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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 15 JANVIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 14 janvier 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Sécurité intérieure. - Suite de la discussion d'un projet de  loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite) «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault (suite) : MM. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois ; Guy Geoffroy, Bernard Roman, André Gerin, Nicolas Perruchot. - Rejet par scrutin.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : MM. André Gerin, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; le rapporteur, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Paul Garraud, Rudy Salles, Daniel Paul. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt de projets de loi «...».
3.  Dépôt de propositions de résolution «...».
4.  Dépôt de rapports «...».
5.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
6.  Dépôt de rapports d'information «...».
7.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. FRANCOIS BAROIN
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté
par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure (n°s 381, 508).

Exception d'irrecevabilité (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion de l'exception d'irrecevabilité.
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Il me revient de répondre à M. Le Roux qui nous a donné une formidable leçon en matière de double langage. Mais avant de lui répondre sur la forme, je relèverai quelques domaines qu'il lui a semblé devoir critiquer ou, en tout cas, désigner comme susceptibles de soulever une inconstitutionnalité dans le présent texte. Je pense notamment à la prostitution.
    Je lui rappelle que l'article 18 lutte contre les réseaux, en pénalisant le racolage, et qu'il permet de soustraire les victimes de la voie publique et d'utiliser le cadre de la garde à vue pour dialoguer, obtenir des informations, et surtout protéger les prostituées.
    L'opposition voudrait supprimer cette disposition. Mais ce qu'elle propose, par ses amendements, est assez extraordinaire : non pas sanctionner ou utiliser les moyens qui, à travers les prostituées, nous permettraient de remonter les filières ou les réseaux et d'atteindre les proxénètes, mais sanctionner les clients !
    On voit bien toute l'efficacité que cela donnerait à nos institutions pour atteindre notre but ! Une telle solution ne permet pas d'agir sur les victimes, ni de les soustraire de la voie publique, car malgré tout, la prostitution continuera d'exister. Cette solution est donc tout autant contestée mais, de surcroît, elle ne permet pas d'agir.
    S'agissant du FNAEG, j'affirme que toutes les précautions sont prises. Les amendements de l'opposition témoignent d'une mauvaise compréhension de la nature même du fichier.
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas ce que dit la CNIL !
    M. Christian Estrosi. Le FNAEG n'a aucun rapport avec le STIC, et encore moins avec le casier judiciaire.
    M. Bruno Le Roux. Par analogie !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Or vous n'avez cessé et vous ne cesserez, à travers les amendements que vous allez défendre, d'amalgamer l'ensemble de ces fichiers.
    Le FNAEG n'est qu'une base de données contenant des éléments non codants et qui ne produisent aucun effet de droit en l'absence d'infraction. D'ailleurs, monsieur Le Roux, vous avez vous-même envisagé, en commission, de généraliser le FNAEG à l'ensemble de la population.
    M. Bruno Le Roux. Non ! Vous ne pouvez pas dire cela !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Si ! C'est au compte rendu des travaux de la commission.
    M. Bruno Le Roux. Relisez-le !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Pour ma part, je vous le dis, je serais le premier à me porter volontaire pour figurer dans le FNAEG, car j'estime que c'est la plus belle des protections dont un citoyen peut bénéficier dans le cadre d'une enquête, s'il est innocent et injustement accusé. Je ne suis donc pas si éloigné de votre raisonnement. Mais comment pouvez-vous suggérer cela en commission et dénoncer cet après-midi l'inconstitutionnalité de ce fichier ?
    M. Bruno Le Roux. On vous expliquera !
    M. Christian Estrosi. Défendre le FNAEG, c'est accepter de disposer d'un instrument moderne et efficace pour élucider et empêcher des crimes particulièrement odieux.
    Après le FNAEG, vous vous en prenez au STIC.
    Parlons de la protection des libertés et de la CNIL : les fichiers de l'article 9 sont placés sous le contrôle du procureur, comme le prévoit, je vous le rappelle, M. Le Roux, le décret du 5 juillet 2001 pris par monsieur Lionel Jospin. Or le procureur, comme tous les magistrats, est le gardien des libertés individuelles. Celles-ci seront donc toujours aussi bien protégées que par ledit décret. Placer des fichiers de police sous le contrôle des juges des libertés et de la détention n'est pas fondé, car c'est le procureur qui a pour mission de contrôler la police en vertu des dispositions du code de procédure pénale, auquel vous vous référez tant.
    Se référer à la loi de 1978 informatique et libertés n'est pas juridiquement nésessaire, puisque, à défaut de dispositions contraires expresses, elle s'appliquera au traitement de l'article 9 et puisqu'est prévu un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.
    M. Bruno Le Roux. C'est la réponse du ministre à la CNIL !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Oui, mais vous l'avez contesté, je vous le précise. Cela figure dans le texte. Vous étiez donc complètement à côté du sujet.
    J'ai d'ailleurs proposé, en matière de droit des personnes, un amendement qui renforce le droit d'accès des personnes fichées et qui prévoit un droit d'accès direct aux données si leur communication ne met pas en cause la sûreté publique. Il est dans l'intérêt des victimes que leurs coordonnées figurent dans les fichiers, car cela permet de les informer dès l'interpellation de l'auteur des faits, de renforcer l'efficacité des investigations policières et, enfin, c'est encore la reprise, au niveau de la loi, des droits en vigueur depuis le décret du 5 juillet 2001, qui, je vous rappelle encore une fois, était signé par M. Jospin.
    Quant à l'effacement des données, j'ai le sentiment qu'un consensus se dégage pour considérer que les décisions de relaxe ou d'acquittement doivent être effacées - sauf décision contraire du procureur, nous sommes bien d'accord ? La seule divergence concerne les décisions de non-lieu et de classement sans suite. S'agissant de ces derniers, ils n'ont pas à être effacés des fichiers, car ce sont des décisions de pure opportunité des procureurs qui ne signifient pas que la personne concernée est innocente ou n'a pas commis les faits. Contrairement aux relaxes et acquittements, il ne s'agit pas de décisions de force jugée.
    Vous nous proposez de supprimer l'article 13. Je ne comprends plus : pourquoi nous proposer sa suppression après l'avoir introduit vous-même dans l'article 28 de la LSQ, loi sur la sécurité quotidienne ? L'article 13 ne fait que le pérenniser et il élargit la constitution des fichiers de police pour la délivrance de titres de séjour ou pour les activités relevant des jeux et paris, afin de lutter contre le blanchiment. Qui peut raisonnablement s'y opposer ? Souhaitez-vous donc revenir sur l'article 28 que vous avez vous-même introduit dans la LSQ ?
    Enfin, peut-on parler d'un renforcement considérable des prérogatives de la police en matière de contrôle d'identité ? L'article 4 procède d'abord d'une clarification, car il n'y a rien de pire pour la police que de ne pas savoir quelles sont exactement ses prérogatives. Je sais bien que votre travail de ces dernières années a consisté à fragiliser les procédures conduites par la police. Nous souhaitons, au contraire, renforcer le cadre dans lequel la police les conduit. Au demeurant, la substitution de la notion de « raisons plausibles de soupçonner » à celle d'« indices » comme fondement des contrôles d'identité ne fait que prolonger une évolution préconisée par un certain Julien Dray dans la loi du 4 mars 2002, et inspirée par les termes mêmes de la Convention des droits de l'homme, droits auxquels vous faites si souvent référence. Nous ne faisons que nous aligner sur ces droits de l'homme et nous inspirer de cette loi du 4 mars 2002 dont l'auteur n'est autre, je vous le rappelle, que votre collègue Julien Dray.
    Sur la fouille des véhicules, les articles 5 à 7 du projet de loi font partie des mesures les plus attendues par la police dans un contexte de menace terroriste et de grande criminalité. Comment s'y opposer ? Ces mesures sont très encadrées, très protégées. D'ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été prise en compte de façon exhaustive. Les amendements de l'opposition se traduiraient par un tel alourdissement des procédures que l'action de la police et de la gendarmerie se verrait, de facto, paralysée.
    Quant à l'inconstitutionnalité que vous soulevez, la prise en compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel est analysée dans les détails aux pages 57 et suivantes du rapport. Les termes des décisions du 12 janvier 1977 et du 18 janvier 1995 ont été soigneusement intégrés. D'ailleurs, monsieur Le Roux, vous reconnaissez vous-même que les mesures proposées sont très proches de celles qui figuraient dans la LSQ. Peut-on raisonnablement prétendre que leur extension au vol et au recel en change la nature ?
    M. Bruno Le Roux. Bien sûr !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La menace terroriste n'a pas diminué, semble-t-il, et la Constitution n'a pas changé depuis la loi du 15 novembre 2001. Les mesures votées dans le cadre de la LSQ doivent-elles être pérennisées ou non ? Notre sentiment, c'est qu'elles doivent l'être.
    Lorsque vous avez présenté la LSQ au lendemain du 11 septembre dernier, j'ai soutenu, avec un certain nombre de députés qui siégeaient déjà sur ses bancs, les mesures que vous avez proposées.
    M. Bruno Le Roux. Très bien !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Alors que notre pays n'était pas moins menacé par le terrorisme qu'il ne l'est aujourd'hui, nous considérions que cela relevait de l'intérêt général et de l'intérêt national. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Nous vous avions fait d'ailleurs observer à l'époque que vous proposiez les mêmes mesures, en matière de fouille des coffres de voiture, que celles qui avaient été proposées par le ministre de l'intérieur Jean-Louis Debré en 1995, au lendemain des attentats sanglants que nous avions connus dans le métro à Paris. Vous aviez alors déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour vous y opposer. Cela ne nous a pas empêchés, parce que nous n'avions pas le même esprit polémique que le vôtre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), de voter unanimement les mesures que vous avez proposées dans la LSQ.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Pouvez-vous considérer qu'il y aurait aujourd'hui moins de danger de terrorisme pour notre pays qu'au lendemain du 11 septembre dernier ou qu'en 1995 ?
    M. Bruno Le Roux. Prorogez simplement la mesure.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Loin de montrer la même dignité que les députés de l'opposition l'année dernière dans cet hémicycle, vous nous menacez aujourd'hui, de cette tribune, de déposer de nouveau, comme vous l'aviez fait en 1995, un recours devant le Conseil constitutionnel. C'est totalement irresponsable, monsieur Le Roux !
    M. Bruno Le Roux. Gardez son caractère temporaire à la mesure et il n'y aura pas de recours !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous nous avez fait ici une formidable démonstration, en déclarant, du plus profond de votre coeur et de vos tripes, que, désormais, la priorité devait être la lutte contre l'insécurité.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je trouve que vous l'avez fait avec une certaine gêne, et vous aviez toutes les raisons pour cela. Dans le domaine du terrorisme, j'ai dit ce que j'avais à dire. Parallèlement, vous vous êtes permis de prétendre que le Gouvernement n'aurait pas de politique complémentaire dans les domaines de l'éducation nationale,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... de la prévention et de la protection sociale.
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Nous connaissons votre théorie ! Vous avez toujours considéré que les délinquants étaient d'abord des petites victimes de la société, qu'il fallait prévenir plutôt que guérir, mener des actions préventives et sociales plutôt que des actions répressives. On a bien vu les résultats de votre politique ! On a investi des milliards de francs dans la politique de la ville et dans la prévention. Le résultat, c'est que la délinquance n'a fait que monter dans notre pays. Savez-vous, monsieur Le Roux, que 80 % des délinquants mineurs aujourd'hui ne savent ni lire ni écrire ?
    M. Bernard Roman. Cela va à l'encontre des propos de M. Sarkozy !
    M. Christian Estrosi. rapporteur. Ne dites tout de même pas qu'en matière d'éducation nationale, cet échec serait celui du gouvernement de M. Raffarin. C'est votre échec, et il vous appartient de l'assumer pleinement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Mais nous nous attaquons aujourd'hui à ce problème parce que nous voulons mener des politiques complémentaires.
    Quant à la responsabilisation des parents, vous avez toujours voulu l'occulter.
    Mme Martine David. Mensonge !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Qu'il s'agisse de la loi d'orientation du ministre de l'intérieur, de celle du ministre de la justice ou de celle qui vous est présentée aujourd'hui, l'éducation nationale et les parents ont tous à prendre leur part de responsabilité.
    Vous avez dénoncé quelque part le fait que cette loi ne s'attaquerait pas à la lutte contre tous les réseaux en matière de trafic d'armes, de blanchiment, de trafic de drogue, et vous n'avez cessé de le répéter tout au long de votre intervention, alors que toutes les dispositions du texte du ministre de l'intérieur sont les meilleurs moyens qui soient pour pénétrer à l'intérieur des réseaux.
    Ne pas vouloir considérer que s'attaquer aux proxénètes à travers la prostitution, notamment à ceux qui se tiennent dans des pays étrangers pour diriger des réseaux en France et qui, au-delà des réseaux de prostitution, dirigent des réseaux beaucoup plus dangereux encore, c'est nier totalement ces réalités qui gangrènent aujourd'hui notre société.
    Face à cela, vous préférez stigmatiser les jeunes, vous préférez stigmatiser les pauvres. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. N'importe quoi !
    M. Bernard Roman. C'est vous qui stigmatisez les jeunes !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Selon vous, nous criminaliserions les pauvres,...
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... mais c'est vous finalement qui les désignez comme étant à l'origine de la délinquance et de l'insécurité...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... alors que nous voulons au contraire apporter une protection à tous les plus démunis.
    Mme Martine David. Vous feriez mieux de vous asseoir !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. En réalité, ces dernières années, vous n'avez cessé de vouloir monter les Français les uns contre les autres, les pauvres contre les riches, les ruraux contre les urbains, les ouvriers contre les patrons et aujourd'hui, les clients contre les prostituées.
    Mme Martine David. Quel amalgame !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous n'avez cessé aussi de mener une politique de défiance et de méfiance à l'égard de la police et de la gendarmerie. Près d'une trentaine de vos amendements, dans l'exposé sommaire, démontrent systématiquement que vous avez une méfiance totale à l'égard de la police et de la gendarmerie, comme au cours des cinq dernières années. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. N'importe quoi !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous considérez que les plus grands risques que court aujourd'hui notre pays seraient l'action de la police et de la gendarmerie si elles disposaient des moyens que nous voulons leur donner. Au contraire, nous leur faisons confiance, nous voulons leur apporter la considération qu'elles méritent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous voulons leur redonner la motivation que vous leur avez ôtée ces dernières années. C'est avec ce texte que nous y parviendrons.
    Mme Martine David. Quelle outrance !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. En tout état de cause, vos arguments sont totalement dénués de fondement. C'est la raison pour laquelle je demande que soit rejetée votre exception d'irrecevabilité. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur Le Roux, j'ai repris pendant l'interruption de séance les huit pages de notes - je vous ai beaucoup écouté ! (Sourire) - que j'ai prises au cours de votre exposé censé démontrer l'inconstitutionnalité du texte qui nous est présenté aujourd'hui, et j'avoue avoir été totalement incapable de trouver un fil logique dans vos propos. Ce fut, en effet, un parfait exercice de double langage. J'espère que vous pratiquez tous les jours quelques mouvements d'assouplissement, parce que c'est aussi le grand écart que vous avez pratiqué tout à l'heure. Passé un certain âge, cela risque de laisser quelques traces douloureuses ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman. Il est encore jeune, vous savez !
    M. Guy Geoffroy. C'était, selon vous, un moment solennel de démonstration de l'inconstitutionnalité de ce texte. Pour moi, c'était un effort louable mais bien pitoyable du devoir d'opposition.
    Ce devoir d'opposition qui est le vôtre aujourd'hui, vous le pratiquez dans des conditions délicates, les mêmes d'ailleurs que lors de l'examen de la loi sur la justice de proximité. Vous en avez vanté à multiples reprises les mérites, mais vos collègues, eux, l'avaient dénoncée. Après avoir écrit le texte de Lionel Jospin, ils prétendaient ne l'avoir jamais écrit.
    Vous avez manifesté la même volonté politique lorsqu'on a parlé des centres éducatifs fermés. Vous expliquiez tout à l'heure qu'il fallait avant tout éviter l'incarcération des mineurs, et nous sommes tous d'accord là-dessus, mais vous vous êtes opposés lorsque le Gouvernement et le garde des sceaux ont proposé les centres éducatifs fermés, que Lionel Jospin avait proposés...
    M. Bernard Roman. Cela dépend ce que l'on entend par là.
    M. Guy Geoffroy. ... et que vous n'avez pas voulu retenir dans la loi d'orientation sur la justice.
    Bref, vous vous êtes livré pendant une heure et demie à des explications méritoires mais laborieuses. Vous avez successivement dit une chose et son contraire avant de donner, parce qu'il le fallait bien, de manière tout aussi laborieuse, des exemples peu convaincants d'inconstitutionnalité.
    Vous avez fait référence aux positions du Conseil constitutionnel pour expliquer ce qui serait inconstitutionnel.
    Vous avez parlé de manque de clarté. Je crois au contraire que tout ce qui est débattu ici est très clair puisque vous réussissez à vous y opposer. Comment peut-on s'opposer à quelque chose qui n'est pas clair ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Bateux. Ce n'est pas un argument.
    M. Guy Geoffroy. Vous avez également parlé de sincérité. Je voudrais faire allusion à la vôtre. Comment, sur un sujet aussi grave, des opposants peuvent-ils raisonnablement parler de sincérité lorsqu'ils prennent la décision, et le font savoir en commission, de ne pas déposer d'amendements en attendant de voir quels amendements la majorité va présenter...
    M. André Gerin. Ce n'est pas vrai.
    M. Guy Geoffroy. Vous avez présenté des amendements dans le cadre de l'article 88. Vous n'êtes d'ailleurs pas restés cet après-midi en commission jusqu'au bout, et vous apprendrez en séance publique dans les jours qui viennent qu'un certain nombre de ces amendements ont été adoptés par la commission, ce qui prouve que le rapporteur, le président et la majorité sont beaucoup plus ouverts à votre égard que vous ne l'êtes au nôtre. Vous aurez ainsi démontré que votre sincérité était bien relative. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Et vous, vous êtes un modèle de vertu ?
    M. Guy Geoffroy. La question qui nous réunit aujourd'hui est beaucoup trop grave pour qu'on se laisse aller à de tels artifices de procédure. Vous n'avez rien démontré, monsieur Le Roux. Vous n'avez fait qu'utiliser tous les poncifs possibles.
    Il est un point sur lequel je suis en désaccord avec notre ami Christian Estrosi, le rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour moi, votre démonstration n'était pas aussi magistrale qu'il vous a fait l'honneur de le reconnaître. Elle était plutôt laborieuse, pénible,...
    Mme Martine David. Vous l'avez déjà dit !
    M. Guy Geoffroy. ... dans le cadre de votre devoir d'opposition. Ce ne sera pas une grande page de la liberté et de la démocratie dans notre pays.
    Pour conclure ce propos, je dirai que nous ne faisons que mettre en oeuvre, comme nos concitoyens nous l'ont demandé, les grands principes que vous nous avez précisément reprochés, lors du débat sur la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, au mois de juillet, de limiter aux grandes orientations. Nous ne faisons qu'une chose, et je comprends très bien que vous ne soyez pas d'accord : assumer nos engagements et nos responsabilités devant le peuple, qui nous l'a demandé.
    Mes chers collègues, nous allons devoir nous prononcer sur cette exception d'irrecevabilité, qui nous a permis d'ailleurs, grâce à M. Le Roux, d'entamer la discussion générale. Soyez persuadé, monsieur le ministre, que le groupe UMP, sans défaillance, vous accompagne dans votre démarche courageuse : dire le droit aujourd'hui et demain pour que la première des libertés, c'est-à-dire la sécurité, soit enfin assumée comme il le faut par le gouvernement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste.
    M. Bernard Roman. Je voudrais d'abord souligner, en me référant à la fin de notre débat de tout à l'heure, et peut-être à des propos selon moi un peu outranciers de M. Estrosi, que, dans un débat de cette nature, lourd, grave, car il concerne notre conception de la République, nous avons besoin d'une certaine rigueur.
    Peut-être faudrait-il s'abstenir, sur les bavures d'accusations tellement allusives que seul leur auteur les a entendues, peut-être aussi faut-il prendre garde à certains arguments. Ainsi, monsieur le ministre, vous justifiez vos dispositions sur les fichiers par le fait que l'on aurait pu sans doute éviter l'un des trois crimes atroces de la Somme si un tel dispositif existait. A ma connaissance, mais je n'en suis pas certain et je demande simplement que ce soit vérifié, l'assassin en question était l'une des 1 200 personnes figurant sur le fichier à l'époque des faits. Nous ne pouvons pas nous permettre ce type d'approximation dans un débat aussi lourd.
    Nous avons, ne nous en cachons pas, une vision philosophique sans doute différente de la question, non pas sur l'objectif de sécurité mais sur les moyens à mettre en oeuvre, et je voudrais en trois arguments vous dire pourquoi le groupe socialiste se ralliera à la motion défendue par Bruno Le Roux, de manière excellente et non pas laborieuse, pour démontrer l'inconstitutionnalité d'un certain nombre de dispositions.
    Je ne vais pas revenir longuement sur le déroulement juridique. Vous avez évoqué le Conseil constitutionnel, monsieur le ministre. Nous n'avons jamais considéré qu'il était illégitime. Il est dans la Constitution. Nous avons pu critiquer un certain nombre de ses décisions, et il vous arrivera de le faire. Nous avons pu aussi critiquer son rôle, sa composition, son fonctionnement. Tout cela est légitime dans une démocratie. Le Conseil constitutionnel est une réalité. Il n'est pas arbitre de nos débats, il est l'arbitre du résultat de nos débats, au regard de nos textes fondamentaux. Il ne doit pas intervenir ici, même s'il est de la responsabilité de ceux qui le souhaitent de le saisir sur la conformité d'un certain nombre de dispositions au texte de la Constitution.
    M. Bruno Le Roux a parlé des parquets, des procureurs, qui sont garants du respect des droits de tout citoyen concerné par une opération de police judiciaire. Il a développé des arguments sur la base d'une multitude de décisions prises par le Conseil constitutionnel. Le droit à ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement, la liberté d'aller et venir, la liberté corporelle, l'inviolabilité du domicile, le problème de fichiers, l'avis de la CNIL n'étant pas pris en compte, la définition du suspect, avec des variations dans votre texte, tous ces points méritent d'être passés au crible de nos textes fondamentaux.
    Si des dérives résultent de la place du curseur entre le maintien d'un certain nombre de droits fondamentaux qui fondent la République et les dispositions qui seront arrêtées, il est du devoir de l'opposition de saisir le Conseil constitutionnel et d'attirer l'attention.
    Je vais aller vite sur les deux autres points.
    M. le président. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Je vous prie de bien vouloir conclure, cher collègue.
    M. Bernard Roman. Nous n'avons pas la même philosophie sur les moyens à mettre en oeuvre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Léonard. Tant mieux !
    M. Bernard Roman. Vous évoquez les oubliés. A cet égard, je regrette d'ailleurs que vos collègues du Gouvernement ne manifestent pas le même enthousiasme que vous pour les défendre,...
    M. Jacques Masdeu-Arus. Oh !
    M. Bernard Roman. ... car, comme vous avez raison de le dire, monsieur le ministre, ce sont les premières victimes de l'insécurité. Et quand les oubliés sont les premières victimes dans une société, il appartient à l'Etat d'intervenir !
    M. Gérard Léonard. Qu'avez-vous fait et pour quels résultats ?
    M. Bernard Roman. Bien sûr, l'amalgame consistant à dire que quand on est pauvre, qu'on habite une HLM et qu'on touche le RMI, on est délinquant constitue une idiotie. Quoi qu'il en soit, ces oubliés ont besoin aussi que l'Etat intervienne davantage sur les politiques sociales. Ils ont besoin que, dans les écoles des quartiers en difficulté, les postes d'emplois-jeunes, d'aides-éducateurs et de surveillants soient maintenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Gerin. C'est vrai !
    Mme Sylvia Bassot. On voit ce que cela a donné !
    M. le président. Monsieur Roman, il faut vraiment conclure.
    M. Bernard Roman. Il faut que ces emplois puissent déboucher sur des CES, sur des CEC.
    Si l'Etat manifestait la même volonté pour intervenir en faveur des oubliés dans les autres domaines que celui de la sécurité, ce serait parfait.
    Je vais conclure, monsieur le président.
    M. le président. Je vous y invite fortement.
    M. Bernard Roman. Sans être un « droits-de-l'hommiste », sans être une précieuse ridicule, pour reprendre une expression déjà bien connue - je suis moi-même élu d'une circonscription comprenant des quartiers difficiles - je considère que l'équilibre qui existe entre le respect d'un certain nombre de droits et la manière dont la police et la gendarmerie agissent est rompu. Le curseur risque d'être dangeureusement déplacé non seulement avec ce texte, mais aussi avec le texte Perben en préparation (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. André Vallini. Ce texte est scandaleux !
    M. Bernard Roman. ... qui propose de modifier les conditions de la garde à vue et d'élargir les possibilités d'intervention des policiers en dehors du contrôle des parquets.
    M. le président. Monsieur Roman, concluez !
    M. Bernard Roman. De ce point de vue, il y a danger pour la conception que nous avons de la démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dans ces conditions et pour ces raisons, nous voterons avec enthousiasme l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. André Gerin, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Gerin. Monsieur le ministre, il s'agit, bien sûr, d'un débat politique, mais je regrette vraiment la manière dont vous avez répondu à Bruno Le Roux et le ton que vous avez employé. Il faut absolument que, dans cette assemblée, le respect de la représentation nationale soit un souci permanent.
    M. François Brottes. Ça, c'est une leçon !
    M. André Gerin. Nous voterons l'exception d'irrecevabilité, dans la mesure où, dès le mois de juillet, nous nous sommes opposés à la LOPSI et où, aujourd'hui, nous nous opposons à la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.
    Les députés communistes et républicains considèrent, monsieur le ministre, que si vous parlez de vrais problèmes - ils l'ont toujours dit et ils n'ont pas changé de ce point de vue - il existe, pour les résoudre, d'autres réponses que celles que vous proposez dans ce projet de loi : elles se situent à l'opposé de celles-ci et sont même innovantes. Nous vous les proposerons.
    Ce texte nous paraît tout à fait dangereux dans la mesure où il amplifie - ce n'est donc pas une nouveauté propre à ce Gouvernement - la criminalisation de la pauvreté et où il met en cause un certain nombre de libertés.
    Surtout, ce qui nous paraît gravissime, c'est qu'il se limite au traitement d'un certain nombre de questions ponctuelles, laissant de côté d'autres questions fondamentales touchant à la violence sociale généralisée en matière économique, financière, sanitaire ou judiciaire. Les questions des violences urbaines y sont traitées de manière marginale. Ainsi, les grands trafics et les trafiquants sont totalement oubliés ans ce projet de loi.
    Nous voterons donc la motion de procédure et, bien évidemment, nous présenterons nos propositions au cours du débat. Elles nous paraissent originales et positives, refusant de façon claire et précise à la fois laxisme et répression sans âme. Ces propositions nous permettront d'apporter un éclairage nouveau sur ce que doivent être les missions de la police, le traitement de la violence urbaine, et comment doivent être prises en compte les conséquences du chômage et de la précarité, même si elles n'agissent pas directement sur les comportements délinquants. Il s'agit là de questions tout à fait essentielles. En particulier, je le répète, on ne voit pas où et comment vous déclarez la guerre à tous les trafiquants. De plus, quand va-t-on dans ce pays - et ce n'est pas une question nouvelle, mais elle se pose aujourd'hui de façon de plus en plus cruciale - déclarer comme priorité nationale le fait d'aider et d'accompagner les mineurs, qui sont les principales victimes de l'insécurité et de la violence, et leur apporter les réponses d'avenir qu'ils attendent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.

    M. Nicolas Perruchot. Je ferai simplement quelques commentaires sur cette exception d'irrecevabilité.
    Bernard Roman vient de dire à l'instant que sa philosophie de la sécurité s'opposait à la nôtre. Je crois effectivement que, en matière de sécurité, la gauche fait sans doute trop de philosophie, comme c'est encore le cas ce soir dans l'hémicycle. Or le problème de l'insécurité en France ne se réglera pas simplement en philosophant.
    Le groupe UDF est d'avis que le texte qui nous est présenté va aussi loin qu'on pouvait l'espérer. Je rappelle que plus de sept Français sur dix attendent des mesures en matière d'insécurité, comme l'attestent les sondages, semaine après semaine.
    Quant à l'évocation du « bouclier » constitutionnel, cela me paraît tout de même un artifice quand on sait comment vous avez traité le Conseil constitutionnel auparavant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Brottes. Ça n'a rien à voir !
    M. Nicolas Perruchot. Cet artifice mis à part, rien dans les propositions que vous avancez ne permet de répondre à la principale préoccupation des habitants de notre pays : l'insécurité qu'ils subissent quotidennement, en particulier les couches les plus modestes de la population.
    J'évoquerai un autre point pour démontrer à quel point la philosophie ne fait pas avancer les choses. Ce texte, en rendant plus efficace l'action de la police et de la gendarmerie et en créant de nouveaux délits, répond tout de même en grande partie à la principale préoccupation des Français. M. Le Roux n'a pas l'air de le comprendre. Pourtant, je me souviens qu'au cours de la discussion de la LOPSI un certain nombre de nos collègues socialistes étaient particulièrement hésitants quant au vote qu'ils allaient émettre, même si, par la suite, lors du vote définitif, ils ont fait preuve de discipline.
    Mes chers amis, j'ai le sentiment en écoutant M. Le Roux que vous avez complètement occulté le message du 21 avril. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Sylvia Bassot. Tout à fait !
    M. Nicolas Perruchot. Pourtant, ce message était clair. J'ai le sentiment que vous ne l'avez pas entendu, et c'est dommage.
    Bien entendu, le groupe UDF ne votera pas cette motion d'irrecevabilité, qui montre que, malheureusement, l'opposition n'ouvre toujours pas les yeux sur l'important problème qui se pose en matière de sécurité. Moins de philosophie et plus de sécurité, c'est ce que les Français attendent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    Le scrutin est ouvert.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   173
Nombre de suffrages exprimés   173
Majorité absolue   87
Pour l'adoption   59
Contre   114

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Monsieur le président, monsieur le ministre, le groupe des député-e-s communistes et républicains oppose cette question préalable pour manifester son opposition à la politique d'insolence et d'insolidarité du gouvernement Raffarin. (« Ah non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Votre discours est séduisant, monsieur le ministre (« Oh oui ! » sur les mêmes bancs), mais c'est un discours en trompe-l'oeil. En vérité, vous jetez de l'huile sur le feu. Vous rajoutez de la sécheresse sociale à la sécheresse de la vie. Votre action est sélective. Vous ne parlez pas de la France dorée, de la France des beaux quartiers, de cette France de l'opulence, de tous ceux qui vivent en profitant du malheur des gens. Vous ne parlez pas de l'insécurité sociale généralisée : l'insécurité économique, judiciaire, financière, sanitaire est occultée.
    Nous nous opposons à la philosophie de votre projet qui s'inscrit dans une politique d'ordre social, un ordre social qui aggrave la misère des plus pauvres et flatte l'arrogance des plus riches.
    M. Antoine Carré. C'est du Zola ! L'Assommoir !
    M. André Gerin. Nous nous démarquons de l'imposture de votre politique.
    Une solution existe entre le laxisme - « ce serait la faute à la société » - que nous récusons et l'intégrisme de la répression sans âme qu'incarne votre politique, une politique qui aggrave les inégalités, une politique qui, contrairement à vos déclarations, s'assoit sur les règles de la République.
    Lors du colloque de Villepinte, une amorce de solution politique avait vu le jour.
    M. Jean Leonetti. Ça a bien marché !
    M. André Gerin. Le chantier est devenu immense, il faut agir sans attendre et traiter les problèmes de fond en ayant à l'esprit que la confrontation illusoire entre le principe selon lequel « c'est la faute à la société », qui a coûté cher au parti communiste et à la gauche, et votre politique pleine de bon sens médiatique mais dangereuse et liberticide, il y a un espace à occuper pour reconquérir une crédibilité sur les questions de sécurité dans les milieux populaires.
    Il s'agit, selon nous, de relever les défis du xxie siècle face à la barbarie qui s'étend et à la guerre qui menace. Vivre en sécurité est un droit républicain. Nous devons avoir conscience des très grandes souffrances qu'engendrent toutes les violences. Cette société où se développent une misère de la prospérité et une prospérité de la misère. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous refusons un ordre social qui a créé les conditions d'un développement sans précédent de toutes les formes de la petite misère. Nous refusons la conception néo-libérale de la société qui a inspiré les politiques menées depuis les années 70. Nous refusons tout retrait de l'Etat, tout dépérissement de l'aide publique à la construction du logement social en particulier.
    Nous ne pouvons pas comprendre l'état actuel des choses sans prendre en compte la conversion collective à la vision libérale, y compris dans les années 80, accompagnée d'une démolition de l'idée même de service pubic.
    Les fonctionnaires de première ligne chargés des missions dites « sociales » se sont vu privés des moyens nécessaires pour limiter les effets les plus intolérables de la logique du marché. Les policiers, magistrats, animateurs sociaux, éducateurs, instituteurs, professeurs ont souvent eu le sentiment d'être abandonnés, sinon désavoués, dans leurs efforts pour affronter la misère matérielle et morale. Ils vivent depuis trente ans dans un Etat dont la main droite ne sait plus, ou ne veut plus savoir, ce que fait la main gauche. Une charité d'Etat, une démission de l'Etat, un abandon des grandes missions régaliennes de la République menacent le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
    Les petites gens ne peuvent plus compter sur l'Etat. En tout cas, c'est ce que nous craignons avec ce qui est proposé aujourd'hui.
    Quelle réponse apportez-vous au malaise de cette partie de la société qui se reconnaît dans les délires de la xénophobie et du racisme ? Aucune ! Si ce n'est le maintien de l'ordre social, d'un ordre social condamné.
    Et dans le droit-fil du glissement social vers le libéralisme, vous vous inscrivez dans une démarche de privatisation des services de sécurité. Vous proposez une sorte de « déontologie contractuelle », là où il faudrait réaffirmer la prééminence du service public et de l'Etat. Nous avons déposé un amendement visant à créer un office public national chargé de donner l'agrément et de suivre le fonctionnement des sociétés de surveillance privées, afin de garantir le caractère public des missions de sécurité et d'éviter qu'elles ne deviennent un objectif de rentabilité en étant subordonnées au marché.
    Que faire face à la violence gratuite, sur les stades ou ailleurs, aux crimes racistes ou aux succès électoraux des prophètes du malheur ?
    Peut-on parler des véritables détournements économiques et sociaux, des innombrables atteintes aux libertés des personnes, à leurs légitimes aspirations au bonheur et à l'accomplissement de soi, qu'exercent les contraintes impitoyables du marché du travail et du marché scolaire ?
    Qu'est-ce qui rend la vie douloureuse, voire invivable ? Il serait absurde de laisser faire, sinon nous nous rendrions coupables de non-assistance à personne en danger. Mais vous nous proposez le retour à l'ordre moral tel que le proposait Alain Peyrefitte avec son projet « Sécurité et liberté » en 1978. Ce n'est pas une avancée, mais un retour en arrière marquée par une politique du baston et de la prison.
    Peut-on débattre dans ce pays d'une grande politique nationale de sécurité, de tranquillité publique, débouchant sur des réponses de fond positives, pour les gens, pour le peuple ? Les députés communistes et républicains refusent de tomber sous votre charme séducteur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Nadine Morano. N'importe quoi !
    M. André Gerin. Nous voulons participer de manière combative, sans a priori, avec notre originalité au débat sur l'insécurité et la violence en faisant des propositions audacieuses, qui vont vous surprendre.
    M. Jean Leonetti. Ah ! Ça, c'est nouveau !
    M. André Gerin. C'est possible.
    L'insécurité policière, voilà un sujet tabou. Lorsqu'on dit « sécurité », il faut savoir de quoi on parle, à plus forte raison quand on veut légiférer sur cette question. Au fil des années, les gouvernements successifs ont beaucoup agi, mais tous se sont satisfaits d'une définition minimaliste de la sécurité : sécurité égale police. De fait, c'est au seul ministre de l'intérieur que l'on demande de régler les graves problèmes d'insécurité auxquels notre pays est confronté.
    Il n'est donc pas surprenant, monsieur le ministre, que votre texte de loi soit essentiellement d'inspiration policière. Cela ne nous choque pas, dans la mesure où la police est effectivement le maillon central de l'action publique en matière de sécurité. Mais il n'est pas le seul maillon. La justice, l'action sociale, l'éducation concourent, chacune à leur manière, à la tranquillité publique. En se focalisant exclusivement sur les questions relevant du ministère de l'ordre, le Gouvernement peut certes se targuer de prendre des mesures en faveur du maintien de l'ordre, mais ce n'est pas le cas en matière de sécurité de la vie quotidienne.
    Il n'y aura plus ni prostituées ni de mendiants dans les rues. Les nomades iront camper ailleurs et les squatters dormir on ne sait où. Mais que se passera-t-il réellement dans nos cités populaires ? Ce sont les policiers eux-mêmes qui fournissent la réponse en constatant qu'ils arrêtent maintes et maintes fois les mêmes délinquants ; ils ont souvent le sentiment que cela ne sert à rien tant la situation devient ubuesque et ridicule.
    Dans son article 1er, le projet de loi propose de confier aux préfets le soin de coordonner tous les efforts en matière de sécurité intérieure, département par département. Le ministère de l'intérieur peut-il ignorer ce que les policiers de France et de Navarre disent tout bas depuis des années, à savoir que les préfets sont les seuls habilités à parler au nom de la police pour dire, non pas la vérité qu'observent les policiers, mais la « vérité » que veut proclamer le Gouvernement ? S'agit-il de renforcer le rôle des préfets pour en faire des agents de propagande de la politique gouvernementale ? Ce n'est d'ailleurs pas une question nouvelle. La police se plaint, à juste titre, d'être devenue la nouvelle « grande muette » de la République. C'est le cas des policiers de base, et même de la plupart des commissaires. Or, si l'on veut combattre l'insécurité, il faut en tout premier lieu adopter le « parler vrai ». Vous l'avez parfaitement compris, monsieur le ministre, en faisant les constats les plus marquants, fussent-ils dérangeants, de notre société.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Merci !
    M. André Gerin. Mais le problème, c'est que votre monologue ne constitue pas, à lui seul, ce « parler vrai ». Il n'est de réel « parler vrai » que dans la bouche de tous les acteurs de la sécurité, sans exception. Or singulièrement, le « parler vrai » des acteurs de terrain est largement absent du projet de loi dont nous avons à débattre. Le point de vue des policiers n'inspire que très modestement ce projet. On éprouve le sentiment lancinant qu'il manque une vraie reconnaissance de ceux qui mettent les mains dans le cambouis, le sentiment d'une administration sclérosée qui se moque la plupart du temps des policiers d'en bas.
    Prenons exemple de la prévention, qui nous semble le premier volet du triptyque de la sécurité publique, aux côtés de la dissuasion et de la répression. Les forces de police se reconnaissent une action préventive par leur présence organisée sur le terrain. Par les renseignements qu'elles peuvent obtenir, l'identification des délinquants potentiels, cette présence a un effet dissuasif. Mais les policiers font remarquer fort justement que leur action ne peut s'intéresser au particulier, à l'aide aux victimes que lorsque l'infraction est commise et que l'on bascule vers le volet répressif. C'est tout ou rien. On tape ou on laisse faire. Sur le coup, cela plaît : enfin un ministre et un gouvernement « qui en ont » ! A juste titre, les policiers font remarquer qu'une réelle action préventive commence avec l'action sociale, capable d'intervenir au niveau de l'individu, en fonction de sa situation personnelle, familiale, de ses antécédents. Ces policiers soulignent l'importance d'un traitement multiforme de la question incluant les domaines de l'éducation, de la formation, de l'emploi et de l'urbanisme. Dans leur conception de la prévention, ils n'hésitent pas à associer les familles, l'éducation nationale, les associations locales. Ce ne sont pas des idéologues de gauche qui disent cela ; ce sont des policiers, des fonctionnaires du ministère de l'intérieur à qui, malheureusement, on n'autorise pas l'expression libre, publique et démocratique ! L'ordre du jour à l'UMP, c'est : « Je ne veux voir qu'une seule tête. »
    Il est vrai que votre projet de loi reprend largement les revendications des policiers dans le domaine du fichage des individus, des fouilles de véhicules. Cet aspect particulier de l'action policière correspond tout à fait à l'état d'esprit sécuritaire, orienté exclusivement vers le maintien de l'ordre du Gouvernement. Mais ne chipotons pas ! En revanche, il n'apparaît aucune disposition législative visant à une affectation logique et transparente des forces de police. Quel est le vrai chiffre des effectifs ? Mystère ! Pourtant, ce sont les policiers eux-mêmes qui se plaignent des incohérences dans la répartition géographique des effectifs et de l'existence de ce qu'ils appellent des « niches », des privilèges, des passe-droits. Il nous semble indispensable de charger un groupe de travail d'élaborer rapidement un rapport pour le Gouvernement afin d'inscrire dans la loi un principe de répartition des forces de police et de prendre les mesures qui s'imposent. Le parler vrai des policiers est à l'ordre du jour. Allez-vous continuer à étouffer la voix des fonctionnaires qui n'ont qu'une possibilité : fermer leur gueule ou partir ?
    Plus profondément, cela fait trente ans que cela dure. La police nationale souffre de réformes sucessives mal digérées, les effets d'annonce ayant prévalu sur la résolution des problèmes. Elle en souffre d'autant plus qu'elle doit faire face, d'un côté, à une délinquance de plus en plus violente, agressive et meurtrière, et, de l'autre, à une bureaucratisation tatillonne qui l'étouffe et l'éloigne de ses missions. Le présent texte ne répond pas à ces questions sensibles et sans doute faudrait-il tout autant une mise à plat complète du dossier qu'une véritable révolution des esprits pour les appréhender de manière républicaine et novatrice. Il est clair, en effet, qu'il ne peut y avoir de réforme solide et durable de la police qu'avec l'intense participation des policiers eux-mêmes. Le débat public est nécessaire, qu'aucune prétendue « réserve de service » ne peut escamoter. Certains corporatismes y laisseront-ils des plumes ? Eh bien, tant mieux pour la République ! Cela permettra de sortir de la sclérose bureaucratique, « énarchique », de libérer la démocratie pour que les policiers en tenue ne soient pas les otages d'objectifs politiciens. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cela vous étonne que les communistes parlent de la police ! C'est une découverte !
    M. Guy Geoffroy. C'est nouveau, chez les communistes !
    M. André Gerin. En tout cas, pour ce qui me concerne, en tant que maire et député, j'ai le plus grand respect pour la police avec laquelle j'entretiens les meilleures relations. D'ailleurs ma pratique personnelle le prouve, même si personne n'est obligé de partager mes opinions politiques. Jugez-moi sur ma pratique, c'est cela le plus important !
    Monsieur le ministre, dans votre projet de loi le problème des violences urbaines est escamoté. Comme vos prédécesseurs, mais certainement avec plus d'acuité, vous jouez les matamores : maintien de l'ordre, maintien de l'ordre ! Nous avons pris le parti de refuser toute attitude politicienne. Nos amendements en témoignent. Pour être trop souvent en première ligne des difficultés et des drames des cités populaires, nous mesurons l'ampleur du désastre produit par la conception libérale des gouvernements successifs. Si l'on veut sérieusement parler de sécurité intérieure, il faut d'abord examiner précisément ce que sont ces fameuses violences urbaines, dont on nous rebat les oreilles sans finalement jamais rien dire d'intelligible.
    La plupart des Français sont loin d'être victimes de ces violences urbaines, mais celles-ci sont bien à l'origine de l'inquiétude qu'ils ressentent. Nous affirmons haut et fort que votre politique ne vise en rien à résorber ces violences, qu'elle a au mieux pour objectif de donner aux Français qui ne vivent pas dans les cités populaires - ceux de Neuilly, Paris XVIe, Deauville, etc. - le sentiment que vous les contenez. Vous ne portez pas le fer au coeur de la délinquance, sur le terreau social qui la nourrit avec tous ceux qui vivent crapuleusement du malheur des gens. Vous essayez de la « parquer » dans les zones dites de non-droit, des zones d'où la République s'est retirée petit à petit ces trente dernières années. Non-droit au logement, non-droit au travail, non-droit à la santé, non-droit à l'éducation, non-droit à la sécurité : voilà la vérité ! Vous agissez avec votre style, monsieur le ministre, et nul n'a à vous juger et à vous le reprocher, mais vous déplacez le problème. Surtout, la politique du Gouvernement tend à stigmatiser des populations qui seraient vouées à la marginalisation, à une américanisation sociale, morale et culturelle.
    Aucune des mesures essentielles de votre projet de loi ne donne les moyens aux services sanitaires et sociaux de repérer, de soigner les enfants aux comportements déviants, d'accompagner et d'aider les familles qui ne font plus face à leurs obligations. Aucune des mesures de votre projet de loi ne donne au service public de l'éducation les moyens pour mieux encadrer les élèves qui ne s'intègrent pas et perturbent les classes. Aucune des mesures de votre projet de loi ne donne à la police judiciaire et d'investigation, en étroite collaboration avec la police de proximité, les moyens de traquer les bandes mafieuses qui empoisonnent la vie des quartiers. Est-ce vraiment le souci de ce Gouvernement ?
    Cette politique est doublement de droite, insolente et insolidaire. Des millions de gens vivent dans ces cités. Ce n'est pas quantité négligeable. Il ne s'agit pas de marginaux ayant fait le choix de se mettre hors société. Ce ne sont pas non plus des « étrangers », comme une insidieuse propagande tend à le faire croire. Ce sont des Français comme vous, ainsi que vous vous plaisez à le dire. Ce ne sont pas non plus des chômeurs professionnels. Dans leur immense majorité, ce sont des travailleurs en situation précaire, des familles populaires humiliées, abandonnées. Il s'agit non pas d'un ramassis de voyous, mais tout simplement de gens qui veulent avoir les moyens de vivre tranquillement. Ce sont le plus souvent des gens bien, généreux, modestes, humbles, des gens d'en bas qui souffrent qu'on les rabaisse en les rejetant dans l'obscurité, loin d'un gratin médiatico-politique prestigieux et privilégié, des gens que l'on humilie parce qu'ils seraient de trop, voire parce qu'ils représenteraient une charge pour la société. Les riches de ce pays ont tiré un rideau devant les pauvres et, sur ce rideau, ils ont peint des monstres.
    Votre politique est insolente et insolidaire parce qu'elle est dangereuse pour la République elle-même. Il faut être ignorant ou naïf pour croire que l'on peut contenir le mal. On combat le cancer en s'y attaquant résolument, sur le terrain même où il prend racine. Les Français ont sanctionné la gauche pas seulement parce que trop de voitures brûlent chaque semaine dans nos banlieues ou que trop d'agressions s'y produisent, mais parce qu'ils ont le sentiment très net que ces faits impunis témoignent d'un dérèglement profond de notre société, d'une absence de volonté du corps politique. Les mesures que vous proposez ne sont pas au niveau des attentes de nos concitoyens. Certaines sont spectaculaires, mais pour quel résultat durable ?
    Si les observateurs les plus attentifs avaient repéré les premiers signes de tensions graves dans les cités populaires dès le milieu des années 70, l'histoire date de 1981, dans la ville de Vénissieux, aux Minguettes, les premières émeutes urbaines. L'image que l'on garde à l'esprit est celle de hordes de jeunes brûlant des voitures au nez et à la barbe des bataillons de CRS. Une vingtaine d'années plus tard, un double constat s'impose : les violences urbaines se sont approfondies, ramifiées, structurées, et toutes les politiques qui s'y sont attaquées ont sombré dans l'échec.
    Les observations que font les élus locaux sur le terrain et les analyses auxquelles procèdent les sociologues convergent sur certains points. Contrairement à une idée souvent répandue, les violences urbaines ne sont pas que le fait de jeunes et elles ne touchent pas essentiellement les biens des particuliers. Les équipements publics sont particulièrement visés, ce qui fait dire à certains qu'il s'agit de « violences aveugles » puisque les vandales sont les premières victimes de leurs exactions. Pourtant, l'Etat s'est attaché à faire semblant de mettre plus d'Etat, pensant que « la raison l'emporterait ». Mais, chaque fois que la raison semblait pouvoir l'emporter, c'est la violence qui s'est développée.
    On remarque, depuis trente ans, que les politiques sécuritaires, tout comme les politiques angéliques - pour schématiser -, ont pareillement échoué, preuve que le problème n'est pas principalement policier. Mais ont également échoué toutes les tentatives de régulations institutionnelles censées se substituer à ce qui constituait le tissu social lors de l'émergence de ces banlieues - associations, organisations - et qui s'est délité au fil des ans. En revanche, deux phénomènes se sont propagés comme une traînée de poudre : le développement d'économies souterraines fondées sur le vol, les trafics, le blanchiment d'argent, les contrefaçons, des rapports de force brutaux et la loi du silence ; la montée sensible de l'agressivité contre les institutions qui se traduit désormais par des agressions constantes contre les agents des services publics pourtant les plus utiles aux populations. Et cette surenchère de la délinquance s'accompagne d'un abaissement dramatique de l'âge auquel on est en état de danger de délinquance, auquel on entre en délinquance.
    Une question complètement tabou dans votre projet de loi, monsieur le ministre, est celle du chômage, qui est pourtant l'ennemi public n° 1 de la sécurité. Au moment de légiférer, on pourrait dresser le bilan de ces dernières décennies : d'une part, l'explosion d'une révolte radicale contre l'Etat, les institutions et, d'une façon générale, contre l'ordre établi, qui coïncide avec l'explosion du chômage ; d'autre part, une multitude de réponses de l'Etat dans des registres extrêmement marginaux, mais dont le dénominateur commun fut l'accompagnement social et la démission d'un Etat devenu la voiture-balai du libéralisme.
    Or, la montée du chômage et de la précarité dans les cités populaires a, de fait, bouleversé la règle du jeu. N'entrons pas ici dans le débat pour savoir si l'Etat pouvait, ou peut, résoudre le chômage, ce qui poserait la question de la pertinence de l'économie dirigée face à l'économie libérale ! Observons simplement ceci : nos institutions, singulièrement nos institutions politiques, n'ont absolument pas pris la mesure des bouleversements sociaux, qui se manifestent jusque dans les mentalités intimes de nos concitoyens, engendrés par la déficience du travail dans notre pays. Tout au long de ces années, l'Etat s'est efforcé et s'efforce encore de mettre des pansements sur des plaies vives, et gronde même le malade qui se les arrache de douleur. Que ne s'est-il préoccupé de l'origine de ces plaies, de la gangrène du chômage et de la précarité ?
    Il faut insister sur cette notion de déficience du travail qui est aussi grave que la modestie des revenus de trop nombreux salariés. Les statistiques les plus officielles montrent que, depuis quelques années, la jeunesse populaire s'appauvrit globalement parce qu'elle a de plus en plus de mal à entrer dans la vie active, qu'elle y entre de plus en plus tard et qu'elle le fait souvent en acceptant des emplois sous-rémunérés, à la marge de notre droit du travail et souvent indignes de notre temps, tandis qu'une jeunesse privilégiée, dorée, peut accéder à ce capitalisme de la séduction qui prospère sur la misère, une misère de la prospérité.
    Il faut se le dire en face : cette société qui n'assure pas un emploi à chacun de ses membres est une société blessée, condamnée. La délinquance, c'est l'infection de ces blessures. C'est toute une chaîne dont les maillons sont pourris par la paupérisation économique et sociale, la paupérisation morale et culturelle. Un pouvoir politique qui ne dit mot contre les licenciements, voire qui les encourage, ne peut pas prétendre assurer vraiment la sécurité des citoyens. C'est l'insécurité sociale généralisée. Je sais que le propos agace ceux qui ne veulent voir dans le chômage que la fatalité économique. Ils me font penser à ces médecins de Molière, qui déploraient la mort du malade après l'avoir saigné à blanc. Ils me font penser à ces médecins de Molière qui déploraient la mort du malade après l'avoir saigné à blanc. C'est le capitalisme prédateur qui saigne à blanc des millions de gens. Une société nouvelle, un emploi pour tous, le chômage tolérance zéro : tels sont les impératifs qui s'imposent à nous, les défis que nous devons relever.
    Qu'au moins ceux qui ne voient de salut que dans le développement du capitalisme mondial prédateur acceptent de reconnaître que le chômage est l'ennemi public n° 1 de la sécurité intérieure et s'accordent pour que cela soit dit explicitement dans la loi ! Comment, sans cela, prétendre renouer le moindre fil avec ces millions d'hommes et de femmes de notre pays qui ont perdu tout sens de l'orientation, qui n'ont plus de boussole, qui vivent l'inégalité, la ségrégation, l'apartheid social et culturel ?
    Pour ces gens, l'Etat voit les choses de trop haut. L'Etat parle de République. Il serait urgent d'injecter massivement de la proximité, non pour poser l'énième emplâtre mais pour écouter, simplement commencer par écouter, ce qui se dit dans les quartiers populaires. Si les préfets doivent coordonner quelque chose, c'est bien l'ensemble des énergies et des acteurs du terrain : services publics, associations, bonnes volontés individuelles. Dans le même temps, il faut activer des initiatives départementales en faveur de l'emploi associant l'ensemble des partenaires économiques. Il faut donner à notre peuple les moyens de vivre. C'est un véritable plan d'urgence qui est nécessaire pour toute une France en perdition, sacrifiée sur l'autel d'une société financiarisée.
    La question de l'emploi, en rapport avec celle de la sécurité, est une question politique majeure que l'on ne peut séparer de la question humaine et sociale.
    Pour prendre un exemple dans l'actualité, il est navrant que, dans notre pays, une entreprise qui emploie des milliers de salariés soit menacée dans son activité même, à la suite d'indiscrétions de justice, d'accusations non vérifiées et d'une partie de ping-pong médiatique. Il est normal que la justice essaie de savoir si Buffalo Grill respecte la législation sanitaire. Il est, en revanche, effarant que cette enseigne soit jetée en pâture avant que l'enquête ne soit achevée. S'agit-il d'une question de sécurité sanitaire, dans ce cas ? A ceux qui se veulent les gardiens infaillibles de la santé publique, il faut poser cette simple question : quel est le prix du chômage en termes d'insécurité sanitaire et sociale ?
    L'exemple le plus probant est celui du patron de la société Palace Parfum de Seine-Maritime, qui a vidé son matériel et ses stocks pendant une période de chômage technique imposée par la direction. Il avait même, faisant preuve d'un véritable cynisme, sablé le champagne avec le personnel avant les fêtes. Après avoir exploité jusqu'au bout ses quarante-huit employés, il les a jetés directement à l'assurance garantie des salariés. De cette façon, il ne prend pas en charge le montant des indemnités légales. On aurait bien aimé vous voir sur place, monsieur le ministre, pour dénoncer cette délinquance en col blanc.
    M. Antoine Carré. C'est hors sujet !
    M. André Gerin. Toutes les délinquances, la petite et la grande, nous intéressent, et celle-là n'est sûrement pas hors sujet. C'est pourtant l'un des manques de votre projet de loi.
    Il faut déclarer la guerre à tous les trafiquants. Voilà encore un sujet sur lequel je vous trouve bien silencieux.
    M. Alain Bocquet et M. Daniel Paul. C'est vrai !
    M. André Gerin. La flambée du chômage s'est accompagnée d'une flambée, non moins dévastatrice pour la société, de l'économie souterraine : trafics de main-d'oeuvre, travail au noir, marché noir. On aurait bien aimé qu'un texte tel que celui-ci intègre cette dimension de sécurité intérieure.
    Les trafics de main-d'oeuvre, aspirateur principal de l'immigration clandestine, sont un véritable esclavage moderne. Ils reposent sur la violence la plus directe et souvent la plus brutale. C'est un monde où gravitent des employeurs négriers, des passeurs ou sergents recruteurs, des marchands de sommeil. Au bout du compte, ce sont des travailleurs étrangers souvent dupés, parfois contraints, qui se retrouvent dans un pays dont ils ignorent tout, même la langue, hébergés dans des conditions scandaleusement insalubres et enfermés dans des travaux clandestins défiant tout à la fois le code du travail et le code de la santé publique.
    Et pourtant, qui peut nier que ces fameux ateliers clandestins fonctionnent souvent au vu et au su de tous, que les négriers semblent jouir d'une totale impunité ? Qui peut nier que ces trafics empoisonnent gravement la vie des quartiers populaires où ils s'exercent ? Il faut le proclamer avec beaucoup de force : ces trafics sont une honte pour la France et l'un des facteurs d'insécurité les plus hideux ! Ces trafiquants doivent être mis hors la loi. Des moyens exceptionnels et une énergie sans faille doivent être déployés pour les combattre.
    Le Président de la République a annoncé sa volonté de demander au Gouvernement de déposer un projet de loi sur l'immigration. Sans attendre, il faut aggraver la répression contre tous ceux qui s'enrichissent sur le dos d'étrangers en leur imposant des conditions de travail et d'hébergement indignes. Force est de dire que le projet initial du Gouvernement était muet sur cette question. Le Sénat a indroduit un amendement relatif à la « traite des êtres humains », où la question est expédiée en deux lignes évoquant des « conditions de travail contraires à la dignité ». En l'état, le projet de loi se focalise essentiellement sur les proxénètes. Nous sommes naturellement à fond pour que l'on traque le proxénétisme. Mais ne soyons pas naïfs : ce n'est qu'une facette du grand banditisme et de tous les trafics qu'il organise ! Nous avons déposé un amendement qui s'en prend spécifiquement aux négriers des temps modernes en proposant de les condamner à de lourdes peines.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, quelles consignes allez-vous donner aux forces de police pour poursuivre et démanteler les trafics de main-d'oeuvre et l'économie souterraine qui s'y attache ? Vous avez instauré les groupes d'intervention régionaux, les GIR. Quels moyens réels leur donnerez-vous pour régler ces problèmes concrets et urgents ?
    D'autant que cette économie souterraine ne concerne pas que la main-d'oeuvre étrangère. Elle se nourrit d'un travail au noir généralisé, que de nombreux chômeurs acceptent faute de mieux, pour assurer leur survie. Elle engendre un marché noir à la fois pour des produits illicites - la drogue en premier lieu - et des produits volés ou de contrefaçon qui lèsent directement les industries légales. Il faut savoir que la contrefaçon représente jusqu'à 8 % du marché national. Enfin, l'économie souterraine génère tout un ensemble d'activités marginales plus ou moins louches destinées à blanchir l'argent illégalement gagné. L'Observatoire géopolitique des drogues en Europe estime que l'argent du blanchiment investi dans l'économie française atteint 7 à 10 milliards d'euros.
    Avec la mondialisation des circuits mafieux, l'économie souterraine est un cancer qui se développe au coeur de l'économie nationale, de même que les scandales récents ont frappé le capitalisme et la finance mondiale au coeur. Certains, et non des moindres, en tirent profit. Les « gros bonnets » n'existent pas que dans l'imagination populaire. Il arrive qu'ils se fassent pincer, et l'on découvre que ces gens-là ont souvent bonne apparence et parfois pignon sur rue. Rien à voir avec les petits trafiquants de banlieue, dira-t-on. Eh bien si, hélas ! Non seulement les gros bonnets de l'économie souterraine entretiennent de véritables réseaux mafieux, mais en plus leurs méthodes font malheureusement école là où la misère se fait la plus oppressante. Ils portent la violence et, pire encore, une culture de la violence, associée à celle du fric à n'importe quel prix. Souvent, ces rapaces ont pour nom Enron ou World Company.
    Plus que jamais, nous avons l'occasion, avec ce texte, de préciser où nous en sommes dans la lutte contre les paradis fiscaux. La France doit déclarer la guerre à cette voyoucratie en col blanc. Elle le peut. Les policiers sont les premiers à dire qu'il est possible de gagner à force de persévérance, mais à condition qu'on leur en donne les moyens.
    Ce débat parlementaire sur la sécurité intérieure aurait gravement manqué son but si tous ceux qui ont fait le choix délibéré de se mettre hors la loi, depuis le délinquant en col blanc jusqu'au caïd de banlieue, ne sentaient pas que l'Etat a la ferme volonté de leur porter l'estocade.
    Le Gouvernement annonce un projet de loi contre la grande criminalité. Pourquoi ne pas l'avoir intégré à la présente loi sur la sécurité intérieure ? Cela aurait été beaucoup plus éclairant et beaucoup plus juste vis-à-vis de l'ensemble des catégories sociales.
    Encore une fois, tout cela donne le sentiment que l'on privilégie l'apparence et les effets d'annonce, et non le règlement réel des problèmes sur le terrain. Nous avons déposé un amendement qui tend à préciser que notre pays entend s'engager dans une lutte résolue contre les trafics et condamner lourdement les trafiquants en fonction de leur niveau : plus il est haut, plus la sanction doit être sévère.
    Au coeur de ce débat se trouve aussi le problème des mineurs, qui sont les premières victimes des violences et de l'insécurité.
    Pourquoi ont-ils de plus en plus de mal à s'intégrer dans la société ? Pourquoi existe-t-il un rapport aussi inégalitaire entre les générations ? On parle de génération désenchantée, manipulée : c'est que les problèmes des mineurs ne sont pas pris aux sérieux ! L'insertion dans le monde du travail n'est pas considérée comme une véritable priorité nationale, alors même que la France est dans le peloton de tête des pays européens pour ce qui est du chômage des jeunes.
    En prenant pour cible la délinquance des mineurs, le Gouvernement met de l'huile sur le feu. Car le malaise d'une partie de la jeunesse est bien réel. Mais a-t-on dit l'essentiel lorsqu'on a déploré des conduites inciviles, que l'on a repris les bons vieux discours sur ces jeunes qui sont « de pire en pire et ne respectent plus rien » et que, pour faire bonne mesure, on a stigmatisé les familles, en les accusant globalement d'être démissionnaires ?
    On oublie la misère qui galope, misère matérielle tout autant que morale et culturelle. On préfère montrer la jeunesse du doigt, pour éviter de parler des causes du mal.
    On l'a dit, l'âge d'entrée en délinquance est en baisse. C'est l'une des caractéristiques les plus dramatiques des phénomènes d'insécurité. Mais il ne faut pas prendre les effets pour les causes. La violence de certains jeunes n'est en soi qu'un signal d'alarme, un symptôme qu'il convient d'examiner. La violence n'est jamais « gratuite » ; toute violence a un sens, que ce soit la colère, l'incompréhension, la frustration, le désespoir, la provocation juvénile ou la domination physique.
    Mais il faut le dire avec force : la jeunesse elle-même est la première victime de la violence. Violence à l'école, violence dans la rue, violence dans la cité. Dans les quartiers de délitement social et d'abandon public, il est malheureusement évident que les esprits les plus faibles, les plus malléables ou au contraire les plus retors perdent pied ou exploitent la situation, c'est selon. Il est évident qu'il faut protéger les victimes potentielles des actes délictuels ou violents. Mais il faut aussi réfléchir à la société dans laquelle on veut vivre dans dix ou vingt ans. Si l'on veut réellement faire reculer la violence, il faut en passer par l'étude du symptôme que constitue l'évolution de la délinquance et des maladies qu'elle révèle.
    Au lieu de cela, on tire à boulets rouges sur la jeunesse, dans le but peu glorieux de dédouaner la société, les adultes, qui sont responsables et coupables, alors que nous devrions éteindre les flammes de l'exclusion et en finir avec la sécherese sociale ! Les quelques Canadair qu'envoie le Gouvernement sont bien insuffisants !
    Surtout, il faut se fixer l'objectif d'empêcher que le feu ne prenne ! C'est tout l'enjeu que représentent la prévention précoce, la dissuasion, l'éducation, pour responsabiliser les jeunes.
    Vous n'avez pas parlé, monsieur le ministre, de l'ordonnance de 1945, qui a pourtant été la source d'un progrès considérable pour le traitement de la délinquance des mineurs, en faisant une distinction fondamentale entre justice des mineurs et justice des majeurs. Elle reconnaissait que l'enfant se trouve au stade de la construction de sa personne et donc au stade de l'éducation. Cela, il ne faut pas le remettre en cause. En revanche, il faudrait être aveugle pour ne pas constater qu'un demi-siècle plus tard, les conditions de l'éducation ont complètement changé. Si l'on veut traiter le mal à sa source, il faut faire de la prévention de plus en plus tôt. Il faut admettre que nous sommes en échec dans la politique éducative et dans la politique d'insertion.
    Les spécialistes, pédiatres, psychologues, éducateurs, infirmières, qui suivent les enfants depuis leur plus jeune âge s'accordent à dire que l'on peut repérer très tôt les comportements qui échappent à la règle commune. Si l'on doit ficher quelqu'un, c'est bien ces enfants-là, non pour les enfermer demain, mais pour les soigner et les suivre, dès à présent, en relation avec leurs familles et le milieu scolaire. Il faut créer dans chaque département, auprès des PMI, les structures nécessaires avec les personnels qualifiés, en se donnant pour objectif de ne laisser aucun enfant sur le bord de la route. Nous avons déposé deux amendements en ce sens.
    On a souvent entendu parler, ces dernières années, du problème des enfants qui traînent dans les rues tard le soir. D'une façon générale, on les a présentés comme des délinquants potentiels, voire des délinquants tout court.
    M. Jean Leonetti. Pas du tout !
    M. André Gerin. Nous proposons de renverser le problème pour le remettre, selon nous, sur ses pieds : il faut considérer qu'un enfant de moins de douze ans qui est dehors après dix heures du soir est un enfant en danger.
    M. Jean Leonetti. Exactement !
    M. André Gerin. Un danger que nous qualifions de « danger d'errance ». Nous avons déposé un amendement qui fait obligation de ramener ces enfants chez leurs parents et de rappeler à ces derniers ce qu'exige la loi en matière de responsabilité familiale.
    M. Jean Leonetti. Vous n'étiez pas d'accord quand nous l'avons proposé !
    M. André Gerin. Vous n'êtes pas à jour, monsieur Leonetti, parce que, sur ce sujet-là,...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous avez changé d'avis !
    M. André Gerin. Au contraire, je n'ai jamais varié !
    Mais ce que nous proposons n'a rien à voir avec le couvre-feu, comme si on était en guerre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ce sont deux choses différentes.
    M. Jean Leonetti. Qui a parlé de couvre-feu ?
    M. André Gerin. Beaucoup de maires !
    Ceux qui sont en guerre contre leurs enfants et qui pensent qu'il faut instaurer le couvre-feu, je les plains ! Cela ne doit pas être bien joli !
    Mais, je veux le dire sans complexe : il ne faut plus sombrer dans l'angélisme. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Quel aveu !
    M. André Gerin. La prévention, l'action sanitaire et sociale ne peuvent pas tout. Dès lors se pose une grave question : faut-il mettre en prison les mineurs qui commettent des actes gravement répréhensibles ? Nous pensons que la prison n'est pas la bonne réponse pour les mineurs et les jeunes majeurs. Je pense même qu'il faut définitivement exclure la prison en ce qui les concerne, sauf exception, et que la société doit s'obliger à des investissements colossaux sans précédent, humains, éducatifs, sanitaires, en matière d'insertion, en matière d'emploi, afin d'assurer l'avenir de ces jeunes. Les policiers ne cessent de le répéter : un jeune qui retourne dans sa cité en sortant de prison est reçu comme un héros. Les premières mesures à prendre vis-à-vis des mineurs qui perturbent gravement la vie de leur quartier, c'est, d'une part, de les éloigner - à ce sujet, je n'ai jamais eu de problème -,...
    M. Guy Geoffroy. Ah !
    M. André Gerin Mais bien sûr ! On a l'impression que vous ne faites que des découvertes !
    M. Alain Joyandet. Les communistes vont voter la loi !
    M. André Gerin. ... et, d'autre part, de les remettre dans le circuit d'insertion éducatif, qu'ils ont en général quitté, au moins partiellement. Pourquoi pas des centres fermés destinés aux jeunes récidivistes ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Alors, pourquoi n'avez-vous pas voté la loi Perben ?
    M. André Gerin. Décidément, vous êtes toujours en retard de plusieurs wagons ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Leonetti. Et les communistes, eux, sont toujours en avance !
    M. André Gerin. En tant que maire et député, cela fait plusieurs années que je le propose.
    M. Antoine Carré. Pourquoi ne pas l'avoir fait quand vous étiez aux affaires ?
    M. André Gerin. Cette proposition concrète, je la voterai. Je n'ai pas d'états d'âme.
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    M. André Gerin. Je ne confonds pas l'opposition motivée à un état d'esprit, voire une démarche philosophique, et le tout ou rien. Cela n'a jamais été ma démarche et j'ai toujours su être pragmatique.
    L'éducation nationale dispose d'internats - peut-être faudrait-il en augmenter le nombre - qui pourraient accueillir ces mineurs. Il serait souhaitable que l'éducation nationale entreprenne une réflexion parallèle à celle qu'elle devrait mener sur l'enseignement des valeurs humanistes, pour élaborer des méthodes pédagogiques destinées à des enfants qui ont des difficultés d'adaptation. Notre système éducatif repose sur le principe louable de l'égalité, qui veut que chacun doive fournir les mêmes efforts.
    Les brassages culturels que connaît notre pays devraient nous amener à une certaine modulation dans l'application de ce principe de façon à mieux répondre à la diversité des traditions et des cultures. Nous avons déposé des amendements sur ces différents points. Nous refusons en tout cas le manichéisme de la politique gouvernementale. J'ai la conviction intime que nous avons une société qui a peur de la jeunesse et un système politique qui joue les Père fouettard. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) La délinquance des mineurs est la question qui taraude la société.
    A la politique du baston et de la prison, nous répondons : nos enfants et les générations futures ont besoin d'adultes exemplaires. Osons nous démarquer de responsables politiques qui se sont fait réélire aux dernières municipales et qui sont de mauvais exemples pour notre jeunesse. Osons une éthique politique et morale au plus haut niveau pour assainir les affaires qui éclaboussent la vie économique, financière et politique. Nos enfants ont besoin d'imiter les valeurs, le courage et l'engagement de gens qui donnent de bons exemples. Nous répondons que, dans les cités et les quartiers, il faut de nouveaux hussards de la République, il faut refuser la lâcheté, combattre le mépris, ne pas se laisser marcher sur les pieds et résister.
    Les missions de service public que nous proposons doivent agir de manière continue, notamment entre 18 heures et 2 heures du matin, pour une prise en main collective de la vie et de l'avenir de nos gamins. Oui, la sanction fait partie de l'éducation et de l'apprentissage de la responsabilité.
    M. Alain Joyandet. Très bien !
    M. André Gerin. Et tout n'est pas de la faute de la société. La gauche a parfois cédé à la facilité de la victimisation : elle en a payé la facture. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais en développant le discours selon lequel c'est la faute à l'individu et à la fatalité, la droite se montre sous son vrai visage : elle ne cherche qu'à se dédouaner et à faire illusion.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    M. André Gerin. En parlant de voyous à propos des rassemblements au bas des immeubles, vous avez utilisé, monsieur le ministre, une formule qui tend à globaliser et à mettre tout le monde dans le même sac. Que vous le vouliez ou non, vous faites tort à des milliers de jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Le ministre n'a jamais dit cela !
    M. André Gerin. Voilà comment j'ai ressenti les choses !
    M. Jean Leonetti. Vous n'êtes pas un jeune des banlieues !
    M. André Gerin. A l'occasion, je vous parlerai de mon parcours personnel !
    M. le président. Pour l'heure, il faut terminer votre intervention, monsieur Gerin.
    M. André Gerin. Je crains qu'avec ces discours, qui tendent à globaliser, on ne fasse monter les tensions. Or il ne faut pas davantage accabler cette jeunesse populaire à la recherche de reconnaissance, qui se trouve confrontée à un marché du travail aujourd'hui impitoyable, sans formation suffisante. Un tiers des jeunes qui sortent du système scolaire cumulent problèmes de famille, de logement, de santé, de ressources, et trouvent difficilement leur place dans la société. Moi, je suis le premier à considérer qu'il faut appliquer le principe « qui casse paie ».
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça c'est la loi anticasseurs !
    M. André Gerin. Mais ces jeunes regrettent de ne pas être pris au sérieux par la société, par les dirigeants de ce pays. Parler de voyous ou de sauvageons, comme cela avait été fait, contribue selon nous à discréditer les responsables politiques. Il ne faut pas globaliser.
    M. Guy Geoffroy. C'est la globalisation !
    M. André Gerin. Partant de là, en effet, comment va-t-on qualifier des hommes politiques condamnés par la justice ? Il faut précisément éviter ces formules chocs qui font mal, qui blessent, qui cultivent la haine, sinon notre jeunesse va avoir le sentiment qu'il y a deux poids et deux mesures.
    Or les jeunes de France ont la volonté de s'intégrer. Leur parole est pleine d'espoir. C'est la chance de la France. Il faudrait aujourd'hui engager un plan ORSEC pour offrir à chaque jeune une chance, un emploi. Pour cela, il serait courageux de maintenir et de développer les emplois-jeunes.
    Les députés communistes et républicains ont déposé des amendements constructifs et veulent apporter des réponses humaines. Nous l'avons dit : nous ne sommes pas les adeptes du tout ou rien. Il faut parvenir à une réelle efficacité et non pas évacuer les problèmes ou poursuivre une stérile partie de ping-pong entre les tenants du laxisme et les tenants du répressif sans âme. Notre ambition, c'est d'initier une grande politique de tranquillité publique, menée avec l'ensemble des partenaires et des citoyens. Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire où la politique du baston ait réussi à enrayer la violence. Nous sommes partis de quelques constats simples : le présent projet de loi est exclusivement d'inspiration policière. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Une grande politique nationale de tranquillité et de sécurité impose une réorganisation de fond de la police et de la gendarmerie, avec une police de proximité dissuasive et une politique d'investigation et judiciaire répressive. Il faut former les agents et leur donner des moyens matériels de mener leur mission. Il faut créer, partout où on peut le faire, un observatoire de la tranquillité. Vous avez parlé, monsieur le ministre, d'un observatoire de la délinquance, c'est une proposition que j'ai faite il y a un an pour la communauté urbaine de Lyon...
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Nous sommes donc d'accord !
    M. André Gerin. D'acord sur des réponses concrètes ! Mais, sur la philosophie, il y a à dire, car celle qui sous-tend votre texte est dangereuse !
    M. Jean Leonetti. Il n'y a que du concret dans ce texte !
    M. André Gerin. Concernant les mineurs, nous proposerons plusieurs amendements visant à les protéger. Nous verrons si vous les acceptez.
    A la sécheresse sociale d'une réponse pénale au problème de l'occupation des halls d'immeubles par des jeunes désoeuvrés et parfois agressifs, nous opposons une démarche de dialogue ferme et responsable en proposant la création d'une mission nationale d'étude qui associe les organisations de jeunes, de locataires et des représentants des offices HLM. Cette mission serait chargée de remettre au Gouvernement d'ici à l'été un plan d'action cohérent. Il s'agit non pas de faire du cocooning ou de l'accompagnement social mais de résoudre le problème avec les jeunes eux-mêmes et les autres acteurs tels que les offices HLM. Il s'agit non pas de nier la réalité mais d'engager sans faiblesse et sans matraque un travail de reconnaissance et de revalorisation en direction de la jeunesse.
    Enfin, concernant les gens du voyage (« Ah » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), nous devons tout mettre en oeuvre pour appliquer la loi Besson. Il faut que les préfets prennent des mesures d'urgence exceptionnelles pour faire cesser une situation qui n'a que trop duré et qui est indigne de notre pays. Cela fait des décennies qu'on se repasse la patate chaude. Il convient de créer d'autorité des aires prioritaires, avec des aménagements même sommaires, pour les gens du voyage pour apporter enfin une réponse. Il faut appliquer le droit commun si nous ne voulons pas faire de ces gens de nouveaux SDF.
    Chers collègues, les députés communistes et républicains proposent huit grandes orientations pour une grande politique nationale de tranquillité.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi huit ? Le chiffre est étonnant !
    M. André Gerin. Premièrement, permettre et exiger des administrations, des services publics, de l'ensemble des acteurs sociaux, qu'ils appliquent le principe de fermeté, ce qui requiert de mettre en place parallèlement des moyens de répression et de médiation proches des habitants. Il est indispensable de mettre en oeuvre des moyens proches et accessibles à tout moment, sept jours sur sept, de manière continue, en particulier les vendredis, les samedis et les dimanches.
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Avec les 35 heures, ça va être difficile !
    M. André Gerin. Deuxièmement, nous souhaitons que le service public soit au service du public et de la sécurité publique. Et tant mieux si, au passage, des corporatismes se trouvent écorchés.
    M. Jean-Marie Geveaux. Lesquels ?
    M. André Gerin. A commencer par ceux des structures de l'Etat. Nous proposons l'application du principe d'équité.
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Voilà qui est très libéral !
    M. André Gerin. C'est du libéralisme progressiste ! (Sourires.)
    La police doit recevoir des instructions claires pour poursuivre tout acte délictueux ou criminel, quel qu'en soit l'auteur, jeune ou adulte, riche ou pauvre. L'idée de « tolérance zéro » ne nous effraie pas, à condition qu'elle s'accompagne, en pratique, d'un comportement de « zéro mépris » s'appliquant à chacun. Replaçons la police dans le cadre légal de la loi.
    Troisièmement, nous proposons qu'il soit beaucoup plus souvent fait un rappel à la loi, de façon équitable. C'est indispensable si l'on veut que la loi ne soit pas vécue comme une injustice. Il faut briser la spirale où chacun se pose en victime de l'autre : l'adulte victime du jeune qui substitue une culture de bande et de rue aux règles sociales ; le jeune victime de l'adulte qui cède à des comportements irrespectueux, racistes, méprisants, voire d'autodéfense. La police, si elle n'a pas vocation à intervenir en permanence dans la vie de chacun, peut jouer un rôle de régulation sociale et de pacification, par un rappel permanent à la loi.
    Quatrièmement, nous proposons que la police privilégie en toutes circonstances la gestion pacifique des conflits par une écoute permanente et active du terrain. C'est pourquoi il faut développer et réactiver une police de quartier. La police doit être clairement engagée dans un processus de règlement de fond des violences urbaines. Développer la police de proximité, la responsabilisation dans les quartiers, doit s'appuyer sur des instructions de principes clairs et fermes, et doit s'exercer dans un cadre valorisant pour les policiers et audible pour l'ensemble des habitants.
    Cinquièment, nous proposons une clarification déontologique de la police. Celle-ci est souvent suspecte, dans les quartiers difficiles, de partialité, de brutalité, d'irrespect, alors qu'elle-même vit une situation d'encerclement, de suspicion et de rejet. Venir à bout de cet état de « légitime défiance » réciproque est une obligation républicaine pour parvenir à l'efficacité.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce propos n'est pas politiquement correct !
    M. André Gerin. La communication quotidienne qu'autorise la proximité devrait graduellement faire diminuer le poison de la défiance. Dans ce cadre, il faut faire, monsieur le ministre, des efforts en faveur de la formation et de l'encadrement. Nous avons besoin de policiers expérimentés, formés et rémunérés, en fonction de la difficulté du traitement des violences urbaines. Il faut encourager et récompenser mais aussi sanctionner, au besoin. Il faut gagner en transparence sur le travail accompli et les résultats obtenus. Il est impossible, selon nous, de redonner ses lettres de noblesse à la police vis-à-vis des habitants des quartiers difficiles en la cantonnant dans un rôle de « grande muette ».
    Sixièmement, nous proposons que les méthodes et la logistique de la police soient réaménagées, afin notamment de mieux articuler la police de proximité et la police d'investigation, dotée des moyens de la police scientifique, qui a la charge de démanteler les bandes, mafias et trafics organisés.
    Septièmement, nous proposons que la police, comme cela se fait dans certains secteurs, travaille davantage en étroite collaboration avec l'ensemble des partenaires qui composent le tissu social de proximité. Parallèlement, il faut aider les habitants à se prendre en main. Nous souhaitons donc favoriser dans les agglomérations la création d'offices publics de la tranquillité.
    J'ai ainsi mis en place dans ma ville un office public de la tranquillité fonctionnant vingt-quatre heures sur ving-quatre, sept jours sur sept et tous les jours de l'année, et qui a pour mission d'aider les victimes et de faire le lien en permanence entre les services publics - la police, les pompiers, les offices HLM, les transporteurs, etc.
    Huitièmement, enfin, nous proposons que l'Etat prenne l'initiative d'engager avec les citoyens de notre pays, qui se targue, à juste titre, d'être une grande démocratie, un vrai débat critique, public et national sur cette question. Appréhender les raisons de fond des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, reconnaître, sanctionner les violences urbaines, oblige à s'attaquer aussi aux conditions qui les favorisent. Monsieur le ministre, vous affirmez la nécessité de les traiter. Nous n'avons pas le sentiment que vous le faites. La vie tranchera la question. Nous avons en tout cas l'impression que le Gouvernement est soumis à la tentation de la répression sans âme.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Qu'est-ce que l'âme de la répression ?
    M. Jean Leonetti. Mais vous avez dit, monsieur Gerin, que la répression était éducative !
    M. André Gerin. L'autorité publique est incapable de jouer un rôle de façon transparente. Cela étant et comme je l'ai déjà dit, l'angélisme du tout-éducatif est une idée dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En tout cas, en dépit de ces carences, la gauche, et les communistes en particulier, a compris depuis pas mal d'années ce que vous n'avez toujours pas bien saisi : à savoir qu'il faut combiner prévention, dissuasion et répression. Ce n'est pas ce que propose le Gouvernement.
    Pour conclure, il est clair que la question de la sécurité est devenue un enjeu de société majeur.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ah ! Enfin !
    M. André Gerin. Il reste qu'il faut dire les choses en face : la sécurité a un prix que votre gouvernement refuse de payer. Les décisions que nous avons à prendre sont celles d'investisseurs, non dans la bourse mais dans la tranquillité publique. Il faut investir pour prévenir, investir pour dissuader, investir pour réprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous semblez ne pas avoir compris le sens de mon propos et cela me fait de la peine. Il faudra que nous le reprenions.
    Mme Françoise de Panafieu. Oh non !
    M. Guy Geoffroy. On a compris !
    M. André Gerin. Il faut afficher sans complexe une certaine fermeté. On ne peut tolérer en effet que les pompiers, les policiers, les chauffeurs de bus, les enseignants soient agressés.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. André Gerin. La paix doit revenir dans les quartiers. En même temps, les institutions de la République en charge de ces questions doivent montrer qu'elles sont respectables en multipliant les interventions de proximité, de médiation.
    Je vous propose, en votant cette question préalable, de refuser la politique manichéenne du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) En votant cette question préalable, vous déclarerez le chômage ennemi public numéro un, vous déclarerez la guerre à tous les trafiquants, vous développerez une conception de la police innovante, vous vous déclarerez en faveur d'une police de quartier présente dans la vie sociale. Exigeons que la République assure à chacun le droit de vivre, de travailler, de s'insérer, de s'éduquer, de se soigner.
    Les députés communistes et républicains, en proposant une politique nationale de tranquillité publique, se démarquent de votre politique de répression sans âme tout en refusant l'angélisme et le laxisme.
    Nous sommes pour une politique de coresponsabilité qui combatte toute les inégalités, les ségrégations, les exclusions. Nous refusons les parfums du populisme, de la xénophobie, de l'extrême droite qui tenteraient une partie de l'UMP, parce que notre objectif est de redonner des raisons d'espérer, de reconstruire l'espoir avec une gauche authentique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission générale des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Si je ne connaissais pas très bien André Gerin, je serais désolé pour lui. Mais, comme je le connais bien, il m'autorisera à lui dire - s'il me permet ce conseil - qu'il aurait mieux fait d'expliquer à l'Assemblée ce qu'il met concrètement en oeuvre à Vénissieux. Je suis en effet convaincu que les actions qu'il mène et dont certaines constituent des innovations - ainsi l'office public de la tranquillité me paraît de la meilleure eau - auraient non seulement participé à l'information de la totalité de l'hémicycle, mais probablement aussi donné des idées dans le débat.
    M. Jean Leonetti. Très juste !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous avez, mon cher collègue - j'allais faire un lapsus et dire mon « pauvre » collègue, car c'est au fond ce que je pense -, été obligé de lire un discours écrit par des gens dont les propos m'ont fait de la peine.
    M. André Gerin. C'est vous qui me faites de la peine, monsieur Clément !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, c'est la vérité ! Vous savez l'estime que je vous porte, et c'est pourquoi j'aimerais que celui qui écrit les discours de votre groupe entende. En effet, plutôt que de revenir sur la logique de cette intervention, un peu en tire-bouchon, et dans laquelle j'ai eu du mal à me retrouver, même les plus attentifs ayant du mal à suivre, je vais reprendre certaines des expressions employées.
    M. Jean-Pierre Blazy. On n'est pas là pour faire des commentaires sémantiques !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Des moyens proches et accessibles à tout moment. » Bon, nous sommes d'accord.
    « Il ne faut pas prendre les effets pour les causes. »
    « Il faut aussi réfléchir à la société qu'on veut dans dix ou vingt ans. »
    « On tire à boulets rouges sur la jeunesse. »
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Refuser tout discours de victimisation. »
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Vous faites tort à des milliers de jeunes positifs. »
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Les discours qui globalisent. »
    « Intégrisme sécuritaire. »
    M. André Gerin. Exactement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Privatisation des services de sécurité. »
    M. André Gerin. Exactement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Retour à un ordre moral. »
    M. André Gerin. Absolument ! Je confirme !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Politique de la prison et du baston. »
    « Situation ubuesque et ridicule. »
    M. André Gerin. Absolument !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Les policiers ne sont pas écoutés, il faut donc adopter le parler vrai. »
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Inquiétude des Français à l'égard de leur sécurité. »
    M. Jean-Christophe Lagarde. On ne va pas recommencer !
    M. Rudy Salles. D'autant que cela a déjà duré une heure et demie !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Américanisation de la société. »
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Développement de l'économie souterraine. »
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. « Misère de la prospérité. »
    M. André Gerin. Exactement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah oui c'est beau : « Misère de la prospérité ! »
    « Partie de ping-pong médiatique. »
    « Violence sanitaire. »
    « On a stigmatisé les familles. »
    M. André Gerin. Exactement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. On se demande si c'est le sapeur Camembert qui le dispute à l'Almanach Vermot, quand tant de lieux communs sont mis bout à bout, alors que nous parlons de choses concrètes ! Cela montre que vos seules réponses sont des concepts idéologiques !
    M. Daniel Paul. C'est nul !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n'a pas vraiment écouté !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Or ces concepts idéologiques n'ont rien à voir avec le débat. D'ailleurs l'un de nos collègues a souligné qu'il s'agissait non de faire de l'idéologie ou de la philosophie, mais d'apporter des réponses concrètes à des problèmes concrets.
    M. Gilbert Biessy. Ah !
    M. André Gerin. Vous n'aimez pas le peuple !
    M. Pascal Clément, président de la commission. A cet égard, je vais vous rapporter deux faits divers.
    M. André Gerin. La misère n'est pas un concept !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Monsieur Gerin, je vous ai laissé parler sans vous interrompre et pourtant dieu sait si j'en avais envie !
    M. Daniel Paul. Vous n'avez pas écouté !
    M. André Gerin. Vous avez sans doute eu du mal à comprendre !
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Puis-je m'exprimer ?
    M. le président. Laissez le président de la commission des lois poursuivre.
    M. André Gerin. Je trouve indécente sa façon de répondre.
    M. le président. Pas d'interpellation !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je vous ai rendu hommage comme maire de Vénissieux.
    M. André Gerin. Pour cela je vous remercie, mais pour le reste...
    M. le président. Laissez le président de la commission des lois vous répondre.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il n'est pas mauvais, de temps en temps, d'entendre ce qu'on vous a fait dire ! En l'occurrence cela n'était pas convenable. Honnêtement, cela ne vaut pas de débat. Aujourd'hui, il faut traiter de problèmes concrets comme celui qu'a évoqué une personne de soixante-deux ans venue me voir dans une permanence.
    M. André Gerin. C'est la droite qui n'est pas convenable ! La misère est-elle un concept ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Gerin, vous avez parlé. Laissez le président de la commission des lois s'exprimer s'il vous plaît ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. La misère n'est pas un concept. C'est une réalité !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ah là là !
    M. Gilbert Meyer. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme.
    M. André Gerin. Comme maire de Vénissieux, j'assume la totalité des propos que j'ai tenus.
    M. Pascal Clément, président de la commission. J'aurais préféré que vous nous racontiez ce que vous faites à Vénissieux. Cela aurait été plus intéressant !
    M. André Gerin. Je vous demande de respecter mes propos. La misère n'est pas un concept !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Monsieur Gerin, arrêtez votre colère, cela ne sert à rien.
    M. le président. Monsieur Clément, monsieur Gerin, s'il vous plaît !
    M. André Gerin. Il prétend que je n'ai pas traité des vraies questions, c'est insupportable !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce sont vos propos, monsieur Gerin, qui sont insupportables !
    M. le président. Je ne laisserai pas ce débat dériver vers une polémique !
    M. André Gerin. J'ai entendu que le misère serait un concept. C'est inadmissible !
    M. le président. Vous vous êtes déjà exprimé, monsieur Gerin, ne me forcez pas à utiliser le règlement intérieur !
    M. André Gerin. Utilisez-le !
    M. le président. Le président de la commission des lois a la parole pour vous répondre. Je vous demande à l'un et à l'autre de vous écouter.
    M. André Gerin. Je demande du respect !
    M. Gilbert Meyer. Nous vous avons écouté.
    M. le président. Poursuivez, monsieur Clément.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il est évident que nous sommes aujourd'hui confrontés à des problèmes concrets et non placés devant des abstractions. C'est pourquoi avancer des concepts les uns après les autres ne sert à rien. Ainsi, les Français, qui considèrent que les politiques n'ont pas été capables de résoudre les problèmes concrets qu'ils rencontrent, ont fait litière de tous ces discours abstraits. C'est la première fois, depuis vingt ans, qu'un gouvernement répond concrètement aux Français en donnant de nouveaux moyens à la police.
    A cet égard, je vais donner deux exemples que j'ai vécus, sans doute semblables à des cas que vous avez tous connus.
    Je me souviens ainsi d'un homme de soixante-deux ans auquel on avait volé son cabas à son arrivée dans sa cité. Pour avoir couru après les jeunes voleurs et les avoir insultés, il a eu quinze jours d'ITT.
    A des membres d'une autre famille qui soupçonnaient des gens du voyage installés à une quinzaine de kilomètres, les policiers ont répondu qu'ils n'étaient pas en mesure d'avoir des preuves car ils ne peuvent fouiller ni les coffres des voitures ni les caravanes.
    Tous les députés ont eu connaissance de tels cas dans leurs permanences. Il s'agit non plus d'idéologie mais de problèmes concrets. Le Gouvernement essaie donc de les résoudre. Loin des questions philosophiques qui peuvent nous éloigner les uns des autres, un arsenal juridique adéquat sera enfin mis à la disposition des policiers dans certaines limites.
    A cet égard, je rends grâce au ministre de l'intérieur de n'être tombé dans aucun excès, en évitant à la fois le tout-prévention - mot tellement passe-partout que plus personne n'est capable de définir ce qu'il recouvre - et le tout-répression. Cela répond aux désirs des Français, qui veulent une politique complète et cohérente, permettant tant la répression et la sanction - cela est indispensable - que l'insertion et la deuxième chance.
    Nous avons la certitude que les moyens donnés à la police sont adaptés. Je pense ainsi à la fouille des voitures, dont je rappelle aussi qu'elle n'est possible qu'à la demande d'un juge, sauf en cas de flagrance. Je rappelle aussi que la première décision en la matière avait été prise par le gouvernement précédent. Il devrait donc vous être difficile de critiquer la généralisation de cette mesure que vous avez initiée.
    L'accroissement du quantum des peines viendra conforter l'action de la police. A ce propos, il faut dissiper les inquiétudes de ceux qui seraient animés des plus beaux sentiments et qui craindraient des excès à l'encontre des jeunes dans les cités. En effet - le ministre de l'intérieur l'a déjà rappelé -, l'existence d'une peine de prison ferme pour les attroupements permettra au juge de la transformer en travail d'intérêt général. Cela n'est pas le cas actuellement, ce qui débouche souvent sur l'impunité. Voilà ce que l'accroissement du quantum des peines veut éviter.
    Ce texte est complet et équilibré. Il permettra de mieux assurer le suivi de l'efficacité des services de police.
    Il a également été posé le problème des fichiers de police, à propos duquel Bernard Roman a évoqué l'hypothèse selon laquelle le criminel de la Somme aurait été répertorié dans un fichier génétique. Or il est apparu, après vérification, qu'il ne l'était pas. La question est donc maintenant tranchée. Il ne s'agit donc pas de chercher, avec cette affaire, une excuse qui pourrait laisser croire que ce fichier n'est pas indispensable. A ce propos, il est ridicule de vouloir donner des leçons de démocratie à la Grande-Bretagne. Dans ce pays existe un fichier qui comporte 1 800 000 empreintes génétiques. La France pourrait s'en inspirer, ce qui donnerait à la police de nouveaux moyens de retrouver les criminels.
    Les incriminations nouvelles, assorties de moyens et de sanctions, permettront, j'en suis convaincu, d'assurer la tranquillité publique aux Français.
    En matière de prostitution, monsieur le ministre, j'étais d'abord sceptique quant au fait de sanctionner le racolage. Cependant, après vous avoir écouté, j'ai compris que, pour maîtriser l'augmentation exponentielle de la prostitution, il fallait s'attaquer aux revenus potentiels attendus de cette activité par des proxénètes dont la plupart appartiennent à la mafia, alors qu'on les a laissés prospérer depuis de nombreuses années. En effet il ne s'agit plus seulement d'un problème d'environnement ; cela touche à la grande délinquance qu'a évoquée M. Gerin. Ainsi, l'action dans ce domaine sera l'un des moyens de s'attaquer à la grande déliquance.
    Je tenais à montrer ce lien puisque M. Gerin ne l'a pas fait dans son intervention.
    M. Patrick Braouezec. C'est votre politique, mais c'est vous qui ne faites pas le lien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je veux également souligner que de nombreux comportements contribuent au fait que les personnes âgées et même, de façon symétrique, les jeunes se sentent en permanence menacés par la société : les personnes âgées, parce qu'elles ne sont plus défendues, estiment que l'Etat n'assure plus leur sécurité ; les jeunes, parce qu'ils considèrent que, leurs actes n'ayant pas de conséquences pour eux, ils peuvent poursuivre sans risque leurs activités répréhensibles.
    Je tiens à dire qu'il n'y a absolument pas une stigmatisation ni des personnes âgées ni des jeunes : les uns qui seraient victimes, les autres qui seraient causes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Daniel Paul. C'est clair !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il y a une réalité concrète que vivent au quotidien beaucoup de Français dans de nombreux quartiers.
    En matière de police municipale, vous allez donner, monsieur le ministre, les moyens aux agents de consulter le fichier national des permis de construire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne s'écoute pas plus qu'il n'a écouté M. Gerin !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je voulais évidemment parler du fichier national des permis de conduire !
    M. Jean-Pierre Blazy. Cessez de dire des âneries !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce nouveau moyen mis à la disposition de la police nationale facilitera son travail sans compromettre pour autant les libertés individuelles.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Arrêtez !
    M. Pascal Clément, président de la commission. S'agissant de la sécurité, vous avez souligné, monsieur le ministre, qu'il y avait aujourd'hui en France autant de gardiens ou de surveillants privés que de policiers. Il était donc nécessaire d'assainir la situation et de faire en sorte que ces professions soient désormais organisées.
    M. Jean-Yves Bouillonnec. Arrêtez ! Même vos collègues en ont assez, mais ils n'osent pas vous le dire !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ce projet de loi ne comporte donc aucun excès. La preuve en est donnée par l'absence d'incrimination en cas de squat. Aucune sanction pénale n'est prévue à cet égard parce que nous avons pris en considération la détresse humaine que cela traduit.
    Ce texte est équilibré. En effet, il ne faut pas oublier, mes chers collègues, qu'une société qui ne sait pas sanctionner, comme cela est le cas depuis tant d'années, risque de tirer les conséquences des désordres constatés qui lui font peu à peu perdre ses repères, en devenant dure pour les plus modestes. Inversement une société qui sait maintenir ses capacités d'accueil et de solidarité ne vit plus dans un contexte de méfiance et de peur.
    Avec ce projet nous voulons rétablir cette sécurité, cette douceur de la sérénité sociale qui n'existe plus en France mais que nous trouverons grâce à lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il serait discourtois que je ne réponde pas brièvement à M. André Gerin. S'il le permet, cependant, je ne discuterai pas de son raisonnement, préférant, à cette heure de la nuit, que nous réfléchissions ensemble à une seule question : pourquoi, depuis tant d'années, aucune formation politique, de droite ou de gauche, n'a-t-elle réussi à capter la confiance des couches les plus populaires de la société, au nord et au sud, à l'est et à l'ouest ? Cette question, monsieur Gerin, je ne la pose pas de façon polémique. Je sais d'ailleurs qu'elle est posée avec beaucoup de sincérité au sein du parti communiste français...
    M. André Gerin. Je suis d'accord.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pendant des années, en effet, et pour le bien de la République, d'ailleurs, il a su rassembler une partie de ces couches populaires qui, si elles ne s'étaient exprimées au travers du parti communiste français, ne se seraient pas exprimées du tout. Mais cette question a aussi été posée au sein de la droite républicaine et modérée. A un certain moment de notre histoire politique, nous avions, en effet, gagné la confiance des couches les plus populaires, puis nous l'avons perdue.
    Cette question se pose également désormais aux socialistes qui, confrontés aux 15 % du candidat Jospin...
    M. Jean-Pierre Blazy. 16 % !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ne jouons pas aux comptables !
    ... se demandent pourquoi ces couches populaires les ont quittés. Pourquoi, alors que votre discours était dirigé vers elles, ne vous ont-elles pas entendus ?
    Pourquoi, depuis vingt ans, les seuls qu'elles ont entendus sont-ils justement ceux dont elles n'auraient pas dû entendre la voix, c'est-à-dire le Front national ?
    Traiter de cette question vaut donc tout de même mieux que de faire des procès d'intention. Nous ne sommes pas des ennemis entre nous, car nous sommes tous républicains. D'ailleurs j'ai débattu hier avec l'un des grands élus socialistes, le maire de Paris, et j'ai personnellement apprécié cette discussion. Cependant quand le journaliste lui a demandé quels enseignements il tirait de l'élection présidentielle du 2 avril, il a répondu avec sincérité qu'il faudrait prendre en compte le vote blanc et mettre un terme au cumul des mandats. J'en ai été effaré car c'était comme si nous continuions à nous parler à nous-mêmes. Combien cela a-t-il intéressé d'électeurs de savoir quel nombre de mandats ils nous confiaient ou comment était pris en compte le vote blanc ?
    Qu'est-ce qui intéresse les gens de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, où l'abstention est très préoccupante ? Qu'est-ce qui intéresse ceux qui ne votent pas à Sangatte ou dans les banlieues ? On devrait y compter le plus grand nombre de votants puisque c'est pour eux qu'on essaye de construire une politique. Or c'est là où il y a le plus d'abstention et, quand ils votent, c'est pour le Front national ! Eh bien, je vais vous dire ce qui ne va pas. Quand nous débattons à l'Assemblée nationale - nous tous, moi compris ! - nous parlons de questions qu'ils ne comprennent pas. Nous développons des raisonnements, nous faisons se succéder les phrases, nous additionnons les mots les uns aux autres. Nous avons nous-mêmes parfois du mal à nous passionner pour certains sujets, mais, pour ceux qui ne sont pas élus et qui ne siègent pas sur les bancs de cet hémicycle, cela devient intolérable. Voilà la réalité des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Gerin, je ne vous fais pas de procès. Je dis simplement que, si nous restons chacun de notre côté sur nos postures habituelles, vous en faveur de la prévention, et nous de la répression, nous n'allons pas nous en sortir. Le projet de loi présente bien des imperfections et bien des inconvénients que nous allons essayer de corriger, mais il a l'avantage de parler non pas de concepts, mais de réalités.
    M. Guy Geoffroy. Très bien.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quand je parle de la prostitution, les gens qui vivent dans les quartiers où elle sévit savent de quoi je parle. Quand je parle des gens du voyage, il n'est pas un Français qui ne sache de quoi il retourne. Il faut prendre les sondages pour ce qu'ils sont mais il y a au moins une information fournie par eux qui m'intéresse : quand on interroge les Français sur le projet de loi que je vous propose aujourd'hui, tous savent de quoi il s'agit. Cela ne veut pas dire qu'ils l'approuvent. Mais nous parlons le langage de la réalité : la mendicité agressive, les occupations de halls d'immeubles, la prostitution qui rend la vie impossible aux prostituées et à ceux qui la subissent, les occupations illégales de terrain, le fichier pour prévenir le risque de récidive des délinquants sexuels. C'est ce qu'on essaye de faire et c'est pour cela qu'on sera compris. Chaque fois que vous proposerez une amélioration de nos mesures, le Gouvernement sera attentif car c'est ainsi que nous réconcilierons avec la République des citoyens qui ne croient plus en l'utilité du politique et n'espèrent plus en sa parole.
    Monsieur Gerin, je ne mets pas en cause votre raisonnement, ni même votre sincérité. Mais, ce discours, les Français l'ont entendu cent fois et ils n'y croient plus.
    M. Guy Geoffroy. Oui.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. D'ailleurs, s'ils avaient dû y croire, le parti communiste français n'aurait pas été dans la situation qu'il a connue pendant des années.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout à fait.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous mêmes, si nous nous étions laissés aller à dire ce que nous disions il y a dix ans, nous n'aurions pas retrouvé les responsabilités du Gouvernement.
    M. Lionnel Luca. C'est sûr.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le présent débat est un immense appel au changement de nos attitudes. Partons des réalités. Essayons de nous mettre d'accord sur des solutions. Cherchons à être efficaces. Je vous propose une chose : tentons le changement. Je n'ai pas la prétention ni l'arrogance d'affirmer que les mesures que je propose marcheront à tous coups. Mais, au moins, essayons, tentons, évaluons et voyons le résultat.
    C'est de cette manière, mesdames et messieurs les députés, que nous rétablirons la confiance dans la politique et l'espérance dans l'action politique. C'est cela qui compte, pas le discours des communistes contre la droite ni l'opposition des socialistes à l'UMP. Ce qui importe, c'est qu'émane du Parlement une politique pour la sécurité des Français qui corresponde à l'appel au secours qu'ils nous ont adressé aux uns et aux autres.
    Permettez-moi de vous dire d'ailleurs que, si nous arrivons à faire cela, nous en sortirons tous gagnants.
    M. André Schneider. Exactement !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Par contre, si nous n'y parvenons pas, il n'y aura que des perdants : le Gouvernement, tout d'abord, mais aussi l'ensemble des formations politiques et, par-dessus tout, les Français, qui se diront : « Si eux n'ont pas réussi, c'est à désespérer de tout ! » Voilà ce que j'avais envie de vous dire, monsieur Gerin.
    Maintenant, ça suffit ! Abandonnons les confrontations philosophiques, les procès d'intention, les amalgames et mettons-nous au travail. Trouvons les voies et les moyens pour résoudre des problèmes qui concernent tous les électeurs, de quelque bord qu'ils soient, leur empoisonnent la vie et les détournent d'aller voter. Je suis persuadé que si nous donnons l'exemple pendant les trois jours qui viennent - et je suis prêt moi-même à ne pas faire de polémique, bien que chacun connaisse mon tempérament et mon amour du débat - nous aurons fait un grand pas. Essayer de construire me paraît plus intéressant que de nous livrer à une succession de monologues. Je ne doute pas qu'ils soient sincères, et ils sont certainement utiles à usage interne dans chacune de nos formations politiques, mais permettez-moi de vous le dire : si nous nous contentons de cela, ni vous ni moi ne serons au rendez-vous que nous ont fixé les Français. Ils regardent en ce moment même ce qui se fait à l'Assemblée. Il serait trop triste qu'on n'y fasse rien d'autre que s'opposer en campant sur les discours traditionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Gerin. Le Gouvernement est autiste ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) J'ai fait au moins dix propositions, mais comme elles ne vont pas dans le sens de la politique de la droite libérale, ce n'est pour vous que du discours. C'est démagogique. Et après, vous direz que nous ne faisons pas de propositions !
    M. Lionnel Luca. Vous ne trouvez que cela à dire ?
    M. le président. Monsieur Gerin, vous vous êtes exprimé et le président de la commission des lois et le Gouvernement vous ont répondu.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Gerin, le ministre vous a invité à laisser les polémiques de côté,...
    M. André Gerin. Alors respectez ma différence ! Nous avons déposé cinquante amendements très concrets ! Ce n'est pas du blabla !
    M. Jean-Michel Ferrand. Mais qu'avez-vous donc fait pendant cinq ans ?
    M. le président. Je vous en prie ! Je rappelle que les interpellations de député à député sont interdites.
    Nous comprenons votre courroux, monsieur Gerin, mais il n'y a aucune provocation de la part de l'UMP. Je vous demande de garder votre rancoeur pour les conversations que vous pourrez avoir à l'issue de la séance jusqu'à la discussion des cinquante amendements dont vous avez fait la publicité à l'instant.
    Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le président. Monsieur Gerin, je vais brièvement, et sans esprit polémique, reprendre quelques-uns de vos propos. Vous affirmez que, depuis trente ans, toutes les politiques ont échoué.
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Oui, c'est la vérité. A ceci près que les résultats qui viennent d'être publiés semblent démontrer le contraire. Il faut bien sûr les apprécier de manière prudente et modeste, parce que ce n'est qu'un tout petit début...
    M. Jean-Pierre Blazy. Oh oui !
    Mme Martine David. D'autant que l'on ne sait pas comment ils sont calculés !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Madame, je vous en prie ! L' « état 4001 » a été lancé par vous. Nous l'avons conservé.
    Mme Martine David. Je maintiens ce que j'ai dit !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Le budget pour 2002 est celui que vous avez voté, monsieur Gerin.
    M. André Gerin. J'ai voté contre !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Or, à moyens constants, avec les effectifs et les moyens dont nous avons hérité et les lois que vous avez votées et additionnées les unes aux autres, et en dépit desquelles nous avons vu au cours des cinq dernières années la délinquance remonter de près de 13 % en moyenne, il se trouve que, par une simple modification de l'action politique, l'insécurité a baissé en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.).
    M. Jean-Pierre Blazy. Non, elle n'a pas baissé !
    M. Patrick Braouezec. Elle a moins augmenté. Ce n'est pas tout à fait la même chose !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Nous espérons confirmer cette tendance en prévoyant une augmentation des moyens de 20 % dans le budget pour 2003 et en inscrivant de manière normative dans la loi des réponses qui, contrairement à vous, nous paraissent pragmatiques. Nous avons le sentiment que notre cure d'opposition nous a fait du bien : elle nous a permis, pendant cinq ans, d'entendre un certain nombre d'appels que nous lancent nos concitoyens. Nos électeurs nous tirent quotidiennement par la manche en nous demandant : « Monsieur le député, madame la députée, ne voyez-vous pas ceci ? N'entendez-vous pas cela ? Pourquoi n'êtes-vous pas capables d'y apporter telle ou telle réponse ? » Nous avons le sentiment aujourd'hui de ne rien faire d'autre que traduire concrètement ce qui nous a été répété, tous les jours, dans la rue, dans nos quartiers et dans nos circonscriptions. Nous l'inscrivons dans la loi parce que c'est la mission qui nous a été confiée.
    Peut-être avez-vous raison ! Peut-être n'allons-nous pas dans le bon sens. Mais, pendant cinq années, monsieur Gerin, vous avez, malgré tout ce que vous pourrez dire, partagé l'exercice du pouvoir. Ce que vous nous avez indiqué à cette tribune - et que j'ai essayé d'analyser et de comprendre, même si j'ai trouvé pour ma part votre propos un peu confus par instant - vous aviez tout le loisir de le mettre en oeuvre.
    Vous dites que la délinquance est la conséquence du chômage et du capitalisme. Mais bon sang ! Vous avez bénéficié pendant cinq ans d'une croissance économique que nous n'avions pas connue depuis longtemps. Le chômage a diminué. Or plus il diminuait, plus la délinquance augmentait dans notre pays. C'est bel et bien la démonstration qu'il n'est pas responsable de la montée de celle-ci et qu'il faut apporter des réponses concrètes à l'ensemble des maux dont souffrent nos concitoyens et qui sont bien réels.
    En tant que maire, monsieur Gerin, vous êtes confronté comme nous aux drames qui se jouent chaque jour. Or, à aucun moment, vous n'avez évoqué, dans votre intervention, le cas des jeunes filles qui subissent au quotidien des tournantes épouvantables dans les caves de leur immeuble ou celui des jeunes qui, tous les jours, en allant au collège, se font racketter, menacer, proposer de la drogue, voire quelquefois violer dans les toilettes de leur établissement scolaire. A aucun moment vous n'avez parlé des personnes âgées qui se font bousculer dans les cages d'escalier et qui, parfois, en tombant, se cassent le col du fémur ou encore des gens qui, le matin, en se rendant sur leur lieu de travail et, le soir, en rentrant chez eux sont menacés dans les transports en commun et vivent dans un état de profonde détresse en ayant le sentiment d'être totalement privés de liberté.
    Vous n'en avez pas dit un mot. En vous entendant, j'ai eu le sentiment que, pour retrouver pied, vous essayiez de recréer une fracture idéologique entre droite et gauche. Celle-ci - je vous l'assure - n'a plus cours aujourd'hui dans l'esprit de l'ensemble de nos électeurs, qu'ils soient de votre bord ou du nôtre, face aux phénomènes de délinquance auxquels nous assistons. Je vous invite donc à être beaucoup plus prudent parce que, si vous continuez sur cette voie, vous serez totalement incompris.
    En tout cas, de ce que j'ai entendu, je ne peux qu'inviter l'Assemblée à rejeter votre question préalable.
    M. André Gerin. Vous êtes vraiment autistes, vous n'écoutez pas ce qu'on dit ! Ce n'est pas un débat gauche-droite.
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, la responsabilité des politiques est d'abord de poser les bonnes questions...
    M. Lionnel Luca. Et surtout de leur trouver des réponses !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... afin d'y apporter les meilleures solutions.
    Le débat sur le texte que vous nous présentez ne va pas porter sur le constat de telle ou telle situation mais bien sur les solutions que vous proposez face aux constats que nous faisons tous ensemble et aux demandes de la population. Là et uniquement là est le problème. La question préalable a très justement montré que le dispositif législatif que vous nous soumettez est inapproprié, puisqu'il sigmatise des catégories de nos compatriotes et leur font supporter des responsabilités au-delà des réalités.
    M. Lionnel Luca. Qui ? Les proxénètes ? Les bandes de voyous ? Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Son principal but, en définitive, est de tenter de réduire le sentiment d'insécurité, qui est réel. Pour y parvenir, vous confondez des situations et des comportements individuels « sanctionnables » avec des pratiques qui sont beaucoup plus complexes - le squat, les gens du voyage, la mendicité, la prostitution - auxquelles vous conférez, pour toute réponse, une qualification délictuelle.
    Ce qui justifie l'approbation de la question préalable est que les nouvelles mesures du projet sont, pour un certain nombre d'entre elles, totalement surabondantes, au sens juridique du terme. Pour lutter contre les comportements délictueux visés par le projet, il existait déjà tout un arsenal juridique.
    M. Lionnel Luca. Jamais appliqué !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La mendicité agressive relève de l'extorsion de fonds, elle est qualifiée dans le code pénal. La provocation d'un mineur à la mendicité est déjà inscrite dans ce même code.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et alors ?
    M. Lionnel Luca. Tout va bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le proxénétisme est également reconnu, tout comme l'occupation des halls et l'occupation et la dégradation de propriétés.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Où est le problème, alors ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'arsenal juridique existe. Ce qui, par contre, est compliqué, c'est de réunir les preuves de la culpabilité et d'engager des poursuites pénales. Le fait de caractériser ces faits par une incrimination, déterminée dans de nouveaux articles du code pénal, monsieur le ministre, ne changera rien à l'extrême difficulté de découvrir les auteurs de ces délits et de les sanctionner. C'est la critique que nous faisons à votre dispositif. Etablir une disposition particulière pour laisser croire que le problème va être résolu, alors que ce qui est en cause, c'est la mise en oeuvre de l'action publique et la réunion des éléments nécessaires pour la poursuite pénale, voilà qui est contradictoire.
    Dès lors que le code pénal offre déjà tous les outils nécessaires pour combattre les éléments que vous relevez, pourquoi aller au-delà ? Plus que l'insécurité, c'est le sentiment d'insécurité - qui, je le concède, est réel - que vous prenez pour cible.
    M. Lionnel Luca. C'est plus qu'un sentiment, c'est une réalité !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Plus que d'accorder de nouveaux moyens - augmentation des forces de l'ordre, nouvelles procédures d'investigation et d'intervention - vous entendez rassurer l'opinion publique par l'affichage d'un dispositif législatif qui n'apportera concrètement aucune amélioration aux situations que vous prétendez régler. Par contre, et cela est grave, vous désignez des catégories sociales comme suspectes par nature. Cela n'a jamais renforcé la cohésion sociale. Vous vous défendez de vouloir désigner de nouveaux boucs émissaires mais, comme M. Gerin l'a très judicieusement fait remarquer dans le contexte actuel, les réserves et les nuances de votre discours ne seront probablement pas perçues par ceux qui souffrent de la situation qui nous préoccupe. Vous n'empêcherez pas que des amalgames soient faits à l'égard des prostituées, des mendiants, des groupes de jeunes et des gens du voyage. C'est ce qui nous fait dire que les solutions que vous proposez comportent un risque.
    Je ferai un parallèle avec la justice de proximité. Nous n'avons jamais contesté les besoins en la matière, mais, alors qu'il s'agissait d'une façon nouvelle de pratiquer la justice, vous en avez fait une institution. De la même manière, par le dispositif que vous mettez en place, vous allez stigmatiser des populations. Un traitement efficace et durable de la délinquance ne pourra s'obtenir que par un travail de prévention agissant sur les causes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Lionnel Luca. Nous avons vu le résultat !
    M. Jean-Michel Ferrand. C'est un pur produit de 68 !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Or, soucieux d'envoyer un message hâtif à l'opinion publique, le Gouvernement axe son action sur le tout répressif. C'est pour cette raison que nous appelons à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Paul Garraud. Après une heure et demie d'exposé de M. Le Roux, puis une heure et demie d'exposé de M. Gerin, j'avoue avoir de plus en plus de mal à comprendre ; le débat semble s'obscurcir... Heureusement, M. le ministre s'est évidemment attaché à le recentrer. Pourtant, malgré toute ses déclarations pleines de bonne foi et de bonne volonté, on est allé jusqu'à le traiter d'autiste ! Moi qui ai fréquenté bien des enceintes, notamment judiciaires, en tant que magistrat, jamais je n'avais entendu pareils discours ni vu opposition aussi systématique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratrie française.)
    Méfiez-vous, mesdames et messieurs de l'opposition. Vous devriez de temps en temps écouter ce que vous disent les Français.
    Mme Françoise de Panafieu. Eh oui !
    M. Jean-Paul Garraud. A l'évidence, vous ne l'avez pas fait, car vous nous avez encore asséné un discours que l'on entend depuis vingt ans et qui malheureusement a échoué. Il est temps de trouver autre chose. C'est ce que nous sommes en train d'essayer de faire. Mais cela non plus, vous ne voulez pas l'entendre.
    Quelle est donc votre réponse à cette explosion de la délinquance que vous-mêmes avez relevée ? Peut-être voulez-vous continuer à philosopher, à multiplier conférences, colloques, commissions et missions d'études ? Vous avez fait une loi, la loi du 15 juin 2000. Mais qu'a-t-elle donné ? Vous le savez : elle a paralysé les forces de police et de gendarmerie, tout comme la justice. C'est aux policiers, aux gendarmes et aux magistrats que je pense aussi ce soir ; ils risquent leur vie pour accomplir leur devoir. Ont-ils un intérêt particulier qui les conduirait à ne pas rechercher certains délinquants d'une façon par trop assidue ? Ils n'ont rien de sanguinaire ni de réactionnaire...
    M. René Rouquet. Il parle en expert !
    M. Jean-Paul Garraud. Ce sont tout simplement des gens qui cherchent à faire éclater la vérité. Pourquoi donc les suspecter ? Votre seule réponse a été, par votre loi, de complexifier la procédure sous prétexte de renforcer les droits de l'homme. Mais croyez-vous qu'on les fera ainsi davantage respecter ? Pas du tout. Cela ne fait que créer la suspicion à l'égard de ceux qui sont précisément chargés de la protection de l'ordre dans ce pays.
    Le monde dans lequel nous vivons, chacun le sait, n'est pas parfait.
    M. René Rouquet. Que voilà une profonde pensée !
    M. Jean-Paul Garraud. Notre démocratie est fragile. Il faut la protéger pour que nos libertés puissent s'y exercer, pour que les Français puissent en jouir pleinement. Or où est la liberté de celui qui n'ose plus sortir de chez lui le soir, où est la liberté du collégien qui se fait racketter ? Où est la liberté du commerçant obligé de veiller la nuit dans son magasin, parce qu'il n'est plus assuré et que personne ne peut plus le défendre ? Si l'on veut renforcer la démocratie, il faut, c'est évident, renforcer la protection des libertés. Mais alors que notre monde devient de plus en plus difficile, sur le plan national comme sur le plan international, vous persistez à asséner des critiques qui relèvent surtout de la caricature et de l'éternel cliché : « sécurité égale sécuritaire égale liberticide ».
    M. Patrick Braouezec. Pour le cliché, vous êtes le champion toutes catégories !
    M. Jean-Paul Garraud. Mais tout cela ne vous empêche pas de vous sentir très mal à l'aise. Parce que vos électeurs, quelque part, comprennent ce que nous faisons. Du reste, pour qui vote-t-on dans les cités ? On ne vote pas communiste...
    M. Patrick Braouezec. Ça dépend où, sinon nous ne serions pas là !
    M. Jean-Paul Garraud. ... on vote surtout, et malheureusement, Front national. Il ne faut pas l'oublier.
    Cette loi s'attaque aux pauvres, dites-vous. C'est exactement le contraire ! Qui souffre le plus de l'insécurité quotidienne, sinon les plus démunis ? (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et qui est le responsable de l'appauvrissement du pays durant les cinq dernières années, sinon le précédent gouvernement ?
    M. Patrick Braouezec. Jamais le patronat !
    M. René Rouquet. Quel sens de la nuance !
    Mme Martine David. Et Meissier, il n'a appauvri personne ?
    M. Jean-Paul Garraud. Voyez où pourrait mener votre raisonnement si on le tenait pour acquis. Mais tous vos propos ne sont que contradictions et contre-vérités.
    M. le président. Monsieur Garraud, veuillez conclure.
    M. Jean-Paul Garraud. Fort heureusement, nous, nous avons entrepris d'avancer avec détermination, en veillant à ce que les phases policière et judiciaire de la procédure pénale soient en parfaite complémentarité. Sinon, à quoi sert-il d'interpeller les gens si l'on ne peut pas les juger ? Le deuxième volet de la loi Perben nous sera bientôt soumis.
    Ce faisant, nous respectons la mission qui nous a été confiée, nous réformons les structures et les méthodes, nous nous donnons les moyens matériels et humains nécessaires, nous reconnaissons le rôle essentiel des forces de l'ordre aux côtés de notre système judiciaire, nous restaurerons ainsi l'autorité de l'Etat et surtout, nous allons enfin permettre de vivre en démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDF.
    M. Rudy Salles. Je ne voudrais pas que M. Gerin en prenne offense, mais en l'écoutant une heure et demie durant, je me disais qu'il faudrait peut-être réformer une nouvelle fois notre règlement... J'ai connu l'époque où les motions de procédure pouvaient durer plus de cinq heures. Nous les avons ramenées à une heure et demie. C'était un progrès, on a pu s'en rendre compte ce soir... Reste qu'une question préalable a pour but de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer.
    Or, pendant une heure et demie, monsieur Gerin, vous nous avez précisément montré le contraire. En critiquant le projet de loi, et c'est votre droit, en nous présentant vos propositions - une dizaine, dites-vous -, et c'est également votre droit, vous nous avez prouvé qu'il y avait lieu de débattre. Ou alors, ce n'était pas la peine de critiquer le Gouvernement et de faire des propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Du reste, M. Gerin, les Françaises et les Français, en juin dernier, nous ont eux aussi demandé de débattre, mais de débattre vite et de décider rapidement. Parce que les problèmes d'insécurité que nous rencontrons dans nos villes et désormais dans nos campagnes ne sont effectivement pas des concepts mais des réalités, et que les Français attendent aujourd'hui des solutions.
    Nous avons pour l'instant seulement voté une loi de programmation ; les choses concrètes n'arrivent qu'aujourd'hui. Mais d'ores et déjà, on sent un début de frémissement, des changements d'attitude, de discours, on voit des responsables se comporter autrement que ce que vos amis ont fait pendant cinq ans.
    Depuis quinze ans que je suis député, je participe à tous les débats sur la sécurité et sur les budgets de l'intérieur. Nous disposons maintenant des statistiques tous les mois afin de savoir où on en est, si la délinquance augmente ou si elle baisse. Je me souviens des années précédentes : nous n'avions même pas des statistiques de l'année précédente ! Nous ne savions pas où nous en étions au niveau de la sécurité, si ce n'est qu'après avoir discuté, ce qui n'était ni très pratique ni très démocratique.
    Nous avons débattu longuement ce soir, monsieur Gerin, vous nous avez parlé des familles qui souffrent dans les quartiers. C'est précisément en pensant à elles que je suis heureux de pouvoir discuter ce soir d'un projet de loi sur la sécurité. Car ce sont bien les familles les plus faibles, dans les banlieues et les quartiers les plus déshérités, qui souffrent aujourd'hui de l'insécurité, pas celles du XVIe arrondissement. C'est à elles que nous pensons et c'est pour elles que nous sommes en train de travailler ici, dans le cadre de ce projet de loi. Nous avons écouté votre long exposé, il faut maintenant aller vite et entrer dans le vif du sujet, discuter et adopter ce projet de loi que les Françaises et les Français attendent. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, vous avez souhaité que nous partions des réalités. C'est le bon sens et je suis prêt à vous suivre. Mais là où le bât blesse, c'est que partir des réalités signifie partir de ce qui se passe dans ces quartiers. On y voit, dit-on, des choses abominables. Et c'est vrai qu'il s'en passe. Zone franche, zone d'éducation prioritaire, c'est ma circonscription et c'est là que j'habite. Que l'on ne vienne pas m'expliquer comment ça se passe. J'y vis, j'y ai enseigné, j'y ai vu l'explosion de la précarité.
    M. Guy Teissier. C'est la conséquence de vos politiques !
    M. Daniel Paul. Quand un employeur met dehors d'un seul coup neuf cents intérimaires, ce ne sont pas ces neuf cents intérimaires qui vont ensuite casser. Mais leurs petits frères, leurs voisins ? Croyez que ce soit un encouragement ?
    M. Lionnel Luca. Donc, ils ont raison ?
    M. Daniel Paul. Non, ils n'ont pas raison. Mais cette explosion de la précarité, cette explosion du chômage chez les jeunes, chez leurs frères, chez leurs parents, c'est un terreau que l'on alimente. Tout comme le manque de moyens financiers quand vous démarrez dans la vie dans ces quartiers et que, faute de travail, vous devez attendre vingt-six ans pour espérer une première rémunération.
    M. Lionnel Luca. Mais c'est vous qui avez gouverné !
    M. Jean-Michel Ferrand. Qu'avez-vous fait depuis 1981 ?
    M. Daniel Paul. Ce n'est pas une raison.
    M. Lionnel Luca. Quinze ans de pouvoir de gauche !
    M. Daniel Paul. Je vous parle du manque de moyens financiers individuels, familiaux, collectifs, et de la carence des services publics dans ces quartiers. Quand un collège, en zone d'éducation prioritaire se voit systématiquement affecter les enseignants les moins formés, quand on s'apprête à y fermer des classes,...
    M. Yves Nicolin. Tout ce que vous avez fait durant ces cinq ans !
    M. Lionnel Luca. Quel bilan de votre action ! Quel suicide ! Quel procureur de la gauche vous faites !
    M. Daniel Paul. ... quand on y manque à ce point de matériel comme de perspectives, ne croyez-vous pas que toutes les conditions sont créées ? Cela n'excuse bien évidemment pas pour autant ; il faut condamner, il faut sanctionner. Mais il faut en même temps se préoccuper de ces terreaux où germent toutes ces difficultés.
    En fait, la réalité, puisque c'est de là qu'il faut partir, c'est que notre société est dominée par le libéralisme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Jean-Michel Ferrand. Pendant vingt ans, c'étaient les socialistes !
    M. Daniel Paul. ... un libéralisme qui vante la concurrence entre les hommes, la compétitivité qui vante la promotion des plus forts, qui a fait des gagneurs les dieux d'aujourd'hui,...
    M. Jean-Michel Ferrand. Tapie, par exemple !
    M. Daniel Paul. ... les modèles qu'il faut suivre. Et ceux qui n'y arrivent pas sont définitivement condamnés.
    Oui, les politiques ont échoué, et pas depuis cinq ans seulement - depuis dix ans, quinze ans, vingt ans.
    M. Thierry Mariani. Depuis 1981 !
    M. Yves Bur. Depuis Mitterrand !
    M. Daniel Paul. Toutes les politiques ont échoué et c'est pour cela, comme l'a dit André Gerin tout à l'heure, qu'il nous faut vraiment nous attaquer aux réalités, là où est la source du mal. Vous ne voulez entendre parler que de répression, de sanctions. C'est vrai, il y a besoin de punir.
    M. Pierre Lequiller. Eh bien alors ?
    M. Daniel Paul. Mais il y a aussi et surtout nécessité de mieux prévenir en utilisant probablement de nouveaux moyens, et de guérir un corps social qui, lui, est malade.
    M. Guy Geoffroy. D'un abus de socialisme !
    M. Daniel Paul. Or ce n'est pas ce que fait votre projet. Il ne constitue pas une réponse concrète à des problèmes concrets, monsieur le président de la commission des lois, mais une accumulation de réponses-sanctions voulues par une droite ultra-libérale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Daniel Paul. C'est un choix de société qui met en cause les jeunes en difficulté, les chômeurs, les salariés qui contestent. Nous voterons, bien évidemment, la motion présentée par notre collègue André Gerin.
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à zéro heure cinq, le mercredi 15 janvier, est reprise à zéro heure quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Compte tenu de l'importance du sujet, et dans l'intérêt du débat, à la suite d'un accord entre le Gouvernement, le rapporteur et les intervenants dans la discussion générale, je vous propose de lever la séance puisque nous avons achevé l'examen de l'exception d'irrecevabilité et de la question préalable. Nous engagerons demain la discussion générale qui permettra aux uns et aux autres de présenter leur démonstration et M. le ministre leur répondra.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 8 janvier 2003, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).
    Ce projet de loi, n° 519, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 8 janvier 2003, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise.
    Ce projet de loi, n° 520, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 7 janvier 2003, de MM. Yves Cochet, Noël Mamère et Mme Martine Billard une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les activités du mouvement raélien, ses moyens financiers et les tentatives de clonage reproductif de l'embryon humain sur le territoire français.
    Cette proposition de résolution, n° 518, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 10 janvier 2003, de M. Jean-Pierre Brard une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux agissements d'organismes à caractère sectaire dans le domaine de la formation professionnelle et aux dispositions permettant de protéger les salariés et les entreprises contre ces agissements.
    Cette proposition de résolution, n° 521, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 14 janvier 2003, de M. Gilbert Gantier un rapport n° 522, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières, du 21 juillet 1959, modifiée par l'avenant du 9 juin 1969 et par l'avenant du 28 septembre 1989, signé à Paris le 20 décembre 2001 (n° 337).
    J'ai reçu, le 14 janvier 2003, de M. René André un rapport n° 523, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la responsabilité civile au titre des dommages nucléaires du fait de fournitures en provenance de la République française destinées à des installations nucléaires en Fédération de Russie (n° 273).
    J'ai reçu, le 14 janvier 2003, de M. Henri Sicre un rapport n° 524, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative à la coopération administrative (n° 269).

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 14 janvier 2003, de M. le président de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits, en application de l'article L. 321-13 du code de la propriété intellectuelle, le rapport sur les sociétés de perception et de répartition des droits en 2000.

6

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 20 décembre 2002, de M. Bernard Schreiner un rapport d'information, n° 514, fait en application de l'article 29 du règlement, au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur l'activité de cette assemblée au cours des première, deuxième et troisième parties de sa session ordinaire de 2002.
    J'ai reçu, le 20 décembre 2002, de M. Jean-Claude Mignon un rapport d'information, n° 515, fait en application de l'article 29 du règlement, au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur l'activité de cette assemblée au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2002.
    J'ai reçu, le 20 décembre 2002, de M. Jean-Claude Mignon un rapport d'information, n° 516, fait en application de l'article 29 du règlement, au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale sur l'activité de cette assemblée au cours de sa session ordinaire de 2002.
    J'ai reçu, le 20 décembre 2002, de M. Michel Voisin un rapport d'information, n° 517, fait en application de l'article 29 du règlement, au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur l'activité de cette assemblée au cours des première, deuxième et troisième parties de sa session ordinaire de 2002.

7

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement (cf. note 1) .
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 381, pour la sécurité intérieure :
    M. Christian Estrosi, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 508) ;
     Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 459).
    A vingt et une heures, deuxième séance publique :
suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à zéro heure vingt).

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    Le Conseil constitutionnel a publié au Journal officiel des 30 et 31 décembre 2002 sa décision sur la loi de finances pour 2003 et a communiqué sa décision, rendue dans sa séance du 13 janvier 2003, sur la loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
    Ces textes avaient fait l'objet de saisines présentées, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, respectivement par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant :

Communication du 18 décembre 2002

N° E 2162. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et Malte, ajoutant un protocole relatif à l'assistance administrative mutuelle dans le domaine douanier à l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et Malte (COM [2002] 509 final).

Communication du 20 décembre 2002

N° E 2163. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2037/2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, en ce qui concerne les utilisateurs critiques et les exportations de halons, les exportations de produits et d'équipements contenant des chlorofluorocarbures et la réglementation du bromochlorométhane (COM [2002] 642 final).

Communications du 23 décembre 2002

N° E 2164. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques (COM [2002] 657 final).
N° E 2165. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les règles relatives au lieu de livraison du gaz et de l'électricité (COM 688 final).
N° E 2166. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques (COM [2002] 690 final).
N° E 2167. - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Pologne (COM 706 final).
N° E 2168. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques (COM [2002] 707 final).
N° E 2169. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques (COM 708 final).

Communications du 9 janvier 2003

N° E 2170. - Proposition de règlement du Conseil à la gestion de l'effort de pêche concernant certaines zones et ressources de pêche communautaires et portant modification du règlement (CEE) n° 2847/93 (COM [2002] 739 final).
N° E 2171. - Proposition de règlement du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard de la Somalie (COM 745 final).
N° E 2172. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Bulgarie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques (COM [2002] 749 final).
N° E 2173. - Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 1705/98 du Conseil concernant l'interruption de certaines relations économiques avec l'Angola en rapport avec l'Uniao Nacional para a Independencia Total de Angola (UNITA) (COM  775 final).

Communication du 10 janvier 2003

N° E 2174. - Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : renforcer la coordination des politiques budgétaires (COM [2002] 668 final).

Communication relative à une proposition d'acte communautaire

    J'ai reçu de M. le Premier ministre une communication en date du 18 décembre 2002 m'informant de la transmission par erreur de la proposition d'acte communautaire :
N° E 2145. - Proposition de règlement du Conseil fixant, pour la campagne de pêche 2003, les prix d'orientation et les prix à la production communautaire pour certains produits de la pêche conformément au règlement (CE) n° 104/2000 (COM [2002] 640 final).
    En conséquence, la transmission de cette proposition d'acte communautaire (Journal officiel, Débats parlementaires Assemblée nationale, 3e séance du jeudi 28 novembre 2002) doit être considérée comme non avenue.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
Haut Conseil de la coopération internationale
(2 postes à pourvoir)

    La commission des affaires étrangères a désigné MM. Jean-Louis Bianco et Jacques Godfrain comme candidats.
    Les candidatures sont affichées et les nominations prennent effet dès la publication au Journal officiel du samedi 21 décembre 2002.

annexe au procès-verbal
de la 3e séance
du mardi 14 janvier 2003
SCRUTIN (n° 107)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Ayrault au projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure.

Nombre de votants

173


Nombre de suffrages exprimés

173


Majorité absolue

87


Pour l'adoption

59


Contre

114

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 106 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 55 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 1. - M. Kléber Mesquida.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

NOTE (S) :

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.