteurs de crimes et de délits et à les faire juger rapidement et équitablement. Avoir amélioré l'efficacité de l'action des enquêteurs ne servira à rien si les délinquants continuent à profiter du maquis procédural.
    A quoi sert la procédure civile ? A permettre au juge de dire le droit pour résoudre les conflits individuels. Tout ce qui retarde et complique ces objectifs doit être rejeté.
    Hélas ! Ces dernières années, ces vérités d'évidence ont été perdues de vue sous l'influence des tenants de la gauche judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), pour qui « juger est un acte politique » et non un moyen de rétablir la paix sociale.
    C'est, monsieur le garde des sceaux, pour remédier à cet état de fait et pour briser cette logique que vous avez décidé avec force et détermination de réformer profondément les méthodes de travail de l'institution judiciaire. En effet, la justice est rendue « au nom du peuple français », mais le peuple français ne comprend plus rien à sa justice, et cela ne peut plus durer.
    Une simplification systématique des procédures est désormais indispensable pour rendre la justice plus lisible, plus accessible, plus rapide, moins onéreuse et la réconcilier avec ses utilisateurs. C'est aussi par là que passera la restauration de l'autorité de l'Etat. Vous vous y êtes engagé, monsieur le garde des sceaux, puisque vous allez prochainement nous présenter le deuxième volet de votre réforme, qui concerne la simplification de la procédure pénale. Cela est absolument indispensable car, sans négliger les droits de la défense, nous devons être plus efficaces pour lutter contre la délinquance.
    Les juges et les procureurs, les policiers et les gendarmes passent encore le plus clair de leur temps sur le formalisme des procédures. Les vices de forme ont pris le pas sur le fond du dossier, sur la manifestation de la vérité. Cela n'a que trop duré. A quoi sert de renforcer la sécurité des personnes et des biens si l'on ne peut juger les délinquants ?
    La création d'une nouvelle juridiction, la justice de proximité, est également une étape indispensable de cette démarche.
    Recrutés parmi des citoyens ayant acquis par leur parcours professionnel une belle expérience des problèmes économiques et sociaux, les juges de proximité, à l'instar des anciens « juges de paix », seront chargés des petits litiges qui empoisonnent la vie quotidienne.
    Disséminés sur l'ensemble du territoire, faciles d'accès et considérablement moins chargés que les juridictions traditionnelles, ils statueront à bref délai et à moindre coût.
    Les juges professionnels, ainsi déchargés d'une partie du contentieux, pourront recentrer leur activité sur les dossiers les plus lourds, ce qui aura pour effet d'accélérer, à tous les stades et pour tous les justiciables, l'action de la justice.
    Evidemment, comme cela était prévisible - on l'a vu encore aujourd'hui -, l'opposition, qui n'a pas digéré sa défaite, conteste cette réforme. Rien d'étonnant à cela !
    M. André Vallini. Nous sommes dans l'opposition !
    M. Jean-Paul Garraud. Nous nous doutions de cette attitude, mais il se confirme que la gauche a bel et bien un problème avec le peuple (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. André Vallini. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. Guy Geoffroy. Entendez-le tout de même, même si cela vous fait mal !
    M. Jean-Paul Garraud. ... qu'il exerce son droit démocratique de sanctionner un Gouvernement qui voulait faire son bonheur malgré lui ou qu'il s'apprête à participer au fonctionnement de la justice pourtant rendue en son nom.
    On assiste donc à un tir de barrage orchestré par les petits marquis de la gauche judiciaire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qu'ils agissent au nom du Syndicat de la magistrature ou sous le couvert des inquiétudes vaguement corporatistes d'organisations moins engagées.
    Pour ne rien lâcher de leurs prérogatives - on n'ose dire : de leurs privilèges -, ils soutiennent à la fois, comme on l'a entendu tout à l'heure encore, que la justice de proximité est inutile...
    M. Jean-Pierre Blazy. Elle l'est !
    M. Jean-Pierre Garraud. ... et que le métier de juge, qui requiert de la technicité, ne s'improvise pas. On rappellera pour mémoire que les deux arguments sont quelque peu contradictoires...
    M. André Vallini. Pas du tout !
    M. Jean-Paul Garraud. ... car, si l'on n'a pas besoin de juges, à quoi bon en former ?
    M. André Vallini. N'importe quoi !
    M. Jean-Paul Garraud. Plus sérieusement, mais cela n'est pas une surprise, on remarquera l'incroyable condescendante désinvolture que révèle cette position.
    M. André Vallini. Ah bon ?
    M. Jean-Paul Garraud. A l'égard de la démocratie, d'abord : les Français, par leurs votes répétés aux élections présidentielle et législatives, ont clairement manifesté leurs attentes en matière de justice, très largement débattues pendant la campagne électorale. En proposant cette réforme, le Gouvernement ne fait que respecter la volonté populaire.
    M. Jean-Pierre Blazy. Etes-vous obligés de faire ce que personne n'a réclamé ?
    M. Jean-Paul Garraud. Mais cette désinvolture est aussi incroyablement méprisante à l'égard de nos concitoyens, qu'ils soient justiciables, car elle revient à tenir pour quantité négligeable les retards et les dysfonctionnements que leur fait subir une organisation judiciaire défectueuse à laquelle il faudrait surtout se garder de toucher, ou qu'ils soient intéressés par les fonctions de juge de proximité, car elle revient à dire aux candidats à ces fonctions de « passer leur chemin », comme des manants, le métier de juge étant réservé à une caste particulière, sans doute issue du sel de la terre. Or il n'en est rien.
    M. André Vallini. N'importe quoi !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est du délire !
    M. Jean-Paul Garraud. Il faut rappeler que, depuis que le général de Gaulle a créé l'Ecole nationale de la magistrature en 1958, les juges sont recrutés parmi le peuple, soit par concours, soit, et vous l'avez oublié, monsieur Vallini, sur dossier...
    M. André Vallini. Ah bon ?
    M. Jean-Paul Garraud. Vous l'apprenez sans doute aujourd'hui !
    Les juges, disais-je, sont recrutés soit par concours, soit sur dossier - c'est ce qu'on appelle l'intégration directe dans la magistrature - et ils bénéficient ensuite d'un enseignement professionnel destiné à leur apprendre leur métier...
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Cela n'a rien à voir !
    M. Jean-Paul Garraud. ... afin qu'ils puissent prendre leurs fonctions dans des conditions de sécurité suffisantes pour les justiciables.
    Il ne s'agit de rien d'autre avec les juges de proximité, dont il suffit simplement d'entourer les conditions de recrutement et de formation d'un peu plus de précisions et de garanties - c'est ce que nous allons faire - pour leur donner, comme à tous les autres membres du corps judiciaire dont ils feront partie intégrante, des outils juridiques et techniques indispensables à leur mission.
    Votre projet, monsieur le garde des sceaux, a fait l'objet d'une opposition qui résulte d'une argumentation purement politicienne...
    M. Jean-Pierre Blazy. Tu parles !
    M. Jean-Paul Garraud. ... ainsi que d'une nouvelle incompréhension entre l'exécutif et le judiciaire.
    En fait, les critiques principales concernent, d'une part, les conditions de recrutement et de formation de ces juges et, d'autre part, leur positionnement par rapport aux juges d'instance, qui sont eux aussi des juges de terrain.
    M. Jean-Pierre Blazy et M. André Vallini. Certes !
    M. Jean-Paul Garraud. Nous sommes donc d'accord.
    Les travaux réalisés ont désarmorcé toutes les critiques sur ces différents points. Mais cela, vous ne voulez pas l'entendre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Le recrutement, très ouvert sur la société civile, ne fait pas pour autant disparaître la nécessaire compétence qui représente une garantie indispensable pour les justiciables. En effet, avoir du bon sens ne suffit pas.
    Le Conseil supérieur de la magistrature, organisme suprême, ce qui, je pense, n'est pas contesté,...
    M. André Vallini. Il s'est montré très critique sur le projet de loi !
    M. Jean-Paul Garraud. ... aura un rôle majeur dans la procédure de recrutement et de formation. Ainsi, il lui sera possible soit de rejeter les candidatures qui ne correspondent pas aux critères fixés par les textes, soit d'accueillir ces candidatures sous condition d'une formation dispensée par l'Ecole nationale de la magistrature et qui s'exercera principalement à l'occasion de stages dans les juridictions.
    Cette formation sera même probatoire lorsque le Conseil supérieur de la magistrature le décidera : la nomination des intéressés sera soumise à un bilan d'évaluation déterminant pour leur intégration.
    Ne craignez pas, chers collègues, le corporatisme de la magistrature, qui risquerait selon certains de faire échec à la réforme. Ce sera tout le contraire car, en donnant à ce corps judiciaire et surtout au Conseil supérieur de la magistrature les moyens d'apprécier les qualités des candidats, le « permis de juger » sera délivré en connaissance de cause. (Exclamations sur plusieurs bancs des député-e-s communistes et républicains.)
    L'échec de la réforme des magistrats à titre temporaire dont s'inspire le présent projet est à ce sujet très significatif.
    En 1995, lorsque la loi organique est votée, et au début de 1997, lorsqu'elle est appliquée, le recrutement des magistrats à titre temporaire constituait un véritable succès. Malheureusement, un amendement sénatorial à la loi organique de 1998, instituant des concours exceptionnels de recrutement de magistrats, est venu supprimer le caractère probatoire de la formation. Le système s'est aussitôt bloqué car ni la commission d'intégration ni le Conseil supérieur de la magistrature n'ont voulu, et on les comprend, nommer des personnes dont on ignorait les réelles compétences.
    Aux mêmes causes, les mêmes effets. Il ne fallait donc pas commettre la même erreur. Celle-ci est totalement évitée grâce à l'évaluation qui sera faite au cours du stage des intéressés et qui permettra au Conseil supérieur de la magistrature d'apprécier.
    M. le président. Merci de bien vouloir conclure, cher collègue !
    M. Jean-Paul Garraud. J'en termine avec le second sujet de critique : la place du juge de proximité par rapport au juge d'instance.
    M. le président. Rapidement, s'il vous plaît !
    M. Jean-Paul Garraud. Cette question est également réglée. En effet, le juge d'instance organisera l'activité et les services de la juridiction de proximité. Il fixera la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction. Il procédera même à la procédure d'évaluation du juge de proximité, c'est-à-dire à sa notation.
    Ces mesures placeront donc le juge de proximité dans une situation comparable à celle du juge du tribunal de grande instance vis-à-vis du président du même tribunal. Que les juridictions d'instance soient donc rassurées ! J'ai rencontré un certain nombre de magistrats de tribunaux d'instance, dont la présidente de leur association. Lorsque j'ai expliqué tous ces points, les critiques, je peux vous l'assurer, ont cessé.
    En conclusion,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Enfin !
    M. Jean-Paul Garraud. ... je rappellerai que, sous le ministère d'Albin Chalandon, la gauche avait critiqué la politique de construction d'établissements péritentiaires. Aujourd'hui, aucune personne sensée ne conteste plus cette réforme.
    Sous le ministère de Jacques Toubon, la gauche s'était également élevée contre la création des centres éducatifs renforcés pour mineurs, création qu'aucune personne sensée ne conteste plus aujourd'hui. En juillet dernier, la gauche a voté contre les centres éducatifs fermés. Personne ne contestera demain ce dispositif.
    A chaque fois, il s'agissait de réformes indispensables dont, avec du recul, aucun professionnel sérieux ne conteste le bien-fondé. Les criailleries actuelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean-Pierre Blazy. Qu'il est mauvais !
    M. Jean-Paul Garraud. ... autour de la mise en place de la justice de proximité participent de la même stratégie et révèlent la même déconnexion par rapport aux attentes populaires, ce qui est bien le plus grave !
    Elles ne sauraient masquer la réalité de l'ambition poursuivie par le Gouvernement : réconcilier les Français avec leur justice, c'est-à-dire rendre la justice aux citoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guichard-Kunstler,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Enfin, un peu d'air frais !
    M. le président. ... qui sera le dernier orateur à s'exprimer avant la levée de séance.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons un texte qui est très important pour notre ordonnancement judiciaire puisqu'il détermine le statut des juges d'un nouvel ordre juridictionnel. Rien de moins !
    Comment en est-on arrivé là ? A cause d'une promesse électorale. Cela ne coûte rien, une promesse... jusqu'au jour où il faut la tenir.
    Ces nouvelles juridictions à juge unique seront dotées de prérogatives importantes. Les nouveaux juges interviendront en effet pour les litiges dans lesquels les demandeurs sont des particuliers et dont l'enjeu pourra aller jusqu'à 1 500 euros : jugements de contraventions, validations des compositions pénales, y compris en matière délictuelle. Cela signifie que les juges de proximité pourront prononcer des amendes allant jusqu'à 3 800 euros, condamner à des suspensions de permis de conduire, à des travaux d'intérêt général et statuer sur le montant de dommages et intérêts demandés par les victimes d'infractions pénales quels que soient les montants d'indemnisation sollicités.
    Les Français veulent une justice accessible, rapide et compréhensible. Ils veulent une justice de proximité, simple d'accès, où la présence d'un avocat n'est pas obligatoire, où la procédure est orale et où le juge a la possibilité de concilier les deux parties. Cette justice existe déjà : c'est le tribunal d'instance.
    Monsieur le garde des sceaux, vous avez légitimé la création des « proxi-juges » par une meilleure lisibilité. Or la dualité instance et grande instance était déjà difficilement lisible. Mais en l'occurrence, le nouvel ordre juridictionnel est censé être autonome mais avec la même forme procédurale que le tribunal d'instance, et il fonctionnera avec certains services du tribunal d'instance. Trouvez-vous cela réellement lisible ?
    Ce que vous proposez est en fait un clone du tribunal d'instance ! Vous rendez l'organisation de la justice encore plus obscure, avec des embûches de procédures et des conflits de compétence.
    M. Jean-Paul Garraud. Quel mépris pour le justiciable !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous ne nous avez pas dit jusqu'à présent comment s'opérera réellement le partage des compétences. Nous sommes donc dans une situation d'insécurité juridique.
    Vos « proxi-juges » devront intervenir, dites-vous, « pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions de première instance ». Ils interviendront sur la compétence des juges d'instance et ils interviendront aussi avec l'appui de leurs services puisqu'ils utiliseront les greffiers. Et si l'affaire est trop difficile, c'est le juge d'instance qui reprendra le flambeau !
    Peut-on parler dans ces conditions d'autonomie ? Je reste perplexe et je ne comprends pas bien. Cela a le nom de juge, cela fonctionne comme les juges, cela rend des décisions de justice, comme les juges. Mais est-ce vraiment de la justice ?
    J'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas fait le choix des juges professionnels. Ils sont spécifiquement formés pour juger des litiges, ils sont indépendants et impartiaux. Et ils sont garants de notre système démocratique, je le crois profondément.
    Votre système de recrutement fait que ce sont des notables qui seront recrutés et les dispositions votées au Sénat, et que vous avez acceptées, renforceront cette logique. Ils pourront même exercer pendant quatorze ans, alors que les juges d'instance ne peuvent pas rester plus de dix ans au même endroit !
    M. Jean-Paul Garraud et M. Guy Geoffroy. Et c'est sept ans !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Les jugements ne seront pas susceptibles d'appel. Des juges uniques, non professionnels, vont juger des affaires en premier et dernier ressort. Si vous passez devant le tribunal de police pour une contravention de cinquième classe, vous pourrez faire appel. Si vous passez, pour la même affaire, devant un juge de proximité, vous ne pourrez pas faire appel de cette décision de justice.
    De plus, ces juges sont réservés à la catégorie la plus modeste, puisqu'ils traiteront les litiges inférieurs à 1 500 euros. Ces justiciables n'auront donc pas la possibilité de se faire juger par de vrais juges. Certes, les jugements seront susceptibles de cassation. Mais, d'une part, la Cour de cassation juge en droit et non en fait, et, d'autre part, les délais d'attente sont extrêmement longs, ce qui est contraire à vos intentions.
    Quant à la façon de juger, il ne fait aucun doute que beaucoup d'affaires requerront des notions juridiques complexes. Je me demande comment et pourquoi un juge non professionnel serait plus à même de régler ces litiges. A quoi servent les magistrats professionnels si les non professionnels seraient capables de rendre une meilleure justice ? Tout l'équilibre juridique se trouvera, me semble-t-il, fragilisé.
    Votre candidat avait promis une justice de proximité. Qui serait contre une justice de proximité ? Proximité, le mot est à la mode. Tout le monde en veut. Je crois que c'est tout simplement une demande de meilleure écoute. Oui, nous sommes tous ici pour une justice de proximité. Mais ce n'est pas ce que vous nous proposez. Pour nous, la proximité, c'est une écoute attentive, une relation de qualité, une grande compétence et de l'information, beaucoup d'information.
    Quand je rencontre des personnes dans ma circonscription, je suis impressionnée par leur manque d'information. Très souvent, ces personnes trouvent auprès de l'AAVI, l'association d'aide aux victimes d'infractions, ou encore auprès des maisons de justice et du droit, des conseils précieux et des moyens simples pour régler leurs affaires et faire respecter leurs droits avant d'en venir au procès. N'est-ce pas là une réelle proximité ?
    M. Guy Geoffroy. C'est très bien, mais ce n'est pas incompatible !
    M. Jean-Paul Garraud. C'est même complémentaire !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Votre système en ne faisant pas le choix d'aller vers des médiateurs ou des conciliateurs, entraînera une judiciarisation plus forte des conflits et empiétera sur le terrain des conciliateurs de justice, bénévoles qui permettent une résolution amiable des conflits dans un cas sur deux.
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais si, bien sûr !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Créer un nouvel ordre juridictionnel revient à créer de nouvelles affaires, de nouveaux conflits. A l'inverse, nous croyons sincèrement que c'est le travail en amont des procès qui est nécessaire. Il nous faut donc plus de conciliateurs et de médiateurs.
    Ce matin, je lisais l'interview d'une personne qui s'est portée candidate à la fonction de juge de proximité et qui affirmait que « les tribunaux croulent sous les petits dossiers qui pourraient quasiment se régler à l'amiable en temps normal ». Pour rendre une meilleure justice, tout le monde convient qu'il faut la désengorger. Or - et je rejoins sur ce point les propos tenus par mon collègue Robert Badinter au Sénat -, c'est à partir d'un mode de solution des conflits dit alternatif que l'on peut protéger au mieux les justiciables et préserver l'institution du flux qui la menace.
    Je crains, monsieur le garde des sceaux, que pour votre gouvernement, tant en matière de décentralisation que sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, plus de proximité ne signifie plus de notables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, n° 242, relatif aux juges de proximité :
    M. Emile Blessig, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 466) ;
    Discussion du projet de loi constitutionnelle, n° 378, relatif au mandat d'arrêt européen :
    M. Xavier de Roux, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 463) ;
    M. Jacques Remiller, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (avis n° 468) ;
    M. Pierre Lequiller, rapporteur au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (rapport d'information n° 469).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 17 décembre 2002
SCRUTIN (n° 105)


sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.

Nombre de votants

474


Nombre de suffrages exprimés

474


Majorité absolue

238


Pour l'adoption

312


Contre

162

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :     Pour : 290. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, M. Edouard Balladur, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Xavier Bertrand, Jean-Michel Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Etienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Charles Cova, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Jean-Pierre Dupont, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Pierre Frogier, Claude Gaillard, René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Patrick Hoguet, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Jean-Claude Lemoine, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland-Militello, M. Alain Marleix, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Denis Merville, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mmes Marie-Anne Montchamp, Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mme Béatrice Pavy, MM. Bernard Perrut, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Axel Poniatowski, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Éric Raoult, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Jean-Marie Rolland, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Max Roustan, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mme Michèle Tabarot, MM. Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, François Vannson, Mmes Catherine Vautrin, Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Michel Voisin, Gérard Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Eric Woerth et Mme Marie-Jo Zimmermann
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :     Contre : 139. - Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 22. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, Christian Blanc, Bernard Bosson, Charles de Courson, Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Jean-Christophe Lagarde, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet et Rodolphe Thomas.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 19. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (13) :
    Contre : 4. - Mme Martine Billard, MM. Gérard Charasse, Yves Cochet et Emile Zuccarelli.

SCRUTIN (n° 106)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Ayrault au projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux juges de proximité.

Nombre de votants

129


Nombre de suffrages exprimés

129


Majorité absolue

65


Pour l'adoption

42


Contre

87

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 2. - Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud et M. Alain Marleix.
    Contre : 85 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 36 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud et M. Alain Marleix, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».