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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 22 JANVIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 21 janvier 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Sécurité intérieure. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Après l'article 17 undecies «...»

Amendement n° 152 de M. Gerin : MM. André Gerin, Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Noël Mamère. - Adoption.
Amendement n° 414 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur, Noël Mamère, Bruno Le Roux. - Adoption.
Amendement n° 315 de Mme Royal : Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 480 rectifié de M. Morange : MM. Pierre Morange, le rapporteur, Noël Mamère, le ministre, Mme Christine Boutin, M. Alain Vidalies. - Adoption.
Amendement n° 281 de M. Montebourg : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 280 de M. Montebourg, avec le sous-amendement n° 502 de M. Léonard : MM. Bruno Le Roux, Christian Vanneste, le rapporteur, le ministre.
Amendement n° 504 du Gouvernement : M. Christian Vanneste. - Retrait du sous-amendement n° 502.
M. le ministre. - Rejet de l'amendement n° 280 ; adoption de l'amendement n° 504.
Amendement n° 282 de M. Montebourg : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 283 de M. Montebourg. - Rejet.
Amendement n° 284 de M. Montebourg. - Rejet.
Amendement n° 285 de M. Montebourg. - Rejet.
Amendement n° 162, deuxième rectification, de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 48 de M. Lellouche : MM. Guy Geoffroy, le rapporteur.
Amendements n°s 49 de M. Lellouche et 316 de Mme Royal : MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Noël Mamère, Gérard Léonard, Alain Vidalies, Bernard Roman, Pierre Cardo, le président, Bruno Le Roux. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 316 ; rejet de l'amendement n° 49 ; l'amendement n° 48 n'a plus d'objet.
Amendement n° 47 de M. Lellouche repris par M. Le Roux : MM. le rapporteur, le ministre, Bernard Roman, Jean-Christophe Lagarde, Gérard Léonard, Alain Vidalies, Bruno Le Roux.
M. Gérard Léonard.

Suspension et reprise de la séance «...»

Sous-amendement n° 506 de M. Estrosi : MM. le rapporteur, le ministre, Gérard Léonard, Bruno Le Roux. - Adoption du sous-amendement et adoption, par scrutin, de l'amendement n° 47 modifié.
Amendement n° 46 de M. Lellouche. - Adoption.

Avant l'article 18 «...»

Amendement n° 89 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marylise Lebranchu, MM. Noël Mamère, Jean-Marie Le Guen, Jean-Christophe Lagarde, Mme Françoise de Panafieu. - Adoption.
Amendement n° 90 de la commission : MM. Gérard Léonard, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 161 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre, Pierre Cardo. - Rejet.
Amendement n° 456 de M. Jean-Marie Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre, Bernard Roman, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 457 de M. Jean-Marie Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 156 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 157 de M. Asensi : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 160 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 159 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 158 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 163 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 18 «...»

MM. Noël Mamère, Jean-Pierre Le Ridant, André Gerin, Pierre-Christophe Baguet, Jean-Claude Viollet.
Amendements de suppression n°s 164 de M. Gerin et 288 de M. Le Roux : MM. André Gerin, Bruno Le Roux. - Retrait de l'amendement n° 288.
MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 164.
Amendement n° 91 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 289 de M. Le Roux, 332 de Mme Billard et 392 de M. Brard : MM. Bruno Le Roux, Noël Mamère, André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 333 de Mme Billard : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 92 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 18 modifié.

Après l'article 18 «...»

Amendement n° 149, troisième correction, de M. Beaudoin : MM. Patrick Beaudoin, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 393 de M. de Gaulle : MM. Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 165 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 342 de M. Lagarde : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt de projets de loi «...».
3.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
4.  Dépôt d'un rapport «...».
5.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
6.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté
par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure (n°s 381, 508).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée aux amendements portant articles additionnels après l'article 17 undecies.

Après l'article 17 undecies

    M. le président. L'amendement n° 287 de M. Caresche n'est pas défendu.
    MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 152, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Toute personne victime de l'exploitation de la prostitution doit bénéficier d'un système de protection et d'assistance, assuré et coordonné par l'administration en collaboration active avec les divers services d'interventions sociales. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Il s'agit de favoriser la protection des personnes victimes de la traite des êtres humains et d'améliorer la lutte contre l'exploitation de la prostitution. C'est un amendement très important à mes yeux.
    J'en profite pour dire que les mesures proposées pendant la séance de cet après-midi vont dans le bon sens et que, pour l'essentiel, j'en partage l'esprit.
    J'aurais toutefois aimé que soit abordé le problème de la prostitution mondaine, ainsi que celui de la prostitution économique, conséquence de la paupérisation. C'est un sujet qui n'est jamais abordé. Nous en aurons peut-être l'occasion en examinant un autre texte de loi.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 152.
    M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Cet amendement répond sincèrement à la volonté de la part du Gouvernement comme de la commission des lois de rechercher un équilibre entre dimension humaine, réponse sociale et nécessité d'engager des mesures répressives. L'objectif, louable, est partagé par tous. L'amendement complète d'ailleurs utilement celui du Gouvernement, n° 414, relatif à la création de places dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale en faveur des victimes de la traite des êtres humains. Je donne donc, au nom de la commission, un avis favorable.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 152.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si j'ai bien compris ce que souhaite M. Gerin, l'amendement fixe pour l'Etat une obligation de protéger et d'assister les victimes. C'est tout à fait notre intention. Je me contenterai de faire remarquer que, pour que les victimes soient reconnues comme telles, il faut qu'elles portent plainte contre leur proxénète. Cela étant, je suis favorable à l'amendement.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je m'opposerai à l'amendement proposé par M. Gerin, dans la mesure où la manière dont le Gouvernement l'accepte va lui donner un sens contraire à la thèse que nous défendons. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Comme moi-même, M. Gerin va sans doute, à propos de l'article 18, exprimer son désaccord avec l'idée de pousser les prostituées à dénoncer les proxénètes. Nous le savons, une telle démarche risque de les placer dans une situation encore plus dangereuse et de les rendre plus vulnérables. De plus, ce n'est pas ainsi que l'on arrivera à détacher les prostituées des réseaux de proxénétisme, mais en mettant en place un système de destruction des filières mafieuses.
    Je mets donc en garde mon collègue Gerin : attention au piège ! On n'accepte votre amendement que pour mieux justifier le fait de conduire les prostituées à dénoncer les proxénètes.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je le précise, c'est l'amendement de M. Gerin que le Gouvernement accepte, non les propos de M. Mamère. Que celui-ci ne se fasse aucune illusion ! (Sourires.)
    M. le président. Je crois que M. Mamère avait compris.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ça va mieux en le disant !
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Tout le monde connaît mon opinion quant à la philosophie globale du projet présenté par le Gouvernement et le ministre Sarkozy. A cet égard, je n'ai pas changé d'avis. Mais mon expérience de maire et de député m'a fait perdre l'habitude de vouloir tout ou rien. Que cette proposition soit retenue par le Gouvernement n'implique nullement que sur d'autres sujets je pourrais adopter une autre attitude. (« On avait compris ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Manuel Valls. Laissez-le s'expliquer ! C'est important !
    M. André Gerin. Je maintiens donc cet amendement, qui me paraît positif. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 414, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Des places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont réservées à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des conditions sécurisantes. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Lors de la discussion au Sénat, qui a été très riche, les sénateurs socialistes ont proposé d'insérer, dans l'article L. 345-I du code de l'action sociale et des familles, un alinéa disposant que des centres d'hébergement et de réinsertion sociale sécurisés seraient réservés à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains. L'hébergement d'urgence est, pour des personnes qui veulent sortir de leur esclavage, une question absolument cruciale. C'est pourquoi j'ai accepté cette proposition.
    Il apparaît toutefois que la rédaction issue du Sénat pose des difficultés.
    Deux options se présentent en ce qui concerne l'hébergement des victimes. La première, appliquée en Italie, consiste à créer un ou deux centres pour prostituées, protégés par la police. Je ne suis guère favorable à un tel système, qui met les prostituées ensemble, les désigne à la population et surtout les regroupent dans des centres très repérables pour les proxénètes, qui viennent rôder autour, exerçant une menace constante sur les malheureuses que l'on cherche à éloigner des réseaux.
    La seconde option vise à l'insertion rapide de ces ex-prostituées dans le droit commun, afin d'en garantir la sécurité.
    La victime est placée dans un CHRS ou un CADA, situé dans une ville moins exposée aux réseaux. Elle y côtoie d'autres personnes en situation difficile, et reste géographiquement éloignée du lieu de la prostitution. Bien entendu, sur place, un accompagnement social spécifique est dispensé, adapté aux difficultés personnelles de la victime. Mais le centre n'accueille pas que des prostituées, ce qui offre, en quelque sorte, une garantie d'anonymat.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement travaille avec les associations sur cette seconde hypothèse, qui nous semble plus adaptée aux besoins. Je vous propose donc de réécrire l'alinéa du code, sans revenir sur l'idée des sénateurs socialistes, mais afin de la préciser, voire de l'améliorer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Avis très favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, peut-être serez-vous étonné de l'apprendre, mais j'approuve l'amendement que vous proposez. En effet, ceux qui connaissent la situation des CHRS savent qu'ils sont déjà très encombrés. Les associations ont beaucoup de difficultés à y placer des personnes en situation d'urgence. Vous avez par ailleurs évoqué à juste titre le risque que ferait courir à ces personnes prostituées l'hébergement en centres spécialisés, ou elles seraient bien vite repérées par ceux qui les tiennent en dépendance.
    La proposition va donc dans le bon sens. Mais je voudrais insister sur un point. Vous affirmez que vous travaillez avec les associations. Cela nous rassure. Sans leur aide, en effet, on ne peut pas procéder à la réinsertion des personnes prostituées, dont elles connaissent parfaitement l'état d'esprit et les difficultés. Or ceux qui sont chargés de ces questions le savent - je pense à un certain nombre d'associations que les élus connaissent bien -, la réinsertion classique ne fonctionne pas avec les personnes prostituées. Il faut beaucoup plus de temps qu'on ne le pense, et c'est quelquefois un mauvais service à leur rendre que de les inciter à se diriger vers des centres d'hébergement comme les CHRS. C'est peut-être aussi le cas de ceux que vous proposez, d'ailleurs, mais surtout des CHRS. Vous avez donc raison de proposer une solution alternative.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, nous partageons également le point de vue que vous venez de développer. Vous soulignez l'importance de la réinsertion sociale. Il est vrai que celle-ci, pour s'exercer dans de bonnes conditions, doit avoir pour cadre de petits centres d'hébergement. Mais elle dépend également du travail des associations.
    A ce sujet, je voudrais vous poser une question, sans en attendre nécessairement une réponse immédiate. En recherchant l'état des crédits qui concourent aux actions en faveur des droits des femmes, j'ai pu constater qu'au chapitre « subventions aux associations nationales oeuvrant pour la lutte contre la prostitution et la réinsertion sociale des personnes prostituées », 250 000 euros étaient prévus en 2001, et environ la même somme en 2002. Mais aucun crédit n'apparaît dans la loi de finances pour 2003. Je voudrais donc savoir si cet amendement sera suivi d'effets, et notamment si les moyens seront mobilisés pour aider les associations, ou s'il s'agit simplement d'une déclaration d'intention.
    M. Noël Mamère. Excellente question !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Roux, c'est justement parce que le ministère de l'intérieur a fait mouvement sur ce sujet que le budget suivra, même si je ne peux vous répondre pour ce qui concerne les compétences de Mme Ameline. Non seulement la réinsertion des prostituées et les places que l'on doit leur réserver dans des lieux disséminés constituent une question centrale pour le Gouvernement, mais elles correspondent parfaitement à la lettre que j'ai reçue du Premier ministre me demandant de coordonner l'action de prévention menée par un certain nombre de ministres.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il s'agit donc bien d'une déclaration d'intention : l'intention du Gouvernement, qui sera suivie d'effets et fera l'objet d'annonces précises dans les semaines qui viennent, en parfaite coordination avec la volonté du Premier ministre.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. Bruno Le Roux. Cela veut dire des moyens pour les associations ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Roux, je crois avoir été clair, simple et net. Des moyens seront mobilisés. J'essaierai de conduire une politique de prévention aussi dynamique que celle que j'ai menée jusqu'à présent en matière de sanction. J'essaierai de ne pas vous décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bruno Le Roux. C'est ambitieux ! (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 414.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    M. le président. Mme Royal a présenté un amendement, n° 315, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 258 du code civil, il est inséré un article 258-1 ainsi rédigé :
    « Art. 258-1. - Dans des cas de violences conjugales, le juge peut attribuer la jouissance exclusive du domicile du conjoint victime et le cas échéant de ses enfants.
    « Il peut, à ce titre, interdire à l'auteur des violences de paraître au domicile et d'entrer en contact avec la victime, par quelque moyen que ce soit.
    « Ces mesures sont applicables aux personnes qui relèvent des dispositions des articles 515-1 et 515-8 du code civil. »
    La parole est Mme Marie-Françoise Clergeau, pour soutenir cet amendement.
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Pour améliorer la protection des femmes et des enfants victimes de violences conjugales et renforcer leurs droits, il est nécessaire que le juge puisse prendre en urgence des mesures conservatoires de protection au bénéfice des victimes. Ces violences doivent apparaître clairement dans leur réelle dimension d'atteinte inacceptable aux droits de la personne humaine. Je note d'ailleurs que la plupart des pays européens ont déjà adopté ce type de protection.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. L'objectif est particulièrement louable, et partagé par tous, mais ces dispositions relèvent-elles réellement d'un texte sur la sécurité intérieure ?
    M. Bruno Le Roux. La question se pose pour d'autres dispositions.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Le Roux, lorsque la commission s'est réunie en application de l'article 88 du règlement, elle a consacré dix à quinze minutes à cet amendement, qui fait donc partie de ceux dont nous avons longuement débattu. J'avais déjà observé à cette occasion que le projet de loi relatif à la sécurité intérieure n'envisageait à aucun moment une modification du code civil.
    Par ailleurs, le code de procédure pénale, dans son article 138, permet déjà au juge d'instruction d'interdire à une personne - l'époux, par exemple - de rencontrer son conjoint, de se rendre au domicile conjugal ou de fréquenter certains lieux. Il en est de même en matière de violences au sens des articles 222-7 et suivants du code pénal. Tout est donc déjà prévu.
    Le code pénal et le code de procédure pénal disposent ainsi d'éléments suffisants face à ce genre de situation. Qui plus est, la loi de sécurité intérieure n'a pas pour objectif de modifier le code civil. Je vous propose donc de rejeter cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je suis embêté. Si je comprends bien, Mme Royal envisage d'instituer un référé conjugal, le juge attribuant en urgence à l'épouse victime de violences la jouissance du domicile. Son amendement me semble intéressant. Seulement il n'est pas encadré. Par exemple, on ne sait pas combien de temps l'époux se verra interdire l'accès au domicile conjugal, ni de quel droit de recours il disposera. Certes, la femme qui fait l'objet de cette violence conjugale n'a pas à déménager. Mais il faut aussi prendre en compte l'époux qui est là...
    Mme Ameline travaille avec le garde des sceaux sur un texte. Pour ma part, cet amendement ne me pose pas de problème de principe. Mais je pense qu'on ne peut pas trancher ainsi un problème de cette nature, avec toutes les complications sur le droit matrimonial que cela pose. Je le dis à l'adresse du groupe socialiste, qui m'a appelé à ne pas légiférer dans l'urgence.
    Si Mme Royal avait été là, je lui aurais demandé de retirer son amendement. Considérez que mon avis vaut droit de tirage sur le texte, soit de Mme Ameline, soit de M. Perben.
    Mme Martine Lignières-Cassou. On verra ça en deuxième lecture !
    M. le président. Non, madame, ce projet fait l'objet d'une procédure d'urgence.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je crains en effet qu'il n'y ait pas de seconde lecture.
    Je ne saurais accepter une disposition dont je peux parfaitement comprendre le principe, mais qui n'est pas juridiquement encadrée.
    Sans doute Mme Royal aurait-elle été satisfaite de l'ouverture dont fait preuve le Gouvernement. Reste qu'il n'est pas possible d'innover en créant ce référé conjugal civil.
    Y aurait-il une volonté que je sois garde des sceaux ? Je vous en remercie. (Sourires.) J'avais pourtant cru comprendre, au début de la discussion, que mon texte empiétait trop sur le domaine du droit civil. Merci de me permettre de m'y ébattre avec tant d'intérêt...
    M. Bernard Roman. Pas seulement le droit civil, le droit pénal aussi !
    M. Bruno Le Roux. Il faut avoir touché à tout avant d'être Premier ministre ! (Sourires.)
    M. le président. Madame Clergeau, maintenez-vous l'amendement n° 315 ?
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Je le maintiens.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Morange a présenté un amendement, n° 480 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « L'article 227-15 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir sciemment un enfant en très bas âge sur la voie publique ou dans un espace affecté aux transports collectifs de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des passants. »
    La parole est à M. Pierre Morange.
    M. Pierre Morange. Le but de cet amendement est parfaitement clair : sanctionner le comportement de ceux qui sollicitent la générosité publique au sein des transports collectifs, en maintenant à leurs côtés de très jeunes enfants, au détriment de la santé de ces derniers. Jusqu'à maintenant, il n'y avait pas de qualification permettant d'intervenir. Nous donnerons désormais aux services de l'Etat compétence pour lutter contre ce genre de spectacle intolérable, et de plus en plus fréquent.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je trouve que cet amendement va dans le sens de la protection de l'enfance. Il faut évidemment éviter à des enfants, souvent en très bas âge, d'être exposés comme de véritables instruments sur la voie publique pendant des journées entières. De telles scènes sont épouvantables, dégradantes et affligeantes pour la dignité humaine.
    Je précise à ceux qui s'offusqueraient de votre amendement que si les parents sont en état de nécessité absolue, ils ne seront pas considérés comme pénalement responsables, en application de l'article 122-7 du code pénal.
    La proposition de M. Morange est parfaitement équilibrée. La commission y est favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Cet amendement a l'apparence du bon sens, mais il est extrêmement dangereux. M. le rapporteur a parlé de « protection de l'enfance ». Or ce n'est pas par les moyens proposés que l'on mènera une bonne politique en la matière. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Celle-ci ne s'aurait consister à arracher à ses parents, quels qu'ils soient, un enfant. Même si ceux-ci sont conduits à mendier sur la voie publique, on n'a pas à leur enlever leurs enfants.
    Mme Christine Boutin. Mais ce ne sont même pas leurs enfants !
    M. Noël Mamère. Il y a d'autres moyens pour réinsérer les gens et pour protéger l'enfance. Cet amendement est dangereux : non seulement il ne contribue pas à l'équilibre, comme le dit M. le rapporteur, mais il stigmatise encore un peu plus une partie de la population.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Utiliser ses enfants, ou les enfants des autres, pour apitoyer et obtenir de l'argent,...
    M. Bruno Le Roux. C'est scandaleux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... qui peut penser une minute que ce soit souhaitable ?
    M. Noël Mamère. Mais je ne l'ai pas dit !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne prétende pas que vous l'ayez dit...
    Cet amendement ne fixe pas des peines d'amende ou de prison puisqu'elles existent déjà. Il assimile, à juste titre, ce comportement à un mauvais traitement, à une privation de soins, déjà prévue par le code pénal. Si le fait de trimballer des enfants et les laisser toute la journée dehors pour apitoyer le passant ne constitue pas une privation de soins envers les mineurs de moins de quinze ans, qu'est-ce que c'est ? Je crois qu'il s'agit d'un amendement de bon sens, et le Gouvernement y est favorable.
    M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.
    Mme Christine Boutin. Monsieur Mamère, vous n'allez tout de même pas nous faire croire que vous êtes un candide ! Les enfants qui sont dans les bras de ces femmes sont rarement leurs propres enfants ! Non seulement ces femmes sont exploitées, mais on drogue ces enfants avec du valium, et on les met ensuite dans les bras de ces femmes pour apitoyer le passant. Votre argument ne tient absolument pas : vous savez combien nous sommes tous attachés à ce que l'enfant reste auprès de sa famille. Vous ne pouvez pas nous faire croire, monsieur Mamère, que vous ne savez pas ce que je viens de dire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Tout le monde peut s'accorder sur l'object « social » de l'amendement. Mais pourquoi l'insérer dans notre dispositif répressif ? La privation de soins est déjà un délit. Autrement dit, rien n'empêche aujourd'hui des poursuites et des mises en examen sur la base de la situation dont on parle.
    Si vous tentez d'expliciter cette situation, vous serez amenés à donner une définition très singulière. Et lorsque l'un des éléments qui est ici visé ne pourra être relevé, le délit ne sera pas constitué. Par exemple, vous parlez uniquement de la voie publique. Si on n'est pas sur la voie publique, mais à côté, il risque d'y avoir discussion.
    Tout le monde peut souscrire à l'interprétation que vous donner à cette question. Mais nous sommes en droit pénal, qui est lui-même d'interprétation restrictive. Vous avez ajouté un « notamment » ; il est dommage que le président de la commission ne soit pas là pour vous rappeler que ce n'est guère possible en droit pénal. De toute façon, je ne suis pas certain que, au final, le but recherché soit atteint.
    En réalité, ce que vous pouvez souhaiter, et nous le partageons avec vous, c'est que le texte actuel soit utilisé dans toute sa dureté dans de telles situations. Mais je ne vois pas en quoi la précision contenue dans cet amendement peut être utile. Elle risque même d'être dangereuse.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Mon collègue Vidalies vient de répondre à Mme Boutin, en reprenant, en quelque sorte, l'argument avancé par M. le ministre et selon lequel le délit d'absence de soin existe déjà dans le code pénal. Pourquoi ajouter une disposition qui, du point de vue du droit pénal, risque d'être contre-productive et de poser beaucoup plus de problèmes qu'elle ne prétend en résoudre ? Restons-en à ce qui existe.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 480 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 281, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 324-2 du code pénal, il est inséré un article 324-2-1 ainsi rédigé :
    « Art. 324-2-1. - Le manquement manifeste aux obligations de vigilance prévues à l'article 3 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants en matière de lutte contre le blanchiment des produits des crimes et des délits est puni de deux ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir cet amendement.
    M. Bruno Le Roux. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Contre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Contre.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 280, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 450-1 du code pénal, il est inséré un article 450-1-1 ainsi rédigé :
    « Art. 450-1-1. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant aux activités visées à l'article 450-1 est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende. »
    Sur cet amendement, MM. Léonard, Vanneste, Siffredi et Mme Morano ont présenté un sous-amendement, n° 502, ainsi libellé :
    « Compléter l'amendement n° 280 par le paragraphe suivant :
    « II. - Après l'article 421-2-2 du code pénal, il est inséré un article 421-2-3 ainsi rédigé :
    « Art. 421-2-3. - Le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à l'un ou plusieurs des actes visés aux articles L. 421-1 à 421-2-2 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 280.
    M. Bruno Le Roux. Défendu.
    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir le sous-amendement n° 502.
    M. Christian Vanneste. Cet amendement est très intéressant. C'est un peu l'hommage du vice à la vertu. Il permet de souligner l'un des axes essentiels de la loi dont nous sommes en train de débattre : des hommes et des femmes, souvent dans un état de dénuement social, commettent des délits, voire des crimes, qui profitent à des personnes elles-mêmes à l'abri des poursuites.
    M. Montebourg propose de renverser la charge de la preuve, s'agissant des associations de malfaiteurs. Certes, le texte prévoit déjà ce cas de figure. Mais nous n'en approuvons pas moins l'esprit de son amendement. C'est même pour nous un étonnement radieux : M. Montebourg a enfin compris notre texte !
    Nous en profitons, étant donné les circonstances, étant donné l'époque que nous vivons, pour aborder un problème beaucoup plus important qui, lui, n'est pas concerné par les textes : le terrorisme. Il y a aussi, si j'ose dire, un « proxénétisme du terrorisme » ; des gens qui sont utilisés, par exemple au nom de certaines croyances, par d'autres qui, eux, restent parfaitement à l'abri des poursuites. Voilà la raison pour laquelle je vous propose ce sous-amendement n° 502.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. L'amendement n° 281 allège la charge de la preuve en matière d'association de malfaiteurs. Il renforce l'efficacité de la répression. Venant de la part de M. Montebourg, l'idée ne manque pas d'intérêt.
    Mme Christine Boutin. Ni de sel !
    M. Gérard Léonard. On va acclamer M. Montebourg !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cela étant, le sous-amendement n° 502 de MM. Léonard, Vanneste, Siffredi et Mme Morano nous permet de mieux encadrer cette vision plus répressive que partage M. Montebourg, en allégeant la charge de la preuve en matière de terrorisme et en démontrant qu'il s'inspire bien des dispositions applicables en matière de proxénétisme, c'est-à-dire qu'il rejoint complètement l'esprit du texte.
    Nous sommes favorables à l'amendement de M. Montebourg, pour autant que soit retenu le sous-amendement présenté par Gérard Léonard et Christian Vanneste.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le rejet de l'amendement de M. Montebourg aboutira à la disparition du sous-amendement de M. Vanneste. Le Gouvernement, considérant ce sous-amendement intéressant, a déposé un amendement n° 504 qui en reprend très exactement les termes.
    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 504, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 421-2-2 du code pénal, il est inséré un article 421-2-3 ainsi rédigé :
    « Art. 421-2-3. - Le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à l'un ou plusieurs des actes visés aux articles 421 à 421-2-2 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. »
    Comme M. le ministre vient de le dire, cet amendement reprend exactement le texte du sous-amendement n° 502.
    M. Christian Vanneste. Monsieur le président, je retire évidemment mon sous-amendement !
    M. le président. Le sous-amendement n° 502 est retiré.
    M. Bernard Roman. Et qu'en sera-t-il du « Montebourg » ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le « Montebourg » ne peut pas être accepté : l'association de malfaiteurs est déjà visée par la loi. Et si le « Montebourg », c'était l'association de malfaiteurs, le « Vanneste » est le proxénétisme - si j'ose dire. (Sourires.) Donc, on prend le raisonnement « Montebourg », et on l'applique au proxénétisme...
    M. le président. Monsieur le ministre, merci de m'aider ! (Sourires.)
    Je mets aux voix l'amendement n° 280.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 504.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 282, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Dans le premier alinéa de l'article L. 561-1 du code monétaire et financier, les mots : "qu'elles savent sont remplacés par les mots : "qui pourraient. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Bruno Le Roux. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 282.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 283, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Dans les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, les mots : "du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles sont remplacés par les mots : "d'activités criminelles ou délictueuses. »
    Je considère qu'il a été défendu et que la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
    Je mets aux voix l'amendement n° 283.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 284, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 562-4 du code monétaire et financier, les mots : "du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles sont remplacés par les mots : "d'activités criminelles ou délictueuses. »
    Il s'agit d'un amendement de coordination. Je suppose que la position de l'Assemblée sera identique.
    Je mets aux voix l'amendement n° 284.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 285, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 562-5 du code monétaire et financier, les mots : "du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles sont remplacés par les mots : "d'activités criminelles ou délictueuses. »
    Même situation.
    Je mets aux voix l'amendement n° 285.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouzec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 162 deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Dans l'article L. 362-3 du code du travail, les mots : "deux et "30 000 sont respectivement remplacés par les mots : "trois et "45 000. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Nous avons trouvé le projet de loi bien silencieux sur la question du travail au noir, qui se développe. Celui-ci porte le plus souvent sur des productions licites mais non déclarées, pour éviter les prélèvements fiscaux et sociaux, sous-payer les employés et se soustraire, par exemple, aux règles de sécurité et d'hygiène.
    Dans de nombreux secteurs d'activité, ces pratiques sont courantes, connues de tous : le bâtiment, les travaux agricoles, l'habillement, le textile sont les principaux utilisateurs d'une main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci. Les ateliers clandestins, dans le textile, sont connus. Le quartier du Sentier, à Paris, est de renommée internationale.
    Avec l'économie mondialisée, ces activités tendent à se multiplier et à se propager dans de nombreuses banlieues.
    De nouveaux ateliers apparaissent, fournissant de très nombreux produits de contrefaçon ou de contrebande, qui sont écoulés par des filières parallèles.
    L'économie parallèle qui est aux mains des réseaux mafieux n'est pas exclusivement liée au trafic de stupéfiants. Les produits de contrefaçon ou les produits bas de gamme, qui représentent en moyenne, au niveau européen, 8 % du marché économique, sont aussi de grands pourvoyeurs de fonds pour les réseaux organisés. Et afin de s'attaquer à l'un des aspects de ces trafics, il nous semble indispensable de lutter avec efficacité contre les organisateurs du travail clandestin et du travail au noir. Les employeurs de cette main-d'oeuvre, qui en sont les principaux bénéficiaires, doivent être poursuivis et condamnés sans complaisance.
    Actuellement, le code du travail comprend plusieurs articles sur le travail dissimulé. Les infractions sont répertoriées, les sanctions existent, mais les condamnations restent assez rares, même si les choses se sont améliorées ces dernières années. L'amendement du groupe des député-e-s communistes et républicains a pour but de réprimer plus durement les coupables et entend ainsi combler une lacune de ce projet de loi, qui, dans sa forme initiale, apporte très peu de réponses au problème du trafic organisé par les employeurs, cette forme de délinquance en col blanc, cette délinquance patronale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    Mme Nadine Morano. Quelle expression !
    M. Bruno Le Roux. La délinquance patronale, ça existe !
    M. le président. Monsieur Gerin, continuez.
    M. André Gerin. Oui, délinquance patronale. Je le dis d'autant plus volontiers que je n'ai pas du tout l'intention de jeter l'opprobre sur l'ensemble du patronat. Je n'ai pas l'habitude de faire des amalgames. Mais il existe bien des patrons véreux et des patrons voyous, chers collègues, voyez Metaleurop.
    Réprimer cette forme de délinquance est très important : cela aura valeur d'exemplarité pour notre jeunesse. Il faut pouvoir la sanctionner pour qu'il y ait un sentiment d'équité.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Gerin, par cet amendement, vous dénoncez l'exploitation de certaines formes de travail.
    M. André Gerin. Absolument !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. A propos de l'article 18, j'évoquais tout à l'heure l'économie souterraine que générait l'exploitation de la prostitution. Vous reprenez en quelque sorte les objectifs et les termes de cet article pour ce qui touche à l'exploitation de réseaux. Qu'il s'agisse des réseaux de prostitution, des réseaux de mendicité ou des réseaux de travail clandestin, la démarche est en effet la même.
    La commission avait rejeté votre amendement, estimant que le niveau de sanction proposé était excessif. Mais compte tenu des rectifications apportées, les choses me paraissent plus équilibrées et je donne un avis favorable.
    M. Noël Mamère. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Gerin, qu'est-ce que le travail dissimulé ? Ce sont des employeurs qui ne paient pas les cotisations et qui mettent gravement en cause l'équilibre de notre système de sécurité sociale. Ce sont des employeurs qui, comme l'a précisé le rapporteur, font souvent venir par le biais de réseaux des étrangers en situation irrégulière pour les employer dans des conditions inhumaines. Le Gouvernement n'a aucune intention de tolérer de tels agissements. Ils sont condamnables. Ils seront condamnés. Vous nous proposez d'être plus sévères en la matière. Eh bien, nous vous disons, monsieur Gerin, que nous sommes d'accord.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    M. le président. M. Lellouche a présenté un amendement, n° 48, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer la division et l'intitulé suivants :
    « Chapitre V ter : Dispositions relatives à la lutte contre les infractions sexuelles commises contre les mineurs. »
    Cet amendement de coordination est-il défendu ?
    M. Guy Geoffroy. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Excusez-moi, monsieur le président, mais cet amendement est un amendement de coordination avec l'amendement qui suit.
    M. Bernard Roman. C'est de la pré-coordination !
    M. le président. L'amendement n° 48 est effectivement lié à l'amendement n° 49. Peut-on considérer pour ce dernier amendement est est aussi défendu ?
    M. Guy Geoffroy. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 49 et l'amendement n° 316 peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
    L'amendement n° 49, présenté par M. Lellouche, est ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article 706-53 du code de procédure pénale, un article 706-53-1 ainsi rédigé :
    « Art. 706-53-1. - L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47, ainsi que les peines prononcées en cas de condamnation pour l'un de ces crimes, sont imprescriptibles. »
    L'amendement n° 316, présenté par Mme Royal, est ainsi libellé :
    « Après l'article 45, insérer l'article suivant :
    « L'article 7 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le délai de prescription de l'action publique des crimes commis contre des mineurs continue de courir dix ans à compter de la révélation des faits. »
    Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 49 de M. Lellouche, pour des questions non de fond mais de forme.
    Il nous est proposé de rendre imprescriptibles les crimes sexuels alors qu'aujourd'hui seuls les crimes contre l'humanité le sont.
    C'est vrai que M. Lellouche touche ici un grave problème de société. D'ailleurs, lorsque nous nous sommes prononcés sur la création de dispositions en matière de lutte contre les réseaux de pédophiles et la cybercriminalité, nous avons pris des positions très fortes. Mais alors que le Gouvernement lui-même a décidé que des sujets tels que l'infiltration des réseaux seraient traités dans un texte présenté par le garde des sceaux, il nous semble que les propositions de M. Lellouche n'ont pas leur place dans un texte sur la sécurité intérieure.
    Cependant, comme je l'ai déjà indiqué en commission, nous partageons un certain nombre de ses objectifs comme ceux de Mme Royal, et il nous paraît nécessaire qu'à un moment ou à un autre le Parlement ait un vrai débat sur ce sujet afin de trouver une position intermédiaire entre ce qui nous est proposé ici et l'état actuel de notre droit.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Toutes tendances confondues, nous sommes confrontés dans nos permanences à des cas douloureux de personnes qui ne peuvent plus engager de poursuites parce qu'il y a prescription. Et il y en a de plus en plus car ces personnes, souvent très longtemps après les violences qu'elles ont subies lors de leurs premières découvertes amoureuses ou lorsqu'elles attendaient un enfant, osent davantage parler, mais malheureusement trop tard. J'insiste sur ce point parce que je crois qu'il serait intéressant, dès aujourd'hui, de leur permettre de retrouver l'équilibre psychologique qu'elles ont perdu.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le président, on ne peut pas comparer l'amendement de M. Lellouche qui propose l'imprescriptibilité des crimes commis contre des mineurs et celui de Mme Royal, qui vise à allonger le délai de prescription de l'action publique de ces crimes en le faisant courir pendant dix ans à compter de la révélation des faits.
    On peut être d'accord avec les arguments de droit invoqués par le rapporteur qui a insisté sur le caractère particulier de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité. En revanche, l'amendement de Mme Royal me paraît très sérieux et bien correspondre aux drames que l'on a pu connaître. C'est pourquoi nous devrions tous l'adopter.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Nous sommes tous d'accord pour considérer que s'il est un crime grave, c'est bien celui de la pédophilie. Tous les constats que les uns et les autres peuvent faire - et les scientifiques nous éclairent beaucoup sur ce point - démontrent que la révélation publique est en fait tardive. Cela explique d'ailleurs que sous la législature précédente une mesure importante ait été prise, qui a fait partir le délai de prescription à l'âge de la majorité. Mais, là encore, je ne suis pas sûr qu'on aille assez loin. D'ailleurs, une étude récente indique que c'est autour de la trentaine que le jeune ayant été victime de ce type de crime opère une sorte de basculement qui l'amène à le révéler.
    M. Bruno Le Roux. C'est vrai !
    M. Gérard Léonard. Je connais une jeune femme de vingt-huit ans qui se trouve dans ce cas. A cet égard, il faut être bien conscient que cette révélation est un acte de thérapie dont on ne peut pas priver la victime dont la vie est brisée.
    Plutôt que d'aller jusqu'à l'imprescriptibilité, il faudrait trouver un juste milieu, mais, à mon avis, ce n'est pas à l'occasion de ce débat qu'on y parviendra. Je dirai même que ce genre de disposition relève plus de la chancellerie que du ministère de l'intérieur.
    M. Christian Vanneste. Très juste !
    M. Gérard Léonard. Pour finir, j'indiquerai, et je crois ainsi pouvoir donner le sentiment des membres du groupe de l'UMP, qu'au-delà de l'effort considérable qui a été fait sous la législature précédente, il faut poursuivre notre réflexion si l'on veut véritablement réprimer comme il convient ce crime et permettre à des centaines, voire à des milliers de jeunes victimes de trouver un équilibre.
    M. Guy Geoffroy et M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. le président. Monsieur Léonard, j'ai bien entendu votre argumentation, mais les deux amendements ne sont pas identiques. Pourriez-vous me préciser votre position pour que les choses soient bien claires ?
    M. Gérard Léonard. L'amendement de M. Lellouche ne me paraît pas adapté. A vouloir en faire trop, on n'en fait pas assez en définitive. L'excès est parfois contre-productif. En revanche, j'avoue que je suis très séduit par l'amendement de Mme Royal.
    Je l'ai déjà dit en commission des lois, je n'en suis donc que plus à l'aise pour le redire aujourd'hui : ce type de disposition s'inscrirait mieux dans un texte déposé par la chancellerie.
    M. Guy Geoffroy et M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. C'est un débat très important, parce qu'il correspond à l'attente de gens qui connaissent aujourd'hui de graves difficultés.
    On comprend bien le problème que soulève la proposition de M. Lellouche : comme il n'y a pas de limite dans l'horreur, le jour où nous aurons décidé que les crimes de cette nature sont imprescriptibles, nous aurons ensuite à nous prononcer sur d'autres types de crimes. L'imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l'humanité.
    Le délai de prescription a été porté à dix ans à partir de la majorité. Mais, comme vient de le dire M. Léonard très justement, cela ne répond pas à toutes les situations. Allonger le délai à dix ans après la révélation des faits, c'est-à-dire à dix ans après le moment où la victime en a donné connaissance, c'est un progrès important. Cela permet d'éviter ces situations dont vous parlez où les victimes ne peuvent plus porter plainte devant une juridiction à quelques mois près.
    Et je ne vois pas pourquoi, alors que, sur tous ces bancs, nous faisons le même constat, nous ne voterions pas cet amendement de Mme Royal qui peut être repris et cosigné par d'autres. C'est une réponse qui me paraît être très attendue.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je reviendrai d'abord sur la forme. Ce projet de loi pour la sécurité intérieure a fixé un certain nombre d'objectifs. Nous avions adopté en commission un amendement sur la lutte contre les réseaux et leur infiltration pour l'étendre, au-delà du seul trafic de drogue, au trafic d'armes, à la pédophilie, à la prostitution, au blanchiment, et nous sommes convenus qu'un texte relevant du ministère de la justice, relatif à la lutte contre la grande criminalité, devrait aborder ces sujets prochainement à l'Assemblée nationale. Je considère donc que des questions comme la lutte contre la pédophilie auraient plutôt leur place dans un tel projet de loi.
    J'en viens maintenant au fond. Rendre les crimes de pédophilie imprescriptibles au même titre que les crimes contre l'humanité ouvrirait la porte à d'autres débats, sur d'autres sujets tout aussi graves, qui pourraient poser des difficultés importantes. Certes, nous devons lutter de toutes nos forces - c'est notre devoir de représentants de la nation - contre les crimes de pédophilie, qui constituent un des crimes les plus odieux au coeur de notre société. Pour autant, on peut s'interroger sur l'amendement de Pierre Lellouche, qui n'est d'ailleurs pas là (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. André Gerin. On ne le voit jamais !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. C'est vrai que j'aurais aimé avoir sa réponse aux remarques qui ont été faites sur tous ces bancs.
    A mon avis, nous avons aujourd'hui, ou lors d'un autre débat, à proposer une solution intermédiaire.
    L'amendement de Mme Royal apporte-t-il une réponse intermédiaire ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cardo. C'est une imprescriptibilité de fait !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Par certains côtés, on pourrait dire que oui. Mais il ne faut pas oublier que, par d'autres, il fait régresser l'état actuel de notre droit. Dans certains cas, en effet, la règle proposée par Mme Royal, est moins favorable que le droit en vigueur. Actuellement, le délai est de dix ans à compter de la majorité, soit jusqu'à vingt-huit ans. L'amendement de Mme Royal propose de le porter à dix ans à compter de la révélation des faits. Mais admettons qu'elle intervienne à l'âge de six ans. Six plus dix égalent seize ans : cela fait ici douze ans de moins que dans le cas précédent. Cela veut dire que dans certains cas, l'amendement de Mme Royal apporte une réponse concrète aux situations dont un certain nombre d'entre vous ont parlé et que, dans d'autres cas, au contraire, il est en régression par rapport au droit en vigueur.
    Toujours est-il que ce débat, il est nécessaire de l'avoir à l'Assemblée nationale, mais nous ne serons sans doute pas en mesure de donner une réponse concrète aujourd'hui.
    M. Gérard Léonard. Excellent rapporteur !
    M. le président. Monsieur le ministre, maintenez-vous votre position ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui.
    M. le président. Monsieur Roman, pourquoi vous agitez-vous ?
    M. Bernard Roman. Je demande la parole.
    M. le président. C'est moi qui organise les débats. Si vous voulez dire quelques mots, faites-le rapidement, car il y a déjà eu plusieurs interventions sur ce sujet. Vous avez la parole, monsieur Roman.
    M. Bernard Roman. A nos yeux, le texte de Mme Royal s'ajoute au droit existant. Il ne remet donc nullement en cause les dispositions en vigueur quant au délai de dix ans après la majorité.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, au vu du débat, il ne me semble pas prudent de modifier ainsi le régime de prescription comme le proposent M. Lellouche et Mme Royal. Le Gouvernement est donc contre leurs amendements.
    On ne peut modifier les règles dans un domaine aussi sensible que celui des prescriptions, un peu au hasard, au détour d'une disposition introduite dans ce texte, qui, comme l'a très bien souligné le rapporteur, ne traite pas du tout de ces questions, dont je ne dis pas pour autant qu'elles ne sont pas intéressantes. Elles constituent, au contraire, l'un des domaines de notre droit les plus complexes, sujet de bien des controverses, et dans lequel on a beaucoup de mal à tout comprendre. A la fin du printemps le garde des sceaux vous présentera un projet de loi sur la justice. Il sera l'occasion, pour l'Assemblée, de se préoccuper des problèmes de prescription. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 316 je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Puisque nous disposons de quelques minutes, je vais laisser se poursuivre la discussion.
    La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Monsieur le président, ce n'est pas parce qu'un certain nombre d'orateurs se sont exprimés qu'un débat est clos. Lorsque je demande la parole, j'aimerais donc qu'on ne m'empêche pas de parler alors que d'autres, peut-être parce qu'ils s'agitent davantage, sont autorisés à s'exprimer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mon cher collègue, nul ne peut vous empêcher de vous exprimer, je vous connais trop.
    M. Pierre Cardo. La preuve !
    M. le président. Cela étant, il est des règles que je m'efforce de faire respecter. En l'occurrence le débat avait été assez large.
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Je ne comprends pas la position de M. le ministre.
    M. Léonard a bien montré que la question avait été soigneusement étudiée dans notre assemblée et débattue sous la précédente législature. Aujourd'hui est fréquemment posé un grave problème lié à la période à laquelle les victimes acceptent d'évoquer ce qui s'est passé. Il apparaît en effet bien souvent que le délai de dix ans après la majorité est trop court. Il ne s'agit pas d'une question dont nous voudrions traiter ce soir de façon non maîtrisée, un peu à la sauvette. Nous avons au contraire beaucoup travaillé ce thème lors de la précédente législature et tous ceux qui connaissent le dossier s'accordent à penser que l'instauration d'une prescription de dix ans à partir de la révélation des faits serait une avancée dans notre droit actuel.
    Tel semblait d'ailleurs être votre opinion, monsieur le ministre, lorsque vous vous en êtes remis à la sagesse de l'Assemblée. Et je ne vois pas quel argument avancé dans ce débat aurait été de nature à modifier votre position et à vous faire considérer que l'introduction de cette disposition dans le texte ne serait pas judicieuse. Certes, comme d'autres mesures qui figurent dans le projet que vous nous présentez, celle-ci pourrait être inscrite dans le texte que nous présentera le garde des sceaux. Mais pourquoi seulement celle-là et pas d'autres ? Au contraire nous nous grandirions à traiter cette question le plus rapidement possible.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Roux, je vous ai donné mes raisons.
    Tout le monde se souvient de ce fait divers dramatique des petites handicapées disparues de l'Yonne, dans lequel le criminel n'a pu bénéficier de la prescription parce que, par un hasard heureux dans ce drame absolu, certains corps n'ont pas été retrouvés. Si tel avait été le cas auparavant, la prescription décennale pour les crimes aurait joué.
    A titre très personnel - même si un ministre ne devrait pas avoir d'avis personnel -, je souhaite que la question de la prescription décennale pour les crimes soit posée calmement, tranquillement. Par exemple, je ne vois pas pourquoi on prévoirait - comme le proposent Mme Royal et M. Lellouch - un système particulier pour des viols, certes odieux, qui seraient révélés très tard, en conservant la prescription décennale pour des criminels qui ont abusé de petites handicapées.
    Je répète, car je me suis peut-être mal exprimé, que le problème de la prescription est l'un des plus compliqués de notre droit, aussi bien d'ailleurs en matière pénale que dans le domaine fiscal. Je défie d'ailleurs quiconque, professionnel ou pas, de s'y retrouver. Parce que les règles sont multiples, il me semble imprudent de les modifier au détour d'amendements qui tendent à faire en sorte que les régimes de prescription varient selon les crimes ou les délits. Tout ce qui risque de complexifier encore notre droit pénal rendra la règle moins visible, donc moins efficace.
    Voilà ce que j'ai voulu dire, monsieur Le Roux, ce qui ne signifie pas que les préoccupations de Mme Royal et de M. Lellouche ne sont pas justes. Néanmoins il ne me semble pas souhaitable de toucher à des questions aussi importantes que les principes de la prescription au détour de telles propositions. L'exemple des petites handicapées de l'Yonne illustre bien le fait que le problème ne se pose pas seulement en cas de viol sur mineur, même si cela est particulièrement dramatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 316.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   129
Nombre de suffrages exprimés   129
Majorité absolue   65
Pour l'adoption   42
Contre   87

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    Mme Martine David. Le groupe socialiste vote contre.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 48 tombe.
    M. Lellouche a présenté un amendement, n° 47, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer l'article suivant :
    « I. - Il est inséré, après l'article 132-75 du code pénal, un article 132-76 ainsi rédigé :
    « Art. 132-76. - I. - Les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime.
    « La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur orientation sexuelle. »
    « II. - Avant le dernier alinéa de l'article 221-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 7° A raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    « III. - Après le sixième alinéa de l'article 222-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 5° ter A raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    « IV. - Après le sixième alinéa de l'article 222-8 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    5° ter A raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    « V. - Après le sixième alinéa de l'article 222-10 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 5° ter A raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    « VI. - Après le sixième alinéa de l'article 222-12 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 5° ter A raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    « VII. - Après le sixième alinéa de l'article 222-13 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 5° ter A raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. M. Lellouche n'est pas là !
    M. le président. Monsieur le rapporteur, pour éclairer le débat, pouvez-vous nous dire quel a été l'avis de la commission sur l'amendement n° 47 ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il n'est pas défendu, je n'ai pas de raison de m'exprimer.
    M. Bruno Le Roux. Nous le reprenons.
    M. le président. L'amendement n° 47 est donc repris.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Les amendements n°s 47 et 46 ont été rejetés par la commission. Comme les deux amendements dont nous venons de discuter, ils traitent de vraies questions. En effet, notre droit permet-il de sanctionner suffisamment les infractions commises pour ce type de motifs ?
    Sur le fond je suis, comme beaucoup d'entre nous, d'accord pour réprouver de tels actes et demander qu'ils soient réprimés de façon ferme et sévère. Cependant, sur la forme comment intervenir ? M. Lellouche propose des solutions mais il y en a sans doute d'autres.
    A cet égard faut-il se limiter aux atteintes aux personnes ? Ne convient-il pas de viser les atteintes aux biens, comme M. Lellouche l'a prévu dans sa proposition de loi pour les actes racistes ?
    Nous devons réfléchir ensemble à ces questions et les travailler. Comme pour les amendements précédents, nous pourrons y revenir, lors de l'examen du texte relatif à la justice.
    En toute hypothèse, l'amendement n° 47 n'a pas sa place dans ce texte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'homophobie est un véritable problème. Ce n'est pas un fantasme. Elle existe et, malheureusement, elle se développe. J'aurais d'ailleurs aimé que M. Lellouche soit présent pour défendre sa proposition, mais M. Le Roux l'a reprise.
    Cela étant j'ai aussi entendu les arguments de la commission des lois. En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. Il ne veut en rien que son attitude puisse apparaître comme une réserve face à la nécessaire lutte contre toute forme d'homophobie.
    Mme Martine David. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. Une fois n'est pas coutume, nous avons le sentiment que, sur le fond, cet amendement mérite d'être soutenu. A son propos, cependant, j'ai une interrogation, mais sans doute mes souvenirs vont-ils être éclaircis par d'autres membres de cette assemblée. En effet, je ne sais plus si, dans la proposition de loi de M. Lellouche, prévoyant qu'étaient des circonstances aggravantes les mobiles racistes, et votée à l'unanimité dans cet hémicycle il y a quelques semaines, nous avons aussi introduit la question de l'homophobie.
    M. Guy Geoffroy. Non !
    M. Bernard Roman. En tout cas, si elle n'a pas été prise en considération, il en a été abondamment question dans les interventions. Il me semble qu'il y avait même un accord unanime sur ce sujet, ce qui est rare, sur les bancs de cet hémicycle.
    Même si l'on ne peut que rejoindre le ministre dans son approche complexe de la question de l'homophobie, nous ferions un geste essentiel en votant cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Lors de l'examen de la proposition de loi de M. Lellouche, votée à l'unanimité, j'ai eu l'honneur d'être le porte-parole de mon groupe. Je me souviens donc parfaitement que le sujet de l'homophobie a été abordé sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l'opposition, mais nous avons tous été d'accord pour reconnaître que ce n'était pas dans un texte sur le racisme qu'il fallait traiter de l'homophobie, essentiellement parce que nous voulions lancer, unanimement, un message contre les crimes racistes et xénophobes qui ont malheureusement connu une forte progression dans notre pays.
    Néanmoins tout le monde a été d'accord pour dire qu'il serait bon que M. Lellouche ou d'autres reprennent cette proposition à l'occasion de l'examen d'un autre texte. Aujourd'hui le groupe UDF la soutiendra donc.
    Récemment encore, l'actualité a fait état d'agressions physiques homophobes, contre les élus de la République d'ailleurs, et je ne parle pas seulement du maire de Paris. Dans le département de Seine-Saint-Denis, trois élus ont été agressés parce que leurs orientations sexuelles étaient connues.
    Selon le même raisonnement que celui qui est suivi pour les crimes racistes, une chose est d'agresser quelqu'un pour lui voler son porte-monnaie, une autre est de l'agresser pour ce qu'il est. Cela constitue une circonstance aggravante, et je remercie le Gouvernement de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée sur cet amendement. Cette disposition permettrait d'affirmer que l'agression d'une personne en raison de ce qu'elle est - sa race, ses opinions, son orientation sexuelle - est une circonstance aggravante du crime commis à son encontre.
    Nous voterons donc cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. S'il est un sujet de nature à réunir un consensus sans faille sur les bancs de notre assemblée, c'est bien celui de la lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment l'homophobie. Néanmoins, comme je l'ai dit à propos des amendements précédents, et comme je ne cesse de le répéter depuis le début de cette discussion, nous examinons un texte relatif à la sécurité intérieure.
    M. Guy Geoffroy. Tout à fait !
    M. Gérard Léonard. Or les auteurs de certains amendements semblent l'ouvrir oublié, en présentant des propositions relevant d'autres dispositifs dont nous aurons à débattre.
    En l'occurrence, si ce projet sur la sécurité intérieure était le seul que nous devions examiner dans les semaines qui viennent, nous pourrions engager la discussion et nous prononcer sur la disposition proposée. Mais, M. le ministre de l'intérieur nous ayant annoncé pour le printemps au plus tard un texte sur la justice, son examen nous donnera l'occasion de revenir sur cette question.
    La qualité du travail législatif passe par la cohérence et la cohésion des textes. Au nom du groupe de l'UMP je suis donc défavorable à l'adoption de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Je peux comprendre l'argumentation qui conduirait à renvoyer l'examen de cette proposition au moment où nous sera soumis le prochain texte sur la justice. Néanmoins les agressions qu'elle vise me paraissent bien relever de la sécurité intérieure, autant que bien d'autres sujets inclus dès l'origine par le Gouvernement dans son projet.
    Nous ne pouvons donc souscrire à ce raisonnement qui conduit à opérer une distinction entre ce qui relèverait de la sécurité intérieure et ce qui serait renvoyé à d'autres textes.
    Mme Nadine Morano. Et pourquoi pas les charcutiers, les boulangers et d'autres catégories ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il a déjà été largement fait référence à la proposition de loi de M. Lellouche, relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie. Or n'oublions pas qu'elle avait été soigneusement travaillée par la commission des lois et qu'elle a donné lieu à un débat approfondi dans lequel plusieurs questions ont été posées touchant aux atteintes aux personnes et aux biens. Sur le sujet concerné le texte apporte des réponses précises.
    En revanche l'amendement en discussion ne porte qu'une disposition très restrictive, très simpliste sur les problèmes posés par l'homophobie. Certes nous dénonçons tous les actes homophobes, mais cette proposition ne creuse pas le sujet. On ne saurait donc la comparer au travail accompli sur le texte relatif à la lutte contre le racisme et la xénophobie. Cet amendement n'a pas fait l'objet d'un travail législatif comparable, ni en commission ni en séance.
    Dans la discussion générale, ou depuis le début de l'examen des articles, nous avons déjà traité de nombreux sujets touchant de très près à la sécurité intérieure. Je pense notamment aux procédures de garde à vue avec la présence de l'avocat, le contrôle audiovisuel, etc., ou encore à l'amendement de la commission sur l'infiltration des réseaux. Tous ces sujets me paraissaient relever bien davantage de la sécurité intérieure que l'amendement de M. Lellouche. C'est la raison pour laquelle j'approuve la position défendue par M. Léonard.
    Bien d'autres dispositions auraient pu avoir leur place dans ce texte. Nous avons décidé qu'il en irait autrement, préférant les renvoyer au prochain texte sur la justice. Tel doit aussi être le cas de la disposition proposée par cet amendement. Nous sommes d'ailleurs demandeurs du débat sur ce sujet, car nous voulons que soient apportées des réponses très claires quant à la lutte contre l'homophobie dans notre pays. Ce débat trouvera toute sa place lors de l'examen du texte sur la justice.
    M. Gérard Léonard. Merci !
    M. le président. Sur l'amendement n° 47 je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. La discussion porte sur des faits très concrets car il s'agit de personnes qui se font attaquer ou à l'encontre desquelles sont commis des crimes et des délits à cause de leur orientation sexuelle. S'il ne s'agit pas d'une question touchant à la sécurité de nos concitoyens, rien de ce que porte ce texte ne concerne la sécurité de nos concitoyens, en tout cas peut-être pas aussi fortement, ou, tout au moins, sur le même plan car je n'ai pas envie de hiérarchiser ce dont peuvent aujourd'hui être victimes nos concitoyens.
    On a parlé des traumatismes qu'ils subissent dans les entrées d'immeubles, dans les cages d'escaliers, mais il ne faut pas oublier les menaces contre ceux dont l'orientation sexuelle est connue dans leur quartier. Je n'accepte donc pas que l'on veuille renvoyer cette disposition à un texte sur la justice, alors qu'il s'agit de la sécurité des personnes. Chacun sait, par exemple, que des bandes organisées mènent une véritable chasse aux homosexuels dans certains endroits.
    Mme Martine David. Tout à fait !
    M. Bruno Le Roux. C'est un véritable problème de sécurité publique. Je n'ai pas envie de me lancer dans des estimations quant au nombre de personnes que cela peut toucher dans notre pays, mais je suis persuadé qu'elles sont certainement aussi nombreuses que celles qui sont concernées par d'autres articles du projet de loi.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement a indiqué qu'il s'en remettait à la sagesse de l'Assemblée et il s'en tient à sa position. Mais je veux attirer l'attention de celle-ci sur le fait que, lorsqu'il s'est agi de condamner l'antisémitisme et le racisme, elle a été unanime. Cette décision a une valeur symbolique forte en raison justement de son unanimité. Dans le cas présent, nous prenons le risque de donner le sentiment que les convictions contre l'homophobie, qui sont de même nature que celles sur le racisme, divisent votre assemblée.
    M. Bernard Roman. Exactement !
    M. André Gerin. Tout à fait !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il en est de même pour l'ensemble de votre projet de loi !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Guen, ce n'est pas parce que vous avez un organe vocal qui porte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), que vos remarques vont ternir la force de mon argumentation !
    M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr que non ! Ce n'était pas dans mes intentions.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vous connais. Quand vous vous sentez en difficulté et que vous me voyez venir, vous commencez à protester. Et vous avez raison !
    Pour ma part, j'aurais préféré que nous nous mettions tous d'accord, dans un prochain texte, sur la lutte contre l'homophobie. Mais je ne voudrais pas qu'on prenne le risque si peu que ce soit de faire croire qu'il y a dans cette assemblée ceux qui sont contre l'homophobie et ceux qui l'acceptent. J'en appelle donc à la sagesse, et plus particulièrement à la réflexion des membres de la majorité étant donné que nous discutons sur un amendement de M. Lellouche repris par M. Le Roux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Alors que la majorité a affirmé très clairement sa volonté que s'ouvre devant le Parlement un débat sur l'homophobie dans notre pays et que soit engagée une lutte farouche contre toutes les formes de celle-ci, alors que la majorité et le rapporteur ont émis le souhait que ce débat soit, pour plus de clarté, renvoyé au texte qui nous est annoncé par le garde des sceaux, M. Perben, l'opposition se livre de toute évidence, en récupérant un amendement,...
    Mme Marie-Françoise Clergeau. En reprenant !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... en reprenant un amendement qu'elle n'avait pas proposé,...
    M. Bruno Le Roux. Nous l'aurions voté !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... à un jeu (« Non, ce n'est pas un jeu ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) cherchant à troubler l'opinion publique !
    M. Manuel Valls. Allez chercher M. Lellouche !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. C'est la raison pour laquelle, dans le prolongement de ce que vient d'affirmer M. le ministre et parce que je ne souhaite pas que la majorité fasse le jeu de l'opposition (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Alain Néri. C'est scandaleux !
    M. André Gerin. Il va nous vexer !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... je propose très sincèrement, très sereinement, très calmement que nous répondions au voeu exprimé par le Gouvernement.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Je voudrais, en quelques mots, rassurer M. le ministre sur les inquiétudes qu'il a exprimées et qui sont fondées. C'est vrai que face à un vote, nos concitoyens ne vont pas toujours rechercher les intentions ou les motifs, ils regardent la brutalité du résultat. Mais, lorsque j'ai expliqué ma position, j'ai clairement indiqué en préambule que, pour l'UMP, l'homophobie était un crime d'une très grande gravité et qu'il fallait lutter contre avec la dernière énergie.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tout à fait !
    M. Gérard Léonard. Compte tenu de l'orientation que prend le débat, je demande, monsieur le président, au nom du groupe UMP, une suspension de séance.
    M. le président. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    A l'issue de cette suspension de séance, les choses se compliquent encore car, sur l'amendement n° 47, M. le rapporteur dépose un sous-amendement, n° 506, ainsi libellé :
    « Compléter l'amendement n° 47 par les paragraphes suivants :
    « VIII. - Après le 8° de l'article 222-24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 9° Lorsqu'il a été commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    « IX. - Après le 5° de l'article 222-30, il est inséré un alinéa 6° :
    « 6° Lorsqu'elle a été commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime. »
    La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Chacun ici, sur tous les bancs de cette assemblée, a exprimé la volonté de s'engager dans une lutte déterminée contre les délits d'homophobie. Ainsi que l'a exprimé le ministre, nous avons le devoir, sur un sujet aussi sensible, de rechercher un consensus, comme nous l'avons fait précédemment sur d'autres sujets tout aussi sensibles, notamment la lutte contre la xénophobie et le racisme.
    La commission des lois n'ayant pas travaillé sur l'amendement n° 47 de M. Lellouche, je vous propose, en ma qualité de rapporteur, d'y apporter quelques améliorations avant qu'il ne soit soumis au vote.
    Il s'agit d'ajouter la mention : « Lorsqu'il a été commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime » également après le 8° de l'article 222-24 punissant le viol de vingt ans de réclusion criminelle, et après le 5° de l'article 222-30 punissant les agressions sexuelles de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.
    Tel est le sous-amendement à l'amendement présenté par M. Lellouche et repris par l'opposition que votre rapporteur vous propose d'adopter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. J'avais demandé le rejet de l'amendement, en prenant soin de souligner, pour éviter toute interprétation tendancieuse, que nous considérions tous l'homophobie comme un danger contre lequel il fallait lutter avec la dernière énergie, et j'avais expliqué que, pour des raisons de rigueur législative, il fallait renvoyer de telles dispositions, comme celles sur la pédophilie, à un texte sur la justice. Une telle explication me paraissait suffisante.
    Cela dit, on ne peut être insensible, surtout lorsqu'on appartient à la majorité, aux arguments développés par M. le ministre de l'intérieur : au fond, ce qui compte, c'est moins les intentions que la réalité des actes et l'interprétation qui va en être donnée pour l'opinion publique, et, par conséquent, même si ce n'est pas de bonne politique législative que d'introduire de telles dispositions dans un projet de loi sur la sécurité intérieure, politiquement, il serait plus heureux que nous le votions.
    C'est pourquoi, même si, sur le fond, notre opinion n'a pas changé, le groupe UMP votera l'amendement et le sous-amendement.
    Du coup, je regrette d'avoir voté contre l'amendement sur la pédophilie, parce qu'il entre exactement dans la même catégorie, mais c'est fait !
    Mme Marie-Françoise Clergeau. C'est dommage !
    M. Gérard Léonard. Dorénavant, je m'autoriserai peut-être des libertés que, jusqu'à présent, je me suis interdit de prendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Cet amendement, qui n'a pas été examiné en commission, me paraissait si bien correspondre au thème du débat que je l'ai repris. Le sous-amendement ne fait que le compléter, comme cela aurait pu être le cas en commission, et nous le voterons.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 506.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 47, modifié par le sous-amendement n° 506.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   151
Nombre de suffrages exprimés   149
Majorité absolue   75
Pour l'adoption   133
Contre   16

    L'Assemblée nationale a adopté.
    M. le président. M. Lellouche a présenté un amendement, n° 46, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 undecies, insérer la division et l'intitulé suivants :
    « Chapitre V quater : dispositions relatives à la lutte contre l'homophobie. »
    C'est un amendement de conséquence.
    Je peux considérer que le vote est identique.
    (L'amendement est adopté.)

Avant l'article 18

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du chapitre VI :

« Chapitre VI

« Dispositions relatives
à la tranquillité et à la sécurité publiques »

    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, et M. Gérard Léonard ont présenté un amendement, n° 89, ainsi libellé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « L'article 131-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « 8° Deux mois au plus. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cet amendement est important parce qu'il démontre que, contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là lors du débat sur la prostitution, le seul objectif recherché est de lutter contre l'exploitation de la prostitution, contre les réseaux qui organisent cette prostitution et contre les proxénètes, et en aucun cas de nous engager dans une criminalistation, une pénalisation de la prostitution et des prostituées elles-mêmes.
    C'est la raison pour laquelle la commission des lois a proposé que la peine d'emprisonnement pour délit de racolage, qui était de six mois dans le texte adopté par le Sénat, soit ramenée à deux mois. L'essentiel, ainsi que j'ai eu l'occasion de l'exposer ici, n'est pas l'emprisonnement, mais la constitution du délit, qui permet notamment de procéder au placement en garde à vue. On pourra alors proposer aux prostituées étrangères soit de leur retirer un titre de séjour et de les raccompagner à la frontière, soit de prolonger un titre de séjour, voire de leur accorder une autorisation de travail ainsi que nous le verrons un peu plus tard dans un autre amendement. Il s'agira aussi de compléter les mesures sociales comme cela a été suggéré par l'amendement de M. Gerin tout à l'heure ou par le Gouvernement il y a quelques instants.
    C'est donc une mesure qui permet de renforcer l'équilibre entre la nécessité de pénétrer et de poursuivre les réseaux de prostitution et celle de préserver la dimension humaine.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Je suis très choquée par la disposition proposée, mais aussi par vos explications, monsieur le rapporteur. Je sais qu'il y a déjà eu des débats à ce sujet sur d'autres articles, mais je ne comprends pas que l'on puisse dire dans l'enceinte de l'Assemblée nationale que l'on crée une peine, qu'on l'inscrit dans le code pénal, qu'elle ne sera jamais appliquée, qu'elle servira uniquement à mettre quelqu'un en garde à vue pour lui arracher des aveux. C'est terrible d'entendre cela dans cette enceinte. Je ne vois pas du tout comment les magistrats qui vont recevoir une plainte concernant un racolage pourront réagir. Chacun sait qu'ils recherchent à saisir l'esprit de la loi dans le Journal officiel de nos débats. Il y a quelque chose de très grave à réformer totalement la garde à vue en créant une peine qui ne serait jamais appliquée. On ne joue pas avec la loi, je le dis solennellement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Lionnel Luca. Cela vous va bien de dire ça !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. J'irai bien évidemment dans le sens de l'intervention de Marylise Lebranchu. Non seulement cette disposition est dangereuse et attentatoire à la dignité, mais c'est un recul du droit. Or nous ne sommes pas dans cette enceinte pour faire reculer l'Etat de droit, mais pour le faire avancer.
    A plusieurs reprises, quand nous avons fait des propositions, certains de nos collègues nous répondaient avec une fausse candeur que de tels amendements ne pouvaient être introduits dans un texte concernant la tranquillité et la sécurité publiques mais devaient figurer dans un texte sur la justice.
    Là, on nous propose purement et simplement de revoir la garde à vue à sa convenance pour l'appliquer à une catégorie particulière de la population. C'est donc un renforcement de la stigmatisation d'une certaine catégorie de population. Tous les arguments que j'ai pu entendre de la part de nos collègues de la majorité sur le fait que les propositions que nous faisions ne pouvaient pas figurer dans ce texte tombent avec l'amendement que nous propose M. Estrosi, qui est, permettez-moi de le dire, dangereux et liberticide.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il a raison !
    M. Noël Mamère. C'est un recul du droit !
    M. Jean-Marie Le Guen. Une stigmatisation !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame Lebranchu, nous avons eu un débat passionnant et très serein cet après-midi. Si j'ai bien compris votre argumentation, c'est scandaleux de pénaliser le racolage. Vous avez été garde des sceaux. A l'époque, le racolage actif était pénalisé. Pourquoi n'avez-vous pas changé la loi ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça n'a rien à voir !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela ne vous choquait pas !
    M. Bruno Le Roux. C'était une contravention !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je propose que le racolage passif soit traité au même titre que le racolage actif pour ne pas donner lieu à une interprétation abusive de la police et cela devient liberticide.
    On l'a dit tout à l'heure, les prostituées ne sont pas librement sur le trottoir. Elles y sont mises par les proxénètes, notamment les prostituées étrangères, qui ne sont pas venues par l'opération du Saint-Esprit. Je ne vois pas au nom de quoi il faudrait laisser les proxénètes exposer leurs produits sans que la police dise quelque chose. C'est comme si on laissait un trafiquant de drogue exposer des produits illicites au vu et au su de tout le monde. Pourquoi mettre en vitrine un produit qu'on n'a pas le droit de consommer ? Voilà exactement la même situation.
    Si les proxénètes sont des esclavagistes, ils obligent des filles à être sur le trottoir. Aujourd'hui, ils le font librement. A qui cela facilite-t-il la tâche ? Aux proxénètes, pas aux filles ! Donc en rendant le racolage pénalement répréhensible, on complique la tâche des proxénètes, pas des filles.
    Mme Nadine Morano. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Soit les filles sont libres, et vous avez raison, on pénalise la victime. Soit ce sont des esclaves et, dans ce cas-là, ne venez pas nous dire que c'est une liberté d'être sur le trottoir ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) En pénalisant le racolage, on pénalise ceux qui profitent du racolage parce qu'ils mettent des filles sur le trottoir.
    Quel est cet Etat de droit, cette démocratie qui s'accommode de l'idée que les voitures de police peuvent passer devant des filles qui sont rendues au rang d'esclaves sans avoir rien à dire ? Et qu'est-ce que c'est que ces pudeurs de ne pas oser aller chercher l'argent du crime là où il est ? A qui rend-on service quand on rend impossible l'exposition de ces malheureuses ? A ces malheureuses que l'on va libérer du joug de leurs tortionnaires.
    Quant à la peine de deux mois, ce n'est pas la peine de fantasmer. C'est un maximum et, de toute manière, les juges du siège sont indépendants et mettent la peine qu'ils souhaitent.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Absolument !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'avais prévu six mois parce que c'était la peine minimale. La commission des lois nous propose de créer en quelque sorte un nouvel échelon. Nous ne nous intéressons pas à la durée de l'emprisonnement, chacun l'a bien compris, nous cherchons à compliquer la tâche des proxénètes.
    M. Dominique Le Mèner. Absolument !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et comment faire si vous les laissez librement mettre les filles ou les garçons sur le trottoir ? Cela n'a pas de sens ! Ce raisonnement est d'une incohérence totale. Avec ce projet on protège les prostituées. Je persiste et je signe, il n'a rien de liberticide. En laissant les filles sur le trottoir, on facilite le travail des proxénètes. En poussant le raisonnement plus loin, on pourrait dire : proxénètes de tous les pays, venez donc en France, puisqu'on peut y mettre une fille sur le trottoir dans n'importe quelles conditions, sous la pluie, par moins 10 degrés, car, de toute manière, l'Etat s'en fout et n'est pas capable de faire respecter la loi ! Voilà la réalité des choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le seul domaine dans lequel il faut faire de la pédagogie, c'est celui-ci. Pourtant, je n'ai pas reculé d'un centimètre, parce que je suis profondément persuadé qu'on va dans le bon sens. Au nom de quoi peut-on laisser des gens exploiter la misère humaine sans rien dire ? A ce moment-là, ce sera moins facile de mettre des filles sur le trottoir. Ils les mettront peut-être alors à l'hôtel ou en chambre, c'est vrai. L'argument est pertinent, je l'ai reconnu dès le début et je suis à la disposition de l'Assemblée nationale pour voir ce qu'on peut faire pour cette nouvelle forme d'esclavage. Mais traitons au moins celle qui est là, qui empoisonne la situation dans nos villes. On a un moyen d'agir, ayons un peu de courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Je crois que chacun souhaite l'arrêt de la traite des êtres humains par la prostitution.
    Je trouve anormal, monsieur le ministre, qu'on dise dans cette enceinte, parce que M. le rapporteur l'a dit, qu'on crée une peine de deux mois d'emprisonnement pour que la police puisse mettre les personnes concernées en garde à vue et les amener à dire le nom de leur proxénète. Le délit existait avant, m'avez-vous répondu. C'était une contravention, donc d'une tout autre nature.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Une contravention de cinquième classe, ce n'est pas rien !
    Mme Marylise Lebranchu. Aujourd'hui, malheureusement, les prostituées ont davantage peur de leur proxénète que de la police. Vous avez lu, comme moi, un certain nombre de rapports. Vous savez très bien que, même si la police les met en garde à vue, si on leur a dit que, si elles révélaient quoi que soit, leurs parents seraient assassinés ou leur enfant enlevé, elle ne réussira pas à leur faire dire le nom de leur proxénète. On peut malheureusement arriver à un tout autre résultat, vous l'avez évoqué tout à l'heure. Puisque les proxénètes ne pourront plus les mettre sur un trottoir, ils trouveront d'autres solutions.
    Lorsqu'on crée une peine, elle doit être justifiée, applicable, et appliquée. On ne peut pas légiférer autrement. Par ailleurs, il est dommage que les prostituées ne puissent pas rencontrer suffisamment de membres d'associations, et même de policiers, parce que certains ont très bien travaillé, en particulier, il y a deux ans, dans la région de Saint-Ouen ou dans la circonscription de Mme de Panafieu, en réussissant à expliquer, à convaincre que les menaces étaient fausses, etc. Ce qu'on fait ce soir, cela permettra de ramasser les prostituées, mais malheureusement, on ne touche pas suffisamment aux réseaux de proxénètes.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Madame Lebranchu, je n'ai à aucun moment indiqué qu'il s'agissait d'une peine qui ne serait jamais appliquée. Vous intervenez ce soir. Je me permets simplement de vous rappeler que le débat a eu lieu dans le moindre détail sur l'article 17 qui concerne la traite des êtres humains. Nous n'avons cessé, les uns et les autres, de confronter nos opinions et de détailler les conditions dans lesquelles devait s'appliquer la loi.
    Nous proposons une peine de prison qui passe de six mois à deux mois.
    Le juge d'application des peines...
    M. Jean-Marie Le Guen. Non !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Le juge...
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne le contrôlez pas !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... décidera si la peine de prison doit ou non s'appliquer. Ce n'est pas à nous de le dire.
    Vous avez été garde des sceaux. A quel moment avez-vous pris des dispositions permettant aux forces de l'ordre d'agir ? Vous nous dites que, de toute façon, les prostituées ne parleront jamais et, quelques secondes plus tard, vous nous expliquez que, dans la circonscription de Mme de Panafieu, par exemple, la police a réussi à les faire parler.
    M. Bernard Roman. C'est parce qu'elles n'étaient pas en garde à vue !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. C'est tout de même contradictoire. Cela dit, on voit ainsi que, lorsque la police a des moyens d'agir, elle peut faire parler des prostituées. Aujourd'hui, elle n'a pas de véritables moyens légaux. Encore une fois, ce qui importe d'abord, c'est d'assurer la sécurité des personnes et des biens avant de légiférer sur les simples problèmes sociaux qui peuvent atteindre telle ou telle catégorie de la population.
    En faisant passer la peine de six à deux mois, nous ne changeons rien au dispositif proposé par le Gouvernement qui, en assimilant le racolage passif au racolage actif, permet à la police de placer les prostituées en garde à vue, et d'engager avec elles une véritable discussion dans le cadre légal de toute procédure de garde à vue. Une prostituée étrangère aura le choix entre ne rien dire et alors se voir retirer son titre de séjour et raccompagner à la frontière ou, au contraire, désigner son proxénète et apporter sa contribution au démantèlement d'un réseau de proxénétisme et se voir proposer un titre de séjour prolongé, voire, grâce à un amendement que je vous suggérerai un peu plus loin, une autorisation de travail pour s'assurer, sur le territoire national, un revenu par un autre biais que la prostitution.
    Je comprends, madame Lebranchu, qu'aujourd'hui, vous ne souhaitez pas donner toutes ces possibilités à la police, car vous n'êtes guère enthousiaste lorsqu'il s'agit de renforcer les moyens dont elle dispose pour démanteler ces trafics et ces réseaux.
    Mme Martine David. Arrêtez les procès d'intention !
    Mme Marylise Lebranchu. C'est n'importe quoi !
    M. Bernard Roman. Tenez-vous en à votre rôle de rapporteur !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Quoi qu'il en soit, nous proposons d'adoucir la peine d'emprisonnement en la faisant passer de six à deux mois. Ce n'est pas pour qu'elle ne s'applique pas, mais pour qu'elle ne s'applique que lorsque la prostituée n'acceptera pas d'apporter sa contribution à l'élucidation de la vérité.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le rapporteur, on ne peut pas continuer comme ça !
    M. Christian Estrosi, rappporteur. Mais Mme Lebranchu n'avait pas suivi !
    M. le président. Mes chers collègues, ce débat a déjà eu lieu - et longuement - cet après-midi. Je souhaite que les interventions soient courtes, car chacun a eu l'occasion de s'exprimer.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, nous avons eu tout à l'heure un débat très intéressant, mais théorique. Nous rentrons maintenant dans le vif du sujet et dans la réalité : il faut faire voter par l'Assemblée nationale une peine de prison pour les prostituées. C'est du concret. Et, comme la majorité n'a pas le courage d'assumer cette politique (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Lionnel Luca. Mais si, on va l'assumer !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... elle vient nous expliquer que c'est un élément de procédure, mais que, bien entendu, la chose ne se fera jamais. Comment le législateur peut-il, comme le disait Marylise Lebranchu, accepter un tel point de vue ? Comment peut-on croire que cela ne se passera jamais ? Qui d'entre vous peut parler au nom des magistrats ? Il y a quinze jours, une mère de famille n'a-t-elle pas été envoyée en prison parce qu'elle était incapable, disait le juge, d'assumer l'éducation de ses enfants ? Je m'étonne qu'on n'en ait pas parlé plus fort sur certains bancs, mais c'est un autre sujet. Comment, sachant cela, a-t-on pu croire une seconde que le texte qu'on va voter ne sera pas appliqué ? Il y manque presque un adjectif : il faudrait parler des prostituées « étrangères », mais, comme le mot ne figure pas dans le texte, ce sont bien toutes les prostituées qui sont visées, y compris les mères de famille. Quand on les aura condamnées à deux mois de prison, que fera-t-on de leurs enfants ? On les mettra à la DDASS ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle). C'est ce que vous proposez ? Vous ne maîtriserez plus ce que vous vous apprêtez à voter. Je ne vous fais aucun procès d'intention, mais je vous dis que vous allez voter un texte liberticide, de régression sociale, qui amènera à des cas dramatiques, un texte scandaleux ! (Mêmes mouvements.)
    M. le président. La parole est M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je crains, monsieur le président, que la sérénité qui présidait aux débats de cet après-midi ne soit sérieusement éronnée ce soir.
    M. le président. Je n'en suis aperçu.
    M. Guy Geoffroy. M. Le Guen s'est énervé tout seul !
    M. Noël Mamère. M. le ministre a pris l'initiative de lancer le débat politicien en se livrant à l'une de ces grandes envolées auxquelles il nous a habitués...
    M. Bernard Accoyer. Vous pouvez parler !
    M. Noël Mamère. ... sur le thème : toutes les personnes prostituées sont dépendantes des proxénètes et sont étrangères. Il a ainsi plaidé, dans un grand élan de démagogie - n'ayons pas peur des mots - (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Edouard Landrain. C'est un spécialiste qui parle !
    M. Noël Mamère. ... pour une France propre, parce qu'il n'a pas voulu nous dire ce que recherchent cette majorité et ce Gouvernement pour faire plaisir au bon peuple de France qui, paraît-il, aurait peur de tout ce qui ne lui ressemble pas : des mendiants, des squatters, des gens du voyage, des prostituées, des étrangers. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. Lionnel Luca. Ridicule !
    M. Philippe Pemezec. C'est scandaleux !
    M. Noël Mamère. Le Gouvernement nous dit : « Je ne veux plus voir une seule personne prostituée sur le trottoir ! »
    M. Dominique Le Mèner. Esclavagiste !
    M. Noël Mamère. M. le ministre de l'intérieur, dans son argumentaire, a bien reconnu le danger de ce type de législation et de ce type de projet. Il nous a dit : « Oui, je le reconnais, je vais déplacer les prostituées. » Elles ne seront plus sur les trottoirs, mais, peut-être, dans des hôtels et dans des lieux que nous ne pourrons plus contrôler. Dès lors, nous ne pourrons plus mener une politique sanitaire et sociale. Pour reprendre ce que disait cet après-midi mon collègue Le Guen, on se demande où est la République sociale !
    M. Guy Geoffroy. C'est de la caricature !
    M. Noël Mamère. Au fond, ce qu'on nous propose aujourd'hui pour les prostituées, c'est exactement la même chose que la prétendue lutte contre l'insécurité et la délinquance. Il s'agit de la notion de tolérance zéro qui a montré ses limites, à New York et ailleurs.
    M. le président. Merci, monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. On ne veut pas voir, on pratique la politique de l'autruche, on déplace mais on ne s'attaque pas à la racine du problème.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, mes chers collègues, depuis les deux interventions précédentes, on a davantage l'impression d'être dans un meeting qu'à l'Assemblée nationale.
    Madame Lebranchu, monsieur Le Guen, je ne pense pas que quiconque ici prenne les magistrats de notre pays, ceux à qui l'on confie le soin de juger en fonction de la loi, pour des débiles profonds ou pour des irresponsables.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais c'est nous qui faisons la loi !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Vous dites que les juges feront n'importe quoi et condamneront n'importe comment. En vérité, que propose cet amendement, auquel l'un des membres de notre groupe, Pierre-Christophe Baguet, avait travaillé avant que la commission ne le reprenne ? Entre les déclarations qui sont faites dans l'hémicycle et la décision qui est prise dans un tribunal, il y a une grande marge, et c'est heureux, car on entend suffisamment d'excès dans l'hémicycle pour espérer qu'il n'y en aura pas dans un tribunal. Le texte du Gouvernement parle d'une peine de six mois. L'amendement propose de réduire à deux mois. D'une certaine façon, il va donc dans votre sens, puisque vous jugez que, même deux mois, c'est excessif. Or, ce qui déclenche vos excès d'indignation, ce ne sont pas les six mois proposés par le Gouvernement, mais la réduction à deux mois.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faut sous-amender : « Surtout, ne l'appliquez pas ! »
    M. Jean-Christophe Lagarde. D'autre part, pour l'instant, la décision de qualifier le racolage d'actif ou de passif relève de l'appréciation totalement arbitraire d'un fonctionnaire de police. En décidant qu'il n'y a pas de distinction entre les deux, on permet l'interpellation lorsqu'elle est nécessaire. Si vous n'avez pas confiance dans les magistrats de notre pays, il va devenir sacrément difficile de faire des lois.
    M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu.
    M. Jean-Marie Le Guen. Et vous, vous n'avez pas confiance dans les parlementaires !
    M. Philippe Pemezec. Mais vous n'êtes pas majoritaires !
    M. le président. Monsieur Le Guen, vous n'avez pas la parole. Veuillez écouter Mme de Panafieu.
    Mme Françoise de Panafieu. J'avais décidé, m'étant très largement exprimée sur le sujet, de ne pas prendre part à cette partie du débat, mais, comme mon nom a été cité, je voudrais, ici, me faire entendre.
    Je ne répondrai pas à M. Mamère et à M. Le Guen qui ont fait de la provocation. Je me tournerai vers Mme Lebranchu, qui est venue dans mon arrondissement et qui a tenu, ce soir, des propos sincères.
    Nous aimerions tous trouver la bonne solution, mais nous savons qu'elle n'existe pas. Nous nous contentons donc de chercher la moins mauvaise. Depuis que cette prostitution esclavagiste est arrivée, et comme on ne fait pas la différence entre un racolage actif et un racolage passif, on n'arrive à rien. Il faut donner à la police le pouvoir d'agir. Or cela implique qu'elle puisse interpeller des prostituées, même quand elles ne se trouvent pas dans une situation extrêmement provocante, c'est-à-dire quasiment nues. Vous savez bien ce qui se passe sur les boulevards des Maréchaux : une prostitution habillée, mais racoleuse, et, face à cela, en l'état actuel de nos textes, la police ne peut pas agir. Nous n'avons donc plus le choix. Il faut s'attaquer au problème dans deux directions. Nous devons d'abord permettre à la police d'agir enfin sur ces réseaux de proxénètes, en les désorganisant par l'arrestation des jeunes femmes, forçant ainsi les proxénètes à se manifester. Ensuite, il faut adresser un message clair à l'extérieur de nos frontières, et dire, une bonne fois pour toutes, que la France n'est plus un pays où un proxénète peut installer des réseaux. Nous y contribuerons en votant ce texte.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    Mme Françoise de Panafieu. Il faut envisager le problème sous deux angles et c'est pourquoi je dis que l'on doit rechercher la moins mauvaise des solutions. Or, ce que Nicolas Sarkozy propose aujourd'hui en tant que ministre de l'intérieur me paraît la moins mauvaise des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, et M. Gérard Léonard ont présenté un amendement, n° 90, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Dans l'article 222-16 du code pénal, les mots : "ou les agressions sonores, réitérés sont remplacés par les mots : "réitérés ou les agressions sonores. »
    La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Cet amendement vise l'article 222-16 du code pénal et plus précisément l'incrimination d'agression sonore. Au terme de ce texte, le délit ne peut être constitué que lorsqu'il y a réitération de l'agression. Or, chacun sait ici que cette condition rend pratiquement inapplicable l'incrimination. L'amendement vise donc à supprimer cette condition de réitération.
    M. le président. Je suppose, monsieur le rapporteur, que vous êtes d'accord.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Tout à fait.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 161, ainsi libellé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « I. - L'article 322-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les dispositifs du premier alinéa s'appliquent aux incendies de véhicules à moteur. D'après les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits incriminés, des peines de retrait de permis de conduire ou des travaux d'intérêt général, peuvent être requises. »
    « II. - L'article 322-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Cette peine s'applique pleinement lorsqu'il s'agit d'un véhicule à moteur. Lorsque l'auteur des faits concernant des véhicules à moteur est appréhendé pour la première fois, et selon l'âge, seront appliquées les dispositions précitées pour l'article 322-1 du présent code. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Cet amendement concerne le très grave problème des incendies de voitures, que je connais bien. Dans l'agglomération lyonnaise, en effet, plus de 2 000 voitures ont été brûlées en 2002. En gros, un tiers des voitures brûlées sont des voitures volées, avec trafic de pièces détachées. Cela cache des réseaux mafieux d'un certain niveau et les voitures sont incendiées dans des quartiers symboliques. Un autre tiers est brûlé par jeu. Pour le reste, les explications sont diverses, mais on sait, par exemple, que certains citoyens ont recours à ce procédé pour faire jouer les assurances.
    Du point de vue de la sécurité intérieure, cette question est majeure, car elle a des répercussions sur la vie sociale et urbaine, des répercussions psychologiques de dramatisation, en diffusant le sentiment que l'on vit assiégé.
    Je suis de ceux qui pensent - on en discute beaucoup dans l'agglomération lyonnaise - que, sur ces sujets-là, il y a un grand nombre de choses à faire, que les idées et les solutions ne manquent pas. La plupart du temps, les propriétaires des voitures incendiées habitent les mêmes quartiers que les incendiaires. On peut toujours expliquer ces actes par l'oisiveté : quelles que soient les raisons, et même si l'on veut essayer de comprendre, rien n'excuse ces actes. Il faut se placer du point de vue des victimes de ces actes de vandalisme ou de ces incendies, car leur voiture est souvent leur seul moyen de locomotion pour se rendre au travail, leur seul patrimoine. Je ne parle pas des problèmes d'assurances, car, quand on s'est fait brûler sa voiture une, deux ou trois fois, on ne trouve plus personne pour assurer son véhicule.
    La répétition de ces actes vis-à-vis des mêmes victimes et dans les mêmes quartiers entraîne un fort sentiment d'impunité. Les gens ont le sentiment qu'une machine infernale est en marche, face à laquelle toutes les institutions de l'Etat ont démissionné. Les auteurs d'incendies de véhicules sont rarement connus. Lorsqu'ils le sont, on se heurte à la loi de l'omerta. Le parquet hésite souvent à engager des poursuites, lorsque les peines encourues sont lourdes. Les paradoxes sont nombreux dans cette affaire-là.
    Avec cet amendement, nous souhaitons rendre lisible le type de délit, en le spécifiant dans le code pénal, afin d'avoir une action efficace et, surtout, rapide. Il y a en effet un problème d'efficacité en matière de décision et de rapidité.
    Nous souhaitons rendre la sanction efficace, non pas en l'aggravant, mais en prévoyant une graduation, pour encourager l'engagement des poursuites, sans délai. Nous voulons lutter contre l'impunité avec les premières interpellations, notamment là où il y a la présence de mineurs et, dans des cas, de multirécidivistes.
    J'ai bien conscience que cela suppose la mise en place d'une police de proximité.
    M. le président. Monsieur Gerin !
    M. André Gerin. Je termine, monsieur le président. Mais le sujet est d'importance.
    M. le président. Oui, le sujet est d'importance.
    M. André Gerin. Et j'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous avez parlé de la police d'investigation et de la police judiciaire, qui doivent jouer un rôle très important pour l'élucidation des affaires. On a beaucoup parlé également de la police scientifique et technique.
    J'ai, pour ma part, proposé l'utilisation de caméras infrarouges, car, dans l'agglomération lyonnaise, c'est toujours aux mêmes endroits que cela se passe.
    Cet amendement entend à la fois être exemplaire, humain et ferme, et montrer aux habitants de ces quartiers que non seulement il n'y a pas d'impunité, mais qu'il y a des actes.
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Gerin, je partage à la lettre tout ce que vous venez d'exprimer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Lejeune. Très bien !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. C'est du concret et du réel.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Exactement !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous reprenez quasiment à la lettre tout ce que nous avons décrit dans le moindre détail au mois de juillet dernier à l'occasion du débat sur la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure. Vous utilisez des expressions comme « impunité », « actes de violence quotidiens », « nécessité de mettre en place des systèmes de caméras infrarouges pour surveiller en permanence les lieux les plus exposés ». Vous nous rappelez que les victimes de ces incendies sont systématiquement les plus faibles, les plus démunis, les plus exposés de nos concitoyens. Tout cela, nous n'avons cessé de le dénoncer lorsque nous avons appelé à une grande politique reposant sur le principe de l'impunité zéro.
    Bravo, monsieur Gerin, je suis heureux de voir qu'aujourd'hui une partie de l'opposition rejoint totalement nos positions et approuve les moyens que nous proposons de mettre en oeuvre pour en finir avec une situation inacceptable.
    Mais vous me permettrez aussi de vous dire que si votre amendement, tel qu'il est rédigé, aurait trouvé pleinement sa place dans la loi d'orientation, il n'est pas forcément opportun de faire figurer dans ce texte des dispositions tendant à lutter contre les auteurs d'incendie de véhicule ou de locaux à poubelles. Vous savez, je connais bien ces problèmes, car si de tels actes sont commis dans la banlieue lyonnaise que vous connaissez bien, sachez que c'est aussi régulièrement le cas dans ma circonscription. J'ai eu droit comme beaucoup d'autres, à la Saint-Sylvestre, à des voitures brûlées, des locaux de poubelles brûlés, des vitrines brisées, des magasins pillés. C'est hélas ce que nous connaissons depuis un certain nombre d'années - et c'est aussi ce à quoi nous avons décidé de mettre un terme, par une politique ferme et déterminée et par l'engagement des moyens nécessaires.
    Les réponses à tous ces problèmes ne seront pas apportées par un amendement tel que celui que vous proposez mais par l'augmentation des moyens mis à la disposition de la police, notamment en matière d'investigation. C'est cette politique que le Gouvernement a engagée avec la loi d'orientation, avec l'organisation territoriale de la police, ou encore avec la création des groupements d'intervention régionaux, lesquels vont permettre de démanteler tous les réseaux d'économie souterraine qui existent dans les cités difficiles, tous ces réseaux de petits caïds qui commettent aujourd'hui de tels actes dans l'impunité. Cette politique renforce également, bien sûr, les moyens d'investigation de la police judiciaire comme ceux de la police technique et scientifique. C'est toute cette politique que je vous invite à soutenir de votre côté. Mais je répète qu'il est difficile d'introduire cet amendement, tel qu'il est rédigé, dans la loi pour la sécurité intérieure.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Monsieur le rapporteur, si vous découvrez le discours que je tiens aujourd'hui, c'est que vous ne me connaissez pas suffisamment.
    M. Lionnel Luca. On a entendu celui que vous avez tenu la semaine dernière !
    M. André Gerin. Je prends un exemple précis, que tout le monde connaît ici, celui de ce pompier qui a eu la jambe arrachée par l'explosion du réservoir de GPL d'une voiture. Le jugement des auteurs de cet acte - cinq mineurs étaient concernés - a eu lieu trente-deux mois plus tard. C'est insupportable ! Insupportable !
    M. Manuel Valls. Absolument !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Oui c'est inadmissible !
    M. André Gerin. Et je peux vous dire que je n'ai pas d'états d'âme de ce point de vue.
    M. Roland Chassain. Et qu'est-ce que vous avez fait pendant cinq ans ?
    M. Jean-Marc Lefranc. Bonne question !
    M. Guy Geoffroy. Eh oui ! C'est à Jospin qu'il aurait fallu le dire !
    M. André Gerin. Mais je l'ai dit à Jospin.
    M. Guy Geoffroy. Il n'a pas bien entendu !
    M. André Gerin. Vous venez de parler des petits caïds, monsieur le rapporteur, mais je voudrais attirer votre attention sur un problème encore plus grave. Dans les trafics de pièces détachées, il y a des gens, d'un certain niveau, qui se servent des petits caïds, qui se servent du malheur des gens, qui viennent brûler les voitures. Tout cela est gravissime. Et cet amendement a pour but de contribuer à résoudre ce problème. Bien sûr qu'il mériterait un travail complémentaire, j'en conviens bien volontiers, je ne défends pas mon texte en soi. Mais il a pour but de vous faire comprendre qu'il faut que quelque chose se passe dans ce pays. Aujourd'hui, pour l'incendie d'une voiture, les peines sont tellements lourdes que les magistrats ne sont pas en mesure de les appliquer. Je ne dis pas qu'il faut les remettre en question, ces peines, mais je dis qu'il faut trouver des mesures qui aient pour effet d'être pédagogiques, des mesures concrètes et immédiates, pour que ça serve de leçon du point de vue de la République et poser des limites.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, après quoi nous passerons au vote.
    M. Pierre Cardo. Nous parlons là de problèmes que nous vivons tous les jours, monsieur Gerin, mais je n'ai pas bien saisi en quoi l'amendement que vous proposez va aider à leur apporter une solution.
    M. Manuel Valls. Il va vous réexpliquer !
    M. Pierre Cardo. Je comprends bien votre raisonnement. Vous dites en substance : les peines sont tellement lourdes que les magistrats hésitent à les prononcer et, dans ces conditions, les auteurs ne sont pas punis, ce qui fait que la loi est de moins en moins lisible ; et en plus il y a l'omerta, de sorte que, finalement, les gens ont l'impression qu'on ne s'occupe pas d'eux. Mais, monsieur Gerin, je vous ferai observer que la peine de prison qui est proposée est une peine maximale : rien n'empêche le juge de prononcer une peine inférieure. D'autre part, vous dites qu'un TIG serait préférable. Mais dès lors que la peine de prison est prévue, le TIG est par définition proposé à l'intéressé, puisqu'il est une peine de substitution à la prison. Encore faut-il que le juge ait l'accord de l'intéressé. Quant au retrait du permis de conduire, encore faudrait-il, pour appliquer cette peine, que la personne en question ait son permis.
    Donc, si vous voulez, je comprends bien l'esprit de votre amendement, mais je ne crois pas que sa rédaction apporte une solution.
    M. André Gerin. Proposez un sous-amendement !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen, M. Roman et Mme Génisson ont présenté un amendement, n° 456, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « L'article 3421-1 du code de la santé publique est supprimé. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement concerne le problème qui est au fond assez bien connu, des peines d'emprisonnement pour toxicomanie qui sont prévues dans notre code pénal alors que, de fait, elles ne sont pas appliquées, et ce depuis longtemps. Plusieurs gardes des sceaux ont d'ailleurs donné des consignes en ce sens, en rappelant, à intervalles réguliers, qu'il était souhaitable que les toxicomanes soient incités à, voire obligés de recevoir des soins, mais que le problème ne devait certainement pas être abordé sous l'angle d'une logique d'emprisonnement.
    Au-delà des divergences qui peuvent être les nôtres sur ce texte, et qui justifient qu'on en débatte, nous avons tous le souci de rendre notre dispositif législatif à la fois plus efficace et plus adapté à la réalité. Il me semble donc important que nous fassions disparaître de notre code pénal des mesures qui ont vocation à être supprimées puisqu'elles n'ont pas été appliquées par les gardes des sceaux qui se sont succédé depuis un certain nombre d'années. Nous savons tous ici que la toxicomanie relève évidemment d'une politique de santé publique, qu'il s'agisse de renforcer la prévention ou qu'il s'agisse de donner à un plus grand nombre de personnes la possibilité de bénéficier de cures de désintoxication et de tous les suivis psychologiques et sociaux qui vont avec. Voilà ce qui nous semble justifier cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Oh, je ne suis pas surpris de voir M. Le Guen profiter de ce débat pour proposer, car c'est bien à cela que cet amendement peut se résumer, la dépénalisation de la drogue dans notre pays.
    Mme Catherine Génisson. Non, ce n'est pas ça !
    M. Lionnel Luca. Mais si, c'est exactement ça !
    M. André Gerin. Vous caricaturez, monsieur le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Tout le monde sait que nous ne partageons pas vos positions en ce domaine. Permettez-moi au passage, monsieur Le Guen, de vous faire observer que vous avez parlé du « code pénal » alors que votre amendement propose de supprimer un article du code de la santé publique.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il reste que ce sont des peines !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Soit. Mais c'est du code pénal que vous avez parlé.
    Quoi qu'il en soit, nous savons parfaitement ce qu'a été, dans ce domaine, la politique du gouvernement que vous avez soutenu au cours des cinq dernières années. Par le biais d'une circulaire que Mme Guigou, alors garde des sceaux, a signée en 1997 ou 1998, vous avez instauré une dépénalisation de fait, puisqu'il était donné instruction au parquet de ne plus poursuivre la consommation de drogue. Autrement dit, vous considériez déjà que les dispositions prévues dans notre législation ne devaient plus être appliquées.
    A l'époque, nous avons analysé la manière dont se comportaient les juridictions, et nous avons pu constater que certains parquets poursuivaient, d'autres pas, et que vous avez placé à la fois les forces de l'ordre et les magistrats dans une situation épouvantable.
    Me sera-t-il permis de rappeler, à cette occasion, que ce qui constitue, par exemple en matière de cannabis, le plus haut niveau de ventes, le plus grand marché d'économie souterraine, n'est pas le gros trafic mais le petit deal entre individus...
    M. André Chassaigne. Les gros ne l'intéressent pas !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... et que vous n'avez rien fait, pendant les cinq années écoulées, pour réprimer ce type de marché et pour en limiter les effets ? De toute évidence, vous avez essayé, de manière détournée et sans jamais l'avouer à l'occasion d'un véritable débat législatif, de dépénaliser la consommation de la drogue dans notre pays. Pour ma part, permettez-moi de réaffirmer, comme j'ai eu l'occasion de le faire souvent ici, que la consommation de drogue est dangereuse, nocive pour la santé, et notamment pour la santé des jeunes...
    Mme Catherine Génisson. Mais nous proposons justement de les soigner !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... et que la représentation nationale a le devoir de lutter contre toutes les formes de consommation de drogues, quelles qu'elles soient. A cet égard, d'ailleurs, je me réjouis que notre majorité ait adopté, dans le domaine de la circulation routière, un texte qui poursuit et réprime la consommation de drogue au volant, ce que vous vous étiez toujours refusé à faire.
    M. Guy Geoffroy. Très juste !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Ce n'est pas au moment où nous sommes en train de réaliser un certain nombre d'avancées dans la lutte contre la consommation de drogue que nous allons céder à votre tentative d'introduire dans notre droit, de manière en quelque sorte subreptice, la dépénalisation de la drogue, qu'il s'agisse du code de la santé publique ou du code pénal. Je suis fondamentalement opposé à cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.
    M. Bernard Roman. J'aimerais, monsieur le ministre - c'est à vous que je veux m'adresser -, que l'on puisse garder le même recul et la même sérénité sur cette question que sur bien d'autres, et que l'on évite de se lancer des mots à la figure en tentant de dramatiser les propositions qui sont faites, notamment celle qui vient d'être défendue par M. Le Guen.
    Car enfin, de quoi s'agit-il ? Au moment où l'on traite de la sécurité publique, vous proposez d'ajouter à notre législation un certain nombre de délits, d'infractions pénales, et nous avons des débats sur ces questions. Mais on peut aussi s'interroger sur le caractère désuet, obsolète, et particulièrement injuste et dangereux de certaines dispositions de notre dispositif pénal qui datent de plus de trente ans.
    Aujourd'hui, si cette proposition est faite, c'est parce que, dans notre arsenal pénal, on traite les dealers exactement de la même façon que les consommateurs. Et, monsieur le président, statistiquement, je ne pense pas qu'il y ait ici un père, un grand-père peut-être,...
    Mme Christine Boutin. Ou une mère !
    M. Bernard Roman. Ou une mère, excusez-moi, madame Boutin.
    M. André Gerin. Ou une grand-mère !
    M. Bernard Roman. Il n'est pas ici, disais-je, un père ou une mère qui n'ait pas un enfant ou un petit-enfant qui, par un accident de la vie, a pu faire ce que personne ne dit qu'il est bon de faire. Car il faut être clair : personne ne dit qu'il est bon de fumer un joint ou de sniffer de l'héroïne ! Personne ne le dit,...
    M. Roland Chassain. Si ! Mamère le dit !
    M. Bernard Roman. ... et il ne s'agit pas de dépénaliser à outrance.
    Il s'agit de dire que s'il y a des consommateurs, ils doivent être traités comme des gens malades et non comme des délinquants. Or, notre arsenal juridique tend à les traiter exactement comme les dealers, c'est-à-dire comme des délinquants. Il me semble que rectifier cette anomalie serait tout à l'honneur de notre parlement.
    Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué une circulaire, ou plus précisément une instruction générale de politique pénale de Mme Guigou, ou de Mme Lebranchu,...
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il s'agissait bien de Mme Guigou !
    M. Bernard Roman. ... mais je vous ferai observer que cette instruction était la copie conforme de celle d'un autre garde des sceaux, qui s'appelait Alain Peyrefitte et qui a été le premier à avoir eu la lucidité de vouloir mettre fin à une situation très inégalitaire dans laquelle certains parquets poursuivaient des gamins qui fumaient du shit ou du cannabis, alors que d'autres n'instruisaient aucune procédure. Ces gamins, Alain Peyrefitte ne voulait pas qu'on les mette en prison. Il ne s'agit donc pas d'un problème de droite ou de gauche. Le premier ministre à avoir été lucide sur cette question était un ministre qui s'apparente à la majorité actuelle, et la dernière ministre à avoir été également lucide s'apparente à l'opposition actuelle. Il s'agit d'une mesure de bon sens. On ne traite pas les dealers comme on traite les consommateurs.
    Voilà pourquoi il me semble que si vous approuviez cet amendement tendant à supprimer ces dispositions du code de la santé publique, ce serait un signe d'ouverture de votre part, qui serait particulièrement appréciable.
    M. Noël Mamère. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration général de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et le l'administration générale de la République. Nous venons d'examiner deux amendements...
    M. Jean-Marie Le Guen. Non, un amendement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... parce que, très honnêtement, mon cher collègue Roman, vous venez de soutenir votre amendement de repli, n° 457,...
    M. Bernard Roman. Non !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... ou alors, c'est que vous vouliez seulement faire durer le débat.
    Cela va donc me permettre de clarifier les choses. Dans le premier amendement, défendu par M. Le Guen, il est proposé de dépénaliser entièrement la consommation de stupéfiants. Dans le second, qui est un amendement de repli, et que M. Roman vient en fait de défendre, il est simplement proposé la suppression de la peine d'emprisonnement, ce qui revient à maintenir la peine d'amende.
    Je voudrais faire deux observations à cet égard. La première, c'est que l'amendement défendu par M. Le Guen est de trop, je veux dire par là qu'il montre trop bien la direction dans laquelle vous voulez aller, c'est-à-dire la dépénalisation de la drogue.
    M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout !
    M. Pascal Clément, président de la commission. S'il n'y avait que le second amendement, celui défendu par M. Roman, on pourrait penser que vous préconisez deux volets, un volet éducation et insertion et un volet pénal, en insistant simplement sur le premier. Voilà qui mériterait discussion.
    Mais une politique de lutte contre la drogue ne peut pas consister, et c'est ma deuxième observation, à supprimer purement et simplement l'incarcération en ne la remplaçant par rien. En somme, votre discours est le suivant : au fond, à quoi ça sert de prévoir dans le droit des peines d'emprisonnement, puisque les gardes des sceaux, depuis Alain Peyrefitte, c'est-à-dire depuis 1978, donnent des instructions qui vont dans le sens contraire ? Là, je ne suis pas d'accord avec vous, cela sert encore à quelque chose : c'est le symbole de la répression. On peut très bien admettre que le code de la santé publique réprime et que la pratique ne le fasse pas. C'est une distinction qui n'est pas du tout inutile. Car la suppression des dispositions pénales serait comprise comme une permission. Vous voyez bien qu'il faut appronfondir les choses.
    Cela dit, je n'ai pas méconnu les propos récents de M. Jean-François Mattei, qui, à la fois comme ministre de la santé et comme médecin, pense comme vous qu'il est plus utile de réinsérer d'une façon ou d'une autre les consommateurs de drogue que de les incarcérer. Il n'empêche que l'avis de la commission est défavorable, car en proposant deux amendements, vous montrez trop bien que vous voulez dépénaliser.
    Pour autant, je pense qu'il est intéressant de réfléchir, et je pense qu'il faudra le faire durant cette législature, aux moyens de substituer à l'incarcération les soins adaptés à ce que j'ai envie d'appeler cette pathologie.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont des comportements à risques, ce n'est pas une pathologie !
    M. Pascal Clément, président de la commission. A partir du moment où la consommation de drogue est devenue un habitus, à partir du moment où le sujet est devenu « accro », on peut se poser la question. Je ne veux pas entrer dans ce débat sémantique, mais il reste vrai que le consommateur de drogue n'a plus une liberté pleine et entière.
    Vous avez voulu, monsieur Roman, attirer l'attention de l'Assemblée, je le conçois mais admettez que votre amendement, qui est beaucoup plus raisonnable que celui de M. Le Guen, ne prend pas en compte ce souci d'insertion, et cette lacune le rend inacceptable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je relève, dans les propos que nous venons d'entendre, plusieurs amalgames.
    M. Estrosi nous dit qu'il est pour une lutte déterminée contre la drogue et pour la pénalisation de la drogue. Mais qu'entend-il par drogue ? Il fait partie d'une majorité qui s'est lancée, à juste titre, dans la lutte contre la violence routière, dont les deux causes principales sont la vitesse et l'alcoolisme au volant. (« Et le cannabis ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Même si l'un de vos collègues a présenté une proposition de loi qui a été votée par cette assemblée, les scientifiques les plus avertis aujourd'hui affirment qu'il n'existe pas de moyen technique fiable pour juger des conséquences de la consommation de cannabis chez les automobilistes. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous vous concentrez sur le cannabis, mais, mesdames, messieurs de la majorité, vous ne pouvez pas, d'un côté, nous dire que vous voulez lutter contre la violence routière et contre les drogues et, de l'autre, faire accepter par votre Premier ministre le rétablissement du privilège des bouilleurs de cru. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il y a, dans ce pays, des tabous. M. le président de la commission des lois vient de nous dire que lorsqu'on est dépendant, on n'a plus sa liberté. Eh bien, je pense que beaucoup de gens sont dépendants de drogues licites, que ce soit du tabac, sur lequel le Gouvernement et l'Etat prélèvent des taxes, ou de l'alcool. Et nous donnons, les uns et les autres, beaucoup d'argent pour soigner des malades de l'alcoolisme et des malades du tabac qui sont atteints de cancers.
    M. le président. Monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. Et on voudrait nous faire croire aujourd'hui qu'il existerait un lien direct entre la consommation de cannabis et les problèmes de toxicomanie ?
    M. Christian Cabal. Eh oui !
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas vrai. (« Mais si ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Si l'on veut parler de dépénalisation, alors suivons l'avis qui a été émis par le nouveau président de la MILDT. Tout de suite après sa nomination, il a reconnu très justement qu'il fallait revoir la loi de 1970. En imposant la prohibition, cette loi permet d'envoyer en prison des gens qui n'ont rien à y faire, en particulier les toxicomanes, alors que ces personnes ont besoin d'être réinsérées dans des lieux spécifiques, celles-là mêmes auxquelles le Gouvernement a coupé les vivres. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffrey. Des noms !
    M. Noël Mamère. Nous connaissons un certain nombre de lieux dans lesquels la réinsertion des toxicomanes a bien fonctionné, mais qui se sont vu supprimer leurs aides.
    M. le président. Monsieur Mamère, veuillez conclure.
    M. Noël Mamère. J'ai eu l'occasion, en d'autres circonstances, de parler non pas de la dépénalisation du cannabis, mais de sa légalisation contrôlée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffrey. Quelle hypocrisie !
    M. Jean-Pierre Grand. Des mots !
    M. Edouard Landrain. N'importe quoi !
    M. Noël Mamère. A cause de la prohibition, pardonnez-moi cette comparaison, on condamne les usagers du cannabis alors que, pendant ce temps, on laisse courir ceux qui organisent le deal, ceux qui tirent profit de cette économie souterraine.
    M. Jean-Pierre Grand. Ces propos sont scandaleux !
    M. Noël Mamère. La légalisation contrôlée n'est pas la dépénalisation.
    M. le président. Monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. Et cet amendement propose, à juste titre, de considérer de manière sanitaire et médicale ceux qui aujourd'hui sont dépendants et toxicomanes et qui doivent être traités comme des malades et non pas comme des délinquants.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 456.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen, M. Roman et Mme Génisson ont présenté un amendement, n° 457, ainsi libellé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « L'article 3421-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Nul ne peut être emprisonné pour avoir fait usage de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ne caricaturez pas notre position ! Nous ne proposons pas, Bernard Roman, Catherine Génisson et moi-même, la dépénalisation. Nous souhaitons simplement que soit abandonnée l'idée que la prison peut résoudre le problème des toxicomanes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Alors il fallait retirer votre premier amendement pour être cohérent !
    M. le président. Monsieur le président de la commission, vous pourrez vous exprimer après.
    M. Jean-Marie Le Guen. L'essentiel est d'avancer, et je me réjouis quand j'entends parler d'une possible révision de la loi de 1970, même si je regrette que nous ne le faisions pas aujourd'hui. Je me réjouis quand j'entends dire que les peines de prison ne sont pas adaptées pour lutter contre la toxicomanie et qu'elles ont vocation à disparaître de notre code de la santé publique. Je me félicite donc de l'avancée du Gouvernement. Je comprends qu'il lui faille encore un petit peu de temps pour essayer de convaincre certains membres de sa majorité. Pour ma part, nous sommes convaincus qu'il faut avancer dans cette direction.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 156, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Il est créé une cellule nationale de veille à l'évolution de l'enfance, placée sous la tutelle du ministère de la santé. Cette cellule rassemble les informations des cellules départementales et examine les résultats des différentes actions engagées afin d'affiner au mieux celles-ci. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Cet amendement propose de créer une cellule nationale de veille à l'évolution de l'enfance. Des centaines de milliers de gamins sont en danger de délinquance du fait de comportements déviants, de problèmes sanitaires, voire de problèmes psychologiques ou psychiatriques. Les député-e-s communistes et républicains proposent de prendre en compte tous ces éléments. C'est capital pour permettre à la recherche de progresser, de centraliser sur les expériences engagées, pour éventuellement déboucher sur des mesures d'envergure nationale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui n'a pas de portée normative.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Asensi, Biessy, Bocquet, Braouezec, Brard, Brunhes, Mme Buffet, MM. Chassaigne, Dutoit, Mme Fraysse, MM. Gerin, Goldberg, Gremetz, Hage, Mmes  Jacquaint, Jambu, MM. Lefort, Liberti, Daniel Paul, Sandrier, Vaxès ont présenté un amendement, n° 157, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Un mineur ne peut être condamné à une peine de prison dans le cadre d'un jugement au tribunal correctionnel. Il peut cependant être condamné à réparation des préjudices engendrés par son délit. Sa dette court sans limitation de durée. Si le tribunal estime que la gravité des faits, notamment lorsqu'il y a récidive, est incompatible avec le plein exercice de la liberté pour le coupable, il y a lieu de prononcer une mesure d'éloignement important, avec l'interdiction totale ou partielle de revenir sur les lieux où il a commis son ou ses délits. Si le mineur a moins de seize ans, il est placé dans un internat public de l'éducation nationale, sous contrôle judiciaire, en liaison avec la cellule de veille à l'évolution de l'enfance. Si le mineur a plus de seize ans, il peut choisir entre son placement dans un internat public de l'éducation nationale ou dans un foyer de jeunes travailleurs sous contrôle judiciaire. Ses revenus éventuels sont strictement contrôlés, déduits du remboursement de sa dette dans une proportion déterminée par le juge. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. La prison pour les mineurs n'est pas une bonne solution ni en termes humanitaires ni en termes d'efficacité. En revanche, les professionnels et les agents des services publics concernés par la sécurité s'accordent à reconnaître les effets désastreux, dans les quartiers, de la présence de multirécidivistes qui semblent jouir d'une large impunité. L'éloignement nous semble la mesure la plus appropriée à ces situations.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Une telle disposition devrait concerner l'ordonnance de 1945, mais il n'est fait référence ni à l'ordonnance de 1945, ni au code pénal, ni au code de procédure pénale. Evidemment, la commission l'a rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 160, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Considérant que les mineurs de moins de douze ans n'ont pas à se trouver dans les rues sans accompagnement d'un adulte ou d'un membre de leur famille après 22 heures, en application de l'article 371-2 du code civil qui indique que l'autorité parentale appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, des mesures doivent être prises pour raccompagner ces enfants chez leurs parents.
    « En cas de récidive, les parents sont convoqués chez le juge qui leur rappelle les termes de l'article 227-17 du code pénal concernant les obligations légales des parents dans les domaines de la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leurs enfants. En cas de nouvelle récidive, les dispositions de cet article s'appliquent pleinement. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. J'entends bien les arguments du rapporteur et si je ne défends pas avec acharnement la rédaction de ces amendements, je voudrais du moins attirer l'attention du Gouvernement sur ces problèmes, qui sont bien réels.
    L'amendement n° 160 propose de considérer qu'un enfant de moins de douze ans qui se trouve dans la rue après dix heures du soir, sans surveillance, est en situation d'errance. J'ai essayé de l'expliquer dans mon intervention sur la question préalable, l'objectif est d'aider les familles à assumer leurs responsabilités. Il faut mettre les parents dans l'obligation de réagir et, si cela est nécessaire, assurer un suivi éducatif, sanitaire, psychologique pour détecter les situations dangereuses.
    Voici deux ans, j'ai mis en place, après une étude précise, un office public de la tranquillité, je vous en ai parlé la semaine dernière. Dans ce cadre, un dispositif d'accompagnement des enfants de moins de douze ans après vingt-deux heures va intervenir, en relation avec le tissu social du quartier.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je souscris à ces objectifs. J'ai moi-même fait adopté un amendement à la loi d'orientation et de programmation sur la justice au mois d'août dernier, afin de sanctionner les parents qui manquent notamment au devoir d'éducation de leurs enfants.
    Vous soulignez, monsieur Gerin, des problèmes graves qui existent, hélas, dans un certain nombre de familles de France mais c'est au juge qu'il revient d'apprécier, à titre ponctuel, la situation de tel ou tel enfant. Je ne peux donc que vous féliciter de nourrir cet objectif et cette ambition. Mais, de toute évidence, la rédaction de votre amendement souffre d'une absence de portée juridique, et je ne peux l'accepter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 159, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « La République française mène une lutte résolue contre les trafics sans exception. La coopération et la coordination des actions sont indispensables à tous les niveaux, français, européen, mondial.
    « Lorsque le délit aura consisté dans l'importation, la production, la fabrication de produits illicites ou de contrefaçon, dans le vol, le recel et l'exportation de matériel électronique ou informatique, de pièces détachées de véhicules, de machines industrielles, de biens périssables, la peine d'emprisonnement est de cinq à dix ans.
    « Elle est de dix à vingt ans, quand le délit est commis de façon habituelle ou en bande organisée. Le tribunal prononce la confiscation des biens. L'action publique se prescrit par dix ans, la condamnation devenue définitive par vingt ans.
    « La lutte contre le trafic reçoit la dotation de moyens pour tous les organismes et services de l'Etat oeuvrant dans ce domaine. En particulier, les moyens en matériel et en personnel de la douane, du service de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les brigades de lutte contre les stupéfiants, les polices d'investigation. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Gerin, où va-t-on s'arrêter ? C'est un délire répressif : vous nous refaites le code pénal ! (Sourires.)
    M. André Gerin. L'objet de cet amendement est de se donner des moyens de lutter contre les trafics - vous n'arrêtez pas, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de clamer que vous voulez des moyens. Mais cet amendement a surtout pour but d'attirer votre attention sur le fait qu'il faut toucher toute la chaîne du trafic et les grands trafiquants. Car, et c'est bien la raison de la réserve que j'ai exprimée dans la question préalable, ce projet de loi n'offre pas les moyens de gagner la bataille contre les grands trafics.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Si, comme vous le dites si bien, monsieur Gerin, cet amendement a pour objet d'attirer notre attention (Sourires), je vous promets que notre attention est attirée, et depuis bien longtemps.
    Je ne peux que souscrire à vos objectifs, je suis donc mal placé pour vous répondre, mais sans doute M. Mamère, s'il prenait la parole, vous accuserait d'être liberticide et de porter profondément atteinte aux libertés individuelles et aux droits de l'homme.
    M. le président. M. le rapporteur, ne prononcez pas le nom de M. Mamère, sinon...
    M. Noël Mamère. Monsieur le président...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et voilà ! (Sourires.)
    M. le président. Vous avez gagné, monsieur le rapporteur !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. J'espérais bien que M. Mamère réagirait. (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Le poisson mord en effet quand on le ferre ! (Sourires.)
    Je partage le commentaire que faisait M. le ministre de l'intérieur il y a quelques instants sur le fait que si l'on adoptait cette série d'amendements que propose M. Gerin, nous aurions un arsenal répressif encore beaucoup plus fort.
    Cela dit, je crains que la réponse de M. Estrosi ne contribue à tourner en dérision ces amendements, lui qui nous a rappelé avoir déposé un amendement visant à condamner les parents qui éduquent mal leurs enfants. A l'époque, nous nous étions battus contre cette proposition, et nous continuerons à le faire. Le cas, évoqué tout à l'heure par mon collègue Le Guen, du magistrat qui a condamné des parents qui manquaient à leurs responsabilités d'éducation ne me semble pas constituer la meilleure référence. D'autres systèmes ont été mis en place, qui devraient être renforcés pour aider ces parents et non pas pour les affaiblir encore davantage.
    M. Pierre Cardo. Cela dépend de quels parents on parle, monsieur Mamère, et vous le savez très bien !
    M. Noël Mamère. Ce que dit mon collègue Gerin, c'est qu'il faut lutter contre les organisateurs des trafics, qui contrôlent les rouages de l'économie parallèle, plutôt que de s'en prendre aux lampistes en quelque sorte. Il le redira dans l'amendement qu'il va nous présenter dans quelques instants en proposant de sanctionner encore un peu plus - comme il l'a fait, d'ailleurs, dans un autre amendement - les organisateurs du travail clandestin, qui profitent de ceux qui sont dans des situations irrégulières. Nous avons demandé depuis longtemps à la gauche et nous demandons aujourd'hui à la droite de renforcer (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On l'a accepté !
    M. Noël Mamère. ... non pas simplement la répression, c'est-à-dire la pénalisation de cette délinquance économique, mais aussi, parce qu'il est complètement déliquescent, le corps des inspecteurs du travail.
    M. Pierre Cardo. On va leur dire qu'ils sont délisquescents ! Ils vont apprécier !
    M. Noël Mamère. Aujourd'hui, ce corps est extrêmement faible, il n'a pas les moyens de déceler et de mettre la main sur ceux qui profitent des clandestins et qui organisent ce travail parallèle.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Je n'ai pas de complexe, je veux m'attaquer à toute la chaîne, du petit poisson à l'éléphant (Rires)...
    M. Pascal Clément, président de la commission. L'éléphant ne nage pas !
    M. André Gerin. Je tiens à donner la dimension du problème. Selon que l'on est puissant ou misérable, on n'est pas tout à fait traité de la même manière !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 158, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Les propriétaires de biens exposés dans les lieux publics sont encouragés ou aidés à les nettoyer lorsque ceux-ci ont fait l'objet de dégradations par tag, graffiti, gravage de vitre ou collage d'affiche.
    « Une mission d'étude interministérielle est mise en place pour examiner les modalités de financement de cette mesure, notamment pour aider les petits propriétaires ou les propriétaires en difficultés. Cette mission aura également à définir les modalités d'application pour les collectivités, organismes, entreprises publiques.
    « Les amendes et peines de travaux d'intérêt général prévues aux articles 322-1 et 625-1 du code pénal contre les auteurs de ces dégradations sont adaptés en fonction des dégâts commis. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. La réparation rapide est un facteur très important de la prévention des actes délictueux. Elle permet de ne pas rendre la prison systématique, qui est, chacun le sait, criminogène. Il faut que cette société investisse, de manière significative, dans des mesures d'insertion et de réinsertion. Ce n'est pas, malgré vos discours, ce que prévoit cette loi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Gerin, je vous prends...
    M. André Gerin. Au mot ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Non ! Je vous prends en flagrant délit. (Sourires.) Dans la loi de programmation sur la justice, j'ai déposé un amendement de réparation, qui concernait notamment les tags. Vous vous êtes farouchement opposé à cet amendement, qui a donné lieu à un vaste débat dans l'hémicycle. Cette mesure de réparation existe donc dans notre droit depuis le vote de la loi sur la justice, au mois d'août dernier.
    M. Lionnel Luca. Grâce à nous !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Aujourd'hui, vous nous proposez la même chose, d'une manière non-normative. Il n'y a pas lieu de revenir sur les mesures qui existent déjà dans notre droit.
    M. Lionnel Luca. Absolument !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 163, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Toute personne faisant l'objet d'une seconde condamnation pénale pour des faits commis dans un même département, d'une nature identique à une première, est condamnée, en plus de la peine prévue au code pénal, à une mesure d'éloignement important, d'une durée de six mois renouvelable, avec interdiction totale ou partielle de revenir sur le lieu où elle a commis ses délits. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 18

    M. le président. « Art. 18. - Le code pénal est ainsi modifié :
    « 1° Après l'article 225-10, il est inséré un article 225-10-1 ainsi rédigé :
    « Art. 225-10-1. - Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. » ;
    « 2° L'intitulé de la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II est ainsi rédigé : « Du recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables » ;
    « 3° L'article 225-12-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Est puni des mêmes peines le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. » ;
    « 4° Aux 1° et 2° de l'article 225-12-2, les mots : "mineurs et : "le mineur a été mis sont remplacés respectivement par les mots : "personnes et : "la personne a été mise. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits. Je leur demande de respecter scrupuleusement leur temps de parole, car chacun s'est déjà amplement exprimé sur ce sujet très important.
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ça commence mal !
    M. Noël Mamère. Avec cet article, nous abordons le chapitre VI, qui est consacré à la tranquillité et à la sécurité publiques. Sous ce chapitre sont regroupés plusieurs articles qui sont au coeur de ce projet, puisqu'ils concernent en particulier les personnes prostituées, les gens du voyage, les jeunes, les mendiants, les squatters. Je voudrais faire un commentaire en quatre points, ce qui me permettra d'intervenir non plus sur chacun des articles mais seulement sur les amendements.
    M. le président. Une minute par point alors !
    M. Noël Mamère. L'introduction dans le code pénal d'un certain nombre de délits qui pénalisent les populations les plus vulnérables que je viens de citer me semble assez caractéristique de ce qu'un député de la majorité dont le nom m'échappe a qualifié de « retour de l'ordre moral ». Selon ce texte, l'ordre apparent doit partout être garanti par la présence policière et le désordre doit être sanctionné par des peines d'emprisonnement. On s'occupe en fait de faire la police des apparences, d'assurer l'ordre public, mais on ne se soucie pas de l'énorme désordre économique qui est créé par les infractions complexes en matière financière, comme celles qui ont été évoquées il y a quelques instants, en matière écologique ou en matière de droit pénal du travail. Il suffit pour s'en convaincre de se référer à la récente affaire Metaleurop ou, plus loin dans le temps, à l'affaire Cellatex, il suffit de penser à tous ceux qui organisent le travail clandestin.
    La première caractéristique commune à ces nouvelles infractions, qui vont du racolage à la mendicité agressive ou au squat, en passant par les « attroupements » - c'est le mot employé - dans les halls d'immeuble, est à mes yeux la stigmatisation d'une population cible. Il s'agit d'une démarche discriminatoire de marquage social, que l'on pourrait qualifier, au risque d'être excessif, de réactionnaire, car de telles dispositions n'existaient plus depuis la Libération.
    Il s'agit aussi d'instituer une notion nouvelle, qui nous semble grave, celle de la responsabilité pénale collective. En effet, l'article 19 bis prévoit que le juge qui ordonne en réfèré l'expulsion des gens du voyage installés sans titre sur un terrain pourra étendre les effets de son ordonnance à tous les occupants du terrain. Cela va à l'encontre du principe juridique selon lequel seule une personne nommément désignée peut être condamnée, et jamais un groupe non identifié.
    Deuxième caractéristique, une présomption de culpabilité pèse sur des populations considérées comme ataviquement enclines à la délinquance. En témoigne cet exemple que j'ai entendu au cours des débats : la possession d'une grosse voiture par une personne appartenant aux gens du voyage laisse présumer qu'il l'a mal acquise, car si elle lui est confisquée pour l'installation sans titre sur un terrain, il devra, pour la récupérer, justifier de la légalité de son acquisition.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous êtes supposé intervenir sur l'article 18.
    M. Noël Mamère. J'ai expliqué, monsieur le rapporteur, que mon intervention portait sur le chapitre VI, qui comprend plusieurs articles.
    Troisième caractéristique, la création de ce que l'on pourrait qualifier de délits d'« impression » ou d'« apparence », caractérisés par l'absence d'élément matériel et de victime identifiée de ces infractions : elles relèvent donc de la subjectivité du policier qui les constate et sont constituées par l'attitude du délinquant, sans qu'aucun préjudice matériel soit commis au détriment d'une victime. Il en est ainsi de la notion de racolage passif, qui fait l'objet de l'article 18. La décence d'une tenue vestimentaire est en effet totalement subjective : son interprétation varie selon le quartier, l'heure et surtout la conception morale de celui qui la juge.
    La mendicité agressive, définie à l'article 23, se déduit de la présence aux côtés d'un SDF d'un chien dont la dangerosité sera appréciée par la jurisprudence, comme l'a indiqué M. le rapporteur de la commission des lois. Elle peut être punie d'une peine d'emprisonnement.
    Le seul rassemblement de jeunes dans les parties communes d'un immeuble, qualifié « d'attroupement », sera interprété comme une menace de violence ou une entrave délibérée à la circulation. Le sentiment d'agression potentiel suffira donc à caractériser le délit, même en l'absence de victime, comme le sentiment d'insécurité suffit à transformer notre droit pénal en système d'incrimination de plus en plus flou, dépendant seulement du regard du policier, comme l'illustre la notion de « bande organisée », aux contours très larges, et très flous, que présente l'avant-projet de M. Perben. Son emploi amènera les pires atteintes aux droits de la défense.
    Enfin, quatrième caractéristique, la réapparition dans notre code pénal de délits emblématiques de l'ordre moral du xixe siècle, tel que le racolage passif, de retour après avoir disparu au milieu du xxe siècle.
    Le chapitre VI nous semble être au coeur des intentions du législateur et en tout cas du Gouvernement. Il nous paraît contribuer à la stigmatisation d'une certaine catégorie de population parmi les plus vulnérables. C'est pourquoi nous déposerons des amendements destinés à lui apporter de la nuance et allant dans le sens d'une plus grande liberté.
    M. le président. Monsieur Mamère, vous vous êtes exprimé sur l'ensemble du chapitre VI, j'en conclus que votre intervention vaut pour les autres articles.
    M. Noël Mamère. Exactement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Ridant. (« Est-ce nécessaire ? » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Le Ridant. Juste quelques mots, mes chers collègues. N'ayant pas eu la possibilité d'intervenir dans la discussion, je voudrais m'associer à ceux de nos collègues qui se sont exprimés en faveur du projet.
    L'un des objectifs prioritaires du Gouvernement - rétablir la sécurité - ne relève à mon sens ni de la démagogie ni d'un argument de campagne électorale, mais répond à une préoccupation majeure de nos concitoyens.
    M. Michel Hunault. Très bien.
    M. Jean-Pierre Le Ridant. C'est dans cet esprit qu'il fait aborder les conséquences de la prostitution. A ce sujet, nous avons eu cet après-midi un débat intéressant. Il est vrai qu'en m'inscrivant sur l'article 18, je ne pensais pas que sa discussion aurait lieu ce soir. Je me contenterai donc de rappeler quelques points de vue.
    La prostitution a depuis dix ans explosé dans notre pays, et plus particulièrement, dans les grandes agglomérations. Celle où je vis, Nantes, n'y échappe pas. Ce phénomène est dû en majeure partie à l'arrivée massive de prostituées d'origine étrangère, soumises à un véritable esclavage au sein de réseaux mafieux.
    Les prostituées sont bien sûr les premières victimes, mais elle ne sont pas les seules : nous ne devons pas oublier les habitants des quartiers où elles exercent, qui subissent toutes sortes de nuisances.
    Pour ma part, je ne puis ignorer ni les habitants d'un immeuble dont le parking privé est le théâtre des « passages à l'acte » ni les 1 800 pétitionnaires d'un quartier de ma circonscription, exaspérés par l'inaction des pouvoirs publics. L'immobilisme n'est plus de mise !
    Nous ne pouvons plus nous contenter de signer des arrêtés municipaux conduisant à déplacer le problème d'un quartier vers un autre, ni nous satisfaire du renforcement de l'éclairage de certaines rues, voire de la fermeture de certains impasses, pas plus que nous ne devons nous résoudre à la solution proposée récemment par un élu municipal de ma ville, ancien parlementaire, pour qui « la seule lutte contre la prostitution qui tienne, c'est la montée du niveau de vie et la libéralisation des moeurs ». (Rires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous connaissons les piètres résultats auxquels conduisent ce genre de professions de foi libérales et angéliques.
    Il ne faut pas nous tromper de débat. L'article 18 du projet de loi ne s'attaque pas aux prostituées mais à ceux qui les prostituent. Leur présence sur les lieux publics et les troubles que celles-ci génèrent représentent presque toujours la partie émergée de réseaux mafieux. La lutte contre ces derniers doit donc rester une priorité absolue.
    Vous le savez, mes chers collègues : à l'heure actuelle, prostituer quelqu'un est ce qui rapporte le plus au moindre risque pénal. Il est donc urgent de donner un signal fort.
    C'est le sens donné à la modification de l'incrimination du racolage, qui constituera dorénavant un délit. Gageons que nous pourrons ainsi contribuer à tarir un marché très lucratif, et à l'origine de nombreuses autres activités criminelles.
    Par ailleurs, il convient de rejeter l'hypocrisie consistant à distinguer racolages actif et passif. La presse locale de ma région s'en est d'ailleurs fait l'écho : les responsables de la police disent se heurter à des pratiques judiciaires différentes. A l'heure actuelle, la définition du délit est ambiguë. Ici on condamne. Là on relaxe. Ailleurs on ne poursuit pas.
    Les mesures proposées ne régleront sûrement pas tout. Personne ne le pense dans cette enceinte, et surtout personne ne le dit, ce qui est rassurant. Il s'agit d'une étape incontournable vers une solution plus globale, nécessitant, sur le plan international, la collaboration des polices. Par ailleurs, elles devront être couplées avec des mesures d'accompagnement social. Mais c'est le rôle des associations : créer du lien, accompagner, insérer, interpeller les acteurs locaux et imaginer des structures d'accueil adaptées. Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, si la solution est forcément incomplète, nous ne pouvons cependant fermer les yeux, et nous serions bien coupables de ne pas agir.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Nous avons relevé beaucoup d'insuffisances dans ce projet de loi, en ce qui concerne notamment les trafics, les truands de haute volée, les marchands de sommeil, les négriers des temps modernes, les délinquants en col blanc, tous les profiteurs du système et même les patrons voyous.
    Je voudrais toutefois me montrer positif, car les députés communistes et républicains participent à ce débat avec, à l'esprit, le désir de faire des propositions concrètes. Le rapporteur a raison de le souligner, certaines permettront de prolonger la réflexion au-delà de la discussion de ce projet de loi. Mais je voudrais quand même rappeler notre idée de créer, dans chaque département, une cellule de veille consacrée aux enfants en danger de délinquance.
    A propos des aires de stationnement destinées aux gens du voyage - et je n'y reviendrai pas au moment de la discussion des amendements -, la loi Besson se met en place. Cela fait trente ans qu'on se renvoie la patate chaude. Je le pense sincèrement, il faut adopter un point de vue plus directif et obliger les départements à prendre des mesures politiques et administratives en vue d'aménager des aires de voyage sommaires, et ainsi de limiter les problèmes. Je n'élude pas, en disant cela, la question de l'application de la loi. Mais si nous continuons ainsi, nous ferons des gens du voyage des SDF.
    M. Pierre Cardo. Ils sont SDF par définition !
    M. André Gerin. En ce qui concerne la tranquillité publique, il est nécessaire d'aider les collectivités et de favoriser la mise en commun des moyens consacrés à ces missions. En ce domaine, il faut aller beaucoup plus loin, ne pas se limiter aux frontières de la commune, mais agir au niveau intercommunal. J'ai déjà évoqué la création d'une école de la médiation, qui permettrait de former les hommes et les femmes positifs désireux de contribuer à une politique de sécurité et de tranquillité.
    Sur toutes ces questions, nous sommes engagés, et nous n'avons pas du tout l'intention de baisser les bras.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. L'article 18, dans le chapitre consacré à la tranquillité et la sécurité publiques concerne plus précisément la prostitution de rue, sujet très vaste, et de surcroît très sensible car il touche à l'humain. C'est un domaine qui malheureusement compte nombre d'excès : d'abord, des atteintes inadmissibles à la dignité humaine ; ensuite, des conditions parfois difficilement supportables pour les habitants de certains quartiers ; enfin, des ravages causés par une économie souterraine tristement florissante pour les exploiteurs de la pire espèce.
    Pour toutes ces raisons, il est plus que temps d'agir, notamment pour faire cesser toutes les hypocrisies. Et parce que ce dossier délicat de la prostitution touche directement et d'abord à la détresse humaine, il mérite, dans son traitement par le législateur, une attitude à la fois humble et lucide.
    Il faut par exemple avoir l'honnêteté de dire que l'augmentation notoire de la prostitution de rue dans notre pays vient d'abord du formidable développement de l'esclavage dans nos sociétés occidentales, parfois trop généreuses, mais dans bien des cas aveugles, ou pour le moins un peu trop naïves. Or la médiatisation de cette situation vient du fait qu'à travers une activité contrainte - et j'insiste sur ce mot - ces victimes en ont engendré d'autres, certes d'un ordre différent, mais dont la liberté est également atteinte.
    En effet, sans oublier la brutalité des réseaux qui les exploitent, l'activité des prostituées, les nuisances qu'elles génèrent, et les différents trafics qui les entourent, font de nouvelles victimes en la personne des riverains. Et reconnaissons-le humblement : comme les prostituées ne peuvent pas s'exprimer, ce sont ces derniers qui nous ont alertés et auxquels nous devons en grande partie de débattre ce soir.
    Mais comment protéger les uns et les autres dans le respect des règles, lorsque la législation est inadaptée et que manque la volonté politique de protéger la dignité humaine et la liberté ? Pendant des années, au cours de la législature précédente, nous avons voulu, avec mes collègues sensibilisés par ce sujet, aborder cette question douloureuse, mais en vain. De questions orales en questions écrites, de lettres aux ministres en dépôts de propositions de loi, jamais nous n'avons été écoutés, si ce n'était pour se voir renvoyer de l'un à l'autre. A bout d'arguments, le Gouvernement s'interrogeait même pour savoir si la bonne mesure était à prendre par voie réglementaire ou législative. C'est seulement à la fin de la législature que la majorité d'alors a fini par accepter la création d'une mission d'information commune sur l'esclavage moderne. Et c'est en ultime fin de session que le proposition s'en inspirant a été inscrite à l'ordre du jour. Mon émotion, en écoutant les différents témoignages, a été telle que je vous remercie très sincèrement, monsieur le ministre, de vous attaquer aujourd'hui au fond du problème.
    Comme nous l'avons écrit dans notre explication de vote sur le rapport de la mission, nous souhaitions, au préalable à toute mesure, l'envoi d'un message fort et clair à tous les réseaux mafieux et esclavagistes. Ils ne doivent plus pouvoir agir dans le pays des droits de l'homme. Ce doit être notre objectif premier. Un tel message, malheureusement, ne peut se concevoir sans une sanction. Or la sanction frappe en premier lieu les victimes. C'est pour moi un déchirement mais je me vois contraint d'en accepter le principe. Mais s'il faut tarir la source de profit des chefs de réseaux, il faut aussi savoir accueillir leurs victimes.
    A ce propos, monsieur le ministre, l'Etat ne peut plus se contenter de soutenir fébrilement et hypocritement quelques associations alors que l'interprétation du code général des impôts et les circulaires en vigueur le conduisent à encaisser des produits fiscaux directs et indirects non négligeables : vingt-six millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de la prostitution dépassant le milliard d'euros. Face à tant de souffrances, l'Etat agit trop peu. On est bien loin, par exemple, de l'engagement pris en 1960 de créer une maison de refuge par département.
    C'est pourquoi je soutiens pleinement les propositions sociales présentées par la délégation aux droits des femmes. Quant aux sanctions que vous proposez, elles permettront aux forces de police de trouver le moyen d'agir efficacement, aussi bien pour les victimes elles-mêmes que pour les riverains. Pour les victimes, j'espère sincèrement que les interpellations et les gardes à vue éventuelles serviront avant tout à les réconforter, à créer un premier contact en vue de favoriser leur réinsertion.
    Pour les riverains, vous apportez enfin des réponses à une attente qui ne pouvait durer davantage. Pensons à nombre de nos concitoyens qui vivent dans l'inquiétude et le malaise, ne serait-ce que pour sortir et rentrer chez eux ! Nous ne pouvions expliquer notre totale impuissance à pacifier leur environnement. Aujourd'hui, nous leur manifestons un soutien clair. Pour certains, ce sera, je l'espère, la fin de situations bien pénibles.
    En conclusion, s'il ne règle pas tout - cela serait bien difficile -, votre texte a le mérite de proposer, pour la première fois depuis bien longtemps, des solutions concrètes dans lesquelles nous plaçons tous nos espoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
    M. Jean-Claude Viollet. Monsieur le ministre, nous aurons beaucoup parlé de prostitution cet après-midi et ce soir, et on ne peut que se réjouir de la qualité des débats sur ce dossier difficile. Nous avons longuement abordé les mesures techniques, mais j'aurais voulu resituer ce débat par rapport aux trois approches qui peuvent être adoptées.
    Une approche abolitionniste, fondée sur la conviction que le système prostitutionnel est une forme d'esclavage qu'il convient de combattre. Une approche prohibitionniste, qui pénalise l'acte de prostitution et le sanctionne comme un délit. Une approche réglementariste qui, reconnaissant la prostitution comme un mal nécessaire, voudrait l'organiser.
    C'est la position abolitionniste qu'a retenue la France en ratifiant, en juillet 1960, la convention internationale de décembre 1949. Cela apparaissait en effet comme la seule position soutenable, d'un point de vue éthique, contre le système prostitutionnel, forme d'esclavage incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine.
    Avec l'article 18, nous sanctionnons le racolage passif - et donc tous les racolages. Ce faisant, nous nous attaquons à la personne prostituée, tout au moins à celle agissant sur le domaine public, puisque rien n'est prévu pour les autres formes de prostitution.
    J'ai bien entendu vos explications sur la motivation de cette mesure. Cela étant, une telle orientation pourrait faire craindre un glissement de la position de la France, de l'abolitionnisme vers le prohibitionnisme. Encore nous faudrait-il aller jusqu'au bout de la logique en pénalisant tous les acteurs, et donc le client, ce que nous n'avons pas fait ici. Sans parler du réglementarisme, qui a été évoqué ici ou là, mais n'est pas envisagé aujourd'hui.
    Je ne doute pas, monsieur le ministre, de l'attachement de la France à l'abolitionnisme. C'est la raison pour laquelle j'ai entendu ce que vous disiez des CHRS et de la mission qui vous avait été fixée par M. le Premier ministre dans le domaine de la prévention. Dans ce cadre, je souhaiterais savoir quelles suites vous pensez donner à la loi du 30 juillet 1960 et à l'ordonnace du 25 novembre 1960, qui visaient à prévenir l'exercice de la prostitution et, précisément, à favoriser les reclassements des personnes prostituées.
    Plus concrètement, quelles suites donnerez-vous à l'article 5 de l'ordonnance de 1960 qui prévoyait la création dans chaque département d'un service social spécialisé chargé de rechercher et d'accueillir toutes les personnes en danger moral, de leur porter assistance, de veiller au reclassement de toutes les personnes engagées dans le prostitution ? Peut-on relancer l'application d'une circulaire du 10 août 1970, instituant dans chaque département une commission chargée d'étudier les problèmes spécifiques au phénomène prostitutionnel ? Car cinq services sociaux spécialisés seulement ont vu le jour. Quant aux commissions chargées d'étudier les problèmes spécifiques, il y a bien longtemps qu'elles ne se réunissent plus. Dans le cadre d'une politique de prévention et de réinsertion des victimes de la prostitution, pourriez-vous, à l'occasion de l'examen de cet article, nous préciser la volonté et les engagements du Gouvernement ?
    M. le président. Mes chers collègues, si tout le monde faisait un effort, nous pourrions terminer ce soir l'examen de l'article 18, ce qui, pour la clarté du débat, serait une bonne chose.
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 164 et 288.
    L'amendement n° 164 est présenté par MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 288 est présenté par M. Le Roux, Mme David et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 18. »
    La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement n° 164.
    M. André Gerin. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 288.
    M. Bruno Le Roux. C'était un amendement de cohérence qui aurait pris tout son sens si les dispositions que nous avions proposées avaient été reprises dans le titre précédent sur la traite des êtres humains. Je retire donc mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 288 est retiré.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 164 ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, a présenté un amendement, n° 91, ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 18, insérer les deux alinéas suivants :
    « 1° A. - L'intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II est ainsi rédigé :
    « Du proxénétisme et des infractions qui en résultent. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La formulation proposée dans l'amendement est destinée à montrer que, pour la majorité, la prostitution résulte du proxénétisme, la prostituée étant d'abord une victime du proxénète.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 289, 332 et 392.
    L'amendement n° 289 est présenté par M. Le Roux, Mme David et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 332 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 392 est présenté par M. Brard et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le 1° de l'article 18. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 289.
    M. Bruno Le Roux. Cet amendement est important. Nous proposons de supprimer le 1° de l'article 18 dans la mesure où le législateur ne définit pas précisément le délit de racolage et que nous restons en deçà de nos compétences. Sans reprendre l'exposé sommaire, je voudrais souligner que la pénalisation de la prostitution, telle qu'elle est aujourd'hui envisagée, posera un problème, et même un grave problème : la prostitution clandestine se développera et, comme le reconnaissent les associations, certaines mesures - sanitaires et de prise en charge sociale - seront plus difficiles à appliquer. Je ne pense pas que nous allions dans le bons sens.
    D'un strict point de vue juridique, j'aurai une précision à demander au ministre et au rapporteur. Je ne suis pas sûr, en effet, que le 1° de l'article 18 ne puisse pas être compris, non seulement comme la pénalisation de la prostitution, mais encore comme la pénalisation du client : « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive » - ce qui est le cas du client se dirigeant vers une prostituée - et « de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles » peut s'appliquer au client. Enfin, l'expression « en échange d'une rémunération » peut aussi bien s'adresser à la prostituée qu'au client. Il aurait sans doute être préférable de remplacer « en échange » par « au bénéfice d'une rémunération ».
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 332.
    M. Noël Mamère. Nous avons déjà évoqué cette idée dans les discussions précédentes : la pénalisation du racolage jette les personnes prostituées dans la clandestinité ; d'ailleurs, M. le ministre l'a reconnu tout à l'heure et n'a pas apporté de réponse convaincante. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Par ailleurs, elle freinera le travail formidable effectué par les associations qui s'occupent des personnes prostituées.
    Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question qui reprend celle que vient de poser mon collègue Viollet.
    Plutôt que de vouloir chasser les personnes prostituées, nous sommes un certain nombre d'élus à essayer d'agir avec des travailleurs sociaux spécialisés dans ces questions, ou avec des associations connues, comme Le Nid. A cette occasion, nous avons découvert que les préfets ne réunissaient plus les commissions départementales qui rassemblent les principaux acteurs travaillant sur les questions de prostitution dans le domaine de la santé publique et dans le domaine sanitaire et social.
    Puisque vous êtes le ministre de l'intérieur et que vous exercez une tutelle sur les préfets, pourriez-vous rétablir ces commissions départementales ? Cela permettrait de mener un travail de prévention en même temps qu'un travail d'accompagnement. Ce serait l'exact contraire de la criminalisation des personnes prostituées qui, nous le répétons, ne sont pas toutes sous la tutelle de proxénètes et de réseaux mafieux.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour défendre l'amendement n° 392.
    M. André Gerin. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. M. Le Roux s'est demandé si les clients pourraient être concernés par les dispositions du 1° de l'article 18. Le code pénal dispose : « Le fait, par tout moyen, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe ». La jurisprudence est constante : cette disposition ne s'applique jamais au client. Et il y a quelques semaines encore, le tribunal correctionnel de Bordeaux s'est encore prononcé en ce sens.
    La précision qui est apportée au texte porte sur la notion de racolage actif et passif. Sur le fond, rien n'est modifié et il n'y a donc aucune raison que la jurisprudence qui a prévalu jusqu'à présent soit aujourd'hui appliquée à l'encontre du client.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je confirme la jurisprudence de Bordeaux. Il n'y a pas d'ambiguïté, d'autant que nous avons repris la même formule.
    Effectivement, monsieur Mamère, les commissions créées en 1960 et en 1971, ne se réunissent plus, pour des raisons qui m'échappent. C'est désolant, mais je n'en fais le procès à personne. Cela dit, notre débat me donne l'occasion d'annoncer officiellement que je signerai dans les tout prochains jours avec Mme Ameline une circulaire demandant aux préfets de réunir ces commissions et de remettre au premier rang ces associations admirables qui font un boulot irremplaçable.
    La politique du Gouvernement en la matière consiste à la fois à se donner les moyens de réprimer le proxénétisme et à réactiver ces commissions pour leur permettre de faire leur travail dans de meilleures conditions.
    Monsieur Mamère, je vous réponds : oui, sans aucune espèce de réserve.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. J'entends bien, monsieur le ministre. Mais c'est au législateur de dire - en dehors de l'interprétation des magistrats - que cet article nouveau n'aboutit pas à la pénalisation du client.
    Je considère par ailleurs, et c'est la position du groupe socialiste, que cet amendement ne facilitera pas le travail de ces associations, qui peuvent pourtant aider efficacement les prostituées à quitter le trottoir ou les réseaux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Croyez-vous que les policiers qui appliqueront cet article se seront entendus auparavant avec les associations pour organiser la prise en charge des prostituées ? Je ne le crois pas. Nous avons interrogé les associations qui interviennent : l'article que nous allons voter ne leur facilitera pas la tâche.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quatre des associations les plus importantes participent aux groupes de travail du ministère de l'intérieur. Au demeurant, monsieur Le Roux, si vous avez tant de considération pour elles, dites-moi pourquoi vous avez omis de réunir les commissions départementales ! J'ai hérité d'une situation qui est ce qu'elle est. Mais ne venez pas me dire que je rends le travail des associations plus difficile, alors même que je viens d'annoncer que je prends une circulaire pour réactiver des commissions qui étaient tombées dans le sommeil le plus absolu ! Certes, depuis plus de cinq ans. Mais, en cinq ans, vous auriez pu vous réveiller, tout de même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 289, 332 et 392.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 333, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 225-10-1 du code pénal, supprimer les mots : "par tout moyen, y compris par une attitude même passive,. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à supprimer la notion de racolage passif, pour des raisons que nous avons déjà évoquées devant cette assemblée : en particulier, nous voulons éviter la criminalisation de la prostitution et le frein apporté au travail des associations, qui ne pourront pas agir dans de bonnes conditions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Repoussé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 333.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, a présenté un amendement, n° 92, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 225-10-1 du code pénal, substituer au nombre : "six, le nombre : "deux. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Nous avions, avant l'article 18, créé la fameuse peine de deux mois, qui a suscité sur ces bancs - à ma grande incompréhension -, des réactions très violentes alors que nous avions eu au cours de l'après-midi un débat très dépassionné et très constructif sur ce sujet. Il s'agit maintenant d'appliquer cette peine au racolage passif comme au racolage actif.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 18

    M. le président. MM. Beaudouin, Blum, Chavanne, Decool, Dell'Agnola, Dubourg, Dupont-Aignan, Goasguen, Gilard, Guillet, Hamelin, Hugon, Luca, Mach, Meyer, Quentin, Remiller, Reymann, Vachet, Zumkeller et Labaune ont présenté un amendement, n° 149 troisième correction, ainsi libellé :
    « Après l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Avant le dernier alinéa de l'article 225-10 du code pénal est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 4° De vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit, d'une ou plusieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution. »
    La parole est à M. Patrick Beaudoin.
    M. Patrick Beaudouin. L'amendement n° 149 troisième correction, cosigné par trente de nos amis parlementaires, tend à renforcer les possibilités de lutter contre les proxénètes et, surtout, à gêner leurs activités. Il complète d'ailleurs les dispositions générales qui viennent d'être discutées et adoptées par notre assemblée.
    Depuis quelques années, nous avons pu constater une accélération de l'utilisation, par les proxénètes, d'engins motorisés, en l'occurrence de camionnettes, caravanes et autres camping-cars, pour faciliter la prostitution dans les lieux publics. Au bois de Vincennes, voisin de ma circonscription - mais il en est de même dans nombre de lieux périurbains, voire proches d'agglomérations, en Ile-de-France ou dans l'ensemble de notre pays -, nous sommes passés d'une dizaine de véhicules il y a quatre ans à près de 200 en 2002, selon les chiffres des services de police.
    Si quelques-uns de ces véhicules sont utilisés par des femmes qui se livrent à la prostitution « libre » - du moins le disent-elles -, la quasi-totalité d'entre eux sont sous le contrôle de véritables réseaux. Des jeunes femmes, malgaches, du Sierra Leone, du Kosovo ou de pays de l'Est de l'Europe, sont ainsi exploitées. Une véritable logistique est mise en place pour que le système puisse fonctionner en 3 x 8. Ainsi, mes chers collègues, il existe un service de ramassage le matin, un service de nettoyage, un service de réparation, un service de protection et un service de nettoyage des vitres, afin que les clients puissent mieux voir soit la prostituée, soit - depuis quelque temps hélas ! - les mineurs.
    Nous assistons à une véritable et sale industrie de commercialisation de l'être humain. Parfois même - et cela a été à l'origine de procès dans le Val-de-Marne - certaines rues ou allées sont protégées, partagées, mises sous le contrôle d'anciennes prostituées qui, par leur ancienneté, ont acquis une certaine autorité et contrôlent ces réseaux.
    Ainsi, dans nos métropoles se développe une des formes de l'exploitation humaine les plus odieuses par son ostentation et par les risques qu'elle fait courir à la santé publique. La prostitution utilisant les véhicules motorisés est particulièrement pernicieuse. Elle permet aux proxénètes d'éviter que les prostituées puissent tomber sous le coup d'outrage à la pudeur. Ceux qui mettent ces véhicules à la disposition des clients ne risquent pas de tomber sous le coup des dispositions du code pénal réprimant le proxénétisme hôtelier. Dans le bois de Vincennes, une place pour une camionnette, sur une semaine, se loue entre 1 000 et 2 000 euros ! L'utilisation des véhicules a naturellement lieu dans des conditions d'hygiène et de salubrité publiques totalement déplorables. Les maladies sexuellement transmissibles trouvent dans cette pratique un terrain propice à leur extension. Près de 50 % de ces prostituées contrôlées sont séropositives.
    Contre les proxénètes, mes chers collègues, je crois que le temps est à l'action. C'est pourquoi il est proposé par le présent amendement d'étendre aux personnes qui mettent à la disposition des prostituées des véhicules de toute nature les peines applicables en matière de prostitution et de proxénétisme hôtelier.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. M. Beaudoin souligne une situation à la fois dramatique et inadmissible. Cet amendement, dans une version antérieure, avait été repoussé par la commission. Comme il a été parfaitement retravaillé et modifié dans le sens que nous avions préconisé, j'y suis aujourd'hui favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149, troisième correction.
(L'amendement est adopté.)

    M. le président. M. de Gaulle a présenté un amendement, n° 393, ainsi libellé :
    « Après l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 225-10-1 du code pénal, il est inséré un article 225-10-2 ainsi rédigé :
    « Art. 225-10-2. - L'exercice de la prostitution à proximité des établissements scolaires aux heures d'ouverture de ceux-ci est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »
    M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il a été repoussé par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 393.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Braouzec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 165, ainsi libellé :
    « Après l'article 18, insérer l'article suivant :
    « L'article 225-14 du code pénal est ainsi rédigé :
    « Art. 225-14. - Le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité, de sa situation de dépendance, à des conditions de travail, ou d'hébergement, notamment sur les chantiers de construction d'immeubles, de travaux publics et dans des ateliers, incompatibles avec la dignité humaine, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Cet amendement vient compléter les modifications du Sénat. Afin de lutter contre le travail dissimulé, il nous semble nécessaire de sanctionner pénalement les personnes hébergeant dans des conditions insalubres les salariés travaillant sur les chantiers ou dans les ateliers clandestins.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les articles 17 et 17 quater. En outre, il n'est pas utile d'ajouter « notamment » qui va plutôt dans un sens d'un affaiblissement, monsieur Gerin. C'est pourquoi il a été repoussé par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lagarde et M. Perruchot ont présenté un amendement, n° 342, ainsi rédigé :
    « Après l'article 18, insérer l'article suivant :
    « A compter de 2004, le Gouvernement déposera chaque année sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à l'ouverture de la session ordinaire, un rapport faisant état de l'évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des prostitués, ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes d'aide aux prostitués. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir cet amendement.
    M. Pierre-Christophe Baguet. On oublie vite, M. le ministre vient de le souligner en annonçant le prochain envoi d'une circulaire aux préfets relançant l'activité des commissions départementales qui étaient enterrées depuis plus de cinq ans. Nous vous proposons, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Nicolas Perruchot et moi-même, de rafraîchir chaque année notre mémoire en proposant au Gouvernement de déposer, sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à l'ouverture de la session ordinaire, un rapport faisant état de l'évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des prostitués ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes qui leur viennent en aide.
    La mission commune d'information sur l'esclavage moderne a été trés intéressante, et riche d'enseignement. Mais souvent nous oublions de suivre ce genre de travaux. Cet amendement permettrait de trouver un juste équilibre entre la fermeté nécessaire contre les proxénètes et les actions tout aussi nécessaires pour favoriser la réinsertion des prostitués. Ne les oublions pas et travaillons chaque année avec les associations pour faire le point avec elles sur les moyens dont elles disposent dans leur action en faveur de ces victimes.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Baguet, cet excellent amendement renforce l'équilibre de l'article 18 tel qu'il nous est proposé. Je confirme donc l'avis favorable que la commission a émis.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Baguet, votre amendement permet d'introduire une notion très importante dans notre pays, qui est la notion d'évaluation. C'est tout à fait compatible avec ce que le Gouvernement n'a cessé de dire au cours de ce débat. Nous ne sommes pas persuadés d'avoir la vérité. Il faudra certainement revenir sur cette question de la prostitution pour compléter, améliorer, peut-être modifier ces dispositions et on ne peut le faire sans fixer un rendez-vous avec le Parlement pour évaluer l'efficacité de ce que nous aurons ensemble décidé.
    Tout ce qui va dans le sens de l'évaluation est une très bonne chose et le Gouvernement donne donc un avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 21 janvier 2003, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à une coopération sur l'observation de la Terre.
    Ce projet de loi, n° 556, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 21 janvier 2003, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement du Canada, les Gouvernements d'Etats membres de l'Agence spatiale européenne, le Gouvernement du Japon, le Gouvernement de la Fédération de Russie et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile (ensemble une annexe).
    Ce projet de loi, n° 557, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 21 janvier 2003, de MM. Philippe Vuilque, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur l'implication des sectes dans le domaine de la santé et le secteur médico-social.
    Cette proposition de résolution, n° 558, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 21 janvier 2003, de M. Michel Diefenbacher un rapport, n° 559, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur la proposition de résolution de MM. Jacques Barrot, Patrick Ollier et Pierre Méhaignerie, tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision (n° 502).

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 17 janvier 2003, de M. le Premier ministre, en application de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), un rapport sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

6

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Aujourd'hui, à vingt et une heures, séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence n° 381, pour la sécurité intérieure :
    M. Christian Estrosi, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 508) ;
    Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 459).
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 22 janvier 2003 à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
RECTIFICATIF
Au compte rendu intégral de la 3e séance
du mardi 14 janvier 2003

    Page 99, 1re colonne, dernier alinéa :
    Lire : « J'ai reçu de MM. Bernard Schreiner et Jean-Claude Mignon un rapport d'information (n° 516) fait en application de l'article 29 du règlement au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale sur l'activité de cette assemblée au cours de sa session ordinaire de 2002. »

DÉCISIONS SUR DES REQUÊTES
EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
Communication du Conseil constitutionnel
en application de l'article LO 185 du code électoral
Décision n° 2002-2633/2695 du 20 janvier 2003
(AN, Moselle, 1re circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu 1° la requête n° 2002-2633 présentée par M. Marcel Claude demeurant à Scy-Chazelles (Moselle), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 juin 2002, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1re circonscription du département de la Moselle pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. François Grosdidier, député, enregistré comme ci-dessus le 8 août 2002 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Claude, enregistrés comme ci-dessus les 1er octobre, 8 octobre, 24 octobre, 8 et 26 novembre 2002 ;
    Vu 2° la requête n° 2002-2695 présentée par M. Jean-Paul Pilla demeurant à Woippy (Moselle), enregistrée comme ci-dessus le 26 juin 2002, et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu les mémoires en défense présentés par M. Grosdidier, député, enregistrés comme ci-dessus les 24 juillet et 2 décembre 2002 ;
    Vu les observations présentées par M. Daniel Delrez, tiers mis en cause, enregistrées comme ci-dessus le 4 novembre 2002 ;
    Vu les observations présentées par M. Pascal Schmitt, tiers mis en cause, enregistrées comme ci-dessus le 15 novembre 2002 ;
    Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les deux requêtes, enregistrées comme ci-dessus le 17 septembre 2002 ;
    Vu les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 9 octobre 2002, approuvant respectivement les comptes de campagne de MM. Grosdidier, Delrez et Schmitt ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
            Sur les griefs tirés de la violation de l'article L. 52-8 du code électoral :
    
2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
    3. Considérant que, selon les requérants, la commune de Woippy, dont le candidat proclamé élu est le maire, aurait participé, par différentes actions de communication effectuées sur l'ensemble de la circonscription électorale, au financement de la campagne de M. Grosdidier pour l'élection législative ; que les allégations formulées à cet égard par M. Claude ne sont assorties d'aucune précision ni d'aucun commencement de preuve et ne peuvent, dès lors, qu'être écartées ;
    4. Considérant que, pour sa part, M. Pilla fait état de la diffusion, au-delà des limites de la commune, du numéro 29 du bulletin municipal de Woippy dont l'éditorial aurait constitué, selon lui, « une véritable profession de foi électorale » ; qu'il critique également la distribution, en novembre 2001, d'un document de quatre pages intitulé « La vérité sur les obus chimiques dans l'agglomération messine » mettant en cause l'inaction des pouvoirs publics et appelant à la signature d'une pétition pour s'opposer « à la pérennisation du dépôt d'armes chimiques de Woippy » et en demander « le transfert au camp de Suippes » ;
    5. Considérant, en premier lieu, que l'édition critiquée du bulletin municipal de Woippy a été diffusée en mai 2001, soit plus de douze mois avant l'élection contestée ; qu'en conséquence, les dépenses y afférentes n'entrent pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de l'article L. 52-8 précité ;
    6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la diffusion du document intitulé « La vérité sur les obus chimiques dans l'agglomération messine » s'est inscrite dans le contexte d'un débat de portée nationale, engagé entre élus locaux de Lorraine et pouvoirs publics, quant aux moyens de neutraliser d'anciens stocks d'obus à charge chimique découverts au fort Déroulède de Woippy ; que, si sa distribution est intervenue près de sept mois avant la date du scrutin, c'est-à-dire au cours de la période déterminée par l'article L. 52-4 du code électoral, ce document ne comportait aucune référence aux élections à venir ;
    7. Considérant, en conséquence, que la commune de Woippy ne peut être considérée comme ayant participé, par l'édition et la diffusion de ces documents, au financement de la campagne électorale de M. Grosdidier ;
    8. Considérant que, selon M. Pilla, M. Grosdidier aurait encore bénéficié d'avantages indus dans le cadre de l'organisation de la « Fête des fraises », qui se tient à Woippy au mois de juin de chaque année ; qu'il n'est cependant pas établi, ni même allégué, que la célébration de cette fête traditionnelle ait été accompagnée, en 2002, d'actions particulières destinées à influencer les électeurs ; que la seule circonstance que la date de l'élection de la « Reine des fraises », qui, selon le requérant, aurait dû se tenir le troisième dimanche de juin, soit le jour du second tour de l'élection, a été avancée de deux semaines pour être fixée au premier dimanche de juin ne saurait suffire à établir l'existence d'une violation de l'article L. 52-8 du code électoral ;
            Sur les griefs tirés de la violation de l'article L. 52-4 du code électoral :
    9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses afférentes à l'envoi, par des responsables locaux, d'une lettre de soutien à la candidature de M. Grosdidier ont été réglées par le mandataire financier du candidat et dûment inscrites à son compte de campagne ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de l'article L. 52-4 du code électoral manque en fait ;
            Sur le grief tiré de la violation des dispositions combinées des articles L. 52-5 et L. 52-12 du code électoral :
    10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 » ; qu'il est spécifié que : « Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien... » ; qu'aux termes de l'article L. 52-5 : « L'association de financement électorale est tenue d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières... » ;
    11. Considérant que M. Claude soutient que les candidatures de MM. Pascal Schmitt et de Daniel Delrez auraient été suscitées et financées par M. Grosdidier afin d'affaiblir la position de son principal concurrent ; que ces candidatures constitueraient une manoeuvre ayant permis au candidat élu d'avoir recours, pour les besoins de sa campagne, à des moyens de propagande électorale dont les dépenses ne sont pas retracées dans son propre compte de campagne, en violation du principe de l'unicité du compte de campagne prévu par l'article L. 52-5 précité ; que M. Pilla reprend ce grief à son compte ;
    12. Considérant que M. Claude n'assortit ce grief d'aucun commencement de preuve ; que son argumentation repose exclusivement sur des suppositions tirées de l'existence de relations personnelles ou professionnelles entre M. Schmitt et M. Grosdidier, ou encore de l'existence de thèmes de campagne électorale communs à ce dernier et à MM. Schmitt et Delrez ; que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir été informée du grief ainsi soulevé devant le Conseil constitutionnel et procédé à une instruction afin d'en apprécier le bien-fondé, a approuvé les comptes dont la régularité est mise en cause ; qu'aucun des faits allégués ne permet d'établir l'existence d'une fraude ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de M. Claude de consulter les comptes de campagne de MM. Grosdidier, Schmitt et Delrez, le grief doit être écarté ;
    13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. Claude et Pilla doivent être rejetées,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les requêtes de MM. Marcel Claude et Jean-Paul Pilla sont rejetées.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2690 du 20 janvier 2003
(AN, Paris, 1re circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Jean-François Legaret, demeurant à Paris, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1re circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par Mme Martine Billard, député, enregistré comme ci-dessus le 30 juillet 2002 ;
    Vu le mémoire en réplique présenté par M. Legaret, enregistré comme ci-dessus le 1er octobre 2002 ;
    Vu le nouveau mémoire présenté par Mme Billard, enregistré comme ci-dessus le 13 novembre 2002 ;
    Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus les 19 septembre et 2 décembre 2002 ;
    Vu les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 7 octobre 2002, approuvant respectivement les comptes de campagne de Mme Billard et de M. Legaret ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur la requête de M. Legaret :
            En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par Mme Billard :
    1. Considérant que si, aux termes de l'article 3 du règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel, « les requêtes introductives d'instance doivent contenir les nom, prénoms, adresse et qualités du ou des requérants et le nom du ou des élus dont l'élection est contestée ainsi que l'exposé des faits et des moyens invoqués... », il n'est pas soutenu que la circonstance selon laquelle M. Legaret ne résiderait pas à l'adresse qu'il a communiquée au Conseil constitutionnel ait eu pour effet d'entraver le bon déroulement de la procédure ; que Mme Billard n'est dès lors pas fondée à soutenir que la requête de M. Legaret serait irrecevable ;
            En ce qui concerne le grief relatif aux listes électorales :
    2. Considérant qu'en l'absence de manoeuvres de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la régularité des inscriptions sur les listes électorales ;
    3. Considérant que la circonstance que des lettres adressées par M. Legaret aux électeurs inscrits sur les listes électorales de la 1re circonscription de Paris lui auraient été retournées avec la mention que le destinataire n'habitait pas à l'adresse indiquée et l'allégation selon laquelle 521 de ces électeurs auraient voté le 16 juin 2002 ne suffisent pas à établir l'existence de manoeuvres de nature à avoir porté atteinte à la sincérité du scrutin ;
            En ce qui concerne les griefs relatifs à la campagne électorale :
    4. Considérant que la circonstance que certains électeurs n'auraient pas reçu, avant le premier tour de scrutin, la circulaire et le bulletin de vote de M. Legaret que la commission de propagande devait leur adresser en application de l'article L. 34 du code électoral est sans incidence sur les résultats du second tour auquel M. Legaret, qui a obtenu à l'issue du premier tour de scrutin le nombre de suffrages exigé par les dispositions de l'article L. 126 du même code, a pu se présenter ;
    5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant le premier tour de scrutin, un tract appelant à voter pour Mme Billard mettait en cause l'action de M. Legaret en sa qualité d'adjoint au maire de Paris, chargé des finances, antérieurement aux élections municipales du mois de mars 2001 et mentionnait que le remplaçant du candidat avait été mis en examen ; que d'autres tracts distribués avant le premier tour de scrutin reprenaient les mêmes thèmes ; que, dans ces conditions, le rappel de ces thèmes de la campagne électorale, par des tracts, des affiches et des propos tenus lors de meetings au cours de la semaine qui a précédé le second tour de scrutin n'a pas constitué un élément nouveau de polémique électorale auquel M. Legaret n'aurait pas été en mesure de répondre ; que, si les adversaires de M. Legaret ont affirmé, lors d'un meeting du 12 juin 2002, que ce candidat n'aurait pas suffisamment contrôlé le Crédit municipal de Paris lorsqu'il était adjoint au maire de Paris, ces propos ont été tenus à une date permettant à l'intéressé de répondre ; que ni le caractère polémique des termes employés pour mettre en cause M. Legaret et son remplaçant, ni la teneur des affichettes apposées sur les affiches de M. Legaret, ni la circonstance que d'autres affichettes, appelant à ne pas voter pour les candidats soutenant le Président de la République, ont été apposées le 15 juin 2002 sur les panneaux électoraux d'un bureau de vote, pour regrettables qu'ils soient, n'ont été de nature, compte tenu de l'écart des voix séparant M. Legaret de la candidate élue, à fausser les résultats du scrutin ;
    6. Considérant que, à supposer même qu'un message diffusé sur un site Internet le 13 juin 2002 aurait eu un caractère de propagande électorale, le maintien de ce message jusqu'au jour du scrutin ne constituerait pas une opération prohibée par les dispositions du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral, dès lors qu'il n'est pas allégué que des modifications auraient été apportées au contenu de ce message après le vendredi 14 juin à minuit ;
    7. Considérant, enfin, que le bulletin « spécial budget 2002 » édité par la ville de Paris ne peut être regardé, compte tenu des conditions de sa diffusion, par mise à disposition du public pendant quelques jours du mois de mars 2002 dans les locaux de la mairie de Paris et de certaines mairies d'arrondissement, comme constitutif d'une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ;
            En ce qui concerne les griefs relatifs au financement de la campagne électorale de Mme Billard :
    8. Considérant que le bulletin « spécial budget 2002 » distribué par la ville de Paris en mars 2002 ne peut être regardé, par son contenu, comme se rattachant à la campagne électorale de Mme Billard ; que la déclaration faite par le maire de Paris le 13 juin 2002 appelant les jeunes électeurs à ne pas s'abstenir de voter le 16 juin ne constitue pas davantage un élément de la campagne électorale de Mme Billard ; que M. Legaret n'est dès lors fondé à soutenir ni que le coût de la diffusion de ce bulletin et de cette déclaration aurait constitué un don d'une personne morale prohibé par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, ni que Mme Billard aurait dû faire figurer cette dépense dans son compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du même code ;
    9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le compte de campagne de Mme Billard comporte le montant de la dépense correspondant à la distribution aux électeurs de la circonscription d'une lettre de soutien du maire de Paris ;
    10. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le compte de campagne de Mme Billard comporte les montants des concours en nature correspondant à la mise à disposition de la candidate, d'une part, par « les Verts Paris », pendant la période du 1er janvier 2002 au 19 juin 2002, du tiers d'un local situé rue de Turenne et, d'autre part, par le parti socialiste, pendant la période du 26 mai au 16 juin 2002, d'un local situé rues Montorgueil et Léopold-Bellan ; qu'il en va de même de la mise à disposition, en vue d'un affichage, de vitrines situées l'une rue François-Miron et l'autre rue Charlot ; qu'il n'est pas établi que les coûts de ces mises à disposition auraient été évalués, dans le compte de campagne de la candidate, à des montants insuffisants ;
    11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Legaret n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1re circonscription de Paris ;
            Sur le compte de campagne de M. Legaret :
    
12. Considérant que ni l'éditorial signé par M. Legaret en sa qualité de maire du premier arrondissement de Paris dans le numéro de mai 2002 du journal d'information de la mairie de cet arrondissement, ni les invitations à un concert donné le 27 mai 2002 signées par M. Legaret en cette même qualité ne se rattachent à la campagne électorale du candidat ; qu'il n'est pas établi que l'éditorial appelant à voter pour M. Legaret figurant dans le numéro du 12 juin 2002 de la revue « Initiatives Paris (2e) - Lettre d'information de la droite indépendante et libérale » aurait été publié avec l'accord du candidat ; que, dès lors, Mme Billard n'est pas fondée à soutenir que les coûts correspondants auraient dû figurer dans les dépenses du compte de campagne de M. Legaret en application des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ; que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé le compte de campagne de M. Legaret ;
    13. Considérant qu'il n'y a lieu, dès lors, ni de rejeter le compte de campagne de M. Legaret ni de déclarer celui-ci inéligible,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Jean-François Legaret est rejetée.
    Art. 2. - Les conclusions présentées par Mme Martine Billard tendant à ce que M. Jean-François Legaret soit déclaré inéligible sont rejetées.
    Art. 3. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2644/2648 du 20 janvier 2003
(AN, Seine-et-Marne, 3e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu 1° la requête n° 2002-2644 et le mémoire complémentaire, présentés par M. Jean-François Jalkh, demeurant à Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne), enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 24 et 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 3e circonscription de Seine-et-Marne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Yves Jego, député, enregistré comme ci-dessus le 29 juillet 2002 ;
    Vu 2° la requête n° 2002-2648 présentée par M. Frédéric Maupin, demeurant à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 25 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu les mémoires en défense présentés par M. Jego, enregistrés comme ci-dessus les 18 juillet et 15 octobre 2002 ;
    Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les deux requêtes, enregistrées comme ci-dessus les 17 septembre et 12 novembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 26 septembre 2002, approuvant le compte de campagne de M. Jego ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que les requêtes de M. Jalkh et de M. Maupin sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
    2. Considérant que, s'il incombait au législateur, en vertu des dispositions combinées de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution, de modifier la délimitation des circonscriptions, afin de tenir compte, chaque fois que c'était nécessaire, des évolutions de la population intervenues depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à la détermination des circonscriptions pour l'élection des députés, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, se prononçant, comme en l'espèce, en application de l'article 59 et non de l'article 61 de la Constitution, d'apprécier la constitutionnalité des dispositions législatives contenues dans le tableau n° 1 annexé à l'article L. 125 du code électoral ; que M. Jalkh ne saurait dès lors utilement contester la délimitation de la circonscription dans laquelle il était candidat ;
    3. Considérant que l'inéligibilité aux fonctions de conseiller général qui avait frappé le député élu, M. Jego, en vertu d'un jugement du tribunal administratif de Melun du 20 octobre 1998 statuant sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 17 septembre 1999, ne s'étendait pas aux élections législatives ; que, par suite, M. Maupin ne peut utilement invoquer ce jugement, lequel avait au surplus cessé de produire ses effets à la date de l'élection de M. Jego aux fonctions de député, pour demander l'annulation de cette élection ;
    4. Considérant que le grief tiré par M. Maupin de l'importance du matériel de propagande électorale utilisé par M. Jego n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée ; que, si M. Jego a fait diffuser avant le premier tour de scrutin des documents de propagande électorale en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 165 du code électoral, cette circonstance n'a pas eu pour effet de fausser les résultats des deux tours de scrutin, à l'issue de chacun desquels le candidat élu a obtenu un nombre de voix très supérieur à celui de la candidate arrivée en deuxième position ; que, enfin, si l'absence du nom et du domicile de l'imprimeur sur les tracts de M. Jego est contraire aux dispositions de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, applicables à la propagande électorale en vertu de l'article L. 48 du code électoral, cette omission n'a pas eu pour effet de faire obstacle à la vérification du compte de campagne du candidat dès lors que ce compte devait, en application de l'article L. 52-12 du code électoral, être accompagné des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ;
    5. Considérant que le nom de la remplaçante de M. Jalkh figurait sur sa déclaration de candidature comme sur ses bulletins de vote conformément aux prescriptions des articles L. 155 et L. 165 du code électoral ; que c'est, dès lors, en méconnaissance des dispositions du cinquième alinéa de l'article R. 38 et du troisième alinéa de l'article R. 34 du même code que la commission de propagande a, d'une part, refusé d'accepter ces bulletins de vote, au motif que ce nom différait de celui que le préfet avait mentionné sur le récépissé de déclaration de candidature, et, d'autre part, omis de les adresser aux électeurs ; que c'est également à tort qu'elle n'a pas exécuté l'injonction que, par une ordonnance du 4 juin 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Melun lui a faite d'adresser à tous les électeurs de la circonscription le bulletin de vote de M. Jalkh ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la commission de propagande a adressée aux électeurs la profession de foi de M. Jalkh et que les bulletins de vote de celui-ci étaient à la disposition des électeurs dans tous les bureaux de vote de la circonscription, y compris dans celui de Laval-en-Brie, où étaient inscrits 308 électeurs et pour lequel il n'est pas établi que ces bulletins de vote n'auraient pas été disponibles dès l'ouverture du bureau de vote ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la circonstance que M. Jalkh, qui a obtenu 6 104 voix au premier tour de scrutin, aurait dû recueillir 1 238 suffrages supplémentaires pour pouvoir être candidat au second tour en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 162 du code électoral, l'irrégularité tenant à l'absence d'envoi des bulletins de vote de M. Jalkh aux électeurs par la commission de propagande, pour particulièrement blâmable qu'elle soit de la part d'une autorité administrative, n'a pas eu pour effet de modifier l'issue du scrutin ;
    6. Considérant que, si la commission de propagande a refusé d'accepter les bulletins de vote d'une autre candidate, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que ce refus serait entaché de la même irrégularité que celle qui affectait le refus opposé à M. Jalkh ou de toute autre irrégularité ; que M. Jalkh n'est dès lors pas fondé à soutenir que le refus de la commission de propagande aurait eu pour effet de modifier l'issue du scrutin ;
    7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. Jalkh et Maupin ne sont pas fondés à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la troisième circonscription de Seine-et-Marne,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les requêtes de MM. Jean-François Jalkh et Frédéric Maupin sont rejetées.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2654/2674/2742 du 20 janvier 2003
(AN, Hauts-de-Seine, 5e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu 1° la requête n° 2002-2654 présentée par M. Gilles Catoire, demeurant à Clichy (Hauts-de-Seine), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 25 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 5e circonscription des Hauts-de-Seine pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Patrick Balkany, député, enregistré comme ci-dessus le 25 juillet 2002 ;
    Vu 2° la requête n° 2002-2674 présentée par M. Olivier de Chazeaux, demeurant à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Balkany, enregistré comme ci-dessus le 25 juillet 2002 ;
    Vu 3° la requête n° 2002-2742 présentée par Mme Sophie Levamis et par M. Philippe Wajnglas, demeurant à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), enregistrée à la préfecture des Hauts-de-Seine le 27 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu les lettres enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 19 septembre et 29 octobre 2002, desquelles il résulte que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales n'a pas d'observations à présenter sur les requêtes ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu,
    1. Considérant que les requêtes de M. Catoire, de M. de Chazeaux, de Mme Levamis et de M. Wajnglas sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
    2. Considérant que l'annulation des opérations électorales des 11 et 18 mars 2001 pour la désignation des conseillers municipaux de Levallois-Perret, par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 octobre 2001 confirmé ultérieurement par une décision du Conseil d'Etat en date du 29 juillet 2002, n'avait pas pour effet d'interdire à M. Balkany de faire état de sa qualité de maire de cette commune antérieurement à cette dernière décision, dès lors que les dispositions de l'article L. 250 du code électoral conféraient à l'appel qui avait été formé devant le Conseil d'Etat un caractère suspensif ; que, par suite, la circonstance que M. Balkany s'est prévalu de cette qualité lors de la campagne électorale qu'il a menée en vue des élections législatives des 9 et 16 juin 2002 n'a pas constitué une irrégularité de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
    3. Considérant que, si les documents de propagande électorale en faveur de M. Balkany distribués lors de la campagne électorale ayant précédé le premier tour de scrutin soulignaient que le candidat et son remplaçant soutenaient l'action du Président de la République et des partis composant la majorité présidentielle, ces documents ne mentionnaient pas expressément que les intéressés auraient obtenu l'investiture de l'Union pour la majorité présidentielle ;
    4. Considérant qu'au second tour de scrutin se sont présentés trois candidats, dont M. Balkany, arrivé en tête au premier tour, et M. de Chazeaux arrivé en deuxième position et seul investi, y compris pour ce second tour, par l'Union pour la majorité présidentielle ; que, lors de la campagne électorale ayant précédé le second tour, ont été diffusés des tracts en faveur de M. Balkany, certains portant l'en-tête « Union pour la majorité présidentielle », affirmant que celle-ci aurait demandé à M. de Chazeaux de ne pas se présenter au second tour ; que, toutefois, M. de Chazeaux a largement informé les électeurs, pendant la campagne électorale ayant précédé chacun des deux tours de scrutin, de ce qu'il était le seul candidat investi par l'Union pour la majorité présidentielle ; qu'en outre, les bulletins de vote respectifs de M. Balkany et de M. de Chazeaux étaient dépourvus de toute ambiguïté quant au fait que l'investiture avait été accordée au seul M. de Chazeaux ; que, dans ces conditions et compte tenu de l'écart de voix ayant séparé au second tour de scrutin M. Balkany tant de M. Catoire, investi par le parti socialiste, que de M. de Chazeaux, l'ensemble des agissements du candidat élu, pour regrettables qu'ils aient été, n'ont pu suffire à modifier l'issue du scrutin ;
    5. Considérant que M. Catoire fait valoir qu'un tract distribué entre les deux tours de scrutin, le 12 juin, invitait les électeurs de gauche à voter pour M. de Chazeaux pour empêcher l'élection de M. Balkany, ainsi que l'avait fait en 1995 M. Thierry David, conseiller général socialiste ; que, toutefois, M. David a fait diffuser, le 14 juin, un communiqué de presse indiquant qu'il n'était pas l'auteur de ce tract et qu'il soutenait M. Catoire ; que, dans ces conditions, M. Catoire n'est pas fondé à soutenir que les électeurs auraient été induits en erreur sur les soutiens dont il bénéficiait au second tour de scrutin ;
    6. Considérant que l'éditorial signé par Mme Balkany, premier adjoint au maire de Levallois-Perret, dans le supplément de juin 2002 du magazine d'informations municipales, relatif aux inscriptions aux activités sportives et culturelles organisées par la commune, ne constitue pas un procédé de publicité commerciale par voie de presse à des fins de propagande électorale prohibé par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ;
    7. Considérant que le numéro de mai 2002 du même magazine comporte un éditorial et des articles relatifs à la sécurité qui ne peuvent être regardés, par leur contenu, comme constituant une « campagne de promotion publicitaire » des réalisations ou de la gestion de la commune au sens du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ; que ne peuvent davantage être regardés comme une telle « campagne de promotion publicitaire » ni la participation de la commune de Levallois-Perret à l'organisation d'un championnat du monde de boxe le 23 mai 2002, ni l'organisation par cette commune, le 31 mai 2002 comme les années précédentes, de la manifestation « la nuit des sports », ni l'organisation par la commune, comme les années précédentes, d'une « fête de l'été » postérieurement à la date du second tour de scrutin, ni la distribution par la commune d'un « guide pratique du tri sélectif des ordures ménagères », ni même l'envoi par la commune d'une lettre du 27 mai 2002 annonçant la remise, comme l'année précédente, d'un cadeau pour le 14 juillet ; que le coût de ces publications et manifestations ne peut être regardé comme constituant des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection de M. Balkany ; qu'il n'avait pas, dès lors, à figurer dans le compte de campagne du candidat en application des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ;
    8. Considérant que le grief tiré par Mme Levamis et M. Wajnglas de ce que le montant des dépenses électorales exposées par M. Balkany aurait dépassé le plafond fixé par l'article L. 52-11 du code électoral n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
    9. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que c'est conformément aux dispositions de l'article R. 43 du code électoral que M. Wajnglas, classé en trente-quatrième position sur le tableau des conseillers municipaux de Levallois-Perret, n'a pas été désigné pour présider l'un des trente et un bureaux de vote de cette commune ;
    10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Catoire, M. de Chazeaux, Mme Levamis et M. Wajnglas ne sont pas fondés à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 5e circonscription des Hauts-de-Seine,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les requêtes de M. Gilles Catoire, M. Olivier de Chazeaux, Mme Sophie Levamis et M. Philippe Wajnglas sont rejetées.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2681 du 20 janvier 2003
(AN, Val-de-Marne, 4e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. James Vallery, demeurant à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 4e circonscription du département du Val-de-Marne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Jacques-Alain Bénisti, député, enregistré comme ci-dessus le 19 juillet 2002 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Vallery, enregistrés comme ci-dessus les 12 août et 10 octobre 2002 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Bénisti, enregistrés comme ci-dessus les 13 septembre et 29 octobre 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales enregistrées comme ci-dessus les 18 septembre et 16 octobre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 30 septembre 2002, approuvant le compte de campagne de M. Bénisti ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur les griefs tirés de la situation de M. Bénisti au regard du droit électoral :
    1. Considérant qu'à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une élection législative, M. James Vallery ne saurait se prévaloir de simples « interrogations » personnelles quant à l'éligibilité de M. Jacques-Alain Bénisti ; qu'il ne peut davantage invoquer utilement l'existence d'une incompatibilité entre le mandat de député de cet élu et ses autres mandats ; qu'en effet, cette incompatibilité, qui ne peut apparaître qu'après l'élection, serait sans incidence sur la régularité de celle-ci ;
            Sur les griefs tirés d'irrégularités de propagande au cours de la campagne électorale du premier tour :
    2. Considérant que, si M. Vallery reproche au candidat élu de s'être prévalu au cours de sa campagne de « l'investiture personnelle du Président de la République » et du « soutien officiel du Premier ministre », il ne précise pas en quoi de telles affirmations auraient constitué une manoeuvre de nature à fausser les résultats de l'élection ;
    3. Considérant que le requérant fait état d'une lettre du sénateur-maire de Sucy-en-Brie rédigée sur du papier à en-tête du Sénat et adressée aux habitants de sa commune dans les jours précédant le premier tour de scrutin en vue de soutenir la candidature de M. Bénisti ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette correspondance faisait suite à un tract émanant d'un autre candidat qui appartenait à la même formation politique que M. Bénisti ; que l'auteur du tract citait le nom de ce sénateur dans des termes pouvant laisser supposer qu'il bénéficiait de son soutien ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la lettre critiquée n'a pas présenté le caractère d'une manoeuvre de nature à altérer le résultat du scrutin ;
    4. Considérant que le requérant critique la diffusion massive, à la veille du premier tour de scrutin, d'un tract intitulé « Les casseurs de l'Union » et d'une lettre aux habitants de la commune du Plessis-Trévise, dans lesquels M. Bénisti aurait tenu des propos de nature à jeter le discrédit sur la personne de son concurrent ; qu'il ne résulte pas de la teneur de ces documents que ceux-ci aient dépassé les limites de la polémique électorale, dont la vivacité, au demeurant, a été entretenue, tout au long de la campagne du premier tour, par les deux candidats en cause ;
    5. Considérant, enfin, qu'il n'est nullement établi que le lancement du site Internet de la commune de Villiers-sur-Marne, dont M. Bénisti est maire, ait été accompagné d'actions de nature à influencer les électeurs ;
            Sur les griefs tirés de la violation de l'article L. 52-1 du code électoral :
    6. Considérant qu'il est soutenu que M. Bénisti aurait utilisé, au profit de sa campagne électorale, divers moyens de communication mis à sa disposition par la commune de Villiers-sur-Marne, en violation des dispositions du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ;
    7. Considérant que les numéros incriminés du bulletin municipal mensuel Villiers-Infos se limitent à donner aux administrés des informations sur la vie de la commune et ne font pas référence à l'élection ; que le numéro de mars-avril 2002 de La Lettre du maire produit à l'appui de la requête se borne à présenter, à l'occasion des élections présidentielle et législative, les principales institutions de la République et le système électoral en vigueur ; que, dès lors, de telles interventions ne peuvent être regardées comme constituant une campagne de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion d'une collectivité au sens de l'article L. 52-1 précité ;
            Sur les autres griefs relatifs au financement de la campagne électorale de M. Bénisti :
    8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral : « Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée le mandataire financier » ; que l'article L. 52-5 du même code prévoit notamment que l'association de financement électorale d'un candidat « doit être déclarée selon les modalités prévues par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association » et qu'elle est « tenue d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières » ; que l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 prévoit que la déclaration préalable de l'association est « faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où elle aura son siège social » ;
    9. Considérant qu'il ressort de l'instruction que l'association de financement constituée en vue de la campagne électorale de M. Bénisti a été déclarée à la préfecture, qui en a délivré récépissé, le 28 mai 2002 ; que les formalités tendant à rendre publique l'association ont été effectuées sans retard ; qu'un compte bancaire a été ouvert au nom de cette association aux fins d'encaisser les recettes et régler les dépenses à inscrire dans le compte de campagne du candidat, conformément aux dispositions de l'article L. 52-5 ; que, dans ces conditions, l'association de financement pouvait régulièrement agir, même si sa publication au Journal officiel n'est intervenue que le 15 juin 2002 ;
    10. Considérant que le grief selon lequel le candidat élu aurait indûment bénéficié d'une messagerie électronique sur le site Internet de « l'Union pour la majorité présidentielle » manque en fait ; qu'enfin, le grief tiré de ce que M. Bénisti aurait bénéficié, pour les besoins de sa campagne, de concours en nature de la part de la commune de Sucy-en-Brie n'est pas assorti d'éléments suffisants permettant de tenir les faits pour établis ;
    11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Vallery doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. James Vallery est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION
DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et décrets, du 22 janvier 2003)
GROUPE DE L'UNION POUR LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
(352 membres au lieu de 351)

    Ajouter le nom de M. Michel Lejeune.

APPARENTÉS AUX TERMES DE L'ARTICLE 19 DU RÈGLEMENT
(10 au lieu de 11)

    Supprimer le nom de M. Michel Lejeune.

GROUPE SOCIALISTE
(140 membres au lieu de 139)

    Ajouter le nom de M. Guy Lengagne.

APPARENTÉS AUX TERMES DE L'ARTICLE 19 DU RÈGLEMENT
(7 au lieu de 8)

    Supprimer le nom de M. Guy Lengagne.

CHANGEMENT DE COMPÉTENCE

    A la suite d'un accord entre les deux commissions, le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (n° 528), précédemment renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, est renvoyé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :

Communication du 15 janvier 2003

N° E 2175. - Recommandation du Conseil en vue de donner un avertissement préventif à la France en vue d'empêcher l'apparition d'un déficit excessif et proposition de décision du Conseil rendant publique la recommandation en vue de donner un avertissement préventif à la France en vue d'empêcher l'apparition d'un déficit excessif (SEC [2002] 1246 final).
N° E 2176. - Proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (COM 711 final).
N° E 2177. - Proposition de décision du Conseil concernant l'utilisation des intérêts du Fonds européen de développement pour le financement des coûts liés à la mise en oeuvre du système internalisé de gestion des experts individuels travaillant dans les Etats ACP (COM 752 final).

Communication du 16 janvier 2003

N° E 2178. - Lettre de la Commission européenne du 13 novembre 2002 relative à une demande de dérogation présentée par le Gouvernement français, conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, concernant une prorogation de l'article 2 de la décision du Conseil n° 2001/224/CE du 12 mars 2001 autorisant la France à appliquer un taux d'accises différencié sur le gazole utilisé par des véhicules utilitaires (D [2002] 21425).
N° E 2179. - Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance (COM 746 final).

Communication du 17 janvier 2003

N° E 2180. - Proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage (COM [2002] 730 final).

annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 21 janvier 2003
SCRUTIN (n° 110)


sur l'amendement n° 316 de Mme Royal après l'article 45 du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure (fixation à dix ans, à compter de la révélation des faits, du délai de prescription de l'action publique des crimes commis contre des mineurs).

Nombre de votants

129


Nombre de suffrages exprimés

129


Majorité absolue

65


Pour l'adoption

42


Contre

87

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 83 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 39 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).
    Pour : 1. - M. Noël Mamère.

SCRUTIN (n° 111)


sur l'amendement n° 47 repris par M. Le Roux rectifié par le sous-amendement n° 506 de M. Estrosi après l'article 17
undecies du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure (aggravation des peines encourues pour crime et délit commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime).

Nombre de votants

151


Nombre de suffrages exprimés

149


Majorité absolue

75


Pour l'adoption

133


Contre

16

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Pour : 82 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 16. - Mme Christine Boutin, M. Philippe Briand, Mme Chantal Brunel, MM. Philippe Dubourg, Jean-Pierre Dupont, Jean-Paul Garraud, Antoine Herth, Patrick Labaune, Pierre Lang, Marc Le Fur, Dominique Le Mèner, Mme Nadine Morano, MM. Etienne Mourrut, Robert Pandraud, Jacques Pélissard et Mme Béatrice Vernaudon.
    Abstentions : 2. - MM. Serge Grouard et Edouard Jacque.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 44 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).
    Pour : 1. - M. Noël Mamère.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Patrick Labaune, M. Dominique Le Mèner, Mme Nadine Morano et M. Robert Pandraud, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».