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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 11 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 10 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

M. Alain Bocquet.

Suspension et reprise de la séance «...»
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : M. Pascal Terrasse.

Rappel au règlement «...»

M. Jean-Marc Ayrault.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

MM. le président, Jean-Marc Ayrault, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Rappel au règlement «...»

MM. Jean-Marc Ayrault, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le ministre.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Rappel au règlement

    M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.
    M. Alain Bocquet. Il m'a été communiqué un « guide d'animation de réunion » distribué parmi les cadres de la fonction publique. Ce document a été publié le 19 mai dernier, avant même l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, et bien sûr avant le débat qui s'engage aujourd'hui sur ce texte. Son contenu, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, est édifiant : il s'agit d'organiser des réunions dans les différents services de la fonction publique pour tenter de justifier - avec, entre autres, des transparents - le bien-fondé de votre réforme. Ce document fait partie, bien entendu, de toute la propagande qui a été déployée pour faire approuver celle-ci.
    Mais il y a plus grave : dans le propos d'ouverture de ce document, il est précisé ceci, à l'intention des cadres de la fonction publique chargés d'animer ces réunions : « Le projet de loi n'étant pas encore voté, ce que nous allons voir peut-être modifié dans les semaines qui viennent, ce seront des ajustements sur des points. Les grandes tendances ou mesures ne changeront pas. »
    Je veux m'indigner de cette manière de faire. Avant même que notre assemblée, que le Parlement dans son ensemble, se soit prononcé sur le projet de loi, il y a déjà tout un travail qui est organisé avec les moyens d'Etat, et secrètement - ou plus moins secrètement. Je crois qu'il y a là un mépris de la représentation nationale.
    Dans ces conditions, monsieur le président, je vous demande quinze minutes de suspension de séance afin de réunir mon groupe, qui m'attend d'ailleurs dans la salle de réunion.
    M. Yves Nicolin. Il faut les faire venir, vos collègues !
    M. Christian Ménard. Mais oui, il faut les inviter !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Pascal Terrasse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, la représentation nationale est appelée à vivre ces jours-ci un moment fort, pour ne pas dire historique. Avec la question des retraites, elle se saisit en effet d'un dossier majeur.
    Ce symbole du progrès social, cette sécurité fondamentale due à chaque citoyen, est l'incarnation la plus parfaite de la solidarité nationale. Les Français le savent. Ils savent que le débat qui s'est installé ne se limite pas à la question d'une durée de cotisation ou d'un taux de remplacement. Réformer les retraites, c'est en réalité redessiner la société de demain. C'est aussi repenser les rapports qu'entretiennent les générations entre elles. C'est pour cela que la France tout entière a les yeux tournés vers la représentation nationale.
    Car la France s'est effectivement appropriée le débat. Ce débat est partout. Il est surtout dans la rue, une rue qui nous renvoie les signes de son inquiétude et qui attend de ses représentants, présents ici, qu'ils ne s'éloignent pas de ce qui est le seul objectif possible : la recherche du progrès social et seulement du progrès social. L'inverse est impensable et serait lourd de conséquences. Un an après le 21 avril, qui a marqué la plus grave crise civique qu'ait connue la Ve République, le retour de l'insécurité sociale nous entraînerait vers cet impensable scénario dans lequel l'avenir de nos enfants serait plus sombre que le nôtre.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est bien pour cela que nous réformons !
    M. Pascal Terrasse. L'avenir des retraites représente donc pour les Français un enjeu essentiel. Garantir la retraite par répartition, expression de la solidarité entre les générations et, par là même, facteur de cohésion nationale, demeure l'un des termes les plus importants du pacte social. Il n'y aurait pas de pire réforme que celle qui romprait avec l'idée que la retraite est un dispositif collectif assis sur la solidarité.
    Avant de s'engager sur la voie, forcément complexe, de la réforme, il convient de poser avec clarté les arguments qui conduisent à ne plus se satisfaire de l'état actuel de nos systèmes de retraite.
    La réforme des retraites ne se justifie que par les améliorations sociales qu'elle promet et quels que soient les efforts qu'elle peut supposer. C'est à l'aune de ce postulat qu'il nous faut identifier clairement le sens du projet de loi qui vient de nous être présenté et les objectifs qui sont les siens. Je crains, pour ma part, qu'il ne s'agisse en réalité d'une réforme dont le but se résume à achever sans complexe les mesures drastiques entreprises par Edouard Balladur dans la chaleur de l'été 1993. C'est donc ainsi que ce projet remet en cause la République sociale voulue par le Conseil national de la Résistance au soir de la Libération. ( «Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Couanau. Il faut être sérieux, tout de même !
    M. Pascal Terrasse. Certes, l'évolution démographique montre que les équilibres vont être bouleversés. L'allongement de la durée de vie et l'arrivée à l'âge de la retraite des personnes nées dans l'après-guerre entraîneraient un vieillissement de la population. Il faut cependant apprécier avec raison l'ampleur de ce choc démographique. Son avènement prochain n'est pas une découverte récente de quelques démographes éclairés. Pourtant, dans les années 1960 et 1970, les gouvernements de l'époque ont choisi de fermer les yeux sur cette réalité.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est surtout en 1982 qu'on a fermé les yeux !
    M. Pascal Terrasse. Ce phénomène concerne tous les pays occidentaux, avec plus ou moins d'acuité. En France, les plus de 60 ans représentaient 16 % de la population en 1946, 18,4 % en 1975, 20 % en 1995. Ils seront 25 % en 2020.
    Les projections établies sur ces bases peuvent donner lieu à un diagnostic alarmiste. Le poids des retraites dans le PIB passerait de 11,6 % aujourd'hui à une fourchette comprise entre 13 % et 14 % en 2040, si aucun des paramètres de la réforme Balladur n'est modifié. Si l'on s'en tient aux seuls leviers que vous évoquez pour assurer le financement de cette échéance à l'horizon 2020, il faudrait soit diminuer le niveau des pensions, soit allonger la durée de cotisation. Pas de salut en dehors de ces deux punitions infligées à la France qui travaille !
    L'aspect catastrophique que vous donnez à votre présentation de la situation tient en grande partie à sa construction. En effet, vous nous présentez l'urgence de la réforme de manière proprement comptable, statique, et comme si la France devait faire face au problème dans l'immédiat.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oui, elle le doit !
    M. Pascal Terrasse. Or une analyse objective ne peut faire l'économie de l'ensemble des hypothèses, notamment de croissance et d'emplois. Sur ces trente dernières années, la croissance a permis de financer largement la montée en charge de notre système de retraites, et de faire face à un besoin accru de financement comparable à deux points de PIB. Cela n'a pas empêché la France de voir son économie progresser ni de maintenir son niveau de vie et sa place dans le peloton de tête des pays riches. La situation sur le front de l'emploi représente, quant à elle, la principale variable qui nous assure, si nous nous en donnons réellement les moyens, des marges de manoeuvre importantes face à cette échéance.
    Mon propos n'est pas de gommer l'importance de l'enjeu. Mais je pense que, sur l'ensemble de ces bancs et y compris au gouvernement, nous devons plus aux Françaises et aux Français que les discours catastrophistes que leur sert une large partie de la majorité, notamment celle qui voudrait dénoncer une prétendue inaction du précédent gouvernement et qui force donc le trait sur l'urgence et la gravité de la situation.
    Comme le fit à juste titre remarquer l'ensemble des rapports remis successivement à Michel Rocard, Alain Juppé et Lionel Jospin, la réduction du chômage par une politique de l'emploi soutenue d'ici à 2020 permettrait de compenser grandement la dégradation des ratios. La question de la réorientation de certains financements socialisés, dans un scénario de croissance soutenue, est également possible.
    J'aurai l'occasion de vous démontrer dans un moment qu'il n'existe pas d'impossibilité fondamentale de financement du régime général de retraite à l'échéance 2020. Le tout est d'accepter, sans idéologie, la perspective d'une action concertée, et donc équilibrée, jouant sur l'ensemble des leviers et refusant de noircir à tout prix la situation pour laisser notre modèle social se travestir en un modèle libéral.
    L'inquiétude suscitée par la situation démographique et son évolution, ainsi que la perception grandissante des effets de la réforme Balladur sur le niveau des retraites, auraient dû conduire le Gouvernement à fixer préalablement et de manière claire les objectifs à atteindre avant de déterminer les moyens à mettre en oeuvre. Or il n'en est rien. C'est la réforme pour la réforme que vous avez choisi pour credo en prenant soin de faire croire aux Français qu'il n'y avait pas d'autre voie possible que le régime d'austérité ou le chaos.
    Je crois que les Français ne sont pas dupes et qu'ils n'ont pas adhéré au discours réducteur et manichéen qui leur a été servi.
    En effet, les Français n'ont pas besoin d'être sensibilisés à la question des retraites. Ils le sont. L'ampleur des mouvements sociaux de ces derniers mois en témoigne. Malgré la guerre de communication que vous avez voulu engager contre les partenaires sociaux, en mobilisant plusieurs milliers d'euros sur le dos du contribuable, rien n'aura affaibli le mouvement social, bien au contraire !
    Vous avez voulu asseoir votre réforme sur un discours catastrophiste plutôt que de consulter les Français.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas possible !
    M. Pascal Terrasse. De nombreux pays étrangers ont pris, avec succès d'ailleurs, le temps de ce dialogue avec les partenaires sociaux.
    M. Manuel Valls. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. Pas vous. Je regrette également que vous ayez fait le choix de négliger le travail du Conseil d'orientation des retraites. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bruno Le Roux. Eh oui !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il est pris en compte à la lettre !
    M. Pascal Terrasse. Le sérieux de ce travail, établi dans un esprit de responsabilité et de pragmatisme, aurait mérité plus de considération.
    Tous ces préalables auraient été souhaitables. En effet, toutes les enquêtes montrent que la retraite demeure un sujet de préoccupation essentiel pour les Français,...
    M. Bruno Le Roux. Encore plus maintenant !
    M. Pascal Terrasse. ... notamment parce que cette question de société rend les générations solidaires entre elles. Ce lien entre générations est le coeur de notre pacte social.
    Aujourd'hui, vous avez décidé de rompre cette chaîne de la solidarité qui unit dans un même corps notre république sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Vous avez décidé d'achever l'entreprise de démolition sociale, déjà engagée par votre précédesseur en 1995. Vous avez certes une majorité écrasante, mais les Français sauront, le moment venu, se rappeler qu'en vérité vous n'avez aucunement répondu à leurs attentes et préféré user de votre force.
    M. Manuel Valls. Eh oui !
    M. Bruno Le Roux. Bien sûr !
    M. Pascal Terrasse. Leurs préoccupations sont simples : quel montant de pension ? A quel âge ? Et après quelle durée d'activité ?
    Mme Catherine Génisson. Exactement !
    M. Pascal Terrasse. Contrairement à vous, nous pensons que les mesures à prendre pour faire vivre la répartition et assurer son équilibre à long terme ne sauraient se réduire à faire varier des paramètres de fonctionnement sans qu'il ne soit besoin d'élargir le débat à d'autres questions, au premier rang desquelles figure l'élément déterminant de la création d'emploi et de la politique à mettre en oeuvre.
    M. Serge Janquin. Bien sûr !
    M. Pascal Terrasse. Pour les socialistes, la question de l'emploi est indissociable de celle des retraites.
    M. René Dosière. Très bien !
    M Pascal Terrasse. Il serait vain de s'interroger sur l'évolution des conditions d'âge au départ à la retraite ou sur la durée d'activité sans considérer que, dans le secteur privé, plus d'une personne sur deux est aujourd'hui inactive avant l'ouverture de ses droits à pension. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. Il faut le dire !
    M. Pascal Terrasse. Quant à l'allongement de la durée de vie, elle pose la question de l'aptitude au travail dans le temps et de la considération portée aux salariés les plus âgés. Pour un salarié, qu'il soit du secteur public ou privé, un possible allongement de sa durée de cotisation à quarante-trois ans l'obligera inévitablement soit à différer son départ à la retraite, soit à voir le montant de sa pension réduit. Allonger la durée de cotisation revient, de fait, à allonger la durée de la vie active et à poser avec encore plus d'acuité la problématique du chômage. Cette question est essentielle dans un contexte où un salarié est, au sein de l'entreprise, de plus en plus tôt considéré comme trop âgé, soit parce que son coût salarial est jugé trop élevé pour l'employeur, soit parce que sa capacité de travail ne répond plus aux exigences de rendement.
    En allongeant la durée de cotisation de manière unilatérale, sans véritable concertation ni même négociation, vous ignorez la difficulté éprouvée par les plus jeunes pour accéder à un premier emploi.
    M. Philippe Vuilque. Très juste !
    M. Pascal Terrasse. Vous ignorez le temps partiel subi qui frappe les femmes en priorité...
    Mme Catherine Génisson. Exactement !
    M. Pascal Terrasse. ... ou bien encore les chômeurs âgés qui peinent à retrouver une activité rémunérée.
    Durcir les conditions d'accès aux préretraites progressives pour ceux qui le souhaiteraient, alors que l'accès à l'emploi est inégalitaire, serait synonyme d'une exacerbation de la concurrence entre les salariés, en les privant d'opportunités. Pour autant, il importe aussi de mieux utiliser les capacités de travail tout au long de la vie active et de rompre avec des pratiques qui consistent à faire de l'âge un élément de discrimination.
    Dans le public, seulement 3 % des salariés quittent leur emploi avant cinquante-cinq ans. Il s'agit essentiellement des militaires et des femmes relevant des régimes de la fonction publique ayant élevé au moins trois enfants. Entre cinquante-cinq ans et cinquante-neuf ans, ce sont essentiellement les instituteurs - en voie d'extinction car leur corps est remplacé par celui des professeurs des écoles, qui, eux, partent à soixante ans. On trouve également les fonctionnaires de police et le personnel soignant.
    Vous nous parlez d'équité. Mais comment ces agents de la fonction publique ou ces militaires vont-ils être traités ? Garderont-ils un régime dérogatoire ? Et sur quelle base ? D'autres métiers ont aussi leur spécificité. Pourquoi ne pas profiter de cette réforme pour négocier la prise en compte de la pénibilité, qu'elle soit physique ou psychologique, par secteur de la fonction publique ou par métier ?
    Vous avez choisi de faire l'impasse sur ces préoccupations pourtant essentielles. Et quand vous n'avez pas osé faire l'impasse, vous avez préféré masquer vos intentions. Il en est ainsi pour l'âge de départ à la retraite. Aujourd'hui, plus de la moitié des salariés liquident leurs droits à pension à soixante ans. Et ce sont les socialistes, faut-il le rappeler, qui ont fait passer l'âge légal de la retraite à soixante ans, alors que, jusqu'en 1981, il était fixé à soixante-cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Nicolin. Et le nombre de chômeurs est passé de 2 à 3 millions !
    M. Pascal Terrasse. C'est là un acquis social que nous entendons préserver !
    Augmenter les trimestres de cotisation, de 160 à 172, dans un premier temps, pour aboutir à 188 à terme, comme le demande le MEDEF, revient en réalité à remettre en cause la retraite à taux plein à soixante ans pour tous.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très juste !
    M. Pascal Terrasse. Vous ne dites pas la vérité aux Français.
    M. Yves Nicolin. C'est vous qui mentez !
    M. Pascal Terrasse. En vous attaquant à l'une des grandes avancées sociales de ces vingt dernières années, vous vous attaquez en fait à l'un des symboles du progrès social, conquête de la gauche devenue aujourd'hui un acquis dans l'esprit de tous les Français, fussent-ils vos électeurs.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oh !
    M. Christophe Masse. Ils veulent tout démanteler !
    M. Pascal Terrasse. Cette évolution aurait pu se traduire, comme certains le craignaient, par une paupérisation de la population âgée. Il n'en fut rien. C'est nous, socialistes, qui avons su prendre les mesures nécessaires pour que la sortie de la vie active ne soit plus obligatoirement synonyme de l'entrée dans la vie précaire. Nous considérons qu'une société moderne se mesure à l'attention qu'elle porte à ses anciens et au partage auquel elle consent pour permettre aux plus âgés d'accéder à une fin de vie décente. Or le niveau de vie moyen des retraités, désormais, rejoint celui des actifs. Le minimum vieillesse concerne un peu moins de 900 000 personnes aujourd'hui, contre plus de 2 millions dans les années 70. Qu'en sera-t-il demain ?
    M. Lucien Degauchy. C'est bien pour cela qu'il faut agir.
    M. Pascal Terrasse. Nos retraites sont plus longues, nous en profitons mieux. Tant mieux ! C'est là une chance extraordinaire pour chacun d'entre nous, mais aussi le signe le plus évident d'une société ouverte au partage. Les retraités sont des acteurs économiques à part entière. Ce sont eux qui, dans les périodes de crise, tirent la consommation vers le haut, et pèsent ainsi d'un poids certain dans le maintien de la croissance.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très juste ! Il fallait le rappeler !
    M. Pascal Terrasse. Vous avez décidé de vous engager dans l'appauvrissement progressif des pensions de retraite. Ce choix aura bien évidemment de lourdes conséquences sur la croissance à venir et j'aurai l'occasion de vous démontrer que la réforme Balladur, ajoutée aux mesures antisociales contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui prévoit une augmentation des pensions de 1,5 % seulement alors que l'inflation des douze derniers mois a atteint 2 %, aboutiront, avec la présente réforme, au plus drastique des régimes. Vous avez délibérément choisi d'opérer un retour aux années 70, chères à certains de vos collègues, où l'on comptait un nombre important de retraités en dessous du seuil de pauvreté.
    Certes, les avancées dont les seniors ont pu bénéficier dans leur vie quotidienne ne reposent pas exclusivement sur notre système de retraites par répartition. Il convient notamment de mentionner les autres piliers de la protection sociale. Je place évidemment la branche maladie au coeur des avancées qui ont permis de mieux prendre en compte de nombreuses pathologies ou encore, plus récemment, la création de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il n'en demeure pas moins que la retraite à soixante ans a permis de faire émerger un nouvel âge de la vie. C'est bien ce progrès fondamental qui a permis d'impulser une véritable politique à l'égard de cette catégorie sociale jusque-là délaissée. Les retraités sont aujourd'hui organisés ; ils sont acteurs de la vie sociale et peu enclins à se laisser enfermer dans un rôle d'inactifs qui n'est certainement pas le leur. Votre projet ne prend pas la mesure de cette évolution. Pire, il les ramène vingt ans en arrière.
    Cette construction patiente et concertée d'une politique sociale juste a fait ses preuves dans l'opinion. Alors qu'en 1997 nous avons retrouvé des comptes sociaux au bord de l'explosion à la suite de cinq années de gestion RPR, nous avons su prendre les mesures structurelles nécessaires pour retrouver l'équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après cinq ans d'une gestion qui s'est traduite par une consolidation des comptes sociaux, une seule année a suffi pour ramener une nouvelle fois les comptes de la sécurité sociale dans une situation de quasi-faillite à la suite de choix politiques dont vous portez seuls la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez préféré laisser filer les déficits pour mieux asseoir l'idée de la privatisation des régimes de sécurité sociale.
    M. Bruno Le Roux. Ils préparent la privatisation !
    M. Manuel Valls. Privatiseurs !
    M. Pascal Terrasse. Dans quelques mois, vous nous ferez le coup de la menace qui pèse sur les régimes d'assurance maladie, afin de mieux les orienter vers les assureurs privés. Ils guettent. Vous prônez la sauvegarde de la protection sociale, mais, en réalité, vous n'avez de cesse de la brader. Vous avez d'ailleurs, il y a quelques mois, voulu sauvegarder l'allocation personnalisée à l'autonomie en faisant payer les plus pauvres...
    Mme Martine David. Ils l'ont détruite !
    M. Pascal Terrasse. ... quand, dans le même temps, vous allégiez à hauteur de 500 millions d'euros la charge fiscale des ménages soumis à l'impôt sur la grande fortune.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. On comprend que le mouvement social exprime les pires réticences quand il entend le Gouvernement affirmer sa volonté de « sauvegarder » l'éducation nationale. En l'espace de douze mois, vous avez surtout réformé le vocabulaire français puisque désormais les notions de « réforme » et de « sauvegarde » sont synonymes de « régression sociale » et de « démantèlement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bruno Le Roux. Pour eux, « décentralisation » égale « démantèlement » !
    M. Lucien Degauchy. Vraiment n'importe quoi !
    M. Pascal Terrasse. Comment faire comprendre à nos concitoyens qu'ils peuvent vous faire confiance alors qu'ils sont inquiets pour l'emploi, avec 100 000 chômeurs de plus en un an, pour le niveau des retraites, que vous avez décidé de réduire, ou encore pour leur santé, leur service public d'éducation et, d'une manière générale, pour l'avenir d'un modèle social que vous avez décidé de sacrifier sur le seul autel du libéralisme. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La question des retraites, c'est avant tout un choix de société. Pour ce qui nous concerne, notre choix de société repose notamment sur le maintien du principe des retraites par répartition. (« Eh bien alors ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est lui qui a permis de faire en sorte que le niveau de vie des retraités se rapproche au mieux de celui des actifs, même s'il convient de lutter plus encore contre les disparités qui subsistent dans la mesure où trois retraités sur dix vivent avec moins de 530 euros par mois.
    M. Bruno Le Roux. Là, ça fait mal !
    M. Dominique Tian. La faute à qui ?
    M. Claude Goasguen. Qu'est-ce que vous avez fait ?
    M. Pascal Terrasse. Pour les catégories sociales les moins privilégiées, la retraite représente 80 % de leur revenu à soixante ans, alors que, dans le même temps, pour les plus riches,...
    M. Bruno Gilles. C'est qui ?
    M. Dominique Tian. Des noms ! Dumas ?
    M. Pascal Terrasse. ... la pension ne représente que 50 % des ressources, le reste étant tiré des revenus du patrimoine et du capital.
    Dans son discours du 21 mars 2000, Lionel Jospin, le Premier ministre,...
    M. Jean-Claude Mignon. Celui qui a été battu au premier tour !
    M. Pascal Terrasse. ... avait raison de rappeler que la retraite, c'est toujours le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais il n'a rien fait !
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, vous faites souvent allusion aux propos de Lionel Jospin en prenant soin de lui faire dire ce qui vous arrange. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En réalité, les Français, qu'ils soient ou non dans la rue, ne s'y trompent guère. Ils mesurent aujourd'hui plus que jamais tout ce qui nous sépare, tant sur le fond que sur la forme.
    M. Claude Goasguen. Ça, c'est sûr !
    M. Pascal Terrasse. Par une politique économique volontariste, dans un contexte de croissance que nous avons su entretenir et faire prospérer, grâce à des efforts et des mesures fortes (Approbations sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), nous avions engagé la France sur la voie du plein emploi, la seule possible pour garantir un début de financement des retraites grâce à un équilibre souhaitable entre les cotisants et les retraités. En favorisant la création de 2 millions d'emplois et en permettant un recul du chômage sans précédent de près d'un million (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la situation était bien différente de celle que vos choix génèrent aujourd'hui. En effet, depuis votre arrivée aux responsabilités, ce sont 100 000 chômeurs de plus.
    M. Patrick Roy. Oui, 100 000 de plus !
    M. Lucien Degauchy. Résultat des 35 heures !
    M. Pascal Terrasse. Cela représente, d'après l'excellent rapport sur l'assurance vieillesse de votre collègue Denis Jacquat, 200 millions d'euros en moins pour les caisses d'assurance vieillesse.
    Je crains que votre politique de l'emploi ne revienne à se tirer une balle dans le pied. D'un excédent des caisses vieillesse de 1,5 milliard d'euros en 2001 et de 1,7 milliard en 2002, la dynamique des cotisations sociales va se transformer très rapidement en une débâcle comparable à celle de l'assurance maladie.
    M. Bernard Roman. Voilà la vérité !
    M. Lucien Degauchy. La faute aux 35 heures !
    M. Pascal Terrasse. Votre gouvernement devra alors assumer sa pleine et entière responsabilité.
    M. Jean-Claude Mignon. Nous assumerons !
    M. Pascal Terrasse. Il ne vous sera plus possible à ce moment-là d'affirmer comme il vous plaît de le faire si souvent : « Ce n'est pas nous, ce sont les autres. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    D'ailleurs, à ce stade, vous me permettrez de douter de votre volonté de trouver un point d'équilibre du régime vieillesse à l'horizon 2008. Ce n'est pas en allongeant la durée de cotisation des fonctionnaires, contrairement à ce que vous faites croire aux Français, que vous allez équilibrer les caisses du régime général.
    M. Patrick Roy. Oh non !
    M. Pascal Terrasse. En effet, il n'y a pas de fongibilité entre ce qui relève du budget de l'Etat et ce qui relève des comptes sociaux. Ayez le courage de le dire, au moins dans cet hémicycle !
    M. Lucien Degauchy. C'est vous qui manquez de courage !
    M. Pascal Terrasse. Au-delà des intentions et du doute quant à vos arrière-pensées, je voudrais insister un moment sur votre méthode.
    La détermination et le passage en force ne suffisent pas à faire une méthode. Le gouvernement précédent l'avait bien compris. C'est pour cette raison qu'il s'était engagé dans une démarche d'ouverture (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : ni « droit dans ses bottes », ni autiste à l'égard d'une rue qui, si elle ne gouverne pas, continuera à choisir celles et ceux qui siègent dans cet hémicycle !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pourquoi les Français ont-ils voté pour nous alors ?
    M. Pascal Terrasse. Que disait le précédent gouvernement ? « Pour saisir la question de l'équilibre des régimes de retraite, il faut la replacer dans la durée. Il serait illusoire de penser la résoudre aujourd'hui pour 2040 », rappelait le Premier ministre Lionel Jospin.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est pour cela qu'il n'a rien fait !
    M. Pierre Lang. Courage, fuyons !
    M. Pascal Terrasse. Il ajoutait : « La question des retraites doit se gérer par un pilotage qui soit adapté en permanence aux réalités démographiques, sociologiques ou économiques du pays. »
    M. Claude Goasguen. Ce qui revient à ne rien faire !
    M. Pascal Terrasse. Et il terminait son allocution ainsi - cela vous intéressera certainement, mes chers collègues : « Le Gouvernement n'entend pas imposer une solution. La concertation doit être de règle. Je souhaite donc qu'une négociation s'engage avec les organisations syndicales. » Voilà ce que disait Lionel Jospin, pour l'essentiel, dans son discours du 20 mars 2000. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Lucien Degauchy. Et vous n'avez rien foutu !
    M. Pascal Terrasse. Voilà pour l'essentiel le coeur de nos profondes divergences.
    Votre méthode n'a pas à nous surprendre. Finalement, 2003 n'est guère différent de 1995.
    Mme Martine David. Droit dans ses bottes !
    M. Pascal Terrasse. Un semblant de concertation, immédiatement suivi d'un rythme au pas de charge pour un passage à la hussarde. Voilà, à peu de chose près, votre réforme et votre méthode résumées.
    Les organisations syndicales ne s'y trompent d'ailleurs pas, puisque leurs réactions sont finalement très proches de celles manifestées en 1995. En revanche, que disaient-elles en 2000 au moment de l'allocution du Premier ministre ? Permettez-moi de vous rappeler quelques dépêches d'AFP.
    Pour la CGT, la priorité est dans une réforme du mode de financement de la protection sociale à partir de l'entreprise, en assujettissant « toutes les composantes de la rémunération aux prélèvements sociaux », en créant « une cotisation sur les revenus financiers des entrepreneurs » et en modifiant « le mode de calcul de la contribution patronale de manière à élargir l'assiette du financement ».
    M. Jean-Claude Decagny. On ne comprend rien !
    M. Pascal Terrasse. FO délarait qu'« elle ne saurait participer à une négociation qui a pour objectif une quelconque remise en cause du code des pensions ».
    Enfin, pour la CFDT, Nicole Notat indiquait que « l'allongement des cotisations, tout comme la modification des taux de cotisation, ne sont pas des tabous pour la CFDT » ; et de rajouter : « Nous sommes un peu perplexes sur les chances de réussite de cette réforme pour les fonctionnaires », car « le fait de renvoyer à la négociation ne laisse pas augurer d'une réussite tout à fait assurée. » Quel aveu !
    Je n'épiloguerai pas sur les positions du patronat. Vous connaissez mieux que moi son programme qui se résume à un allongement de la durée de cotisation à 180 annuités ! Personne n'aura d'ailleurs manqué de constater son silence assourdissant à l'heure actuelle. On aurait du mal à l'assimiler à de la déception.
    M. Christian Vanneste. Ce n'est pas la question ! Aucun rapport !
    M. Pascal Terrasse. Au contraire ! Votre partenaire principal semble, pour une fois, avoir compris l'intérêt de la discrétion, afin de soutenir votre projet.
    M. Christian Vanneste. Le seul débat a lieu au Parlement !
    M. Pascal Terrasse. Voilà en effet la grande différence qui nous oppose, et que nous ne manquerons pas de vous rappeler tout au long du débat.
    Vous avez rompu unilatéralement le dialogue social, avec six des plus importants syndicats de salariés. Vous avez préféré vous appuyer sur les seules propositions du MEDEF qui, en effet, a de quoi être pleinement satisfait de vos orientations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. Ce projet représente à nos yeux un virage à 180 degrés, une rupture manifeste avec l'histoire des politiques sociales telles qu'elles se sont construites depuis l'après-guerre. En effet, durant près de cinquante ans, les régimes de retraite des secteurs publics ont servi de référence à celui du secteur privé. Toutes les réformes opérées entre 1945 et 1993, date de la réforme Balladur, ont consisté à aligner progressivement le régime général sur les garanties offertes par le secteur public. L'inversement de cette tendance, à partir de 1993, constitue de ce point de vue une rupture majeure avec le passé - que vous confirmez d'ailleurs aujourd'hui !
    Tourner le dos à près de cinquante ans de progrès social et se payer le luxe de snober le dialogue et la concertation, voilà un excès de confiance et une nouvelle forme d'expérimentation hasardeuse, à l'issue incertaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bruno Le Roux. Quel mépris !
    M. Pascal Terrasse. La voie de la négociation continue à nous apparaître comme la seule possibilité de garantir des conditions de liquidation des droits à la retraite dans tous les régimes, qui soient partagées par le plus grand nombre.
    Votre méthode porte en elle une terrible négligence à l'égard de la France qui travaille. Ainsi, allonger de manière inconsidérée la durée de cotisation, sans tenir compte à la fois des spécificités de certains métiers, des évolutions des conditions de travail, des conséquences prévisibles sur la santé et de l'aptitude à l'exercice de certaines activités à partir d'un certain âge, c'est méconnaître le monde du travail et lui accorder bien peu de considération.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est vrai !
    M. Pascal Terrasse. Comment pouvez-vous aborder la réforme des retraites sans évoquer l'usure prématurée de certaines catégories de travailleurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, ce sont souvent ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt qui perçoivent les pensions de retraite les plus modestes et qui, malheureusement, en profitent le moins longtemps ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Christian Vanneste. C'est nous qui avons proposé d'améliorer leur situation, pas vous !
    M. Pascal Terrasse. La pénibilité physique ou psychologique, qui résulte de conditions de travail particulières (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
    Mme Martine David. Ne vous laissez pas interrompre !
    M. Pascal Terrasse. ... le travail à la chaîne sous contrainte de rendement, le travail de nuit et posté, l'exposition aux bruits, à la poussière, aux toxines, à l'humidité (Vives exclamations sur les mêmes bancs) génèrent des risques graves pour la santé, et, par voie de conséquence, sur la durée de vie de certaines catégories sociales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Rien, dans votre projet, ne paraît tenir compte de cette terrible réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Du chantier au cimetière : voilà, pour de nombreux salariés, la logique sous-jacente de votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lucien Degauchy. Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas !
    M. Pascal Terrasse. Pour une période couvrant les années 1992 et 1997, entre un ouvrier et son directeur, les études de l'INSEE montrent une différence d'espérance de vie à trente-cinq ans qui s'établit à six ans et demi.
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. Les risques de décès entre trente-cinq ans et soixante-cinq ans sont deux fois plus importants en fonction des postes occupés (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Christian Vanneste. C'est pour cela qu'il faut prévoir leur retraite avant soixante ans ; ce que vous n'avez pas fait !
    M. Pascal Terrasse. ... tant dans le secteur public que dans le secteur privé. On retrouve cette même analyse après soixante ans, où la durée de vie passée à la retraite est très nettement inférieure suivant les emplois occupés tout au long de la vie. Demandez, monsieur le rapporteur, à un agent de la DDE de Haute-Savoie ce qu'il pense d'un départ à la retraite à soixante-trois ans, alors qu'il effectue des déneigements la nuit...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ah, c'est dur, en Haute-Savoie, il y a de la neige !
    M. Pascal Terrasse. ... et le week-end dans le froid et les intempéries ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, puis-je répondre à M. Terrasse ?
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le rapporteur, il faudra leur expliquer que votre volonté est de les amener à la retraite à soixante-cinq ans ou à soixante-sept ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En Haute-Savoie, ils sont décentralisés depuis six ans déjà, et ils sont très contents !
    M. Pascal Terrasse. Pour ce qui nous concerne, à l'instar de ce qui est possible pour les militaires et les fonctionnaires de police, nous pensons qu'il serait judicieux de renvoyer à la négociation (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) par fonction publique et par branche professionnelle du secteur privé, la possibilité de bénéficier de bonifications trimestrielles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous offrez cette seule possibilité à hauteur d'une année par période décennale alors que, pour les militaires, la bonification est d'un an tous les cinq ans. Y aurait-il deux catégories d'emplois pénibles ?
    Lorsque l'on connaît l'exercice difficile des personnels soignants, on peut en douter ! Et les autres, les enseignants dans les zones sensibles, en classe unique, les ouvriers de catégorie C, les chauffeurs de poids lourds ou de bus, à ceux-là, que dites-vous ? Vous ne leur dites rien.
    M. Lucien Degauchy. Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas.
    M. Pascal Terrasse. Eh bien, nous, nous pensons que la négociation était possible. La notion de pénibilité n'apparaît qu'une seule fois dans votre texte pour être renvoyée à d'hypothétiques discussions. Cette lacune traduit la nature profondément inégalitaire de votre projet. Plutôt qu'un véritable débat avec les organisations syndicales, vous avez préféré la fuite, en fermant la porte au dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est loin le temps des beaux discours sur l'esprit de mai !
    M. Lucien Degauchy. Qui a écrit son texte ?
    M. Pascal Terrasse. Jamais, depuis 1995, la France n'a été aussi mobilisée par des mouvements sociaux ! Ne vous y trompez pas : il y a ceux qui manifestent, mais il y a aussi toutes celles et ceux qui, dans le secteur privé, sont contraints à la discrétion...
    M. Jean Dionis du Séjour. Mais non !
    M. Pascal Terrasse. ... mais soutiennent néanmoins la grogne de la rue. Faut-il vous rappeler que, si 83 % des Français jugent utile une réforme des retraites, 64 % jugent inégalitaire et injuste celle que vous leur proposez ! (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. C'est parce qu'ils ne la connaissent pas.
    M. Pascal Terrasse. Alors que les socialistes sont à l'origine de la retraite à soixante ans et que, déjà à cette époque, vous refusiez de voter pour cette grande réforme sociale, vous essayez de faire croire à l'opinion que le précédent gouvernement aurait eu une attitude similaire à la vôtre. (« Il n'a rien fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est bien mal connaître les députés socialistes, leur histoire et leur attachement à des valeurs qu'ils défendront ici, pied à pied !
    Pour vous en persuader, je vous renvoie à la page 15 du discours de Lionel Jospin qui n'estime « pas nécessaire d'envisager, pour les assurés du régime général, un allongement supplémentaire de la durée de cotisation ». En tous points, nous marquerons notre différence, qu'il s'agisse de l'allongement, de la baisse des prestations ou de la méthode choisie.
    M. Yves Nicolin. C'est pour cela que vous avez perdu les élections !
    M. Yves Bur. Les Français n'aiment pas les autruche !
    M. Pascal Terrasse. Assumez vos choix. Ce sont les vôtres !
    Vous voulez la baisse des pensions et l'allongement de la durée de cotisation ? Nous vous opposons un autre choix de société, fondé sur une meilleure répartition des richesses produites (Ah ! sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) et la garantie d'un haut niveau de pension. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous savez qu'en dégradant à court et moyen terme le niveau des pensions, vous allez imposer des fonds de pension que nous avons rejetés sans hésitation en abrogeant la loi Thomas.
    C'est ainsi que votre projet se résume en une pièce en trois actes.
    Acte 1 : vous réduisez le montant des retraites. (« Faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Acte 2 : vous imposez les fonds de pension comme seule alternative. (« Faux ! » sur les mêmes bancs.) Acte 3 : vous sacrifiez définitivement les retraites par répartition. (« Faux ! » sur les mêmes bancs.) Assumez donc, ici encore, vos choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Vergnier. La vérité fait mal !
    M. Pascal Terrasse. La loi accorde une place de choix à l'épargne retraite, que son cadre soit purement individuel ou celui de l'entreprise. Comme pour la loi Thomas, directement inspirée des fonds de pension anglo-saxons, nous vous redisons que ce n'est pas en accordant des avantages fiscaux importants à ceux qui peuvent le plus facilement épargner que vous allez résoudre le problème des petites pensions.
    Au contraire, le caractère gravement inégalitaire d'un tel dispositif, quel que soit le mécanisme d'épargne retenu, ne pourra que contribuer à dégrader les ressources des plus modestes.
    J'ajouterai que vous n'avez en aucune manière approfondi la réflexion que nous avions entamée avec la création du plan d'épargne interentreprises. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous vous contentez d'avoir recours à cet outil, mais sera-t-il suffisant pour combler une inégalité supplémentaire face à la retraite ? Car, vous le savez bien, une très grande entreprise - elles ne sont pas nombreuses, et elles emploient de moins en moins de monde - a certainement une politique d'abondement plus intéressante que l'énorme majorité des PME-TPE dans notre pays. Car elle en a les moyens et elle sait que son image est en jeu. Cette fracture dans les conditions offertes aux salariés selon la taille de l'entreprise dans laquelle ils travaillent, vous faites mine ici de l'ignorer...
    M. Lucien Degauchy. Vous nous fatiguez !
    M. Pascal Terrasse. ... en proposant à tous les mêmes conditions d'exonérations fiscales et sociales. Dans ce cadre, un traitement identique, non négocié, n'est pas toujours un gage d'égalité ! (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Claude Goasguen. N'importe quoi !
    M. Pascal Terrasse. Là encore, votre but est d'affaiblir à très court terme les régimes de base et, surtout, les caisses de retraites complémentaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La capitalisation, c'est la voie ouverte au siphonage...
    M. Yves Bur. Pour le siphonage, vous êtes très bon !
    M. Pascal Terrasse. ... du régime par répartition au moyen des exonérations de cotisations sociales. Que vous le vouliez ou pas, c'est la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Là où l'épargne salariale est utile, l'épargne retraite n'est qu'un pis-aller.
    La France est le pays européen où l'épargne des familles est la plus importante. Ne vous en déplaise, plus de 15 % du PNB est aujourd'hui placé dans des véhicules d'épargne peu productifs. Que l'on pose le problème de la réorientation de l'épargne des ménages, pourquoi pas ?
    M. Michel Vergnier. C'est pour ça qu'ils ont allégé l'impôt sur la fortune !
    M. Pascal Terrasse. Que cette épargne soit plus active, et profite à l'économie, pourquoi pas ? Mais ici, il s'agit de revenir sur le dispositif Fabius visant à créer une épargne retraite avec sortie en rente viagère, que les socialistes avaient alors refusé. J'avais, d'ailleurs, personnellement, alors que j'étais rappporteur, déposé un amendement dans ce sens.
    M. Claude Goasguen. Personne ne s'en souvient !
    M. Pascal Terrasse. Vous savez, on pourra en reparler dans quelques années. Moi, je suis encore là...
    Nous avions également introduit un dispositif fiscal à caractère social visant à financer, sous forme de ressources non contributives, le fonds de réserve des retraites.
    Votre projet est très loin de ces orientations. D'ailleurs, vous ne dites rien des pertes de recettes qu'il représente pour l'Etat. Les exonérations que vous voulez accorder à ceux qui en auront les moyens...
    M. Pierre Méhaignerie. C'est pitoyable !
    M. Pascal Terrasse. ... vont se traduire par une perte de ressources considérable pour les comptes publics. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais j'oublie que les déficits publics ne sont pas votre préoccupation majeure. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Permettez-moi tout de même de rappeler ici que la Commission européenne vient de vous adresser un sérieux rappel à l'ordre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Dans ce contexte, peut-être allez-vous exposer à la nation quelles sont les motivations de ce cadeau fiscal.
    Sur cette question, vous pouvez, évidemment, comme d'habitude, évoquer la PREFON, dont disposent moins de 2 500 fonctionnaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. 250 000 ! Décidément, les socialistes ne savent pas compter !
    M. Pascal Terrasse. Ces adhérents à la PREFON sont très souvent de hauts fonctionnaires, qui voient dans ce dispositif un moyen de compenser la perte de leurs revenus, en raison de l'importance des primes qu'ils perçoivent et dont il n'est pas tenu compte dans le calcul de leurs droits à pension. Ce n'est pas la secrétaire administrative du ministère des affaires sociales qui a les moyens de cotiser à la PREFON !
    Demandez d'ailleurs aux fonctionnaires de l'Education nationale ce qu'ils pensent du CREF, ou encore à certains des élus locaux qui se sont laissé tenter par ce type d'épargne !
    Les pertes enregistrées par les actions au cours des 18 derniers mois, malgré les mesures de sécurisation obligatoires, devraient vous servir de leçon. Vous affichez, là encore, une confiance aveugle, mais il nous semble irresponsable de proposer aux Français de jouer leurs retraites et leurs emplois à la Bourse !
    Nous sommes résolument opposés à toute forme d'épargne retraite !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Fabius ?
    M. Pascal Terrasse. Demandez à l'Etat britannique, qui a été obligé de rembourser les fonds Maxwell aux adhérents spoliés par la déroute financière. Demandez aux Chiliens, qui ont fait, eux aussi, les frais d'une telle politique, et aux salariés d'Enron, qui ont perdu leur retraite, leur travail, leur salaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi vouloir introduire de la capitalisation dans un pays qui ne demande qu'à voir réorienter le montant de son épargne ?
    L'épargne non productive pèse sur la croissance. Elle est le signe d'une inquiétude pour l'avenir que votre projet de réforme des retraites ne fera qu'accentuer. Pour que cette épargne serve à la croissance, il faut rassurer les Français. Or vos positions idéologiques ne servent, en vérité, que les organismes financiers, au détriment de la croissance et de l'emploi.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous y voilà !
    M. Pascal Terrasse. Là encore, nos points de vue divergent, et vous ne pouvez nier qu'en abrogeant la loi Thomas, en rendant plus lisible la participation et l'intéressement, en taxant mieux les stock-options, en refusant l'épargne retraite individuelle, les socialistes n'ont absolument pas la même vision que vous de la société ! (« Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Lucien Degauchy. N'importe quoi !
    M. Pascal Terrasse. Les orientations que je vais à présent vous présenter sont en rupture avec votre projet,...
    M. Guy Drut. Il est temps d'y arriver !
    M. Pascal Terrasse. ... dont l'ambition se résume à réduire avant tout le montant des pensions et à allonger la durée des cotisations, alors même que le mouvement social s'étoffe chaque jour pour exiger le retour d'une justice sociale qu'ils craignent de voir reculer avec vos projets.
    M. Edouard Landrain. Ce n'est pas vrai !
    M. Pascal Terrasse. Nous proposons de revenir sur la réforme Balladur pour en corriger les effets néfastes qui pèsent sur les salariés du secteur privé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Heureusement qu'on l'a faite, la réforme Balladur. Sinon, les comptes seraient dans le rouge !
    M. Pascal Terrasse. Les dispositions de la réformeBalladur sont aujourd'hui en place. Pour autant, le processus n'est pas encore achevé.
    Si on laisse ce processus aller à son terme, alors la dégradation des pensions de retraite des salariés atteindra 20 à 30 % d'ici à 2008.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pourquoi n'avez-vous pas supprimé cette réforme ?
    M. Pascal Terrasse. Je voudrais ici vous rappeler quelques exemples très précis, à partir des données du COR. La réforme Balladur, complétée de vos mesures, c'est la double peine pour les retraités et les salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Un fonctionnaire qui perçoit 1 400 euros de rémunération nette, partant à la retraite à soixante ans avec 37,5 annuités, touchera une pension de plus en plus basse selon son année de départ.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai, s'il refuse l'allongement !
    M. Pascal Terrasse. En 2003 : 1 120 euros ; en 2008 : 982 euros ; en 2020 : 817 euros, décote et nouvelle indexation comprises.
    Une femme fonctionnaire, toujours avec 1 400 euros de rémunération nette, mais avec trente-deux annuités à soixante ans, ce qui est le cas d'une femme fonctionnaire sur deux, verra s'établir le montant de sa pension de la manière suivante : en 2003 : 956 euros, en 2008 : 692 euros...
    M. Michel Delebarre. Scandaleux !
    M. Pascal Terrasse. ... en 2020 : 470 euros, décote comprise.
    Un salarié du privé, avec 1 400 euros net de rémunération par mois, partant à la retraite à soixante ans, touchera selon son année de départ et son nombre d'annuités de cotisation, pour quarante années de cotisation : en 2003 : 1 148 euros ; en 2008 : 1 106 euros ; en 2020 : 743 euros, décote comprise.
    M. Yves Nicolin. N'importe quoi !
    M. Pascal Terrasse. Une femme avec trente-deux annuités et un salaire de 1 400 euros touchera : en 2003 : 581 euros ; en 2008 : 525 euros ; en 2020 : 482 euros. Les femmes représentent 56 % des retraités (« Le projet ! » - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous allons travailler pendant plusieurs jours, nous avons tout le temps. Laissez parler l'orateur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quel terrassement !
    M. Pascal Terrasse. Nous allons passer l'été ensemble : nous avons le temps !
    M. le président. Il ne sert à rien de s'énerver !
    Monsieur Terrasse, vous avez seul la parole ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Pascal Terrasse. Ils sont énervés. Surtout quand on dit la vérité... Peut-être d'ailleurs que les Français auraient aimé qu'on leur donne ces exemples.
    Les femmes représentent donc 56 % des retraités et 45 % d'entre elles ont acquis moins de cent trimestres pour le calcul de leur retraite.
    Souvent interrompues dans leur carrière pour raisons familiales, elles seront les premières touchées par votre réforme.
    Ce n'est d'ailleurs pas la dernière conférence de la famille qui va nous inciter à croire que vous menez une politique familiale ambitieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agit d'une politique en trompe l'oeil, dont l'affichage médiatique va s'effacer pour laisser place à la réalité subie par toutes les familles.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout à fait !
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est d'ailleurs pas la présidente de la CNAF qui viendra vous rappeler le véritable hodp-up que vous avez opéré sur la branche famille...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parlez-nous plutôt du hold-up opéré sur le FOREC pour financer les 35 heures !
    M. Pascal Terrasse. ... avec l'augmentation des prélèvements et le siphonage des excédents à hauteur de 1,8 milliard d'euros, soit une augementation de 100 % par rapport à l'année 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Promis, juré, nous dites-vous, on ne le fera plus : ce sera la dernière année. Malheureusement, je crains que le déficit structurel du FSV,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est à cause des 35 heures non financées !
    M. Pascal Terrasse ... en raison notamment de la forte augmentation du chômage, comme le constate d'ailleurs à très juste titre dans son rapport Denis Jacquat, ne vienne vous rappeler la dure réalité de vos choix politiques et de leurs conséquences.
    Contrairement à vos affirmations, monsieur Accoyer, ce ne sont pas les 35 heures qui ont affaibli le FSV. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), mais le manque de ressources lié à la médiocrité de votre politique de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Alors que la conférence de la famillle aurait été l'occasion de poser les fondations d'une politique forte et ambitieuse à l'égard des familles, vous préférez l'illusion. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez d'ores et déjà décidé de revenir sur certains avantages familiaux, au motif fallacieux de la nécessaire harmonisation européenne. Votre seul but réel est de limiter le coût de cette harmonisation...
    M. François Calvet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Dites la vérité sur le FOREC.
    M. Pascal Terrasse. ... tout en refusant de chercher les moyens de tenir compte de la réalité des différences de carrière entre les femmes et les hommes. Grâce au congé paternité voté par la gauche, le bénéfice de la bonification sera aussi étendu aux hommes. On s'en réjouit, mais cela cache les possibilités offertes aux femmes de partir après quinze ans de carrière. Cela est-il de nature à favoriser une politique familiale active ? J'en doute.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Pascal Terrasse. Et pourtant, l'amélioration du sort des futurs retraités est possible, de même qu'il est possible et souhaitable de donner des signes clairs à celles et ceux qui ont déjà tourné la page de la vie active.
    De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Le projet ! Le projet !
    M. Pascal Terrasse. Nous proposons par exemple que la revalorisation des pensions soit calculée sur la base d'un objectif national qui garantisse une évolution du pouvoir d'achat des retraites.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Pascal Terrasse. A l'instar de la conférence annuelle sur les salaires, nous proposons la création d'une conférence annuelle des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et une conférence de plus !
    M. Pascal Terrasse. ... dans laquelle siégeraient, outre les représentants des salariés, des représentants des retraités.
    Le paramètre de calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années ne sera effectif qu'en 2008. Nous proposons que soient ouvertes de nouvelles négociations sur ce point. (« Et gnagnagna et gnagnagna ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Nicolin. Le soufflé retombe, monsieur Terrasse !
    M. Pascal Terrasse. Cela est d'autant plus souhaitable que, s'agissant des fonctionnaires, vous avez finalement choisi de calculer la retraite sur les six derniers mois contre trois ans dans votre projet initial. Ce serait une insulte au principe d'équité que vous prônez que de laisser les fonctionnaires à six mois et les salariés du privé à vingt-cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Nous attendons de vous un signe à l'égard des salariés du privé.
    Cette attente relève d'une demande forte. Vous avez fait marche arrière pour le secteur public, en raison notamment des exigences de la rue.
    M. Nicolas Forissier. Démagogie !
    M. Pascal Terrasse. Quand allez-vous aussi porter attention aux salariés du privé ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est vrai qu'en choisissant de faire passer les décrets Balladur une fois les Françaises et les Français partis en vacances vous aviez clairement choisi d'éviter à tout prix d'avoir à les entendre.
    M. Lucien Degauchy. Appelez le SAMU !
    M. Pascal Terrasse. Depuis vingt-cinq ans s'est développée en France une coalition d'intérêts entre les entreprises et les salariés pour reporter sur la collectivité le coût financier d'un départ anticipé en retraite dès 55 ans, voire parfois 50 ans.
    Pour les salariés, les raison sont évidentes : partir en préretraite, c'est d'abord en finir avec les craintes du chômage, et, surtout, d'un chômage dont on pense qu'à cet âge il ne sera pas facile de sortir. C'est en même temps s'assurer un niveau de revenus souvent jugé suffisant à une période de la vie où les besoins diminuent avec l'accession des enfants à l'autonomie financière. Tous les sondages, et plus encore les études de la DREES, font état d'une aspiration commune à quitter la vie professionnelle plusieurs années avant 60 ans lorsque l'entrée dans la vie active s'est faite trop tôt.
    Dans ces conditions, nous considérons que deux réformes s'imposent. Tout d'abord, celle qui permettrait aux salariés qui ont une durée de cotisation suffisante, soit 40 annuités, de partir en retraite avant 60 ans, c'est-à-dire, généralement, dès 56 ans, contre 58 ans dans votre projet. Ensuite, et de façon tout aussi primordiale, nous considérons qu'il faut rendre plus accessible le marché du travail aux actifs qualifiés de plus de 50 ans.
    M. Lucien Degauchy. Ça suffit ! Nous en avons assez entendu !
    M. Pascal Terrasse. Pour cela, il est nécessaire d'améliorer les dispositifs incitant à conserver dans l'entreprise les salariés âgés. Il ne suffit pas de l'affirmer dans la loi, surtout quand votre principal partenaire, pour lequel le mot « social » est largement usurpé - je songe au MEDEF -, vous souffle des amendements qui permettraient aux entrepreneurs de conserver le plus longtemps possible le droit de se débarrasser des salariés âgés sans pénalité. Votre proposition tendant à exonérer de la contribution Delalande les salariés employés à partir de 45 ans visait déjà les protections dont bénéficient ces salariés...
    M. Lucien Degauchy. En avez-vous encore pour longtemps, monsieur Terrasse ?
    M. Pascal Terrasse. J'ai cent pages à lire et j'en suis à la cinquantième ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Laissez parler l'orateur ! Il en est à un peu plus de la moitié de son temps de parole. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, vous êtes allé plus loin en commission, quand certains de vos collègues ont ouvertement proposé de conserver le droit au licenciement à 60 ans, mesure qui est en total décalage avec la prétendue nécessité d'allonger les carrières. Je crains, eu égard à la nécessité de donner des gages à votre allié patronal, que nous n'ayons l'occasion de voir réapparaître cet amendement en séance...
    Il en va de même quand des mesures prises par l'Etat employeur, par exemple, sont radicalement contraires à ce principe. Ne pensez-vous pas que les salariés de GIAT ou de la Banque de France, notamment les plus précaires d'entre eux - car tous n'étaient pas titulaires -, auraient voulu travailler jusqu'au terme de leur contrat ? Ils seront les premiers à subir les effets de la décote que vous leur imposez. Et si on ajoute à cela la suppression du congé de fin d'activité, c'est bien le chômage que vous leur offrez comme seule perspective !
    Si l'on veut agir sur l'emploi, encore faut-il s'appuyer sur des leviers pertinents : l'éducation, la formation, une ambition pour la recherche, une politique forte qui permette aux plus précaires de retrouver l'espoir. Malheureusement, votre démarche fragmentaire, dénuée de stratégie globale pour relever le défi de l'emploi, laisse peu d'espoir à ces perspectives. Les plans sociaux qui se multiplient en sont d'ailleurs le plus dramatique témoignage : pas un mois ne s'écoule sans son lot de plans sociaux et de drames humains qui les accompagnent !
    M. Michel Delebarre. C'est vrai !
    M. Pascal Terrasse. Tous les leviers qui pouvaient favoriser l'emploi ont été mis en sommeil. Les gels de crédits en sont l'exemple le plus criant. Comment envisager de mieux former tout au long de la vie les salariés quand la casse du service de l'éducation nationale est programmée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Que dire de l'inquiétude des agents de l'AFPA qui voient dans la décentralisation un moyen d'affaiblir leur champ d'intervention ? Sans compter toutes les associations qui interviennent dans le champ de l'insertion et dont les crédits cette année sont divisés par deux ? Que dire des crédits de la recherche qui sont en chute libre ?
    M. Yves Bur. Venez-en au fait !
    M. Pascal Terrasse. Voilà dans quel contexte s'inscrit votre démarche. Nous aimerions souscrire à vos belles intentions de promouvoir un modèle partagé par tous. Malheureusement, les faits sont là, et bien là, pour nous prouver l'inaction de votre gouvernement en matière d'emploi. Les salariés doutent et le moral des ménages est en berne !
    M. Yves Bur. N'importe quoi ! Les Français ne vous entendent pas !
    M. Pascal Terrasse. Venons-en à présent au minimum contributif qui a été créé par Pierre Mauroy en 1983.
    M. Yves Nicolin. C'est la préhistoire !
    M. Pascal Terrasse. C'est encore l'une des avancées majeures obtenues par la gauche. Vous nous laissez aujourd'hui entendre que votre projet de loi va améliorer la dégradation des basses retraites résultant des mesures Balladur. A sa création, le minimum contributif visait à garantir aux assurés du régime général à bas salaire une pension égale à 95 % du SMIC net avec une retraite complémentaire. Du seul fait de l'indexation sur les prix des salaires portés au compte selon la volonté de vos amis politiques, le minimum contributif a décroché par rapport au SMIC.
    Votre texte propose de le porter à 85 % du SMIC seulement en 2008.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est un scandale !
    M. Yves Bur. Vous ne l'avez pas fait, vous !
    M. Pascal Terrasse. Où est le gain pour les salariés ? Il s'agit ici, et cela mérite d'être rappelé, des salariés modestes ayant effectué une carrière complète. Au cours de l'année 2000, 40 % des retraites nouvellement attribuées l'ont été au niveau du minimum contributif. Les trois quarts concernaient des femmes. C'est dire si cette question est majeure, d'autant qu'il ne s'agit pas d'un simple filet de sécurité mais bien de conditions de vie durables.
    L'amélioration par rapport au niveau actuel, qui est estimé à 83 %, est largement en trompe l'oeil puisque ce taux est aujourd'hui accordé sur la base de 150 trimestres. Les 85 % de votre projet nécessitent 160 trimestres. De plus, les périodes dites « non contributives » - années supplémentaires pour enfant par exemple - seront exclues de ce décompte. Une fois de plus, ce sont les femmes qui en feront largement les frais, comme si leur situation le leur permettait !
    Et que dire de l'indexation de ce dispositif dont rien ne nous garantit qu'elle se fera sur la base du SMIC ? Indexé sur les prix, par exemple, le minimum contributif s'établira à 72 % du SMIC en 2010.
    Pour les socialistes, le minimum contributif doit revenir à sa situation initiale. Il s'agit là d'un principe de justice sociale pour celles et ceux qui ont travaillé dur. Il faut que les revenus tirés du travail ne se retrouvent pas au-dessous des minima sociaux et en particulier du minimum vieillesse.
    Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
    M. Pascal Terrasse. Si le flou se limitait seulement à cette question, croyez bien que votre projet aurait mon indulgence. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Nicolin. On n'a pas besoin de votre indulgence !
    M. Pascal Terrasse. Mais tel n'est pas le cas, notamment quand on se penche sur les conditions de ressources retenues pour le calcul des pensions de réversion.
    Pour le conjoint survivant, il est indispensable de porter à un niveau plus favorable les règles de cumul entre droit personnel et pension de réversion. Il me semble d'ailleurs qu'il s'agit là d'une promesse du candidat Chirac à la Présidence de la République. Vous l'avez manifestement oublié.
    En effet, rien ne figure sur l'évolution du taux de réversion, qui est de 54 %. En réalité, avec les associations de conjoints survivants, nous pensions par mesure de justice sociale que ce taux pourrait évoluer dans la durée pour atteindre 60 %.
    M. Yves Nicolin. Il fallait le faire avant !
    M. Pascal Terrasse. Malgré la suppression des conditions d'âge et de durée de remariage, la limitation des seuils de ressources introduite par le texte de loi va limiter la portée de ce dispositif. Décidément, le diable se cache dans les détails !
    L'assurance veuvage est abrogée, et rien n'indique que la pension en assurera le relais complet, en particulier pour les jeunes ménages, en raison de la décote que vous leur imposez.
    M. Bernard Roman. Bien sûr !
    M. Pascal Terrasse. La majoration forfaitaire par enfant de moins de vingt ans perd son caractère forfaitaire. Elle évoluera comme les pensions.
    La majoration pour conjoint à charge est supprimée. Les familles qui en bénéficient seront heureuses de l'apprendre en 2004. Il faudra le leur expliquer !
    Enfin, en ce qui concerne le calcul des périodes non travaillées, là aussi, il est « urgent d'attendre » pour en savoir plus.
    Votre texte aurait pu, comme nous y invitait Lionel Jospin, ouvrir le chantier du passage progressif de l'activité à la retraite. Il ne le fait pas, pas plus qu'il n'aborde la réflexion, pourtant incontournable, sur les périodes d'inactivité subies ou encouragées, s'agissant notamment des mères au foyer. A cet égard, l'article 32 de la loi constitue un recul considérable. Il va pénaliser les femmes dont les enfants seront nés après le 1er janvier prochain. Malgré la possibilité de validation des périodes de congé parental introduite dans l'article 29, la validation d'années pleines pour les temps partiels est une autre inconnue de votre texte.
    Permettez-moi alors de réaffirmer la nécessité de valider des périodes d'inactivité, notamment pour les jeunes en formation professionnelle en alternance, les stagiaires en conversion, celles et ceux qui sont en incapacité de travail pour cause de longue maladie, d'invalidité, d'accident professionnel. Ce ne sont pas des propositions de rachat de cotisations à un coût prohibitif - en moyenne 7 000 euros - qui vont permettre une quelconque compensation. Qui, en dehors de ceux ayant accompli leurs études dans les grandes écoles - et que vous avez d'ailleurs bien pris soin de viser explicitement -, pourra bénéficier d'un tel dispositif ?
    En vérité, ce dispositif, du fait de votre décision de fixer l'âge par décret et des conditions actuarielles neutres, relève encore d'un effet de manche : sa portée sera de fait extrêmement limitée et il ne concernera que quelques centaines de personnes par an. Mes chers collègues, je vous l'annonce ici : la méthode du rachat de points, c'est le grand retour des rentiers.
    M. Bernard Roman. Oui ! Il faut le dire !
    M. Pascal Terrasse. La retraite à la carte n'a guère plus d'ambition. Elle s'inscrit dans le cadre d'une prétendue avancée sociale, alors qu'elle n'est rien d'autre qu'une mesure visant à autoriser le cumul emploi retraite.
    Mme Martine David. Ça c'est sûr ! On met déjà les gens en préretraite !
    M. Pascal Terrasse. En raison d'un taux de chômage important, il serait inacceptable de permettre aux bénéficiaires d'une retraite satisfaisante de venir occuper le marché du travail et générer ainsi un phénomène de dumping sur les salaires qui frappera de plein fouet les jeunes diplômés. Cette fois, en effet, vous n'éprouvez pas le besoin de vous interroger sur la différence de traitement entre le public et le privé. Pourtant, les dispositions proposées dans le code des pensions - possibilité d'un cumul intégral si l'employeur n'est pas l'employeur public d'origine mais un employeur privé - auraient pu inspirer certaines réflexions. Comme si le rallongement de la durée de cotisation ne suffisait pas, voilà maintenant que quelques retraités de la fonction publique pourront aller travailler à bas prix dans le secteur privé pour mettre du beurre dans les épinards. Il y avait le cumul des mandats. Vous allez instaurer le cumul des revenus.
    Mme Martine David. Le cumul des revenus pour les pauvres ! C'est scandaleux !
    M. Pascal Terrasse. Sans en dire plus, je vous invite à sonder la jeunesse sur la popularité d'un tel dispositif.
    Avant d'en revenir aux modalités financières, je voudrais poursuivre dans le registre des lacunes et des carences nombreuses de votre texte et faire référence aux personnes handicapées et à leur entourage. L'année européenne du handicap et votre volonté manifeste de réformer dès cette année la loi d'orientation en faveur des handicapés laissaient croire, en effet, que l'on allait se pencher sur le sort de ces personnes et de leur entourage.
    En raison des difficultés qui frappent encore plus durement les tavailleurs handicapés sur le marché du travail, victimes d'une exclusion quasi systématique à un âge avancé, il eût été opportun de renforcer leurs droits, notamment en mettant en place une bonification d'annuité selon le taux de handicap. Ce type de mesure existe dans d'autres pays européens.
    L'entourage des personnes handicapées aurait également pu faire l'objet d'un examen attentif. Combien d'hommes et de femmes sont contraints d'interrompre leur activité professionnelle pour accompagner un parent, un enfant ou un époux, dépendant dans sa vie quotidienne ?
    Là aussi, la mise en place d'une validation des périodes aurait été la bienvenue ! Comment voulez-vous mieux assurer l'intégration des personnes handicapées si la famille n'est pas l'élément central dans le dispositif de prise en charge ? Là encore, vous préférez nous objecter des paramètres financiers, alors que c'est une réponse sociale forte qu'elles attendent.
    M. Yves Nicolin. Il fallait le faire !
    M. Pascal Terrasse. Les personnes handicapées bénéficient au même titre que les autres de l'allongement de la vie. Mais dans le même temps, à 45 ans ou à 50 ans, leur état physique ne leur permet plus nécessairement d'assurer convenablement leur mission. Il faut en tenir compte et ne pas les laisser dans de simples dispositifs d'assistance sociale à la seule charge des conseils généraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Très juste !
    M. Pascal Terrasse. Le groupe socialiste avait présenté des amendements en ce sens en commission. Mais ils ont été malheureusement rejetés au titre du l'article 40 de la Constitution.
    M. Alain Néri. On y reviendra !
    M. Pascal Terrasse. Au chapitre de la longue cohorte des catégories oubliées, je voudrais ici évoquer le titre IV dont deux chapitres et quelques articles portent sur les professions artisanales, industrielles et commerciales ainsi que sur le régime de base des professions libérales et des exploitants agricoles.
    La loi du 10 juillet 1982 - c'était encore sous un gouvernement de gauche - a institué le statut de conjoint collaborateur des artisans et des commerçants qui autorise les conjoints collaborateurs à acquérir des droits personnels à la retraite.
    En 1999 et en 2000, le gouvernement précédent a décidé de mensualiser les pensions des artisans et des commerçants, contrairement à ce que vous avez toujours refusé de faire. Nous nous étions engagés, quant à nous, lorsque nous avons mis en place la retraite complémentaire agricole, à mensualiser dès le 1er janvier 2004 les ressortissants du régime de la Mutuelle sociale agricole.
    M. Alain Néri. Ce ne serait que justice !
    M. Pascal Terrasse. J'ai cru comprendre qu'à présent le ministre des finances s'y opposait, pour une raison qui m'échappe. Sa volonté serait de reporter cette mesure au 1er janvier 2005, sans doute pour, finalement, ne jamais l'appliquer. Vous aurez tout loisir dans le débat de motiver cette reculade inadmissible.
    Quant à mon collègue Germinal Peiro, spécialiste des questions agricoles, il aura l'occasion de vous présenter une série d'amendements lors de l'examen des articles. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Seul l'article 56, relatif à l'évolution de la couverture vieillesse des caisses de l'ORGANIC, qui répond aux attentes de cette institution, pourrait nous permettre d'entrevoir un début de consensus dans votre texte. Vous noterez que, sur ce point, la négociation a porté ses fruits. Cet exemple aurait pu vous inspirer pour bien d'autres catégories socioprofessionnelles.
    Permettez-moi, à ce stade, d'en venir au financement de la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà une question qui paraît vous embarrasser. Pourquoi ? Tout simplement parce que votre projet ne permet pas de faire face aux besoins identifiés en 2020. D'abord, j'y reviens même si cela a déjà été largement commenté, parce que votre refus de mener une véritable politique pour l'emploi et votre échec patent sur le front du chômage vous éloignent déjà des perspectives tracées par le COR.
    Celui-ci a construit ses hypothèses sur un taux de chômage de 7 % dès 2005, qui continuerait ensuite à baisser pour atteindre 4,5 % à partir de 2010. On ne peut, comme vous le faites, accepter les chiffrages du COR sur les besoins de financement et oublier un élément fondamental qui permet de les calculer. Car l'enjeu est de taille : le COR a lui-même chiffré l'impact des variations affectant le taux de chômage. Je ne rappellerai que quelques chiffres : si le taux de chômage se stabilisait à 7 % en 2010 au lieu de 4,5 %, le besoin de financement serait creusé de 0,7 % point en 2040, soit la quasi-totalité des effets prévus de la réforme que vous nous présentez aujourd'hui...
    J'ajoute que vous êtes allé plus loin en estimant que les gains tirés de l'amélioration de la situation de l'emploi pourraient être affectés - en totalité, selon votre présentation - au financement des retraites. Une augmentation des cotisations vieillesse serait compensée par une baisse des cotisations chômage. C'est promettre au système de retraites un financement déjà convoité par beaucoup, parfois très légitimement. Ainsi, la baisse du chômage donnerait des marges de manoeuvre que les partenaires sociaux pourraient vouloir utiliser pour mieux traiter le chômage résiduel.
    M. René Couanau. Parlez-nous de votre projet !
    M. Pascal Terrasse. De même, et nous aurons l'occasion d'en discuter lors du débat sur l'assurance maladie, les besoins de financement de la branche maladie seront très importants et elle pourrait donc tout aussi légitimement réclamer une part des moyens dégagés au niveau de l'assurance chômage.
    M. Bernard Roman. Bien sûr !
    M. Pascal Terrasse. Plus globalement, la question du financement est évidemment, et c'est peu de le dire, l'un des points faibles de votre réforme. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Sauver la retraite par répartition aurait nécessité de présenter aux Français un projet permettant de faire face à l'ensemble des besoins de financement en 2020, voire en 2040, puisque le COR nous permet d'estimer les besoins jusqu'à cette date.
    Ce qui vous retient, monsieur le ministre, ce n'est pas l'ampleur des besoins, mais votre volonté d'exclure du débat l'un des trois leviers sur lesquels il serait possible de jouer. En effet, comme je l'ai démontré tout au long de mon intervention,...
    M. René Couanau. Vous n'avez rien démontré du tout !
    M. Pascal Terrasse. ... vous n'avez joué que sur la durée de cotisation et le niveau des pensions, dans un sens négatif dans les deux cas. Or il reste le niveau des cotisations et, plus généralement, l'ensemble des moyens financiers consacrés au système de retraites.
    M. Bernard Roman. Bien sûr !
    M. Pascal Terrasse. Malgré vos protestations de principe et l'augmentation de 0,2 point des cotisations vieillesse que vous avez concédée pour 2006, il est clair que vous avez refusé d'utiliser ce levier. Du reste, Denis Jacquat a eu l'honnêteté de le reconnaître, la semaine dernière, lors d'une réunion de la commission des affaires sociales. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le cite - ses propos figurent dans le rapport, mis à jour aujourd'hui : « Trois clés de modulation étaient envisageables : les cotisations, les prestations, les durées d'activité et d'assurance. »
    Mme Martine David. Il l'a dit !
    M. Pascal Terrasse. « C'est cette troisième variable qui a été retenue car elle est la plus à même de préserver un haut niveau de prestations. »
    M. Jérôme Lambert. Il n'a pas relu le rapport !
    M. Pascal Terrasse. Nous, socialistes, nous sommes prêts à expliquer aux Français qu'assurer la pérennité de notre système de retraites par répartition (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Jean-Claude Lenoir et M. Yves Nicolin. Qu'avez-vous fait en cinq ans ?
    M. Pascal Terrasse. ... exigera sans doute un effort financier, mais un effort qui doit être partagé par tous, et non réservé aux seuls salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Rappelons l'ampleur des enjeux, qui n'est en aucun cas négligeable. Les besoins identifiés par le COR seront de l'ordre de 1,8 à 2 points de PIB en 2020 si aucun ajustement de la réforme Balladur n'est décidé. Cette estimation est celle que vous retenez quand vous chiffrez les besoins à 43 milliards d'euros par an à l'horizon 2020. Si je reprends les chiffres que vous-même mettez en avant, vous considérez que votre réforme permettrait de couvrir 20 milliards d'euros grâce à l'allongement programmé de la durée de cotisation et à l'indexation des retraites sur l'évolution des prix.
    Vous estimez également que le montant des mesures que vous avez dû concéder est de l'ordre de 2,7 milliards d'euros, coût que vous assignez au relèvement du minimum contributif et aux nouvelles règles applicables aux pluri-pensionnés.
    Je soulignerai à cet égard que votre chiffrage du coût du relèvement du minimum contributif à 85 % du SMIC est à lui seul un triste présage quant aux perspectives de votre politique sociale. Nous avions exprimé nos craintes lors de la présentation de votre projet d'alignement des différents niveaux de SMIC qui prévoyait sa désindexation par rapport à la progression du pouvoir d'achat pour ne plus tenir compte que de l'évolution des prix. Il semblerait que nous ayons eu raison. Car soit votre chiffrage concernant le minimum contributif est largement sous-estimé à compter de 2008, soit vous envisagez de ne plus faire évoluer le SMIC qu'en fonction des prix. A mon sens, votre chiffrage constitue un aveu : vous n'envisagez pas de réindexer le SMIC sur une part du pouvoir d'achat de l'ensemble des salariés. Par conséquent, la progression du pouvoir d'achat du minimum contributif que vous promettez sera largement limitée à moyen terme.
    M. Bernard Roman. Et c'est grave !
    M. Yves Bur. Présentez votre projet, monsieur Terrasse !
    M. Pascal Terrasse. Mais restons-en à votre propre présentation, aussi fragile soit-elle. Vous admettez, dans le meilleur des cas, n'améliorer le besoin de financement que de 17 milliards en 2020, soit 0,8 point de PIB - tous ces chiffres proviennent de votre propre ministère, je ne pense pas que vous les contesterez.
    Je rappellerai à toutes fins utiles, puisque vous insistiez sur le fait qu'il n'y a pas d'autre politique possible, que ce chiffre représente l'équivalent de 1,5 point de CSG ou de 4 points de cotisations sociales déplafonnées...
    Impensable, me direz-vous ? C'est le raisonnement que vous nous avez tenu lors de votre audition par la commission des affaires sociales. Pourtant, les Français ne manqueront pas de noter que si vous refusez toute hausse des prélèvements aujourd'hui, préférant dégrader leur niveau de pension et augmenter leur durée d'activité, vous n'hésitez pas à envisager cette possibilité lorsqu'il s'agit, à plus long terme, d'assurer le bouclage d'une réforme dont vous savez qu'elle n'est pas financée.
    Que veut dire en effet le renvoi à 2008 d'une hausse de trois points des cotisations qui pourrait, si le chômage diminuait finalement, être gagée par une baisse des cotisations ? Vous reconnaissez ainsi implicitement la possibilité d'une hausse des prélèvements, mais remise à plus tard, si possible après les prochaines élections ! La ficelle est un peu grosse... Comment mettre en cohérence cette perspective et vos déclarations, notamment en commission, condamnant toute hausse des prélèvements obligatoires, exigeant même leur maintien au niveau actuel ?
    Surtout, votre refus d'augmenter les prélèvements doit être replacé dans le contexte global de la politique économique et fiscale que mène le Gouvernement. Vous insistez constamment sur l'urgence de la réforme et sur son caractère inéluctable. Si la nécessité de la réforme est indiscutable, dois-je vous rappeler, pour fixer les ordres de grandeur, que les deux points de PIB qu'il nous faut financer en 2020 représentent autant que la totalité des baisses d'impôt promises par Jacques Chirac durant les élections ? Ses promesses portaient pour moitié sur l'impôt sur le revenu. Certes, la perspective s'éloigne de plus en plus, mais personne sur vos bancs ne présentait comme irresponsable l'idée d'une baisse de l'impôt sur le revenu représentant plus d'un point de PIB actuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Ce qui est possible pour l'impôt sur le revenu ne l'est pas pour les retraites !
    M. Pascal Terrasse. Cessez donc d'écarter d'un revers de la main les propositions de l'opposition, qui songe à mobiliser les prélèvements au profit du système de retraite.
    Vous envisagiez de faire cette réforme tout en baissant les prélèvements. Nous considérons qu'il serait possible de ne pas les baisser tout en réussissant une réforme au profit de tous et non au détriment des seuls salariés.
    Comme l'a récemment souligné la Cour des comptes, vous n'avez pas hésité pour votre part à creuser les déficits de plus de 2,5 milliards d'euros en 2002 avec votre baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu.
    M. Patrick Roy. En un an seulement !
    M. Pascal Terrasse. Dans une période budgétaire particulièrement tendue, vous avez aggravé la dépense fiscale en diminuant de 500 millions d'euros l'impôt sur le revenu en 2003 auxquels s'ajoutent, entre autres, les 900 millions d'euros du projet de loi d'initiative économique, dont plus de 500  millions d'euros au titre de l'ISF.
    M. Michel Vergnier. Et voilà !
    M. Pascal Terrasse. C'est l'équivalent de ce que rapporterait plus d'un point de cotisations sociales que vous avez ainsi offert aux ménages les plus aisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. C'est scandaleux !
    M. Nicolas Forissier. N'importe quoi !
    M. Pascal Terrasse. A nos yeux, il est au contraire essentiel de proposer aux Français une réforme équilibrée, jouant sur l'ensemble des leviers fiscaux afin que les salariés ne soient pas, comme dans votre projet, les seuls à devoir supporter les efforts pour maintenir le régime par répartition. Nous considérons qu'il est nécessaire d'affecter au régime des retraites des financements nouveaux assis sur d'autres revenus que ceux des salariés. Qu'il s'agisse de la CSG, dont 1 point représente 0,5 point de PIB, de la CRDS qui représente 0,6 point, ou de prélèvements, sur les revenus des capitaux notamment, ils devront permettre d'aborder le fonds de réserve des retraites. Nous refusons d'exclure par principe la mobilisation des resssources fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Couanau. Et les retraités, ils paieront la CSG ?
    M. Pascal Terrasse. Votre propre projet contribue à l'inverse à menacer encore plus l'équilibre du régime des retraites par répartition.
    Mme Muriel Marland-Militello. Et vous, qu'avez-vous fait ?
    M. Pascal Terrasse. Les exonérations sociales et fiscales proposées dans le cadre de la retraite par capitalisation que vous mettez en place au titre V ne pourront que venir dégrader les comptes publics, d'autant plus que ces dispositifs seront utilisés par des Français inquiets de la dégradation de leur niveau de retraite. Il est significatif à cet égard que vous n'ayez pas jugé bon de fournir à la représentation nationale une étude d'impact de votre projet. Ces mesures auront un coût et il est indispensable que vous nous en fournissiez une évaluation.
    J'en viens enfin à la question du fonds de réserve des retraites. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lenoir. En voilà une bonne nouvelle !
    M. Pascal Terrasse. Vous avez choisi de limiter à 2020 le chiffrage des effets de votre projet. Mais le fonds de réserve que nous avons conçu permet, rappelons-le, d'amortir pour moitié les effets de l'évolution démographique sur le système général.
    M. Nicolas Forissier. Mais le FOREC est vide !
    M. Pascal Terrasse. En ce sens, il est indispensable de se préoccuper dès aujourd'hui de l'abondement du fonds. J'ai d'ailleurs regretté que M. Raffarin n'y fasse aucune allusion lors de son intervention alors même qu'il parlait de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. Nous attendons vos propositions, monsieur Terrasse !
    M. Pascal Terrasse. Que nous proposez-vous ? Il est intéressant de noter que vous critiquez une nouvelle fois les pistes proposées par l'opposition en soulignant leur caractère instable, comme pour la taxation des plus-values des entreprises. Mais lorsqu'il s'agit d'abonder le fonds, vous n'hésitez pas à proposer une recette vouée à disparaître !
    En effet, la taxation des préretraites maison est avant tout destinée, vous nous le dites, à dissuader les entreprises d'avoir recours à ces mécanismes.
    M. Yves Bur. C'est marginal ! Parlez-nous plutôt des recettes de la vente des licences UMTS !
    M. Pascal Terrasse. Si cette mesure atteint son but et que les entreprises n'ont plus recours à ce type de dispositif, alors elle ne devrait plus rien rapporter. Vous admettrez qu'il ne s'agit pas là de la forme la plus pérenne de financement à long terme que vous ayez trouvée.
    Que dire également des recettes des privatisations ? L'examen du projet de loi de privatisation d'Air France nous a permis de souligner la dégradation du cours de l'action de cette société dans un contexte d'effondrement des marchés.
    M. Yves Bur. Parlez-nous du FOREC !
    M. Pascal Terrasse. Surtout, qui nous garantit que vous affecterez réellement les produits des privatisations au fonds de réserve, alors même que vos difficultés budgétaires se multiplient ?
    M. Lucien Degauchy. Cela ne veut plus rien dire !
    M. Pascal Terrasse. Au total, donc, l'ensemble des Françaises et des Français en sont conscients, votre projet est financé par les seuls salariés sous la forme d'une dégradation du niveau de leurs retraites et d'un allongement de la durée de leurs cotisations. Par crainte de présenter un texte trop décrié, vous avez élaboré un projet minimaliste qui occulte les besoins dans leur ensemble et qui ne peut, in fine, qu'accroître l'incertitude de nos concitoyens et pousser ceux qui en auront les moyens vers les régimes de capitalisation que vous leur offrez.
    Enfin, je ne veux pas achever mon intervention (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Non, continuez ! » sur les bancs du groupe socialiste) sans évoquer plus précisément l'inconstitutionnalité de votre projet.
    M. Yves Bur. Ne terminez pas avant de nous parler du vôtre !
    M. Pascal Terrasse. En effet, dans le cas contraire, vous ne manqueriez pas, monsieur le ministre, de relever, selon une méthode éprouvée, l'absence d'argument portant strictement sur le respect de la Constitution, usant ainsi d'un moyen habile pour relativiser la portée des critiques exprimées.
    En outre, ce motif d'inconstitutionnalité a trait à l'un des articles phares de votre projet. En effet, son article 4 - dont vous faites grand cas, même si j'ai démontré qu'il fallait en relativiser largement la portée - dispose : « L' assurance vieillesse a pour objectif d'assurer, après une carrière complète, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire légalement obligatoire au moins égal, lors de la liquidation, à 75 % du salaire minimum de croissance net. »
    M. Claude Goasguen et M. René Couanau. Où est votre projet ?
    M. Pascal Terrasse. « A cet effet, à l'occasion de chaque rendez-vous prévu aux III et IV de l'article 5, le conseil d'orientation des retraites examine le montant des pensions de retraite de base et complémentaire légalement obligatoire correspondant à une carrière complète au salaire minimum de croissance. Si le montant de cette pension nette des cotisations et contributions sociales est inférieur à 75 % du salaire minimum de croissance net des cotisations et contributions sociales, le conseil d'orientation des retraites transmet dans les trois mois aux présidents des caisses de retraite et au Gouvernement un rapport sur les mesures envisageables pour rétablir un ratio au moins égal à 75 % dans le respect des équilibres financiers de long terme des régimes de retraite. »
    De 75 % dans le projet initial, l'objectif de pension pour les salariés modestes disposant d'une carrière complète au SMIC serait porté à 85 % en 2008. Cet objectif serait réexaminé tous les cinq ans en tenant compte des perspectives financières des régimes d'assurance vieillesse.
    La question qui se pose est de savoir à quel titre le Gouvernement peut imposer à un régime géré paritairement des charges futures, de surcroît imprévisibles, puisqu'elles ne sont pas encore fixées.
    M. Yves Nicolin. A quelle page en est-il ?
    M. Pascal Terrasse. En d'autres termes, la loi fixe un niveau général de pension - retraite de base plus retraite complémentaire -, mais elle donne un blanc-seing au Gouvernement, qui pourra très bien décider ultérieurement, au nom du respect des équilibres financiers, de ne pas augmenter suffisamment le montant de la pension de retraite de base.
    L'atteinte au paritarisme et à la liberté de négociation des partenaires sociaux semble ici très claire, monsieur le ministre. Je rappelle que, selon le Préambule de la Constitution de 1946, « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, il a déjà épuisé son temps de parole !
    M. Pascal Terrasse. Cette exigence constitutionnelle implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des retraités.
    M. René Couanau. Et votre projet ?
    M. Pascal Terrasse. S'il est loisible au législateur d'en fixer les modalités, vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, imposer vos choix aux institutions de retraite complémentaire.
    M. Robert Lamy. Si vous nous parliez du projet socialiste ?
    M. Pascal Terrasse. Celles-ci constituent des provisions pour couvrir les engagements qu'elles prennent à l'égard de leurs bénéficiaires. Or le mécanisme prévu dans le projet de loi permettra au Gouvernement, paradoxalement d'ailleurs, de limiter, voire de diminuer le montant des pensions de base, ce qui obligera les régimes complémentaires à « compenser » afin de maintenir le niveau global exigé par la loi.
    C'est pourquoi nous estimons que le texte que vous nous présentez est inconstitutionnel.
    En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. le président. M. Terrasse a cinq minutes pour conclure, mes chers collègues. (« Parlez-nous du projet socialiste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Poursuivez monsieur Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. En conclusion, ce gouvernement a réussi à galvauder le mot « réforme »,...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !
    M. Pascal Terrasse. ... qui devient synonyme de régression. Nous sommes pour une réforme, mais pas pour celle que vous nous proposez. Nous sommes pour une réforme, mais pas pour opposer les Français les uns aux autres, au mépris de la cohésion nationale.
    M. Robert Lamy. Il fallait la faire !
    M. Pascal Terrasse. Nous sommes pour une réforme, mais pas pour revenir sur des acquis sociaux, tels que la retraite à soixante ans.
    Nous sommes pour une réforme, mais pas pour la mener dans la précipitation lorsque le système de répartition est en jeu.
    Que vous le vouliez ou non, votre projet casse la répartition, réduit les pensions à une peau de chagrin et pousse de façon insidieuse, presque sournoise, les Françaises et les Français vers des financement individuels, vers la capitalisation.
    Nous refusons ce projet, car il est une entreprise de démolition de notre système de retraite.
    Il est injuste, parce que l'augmentation uniforme de la durée de cotisation ne tient pas compte des inégalités de pénibilité du travail et d'espérance de vie, parce qu'il confond durée d'activité et durée de cotisation, parce que les pensions de retraite vont diminuer et parce qu'il met fin à la retraite à soixante ans.
    Il est dangereux...
    M. Yves Fromion. C'est vous qui êtes dangereux !
    M. Pascal Terrasse. ... parce qu'il repose sur un pari impossible : le pari que le Gouvernement mènera une politique de plein emploi, parce qu'il ralentit le rythme d'alimentation du fonds de réserve des retraites et parce qu'il met en place la capitalisation.
    Une autre réforme était possible. Elle supposait de mettre en place un pacte national pour l'emploi, d'allonger la durée d'activité plutôt que la durée de cotisation, de mener une véritable négociation sur celle-ci et de tenir compte de la spécificité des métiers et de la pénibilité, mais aussi des inégalités d'espérance de vie. Elle supposait enfin un financement équitable et des efforts partagés.
    M. Michel Herbillon. Pourquoi ne l'avez-vous pas faite au cours des cinq dernières années ?
    M. Pascal Terrasse. Cette autre réforme, vous l'avez refusée, monsieur le ministre. Vous avez préféré le catastrophisme pour imposer une réforme d'essence libérale au nom, paraît-il, du courage.
    Mais le courage, ce n'est pas d'applaudir de sa place le Premier ministre à l'Assemblée nationale, comme cela a été fait en 1995. Le courage, c'est de reconnaître qu'il y a d'autres choix, d'autres alternatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Luc Warsmann. Oui, reculer !
    M. Pascal Terrasse. La majorité est restée sourde.
    Elle a choisi d'accréditer le dogme selon lequel il suffisait de travailler plus longtemps. Ce diktat, nous le refusons.

    Mes chers collègues, je vous invite donc, pour toutes ces raisons, à adopter l'exception d'irrecevabilité que je viens de vous présenter. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Rappel au règlement

    M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Herbillon. Il y avait longtemps !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Attendez !
    M. Julien Dray. Quelle impatience !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, ce soir, le Premier ministre a tenu, avec le ministre de l'intérieur, une réunion publique, à Asnières
    M. Claude Goasguen. Quel rapport ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Je vais vous citer un extrait de son intervention. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    « Je n'ai pas parlé de l'opposition. Elle n'en vaut pas toujours la peine. Nos adversaires, je crois, ont perdu le sens de la France, de l'intérêt général. » (« Oui ! Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Un peu de silence. Seul M. Ayrault a la parole.
    M. Jean-Marc Ayrault. « Ils ont démotivé la France. Ils semblent préférer leur parti à leur patrie. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Raffarin, qu'est-ce qu'il connaît de la patrie ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Voilà des propos dignes des années trente. En lisant cette dépêche, nous, députés socialistes, avons été d'abord incrédules, puis nous sommes passés de la stupéfaction à l'indignation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Absolument !
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est grave !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, cette déclaration est particulièrement choquante.
    Nous n'avons pas à nous justifier. Nous aimons la France autant que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous défendons nos convictions aussi fortement que vous, parce que nous croyons à la démocratie et à la confrontation des idées, des projets et des programmes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous croyons à la différence entre la droite et la gauche, mais nous savons, en cas de besoin, prendre nos responsabilités, défendre l'intérêt général, l'intérêt national. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Notre histoire, nos engagements, à nous et à beaucoup d'autres qui nous ont précédés, sont là pour le prouver. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Nadine Morano. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. Rien d'autre ne nous anime que l'intérêt des Français dans ce débat sur l'avenir de notre système de retraite. Alors, comment peut-on nous humilier de la sorte, nous...
    M. Bernard Deflesselles. Vous avez cinq ans de responsabilité !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... et surtout, au-delà de nous, ceux que nous représentons et qui sont des Français comme les autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Ces Français étaient au rendez-vous du 1er mai 2002, comme ils étaient au rendez-vous du 5 mai 2002 (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), quand ils ont su mettre au-dessus de leurs convictions les intérêts de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Alors, oui, nous sommes non seulement choqués, mais indignés par cette déclaration du Premier ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je demande, monsieur le président, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous ne reviendrons siéger que dans un débat que nous souhaitons digne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dans lequel les points de vue pourront être confrontés dans le respect des uns et des autres (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), que quand le Premier ministre sera venu en séance pour s'expliquer et présenter ses excuses devant la représentation nationale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour dix minutes.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est reprise.
    M. Augustin Bonrepaux. On veut le Premier ministre !
    Mme Martine David. Il est où, le patriote ?
    M. le président. Monsieur Ayrault, j'ai pris connaissance des raisons de votre rappel au règlement,...
    M. Patrick Lemasle. C'est une affaire très grave !
    M. le président. ... j'en ai pris acte et j'en ai fait part au Premier ministre. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'il vienne !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir fait part au Premier ministre de l'indignation et de la colère des députés socialistes.
    M. Michel Herbillon. Cinéma !
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons demandé que le Premier ministre vienne présenter ses excuses (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais le Gouvernement étant représenté ce soir par le ministre des affaires sociales, nous demandons à ce dernier de le faire au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. C'est honteux !
    M. le président. Monsieur Ayrault, j'ai transmis au Premier ministre les termes exacts de votre rappel au règlement et nous aurons demain les questions d'actualité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour répondre.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous venons d'entendreM. Terrasse nous présenter une exception d'irrecevabilité. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, chacun est libre de ses opinions. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) Nous venons d'entendre beaucoup d'erreurs, de mensonges, et parfois d'insultes à l'égard du Gouvernement. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) Pourtant je ne vous demande pas de présenter des excuses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste dont les députés se lèvent et font mine de quitter l'hémicycle.)
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Par sa démonstration, M. Terrasse était censé défendre une exception d'irrecevabilité. (Protestations et bruit continu sur les bancs du groupe socialiste.) Or les arguments qu'il a avancés avaient peu de rapport avec une telle motion de procédure. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Raffarin ! Raffarin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Son argument principal repose sur le fait que l'article 4 du projet créerait une contrainte sur les régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux. Mais c'est précisément cet argument qui justifie pleinement que le Gouvernement ait choisi de ne pas créer une garantie juridique et financière, préférant définir un objectif partagé par tous. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) Nous l'atteindrons par la revalorisation du minimum contributif de trois fois 3 % d'ici à 2008.
    Cette exception d'irrecevabilité n'a donc aucun fondement. Elle s'apparente même à un détournement de procédure. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je demande donc à l'Assemblée de la rejeter. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations véhémentes et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

    M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bruno Le Roux. Et les excuses du Gouvernement ?
    M. le président. Mes chers collègues, je vous renvoie au règlement, que j'applique ! C'est moi qui dirige les débats. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Les excuses !
    M. le président. Monsieur Roman, taisez-vous !
    Je donne la parole à M. Jean-Marc Ayrault pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, j'ai attendu que le ministre ait terminé pour demander la parole pour un rappel au règlement, mais je persiste et je signe.
    En fait, M. le Premier ministre est responsable de cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ses déclarations nous font courir le risque que ce débat ne puisse plus se dérouler dans de bonnes conditions.
    M. Michel Herbillon. Cinéma !
    M. Lucien Degauchy. Comédien !
    M. Jean-Marc Ayrault. Il n'est pas possible de banaliser comme vous venez de le faire, monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, les propos tenus cet après-midi car ils mettent en cause la dignité des députés socialistes et, au-delà, celle de la représentation nationale tout entière. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Vergnier. Très bien !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous ne pouvons pas poursuivre la discussion comme si de rien n'était, sans que le Gouvernement fasse le geste que nous attendons, que nos électeurs attendent et que les Français sont en droit d'attendre. Je le demande donc solennellement au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Ayrault, j'ai fait ce que je croyais devoir faire. Je suis venu présider, je vous ai dit que je prenais acte, conformément au règlement, de votre rappel au règlement. Je l'ai transmis au Premier ministre. Il lui appartient, le moment venu, de s'expliquer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur Ayrault, je souhaite, pour la sérénité des débats... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    De nombreux députés du groupe socialiste. Qu'il vienne s'expliquer !
    M. le président. Ne donnez pas ce spectacle ! (Mêmes mouvements.)
    M. Patrick Bloche. Des excuses !
    M. le président. Monsieur Ayrault, je vous demande de donner une autre image. (Mêmes mouvements.)
    M. Augustin Bonrepaux. Quelle image donnez-vous vous-même !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, asseyez-vous !
    La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous souhaitons comme vous conserver à cette assemblée la dignité qu'on lui doit. Toutefois le Premier ministre a fait cet après-midi une déclaration particulièrement grave. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. C'est faux !
    M. Jean-Marc Ayrault. Je note que vous avez transmis mon rappel au règlement au Premier ministre, mais j'observe que le ministre présent et son collègue refusent de présenter des excuses. Monsieur le président, en vertu de l'article 58 de notre règlement, je vous demande une suspension de séance d'une heure pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Ayrault, je vous accorde une suspension de séance de quinze minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise le mercredi 11 juin 2003 à zéro heure.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous avons engagé cet après-midi un débat très important pour l'avenir de notre pays. Ce débat suppose que chacun puisse s'exprimer dans la sérénité et que tous les arguments soient mis devant les Français afin qu'ils puissent juger de la réforme que nous proposons.
    A l'évidence, cette sérénité n'est pas au rendez-vous et le climat qui règne ce soir ne permet pas de poursuivre nos débats comme le souhaite le Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lefort. Sortez le 49-3 !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Aussi, monsieur le président, je demande que nos travaux soient suspendus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, mercredi 11 juin, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites.
    Réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (rapport n° 898),
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895),
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899),
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à zéro heure cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communications du 5 juin 2003

N° E 2296. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la gestion des flottes de pêche enregistrées dans les régions ultrapériphériques (COM [2003] 175 final).
N° E 2297. - Proposition de directive du Parlement et du Conseil modifiant la directive 2002/96/CE relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (COM  219 final).
N° E 2298. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord visant à renouveler l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et l'Ukraine (COM  231 final).
N° E 2299. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut (version codifiée) (COM [2003] 243 final).
N° E 2300. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension (version codifiée) (COM  252 final).
N° E 2301. - Proposition de décision du Conseil relative au respect des conditions fixées à l'article 3 de la décision n° 3/2002 du Conseil d'association UE-Pologne du 23 octobre 2002 prorogeant la période prévue à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 relatif aux produits CECA de l'accord européen (COM [2003] 299 final).
N° E 2302. - Proposition de directive (EURATOM) du Conseil définissant les obligations de base et les principes généraux dans le domaine de la sûreté des installations nucléaires. Proposition de directive (EURATOM) du Conseil sur la gestion du combustible nucléaire irradié et des déchets radioactifs (COM  32 final).

Communications du 6 juin 2003

N° E 2303. - Livre vert sur les services d'intérêt général (COM [2003] 270 final).
N° E 2224 (annexe 4). - Avant-projet de budget rectificatif n° 4 au budget 2003. Etat général des recettes (SEC  626).
N° E 2304. - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Slovénie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Slovénie (COM  233 final).
N° E 2305. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services postaux (COM [2003] 234 final).
N° E 2306. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (version codifiée) (COM 241 final).
N° E 2307. - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lettonie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Lettonie (COM [2003] 246 final).
N° E 2308. - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lituanie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Lituanie (COM 247 final).
N° E 2309. - Proposition de décision du Conseil portant conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume de Norvège concernant certains produits agricoles (COM [2003] 314 final).