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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 9 AVRIL 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 8 avril 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Demande de nouvelle délibération «...».

RENVOI EN COMMISSION «...».

2.  Requête en contestation d'opérations électorales «...».
3.  Débat sur la maîtrise des dépenses publiques «...».
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Jacques Barrot.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
MM.
Didier Migaud,
Charles de Courson,
Jean-Claude Sandrier,
Marc Laffineur,
Gilbert Gantier,
Michel Bouvard,
Philippe Auberger,
Denis Merville,
MM.
Yves Deniaud,
Eric Woerth,
Pierre Hériaud,
Hervé Mariton,
Louis Giscard d'Estaing,
Jean-Yves Chamard.
4.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
5.  Débat sur la maîtrise des dépenses publiques (suite) «...».
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme bugétaire.
Clôture du débat.
6.  Nomination d'un député en mission temporaire «...».
7.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE
M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DEMANDE DE NOUVELLE DÉLIBÉRATION

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 4 avril 2003.    

                « Monsieur le président,
            « J'ai l'honneur de vous faire connaître que par décret en date du 4 avril 2003 le Président de la République a décidé, en application de l'article 10, deuxième alinéa, de la Constitution et de l'article 23, premier alinéa, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de demander au Parlement une nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, qui sera présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
            « Je vous adresse sous ce pli une ampliation de ce décret ainsi que le texte de l'article 4 de la loi soumis à cette nouvelle délibération, qui est celui adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, respectivement le 15 février 2003 et le 12 mars 2003.
            « Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Jean-Pierre Raffarin »        

    Je donne lecture de ce décret, qui a été publié au Journal officiel du 5 avril 2003 :
« DÉCRET DU 4 AVRIL 2003 SOUMETTANT L'ARTICLE 4 DE LA LOI RELATIVE À L'ÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX ET DES REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN AINSI QU'À L'AIDE PUBLIQUE AUX PARTIS POLITIQUES À UNE NOUVELLE DÉLIBÉRATION
    « Le Président de la République,
    « Vu la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques ;
    « Vu la Constitution, et notamment son article 10, deuxième alinéa ;
    « Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment son article 23, premier alinéa ;
    « Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-468 DC du 3 avril 2003,
            « Décrète :
    « Art. 1er. - Il est demandé au Parlement une nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques. Cette délibération interviendra en premier lieu à l'Assemblée nationale.
    « Art. 2. - Le Premier ministre est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera notifié au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat et publié au Journal officiel de la République française.
    « Fait à Paris, le 4 avril 2003.

« Jacques Chirac        

            « Par le Président de la République
    « Le Premier ministre,
    « Jean-Pierre Raffarin »
    Acte est donné de cette communication.
    La demande de nouvelle délibération ainsi que le texte qu'elle vise ont été imprimés sous le numéro 770 et distribués.

Renvoi en commission

    M. le président. Aux termes de l'article 116 du règlement, l'Assemblée doit être consultée pour savoir si elle désire renvoyer ce texte à une commission autre que celle qui a été précédemment saisie de la loi concernée. Il lui appartient aussi de fixer le délai dans lequel cette commission devra statuer.
    Je propose que le texte soit renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, qui avait eu à en connaître et que cette commission soit invitée à statuer avant la prochaine séance, conformément à l'ordre du jour arrêté par le Gouvernement.
    Il n'y a pas d'opposition ?
    M. Didier Migaud. Il pourrait y avoir des réserves... (Sourires.)
    M. le président. Je vous demande si vous avez des oppositions. Il n'y en a pas ?...
    Il en est ainsi décidé.
    Je rappelle qu'il sera procédé à la nouvelle délibération cet après-midi, après l'éloge funèbre de M. Jean-Marc Chavanne.

2

REQUÊTE EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 181 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une requête en contestation d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

3

DÉBAT SUR LA MAÎTRISE
DES DÉPENSES PUBLIQUES

    M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur la maîtrise des dépenses publiques : contrôle et suivi par le Parlement - Amélioration des performances de l'Etat.
    La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, mes chers collègues, en douze ans, de 1990 à 2002, la dépense publique d'Etat a augmenté de moitié, passant de 200 milliards à 300 milliards d'euros, à structure constante.
    Cette envolée, la plus rapide de notre histoire budgétaire, ne pose pas que des problèmes quantitatifs. La dépense est en effet devenue de plus en plus rigide, ce qui rend sa maîtrise encore plus difficile. Par exemple, l'ensemble constitué par les dépenses de personnel et les intérêts de la dette représentait 45 % du budget en 1990 ; il en représente plus de la moitié aujourd'hui. Les effectifs de la fonction publique sont passés de 1,6 à 2.3 millions. Quant à l'investissement, qui représentait en 1990 15 % du budget, il n'en représente plus aujourd'hui que 10 %.
    M. Michel Bouvard. Quel malheur !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les déficits, enfin, se sont creusés : 14 milliards d'euros en 1990 ; 49 milliards d'euros en 2002.
    Mais entre ces deux dates, il faut distinguer deux périodes. La première, entre 1993 et 1997, malgré une conjoncture économique difficile, a été marquée par une véritable volonté de réduction du déficit de l'Etat.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, alors que le déficit potentiel s'élevait, au printemps 1993, à 340 milliards de francs, soit 52 milliards d'euros, le déficit exécuté en 1997 fut ramené à 268 milliards de francs - 41 milliards d'euros. Ces chiffres permettent de mesurer l'effort de réduction.
    Hélas, la seconde période, de 1998 à 2002, malgré une croissance exceptionnelle pendant presque quatre ans, n'a connu qu'une faible réduction du déficit, qui, je le rappelle, a recommencé à augmenter dès 2001. Ce qui a fortement augmenté, par contre, ce sont les dépenses, sous le coup notamment des 35 heures, de la CMU, des recrutements supplémentaires dans la fonction publique.
    M. Michel Bouvard. Et tutti quanti !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces rappels nous démontrent une évidence : sans volonté politique ferme, il est impossible de maîtriser la dépense publique. Et toutes les procédures d'évaluation, de contrôle, de comptabilité, de mesure d'efficacité, bref toutes les lois organiques du monde n'y pourront rien.
    La précédente majorité en a d'ailleurs fourni l'éclatante démonstration.
    M. Didier Migaud. C'est injuste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au début de 1999, Laurent Fabius, président de notre assemblée, et Didier Migaud, rapporteur général du budget, publient un rapport intitulé « Contrôler réellement pour dépenser mieux et prélever moins » - et donc dépenser moins. Un an plus tard, Laurent Fabius prend les commandes de Bercy.
    Le résultat est pour le moins contrasté.
    D'un côté, un travail de méthode remarquable a été mené, qui a abouti au vote de la loi organique sur les lois de finances. A cet égard, je veux d'ailleurs saluer, outre le travail de Didier Migaud, le rôle décisif que vous avez joué à l'époque, monsieur le ministre, en tant que président de la commission des finances du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais d'un autre côté, ce travail de méthode a été nié, bafoué par les faits.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a été nié par une dépense publique qui, au même moment, a explosé, ainsi que par la multiplication des artifices budgétaires et des bombes financières à retardement qu'ont révélés l'audit qui a suivi le changement de majorité au printemps 2002, puis le collectif de juillet.
    Je ne donnerai que deux exemples.
    La prime de Noël, d'abord. Elle a été inscrite trois fois au collectif de 2002, car elle ne l'avait été ni en 2000, ni en 2001, ni en 2002. Deuxième exemple : la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie n'avait pas connu le début du commencement d'un financement sérieux.
    Monsieur le ministre, je suis certain de la volonté du Gouvernement de maîtriser enfin la dépense publique. Et cette volonté, il faut le souligner, est moins le résultat de la contrainte bruxelloise liée aux critères de convergence qu'elle ne traduit le souci de ne plus transférer sur les générations suivantes le fardeau de la dette et des déficits...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et de rendre au budget de l'Etat son rôle dans la politique économique en matière d'investissement et d'action contracyclique.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel contraste, chers collègues, entre la situation de la France et celle de la plupart des autres pays européens, qui ont su, eux, tirer parti des années de croissance pour réduire leur déficit et se désendetter ! Aujourd'hui, au creux du cycle économique, ils peuvent utiliser le budget de l'Etat pour relancer l'économie.
    M. Michel Bouvard. Et voilà !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si nous avons désormais la volonté politique de maîtriser la dépense, nous allons disposer - c'est une petite révolution - de véritables instruments pour mieux évaluer, mieux contrôler et rendre plus efficaces la dépense publique et la performance de l'Etat.
    S'agissant du premier de ces instruments, la loi organique du 1er août 2001, je ferai plusieurs observations.
    D'abord, il faut saluer, monsieur le ministre, votre souci de transparence et de sincérité budgétaire, qui est dans l'esprit de la loi organique : collectif de juillet ; collectif de décembre - lequel fut une première budgétaire, puisqu'il a été l'occasion de réviser la prévision de recettes pour 2003 ; discussion dès l'automne dernier des prélèvements obligatoires consolidés et de la programmation financière pluriannuelle ; débat d'orientation budgétaire dans quelques semaines, début juin ; amélioration significative de la comptabilité de l'Etat - comme j'ai pu le constater à l'occasion de l'examen de l'exécution du budjet 2002.
    Nous sommes aussi informés en temps réel des gels et des annulations de crédits. Mais cette information ne peut pas masquer une grande frustration. Nous avons passé plusieurs semaines, jusqu'à la mi-décembre, à discuter de quelques centaines, voire de quelques dizaines de millions d'euros, tout cela pour apprendre le 3 février, soit quelques semaines plus tard, le gel de 4 milliards d'euros, et le 14 mars, l'annulation de 1,7 milliard. Il faudra vraiment redonner du sens à la discussion budgétaire.
    La mise en oeuvre de la loi organique comporte une dimension politique majeure, à laquelle - même si ce n'est pas formellement prévu par la loi - le Parlement doit être étroitement associé. Il s'agit de la définition des missions et des programmes.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Gilles Carrez rapporteur général. J'incite l'ensemble de nos collègues, et notamment les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, à se plonger dans un travail qui ne doit en aucun cas rester l'apanage de l'administration. Prenons l'exemple du ministère de l'équipement. Qu'y a-t-il de plus politique que de choisir entre l'aide à la pierre et l'aide à la personne ? Entre l'entretien des routes et leur construction ? La sécurité maritime est-elle une priorité en soi, ou est-ce plutôt le développement des infrastructures portuaires ? La sécurité routière relève-t-elle d'une mission interministérielle ou bien d'un simple programme du ministère de l'équipement ? Même question pour la politique de la ville.
    Les fonctions support doivent-elles être préservées pour garder la meilleure flexibilité possible des crédits déconcentrés ou bien faut-il rechercher la vérité des coûts complets par programme ?
    Cet immense chantier, qu'il faut aborder rapidement et avec pragmatisme, est un chantier éminemment politique, et les délais de la LOLF sont extrêmement courts : le budget pour 2006 devra être discuté suivant la nouvelle nomenclature.
    La commission des finances, à l'initiative de Pierre Méhaignerie, a constitué une mission de suivi de la loi organique, qui est composée de Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard. Toutefois, j'y insiste, le suivi et la mise en place de la loi organique doivent nous concerner tous.
    M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut aussi renforcer la fonction d'évaluation de notre assemblée. Les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle doivent être étendus et ils doivent surtout, comme ceux de la Cour des comptes, être suivis d'effet.
    Ainsi, la mission d'évaluation, sous l'impulsion de son président, Yves Deniaud, achève actuellement son analyse dans deux domaines : le premier concerne l'archéologie ainsi que les architectes des Bâtiments de France et des monuments historiques ; le second est relatif aux organismes de prospective et d'évaluation.
    Sur l'archéologie, nous proposons, à partir de l'excellent travail de Laurent Hénart, de revenir sur le dispositif financier insensé de la loi de 2001, qui a été conçu sans aucune étude d'impact, qui provoque une envolée des coûts et qui a institué une redevance rejetée par tous.
    Aidez-nous, monsieur le ministre, à revoir la dépense publique d'archéologie, qui a augmenté d'un tiers en un an !
    M. Marc Laffineur. C'est vrai !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Evitez-nous une taxation générale qui, dans les temps actuels, serait incomprise des Français, surtout si elle devait s'appliquer aux permis de construire.
    Suivez aussi les bonnes recommandations de notre collègue Georges Tron, qui répondent à son souci de simplifier et de rendre plus efficaces nos innombrables instances de prospective et d'évaluation.
    La commission des finances, avec l'appui de son président, souhaite aussi travailler en plus étroite relation avec la Cour des comptes, qu'il s'agisse du suivi de ses recommandations, des missions des rapporteurs spéciaux ou de la mise en oeuvre de la LOLF. Nous voulons également pouvoir faire appel directement aux corps d'inspection dont le concours peut être très précieux. En cela, nous appuyons la demande constante du président Méhaignerie.
    La voie est tracée, les instruments s'affinent, mais il reste une dernière question : comment mobiliser les fonctionnaires et d'abord leurs ministres de tutelle, et plus généralement, l'opinion publique, c'est-à-dire nos concitoyens, sur l'exigence du rapport qualité-prix, sur le thème « en avoir pour son argent », le value for money si présent dans la culture anglo-saxonne et si absent de notre approche du service public ?
    En effet, il faut sortir de ces réflexes selon lesquels un budget qui augmente est forcément un bon budget et l'accroissement du nombre de fonctionnaires synonyme d'amélioration du service rendu. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, et M. Marc Laffineur. Absolument !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Grâce à la loi organique, les coûts réels seront mieux connus et les gestionnaires seront responsabilisés sur des objectifs, des indicateurs. Les fonctionnaires disposeront de moyens globalisés et contractualisés dans la durée. Il faudra en tenir compte, au moins pour l'encadrement supérieur, dans les rémunérations et dans la modulation des primes, ainsi que dans le déroulement des carrières.
    Il convient par ailleurs d'engager une pédagogie au quotidien auprès de nos concitoyens, comme beaucoup d'entre nous le font déjà dans la commune dont ils sont maire. La décentralisation doit nous y aider, comme doit nous y inciter le niveau insupportable qu'ont atteint les prélèvements obligatoires.
    C'est une tâche rude, mais pas hors de portée, qui se trouve au coeur de ce que l'on a coutume d'appeler la réforme de l'Etat.
    C'est pourquoi nous avons souhaité, avec le président de la commission des finances, avec le président du groupe UMP, Jacques Barrot, consacrer cette matinée à ce débat si important sur la dépense publique, et sur les méthodes à adopter pour la maîtriser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe UMP, je vais donner la parole à un orateur de ce groupe.
    La parole est à M. Jacques Barrot.
    M. Jacques Barrot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. Si le groupe UMP a voulu consacrer la matinée à ce débat, en renonçant à présenter l'une de ces multiples propositions de loi qui peuvent avoir un intérêt ponctuel mais qui frisent bien souvent le domaine réglementaire sans constituer un réel apport pour notre pays, c'est parce que nous avons considéré qu'il s'agissait d'un débat majeur. Je voudrais remercier d'emblée Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, ainsi que l'ensemble de la commission des finances, dont tous les membres se sont beaucoup investis sur la question qui nous occupe ce matin.
    Ce qui est en jeu, c'est un bon usage des ressources publiques. Ce bon usage est essentiel pour le développement. Ainsi, en dépit de prélèvements élevés entre 1985 et 2002, la recherche française n'a cru que de 1 % contre 5,7 % aux Etats-Unis et 3,8 % en Allemagne.
    Aujourd'hui, monsieur le ministre, alors que nous sommes aux prises avec des difficultés conjoncturelles, la tentation est grande de geler l'investissement.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Didier Migaud. D'ailleurs, c'est ce que vous faites !
    M. Jacques Barrot. Au fil des années, les investissements publics sont devenus une variable d'ajustement des politiques de régulation budgétaire.
    M. Michel Bouvard. Eh oui ! C'est une catastrophe !
    M. Jacques Barrot. Le phénomène est le même pour l'investissement privé. En effet, l'importance des prélèvements réduit la compétitivité. Et il est bon de rappeler que l'augmentation de l'emploi public ne diminue pas pour autant le chômage, bien au contraire, car son coût se répercute sur l'emploi marchand.
    A cet égard, j'ai été très frappé par ce qu'a dit le Premier ministre espagnol, en s'adressant aux syndicats : « Vous choisissez : ou une dépense publique non contrôlée et plus de chômage, ou bien une dépense publique contrôlée et une amélioration de l'emploi. »
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !
    M. Jacques Barrot. De 1990 à 2000, la masse salariale des administrations publiques a progressé une fois et demie plus vite que le PIB. Ces dépenses représentent aujourd'hui 14 % du PIB alors qu'elles n'en représentaient que 12,5 % en 1990. Et cela n'a pas empêché l'Etat de recruter plus de 26 000 fonctionnaires entre 1999 et 2000, alors même que les collectivités locales commençaient à se voir doter de nouvelles responsabilités.
    Il ne s'agit pas de pourfendre un Etat suspecté d'être toujours plus dispendieux, mais de vouloir un Etat plus performant. La loi organique relative aux lois de finances correspond à une volonté largement partagée par toute l'Assemblée - et Didier Migaud y a pris une grande part. Elle exige désormais que l'Etat s'interroge préalablement sur ses missions et ordonne ses moyens par rapport à ces missions, c'est-à-dire par rapport aux besoins des citoyens. Il faut en finir avec un débat budgétaire tout entier occupé par la recherche de nouveaux moyens jamais rapportés aux objectifs qu'ils sont censés permettre d'atteindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La LOLF est bien un levier majeur pour mener à bien une sorte de révolution copernicienne.
    Toutefois, monsieur le ministre, vous qui avez beaucoup travaillé sur ce sujet, vous le sentez profondément, le danger serait que l'Etat et son administration se contentent de céder seulement en apparence à cette exigence. On peut toujours modifier la présentation des différents budgets, mais on ne peut pas se satisfaire d'un simple effet d'affichage. Il s'agit, pour chaque mission étatique, conçue dans un cadre interministériel si nécessaire, de bien mesurer les besoins à satisfaire et, à partir de là, de mettre à plat l'organisation et les moyens mis en oeuvre pour répondre à ces besoins. Autrement dit, il faut que, pour chaque mission, le Gouvernement ajuste de plus en plus finement l'allocation des moyens, ce qui veut dire une véritable adaptation interne de notre administration. L'exercice est indispensable si on ne veut pas que la LOLF n'apparaisse en définitive comme une réforme en trompe-l'oeil.
    Trois grandes démarches s'imposent à nous, monsieur le ministre : remembrer l'Etat ; moderniser l'Etat ; motiver les femmes et les hommes de l'Etat.
    D'abord, il convient de remembrer l'Etat.
    Je ne donnerai qu'un exemple qui m'est familier et auquel j'ai beaucoup réfléchi : la gestion de l'eau dans mon département. Cette gestion se partage entre les communes, les départements, les comités de bassin et, bien entendu, l'Etat. Or c'est au sein de l'Etat que les compétences sont les plus confuses.
    M. Michel Bouvard. C'est peu de le dire !
    M. Jacques Barrot. Ainsi, la police de l'eau est assurée par la direction de l'agriculture sur certains cours non domaniaux, par la DDE sur les cours d'eau domaniaux et autres cours d'eau non domaniaux, en concurrence avec les agents du Conseil supérieur de la pêche, tandis que la DDASS intervient sur les eaux de baignade, sur la qualité de l'eau potable, alors même qu'elle confie au laboratoire départemental du conseil général les analyses, et que la DRIRE et la DSV interviennent ponctuellement sur certains aspects !
    Bien sûr, de timides avancées ont été tentées pour organiser cette complexité, mais, malheureusement, sans succès. Pour coordonner ses propres services, l'Etat a ainsi créé, sous l'autorité d'un sous-préfet, une délégation interservices pour l'eau. Toutefois, cette organisation, dépourvue de moyens propres, n'a pas clarifié la situation : les services restent attachés à leur administration et la DIREN, par exemple, ne s'estime pas soumise à l'obligation de coordination. On ne voit vraiment pas comment tout cela peut être synonyme d'efficacité, d'efficience et de moindre coût.
    La concurrence entre les services de l'Etat et les collectivités décentralisées bat son plein alors que l'Etat pourrait aisément procéder par délégation. Ce dernier pourrait conserver une compétence et faire exercer celle-ci par délégation par la collectivité locale la plus concernée, sans se démunir d'un contrôle a posteriori.
    Mais qui plus est, comme le montre l'exemple de l'eau, ou celui des administrations sociales, il y a souvent concurrence entre l'échelon départemental et l'échelon régional de l'Etat. A-t-on tiré par exemple, toutes les conséquences de la création des agences régionales d'hospitalisation ? Pourquoi n'a-t-on pas poursuivi la réflexion sur le rôle et l'importance respectifs des directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS et les DRASS ?
    Le remembrement de l'Etat, j'y crois profondément, et la LOLF devrait, selon moi, la permettre.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, et M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait !
    M. Jacques Barrot. Ensuite, il faut moderniser l'Etat.
    C'est d'abord une question de procédure. Il suffit de penser à la complexité de la gestion des fonds européens ou à celle des contrats de plan, qui mobilise de nombreuses commissions consultatives, de nombreuses commissions de suivi sans efficacité réelle. On reste rêveur de voir parfois tous ces fonctionnaires de haut niveau réunis pour des journées entières et qui, en raison de la complexité des procédures, ne prennent pour seule décision que celle de programmer une autre réunion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si l'on devait évaluer le coût horaire que représente la réunion de ces hauts fonctionnaires en préfecture, pour pratiquement se livrer à des palabres inutiles, on serait traumatisé par le chiffre que cela représente.
    Evidemment, c'est aussi un problème de moyens et d'utilisation des nouvelles technologies. Les ministères ont-ils tous fait leur aggiornamento informatique ? Et que dire des systèmes d'informatisation non compatibles ?
    Il y a sans doute une prise de conscience au sein de votre ministère, monsieur le ministre, et vous nous direz sans doute comment vous allez engager des démarches qui devraient enfin se traduire par une optimisation des moyens.
    On a toujours dit que si la collecte de l'impôt coûte près de 40 % plus cher en France qu'en Grande-Bretagne ou en Espagne, c'est parce que la fiscalité est très compliquée dans notre pays. Or, selon tous les observateurs, c'est à peu près pareil ailleurs. C'est donc bien un souci réel. A cet égard, les expériences suédoises sont très intéressantes, mais c'est évidemment une autre approche.
    Enfin, il faut motiver les hommes et les femmes de l'Etat.
    Pourquoi le secteur public accuse-t-il un tel retard en matière de gestion participative ? Pour régler ce problème, on voit bien les différents leviers possibles : la création de véritables directions de ressources humaines, pour accomplir le travail de diagnostic, de formation et de sensibilisation des agents de l'Etat ; l'évaluation des agents, qui permettrait d'intéresser, d'une manière ou d'une autre, sinon chaque agent, tout au moins les équipes, aux résultats obtenus par des avantages supplémentaires ; le renforcement de la formation continue, en particulier pour les catégories C et D, cette formation permettant d'établir la base d'une mobilité plus forte, d'une véritable gestion des carrières, d'éviter cette spécialisation excessive des agents, source de rigidités, de surcoûts et, il faut bien le reconnaître, d'un certain désintérêt pour des tâches perpétuellement répétitives.
    A cet égard, monsieur le ministre, le décret du 29 avril 2002 prévoit toute une série de procédures. Il faudra bien en mesurer l'impact, mais je ne suis pas sûr qu'il soit encore tout à fait significatif.
    Il est vrai que ce débat devrait déboucher sur une détermination renouvelée d'optimiser les dépenses publiques. Qu'entend faire l'exécutif lui-même pour diffuser dans l'administration la culture d'évaluation ? Comment les grands corps de contrôle peuvent-ils être impliqués systématiquement ? Peut-on imaginer s'inspirer de quelques exemples européens, notamment l'exemple italien ? Mais surtout, comment le Gouvernement entend mener à bien cette tâche en y associant le Parlement ? Il faut en effet faire participer les parlementaires à cet effort indispensable.
    Les parlementaires se sentent associés de façon trop marginale du fait des préjugés qui habitent souvent l'esprit des administrations et selon lesquels il ne peut y avoir que des parlementaires dépensiers.
    Mais, en l'espèce, puisqu'il ne s'agit pas seulement de susciter des économies mais de rendre l'Etat plus performant, pourquoi ne pas attribuer aux parlementaires un droit de saisine, conjoint avec l'exécutif, de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ? Pourquoi ne pas nommer des parlementaires en mission, chargés d'imaginer les réorganisations nécessaires ? Le fait d'être détaché de la hiérarchie permet d'obtenir une coopération fructueuse, de faire des propositions assez imaginatives.
    Pourquoi, le cas échéant, ne pas doter notre commission des finances de la possibilité et des moyens de commander de véritables audits auprès d'instituts privés qui ont démontré leur compétence ?
    Il faut jeter toutes nos forces dans la bataille, monsieur le ministre, et les mettre en synergie, qu'il s'agisse des corps de contrôle, comme la Cour des comptes, des administrations généralistes qu'incarne le corps préfectoral, ou des parlementaires : ce vaste décloisonnement exige une confiance mutuelle retrouvée et placée au service de la modernisation de notre Etat.
    Cet exercice indispensable peut se révéler passionnant. Nous connaissons beaucoup de fonctionnaires qui attendent l'ouverture de ces grands chantiers auxquels ils apporteront le meilleur d'eux-mêmes. Leur sens du service public peut les motiver aussi fortement que le désir de conquérir ou de garder des clients motivent les femmes et les hommes du privé.
    Oui, monsieur le ministre, nous comptons sur votre détermination pour que ce débat permette d'ouvrir de nombreux chantiers qui rendront à notre Etat cette attractivité et cette exemplarité qui furent les siennes au cours de l'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieur les députés, il n'est sans doute pas de moment plus réconfortant, pour un ministre du budget, qu'un débat à l'Assemblée nationale sur la maîtrise des dépenses publiques.
    M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'initiative que vous avez prise dissipe le sentiment de solitude qui parfois l'étreint. (Sourires.)
    Vous avez souhaité, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général, que ce débat place au coeur de nos missions l'exigence de performance et d'évaluation. De ce fait, une partie importante de mon propos sera, naturellement, consacrée à la nouvelle constitution financière.
    Cependant, permettez-moi, auparavant, d'élargir un peu notre perspective.
    La France consacre, selon les chiffres de l'OCDE, près de 54 % de son PIB à la dépense publique, soit douze points de plus que la moyenne de l'OCDE, ou six points de plus que la moyenne de l'Union européenne.
    Ces chiffres, abstraits, ne parlent pas nécessairement aux Français. Toutefois, ils les retiendront immédiatement dès lors que nous leur révélerons qu'avec un niveau de dépenses simplement aligné sur la moyenne de nos partenaires européens, et non sur celui du pays qui dépense le moins, nous aurions de quoi financer la suppression totale de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés ou bien, si l'on prèfère, de la totalité de la CSG et de la taxe d'habitation.
    Mesdames et messieurs les députés, qu'elle soit financée par l'impôt ou par le déficit, cette moitié de la richesse nationale dépensée par la sphère publique est ou sera prélevée sur les Français. Ce débat est donc pleinement légitime, et je crois très profondément qu'il est démocratiquement indispensable.
    Pour autant, il perdrait infiniment de son utilité si nous ne répondions pas clairement à trois questions.
    Premièrement, est-il légitime de dépenser autant ?
    Deuxièmement, pourquoi avons-nous, jusqu'à présent, collectivement échoué à maîtriser la dépense publique, au moins sur une longue période ?
    Troisièmement, comment faire autrement ?
    Il n'est pas légitime de dépenser autant - je le dis du haut de cette tribune -, parce que le poids de la dépense publique dresse un handicap de moins en moins franchissable pour la compétitivité de notre économie tant il s'écarte de la moyenne de nos partenaires.
    Il n'est pas légitime de dépenser autant, parce que les Français attendent une croissance plus élevée et que celle-ci nécessite une baisse des prélèvements obligatoires. Or, comme l'a rappelé très récemment le Premier ministre, cette baisse doit être gagée par des économies. A défaut, ce sont les déficits qui augmentent, et ces déficits sont autant d'impôts futurs. Face à ce constat, la question « pourquoi dépensons-nous autant ? » ne revêt que plus d'importance.
    Sans polémique, observons tout d'abord que la responsabilité n'est pas également partagée entre les deux familles politiques qui composent cet hémicycle - M. le rapporteur général, Gilles Carrez, vient d'y faire allusion. Je tiens à la disposition de tous un intéressant tableau de l'OCDE qui montre que la dépense publique s'est toujours réduite sous les gouvernements de droite, et accrue sous les gouvernements de gauche.
    M. Marc Laffineur. C'est vrai !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce fait incontestable, qui est le fidèle reflet de chiffres donnés par des organisations indépendantes, ne nous exonère cependant en rien de notre responsabilité collective. Nous avons ensemble le devoir de nous souvenir, face aux demandes des représentants d'intérêts particuliers, catégoriels, que le bénéfice de la dépense est souvent concentré sur un petit nombre, alors que son financement est le fait de tous, y compris des plus modestes. Dès lors, la pression immédiate des bénéficiaires sera toujours plus forte que celle des contribuables. Et c'est à nous, responsables politiques, de corriger cette asymétrie.
    Ensuite - et je le dis avec la plus grande humilité -, nous devons cesser de croire que Bercy peut, à lui seul, enrayer la progression de la dépense publique ou que la maîtrise de celle-ci pourrait être une affaire de technocrates. C'est, au contraire, une affaire éminemment politique dans laquelle le Parlement est irremplaçable, car il est le représentant du peuple français - ne l'oublions jamais ! Imaginons, mesdames, messieurs les députés, un débat budgétaire sectoriel où tous les intervenants rappelleraient à tel ou tel ministre dont les crédits augmentent qu'il doit justifier le bien-fondé de sa demande, plutôt que de l'encenser sans savoir à quoi seront employés ces crédits ! Ce jour-là, nous aurons fait franchir un grand pas à notre pays.
    Je veux aussi insister sur le fait que la maîtrise de la dépense publique ne peut incomber seulement à l'Etat. Il n'en est responsable que pour un tiers environ. Un débat sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie ou sur le coût de la politique familiale n'est certes pas à l'ordre du jour, mais je me dois de mentionner leur rôle dans l'expansion de nos dépenses. Pour nous en tenir à l'Etat, rappelons quelques chiffres que nous devrions d'ailleurs tous avoir en tête pour les expliquer aux Français.
    Le budget de l'Etat, c'est 273,8 milliards d'euros qui se partagent en trois grandes masses.
    Tout d'abord, une masse de crédits de 74 milliards qui n'est rien d'autre que le résultat des dépenses du passé. Il s'agit des charges de la dette et des pensions. Ces dépenses sont inéluctables ; nous les subissons.
    Ensuite, deuxième poste de crédits, la masse salariale de l'Etat, soit environ 85 milliards d'euros. Cette masse de crédits ne permet pas d'économies majeures à très court terme. En revanche, après quelques années, une politique de réforme peut offrir des résultats très bénéfiques. Ainsi aurions-nous aujourd'hui plus de 1 milliard d'euros de marge de manoeuvre supplémentaire si la précédente législature n'avait pas créé 48 000 emplois budgétaires nets.
    Enfin, les autres dépenses, soit environ 115 milliards, forment un ensemble très hétérogène. Il comprend, par exemple, les transferts aux ménages, les minima sociaux, les aides personnelles au logement, les bourses, la CMU notamment. Au total, cela représente 19 milliards. C'est un poste exceptionnellement dynamique. Une politique de maîtrise de la dépense ne peut faire abstraction ni de cet accroissement continuel ni d'une réflexion sur la rémunération très, voire trop, relative du travail au sein de notre société.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce poste comprend aussi les aides à l'emploi, pour 14 milliards. La remontée du chômage nous a conduits à d'importants efforts en ce domaine en gestion 2003, mais, je le souligne, nous avons pris des mesures considérables en faveur de l'emploi marchand et du pouvoir d'achat des bas salaires à travers notre politique d'allégement de charges. Ces mesures portent déjà leurs fruits.
    Mentionnons également toute la politique d'interventions de l'Etat en faveur du logement, des entreprises, de l'agriculture, de l'action culturelle, de l'environnement, etc. Il s'agit de la politique de guichets de l'Etat. C'est évidemment un sujet particulièrement sensible. Ce qui n'exclut pas certaines clarifications.
    Observons, enfin, que le fameux train de vie de l'Etat - nous utilisons, d'ailleurs, les uns et les autres, un peu trop souvent cette expression - ne représente, s'agissant des dépenses civiles, que 10 milliards, dépenses immobilières incluses. Cela ne signifie pas, évidemment, que ce poste de dépenses ne justifie pas une puissante politique d'économies : les gisements de productivité y sont formidables - j'y reviendrai. Mais retenons bien que la maîtrise de la dépense ne peut s'arrêter là.
    Alors, face à ces différentes masses de dépenses, comment structurer notre démarche d'économies ? Il y a quatre grandes familles d'économies budgétaires : les abandons de missions inutiles ; les gains de productivité ; les modifications de partage de la charge entre le contribuable et l'usager ; les ajustements portant sur les mécanismes de guichets, qu'ils concernent les ménages, les entreprises ou les associations.
    Les abandons de missions inutiles seront puissamment aidés par l'entrée en vigueur de la LOLF. J'en profite d'ailleurs pour rendre hommage, à mon tour, à Didier Migaud pour le rôle qu'il a joué dans l'élaboration de ce texte. Lorsque les ministres seront conduits à expliciter la finalité de chacune de leurs actions, les questions qui fâchent surgiront nécessairement. Celles qui resteront sans réponse satisfaisante déboucheront - espérons-le ! - sur d'immédiates économies budgétaires.
    Les gains de productivité peuvent porter sur les emplois et sur les consommations intermédiaires. J'ai déjà dit que la fonction achats pouvait être source d'économies importantes, pour peu que l'on s'inspire des exemples étrangers et que l'on réforme profondément notre droit des marchés publics. Ayez l'assurance que je m'y emploie de toute mon énergie !
    La fonction immobilière est également un grand gisement de productivité. Comme l'a annoncé le Premier ministre, des mètres carrés inutiles seront aliénés. Ce sera une source d'économies, par suppression des dépenses inhérentes à ces bâtiments. Ce sera aussi une source de recettes.
    Quant aux emplois, mettons à profit l'occasion historique que nous offre la pyramide des âges dans la fonction publique pour mettre en oeuvre des réformes se traduisant par un meilleur service, pour un coût inférieur, tout en enrichissant les tâches des agents. Le succès de la télédéclaration des revenus constitue à cet égard un bel exemple. Pensons aussi aux externalisations qui peuvent être mises en oeuvre : l'Etat peut et doit recentrer ses fonctionnaires sur les missions de contrôle, de régulation ou de fourniture de prestations hors marché. Pour le reste, par exemple l'entretien des véhicules, il n'a aucune raison de faire lui-même.
    M. Marc Laffineur. Bien sûr ! La MEC l'a dit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous devons faire vivre la démarche de maîtrise de la dépense comme une seconde nature que ce soit au sein du pouvoir exécutif ou dans le débat entre l'exécutif et le Parlement. Monsieur le président Barrot, soyez rassuré, Bercy donnera l'exemple comme vous le souhaitez et, si son exemple est suivi par les autres ministères, le redressement des finances publiques de la France est garanti.
    Au sein de l'exécutif, nous avons, d'ores et déjà, modifié en profondeur la procédure de préparation du budget. Comme je vous l'ai annoncé cet automne, le Premier ministre, à mon initiative, a transformé la préparation du budget en un processus continu. Jusqu'à cette année, la phase politique commençait en juin pour s'achever en juillet. Avec un tel calendrier, il était toujours trop tard pour opérer des économies structurelles. Par ailleurs, le débat de chiffres occultait le débat de fond.
    Cette année, nous avons instauré des conférences de réformes structurelles, qui constituent un vrai levier de réforme. Le projet de loi de finances pour 2004 ne ressemblera pas à ceux qui l'ont précédé. Vous y trouverez moins d'économies traditionnelles et plus de vraies économies structurelles, marquant la volonté politique du Gouvernement de réformer l'Etat. En effet, la réforme de l'Etat n'est pas seulement nécessaire, elle est aussi possible. En 1992, les déficits publics canadiens - le Canada est un pays dans lequel il faut se rendre, monsieur le rapporteur général ! - atteignaient huit points de PIB. En 1997, cinq ans après, ces mêmes comptes publics étaient en excédent sans que le Canada ait fondamentalement changé de modèle social et sans sanction électorale. Les ministères et autres organismes publics ont dû répondre, par exemple, à des questions très simples dont la première était : « Votre existence sert-elle l'intérêt public ? » Voilà qui vous rappelle sûrement un texte adopté à l'unanimité par votre assemblée et promulgué le 1er août 2001.
    La mise en oeuvre de notre nouvelle constitution financière est, nous nous accordons tous sur ce point, un moment unique de notre histoire budgétaire et administrative. Elle invite à formuler les politiques conduites par l'Etat, à leur assigner des objectifs, à s'engager sur des résultats. Elle conduit chaque ministère à regarder la « base » de son budget plutôt que, comme chaque année, depuis des décennies, de discuter sans fin des variations. Elle offre un levier formidable pour réformer en profondeur notre Etat.
    Les attentes vis-à-vis de la loi organique sont immenses. Vous m'en avez déjà fait part avec insistance et je le comprends. Pour autant, mesdames, messieurs les députés, n'imaginons pas que cette loi puisse être une sorte de machine à réaliser les réformes et à engendrer les économies budgétaires.
    M. Jacques Barrot. Exactement !
    M. Marc Laffineur. Bien sûr ! Il faut d'abord une volonté politique !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ne nous y trompons pas : sans une volonté politique forte, constante et portée par tous, le cadre des réformes restera vide.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons besoin de la même unanimité pour faire vivre la LOLF que celle réunie pour son adoption.
    M. Jacques Barrot et M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Président de la République, le Premier ministre ont affiché haut et fort cette volonté politique. Le Gouvernement, soyez-en certains, l'incarnera en actes, mais il faudra que vous le souteniez de toutes vos forces dans cette tâche, car il se heurtera aux corporatismes, aux groupes de pression, aux intérêts catégoriels. Et le défilé commence déjà !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Que chacun de vous en soit persuadé : la loi organique ne sera pas en elle-même synonyme d'économies. La loi organique ne crée pas les économies ; elle se borne à les faciliter. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est un instrument !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il est vrai que c'est déjà considérable. Tout d'abord, elle offre des mécanismes techniques rendant plus aisée et plus responsabilisante la tâche des gestionnaires. La fongibilité permettra de lever les blocages nés de la trop grande fragmentation des dépenses et de bénéficier d'économies d'échelle.
    Au-delà de la technique, la loi organique met en oeuvre des mécaniques puissantes, de nature à soutenir une démarche de rationalisation de l'argent public. Chaque gestionnaire sera conduit à justifier non pas ses crédits, mais leur objet. Chaque gestionnaire devra rendre compte non pas de l'évolution d'une dépense, mais des résultats de son action.
    Dès sa mise en place, le Gouvernement a affirmé sa volonté non seulement de respecter scrupuleusement la lettre et l'esprit de la LOLF, ce qui est la moindre des choses, mais aussi de coller au plus juste à l'intention profonde du législateur organique. J'ai fait de mon mieux - croyez-le ! - depuis mai dernier, pour faire vivre notre oeuvre commune. Chacune des dispositions entrée en vigueur a été appliquée non seulement dans sa lettre mais aussi dans son esprit. L'information sur l'exécution - nous vous avons tenus en simultané informés de l'exécution, parfois d'ailleurs difficile, de la loi de finances -, les nouveaux rapports, la discussion sur le projet de loi de règlement, la transparence sur la régulation budgétaire, la rectification des prévisions de recettes, tout cela a été appliqué. De même, la réforme de la parafiscalité a été entamée. Vous devez encore vous souvenir de la vigueur de nos débats, à la fin de l'automne, sur le financement de l'ex-ANDA.
    S'agissant de la mise en oeuvre du nouveau droit budgétaire, le Gouvernement a fait le choix de créer une structure unique de pilotage. La nouvelle direction de la réforme budgétaire est la première direction d'administration centrale créée pour cinq ans seulement.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Elle couvre tous les chantiers concernés : modernisation du cadre et des concepts budgétaires, mise en place de la nouvelle comptabilité, gestion des nouveaux systèmes d'information. Un travail très important est d'ores et déjà réalisé. Ce travail est éclairé par la loi organique et ses travaux préparatoires. Vos rapporteurs et les membres de la mission que vous avez créée ont cependant très légitimement tenu à attirer l'attention du Gouvernement sur trois points : la question des missions, la taille des programmes et la question des indicateurs. Je souhaite répondre, brièvement, à ces observations.
    S'agissant tout d'abord des missions, la notion de mission - je parle sous le contrôle de Didier Migaud, qui était rapporteur - a été introduite par votre assemblée au cours des débats. Il s'agit d'une unité de vote qui regroupe les programmes. Le droit d'amendement s'exerce sur la répartition des crédits entre ces programmes. A l'inverse, la mission n'est pas le lieu naturel d'exercice de la gestion des crédits. Il n'est pas question de traiter à la sauvette les missions, mais il ne faut pas non plus leur donner un rôle qu'elles ne sauraient avoir. La performance doit se bâtir dans chaque programme, grâce aux indicateurs. S'agissant de l'articulation des missions et des programmes, vous avez émis la crainte que le Gouvernement veuille généraliser les missions mono-programmes. Telle n'est évidemment pas son intention. Les travaux préparatoires de la nouvelle constitution financière sont d'ailleurs très clairs sur le nombre respectif des missions et des programmes. Il n'y a jamais eu de confusion, dans mon esprit, entre l'une et l'autre de ces notions. Les rencontres que nous aurons dissiperont les éventuels malentendus qui ont pu naître.
    Vos rapporteurs se font également l'écho d'un débat important, celui du traitement des fonctions support comme des services polyvalents. Les fonctions support, ce sont, dans notre jargon, les fonctions administratives, financières, logistiques, immobilières qui, dans un ministère, sont souvent assumées par des directions qui travaillent pour tout le ministère et qui, donc, servent toutes les politiques de celui-ci. Quant aux services polyvalents, ce sont des services déconcentrés qui traitent toutes sortes de politique - les DDASS en sont un bon exemple.
    Comment ventiler les coûts de ces « fonctions support » et de ces services polyvalents ? Est-il possible, dans tous les cas, de les affecter aux différentes politiques ? Les questions sont simples, les réponses un peu plus difficiles, car il faut concilier contraintes de gestion et contraintes de présentation. Je veux vous convaincre de la ferme volonté du Gouvernement et de ses équipes d'aller le plus loin possible dans la voie de la réforme. Nous n'hésiterons pas à revoir les organisations. Je partage votre conviction : ce n'est pas aux programmes de s'adapter aux structures d'aujourd'hui ; ce sera aux structures de demain d'évoluer comme les programmes.
    La dernière observation de vos rapporteurs et des membres de la mission d'information a trait à la mesure de la performance et aux indicateurs. Comment construire ces indicateurs ? Nous avons décidé d'accélérer le calendrier. J'ai déjà indiqué que la liste des objectifs et des indicateurs serait arrêtée au premier semestre 2004. Les objectifs et indicateurs pourront, schématiquement, se séparer entre deux groupes.
    Le premier groupe mesurera l'efficacité finale des politiques et répondra à la question : les buts poursuivis par les politiques de l'Etat sont-ils atteints ? Ce travail relève essentiellement du pouvoir politique. Le contrôle parlementaire pourra trouver là un terrain naturel, chaque rapporteur pouvant se mettre en mesure de proposer aux différents ministres des idées pour la structuration de ces outils de mesure.
    Le second groupe a trait davantage au pilotage quotidien de l'action et cherche à rendre compte de l'efficacité de la mise en oeuvre des politiques. Il s'agit là, à mes yeux, d'un terrain plus naturel pour notre administration qui aura à développer les outils de pilotage les plus performants et à en rendre compte.
    Mesdames, messieurs les députés, je terminerai en vous remerciant d'avoir choisi de consacrer une fenêtre parlementaire à ce sujet décisif, qui est au fond la clé du redressement de notre pays.
    Vous avez bien fait. Les Français attendent en effet de leurs représentants une maîtrise juste et responsable des dépenses engagées en leur nom et pour leur compte. Ces dépenses, à leurs yeux, ne doivent pas dépasser leur capacité contributive. Nos compatriotes sont, au fond d'eux-mêmes, indignés à l'idée que l'on puisse en dissimuler la dérive, par exemple par la dette - ce qui serait un moyen cynique de renvoyer la facture à leurs enfants.
    Cela suppose, certes, le renforcement de la responsabilité de chacun. Mais l'honneur de la politique est précisément de placer chaque citoyen face à ses responsabilités. C'est au nom de cette conviction inébranlable - que vous partagez au sein de votre assemblée - que nous progresserons tous ensemble, Parlement comme Gouvernement.
    Je suis venu ce matin vous assurer de la sincérité du Gouvernement, de sa volonté de courage et d'effort. Le Gouvernement sait que la majorité, ainsi que des millions de Français, sauront être à ses côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-être vais-je rompre l'harmonie de ce début de matinée...
    Le groupe UMP possède un sens aigu de l'abnégation. Déjà, l'examen des lois de finances nous avait permis de constater à quel point les députés de la majorité sont bridés dans leurs initiatives, la quasi-totalité de leurs amendements ayant été repoussés ou retirés. Depuis, corrigeant un budget insincère, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan de rigueur budgétaire présenté de façon incomplète et sélective, ce qui a conduit le 2 avril dernier les responsables de la commission des finances de l'Assemblée nationale - que je salue - à « regretter que le Gouvernement ne l'ait pas fait plus tôt et plus clairement ». C'est un euphémisme pour regretter que le Gouvernement n'ait pas intégré ce plan dans le projet initial au lieu de faire voter le Parlement sur des crédits en grande partie fictifs. Visiblement, le malaise et le scepticisme grandissent au sein de la majorité parlementaire devant les choix faits par l'exécutif en matière de finances publiques.
    Aujourd'hui, le groupe UMP renonce une nouvelle fois, après l'avoir fait à propos de la chasse, ce qui était sans précédent dans l'histoire de cette procédure, à légiférer dans le cadre de son droit d'initiative. Je précise au président Barrot qu'il peut faire des propositions dans le domaine législatif. Pourquoi cette niche serait-elle réservée au domaine réglementaire ? Nous avons trop tendance à intervenir dans un domaine qui n'est pas le nôtre, alors que le champ de l'article 34 est suffisamment vaste pour permettre à l'imagination de l'UMP de se développer. De fait, on peut craindre une démission durable du pouvoir législatif, à tout le moins sa soumission à l'exécutif.
    Le groupe UMP, incapable de peser sur le cours des événements, en est réduit à proposer à l'Assemblée nationale de débattre courtoisement, aimablement sur la maîtrise de la dépense publique et le contrôle parlementaire.
    Comprenons-nous bien : le groupe socialiste n'a pas peur d'un débat sur un sujet qu'il a lui-même, à travers ses initiatives, contribué à placer au coeur de la problématique du Parlement et de l'Etat. Au demeurant, si ce débat-ci est l'occasion de montrer la volonté du Parlement d'être acteur, de peser sur le cours des choses et d'assumer pleinement ses prérogatives et ses responsabilités, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique, nous disons : « bravo ». Mais nous sommes en droit de nous interroger sur le décalage entre les intentions affichées de transparence, de sincérité, et la réalité de la conduite du budget de l'Etat depuis mai 2002. Nous sommes également en droit de nous étonner que le groupe UMP, passif depuis des mois, se réveille soudain avec une urgente envie de débattre. N'est-ce pas là aussi, et surtout, une proposition de débat suggérée par l'exécutif pour tenter de donner une onction démocratique à la « chasse aux fonctionnaires » qu'il a lui-même lancée, faisant jouer au Parlement le rôle d'auxiliaire de la rigueur ?
    Il faut rappeler une exigence démocratique portée par le groupe socialiste, et une nécessité juridique dictée par le Conseil constitutionnel : l'examen rapide d'un projet de loi de finances rectificative pour tirer les conséquences de l'insincérité du projet de loi de finances pour 2003, et corriger la politique budgétaire et fiscale injuste et inefficace menée depuis près d'un an, qui conduit la France dans le mur. J'ai d'ailleurs noté que Pierre Méhaignerie avait adopté une expression proche : il ne dit pas qu'on est « dans le mur », mais « au pied du mur ».
    M. Philippe Auberger. C'est au pied du mur qu'on reconnaît le maçon ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et vous en avez été le maçon !
    M. Didier Migaud. Seulement plus on va, plus on risque de rentrer dans le mur.
    M. Philippe Auberger. M. Méhaignerie, lui, avait un fil à plomb !
    M. Didier Migaud. Je n'en suis pas sûr, justement ! (Sourires.)
    Quoi qu'il en soit, la politique sociale menée depuis près d'un an conduit la France dans le mur et fait tomber les Français dans la déprime. Vous avez d'ailleurs, monsieur le rapporteur général, réclamé avec insistance un collectif budgétaire ; j'espère que, d'une manière ou d'une autre, vous obtiendrez satisfaction.
    Certes, cette initiative ne peut venir du Parlement. Mais puisque le Gouvernement ne le fait pas spontanément, le groupe UMP aurait tout aussi bien pu lui proposer, quitte à le faire renoncer à son pouvoir d'initiative, d'inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée un tel projet de loi de finances rectificative en lieu et place de ce débat. Notre rapporteur général l'avait lui-même réclamé.
    Reste que ce débat a lieu et qu'il me donne l'occasion de saluer le bilan de la précédente majorité en matière de progression maîtrisée de la dépense publique, et de contrôle parlementaire sur cette dépense. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Yves Chamard. Extravagant !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exercice difficile !
    M. Didier Migaud. Oh ! Pas si difficile que ça !
    Dans un second temps, je soulignerai le clivage majeur qui peut exister entre la droite et la gauche en matière de dépense publique, et dont l'existence nous fait douter de la sincérité de la démarche engagée par le gouvernement Raffarin. Car, en dépit des dénégations, voire de la bonne foi qui se dégage du rapport présenté tout à l'heure par Gilles Carrez, il est indéniable que l'influence de la frange libérale de l'UMP est déterminante dans la politique conduite, s'agissant notamment de la remise en cause a priori de la dépense publique.
    Enfin, je rappellerai quelques observations et demandes de la mission parlementaire sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances et je suggérerai un certain nombre de propositions permettant de renforcer encore le contrôle sur la dépense publique.
    La clef de voûte de la politique économique et budgétaire du précédent gouvernement était la fixation d'une norme d'évolution de la dépense publique inférieure à la progression de la richesse nationale, pour améliorer la situation de nos finances publiques dont nous avions hérité.
    Le postulat était le suivant : si la dépense publique peut ou doit progresser, elle doit être maîtrisée. Ainsi, la croissance est encouragée et entretenue en partie par l'action de l'Etat. Des marges de manoeuvre apparaissent, pour réduire les déficits et diminuer les prélèvements. La croissance est stimulée et l'économie engagée dans un cercle vertueux de croissance.
    Cette politique responsable, qui tranche avec celles conduites précédemment, notamment par les gouvernements Balladur et Juppé, reposait sur trois pieds : la progression maîtrisée de la dépense publique ; la réduction des déficits publics ; la réduction des prélèvements qui pèsent sur la justice sociale ou l'emploi, pour revenir sur les augmentations d'impôts très injustes décidées sous Balladur et Juppé.
    Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur général, le poids de la dépense publique en proportion de la richesse nationale a reculé sur la période, alors qu'il avait stagné sous la droite. J'ai été d'ailleurs été surpris par votre raisonnement. Autant votre rapport écrit m'a beaucoup intéressé, autant votre intervention orale m'a paru beaucoup plus polémique, beaucoup moins rigoureuse et pertinente. Du coup, dans certaines de vos envolées, vous avez fini par prendre quelque liberté avec la vérité ! Je ne comprends pas que, comme rapporteur général, vous puissiez raisonner en valeur, par exemple : cela n'a pas beaucoup de sens.
    En douze ans, les dépenses de l'Etat ont diminué en proportion du produit intérieur brut, alors que votre raisonnement tend à faire croire le contraire. En 1990, les dépenses de l'Etat représentaient 23,1 % et en 2001, elles représentaient 22,5 % !
    M. Charles de Courson. Entre-temps, on a opéré des transferts sur la sécurité sociale, cher collègue !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et la décentralisation ? On peut faire dire n'importe quoi à des pourcentages ! Il faut raisonner en valeur absolue !
    M. Didier Migaud. Effectivement, la décentralisation, et nous y reviendrons, est pour vous un moyen de réduire les dépenses de l'Etat, quitte à prendre le risque d'augmenter très sensiblement une fiscalité locale particulièrement injuste.
    M. Jean-Yves Chamard. On l'a vu avec l'APA : vous êtes orfèvre en la matière !
    M. Didier Migaud. Nous reviendrons également sur ce point.
    La dépense publique représentait 55,2 % du PIB en 1993, et 55 % en 1997. Et 52,7 % en 2001. Non seulement nous nous sommes fixé une norme exigeante d'évolution de la dépense, mais nous avons également, ce qui est au moins aussi important, respecté cette norme ; vous avez bien voulu le reconnaître, monsieur le rapporteur général, dans le rapport que vous avez rédigé à l'occasion du présent débat.
    Notre politique était durablement soutenable. Nous avons réussi, en 2000 et pour la première fois depuis vingt ans, à faire reculer le poids de la dette publique en proportion du PIB.
    Vous dites que le gouvernement Jospin a bénéficié d'une conjoncture favorable, marquée par une croissance mondiale exceptionnelle. A ce sujet, je voudrais vous rappeler la réalité : la croissance mondiale sous le gouvernement Jospin n'a pas été plus importante que sous les gouvernements Balladur et Juppé ; en revanche, la croissance française a été plus importante. Peut-être la politique conduite par le gouvernement Jospin a-t-elle pu faire en sorte que les résultats de la France ont été systématiquement au-dessus de la moyenne européenne, alors que, sous les gouvernements Balladur et Juppé, ils étaient systématiquement en dessous...
    M. Pierre Hériaud. En somme, c'est la France qui a tiré la croissance mondiale ! (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Laissez-le se bercer d'illusions !
    M. Didier Migaud. Les fruits de la croissance, relancée en 1998 et 1999, ont été en partie redistribués en 2000 et 2001 sous forme de dépenses publiques ou de baisse des impôts ciblée sur les prélèvements injustes ou pesant sur le travail. Au total, le déficit a été réduit de moitié entre 1997 et 2001.
    M. Philippe Auberger. C'était une époque formidable, chacun le sait ! Tellement formidable que les Français en ont eu marre...
    M. Didier Migaud. Une pause a eu lieu dans la réduction du déficit en 2001. Elle était nécessaire et assumée afin de répondre au choc du ralentissement conjoncturel. S'agissant de l'exécution de 2002, la responsabilité en appartient essentiellement à l'actuel gouvernement, comme celle de 1997 appartient au gouvernement de Lionel Jospin. C'est logique et incontestable. Le rapport de la Commission européenne a d'ailleurs fort bien souligné la responsabilité de M. Raffarin dans l'aggravation de nos finances publiques en 2002.
    La situation budgétaire à la fin février laisse d'ailleurs entrevoir un très fort décalage entre les intentions que vous affichez sur la maîtrise de la dépense publique et la réalité de l'évolution de cette dépense. On ne peut d'ailleurs que s'étonner et regretter que l'actuelle majorité ait choisi, dès son arrivée, d'ajouter des baisses d'impôts supplémentaires, qui n'ont pu que creuser le déficit budgétaire et affaiblir les finances publiques.
    M. Michel Bouvard. La baisse d'impôts, voilà l'ennemi ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Certes, la situation de nos finances publiques était restée « vulnérable » au début de l'année 2002, pour reprendre l'expression de la Commission de Bruxelles. Mais elle a été incontestablement améliorée entre 1997 et 2001. Si le déficit n'a pas été plus réduit, c'est parce qu'une réduction plus forte aurait vraisemblablement signifié une croissance moindre, et donc une réduction moins importante du chômage. En effet, notre stratégie de politique économique était entièrement vouée à la réalisation de l'engagement pris devant les Français, à savoir réduire le chômage, ce qui a été fait, bien qu'insuffisamment. Tous les experts s'accordent à constater l'exceptionnelle richesse en emplois de la croissance française durant ces années.
    Les choix du gouvernement Raffarin sont malheureusement différents. Vous semblez vous résigner, monsieur le ministre, à l'augmentation du chômage. Vous avez, comme le constate la Commission, aggravé la situation de nos finances publiques. Vous n'avez pas su entretenir le cercle vertueux de croissance, vous avez dilapidé nos marges de manoeuvre en les confisquant au profit de quelques dizaines de milliers de foyers privilégiés, sans que cela ait eu d'effet sur la consommation ou sur la croissance, comme l'a reconnu dans cet hémicycle, le ministre de l'économie et des finances, lui-même, M. Francis Mer ! Votre gouvernement a encore accentué le ralentissement conjoncturel en annulant des dépenses qui auraient soutenu l'activité.
    Vous nous dites que les plans de rigueur ou de régulation budgétaire se sont toujours faits au détriment des dépenses d'investissement. Mais le vôtre n'échappe pas à la règle. Le constat est impitoyable : une fois de plus, les dépenses de l'équipement seront sacrifiées ! On le mesure bien dans nos départements et nos régions, où les engagements de l'Etat, dans le cadre des contrats de plan, sont loin d'être tenus.
    Sur le plan du contrôle parlementaire, le principal mérite de la législation précédente - et vous y avez beaucoup contribué, monsieur le ministre - est d'avoir voulu instaurer et développer une culture de contrôle et d'évaluation. Nous avons fait progresser le Gouvernement sur ces deux plans et permis l'utilisation effective de pouvoirs qui existaient mais restaient lettre morte. J'ai eu moi-même l'occasion d'en user. Cette pratique a été systématisée depuis, et je suis heureux de voir que l'actuel rapporteur général, Gilles Carrez, la poursuit à son tour.
    De même, l'existence de la mission d'évaluation et de contrôle a été confirmée. Depuis sa création en 1999, les auditions, les rapports sur la police, les autoroutes, le recouvrement de l'impôt, par exemple, ont fourni la preuve de son utilité. Encore faut-il que le Gouvernement en tire profit... Ces exemples démontrent tout du moins que le travail de contrôle et d'évaluation est devenu une part importante du travail parlementaire. Il est en effet indispensable, pour que la maîtrise de la dépense publique et l'efficacité de la dépense ne soit pas qu'un voeu, que le contrôle s'exerce réellement. Or cela n'a pas été le cas pendant longtemps, en tout cas à l'Assemblée nationale. Car il faut reconnaître - et dans ma bouche, ces propos prennent du poids - à nos collègues sénateurs une pratique différente en la matière. La culture de contrôle et d'évaluation est certainement plus établie au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
    Je tiens à dire toute ma satisfaction devant l'initiative de Gérard Bapt, rapporteur des crédits de la santé et des personnes handicapées, qui s'est préoccupé de savoir ce qui se passait au sein du budget dont il a la charge. Il est allé constater, sur pièces et sur place, l'ampleur, les modalités et les conséquences du plan de rigueur mis en oeuvre par le Gouvernement. C'est un exemple à suivre et je souhaite vivement qu'il soit imité par ses collègues, notamment par ceux de la majorité. On attend d'eux qu'ils démontrent leur volonté de conforter les progrès obtenus en matière de contrôle parlementaire et d'affirmation des prérogatives du Parlement vis-à-vis de l'exécutif. Il y a peut-être loin de la coupe aux lèvres. Mais nous verrons bien...
    Qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, ce plan de régulation a été mis en oeuvre sans qu'en aient été informés ni les rapporteurs spéciaux, ni même le rapporteur général, me semble-t-il. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais si, mon cher collègue !
    M. Didier Migaud. Je vois des sourires en coin... Il est de leur responsabilité d'exercer le contrôle de l'exécution des crédits dont on leur a confié l'examen. S'ils ne le font pas, personne ne le fera.
    On peut, certes, se satisfaire que le contrôle parlementaire commence à entrer dans les moeurs politiques, car l'action de contrôle est une responsabilité politique, au sens noble du terme. Les progrès sont encore fragiles. Pourtant, les outils sont là ! Tout est donc affaire de volonté, et je partage là aussi le point de vue exprimé tout à l'heure par Gilles Carrez.
    Il faut en tout cas éviter deux écueils : l'absence de contrôle, qui discrédite le pouvoir législatif dans son ensemble ; et l'utilisation politicienne du contrôle, qui peut discréditer son auteur.
    Toujours sur le plan des progrès réalisés, nous avons pu obtenir, dès la loi de finances pour 2000, un certain nombre d'avancées qui permettent notamment d'éviter que le secret professionnel, et notamment le secret fiscal, ne soit opposé au parlementaire dans l'exercice de ses prérogatives de contrôle.
    Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat, avait souhaité conforter ces avancées, et « sécuriser » les pouvoirs de contrôle dévolus aux membres des commissions des finances, en précisant dans la loi organique leur étendue et leurs modalités de mise en oeuvre, et nous devons nous en réjouir. A cet égard, je veux saluer le travail que nous avons accompli ensemble, monsieur le ministre, pour l'adoption de cette nouvelle loi organique. Ces pouvoirs sont donc importants, en grande partie grâce à vous et au Sénat, et il est bon que nous puissions les utiliser.
    J'ai évoqué la loi organique relative aux lois de finances, et je crois utile de m'y attarder un instant.
    L'adoption à l'unanimité de ce texte, à l'initiative d'une majorité de gauche, constitue, en effet, une étape fondamentale, et je l'espère décisive, dans la recherche de l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique.
    Ce texte, parce qu'il met le contrôle parlementaire au premier plan et qu'il rétablit le Parlement dans ses prérogatives budgétaires, représente une avancée significative en termes de démocratie parlementaire, ce qui était son premier but. Cependant, son second objectif est tout aussi essentiel : il consiste à améliorer la gestion publique et l'efficacité de la dépense, non pour nécessairement dépenser moins, mais pour dépenser mieux, et donc, le cas échéant, prélever moins.
    Cette réforme prend le parti de tourner le dos à la logique de moyens - celle qui veut plus comme celle qui veut moins de crédits - pour mettre la logique d'objectif et de résultat, celle de la responsabilité, au coeur de l'action publique. Ce qui compte avant tout n'est donc pas qu'au final on dépense moins ou plus, car cela dépend des besoins et des priorités de l'action politique. Ce qui compte, c'est que l'action publique, celle à travers laquelle s'exprime notre pacte social, notre devoir de solidarité comme notre souci de voir l'Etat assurer son rôle de garant et de protecteur des libertés, soit la plus légitime possible, et donc la plus efficace possible.
    Force est de constater que, si un consensus a pu s'établir pour l'adoption de cette réforme - et je salue à nouveau, monsieur le ministre, le rôle qui a été le vôtre, pour parvenir à l'adoption définitive de cette loi -, ce n'est pas obligatoirement parce que gauche et droite s'accordaient sur un objectif de réduction de la dépense publique et de l'action de l'Etat, mais parce que gauche et droite ont su, à un moment donné, assumer leurs responsabilités, et donner au pays l'outil qu'il mérite pour la gestion de ses finances. Les clivages n'ont pas pour autant disparu, comme par enchantement, avec l'adoption de cette réforme.
    La dépense publique, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, n'est pas mauvaise en soi, elle peut même être utile.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Didier Migaud. Il n'est pas superflu de le rappeler avec force car, à entendre un certain nombre d'élus de l'UMP, la dépense publique serait mauvaise par nature.
    M. Michel Bouvard. Mais non !
    M. Didier Migaud. Elle serait en quelque sorte déconnectée de la réalité, comme une armure inutile plaquée sur notre économie.
    Vous nous dites ainsi, pour tenter de nous rassurer, que la rigueur portera sur l'administration plutôt que sur les Français. Mais lorsque des annulations de crédits massives sont mises en oeuvre, comme actuellement, ce sont des pans entiers des politiques publiques qui sont remis en cause. Et ce sont des politiques qui sont menées en France, et non en Belgique, en Suisse, ou ailleurs ! Donc le pays et les Français peuvent et vont souffrir de ces annulations et de leurs effets récessifs.
    Car l'action publique est nécessaire non seulement pour assurer les fonctions régaliennes mais également pour réguler les comportements économiques et sociaux, et pour protéger les plus faibles. Elle peut produire des effets bénéfiques en matière en soutenant la croissance grâce au fameux effet multiplicateur de la dépense.
    Parce qu'elle n'ignore pas cela, la gauche a voté et financé, contrairement à ce qu'un certain nombre d'entre vous disent, de nombreuses avancées sociales entre 1997 et 2002 - CMU, APA, 35 heures, emplois-jeunes - que la droite remet méthodiquement en cause depuis le mois de juin dernier. Pourtant, toutes ces dépenses engagées par l'action publique ont fait reculer les inégalités sociales et le chômage.
    M. Philippe Auberger. Quelle époque formidable !
    M. Didier Migaud. Elles ont soutenu la croissance : leur efficacité sociale, qu'il faut systématiquement rechercher, est donc avérée.
    Si nous prônons une progression maîtrisée de la dépense, c'est que nous croyons que l'action de l'Etat, dans une société démocratique complexe, est essentielle. Nous n'ignorons pas que chaque jour des besoins nouveaux surgissent. Mais nous sommes conscients dans le même temps qu'améliorer l'efficacité de la dépense publique est nécessaire. C'est le moyen de redonner de la légitimité à l'action publique.
    A droite, au contraire, vous voulez diminuer en valeur absolue la dépense publique par a priori idéologique : la dépense publique est considérée comme mauvaise par nature et vous lui prêtez même des perversités. Il en est ainsi de la prétendue corrélation, en réalité pure construction idéologique, mise en avant encore récemment par Pierre Méhaignerie, entre niveau de la dépense publique et taux de chômage. Selon le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il y aurait « une relation directe » entre dépenses publiques et taux de chômage. Or, c'est complètement faux. On ne peut tirer, en effet, aucune loi mathématique des exemples tirés de données de l'OCDE. Expliquez-moi donc, monsieur Méhaignerie, pourquoi le taux de chômage au Danemark est de 4,4 %, c'est-à-dire inférieur à celui de beaucoup d'autres pays, alors que le poids des dépenses publiques dans le PIB atteint 51,3 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Parce qu'il n'a plus de déficit public !
    M. Didier Migaud. Pourquoi, en Espagne, le taux de chômage est-il encore de 11,3 % alors pourtant que le poids des dépenses publiques dans le PIB est passé à 38,5 % ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les pourcentages peuvent dire n'importe quoi !
    M. Didier Migaud. Monsieur le président de la commission des finances, faites attention à ces a priori idéologiques qui risquent de se retourner contre la pertinence de votre argumentation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J'ai dit « dans l'ensemble » !
    M. Didier Migaud. Il n'y a pas de corrélation : un faible taux de chômage peut correspondre à un niveau faible ou élevé de dépenses publiques. Et si, depuis 2000, le poids de la dépense publique a baissé en Espagne, son taux de chômage n'a pas particulièrement diminué.
    Cela n'empêche pas cependant la droite de continuer à décrire la dépense publique comme un poison liquide qui se répandrait dans notre pays et l'affaiblirait en comprimant son énergie.
    S'agissant de la dépense publique, il faut avoir le courage de reconnaître qu'il est aussi déplacé de dire qu'il faut a priori réduire la dépense publique que de dire qu'il faut a priori l'augmenter. Mais en voulant systématiquement et a priori réduire la dépense publique sans l'avoir toujours évaluée et sans en avoir mesuré les conséquences, la droite ne sort pas de la logique de moyens. Simplement pour elle, il faut moins de moyens. Je ne dis pas qu'il en faut obligatoirement plus, je dis que ce qui importe c'est d'améliorer l'efficacité de la dépense pour renforcer sa légitimité.
    Il faut contrôler, évaluer et dépenser moins si c'est justifié au regard de cette évaluation.
    A cet égard, on ne peut qu'être inquiet de la façon dont vous abordez le sujet, puisque vous mettez en quelque sorte la charrue avant les boeufs en commençant par réduire la dépense publique et en annonçant que cette réduction en elle-même améliorera l'efficacité de la dépense. Il n'y a rien de moins sûr.
    De même que l'amélioration de l'efficacité de la dépense n'a pas de relation mécanique avec l'augmentation des moyens, elle n'en n'a pas avec la diminution des moyens. C'est l'évidence, mais vous l'oubliez, du moins à Paris. Il faut, en effet, relever la schizophrénie de beaucoup d'entre vous, qui demandent et votent moins de crédits lorsqu'ils sont à Paris, mais s'opposent aux diminutions quand ils sont dans leur circonscription. On le voit bien avec le projet de réforme de la Banque de France, et je pourrais citer d'autres exemples.
    Cet oubli s'explique toutefois quand on sait que l'intention première de la droite est non pas d'améliorer l'efficacité de la dépense mais de réduire son périmètre, pour pouvoir alléger l'impôt des plus aisés et étendre l'emprise du secteur privé. Elle le dit parfois sans détour, même si elle peut paraître s'en défendre, et commence à le faire en préparant par exemple la privatisation de pans entiers de la sécurité sociale. Je pourrais reprendre quelques expressions significatives de M. Barrot.
    La droite a même théorisé cette démarche aux relents poujadistes : réduire le train de vie de l'Etat permet de baisser l'impôt.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Qu'ai-je dit tout à l'heure ?
    M. Didier Migaud. Encore faudrait-il fixer le périmètre de ce que l'on appelle le train de vie de l'Etat, notion pour le moins floue. Je vous remercie, d'ailleurs, monsieur le ministre, d'avoir apporté quelques précisions en la matière.
    Faut-il rappeler que l'analyse des dépenses de l'Etat par nature de dépenses fait apparaître que le fonctionnement de l'Etat représente un peu moins d'une dizaine de milliards d'euros ? Par conséquent, une économie de 20 %, chiffre avancé par Pierre Méhaignerie, ne permettrait pas de dégager les économies nécessaires pour baisser les impôts comme vous le souhaitez. On est très loin en effet des 30 milliards promis ! C'est donc peut-être séduisant, mais il est complètement faux et illusoire de croire que ce serait la recette magique pour baisser les impôts.
    Bien évidemment, cela ne signifie pas que, si des économies sont possibles, il ne faut pas les réaliser. Mais il n'est pas responsable de bâtir des promesses fiscales sur de tels arguments.
    Si j'ai souhaité, comme un certain nombre d'entre vous, que le Parlement soit vigilant sur les conditions de mises en oeuvre de la loi organique, c'est parce que le risque est grand que l'ambition réformatrice affirmée ne soit pervertie, voire annihilée, par des considérations technocratiques et par des pesanteurs ou des rigidités diverses.
    Il est selon moi essentiel que le Parlement, qui a voulu et porté la réforme de l'ordonnance de 1959, soit vigilant sur son application. La mission d'information sur les conditions de mise en oeuvre de la loi organique, dont j'avais proposé la création, a donc procédé à plusieurs auditions, à l'issue desquelles elle a formulé un certain nombre de préoccupations, voire d'exigences.
    Je ne reviendrai pas dans le détail sur ces propositions. Je les partage et j'ai trouvé intéressantes, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, les propositions contenues dans le rapport écrit présenté ce matin. Je rappelerai simplement que le Parlement ne peut pas accepter que lui soit soumise une nouvelle nomenclature budgétaire qui ne corresponde pas aux principes contenus dans la loi organique.
    Il ne serait notamment pas admissible que la nouvelle nomenclature budgétaire se contente, par paresse ou crainte du changement, d'une simple duplication de la structure administrative actuelle, même s'il est vrai qu'on ne doit pas faire obligatoirement du changement de cette structure un préalable.
    Ce ne sont pas des mots : l'initiative parlementaire pourra peser sur cette nomenclature si la volonté se manifeste. Le Parlement pourra décider de créer un programme au sein d'une mission existante, et il pourra procéder à des redéploiements de crédits entre programmes au sein d'une même mission.
    Il est toutefois vital que l'élaboration de cette nomenclature se fasse en bonne intelligence entre l'exécutif et le Parlement.
    Des progrès restent à accomplir en la matière. Mais je fais confiance à l'intelligence et à la volonté d'Alain Lambert pour s'appuyer sur le Parlement pour l'aider à avancer dans le respect des principes qu'il a, comme président de la commission des finances du Sénat, contribué à établir.
    Si l'on ne peut être surpris par le fait que l'administration se propose d'élaborer des programmes sans finalité d'intérêt général mais à seule vocation de gestion, on ne peut non plus s'étonner que le Parlement mette l'exécutif en garde et lui demande de ne pas céder à cette tentation.
    De même, nous ne pouvons pas accepter la création de programmes qui s'apparentent en réalité à ce que doit être une mission. J'ai bien entendu votre raisonnement, monsieur le ministre, mais il peut aussi être retourné. Je souhaiterais, en tout cas, que nous puissions prolonger cette discussion. Si l'intérêt de l'administration est de créer des programmes importants pour maximiser les effets de fongibilité des crédits au sein d'un programme, la conséquence d'une telle logique ne doit pas être de réduire la portée de l'autorisation parlementaire et la capacité d'initiative des députés.
    A travers ces exemples de dérives potentielles, on mesure le risque qu'il y a pour le Parlement à ne pas suivre avec vigilance l'exécution de cette loi. En ce qui concerne le contrôle, le travail du parlementaire s'apparente en effet pleinement à celui de Sisyphe. A peine achevé, le travail doit être recommencé, si l'on ne veut pas réduire à néant les progrès enregistrés. D'où la nécessité de conforter les prérogatives du Parlement en matière de contrôle, et de veiller à ce que les progrès de la loi organique ne soient pas insidieusement remis en question.
    A cet égard, il convient de saluer l'initiative du président Jean-Louis Debré de réunir un groupe de travail chargé de réfléchir aux conséquences à tirer de la loi organique sur le fonctionnement même de notre assemblée en période budgétaire. Il faut aussi que l'Assemblée nationale sache s'adapter et se réformer.
    Tel est précisément le sens de la proposition formulée par Laurent Fabius, que j'avais présentée lors de l'examen de la seconde partie de la loi de finances pour 2003. Elle vise à instaurer un audit annuel des comptes publics, dont la responsabilité serait confiée à la Cour des comptes. Cette proposition n'a toutefois pas rencontré, de la part de la majorité, l'accueil qu'elle mérite. Nous pouvons le comprendre, compte tenu d'ailleurs de la situation très particulière dans laquelle vous vous êtes mis, messieurs.
    Pourtant, il faut reconnaître qu'il existe une zone d'ombre dans l'information délivrée au Parlement au moment d'aborder le débat d'orientation budgétaire. Le Parlement dispose, en effet, d'une information sur l'exécution de l'année n-1 avec le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances. Il connaît les orientations pour l'année n+1 grâce au document remis par le Gouvernement au moment du débat d'orientation budgétaire. Mais il est aveugle sur l'exécution de l'année en cours. Ce n'est pas normal.
    Si l'on reconnaît l'intérêt de l'audit pratiqué tous les cinq ans, on ne peut méconnaître l'intérêt d'un audit annuel. Pour s'y opposer pourtant, notre rapporteur général, Gilles Carrez, a considéré qu'un tel audit « jetterait un doute sur la sincérité des comptes prévisionnels de chaque année ». Il est exact que la publication de l'audit en 2002 n'a pas empêché le Conseil constitutionnel d'émettre, monsieur le ministre, de sérieuses réserves sur la sincérité du projet de loi de finances pour 2003, dont pas un expert indépendant ne partageait les hypothèses économiques.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et pour 2002 ?
    M. Didier Migaud. Il faut considérer que la publication de cet audit chaque année constituerait pour le Gouvernement une forte incitation à élaborer des hypothèses sincères, réalistes et prudentes. L'élaboration de ces hypothèses deviendrait en effet le fruit d'un processus contradictoire et transparent, et non le fait du prince.
    De la part d'un ministre aussi épris de transparence que vous l'êtes, et en dépit des embûches qui sont parfois posées devant vous, je ne doute pas un instant, monsieur Lambert, que cette proposition saura un jour vous séduire.
    Pour conclure, je dirai oui au contrôle, oui à l'évaluation, oui à la transparence, oui à la maîtrise de la dépense, oui à la réduction des déficits. Mais non au parti pris idéologique, non à la remise en cause de politiques publiques qui favorisent la croissance et contribuent à la réduction des inégalités. Oui à un Etat réformé, plus performant, mais toujours bien présent et acteur car notre société en a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le contrôle des dépenses publiques et l'amélioration des performances de l'Etat est fondamental, car, comme le dit le groupe UDF depuis de nombreux mois, nos finances publiques sont vraiment en grande difficulté.
    M. Didier Migaud. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. Le déficit public explose : 1,4 % en 2001, 2,1 % en 2002, officiellement 3,4 % en 2003 - mais plus vraisemblablement 3,7 ou 3,8 %...
    M. Didier Migaud. Merci, monsieur Raffarin !
    M. Charles de Courson. ... puisque la conjoncture ne cesse de se dégrader.
    Quant aux dépenses publiques, qui avaient atteint un sommet en représentant 55 % de la richesse nationale, M. Migaud l'a rappelé, elles approchent encore les 53 %. C'est l'un des taux les plus élevés des grands pays démocratiques.
    Enfin, et c'est là probablement le plus grave, il faut noter l'ampleur et le caractère structurel de la dérive des dépenses publiques, en particulier sociales. A cet égard, et le ministre l'a rappelé tout à l'heure, la différence entre les gouvernements de droite et du centre et ceux de gauche est simple : les premiers freinent la hausse, tandis que les seconds l'accélèrent.
    Mme Martine Lignières-Cassou. C'est un peu caricatural !
    M. Charles de Courson. Au cours des quinze dernières années, par les hasards des dissolutions et des échéances électorales, la gauche est arrivée au pouvoir au début des reprises économiques, qu'elle a gâchées, tandis que nous y revenions aux pires moments. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Migaud. Caricature !
    M. Charles de Courson. Rappelez-vous, chers collègues de l'opposition, en 1992-1993, la croissance était alors négative, et quand nous sommes revenus au pouvoir, en mars 1993, le déficit public explosait à 6,3 %.
    En 1997, en revanche, alors que vous vous êtes retrouvés aux affaires après une dissolution inattendue, la reprise était repartie depuis trois à six mois. Telle est l'histoire budgétaire de notre pays !
    Alors pourquoi faut-il réduire le poids des finances publiques ? Didier Migaud a tenu en la matière des propos extrêmement dangereux. Selon lui, il n'y aurait finalement aucune corrélation entre le niveau et la structure - cet aspect est également très important et je vais y revenir - des dépenses publiques, et la croissance.
    M. Didier Migaud. J'ai parlé de chômage !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela revient au même !
    M. Charles de Courson. Et il a cité quelques chiffres concernant le Danemark et l'Espagne. Je pourrais lui rappeler que les pays qui ont le taux de chômage le plus bas sont ceux dont les dépenses publiques ont une structure très différente des nôtres. La France, en effet, n'investit plus. Je me tue à souligner que les investissements civils sont tombés à 4 % dans le budget de l'Etat.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Absolument !
    M. Hervé Morin. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Quand je dis cela dans mes discours, les gens prétendent que je me trompe, que ce n'est pas possible. Or telle est bel et bien la vérité. Nous n'en sommes qu'à 11 ou 12 milliards d'euros d'investissements publics de l'Etat : la sécurité sociale ne pratique pas d'investissement civils en effet, et j'exclus les investissements militaires dont la qualification d'investissements est discutable. C'est la proportion la plus faible de tous les pays comparables. D'ailleurs, qui peut prétendre, par exemple, qu'on est à niveau en matière de voirie nationale ? Personne !
    Tout le monde sait ce qui va se passer quand ces routes seront transférées aux conseils généraux.
    Qui peut prétendre que les universités et, plus largement, le patrimoine immobilier de l'Etat sont en bon état ? Tout le monde sait que tel n'est pas le cas. On a même vu un inspecteur du travail obligé de quitter son bureau pour descendre travailler à l'étage en dessous, le même inspecteur qui se rend dans les entreprises pour s'assurer du respect des règles d'hygiène et de sécurité.
    M. Didier Migaud. C'est pour cela que vous réduisez les dépenses d'équipement !
    M. Charles de Courson. La question de fond est celle de savoir pourquoi il faut réduire le niveau des finances publiques et les restructurer, ce dont peu de gens parlent.
    Il s'agit d'abord d'une question de justice sociale...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Exact !
    M. Charles de Courson. ... contrairement à ce que dit M. Migaud ! En effet, actuellement, les dépenses publiques, et leur excès, sont massivement financées par des impôts sur le travail. En effet, mes chers collègues, les cotisations sociales sont un impôt sur le travail. Tel est aussi le cas à plus de 80 % de la CSG et pour 60 ou 70 % de l'impôt sur le revenu.
    M. Hervé Morin. Et la TIPP !
    M. Charles de Courson. La TIPP est aussi essentiellement un impôt sur le travail !
    Cela signifie que l'excès de dépenses publiques induit un excès de prélèvements sur le travail qui, lui-même, induit deux phénomènes, dont le premier est un phénomène de trappe à la pauvreté, car, aujourd'hui, le montant du SMIC n'est plus cohérent avec celui des minima sociaux.
    Monsieur Migaud, comment pouvez-vous expliquer à une famille avec trois enfants dont le père travaille et gagne le SMIC...
    M. Didier Migaud. Je peux en parler plus que vous !
    M. Charles de Courson. Moi aussi, je peux en parler, monsieur Migaud, parce que, contrairement à ce que vous semblez croire, j'ai les mêmes électeurs que vous...
    M. Didier Migaud. Sûrement !
    M. Charles de Courson. ... sinon, je n'aurais pas été réélu dès le premier tour aux élections législatives.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !
    M. Charles de Courson. Respectez le suffrage populaire !
    M. Didier Migaud. Je n'ai pas voulu vous insulter, monsieur de Courson !
    M. Charles de Courson. Comment, monsieur Migaud, pouvez-vous expliquer à cette famille de trois enfants, dont le père gagne le SMIC et l'épouse s'occupe des trois enfants, que son niveau de vie est inférieur à celui d'une famille comparable habitant dans le même HLM, et qui, elle, vit du RMI ? Cela est indéfendable et la montée de l'extrémisme, en France, est liée à ce phénomène !
    M. Hervé Morin. Entre autres !
    M. Gilbert Gantier. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. Ce phénomène touche en effet les électeurs qui sont au bas de l'échelle sociale. Ainsi, dans certains quartiers de ma petite ville industrielle de Vitry-le-François, frappée par le chômage et la désindustrialisation, ils votent Front national autant que les habitants des zones les plus riches de ma circonscription...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Plus !
    M. Charles de Courson. ... qui sont les zones viticoles, essentiellement à cause de la désincitation au travail, monsieur Migaud !
    M. Gilbert Gantier. Exact !
    M. Charles de Courson. Ecoutez le peuple, monsieur Migaud, du haut en bas de l'échelle de la société ; sinon, non seulement il battra la gauche, et de façon de plus en plus forte, mais il votera pour des extrémistes !
    M. Didier Migaud. Caricature !
    M. Charles de Courson. Il faut donc réduire la dépense publique et restructurer les prélèvements qui l'alimentent,...
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas ce que vous faites !
    M. Charles de Courson. ... ce dont personne ne parle, d'abord pour une raison de justice sociale.
    Ensuite, monsieur Migaud, nous sommes dans une économie internationalisée. Le parti socialiste est fondamentalement, au moins à 80 %, pro-européen. Vous ne pouvez donc pas être pro-européen et continuer à défendre votre idéologie keynésienne de la dépense publique ! En effet si le multiplicateur keynésien était applicable dans une économie fermée, il devient un diviseur en économie ouverte. Vous en avez d'ailleurs fait l'expérience à plusieurs reprises, en essayant de favoriser des relances qui ont surtout relancé les importations.
    M. Hervé Morin. Notamment en 1982 !
    M. Charles de Courson. Vous ne pouvez donc plus défendre la thèse keynésienne selon laquelle peu importe le niveau de la dépense publique : dans une économie internationalisée, c'est fini !
    M. Didier Migaud. On n'est pas aussi simplistes que cela !
    M. Charles de Courson. Je veux encore traiter d'un autre problème qu'a évoqué M. le ministre, en cherchant à savoir pourquoi nous avons échoué, parce qu'il faut avoir le courage d'affronter les vraies questions.
    Je pense que nous avons échoué parce que les parlementaires, dont nous sommes, ne sont pas capables de faire autre chose que de demander plus.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Sauf exceptions !
    M. Charles de Courson. J'ai appartenu en 1986, au groupe des cinq, que certains ont appelé le groupe des cinq salopards. (Sourires.)

    M. Didier Migaud. Oh !
    M. Charles de Courson. Nous avions conclu que nous ne pouvions pas continuer à voter des budgets avec de telles hausses des dépenses.
    M. Hervé Morin. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Nous avions alors proposé 4 milliards de francs d'économies ce qui a produit une véritable crise au sein de la majorité de l'époque.
    Nous n'avions donc obtenu que 2 milliards d'économies, mais, six semaines plus tard, le gouvernement avait opéré 15 milliards d'annulations de crédits !
    Mme Martine Lignières-Cassou. Heureusement qu'il était là !
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, arrêtons d'être des fauteurs de hausse des dépenses publiques. Ayons le courage de déposer des amendements de réduction ou de suppression de crédits, même si, dans un premier temps, cela peut gêner les ministres. Ils nous en remercieront plus tard, pourvu que ces amendements soient bien ciblés sur des actions peu ou pas utiles.
    La deuxième raison de nos échecs - et vous l'avez implicitement évoquée dans votre discours, monsieur le ministre - tient au fait que, au sein du Gouvernement, le ministre des finances est seul ; je dirai même que la direction du budget est seule. J'ai d'ailleurs eu l'honneur d'appartenir deux ans et demi à cette noble institution, parce que je voulais savoir pourquoi la France était incapable de réduire la dépense publique alors que toutes les grandes démocraties avaient réussi. Pourquoi ce syndrome français ?
    Monsieur le ministre, vous êtes donc seul. Aucun ministre des finances n'a été aidé par ses collègues au sein des gouvernements successifs, car ce qui est valable pour vous et pour M. Mer, a également été vrai pour tous vos prédécesseurs. Au sein des administrations, la direction du budget a d'ailleurs une conception trop impériale de sa fonction. Il faut intéresser les autres ministères à la réalisation d'économies, récompenser ceux qui gèrent bien, sanctionner ceux qui gèrent mal.
    Il est une troisième raison, qui est fondamentale : l'opinion publique n'appuie pas suffisamment les gouvernements courageux. Ainsi, quels ont été, depuis vingt ans, les deux gouvernements les plus courageux en matière de dépenses ?
    Il y a d'abord eu M. Juppé, de 1986 à 1988,...
    M. Didier Migaud. C'était Chirac le Premier ministre !
    M. Charles de Courson. ... qui était ministre délégué d'Edouard Balladur. Mais nous avons ensuite perdu les élections de 1988, certes de très peu : 2 500 voix et cinq sièges, mais nous avons perdu.
    Le deuxième essai, de 1996 à 1997, a encore abouti à un échec électoral de trente sièges.
    Nous l'avons accepté car nous sommes dans un système démocratique.
    Même à gauche, on entend parfois quelques personnes sérieuses s'exprimer sur la dépense publique, mais que sont-ils devenus ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ils se cachent ! (Sourires.)
    M. Charles de Courson. Quand, en 1993-1994, il a fallu corriger les effets de la politique désastreuse menée de 1981 à 1983, cela a abouti à un désastre électoral pour la gauche. Pourtant, M. Fabius - dont chacun sait qu'il n'est pas ma tasse de thé - (Sourires)...
    M. Michel Bouvard. Le nouveau monde !
    M. Charles de Courson. ... met de temps en temps ses amis en garde et leur demande de cesser d'être des « dépensophiles »... et de mettre en avant, comme vient de le faire M. Migaud, des considérations idéologiques selon lesquelles plus on dépense, plus il y a de solidarité sociale.
    M. Didier Migaud. Je n'ai pas du tout dit ça !
    M. Charles de Courson. Pour ma part, j'estime que c'est l'inverse : plus on dépense mal, plus les tensions sociales et les inégalités sont grandes. Or ceux qui tiennent ce langage à gauche sont minoritaires. Ne comptez donc pas sur la gauche, mes chers collègues, pour aller dans ce sens. Il est de notre fonction et de notre devoir d'assumer cette responsabilité.
    Je terminerai mon intervention en traitant des moyens de réduire la dépense publique.
    La première condition - elle est évoquée dans le rapport - est de se doter de moyens d'évaluation permettant de mener une politique intelligente d'économies. En fait, il faut mettre en oeuvre la loi organique du 1er août 2001. A cet égard, la mission à laquelle j'ai participé avec trois de mes collègues a émis plusieurs propositions, dont l'une sur laquelle je veux revenir.
    Monsieur le ministre, vous ne réussirez pas à appliquer correctement la nouvelle loi organique si le Gouvernement et le Président de la République n'ont pas le courage de réorganiser le Gouvernement.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Charles de Courson. Je vais vous donner quelques exemples, que m'a inspiré l'audition du ministre de l'intérieur.
    Ainsi, comment voulez-vous que la mission de sécurité intérieure soit correctement évaluée et contrôlée quand les crédits de la gendarmerie restent sous la tutelle du ministère de la défense ? Comment voulez-vous qu'on ait une appréhension correcte de l'aide aux collectivités territoriales quand la maquette qui nous est présentée ne porte que les crédits inscrits sur le budget du ministère de l'intérieur, alors qu'il faudrait que nous disposions des chiffres relatifs à toutes les compensations d'impôts locaux...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les dégrèvements !
    M. Charles de Courson. ... car ils représentent le triple de ce qui figure dans le budget du ministère de l'intérieur ?
    De même, comment voulez-vous juger du budget du ministère des affaires étrangères quand tout ce qui a trait au volet économique de ses interventions relève du budget du ministère des finances et quand celui de la culture porte le financement de ses actions culturelles ? Et je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, le ministre de la ville me disait récemment que son budget représente à peine 10 % des crédits qu'il est censé mettre en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville.
    Il est donc indispensable que le Premier ministre et le Président de la République décident de réorganiser le Gouvernement pour le caler sur l'organisation de missions et de programmes clairement identifiés.
    M. Michel Bouvard. Au sein de missions !
    M. Charles de Courson. Cela nous permettrait d'avoir de vrais débats avec des amendements véritablement efficients, puisque, je vous le rappelle, nous avons le droit d'amender pour arbitrer entre programmes. Nous pouvons ainsi estimer qu'il est trop fait pour la sécurité intérieure et pas assez en faveur de l'aide aux collectivités territoriales, et ouvrir un vrai débat dans le cadre d'une enveloppe bordée globalement.
    La deuxième condition du succès est que la majorité parlementaire assume ses responsabilités, c'est-à-dire, monsieur le ministre, qu'il faut l'associer à l'élaboration des programmes d'économies. Cela vous évitera de commettre des bêtises comme l'ont fait vos prédécesseurs, y compris de gauche, et vous permettra d'assurer la cohésion de la majorité.
    Il convient aussi que vous mettiez en oeuvre les quatre grandes réformes indispensables, car, si nous ne parlons aujourd'hui que du budget de l'Etat, ce n'est pas l'élément dont l'état est le plus déplorable, même s'il est dans une situation grave. Il y a aussi la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie et celle de l'Etat, dans laquelle le budget de l'Etat est concerné directement, et puis la décentralisation.
    A cet égard, je formule le souhait, au nom du groupe UDF, que vous-même, monsieur le ministre, et Francis Mer ne soyez pas seuls au sein du Gouvernement. Il est indispensable que tous les ministres contribuent aux économies et n'estiment pas que seuls les autres doivent en réaliser.
    Enfin, il faut montrer à l'opinion publique - cela est essentiel - que l'on peut mieux gérer dans l'intérêt à la fois du service public et de nos concitoyens. C'est sur ce terrain que nous gagnerons ou perdrons la bataille politique. Beaucoup de gouvernements démocratiques l'ont gagnée. Notre ami Aznar, en Espagne, en a été récompensé par le corps électoral.
    M. Didier Migaud. Cela ne va pas durer !
    M. Charles de Courson. A ceux qui prétendent que nous ne devons pas être rigoureux, sinon nous serons battus, je réponds que notre devoir est de mener cette tâche à bien, même si nous devons être battus ensuite, parce que le peuple français reconnaîtra notre courage plus tard et nous gagnerons de nouveau aux élections suivantes.
    M. Gilbert Gantier. Absolument !
    M. Charles de Courson. Nos finances publiques connaissent une crise vraiment structurelle. La justice sociale passe par une réduction du poids des prélèvements obligatoires et par une réforme de leur structure. Si nous traitons les causes de nos échecs passés, la France pourra retrouver une vraie solidarité et une vraie cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé par le groupe UMP fait partie d'un dispositif aujourd'hui bien rodé : aux députés et aux parlementaires de la majorité le soin d'en rajouter dans le libéralisme, au Gouvernement le rôle du modérateur. Peut-être - nous verrons bien. Ce numéro de duettistes a déjà eu des précédents : la baisse de l'impôt sur la fortune en a été l'exemple le plus parlant. C'est pour cela que les députés communistes et républicains, s'ils comprennent la nécessité de contrôler l'utilisation des fonds publics, de maîtriser et de gérer la dépense publique, sont inquiets au regard de l'orientation donnée à ce débat. Comme dans le cadre de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques, il apparaît en effet que les termes du débat sonnent comme un jugement. Vous êtes, en l'occurrence, d'un dogmatisme que je croyais révolu.
    Le Figaro, dont la ligne éditoriale a le mérite de correspondre clairement à celle suivie par la majorité UMP, a parfaitement résumé la situation en titrant : « L'UMP fait feu sur les dépenses publiques. » Quelle franchise ! Les arguments invoqués pour justifier la nécessité d'une croissance zéro du budget de l'Etat tiennent en une phrase abrupte du président de la commission des finances, affirmant qu'il existe une relation directe entre le niveau des dépenses publiques et le taux de chômage ». Je serais tenté de dire : dans quel sens ?
    Demandez donc aux dizaines de milliers d'emplois-jeunes si la dépense publique n'a pas de relation directe avec leur emploi ! D'ailleurs, le Gouvernement vient de remettre des emplois dans ces secteurs. Interrogez donc les fédérations patronales et aux entreprises de travaux publics qui se plaignent du faible niveau d'investissement public et des conséquences que cela entraîne sur l'emploi !
    M. Louis Giscard d'Estaing. Et de l'excès d'impôts !
    M. Jean-Claude Sandrier. Certes, vous avez été appuyés dans vos choix par des spécialistes qui sont de véritables intégristes en la matière. Ainsi, un professeur d'histoire économique a expliqué que, bien que la France ait un ratio dépenses publiques/produit intérieur brut produit intérieur brut supérieur à la moyenne de la zone euro, cela n'a pas d'effet sur les services rendus. Immédiatement après, cependant, ce même universitaire a précisé qu'il était plus judicieux, politiquement, pour prouver la valeur de son argument, d'éviter les comparaisons avec le Royaume-Uni.
    Je vais pourtant le faire !
    Demandez ce qu'en pensent, par exemple, les patients anglais qui viennent se faire soigner en France, les chômeurs du Royaume-Uni rayés des statistiques car déclarés inaptes au travail - parce que c'est ainsi qu'on fait baisser le taux de chômage - , les travailleurs pauvres obligés de cumuler deux ou trois emplois partiels - c'est l'exploitation humaine dans toute sa splendeur, si l'on peut dire -, les passagers des chemins de fer britanniques ! Demandez-leur à tous ce qu'ils pensent de notre dépense publique et de celle du Royaume-Uni. Demandez aussi son avis au maire de Londres, auquel une étude récente vient d'apprendre que 53 % des enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté dans sa ville.
    Est-ce vers ce royaume du libéralisme que vous voulez nous emmener ? Ce pays, comme d'autres je suppose, doit entrer dans le calcul de la moyenne du ratio dépense publique/produit intérieur brut que vous utilisez abondamment. Or je ne souhaite pas que la France s'aligne sur un pays en voie de tiers-mondialisation.
    Oui, avec l'Allemagne, la France a le modèle social le plus développé de la zone euro et cela est heureux. Je tenais à le souligner ici.
    Certes, nous avons pour obligation de travailler à le rendre plus efficace, plus utile à nos concitoyens. Toutefois, tel n'est pas votre credo : il importe surtout aux élus de la majorité d'organiser et de justifier une réduction des dépenses sociales et utiles, en essayant de faire passer la pilule. Sans que l'on y prenne garde, vous glissez ainsi subrepticement de la maîtrise à la réduction des dépenses publiques.
    Pourtant, ce ne sont pas des synonymes : maîtriser, c'est, au sens littéral, se rendre maître. Or, pour la représentation nationale, quoi de plus légitime que de se rendre maître de l'utilisation des deniers publics ?
    Pour être plus explicite, je crois que le débat que vous avez initié ce matin aurait dû s'intituler : réduction des dépenses publiques, peut-être en y ajoutant : pour continuer à baisser les impôts des plus riches, à marchandiser et à privatiser les services publics.
    Bien sûr, le contrôle et le suivi du budget par le Parlement pourraient donner une image positive de notre débat. Cependant apparaît surtout votre enfermement dans une logique, dans une idéologie qui attribue à la sphère publique tous les maux du système. Selon le sacro-saint principe de l'efficacité du privé et de l'inefficacité du public, vous allez même jusqu'à proposer la mise en place d'audits extérieurs effectués par des sociétés privées. Au moins, la dépense publique servira-t-elle à nourrir des cabinets privés !
    Quant au contrôle des fonds publics engloutis par le privé, nous sommes bien en peine de l'effectuer aujourd'hui. En effet, si vous êtes prompts à dénoncer la dépense publique, vous êtes tout aussi pressés de supprimer la loi Hue, qui permettait de contrôler l'utilisation des fonds publics aux entreprises. Votre volonté de contrôle des dépenses publiques est-elle fonction de leur destinataire ? Y aurait-il deux poids, deux mesures ?
    Il est vrai que certains scandales récents, comme celui de Daewoo où des millions d'euros de fonds publics ont été engloutis, devraient vous inciter à regarder de ce côté. En effet, la compassion, la compréhension, la révolte verbale allant même jusqu'à parler de « patrons voyous », ne suffit pas. A cet égard, je peux aussi citer Metaleurop où l'Etat se substitue à l'entreprise pour payer une indemnité de préjudice moral. J'invite notre collègue de Courson qui cherche les fauteurs de l'augmentation de la dépense publique à se pencher sur ce cas !
    Ces exemples démontrent que l'Etat devrait exercer un réel contrôle sur les entreprises ayant bénéficié du soutien de l'argent public ou dont le comportement coûte à la collectivité publique. La maîtrise de la dépense publique passe en effet aussi par la mise en oeuvre d'instruments de contrôle auprès des entreprises et des grands groupes. Or vous ne faites rien à cet égard !
    Pour notre part, députés du groupe communiste et républicain, nous sommes persuadés que la dépense publique est un atout considérable pour le pays et pour les citoyens. Investir dans l'éducation, la santé, la recherche - si malmenée actuellement par les suppressions de crédits -, la culture, le logement, le secteur social, les personnes âgées, la jeunesse, ce n'est pas seulement une dépense, c'est aussi un choix d'avenir, un investissement. Je pense même qu'il s'agit de dépenses nobles.
    Or dans ces domaines particulièrement utiles, vous voulez, comme vous dites, sortir de la tête de nos concitoyens l'idée - fausse - selon laquelle, pour faire mieux, il faut obligatoirement plus de moyens. Comment espérez-vous être crédibles alors que vous nous avez expliqué il y a six mois que, pour faire plus et mieux pour la police, la justice et la défense, il fallait plus de moyens et augmenter les budgets ?
    Je souhaite également revenir sur votre présentation des choses. Selon vous, moins de dépenses publiques correspondrait à moins de chômage. Didier Migaud a donné des exemples. Pour ma part, j'en citerai un seul, mais il y en a beaucoup d'autres. Au début des années 1990, la dépense publique était inférieure de quatre points à celle d'aujourd'hui. Or le taux de chômage était plus élevé de près de trois points par rapport à celui enregistré en 2001. Cela montre bien qu'il n'y a pas de corrélation directe entre les deux et qu'aucune mathématique n'entre en jeu dans ce problème.
    Quant au désintérêt pour le travail, dont il a été souvent question, j'y vois deux raisons essentielles. La première est la multiplication des licenciements où l'on voit des entreprises jeter leurs salariés après les avoir pressurés comme il n'est pas permis - et, en plus, cela pèse sur la dépense publique, vous le savez très bien - et la seconde est le fait, pour faire face, comme on dit, à la concurrence, de tirer vers le bas les coûts salariaux et, parmi eux, les salaires. Voilà ce qui entraîne un désintérêt pour le travail ! Si on veut le revaloriser, il faut en donner à tout le monde et le payer !
    Pour terminer, mes chers collègues, vous me permettrez d'évoquer deux aspects concomitants à votre ténacité à diaboliser la dépense publique.
    Le premier est la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune. L'aveu même de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - qui s'est fait réprimander pour cela -, selon lequel cette réduction d'impôt n'a pas servi la croissance, apporte de l'eau à notre moulin. Ce n'était d'ailleurs pas la peine qu'il le dise. Nous nous en étions aperçu.
    D'un côté, on diminue les prélèvements pour les plus riches, de l'autre, on baisse les services utiles pour les plus démunis. La boucle est bouclée ! L'idéologie libérale a fait son oeuvre et on voit ce que cela donne : partout où elle est pratiquée sans frein, on assiste à un transfert de richesses du travail vers le capital et à une aggravation généralisée des inégalités, voire de la pauvreté.
    Le second a trait à votre silence sur le gâchis et les gaspillages dans la sphère privée. Quelle est l'efficacité de fonds privés quand ils servent à une véritable guerre financière jalonnée de fusions-acquisitions, d'externalisations, de prises de participation et de suppressions d'emploi ? Quelle est l'efficacité de fonds privés quand ils jouent contre l'emploi, contre l'activité de territoires entiers, contre les salariés ? Je parle malheureusement en connaissance de cause car, après la décision de Matra de se retirer du secteur automobile, tout un territoire, dont fait partie ma circonscription, se retrouve dans une situation critique. Comment admettre que ce groupe soit prêt à dépenser plusieurs centaines de millions d'euros pour fermer des entreprises sans même travailler à une poursuite industrielle ? Le comble est que Renault est prêt à embaucher les mille licenciés, mais ailleurs. Une solution industrielle aurait sans doute pu être trouvée sur place. Voilà un exemple de gâchis, de gaspillage ! Le Gouvernement, qui a la charge de la politique de l'emploi, a le devoir de les refuser !
    Enfin, quand dans un pays comme le nôtre, où le produit intérieur brut croît de 1, 2 ou 3 %, les exigences des actionnaires en matière de rémunération atteignent 15 %, il y a là une aberration qui confine au détournement d'une partie - importante ! - des ressources au profit d'une minorité de citoyens. N'est-ce pas là un gâchis - de loin le plus grand - jamais remis en cause par quelque gouvernement ou quelque majorité que ce soit ? On dispose ici d'un gisement quasiment sans limite d'argent, et il se trouve stérilisé, gaspillé, et finit par nuire à la société tout entière. Voilà un débat qu'il serait intéressant d'avoir au Parlement ! Voilà un contrôle qu'il serait utile qu'il exerce !
    Le groupe des député-e-s communistes et républicains travaille à l'élaboration d'une proposition de loi contre les licenciements boursiers car, cohérents et tenaces, nous sommes persuadés que les gaspillages financiers doivent être identifiés et réprimés dans ce secteur.
    En fin de compte, votre acharnement contre la dépense publique masque mal votre laisser-faire face à toutes les dérives du système libéral, et aux licenciements qui s'enchaînent dans le privé, vous allez ajouter les suppressions d'emplois dans le public.
    C'est, à notre sens, une démarche partielle et partiale que de proposer un tel débat sans dire un mot ni du domaine privé, ni de vos choix fiscaux. Il est inimaginable de débattre des performances de l'Etat, du niveau des dépenses publiques ou des pouvoirs du Parlement dans une démocratie sans y associer une réflexion dans le respect de l'esprit et de la lettre de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dont je me permets de rappeler le contenu : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Notre devise « Liberté, égalité, fraternité » prend un relief tout particulier au regard de ces objectifs, qui demeurent plus que jamais pertinents.
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de remercier tout d'abord le président et le rapporteur général de la commission des finances ainsi que le groupe UMP d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce débat sur la maîtrise des dépenses publiques.
    Cela ne signifie pas qu'il faille être contre la dépense publique. Celle-ci est nécessaire, ne serait-ce que pour permettre à l'Etat d'exercer ses fonctions régaliennes, mais elle est manifestement trop importante. Ainsi, pour 2002, elle a représenté 54 % du PIB, contre 48,4 % pour la zone euro, 47 % pour l'Union européenne, 38,9 % au Royaume-Uni, 48,5 % en Allemagne, 48 % en Italie et 31 % aux Etats-Unis. Cette différence de sept points de PIB entre la France et ses partenaires européens représenterait une économie à peu près égale à 100 milliards d'euros.
    Il devient dès lors urgent d'avoir le courage de baisser le niveau des dépenses publiques. Pourquoi ? Certes, nous avons de bons services publics. Et je le répète, là n'est pas le problème. Néanmoins, qualité ne rime pas avec quantité et aurait même parfois tendance à signifier le contraire. En effet, augmenter continuellement la dépense publique, comme on le fait depuis des années, conduit à accroître les déficits et, ce faisant, la dette. Cela oblitère nos capacités d'intervention et hypothèque l'avenir de nos enfants et petits-enfants. Du coup, nous arbitrons mal entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement, au détriment de ces dernières.
    Il faut donc arrêter de croire qu'un bon budget est un budget qui augmente d'année en année, qu'un bon arbitrage budgétaire consiste à dépenser toujours plus. Au contraire, un bon budget est un budget qui sait faire des choix et, partant, celui de la réforme, celui de la volonté politique.
    Il est donc urgent de maîtriser la dépense publique et d'engager les réformes structurelles à même de générer des économies. La promesse de réduire les prélèvements obligatoires et l'engagement européen de ramener le déficit public dès 2004 sous le seuil de 3 % du PIB s'accommodent mal d'un Etat qui dépense 15 % de plus par an que ses recettes.
    Pour y parvenir, il faut savoir opérer des choix. La conjoncture actuelle ne doit pas nous conduire à repousser cet effort. Bien au contraire, elle doit être un argument supplémentaire, car il est impératif que notre pays améliore sa compétivité. Associations inutiles , structures superfétatoires, subventions inadéquates, sureffectifs, doublons, locaux mal valorisés, procédures chronophages : tout nous convainc de baisser le coût de fonctionnement de l'Etat. Et, partant, la baisse du nombre de fonctionnaires n'est qu'une conséquence de la réforme. De fait, le taux retenu de remplacement des fonctionnaires partant à la retraite sera un indice fort de la volonté réformatrice du Gouvernement. A cet égard, un objectif de un sur deux me semblerait de bon aloi.
    En 2003, les charges de personnels de l'Etat - rémunération, charges sociales et pensions - représenteront 120,7 milliards d'euros, soit 44,1 % des dépenses. C'est de loin le plus gros poste budgétaire devant les charges de la dette - 14 % -, qui y sont d'ailleurs liées. Et la dérive de ces coûts est mécanique : même en stabilisant les recrutements, la masse salariale gonfle automatiquement en fonction des règles d'évaluation des rémunérations et les pensions s'alourdissent du fait de la démographie des fonctionnaires. La masse salariale augmente de 2,5 % par an du seul fait du glissement vieillesse technicité.
    Cinq ministères totalisent près de 90 % des rémunérations d'activité versées par l'Etat aux ministères civils. Or, la réduction des coûts est proportionnelle aux taux de non-remplacement des départs en retraite et ne devient sensible que dans la durée. Mais, même si l'impact financier est progressif, le Gouvernement dispose d'une chance historique de baisser le nombre de fonctionnaires, la proportion des agents âgés de plus de cinquante ans étant supérieure à 30 % dans certains secteurs comme l'économie.
    C'est dans cette optique que prend place la nouvelle constitution financière mise en place par la loi organique du 1er août 2001 et qui, remplaçant l'ordonnance du 2 janvier 1959, constitue la clé de voûte de la réforme de l'Etat. Mais, effective à partir du 1er janvier 2006, celle-ci ne constitue qu'un moyen de mise en oeuvre de la réforme, qui est avant tout une question de volonté et de courage politiques.
    Cette réforme est d'autant plus nécessaire et urgente que déjà plusieurs pays européens et occidentaux ont entrepris de réformer leur gestion publique. En Finlande, les contrats de droit privé ont remplacé le statut public. Au Canada, la réforme a permis de réduire de 20 % les effectifs de la fonction publique. Le Danemark et l'Italie ont également procédé à une réforme de leur gestion publique. En Hollande, une partie des agents sont rémunérés au rendement. En Suède, la fonction publique d'Etat a été divisée par deux et le statut de fonctionnaire s'aligne sur le droit privé. Au Portugal, une réforme a été également engagée et, en Espagne, il a été annoncé qu'un seul fonctionnaire sur quatre partant à la retraite serait remplacé. Autant d'exemples qui montrent que réformer n'est pas impossible mais est la résultante d'une volonté forte, une volonté de relancer le pays sur le chemin vertueux de la croissance et du plein emploi.
    Ainsi, le poids de la fonction publique par rapport à l'emploi général est de l'ordre de 27 % en France contre 17 % aux Etats-Unis, moins de 8 % au Japon et d'environ 15 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. A l'inverse, en France, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 800 000 en vingt ans, soit 40 000 par an, pour atteindre entre 5,6 et 6,4 millions de personnes.
    La conception d'évaluation a mis, en effet, beaucoup plus de temps à émerger en France qu'à l'étranger. Au Royaume-Uni, le NAO, - National Audit Office - organisme rattaché au Parlement, emploie 900 personnes, dont 300 au contrôle de l'efficacité de la dépense publique. Des équipes d'audit de trois à cinq personnes examinent pendant un an des administrations.
    On ne trouve aucun mécanisme de contrôle équivalent en France. Que se soient l'inspection des finances, la Cour des comptes, le conseil national d'évaluation ou bien la MEC, leurs missions vont en croissant mais leur avis est rarement suivi d'effet.
    Aussi vais-je me permettre de vous proposer, monsieur le ministre, quelques exemples de réformes de l'Etat, qui pourraient être mises en oeuvre.
    Concernant d'abord les DOM-TOM, il s'agirait de se pencher sur le systèmes des congés bonifiés qui offre la possibilité aux fonctionnaires d'avoir deux mois de vacances tous les trois ans avec voyage payé par l'employeur. Il représente à lui seul 500 millions d'euros par an. Les Domtomiens ne sont d'ailleurs pas demandeurs, ce système dissuadant les collectivités locales d'embaucher des agents de la fonction publique. Ceux que j'ai rencontrés se plaignent de cet état de fait. Mais il est notoire que les collectivités locales qui en ont embauché un une fois ne recommencent plus jamais. Cela les empêche donc de faire carrière dans la fonction locale.
    La prime d'éloignement représente, quant à elle, 21 millions d'euros par an. Savez-vous que l'Assistance publique de Paris doit 260 millions d'euros à ce titre ? Elle vient d'être condamnée à les verser.
    La surnumération, qui varie entre 30 ou 40 % pour certains départements et 100 % pour les territoires d'outre-mer, entraîne un surcoût de près de un milliard d'euros par an.
    Pour pallier tous ces surcoûts, certains départements d'outre-mer comptent jusqu'à 70 % de non-titulaires. Dans d'autres départements d'outre-mer qui ont titularisé leur personnel, la moitié des communes sont placées sous la tutelle de l'Etat car il n'y a plus de possibilité d'investissement ni d'équipement. Cela va donc à l'encontre du développement des départements et territoires d'outre-mer.
    Le tout cumulé représente, monsieur le ministre, entre 2 et 3 milliards d'euros par an de dépenses publiques.
    Autre exemple : est-il encore nécessaire que chaque préfet préside plus de 300 commissions par an ? Dans le cadre de la nouvelle organisation décentralisée de la République, ne pourrait-on pas confier aux départements qui le souhaitent les sous-préfectures ? Cela aurait l'avantage de ne pas changer de fonctionnaires tous les deux ou trois ans et, donc, d'avoir des effets plus durables sur la politique que l'on veut mettre en place.
    Suivant le même raisonnement, on peut se demander s'il est nécessaire de garder les DDE après avoir transféré le logement et les routes aux départements.
    De même, pourquoi garder un ministère du tourisme et un ministère des sports si l'on en confie la gestion aux régions ?
    Enfin, monsieur le ministre, la simplification administrative est une bonne chose, mais elle ne doit pas conduire l'Etat à se conduire de manière trop dirigiste. Est-il admissible que la carte administrative de la France ne recouvre pas la carte judiciaire, qui, elle-même est différente de la carte sanitaire, elle-même différente de la carte scolaire, de la carte militaire et de la carte de la police et de la gendarmerie ? Il en résulte des logiques d'intervention différentes, parfois contradictoires, le plus souvent lourdes et bureaucratiques.
    Enfin, symbole parmi tant d'autres d'une fonction publique pléthorique, l'éducation nationale mérite toute notre attention et il ne faut pas avoir peur d'en parler. On apprend qu'entre 1995 et 2000 le nombre d'élèves a reculé de 350 000 alors que le nombre d'enseignants a continué à augmenter de 25 000 en dix ans.
    Premier budget de l'Etat, représentant le quart du total des crédits civils, le budget de l'éducation nationale a augmenté entre 1990 et 2001 de 17,5 milliards d'euros en euros constants, soit de 42 %.
    Son poids dans le budget général de l'Etat n'a cessé de croître, passant de 18,4 % en 1990 à 22,7 % en 2001. Avec un montant de 54 milliards d'euros en 2003, le budget de l'enseignement scolaire dépassera le produit de l'IRPP.
    Regroupant à lui seul plus de la moitié - 51 % - des emplois budgétaires de l'Etat, à près de 95 %, ces crédits sont destinés à la rémunération de 1,3 million de personnes : 981 700 enseignants du secteur public et du secteur privé sous contrat et 303 300 personnels administratifs, techniques et d'encadrement ; 37 000 individus payés par l'éducation nationale seraient détachés ou mis à la disposition d'autres administration, de syndicats ou d'associations ; 25 000 n'auraient jamais vu un élève. Enfin, 470 000 fonctionnaires peuplent les rectorats et les inspections d'académie. La dépense moyenne d'un élève a augmenté, depuis 1975, en francs constants, de 94 % pour le premier degré et de 74 % pour le second degré. Et je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a eu une amélioration de la qualité.
    De la réforme de l'Etat dépend également la compétitivité de notre nation ; la situation de crise internationale dans laquelle nous nous trouvons doit nous permettre de saisir cette opportunité de réforme ; celle-ci est à prendre comme une chance pour la France, et elle doit se réaliser en accord et en synergie avec nos fonctionnaires et non contre eux. C'est avec eux que la France qui gagne repartira de l'avant et retrouvera la place qui est la sienne de la communauté internationale.
    Dans l'espoir d'avoir contribué à éclaircir et préciser les enjeux vitaux de cette réforme pour l'avenir de la France...
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas sûr !
    M. Marc Laffineur. ... je tiens une nouvelle fois à renouveler ma confiance dans l'action que vous menez, monsieur le ministre, et dans celle que mènera le Premier ministre. Sachez que votre majorité est prête à engager ces réformes et vous soutiendra. C'est en retrouvant notre compétitivité, en effet, que nous pourrons créer des centaines de milliers d'emplois dans le secteur privé. C'est l'intérêt de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous invite, mes chers collègues, à respecter les temps de parole qui vous sont impartis.
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, la loi organique du 1er août 2001, en se substituant à l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui fut si longtemps notre Bible devait nous conduire à une réflexion portant non seulement sur le niveau de la dépense publique, mais aussi et surtout sur son bien-fondé, donc sur ce qu'on pourrait appeler sa maîtrise.
    Il ne faut pourtant pas attendre de ce texte plus qu'il ne peut donner. Mais il serait catastrophique qu'il donne moins que ce pour quoi il a été conçu.
    J'ai longtemps été membre de la commission des finances, et rapporteur spécial. J'ai donc bénéficié d'une certaine expérience de nos débats budgétaires, vus tant du côté de la majorité que de celui de l'opposition. Dans un cas comme dans l'autre, j'ai regretté ce que l'ordonnance de 1959 pouvait avoir de sclérosant. Certes, elle avait été promulguée pour mettre fin aux excès de la IVe République, période pendant laquelle le Parlement avait, au même titre que le Gouvernement, l'initiative des dépenses, ce qui pouvait donner lieu à certaines dérives électoralistes.
    Mais l'ordonnance de 1959 n'impliquait aucun mécanisme d'évaluation des dépenses publiques. Elle organisait un débat centré sur la seule autorisation budgétaire et n'imposait qu'un contrôle parlementaire restreint. Quant aux « gestionnaires », leur seule préoccupation consistait souvent à atteindre le niveau des dépenses autorisées. Ne se sentant responsables que de la seule légalité de la dépense, ils n'étaient par conséquent nullement préoccupés de lutter contre les gaspillages.
    Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez ont donc parfaitement raison de souligner que c'est désormais la logique et les comportements qui doivent changer : la bonne dépense, ce n'est pas celle qui augmente, c'est celle qui atteint son but.
    La loi organique de 2001 a pour objet de nous conduire à une expérience nouvelle : il s'agit désormais d'évaluer la performance par la mise en oeuvre de techniques nouvelles, dans l'administration comme au Parlement.
    A cet égard, la nouvelle loi organique nous apporte trois chances ; mais elle nous expose aussi à trois risques.
    La première chance, c'est de recentrer la dépense publique sur ses finalités. Les crédits d'un programme doivent viser à développer une action cohérente de l'Etat. Le programme doit permettre de mesurer l'impact d'une action publique au regard des moyens financiers qui lui sont consacrés.
    C'est là une novation heureuse : nous avons très souvent été privés d'une réelle évaluation de ce que nous votions. Il n'est qu'à nous souvenir de l'affaire du revenu minimum d'insertion, où l'assistanat a le plus souvent pris le pas sur l'insertion. Sans une évaluation sérieuse, on ne saurait mesurer l'efficacité d'une politique.
    Autre exemple : aussi singulier que cela puisse paraître, l'Etat ne connaît ni l'étendue ni la valeur de son patrimoine, notamment immobilier. J'avais déposé, voilà déjà bien des années, un amendement pour tenter de remédier à cette lacune. Et celui-ci avait même été accepté, chose curieuse, par le gouvernement socialiste de l'époque, tant et si bien qu'il était devenu un article de la loi de finances de l'année en question. Malheureusement, tout cela n'a servi à rien, car cet article n'a jamais été appliqué...
    La deuxième chance que nous apporte la nouvelle loi organique découle de la première : elle devrait permettre une dynamique nouvelle dans la gestion des dépenses publiques, une meilleure implication des gestionnaires.
    La troisième chance résulte de l'article 47 de la loi organique. Par le biais du droit d'amendement, elle redonne au Parlement un réel pouvoir d'autorisation. Nous avons tous constaté le caractère répétitif des débats de deuxième partie de la loi de finances. Il faut aujourd'hui leur redonner un sens : le pouvoir décisionnel du Parlement devrait en conséquence être lié à une exacte évaluation de la dépense publique.
    Mais les risques liés à la nouvelle loi organique sont tout aussi certains. Le premier, souligné par notre collègue Michel Bouvard, ainsi que par Didier Migaud, c'est le caractère vague, imprécis ou incohérent des programmes, alors que l'appréciation de leur performance devrait au contraire impliquer non seulement une plus grande précision des programmes, mais aussi la mise en place d'« indicateurs ». Je souhaite donc vivement que la discussion du prochain débat d'orientation budgétaire nous donne l'occasion d'un véritable et fructueux débat sur ces indispensables « indicateurs ». Il ne peut y avoir de mission ne comportant qu'un seul programme.
    Le deuxième risque est celui de la frilosité. J'ai souvent, comme nous tous, entendu parler de la réforme de l'Etat. Mais jusqu'à présent, il s'est toujours agi d'un voeu pieux, non d'une réalité. Je veux espérer que cela va changer.
    A travers la notion de fongibilité des crédits, il nous faut passer d'un budget de moyens à un budget de résultats. Les gestionnaires, les syndicats, les ministres eux-mêmes ou seront tentés par l'immobilisme ou à tout le moins un certain conservatisme. Il faudra y prendre garde. La loi organique appelle au contraire à redonner du sens à l'action publique.
    Le troisième risque serait celui d'une insuffisance de l'évaluation. L'aide personnalisée à l'autonomie en est un exemple frappant. Au moment de la mise en oeuvre, l'étude d'impact chiffrait la contribution départementale à 2,5 milliards de francs, le coût pour cette année à 15 milliards de francs et le nombre des bénéficiaires à 500 000. La réalité, on le sait, a été bien différente. On compte déjà plus de 600 000 bénéficiaires pour plus d'un million de demandes déposées, les dépenses des départements seront deux fois plus élevées que prévu et le coût, dès 2004, atteindra les 23 milliards de francs. Il manque donc plus de 6 milliards de francs de financement. Si une évaluation sérieuse avait été faite, nous ne nous retrouverions pas dans une telle situation. Une évaluation honnête et stricte doit être à la base de toute décision politique. La maîtrise des dépenses publiques est à ce prix.
    Le Parlement, comme l'exécutif, doivent relever ces défis pour que nos débats budgétaires aboutissent enfin à une saine et véritable maîtrise des dépenses publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, voilà maintenant plus de dix ans que notre assemblée s'efforce de redonner un sens au débat budgétaire et de créer une véritable structure, une véritable culture de contrôle qui lui a trop longtemps fait défaut.
    En créant l'office d'évaluation des politiques publiques, commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, Philippe Séguin avait posé les premiers jalons d'une évaluation parlementaire de l'action publique. Au début de la précédente législature, Laurent Fabius, en mettant en place la mission d'évaluation et de contrôle, consécutivement aux conclusions du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique, confirmait à son tour cette volonté de contrôle et de réforme. La réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, adoptée définitivement et unanimement le 28 juin 2001, marquait ce désir d'un renouveau de la procédure budgétaire, rendu obligatoire tant par les contraintes européennes que par la nécessité de répondre à l'attente de nos concitoyens, lassés de la hausse sans fin des prélèvements, des gaspillages ou de l'inefficacité de la politique publique et qui s'interrogeaient légitimement sur la portée effective des articles XIV et XV de notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, lesquels établissent que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique », mais aussi que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
    Aujourd'hui, il nous appartient donc de réussir la mise en oeuvre de cette réforme que vous-même, monsieur le ministre, aviez décrite lors de la discussion de la loi organique au Sénat comme une « nécessité avérée ». Il nous appartient aussi de le faire en respectant l'esprit qui avait guidé nos travaux sous la précédente législature et qui permettait à notre collègue Didier Migaud, alors rapporteur général, d'écrire : « Il est à cet égard exemplaire de constater que sur des sujets qui, objectivement, transcendent les clivages traditionnels, les deux assemblées aient su aborder la phase opérationnelle d'élaboration de la norme dans un état d'esprit constructif et républicain. » C'est précisément dans cet état d'esprit que j'ai accepté de conduire, avec mes collègues Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, la mission sur la mise en oeuvre de la LOLF que nous avait collectivement confiée la commission des finances.
    La loi organique s'articule, on l'a dit, autour de deux objectifs majeurs : l'amélioration de la gestion publique par une plus grande responsabilité des gestionnaires et l'extension du pouvoir de contrôle et d'initiative budgétaires du Parlement. Bien évidemment, monsieur le ministre, nous sommes sensibles au fait que les dispositions à mise en oeuvre immédiate de la réforme soient d'ores et déjà totalement appliquées, à commencer par la notification des modifications du budget, ainsi que l'a souligné à juste titre Gilles Carrez. Mais ces deux objectifs ne seront atteints que pour autant que la mise en oeuvre de la réforme sera totale et conforme à la lettre et à l'esprit de la LOLF.
    Ainsi que nous avons eu l'occasion de l'exposer devant la commission des finances, après avoir depuis trois mois procédé à des auditions hebdomadaires des services chargés du pilotage interministériel de la réforme, puis des responsables de sa mise en oeuvre dans différents ministères, l'application de la loi organique achoppe sur quatre grandes difficultés. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que celles-ci n'aient pas pour conséquence de conduire le Gouvernement à s'affranchir sensiblement des principes posés par le texte, car la mise en oeuvre de la loi constitue bien une opportunité unique de vérifier la pertinence des politiques publiques, de moderniser les structures et d'instaurer une évaluation des résultats tout en rétablissant le sens et la portée de l'autorisation parlementaire : or cette dernière n'aura de réalité que si elle s'accompagne de prérogatives fortes dans la définition et le contrôle de la dépense.
    Notre pays, sans doute en raison du retard dont il souffre en la matière et de l'urgence de ces mesures, doit mener de front ces deux chantiers. Le caractère inédit de cette expérience ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, à la difficulté de votre tâche.
    La réussite de cette réforme impose, c'est la première condition, de donner toute leur place aux missions. Parce qu'elles constituent la clé de voûte du budget, elles doivent permettre d'identifier les politiques de l'Etat et d'engager, pour certaines d'entre elles, une gestion interministérielle - Charles de Courson l'a rappelé tout à l'heure. Sans mission, pas de remise à plat ; pas de vérification de la cohérence des dépenses visant des finalités identiques ; pas d'identification des structures administratives redondantes - et pourtant, combien en comptons-nous !
    Vous avez, monsieur le ministre, beaucoup contribué à l'élaboration de ce texte ; aussi tiens-je à réaffirmer devant vous l'importance que nous attachons, un réel travail de définition de ces missions. Parce qu'elles serviront d'unité de vote, leur définition déterminera le sens et la portée de la seconde partie des lois de finances. C'est en votant les crédits d'une mission que nous autoriserons la mise en oeuvre d'une politique publique.
    Mais c'est aussi au sein de ces unités que s'exercera notre droit d'amendement, chèrement acquis, et la possibilité pour la représentation nationale d'ouvrir un dialogue avec le Gouvernement sur les redéploiements de crédits entre programmes, dont la loi nous donne dorénavant la possibilité. Nous ne pouvons transiger sur ce préalable. L'engagement de la définition des missions ne peut attendre la fin de l'élaboration des programmes, contrairement à ce que nous ont avancé trop de représentants des différents ministères.
    Il est donc indispensable que les arbitrages soient rendus pour construire la future architecture budgétaire autour de la définition de grandes politiques publiques. Faute de quoi, les programmes risquent d'être construits sans réflexion sur la justification des dépenses de l'Etat, sans remise en cause des structures redondantes, et la dimension interministérielle de certaines politiques risque de ne pas être prise en compte, alors qu'elle constitue précisément le moyen de s'affranchir du cloisonnement administratif en présentant des crédits qui relèvent de plusieurs ministères selon une nomenclature et des objectifs harmonisés.
    Ajoutons que l'absence de réflexion préalable et d'arbitrage sur les missions est d'autant plus préoccupante qu'elle favorise, à en croire nos premières observations, une tendance à des programmes surdimensionnés qui nuiront à l'homogénéité et à la clarté de l'autorisation parlementaire.
    Nous avons bien entendu votre réponse, monsieur le ministre, mais nous sommes loin, à voir les schémas qui nous ont été présentés, du formatage imaginé au moment des discussions sur la LOLF.
    Il est donc temps d'engager une réflexion sur ce sujet.
    Deuxième condition de la réussite de la réforme : la structuration des programmes en fonction des finalités des actions de l'Etat et non en fonction de l'organisation des services. Parce qu'ils doivent constituer des unités de spécialités qui formeront le cadre d'exécution du budget, parce que c'est à travers eux que s'effectuera le passage de la spécialisation par nature de dépenses, aujourd'hui en vigueur, à la spécialisation par destination de dépenses, nous attachons une importance particulière au calibrage de programmes, dont dépendra la souplesse de gestion offerte aux ministres pour remplir les objectifs qui leur sont fixés.
    Or force est de constater une tendance à substituer à la logique par finalités, prévue par la loi organique au niveau de plusieurs ministères, une approche par structures consistant à bâtir l'architecture future en fonction des entités administratives qui seront chargées de l'exécution des dépenses. Certains de vos représentants, monsieur le ministre, sont allés jusqu'à vous indiquer qu'il fallait se caler sur ces structures administratives pour ne pas inquiéter les représentants syndicaux ! Cet état d'esprit, je vous le dis, suscite la préoccupation unanime des membres de la mission.
    La multiplication des programmes « fonctions supports » ou « services polyvalents » - vous les avez évoqués tout à l'heure, monsieur le ministre - aurait pour conséquence un affranchissement de la budgétisation par objectifs, qu'il nous faut combattre vigoureusement, car ces programmes d'une nouvelle catégorie, s'ils sont trop amples et trop nombreux, risquent de nuire à la lisibilité de la loi en faisant coexister programmes par services et programmes par politiques. Or le risque de cohabitation de ces deux catégories induit celui du maintien d'une budgétisation par nature de dépenses, avec, d'un côté, les crédits d'intervention et d'investissement, regroupés dans des programmes découpés par politiques, et, de l'autre, des crédits de fonctionnement et d'équipement déconcentrés constituant des programmes dédiés aux moyens des services.
    Autre risque induit, celui de l'ajout d'une fongibilité horizontale des crédits au travers des programmes polyvalents, avec une conséquence directe sur le plan de la gestion des personnels : l'absence de ventilation des moyens communs se traduira en effet par une concentration des crédits de rémunération dans des programmes limités, voire dans un programme unique, faisant sauter de facto le verrou du plafond de dépenses de personnel prévu pour chacune des politiques poursuivies et remettant ainsi en cause la maîtrise des dépenses de personnel précisément voulue par la LOLF et qui constitue un des enjeux fondamentaux du budget.
    Troisième condition : la déclinaison de programmes au niveau opérationnel. La répercussion de la souplesse de gestion au niveau des gestionnaires locaux constitue la condition de la responsabilisation et donc de la réussite de la réforme sur le terrain. Cela suppose une évolution des pratiques administratives sur trois points : un dialogue de gestion entre donneur d'ordres et exécutant qui permette de fixer pour les premiers les priorités d'une politique préalablement définie et de justifier les actions proposées par les seconds ; le renforcement de la capacité de coordination des préfets entre les différents budgets opérationnels - les préfets n'ont rien à craindre de la mise en oeuvre de la LOLF et nous devons les en convaincre ; l'assouplissement de la chaîne de contrôle enfin, notamment au niveau du contrôle financier. A cet égard, une expérimentation rapide apparaît hautement souhaitable.
    Quatrième condition : la pertinence du dispositif d'évaluation, puisque les gestionnaires, à tous les niveaux, s'engageront sur des objectifs pour lesquels ils devront rendre compte des résultats obtenus. C'est la contrepartie de la liberté de gestion ouverte par la globalisation des crédits. L'absence de culture de résultat au sein de l'Etat et le caractère limité de l'évaluation en font un chantier difficile.
    Trois facteurs doivent mobiliser notre attention, mes chers collègues, comme la vôtre, monsieur le ministre : les difficultés rencontrées dans la structuration des programmes risquent de reléguer au second plan la construction du dispositif de mesure des performances ; l'évaluation pourrait se limiter à une simple mesure de l'activité administrative ; enfin, les critères d'évaluation risquent d'être construits sans certification, par une source indépendante de l'administration. Les explications que vous nous avez apportées dans votre intervention tout à l'heure m'ont à cet égard déjà apporté quelques éléments de réponse qui vont plutôt dans le bon sens.
    En effet, c'est bien de cette batterie d'indicateurs que dépendra la capacité de contrôle par le Parlement des performances de l'Etat et la fin de la plainte sempiternelle que suscite chaque année parmi nous la publication, comme il y a quelques jours, pour l'éducation nationale, du énième rapport de la Cour des comptes dénonçant la lourdeur de la gestion des enseignants, l'absence de prise en compte cohérente des élèves en difficulté ou le décalage avec les besoins de la formation professionnelle. Il est symptomatique de retrouver, dans le rapport d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif, des observations que la Cour avait déjà formulées dans son rapport d'avril 2001 sur la fonction publique d'Etat, où elle décrivait la gestion des personnels dans six ministères, dont l'éducation nationale, ou que l'on peut lire encore dans les rapports sur l'exécution des lois de finances commis chaque année.
    Ce sont les indicateurs de performances et l'évaluation qui doivent donner tout son sens à une loi de règlement dont les délais de production plus rapides accroissent déjà quelque peu l'utilité, mais, qui continue pour l'heure à susciter un débat encore plus virtuel que celui de la loi de finances alors même que les lois de règlement constituent précisément le véritable rendez-vous du contrôle.
    D'autres, dans ce débat, se sont attachés aux chiffres, au dérapage des finances publiques, à la montée régulière des dépenses de fonctionnement, à la nécessaire diminution des effectifs de la fonction publique qui n'a pas pour finalité d'affaiblir le service public...
    M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Bouvard.
    M. Michel Bouvard. ... mais de sauvegarder les capacités d'investissement de l'Etat qui conditionnent l'avenir. J'ai souhaité, pour ma part, m'attacher à la méthode que permet la loi organique, pour peu que l'on réussisse sa mise en oeuvre.
    En effet, sans modification des pratiques, sans redéfinition des périmètres de l'action de l'Etat, sans mobilisation de la fonction publique par la responsabilisation de ses acteurs, sans évaluation des services redondants afin de mieux gérer les effectifs, sans contrôle renforcé du Parlement pour permettre qu'un ministre ne soit plus jugé sur le volume des crédits inscrits au budget, mais sur sa capacité à les mettre en oeuvre et sur les résultats qu'il a obtenus, nous ne cesserons de déplorer que les rapports de la Cour des comptes ou de la MEC restent sans suite, comme nous l'avons fait dans le passé, aussi bien à droite qu'à gauche, lorsque nous constations notre impuissance collective à enrayer une machine qui nous échappait et devions sacrifier à des coupes arbitraires dans le budget, touchant en général l'investissement et le bénéfice contracyclique ainsi perdu, puisque la croissance et les recettes n'étaient pas au rendez-vous.
    C'est cette nouvelle pratique qu'il nous faut mettre en oeuvre sans faiblesse, car, sans elle, mes chers collègues, nous n'aurons même plus l'occasion d'arbitrer entre les diverses priorités qui différencient la majorité de l'opposition : en effet, nous disposerons de moins en moins des marges de financement de ces priorités, contraints que nous sommes par nos engagements européens, d'autant plus forts qu'ils conditionnent en même temps la compétitivité de la France en Europe, et donc sa capacité à peser sur l'avenir du continent à l'heure où ce besoin n'a sans doute jamais été aussi réel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, notre débat sur la maîtrise des dépenses publiques est utile, non pour nous permettre de refaire l'histoire budgétaire des dix dernières années, avec ses heures et ses malheurs, ou de nous lamenter sur la situation actuelle, mais pour nous donner l'occasion de revoir nos méthodes en matière d'implication du Parlement dans la préparation du budget et dans l'exécution des lois de finances. C'est d'autant plus nécessaire que l'élaboration du budget 2004 sera très difficile : il nous faudra absolument maîtriser la dépense publique si nous voulons respecter de nouveau les critères du pacte de stabilité et, en même temps, tenir compte d'une conjoncture particulièrement délicate, qui fait que les recettes n'ont pas atteint le niveau escompté.
    Il faut bien constater que les tentatives d'améliorer la procédure ont souvent avorté dans le passé. Notre collègue Charles de Courson rappelait tout à l'heure qu'on proposait par exemple de diminuer les dépenses lors de la discussion budgétaire, c'est-à-dire trop tard pour que cela soit possible : c'était remettre en cause les arbitrages rendus au sein du Gouvernement et cela n'avait que peu de chances d'aboutir, on l'a encore vu au moment de la discussion de la loi de finances pour 2003, à l'automne dernier.
    Pour intéressants qu'ils aient été, les travaux de la MEC, que j'ai eu naguère l'occasion de présider, n'ont, il faut le reconnaître, débouché sur aucun résultat significatif, en tout cas pas sur une évolution sérieuse et maîtrisée des dépenses publiques. Il ne suffit pas, en effet, que la MEC fasse des propositions pour que le ministre concerné les retienne.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Philippe Auberger. S'il y est hostile, il a toujours la possibilité d'obtenir du Premier ministre un arbitrage contraire. C'est pourquoi il faut que la MEC travaille en étroite liaison avec vous et avec vos services, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, et que ses propositions soient élaborées de sorte qu'elles aient quelques chances d'aboutir et d'être soutenues par vous lors des réunions d'arbitrage avec le Premier ministre.
    Le rapprochement avec la Cour des comptes a certes donné lieu à des analyses convergentes et intéressantes, mais, en pratique, rares sont les ministres qui prennent en considération les recommandations ou les critiques de la Cour des comptes.
    M. Michel Bouvard. Voir l'éducation nationale !
    M. Philippe Auberger. Voir, en effet, l'éducation nationale, les rapports redondants et les critiques renouvelées qui la concernent.
    Dans ce domaine, également, il faut penser que le Parlement doit être un moteur actif pour la correcte application des recommandations de la Cour des comptes. C'est pourquoi j'ai été amené à faire trois propositions dans le domaine de la méthode.
    Il faut d'abord s'appuyer sur la nouvelle loi organique relative aux lois de finances pour renouveler le dialogue entre, d'une part, les ministres dépensiers et le ministre du budget au moment de l'élaboration des lois de finances, et, d'autre part, le Gouvernement et le Parlement au moment de la discussion budgétaire. A cet égard, comme l'a justement dit Michel Bouvard, l'élaboration de la grille de lecture budgétaire, la nomenclature, c'est-à-dire la répartition des moyens et des crédits entre les différentes missions et programmes, revêt une importance décisive.
    Mes chers collègues, on oublie trop souvent cette exigence démocratique : les lois de finances doivent être vraiment lisibles, transparentes pour nos concitoyens, qui ont un droit de regard sur l'utilisation des fonds publics. Les « bleus budgétaires » sont totalement illisibles pour le commun des mortels.
    Mais, au-delà de cet objectif, il faut surtout déterminer des missions et des programmes qui ne soient pas vus de façon intrinsèque ou, comme l'a dit justement Michel Bouvard, pour perpétuer des structures, une organisation, mais en fonction de finalités précises qu'on se sera fixées, et qui prendront en compte aussi bien l'utilisation des moyens et des crédits que la possibilité de mesurer chaque année si ces objectifs ont été atteints.
    Il faut donc partir de ces finalités et de ces objectifs pour élaborer les programmes et définir les moyens, et pour en mesurer chaque année l'évolution à partir d'indicateurs précis, significatifs et, si possible, quantifiables. C'est la raison pour laquelle on ne peut laisser à chaque administration le soin de choisir ses missions et ses programmes. Si c'était le cas, la réforme budgétaire serait totalement ratée.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. Philippe Auberger. En effet, ce n'est pas à l'administration de fixer les objectifs de l'action gouvernementale - et encore moins ses finalités - mais au Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, pour qui c'est l'élément central de son action. L'administration n'est là que pour en proposer la bonne application, faire en sorte que les indicateurs significatifs puissent mesurer le degré de réalisation des missions et des programmes.
    C'est pourquoi il m'apparaît indispensable que, chaque année, dès la mise en place des missions et des programmes, lors du débat d'orientation budgétaire, nous puissions vraiment discuter du choix de ces missions et de ces programmes, et de la batterie d'indicateurs qui y sera associée pour en suivre la réalisation. Nous avions d'ailleurs demandé la tenue de ce débat lors de l'examen de la LOLF. La précédente majorité ne vous l'avait pas accordé. Maintenant que nous sommes la majorité, rien ne s'oppose à ce que ce débat ait lieu et qu'il soit prévu chaque année.
    M. Michel Bouvard. Excellent !
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il est prévu !
    M. Philippe Auberger. Deuxième suggestion : il est important que, rapidement, chaque ministère adapte les moyens de contrôle de l'exécution des lois de finances, de façon qu'il y ait un véritable suivi des missions et des programmes et une évaluation permanente de leur exécution. Or l'administration française, il faut le reconnaître, est plutôt surabondante en ce qui concerne les moyens de contrôle, au niveau tant national que déconcentré. Mais ces moyens de contrôle ne se préoccupent presque exclusivement que de l'emploi correct, formel, des fonds publics : disponibilité des crédits, correcte imputation des dépenses, respect des règles d'utilisation. La réforme budgétaire n'aura d'effet que si ses moyens sont largement réorientés vers le respect des finalités dans l'utilisation des fonds et le contrôle de l'utilité des moyens qui sont à la disposition de ces programmes. Cela doit donc être envisagé, dès lors que, fût-ce à titre expérimental, les missions et les programmes sont arrêtés afin que la méthode de suivi soit assurée dès le départ.
    Ma troisième suggestion est que le Parlement envisage de se doter de moyens supplémentaires pour mieux assurer son contrôle de l'exécution des lois de finances. Mais, avant de poser cette question, il convient de savoir si les moyens dont on dispose ont été bien utilisés. Ce n'est pas toujours le cas à l'heure actuelle. Il faut donc réorienter ces moyens de contrôle, notamment lorsqu'il s'agit de missions interministérielles, car les ministères ne sont pas aptes à les contrôler.
    Il faudrait également que nos rapporteurs spéciaux s'occupent précisément à la fois de l'élaboration des missions et des programmes et de leur évaluation, et que, peut-être chaque année, ils consacrent une partie de leur rapport à cette importante question de méthode.
    Le Parlement devrait-il, en outre, avoir des moyens propres, comme aux Etats-Unis où le Congressional Budget Office dispose d'équipes extrêmement fournies ? Ce n'est pas évident. Peut-être, dans certains cas. Je crois surtout que le Parlement aurait besoin de mieux mesurer l'effet du travail des administrations auprès du public. Car, en fait, l'administration est largement coupée du public et de ses préoccupations. La seule façon de savoir si les moyens dont elle dispose sont bien utilisés, c'est précisément de confier cette évaluation au Parlement, notamment en ce qui concerne les objectifs de rapidité, de qualité, de transparence.
    En définitive, mes chers collègues, l'enjeu de cette réforme budgétaire est particulièrement important. Non seulement il faut mieux dépenser les fonds publics, qui sont de plus en plus rares, mais, surtout, il faut accélérer la modernisation de l'administration, qui, jusqu'à présent, il faut dire, a été très lente en comparaison des autres domaines d'activité. Elle a multiplié les rigidités à un moment où, au contraire, la souplesse, la réactivité dans l'action sont des qualités de plus en plus prisées. Dans ces conditions, cette modernisation budgétaire est un véritable enjeu pour la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Denis Merville.
    M. Denis Merville. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, on a souvent pensé que gouverner, c'était dépenser, et cette philosophie de la dépense a longtemps été appliquée à l'action publique. Bien gouverner, c'était dépenser plus, toujours plus, et l'importance d'un ministère se mesurait au volume de son budget, ainsi qu'à la masse des crédits nouveaux que le détenteur du portefeuille avait pu faire voter dans la loi de finances. Cette logique a fait croire que l'amélioration de la qualité du service public ne pourrait se traduire que par un accroissement des moyens financiers.
    Pourquoi en sommes-nous là ? Les raisons sont variées.
    Elles tiennent d'abord à l'Etat dans ses structures et ses méthodes. Dans ce contexte, les mots « Etat » et « performance » ne vont pas bien ensemble. L'impératif de performance ne s'applique pas à l'Etat qui, pendant longtemps, s'est posé en donneur de leçons, édictant pour les acteurs, notamment économiques, des règles toujours plus lourdes et nombreuses. En permanence, les entreprises doivent s'ouvrir et s'adapter aux changements, alors que l'Etat ne s'impose pas les règles qu'il fixe.
    L'expérience accumulée depuis plusieurs dizaines d'années par tous ceux qui s'y sont essayés montre que la réforme est un art compliqué. Pourtant, devant les dérapages incessants des dépenses publiques où déficits et dettes se cumulent, nous devons réformer. Nous n'avons plus le choix, comme le dit le président de la commission des finances, nous sommes au pied du mur.
    Jamais les Français n'ont acquitté autant de prélèvements obligatoires. Avec encore 400 millions de francs d'impôts nouveaux entre 1997 et 2002, nous atteignons aujourd'hui 54 % de notre PIB, ce qui, d'après l'OCDE, situe la France dans le peloton de tête. Cette inflation d'impôts et de charges a mis à mal la compétitivité française, touchant l'attractivité de notre territoire et conduisant, dans certains cas, les cerveaux à l'exil.
    Monsieur le ministre, dans le budget que nous votons chaque année, notre marge de manoeuvre est étroite, tant la part des services votés est grande. Est-ce normal ? Non. Ce principe est, je crois, à revoir. La nouvelle loi organique redéfinit le rôle du Parlement en matière budgétaire, et elle peut être un moyen de la réforme. Mais j'ai d'autres suggestions à formuler.
    La Cour des comptes a accumulé une expertise importante grâce au rapport sur l'exécution des lois de finances qu'elle publie chaque année, grâce aux contrôles et analyses auxquels elle procède. La coopération de cette institution avec le Parlement doit se renforcer, de façon que les remarques qu'elle formule soient suivies d'effet et de faits concrets, voire de sanctions. A ce titre, je souhaite, comme les 203 autres parlementaires qui ont signé la proposition de loi de notre collègue Carayon, que ce rapport fasse l'objet d'un débat en séance publique dans les deux assemblées du Parlement. En 1995, j'avais déjà signé cette proposition : force est de constater qu'elle n'a toujours pas été discutée. Peut-être pourrions-nous alors éviter des faillites d'entreprises publiques, comme cela aurait été possible si, par le passé, nous avions disposé de moyens adéquats ? Je pourrais citer de nombreux exemples, mais chacun songe, j'en suis sûr, au Crédit lyonnais.
    La MEC a marqué une avancée certaine dans l'analyse de la politique publique. Elle assoit le rôle du Parlement, qui ne s'attache plus uniquement à donner une autorisation de dépenses. Quant au rôle des rapporteurs spéciaux, il a déjà été évoqué.
    La maîtrise des dépenses publiques passe aussi par la réforme de l'Etat. Cela implique une réflexion sur ses structures administratives, sur le rôle des multiples organismes existants et qu'on ne supprime jamais. Nous avons, avec Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, déposé un amendement proposant que soit dressé le bilan de ces organismes, du nombre de réunions qu'ils tiennent et des effectifs qu'ils emploient. Nous espérons que cela sera suivi d'effet.
    Ma seconde série d'observations concerne les lois et décrets, la réglementation que nous mettons en place, car nous aussi, élus, politiques, avons notre part de responsabilité. Comment être efficace lorsque l'on croule sous les textes : 8 000 lois, 40 000 décrets, 20 000 normes nationales et européennes, 17 000 pages de Journal officiel, quarante règlements nouveaux par jour ? Tout cela est compliqué. Il faut des techniciens pour expliquer les lois, les appliquer, il faut de nombreuses réunions qui donnent lieu à des comptes rendus, à des rapports d'activité lourds, très lourds, et qui sont d'autant moins lus qu'ils sont épais.
    Sur ce point, nous constatons que, en ne s'accompagnant pas des moyens humains, la décentralisation de 1982 a conduit les administrations centrales à produire toujours plus de réglementation.
    Je pourrais citer de nombreux exemples : la sécurité civile a édicté de nouvelles règles sans réaliser d'étude d'impact, et ce sont les collectivités qui paient. Il paraît pourtant souhaitable que l'on dispose d'études d'impact financier, et qu'elles ne soient pas conduites par les services initiateurs du texte.
    Dans le domaine de l'urbanisme, savez-vous que le passage d'un POS à un PLU a multiplié la facture par trois pour les collectivités locales ?
    En matière d'éducation, tous les collèges sont aujourd'hui concernés par les plans de prévention contre les risques majeurs. Est-ce bien nécessaire ? J'ai interrogé le ministère de l'environnement : il ignorait l'existence de ce texte qui émane du ministère de l'éducation nationale.
    Dans le domaine de l'intercommunalité, est-on réellement parvenu à faire des économies d'échelle ? Je n'en suis pas certain. Chacun le sait, il y a un écart de un à quatre entre la DGF qui va à une communauté urbaine et celle qui va à une communauté de communes à fiscalité mixte.
    Il faut arrêter de multiplier les textes et règlements, il faut pratiquement « délégiférer ». Un important effort de clarification des structures, des règles, des responsabilités s'impose. Notre pays souffre aussi de cela. Des commissions mobilisent chaque fois de nombreux élus locaux et fonctionnaires pendant plusieurs heures. Ne peut-on effectuer un audit sur l'ensemble de ces procédures ? Je vous en donnerai quelques exemples.
    M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
    M. Denis Merville Dans mon département, la commission départementale d'accès à la citoyenneté mobilise 192 personnes ; la conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire, 66 ; la directive territoriale d'aménagement du territoire, 106.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Eh oui !
    M. Denis Merville. Et je pourrais citer beaucoup d'exemples encore. Le ministère de l'agriculture emploie 31 000 fonctionnaires, contre 29 500 il y a vingt ans. Dans le même temps, le nombre d'agriculteurs diminuait. N'y a-t-il pas des corrections à faire ? Au ministère de l'éducation nationale, 800 000 personnes sont devant nos enfants, 500 000 dans l'administration. Aujourd'hui, quand on recrute un enseignant, on recrute deux administratifs.
    La nouvelle vague de décentralisation doit être acompagnée d'une réforme profonde de l'Etat, de transferts de personnels de l'Etat vers les collectivités locales. Est-il normal d'avoir encore 215 directions centrales ? Sont-elles toutes utiles ?
    Je pourrais citer des exemples concernant le patrimoine immobilier, mais je conclurai en disant que le public doit devenir le juge de l'action publique au travers d'éléments perceptibles par les administrés, la qualité, la rapidité ou encore le coût de ces services. Dans ces conditions, le paiement de l'impôt pourra redevenir un acte citoyen. Je suis, pour ma part, élu local depuis vingt-cinq ans, et je sais que, dans des communes petites et moyennes, il y a un contrôle direct sur les dépenses.
    Dans un monde qui bouge, nous devons changer bien des habitudes, corriger bien des idées acquises. Nous devons rechercher l'efficacité et la performance. Nous devons chercher à simplifier, à réformer l'Etat, à faire en sorte qu'il soit plus efficace et que les fonctionnaires soient davantage intéressés aux résultats de leur gestion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.
    M. Yves Deniaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rôle du Parlement, et en particulier de notre assemblée, sera à mon sens décisif dans l'amélioration des performances de l'Etat. C'est son poids renforcé qui forcera les barrages, viendra à bout des réticences et imposera les changements. Jusqu'ici, chacun le reconnaît, la tâche de contrôle de l'exécutif était, chez nous, plutôt moins bien assurée que celle de faire la loi et plutôt moins bien exercée que dans d'autres grandes démocraties parlementaires.
    La Constitution de 1958, son article 40 en particulier, et l'ordonnance de 1959 sur les lois de finances avaient l'objectif très sain de créer les instruments de la maîtrise des dépenses publiques après les débordements incontrôlés du régime d'assemblée de la IVe République. Quarante-cinq ans après, le problème est radicalement différent. Il faut créer les instruments de la maîtrise des dépenses publiques après les débordements incontrôlés du Gouvernement, en particulier du précédent, incapable d'enrayer la mécanique implacable de l'augmentation des coûts des administrations. Le budget de l'Etat, en déficit depuis vingt-huit ans, et l'hypertrophie de la sphère publique imposent de nouvelles méthodes qui correspondent mieux, également, aux exigences nouvelles d'information et de transparence de la société. Une rupture s'impose avec le fonctionnement actuel, car nous avons trop tardé.
    Le secteur privé a connu une progression constante de l'information et de l'évaluation : audit, notation, benchmarking se sont développés à grande vitesse - et encore, pas assez, puisque l'an dernier, à la suite des graves problèmes qui ont secoué les marchés financiers, il a fallu aller encore beaucoup plus loin dans la rigueur des contrôles et des informations. Se savoir contrôlé, évalué, c'est ce qui maintient éveillé et actif, c'est ce qui fait avancer. On le sait ici mieux qu'ailleurs : qu'est-ce qui fait travailler les élus et les oblige à se remettre en cause, sinon l'évaluation de leur action que les électeurs leur infligent tous les cinq ans ?
    Dans la sphère publique, nous sommes loin du compte. Les instruments traditionnels de contrôle sont à revoir. La conjonction de la loi organique relative aux lois de finances, de la décentralisation, du renouvellement accéléré des fonctionnaires dans les prochaines années, de la volonté du Gouvernement de réformer l'Etat, doit permettre de fixer de nouvelles règles, de secouer les habitudes, de créer un climat de dynamique et de remettre en cause les conservatismes.
    Bien sûr, il faut réformer les systèmes de contrôle internes à l'administration. Il faut revoir, en particulier, le rôle des inspections générales de chaque ministère, et tout spécialement celui de l'inspection générale des finances. Il n'est pas iconoclaste, je crois, de dire que les méthodes, le rythme de travail, le recrutement - je pense ici au tour extérieur, ou à la promotion de vieux serviteurs -, le taux de disponibilité des personnels pour la tâche d'origine de leur service, peuvent connaître des améliorations significatives. Mais, comme dans le privé, il doit y avoir audit interne et audit externe. Et l'audit externe doit être infiniment mieux assuré qu'il ne l'est aujourd'hui. Il doit être d'autant plus puissant et efficace qu'il s'agit de l'Etat et de l'argent des citoyens. Seul le Parlement détient donc la légitimité pour l'assurer. C'est son rôle historique. Toutes les démocraties sont nées du consentement à l'impôt, mais le consentement ne suffit pas : le jugement de l'utilisation de cet impôt est tout aussi capital.
    Pour porter un jugement pertinent sur l'utilisation des deniers publics, il faut bien sûr que le Parlement se dote des moyens nécessaires.
    Pour commencer, le contrôle permanent - je dis bien : permanent - de l'ensemble des dépenses exige, comme Gilles Carrez l'a fort bien rappelé, une action plus efficace des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis. Le respect de leurs prérogatives, en termes de délai et de qualité des réponses, sera garanti par leur propre pugnacité et par le soutien qu'elle recueillera en application de la LOLF, mais aussi par la possibilité pour le Parlement, et en particulier pour la commission des finances, de saisir directement, outre la Cour des comptes, les différents outils d'évaluation de l'administration - le conseil d'évaluation, le Plan, ou les organismes qui viendraient à leur succéder, les inspections générales - et de faire appel à des cabinets privés.
    L'autre volet de l'évaluation spécialisée et en profondeur, c'est la mission d'évaluation et de contrôle qui l'exerce. Elle doit voir aussi son rôle et ses capacités renforcés - c'est évidemment à moi de le dire. Son rôle, c'est de se saisir successivement de problèmes structurels variés, de les étudier en profondeur, de tirer éventuellement de cette étude des propositions de restructuration - en tout cas des conclusions pratiques et, si c'est nécessaire, exécutoires. Elle doit s'appuyer encore plus sur la Cour des comptes - dont le pouvoir coercitif doit, à mon sens, être renforcé -, la Cour jugeant l'exécuté, la MEC définissant les règles de changement éventuelles.
    Dans les deux cas, la clé de l'efficacité est bien sûr que les décisions soient suivies d'effets. En ce qui concerne la mission d'évaluation et de contrôle, les excellents travaux qu'elle a réalisés sous la législature précédente n'ont eu qu'un très faible impact - c'est un euphémisme.
    M. Michel Bouvard. Aucun, en réalité !
    M. Yves Deniaud. Il faut que cela change. En fait, comme toujours, la réussite passe par la volonté politique.
    Volonté politique du Gouvernement, d'abord, qui doit jouer le jeu du vrai dialogue avec le Parlement, ce qui suppose de faire admettre à son administration que les idées, les réformes à mener, les modifications des textes peuvent provenir davantage du Parlement sans que leur qualité intellectuelle ne s'effondre. Le Gouvernement, collectivement, et chaque ministre individuellement, doit jouer loyalement le jeu de la loi organique relative aux lois de finances et ne pas céder à la tentation de chercher, pour reprendre les termes du prince Salina dans Le Guépard, à ce que tout change afin que rien ne bouge.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !
    M. Yves Deniaud. Si la loi organique ne se traduisait que par un badigeon terminologique sur une réalité budgétaire inchangée, ce serait un échec gravissime.
    M. Jean-Yves Chamard. Très juste !
    M. Yves Deniaud. Volonté politique du Parlement, ensuite, bien sûr, et surtout des majorités qui se succéderont, à commencer par la nôtre, dont la responsabilité est à cet égard tout à fait particulière. Dans l'oeuvre de réforme de l'Etat, il ne faudra pas avoir peur de bousculer, de déranger. La nécessaire solidarité d'une majorité avec le gouvernement qu'elle soutient ne doit pas la conduire à laisser perdurer des erreurs parce qu'un ministre ne parvient pas tout seul à faire bouger son administration.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Yves Deniaud. Beaucoup de travail est accompli, dans cette maison comme au Sénat : beaucoup de rapports, d'analyses pertinentes, de déclarations lucides, voire prophétiques. Il faut qu'ils soient bien davantage suivis d'effets. Il faut que tous les services de l'Etat soient rendus vigilants sur leur propre efficacité, sur la sobriété de leur fonctionnement, sur le plus haut niveau de service et de satisfaction des usagers, parce qu'ils se sauront observés, évalués, et qu'ils seront récompensés chaque fois qu'ils le mériteront et rappelés aux exigences de leur mission dans le cas inverse.
    C'est une grande étape du fonctionnement de nos institutions qui s'engage. Je pense sincèrement qu'elle doit marquer un véritable saut qualitatif de la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Woerth.
    M. Eric Woerth. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, l'idée de ce débat est une idée vertueuse, à double titre.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci !
    M. Eric Woerth. D'abord, il y a trop de lois, nous en sommes à peu près tous persuadés. Avoir choisi de l'inscrire à l'ordre du jour est donc une utilisation efficace, intelligente, utile de la « niche » parlementaire. C'est un symbole, et c'est aussi un signe adressé au Gouvernement, en lui indiquant que l'on n'est pas toujours obligé de légiférer, même lorsque l'on en a, comme aujourd'hui, la possibilité institutionnelle.
    Trop de lois, donc, mais aussi trop de dépenses. Sur le fond, c'est une bonne idée que de donner une signification très concrète - en proposant une méthode - au bel objectif de maîtriser enfin la dépense publique.
    Car tout tourne autour de la maîtrise de la dépense publique. Quelles que soient les autres réformes, nous ne les réussirons pas si nous ne savons pas la réduire. Et nous devons, dans ce domaine, passer de la phase incantatoire à la phase active. On doit arrêter de parler - peut-être immédiatement après ce débat - pour passer à la phase active. Sinon, nous compromettons à moyen terme nos capacités à rendre ce pays plus sûr, plus innovant, plus créateur d'emplois. On le voit bien, dans chacun de nos débats, on renvoie à la maîtrise des dépenses publiques, à l'idée qu'il faut que l'Etat dépense moins pour que l'économie privée tourne mieux.
    Notre débat doit aussi être mis en perspective avec d'autres, très importants, qui vont avoir lieu. Je pense notamment à la discussion que nous aurons lors de l'examen des lois d'habilitation. Il faut en effet réformer l'Etat, décentraliser les décisions, simplifier le mode d'utilisation des services publics et partant la vie de nos concitoyens. Il faut économiser l'argent public en le rendant plus productif. Dans tout cela, on en revient au même enjeu, finalement à la même conception politique.
    Pour agir, il faut fixer le cap et y aller franchement, et lisiblement, comme on dit aujourd'hui. Dans ce but, je vous propose un certain nombre de pistes.
    D'abord, il faut se fixer un objectif de maîtrise des dépenses par grand secteur d'intervention. Sans objectif, on a peu de chances d'atteindre un quelconque résultat. Il faut aussi se fixer l'objectif d'un certain niveau de service rendu à nos concitoyens, et ce par grand service public. Diminuons les dépenses, maîtrisons-les, mais un grand pays comme le nôtre doit aussi indiquer ce que les citoyens sont en droit d'attendre aujourd'hui du service public. Si on ne fixe pas ce niveau de service public, on ne peut pas mesurer le niveau de dépense qui est nécessaire.
    Nous devons aussi adopter une méthode de travail en deux temps. On voit bien qu'il n'est pas facile d'atteindre l'objectif d'une maîtrise des dépenses publiques, sinon d'autres l'auraient fait. Il faut donc faire des analyses en profondeur, mais aussi aller chercher dans tous les coins et recoins de la dépense publique.
    Il faut également rendre aux citoyens les économies qu'on est amené à faire. A un moment donné, une fois l'objectif atteint, monsieur le ministre, et les économies réalisées, plutôt que de les réinvestir ailleurs, il faut les rendre à nos concitoyens,...
    M. Hervé de Charette. Et aux fonctionnaires !
    M. Eric Woerth. ... pour qu'ils puissent mieux les investir et faire tourner l'économie.
    Il faut demander à chaque ministre de se donner deux objectifs : un objectif de développement, car il faut se donner une ambition - et, Dieu merci, un gouvernement et sa majorité ont envie de faire des choses -, et un objectif de maîtrise des coûts. C'est probablement la seule façon de mener une action équilibrée.
    Il faut aussi instituer dès maintenant la règle selon laquelle aucun organisme public ou parapublic ne sera créé s'il n'est le résultat de la suppression ou de la fusion d'autres organismes. Quand on lit le Journal officiel, on s'aperçoit que, tous les jours, de nouveaux organismes sont créés.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Exactement !
    M. Eric Woerth. Je ne suis pas contre par principe. Mais il est impératif qu'ils soient le fruit de la suppression d'autres organismes. Car il faut mettre fin à cette inflation d'organismes qui se répercute sur les coûts.
    Nous devrions aussi, pour le budget 2004, signer une sorte de pacte majoritaire, afin de changer les mentalités en inscrivant la culture de la maîtrise de la dépense dans nos comportements politiques. Un bon député n'est pas forcément un député qui incite les ministres à dépenser plus...
    M. Michel Bouvard. Ça dépend pour quoi.
    M. Eric Woerth. ... ou à économiser moins. Et un bon ministre n'est pas forcément un ministre qui décide les députés à lui accorder davantage de moyens budgétaires. Par conséquent, si, au moment où l'on discute des crédits budgétaires ministère par ministère à une heure souvent très tardive, les députés qui ont intérêt à augmenter la dépense publique ne sont pas les seuls à être présents, nous aurons d'une certaine manière gagné la partie.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Très juste !
    M. Eric Woerth. Enfin, il faudra bien savoir rebondir après ce débat. Sinon, celui-ci n'aurait aucun intérêt. Comme cela se fait en commission des finances, autour de Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, il faut donc lancer une véritable coopération entre le Gouvernement et le Parlement, une coopération active.
    Ne nous y trompons pas, ce débat est d'abord un débat politique, et la LOLF ne sera que ce que nous en ferons,...
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Eric Woerth. ... c'est-à-dire soit un simple outil de comptabilité analytique de plus, soit un véritable instrument de pilotage des dépenses, et plus largement, d'ailleurs, de la réforme de l'Etat.
    Qui dit politique dit ambition, et qui dit politique dit volonté. Et je sais, messieurs les ministres, que vous n'en manquez pas. Alors, permettez-moi un instant de rêver que la montagne de la réforme de l'Etat, et de la maîtrise des dépenses publiques, n'accouchera pas d'une souris, ni du guépard qu'évoquait Yves Deniaud, mais plutôt d'un bel et sympathique éléphant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Que c'est beau !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Hériaud.
    M. Pierre Hériaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a quelques mois, en application de l'article 52 de la loi du 1er août 2001, nous avons eu le premier débat sur les prélèvements obligatoires dans notre pays. Une conclusion s'imposait : il faut impérativement maîtriser la dépense publique. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la réforme budgétaire engagée constitue une occasion unique de revisiter l'ensemble des politiques publiques, tant du point de vue de leurs coûts, de leurs objectifs, de leurs moyens, que du point de vue de leur évaluation. Réussir cette entreprise suppose une volonté commune forte, ainsi que l'accomplissement d'une nécessaire révolution copernicienne quant aux pratiques habituelles en matière budgétaire. Ce n'est qu'à partir d'éléments objectifs obtenus, vérifiés et évalués que des décisions d'arbitrage peuvent être prises raisonnablement.
    Cela étant dit, je voudrais brièvement rappeler où nous en sommes en matière de situation budgétaire dans notre pays, où en sont nos partenaires de l'Union européenne, et quelles sont à nos yeux les conditions premières d'un retour à l'équilibre budgétaire.
    Où en sommes-nous quant au budget de l'Etat ? Le déficit budgétaire sera de l'ordre de 50 milliards, au-dessus des trois points de PIB. L'endettement public, qui était de 915 milliards d'euros au 31 décembre 2002, va passer à 965 milliards d'euros, s'accroissant du montant du déficit annuel. De ce fait, le ratio de 60 % du PIB risque d'être atteint, sinon dépassé, et chaque Français reçoit ainsi à sa naissance un handicap de 16 000 euros de dettes.
    Où en sont nos voisins et partenaires ? L'examen des dossiers budgétaires transmis à Bruxelles, dans le cadre du pacte de stabilité, pour la période 2001-2005 montre une prise en compte plus nettement affirmée de l'objectif de maîtrise de la dépense publique, en distinguant généralement ce qui dépend directement des décisions de dépenses à ressources inchangées, et ce qui, du fait des contraintes extérieures, agit positivement ou négativement sur ces ressources. Pour la Belgique, par exemple, l'excédent budgétaire passera de 0,2 point de PIB à 0,7 en 2005. Au Luxembourg, le Gouvernement rappelle que sa politique budgétaire s'inscrit dans le nouvel environnement européen de coordination et de surveillance des politiques économiques, et que les objectifs de maîtrise du budget sont essentiels. L'encours de la dépense publique doit tomber à zéro en 2007, les charges financières devenant alors nulles. Pour l'Allemagne et pour l'Espagne, nous pourrions faire les mêmes analyses. L'examen de ces exemples nous montre que nos partenaires de l'Union européenne manifestent une volonté politique plus forte en matière de maîtrise de leurs dépenses publiques, et apparaissent donc en avance par rapport à notre pays.
    En ce qui nous concerne, il nous faut maintenant préparer les prochains budgets jusqu'à 2007. Quels sont les éléments à intégrer dès la construction du budget 2004 ? Il faut sortir du cercle vicieux qui consiste à prévoir la réduction d'un déficitbudgétaire sans maîtrise de la dépense publique, en escomptant le bénéfice de la croissance économique. Cela conduit où l'on sait, le comble étant atteint quand les bénéfices de la croissance sont réels mais engloutis dans une dépense galopante à un taux plus élevé. Sortir du cercle vicieux, c'est passer par plusieurs étapes : distinguer clairement les comptes de fonctionnement et d'investissement ; dégager un solde primaire de fonctionnement positif au niveau de la gestion courante ; avoir un compte d'exploitation dont le solde, après règlement des frais financiers, doit progressivement dégager un excédent équivalent aux montants des investissements civils et militaires - c'est, par construction, le déficit zéro ; n'emprunter, de ce fait, que le montant nécessaire au règlement de l'annuité de la dette en capital. A cet égard, rappellons qu'avec 69 milliards d'euros, elle est quand même forte et qu'on emprunte pour la rembourser, ce qui laisse l'endettement intact.
    Sortir du cercle vicieux oblige donc à tendre vers un déficit zéro. Avec 50 milliards sur quatre ans, ce serait de 12,5 milliards par an qu'il faudrait réduire le déficit.
    Pour l'instant, il ne peut être question que de jouer sur les titres III et IV du budget. Vous avez souligné vous-même, monsieur le ministre, qu'une économie de 3 milliards était possible sur les achats effectués par l'Etat. Les consommations intermédiaires des ministères, si j'en crois le rapport économique et financier, étant de 20 milliards, les réduire de 3 milliards, c'est réduire ipso facto leur montant de 15 %. Dans le même titre III, les redéploiements budgétaires en fonction des besoins réels devraient tendre vers une économie de même montant. Enfin, dans le titre IV, les 75 milliards d'euros ne pourraient-ils pas être réduits à 72 milliards, compte tenu des éléments que vous avez indiqués dans votre intervention ? Ainsi, nous aurions 9 milliards d'euros de dépenses en moins. Certes, cela ne fait pas la totalité des 12,5 milliards qui conviendraient, mais cela en constitue les trois quarts.
    Limiter les espoirs mis dans la croissance à la réduction du quart seulement du déficit, soit 3 milliards, serait une option sage, sachant que ce montant serait acquis avec une croissance annuelle de 2 % en valeur. Tout point supplémentaire de croissance devrait dès lors faire l'objet d'un arbitrage quant à son utilisation, soit en investissement public supplémentaire, soit en réduction de l'endettement du pays.
    Voilà, rappelés, monsieur le ministre, quels sont à nos yeux les éléments clés du redressement de nos finances publiques.
    Je ne saurais oublier la situation de l'assurance maladie ni, d'une façon générale, le problème de la protection sociale dans notre pays. Avec 7 % de dérapage sur les prévisions de l'ONDAM, il faut encore s'attendre à un déficit prévisionnel de l'ordre de 7 à 8 milliards d'euros : il faudra y remédier par des mesures drastiques en prévoyant une prise en charge plus importante par les bénéficiaires des soins.
    Pour l'heure, il ne s'agit que de la maîtrise de la dépense publique. Soyez assuré, monsieur le ministre, qu'en allant dans la direction que j'ai évoquée, vous aurez le soutien de la majorité de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
    M. Hervé Mariton. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous souhaitons tous ici, ce matin, que le débat qui rassemble une petite douzaine de députés soit utile et pas simplement un rite ou l'exécutoire aux épanchements économes d'un certain nombre d'entre nous. (Sourires.)
    Pour que ce débat soit utile, pour que, messieurs les ministres, nous parvenions effectivement à la maîtrise des dépenses publiques, c'est assez simple : il faut le vouloir, il faut le pouvoir.
    Pour le vouloir, messieurs les ministres, il faut d'abord que le Gouvernement le veuille et, au-delà du Gouvernement, l'ensemble de l'exécutif.
    Ainsi, pour ce qui est de la nécessaire réduction des effectifs de la fonction publique, il est important que tout le monde pousse dans le même sens. Il faut que le message soit clair et qu'il soit affiché très directement. Ce message est cohérent avec notre politique et il est soutenu par la majorité. Il faut simplement l'affirmer avec régularité et persévérance.
    Outre le Gouvernement et l'ensemble de l'exécutif, le Parlement doit aussi vouloir cette maîtrise des dépenses publiques. Car les outils juridiques, aussi puissants soient-ils - la LOLF par exemple -, ne seront pas suffisants si nous n'avons pas la volonté politique. Il ne suffit pas de proclamer : « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline. » Nous ne nous contraindrons qu'à ce que nous voulons.
    La commission des finances a sûrement, sur ce terrain-là, une volonté bien établie, le président Méhaignerie le rappellera tout à l'heure. Simplement, comme le disait notre collègue Yves Deniaud, il est essentiel qu'au-delà de la commission des finances, cet impératif de la maîtrise de la dépense publique soit partagé par le plus grand nombre de nos collègues et que la participation au débat parlementaire ne consiste pas, pour les uns, à s'opposer à la dépense et, pour les autres, à la proposer. Le débat parlementaire, le contrôle budgétaire, l'orientation politique que nous souhaitons ne relèvent pas d'un jeu de rôles.
    Il faut que l'ensemble de notre assemblée soit convaincu de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. Il faut aussi, messieurs les ministres - mais c'est probablement à nous-mêmes que ce message s'adresse - que nous nous en donnions les moyens.
    Je suis convaincu que notre commission des finances pourrait accroître sa capacité d'action en termes d'investigation et de contrôle de la dépense et - nous l'avons évoqué lors de l'audition du Premier président de la Cour des comptes - que le travail avec la Cour des comptes peut être développé.
    Pour ma part, je serai plus prudent sur la relation que nous pourrions développer avec les inspections générales, et ce par respect à l'égard de la séparation des pouvoirs. Car il ne faut pas mélanger les genres : si la Cour des comptes est constitutionnellement à la disposition du Parlement, les inspections sont, elles, à la disposition de leur ministre. Au lieu de chercher là un concours qui serait nécessairement ambigu, il nous appartient, à nous, parlementaires, de dégager les moyens nécessaires à l'amélioration de notre contrôle.
    La maîtrise des dépenses publiques doit enfin être voulue par le peuple lui-même. Chacun mesure qu'il y a là un considérable travail de pédagogie à mettre en oeuvre, parce qu'au-delà de l'incantation générale pour la maîtrise de la dépense publique et du désir un peu théorique de faire des économies, chaque fois que l'on entre dans des développements plus précis, nos concitoyens sont en réalité plus difficiles à convaincre que nous. Nous devons réussir à les persuader : c'est là un bel enjeu politique.
    Il faut vouloir, il faut aussi pouvoir. Cela nécessite de conjuguer trois vertus : celle de la transparence, celle de la cohérence et celle de la constance.
    La première est la vertu de la transparence. J'ai à cet égard une crainte et un espoir : le développement de toute l'ingénierie financière que nous allons entreprendre dans les mois et les années qui viennent, en particulier en termes de partenariat public-privé, est une méthode tout à fait essentielle. En même temps, prenons garde que le montage de dispositifs trop complexes n'amène, en réalité, à masquer ce qui, d'une manière ou d'une autre, serait une nouvelle dépense publique. On voit bien parfois le juge faire preuve d'ingéniosité pour requalifier un certain nombre de dispositifs. Je crois que nous devons avancer et progresser pour ces partenariats publics-privés. Prenons garde cependant de ne pas réinventer Suez ou Panama !
    La deuxième vertu est celle de la cohérence.
    A cet égard, soyons bien attentifs que le progrès de la décentralisation n'induise pas une autre méthode d'accroissement de la dépense publique.
    Dans le même ordre d'idées, faisons la chasse à ce que j'appellerai la « dépense indirecte ». De quoi s'agit-il ? C'est le processus par lequel un Etat pauvre, qui sait qu'il ne peut pas dépenser beaucoup plus mais souhaite tout de même agir, édicte un certain nombre de lois et de règlements qui induisent des dépenses pour d'autres collectivités publiques, voire pour des acteurs privés.
    Enfin, la troisième vertu est celle de la constance.
    Chacun comprendra que la maîtrise de la dépense publique ne peut pas être l'acte d'un instant. C'est un travail long et régulier, qui doit être mené avec beaucoup de constance. Il faut prendre grand soin de ne pas faire des exceptions, de ne pas favoriser telle ou telle dépense publique au motif qu'elle serait plus opportune, « plus intelligente », que telle autre dépense. Toute action publique, quelle qu'elle soit, est guidée, nous le savons bien, par le souci de faire des choses utiles, intelligentes et contribuant au bonheur de nos concitoyens. Nous savons bien également que dans des domaines aussi fondamentaux que ceux de la recherche, des infrastructures, des transports, de la défense, il sera toujours facile de trouver une exception justifiée pour accroître la dépense publique. Ainsi, prenons garde de ne pas multiplier les exceptions - qui seront vite très nombreuses -, si nous ne voulons pas mettre en péril la constance et l'efficacité de la politique que nous souhaiterions mener.
    Vouloir, pouvoir une maîtrise de la dépense publique, monsieur le ministre, cela ne doit pas être une entreprise au-dessus de nos moyens. Toutefois, jusqu'à présent, ni vos prédécesseurs ni les nôtres n'y sont parvenus. A nous de gagner ce combat, de prendre la mesure d'un enjeu que nos concitoyens ne discernent pas complètement : cette maîtrise, ils ne la réclament pas explicitement. Si nous savons les convaincre de l'opportunité de conduire une politique de maîtrise de la dépense publique et de ce que cette politique peut apporter de bénéfique, ils pourront alors nous en être reconnaissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Il va falloir aussi penser à la maîtrise de la parole publique. (Sourires.)
    La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'utilité et la pertinence de ce débat ne font pas l'ombre d'un doute. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez situé le cadre institutionnel avec précision et parfaitement décrit le contexte de la gestion budgétaire. Quant à vous, monsieur le rapporteur général, vous avez à fort juste titre rappelé à quel point l'amélioration de la performance de l'Etat était non seulement attendue par nos concitoyens, mais aussi qu'elle était au coeur du rôle dévolu au Parlement par la loi organique relative aux lois de finances. Enfin, toutes les interventions précédentes ont démontré le bien-fondé d'un tel débat, y compris celles de nos collègues de l'opposition, forme de démonstration par l'absurde, quand on analyse la situation budgétaire qu'ils ont laissée.
    En effet, quels que soient les arguments et les chiffres avancés par notre collègue Didier Migaud, les responsables de la majorité précédente ne peuvent contester un constat accablant, que chaque Français est à même de percevoir : l'endettement de notre pays n'a pas reculé, ni même été stabilisé à l'issue d'une période de forte croissance. Cela signifie bien que les dépenses publiques n'ont pas été maîtrisées. Quant à l'effet positif que cela aurait eu sur l'emploi et sur le chômage, on peut en douter, puisque la remontée du chômage a commencé à l'automne 2001. Donc, la corrélation entre les dépenses publiques, l'emploi et le chômage n'est pas avérée : un certain nombre d'arguments ont été développés sur ce point, mais je n'y reviendrai pas, car chacun est à même de constater ce qu'il en est dans les pays qui nous entourent.
    M. Jean-Claude Sandrier. On est d'accord !
    M. Louis Giscard d'Estaing. Ne diabolisons pas la dépense publique, nous dit-on. Certes, mais il ne faut pas la sacraliser, notamment faire abstraction de son peu d'efficacité et du besoin de lutter contre les gaspillages.
    M. Didier Migaud. C'est ce que nous avons dit !
    M. Louis Giscard d'Estaing. Quels sont les objectifs recherchés ? Il s'agit d'optimiser les ressources de l'Etat, humaines et financières.
    Quels en seraient les bénéficiaires ? Les agents de l'Etat eux-mêmes, leur rôle s'en trouvant valorisé. Ce seraient aussi les usagers du service public et, enfin, les contribuables. Cette maîtrise des dépenses publiques se ferait au détriment de qui ? Au détriment des gaspillages ou des dépenses non justifiées. Il me suffira de citer un exemple quelque peu anecdotique pour bien situer le contexte : celui de l'utilisation des munitions dans l'armée française. Ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion d'effectuer leur service militaire se souviennent que nous devions utiliser toutes les munitions avant le 31 décembre pour que la même dotation soit reconduite l'année suivante. Désormais, cette époque « glorieuse » est révolue, puisque les régiments ont la responsabilité de leur propre budget, si bien que nous n'assistons plus à ces spectacles de gaspillage et d'irresponsabilité.
    Enfin, le rôle de la Cour des comptes dans l'évaluation de la gestion publique n'a échappé à personne. Il est utile de souligner à quel point les conclusions de la Cour des comptes, notamment de son rapport, doivent être suivies d'effets. Nous aurons l'occasion, au cours des prochains mois, de revenir sur cet aspect des choses.
    Enfin, le président de la commission des finances a rappelé à plusieurs reprises l'importance du rôle d'investigation des rapporteurs dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances et de notre rôle de contrôle. Bien sûr, nous nous impliquerons dans cette mission. Parallèlement, nous attendons, comme l'a dit M. Mariton, une véritable coopération des administrations.
    Monsieur le ministre, vous l'avez fort justement rappelé, c'est l'honneur de la politique, c'est la responsabilité du Gouvernement, c'est le rôle primordial de cette assemblée, c'est enfin, mes chers collègues, notre devoir républicain et citoyen que de s'assurer de la gestion optimale de l'argent public, pour le bien de nos concitoyens et pour la prospérité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard.
    M. Jean-Yves Chamard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier M. Laffineur, grâce à qui je peux intervenir dans ce débat.
    Comment se fait-il qu'en France, nous ayons tant de mal à réduire la dépense publique ? Pour moi, la réponse tient en deux mots : « tous drogués ! » (Sourires.) Nous sommes tous drogués de dépenses publiques, et ce à tous les niveaux.
    Chacun de nos concitoyens l'est, qui trouve, par exemple, que les dépenses d'assurance maladie augmentent trop vite, qu'il y a des gaspillages, mais sans que ce soit sa faute ; évidemment, c'est la faute des autres.
    Les fonctionnaires aussi le sont. L'administration est pléthorique, il y a trop de fonctionnaires, sauf, bien entendu, dans leur propre service où l'on manque de personnels ! (Sourires.)
    Les élus locaux sont également drogués. Ils multiplient les réalisations supplémentaires et, pour ce faire, augmentent les impôts, mais pas l'année qui précède les élections, ni même peut-être l'avant-dernière année précédant celles-ci.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C'est ce qui se passe !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quelle lucidité !
    M. Jean-Yves Chamard. Et les parlementaires, à droite comme à gauche, n'échappent pas à la règle : ils réclament toujours plus dans la discussion de la deuxième partie de la loi des finances.
    Et même vos collègues, monsieur le ministre, sont tous drogués de dépenses ! L'administration dont ils ont la charge et l'opinion publique considèrent qu'ils sont bons s'ils ont obtenu un bon budget, c'est-à-dire un budget en augmentation. La situation n'a donc rien d'étonnant.
    Quand on est drogué, comment se désintoxiquer. Eh bien, en tant que président d'un hôpital psychiatrique, je sais ce qu'il faut faire. (Rires.) Il faut contraindre et convaincre.
    Contraindre : un budget se compose de recettes et de dépenses, d'où il résulte un excédent... ou plutôt, depuis vingt-huit ans, un déficit. Le dernier à avoir présenté un budget sans déficit fut en effet votre père, monsieur Giscard d'Estaing.
    Des dépenses, nous en avons beaucoup parlé ce matin, et la LOLF est là pour cela. Voyons donc les recettes : si l'on veut contraindre, il faut que l'augmentation de la dépense fasse mal, et ce tout de suite. Or qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, et avec vous le Premier ministre lorsqu'il arbitrera ? Pour éviter d'augmenter les impôts, vous donnerez un coup de pouce à votre estimation de croissance. Ce fut le cas en 2002, ce l'est aussi en 2003.
    Je propose - mais cela exigera une nouvelle modification de la loi organique - que vous ne puissiez plus décider, seul ou avec nous, du montant des recettes, la variable d'ajustement devant se réduire à la croissance ou à la diminution des impôts.
    Préparant le projet de loi de finances pour 2004, vous ne pouvez connaître que les chiffres de 2002. Je souhaiterais donc que l'on écrive que les recettes de l'année n sont celles constatées au cours de l'année n - 2, qui sont connues, majorées de la croissance économique et de l'inflation de cette même année. Je ne prends qu'une année de déport et pas deux, donc je suis prudent. En règle générale, on aboutira à un excédent, mais c'est ainsi que l'on gère bien : en minimisant les recettes. La seule variable d'ajustement sera, bien entendu, la variation du montant des impôts.
    Le déficit également doit être contraint : il faut s'obliger à le limiter à un certain pourcentage du PIB ou du budget en cours, et la bonne pratique voudrait que ce pourcentage se réduise d'année en année.
    Moyennant quoi, monsieur le ministre, au lieu de parcourir un long chemin de croix, comme c'est le cas actuellement - votre seul rempart est constitué des 3 % de Maastricht -, vous pourrez opposer aux démarches de vos collègues le fait qu'il faudra, pour donner plus à l'un, donner moins à un autre, ou alors augmenter les impôts. Et ça, ce sera forcément visible. C'est là que réside la contrainte.
    Il faut également convaincre. Pour cela, évitons de substituer les connaissances économiques de nos concitoyens, qui, à 53 %, croient que l'autofinancement est le financement de l'automobile !
    M. Michel Bouvard. A un tiers seulement !
    M. Jean-Yves Chamard. Si on leur demandait ce qu'est le PIB, gageons qu'ils répondraient qu'il s'agit du « parti indépendantiste breton », du « parisianisme intellectuel et branché » ou du « partage des indemnités à Bercy ». (Sourires.)
    Il faut donc s'en tenir à des notions simples, à des indicateurs que la France d'en bas - celle, par exemple, du Poitou-Charentes, que je représente comme d'autres (Sourires) - comprenne. Demandons-nous, par exemple, combien coûte une ablation de l'appendice, cent kilomètres en train ou une année d'enseignement au lycée et comparons avec ce qui se passe chez nos voisins européens ou de l'OCDE, ou en France même selon les secteurs. Une ablation de l'appendice revient, dans le public, à 30 % de plus que dans le privé. Un parcours de 100 kilomètres en train coûte le double en France - je tiens compte, bien sûr, des retraites. Quant au coût d'une année de formation dans les lycées, il est 35 % plus élevé chez nous que ce qu'il est en moyenne dans les pays de l'OCDE. Nous occupons la deuxième place des pays les plus chers du monde.
    Donc, premièrement, le Parlement définit des choses simples à comprendre.
    M. le président. Monsieur Chamard, en bon mathématicien que vous êtes, je suis sûr que vous allez conclure votre démonstration !
    M. Philippe Auberger. Il n'a pas trouvé la solution de son équation ! (Sourires.)

    M. Jean-Yves Chamard. Deuxièmement, on compare. Troisièmement, on essaie de comprendre pourquoi on est plus cher. Quatrièmement, on communique, et ce n'est pas la moindre des choses ! La tâche pourrait revenir au Parlement - sans augmenter le nombre de nos administrateurs, nous pourrions les diriger un peu plus dans cette direction. Cela dit, la Cour des comptes est prête à nous aider et nous pourrions aussi demander des audits externes, quitte à donner à cette communication une forme « impersonnelle » - il n'est jamais facile de s'exposer aux porteurs de pancartes ! Ainsi, monsieur le ministre, vous pourrez plus facilement prendre certaines mesures, parce que l'opinion publique aura compris.
    Voilà, cela n'est pas très compliqué. Cela demandera un peu de temps, mais si l'on ne contraint pas, si l'on ne convainc pas, malgré toute l'intelligence qui a présidé à l'élaboration de la LOLF et la volonté du Gouvernement de l'appliquer intégralement - je n'en doute pas -, nous aurons du mal !
    Cela dit, et ce sera ma conclusion, monsieur le ministre, avant le long calvaire qui vous attend, j'espère que cette matinée vous aura offert un grand bol de vitamines, pour vous permettre de résister à toutes les pressions en faveur de la dépense (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

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ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 avril, puis du mardi 29 avril au mercredi 7 mai 2003 inclus, a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance. Je rappelle que cet ordre du jour comporte notamment cet après-midi la nouvelle délibération de l'article 4 de la loi sur l'élection des conseillers régionaux.
    Par ailleurs, en application de l'article 65-1 du règlement, la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit auraient lieu le mardi 29 avril, après les questions au Gouvernement.

5

DÉBAT SUR LA MAÎTRISE
DES DÉPENSES PUBLIQUES
(suite)

    M. le président. Nous poursuivons le débat sur la maîtrise des dépenses publiques : contrôle et suivi par le Parlement - Amélioration des performances de l'Etat.
    La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Je remercie les collègues ici présents, tout en notant que ceux appartenant à la commission des finances sont plus nombreux que les autres.
    M. Hervé Mariton. C'est un problème !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En effet !
    Comme l'a dit M. Woerth, ce débat est symbolique d'une double volonté, et d'abord celle de mettre fin à l'incontinence législative et réglementaire. C'est l'un des premiers remèdes aux difficultés de notre pays. Le fait que l'UMP ait voulu ce débat plutôt qu'une nouvelle proposition de loi est un premier symbole. Le second, monsieur le ministre, c'est qu'il existe aujourd'hui au Parlement un noyau dur persuadé que la maîtrise de la dépense publique et la réforme de l'Etat sont, pour ce pays, la condition de la réussite. Comme l'a dit Gilles Carrez, cet objectif n'est pas hors de portée, mais la tâche sera difficile et elle nécessitera beaucoup de soutien. Toutes les voies pour y parvenir devront être empruntées. La tâche sera difficile parce qu'à chaque fois que l'Etat a tenté de se réformer, de Michel Rocard à Claude Allègre en passant par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, il a échoué. Nous sommes donc tous concernés. Hervé Mariton se demandait pourquoi toutes ces difficultés.
    Il est vrai que, comme vient de le rappeler Jean-Yves Chamard, il est sacrément agréable de dépenser tant pour un ministre que pour un maire et, généralement, nous sommes plus récompensés lorsque nous dépensons que lorsque nous faisons des économies. D'autres difficultés tiennent au poids des corporatismes, à la crainte des syndicats du secteur public qui en paralyse beaucoup et à l'absence d'analyse des coûts et bénéfices.
    Comment réussir et quelles voies emprunter ?
    D'abord, il faut gagner la bataille de la communication - c'est la première piste - en convainquant l'opinion que, pour faire mieux, il ne faut pas obligatoirement davantage de moyens. C'est un travail de tous les jours. Ainsi, quand nous débattons des intermittents du spectacle, il faut pouvoir s'appuyer sur des contrepoids et montrer que, lorsque le rapport entre les cotisations et les prestations est de un à huit, ce sont les ouvriers du bâtiment qui paient ! C'est la même chose pour la Banque de France et beaucoup d'autres domaines.
    Mais l'un des arguments les plus puissants pour nous aider à convaincre l'opinion publique est celui de la relation entre le pouvoir d'achat et le niveau de l'emploi. Et à ce propos, cher Didier Migaud, j'ai relu deux articles de journaux dans lesquels M. Fabius et M. Chevènement disent que la clé d'une bonne croissance, c'est la maîtrise de la dépense publique.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si nous nous mettions d'accord pour le rappeler en permanence, nous aurions déjà bien avancé ! Regardons ce qui se passe autour de nous en Europe ! Le lien entre dépense publique et chômage existe bien, surtout s'agissant des dépenses de fonctionnement. Il peut y avoir quelques différences, mais cela tient plus aux dépenses de structures qu'aux dépenses de fonctionnement. Le leader de la CGT disait, il y a quelques semaines, qu'il fallait augmenter le pouvoir d'achat des salaires. Je partage totalement son objectif, mais je diffère quant aux solutions qui permettent de l'atteindre. L'expérience de tous les pays du monde le prouve, ce n'est pas le niveau de la dépense publique qui engendre la prospérité et de bons salaires.
    M. Marc Laffineur. C'est l'inverse !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le vrai problème, ce n'est pas la nature du service public ou du service rendu par le secteur privé ; c'est le fait que beaucoup de services publics sont produits à des prix trop élévés, non seulement parce que le travail ne serait pas bien fait, mais aussi du fait de la multiplication des procédures et de l'addition des structures - cela a été rappelé par beaucoup d'entre vous.
    Chacun se rend compte sur le terrain, et j'ai moi-même été fonctionnaire, que l'Etat n'est pas géré, qu'il est faible et qu'il est loin. Beaucoup de responsables abdiquent leurs responsabilités de bonne gestion, de maîtrise de la dépense publique, car ils savent qu'en cas de conflit ils ne seront pas suivis par leur hiérarchie.
    La deuxième piste, c'est une meilleure maîtrise des interventions économiques et sociales. En effet, celles-ci pèsent très lourd. L'Etat a atteint les limites de l'assistance, et cela au détriment des salaires directs et du pouvoir d'achat. Dès lors, la rémunération du travail devient relative. Les pays du nord de l'Europe nous ont montré l'exemple quant à la remise en question de l'assistance. C'est une piste importante ; n'ayons pas de honte à le dire !
    La troisième piste, c'est la volonté politique du Gouvernement. Elle devrait conduire à « récompenser » les ministres qui gèrent mieux plutôt que ceux qui dépensent beaucoup.
    M. Marc Laffineur. Bien sûr !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La culture du résultat doit remplacer la rhétorique de l'annonce permanente.
    Nous ne pensons pas que certains ministères doivent être sanctuarisés - pas plus la défense, à propos de laquelle Louis Giscard d'Estaing a cité un exemple piquant, que la culture - en ce qui concerne leurs dépenses de fonctionnement. Et faisons, quant à nous, un usage aussi modéré que possible de la loi et de la réglementation.
    Quatrième piste : la clarification des compétences. La superposition actuelle des compétences est en contradiction avec la maîtrise des dépenses publiques. Faire décider par la même autorité les dépenses et les recettes qui les financent devrait vous conduire, monsieur le ministre, à faire reprendre par l'Etat les dépenses des SDIS,...
    M. Jean-Yves Chamard et M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... car aujourd'hui, celui qui décide n'est pas celui qui paie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Bouvard. Bravo ! Excellent !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. L'on voit d'ailleurs les dégâts sur le terrain, M. Charasse l'a récemment rappelé. Il faudrait aussi revoir la politique des dégrèvements. On nous dit, par exemple : « Nous augmentons la taxe d'habitation de 8 %, mais, n'ayez crainte, 60 % des contribuables ne vont rien payer ; cela va être pris en charge par l'Etat ! » Ceux qui décident la dépense doivent aussi être ceux qui décident des recettes. Et que dire des subventions européennes qui atteignent 80 % du prix des équipements ? Cela ne peut pas conduire à de bons choix économiques et sociaux. Nous pourrions multiplier les exemples, mais il se fait tard.
    La forteresse ne se réformera pas d'elle-même. Les vingt années qui viennent de s'écouler et les expériences étrangères nous démontrent que la seule voie qui permettra de simplifier la vie des Français en mettant un terme à la multiplicité des procédures, à la superposition des structures, c'est de ne pas augmenter le budget pendant trois ans de suite. C'est la loi d'airain qui permettra, seule, d'atteindre ce résultat.
    M. Hervé Mariton. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. En souhaitant ardemment que cette voie courageuse soit suivie, je pense, monsieur Migaud, à tous ces salariés de ma circonscription qui, après vingt ans d'ancienneté, sont toujours à 6 400 francs net par mois. Si l'Etat était mieux géré, je suis convaincu que nous aurions une croissance plus forte, un meilleur pouvoir d'achat et un moindre taux de chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames, messieurs les députés, il se fait malheureusement tard et je suis dans l'impossibilité de répondre à chacun d'entre vous. Je vous ai confié au début de cette discussion que le ministre du budget pouvait parfois se sentir seul. Or, toute cette matinée, je me suis senti soutenu, entouré, précédé même sur certains sujets. Je veux vous dire combien c'est réconfortant et combien cela peut être porteur pour le redressement nécessaire de nos finances publiques.
    Je constate une grande convergence sur le diagnostic. La dépense augmente continuellement. Cessons de faire de cet accroissement une valeur politique ! Ce n'en est pas une, au contraire. Puisqu'il s'agit d'une question éminemment politique, le Parlement doit occuper la première place. Il doit jouer un rôle déterminant à cet égard. Il y a trois groupes principaux d'acteurs : les administrations, qui, ne vous inquiétez pas, sauront se défendre ; les groupes de pression, ou, comme je l'ai entendu, les « porteurs de pancartes », pour lequels vous n'avez pas non plus à vous inquiéter, car ils savent aussi se défendre ; et puis, il y a les contribuables. Mesdames, messieurs les députés, soyez les garants de la défense des intérêts de ces derniers, en n'oubliant jamais que les plus modestes contribuent souvent aux transferts vers de plus favorisés qu'eux.
    Quels sont les moyens de sortir de cette situation ? Nous devons nous promettre mutuellement de ne plus accueillir avec enthousiasme les budgets qui augmentent au seul motif qu'ils augmentent.
    M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De même pour les plans, les lois de programmation, les lois pluriannuelles. Il faut intéresser les ministères aux économies qu'ils réalisent. Oui, monsieur le président de la commission des finances, fermons des enveloppes ou stabilisons-les en euros courants - vous proposez de le faire sur trois ans, cela me convient ! Voilà des voies fécondes !
    S'agissant de l'implication du Parlement, j'ai une totale confiance en vous. Je sais que vous serez à nos côtés. Quant à l'implication du Gouvernement, sachez que je mettrai toute mon ardeur à défendre cette voie. Je considère même que c'est la seule utilité de ma présence au Gouvernement et j'essaierai de faire en sorte de ne pas y être entré pour rien !
    S'agissant de la LOLF, vous avez insisté sur les prérogatives du Parlement. Exercez-les, mesdames, messieurs les députés ! Passons de la parole à l'acte ! Surprenez-moi, quand bien même ce serait inconfortable pour moi ! Je vous ai proposé une maîtrise d'oeuvre partagée - exécutif, Parlement -...
    M. Hervé Mariton. Chiche !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Oui, chiche ! car cela permettra un vaste redéploiement de moyens au sein de l'Etat. Le ministre du budget et de la réforme budgétaire sera à vos côtés. Il veillera simplement à préserver ceux des aspects de la LOLF qui sont source d'économies, afin que, dans un enthousiasme débordant, nous n'aboutissions pas à ce qui serait le contraire de notre objectif commun.
    Toutes les questions dont nous avons parlé sont éminemment politiques. Elles touchent à la noblesse de la mission que nous avons reçue. En démocratie, c'est le peuple qui doit avoir le dernier mot ! Vous pouvez compter sur moi pour l'écouter. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé le débat sur la maîtrise des dépenses publiques.

6

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
EN MISSION TEMPORAIRE

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-Claude Flory, député de l'Ardèche, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article LO 144 du code électoral, auprès de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 8 avril 2003.

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ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Eloge funèbre de Jean-Marc Chavanne ;
    Nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques ;
    Discussion du projet de loi, n° 710, portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit :
    M. Etienne Blanc, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 752).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 8 avril 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 8 au jeudi 10 avril 2003 inclus puis, après l'interruption de ses travaux, du mardi 29 avril au mercredi 7 mai 2003 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 8 avril 2003 :
    Le matin, à neuf heures :
    Débat sur la maîtrise des dépenses publiques :
    - contrôle et suivi par le Parlement ;
    - amélioration des performances de l'Etat.
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Eloge funèbre de Jean-Marc Chavanne.
    Nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques (n° 770).
    Discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n°s 710-752).
    Mercredi 9 avril 2003 :
    L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n°s 710-752).
    Jeudi 10 avril 2003 :
    Le matin, à neuf heures :
    Débat sur la participation à l'aide au développement en Afrique.
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Discussion :
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (n°s 554-675) ;
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, suite aux différentes modifications intervenues (n°s 555-675) ;
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations (n°s 16-672) ;
    - du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n°s 520-767) ;
    - du projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (n°s 336-673).
    (Ces cinq textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement) ;
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France (n°s 272-637) ;
    - du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) (n°s 342-676) ;
    - du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n°s 338-674).
    (Ces trois textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement) ;
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Montréal le 17 septembre 1997 (n°s 552-766) ;
    - du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Pékin le 3 décembre 1999 (n°s 553-766).
    (Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement, et d'une discussion générale commune) ;
    - du projet de loi portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (n°s 611-763).
    Mardi 29 avril 2003 :
    Le matin, à neuf heures trente :
    Questions orales sans débat.
    L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures trente :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n°s 710-752).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière (n° 719).
    Mercredi 30 avril 2003
    L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière (n° 719).
    Mardi 6 mai 2003 :
    Le matin, à neuf heures trente :
    - Questions orales sans débat.
    L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vint et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière (n° 719).
    Mercredi 7 mai 2003 :
    L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement :
    Discussion :
    - de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Giran relative à la représentation au sein du conseil d'administration et des instances représentatives des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN en application de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 735) ;
    - sous réserve de sa transmission par le Sénat, de la proposition de loi relative à la dévolution du nom de famille ;
    - en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la création d'un chèque-emploi associatif (n° 695).