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Troisième séance du jeudi 1er juillet 2004

3e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles

Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d'une série d'amendements identiques, nos 136 à 147, portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 136.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, cet amendement réaffirme solennellement les principes universels qui sont le fondement de notre pacte social. Ils ont trouvé une légitimité inégalée dans le combat de la Résistance contre l'oppression nazie. Ils ont alors fait l'objet d'un large consensus et il convient de continuer à les respecter. Le Conseil national de la Résistance avait proposé des mesures à appliquer dès la libération du territoire afin d'assurer, entre autres - et cela concerne directement notre texte - « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État. » Des milliers d'hommes et de femmes ont lutté et sont tombés, lors de la dernière guerre mondiale, pour faire vivre ces idéaux. Tout texte relatif à la protection sociale doit rappeler ces droits inaliénables qui permettent à chacun d'entre nous une existence convenable . Les droits à la subsistance, à la santé, à la sécurité matérielle sont maintenant universels. Ils figurent en effet dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 qui dispose, dans son article 25-1 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».

La nation, à travers des mécanismes de solidarité, garantit à tous, et notamment à l'enfant, à la famille et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Elle doit assurer à tout être humain se trouvant dans l'incapacité de travailler des moyens convenables d'existence. À défaut de ce rappel de portée universelle, cette loi constituerait, dès avant son premier article, une régression. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'ajouter, avant l'article 1er : « La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

Mme la présidente. Les amendements n°s 137 à 147 ne sont pas défendus.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, je souhaite m'exprimer sur l'amendement de Mme Fraysse.

Mme la présidente. Vous aurez la parole, comme il se doit, lorsque la commission et le Gouvernement auront donné leur avis.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais nous pouvons reprendre les amendements identiques.

Mme la présidente. Non, puisqu'ils n'ont pas été soutenus par leur auteur.

M. Jean-Marie Le Guen. Et alors ? Que dit le règlement ? Je ne comprends pas bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Monsieur Le Guen, vous pourriez respecter Mme la présidente !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'avez pas la parole, monsieur le rapporteur, c'est Mme la présidente qui la donne !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je me permets justement d'intervenir parce que vous vous exprimez sans son autorisation.

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, me doutant bien que ce point serait soulevé, j'ai relu l'article 100, alinéa 3, du règlement avant de présider cette séance. Il dispose : « L'Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance. »

M. Julien Dray. Mais rien n'empêche de les reprendre pour les soutenir !

M. Laurent Fabius. C'est ainsi que cela fonctionne à l'Assemblée nationale, madame la présidente.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, je vous demande cinq minutes de suspension de séance pour éclaircir, avec vous et avec le service de la séance, ce point de notre règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La suspension est de droit. Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Avant d'en revenir à l'examen des amendements, je donne la parole à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je suis désolé d'interrompre l'examen des amendements mais cela m'a semblé nécessaire pour éviter d'autres suspensions de séance. Je tiens en effet à préciser les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution aux 8 500 amendements déposés sur le projet de loi. (« Ah ! sur les bancs du groupe socialiste.)

Je rappelle d'abord que le Conseil constitutionnel a décidé, dès 1961, d'inclure les régimes d'assurance maladie dans le champ de l'article 40. À ce titre, j'ai dû refuser le dépôt de tout amendement tendant à accroître les remboursements à la charge de l'assurance maladie, notamment ceux qui prévoyaient que la convention signée avec les médecins pourrait lui imposer de nouvelles dépenses, comme le remboursement des rémunérations au forfait qui, aujourd'hui, n'est pas automatique.

M. Jean-Marie Le Guen. Évidemment, ce ne sont pas les amendements de la majorité qui augmenteront le niveau des remboursements !

Mme Maryvonne Briot. Il ne va pas recommencer !

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, laissez parler M. Méhaignerie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cher monsieur Le Guen, si le gouvernement précédent avait voulu modifier les modalités d'application de l'article 40 de la Constitution, il en aurait eu la possibilité à l'occasion des réformes constitutionnelles qu'il a entreprises. Pour ma part, je n'ai fait que mon devoir, et croyez bien que ce n'est pas toujours agréable.

Néanmoins, de la manière la plus libérale possible,...

Mme Jacqueline Fraysse. Pour ça, on vous fait confiance !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...car j'estime qu'un sujet aussi important mérite le débat le plus large, j'ai déclaré recevables les amendements définissant le droit à la santé lorsque leur visée était de caractère général. De même, au titre de la charge de gestion, j'ai estimé possible d'envisager l'apposition d'une photo sur la carte Vitale, l'augmentation du nombre de visites en médecine scolaire ou la mise en place, à l'intention des assurés sociaux, d'un dispositif d'information sur la prise en charge des dépenses d'assurance maladie.

En revanche, toute création de structure publique nouvelle ou tout regroupement coûteux constitue une nouvelle charge au sens de l'article 40.

M. Gérard Bapt. Ce n'est pas le cas de notre proposition concernant les ARS !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ainsi, il n'est pas possible de proposer par voie d'amendement parlementaire la création d'agences régionales de santé,...

M. Gérard Bapt. Nous ne faisons que regrouper !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...même si elles procèdent du regroupement d'organismes existants.

M. Jean-Marie Le Guen. Et Dieu sait qu'il en existe !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Seul un amendement se contentant de demander au Gouvernement de mener une expérimentation en vue de créer de telles agences a été déclaré recevable, car il laisse au Gouvernement l'initiative de proposer une telle mesure en faisant appel au volontariat des régions, et vous savez mon attachement à l'expérimentation, laquelle me semble justifier que l'on assouplisse un peu l'application de l'article 40.

Je pense par conséquent, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que le débat pourra largement avoir lieu, sans limitation arbitraire ou excessive d'aucune sorte, étant entendu qu'à tout moment le Gouvernement peut reprendre un amendement tombé sous le coup de l'article 40.

Je voulais rappeler ces quelques éléments afin d'éviter que les prochains jours ne soient entrecoupés de quelques suspensions de séance superflues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Fabius pour un rappel au règlement.

M. Laurent Fabius. Ayant quelque connaissance de ces sujets - c'est le fruit de l'expérience -, je commencerai par rappeler que le président de la commission des finances, membre de la majorité gouvernementale, lorsqu'il se prononce ainsi, le fait par délégation du président de l'Assemblée nationale. Or il est parfaitement possible de prendre le parti inverse de celui qui vient de nous être rappelé. Je demande donc à M. Méhaignerie s'il s'est assuré que sa position était conforme au souhait du président de l'Assemblée nationale - lequel, au demeurant, s'était engagé à présider l'ensemble des débats. Sinon, je demande que l'on interroge le président de l'Assemblée nationale pour savoir s'il partage la position de M. Méhaignerie, qui aboutit en fait à ce qu'une grande partie des propositions de l'opposition ne soit même pas discutée ?

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Laurent Fabius. Si l'objectif est de faire en sorte que le Président de la République puisse annoncer, dans son allocution du 14 juillet, que la « réforme » - entre guillemets - de la sécurité sociale est derrière nous, au prix du bâillonnement de l'opposition, eh bien, croyez-moi, la discussion durera longtemps.

Je demande donc une application souple de l'article 40, afin que l'opposition puisse vraiment défendre son point de vue, et je souhaite que M. Méhaignerie, s'il ne l'a déjà fait, consulte M. le président de l'Assemblée à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur le président Fabius, j'applique l'article 40 avec la plus grande largesse possible, et le président de notre assemblée, à qui je transmets les amendements déclarés irrecevables, a toujours le loisir, bien sûr, de les reprendre.

Je vous rappelle en outre que, sur 8 500 amendements déposés, un peu plus de 500 ont été considérés irrecevables, soit 6 % seulement, ce qui laisse vraiment place à un large débat. Tous les sujets pourront être abordés, y compris celui des agences régionales de santé - auxquelles le parti socialiste est très attaché, mais aussi de nombreux autres collègues, M. Préel, par exemple, ou moi-même - puisque certains amendements, je le répète, ne tombent pas irrémédiablement sous le coup de l'article 40. Vous pouvez donc être totalement rassuré.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié, pour un rappel au règlement.

M. Richard Mallié. Madame la présidente, le groupe UMP est offusqué par l'attitude de notre collègue socialiste qui vous a interpellée sur l'application du règlement.

Pour répondre à M. Fabius, je constate que le nombre d'amendements déposés par l'opposition est tout de même considérable : la première liasse n'en contient pas moins de 161, qui se résument en fait à deux propositions formulées respectivement par 12 et 149 amendements identiques ! L'opposition a donc été écoutée, et ces chiffres montrent même une volonté d'obstruction que nous ne comprenons pas. Je le répète, madame la présidente, nous sommes vraiment scandalisés par la façon dont notre collègue socialiste vous a interpellée.

Mme la présidente. Ne vous faites pas de souci pour moi ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Méhaignerie, Laurent Fabius vient d'en appeler aux règles de fonctionnement de notre assemblée. Pour ma part, je veux insister sur le fait que, pendant que nous procédions, ici, à la discussion générale, et depuis plusieurs jours sur les médias, M. le ministre de la santé n'a cessé de dire qu'il attendait avec intérêt les propositions du parti socialiste.

Aujourd'hui, alors que, précisément, nous présentons des propositions de réorganisation du système de santé, on nous menace de les faire tomber sous le coup de l'article 40 : c'est bien dire que l'on n'ira pas jusqu'au bout de leur examen ! On voit bien qu'elles gênent !

Prenons l'exemple des agences régionales de santé. Certains y sont favorables philosophiquement, et ils sont nombreux sur tous les bancs ; d'autres ne se contentent pas d'y être favorables et pensent que, s'il doit y avoir une réforme de notre système d'assurance maladie, c'est bien celle-là : il faut résolument s'engager dans la mise en place de ces agences.

Or, sous le prétexte de l'article 40, on choisit d'éviter le véritable débat, celui qui porte sur la volonté politique de faire, pour se contenter de débattre, nous dit-on, de la philosophie des agences régionales et de créer une mission qui pourra parler d'expérimentation. On sait ce que cela veut dire ! Nous ne pourrons pas discuter de la question de savoir si, sur ce point, il faut ou non agir.

Quand on sait que le projet de loi multiplie les structures de gestion en région et que, outre qu'elles donneront un caractère chaotique à la régulation sur le terrain, elles coûteront fort cher à l'État, alors qu'en proposant la création des agences régionales de santé, nous proposons une simplification, il est paradoxal que nous ne puissions même pas en débattre.

Je reprends à mon compte l'interpellation de Laurent Fabius : le président de notre assemblée doit être informé des choix qui ont été faits, ainsi que des réactions qu'ils suscitent, en particulier dans les groupes de l'opposition.

Il faudrait aussi que M. le ministre, qui n'a cessé de prétendre qu'il était prêt au dialogue et à la confrontation avec le parti socialiste sur ses propositions, interviennent dans le débat pour réaffirmer qu'il souhaite que ces propositions viennent en débat devant l'Assemblée.

Ce matin encore, monsieur le ministre, Claude Évin vous a présenté des propositions sur un certain nombre de sujets et vous a demandé si, sans vous engager sur le fond, vous reprendriez certains amendements. Vous n'avez pas répondu, parce que vous ne voulez pas que le débat ait lieu.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Par conséquent, je réitère la demande très forte de Laurent Fabius : nous voulons que le président de l'Assemblée nationale soit informé et qu'il recueille tous les points de vue sur l'utilisation de l'article 40.

Pour ce faire, je vous demande donc, madame la présidente, une suspension de séance d'un quart d'heure pour permettre au président de la commission des finances de consulter le président de l'Assemblée.

Mme la présidente. C'est déjà fait, par mes soins, monsieur Le Guen ! M. le président confirme les avis qu'il a donnés et qui sont conformes à ceux qui lui avaient été présentés par le président de la commission des finances.

M. Richard Mallié. CQFD !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour un rappel au règlement.

Mme Jacqueline Fraysse. J'aimerais, à mon tour, m'adresser au président Méhaignerie.

Certes, le devoir de chacun, ici, est d'obéir au règlement mais nous avons aussi un autre devoir, qui ne devrait pas être contradictoire avec le premier, celui de débattre sérieusement d'un texte extrêmement important qui touche à la protection sociale et donc à la santé des Français.

Selon les propos que je viens d'entendre, des amendements essentiels sont passés à la trappe. Je pense à ceux que nous avions déposés et qui visaient à améliorer la prise en charge de certains soins, entre autres celle des patchs destinés à lutter contre le tabagisme, qui sont très chers et que ne peuvent s'offrir nombre de ceux qui en ont besoin. Je pense aussi à des amendements qui invitaient à prendre des mesures de prévention. Autant de sujets dont on ne pourra donc pas débattre puisque ces amendements tombent sous le coup de l'article 40, d'une manière extrêmement formelle.

Monsieur le président de la commission des finances, c'est une incohérence du point de vue économique ! Loin de provoquer des dépenses supplémentaires, ces amendements, s'ils étaient adoptés, feraient, au bout du compte, gagner de l'argent aux caisses de sécurité sociale et donc à la nation.

Grâce à l'intelligence de chacun, nous devrions avoir un vrai débat et essayer, ensemble, d'améliorer notre protection sociale. Il ne faudrait pas qu'en invoquant des arguments bureaucratiques ou technocratiques, on nous empêche d'aborder des questions qui, de toute façon, sont posées au pays, y compris en termes financiers.

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, maintenez-vous votre demande de suspension de séance ?

M. Jean-Marie Le Guen. Non, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour un rappel au règlement.

M. Jean Le Garrec. Mon rappel au règlement est bien lié à notre débat sur la santé, puisqu'il concerne des prélèvements sociaux et les abattements dont ils font l'objet, donc le financement des politiques sociales.

Depuis hier, nous avons entendu beaucoup de déclarations de M. le Premier ministre et de M. Sarkozy sur le coût des abattements liés aux 35 heures. Tout cela a des répercussions sur la politique de santé, vous le savez bien, monsieur le ministre.

Or lesdites déclarations sont fausses ! Et elles troublent l'opinion. Le coût réel des 35 heures est de 1,9 milliard d'euros. Les chiffres avancés - 16 milliards d'euros - ne sont pas liés aux 35 heures, mais tout simplement à la prolongation des abattements Juppé et Balladur, accordés aux entreprises sans contrepartie en termes de création d'emplois.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Parfaitement !

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, cela vous concerne au plus haut point ! On voit bien, en effet, que le problème posé, c'est celui du coût du travail : institution d'une journée de solidarité non rémunérée, volonté de faire travailler les salariés 40 heures en n'en payant que 35 !

M. Richard Mallié. Ce sont les socialistes allemands qui ont fait cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec. Ces déclarations sont infiniment graves !

Pour une fois, monsieur le ministre, vous auriez tout intérêt à vous faire communiquer les études de la direction du budget - cette fois-ci, ayant l'initiative, vous pourriez en quelque sorte prendre votre revanche ! (Sourires) - que vous ne connaissez peut-être pas. Elles figurent dans le rapport de la mission d'information sur les 35 heures.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, premièrement, de vous faire communiquer les études en question car on est en train de tromper l'opinion. Ainsi, vous pourrez discuter à armes égales avec le ministre d'État. Cela vous sera bien utile !

Deuxièmement, priez donc M. le Premier ministre de venir dans cet hémicycle pour nous exposer clairement ses intentions.

On ne peut pas jouer avec des problèmes d'une telle gravité, avec les préoccupations des salariés et le mécontentement des syndicats, en même temps que l'on débat d'une politique de santé. C'est gravissime et cela rend votre tâche encore plus difficile. Il est de votre intérêt, je le répète, monsieur le ministre, d'avoir ce dialogue avec M. Sarkozy et de demander au Premier ministre de venir s'expliquer ici.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Pour éviter ces polémiques, les commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, travaillant d'ailleurs de concert avec l'opposition, envisagent de donner des chiffres.

Il est exact que les quelque 15 milliards ne viennent pas seulement de l'abaissement des charges sociales,...

M. Jean Le Garrec. Lié aux 35 heures !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...il faut aussi y intégrer les charges liées aux dépenses supplémentaires du budget de l'État, des collectivités locales et des hôpitaux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je crains que le total ne soit encore supérieur à ce chiffre !

M. Richard Mallié. Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il faut donc bien parler des dépenses publiques générales et non pas seulement de celles liées à l'abaissement des charges.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Je voudrais rappeler nos collègues socialistes à l'ordre du jour, dont nous sommes en train de nous éloigner.

Dans cette affaire, l'application de l'article 40 a le mérite de l'extrême clarté. Ce matin, nous avons entendu nos collègues nous exposer leur méthode en matière de réforme. Grâce à cet article de la Constitution, nous constatons surtout que leurs propositions sont coûteuses (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) puisqu'elles tombent sous ce couperet !

Votre exposé, mes chers collègues, était plein de contradictions, lesquelles sont prouvées par l'application de l'article 40. Votre architecture s'effondre. Peut-être pouvons-nous maintenant passer au débat !

M. Jean-Marie Le Guen. Dialectique aux chaussures de plomb !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray. Avant mon rappel au règlement, je conseille à M. Mariton d'acheter une publication qui sort de nouveau aujourd'hui, Pif le chien, où il trouvera des éléments pour nourrir sa dialectique ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. C'est à M. Gremetz de me l'offrir !

Mme la présidente. Monsieur Dray, ne mêlez pas la bande dessinée à votre rappel au règlement !

M. Julien Dray. La bande dessinée fait partie de notre patrimoine culturel, madame la présidente !

Mais venons-en à une affaire beaucoup plus sérieuse, qui justifie mon rappel au règlement.

Depuis vingt-quatre heures, le ministre d'État a lancé une offensive en règle. Peut-être victime du plan de cohésion sociale de M. Borloo, M. Sarkozy a-t-il voulu se réapproprier un espace médiatique qu'il occupe pourtant déjà abondamment ?

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un attelage cohérent !

Mme la présidente. Venez-en à votre rappel au règlement !

M. Julien Dray. J'y viens, madame la présidente, mais il faut bien que j'explique le contexte !

Le Premier ministre, quant à lui, a changé d'avis. Il y a quelques semaines, lorsque la question des 35 heures est venue en débat, il estimait qu'il n'était pas possible de remettre en cause cette loi, se faisant l'écho des propos du Président de la République qui avait lui-même qualifié d'« imbéciles » les attaques contre la réduction du temps de travail. Il a décidé, à présent, de remettre en question les 35 heures. On imagine les conséquences financières, y compris pour notre discussion d'aujourd'hui, puisque cela ne peut qu'avoir des répercussions sur les recettes de l'assurance maladie.

Je sais que cette majorité a du mal à faire fonctionner le Parlement...

M. Yves Censi. Nous ne sommes pas à un meeting politique !

M. Julien Dray. Ici, chacun s'exprime librement ! Vous ne fréquentez pas les meetings, cela vous regarde ! Mais, pour l'heure, je ne fais pas un meeting, je défends les droits du Parlement ! Dès lors que le Premier ministre et le ministre d'État remettent en cause les lois actuelles et, par conséquent, faussent la discussion que nous avons aujourd'hui, un des droits du Parlement est de pouvoir entendre leurs arguments pour comprendre ce qui se passe.

Par conséquent, nous ne pouvons pas poursuivre ce débat sans que le Premier ministre vienne s'expliquer devant la représentation nationale, avec le ministre d'État, sur la question des 35 heures. Voilà pourquoi, madame la présidente, je vous demande de suspendre la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Lors de nos travaux préparatoires en commission, M. le ministre et certains collègues de la majorité nous ont expliqué que le déficit accumulé par l'assurance maladie depuis trois ans, et qui s'élève aujourd'hui à 35 milliards d'euros, était dû à l'application des 35 heures à l'hôpital.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. C'est grotesque !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, le Gouvernement s'engage aujourd'hui dans une politique de remise en cause des 35 heures. Alors que nous allons débattre de la réforme de l'assurance maladie et que vous avez, à l'évidence, des difficultés à chiffrer votre plan, avez-vous l'intention de résoudre le problème du déficit de la sécurité sociale en revenant sur les 35 heures à l'hôpital ?

M. Hervé Mariton. La question préalable a été rejetée hier !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous souhaitons entendre votre position sur cette question, car nous devons connaître la vérité sur l'action de votre gouvernement. Il est certes facile de critiquer les 35 heures lorsqu'on évite d'affronter directement les salariés en leur promettant, comme l'a fait le Président de la République ces derniers mois, qu'on n'y touchera pas. Il est vrai que c'était avant les élections régionales et européennes. Aujourd'hui, M. Seillière dit au Gouvernement : « Allez-y, vous avez trois ans pour agir ! »

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Caricature !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont maintenant les 35 heures qui sont à l'ordre du jour. Aussi, nous voulons savoir si, oui ou non, vous entendez revenir sur les 35 heures à l'hôpital, ce qui changerait fondamentalement la donne au plan financier.

Madame la présidente, j'estime que mon rappel au règlement est tout à fait justifié et je confirme la demande de suspension de Julien Dray, qui permettra la venue du Premier ministre et donnera à M. le ministre un peu de temps pour préparer sa réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Nous sommes confrontés à une situation singulière et nous ne pouvons pas poursuivre le débat sans obtenir certaines réponses du Gouvernement. Bien entendu, nous reviendrons sur l'événement majeur que constitue la remise en cause des 35 heures et le parfum de revanche sociale qui inspire cette décision.

Cela étant, monsieur le ministre, la question à laquelle vous devez répondre, non seulement à l'opposition mais aussi à votre majorité, porte sur les conditions dans lesquelles vous allez remettre en cause les 35 heures. Maintiendrez-vous les allégements de charges sociales ou les abandonnerez-vous en contrepartie, auquel cas vous ajouteriez au scandale social l'erreur économique ? Vous iriez alors à l'encontre de la baisse du coût du travail, sur laquelle il y a consensus.

L'opposition n'est pas seule à se poser la question. Les dépêches qui nous parviennent aujourd'hui montrent qu'elle fait l'objet d'une véritable discussion. J'appelle votre attention sur l'une d'entre elles, qui retrace une déclaration de M. Devedjian, lequel exprime sans doute le point de vue du Gouvernement. M. Devedjian explique, en utilisant une formule qui mérite de passer à l'histoire, qu'il faut revenir sur les 35 heures, parce qu' « on ne peut pas verser 16 milliards tous les matins pour empêcher les gens d'aller travailler ». Il ajoute que l'État a pris des engagements qu'il doit certes respecter, mais qu'il peut renégocier. Et lors d'une négociation, le premier qui donne un chiffre a perdu, a-t-il indiqué à propos du futur montant de ces allégements, qui fera l'objet d'une âpre discussion entre le Gouvernement et le patronat. Il précise en effet qu'il a l'intention, en renégociant les 35 heures, de remettre en cause une partie des allégements accordés.

Monsieur le ministre, ces recettes nouvelles pour l'État seront-elles affectées à l'assurance maladie, ce qui est leur destination naturelle ? Car si cette réforme vise à procurer à l'État de nouvelles recettes pour équilibrer, comme vous l'avez fait avec le tabac et l'alcool, non le budget de l'assurance maladie, mais le budget général de l'État, c'est un véritable scandale et nous comprenons mieux qu'on nous ait imposé ce débat au cœur de l'été ! Mais nous ne souscrirons pas à cette démarche. Monsieur le ministre, en cas de recettes nouvelles, les salariés seront-ils spoliés du bénéfice de ces cotisations ?

Mais si, comme je l'espère, vous ne procédez pas à ce détournement de fonds, notre débat doit cesser. Car nous traitons du financement de l'assurance maladie et de son déficit de 14 milliards. Or si vous affectez les 16 milliards d'allégements au financement de la sécurité sociale, celle-ci n'est plus en déficit. Il nous semble donc urgent d'entendre le Premier ministre.

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, combien de temps souhaitez-vous que nous suspendions la séance ?

M. Jean-Marie Le Guen. Un quart d'heure, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous accorde dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je constate que la suspension de séance demandée par M. Dray et M. Le Guen n'a pas permis au Premier ministre de venir. J'ai tout à fait conscience qu'il s'agit d'un homme occupé, et je pense qu'il convient de lui laisser quelques minutes supplémentaires. Je vous demande donc, madame la présidente, de suspendre à nouveau la séance pour dix minutes, afin de lui permettre d'arriver.

Il s'agit des 35 heures à l'hôpital, un sujet extrêmement important. Personnellement, je pense que les difficultés proviennent d'un manque d'effectifs et que des efforts doivent être consentis en matière de formation. Nous l'avions d'ailleurs proposé, mais les amendements concernés ont probablement été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Sur un sujet aussi important, et compte tenu de la gravité des déclarations qui ont été faites, il y a lieu, je crois, que le Premier ministre nous explique sa position et que nous puissions dialoguer avec lui. C'est la raison pour laquelle je réclame cette nouvelle suspension de séance.

Mme la présidente. Elle est de droit, madame Fraysse, et je vais vous l'accorder. Mais je vous rappelle que ni vous, ni moi n'avons la possibilité d'enjoindre au Premier ministre de venir dans cet hémicycle. Vous pouvez bénéficier d'une suspension de séance pour réunir votre groupe,...

M. Bernard Schreiner. Elle est toute seule !

Mme la présidente. ...mais rien de plus.

La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je rappelle que deux ministres sont présents et qu'en raison de la solidarité gouvernementale, ils s'expriment au nom de tout le Gouvernement. Ils peuvent donc répondre aux questions posées.

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument ! Très bien ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Laurent Fabius. Deux remarques.

Premièrement, vous affirmez, madame la présidente, que vous n'avez pas la possibilité de faire venir le Premier ministre. Vous sous-estimez vos pouvoirs. Si vous jugez que le flottement gouvernemental a des conséquences telles qu'il influe sur le fond de nos débats, vous pouvez constater que nous ne sommes pas en état de délibérer et suspendre la séance. Dans cette hypothèse, je ne doute pas que le Premier ministre, qui se tient certainement informé de nos débats, par la radio ou par d'autres canaux, en tirera les conséquences.

Deuxièmement, la remarque de Richard Mallié est pertinente. Il est vrai qu'au moins deux ministres sont présents - sans compter ceux qui sont appelés à le devenir...

M. Richard Mallié. Ni les anciens ministres ou premiers ministres !

M. Laurent Fabius. Oh, on est toujours ancien ou futur quelque chose...

M. Julien Dray. Du passé, faisons table rase !

M. Laurent Fabius. ...et il n'est pas interdit, dans votre cas, d'espérer.

Quoi qu'il en soit, les ministres présents peuvent prendre position. Encore faudrait-il qu'ils le fassent. Sans remettre le moins du monde en cause la demande légitime formulée par notre collègue communiste, il serait donc intéressant qu'un des deux représentants du Gouvernement - pourquoi pas le ministre en charge de la santé ? - nous dise ce qu'il en pense. Je lui suggérerai simplement de rompre avec l'habitude qui consiste à poser, dans la même phrase, une affirmation au début et son contraire à la fin.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Mesdames et messieurs les députés, cela fait maintenant plusieurs heures que nous essayons de débattre de l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne vous en faites pas, nous allons y venir !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Évidemment, comme vous n'avez aucune proposition à faire (Rires sur les bancs du groupe socialiste), vous passez votre temps à parler d'autre chose.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nos propositions tombent sous le coup de l'article 40 !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Votre gêne à aborder ce débat est perceptible.

Cela étant, sachez que les 35 heures à l'hôpital ne sont absolument pas remises en cause.

M. Henri Nayrou. Voilà qui est clair !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je remercie M. Mallié de me donner l'occasion de l'affirmer, au nom du Gouvernement et donc, aussi, du Premier ministre.

Mais encore une fois, madame la présidente, si nous parlions de l'assurance maladie, nous pourrions découvrir si les uns et les autres ont de véritables propositions à formuler.

Mme la présidente. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que vous pouvez prendre la parole à tout moment. Vous n'avez pas besoin que M. Mallié vous en donne l'occasion.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous aurons l'occasion de revenir à la question des 35 heures à l'hôpital et à la réponse que nous venons d'entrendre. Nous saurons alors pourquoi, après avoir expliqué il y a quelques semaines qu'elles étaient à l'origine du déficit de l'assurance maladie, et alors que le Gouvernement semble avoir fait le choix de les remettre en cause d'une façon générale, le ministre ne compte pas revenir sur leur application au sein de l'hôpital. C'est sans doute qu'elles y étaient attendues et jugées légitimes, mais on mesure ainsi le peu de confiance que l'on peut accorder à ses propos.

Par ailleurs, il n'a pas répondu sur un autre aspect fondamental évoqué par Alain Vidalies et qui est au cœur de nos préoccupations en matière de financement de l'assurance maladie. Quid des cotisations sociales ? Où vont-elles aller ? Seront-elles, oui ou non, consacrées à l'assurance maladie ou, par un grossier détournement, iront-elles financer des baisses d'impôts au profit des plus riches, une voie dans laquelle le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé ?

Quant à ma troisième remarque, elle concerne ce que nous a répondu tout à l'heure le président Méhaignerie. Je constate que ce qu'il n'a pas autorisé à l'opposition, à savoir la possibilité de présenter des amendements contenant des propositions qui, en soi, ne coûtent pas vraiment cher - je pense aux fameuses agences régionales de santé -, il l'a permis à la majorité, par ce qu'il a appelé une « petite souplesse ». Ainsi, ce qui est possible pour les uns ne l'est pas pour les autres. La différence de coût entre les propositions est appréciée de façon purement subjective. En revanche, l'intention politique est patente ; elle vise à empêcher le débat.

Le comble du cynisme est atteint par le ministre qui, après avoir refusé de reprendre les amendements présentés par l'opposition et déclarés irrecevables, vient maintenant, puisqu'il n'a rien d'autre à dire, nous reprocher de ne pas faire de propositions ! Cette attitude n'est ni raisonnable ni sérieuse. Nous aurons toutefois l'occasion d'expliquer à nouveau la nature de nos propositions, en dépit de la volonté du Gouvernement de ne pas les entendre et de continuer à mettre en œuvre de façon accélérée un processus de détérioration de notre contrat social. Nous avons évoqué les déclarations sur les 35 heures, mais nous parlerons aussi des interventions de ces derniers jours au sujet de la loi organique relative au financement de la sécurité sociale ou du rôle confié aux assurances privées, lequel s'apparenterait à une privatisation de notre système d'assurance maladie.

Le Gouvernement profite du mois de juillet pour multiplier les menaces à l'égard de notre contrat social. Nous avons bien l'intention de participer au débat, mais il faudrait que l'expression du Gouvernement soit pleine et entière et qu'il veuille bien dire devant l'Assemblée quelles sont ses véritables intentions.

Mme la présidente. Souhaitez-vous répondre, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai déjà répondu, mais j'ajouterai un mot sur la question des 35 heures à l'hôpital. Si nous ne les remettons pas en cause, sachez tout de même que leur mise en place a été faite en dépit du bon sens. Si vous ne le saviez pas, je vous l'apprends. C'est ainsi, et ce n'est pas de notre faute. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Qu'avez-vous fait depuis deux ans ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tous les personnels le savent. Il suffit, pour s'en convaincre, d'interroger les infirmières, les aides-soignants et les médecins hospitaliers.

M. Yves Censi. M. Le Guen ne sait pas ce qu'est un hôpital !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, le débat sur les 35 heures n'a pas lieu d'être aujourd'hui. Mais je note qu'elles étaient aussi peu attendues à l'hôpital que dans le reste de la société.

M. Jean-Marie Le Guen. Pardon ?

M. Julien Dray. J'en parlerai aux infirmières !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ce que les Français demandaient, c'était de pouvoir travailler et gagner de l'argent. C'est une préoccupation qu'il faut prendre en compte.

M. le ministre vient de le rappeler : les 35 heures ont été appliquées à l'hôpital en dépit du bon sens. Aujourd'hui encore, cette institution souffre de la désorganisation qu'elles ont entraînée.

M. Jean-Marie Le Guen. Changez l'organisation !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes là depuis deux ans !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cette réforme a été engagée sans aucune préparation et a concentré l'effort sur les personnels administratifs, là où l'embauche était la plus facile. Les professions de santé, elles, souffrent d'une véritable pénurie de main-d'œuvre.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne vous le fais pas dire !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Or ce n'est pas en deux ans que l'on peut les former. Vous aviez pourtant affirmé que tout se passerait sans problème !

Par ailleurs, comment pouvez-vous nous reprocher dès à présent une éventuelle réduction ou annulation des aides pour les 35 heures ?

M. Julien Dray. Ce n'est pas nous qui l'affirmons ! Lisez les journaux !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Comment des gens que les partenaires sociaux ont accusés de se livrer à un véritable hold-up sur les finances sociales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en détournant, par l'intermédiaire du FOREC, plus de 4,5 milliards d'euros, dont 2 milliards au détriment de l'assurance maladie, peuvent-ils nous donner des leçons ?

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Quoi qu'il en soit, nous aurons ici des débats fondamentaux, et nous y sommes prêts, en particulier s'agissant de la régionalisation.

Chacun d'entre nous peut regretter l'existence de l'article 40 de la Constitution, mais il a toujours été appliqué de manière équitable, quelle que soit la majorité. Nous présenterons cependant un amendement sur les missions de l'ARH qui sera l'occasion d'aborder cette question au fond. J'espère que nous pourrons nous mettre d'accord sur certains de ses aspects.

Enfin, puisque vous sembliez désireux d'entrer dans le fond du débat, je suggère que nous l'abordions sans tarder et que cessent les manœuvres d'obstruction qui augurent mal de la discussion à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Contrairement à ce que vient de dire le président de la commission spéciale, nous sommes au cœur du débat.

Comme le disait Boileau, il faut appeler un chat un chat. Les 35 heures ont rapporté 2,8 milliards d'euros de cotisations supplémentaires. Ce sont les abattements Juppé et Balladur qui posent un problème de coût : ils jouent sur 28 points de salaire et jusqu'à 1,5 % du SMIC. Voulez-vous les supprimer ? Le coût social et le risque économique d'une telle décision ont été soulignés par M. Vidalies. Les avez-vous bien mesurés ?

L'objectif du Gouvernement, monsieur Bur, n'est pas de permettre à ceux qui veulent travailler plus de gagner plus, mais d'obliger tout le monde à travailler plus en gagnant moins.

M. Yves Censi. C'est un détournement du débat !

M. Jean Le Garrec. Vous avez déjà commencé avec la journée de solidarité, vous voulez poursuivre avec les 35 heures.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est votre interprétation !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ce n'est pas une interprétation !

M. Jean Le Garrec. Dans ces conditions, monsieur le ministre, votre tâche est impossible. Vous allez dans le mur. Cela vous obligera à relever très rapidement la participation d'un euro, la CSG et le forfait hospitalier. C'est une situation que vous ne pouvez maîtriser. Tout cela impose une discussion sérieuse sur le fond avec le ministre d'État, sous l'arbitrage du Premier ministre. Sinon, vous ne vous sortirez pas du piège qui vous est tendu, piège dont seront bien entendu victimes, en premier lieu, les salariés et l'ensemble du système de santé.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Laurent Fabius. Votre intervention, monsieur Douste-Blazy, est révélatrice de l'état d'esprit du Gouvernement, que je résumerai ainsi : j'accuse mes prédécesseurs et je me défausse sur mes successeurs. Vous parlez de réforme, c'est un terme impropre. Mieux vaudrait parler, selon l'expression consacrée, de « vraie fausse réforme ». Je vous propose même plutôt le concept de PPT 2007  : plan pour tenir jusqu'en 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est votre martingale !

Chacune et chacun d'entre nous ici a bien étudié votre texte. Il ne résout aucun problème de fond, il reporte tout après 2007, il est injuste, il ne mérite donc en aucun cas le qualificatif de réforme. Ce qui le caractérise, c'est défausse et poudre aux yeux.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est un spécialiste qui parle !

M. Laurent Fabius. Vous pouvez continuer à sourire, monsieur le ministre, il n'en demeure pas moins que la totalité de la question sera à reprendre lorsque vous aurez terminé votre mandat.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Après les excellentes interventions qui ont précédé, je veux revenir à la question des 35 heures parce que nous venons d'avoir la démonstration que nos interrogations sont légitimes. Le ministre déclare : « Pas touche aux 35 heures à l'hôpital ! » et, dans la minute qui suit, le président de la commission spéciale explique qu'il faudra les remettre en cause.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je n'ai jamais dit ça !

M. Julien Dray. Qui parle vrai dans ce gouvernement, qui dit la vérité dans cette majorité ?

Pourquoi prenons-nous le temps d'évoquer cette question dans l'hémicycle ? Ce n'est pas de notre chef, c'est parce que M. Sarkozy réclame une réforme profonde des 35 heures.

M. Laurent Fabius. Et pourquoi pas à l'hôpital ?

M. Julien Dray. Et il ajoute qu'il ne faut pas craindre d'aller jusqu'au bout.

Si M. Sarkozy engage cette réforme, il y aura forcément des recettes fiscales supplémentaires pour le Gouvernement. La discussion que nous avons aujourd'hui n'est donc plus fondée sur le plan comptable puisque le Gouvernement aura, d'un certain point de vue, la cassette qu'il espère.

Nous voulons savoir maintenant qui a raison, quelle est réellement la politique du Gouvernement, d'autant que, le 15 octobre 2003, le Président de la République déclarait devant quelques parlementaires avertis : c'est imbécile de vouloir s'attaquer à la question des 35 heures, elles sont là, elles sont maintenant un acquis.

Que se passe-t-il donc dans ce gouvernement, qui a raison, quelle est l'orientation ? Il est normal que le Parlement soit le lieu du débat.

M. Yves Censi. Sur l'assurance maladie, pas sur les 35 heures !

M. Julien Dray. Nous demandons donc à nouveau, madame la présidente, que, par respect pour le Parlement, le Premier ministre vienne s'expliquer sur cette question. C'est la moindre des choses, car cela éclaire évidemment d'une tout autre manière le débat que nous avons sur l'assurance maladie.

M. Yves Censi. C'est de l'agitation !

Mme la présidente. Madame Fraysse, maintenez-vous votre demande de suspension de séance ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, madame la présidente.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Richard Mallié, pour un rappel au règlement.

M. Richard Mallié. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 qui dispose, en son alinéa 1er : « Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; » et en son alinéa 2 : « Si, manifestement, [l']intervention [d'un orateur] n'a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. »

Madame la présidente, je souhaiterais que tous les rappels au règlement se conforment à leur objet.

M. Laurent Fabius. Laissez la présidente présider !

M. Richard Mallié. Or ce n'était le cas pour aucun de ceux qui ont été faits !

M. Claude Goasguen. Exactement !

M. Richard Mallié. Voilà plus d'une heure et demie que la séance a commencé. Nous avons entendu un certain nombre d'orateurs de l'opposition, qui avaient certes des choses à dire...

Mme Jacqueline Fraysse. La présidente a le sens de la démocratie !

M. Richard Mallié. ...mais qui pourront les dire dans le cours du débat. Nous n'avons même pas commencé l'examen du texte ; nous en sommes encore aux amendements avant l'article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray. L'interprétation que fait M. Mallié des rappels au règlement est totalement subjective.

Mme la présidente. Ce n'est pas à vous d'en juger !

M. Julien Dray. Je ne juge pas, madame la présidente, j'exprime simplement mon avis, comme la possibilité est donnée à chacun d'entre nous.

Pour ma part, je constate que, depuis une heure et demie, nous demandons que M. le Premier ministre ou M. le ministre d'État vienne s'expliquer.

M. Bernard Accoyer. Le Gouvernement est représenté par deux ministres !

M. Julien Dray. Oui, mais aujourd'hui, il n'y a pas un gouvernement, mais des gouvernements ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. Et à gauche, il y en a combien ?

M. Julien Dray. Selon le ministre qui s'exprime, l'orientation est différente et change quasiment toutes les heures !

M. Jean Leonetti. Ce n'est pas la gauche plurielle !

Mme la présidente. Monsieur Dray, je souhaiterais que vous ne repreniez pas le débat qui a eu lieu avant la suspension de séance. Je vous demande d'être bref.

M. Julien Dray. Madame la présidente, nos collègues de la majorité sont visiblement très chatouilleux lorsque l'on parle du Gouvernement ! Je les comprends, au regard des péripéties que connaît notre pays depuis quelques semaines.

Je constate donc que ni le Premier ministre ni le ministre d'État n'ont jugé bon de venir informer l'Assemblée nationale. C'est leur responsabilité, comme c'est celle de l'opposition de demander à nouveau leur venue. Nous réitérerons donc cette demande dans les heures qui viennent.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Madame Fraysse, vous avez défendu l'amendement n° 136. Souhaitez-vous également soutenir les amendements qui lui sont identiques, nos 137 à 147, à l'exception de l'amendement n° 144 que M. Lefort défendra ensuite ?

Mme Jacqueline Fraysse. Comme ils sont tous identiques, je considère qu'ils sont défendus.

M. Jean-Claude Lefort. De même que l'amendement n° 144.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Permettez-moi d'abord, madame la présidente, de vous dire l'admiration que j'éprouve pour le calme, le sang-froid et la sérénité avec lesquels vous avez résisté aux invectives venues d'une partie de l'hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La sérénité me vient peut-être de l'âge.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Elle s'accroît donc à chaque anniversaire.

M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas le cas pour tout le monde !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Sans vouloir polémiquer, voilà 105 minutes que nous parlons pour ne rien dire, ou de choses qui n'ont rien à voir avec le texte !

Mme Jacqueline Fraysse. Comment ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela prouve bien, comme M. le ministre l'a souligné, que les orateurs n'ont pas beaucoup d'idées sur l'assurance maladie. C'est malheureux, mais nous le savions.

M. Julien Dray. Nous avons jusqu'au 1er août !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je ne veux pas polémiquer non plus sur le coût des 35 heures pour les finances sociales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ni vous parler de leur impact à l'hôpital...

Mme la présidente. Monsieur Dubernard, vous relancez le débat !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cependant, par le biais des 35 heures à l'hôpital, nous aurions pu entrer dans le vif du sujet. Vous savez comme moi que l'article 41 aborde cette question, ainsi que celle des exonérations.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce problème a donc bien à voir avec le texte !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Le Guen, vous n'avez pas saisi cette occasion et vous êtes resté au plan général. Il fallait faire venir le Premier ministre ! Il aurait presque fallu changer la Constitution pour que l'on puisse faire venir aussi le Président de la République !

J'en reviens à l'amendement n° 136 qui, il est vrai, est important. Il reprend en effet mot pour mot le préambule de la Constitution de 1946.

La question est simple : un texte de loi doit-il reprendre les dispositions d'un texte constitutionnel ? La commission a répondu non et a rejeté les douze amendements identiques dès sa première réunion.

M. Julien Dray. Elle a donc rejeté la Constitution ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ces amendements reprennent en effet des principes énoncés dans le préambule de la Constitution de 1946, repris par celui de la Constitution de 1958. Je pense que vous ne voudrez pas déclasser ce qui a valeur constitutionnelle en le reprenant dans la loi. Cela n'apporterait rien de plus. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le rapporteur invective l'opposition, avant de reconnaître que les sujets que nous abordons touchent à un article du projet.

Qu'il nous excuse du peu si nous voulons savoir ce qu'il en est des 16 milliards d'euros qui pourraient demain aider à financer l'assurance maladie ? Est-ce une question que nous ne devons aborder qu'à l'article 43, l'un des derniers du projet de loi ? Ou bien le Gouvernement ne doit-il pas nous éclairer sur sa volonté d'entrée de jeu ? Avec la meilleure volonté, on ne saurait considérer que ces questions ne sont pas au centre des problèmes que nous avons à traiter.

Bien évidemment, l'amendement n° 136, présenté par Mme Fraysse, a toute sa place dans ce texte. Ou plus exactement, ce qui suscite nos interrogations, c'est qu'il n'y figure pas, c'est le fait que ni le rapporteur ni le ministre ne souhaitent que les valeurs fondatrices de la République y soient reprises.

Lorsque nous traitons de l'assurance maladie, nous ne débattons pas d'un sujet technique, mais de l'un des piliers du contrat social de la République. Or toutes les craintes sont permises lorsque l'on fait la somme des mesures incluses dans ce texte et surtout lorsqu'on en voit la structure réelle, c'est-à-dire la mise en place d'une véritable machine à dérembourser.

À mesure que reculera la protection sociale obligatoire, c'est la privatisation qui sera en marche. Vous ne pouvez pas la nier, puisque vous en installez vous-mêmes le pilotage : le président Dubernard a fait avaliser rapidement, lors de la réunion prévue à l'article 88 du règlement, un amendement qui institutionnalise le co-pilotage de la gestion de notre système de santé par la sécurité sociale et les organismes d'assurance privés. Avec l'arrivée tardive de cet amendement - aussi tardive que l'a été l'annonce d'une loi organique portant réforme du projet de loi de financement de la sécurité sociale et dont l'objectif premier est d'imposer une maîtrise comptable des dépenses d'assurance maladie -, on voit se dessiner peu à peu ce qu'il faut proprement appeler une contre-réforme, à l'exact opposé des valeurs défendues, ces vingt dernières années, par tous les gouvernements. Avec parfois quelques difficultés, voire quelques injustices, tous ont en effet défendu le niveau de protection sociale et privilégié la maîtrise des dépenses de santé, afin d'éviter le décrochage entre dépenses de santé et dépenses d'assurance maladie.

Nous allons dissiper les brouillards que vous entretenez depuis des semaines autour de l'objectif premier de votre projet de loi. Vous essayez d'endormir les Français et de leur faire croire que cette réforme est indolore, que l'arrivée d'un gadget permettra, sans qu'il en coûte le moindre effort à quiconque, de retrouver un équilibre - par ailleurs improbable - des comptes de l'assurance maladie. En réalité, en faisant en sorte que le poids des déficits pèse en permanence sur l'assurance maladie et en mettant en place un pouvoir caché, déresponsabilisé et sans contrôle démocratique, vous vous apprêtez à organiser massivement des déremboursements et baisses de remboursements.

Mme la présidente. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, si vous considérez que j'en ai terminé, je m'en tiendrai là. Mais, comme j'ai encore des choses à dire, j'espère avoir l'occasion d'intervenir à nouveau dans le débat.

Mme la présidente. J'en suis persuadée mais votre temps est épuisé.

La parole est à M. Alain Vidalies, après quoi l'Assemblée sera suffisamment éclairée.

M. Alain Vidalies. L'amendement que nous examinons a pour objet de rappeler des principes constitutionnels. On pourrait écarter cette question en faisant valoir qu'il est inutile d'introduire dans le texte de la loi ce qui figure déjà dans la Constitution. Pourtant, monsieur le ministre, cette démarche est tout à fait nécessaire et justifiée. Sur plusieurs points, en effet, votre projet de loi contredit les objectifs rappelés dans le préambule de la Constitution, déjà sanctionnés comme ayant valeur constitutionnelle, notamment le droit à la santé.

Vous avez organisé - selon une procédure qui n'a guère fait l'objet de communication de votre part - un système de sécurité sociale et d'accès à la santé à deux vitesses. Vous permettez aux médecins spécialistes d'appliquer des honoraires libres aux patients qui n'auront pas consulté préalablement leur médecin traitant : cette mesure, qui pourrait apparaître comme une sanction à l'encontre des assurés qui n'auraient pas suivi le cheminement normal, instaure en réalité une liberté qui ne profitera qu'à certains. Il y aura deux catégories de Français : ceux qui auront les moyens de consulter directement un spécialiste et de payer les honoraires élevés qu'il leur demandera, et ceux qui, faute de moyens, n'auront pas le choix et devront passer d'abord par le médecin traitant. Dans ce système qui va se mettre en place peu à peu, certains auront un accès facile et rapide aux soins, et d'autres suivront le cheminement obligatoire - celui du pauvre. Cette démarche ne mettrait pas en cause le principe constitutionnel du droit à la santé pour tous ? La question se pose avec force.

D'autres raisons encore rendent indispensable le rappel de la Constitution. Ainsi, selon un article du quotidien Les Échos du 3 juin 2004, les assureurs demandent la communication des données médicales. Il importe de rappeler le principe constitutionnel de protection des données personnelles qui s'applique dans notre pays.

Par ailleurs, la CNIL, qui a validé, avec un raisonnement assez alambiqué, le principe de la tarification que nous examinerons à l'article 2, note toutefois, dans l'avis officiel qu'elle a rendu, qu'elle « s'interroge, au regard des dispositions du préambule de la Constitution de 1946, qui consacre le droit à la protection de la santé, sur les conséquences pour la prise en charge des soins de la personne dans le cas où elle serait dans l'impossibilité d'attester son identité » - ce qui renvoie à une disposition de votre projet de loi.

Ces trois exemples - on pourrait en trouver d'autres - mettent largement en cause la compatibilité de votre projet de loi avec des principes constitutionnels qui nous semblaient jusqu'à présent partagés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souscris, bien évidemment, aux propos de M. Vidalies. Compte tenu de la teneur du texte actuel, il n'est pas superflu de rappeler dans la loi un principe qui figure dans le préambule de la Constitution. Contrairement à ce qui a été affirmé, il ne s'agit nullement de le « déclasser », mais au contraire de le mettre en valeur, afin de créer les conditions assurant la conformité des articles du projet avec ces principes. Qui peut le plus peut le moins. Quel mal y a-t-il à cela ? Vous-même, monsieur le rapporteur, semblez y souscrire.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous voulez aller au Conseil constitutionnel ? Avec M. Vidalies, vous formeriez une paire idéale !

M. Julien Dray. Mazeaud serait plus content avec eux qu'avec Giscard !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 136 à 147.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de 149 amendements identiques, nos 7324 à 7472.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Madame la présidente, je demande la parole.

Mme la présidente. Je vous en prie.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Il me semblait avoir compris tout à l'heure qu'il nous serait possible, si nous le souhaitions, de reprendre, les uns après les autres, tous les amendements défendus par Mme Fraysse. Les règles dont nous étions convenus il y a une heure, à l'issue d'une suspension de séance, auraient-elles déjà changé ?

M. Jean-Marie Le Guen. Expliquez-nous, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements ont été défendus, puis je vous ai donné la parole pour répondre au Gouvernement et à la commission - ce qu'ont fait M. Le Guen, M. Vidalies et Mme Fraysse. Ces amendements n'ayant pas été abandonnés par le groupe des député-e-s communistes et républicains, ils ne pouvaient être repris : ils vous ouvraient simplement ce droit de parole.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cela concernait l'amendement n° 136, pas le n° 137 et les suivants !

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Fabius, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Fabius. Lorsque plusieurs amendements ont été déposés par plusieurs députés, qu'ils soient présents ou non, il est toujours possible à un député qui n'en est pas signataire de reprendre un amendement et de le défendre.

Vous pouvez, certes, en tant que présidente, soumettre à discussion commune des amendements qui ont le même texte. Mais, dans ce cas, il n'y a pas lieu de se limiter à une intervention pour et une contre, il faut tenir compte du fait qu'il y a plusieurs amendements identiques.

M. Claude Goasguen. Laissez donc la présidente présider !

M. Laurent Fabius. Mon cher collègue, il s'agit véritablement d'un rappel au règlement - un règlement que, comme vous sans doute, je connais fort bien !

M. Claude Goasguen. Pas de condescendance !

M. Laurent Fabius. L'observation de Mme Hoffman-Rispal est donc parfaitement pertinente : lorsque plusieurs amendements ont le même texte, plusieurs personnes peuvent intervenir pour et plusieurs contre. Tel est, jusqu'à nouvel ordre, le règlement de l'Assemblée nationale.

Mme la présidente. La commission et le Gouvernement ayant fait chacun une réponse globale, nous pouvions procéder comme nous l'avons fait.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray. A-t-il eu le temps de lire Pif le Chien ? Non, c'est un intellectuel !

M. Hervé Mariton. Avez-vous des commentaires plus utiles à apporter au débat ?

Je tiens à prendre nos collègues à témoin, car, si évidentes que soient les choses, il vaut parfois mieux les dire : si le terme d'obstruction  a un sens, c'est ici qu'on le trouve.

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, dans votre cerveau !

M. Hervé Mariton. Quelle que soit la prudence de la majorité pour qualifier au fond chacun de vos amendements, nous nous trouvons bien ici face à cent quarante-neuf amendements identiques ! Chacun témoignera que, pris individuellement, chacun de ces amendements apporte au débat une valeur ajoutée modeste.

Vous pourrez, dans la suite de la discussion, vous exprimer à votre guise sur l'intérêt spécifique de chacun de vos innombrables amendements. Mais, ici, vous n'avez eu ni l'originalité, ni le talent, ni le courage de les distinguer même par de légères nuances. Ils sont absolument identiques ! (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.) Le groupe socialiste n'a d'autre argument que celui de l'obstruction. Cent quarante-neuf amendements en tout point identiques : le moins qu'on puisse dire, c'est que le groupe socialiste ne pèche pas par excès d'imagination !

Mme la présidente. Il faudra tout de même écouter le groupe socialiste quand il demandera la parole : M. Le Guen, par exemple, qui souhaite faire un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Mariton, vous avez sans doute l'intention de conclure rapidement le débat.

M. Julien Dray. Oui, pour lire Pif le Chien !

M. Jean-Marie Le Guen. Car, en réalité, ce débat vous gêne ! Vous aimeriez qu'on puisse voter la loi ce soir (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Hervé Mariton. Avec, à chaque fois, cent quarante-neuf amendements identiques, je n'ai guère d'illusions !

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais je dois vous dire que c'est peu probable et que vous aurez sans doute le temps, pendant quelques jours et peut-être un peu plus, d'écouter les interpellations de vos collègues de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous interpellerons également le Gouvernement, car il nous a fait, sur les 35 heures à l'hôpital, des réponses contradictoires et ne nous a toujours pas répondu à propos des 16 milliards d'euros qui se baladent entre l'État et la sécurité sociale. Ces 16 milliards sont suspendus au-dessus de nos têtes, et on ne sait pas dans quelle caisse ils vont tomber !

M. Gérard Bapt. Dans celle de Sarkozy !

M. Jean-Marie Le Guen. On nous explique que 23 000 euros sont dépensés à chaque minute, mais le Gouvernement est incapable de nous fournir la moindre explication sur ces 16 milliards d'euros !

M. Julien Dray. Il faudrait qu'ils arrêtent de se disputer !

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas nous qui refusons le débat ! Nous avons posé plusieurs questions au Gouvernement, mais n'avons obtenu qu'une seule réponse, partielle de surcroît, et qui faisait apparaître une contradiction entre les propos de M. Bur et ceux de M. Douste-Blazy - sans parler de ce que pourraient dire d'autres ministres !

Par ailleurs, nous, députés socialistes, ne pouvons pas accepter la remise en cause de notre travail de parlementaire par M. Mariton.

M. Hervé Mariton. Ce n'est pas du travail, c'est de la copie !

M. Julien Dray. La copie, ça fait partie du travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C'est même un travail de bénédictin ! Vous devriez le savoir, monsieur Mariton !

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est sans doute de l'humour socialiste !

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour un rappel au règlement.

Mme Élisabeth Guigou. Je trouve inouï que nos collègues de la majorité, en particulier M. Mariton, refusent une véritable discussion sur un des projets de loi les plus importants, même si ce n'est pas le plus pertinent, de la législature. En effet, nous sommes en train de débattre d'une réforme qui s'attaque à l'un des piliers du pacte social issu de la Libération. Mme Bello a fort justement rappelé hier à quel point notre pays, pourtant exsangue et sortant d'épreuves considérables, avait réussi, en 1945, pour favoriser la cohésion nationale, à mettre en place ce pacte social.

M. Hervé Mariton. Les socialistes avaient une autre allure à l'époque !

M. Jean-Marie Le Guen. La droite aussi !

M. Richard Mallié. Elle avait de Gaulle !

M. Jean-Marie Le Guen. Il y en avait peu à droite avec de Gaulle, monsieur Mallié !

Mme Élisabeth Guigou. C'est ce pacte, messieurs de la majorité, que vous avez l'intention de démanteler aujourd'hui, en créant une sécurité sociale à deux vitesses dont nous avons énuméré et analysé les éléments avec précision, que ce soit dans l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. Gremetz, dans la question préalable défendue par Jean-marie le Guen ou dans la motion de renvoi en commission présentée par Alain Claeys.

Par conséquent, souffrez qu'en préalable à l'examen des articles, nous exposions les principes de votre projet, les problèmes qu'il pose, et que nous disions à quel point nous sommes inquiets de ce texte qui va complètement ébranler un pilier essentiel de notre pacte social.

J'ajoute qu'il est probable, comme vient de le dire Alain Vidalies, que votre projet de loi soit inconstitutionnel. Alors permettez que nous nous interrogions sur ses principes et sur ses orientations principales, avant de discuter de mesures techniques que, par ailleurs, nous contestons.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour un rappel au règlement.

M. Pierre-Louis Fagniez. Encore !

M. Gérard Bapt. Je tiens à revenir à l'objet de notre règlement : organiser le débat et assurer le contrôle parlementaire, notamment celui exercé par l'opposition, sur l'action et les projets du Gouvernement.

Or, monsieur Mariton, nous avons été échaudés par ce qui s'est passé ces derniers jours, en commission spéciale et durant le débat devant l'opinion publique. Le Gouvernement s'est avéré incapable de répondre à nos interrogations et, plus largement, à celles des Françaises et des Français exprimées par leurs diverses organisations.

M. Hervé Mariton. Il faut donc entrer dans le débat !

M. Gérard Bapt. Prévoyant que, sur des amendements aussi fondamentaux que celui de Mme Fraysse ou ceux que nous allons maintenant défendre, le Gouvernement serait une fois de plus en panne de réponse, nous avons légitimement décidé d'aller jusqu'au fond du débat en multipliant, par précaution, le nombre d'amendements.

Ce matin encore, M. Ayrault se plaignait ici même de la désinvolture choquante du Gouvernement, qui élude presque toujours les interpellations de l'opposition. Mais je découvre une dépêche AFP : un communiqué signé de M. Jean-Luc Préel qui n'appartient pas, dit-on, à l'opposition. Même lui se dit « scandalisé par l'absence de réponse de M. Douste-Blazy...

M. Jean-Marie Le Guen. Exactement !

M. Gérard Bapt. ...à l'ensemble des questions posées lors de la discussion générale ».

M. Julien Dray. M. Préel et le ministre de la santé n'étaient-ils pas ensemble à l'UDF ?

M. Gérard Bapt. Et il ajoute : « C'est la première fois qu'un ministre de la santé néglige autant les propositions des parlementaires et se comporte de manière aussi désinvolte. »

Voilà pourquoi, monsieur Mariton, il ne s'agit pas pour nous de faire de l'obstruction, mais simplement d'assurer, en tant qu'opposition, notre rôle de contrôle parlementaire.

M. Hervé Mariton. Vous n'êtes pas le porte-parole de l'UDF, monsieur Bapt !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je rappelle que nous en étions aux amendements identiques nos 7324 à 7472.

La parole est à M. Alain Claeys, pour soutenir l'amendement n° 7324 de M. Jean-Marc Ayrault.

M. Alain Claeys. Je ne pense pas, mes chers collègues, qu'il s'agisse d'un amendement d'obstruction, puisqu'il porte sur le financement du droit à la santé. Mais, avant de le défendre, je souligne que ce n'est pas nous qui avons créé un tel climat dans l'hémicycle. En effet, depuis le début de la discussion, deux évènements importants se sont produits.

Le premier, c'est la réponse très courte du ministre à Jean-Marc Ayrault ce matin, par laquelle il a redéfini les règles financières déterminant l'ONDAM. Excusez du peu, aborder un tel sujet en une minute trente, sans nous faire connaître le projet de loi qui sera déposé en octobre : si la représentation nationale ne demandait pas des éclaircissements, elle ne ferait pas son travail.

Le second concerne les 35 heures. Ce n'est pas nous qui avons ouvert le débat. Je ne sais pour quelle raison M. Sarkozy et M. Raffarin ont évoqué ce sujet,...

M. Julien Dray. Pour embêter Chirac !

M. Alain Claeys. ...mais il nous concerne très directement aujourd'hui : l'hôpital entre dans notre périmètre de réflexion et les cotisations sociales sont un élément important de notre discussion.

J'en viens à cet amendement. Le problème du financement de vos mesures se pose car, comme je l'ai rappelé ce matin, les Français, contrairement à ce que vous dites régulièrement, ne sont pas contre tout changement. Mais, s'agissant de l'assurance maladie, ils mettent naturellement deux conditions à l'acceptation d'une réforme.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Les Français la soutiennent à 70 % !

M. Alain Claeys. La première, c'est que l'offre de soins soit améliorée, qu'il n'y ait plus de ruptures dans l'offre comme celle que nous avons malheureusement connue lors de la canicule de l'an dernier. Chacun sait très bien aujourd'hui qu'il y a des inégalités territoriales importantes dans l'offre de soins.

La seconde, c'est que les mesures soient financées de façon équitable. Notre amendement rappelle donc que ce financement doit, d'une part, être équilibré entre les différents acteurs de la santé et les contribuables ; d'autre part, ne pas peser sur les générations futures.

Or, selon votre projet, dès le 1er janvier prochain, ce seront 3,24 milliards d'euros supplémentaires que vous demanderez aux ménages, sous la forme de déremboursements et d'augmentations des prélèvements. La prolongation de la CRDS, pour éponger au minimum 50 à 60 milliards de dettes entre 2002 et 2007, et l'augmentation du taux de la contribution dès le 1er janvier 2005 correspondent à une augmentation de 140 % des dépenses pesant sur les redevables. Au total, mes chers collègues, il est incontestable que l'effort demandé aux ménages s'élèvera à 9,8 milliards d'euros. Dans le même temps, la contribution demandée aux entreprises, sous la forme d'une taxe additionnelle de 0,3 % à la contribution sociale de solidarité des sociétés, apparaît comme bien modeste et bien symbolique : 780 millions d'euros pour les unes, 9,8 milliards pour les autres, soit un écart de un à douze. C'est une bien curieuse conception du partage équitable. C'est pourquoi nos concitoyens ne pensent naturellement pas que vos mesures constituent une réelle réforme.

Mme la présidente. Je considère, monsieur Claeys, que vous avez également défendu votre amendement n° 7356.

Je vais maintenant donner la parole à tous les auteurs d'amendement ici présents, en commençant par M. Bapt, pour soutenir l'amendement n° 7330.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Manoeuvre de retardement !

M. Gérard Bapt. Cet amendement nous paraît fondamental. De même que celui de Mme Fraysse, malheureusement repoussé, il resitue bien notre discussion dans le cadre fondamental fixé par la Constitution et par les principes fondateurs de la sécurité sociale.

À cet égard, il y a un argument qui sera nôtre pendant tout ce débat et dont nous voulons faire prendre conscience aux Français : le plan proposé par le Gouvernement est une contre-réforme destinée à être complétée par une loi organique, laquelle reviendra sur les fondamentaux de notre système de protection sociale.

Une fois encore, j'en vois la preuve dans les informations qui, tous les jours, viennent compléter nos propres connaissances et notre réflexion. Une dépêche AFP vient de tomber et, cette fois-ci, elle concerne la Caisse nationale d'assurance maladie. Celle-ci confirme ce que nous avons déclaré dans la discussion générale, c'est-à-dire qu'en admettant même que l'ensemble des économies et des recettes nouvelles prévues par le plan gouvernemental soient obtenues, un déficit minimum de 5 milliards d'euros persisterait en 2007.

Certes, M. Xavier Bertrand a dit que nous verrons, courant 2005, si le plan est engagé sur la voie du succès. Au-delà du changement des comportements, il faudrait aussi compter sur le fameux choc psychologique et sur la croissance économique.

Pourtant, après la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances, après nos propres observations et les attendus de la commission des comptes de la sécurité sociale, c'est désormais la CNAM, en la personne de son directeur général, Daniel Lenoir, qui tempère l'enthousiasme du Gouvernement. M. Lenoir a présenté à la presse les deux actions d'envergure qui permettraient un retour à l'équilibre. Il s'agit non seulement de la mobilisation des marges d'économies, mais aussi d'une « définition active du périmètre des soins remboursés », sur laquelle toute l'architecture du projet de loi est construite. Au bout du compte, le « proconsul directeur général » pourra procéder à des déremboursements, bloquer des actions nouvelles et, sous le contrôle purement consultatif de la Haute autorité de santé et du conseil d'orientation, définir « activement » le périmètre des soins remboursés !

M. Jean-Marie Le Guen. Beau langage techno !

M. Gérard Bapt. Traduisons : le débouché de cette réforme, c'est donc une assurance minimale obligatoire, à côté de larges champs ouverts à l'assurance complémentaire individuelle. Nous aboutirons à un système libéral et le groupe des ultra-libéraux au sein de la majorité, M. Mariton à sa tête, aura ainsi remporté la mise ! Ce groupe sera effectivement arrivé, tout en douceur et au prix de nombreux subterfuges, à remettre en question le fondement de notre sécurité sociale. Avec la définition active du périmètre des soins remboursés, nous en revenons à ce que M. Kessler avait souhaité, à l'époque où il parlait au nom du MEDEF et de la Fédération française des sociétés d'assurance : aboutir à une nouvelle définition du panier de soins remboursables. Et le panier de soins se trouve ainsi inscrit au premier jour de cette discussion parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dray, pour soutenir l'amendement n° 7372.

M. Julien Dray. L'argumentation de mon collègue Bapt était extrêmement brillante. Elle m'a totalement convaincu et aurait dissipé mes doutes si j'en avais encore.

Cette discussion se veut sérieuse. Comme un architecte commence par poser les fondations de la maison qu'il construit, nous voulons, d'emblée, clarifier les choses. Car tout le débat montre que nous ne sommes pas d'accord sur la manière dont doit être organisée la protection sociale. Nous souhaitons que l'effort qu'elle demande soit équitablement partagé par l'ensemble des acteurs économiques. Les assurés sociaux ne doivent pas être les seuls à supporter le poids de la réforme voulue par le Gouvernement. Cette équité doit être affirmée. Tel est le premier objet de notre amendement.

Nous sommes attachés, en second lieu, à la solidarité entre les générations et à l'intérieur de chaque génération, que nous réaffirmons également.

Ces principes que nous voulons mettre en avant sont aussi des engagements que nous prenons devant la nation.

L'avis défavorable du Gouvernement pose problème. Si les choses étaient simples, il reprendrait notre amendement à son compte et nous n'en discuterions plus. Ainsi, il y aurait consensus. Mais son refus montre qu'il y a bien une divergence entre nous, qui reflète d'ailleurs la différence fondamentale entre la droite et la gauche.

Car il faut revenir à des choses simples : sur le fond, cette majorité n'a plus rien à voir avec l'héritage historique de la sécurité sociale. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle a fait peu de cas du rappel des principes fondateurs de 1945, qu'avaient proposé d'introduire nos camarades... nos collègues communistes.

M. Bernard Accoyer. « Camarades communistes » : chassez le naturel, il revient au galop !

M. Julien Dray. Cette majorité n'a plus rien à voir avec l'héritage gaulliste. Elle a tout à voir avec une conversion à des idées qui en sont bien éloignées. Et d'ailleurs, si, dans certaines rédactions, on surnomme l'actuel ministre de l'économie et des finances « Sarkozy l'Américain », c'est bien parce qu'il est, sur le fond, totalement convaincu de la valeur du modèle qui nous vient d'outre-atlantique. Ce modèle est contraire aux fondamentaux de notre système de protection sociale. Ce sont ces fondamentaux que notre amendement entend rappeler, d'autant plus que nos concitoyens y sont attachés.

Ils ont d'ailleurs exprimé cet attachement : si vous avez essuyé deux défaites électorales cinglantes, comme aucun gouvernement n'en avait subi dans toute l'histoire de la Ve République, c'est bien que...

M. Bernard Accoyer. Et les municipales de 2001 ? Et les législatives de 1993 ?

M. Julien Dray. Ah, nous constatons que M. Accoyer est dans l'hémicycle. Il se manifeste comme il le fait parce qu'il pense que la valeur d'une argumentation se mesure au nombre de décibels. C'est sa façon à lui de montrer sa détermination.

M. Jean Leonetti. On a le droit de répondre quand vous dites n'importe quoi !

M. Julien Dray. Eh bien allez-y, monsieur Leonetti, répondez !

Mme la présidente. S'il vous plaît, chers collègues, laissez terminer M. Dray !

M. Julien Dray. Madame la présidente, je veux bien laisser un peu de mon temps de parole à M. Leonetti.

Mme la présidente. Monsieur Dray, pour le moment, je vous demande de défendre votre amendement.

M. Julien Dray. Je vais donc conclure. Et mes collègues reviendront à cet amendement,...

Mme la présidente. Je leur fais confiance ! (Sourires.)

M. Julien Dray. ...car il concerne quelque chose d'essentiel. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, mais nous allons rabâcher et rabâcher encore.

M. Pierre-Louis Fagniez. Après la copie, le rabâchage !

M. Julien Dray. Comme cela, peut-être que M. Mariton finira par comprendre !

Je crois que le Gouvernement aurait tout intérêt à approuver notre amendement, y compris pour éviter les polémiques et les suspicions. Le secrétaire d'État qui siège au banc du Gouvernement nous explique à longueur de journée qu'il n'a rien à voir avec les sociétés d'assurance, qu'il en connaît, par expérience, tous les tenants et les aboutissants, et qu'il est donc maintenant attaché à la défense de notre sécurité sociale. Il ne veut pas du tout être assimilé au système assuranciel privé. Il aurait donc tout intérêt à reprendre cet amendement. Il se dégagerait ainsi de toutes les suspicions qui pèsent sur le projet de loi qu'il défend.

Approuvez notre amendement : c'est un appel à la raison.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l'amendement n° 7399.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Avant d'attaquer l'examen de l'article 1er, il nous semble essentiel de rappeler un certain nombre de principes que nous considérons comme fondamentaux. Parmi eux, il y a le principe suivant : le financement du droit à la santé doit être assuré de manière équitable et durable.

À cet égard, ce texte nous inspire d'autant plus d'inquiétudes que nous n'avons pas eu de réponse aux questions que nous posons depuis deux jours. Aujourd'hui, 1er juillet, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie se met en place. Mme Paulette Guinchard-Kunstler vous a interpellé hier soir, monsieur le secrétaire d'État, sur ses missions, son devenir et son financement, qui restent complètement dans le flou. D'après ce qui avait été dit lors des deux lectures du projet de loi qui a créé cette caisse, certaines missions qui faisaient partie des objectifs nationaux de l'assurance maladie n'en feront plus partie à partir d'aujourd'hui. Mais aucune information ne nous a été donnée à ce sujet.

Oui, nous sommes inquiets. Le ministre nous avait par exemple promis de nous informer sur le rapport Briet-Jamet dont nous devrions disposer au moment d'aborder le débat sur l'assurance maladie. Alors qu'avec l'allongement de la durée de la vie, les dépenses concernant les personnes les plus âgées et les plus fragiles sont vraiment un enjeu de société primordial, nous n'avons pas les textes que vous avez en main et qui nous permettraient de nous faire une idée un peu plus claire des projets en cours. On nous annonce depuis deux jours une loi organique dont nous ne savons strictement rien. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. On entend systématiquement parler de nouveaux projets sans que nous puissions connaître exactement les intentions du Gouvernement.

Oui, nous pensons que la solidarité intra-générationnelle et inter-générationnelle doit être le socle principal de l'assurance maladie. C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je reprendrai volontiers ce qui a été dit par l'un de mes collègues et amis : cet amendement est fondateur et il construit une muraille de protection.

Monsieur le secrétaire d'État, vous auriez intérêt à l'approuver, parce qu'il vous protège. Il contient en effet deux mots clés. Non seulement il met en avant la notion de solidarité, mais il prévoit aussi que le financement du droit à la santé est « équitable et durable ».

Or, en ce moment, soufflent des vents mauvais : il existe une grande tentation de réduire la base de la masse salariale. On le voit très bien avec l'inscription dans le code du travail du principe d'une journée de travail non rémunérée, qui n'a malheureusement pas été perçue dans toute sa dimension. Un certain nombre d'entreprises sont tentées de se livrer à un chantage social effrayant : ou vous travaillez plus sans être payés, ou nous délocalisons. Nous assistons ainsi à une pression permanente sur le coût du travail. Si cette pression demeure, si donc elle remet en cause l'assiette d'un financement équitable et durable de l'assurance maladie, vous en serez réduits, comme je l'ai déjà dit, à augmenter d'autres sources de financement. Ce ne sera plus un euro mais cinq qu'il faudra payer sans être remboursé ; le forfait hospitalier augmentera, ainsi que la CSG.

C'est dire que c'est un débat fondamental que nous allons engager avec le Gouvernement dans les jours et les mois à venir. Cet amendement fonde un principe, mais définit aussi une protection pour la sauvegarde du système de santé. Sinon, monsieur le secrétaire d'État, quelle que soit votre volonté, tout volera en éclats et vous en serez réduit à procéder, comme cela a été parfois le cas, hélas, dans le passé, à une diminution des remboursements, à une augmentation des prélèvements. C'est ce qui se fera si la tentation de réduire la base de prélèvement salariale reste dans le champ de notre débat. C'est pourquoi cet amendement est extrêmement important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert. Cet amendement permet de présenter les principes d'un système de santé, de définir son objectif et de garantir le droit à la santé.

La santé constitue, au même titre que l'éducation nationale, une priorité de l'action publique. Le rôle de l'État, je vous le rappelle, monsieur le secrétaire d'État, est de garantir un accès universel et solidaire à des soins de qualité, fondé sur la prévention et l'amélioration de l'offre de soins. L'organisation de l'offre de soins relève de la responsabilité directe de l'État.

L'allongement de la durée de la vie et la mise au point de thérapeutiques nouvelles entraînent effectivement une croissance des dépenses de santé. Notre société doit donc faire face à cette évolution avec l'objectif de mieux répondre aux attentes et aux besoins de la population et des professionnels de santé, avec l'ambition aussi de garantir à chacun le même droit à la santé.

Aujourd'hui, nous devons relever un défi majeur, celui d'une réforme globale et structurée de l'offre de soins dans notre pays. Les objectifs à atteindre sont, dans le respect des principes fondateurs de 1945, l'accès de chacun à des soins de qualité, un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé, un financement pérenne et solidaire.

Oui, les dépenses augmentent, mais l'allongement de la durée de la vie et l'alourdissement des techniques médicales ne sont pas pour rien, je le répète, dans cette augmentation. La France ne dispose donc pas d'un système coûteux, eu égard aux objectifs de santé et compte tenu de ses bonnes performances. L'OMS, en 2000, a d'ailleurs consacré notre système de santé comme le meilleur au monde. Il est normal que les sociétés développées consacrent davantage de ressources à leur santé. La contrepartie d'une telle évolution passe par la responsabilité et la citoyenneté de tous.

Le système solidaire de prise en charge des dépenses de santé doit être maintenu et renforcé. Il doit être adapté, pour faire face à la croissance des dépenses de santé. Il s'agit d'un défi majeur, qui renvoie à la question du niveau de dépenses que la collectivité est prête à assumer pour la santé de chacun. Cela passe aussi par une politique économique de soutien à l'emploi, sans laquelle le financement de la protection sociale ne peut être assuré dans la durée.

La réforme que nous proposons doit donc s'intégrer dans un cadre pluriannuel, de trois ans, où doivent être mis en parallèle les objectifs d'amélioration de la qualité et de l'égalité des soins, et les moyens de financement nécessaires pour y parvenir. Une politique de santé ambitieuse est au fondement du projet de société que nous défendons aujourd'hui. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est dit dans cet amendement que le financement du droit à la santé doit être assuré de manière solidaire, équitable et durable, trois qualificatifs que nous espérons voir s'inscrire dans le marbre de la loi, et qui tranchent avec les deux adjectifs - « efficace » et « juste » - qui reviennent le plus souvent dans vos propos et qui sont censés refléter le texte, mais ne reflètent pas la vérité.

L'état catastrophique dans lequel vous avez mis les comptes de la sécurité sociale justifiait que vous nous proposiez une véritable réforme de notre système de santé dans sa globalité. Or vous vous contentez de nous présenter un exercice comptable, qui porte en lui les germes de l'échec, dans le seul domaine de l'assurance maladie.

Vous ne cessez de prendre avec désinvolture les propositions du groupe socialiste alors qu'elles sont réalistes et marquées du sceau des notions d'égalité, de solidarité et de respect de l'avenir.

L'une de ces propositions concerne le financement du dispositif. Il suffirait, pour donner un sens au mot équilibre, de réaffecter sur le compte de l'assurance maladie les taxes sur le tabac, les alcools et les conventions d'assurance,...

M. Bernard Accoyer. Vous les avez piquées pour financer les 35 heures !

M. Gérard Bapt. Mais vous allez les rendre !

M. Jean-Marie Le Guen. Avec intérêts !

M. Bernard Accoyer. S'il faut rendre quelque chose, c'est que ce quelque chose a été pris ! Merci de le reconnaître !

M. Henri Nayrou. ...le tout représentant un apport pérenne de près de 15 milliards d'euros, afin de régler les problèmes financiers qui nous valent l'honneur de siéger en session extraordinaire cet après-midi.

Ce ne serait qu'un juste retour des choses, car ces taxes traduisent une volonté affirmée de prévenir les risques de santé liées à ces fléaux et sont destinées à financer le traitement des conséquences qu'a, sur la santé des Français, l'abus d'alcool et de tabac. Ces 15 milliards d'euros en moins dans le budget de la sécurité sociale et en plus dans le budget général de l'État renvoient aux choix funestes du Président de la République, qui a préféré vous imposer la baisse d'impôts pour les plus aisés...

M. Bernard Accoyer. Ces propos sont scandaleux : ce sont les 15 milliards des 35 heures !

M. Gérard Bapt. Pour l'instant, il est question des baisses d'impôts !

M. Henri Nayrou. ...ce qui n'est pas une bonne pratique au regard de la solidarité, vertu qui est d'ailleurs bien absente de votre texte.

Une politique offensive de l'emploi réglerait bien des problèmes, dans la mesure où 100 000 chômeurs de moins représentent, pour la sécurité sociale, un surplus de recettes de 1,5 milliard d'euros. Ces chiffres s'inscrivent hélas dans un contexte de hausse inexorable du chômage depuis que vous êtes arrivés aux affaires. Hier encore, nous apprenions une mauvaise nouvelle, mauvaise non seulement pour vous, mais pour le pays : le chômage a augmenté de 0,8 % le mois dernier, et l'on compte 20 300 demandeurs d'emploi en plus, l'équivalent d'un manque à percevoir de 300 millions d'euros pour notre système de santé. Aux quinze milliards d'euros − chiffre colossal que l'on a fait glisser d'une colonne à l'autre −, il faudrait ainsi ajouter un multiple de 300 millions d'euros, correspondant à autant de tranches de 20 000 emplois créés : voilà qui serait de nature à régler le problème qui nous intéresse aujourd'hui.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je suis heureux de ne pas être, cette fois, le dernier à parler, eu égard à la qualité des précédents orateurs du groupe socialiste.

M. Hervé Mariton. Ça reste accessible ! (Rires.)

M. Alain Vidalies. Nous n'en sommes pour l'instant qu'à l'énonciation des principes, mais il ne faut pas les traiter à la légère, d'autant moins que comme, avec vous, le diable est dans les détails, il vaut mieux fixer les règles du jeu avant d'entamer l'examen des articles. Je pense d'ailleurs que nos collègues de la majorité auraient intérêt à être attentifs : une première possibilité leur est offerte d'obtenir une réponse à des interrogations que, semble-t-il, ils ont partagées.

Monsieur le ministre, le 17 mai 2004 − ce n'était pas il y a quinze ans −, vous avez présenté votre réforme à la télévision. On vous a interrogé sur la CSG et vous avez répondu qu'elle n'augmenterait pas pour les salariés.

M. Jean-Marie Le Guen. Quel mensonge !

M. Alain Vidalies. C'est d'ailleurs ce qu'avaient retenu les gros titres de la presse le lendemain matin : « M. Douste-Blazy : pas de hausse de la CSG sur les salaires. »

Résultat : on augmente l'assiette sans jamais en avoir parlé. Malgré votre annonce, les salariés vont donc débourser un milliard d'euros de plus.

M. Jean-Marie Le Guen. Une paille !

M. Alain Vidalies. Je suppose que vous êtes suffisamment sérieux, monsieur le ministre, pour ne pas avoir fait votre plan au dernier moment sur un coin de table. Vous saviez donc parfaitement ce qui allait arriver.

Nous continuons de rappeler des principes, dont nous déclinerons ensuite l'application pratique. Cet amendement affirme ainsi celui de la solidarité entre les générations. C'est exactement l'inverse de ce que vous nous proposez, ce qui, d'ailleurs, ne va pas sans créer quelques difficultés au sein de votre majorité, si l'on en juge par le dépôt d'un amendement qui tente de répondre à une préoccupation très largement partagée. Vous voulez confier aux générations futures le soin de rembourser la dette accumulée, y compris celle de 2006 et de 2007. Cette situation extraordinaire est une sorte de non-sens politique. Vous rompez, ce faisant, avec une règle de base sur laquelle il me semble pourtant que tout le monde s'accorde : il ne faut jamais dire « courage, fuyons ! » ni remettre son ouvrage au lendemain.

Le troisième alinéa de notre amendement précise que le financement doit reposer « de façon équilibrée sur les assurés, les employeurs et les acteurs du secteur économique de la santé ». Cette liste n'est pas sans intérêt. Nous l'avons élaborée à la lecture du projet de loi, où il y a de grands absents. Si nous voulons que la sécurité sociale et l'assurance maladie restent au cœur du contrat social, encore faut-il que tous les acteurs y contribuent d'une manière équilibrée. Si nous parlons des employeurs, c'est parce que, dans votre projet, ils ne sont mentionnés que pour mémoire à propos du financement, puisque, en réalité, vous faites payer les générations futures et les générations actuelles de salariés, dans un rapport de 1 à 12. De même, si nous parlons des « acteurs du secteur économique de la santé », c'est parce que nous ne voyons aucune mention de l'industrie pharmaceutique ou des professionnels de santé.

Une véritable réforme, avec de nouvelles modalités de financement, aurait dû impliquer tous les acteurs. Vous avez, au contraire, pratiqué de manière sélective, socialement très ciblée. Et ne nous dites pas, monsieur le ministre, que votre réforme est équilibrée. Il n'y a pas de honte, quand on est de droite, à appliquer des politiques de droite. Vous avez décidé de ne faire payer que les salariés, de taxer les ménages et d'ignorer l'industrie pharmaceutique et les entreprises ; il vaudrait mieux que vous assumiez les principes de votre projet de loi, qui sont exactement contraires à ceux qui inspirent notre amendement. Vous êtes contre les solidarités entre les générations. Vous n'êtes pas pour un financement équilibré, mais pour un financement sélectif, au détriment des salariés et des ménages.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre ayant été obligé de s'absenter, je voudrais rappeler ici les interventions de quelques-uns de nos collègues. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Riez : vous rirez moins tout à l'heure !

M. Pierre-Louis Fagniez. Le ministre va très vite rattraper son retard !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. M. Le Guen est d'une parfaite bonne foi !

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, je vous rappelle que vous n'avez que cinq minutes.

M. Jean-Marie Le Guen. Si je peux parler, madame la présidente !

Notre collègue Gérard Bapt vous a ainsi interrogé, monsieur le ministre, pour savoir ce que vous inspirait la déclaration du directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'étais là !

M. Jean-Marie Le Guen. ...qui, d'une part, table sur un déficit de 5 milliards d'euros en 2007, et, d'autre part, demande que, d'ici là, on mette en place une régulation par le biais des déremboursements du panier de soins. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous fournir le texte exact de sa déclaration.

Nous vous avons ensuite interrogé, à la suite des déclarations de M. Devedjian à propos des 35 heures, sur les 16 milliards d'euros qui se baladent entre l'État et la sécurité sociale. Vous étiez pourtant présent lorsque cette question vous a été posée, mais vous n'y avez pas non plus répondu.

Notre collègue Danièle Hoffman-Rispal vous a interrogé − comme l'a fait hier Paulette Guinchard-Kunstler dans la discussion générale, et sans plus de succès − sur le statut de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie vis-à-vis de la Caisse nationale d'assurance maladie. Les deux caisses agiront-elles de concert ou séparément ?

À ces trois questions, je souhaiterais ajouter une quatrième, à laquelle nous serions très heureux que vous nous répondiez. Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler des propos que vous avez tenus à plusieurs reprises, et aujourd'hui encore. Ainsi, le 16 juin, vous déclariez devant la presse, c'est une dépêche qui le rapporte : « Cette réforme va jusqu'au bout d'une logique, celle de la régulation médicalisée, ce qui est l'exact contraire de la maîtrise comptable. » Mais, le 30 avril 2004, dans une interview parue dans Le Monde − précédée de la mention « Le texte de cet entretien a été relu et amendé par M. Douste-Blazy » −, aux journalistes qui vous demandaient : « Que proposez-vous ? », vous répondiez : « Nous avons besoin d'une régulation médicalisée et [...] comptable. »

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vais vous expliquer !

M. Jean-Marie Le Guen. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, laquelle de ces deux déclarations traduit vraiment votre pensée − en tout cas votre pensée du jour. Faut-il penser que vous privilégierez une régulation médicalisée s'opposant strictement à la maîtrise comptable, ou faut-il croire, comme vous le disiez d'abord, que vous mettrez en œuvre une maîtrise médicalisée et comptable ? J'espère que vous allez me démentir, mais chacun aura compris que, alors que vous prônez la maîtrise médicalisée, vous ne la mettez pas en œuvre avec la réforme annoncée de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ou avec la problématique de l'opposabilité de l'ONDAM. Au contraire, cette maîtrise médicalisée, sur laquelle les députés de la majorité discourent volontiers, est systématiquement liée à la problématique de la convention médicale. Il n'y a donc rien d'opposable aux professionnels de santé. Rien dans la loi − ou presque − ne parle de maîtrise médicalisée. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que Bercy ait des doutes sur la faisabilité de tout cela.

En vérité, le projet de loi organique prépare la maîtrise comptable de l'assurance maladie, c'est-à-dire le décrochage entre les dépenses de santé et les dépenses de l'assurance maladie. Déjà, l'article 5 de votre projet de loi s'engage dans cette voie : il n'y aura plus grand rapport entre ce qu'aura réellement déboursé le patient et ce qui lui sera remboursé par la sécurité sociale.

Prenez l'exemple des soins dentaires. Certes, en la matière, nous n'avons pas réussi à améliorer suffisamment la situation.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un fait acquis depuis longtemps. Chacun sait que ce que rembourse la sécurité sociale n'a que peu à voir avec ce que l'on a vraiment dépensé chez son dentiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous n'avez rien fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais si, monsieur le rapporteur, nous avons agi. Prenez la CMU : non seulement nous avons accordé le remboursement à 100 % des frais dentaires, mais nous avons fait un panier de soins positifs, et non pas négatifs.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Pas pour les prothèses !

M. Jean-Marie Le Guen. Il comprenait les prothèses, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela n'a jamais été appliqué !

M. Jean-Michel Fourgous. Avec quel financement ? Où est l'argent de la CMU ?

M. Gérard Bapt. Ces propos sont scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Dubernard, savez-vous à quoi devait servir le fonds de la CMU que vous allez piller pour donner de l'argent aux compagnies d'assurances ? À payer les prothèses. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, vous répondrez au rapporteur tout à l'heure. Pour l'instant, je vous demande de terminer.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis désolé, madame la présidente, mais il m'avait interpellé.

Monsieur le ministre, voici donc quatre questions extrêmement précises, qui concernent directement le projet de loi et son équilibre financier. Notre amendement estime que l'équilibre financier de l'assurance maladie doit aller de pair avec la garantie de l'égalité devant la santé. Or, depuis deux ans, le Gouvernement met en péril les finances de l'assurance maladie et va continuer de le faire pour les quatre ans qui viennent.

M. Jean-Michel Fourgous. Avec les 15 milliards d'euros des 35 heures ?

M. Jean-Marie Le Guen. Votre ministre défend les 35 heures à l'hôpital !

M. Édouard Landrain. N'importe quoi !

M. Jean-Michel Fourgous. Qui paye les 35 heures ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne sommes pas chez M. Sarkozy ici ! Si, à l'extérieur de l'Assemblée, on remet en cause les 35 heures, ici, on les défend ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Calmez-vous, monsieur Le Guen !

M. Édouard Landrain. Quel braillard !

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, nous avons posé un certain nombre de questions au ministre. Nous aimerions maintenant qu'il nous réponde !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Je reviens, pour ma part, à l'amendement n° 7324, qui a été déposé de façon identique 149 fois. Aucune des argumentations - même si elles se voulaient sérieuses, pour reprendre le terme de M. Dray - avancées par chacun des orateurs n'avait en effet directement trait à cet amendement, dont la rédaction laisse d'ailleurs à désirer ; le groupe socialiste nous avait habitués à mieux !

Le droit à la santé ? Il n'existe pas ! C'est bien plutôt de droit à la protection de la santé qu'il s'agit,...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie et M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Exactement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. ...comme cela figure, par exemple, dans le préambule de la Constitution.

Le principe de solidarité ? L'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, dispose clairement, en référence aux lois du 27 juillet 1999 et du 21 décembre 2001, que l'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Et l'article 1er - que, je l'espère, on examinera bientôt - de l'actuel projet de loi rappelle le caractère solidaire du financement de l'assurance maladie.

Je considère donc, au nom de la commission, qui les a repoussés, que ces amendements sont satisfaits, et je demande à leurs 149 signataires ou à leurs collègues socialistes ici présents de les retirer.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis du même avis que le rapporteur.

L'article 1er du projet du Gouvernement précise le caractère solidaire du financement de l'assurance maladie, qui est affirmé par la nation.

En outre, ce financement est, si je puis dire, juridiquement pérenne et solidaire. Il repose pour l'essentiel, d'une part, sur des cotisations de sécurité sociale prélevées sur les actifs et, d'autre part, sur la CSG, qui est assise sur tous les types de revenus et affectée, pour plus de 70 % de son rendement, à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. Depuis 2002, nous avons renforcé la pérennité de ce financement à travers la réaffectation progressive des droits sur le tabac.

Les auteurs de ces amendements peuvent donc être totalement rassurés.

Je ne peux que me réjouir, mesdames, messieurs de l'opposition, de vous voir intéressés par le financement de l'assurance maladie, lorsque l'on sait ce que vous avez fait des recettes de la sécurité sociale entre 1997 et 2002 pour financer les 35 heures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Censi. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous renvoie également à l'article 39 du projet de loi.

Celui-ci comporte un ensemble de mesures qui garantissent les ressources de l'assurance maladie, qu'il s'agisse du renforcement de la règle de compensation des exonérations ou de l'affirmation nouvelle du principe de compensation lié à un transfert de charges entre l'État et l'assurance maladie.

Ces mesures valent mieux qu'une déclaration de principe.

Vous m'avez rappelé, monsieur Le Guen, tous les arguments que j'aurais manqués en m'absentant cinq minutes de l'hémicycle.

J'en viens d'abord aux 16 milliards d'abattements qui semblent vous passionner.

Jean-Marie Le Guen. On le serait à moins !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale., Ils ne vous passionnent malheureusement que maintenant !

Les allégements de charges sur les bas salaires sont compensés : ils n'impactent donc pas les comptes de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen. Il vous a fallu deux heures pour trouver cette réponse ? Quelle belle connaissance du dossier !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous aviez peut-être oublié cette compensation parce que vous avez toujours eu du mal à l'appliquer.

Vous parlez d'une déclaration du directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie, reprise par une dépêche de l'AFP. Permettez-moi d'en lire cet extrait : « Selon la Caisse, "Si" - et je souligne ce « si », monsieur Le Guen - "la tendance observée au cours des dernières années se maintenait" - or je suis persuadé qu'elle ne se maintiendra pas - "soit près de 3 milliards d'euros de déficit nouveau par an sur la période 1998-2003" - on fera beaucoup mieux - "il ne serait pas certain que le déficit puisse être ramené à moins de cinq milliards d'euros en 2007. »

Je vous propose donc de voter ce projet de loi : cela nous permettra de faire mieux que durant la dernière période et vous n'aurez plus à craindre que la perspective évoquée par le directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie se confirme !

M. Jean-Marie Le Guen. Parce qu'il fallait le craindre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si nous laissions dériver les comptes comme vous l'avez fait entre 1998 et 2002, oui !

M. Julien Dray. Vous avez dit qu'ils étaient en excédent !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et nous connaîtrions en effet des problèmes en 2007 !

Mais puisque ce projet de loi, mesdames, messieurs les députés, sera voté, une telle dérive n'existera pas.

Concernant la CNSA, j'ai déjà répondu en détail et je vous renvoie donc à ma réponse.

S'agissant, enfin, de la régulation médicalisée et de la régulation comptable, je suis très heureux de constater que vous lisez dans le détail l'ensemble de mes interviews.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis un des rares à vous prendre au sérieux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pourquoi ai-je parlé de régulation comptable ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous l'admettez !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Parce que, sur les 15 milliards d'euros de ressources nouvelles attendues, 5 milliards seront des recettes sonnantes et trébuchantes au 1er janvier, si, comme je l'espère, vous votez ce projet.

M. Jean-Marie Le Guen. Parce que vous pensez que l'on votera l'augmentation de la CSG ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est bien vous qui l'avez créée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Fourgous. Vous êtes des irresponsables !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les 10 autres milliards d'économies relèvent, eux, de la régulation médicalisée et non d'une régulation bêtement comptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je suis surpris de notre débat.

S'agissant des comptes, il me semblait qu'il existait des données objectives et partagées.

Depuis deux ans, la majorité et le Gouvernement prétendent que, si nous avons enregistré de bons résultats en matière de croissance, d'emploi et d'équilibre des comptes, le mérite en revenait non pas à nous mais à la croissance internationale.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est ce que disent les organismes internationaux !

M. Alain Vidalies. Et maintenant, alors que nous abordons la question du financement du droit à la santé, vous nous imputez la responsabilité de la dérive des comptes ! Donnez-nous donc vos chiffres, s'ils sont différents de tous ceux dont on a pu disposer jusqu'à présent pour travailler !

Vous avez eu la responsabilité du pouvoir jusqu'en 1997. Le déficit de l'assurance maladie s'était élevé à 4,16 milliards d'euros en 1993, à 4,80 en 1994 et à 6,05 milliards d'euros en 1995. Il est tombé ensuite à 2,42 en 1998, à 1,36 en 1999, à 0,93 en 2000 et à 1,27 en 2001. Le contestez-vous ?

S'agissant de la question des 16 milliards, monsieur le ministre, il m'aura fallu attendre bien longtemps, depuis ma première intervention, avant d'obtenir une réponse ! Le problème, que certains sur vos bancs semblent ignorer, c'est que plusieurs ministres demandent - de manière explicite pour ce qui est de M. Devedjian - la remise en cause des 35 heures, ce qui devrait conduire à des allégements de charges et donc à des recettes supplémentaires. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous rendre à la sécurité sociale les milliards qui ont été détournés, c'est-à-dire le produit des taxes sur l'alcool et le tabac ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Qui l'a détourné pour financer les 35 heures ?

M. Alain Vidalies. Monsieur Fourgous, vous n'avez pas suivi comme nous la jolie polyphonie gouvernementale, ce qui vous empêche d'apprécier tout le sel de la situation !

Monsieur le ministre, l'un de nos collègues, membre de l'UMP et rapporteur du PLFSS pour 2004, indiquait, en page 41 de son rapport relatif aux recettes et à l'équilibre général : « En matière de recettes, toute hausse de CSG ou tout prolongement de la CRDS a été exclu ». Comment, dans ces conditions, notre débat pourrait-il être sérieux ? Vous tenez un jour un discours à la télévision et le lendemain vous faites l'inverse.

Prenons le cas de vos réponses concernant les 35 heures. La multitude de positions à cet égard est telle que nous avons, semble-t-il, un gouvernement à géométrie variable. C'est une première dans l'histoire de notre République !

Monsieur le ministre, M. le Guen vous a posé plusieurs questions. Je constate que vous n'y avez malheureusement pas apporté les réponses précises que nous attendions.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour répondre à la commission.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, le directeur de la CNAM parle en effet, selon la dépêche que vous avez citée, d'un hypothétique maintien de la tendance observée au cours des dernières années. Cependant, il ajoute que l'écart par rapport « à l'équilibre en fin de période représente l'effort qui devra être fait par les gestionnaires de l'assurance maladie pour infléchir la tendance à la croissance des dépenses », lesquelles, on le sait bien, augmentent plus vite que la richesse nationale sous l'effet, d'une part, du progrès technique et, d'autre part, de l'allongement de la durée de la vie.

Toujours selon M. Lenoir, cet effort sera réalisé de deux manières : une première « action d'envergure » portera sur « la mobilisation des marges d'économies », c'est-à-dire d'autres économies sans doute que celles que vous avez déjà indiquées dans votre plan, y compris celles concernant la gestion des caisses d'assurance maladie ; et une seconde « action d'envergure », aura trait à « une définition active du périmètre des soins remboursés », qui « reposera sur une information du patient et des professionnels de santé. » Cela signifie que le périmètre des soins remboursés sera rétréci.

La CNAM reconnaît, comme nous l'avons soutenu - Bercy, dans sa note, et l'Union des industries minières et métallurgiques arrivant pour leur part aux mêmes conclusions - qu'il restera, au bout du compte, un solde négatif loin d'être négligeable, qui devrait se situer entre 5 et 8 milliards d'euros, voire peut-être plus. C'est sur ce montant que le directeur de la CNAM veut mobiliser les efforts des gestionnaires en revenant sur le périmètre des soins remboursés !

Cela veut dire que l'on rétrécit le champ de l'assurance maladie obligatoire collective, celui sur lequel est fondée la sécurité sociale, et que l'on élargit à due concurrence le champ de l'assurance individuelle, c'est-à-dire les complémentaires, les mutuelles ainsi que les sociétés d'assurance, qui vont être introduites dans la gouvernance puisqu'un amendement de M. Dubernard les fera désormais intervenir dans une négociation de type tripartite réunissant les caisses, les professionnels et les complémentaires.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avec l'avis des caisses.

M. Gérard Bapt. À cet égard, monsieur le ministre, votre réponse à M. Le Guen ne nous a pas rassurés. Le directeur général de la CNAM, qui ambitionne peut-être de devenir demain le directeur général de l'UNCAM, et cherche donc sans doute à donner des gages,...

M. Édouard Landrain. Oh ! c'est scandaleux de s'attaquer ainsi à un haut fonctionnaire !

M. Gérard Bapt. ...le directeur général de la CNAM, dis-je, vient de montrer le bout de l'oreille. Cela nous renforce dans notre volonté de dénoncer la pente sur laquelle vous nous entraînez dès aujourd'hui.

M. Jean-Michel Fourgous. Cessez ces attaques personnelles !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos, monsieur Bapt. On a vraiment le sentiment que vous êtes opposé à tout dialogue entre les complémentaires et l'Union nationale des caisses.

L'amendement que je propose permet justement d'amorcer le dialogue avec les complémentaires dans des secteurs pour lesquels vous n'avez jamais tenté d'améliorer les remboursements, je pense notamment, ils ont été évoqués tout à l'heure, aux appareils auditifs, aux prothèses dentaires, aux lunettes. Il y a là une place à prendre pour un certain nombre d'assurances complémentaires, en accord avec l'Union nationale des caisses, qui gardera bien sûr le dernier mot.

Nous, nous sommes pour le dialogue, monsieur Bapt.

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait !

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray. Il ne sait faire que des rappels au règlement !

M. Richard Mallié. Mon intervention se fonde sur l'article 58 du règlement.

L'article 57 dispose qu'« en dehors des débats organisés conformément à l'article 49, et lorsque au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans la discussion générale,...

Excusez-moi, je lis difficilement, je n'ai pas mes lunettes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Dubernard, les lunettes !

M. Julien Dray. Allez chez Afflelou !

Mme la présidente. On se croirait dans une cour de récréation.

M. Richard Mallié. Je ne vous le fais pas dire, madame la présidente.

Je poursuis : « ...la clôture immédiate de cette phase de la discussion peut être soit décidée par le président, soit proposée par un membre de l'Assemblée. »

Au titre de l'article 57, je demande donc, madame la présidente, la clôture de la discussion sur ces amendements afin de passer au vote. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Vidalies. La discussion visée par l'article 57 concerne les articles, pas les amendements.

Mme la présidente. Nous ne nous trouvons pas dans le cadre de l'article 57, monsieur Mallié, car nous discutons des amendements, pas de l'article lui-même.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, je veux bien entendre ce que dit notre collègue mais je crois que nous sommes dans la plus totale confusion.

M. Édouard Landrain. Dans votre esprit !

M. Jean-Marie Le Guen. Peut-être, mais j'ai l'impression que mon collègue lui aussi comprend mal les choses.

M. Jean-Michel Fourgous. Vous êtes dans la manipulation, pas dans la confusion !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous demande donc une suspension de séance d'un quart d'heure pour éclaircir ce point du règlement.

Mme la présidente. La suspension de séance est de droit. Je vous l'accorde donc, mais j'aimerais que chacun emporte son règlement afin que nous puissions nous accorder sur sa lecture ; ce ne devrait pas être trop difficile.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout à fait !

M. Julien Dray. Il faudrait que nous ayons les mêmes lunettes !

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne veux pas que l'on conteste la présidence comme ça.

Mme la présidente. Je pense que cinq minutes de suspension devraient suffire.

M. Jean-Marie Le Guen. Oh non !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

M. Mallié a procédé à une extrapolation à partir d'un article qui ne concernait pas les amendements en discussion. Quant à nos collègues qui sont parmi les signataires des 149 amendements identiques, je leur fais observer que tous les présents ont défendu leur amendement. Le règlement permettrait effectivement à chacun de répondre à la commission et au Gouvernement, mais cela n'éclairerait pas les débats. Nous pouvons donc raisonnablement nous en tenir à un orateur pour répondre à la commission et un orateur pour répondre au Gouvernement. Et s'il y avait un problème très important, je pourrais accepter une troisième intervention pour clarifier le débat.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite intervenir.

Mme la présidente. Je vous donne la parole, monsieur Le Guen, avant de passer au vote.

M. Jean-Marie Le Guen. Je veux rappeler à nos collègues l'enjeu que représentent les sommes qui ne sont pas affectées aujourd'hui à la sécurité sociale et qui devraient l'être. Contrairement à ce que disent certains , les 35 heures représentent à peine 50 % des 16 milliards d'exemptions de charges sociales, car il y a aussi les allégements Juppé et les mesures de Robien de réduction du temps de travail. Sur ces 16 milliards, 80 % sont aujourd'hui remboursés à l'assurance maladie. Il reste 2 milliards qui ne le sont pas, contrairement à la loi organique prévoyant le remboursement à l'assurance maladie de tout abaissement de charges.

D'ailleurs, monsieur le ministre, dans la première présentation de votre plan, lorsque vous parliez de l'abondement par l'État de ce qui viendrait financer votre plan, le fameux milliard que M. Sarkozy a bien voulu vous allouer était imputé non pas sur les recettes provenant de l'alcool et du tabac, mais sur les charges sociales qui n'étaient pas remboursées à l'assurance maladie, c'est-à-dire qu'il y avait un milliard sur deux milliards. Lorsque le groupe socialiste a souligné que le produit des taxes sur l'alcool et le tabac devait revenir à l'assurance maladie, ce fameux milliard s'est subitement transformé en une somme provenant de l'alcool et du tabac, et non plus à récupérer sur les charges.

Lorsque nous parlons de financement, il faut être rigoureux, monsieur le ministre. Vous prétendez que les comptes de l'assurance maladie seront équilibrés en 2007. Si nous avons bien compris, cela sera le cas à 5 milliards d'euros près ! Excusez du peu !

Je veux rappeler à mes collègues tous les produits qui ne sont pas aujourd'hui affectés à l'assurance maladie. S'agissant des taxes sur le tabac, 9,6 milliards d'euros auraient dû aller à celle-ci, qui n'aura en fait que 21,42 % de cette somme. C'est donc plus de 7 milliards d'euros qui ne sont pas affectés à l'assurance maladie.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Avant, ces droits allaient au FOREC ! Quel donneur de leçons !

M. Jean-Luc Préel. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Je peux à tout moment vous donner l'évolution des taxes sur l'alcool et le tabac et leur affectation. Historiquement, elles ne servaient pas à financer la santé publique. C'étaient les fameux droits d'accise qui participaient du financement régalien de l'État. Celui-ci avait ainsi trouvé le moyen de financer ses recettes de poche. Lorsque le gouvernement de Lionel Jospin a créé le FOREC, dont l'objectif était effectivement de faciliter la création d'emplois, eux-mêmes producteurs de cotisations sociales, cet argent revenait à l'assurance maladie.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ce sont des explications bien compliquées pour vous excuser !

M. Jean-Marie Le Guen. On peut le contester - vous l'avez fait - et d'un certain point de vue c'était contestable, mais, contrairement à ce qu'avaient dit certains commentateurs à l'époque, cet argent n'avait pas été distrait du budget de l'assurance maladie ou de la sécurité sociale. Pour l'essentiel, il avait été distrait du budget de l'État, mais avait été affecté dans le même temps au fameux FOREC. Je vous renvoie à la lecture du rapport du Haut conseil de l'assurance maladie sur l'évolution des taxes sur l'alcool et le tabac. Vous pourrez ainsi voir si ce que je dis est exact ou pas.

Dans le même temps, la taxe sur les risques assurables - 6,4 milliards d'euros -, les contrats complémentaires de prévoyance dont le produit était aussi affecté à l'assurance maladie - 0,5 milliard -...

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, j'interpelle M. le ministre et je vois d'ailleurs qu'il m'écoute, qu'il demande à ses conseillers de l'éclairer pour savoir si ce que je dis est contestable ou pas.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est contestable !

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis tout à fait disposé à ce que nous ayons ce débat, monsieur le ministre. J'irai chercher le rapport du Haut conseil - je demanderai même peut-être une suspension de séance pour cela -, afin que nous puissions échanger nos informations.

Ce qui est en jeu, c'est une réaffectation à la CNAM de ces taxes, qui représentaient une recette annuelle nouvelle de 17 milliards d'euros.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ça suffit ! Les cinq minutes sont passées, madame la présidente !

M. Jean-Marie Le Guen. On nous rétorque que les prendre à l'État pour les donner à la sécurité sociale ne changera rien au déficit, mais il y a un élément nouveau. M. Devedjian essaie de récupérer l'argent des cotisations, donc il va y avoir du « gras », si je puis dire, dans le budget de l'État. Et le premier geste de l'État pourrait être de rendre à l'assurance maladie ce qu'il lui doit. Vous nous disiez il y a quelque temps que cela n'était pas possible mais, en remettant en cause les 35 heures, M. Devedjian trouve une petite cagnotte. A qui va-t-elle aller ? A l'État, à la baisse des impôts pour les plus riches !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ne parlez pas de cagnotte ! Vous savez ce qui vous est arrivé !

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, je vous demande vraiment de conclure !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous parlerons aussi de la cagnotte de l'année 2000. Vous nous demandez pourquoi nous n'avons pas mis cet argent de côté, mais vous étiez les premiers hier à souhaiter que nous l'utilisions pour baisser la TVA pour tous les Français, ce que nous avons fait ! Cela a d'ailleurs été extrêmement illustrateur, puisque depuis personne ne pense véritablement que la baisse de la TVA permet de faire diminuer les prix à la consommation.

Mme la présidente. Merci, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Je reviendrai sur ces questions, car je n'ai pas pu terminer ma démonstration. Je suis prêt à entendre la contradiction que vous voudrez bien nous porter, monsieur le ministre, sur cette question des droits sur l'alcool et le tabac et sur la contribution sociale sur les bénéfices qu'au moment de la dissolution du FOREC...

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, nous reprendrons cette discussion à un autre moment !

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7324 à 7472.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 7886.

M. Richard Mallié. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7886.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de 149 amendements identiques, nos 5998 à 6146.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l'amendement n° 5998 de M. Ayrault et l'amendement n° 6073.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous pensons qu'il est important de réaffirmer que la santé est une priorité nationale. La protection de la santé doit rester un droit pour chaque Français. C'était l'objectif de ceux qui ont créé la sécurité sociale à la Libération.

Avec le progrès médical et la croissance économique, la sécurité sociale a permis une formidable amélioration de la santé des Français que l'on peut mesurer par l'accroissement de l'espérance de vie qui est, dans notre pays, l'une des plus longues du monde. Le principal facteur qui en limite la progression est le défaut de prévention des maladies liées au tabac, à l'alcool ou à l'obésité notamment.

Ce projet de loi, dont j'ai déjà dit qu'il nous inquiétait, nous rapproche du système en vigueur aux États-Unis, qui n'est vraiment pas notre modèle. Les dépenses de santé y représentent une part de la richesse nationale plus importante qu'en Europe, mais des millions de personnes sont privées d'une couverture sociale leur permettant de se soigner correctement. Nous refusons cette logique, car elle est contraire à la solidarité nationale et constitue un nouveau recul social.

Depuis quarante-huit heures, nous entendons beaucoup parler de cohésion sociale, mais nous savons que c'est le rapport à l'assurance maladie qui est le socle de cette cohésion sociale.

Une fois de plus, et pour notre plus grande inquiétude, ce sont les plus modestes - les malades, cette fois - qui pâtiront de la réforme, tout comme les personnes âgées en perte d'autonomie ont été, il y a un an, les principales victimes de la réforme de l'APA. Nous le vérifions tous les jours sur le terrain.

En laissant dériver les dépenses de santé tout en limitant les remboursements, c'est le droit de tous à la santé que vous remettez en cause. M. Claeys et M. Le Guen l'ont dit : en instaurant une franchise d'un euro sur le prix de chaque consultation, en augmentant le forfait hospitalier, en décidant la liberté des tarifs et en réduisant les remboursements en cas de non-respect des procédures médicales, vous mettez en place une logique de déremboursement qui aura des conséquences néfastes sur la santé publique. Et c'est cela, le drame. On a déjà pu le mesurer ces derniers mois et il suffit de se rendre dans un hôpital parisien pour le constater : le dispositif de l'AME est lui-même remis en question.

Pour pallier cette évolution, l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire est un cache-sexe dérisoire, vu le faible montant que le Gouvernement envisage d'y consacrer et le coût de plus en plus élevé des mutuelles et des assurances privées.

M. Jean-Luc Préel. Un cache-sexe ? Je parlerais plutôt d'un cache-misère.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C'est pourquoi nous souhaitons que le droit de chacun à l'assurance maladie soit réaffirmé dans ce texte.

(M. Yves Bur remplace Mme Hélène Mignon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour défendre l'amendement n° 6004.

M. Gérard Bapt. Cet amendement rappelle les principes de base que nous avons mentionnés dans l'amendement précédent. Il insiste en outre sur le fait que la santé publique au sens large - qui comprend la prévention, la santé au travail et la santé environnementale, encore insuffisamment prises en compte - s'impose plus que jamais comme une priorité nationale. Il représente à ce titre un socle pour ce pacte social auquel tous les citoyens doivent pourvoir prétendre, quels que soient leurs ressources, leur âge, leur catégorie sociale et le lieu où ils habitent.

À cet égard, il importe de rappeler deux priorités.

En premier lieu, la réforme de l'assurance maladie s'inscrit à nos yeux dans une dimension plus large de santé publique. Or les dépenses effectuées dans ce domaine ne sont pas couvertes par les dépenses de l'assurance maladie.

En second lieu, l'accès aux soins doit être assuré sur l'ensemble du territoire, même dans les zones rurales désertifiées ou les zones déshéritées comme les départements du Nord et du Pas-de-Calais ou les banlieues populaires des grandes villes. Nous y reviendrons. Nous insistons sur cette dimension parce que le projet de loi nous semble particulièrement défaillant quant aux problèmes de régulation.

D'où nos propositions visant à assurer la continuité et la permanence des soins, ainsi que la présence des professions médicales ou paramédicales sur le territoire. Sur ce point, le texte du Gouvernement présente un recul. Par ailleurs, en matière de santé publique, il faut réfléchir à l'échelon régional. Les dispositifs créés par la réforme Juppé, qui prévoyait la mise en place des ARH, ou par la réforme Mattei, poursuivie par le ministre actuel, qui mettait en place les groupements régionaux de santé publique, ont tendance à s'essouffler. Comme le cheval renâcle devant l'obstacle, le Gouvernement fuit la difficulté. Il renonce à toute idée de régulation et oublie l'échelon régional, pourtant le plus apte à organiser un système de santé solidaire efficace.

Voilà pourquoi cet amendement nous semble primordial.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour défendre l'amendement n° 6030.

M. Alain Claeys. Par cet amendement, nous entendons plaider pour une réforme globale et structurelle de l'offre de soins. J'ai eu l'occasion d'en parler ce matin, même si, dans sa volonté d'être un peu polémique, M. le ministre s'est plu ensuite à déformer mes propos.

Les inégalités territoriales, auxquelles nous avons tous été confrontés dans nos départements, se traduisent aussi en matière de la santé publique. Pour résoudre le problème, il faut avant tout prendre en compte l'ensemble des acteurs qui contribuent à l'organisation de l'offre de soins. Nos amendements en témoignent. Nous voulons mettre en présence professionnels libéraux, hôpitaux et secteur médico-social, qu'il est impossible de dissocier aujourd'hui si l'on veut assurer la continuité de l'offre de soins. Nous pensons ainsi que l'hôpital doit être au cœur de notre réflexion sur l'assurance maladie.

Au sujet de la rémunération du médecin, il était tentant pour vous, monsieur le ministre, de polémiquer. Mais vous nous avez bien compris. Si l'on s'en tient au seul exemple d'un département que je connais un peu moins mal que les autres, la Vienne, on sait que, dans certaines zones, lorsqu'un médecin prend sa retraite, il est difficile de le remplacer. En dehors de l'aspect purement financier, cette situation tient non seulement à la qualité de vie à laquelle peut prétendre un praticien, mais à une raison proprement médicale : l'implantation d'un médecin aujourd'hui est conditionnée par la qualité de l'environnement médical qu'il trouvera sur place. Le problème est réel. Si l'on veut améliorer l'organisation des soins, il faut confier aux médecins des missions de service public, ce qui ne veut pas dire que nous remettons en cause le principe du paiement à l'acte.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Voilà une précision utile !

M. Alain Claeys. Nous devons cependant définir avec les médecins libéraux, parallèlement à leur activité privée, une autre forme de rémunération.

En ce qui concerne l'hôpital, nous ne souhaitons pas polémiquer. Mais on ne peut prendre en compte la seule évaluation de la tarification à l'activité pour choisir de maintenir tel ou tel hôpital de proximité. Ce raisonnement conduirait inexorablement à une logique, non d'aménagement du territoire, mais de concentration. Il faut donc, préalablement à toute réforme technique, même nécessaire, engager une réflexion sur les relations entre les CHU et les hôpitaux de proximité.

Autant d'éléments qui pourraient constituer le socle d'une véritable réforme de l'offre de soins. Or, en regardant sérieusement ce texte, on s'aperçoit qu'il ne propose ni réforme profonde ni piste d'amélioration sérieuse. C'est pourquoi nous rappelons, par cet amendement, que la santé pour tous est une priorité. Parce que nous sommes des élus locaux, nous devons nous souvenir que la santé, au même titre que l'éducation, est un bien public fondamental dont chacun doit pouvoir bénéficier de la même manière sur l'ensemble du territoire.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je viens d'apprendre, par une dépêche de l'AFP, que des journalistes - à moins que ce ne soient les services de presse de l'Assemblée - m'ont attribué la paternité d'un amendement adopté par la commission spéciale et proposant de fixer un seuil de trente euros, au-delà duquel le forfait d'un euro par consultation, à la charge de l'assuré, serait suspendu.

Mme Maryvonne Briot. Qui a vu cette dépêche ?

M. François Guillaume. Des membres du groupe socialiste !

M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai bien évidemment jamais présenté un amendement de ce type, puisque je suis défavorable à cette mesure. Mais je suis consterné de voir que l'on me prête des opinions contraires aux miennes. Peut-être est-ce une homonymie qui est en cause, puisqu'un de nos collègues, député du Finistère, se nomme Jacques Le Guen...

M. François Guillaume. Depuis quand sommes-nous chargés de corriger les erreurs des journalistes ?

M. Richard Mallié. Nous voilà bien loin du débat !

M. Jean-Marie Le Guen. Quoi qu'il en soit, il est scandaleux que, en raison des conditions dans lesquelles le Gouvernement nous fait travailler, on puisse nous attribuer d'une manière erronée, voire mensongère, des amendements contraires à nos idées.

M. le président. Dont acte.

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite pouvoir m'en expliquer avec la presse. Je vous demande par conséquent, monsieur le président, une suspension de séance d'un quart d'heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Henri Nayrou, pour soutenir l'amendement n° 6113.

M. Henri Nayrou. Cet amendement portant article additionnel avant l'article 1er, qui évoque la santé comme une priorité nationale, les besoins des usagers, l'égalité des chances, la solidarité nationale, un droit à la santé garanti ou la prévention, tranche singulièrement avec votre projet de loi.

L'état des lieux de la sécurité sociale est catastrophique. Depuis deux ans, votre politique a conduit notre système de santé dans une impasse et elle se solde par un échec retentissant : recul de l'accès aux soins, blocage de la politique conventionnelle, mécontentement des professionnels de santé, déficits colossaux, carences des politiques de santé publique. Si ces mesures drastiques avaient permis de redresser les comptes, vous pourriez vous défendre sincèrement mais, selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, il n'en est rien puisque, pour l'année 2004, ses auteurs déclarent : « Pour la première fois depuis 1994, les quatre branches devraient être déficitaires » : 13 milliards d'euros pour la branche maladie, 500 millions d'euros pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, 400 millions d'euros pour la branche vieillesse et 200 millions d'euros pour la branche famille.

Dès lors, on pouvait espérer du Gouvernement un sursaut, un grand dessein digne des périls identifiés et des enjeux à venir. Nous attendions une réforme, nous avons droit à un « énième plan de redressement », pour reprendre les termes du porte-parole de l'UDF, un plan qui, de surcroît, n'est pas crédible, s'avère déjà insuffisant et comporte des lacunes incontestables. Vous pouviez soit vous attaquer aux causes du mal, soit traiter les conséquences. Le gouvernement Jospin avait choisi la première solution, qui consistait à combler les déficits en augmentant le nombre de cotisants, préférant financer le travail plutôt que le chômage. Le gouvernement Raffarin, lui, préfère jouer au Monopoly en actionnant les leviers de commande d'un bateau en détresse.

Vous nous parlez de troisième pilier social, mais les électeurs vous ont déjà fait savoir ce qu'ils pensaient de votre conception du progrès social.

Vous nous parlez d'efforts partagés par tous ; nous savons surtout quel lourd héritage vous envisager de laisser à nos enfants et petits-enfants.

Vous nous dites que cette réforme s'appuie sur des objectifs financiers ambitieux et, selon vous, réalistes - 9 milliards de dépenses en moins, 5 milliards de recettes en plus d'ici à 2007 - mais la note de la direction de la prévision du ministère des finances, vraisemblablement diffusée par inadvertance, a remis les choses à leur place.

Vous nous dites que ce texte est important. Hélas ! il l'est moins par ce qu'il dévoile que par ce qu'il cache, par ce qu'il propose aujourd'hui que par ce qu'il provoquera demain.

Votre jeu est tout aussi subtil en ce qui concerne le calendrier. J'imagine quelle aurait été la réaction de l'opposition d'hier si le gouvernement précédent avait proposé d'examiner en session extraordinaire et en plein été un texte d'une telle importance pour les comptes publics et les générations futures.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert, pour soutenir l'amendement n° 6077.

Mme Françoise Imbert. Cet amendement précise que le droit à la santé est garanti, afin de permettre à chacun d'accéder sur l'ensemble du territoire à des soins de qualité. Le Gouvernement n'a de cesse de décharger l'État de cette mission essentielle pour l'avenir de l'assurance maladie sur les collectivités locales. Ainsi, la majorité a adopté des amendements au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux qui sont contraires au principe républicain selon lequel les citoyens sont égaux sur l'ensemble du territoire. Si l'on suit le Gouvernement, la santé ne relèvera plus des missions régaliennes de l'État et il incombera désormais aux collectivités locales de veiller à ce que chaque citoyen ait normalement accès aux soins. En outre, comme avec le projet de loi sur la décentralisation, le Gouvernement fait passer ses désengagements pour un appel à la responsabilité des élus locaux.

M. Yves Simon. Arrêtez !

Mme Françoise Imbert. À terme, cela signifie que les collectivités les moins bien dotées n'auront plus de système de santé. En effet, le Gouvernement propose de mettre à contribution le produit des impôts locaux pour assurer les soins aux populations. Quant à la démographie médicale, l'ensemble des rapports consacrés à ce problème montrent que les mesures financières incitatives ne servent à rien et qu'il faut une action résolue de l'État et de l'assurance maladie dans ce domaine.

Garantir l'accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire : tel est l'objectif de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 6091.

M. Jean-Marie Le Guen. Les travaux que nous avons menés dans le cadre du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie - dont je rappelle qu'il avait essentiellement pour mission d'étudier la situation financière actuelle et à venir de l'assurance maladie - nous ont très rapidement conduits à penser que le cœur du problème est la réforme de l'organisation du système de soins. Nous ne pouvons donc nous contenter ni d'une réforme financière - si tant est qu'elle existe -, ni d'une réforme de l'assurance maladie qui consisterait, comme vous le proposez mais de manière insatisfaisante, à modifier les comportements.

(Mme Hélène Mignon remplace M. Yves Bur au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

M. Jean-Marie Le Guen. Certes, le rapport coût-efficacité doit être strictement évalué et tendre à l'optimum, mais il faut aussi s'attaquer aux problèmes de qualité, car des vies humaines sont en jeu. Ainsi, vous avez vous-même évoqué, monsieur le ministre, les 8 000 morts par an dues à des intoxications médicamenteuses.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci de lire mes articles, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Non seulement je les lis, mais je les mémorise : quand vous avancez un argument, je le prends en compte.

En tout état de cause, ces 8 000 morts annuelles ne pourront pas être évitées si nous nous contentons de chercher à modifier les comportements ou à gérer la feuille de sécurité sociale. Nous avons donc déposé un amendement - à moins que M. Méhaignerie ait décidé de le déclarer irrecevable au titre de l'article 40 -, afin d'accorder au pharmacien un droit d'intervention sur les ordonnances. Nous proposons également, et cela relève bien de la maîtrise médicalisée, que toute ordonnance comportant plus de cinq médicaments puisse être suspendue et que les prescriptions se fassent selon la dénomination commune internationale - la DCI -, de façon à réduire le poids du marketing des différents laboratoires. Il convient par ailleurs d'équiper tous les médecins non seulement de l'outil informatique, rendu nécessaire par le dossier médical personnel, mais aussi d'un logiciel de prescription, afin de prévenir toute interaction médicamenteuse néfaste.

Si nous faisons ces propositions, c'est parce que les documents de l'assurance maladie révèlent que les prescriptions sont faites dans des conditions telles qu'elles peuvent présenter des dangers pour la santé publique. Il ne s'agit ni de culpabiliser ni de condamner, mais de réformer la formation médicale continue et la politique d'évaluation. Votre projet de loi renvoie ces questions à la discussion conventionnelle entre la sécurité sociale et les syndicats professionnels. Or nous estimons que la qualité des prescriptions, de la formation continue et de l'évaluation professionnelle des médecins français n'est pas négociable, même si, en ce qui concerne la formation, ce serait un progrès, puisque, depuis deux ans, vous en avez supprimé le caractère obligatoire.

À ce propos, monsieur le ministre, puisque vous nous demandez ce que nous avons fait, permettez-moi de vous rappeler que vous avez défait ce qu'avait construit la loi du 4 mars 2002 en matière de formation médicale continue (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Madame la présidente, M. Le Guen abuse de votre libéralisme : il a dépassé son temps de parole !

M. Jean-Marie Le Guen. Je regrette de ne pouvoir tenir à cette majorité intolérante que des propos désagréables. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'en ai encore quelques autres à vous dire.

Mme la présidente. Gardez-les pour la suite du débat !

M. Jean-Marie Le Guen. Depuis deux ans que nous sommes dans l'opposition, qui s'est attaché à défaire ce que nous avions construit ?

M. Yves Simon. On s'en moque !

M. Jean-Marie Le Guen. Et vous affirmez aujourd'hui que nous n'avons rien fait.

Mme la présidente. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, je ne parle que depuis quelques minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, vous êtes de mauvaise foi : vous vous êtes exprimé durant sept minutes précisément !

M. Jean-Claude Abrioux. Favoritisme !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement n° 6144.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, les propos de M. Le Guen étaient si intéressants que le temps a passé très vite.

Mon amendement vise à garantir l'égalité d'accès aux soins. On a coutume de dire que notre système de santé est le meilleur du monde. En réalité, et cela n'est pas le seul fait de votre gouvernement, il existe des disparités considérables entre les régions, ce qui pose non seulement un problème d'égalité d'accès aux soins, mais aussi un problème d'aménagement du territoire. C'est une difficulté qu'il faut prendre en compte.

Je voudrais témoigner des difficultés d'installation de médecins libéraux dans les zones rurales. Dans la forêt landaise, secteur dont je suis l'élu, la densité est parfois de six ou sept habitants au kilomètre carré, alors que le seuil de désertification se situe à vingt habitants au kilomètre carré. L'hôpital se trouve à plus cinquante kilomètres du chef-lieu de canton où résident les médecins. Pendant longtemps, le ou les deux médecins du canton ont exercé un véritable sacerdoce pour répondre à la demande, mais les difficultés sont apparues quand ils ont voulu trouver des successeurs. Les élus locaux ont été interpellés sur la qualité de la vie. Les jeunes médecins accepteraient de s'installer en zone rurale s'ils pouvaient y vivre normalement.

Or on ne trouve dans votre texte aucune mesure en faveur de leur installation. Des solutions ont été proposées. Le précédent gouvernement avait prévu une aide forfaitaire assez importante, mais le problème n'est pas seulement financier. Au-delà des hôpitaux de proximité qui ne sont pas toujours présents dans ces secteurs, il faut trouver des solutions car les entrepreneurs ne veulent pas s'installer là où il n'y a pas de médecin et de services éducatifs. À défaut de cette réponse médicale, les conditions de développement d'un territoire ne sont donc pas remplies. Les Français ne comprennent pas que nous ne débattions pas de ce problème pourtant clairement identifié.

Nous avons proposé la mise en place immédiate des agences régionales de santé, pensant que des responsables de terrain trouveraient des solutions adaptées. Le rapporteur a fait preuve d'une grande lucidité en reconnaissant dans son rapport que, sur cette question, « l'ambition portée par la présente section pourra paraître limitée ». Elle l'est, en effet. Nous ne pouvons que le déplorer.

En outre, les inégalités territoriales risquent de s'aggraver avec le développement des honoraires libres. Les spécialistes ayant tendance à s'installer plutôt dans les zones où sont concentrés nos citoyens les plus aisés et où ils peuvent développer leur activité, les autres territoires continueront à subir la désertification médicale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour défendre l'amendement n° 6070.

Mme Élisabeth Guigou. Outre les territoires ruraux que vient d'évoquer mon collègue Alain Vidalies, des territoires urbains souffrent aussi de votre politique. Dans le département de Seine-Saint-Denis, dont j'ai l'honneur d'être l'élue, de plus en plus d'associations nous disent qu'elles ne peuvent plus faire face en matière de santé publique, parce que les personnes les plus défavorisées n'ont plus accès à l'aide médicale d'État. Or, pour combattre des pathologies comme la tuberculose ou le VIH, qui comportent de graves épidémies, il faut aller vers ces personnes qui n'iront pas spontanément chez un médecin ou à l'hôpital.

De nombreuses associations qui étaient jusqu'à présent aidées par l'État et par l'assurance maladie vont ainsi trouver des femmes d'origine africaine ou même africaines pour les convaincre de subir des tests et des examens de santé. Un grand nombre de médecins membres de ces associations, qui soignent bénévolement des gens dans le besoin, s'inquiètent de voir rogner l'aide médicale d'État et la CMU. À Bondy, par exemple, une association réunissant professionnels de santé et travailleurs sociaux utilise un autobus itinérant pour aller dans les quartiers rencontrer des personnes qui n'iraient pas à l'hôpital ni même au dispensaire.

J'ai reçu de la caisse primaire d'assurance maladie de mon département de Seine-Saint-Denis un communiqué de presse alarmant qui fait état de l'annonce par les pouvoirs publics d'une réduction draconienne de 600 millions d'euros des crédits sociaux des caisses en 2004 : « Cette information est restée très confidentielle, mais cette somme est considérable car elle représente l'équivalent des frais de fonctionnement des organismes de cinq régions françaises. Si cette restriction budgétaire était confirmée, elle se traduirait par une dégradation sensible du service public de proximité qu'exerce l'assurance maladie pour le compte de l'intérêt général. Dans la Seine-Saint-Denis, elle aurait des conséquences dramatiques. Dès lors, la CPAM ne serait plus en mesure de faire face à ses missions, notamment celles qui découlent des mesures à venir. Une conquête sociale majeure serait donc gravement fragilisée dans son fonctionnement, ce qui ouvrirait la voie à la privatisation. »

Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Les responsables de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis déclarent ouvertement et publiquement dans un communiqué de presse que vous préparez la privatisation de la sécurité sociale...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

Mme Élisabeth Guigou. ...et nous disent à quel point ces populations souffrent.

Mme la présidente. La parole est M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ces amendements identiques, déposés par cent quarante-deux députés socialistes, portent sur la solidarité nationale, qui est garantie par le préambule de la Constitution. Le deuxième alinéa évoque le « droit à la santé ». L'expression n'est pas correcte. Il convient de parler de « droit à la protection de la santé », que l'on voit apparaître indirectement dans le troisième alinéa.

On peut toujours argumenter, mais tous les membres du groupe socialiste se sont exprimés globalement sur le projet de loi relatif à l'assurance maladie et non sur l'amendement. Il s'agit d'un amendement relatif à la santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen. Non !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je rappelle qu'en octobre dernier nous avons discuté ici, pendant presque deux semaines, d'un projet relatif à la santé publique. Il nous est revenu en deuxième lecture quand M. Douste-Blazy a pris ses fonctions de ministre de la santé.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce texte, actuellement examiné par le Sénat, devrait être adopté définitivement au terme d'un examen en commission mixte paritaire avant la fin de la session extraordinaire.

Mes chers collègues, vous prétendez que ce texte est boiteux, distinct de la loi sur l'autonomie, de celle sur le handicap, de la politique de simplification du droit par ordonnances concernant l'hôpital. En réalité, il s'inscrit dans un ensemble, dont il est la pièce maîtresse mais qui comporte aussi des textes sur l'hôpital, le handicap, les personnes âgées, l'autonomie...

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Mais pas le secteur médico-social !

M. Jean-Michel Dubernard. ...et le secteur médico-social. Connaissant votre assiduité à la commission des affaires sociales, je ne peux pas imaginer que vous soyez hostile à des textes que vous n'avez pas lus.

Le texte sur la santé publique s'articule avec ce projet. Vous le verrez au travers de certains de nos amendements lorsque nous débattrons de la gouvernance de l'assurance maladie. De même, au plan local, le ARH et les URCAM s'articuleront avec les groupements régionaux de santé publique.

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Identique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement est très important, puisqu'il a trait au droit à la santé de nos concitoyens. Vous le savez, monsieur rapporteur, je suis très attachée au droit à la santé pour tous, notamment pour les plus modestes, qui ne parviendront pas à se soigner dans le système que vous mettez en place.

M. Richard Mallié. Ce sont des mots !

Mme Jacqueline Fraysse. Comme je l'ai déjà dit pendant le débat sur les retraites, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, vous faites tourner la roue du progrès à l'envers. Vous avez allongé la durée de cotisation, donc la durée de travail nécessaire pour accéder à une retraite à taux plein. Dans un pays qui se développe, qui n'a jamais créé autant de richesses, il faudra travailler plus longtemps pour une retraite dont le montant sera diminué.

De même, dans notre pays où les techniques progressent, où il y a de l'argent, vous créez un système dans lequel certains de nos concitoyens ne pourront pas accéder aux techniques les plus modernes. Il est très inquiétant de constater que plus la médecine progresse, moins l'ensemble de la population peut y accéder. Ce recul de société devrait vous préoccuper vous aussi.

Je considère que nous sommes en mesure de décider, avec audace, que nous pouvons consacrer les moyens qui s'imposent pour la prévention. Vous faites référence, monsieur le rapporteur, au texte sur la santé publique. Mais que propose ce dernier en matière de prévention, de santé scolaire, de santé au travail ? Les dispositions, dans tous ces domaines, sont largement insuffisantes.

Aujourd'hui, on ne se contente pas de faire tourner la roue de l'histoire à l'envers en empêchant notamment les plus modestes d'accéder aux soins modernes, on culpabilise, en plus, les patients et les professionnels. Tout cela n'est vraiment pas glorieux.

L'Assemblée nationale s'honorerait pourtant en votant cet amendement dont l'avant-dernière phrase devrait faire l'unanimité. J'en rappelle les termes : « Ces objectifs sont fondés sur la prévention et l'amélioration des soins, pour que chacun bénéficie des progrès de la médecine. » Il ne s'agit jamais que de défendre l'accès aux soins pour tous nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Nos concitoyens ont compris qu'il fallait sauver l'assurance maladie. Ils ont compris aussi que...

M. Julien Dray. ...vous n'étiez pas les sauveurs ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Hervé Mariton. ...le sauvetage de l'assurance maladie ne se ferait pas en enfilant des évidences. Bien sûr, certaines sont de bon sens. Mais elles n'aident en aucune façon à régler une situation déjà très compliquée.

Face à un problème complexe, la bonne attitude ne consiste pas à tout mélanger ou à aligner les évidences. Il faut au contraire s'employer à le morceler et à régler chacun des fragments. Nous sommes aujourd'hui attachés à résoudre le problème de l'assurance maladie.

Au-delà de ces évidences, certaines expressions - c'est caractéristique de l'attitude de la gauche - , comme le droit à la santé, laissent un peu perplexe. Nous souhaitons évidemment la meilleure santé à tous nos compatriotes. Nous souhaitons en effet garantir l'accès aux soins. Mais dire aux Français : « Nous voulons vous garantir le droit à la santé » leur donnera-t-il vraiment le sentiment que nous aurons avancé vers la solution ? Il s'agit aujourd'hui de mettre en place la réforme de l'assurance maladie, absolument indispensable, et non pas simplement d'enfiler des truismes, des évidences qui, en fait, éloignent de la véritable solution.

En s'en tenant à de grandes généralités, on donnera le sentiment à nos compatriotes qu'on ne sait pas résoudre le problème. C'est sans doute le cas de l'opposition. Nous faisons, quant à nous, le choix d'entrer dans le vif du sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai bien entendu le rapporteur nous parler de santé publique. Mais, en tout état de cause, l'organisation de la politique de santé qui nous est présentée s'inscrit en contradiction complète avec la première partie de la loi relative à la santé publique d'ores et déjà adoptée.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. En l'occurrence, si j'excepte les amendements de la commission visant à rétablir - cela avait été annulé par la loi - les conférences nationales et les conférences régionales de santé, les GRSP, ces fameux GIP sous l'autorité du préfet, sont, à l'évidence, complètement contradictoires - ou redondants - avec l'organisation souhaitable de notre système de santé.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'État n'est plus garant, alors ?

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Dubernard, ne faites pas semblant de ne pas comprendre ! Vous mettez en place avec la loi relative à la politique de santé publique une barrière infranchissable entre la pratique des soins et la prévention. Or cette dernière doit être à présent intégrée en grande partie, comme je l'ai dit hier en défendant la question préalable - et il semble que je vais devoir le répéter souvent - dans l'exercice nouveau de la pratique des soins. Nous allons être amenés en effet à faire en sorte que les praticiens deviennent des instruments de la santé publique. Il sera d'ailleurs souhaitable de les rémunérer pour cela.

Qui peut nier que les pathologies évoluent ? Aujourd'hui, nous ne pouvons plus faire nettement, comme il y a cinquante ans, un distinguo entre la prévention et le soin. Nous sommes confrontés à des pathologies qui évoluent de plus en plus vers la chronicité. Dès lors, lorsque le médecin traitant aura à prendre en charge des pathologies chroniques, il devra passer de plus en plus de temps pour « éduquer » ses patients et leur environnement. Cela signifie que les frontières que vous prétendez établir entre la santé publique et l'assurance maladie, c'est-à-dire la politique de santé, sont de plus en plus obsolètes.

C'est d'autant plus vrai que, n'ayant pas les moyens financiers nécessaires, votre politique de santé publique sera essentiellement payée par l'assurance maladie. Il vous faudra donc décider qui, de cette assurance maladie magnifiée ou de ces structures sclérosées que sont les GRSP dans les régions, aura l'autorité pour déclencher le financement des actions de prévention.

M. Hervé Mariton. La frontière est dans votre tête !

M. Jean-Marie Le Guen. Et cela sans parler, monsieur Mariton, vous qui êtes un grand libéral, de l'empilement bureaucratique que vous êtes en train d'instaurer. En même temps que vous commencez à dessiner la perspective lointaine des agences régionales, qui auraient, elles, vocation à tout regrouper, vous continuez en effet à mettre en place des URCAM, des ARH, des comités de liaison entre les URCAM et les ARH, les GRSP, et vous maintenez des caisses primaires d'assurance maladie qui n'ont plus véritablement de pouvoirs puisque, pour l'essentiel, c'est l'union nationale des caisses d'assurance maladie qui agira. Vous créez encore des comités de liaison entre les complémentaires et les obligatoires. Vous conservez aussi les URML. Bref, c'est un véritable capharnaüm, qui reflète le chaos de vos arrangements politiciens. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, je vous invite à conclure.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour conclure, je vais poser au ministre une question très directe, qui suppose une réponse précise.

Le président Jean-Marc Ayrault, qui a dû momentanément retourner à Nantes, m'a laissé un exemplaire du journal Ouest-France dans lequel un article est intitulé : « Le lobby des vignerons contre la loi Evin ». (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Cela fera l'objet d'un autre débat, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, je vous rappelle que je défends un amendement visant à repréciser que la santé est au cœur des préoccupations de l'assurance maladie.

Mme la présidente. Des préoccupations de tout le monde !

M. Jean-Marie Le Guen. Il est donc légitime que je demande des précisions sur la position du ministre, et donc du Gouvernement, sur le lobby intense exercé par un certain nombre de nos collègues, au premier rang desquels le président - pour l'instant encore - de l'UMP, M. Alain Juppé. Oui ou non, monsieur Douste-Blazy, allez-vous remettre en cause la loi Evin ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si cette question n'a rien à voir avec les politiques de santé publique et notre débat, alors je ne sais pas de quoi on parle !

Mme la présidente. Sur le vote de la série d'amendements identiques que nous venons d'examiner, je suis saisie par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 5998, 6004, 6030, 6070, 6073, 6077, 6091, 6113, 6144.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 50

              Nombre de suffrages exprimés 50

              Majorité absolue 26

        Pour l'adoption 15

        Contre 35

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 6311.

M. Jean-Marie Le Guen. Avant de passer à cet amendement, je voulais interpeller à nouveau le ministre sur la loi Evin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Le Guen, c'est la sixième fois que je vous réponds. Dans le domaine de la prévention, l'actuelle majorité a fait dix fois plus que vous. Vous n'avez donc aucune leçon à nous donner, en particulier sur la loi Evin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mais...

Mme la présidente. Venez-en à la défense de votre amendement !

M. Jean-Marie Le Guen. Merci, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu répondre, ou du moins d'avoir fait le geste de répondre. Cela étant, il n'y a rien dans votre réponse. Je comprends que vous vous sentiez obligé de prendre la parole, mais vous ne m'avez rien dit. Je reviendrai donc sur cette question sur laquelle il est grand temps d'arrêter de finasser.

Certains de nos collègues laissent les lobbies influencer l'Assemblée nationale, pendant que d'autres vantent les vertus de la santé et de l'assurance maladie. Il arrive un moment où il faut que cela s'arrête !

Monsieur le ministre, vous avez peut-être l'intention de réfléchir avant de nous répondre. Mais, en ce qui nous concerne, nous avons l'intention d'obtenir une réponse.

J'en reviens à l'amendement n° 6311. Cet amendement est important car il vise à inscrire notre politique de santé publique...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. De quel amendement s'agit-il ?

Mme la présidente. J'ai annoncé très clairement l'amendement n° 6311 !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vais donc reprendre mon argumentation !

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, soyez coopératif !

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis plus que coopératif, madame la présidente, en laissant au ministre le temps de réfléchir à la réponse qu'il va nous apporter sur la loi Évin !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mais nous ne revenons pas sur la loi Évin !

M. Jean-Marie Le Guen. En ce qui me concerne, je vais y revenir, monsieur le ministre, je préfère vous le dire tout de suite ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Le Guen !

M. Claude Goasguen. Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne revenez pas sur la loi Évin, mais nous, nous allons y revenir ! Si vous ne me répondez pas, monsieur le ministre, je vous promets qu'il va se passer certaines choses ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. Il nous menace !

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite que le Gouvernement s'exprime sur ce sujet !

M. Claude Goasguen. Ce n'est pas parce qu'un journal a parlé de la loi Évin que nous sommes obligés d'en parler !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme vous voulez ! Pour ma part, je souhaite que le Gouvernement s'exprime sur ce sujet !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous ai répondu !

Mme la présidente. Monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, il n'est pas difficile à un membre du Gouvernement d'avoir un avis sur un problème porté sur la place publique !

M. Richard Mallié. C'est Mme la présidente qui préside !

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, vous avez interpellé le ministre. Celui-ci vous a répondu. Nous en sommes à l'amendement n° 6311, que je vous demande de défendre !

M. Richard Mallié. Vous avez cinq minutes, monsieur Le Guen !

Mme la présidente. S'il vous plaît, c'est moi qui m'occupe du chronomètre !

Monsieur Le Guen, je vous demande de défendre votre amendement !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut que je sois suffisamment gentil pour accepter les non-réponses du ministre et pour rappeler à nos collègues de quel amendement nous parlons. Malgré la bonne volonté de l'opposition envers la majorité, j'estime que vous allez un peu loin !

M. Richard Mallié. Vous ne savez même plus quel est l'objet de l'amendement !

M. Bernard Schreiner. Cela fait plus de cinq minutes que vous parlez, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Mes chers collègues, cet amendement vise à rappeler que notre pays n'a pas pour seule vocation d'assurer la santé de nos concitoyens, de ceux qui résident sur le territoire, même si c'est évidemment sa tâche première. Notre histoire, notre tradition et ce que représente la médecine française...

M. Claude Goasguen. Blabla !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Goasguen, la médecine française a une certaine image sur le plan international !

M. Claude Goasguen. Vous connaissez la médecine française, vous, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'aimez pas beaucoup que l'on parle de tels sujets, mais le rayonnement de notre pays se fait aussi à travers la réputation de sa médecine !

M. Hervé Mariton. Qui le conteste ?

M. Jean-Marie Le Guen. Pendant de nombreuses années, les médecins français, l'école de médecine et l'école de chirurgie françaises ont exporté dans le monde entier la renommée de notre pays.

M. Hervé Mariton. Nous ne le contestons pas !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela n'avait pas uniquement un impact sur le plan scientifique.

De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On a compris !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Madame la présidente, c'est de l'obstruction !

M. Jean-Marie Le Guen. Il m'est difficile, madame la présidente, de parler dans ces conditions !

M. François Guillaume. Parce que c'est intéressant ?

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai la voix qui fatigue ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, écoutez M. Le Guen, ou je serai obligée de prolonger son temps de parole, et ce sera difficile.

Monsieur Le Guen, poursuivez !

M. Jean-Marie Le Guen. Notre politique de santé publique doit exister non seulement à l'intérieur de l'hexagone mais aussi sur le plan international. Quant au plan européen, peu d'entre nous oseraient dire que, dans les années qui viennent, nous ne serons pas amenés à coordonner notre politique de santé avec celle des autres pays d'Europe.

Nous allons aborder l'article 1er, qui énonce des généralités et des principes tout à fait intéressants. Mais puisque nous en sommes aux principes, nous devrions avoir la possibilité d'en ajouter un certain nombre à votre texte, comme l'inscription, pour le scientifique autant que pour l'humanitaire, de l'action de la France et de notre système de santé dans une dimension internationale. Cela me paraît tout à fait fondamental.

Oui, nous nous battons, comme la France s'est battue à Doha, afin d'établir un autre rapport entre l'industrie pharmaceutique et les pays du Sud. Comme nous nous battons pour que l'appareil de santé français soit capable de se porter au secours des populations déshéritées lorsque survient une catastrophe à l'autre bout du monde. Souvenez-vous qu'un secrétaire d'État à l'action humanitaire de l'un de vos gouvernements parlait de la vocation de la France à étendre son action à l'extérieur de ses frontières.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vos cinq minutes de parole sont écoulées, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons le devoir d'inscrire cette dimension dans notre politique de santé.

Sur le plan européen existe déjà l'agence européenne du médicament. Nous vous ferons des propositions pour aller plus loin dans le sens de la coopération européenne. Face à des trusts pharmaceutiques qui, pour l'essentiel, sont américains, si nous étions capables de rapprocher, par exemple, la puissance d'achat de la France et celle de l'Allemagne, nous aurions indiscutablement un autre poids pour imposer nos politiques de santé et négocier avec l'industrie pharmaceutique. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Il y en a bien d'autres, madame la présidente...

Mme la présidente. Oui, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. ...qui justifient que nous inscrivions dans la loi cette dimension internationale. Si ce texte est ambitieux, il doit fixer tous les objectifs de notre politique de santé. Or cette dimension est importante.

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, veuillez conclure !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il parle depuis sept ou huit minutes, ce n'est pas possible !

M. Jean-Marie Le Guen. M. Bur, qui ne cesse d'évoquer le système allemand, refuse aujourd'hui de parler de l'aspect international de la santé ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, vous avez vraiment dépassé votre temps de parole !

La parole est à M. Gérard Bapt, pour défendre l'amendement n° 6314.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président de la commission spéciale, vous ne niez pas que la dimension européenne en matière de santé publique est particulièrement prégnante, ou bien faites-vous partie de ceux qui pensent que le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à la barrière des Vosges ?

Déjà, au cours des débats sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique, nous avions regretté l'absence singulière de la dimension européenne.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. C'est faux ! Vous n'avez fait aucune allusion à la dimension européenne !

M. Gérard Bapt. Relisez les débats du Journal officiel, monsieur le rapporteur ! Mais il nous reste la dernière lecture, qui nous donnera peut-être l'occasion d'enrichir ce projet de loi en insistant sur la dimension européenne, voire internationale, de notre politique de santé.

Comme M. Le Guen l'a indiqué, notre pays a intérêt à développer une meilleure coopération européenne en matière de santé pour être plus fort face au poids de l'industrie pharmaceutique. Après tout, si l'on peut faire des économies sur le dos des hôpitaux, on pourrait peut-être aussi négocier par exemple, le prix des médicaments innovants. Si la population de l'Europe était associée aux progrès de la recherche privée, nous pourrions peut-être négocier dans les meilleures conditions avec l'industrie pharmaceutique, qui d'ailleurs ne s'en porterait pas plus mal.

En matière de coopération, je voudrais citer un autre exemple : celui de la recherche. La recherche publique doit indéniablement retrouver les moyens que votre politique budgétaire restrictive lui retire, et pas seulement en coopérant avec la recherche privée.

Dans le domaine médical comme dans celui des sciences du vivant ou de la génétique, la coopération européenne donnerait à l'Europe une autre dimension, notamment face à la puissance américaine.

J'en viens aux chantiers de l'éducation sanitaire. Nous allons devoir affronter un changement culturel et sociétal très profond, par exemple lutter contre l'épidémie d'obésité, qui ne s'arrête pas aux frontières - d'autant plus facilement franchies qu'elles n'existent plus !

Imaginez-vous que, lorsque vous allez de Bavière en Alsace, il vous faut adopter le même comportement alimentaire face au risque d'obésité ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. Cela n'a rien à voir !

M. Gérard Bapt. J'ai participé récemment à un colloque, monsieur le rapporteur. Hélas, ce n'était pas à votre invitation, car vous ne m'avez jamais invité à participer à un voyage ayant pour thème la santé publique ; mais il faut dire que je suis membre de la commission des finances et que vous la négligez. D'ailleurs, elle n'a pas le beau rôle dans votre texte, où elle est bien mal traitée ! J'ai donc été invité à un colloque qui se tenait à Munich, associant des Allemands, des Autrichiens et des Français sur le thème de la lutte contre l'obésité, en particulier l'obésité juvénile, qui est le plus grand fléau de santé publique auquel les sociétés industrielles avancées seront confrontées dans les années qui viennent, comme le seront les concentrations humaines qui vivent dans les nouvelles agglomérations de certains pays du tiers-monde. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Bapt, veuillez conclure !

M. Gérard Bapt. Je vais vous contenter, madame la présidente !

La prise en considération de notre amendement par le ministre nous donnerait satisfaction car elle faciliterait la coopération internationale face aux progrès nécessaires au bon développement de la santé publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, tout à l'heure, dans le brouhaha, je crois n'avoir pas été entendu, car mes collègues n'ont pas montré beaucoup de conviction. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaitais simplement que le ministre réponde clairement à notre question sur la loi Évin. (Protestations sur les mêmes bancs.) D'ailleurs, je pense qu'il lui faudra prendre le temps de consulter d'autres membres du Gouvernement. En conséquence, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance d'une demi-heure. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Nous perdrons notre temps !

Mme la présidente. La suspension est de droit. Toutefois, je vais donner la parole à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert. Ces amendements tendent à préciser que notre système de santé s'intègre dans un ensemble international et européen. Il faut souligner l'absence totale de dimension européenne et internationale de la politique du Gouvernement en matière de santé et d'assurance.

Alors que l'Europe ne cesse de s'affirmer en matière de santé publique, dans des domaines comme le médicament, la sécurité sanitaire, environnementale et alimentaire, la lutte contre les épidémies, et j'en passe, le projet de loi n'en dit mot. Apparemment, la France ne dit rien, ne veut rien et ne se prépare à rien,...

M. Hervé Mariton. Ce projet de loi ne peut pas parler de tout !

Mme Françoise Imbert. ...occupée qu'elle est à renforcer ses structures étatiques.

Au plan international, c'est la même chose. Peut-on sérieusement envisager les objectifs et les défis d'une politique de santé publique limités à nos frontières nationales ? Ne faut-il pas prendre en compte les défis internationaux et préparer nos politiques et nos intervenants à les relever ? La mobilisation qui légitime une politique de santé publique ne peut se comprendre qu'avec cette ambition. Elle est d'ailleurs dans notre tradition et mériterait d'être prolongée par des politiques publiques, mais aussi d'être considérée comme un objectif de notre politique de santé publique dans tous ses aspects.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Madame la présidente, il me semble que M. Le Guen a demandé une suspension de séance !

Mme la présidente. Il nous reste trois amendements à examiner. Poursuivons !

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai effectivement demandé une suspension de séance, madame la présidente !

M. Claude Goasguen. Au nom de quoi ?

Mme la présidente. Examinons ces trois amendements ; ensuite je lèverai la séance !

La parole est à Mme Hoffman-Rispal, pour soutenir ces amendements.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable !

M. Philippe Vitel. Respectez la présidente, monsieur Le Guen !

Mme la présidente. Madame Hoffman-Rispal, vous avez la parole.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, puis-je répondre ?

Mme la présidente. Ne multiplions pas les interventions, monsieur Mariton ! Soyons raisonnables !

Madame Hoffman-Rispal, je le répète, vous avez la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, puisque les choses se passent ainsi, je lève la séance !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot