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Deuxième séance du vendredi 9 juillet 2004

20e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Patrick Braouezec. Je demande la parole pour un rappel au règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Mon intervention a trait au bon déroulement de nos travaux.

Chacun se souvient que nous avons eu il y a peu de temps un débat souvent passionné sur le changement de statut d'EDF. Or, si l'on en croit un quotidien du soir, le Gouvernement, nuitamment, a fait voter à la sauvette un amendement pour supprimer la limite d'âge des dirigeants des entreprises publiques. C'est une fois de plus le fait du prince, et l'on peut supposer que les salariés y verront une provocation, d'autant plus que cette décision aurait été prise, selon les mêmes sources, pour reclasser un ancien ministre.

On peut se féliciter que le Gouvernement soit prompt à réinsérer des ministres qui ont été remerciés, et l'on regrette même qu'il n'ait pas eu la même attitude envers certains salariés qui ont été moins chanceux, je pense aux « LU », aux « Moulinex » et à d'autres, qui ont été traités d'une autre façon.

En tout cas, monsieur le président, je demande une suspension de séance, pour permettre à M. le Premier ministre de venir s'expliquer sur ce coup de force qui me semble très dommageable après le débat sur le statut d'EDF que nous avons eu dans cet hémicycle il y a seulement quelques jours.

M. Alain Claeys. Il a raison !

Mme Muguette Jacquaint. C'est bien le rôle du Parlement !

M. le président. C'est peut-être le rôle du Parlement, madame Jacquaint, mais ce n'était pas un rappel au règlement, monsieur Braouezec, et votre intervention concerne les travaux du Sénat.

Mais vous avez une délégation de vote de votre groupe ; je vous accorde cinq minutes de suspension de séance.

M. Patrick Braouezec. Ça m'étonnerait que le Premier ministre vienne en cinq minutes !

M. le président. L'ordre du jour étant assez chargé, je ne vous accorde que cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, ce matin nous nous sommes longuement demandé si la question de la santé publique était indissociable de celle de l'assurance maladie. Nous avons répondu par l'affirmative.

Qui dit santé publique dit aussi prévention. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, nous venons de recevoir communication d'un fax de la Mutualité française, concernant la revue Santé et Travail, laquelle, depuis dix ans, est devenue une référence pour tous les acteurs de la prévention sur la question des risques professionnels. Je ne sors pas du sujet, comme vous pouvez le constater, monsieur le président.

Cette revue, qui milite pour la santé au travail, est indépendante des producteurs et des gestionnaires de risques. Sa position, unique en France et en Europe, lui assure une grande crédibilité, contrairement à d'autres sources d'information sur ce sujet, qui, par intérêt, sont souvent tentées de minimiser le risque professionnel afin de ne pas contraindre les entreprises à prendre les mesures de prévention qu'impose la protection de la population au travail.

Il convient de rappeler que cette revue a participé à la prise de conscience et à la prévention de risques importants sur lesquels nous nous sommes longuement penchés dans cet hémicycle, notamment l'amiante et les expositions aux éthers de glycol, dont les conséquences sur la santé sont très graves.

M. le président. Madame Jacquaint, veuillez conclure, je vous prie.

Mme Muguette Jacquaint. Je termine, monsieur le président, mais vous pouvez constater que je ne m'écarte pas du sujet.

M. le président. Madame Jacquaint, je ne vois pas le rapport de votre intervention avec le règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, nous allons entamer l'examen de l'article 11,...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. En êtes-vous certaine, madame Jacquaint ?

Mme Muguette Jacquaint. ...qui prévoit le comblement du trou de la sécurité sociale par le versement d'un euro lors de chaque consultation. Cette mesure me fait penser - nous avons besoin d'un peu d'humour, dans cet hémicycle  (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) - à ceux qui sont malheureusement victimes de la très grande pauvreté et qui nous demandent : « T'as pas dix balles ? ». Généreux comme nous le sommes parfois, nous donnons les dix balles.

Mais lorsque nous prenons connaissance du texte du Gouvernement sur la cohésion sociale, nous nous apercevons que la générosité à dix balles n'a rien réglé ! Au contraire, le nombre de RMIstes augmente, comme le nombre de ceux qui ne peuvent plus payer leur logement et sont privés du droit au logement ou de ceux qui sont privés du droit au travail. La misère est galopante !

M. le président. Madame Jacquaint, veuillez conclure ! Votre intervention n'a rien à voir avec un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Si, monsieur le président. Cette réforme n'a-t-elle pas pour objectif de faire baisser les dépenses de la sécurité sociale ? Or mon intervention vise précisément à demander au Gouvernement de faire un effort en direction de la prévention et de se pencher sur le cas de cette revue qui, relevant de la loi de 1901, est bien utile et a besoin d'aide pour pouvoir continuer à vivre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous nous trouvons, monsieur le président, dans une situation insurmontable du fait du calendrier parlementaire d'une part, et des méthodes gouvernementales, d'autre part.

M. Georges Fenech. Vous l'avez déjà dit ce matin.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors même que nous examinons, dans le cadre de la session extraordinaire, un texte indiscutablement important - chacun en conviendra - , le ministre ne peut pas être présent parce que le Gouvernement a organisé en parallèle, au Sénat, un débat sur la santé publique.

Pendant que nous débattons ici de problèmes de santé, au Sénat, on démantèle la santé publique ! Et l'on interdit aux parlementaires qui siègent ici d'alerter l'opinion publique !

Mme Muguette Jacquaint. Et l'on nous reproche d'être hors sujet !

M. Jean-Marie Le Guen. La une des journaux est là pour suppléer le Parlement, qui est atomisé et bâillonné,...

M. Jean-Michel Dubernard. Si vous vous pouviez l'être !

M. Jean-Marie Le Guen. puisque nous sommes contraints d'êtres présents dans l'hémicycle pour empêcher une autre atteinte à notre système de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Il faut siéger au Sénat, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Et, comme si une tel chaos et ces mauvais coups ne suffisaient pas, nous apprenons que, dans la nuit, on a, pour convenance personnelle, mis à bas la gestion de la haute fonction publique et mis en péril le fonctionnement interne et le statut social des entreprises publiques, notamment d'EDF, dont le rôle est fondamental dans notre pays.

M. Jean-Luc Préel. N'exagérez-vous pas un peu ?

Mme Muguette Jacquaint. M. Mer a pourtant bien mérité sa retraite !

M. Jean-Marie Le Guen. Je le dis clairement, monsieur le président : nous n'avons pas l'intention de continuer ainsi ! Nous exigeons des explications du Premier ministre sur la désorganisation organisée de la session extraordinaire.

M. Patrick Braouezec. Et du travail parlementaire !

M. Jean-Marie Le Guen. Le Parlement est bafoué. Le Gouvernement tente un coup de force.

M. Richard Mallié. Scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes dans une situation, monsieur le président...

M. Jean-Luc Préel. Insurrectionnelle !

M. le président. Monsieur Le Guen veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Jean-Marie Le Guen. ...qui révèle combien le Gouvernement est tenté de passer en force à la faveur de la période estivale. Les droits du Parlement ne sont pas respectés ! Or les droits de la démocratie ne sont pas respectés quand les droits du Parlement ne le sont pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Luc Préel. Vous parlez tout le temps !

M. Jean-Marie Le Guen. Les mauvais coups se multiplient, sans plus aucun contrôle. Nous ne l'acceptons pas.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous vous demandons une suspension de séance de vingt minutes, comme l'a obtenue ce matin l'UMP. Nous exigeons cette suspension de séance immédiatement.

M. Pierre-Louis Fagniez. On demande, monsieur Le Guen, on n'exige pas !

M. le président. Monsieur Le Guen, avant que vous n'exigiez quoi que ce soit, je souhaite vous apporter quelques précisions.

Premièrement, le Gouvernement est représenté à son banc par M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Or nous traitons de l'assurance maladie.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Très bien !

M. le président. Deuxièmement, les conclusions de la CMP sur le projet de loi que vous avez évoqué reviendront devant l'Assemblée.

Troisièmement, deux de nos collègues m'ont fait savoir qu'ils souhaitaient eux aussi obtenir la parole pour des rappels au règlement. Je vais la leur donner dans un souci d'équilibre. Puis, avant d'aborder l'ordre du jour qui appelle la suite de la discussion après déclaration d'urgence du projet de loi relatif à l'assurance maladie, j'accorderai, comme on me l'a demandé, cinq minutes de suspension de séance.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le président, je ne sais pas s'il s'agit vraiment d'un rappel au règlement mais je tiens à exprimer ma surprise. Nous assistons de nouveau, depuis vingt-cinq minutes, à une tentative manifeste de nos collègues de l'opposition pour retarder le plus possible la réforme de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. On ne peut pas laisser le Sénat prendre de telles décisions sans réagir !

Mme Janine Jambu. et Mme Muguette Jacquaint. Ça ne va pas recommencer !

M. le président. Madame Jacquaint, vous avez pu faire un rappel au règlement sans que vos collègues de la majorité n'interviennent. Laissez Mme Aurillac s'exprimer dans les mêmes conditions, je vous prie.

Mme Martine Aurillac. Madame Jacquaint, nous vous avons tous écoutée avec respect. Je ne serai pas longue, mais je souhaite pouvoir dire ce que je pense.

Vous avez fait longuement allusion ce matin, monsieur Le Guen, au déni de démocratie auquel donnerait lieu ce débat. A l'instant, vous avez prétendu que l'opposition est littéralement bâillonnée. Je souhaiterais tout de même vous rappeler que le débat se tient depuis bientôt presque neuf jours et que l'opposition ne cesse de prendre la parole. Les comptes rendus de nos séances en feront facilement foi.

Mme Janine Jambu et Mme Muguette Jacquaint. Et alors ?

Mme Martine Aurillac. C'est d'ailleurs votre droit !

Madame Jacquaint, je ne vous ai pas interrompue lorsque vous vous êtes exprimée.

Mme Muguette Jacquaint. Vous ne parlez pas assez souvent pour que je cherche à vous interrompre ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme Martine Aurillac. La démocratie, c'est deux choses : c'est le débat, et je ne sache pas que vous en soyez privés ! Mais c'est aussi, que vous le vouliez ou non, une majorité et une minorité.

Il est vrai que nous n'avons pas la même conception d'ensemble de la réforme de l'assurance maladie - notre collègue Alain Claeys l'a fort bien rappelé ce matin. Nos conceptions sont, en la matière, fondamentalement différentes. Vous souhaitez totalement préserver en l'état ce régime qui va à sa perte. Vous souhaitez laisser les patients dépenser tant qu'ils peuvent et les médecins prescrire autant qu'ils veulent, alors que nous souhaitons responsabiliser les professionnels de la santé et les assurés sociaux. Vous savez d'ailleurs que c'est la seule façon de sauver le régime de la sécurité sociale, auquel nous tenons tous.

Mme Janine Jambu. Nous écoutons !

Mme Martine Aurillac Ce n'est pas facile, il est vrai, madame Jacquaint, de réformer l'assurance maladie et sans doute le projet de loi n'est-il pas parfait. Mais si c'était si facile, mon Dieu ! que ne l'avez-vous fait avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je souhaite rappeler à nos collègues que, dans ce débat pour le moins abondant sur l'assurance maladie, notre assemblée est loin d'être bâillonnée. Plus de soixante-dix heures y ont déjà été consacrées.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne vous savais pas un défenseur des 35 heures, monsieur Mariton !

M. le président. Monsieur Le Guen, je vous en prie : laissez M. Mariton s'exprimer.

M. Hervé Mariton. Le débat n'est donc ni bâillonné ni expédié. Et plus de 3 000 amendements ont déjà été examinés.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous voyez qu'on travaille !

M. Hervé Mariton. Pour le moins, le débat est abondant, et le travail se déroule normalement, un vendredi 8 juillet, lors d'une session extraordinaire,...

M. Gaëtan Gorce. Cela ne vous semble pas contradictoire !

M. Hervé Mariton. ...comme il y en a depuis des années. Il n'y a aucune raison pour que le Parlement ne fonctionne pas. Il fonctionne bien, et c'est tant mieux.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est extraordinaire !

M. Hervé Mariton. La session est extraordinaire, en effet, mais c'est devenu une chose relativement habituelle. L'assurance maladie, qui est un sujet important, mérite que nous lui consacrions le temps nécessaire.

Ce matin, le groupe UMP a obtenu une suspension de séance. Vous m'accorderez que si l'on faisait le bilan des suspensions de séance demandées par chaque groupe,...

M. Jean-Marie Le Guen. Vous proposez là une réforme intéressante du règlement de l'Assemblée, mon cher collègue !

M. Hervé Mariton. ...il n'y aurait personne pour oser prétendre que le groupe UMP en abuse ! Faites les comptes !

M. Jean-Marie Le Guen. Le groupe UMP n'abuse pas non plus de la prise de parole.

M. Hervé Mariton. Ma collègue Martine Aurillac l'a rappelé, il apparaîtra dans les heures qui viennent que vous vous contentez d'opposer une caricature à un projet qui n'est assurément pas parfait, mais qui a le mérite d'être solide, utile et que nous améliorons par nos travaux - nous le démontrons jour après jour. Nombre de vos amendements sont absurdes. De plus, vous prétendez tantôt qu'il n'y a rien dans notre réforme...

M. Jean-Marie Le Guen. Rien de bon, en effet. Que du mauvais !

M. Hervé Mariton. ...tantôt qu'elle chamboulera l'assurance maladie, et vous allez parfois jusqu'à affirmer les deux simultanément ! Vous ne pouvez pas avoir raison quand vous dites à la fois qu'il n'y a rien et qu'il y a trop !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais si ! Vous pensez binaire !

M. Hervé Mariton. Mais non ! Je pense que notre projet est cohérent, utile et efficace. Nous cherchons à l'améliorer. Quant à vos critiques, j'ignore si elles sont binaires. Elles sont en tout cas contradictoires et elles n'enrichissent pas le texte comme elles pourraient le faire.

Vous avez évoqué les travaux du Sénat de la nuit dernière. Il seront présentés devant la commission mixte paritaire. Les décisions adoptées permettront en l'occurence d'élargir le champ des talents qui peuvent concourir au bonheur de la nation.

M. le président. Mes chers collègues, M. Gorce et M. Claeys m'ont demandé également la parole pour un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Je souhaite également l'obtenir monsieur le président.

M. le président. Madame Jacquaint, vous avez déjà eu la possibilité de vous exprimer et M. Braouezec a obtenu une suspension de séance.

Les deux orateurs du groupe socialiste prendront la parole pour des rappels au règlement, puis je suspendrai la séance. A la reprise, nous aborderons l'ordre du jour, qui appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Mon rappel au règlement est motivé par ce qui vient d'être dit et par ce qu'a fait le Gouvernement au Sénat.

On ne peut pas accepter que l'UMP considère, comme M. Mariton, que les sessions extraordinaires deviennent une habitude. Il y a une contradiction dans les termes.

Le Gouvernement en prend à son aise, depuis plus de deux ans, avec notre règlement et notre Constitution.

M. Hervé Mariton. Nous travaillons !

M. Gaëtan Gorce. J'ai fait remarquer la semaine dernière que nous avions décidé, lors de la précédente législature, une session unique, censée organiser nos travaux d'une manière stricte le mardi, le mercredi et le jeudi. Nous avions alors fixé des règles pour la session extraordinaire, qui s'intègre maintenant à la session ordinaire, illustrant l'improvisation dans laquelle se complaît le Gouvernement.

Que sur un débat comme celui de l'assurance maladie, le Gouvernement n'ait pas pu organiser son temps et le temps de travail du Parlement et nous fasse travailler, non pas tant en juillet que pendant les week-ends, à quoi cela ressemble-t-il ? En tout cas pas aux conditions d'un travail serein.

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Hervé Mariton. Nous travaillons !

M. Gaëtan Gorce. Vous n'avez répondu ni à M. Braouezec ni à M. Le Guen à propos de l'initiative, prise hier par le Gouvernement, de modifier certaines dispositions législatives pour des raisons de convenance.

Déjà, le Gouvernement se maintient pour des raisons de convenance, alors qu'il a été désavoué par les Français. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gorce, revenez donc à votre rappel au règlement !

M. Gaëtan Gorce. La République n'est pas faite pour être confortable à ceux que le Président a remerciés. Que celui qu'on n'a pas estimé suffisamment pour siéger au Gouvernement se voie récompensé par la présidence d'une grande entreprise publique, et qu'on modifie la loi pour cela, est scandaleux !

La République n'est pas là pour offrir des appuie-tête, des coussins ou des portes de sortie à ceux qui ont été remerciés pour n'avoir pas entièrement assumé leurs responsabilités. Cette attitude est grave.

On nous parle de responsabiliser nos concitoyens. Mais comment peut-on le faire si le Gouvernement lui-même s'arrange avec les lois et les règlements ?

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour un dernier rappel au règlement.

M. Alain Claeys. Une session extraordinaire a été décidée par le Gouvernement pour aborder ce texte. Soit. Gaëtan Gorce a dit ce qu'il fallait en penser. Mais que le ministre de tutelle, en charge de la santé, ne soit pas présent (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste) alors qu'il a médiatisé son texte sur toutes les chaînes de télévision, toutes les radios, dans les journaux,...

M. Richard Mallié. Jaloux !

M. Alain Claeys. ...et cela parce que le Gouvernement n'a pas été capable de coordonner le travail parlementaire, constitue une insulte à l'égard de la représentation nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Claeys. Votre collègue Le Guen a demandé une suspension de séance.

M. Alain Claeys. Ce qui s'est passé cette nuit au Sénat est vraiment inadmissible.

M. Richard Mallié. Ce qui se passe ici depuis dix jours est tout aussi inadmissible !

M. Alain Claeys. Faire passer en session extraordinaire un amendement pour raison de convenance personnelle, un amendement qui modifie les règles du jeu,...

M. Hervé Mariton. C'est pour retarder l'âge de la retraite !

M. Alain Claeys. ...constitue une insulte à l'égard de la représentation nationale et du personnel d'EDF et GDF.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue. Après la reprise, nous passerons à l'ordre du jour.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1 703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 7864, portant article additionnel avant l'article 11.

Avant l'article 11

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n°7864.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est très important : il concerne un sujet sensible sur tous les bancs de notre assemblée et il pose une question de principe.

Malheureusement, dans notre pays et ailleurs, certaines jeunes filles ont été, sont et seront peut-être encore demain victimes de pratiques douloureuses, que la loi française réprime et qui sont contraires à leur dignité de femmes.

L'État et les associations agissent de façon volontariste pour lutter contre les pratiques d'excision. Aujourd'hui, des opérations de chirurgie réparatrice permettent de guérir ces mutilations. Mais, dans l'état actuel des choses, ces actes ne sont pas pris automatiquement en charge par la sécurité sociale.

Voilà pourquoi, en premier lieu, je voudrais obtenir une réponse claire de la part du Gouvernement sur ce sujet.

Je m'interroge néanmoins : il me paraît important que le pouvoir politique - au sens le plus noble du terme - ait la possibilité d'inclure dans le panier de soins des actes qui n'y figureraient pas naturellement si on ne prenait en compte que l'aspect médical ou médico-social de la question.

Nous allons débattre à d'autres articles de la mise en place de la Haute autorité et des avis qu'elle va rendre. Mais il est fondamental que le pouvoir politique soit clairement responsable de la définition du panier de soins, à savoir de l'ensemble des soins qui devront ou non être remboursés, et du niveau de remboursement.

Sur ce problème douloureux, nous devrions pouvoir nous rassembler pour dire que c'est au pouvoir politique de décider de l'inclure dans le panier de soins. C'est, du reste, une question que nous retrouverons lorsque nous aborderons les problèmes de gouvernance et de responsabilité de chacun.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je tiens d'abord à saluer l'innovation d'un de mes collègues urologues de la région parisienne, qui permet aux jeunes femmes victimes d'une pratique importée dans notre pays de retrouver une anatomie normale et une qualité de vie satisfaisante.

Ensuite, je m'interroge : pourquoi cet amendement est-il placé avant l'article 11 ?

M. Jean-Marie Le Guen. Parce qu'il n'a rien à voir avec l'article 11 !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous le dites vous-même !

Et pourquoi demander un rapport de plus ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous le savez bien ! Pour contourner l'article 40 !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous savez bien que je réponds toujours défavorablement à vos demandes de rapport. Un rapport n'apportera pas de réponse à ce problème.

L'excision est, en France, considérée comme une mutilation au sens du code pénal. Elle peut relever de la cour d'assises. Dans ce cadre, une série de mécanismes permettent aux victimes de recevoir des dommages et intérêts couvrant les frais de l'intervention. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le président. Que est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous avez eu raison, monsieur le député, de dire que, s'agissant de ce sujet grave, l'enjeu est avant tout la dignité de la femme. L'excision est intolérable, et surtout illégale, dans notre pays. Selon l'Académie nationale de médecine, elle peut causer de très graves complications. Le rapporteur a indiqué que certains médecins proposent aujourd'hui une chirurgie réparatrice aux femmes victimes dans leur pays d'origine de cette pratique. Comme pour d'autres actes de chirurgie réparatrice, les femmes ayant subi une excision peuvent, en l'absence de précision suffisante des textes d'inscription à la nomenclature, être prises en charge par l'assurance maladie. Il est toutefois nécessaire d'apporter une clarification.

Votre proposition de rapport, comme l'a dit le professeur Dubernard, n'est pas une solution, même si nous avons bien compris qu'elle devait éviter à votre amendement de tomber sous le coup de l'article 40. Ce que je peux vous proposer, c'est d'ouvrir une possibilité de saisine de la Haute autorité à l'État, à l'assurance maladie et aux usagers. Le Gouvernement s'engage à la saisir, dès lors qu'elle sera constituée, afin qu'elle définisse très précisément les indications thérapeutiques spécifiques à ce type d'acte pour permettre une prise en charge de ces cas douloureux. Compte tenu de cet engagement, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Cet amendement est l'exemple même de la fausse bonne idée : si l'on ne peut qu'y adhérer spontanément, on ne peut pas, en revanche, l'inscrire dans la loi. Une telle préconisation relève de la Haute autorité et de la négociation contractuelle. Elle fera ensuite l'objet d'un décret. Je partage totalement l'avis du rapporteur et du secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Notre collègue Jean-Marie Le Guen a posé une bonne question ; le secrétaire d'État y a apporté une bonne réponse. Cet amendement fournit une bonne occasion à la représentation nationale de rappeler qu'elle considère l'excision comme une mutilation indigne. Un tel acte appelle réparation et il nous semble opportun que l'assurance maladie la prenne en charge. Nous attendons donc que la réponse du secrétaire d'État soit suivie d'effets.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vais reprendre la question d'un point de vue concret, qui, semble-t-il, ne fait pas débat, et d'un point de vue théorique, parce que les réponses que vous apportez posent de nombreux problèmes.

Dans la pratique, la nécessité d'intervenir n'est pas discutée. Dès lors, je ne vois pas pourquoi nous devrions attendre que la Haute autorité soit d'abord constituée, puis saisie, qu'elle rédige un rapport et qu'enfin ses conclusions puissent être appliquées. Cela nous renvoie au mieux à plusieurs mois, alors que l'Académie de médecine s'est d'ores et déjà prononcée pour le remboursement.

Sur le fond, la santé n'est pas toujours liée à un problème médical ; cette chirurgie réparatrice n'intervient pas forcément pour remédier à une pathologie. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'elle contribue à restaurer la dignité de la personne. C'est à ce titre qu'elle doit être prise en charge par l'assurance maladie.

Le rapporteur considère que c'est le droit à compensation qui doit jouer, que la mutilation appelle le procès et la réparation. C'est la logique du recours, à laquelle nous nous sommes déjà heurtés dans d'autres domaines. C'est cette logique qui nous a été opposée à propos de l'arrêt Perruche, alors que nous défendions la solidarité et la politique sociale, plutôt que le droit à compensation, laissé à l'appréciation d'un juge. Nous pensions que l'accueil de l'enfant handicapé, par exemple, relevait du droit social et non pas du code civil.

Quant à l'assurance maladie, si certains en admettent le rôle, ils le renvoient à la Haute autorité. Mais celle-ci n'est pas compétente pour donner des avis en matière de dignité humaine. Elle doit déterminer ce qui est bon ou pas pour la santé, évaluer l'efficacité d'un traitement. Elle n'a pas à se substituer au pouvoir politique pour dire ce qu'inclut le panier de soins. Or le problème dont nous discutons ne concerne pas directement la santé, il s'agit de décider que l'assurance maladie intervient pour restaurer la personne dans sa dignité humaine.

Je ne vois pas l'intérêt d'attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, à moins qu'il ne s'agisse d'une manœuvre dilatoire pour des raisons financières. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il ne serait pas aberrant que le Gouvernement ait ce genre de préoccupation.

M. Édouard Landrain. Il n'y a pas tant de cas !

M. Jean-Marie Le Guen. En revanche, je trouverais choquante et inappropriée la procédure de saisine de la Haute autorité, qui lui conférerait des responsabilités qu'elle n'a pas à assumer. En matière de dignité de la personne humaine, ce n'est pas à la Haute autorité de trancher mais à l'État. Il est le garant de l'état de santé du pays. L'assurance maladie est l'outil qui lui permet de remplir cette fonction. Nous ne sommes pas dans la logique du droit à réparation mais dans celle de la prise en charge de la restauration de la personne humaine par l'assurance maladie. C'est au pouvoir politique qu'il revient de l'affirmer clairement.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7864.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande un scrutin public !

M. le président. Trop tard !

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L'article 11 propose d'instaurer une contribution forfaitaire à la charge des assurés pour chaque consultation ou chaque acte effectué par un médecin, à l'exception des hospitalisations et des prestations pour les bénéficiaires de la CMU et pour les mineurs. C'est l'une des mesures les plus médiatisées du projet de loi, qui fait l'objet d'appréciations nuancées. Pour nous, ce forfait a ceci d'intéressant qu'il peut susciter une prise de conscience du coût de la santé. L'UDF s'est depuis longtemps prononcée en faveur d'une responsabilisation du patient. Cette mesure y participe, mais nous en avions d'autres à proposer, comme le contrat ou la caution remboursable, qui nous paraissent plus appropriées. Les dépenses de santé sont, certes, extrêmement spécifiques, mais les études montrent que la répétition de certaines d'entre elles est due au sentiment de quasi-gratuité des soins des assurés sociaux, liée en particulier au tiers payant. Ce forfait ne doit pas constituer un obstacle à l'accès aux soins. Cela ne devrait pas être le cas, la contribution d'un euro étant relativement faible. Certains ont même souligné que la modicité de cette somme n'aura pas l'effet responsabilisant attendu.

De nombreux assurés s'inquiètent toutefois de la manière dont pourrait évoluer ce montant d'un euro, fixé dans un premier temps par décret, puis par l'UNCAM. Pourriez-vous préciser si ce montant est appelé à court terme à augmenter, et dans quelle proportion ? Chacun garde en mémoire le forfait hospitalier, qui, de l'équivalent de 3 euros lors de son instauration au début des années 1980, est passé à 13 euros aujourd'hui et atteindra 16 euros en 2007. Les assurés craignent à terme, en cas de hausse importante de cette contribution, que ne soit remise en cause l'universalité de l'accès aux soins.

S'agissant du champ de la contribution, il me paraît défini de façon satisfaisante en incluant les consultations externes des établissements du service public hospitalier et les passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation, et en excluant les actes pratiqués au cours d'une hospitalisation. Seront aussi exonérés les mineurs et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire. Je me demande d'ailleurs quelle est la justification pour les mineurs, qui sont en principe, couverts par leurs parents.

Il me semble qu'il convient aussi d'exclure les personnes souffrant d'une affection de longue durée - une ALD. En effet, soit le principe de la contribution forfaitaire s'applique à chaque assuré, et il ne doit souffrir aucune exception, soit des exceptions sont prévues et, dans ce cas, il est légitime que, eu égard à leur situation spécifique, les personnes en ALD soient exclues du dispositif : la prise en charge à 100 % pour une affection de longue durée dûment justifiée peut en effet difficilement être remise en cause, d'autant que ces malades sont conduits à consulter fréquemment. Ils se verraient dès lors plus pénalisés que les autres.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les modalités de recouvrement de cette contribution ? Plusieurs questions se posent. Les médecins libéraux ne semblent pas vouloir participer à la «récolte » de cette somme. Comment fera-t-on lorsque le patient utilise le tiers payant ? Dans le cas général, l'assurance maladie ne remboursera, pour une consultation de 20 euros, que 19 euros mais qui paiera lorsque le malade est au tiers payant ?

Autant de questions techniques auxquelles je souhaite obtenir des réponses précises.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. L'article 11 du projet de loi instaure la désormais fameuse contribution forfaitaire à la charge des assurés pour les actes réalisés par des médecins, dans le but - comme l'indique l'exposé des motifs - « de responsabiliser l'assuré dans son comportement de soins ».

L'union nationale des caisses d'assurance maladie - l'UNCAM - sera chargée de fixer le montant de ce forfait - qui s'ajoute au montant du ticket modérateur - dans des conditions et dans des limites fixées par décret en Conseil d'État. Dans l'attente de la décision de l'UNCAM, le dernier paragraphe de l'article prévoit que le montant de cette participation forfaitaire est fixé par décret. M. le ministre de la santé et de la protection sociale nous a d'ores et déjà annoncé qu'elle serait d'un euro afin de ne pas constituer un obstacle à l'accès aux soins des plus démunis.

Nous ferons, à ce propos, plusieurs remarques.

La première concerne la notion de responsabilisation.

Le dispositif que vous proposez sous-entend que la forte croissance des dépenses de santé s'expliquerait par le sentiment des assurés sociaux d'une quasi-gratuité des soins, liée en particulier au tiers payant. Dès lors, il faudrait frapper l'assuré au porte-monnaie pour qu'il soit économe de ses soins.

D'ailleurs, pour être certain que l'assuré paiera bien ce forfait de sa poche, le texte entend faire en sorte qu'il ne puisse être couvert par les assurances complémentaires. Aussi l'article 32 du projet de loi prévoit-il d'inciter, par des mesures fiscales, les organismes d'assurance maladie complémentaire à ne pas proposer dans leur contrat la prise en charge de ce forfait.

La responsabilisation des patients ne pourra être obtenue par ce type de mesure purement comptable. C'est en fait une fausse mesure de responsabilisation, l'expérience du forfait hospitalier l'a prouvé. Toutes les mesures de type ticket modérateur ont échoué.

En outre, comme le forfait hospitalier, qui est passé d'environ 3 euros lors de son institution en 1982 à 14 euros aujourd'hui et devrait encore augmenter d'un euro pas an d'ici à 2007, ce nouveau forfait sera amené à croître régulièrement.

Parce qu'il s'agit non seulement d'une mesure totalement inefficace mais, en plus, d'une véritable barrière à l'accès aux soins, les députés communistes et républicains demandent la suppression pure et simple du forfait hospitalier. Cette barrière financière à l'accès à l'hôpital n'est pas acceptable.

Pour les mêmes raisons, nous nous opposons farouchement à ce nouveau forfait. Il est aujourd'hui fixé à un euro symbolique, mais à combien se montera-t-il en 2015 ?

Le seul effet de cette mesure sera, non pas de responsabiliser l'assuré dans son comportement de soins, mais de modérer l'accès aux soins des plus démunis, et elle deviendra dans quelques années un réel obstacle aux soins.

On nous répond que les plus démunis ne seraient pas touchés par une telle mesure car elle ne concernerait pas les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire. Quid alors des familles qui disposent d'un revenu juste au-dessus du seuil d'attribution de la CMU - soit 548,82 euros par mois - et qui paient presque totalement les forfaits, les mutuelles, les caisses de prévoyance ou les assurances n'en remboursant qu'une partie ?

Ne croyons pas qu'elles pourront être aidées par la mise en place de complémentaires au rabais ! En instituant une aide de 150 euros par an pour les revenus dépassant de 15 % maximum le seuil d'attribution de la CMU, vous offrez aux « pauvres », au mieux, une mutuelle à faible remboursement. Instituer une aide de 150 euros par an, alors que le coût mensuel d'une complémentaire pour un remboursement moyen est estimé entre 40 et 50 euros par mois, c'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité !

Autant de raisons pour lesquelles nous nous opposons avec détermination à l'article 11, qui instaure une discrimination à l'accès aux soins par l'argent !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le Gouvernement ne manque pas d'humour en intitulant la section III, qui commence par cet article, « Recours aux soins ». Je lui aurais plutôt donné pour titre  « Recours au porte-monnaie » !

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Il est écrit, dans le rapport de M. Dubernard, que, davantage qu'à une « franchise », la « contribuation forfaitaire » demandée s'apparenterait plutôt à un « ticket modérateur d'ordre public », c'est-à-dire une participation restant automatiquement à la charge de l'assuré. Je ne vois pas comment une participation qui reste automatiquement à la charge du patient peut responsabiliser ce dernier. Si elle est automatique, il n'y a pas de responsabilisation. Quoi que fasse le patient, qu'il soit ou non vertueux dans son parcours de soins, il paiera de toute façon. Drôle de conception de la responsabilisation !

D'ailleurs, chaque fois que je vous entends parler de responsabiliser les patients, l'image qui me vient à l'esprit est un tiroir-caisse !

M. Hervé Mariton. Cela fait aussi partie de la responsabilisation !

Mme Martine Billard. Quant à la gratuité de la médecine, parlons-en ! Nous payons tous la CSG et, pour ne pas avoir un reste à payer important, des assurances complémentaires, lesquelles représentent au minimum 30 euros par mois. Il n'y a pas de tiers payant pour les consultations en ville : le patient doit payer la visite. Le tiers payant s'applique uniquement dans les centres de santé et dans les établissements hospitaliers et, en pharmacie, pour les médicaments. Quant aux secteurs ophtalmologique et dentaire, le terme de gratuité est vraiment déplacé. C'est là que les patients paient le plus cher de nos jours !

Quand je vous entends dire que nos concitoyens ont l'impression d'avoir une médecine gratuite, je me demande donc si nous vivons dans le même pays.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il faut changer de pays !

Mme Martine Billard. Non, justement ! J'ai envie d'un pays solidaire où tout le monde ait un égal accès à la santé !

Deux exonérations au paiement de la contribution forfaitaire sont prévues : les mineurs et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire. Si ces derniers sont exonérés, ce n'est pas du tout pour favoriser l'accès à la santé des plus démunis mais parce que, comme cela nous a été expliqué en commission, il était très compliqué de les faire payer étant donné que sont les rares personnes à être prises en charge totalement et à ne pas même payer une consultation en ville, et que leur demander d'envoyer un euro à l'assurance maladie aurait coûté plus cher.

D'ailleurs, le montant d'un euro est une estimation. Rien n'est fixé dans l'article. Et l'on est en droit de se demander quel sera le montant de la contribution forfaitaire dans dix ans, sachant qu'un de nos collègues propose de le fixer dès maintenant à trois euros.

Au demeurant, les exceptions au paiement du forfait sont en retrait par rapport à celles prévues à d'autres endroits du code de la sécurité sociale. Si l'on veut responsabiliser les malades, c'est pour les inciter à avoir un parcours de santé vertueux et mettre un frein au nomadisme médical et à la surconsommation de médicaments. Entendez-vous « responsabiliser » les personnes atteintes d'une maladie professionnelle ou victimes d'un accident du travail, les femmes enceintes, ou encore les personnes atteintes d'affections psychiatriques ? Ce mot a-t-il un sens pour elles ?

Je sais que, actuellement, la mode en politique est de ne pas dire officiellement ce que l'on veut faire : on ne parle plus de privatisation mais d'ouverture de capital, il n'est plus question de supprimer les 35 heures mais de les assouplir. De la même manière, vous parlez aujourd'hui de sauver la sécurité sociale et de responsabiliser les patients. De la beauté du langage politique !

Nos concitoyens peuvent se laisser impressionner quelque temps par le vocabulaire employé mais cela ne dure en général pas très longtemps. Pour les retraites, par exemple, les femmes ont très vite compris qu'elles étaient les premières perdantes de la réforme. Pour l'assurance maladie, nos concitoyens vont vite découvrir que, sous prétexte de les responsabiliser, vous n'avez d'autre but que de les faire payer.

De ce point de vue, cet article est très significatif. Ayez au moins le courage politique de le dire ! Le baron Seillière n'a pas hésité à nous avouer, lorsqu'il a été entendu par la mission, qu'il aimerait bien aller beaucoup plus vite et mettre en place un système à l'américaine.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pas nous !

Mme Martine Billard. Mais, comme il sait que l'opinion publique n'y est pas vraiment prête, il place des jalons pour y parvenir.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L'article 11 marque le début de la machine à déremboursement que vont organiser les articles suivants du projet de loi.

Il s'inscrit dans le titre Ier intitulé : « Dispositions relatives à l'organisation de l'offre de soins et à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé » mais je ne vois pas en quoi l'instauration d'un forfait d'un euro, c'est-à-dire d'un déremboursement d'un euro par acte médical - c'est le montant qui est indiqué en attendant que l'UNCAM décide -, participe de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Je passe brièvement sur le problème de la collecte de cet euro, déjà évoqué par mes collègues. Les médecins libéraux placeront-ils à cet effet une petite tirelire à l'entrée de leur cabinet ou la collecte de cette contribution nécessitera-t-elle la mise en place d'une machine bureaucratique chargée de sa gestion ?

Le fond du problème n'est pas là. Il est que, sous couvert de responsabiliser les malades, vous créez une nouvelle recette de poche pour l'assurance maladie. Il eût mieux valu le dire, et dire aussi qu'il ne s'agirait pas d'une contribution symbolique. Arguant du fait que, pour vraiment responsabiliser les patients, il fallait une contribution, non pas symbolique mais notable, M. Guillaume a déposé en commission un amendement tendant à la fixer à cinq euros, et un autre, de repli, la mettant à trois euros. Les deux amendements ont bien entendu été repoussés : la pilule aurait été difficile à faire avaler en première lecture ! Cela étant, il est clair que cette contribution est appelée à augmenter.

Des cas d'exonération du forfait sont prévus. Qu'en sera-t-il des consultations aux services des urgences ne donnant pas lieu à hospitalisation ?

Votre texte vise à faire passer dans l'opinion l'idée que, pour sauver l'assurance maladie, en proie au déficit abyssal que vous avez laissé se créer depuis deux ans, la collectivité doit progressivement réduire sa participation aux dépenses de santé au profit de l'assurance individuelle.

M. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française déclarait récemment, lors d'une interview, que l'on n'avait jamais réussi à modérer la consommation médicale en faisant davantage payer le patient. L'exemple des États-Unis, est probant. Dans ce pays où les dépenses de santé sont les plus importantes, il en va de même pour la charge supportée par l'assuré. Il n'y a donc pas de relation de cause à effet.

Comment croire qu'en taxant les seuls malades, c'est-à-dire ceux qui ont besoin de l'acte médical ou de la consultation, on responsabilisera l'ensemble de la société ?

Cette mesure supplémentaire, monsieur le secrétaire d'État, vise à transférer les dépenses de santé prises en compte par l'assurance maladie, qui émargent au prélèvement obligatoire, vers l'assurance individuelle, vers les organismes complémentaires.

Nous pensons que cet article, en l'absence d'interlocuteurs relevant du système assurantiel, est le cheval de Troie des assurances, leur permettant d'entrer progressivement dans la gouvernance.

Cela posera dans un deuxième temps le problème de la répartition de ce que l'on appelait le panier de soins. L'UNCAM définira ensuite le périmètre avec l'avis du conseil d'orientation, dans lequel siégeront non seulement les mutuelles, dont on connaît l'esprit, mais aussi les sociétés d'assurances, reconnues en droit européen au même titre que les mutuelles.

L'article 11 et les suivants, monsieur le secrétaire d'État sont emblématiques du but poursuivi. Il ne s'agit pas de parvenir à un retour à l'équilibre en 2007, qui est impossible - tous les organismes le pensent -, mais à un nouveau transfert de l'assurance obligatoire de base vers l'assurance individuelle.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. L'idée selon laquelle l'assuré social, le malade est, par principe, pervers, que les assurances sociales incitent ce malade à consommer et que l'on doit lui faire prendre conscience du coût des soins n'est pas nouvelle.

Je vous invite, mes chers collègues, à relire le compte rendu des débats qui se sont déroulés dans cette enceinte, lors de l'examen des lois de 1928 créant les assurances sociales. À l'époque, cet argument était déjà évoqué tant à la Chambre des députés que dans la Haute assemblée. Il est très instructif de relire ces discussions à la bibliothèque.

Cela a conduit à la mise en place de ce qu'on appelle aujourd'hui le ticket modérateur. Les assurances sociales couvrant l'ensemble des dépenses, il s'agissait de faire prendre conscience à l'assuré social du coût des soins afin de modérer sa consommation. Force est de constater que, plus de soixante-dix ans après, le ticket modérateur n'a toujours pas produit les effets attendus, puisque les dépenses de santé continuent de galoper. Cela montre que ce n'est sans doute pas la bonne solution.

Je voudrais également tordre le cou à quelques idées fausses. La sécurité sociale prend-elle entièrement en charge les soins des assurés sociaux ? Non ! La commission des comptes de la santé pour 2003, réunie hier, a montré que les ménages prenaient à leur charge 10 % des dépenses de soins. Cela va au-delà des décisions personnelles concernant la couverture complémentaire.

La sécurité sociale ne prend en charge, en moyenne, que 75,8 % des dépenses de soins. Sortons-nous de l'esprit que l'assurance maladie, la sécurité sociale, garantirait une couverture totale de l'accès aux soins.

L'histoire du « un euro » est connue. M. le Premier ministre, lors d'une émission de télévision, a sorti cette idée. Je ne sais quelle appréciation porte aujourd'hui M. le ministre de la santé sur cette proposition. Cela figure en tout cas dans le projet de loi. Je pense que cette mesure aura des effets néfastes.

Cela réduira-t-il la consommation de soins ? Non. Un rapport récent de l'OCDE montre que tous les pays qui se sont limités à une augmentation de la contribution n'ont en rien réduit la progression des dépenses de santé. La seule possibilité de réduction - loin de moi l'idée de ne pas faire de pédagogie auprès des assurés sociaux pour qu'ils prennent conscience des coûts - réside dans l'organisation de l'offre de soins.

Nous avons exprimé cette idée à plusieurs reprises au cours des débats. Le développement d'une offre de soins mieux intégrée, de réseaux de santé, avec la rediscussion du mode de rémunération des professionnels libéraux, permettra de faire évoluer notre système de santé, de rationaliser la consommation des soins par les malades, dans le respect de la qualité de l'offre de soins, en gardant présent à l'esprit l'objectif de maîtrise des dépenses.

Nous n'y parviendrons certainement pas par la contribution forfaitaire à la charge des assurés telle qu'elle est prévue à l'article 11. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cet article.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Les collègues qui viennent de s'exprimer ont clairement indiqué les inquiétudes suscitées par le dispositif proposé à l'article 11.

Le principe d'« un euro » mis à la charge de chaque assuré est contestable dans son principe et dans ses conséquences.

Dans son principe d'abord. Si personne ne peut nier l'intérêt d'une démarche de responsabilisation, on pourrait dans un premier temps considérer que celle-ci ne doit pas s'adresser uniquement aux assurés, mais concerner également les professionnels de santé. Ces derniers jouent un rôle considérable dans la décision de prescription et donc, indirectement, dans la dépense publique, mais ils ne sont pourtant pas associés à cet effort.

On pourrait aussi considérer que la responsabilisation pourrait emprunter d'autres voies que la pénalisation financière. Dans l'ensemble de votre dispositif, vous employez le mot « responsabilisation » alors qu'il n'est question que de « pénalisation ». Vous jouez là sur les mots et le résultat ne sera pas agréable pour les assurés.

On prétend responsabiliser ceux-ci par le dossier personnel, le choix du médecin traitant et du spécialiste, mais ces dispositions sont aussitôt assorties d'une sanction éventuelle à travers un moindre remboursement, la prise en charge du dépassement, l'augmentation de la CSG, l'euro mis à leur charge.

Qui peut d'ailleurs dire qu'il s'agira bien d'« un euro » puisque cette disposition n'apparaît pas spécifiquement mais sera mise à la charge d'un autre organisme qui devra définir le montant ?

On parle de responsabilisation et on applique une pénalisation.

Cette approche est contestable dans son principe, mais elle a également des conséquences inquiétantes. L'euro annoncé risque rapidement de faire des petits. Cet euro-là va devenir grand, lourd pour celui qui devra l'acquitter. Vous offrez là une facilité. Pourquoi s'arrêter une fois la porte ouverte, une fois la frontière franchie ?

L'ensemble du montage financier n'apporte aucune garantie. Il ne s'agit pas seulement de responsabiliser - je répète que nous contestons cette forme de responsabilisation dans son principe -, mais aussi de trouver des ressources complémentaires.

La note de Bercy - nous y reviendrons - et L'OFCE ont récemment indiqué que l'équilibre financier de la réforme n'était pas assuré. Pour assurer cet équilibre financier ou, en tout cas, pour éviter une dérive trop importante, vous devrez aller au-delà des dispositions que vous annoncez aujourd'hui en termes d'économies et de recettes.

Il est donc probable que votre euro  ne fera pas beaucoup d'heureux. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tous ceux qui devront payer beaucoup, car nous allons droit vers une augmentation de leur participation, se rendront compte qu'au nom de la responsabilisation un dispositif de pénalisation des assurés sera mis en place.

M. Évin a eu raison d'indiquer qu'il existait, pour aborder ce sujet, des manières plus difficiles, plus courageuses mais probablement aussi plus efficaces. Il faut raisonner en termes de parcours de soins,...

Mme Marie-Jo Zimmermann. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Gaëtan Gorce. ... en termes d'offre de soins. Cela suppose que l'on ne brûle pas les étapes. Il faut commencer par la prévention, poursuivre par l'offre de soins, la mise en relation du médecin et de l'hôpital. Nous discutons de tous ces points entre nous mais ils sont ignorés dans votre projet de « réforme ».

C'est pour ces raisons que nous nous élevons avec la plus grande vigueur contre l'article 11, qui franchit la ligne rouge. Après le ticket modérateur à l'hôpital, on met en place un dispositif équivalent dans la relation avec le médecin. Cela ne s'arrêtera pas là et on aboutira à une sorte de boulimie de besoins, compte tenu des insuffisances du mode de financement prévu - lequel repose sur un mode de responsabilisation inacceptable, dans la mesure où d'autres catégories sont exonérées de l'effort nécessaire. Il ne permet pas la réforme en profondeur que nous appelons de nos vœux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous aurons l'occasion de revenir sur tous les aspects de cette innovation qui a attiré l'attention de l'opinion publique.

Cela avait l'air d'une mesure symbolique. L'euro, c'était l'effort demandé aux Français pour sauver le système de sécurité sociale. À ce prix-là, les Français ont été nombreux à accepter pour « un euro » de sauver leur système d'assurance maladie, même s'ils avaient conscience du caractère légèrement injuste de cette affaire.

Cet euro n'était pas de nature à sauver quoi que ce soit et certainement pas l'assurance maladie. Il nous a été présenté comme étant essentiellement une mesure financière. On sait ce qu'il en est sur le plan financier.

Ensuite, on a évolué vers le terme de « responsabilisation ». Mais, au départ, c'était l'euro sauveur : cet  euro allait permettre d'équilibrer l'assurance maladie.

Son assiette évoluait au fur et à mesure des incohérences des discours autour du projet. En tout état de cause, nous savons qu'en matière de sauvetage financier, ce n'est ni cet euro ni ce plan qui résoudront les difficultés de l'assurance maladie.

Cette évidence, non seulement la note de Bercy l'a rappelée, confirmant ce que nous-mêmes avions amplement démontré depuis plusieurs semaines, mais il ne se passe pas de jour sans qu'une nouvelle institution ne vienne prouver la vanité de tout espoir de redressement financier de l'assurance maladie par un tel biais. Au demeurant, cette affaire est pratiquement réglée aux yeux de l'opinion publique : les gens n'en sont plus qu'à pleurer l'euro qu'ils ont d'ores et déjà perdu pour une réforme sur laquelle, de toute façon, ils seront amenés à revenir dans les années qui viennent. Lorsqu'on les interroge, 85 % des Français répondent avoir parfaitement compris que leurs dépenses de couverture complémentaire, qui avaient déjà nettement crû depuis deux ans, continueront à augmenter dans les prochaines années.

Encore n'était-ce que la première justification : en fait, il n'était déjà plus vraiment question de redressement financier lorsque nous avons entamé le débat parlementaire. Aborder cet aspect relevait presque de la mesquinerie : c'était avant tout de santé et de responsabilisation qu'il fallait parler. Or il n'est pas un pays au monde où l'on pense que la création de nouvelles barrières à l'accès aux soins primaires soit de nature à développer la responsabilisation et à améliorer le système de santé.

Je vois notre collègue Landrain hausser le sourcil, lui qui a eu l'occasion de faire une promenade dans le reste de l'Europe et singulièrement en Allemagne. « Mais les Allemands, mais les Allemands ! » Qu'ont-ils fait, les Allemands ? Ils viennent effectivement d'imposer un ticket modérateur, pour des raisons strictement financières. Du reste, ils l'assument ! Ils n'ont pas peur, eux, de dire qu'ils ont pris cette mesure pour des raisons financières : ce n'est pas forcément ce qu'il y a de plus exaltant, mais il arrive que ce soit nécessaire. Quel pouvoir politique pourrait s'exonérer de ce type de contingence ?

Pour des raisons financières, donc, les Allemands ont imposé un ticket modérateur, ce qu'ils n'avaient pas jusqu'à présent. Ils viennent d'en fixer un, à hauteur de celui que nous avons aujourd'hui. Autrement dit, ils ne font que nous rattraper. Devons-nous en tirer prétexte pour reprendre à nouveau de l'avance, tout en affirmant que ce n'est pas pour des raisons financières ? L'incohérence est patente !

Je le répète : dans aucun pays ayant entrepris de réformer son système de santé, sur le plan macro-économique ou sur le plan micro-économique, que ce soit dans les HMO américains, dans le NHS britannique ou dans les systèmes scandinaves, personne n'a jamais pensé que le fait de faire payer les soins plus cher serait de nature à améliorer tant la qualité que l'efficience du système de santé.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais allons plus loin : en admettant même qu'il faille instaurer une franchise, ce petit euro - qui aura inévitablement vocation à croître, en tout cas davantage que celui que l'épargnant aura déposé sur son livret A ! - constitue à l'évidence la méthode la plus injuste qui soit, du fait qu'il s'appliquera inconsidérément à tout Français. Riche ou pauvre, bien portant ou en mauvaise santé - en fait, plus on sera malade, plus on devra payer -,parcours de soins valorisé ou pas, il faudra payer. C'est donc la mesure la plus aveugle qui soit et sa modestie même la rendra de plus en plus dangereuse au fil de sa progression. Elle apparaît au surplus comme un élément profondément déstructurant car elle permet de théoriser sur une construction juridique qui ne tiendra pas une seconde : l'idée d'un ticket modérateur d'ordre public, puisque vous prétendez que telle sera la nature de cet euro. Mais j'aurai l'occasion de vous démonter l'inanité politique et juridique de cette conception.

M. Hervé Mariton. Zéro !

M. Jean-Luc Préel. Pointé !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'avez même pas vérifié si ce que je disais sur l'Allemagne était vrai ou faux !

M. Sébastien Huyghe. Quel mépris ! Prétentieux !

M. Édouard Landrain. Prétentiard !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Je ne m'étendrai pas longuement sur les inconvénients du système proposé à l'article 11, mes amis ayant déjà montré combien il était tout à la fois injuste, inefficace et dangereux.

Injuste, parce qu'il pèsera fatalement sur les plus modestes ; un euro, nous dit-on ? On n'en sait rien.

Mme Martine Billard. Un euro aujourd'hui !

Mme Muguette Jacquaint. Exactement !

Mme Élisabeth Guigou. On sait seulement qu'il y aura une franchise. Comme la fixation de son montant est renvoyée à un décret et à l'UNCAM, tout porte à croire que cet euro a vocation à grossir. Mais, à supposer même que nous en restions là, un euro, c'est déjà énorme pour les personnes les plus modestes. Je vois ce qu'il en est dans mon département de Seine-Saint-Denis : la caisse primaire d'assurance y fait un travail remarquable de prévention en proposant systématiquement check-up et bilans de santé aux gens sans grands moyens, aux étudiants comme aux personnes très défavorisées. Or, pour faire venir les gens à ces bilans de santé, organisés dans les conditions les plus attractives qui soient, il faut leur donner des chèques de transport, tout simplement parce qu'ils n'ont pas les deux euros à débourser pour se payer le transport entre leur commune et la caisse de Bobigny !

Mme Muguette Jacquaint. Eh oui ! C'est cela, la réalité !

Mme Élisabeth Guigou. Voilà à quoi servent les crédits sociaux des caisses et voilà la situation à laquelle on est confronté dans les départements comparables aux nôtres - Mme Jacquaint la connaît aussi bien que moi et vous aussi, monsieur le président !

Bref, un euro, même si l'on en reste à un euro - ce qui ne sera pas le cas -, c'est énorme, surtout lorsqu'il vient s'ajouter à toutes les mesures que vous avez déjà décidées : l'augmentation du forfait hospitalier de 10,64 euros à 13 euros, que le Gouvernement auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir n'avait jamais augmenté ; l'application du ticket modérateur depuis le 1er janvier 2004 à certains actes chirurgicaux et diagnostiques lourds, pour lesquels l'assuré ne sera intégralement pris en charge que si ces actes sont affectés d'un coefficient égal ou supérieur à 50 ; ou encore la baisse du remboursement de certaines spécialités homéopathiques qui avaient pourtant montré leur efficacité sur certains patients. Autant de dispositions dont les plus modestes feront les frais.

Mesure injuste donc, mais également inefficace. Jamais un ticket modérateur n'a suffi pour orienter convenablement l'offre de soins ni d'ailleurs la consommation de soins. Il n'est qu'à reprendre le jugement du Haut conseil de l'assurance maladie, au rapport duquel vous vous référez souvent : « Sous quelque forme que ce soit, un reste à charge n'est pas un moyen pertinent pour orienter la consommation des soins. » Pour être efficace, ajoute le Haut conseil, il doit atteindre un niveau qui entraîne du même coup des comportements de report ou de renoncement aux soins ; mais surtout, il n'oriente pas la consommation des soins vers la qualité. « C'est sans doute là, dit le Haut conseil, son défaut rédhibitoire. » Autrement dit, si l'objectif que vous vous assignez - modérer la consommation, orienter vers une rationalisation des soins - peut être partagé, le moyen que vous proposez de mettre en place pour l'atteindre est, de l'avis des meilleurs experts, totalement inefficace.

Enfin, cette mesure est évidemment dangereuse car elle peut laisser croire - et vous le faites croire sciemment - que vous résorberez ainsi le déficit de l'assurance maladie. Il faut prendre la peine de se plonger dans les tableaux chiffrés pour comprendre à quel point cela est faux. Mais surtout, en mettant l'accent sur la carte Vitale, sur cette franchise, sur le dossier médical personnel, dont on sait pertinemment qu'il ne sera pas un instrument d'économie, que fait-on en réalité ? On produit de l'illusion. Or la situation dans laquelle vous avez mis le régime d'assurance maladie, dont vous avez en deux ans multiplié le déficit par sept,...

Mme Marie-Jo Zimmermann. On rêve !

Mme Élisabeth Guigou. ...eût exigé des mesures courageuses et à la hauteur du problème.

M. Hervé Mariton. Comme ce que vous avez fait !

Mme Élisabeth Guigou. Et nous savons très bien, la caisse nationale d'assurance maladie et la note de Bercy elles-mêmes le confirment,...

M. Hervé Mariton. Il vous arrive de raisonner par vous-mêmes ?

Mme Élisabeth Guigou. ...qu'après avoir pénalisé les plus modestes et culpabilisé les patients, nous nous retrouverons d'ici deux ou trois ans avec un déficit au minimum égal à celui que nous connaissons aujourd'hui. Voilà ce que sera le résultat des choix que vous avez faits - ou plus exactement que vous n'avez pas voulu faire.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Assez de leçons de morale !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L'article 11 détaille une seule mesure, mais une mesure importante, de la réforme de l'assurance maladie. Vous multipliez les critiques à son endroit, chers collègues socialistes, en citant à l'appui de votre raisonnement force références, rappels et renvois, à défaut d'analyses propres et de propositions concrètes. Nous entendons de votre part nombre de leçons et de conseils, mais nous ne nous souvenons guère, à dire vrai, de vos actions passées dans ce domaine. Sans compter que, d'ores et déjà, des incohérences se font entendre sur vos bancs : M. Le Guen défend le ticket modérateur alors que M. Évin le critique... Critique ou défense, après tout, le fait est que vous n'avez pas, me semble-t-il, modifié le dispositif du ticket modérateur lorsque vous étiez aux affaires.

Mme Élisabeth Guigou. En tout cas, on ne l'a pas augmenté, nous !

M. Hervé Mariton. On aurait pu imaginer un peu plus d'actes concrets de votre part, à moins que vos positions contradictoires aboutissent évidemment à ne rien faire, comme il nous a été donné de le constater pendant quelques années !

Il ne s'agit pas ici de prédire l'évolution globale des dépenses de santé ; cette disposition n'est qu'un des éléments du dispositif. Certains, à l'endroit de l'euro, pour reprendre cette formule résumée, prêchent la dérision : un peu facile ! Cette mesure a au moins le mérite d'être simple et aisément compréhensible, ce qui, sur le plan de la pédagogie, n'est pas totalement inutile.

Une disposition tout à la fois simple et de nature à concourir à la maîtrise des dépenses, à apporter des recettes complémentaires - dont, ne nous le cachons pas, nous avons besoin - et à favoriser des comportements plus raisonnables, devrait, me semble-t-il, susciter autre chose que de la dérision. Car il s'agit bien d'une mesure responsabilisante, intelligente, équilibrée et juste. Ainsi que le faisait remarquer un de nos collègues lors de la discussion générale, si nous en venions à imaginer que le plus grand nombre de Français seraient incapables de payer un euro...

Mme Muguette Jacquaint. Un euro aujourd'hui !

M. Hervé Mariton. ...lorsqu'ils vont consulter leur médecin, c'est que notre pays serait tombé bien bas.

Mme Janine Jambu. C'est bien ce qu'on pense !

Mme Muguette Jacquaint. C'est malheureusement ce que connaissent certains !

M. Hervé Mariton. Pour notre part, nous pensons que nous n'en sommes pas là et que nous avons encore l'énergie et la capacité de responsabiliser nos compatriotes. Voilà pourquoi nous croyons que, dans la plupart des cas, les Français peuvent payer un euro. Du reste, le projet prévoit que ce paiement ne s'appliquera pas aux plus défavorisés ni dans certaines circonstances. Cela n'interdit pas pour autant de poursuivre, à l'égard de tous, y compris de ceux-là, une démarche de responsabilisation ; la responsabilité peut s'exprimer par le paiement d'un euro pour certains et sans doute pas pour d'autres. Ce ne sera pas une terrible affaire pour le plus grand nombre des Français ; mais c'est en tout cas une réelle nouveauté, une mesure au demeurant bien perçue et qui paraît de bon sens aux yeux de la majeure partie des assurés sociaux.

Certains essaient de caricaturer cette mesure, mais manifestement, cela ne prend pas. En réalité, elle passe bien auprès des Français, qui estiment que payer un euro, c'est le bon sens même et la justice pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine Billard. Payer, c'est le bon sens ?

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Grâce à Monsieur « Je sais tout » qui vient de nous quitter et à Madame « Je n'ai rien fait », qui vient également de nous quitter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) nous savons désormais ce qu'il faut faire ! Mais le Gouvernement, conscient des réalités, n'a pas de leçons à recevoir, et j'estime que sa démarche est la bonne.

Moi aussi, chers collègues, j'ai parlé avec les habitants de ma circonscription, qui n'est ni plus ni moins privilégiée que les vôtres. Et je peux vous assurer que dans les milieux ruraux, peu favorisés, n'ayant pas grosses possibilités financières, le forfait d'un euro passe très bien. On m'a même dit que, rapporté au prix d'un paquet de cigarettes, d'un carambar ou d'une place pour un match de football, c'est une contribution symbolique. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Vous avez de ces comparaisons !

M. Édouard Landrain. Peut-être que chez vous, on ne mange pas de carambars, on ne va pas au match et on ne fume pas. Mais ce sont des choses qui arrivent, chère collègue !

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous conjure de ne surtout pas lâcher sur cette affaire.

A M. Le Guen, que j'ai écouté tout à l'heure, je recommande la lecture du dernier Que sais-je sur la réforme des systèmes de santé, ou celle du rapport de mission que j'ai commis, non pas en me promenant en Europe, mais en travaillant sérieusement avec un administrateur très qualifié.

M. Le Guen affirme que le ticket modérateur n'existe pas en Allemagne, c'est faux. Écoutez plutôt : « Concernant les séjours hospitaliers, les patients doivent payer depuis le 1er janvier 2004 un ticket modérateur de dix euros par jour au lieu de neuf euros auparavant, dans la limite de quatorze jours par an. Un plafonnement est cependant prévu à 280 euros par année. »

Cela s'appelle la taxe de consultation. C'est un système qui marche bien, je vous l'ai dit à plusieurs reprises. Pour la première fois depuis dix ans, les comptes de la sécurité sociale allemande sont passés au vert, et ce dès sa mise en oeuvre. Alors, cessez de prétendre que nous serions les seuls à savoir ce qu'il faut faire et qu'ailleurs, tout est mauvais !

Cette mesure symbolique ne suffira évidemment pas mais, ajoutée aux autres, elle contribuera, ayons le courage de le dire, à sauver notre système d'assurance maladie. Si nous ne faisons rien, comme par le passé, sa chute est inéluctable. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L'article 11 introduit une franchise d'un euro. M. Landrain vient de nous dire que dans d'autres pays, l'Allemagne notamment, on a augmenté le ticket modérateur et que ça marche bien.

M. Édouard Landrain. Il y a vingt-cinq pays qui l'ont fait !

Mme Muguette Jacquaint. Je ne sais pas si la hausse du ticket modérateur marche bien en Allemagne, mais je constate que les résultats électoraux de M. Schröder ne sont pas fameux,...

M. Édouard Landrain. Et c'est un gouvernement social-démocrate !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce n'est pas gentil pour vos collègues socialistes, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint. ...non plus que les vôtres, messieurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pendant des jours et des mois, certains ont grossi le déficit de la sécurité sociale et ont répété aux Français que, bientôt, ils ne pourraient plus se soigner, et qu'il n'y aurait plus de sécurité sociale. Aujourd'hui, le Gouvernement leur annonce que, s'ils acceptent de donner un euro, cela permettra de la sauver. Dans ces conditions, un euro, cela peut paraître peu.

M. Édouard Landrain. Vous le reconnaissez vous-même !

Mme Muguette Jacquaint. Aujourd'hui, on parle d'un euro, mais combien leur demandera-t-on demain ? Deux euros ? Trois euros ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce sera plafonné.

Mme Muguette Jacquaint. Rien n'est gratuit. Entre le ticket modérateur, la CSG, le forfait hospitalier,...

M. Édouard Landrain. L'important, c'est la santé !

Mme Muguette Jacquaint. ...je trouve que les assurés sociaux paient déjà beaucoup. Sans parler de ce qui ne leur est plus remboursé ! Cela compte aussi dans leurs dépenses.

En fait, derrière cette mesure se profile la question du financement de la sécurité sociale et de nouvelles recettes. Or, comme la ficelle est un peu grosse, on nous explique que cette franchise d'un euro est principalement destinée à responsabiliser. Je fais remarquer au passage qu'ils ne sont pas les seuls responsables et, depuis des années, des mesures ont été prises en ce sens.

S'agissant de la responsabilisation, on ne parle que des assurés sociaux. Mais, monsieur le secrétaire d'État, il y a un partenaire qui manque dans cette affaire, et non des moindres. Bien sûr, vous allez me dire que le parti communiste brandit, une fois de plus, le MEDEF ! Mais pourquoi ne songe-t-on jamais à le responsabiliser ? Pourquoi n'augmente-t-on jamais les cotisations sociales patronales ? Serait-ce, monsieur le secrétaire d'État, que vous tenez ce partenaire-là pour irresponsable ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous savez bien que non !

Mme Muguette Jacquaint. Ce ne serait d'ailleurs pas tout à fait faux. J'entendais l'autre jour un responsable du MEDEF s'exprimer sur les maladies professionnelles et les accidents du travail. Il était évident que la santé des Français était le cadet de ses soucis.

M. le président. Veuillez conclure, madame Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Si l'on veut responsabiliser et faire participer, il faut responsabiliser et faire participer tout le monde au financement de l'assurance maladie ! C'est ça, la solidarité !

M. Édouard Landrain. C'est ce qu'on fait.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avant de commencer l'examen des amendements, je souhaite intervenir dans la discussion sur l'article 11, que le Gouvernement et sa majorité considèrent comme important, et qui l'est aussi pour les Français, lesquels ont compris, M. Mariton l'a souligné, qu'il s'agissait avant tout d'une mesure de responsabilisation, simple et lisible.

Monsieur Gorce vous avez dit qu'il ne fallait pas jouer sur les mots. Or cela ne vous a pas empêché de faire un jeu de mots assez inapproprié. À de tels jeux, on risque de creuser encore plus le fossé entre les responsables politiques et l'opinion.

Monsieur Préel, vous avez souligné à juste titre, et je vous en remercie, qu'il s'agissait bien de prise de conscience et de responsabilisation - vous ne vous y êtes pas trompé - et que le paiement d'un euro ne constituait aucunement un obstacle dans l'accès aux soins.

L'un des principes fondateurs de notre système de santé, c'est l'égalité d'accès aux soins, nous sommes tous d'accord. Mais celle-ci n'est en rien entravée par cette mesure, et ce d'autant moins qu'un certain nombre d'exonérations sont prévues.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour qui ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous y reviendrons, monsieur Le Guen. Je réponds à l'ensemble des intervenants et mon intention est d'être exhaustif.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cette contribution forfaitaire va-t-elle augmenter ? Non, elle n'a pas vocation à augmenter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Car elle n'est pas de même nature par exemple que le forfait journalier hospitalier. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Édouard Landrain. Sauf si les socialistes reviennent !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous sommes dans une logique de prise de conscience. Le forfait hospitalier est destiné à couvrir une partie du coût de la journée d'hospitalisation, du moins la partie qui relève de l'hébergement et de la restauration. Ce n'est pas du tout la même philosophie, je tiens à le préciser.

Mme Martine Billard. Alors pourquoi ne le précisez-vous pas dans la loi ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est d'ailleurs bien pourquoi nous n'avons pas souhaité que cette contribution forfaitaire soit prise en charge par les organismes complémentaires...

M. Jean-Marie Le Guen. Elle le sera !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Non, monsieur Le Guen. J'en prends le pari.

Je le répète : cette contribution n'a pas vocation à être prise en charge par les organismes complémentaires.

M. Jean-Marie Le Guen. Pipeau !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous ne voulons pas d'une démarche indolore. Nous assumons ce choix vis-à-vis des organismes complémentaires et des Français.

S'agissant des enfants de moins de seize ans, nous ne pensons pas que la responsabilisation puisse s'appliquer à eux. Quand un enfant est malade, on va chez le médecin traitant. La logique n'est donc pas la même.

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle cohérence !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je souhaiterais pouvoir répondre sereinement aux intervenants, monsieur Le Guen, et je doute que vous appréciez que je sois interrompu quand je vous répondrai.

La contribution forfaitaire ne concernera pas non plus les titulaires de la CMU : nous souhaitons en effet que les personnes qui relèvent du régime de la CMU puissent bénéficier de cette exonération. En revanche, pour les personnes souffrant d'affections de longue durée, nous en débattrons. Nous pensons qu'il est plus intéressant d'avoir de nouveaux protocoles de soins. Nous proposons aussi, le rapporteur en a parlé tout à l'heure, un plafonnement.

Quant au recouvrement, il ne pose pas de difficultés pour les personnes qui ne sont pas au tiers payant intégral, c'est-à-dire la très grande majorité des Français. Il se fera sous la forme d'une retenue d'un euro sur les remboursements effectués par les caisses d'assurance maladie, quel que soit le régime.

Pour les personnes qui sont au tiers payant intégral, il y aura un système de comptabilisation par l'assurance maladie de façon à constituer une créance qui pourra être récupérée en fin d'année. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame Jambu s'indigne que l'on frappe au porte-monnaie. Rappelons qu'il ne s'agit que d'un euro,...

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Justement !

M. Gaëtan Gorce. Et la CSG ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...que plusieurs exonérations sont prévues et que le but est de favoriser une prise de conscience.

Madame Jambu, la mesure n'est pas comptable ni financière. Si elle l'était, croyez-vous qu'elle ne représenterait que 5 % d'un plan de modernisation de l'assurance maladie de 15 milliards d'euros ? Je tiens à vous dire, parce que le sujet a été évoqué à plusieurs reprises, que nous avons refusé de faire le choix qu'ont fait d'autres pays de mesures financières telles que la baisse du taux de remboursement ou l'application d'une franchise de 200 ou 300 euros par ans, qui excluent toute responsabilisation. Notre proposition est inspirée d'une logique totalement différente.

Madame Billard, vous avez de nouveau affirmé qu'elle limiterait l'accès aux soins. Par des amendements, nous aurons à cœur de vous montrer que l'égalité d'accès aux soins n'est nullement entravée. Nous ne nous orientons pas vers un système à l'américaine. Nous croyons en l'avenir d'un système de santé à la française, et nous continuerons à vous le prouver.

Il y a un point sur lequel nous ne sommes vraiment pas d'accord : vous semblez prétendre qu'il est utopique de vouloir responsabiliser.

Mme Martine Billard. Je n'ai pas dit cela.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne le crois pas, et je ne pense pas être le seul à considérer que la responsabilisation est parfaitement possible.

Mme Muguette Jacquaint. Nous n'avons pas dit le contraire !

M. Jean-Marie Le Guen. Pas de caricature !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. M. Landrain l'a très bien démontré dans son excellent rapport : cette responsabilisation est possible. Je la crois même souhaitée par nos concitoyens.

Mme Martine Billard. Oui, mais pas par le biais de l'argent !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ce dont M. Bapt a rêvé a été exaucé, grâce à l'art du spectacle de M. Le Guen, mais il est évident qu'il n'y aura pas de tirelire chez le médecin.

J'ai expliqué à M. Préel comment, dans le cadre d'un partenariat avec les caisses d'assurance maladie, cet euro serait perçu, que l'on bénéficie ou non du régime du tiers payant. Oublions la caricature ! Nul n'a intérêt à jouer les Cassandre.

Quant à l'accueil aux urgences, cet euro est perçu s'il n'y a pas d'hospitalisation, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Le panier de soins n'a pas sa place dans notre débat puisque nous avons choisi de ne pas déplacer la frontière entre régime obligatoire et régime complémentaire. Un certain nombre de plans de financement de la sécurité sociale que vous avez soutenus n'étaient pas aussi rigoureux quant à la préservation du régime obligatoire et du niveau de remboursement.

Enfin, monsieur Bapt, les régimes complémentaire de quelque trois millions de Français, en particulier les enseignants, prévoient un reste à charge qui se situe précisément aux environs de 5 %, notamment pour les médicaments. Cet euro représente 5 % de la consultation d'un généraliste. Il ne s'agit donc pas du tout d'un nouveau système, étranger à nos concitoyens.

Monsieur Évin, il ne s'agit pas de dénoncer les comportements pervers des uns ou des autres.

M. Claude Évin. J'ai voulu rappeler des données historiques !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il s'agit tout simplement de montrer que si le tiers payant a été un outil de simplification efficace, il a occulté la prise de conscience du coût de l'acte médical. On dit souvent que la santé n'a pas de prix, mais elle a un coût. Cette mesure favorise la responsabilisation et la prise de conscience. Elle est soutenue par l'ensemble du Gouvernement parce que nous y croyons. Nous en avons écarté d'autres qui répondaient à une logique financière et comptable.

J'aurais aimé que certains orateurs du groupe socialiste, comme M. Gorce, au lieu de critiquer ou de caricaturer...

M. Gaëtan Gorce. C'est vous qui caricaturez !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...fassent des propositions alternatives. Mais je ne crois pas en avoir entendu. Qu'avez-vous proposé pour favoriser cette prise de conscience ou cette responsabilisation ?

Monsieur Gorce, puisque vous avez insisté sur le parcours de soins, je vous invite à prendre toute votre part à ce débat, car c'est justement l'enjeu de cette réforme. En effet, plutôt que d'opter pour la voie facile de l'augmentation des prélèvements et des recettes, nous avons choisi de réorganiser l'ensemble de notre système de soins, comme nous y invitait le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Je crois donc à l'intérêt d'une démarche de sensibilisation. Nous ne sommes manifestement pas sur la même longueur d'onde. La suite du débat nous permettra peut-être de nous retrouver. La balle est dans votre camp.

Monsieur Le Guen, parler à nouveau d'une mesure financière pour un dispositif qui, je le répète, ne représente que 4 à 5 % de l'enjeu financier de la réforme, n'est pas un bon argument.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vous qui le dites !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. 700 millions d'euros représentent moins de 5 % des 15 milliards d'euros du plan de modernisation. Nous avons rejeté d'autres choix.

Madame Guigou, cette mesure n'est pas injuste puisque, au nom de l'équité, nous en avons exonéré un certain nombre de Français : les enfants, les femmes enceintes et les bénéficiaires de la CMU.

M. Jean-Marie Le Guen. Et les urgences ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. J'ai déjà répondu, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Donc, non !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Enfin, nous allons mettre en place un plafond pour les personnes atteintes de maladies chroniques, afin qu'elles ne soient pas pénalisées.

Nous avons fait des choix, ce qui peut faire naître chez vous le regret de n'avoir pas agi ainsi. En ce qui nous concerne, nous continuons de progresser, parce que nous avons le sentiment que nos choix conviennent aux Français.

Monsieur Mariton, je vous remercie d'avoir dénoncé la dérision dont ont fait preuve certains orateurs du groupe socialiste, et qui n'a pas sa place dans le débat, surtout quand elle ne s'accompagne pas de propositions. Vous avez eu raison de le souligner : cette mesure est juste, notamment en raison des exonérations qu'elle prévoit.

M. Landrain a tenu des propos de bon sens et a apporté au débat un éclairage européen propre à relativiser les querelles franco-françaises fréquentes dans ce débat. Si les mêmes problèmes se posent à toutes les sociétés occidentales, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, emprunter la voie de la responsabilisation ?

Madame Jacquaint, nous voulons responsabiliser tous les acteurs de santé, car les efforts doivent être supportés par tous. Nous entendrons vos propositions lors de l'examen des articles relatifs au financement, mais nous pensons que, grâce à la modification des comportements, cette réforme réussira. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je suis saisi de cent soixante et un amendements de suppression de l'article 11, les amendements nos 1012 à 1023 de membres du groupe des député-e-s communistes et républicains et nos 6147 à 6295 des membres du groupe socialiste.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre les amendements du groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, je les ai déjà présentés lors de mon intervention sur l'article.

M. le président. Monsieur le Guen, considérez-vous que les différents orateurs du groupe socialiste ont également défendu vos cent quarante-neuf amendements...

M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout !

M. le président. ...d'autant que tous leurs auteurs ne sont pas présents ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je le regrette.

M. le président. Dès lors, pouvez-vous n'en défendre qu'un ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous prendrons le temps de débattre de cette proposition incohérente et, par certains aspects, grotesque, qui témoigne du mépris du Gouvernement à l'égard des conditions sociales dans lesquelles vivent nos concitoyens.

J'ai reçu une lettre d'un retraité du XIIIè arrondissement, où vivent des personnes de différentes origines sociales. Àgé de plus de soixante-cinq ans, de santé plutôt bonne, cet homme, dont la pension est à peine supérieure à mille euros par mois, a tenu à me faire part de ce qu'il pouvait dépenser pour sa santé en un mois. Sur les quarante euros payés à un ORL, la sécurité sociale l'a remboursé de 20,16 euros et la mutuelle de son ancienne entreprise privée de 8,64 euros. Il restait donc 11,20 euros à sa charge. En outre, il a dû consulter un médecin généraliste, moyennant vingt-sept euros, remboursés 14 euros par la sécurité sociale et 9 euros par sa mutuelle. Il restait donc à sa charge quatre euros. La responsabilisation, il sait donc ce que cela signifie. Il n'a pas besoin de votre euro supplémentaire.

Il est donc insupportable d'entendre le Gouvernement répéter sans cesse que les Français ne sont pas responsabilisés, y compris au plan financier, alors qu'ils doivent acquitter des cotisations sociales. Durant une vie de labeur, ce retraité a versé des cotisations sociales à l'assurance maladie, puis il a dû, sur sa retraite, se payer une couverture complémentaire. Parce qu'il se porte bien, son reste à charge se limite aujourd'hui à 24 euros par mois, pour une retraite de 1 000 euros.

Telle est la réalité vécue par nos concitoyens. On est loin de l'état d'esprit que vous décrivez. Ce n'est pas en leur faisant payer un euro supplémentaire qu'on responsabilisera les assurés. Les difficultés d'accès aux soins jouent déjà ce rôle.

J'évoquerai le forfait hospitalier, qui n'est pas abordé dans le projet puisqu'il relève du domaine réglementaire.

M. Hervé Mariton. Vous ne l'avez pas supprimé ?

M. Jean-Marie Le Guen. En tout cas, nous ne l'avons pas augmenté, alors que, durant les cinq ans que vous êtes restés au pouvoir, vous l'avez accru de 40 %. Prenons l'exemple d'un salarié au SMIC, 6 500 francs, en arrêt maladie et hospitalisé pendant un mois. La sécurité sociale lui verse une indemnité journalière de 120 francs, soit 3 600 francs par mois. Un mois d'hospitalisation coûteront 2 550 francs, il lui reste 1 050 francs pour payer son loyer et nourrir sa famille. En 2007, il lui restera 450 francs.

Voilà ce que vous allez faire vivre à certains de nos concitoyens. Telle est la réalité sociale dont nous parlons. Certains parlent avec ironie et mépris du problème que poserait cet euro.

M. Hervé Mariton. Pas chez nous !

M. Jean-Marie Le Guen. Quand on verra dans quelle situation vous avez placé les médecins, on pourra rire, en effet, car elle est grotesque. Mais avant de rire de l'incohérence de vos mesures, de leur caractère inapplicable, sachons de quelle réalité sociale on parle.

Nous évoquerons dans une autre intervention le cadre juridique et du ticket modérateur d'ordre public dont vous pourriez demander à Raymond Barre ce qu'il en pense et à propos duquel vous devriez vous souvenir de la décision du Conseil constitutionnel de 1979. Vous faites preuve d'une démagogie insoutenable...

M. Philippe Vitel. La démagogie n'est pas de notre côté !

M. Jean-Marie Le Guen. ...en parlant, à propos de cet euro, de responsabilisation. C'est une honte ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Je ne reprendrai pas ce débat puisque M. le secrétaire d'État a répondu dans le détail à chacun des orateurs. Mais cet article ne saurait être isolé du texte.

M. Gérard Bapt. C'est bien le malheur !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous avons l'obligation d'agir, tant pour des raisons de qualité des soins que pour des raisons financières. M. Le Guen, qui siégeait comme moi au sein du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, ne me contredira pas. Le Gouvernement a fait le choix de responsabiliser les professionnels de santé et les patients. C'est dans ce cadre que s'inscrit cette mesure.

Comme l'a dit M. Landrain, il ne s'agit que d'une contribution modeste, ceux qui parmi vous ont eu l'occasion de rencontrer les membres de la commission santé du Bundestag le savent.

Rappelons-nous que ces mesures ont été prises de façon consensuelle. Partant d'un diagnostic partagé sur ces aspects du texte, nous pourrions être sur la même longueur d'onde. Plutôt que de s'opposer abruptement, nous ferions mieux de chercher un accord de façon que cette réforme de l'assurance maladie dure et traverse les alternances politiques, que j'espère les moins nombreuses possible.

La commission a rejeté ces amendements parce que la contribution n'est pas un obstacle à l'accès aux soins ; parce que son montant est modeste ; parce que de nombreuses exonérations, que M. le ministre a rappelées, sont prévues ;...

Mme Martine Billard. Pratiquement rien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...parce qu'une proposition de plafonnement annuel a été suggérée par ...

M. Jean-Marie Le Guen. Sarkozy !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...notre collègue Jacques Le Guen ; parce que tous les actes réalisés lors d'une hospitalisation en sont exclus.

Enfin, sur la possibilité pour les complémentaires de rembourser ou non cet euro, l'article 32 apporte une solution...

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument pas ! C'est faux !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...en liant les aides fiscales et les exonérations au non-remboursement de la franchise.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 1012 à 1023 et 6147 à 6295, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je pense avoir répondu. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je rappelle à nos collègues du groupe socialiste la nécessité que nos débats aient une certaine tenue.

Vous nous accusez de mépris à l'égard des assurés sociaux...

M. Jean-Marie Le Guen. Non, d'agressivité !

M. Hervé Mariton. ...mais chacun est témoin du mépris et de la dérision avec lesquels vous traitez ces questions. La manière dont vous décorez votre pupitre en est la preuve. Dérision et mépris n'ont pas leur place ici !

Il n'est pas convenable que la représentation nationale, quel que soit son sentiment sur le fond, s'exprime de cette manière. Le sujet mérite mieux que cette attitude assez minable. Ceux au nom de qui vous vous exprimez attendent autre chose que l'exposition d'un jouet sur un pupitre de l'Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur Mariton, à la soixante-quatorzième heure de débat, un brin d'humour, de temps à autre, est permis ! Il nous faut aussi pouvoir résister à la provocation et à l'obstruction que vous nous opposez en parlant de responsabilisation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si la majorité ne fait pas preuve de mépris, du moins se montre-t-elle indifférente à l'égard des assurés ...

M. Hervé Mariton. Je demande une suspension de séance de cinq minutes pour permettre à M. Le Guen de retirer cet objet !

M. Gérard Bapt. Non, le vote a été annoncé, monsieur Mariton !

M. le président. Monsieur Mariton, je suis persuadé, que M. Le Guen se souvient des protestations des députés socialistes lorsqu'un parlementaire de l'UMP avait déposé une figurine sur son pupitre, et qu'il va retirer cet objet du sien.

M. Jean-Marie Le Guen. Certainement pas, monsieur le président ! Et je m'expliquerai lorsque vous voudrez bien me donner la parole !

M. le président. Je le regrette monsieur Le Guen et je vais vous faire parvenir la copie du Journal Officiel pour vous rappeler les propos tenus alors par votre groupe !

M. Jean-Marie Le Guen. Si je devais vous rappeler toutes vos déclarations !

M. le président. Monsieur Bapt, il vous reste une minute, veuillez poursuivre.

M. Gérard Bapt. C'était une digression agreste !

Croyez-vous véritablement, monsieur le rapporteur, que la responsabilisation puisse vous permettre de ne pas exonérer du ticket modérateur, - pour des motifs que vous appelez d'ordre public - les consultations aux urgences ? Croyez-vous que faire payer un euro lors des consultations aux urgences hospitalières responsabilisera qui que ce soit ?

Et puisque l'on évoquait l'aspect social, n'oublions pas que les urgences de l'hôpital sont souvent le seul lieu d'écoute dans une ville, surtout la nuit. Où est la responsabilisation ?

J'ajoute que votre discours est en contradiction avec l'engagement que le ministre de la santé avait pris à ce propos auprès du docteur Pelloux.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix les amendements nos 1012 à 1023 et 6147 à 6295.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.......................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..........................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 55

              Nombre de suffrages exprimés 53

              Majorité absolue 27

        Pour l'adoption 12

        Contre 41

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes pour permettre à notre collègue d'adopter une attitude plus digne, nécessaire à nos débats,...

M. Jean-Marie Le Guen. Pas vous ! pas ça !

M. Gérard Bapt. Vous faites de l'obstruction !

M. Hervé Mariton. ...et pour vous laisser la possibilité de le convaincre que l'Assemblée ne saurait être transformée en ménagerie. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

Pour un rappel au règlement ?...

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, monsieur le président. Je veux, tout d'abord, remercier les fonctionnaires de l'Assemblée qui, pendant la suspension de séance, ont bien voulu défendre mon « patrimoine » contre l'un de nos collègues de la majorité, à ce point remué qu'il a voulu se faire justice lui-même. Je suis néanmoins rassuré : nos collègues ne sont pas aussi émotionnés que j'aurais pu le craindre, car la suspension de séance leur a permis de regarder l'arrivée de l'étape du Tour de France, dont ils ne manqueront pas de nous donner les résultats.

Ce cochon ne veut bien évidemment exprimer aucune dérision vis-à-vis de l'Assemblée. Il ne correspond pas davantage à une image que je voudrais vous renvoyer.

M. Hervé Mariton. Cela s'arrange !

M. Jean-Marie Le Guen. Il est là parce qu'un certain nombre de confrères médecins du 13e arrondissement de Paris me l'ont demandé.

M. Hervé Mariton. Je croyais que vous ne représentiez pas les médecins !

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai précisé qu'il s'agissait de médecins de ma circonscription. Ceux-ci estiment, en effet, que cet outil est indispensable à la perception du forfait d'un euro puisque, 60 % des actes étant pris en charge par télétraitement, le médecin devra réclamer cet euro à chaque patient s'il veut que ses honoraires lui soient entièrement versés. Cet objet devra donc trôner, sur le bureau du médecin, à côté du stéthoscope. C'est pourquoi j'ai proposé que la mise en œuvre du dossier médical personnel, outil de modernisation des cabinets médicaux, s'accompagne de la distribution à chaque médecin, par le Gouvernement, de ce prototype...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Article 40 ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen.... qui sera désormais nécessaire à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

M. le président. Je comprends votre humour, monsieur Le Guen, mais comme je vous l'ai rappelé, le groupe auquel vous appartenez avait fait un rappel au règlement et avait demandé une suspension de séance le 17 juin 2003, quand un député du groupe UMP avait déposé une tortue en peluche sur son pupitre.

M. Hervé Mariton. C'est mieux qu'un cochon !

M. le président. Le président de l'Assemblée nationale avait d'ailleurs souligné à cette occasion que, sur la tortue, vous aviez gagné en lenteur. (Sourires.)

Il y a quarante-huit heures, l'une de nos collègues a apporté en séance une bouteille d'eau ; aujourd'hui, c'est une tirelire.

Mme Muguette Jacquaint. Il y a eu aussi un citron !

M. le président. Quant à M. Gremetz, il a coutume de se munir de ses fiches et d'un minuteur. J'aimerais que l'on respecte le règlement et que l'on revienne au débat.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne voudrais pas qu'on se laisse abuser par la caricature et qu'on croie des choses erronées. Monsieur Le Guen, ainsi que je l'ai démontré en répondant à M. Préel, il n'est pas question que le professionnel de santé perçoive physiquement cet euro. L'image de la tirelire ne correspond donc ni à la volonté du Gouvernement ni à ce qui se passera réellement dans les cabinets médicaux.

M. Jean-Marie Le Guen. Expliquez-nous comment il sera perçu !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Encore une fois, j'ai expliqué tout à l'heure à M. Préel la manière dont ce dispositif sera mis en œuvre pour les personnes qui bénéficient du tiers payant et pour les autres. J'ajoute que le Gouvernement l'a conçu en partenariat avec les caisses d'assurance maladie, afin de s'assurer qu'il serait applicable.

Ces précisions étant apportées, il me semble, monsieur Le Guen, que ce cochon pourrait disparaître. Rassurez-vous, nous ne dirons pas : « Cochon qui s'en dédit ». (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Monsieur Le Guen n'aime que les cochons de payeurs !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous reprenons la discussion de l'article 11 avec les amendements identiques n°s 2860 à 2871 et 7671.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour défendre les amendements nos 2860 à 2871.

Mme Janine Jambu. L'instauration du forfait d'un euro relève d'une logique qui inspire l'ensemble du projet : acculer l'assuré social pour ne pas avoir à toucher aux modes de financement de la protection sociale. Vous prétendez sauvegarder l'assurance maladie, alors que votre plan vise avant tout, en organisant son asphyxie financière, à réduire de manière draconienne les dépenses publiques de santé et à institutionnaliser la montée des dépenses privées.

Vous avez une obsession : réduire les prélèvements obligatoires, et en premier lieu les cotisations sociales, en particulier patronales, coupables, selon votre logique ultralibérale, de peser sur le coût du travail, lequel constituerait une entrave à la compétitivité et à l'emploi. Votre dogme, c'est la réduction du coût du travail, à laquelle vous comptez parvenir en vous attaquant d'abord aux cotisations sociales. Vous passez sous silence le fait qu'en France, pour la main-d'œuvre ouvrière, le coût du travail est l'un des plus bas, comparé à celui des autres pays développés.

Vous voulez avant tout faire admettre l'idée que les entreprises n'ont pas à payer pour la santé des travailleurs, alors qu'elles sont responsables, par leur type de gestion, de la dégradation de la santé des salariés et qu'elles profitent d'une force de travail en bonne santé, facteur d'une productivité accrue. Vous considérez la dépense de santé comme un poids pour l'économie, alors que c'est un facteur de croissance et de création d'emplois.

Vous refusez de financer la dépense publique de santé, alors que l'augmentation des besoins de santé est inéluctable, compte tenu du niveau de développement, du vieillissement de la population et du progrès scientifique et technique médical. L'augmentation des dépenses de santé est d'ailleurs nécessaire pour s'attaquer aux inégalités sociales en matière de santé, améliorer la prévention et les taux de remboursement, créer des emplois et développer la formation, tant à l'hôpital qu'en ville, afin de sortir de la crise de la démographie médicale et du rationnement comptable.

En refusant les moyens de financement qui contribueraient à rénover notre système de santé, vous organisez son éclatement. C'est la marche vers un système à plusieurs vitesses, illustré par le forfait d'un euro. Beaucoup de choses ont été dites à propos de cette mesure : barrière financière, économies supportées par les ménages, expérience du forfait hospitalier. Tout cela caractérise l'idée de la responsabilisation.

Autant d'éléments qui suffisent à justifier la suppression de la participation forfaitaire sur les actes. Tel est l'objet de ces amendements.

M. le président. la parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7671.

Mme Martine Billard. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez dit que la contribution forfaitaire d'un euro n'a pas vocation à augmenter. Il faut donc espérer qu'il n'y aura pas une crise de la vocation ! (Sourires.) Dans certaines lois, les montants ou les pourcentages sont précisés. Le Gouvernement n'a donc qu'à déposer un amendement prévoyant, à l'article L. 322-2, que l'assuré acquitte une participation forfaitaire au plus égale à un euro par acte - afin de laisser une marge de négociation à l'UNCAM. Cela montrerait à nos concitoyens que votre dispositif n'est pas un artifice permettant d'organiser demain  la « crise de vocation » du forfait d'un euro, qui passerait à 2 ou 3 euros, voire davantage.

Par ailleurs, l'actuel article L. 322-3 fixe les cas où la participation de l'assuré peut-être limitée ou supprimée. Seize ou dix-sept cas sont prévus, qui concernent, entre autres, les patients souffrant d'une ALD, les titulaires d'une allocation supplémentaire au titre d'un avantage vieillesse, les personnes hébergées dans une unité ou un centre de long séjour, les femmes enceintes...

Les dispenses prévues pour le forfait d'un euro sont beaucoup moins nombreuses. Je vais citer quelques cas précis pour lesquels une dérogation à la participation forfaitaire serait souhaitable.

S'agissant des urgences, votre projet prévoit que le malade devra payer le fameux euro si l'accueil n'est pas suivi d'une hospitalisation. Dans un amendement dont nous allons débattre, M. Guillaume propose, en ce cas, de relever le forfait à 3 euros parce que ce serait un abus des urgences. Mais si, suite à un accident de travail, l'assuré est emmené aux urgences, soigné, puis renvoyé chez lui avec un arrêt de travail, justement pour ne pas saturer inutilement les hôpitaux, vous considérez visiblement, comme M. Guillaume, que c'est un abus. De même pour une personne qui se casse la jambe, ce qui peut justifier le recours aux urgences, mais pas nécessairement l'hospitalisation. Ces cas montrent que votre raisonnement sur la responsabilisation ne tient pas.

Je prendrai un dernier exemple dans le courrier de la Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux, que de nombreux collègues ont dû lire. Celle-ci nous demande de prendre en compte la situation particulière des patients atteints de pathologies lourdes, notamment les insuffisants rénaux chroniques, tributaires de plusieurs séances de dialyse par semaine, en soulignant qu'ils seraient fortement et injustement pénalisés s'ils devaient à chaque fois payer le forfait d'un euro. Dans son courrier, elle précise que certains néphrologues facturent une consultation pour chaque séance de dialyse.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah !

Mme Martine Billard. Parmi ces insuffisants rénaux chroniques, certains ont pour unique ressource l'allocation aux adultes handicapés ou une pension d'invalidité. En l'état actuel du projet de loi et des amendements acceptés en commission, ces personnes devront payer un euro à chaque consultation précédant une séance de dialyse. Vous nous annoncez un forfait maximum, mais faut-il aussi responsabiliser ces malades ?

On peut trouver des tas d'autres exemples montrant que votre démonstration sur la responsabilisation  ne tient pas la route.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. D'abord, une remarque sur la méthode : si le Gouvernement voulait vraiment gagner du temps, il nous fournirait la liste précise des cas dans lesquels la contribution forfaitaire ne s'applique pas, au lieu d'attendre que, les uns et les autres, nous l'interrogions sur des cas concrets - pour, d'ailleurs, nous répondre de manière très évolutive. Ainsi, en écoutant le ministre, les Français avaient compris qu'on ne leur ferait pas payer un euro aux urgences. Aujourd'hui, le Gouvernement revient évidemment en arrière parce que des collègues de la majorité se sont inquiétés des conséquences de cette différence de traitement entre l'hôpital et la médecine de ville. De toute façon, les articles 4 et 5 vont entraîner des flux massifs de personnes qui n'auront pas accès à des soins de qualité vers les urgences hospitalières.

De plus, assujettir les urgences à ce fameux euro va poser des problèmes extraordinaires de recouvrement et en renchérir considérablement le coût. Vous savez tous ce qui se passe dans les urgences de la ville principale de votre circonscription. En tout cas, je vous invite à y aller voir. Ces services sont débordés. Faudra-t-il que des personnes y soient présentes toute la nuit uniquement pour recueillir, un par un, les fameux euros ? C'est franchement dérisoire.

Par ailleurs, le président de la CSMF, M. Michel Chassang, a déclaré : « On pense que c'est infaisable pour les cabinets médicaux », car « 60 % des actes médicaux sont en tiers payant, ce qui veut dire que c'est la caisse de remboursement qui nous paie, pas le patient. »

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est complètement hors sujet !

M. Jean-Marie Le Guen. Comment ça ? Je ne parle pas de la contribution d'un euro ?

Quoi qu'il en soit, plus l'opposition et la majorité avancent d'arguments tirés de la réalité, plus chacun perçoit combien sont grandes les contradictions que nous réserve l'application de votre politique.

Je constate que nous allons sans doute passer plus de temps qu'il ne serait souhaitable sur l'article 11, à moins que vous-même, monsieur le secrétaire d'État, ne décidiez d'expliquer au Parlement toutes vos intentions.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2860 à 2871 et 7671.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8285 de la commission spéciale.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8285.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40.

La parole est à M. François Guillaume, pour le soutenir.

M. François Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, j'essaye de prendre des positions en relation avec les situations telles qu'on les vit. Actuellement, les médecins des urgences, notamment dans les petites villes, sont submergés par les patients qui se présentent pour des problèmes mineurs qui pourraient attendre le lendemain.

Ils viennent aux urgences pour deux raisons : la première, c'est la gratuité ; la seconde, c'est la raréfaction des gardes, que les médecins de ville se doivent pourtant d'organiser. Ils acceptent de le faire de vingt heures à vingt-trois heures mais, au-delà, ils se montrent en général suffisamment dissuasifs afin d'inciter les patients à se présenter directement à l'hôpital, où le service des urgences doit les accueillir.

Nous n'avons pas ici à traiter de cas particuliers, mais à poser des règles générales. Je demande que tous ceux qui se présenteront dans un service d'urgence, sans être ensuite hospitalisés, acquittent une participation financière forfaitaire que j'ai fixée à 3 euros. Il appartiendra ensuite aux décrets d'application de prendre en compte les cas justifiant une dérogation.

Madame Billard, si quelqu'un se casse la jambe et vient à l'hôpital en pleine nuit, on ne lui réduit habituellement sa fracture que le lendemain, parce qu'il n'y a pas le personnel nécessaire. Il faut donc l'hospitaliser.

Mme Martine Billard. On ne va pas aux urgences que la nuit !

Mme Muguette Jacquaint. Vous n'avez qu'à supprimer la franchise d'un euro : ça laisserait plus de personnel disponible, monsieur Guillaume !

M. François Guillaume. Et même si la fracture était réduite la nuit même, le patient ne serait pas renvoyé chez lui avant, au moins, le lendemain matin.

Monsieur Le Guen, vous avez évoqué les problèmes de recouvrement. S'il est demandé à l'hôpital d'utiliser les systèmes de recouvrement habituels pour recueillir ce forfait, il est parfaitement clair que ce sera complètement ingérable. Il faut trouver un dispositif de recouvrement direct. C'est possible, mais ce n'est pas notre métier de le concevoir : il y a suffisamment de fonctionnaires pour y réfléchir !

Monsieur le secrétaire d'État, il faut résoudre ce problème des urgences. Je répète que la garde de nuit n'existe quasiment plus, sauf en milieu rural où quelques médecins, sur une aire géographique extrêmement large, sillonnent toute la nuit les routes des campagnes pour répondre aux appels. Généralement, en milieu rural, les appels sont plus raisonnables et plus fondés qu'en milieu urbain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Guillaume, vous avez parfaitement raison de décrire ainsi les difficultés des services d'urgence et de la permanence des soins, notamment à la campagne. Je vous remercie d'avoir présenté un autre point de vue que celui que nous avons entendu jusqu'à présent.

Néanmoins, la commission a repoussé l'amendement pour plusieurs raisons.

La première, c'est que nous ne pensons pas qu'une précision de ce type relève de la loi.

La seconde est la plus importante : le montant de la franchise doit être fixé par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

M. Édouard Landrain. Absolument !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela responsabilisera pleinement l'UNCAM, ainsi que les partenaires sociaux gestionnaires de l'assurance maladie, auxquels nous voulons redonner le pouvoir qu'ils n'auraient jamais dû perdre.

Enfin, il est vrai que pour certaines catégories de patients, une contribution de 3 euros pourrait représenter un obstacle à l'accès aux soins, surtout s'ils sont répétitifs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La question que vous soulevez, monsieur Guillaume, est beaucoup plus large que celle de la participation forfaitaire. Nous sommes aujourd'hui confrontés à un véritable problème que l'on peut résumer d'un mot : l'engorgement des services d'urgence. Votre amendement apporte-t-il une solution ? Je n'en suis pas persuadé.

Je pense que la véritable réponse, c'est la permanence des soins. Comment faire pour éviter qu'en milieu rural comme en milieu urbain, les gens aient le réflexe de se rendre aux urgences, même quand leur état ne le justifie pas. Il faut donc aborder le problème en amont des urgences, avec la permanence des soins, mais aussi en aval, pour éviter que les patients n'y reviennent quand ce n'est pas nécessaire.

Un projet de convention est en cours de discussion, mais tous les partenaires n'ont pas encore indiqué quelle était leur position. Cette convention a vocation à être nationale, mais il faut aussi savoir faire du « sur mesure ». La question de la permanence des soins ne se pose pas de la même façon dans un milieu très urbanisé et en milieu rural. J'ai été l'élu d'une circonscription qui est pour moitié urbaine et pour moitié rurale : les dimensions, les problèmes ne sont pas tout à fait identiques.

Aujourd'hui, les urgences ne sont pas gratuites. Il faut qu'on le sache. Elles relèvent du statut d'une consultation externe. Il faut donc payer le ticket modérateur. Et nous avons indiqué que dans notre esprit, pour les urgences qui ne sont pas suivies d'une hospitalisation, cette participation forfaitaire sera appliquée.

Je vous remercie, monsieur Guillaume, d'avoir posé le problème. Notre réponse ne se résumera pas à la seule explication que vient de vous donner le Gouvernement par mon intermédiaire. Devant l'augmentation croissante du recours aux urgences, nous avons besoin d'appréhender le problème dans sa globalité. Et je pense que la permanence des soins est une réponse plus appropriée.

Je vous demanderai donc, monsieur Guillaume, de bien vouloir retirer cet amendement, parce que je ne voudrais pas que le Gouvernement soit obligé de lui donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. J'ai le sentiment d'avoir été entendu à la fois par le rapporteur et par le secrétaire d'État. Mon amendement visait à poser le problème. Je pense, étant donné ce qui a été dit, qu'il en sera tenu compte et que ce problème sera résolu. C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 2872 à 2883 et 7567.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir les amendements nos 2872 à 2883.

Mme Muguette Jacquaint. Ces amendements sont défendus.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7567.

Mme Martine Billard. L'article 11 du projet de loi propose de compléter l'article L. 322-2 par un II dont la première phrase est la suivante : « L'assuré acquitte une participation forfaitaire pour chaque acte ou pour chaque consultation pris en charge par l'assurance maladie et réalisé par un médecin, en ville ou dans un établissement de santé, à l'exclusion des actes ou consultations réalisés au cours d'une hospitalisation ».

Les mots « pour chaque acte ou pour chaque consultation » sont moins anodins qu'ils n'en ont l'air. Je propose de supprimer « pour chaque acte ». A défaut, lorsqu'un acte sera pratiqué au cours d'une consultation, le patient devra payer deux fois le fameux euro - du moins pour l'instant, en attendant de savoir à quel montant cette participation s'élèvera dans les années à venir.

Actuellement, si un acte est pratiqué lors d'une consultation, parfois la règle est très précise : quand un pansement est posé, par exemple, seul l'acte est payé. Mais dans les autres cas, plusieurs solutions sont possibles. On peut faire payer seulement l'acte ou seulement la consultation. On peut faire payer l'acte et une demi-consultation. On peut faire payer, à l'inverse, une consultation et la moitié d'un acte.

M. Philippe Vitel. Non, c'est interdit !

Mme Martine Billard. Ce n'est pas interdit dans tous les cas.

M. Philippe Vitel. Si !

Mme Martine Billard. Ce n'est pas ce que me disent les médecins généralistes de ville. Et dans certaines hypothèses les spécialistes sont dans la même situation.

Il y a des cas où il y a paiement de l'acte en fonction d'une codification et d'autres où il y a paiement de la consultation. Je demande donc des éclaircissements, parce que le texte que propose le Gouvernement pourrait aboutir à ce que, dans certains cas, l'assuré paie deux fois un euro.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Pour ses membres, il est clair que lorsqu'un acte est pratiqué au cours d'une consultation, une seule contribution, et non pas deux, doit être demandée à l'assuré.

Cela dit, il arrive que les patients viennent uniquement pour un acte médical. Prenons l'exemple de la surveillance de polypes de vessie. Le patient revient tous les six mois, tous les ans ou tous les deux ans pour subir une cystoscopie. Dans ces cas-là, le médecin ne reçoit pas le paiement d'une consultation, mais seulement d'un acte. Et je pense que, dans le même état d'esprit de responsabilisation, ces actes isolés devraient faire l'objet d'une contribution.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable à l'amendement. Et je confirme ce que vient de dire le rapporteur : c'est bien un euro, et non pas deux, qui sera demandé à l'assuré.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Madame Billard, quand, à l'occasion d'une consultation, vous effectuez un acte coté en K ou en KC, vous n'avez pas le droit de percevoir le paiement de la consultation. Vous ne pouvez percevoir que le paiement de l'acte.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je pose néanmoins une question à M. le secrétaire d'État et à M. Vitel. J'ai exercé dans une clinique où il y avait un service de consultation. Il arrivait que le médecin consultant envoie ensuite le patient à l'étage au-dessus, dans un autre service, pour pratiquer un acte dont la consultation avait montré la nécessité. Le patient devait donc payer la consultation au premier médecin et l'acte à son confrère.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'était une pratique condamnable !

M. Gérard Bapt. Il subissait la double peine sous le même joug, et c'est lui qui serait condamnable ? Il faut que cela figure au Journal officiel : M. le rapporteur vient de dire que le patient est condamnable pour être allé en consultation et avoir eu besoin d'un acte dans la foulée !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Non ! C'est vous qui étiez condamnable, monsieur Bapt !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2872 à 2883 et 7567.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2884 à 2895.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour les soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Cette franchise d'un euro nous occupe déjà depuis un bon moment, mais on a bien compris l'importance de l'article 11.

Dès la promulgation de la loi, les patients devront acquitter une participation forfaitaire fixée à un euro pour chaque acte médical réalisé en cabinet ou en établissement de santé, hors hospitalisation. Ils seront donc moins remboursés. Une exception sera faite, a dit M. le secrétaire d'État, pour les mineurs, les femmes enceintes et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle.

Mais il faut bien voir que les complémentaires seront exonérées de cette franchise dont le montant sera ensuite fixé par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Les complémentaires santé, mutuelles, instituts de prévoyance ou assurances décidant de la prendre en charge dans leur contrat perdront leurs avantages fiscaux et sociaux.

En cas d'hospitalisation, les malades devront payer un forfait journalier plus élevé. Il passera de 13 euros à 14 euros en 2005, puis à 15 euros en 2006 et à 16 euros en 2007.

Vous me direz qu'au chapitre de la lutte contre les gaspillages, les abus et les fraudes, plusieurs mesures ont été prévues.

Lorsqu'ils achètent des médicaments, les assurés devraient se voir systématiquement proposer les génériques. Je n'ai rien contre les génériques.

Lorsqu'ils consultent dans un hôpital public ou dans une clinique privée, ils devront prouver que leur identité correspond bien à celle figurant sur la carte Vitale qu'ils présentent.

En cas d'abus avéré sur les arrêts maladie, les assurés et les médecins seront sanctionnés. Les patients pourront être contraints à restituer les indemnités journalières qui leur seraient indûment versées.

Dans le courant de l'année 2005, comme le prévoit l'article 4, les patients seront invités à choisir un médecin traitant - généraliste, pédiatre, ophtalmologue ou gynécologue en règle générale. Si, hormis ces spécialités, ils consultent un spécialiste sans passer par le médecin traitant, ils pourront être moins remboursés, et ce sur la base d'une consultation plus chère, le spécialiste étant alors autorisé à pratiquer des dépassements d'honoraires dans une limite fixée conventionnellement.

Cette double peine est déjà inacceptable. Mais s'y ajoutera la participation d'un euro applicable à chaque consultation. On voit bien là que c'est l'assuré social qui va devoir apporter les nouvelles recettes ou réaliser les économies qu'espère le Gouvernement, puisque l'on parle de 5 milliards de recettes nouvelles et de 10 milliards d'économies.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2884 à 2895.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. Gérard Bapt. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Je suppose, monsieur Bapt, qu'il se fonde sur l'article 58, alinéa 1 ?

M. Gérard Bapt. Oui, monsieur le président, il concerne directement l'organisation des débats. Ceux-ci portent sur l'assurance maladie, ce qui touche à la santé publique, laquelle fait également l'objet d'un débat au Sénat. Et de temps en temps, des dépêches AFP tombent. La dernière en date comporte un extrait de l'ouvrage intitulé Les dirigeants face au changement, publié aux éditions du Huitième Jour, ouvrage dans lequel M. Patrick Le Lay, PDG de TF1, interrogé parmi d'autres patrons, livre sa conception de la télévision.

M. le président. Cela n'a rien à voir avec notre débat.

M. Gérard Bapt. Si, monsieur le président, vous allez voir. S'il livre sa conception de la télévision, a priori, on pourrait penser, en effet, que cela n'a rien à voir avec notre débat, encore que nous ayons parlé tout à l'heure du problème de la publicité télévisée en faveur de produits alimentaires néfastes pour la santé. Mais, pour définir le métier de TF1, M. Le Lay n'a rien trouvé de mieux que ceci : « Le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola à vendre son produit. Soyons réalistes, le métier de TF1, c'est par exemple qu'un message publicitaire soit perçu. Et pour cela, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. »

Monsieur le président, dans un débat qui concerne l'assurance maladie, on ne peut qu'être effondré. Cette dépêche est tombée à dix-sept heures sept. C'est un jour historique ! La démonstration est faite que les industries alimentaires ne consacrent pas en vain 1,5 milliard d'euros à la publicité télévisée. On sait maintenant quelle est leur tactique : on en est presque à l'image subliminale pour encourager les enfants à boire du Coca-Cola, dont on sait qu'il conduira les deux tiers d'entre eux, ceux qui sont en surpoids, à souffrir dans quinze ou vingt ans de diabète, d'hypertension ou de problèmes cardiovasculaires.

Aujourd'hui, il paraît que nous voulons responsabiliser les patients et les assurés dans le cadre d'une politique de santé publique. Et voilà la façon dont le patron d'une grande chaîne de télévision, certes privée, traite la santé publique ! Monsieur le président, cela valait bien un rappel au règlement.

M. le président. Je ne fais aucun commentaire. D'abord parce que ce n'est pas ma mission, et ensuite parce que cela n'entre pas tout à fait dans le champ de l'article 58, alinéa 1, de notre règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande, moi aussi, la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Pour parler des salaisons ou du Coca ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il est également fondé sur l'article 58, alinéa 1, monsieur le président, et je vais essayer, pour le démontrer, d'utiliser ce que j'ai comme espace de « cerveau disponible ». (Sourires.)

M. Le Lay dit tout haut ce que nous savons tous. Sa formule est un peu forte, évidemment, mais nul n'ignore de quoi il retourne. Il fait le métier qu'il fait, et de manière tout à fait publique.

M. le président. Bon...

M. Jean-Marie Le Guen. Ce qui est caché, par contre, c'est le fait que les ministres ne font pas leur travail ! C'est une chose que des télévisions, privées ou publiques d'ailleurs, puisque les chaînes publiques, dans leurs programmes pour les enfants, font exactement pareil que TF1...

M. le président. Pourrions-nous revenir à l'article 11, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, nous sommes en plein dans le débat...

M. le président. Je ne le pense pas.

M. Jean-Marie Le Guen. ...car, en ce moment même, à l'heure où je parle, le ministre de la santé est en train, au Sénat, d'abandonner toute réglementation sur la publicité télévisuelle en direction des enfants, laquelle n'est pourtant pas sans lien avec le développement de l'obésité. C'est dire que mon intervention entre totalement dans le cadre de ce débat, lequel exigerait d'ailleurs que le ministre de la santé soit au banc du gouvernement pour nous exposer ses projets en matière de santé publique...du moins s'il n'a pas renoncé à toute ambition, ce qui semble être le cas avec l'amendement ridicule qu'il est en train de faire adopter par le Sénat !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2896 à 2907.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Ces amendements tendent à supprimer, dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 11, les mots « en ville ou ».

Depuis un an, votre politique a mené la sécurité sociale à une double impasse : l'impasse des recettes, avec l'augmentation du chômage, et celle de la baisse de l'activité économique, qui représente autant de financement en moins pour la sécurité sociale. À la fin de 2001, les comptes de la sécurité sociale étaient équilibrés, voire légèrement excédentaires.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

Mme Janine Jambu. Aujourd'hui, l'échec de votre politique économique, notamment en matière d'emploi, aboutit à un déficit qui ne cesse de se creuser. Depuis votre arrivée au pouvoir, non seulement vous avez laissé filer ce déficit mais, comme l'ont confirmé des notes officielles, le projet qui nous est soumis cet été ne réglera rien. De surcroît, vos propositions pour combler le déficit sont marquées du sceau de l'injustice et de l'incohérence. Par l'institution d'une franchise d'un euro sur les consultations, non seulement vous pénalisez les personnes pour lesquelles cette contribution sera dissuasive, mais vous mettez en place un nouveau système dont chacun sait qu'à l'instar du forfait hospitalier, il servira de variable d'ajustement pour combler les futurs déficits. Même de façon minime, il y participera.

Monsieur le secrétaire d'État, si vous n'avez pas convaincu les Français, nous sommes sûrs, en revanche, que vous l'avez été par le MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, s'il ne relève pas le défi de la modernisation de notre système de protection sociale, ce projet répond aux exigences de l'organisation patronale. Ainsi, votre réforme frappera de plein fouet les plus modestes, en particulier avec cette contribution forfaitaire car, si vous ne le savez pas, je vous le dis : un euro, pour certaines personnes, c'est trop !

Pour ces raisons, nous proposons d'exonérer de la franchise les actes ou les consultations en ville.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2896 à 2907.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2908 à 2919.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. M. le secrétaire d'État s'est déclaré défavorable aux amendements que vient de défendre ma collègue Janine Jambu, qui tendaient à prouver l'injustice sociale de cette contribution d'un euro par acte médical. J'ai cru voir des sourires lorsqu'elle s'est exprimée. Pourtant, Mme Guigou s'est prononcée dans le mêmes sens, et je suis moi-même l'élue d'une circonscription où près de 60 % de la population ne paie pas l'impôt sur le revenu et où la moyenne des ressources oscille entre 1 200 et 1 300 euros. C'est dire, monsieur le secrétaire d'État, que oui : un euro pour ces familles, c'est parfois encore trop, surtout quand elles ont besoin de consulter régulièrement. Mais, puisque vous avez refusé d'exonérer les actes ou consultations en ville, acceptez au moins de supprimer la participation forfaitaire sur les actes ou consultations en établissement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2908 à 2919.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8219 de M. Bur.

M. Philippe Vitel. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission l'a accepté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8219.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Sur les quinze amendements identiques nos 7084 à 7098, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public...

M. Édouard Landrain. Les socialistes ont disparu !

M. Philippe Vitel. Il n'y en a plus un seul en séance !

M. le président. Ces amendements ne sont pas donc défendus.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1024 à 1035.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Ces amendements visent à exclure les actes ou les consultations de la franchise d'un euro lorsqu'ils ont été réalisés en centre de santé.

Dans le paysage sanitaire, les centres de santé sont des plateaux techniques garantissant l'accès de tous aux soins. J'ai souvent eu l'occasion d'intervenir pour les défendre. Le centre de santé est un service public qu'il convient de préserver. Il s'appuie sur des principes universalistes et solidaires. Il met en place des coopérations là où d'autres prônent la concurrence : le travail d'équipe est le fondement professionnel de son activité. Il met de la distance entre la maladie et l'argent : il favorise l'accès aux soins de tous les patients par la pratique du tiers payant. Il s'appuie sur les sciences et les techniques, dont il souhaite faire bénéficier tout le monde. C'est un outil de proximité. Ce peut être un instrument de démocratie sanitaire si les personnes concernées s'y investissent. Chacun peut y intervenir parce que ses gestionnaires représentent directement les usagers. De ce point de vue, il est en avance sur toutes les autres structures de soins. Il recherche efficacité et efficience : efficacité sanitaire et sociale, mais aussi efficience économique dans une recherche, maintenant largement partagée, d'optimisation des moyens mis à sa disposition. Il aide à la réduction des inégalités sociales en matière de santé. Il participe bien souvent à la promotion de la santé, au-delà du curatif, par la mise en œuvre d'actions de prévention et d'éducation pour la santé. Celui de ma ville s'emploie à prévenir l'alcoolisme, les MST et les caries dentaires. Le centre de santé mobilise le travail de toute une équipe dans le domaine de la prévention et de l'éducation pour la santé. À ce titre il est un véritable instrument de santé publique. Appliquer la franchise d'un euro serait nuire à l'efficience de ces structures et, surtout, contrevenir à l'esprit qui guide leur action.

J'ai souvent entendu dire qu'il faudrait créer des maisons de santé de proximité, des hôpitaux de proximité. Les centres de santé ont cette expérience, en plus de leur rôle essentiel en matière de prévention.

L'adoption de ces amendements permettrait d'exonérer de la franchise d'un euro les actes ou consultations réalisés dans de tels centres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

Mme Muguette Jacquaint. C'est bien dommage !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le groupe communiste, par la voix de M. Paul, a demandé, voici quelques jours, que l'on applique le système du médecin traitant aussi bien dans le cadre libéral que dans les centres de santé. Pourquoi faire maintenant une différence ? Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. À la différence de M. le secrétaire d'État, nous désirons tous, comme M. Paul, favoriser l'accès des plus défavorisés aux soins. Dans son intervention, M. Paul expliquait que le médecin traitant et les centres de santé jouaient ce rôle. Nos collègues communistes demandent la suppression de cet euro, barrière supplémentaire dont j'ai démontré tout à l'heure le coût qu'elle pouvait représenter pour les Français les plus modestes.

En outre, plus vous appliquerez à la médecine de ville une politique socialement dure, plus vous aggraverez, c'est évident, les difficultés d'organisation des urgences. Prétendre faire prévaloir l'ordre comptable aux urgences apparaîtra comme un mythe : les médecins refuseront d'y travailler de nuit dans des conditions éprouvantes et n'accepteront pas d'appliquer votre politique mesquine. L'ordre que vous voulez instaurer ne pourra donc pas régner ! Ce lieu à la fois grandiose et terrible que vous allez créer deviendra dans nos grandes métropoles la seule bouée de sauvetage de gens, parfois désorientés, qui y afflueront pour des raisons qui ne seront pas toujours d'ordre médical. L'hôpital sera ainsi réduit à revenir à sa mission sociale, historiquement première, au lieu de se voir confier une mission d'excellence. Vous pourrez rédiger tous les règlements que vous voudrez, l'hôpital devra faire face à l'afflux des populations les plus défavorisées, celles qui auront par ailleurs le moins accès aux soins.

De même - c'était l'objet de la série d'amendements précédente, qui n'a pas été défendue -, plus vous compliquerez l'accès aux soins psychiatriques de première intention, notamment avec le forfait d'un euro, plus les urgences générales récupéreront de patients. Vous êtes nombreux ici à connaître les urgences et à savoir comment elles ont évolué, singulièrement depuis dix ans, pour s'orienter de plus en plus vers le social. Vous devriez donc avoir conscience que vous ne parviendrez pas à imposer cette politique.

Si vous persévérez à vouloir durcir l'accès à la médecine de ville, reconsidérez au moins votre approche de l'urgence sociale - avec les centres de santé -, de l'urgence hospitalière et de l'urgence psychiatrique, car ces lieux doivent être les havres de paix du secteur sanitaire et social, des « asiles », au sens premier du terme. Sinon, vous ne ferez qu'organiser la désorganisation et le désordre.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1024 à 1035.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8463 du Gouvernement.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il a semblé important au Gouvernement d'opérer cette clarification. En effet, un biologiste sur cinq est médecin, et la rédaction actuelle du texte incluait ses actes dans le champ de la contribution forfaitaire, tandis que ceux des autres biologistes en étaient exclus. Par notre amendement, nous proposons de supprimer cette dichotomie en faisant mention des actes de biologie dans leur ensemble.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable, dans la mesure où il homogénéise la situation des biologistes.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je comprends que M. le secrétaire d'État n'ait pas osé lire l'exposé des motifs de l'amendement qui nous a été distribué. En effet, une tout autre explication y est donnée pour justifier l'ajout des actes de biologie médicale : « La croissance des dépenses d'analyses de biologie est aujourd'hui préoccupante. Les prescriptions de biologie sont souvent quantitativement importantes alors même qu'elles n'apparaissent pas toutes complètement justifiées sur le plan médical. Aussi le Gouvernement propose-t-il de faire porter la contribution également sur les actes de biologie médicale. »

Le Gouvernement nous explique donc que certains actes de biologie ne paraissent pas complètement justifiés sur le plan médical. Dont acte. Mais que propose-t-il ? Que le patient trinque ! Sauf que le patient n'y est pour rien ! Si des actes de biologie médicale lui sont prescrits abusivement, ce n'est pas à lui d'en payer les conséquences.

M. Gérard Bapt. Cet amendement est incroyable !

Mme Martine Billard. Une fois de plus - vous aurez beau dire le contraire, c'est ce que vous faites depuis le début de la discussion -, vous identifiez une dérive sur quelques actes médicaux, puis vous mettez tous les professionnels dans le même panier et vous en faites subir les conséquences aux assurés. C'est ubuesque ! Si des actes sont prescrits abusivement, c'est au responsable de subir les sanctions, pas à l'assuré social ni au malade !

De plus, lorsque je vous entends dire que vous êtes dans une logique de clarification, je crains ce qui se passera au Sénat. Si, tout d'un coup, vous avez de nouvelles illuminations et vous vous rendez compte que d'autres catégories ont été oubliées, on assistera à une multiplication des petits euros - un peu comme la multiplication des pains ! Encore heureux, finalement, qu'il n'y ait qu'une lecture !

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement peut-il préciser ce qu'il entend par « acte de biologie » ? Est-ce chaque examen de biologie ou chaque ordonnance de biologie ? La différence est substantielle : ou bien le montant total de la contribution forfaitaire sera multiplié par cinq ou six ; ou bien, par un effet pervers, les ordonnances s'allongeront, et là, bonjour la chasse à l'euro ! Telle est l'alternative sympathique à laquelle vous êtes confrontés.

Le secrétaire d'État a pudiquement caché l'exposé des motifs derrière le souci anecdotique de respecter l'équité entre les 20 % de biologistes qui sont aussi médecins et les autres. Mais il a évidemment étendu le handicap à toute la profession ; il aurait été préférable que la pièce tombe sur l'autre face, c'est-à-dire que toutes les visites chez un biologiste soient exonérées de forfait.

Cette mesure modifie la nature du projet car elle est contraire aux déclarations préalables du ministre de la santé. Ce n'est pas un élément nouveau qui jaillit de la discussion mais un revirement de la position gouvernementale. De tels revirements, au moins, ne risquent pas de tomber sous le coup de l'article 40 puisqu'ils permettent de capter des recettes supplémentaires : grâce au Gouvernement, le petit cochon se remplit. (Sourires.) De revirement en revirement, d'incohérence en incohérence, la situation s'aggrave dangereusement. L'exposé des motifs démontre, je le maintiens, que l'on passe vraiment de la maîtrise médicalisée à la liquidation et à la maîtrise comptable pure et simple ; le changement de paradigme est manifeste.

Pour donner le temps au Gouvernement de préparer ses réponses et de bien réfléchir aux conséquences de ses décisions, mais aussi parce qu'il convient de prendre acte de ce revirement substantiel, nous demandons une suspension de séance d'un quart d'heure, monsieur le président.

Mme Janine Jambu. Très bien !

Mme Muguette Jacquaint. Le groupe communiste s'associe à la demande de M. Le Guen !

M. le président. En fonction des précisions qu'apportera M. le secrétaire d'État, peut-être, monsieur Le Guen, pourrez-vous reconsidérer votre demande.

Mme Janine Jambu et Mme Chantal Robin-Rodrigo. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Certainement pas !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je pensais avoir bien expliqué la position du Gouvernement. L'évolution des dépenses de biologie à laquelle on assiste actuellement est, me semble-t-il, assez symptomatique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Non !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Écoutez, les dépenses progressent environ de 10 % par an, et je tiens à souligner que la CNAM, en 2003, a consacré à la biologie l'un de ses six plans nationaux de contrôle.

M. Gérard Bapt. La CNAM recommande-t-elle d'instaurer le forfait d'un euro ?

M. Jean-Marie Le Guen. Avec le B flottant, vous pouvez faire ce que vous voulez !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. M. Évin, au début des années quatre-vingt-dix, a effectivement pris des initiatives dans le domaine de la biologie. Ainsi, la préoccupation actuelle de la CNAM était déjà celle du gouvernement de l'époque.

M. Jean-Marie Le Guen. Évidemment ! Nous n'avons pas attendu le gouvernement actuel !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Mais nous sommes manifestement confrontés à une évolution et la seule question qui compte est celle-ci : la participation forfaitaire d'un euro dont nous parlons depuis un peu plus d'une heure est-elle de nature à modifier les comportements ? Nous le pensons, madame Billard. Pas vous, et c'est normal car, plus généralement, vous ne croyez pas à la responsabilisation et à l'évolution des comportements.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il s'agit de prescriptions des médecins !

Mme Martine Billard. Et ce sont les patients qui paient !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. J'ai aussi expliqué à l'instant, monsieur Le Guen, que le cas des biologistes est particulier car ils peuvent compléter les prescriptions. Voilà pourquoi cette clarification s'impose.

L'amendement n° 8464, qui viendra en discussion ultérieurement, précise clairement les intentions du Gouvernement en matière de plafonnement, un décret devant compléter le dispositif. Lorsque nous examinerons cet amendement, nous expliquerons ce que nous entendons par acte ou consultation, étant entendu que c'est bien le régime commun qui a vocation à s'appliquer.

M. le président. Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes, après quoi je donnerai la parole à M. Bapt.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons procéder au vote sur l'amendement n° 8463 du Gouvernement.

M. Gérard Bapt. Vous deviez auparavant me donner la parole, monsieur le président.

M. le président. Vous l'avez, monsieur Bapt. Comme dirait M. Gremetz, un engagement est un engagement !

M. Gérard Bapt. En bon petit soldat, confiant dans le président de séance, j'étais là au garde à vous à attendre que vous m'autorisiez à intervenir...

M. Philippe Vitel. Repos ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Monsieur le secrétaire d'État, il faut écouter l'opposition et lui répondre, parfois même positivement, et pas seulement dans les couloirs !

Vous avez présenté cette extension du forfait à la biologie comme un instrument de régulation destiné à répondre à une augmentation très importante, de l'ordre de 10 %, des dépenses d'assurance maladie liées aux examens de laboratoire. En instaurant cet euro non remboursé sur tout acte de biologie médicale, vous responsabiliserez, dites-vous, les acteurs de santé et contribuerez donc à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

En dépit de notre expérience, nous serions tentés de vous croire de bonne foi, si nous ne savions que, le 14 juin, la CNAM a signé avec le syndicat des biologistes un avenant supprimant le dispositif de régulation économique instauré en 1991, alors que Claude Évin était ministre de la santé, avec la lettre B flottante. M. Douste-Blazy, rencontrant le syndicat des biologistes, leur a affirmé qu'il agréerait cet avenant. Il va donc approuver la suppression d'un dispositif qui pouvait permettre de faire face à l'envolée des dépenses que vous dénonciez.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne dénonçais pas, je constatais !

M. Gérard Bapt. Or, à l'instant, vous déclariez qu'il fallait mettre de la régulation et de la responsabilisation dans les pratiques. C'est totalement contradictoire ! Si on voulait vraiment agir contre l'envolée des dépenses de biologie, au lieu de le supprimer, il fallait mettre en jeu le mécanisme de régulation existant.

Quand nous disons qu'il est bien dommage que le ministre de la santé ne soit pas à son banc, nous avons raison, et ceci le prouve. Sans doute étiez-vous dans l'ignorance de cet accord du 14 juin, monsieur le secrétaire d'État. M. le ministre, lui, ne pouvait l'ignorer. Or il est, je le répète, en complète contradiction avec l'amendement que vous voulez nous faire voter.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il n'y a là aucune contradiction, monsieur Bapt : les deux démarches sont complémentaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8463.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les explications de Gérard Bapt étaient très précises.

Quant à vous, monsieur le secrétaire d'État, vous avez raison, votre disposition est bien complémentaire : moins de régulation et plus de chiffre d'affaires pour les professionnels de santé ; moins de remboursement de l'assurance maladie pour les assurés ! Au moment même où la CNAM, sous l'autorité du ministère, abandonne la seule maîtrise économique efficace, c'est-à-dire la lettre B flottante - résultant d'un accord historique qui d'ailleurs, n'a pas toujours été défavorable à la profession - on systématise l'application de l'euro non remboursé, autrement dit, on fait payer l'assuré !

Voilà qui démontre encore ce que nous répétons depuis le début du débat : vous ne faites qu'abandonner la maîtrise des dépenses de santé en faisant payer l'assuré plus cher.

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2920 à 2931.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je défendrai brièvement mon amendement. Mais auparavant, et après M. Le Guen, je veux insister sur le fait que c'est toujours l'assuré que l'on met à contribution.

Je pensais tout de même que vous feriez une exception pour les centres de santé. En effet, nous avons montré que l'euro que vous allez exiger à chaque acte médical constituera un supplément de dépenses que certains malades auront du mal à assumer, d'autant qu'ils en supportent beaucoup d'autres. Or les centres de santé accueillent des familles très modestes. Et M. Le Guen a raison : si, dans ces structures, nous continuons à faire payer toujours plus, où ces personnes iront-elles ? À l'évidence, dans les services d'urgence, dont on sait pourtant combien ils sont débordés et manquent de personnel. M. Guillaume nous rapportait qu'une personne se présentant avec une jambe cassée aux urgences pouvait parfois attendre toute la nuit avant d'être soignée. Et ce n'est pas que la nuit qu'on va aux urgences ! Toujours est-il que de tels délais montrent bien que les services d'urgence sont encombrés par des gens qui ne trouvent pas un médecin de ville ou qui n'ont pas la chance d'avoir une structure de proximité comme les centres de santé.

Si je reviens à cette question, c'est que je pense que faire payer un euro va aggraver les inégalités sociales,...

M. Philippe Vitel. Quatre cigarettes !

Mme Muguette Jacquaint. ...même si vous ne voulez pas le reconnaître, sans remédier pour autant au déficit de la sécurité sociale. Sinon, cela se saurait !

Tous nos amendements à l'article 11 ont pour objet de rappeler que cette mesure va encore aggraver l'injustice dont sont déjà victimes certains de nos compatriotes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Rejet également.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2920 à 2931.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 18 et nos 2932 à 2943.

L'amendement n° 18 de M. Estrosi n'est pas défendu.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir les amendements nos 2932 à 2943.

Mme Muguette Jacquaint. Je les ai déjà largement défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements qui tendent à supprimer la référence à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. C'est à l'UNCAM de définir cette participation forfaitaire pour redonner tout son sens au partenariat social et à la gestion paritaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est sans doute par inadvertance que nous n'avons pas déposé un amendement du même type, car ceux présentés par nos collègues communistes et par un membre distingué du groupe UMP posent un problème politique qui mérite d'être observé : l'État refuserait-il d'assumer ses responsabilités ?

Comme l'a dit le rapporteur, c'est aux partenaires sociaux de le faire, au nom de la démocratie sociale. Mais peut-on parler de partenaires sociaux s'agissant de l'UNCAM ? L'UNCAM sera dirigée par le « proconsul » que vous aurez nommé. Et le conseil d'orientation comptera quelques représentants du mouvement social, qui n'auront aucun pouvoir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous êtes décidément hostile au paritarisme !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous créez un organisme croupion doté d'encore moins de pouvoirs que le Conseil économique et social. Vous dépréciez tant l'idée même du paritarisme que plus personne n'y croit et que tout le monde attend la nomination du proconsul. Car c'est bien lui qui va décider et, si tel n'était pas le cas, le MEDEF disposera de cette fameuse minorité de blocage à laquelle il tient tant. Donc, la messe est dite pour ce qui concerne l'UNCAM. Nous y reviendrons dans les jours ou les semaines qui viennent, mais l'affaire est réglée.

Le directeur de l'UNCAM agira sous la contrainte politique du ministre qui l'aura nommé, et sous celle de la future loi organique visant à modifier le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont on nous cache tout. Le ministre a néanmoins consenti à nous dire que, dorénavant, les déficits du budget social seront imputables d'une année sur l'autre, ce qui aboutira à une maîtrise comptable de l'assurance maladie. Le directeur de l'UNCAM sera donc obligé de procéder, d'une part, à des déremboursements et, de l'autre, à l'augmentation de la franchise d'un euro. La boucle est bouclée, et le fameux euro sera la variable d'ajustement qu'emploiera le proconsul pour trouver des ressources et présenter des budgets en équilibre, mission qu'il aura reçue de la loi organique que vous entendez faire voter l'hiver prochain.

Cela étant, le message que nous envoie un député UMP de poids et de talent, et que l'on dit proche du ministre de l'économie et des finances, n'est pas anodin. Il laisse à penser que certains membres de la majorité auraient un sentiment différent s'agissant de la responsabilité de l'État et, plus généralement, de la responsabilité politique. En ce domaine, il y a ceux qui assument leurs responsabilités politiques, fussent-elles désagréables, et ceux qui truquent le spectacle avec des écrans de fumée pour les faire assumer par d'autres,...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Serait-ce votre autoportrait ?

M. Jean-Marie Le Guen. ...en l'occurrence le proconsul.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2932 à 2943.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 7628 de M. Préel n'est pas défendu.

Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 7890 à 7904.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Le Parlement est tout simplement expulsé de la réforme que nous présente le Gouvernement, puisque la commission des comptes de la sécurité sociale, où siègent aujourd'hui des parlementaires, va disparaître au profit d'instances composées de personnalités nommées. Nous sommes donc très attachés à ce qu'un organisme issu de nos commissions des affaires sociales et des finances assure le suivi et le contrôle permanents du budget social, lequel, pour l'assurance maladie, atteint désormais 127 milliards d'euros.

Voilà pourquoi nous estimons qu'il incombe au Parlement, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de fixer le niveau de la franchise, afin d'éviter que l'on ne pénalise les assurés sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

Il s'agit du partage entre l'article 34 et l'article 37 de la Constitution. Si le législateur a pour vocation de déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale, ce n'est pas à lui, en revanche, de fixer les montants de la participation qui reste à la charge de l'assuré.

Par ailleurs, monsieur Le Guen, nous sommes en désaccord sur la place et le rôle des partenaires sociaux. Vous avez une piètre image du paritarisme rénové auquel, pour notre part, nous croyons. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Avec Philippe Douste-Blazy, nous avons consacré plus de 120 heures à une concertation fructueuse avec les partenaires sociaux, qui a permis de réaliser certaines avancées. Aujourd'hui est venu le temps du débat parlementaire, mais nous continuons à jouer la carte du dialogue social et de la concertation.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Enfin, la concertation se poursuivra à la rentrée avec ce que j'appelle le « service après vote ». C'est dans ce cadre que les partenaires sociaux prendront leurs responsabilités, même si, je le rappelle, la franchise d'un euro a vocation à rester fixée à un euro.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Édouard Landrain. L'eurosceptique ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous chérissez tant les partenaires sociaux, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous leur retirez toutes les responsabilités qu'ils assument au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Jusqu'à présent, c'était lui qui votait le budget sans que le directeur général lui tienne la main. Et c'était son président qui négociait avec les professionnels de santé. Aujourd'hui, vous lui demandez de rester chez lui ! Il est clair que vous souhaitez qu'il n'accomplisse plus ces deux actes fondamentaux.

Votre position, largement partagée dans les rangs de la majorité, peut du reste intéresser aussi certains collègues de l'opposition. Car nombreux sont ceux, dans notre pays, qui pensent que cette reprise en main par l'État était nécessaire au regard de la situation de l'assurance maladie, mais aussi des exigences posées par le MEDEF pour revenir dans l'UNCAM...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pourquoi était-il parti ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut être précis : pourquoi ou à quelle occasion ? À l'occasion de son désaccord sur les 35 heures. Quant au pourquoi : parce qu'il estimait, comme l'ont montré les auditions de la mission conduite par le président Debré puis le rapport Dubernard, ne pas être compétent pour gérer les questions de santé et d'assurance maladie. Il est revenu quand on lui a donné la garantie que le conseil d'orientation ne gérerait plus rien, quand on lui a accordé les pleins pouvoirs en l'assurant que toutes les décisions seraient prises à une majorité qualifiée dont lui seul aurait la clé, et, quand, enfin, on lui a promis que la branche accidents du travail et maladies professionnelles serait mise en location-vente dans les prochains mois. Voilà pourquoi le MEDEF est revenu et pourquoi le conseil d'orientation n'a plus de sens.

En outre, vous ne pourrez pas tenir vos promesses sur l'euro qui restera un euro, puisque c'est l'UNCAM qui assumera la responsabilité de fixer le montant de la franchise.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je croyais que ce serait le proconsul ! Vous êtes en pleine contradiction !

M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout ! Vous nommerez le proconsul, vous lui refilerez la patate chaude et vous direz que vous n'y pouvez rien. Tel est le jeu de marionnettes auquel vous allez vous livrer ! En réalité, vous organisez une « passation d'irresponsabilité », car vous n'avez pas le courage d'assumer votre politique de réduction des droits des assurés. Vous fuyez vos responsabilités pour les confier au proconsul à qui vous repasserez le mistigri, puisqu'il aura été nommé pour cela.

Bref, vous avez affirmé tout au long de l'après-midi que la franchise d'un euro n'augmenterait pas pour avouer en début de soirée que vous ne pourrez rien faire.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je n'ai jamais dit cela !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été précédemment annoncé.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 7890 à 7904.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin  :

              Nombre de votants 48

              Nombre de suffrages exprimés 45

              Majorité absolue 23

        Pour l'adoption 4

        Contre 41

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 7817 de M. Brard.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Depuis le début de l'après-midi, nous démontrons à quel point la franchise d'un euro contribuera à aggraver les inégalités sociales, bien que vous affirmiez le contraire. Notre collègue Jean-Pierre Brard souhaite donc que chacun contribue équitablement au financement des actes médicaux. Le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance maladie étant fixé à 0,525 %, il propose que ce même taux soit appliqué pour la participation forfaitaire de l'assuré.

Cette proposition mérite d'être acceptée dès lors que le Gouvernement jure ses grands dieux qu'il ne veut pas aggraver les inégalités sociales.

M. le président. Peut-on considérer que vous avez également défendu l'amendement n° 7818, madame Jacquaint ?

Mme Muguette Jacquaint. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a considéré qu'il serait trop rigide de fixer le plafond dans la loi. Elle préfère le principe du plafonnement annuel et a accepté un amendement de M. Le Guen qui allait dans ce sens. Elle a donc repoussé cet amendement de M. Brard, de même que le suivant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 7817 et n° 7818. À l'argument de M. le rapporteur, j'ajouterai qu'ils ne vont pas dans le sens de la simplification : le premier porterait la participation à 10 centimes d'euros, et le second à 0,6 centime. J'ai par ailleurs déjà dit ce que j'en pensais sur le fond.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7817.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7818.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8248.

Est-il défendu ?

M. Philippe Vitel. Il l'est.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Sagesse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7737 rectifié de M. Jacques Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Un vrai breton, lui ! (Sourires.)

M. Philippe Vitel. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je sollicite le retrait de cet amendement au profit du suivant, présenté par le Gouvernement : il est plus pratique et précise mieux les enjeux du plafonnement.

M. Philippe Vitel. D'accord.

M. le président. L'amendement n° 7737 rectifié est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 8464 du Gouvernement.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, notamment en répondant à M. Préel, la contribution forfaitaire nous semble importante pour responsabiliser les assurés, mais en aucun cas elle ne doit constituer un frein à l'accès aux soins.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est dans cet esprit que nous proposons un plafonnement annuel de la contribution, pour un montant restant à déterminer. Cela fera l'objet d'une concertation, mais je puis d'ores et déjà vous indiquer - afin d'éclairer l'Assemblée, et en particulier M. Le Guen, qui réclame souvent de telles précisions - que le plafond devrait se situer à environ 50 euros, ...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est beaucoup !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...sachant que le nombre moyen de consultations est de huit par an.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. S'il est tellement supérieur à la moyenne, le plafond ne sert à rien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ce niveau, nous semble-t-il, permettra de tenir compte de la situation des Français souffrant de pathologies importantes ou chroniques.

Par ailleurs, il nous paraît important que les modalités de ce plafonnement soient fixées par décret. C'est pourquoi je remercie M. Vitel d'avoir retiré l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Elle n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis favorable, et je pense également qu'un décret est le meilleur moyen de fixer le plafond annuel de la contribution forfaitaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme l'a noté M. le ministre, j'aime savoir de quoi nous parlons, et puisque nous allons voter sur un amendement qui ne comprend aucune donnée chiffrée, je le remercie de la précision qu'il nous a apportée.

En revanche, nous ne savons pas qui sera exonéré de la participation forfaitaire. Les bénéficiaires de la CMU ? Les urgences ? Les patients souffrant d'une ALD ? Tous les cas de figure peuvent être pris en compte.

Quoi qu'il en soit, deux choses sont claires.

Premièrement, il est amusant de constater qu'après avoir fait le panégyrique de la négociation paritaire, le Gouvernement souhaite maintenant intervenir par décret. On retire ainsi aux partenaires sociaux une partie de la liberté qu'on leur avait précédemment octroyée. N'est-ce pas paradoxal ? Ou n'est-ce pas plutôt lumineux ? Quand il s'agit de limiter la participation forfaitaire, le Gouvernement s'empresse d'en endosser la responsabilité. Mais ce sont les partenaires sociaux qui devront assumer d'éventuelles augmentations. Ils apprécieront cette responsabilité à sens unique !

Deuxièmement, et pour en venir au fond, le montant de 50 euros proposé pour le plafonnement annuel est peut-être calculé d'après le nombre moyen de consultations, mais sûrement pas sur le nombre médian. Les Français qui consomment plus de huit consultations par an étant très peu nombreux, il s'agit d'une fausse limitation. Il est vrai que la contribution forfaitaire a vocation à augmenter...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un procès d'intention !

M. Jean-Marie Le Guen. Si on a confié aux partenaires sociaux le soin d'en fixer le montant, ce n'est sûrement pas pour qu'ils le réduisent !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Parce que vous croyez qu'ils l'augmenteront ? Les partenaires sociaux apprécieront !

M. Jean-Marie Le Guen. N'avez-vous pas refusé un amendement tendant à en plafonner le montant ? Nous sommes bien dans une situation où la majorité des Français seront concernés par cet euro flottant, qui viendra les frapper en dessous de la ligne de flottaison de leur porte-monnaie. (Sourires.)

M. Édouard Landrain. Touché ! Coulé !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. On peut en effet penser que la majorité de nos concitoyens n'atteindront jamais ce plafond. Mais j'ai déjà évoqué le cas des insuffisants rénaux chroniques : ils doivent subir plusieurs séances de dialyse par semaine. Et comme vous ne dites rien sur les éventuelles exonérations, je crains que les malades dans leur situation, c'est-à-dire les plus lourdement touchés, ne soient aussi ceux qui paient le plus. Dans cette perspective, nous serions loin de la règle : « À chacun selon ses besoins ». J'aimerais donc avoir quelques précisions sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Les séances de dialyse relèvent de l'hospitalisation de jour et sont donc clairement exclues du dispositif.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8464.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6 de M. Estrosi, faisant l'objet d'un sous-amendement n° 8447 de Mme Billard.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l'amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je me demandais justement si M. Estrosi pouvait avoir des amis susceptibles de défendre ses amendements...

M. Philippe Vitel. Certaines personnes ont servi notre pays et ont été blessées pour que les mots : « Liberté, égalité, fraternité » continuent à signifier quelque chose. En ce soixantième anniversaire de la Libération, il convient de rendre hommage aux anciens combattants et en particulier aux blessés de guerre titulaires de la carte d'invalidité. L'amendement les exonère de la contribution forfaitaire.

M. le président. La parole est à Mme Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 8447, que M. Vitel vient pratiquement de défendre.

Mme Martine Billard. Je ne ferai donc que compléter son argumentation.

Les personnes titulaires d'une carte d'invalidité ne sont pas nécessairement des invalides de guerre.

M. Philippe Vitel. Non, mais les invalides de guerre sont titulaires d'une carte !

Mme Martine Billard. L'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose : « L'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du présent code les prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension. » Ainsi, lors de la mise en place du forfait journalier, les personnes concernées par cet article en ont été exonérées. De la même manière, monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais savoir si les titulaires d'une carte d'invalidité, dont les victimes de guerre et les pensionnés militaires, bénéficieront d'une exonération du forfait d'un euro. Dans le cas contraire, on peut dire que vous responsabilisez largement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement de M. Estrosi . Elle n'a pas examiné le sous-amendement de Mme Billard mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.

Je comprends les motifs invoqués par M. Vitel, mais l'esprit du projet de loi est de responsabiliser les Français, tous les Français. Il n'a de sens que s'ils sentent que cet effort est partagé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable : la réponse la plus adaptée me paraît être le plafonnement de la contribution que nous venons d'adopter.

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà qui mériterait un scrutin public !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L'article de code cité par Mme Billard est l'expression d'une tradition qui bénéficie de longue date aux invalides de guerre. Ne pourrait-on sous-amender l'amendement n° 6 afin de restreindre la disposition en leur seule faveur ?

M. le président. Je suis saisi par le groupe socialiste de demandes de scrutin public sur le sous-amendement n° 8447 et l'amendement n° 6.

M. Jean-Marie Le Guen. Ainsi que sur le sous-amendement de M. Mariton, monsieur le président.

M. le président. J'en prends note.

Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela étant, s'il y a unanimité et que le Gouvernement accepte l'amendement sous-amendé par M. Mariton, ce ne sera pas la peine de procéder à des scrutins publics. On peut éviter de faire perdre du temps à l'Assemblée tout en faisant plaisir à nos collègues de la majorité !

M. le président. Vous êtes conciliant, monsieur Le Guen !

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je voudrais bien préciser les enjeux.

Nous avons clairement expliqué en commission spéciale et dans cet hémicycle que, dans un souci d'équité, nous souhaitions qu'un certain nombre de personnes, notamment les bénéficiaires de la CMU, les femmes enceintes et les enfants de moins de seize ans, soient exonérées de la contribution forfaitaire d'un euro. Si cet amendement est adopté, je ne vois pas pourquoi, pour des raisons juridiques et pour des raisons d'équité, sans même parler d'égalité, d'autres catégories ne réclameraient pas la même dispense.

J'en appelle à votre vigilance. Si nous souhaitons l'assiette la plus large possible pour responsabiliser les uns et les autres, il faut s'en tenir à la position initiale du Gouvernement. Je ne peux pas être suspecté d'antipathie envers le monde combattant dans la mesure où, dans des fonctions précédentes, j'ai eu à défendre à différentes reprises la situation et le budget des anciens combattants.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le sous-amendement que je propose tend à dispenser non pas tous les invalides, mais uniquement les invalides de guerre. C'est une catégorie qui n'est pas normalement en voie de multiplication, ce qui me paraît un aspect important. Car je suis totalement d'accord sur le fait que le dispositif doit s'appliquer largement, sans qu'on puisse invoquer un précédent pour multiplier demain les revendications.

Cela dit, dans la mesure où on exonère les bénéficiaires de la CMU, les femmes enceintes et les enfants de moins de seize ans, il ne paraît pas absurde, vu les dispositions particulières dont ils bénéficient depuis longtemps dans ce pays, d'exonérer aussi les invalides de guerre. Il ne s'agit pas, je le répète, d'une catégorie en expansion. Si l'on retenait toutes les personnes titulaires d'une carte d'invalidité, comme le propose l'amendement n° 6, il risquerait d'y avoir une fâcheuse multiplication des revendications, et la position du Gouvernement à cet égard était tout à fait justifiée. Mais si l'on exonère simplement les titulaires d'une carte d'invalide de guerre, je pense qu'on peut trouver un accord.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement de M. Mariton, auquel est attribué le numéro 8465 ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen. Le sous-amendement de M. Mariton ne fait-il pas tomber celui de Mme Billard ?

M. le président. Il est en effet redondant.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Compte tenu des procédures, j'ai été contrainte de déposer un sous-amendement à l'amendement de M. Estrosi parce que je ne pouvais pas déposer un amendement concernant directement les bénéficiaires de l'article L. 115 du code des pensions militaires. J'ai l'impression que M. Mariton et moi avons la même idée, mais il me semble qu'il y a un problème de rédaction.

M. le président. Je vous donne la parole, monsieur Guillaume. Je suspendrai ensuite la séance pour cinq minutes, à la demande de M. Mariton.

M. François Guillaume. Si j'ai bien compris, le sous-amendement de M. Mariton limite l'avantage aux invalides de guerre alors que celui de Mme Billard concerne les pensionnés et invalides de guerre. Ce n'est pas la même chose.

M. le président. Souhaitez-vous répondre, madame Billard ?

Mme Martine Billard. Selon le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'État doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre dudit code les prestations concernant exclusivement les accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui ouvre droit à pension. Cette ordonnance qui date du 4 février 1959 n'a jamais été remise en cause par quelque gouvernement que ce soit, y compris pour le forfait hospitalier. Je demande qu'il en soit de même pour cette contribution forfaitaire d'un euro.

J'ai cru comprendre que c'était la même philosophie qui inspirait M. Mariton, mais on pourra vérifier lors de la suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je comprends tout à fait que ce projet de loi doit concerner l'ensemble des usagers comme l'ensemble des intervenants du système de santé. Dès lors, je retire mon sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 8465 est retiré.

Nous allons maintenant procéder aux scrutins qui ont été précédemment annoncés.

Je vais d'abord mettre aux voix le sous-amendement n° 8447.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 42

              Nombre de suffrages exprimés 40

              Majorité absolue 21

        Pour l'adoption 5

        Contre 35

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 6.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 46

              Nombre de suffrages exprimés 44

              Majorité absolue 23

        Pour l'adoption 7

        Contre 37

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Sans plus de façon, au détour de ce vote apparemment anodin, l'Assemblée vient d'entériner un recul et même un changement radical de politique sociale, en revenant sur des acquis et des traditions.

Deuxièmement, si M. le secrétaire d'État a eu parfaitement raison de dire qu'en matière d'équité, d'autres catégories que les pensionnés militaires auraient tout autant mérité notre attention, il reste que le Gouvernement a renié la parole de l'État envers des personnes qui s'étaient engagées en son nom, qui s'étaient exposées, et qui avaient reçu de lui des promesses.

M. Hervé Mariton. Absolument !

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà ce qui vient de se passer ! Avec la confusion qui règne, tout est placé au même niveau et tout est possible. Il faut dire que nous travaillons sans critères, au coup par coup, sans politique claire.

Il reste qu'à propos d'un sujet marginal - et notre collègue a eu raison de dire que peu de gens étaient concernés -vous avez consommé une double rupture : de la politique sociale et de la parole donnée.

M. le président. L'amendement n° 8153 n'est pas défendu.

Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 41, 47, 7745, 8152 et 8269.

Les quatre derniers ne sont pas défendus.

La parole est à M. François Guillaume pour soutenir l'amendement n° 41.

M. François Guillaume. Monsieur le président, faute d'avoir reçu en temps utile les informations nécessaires qui m'auraient permis de juger des dérives possibles dans le cadre de la CMU, je ne défendrai pas l'amendement n° 41.

M. le président. L'amendement n° 41 n'est pas défendu.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1036 à 1047.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre ces amendements.

Mme Muguette Jacquaint. Avant de les défendre, monsieur le président, je voudrais revenir brièvement au cas des mutilés de guerre. La dérogation proposée ne concernant que quelques personnes, le vote de la majorité est d'autant plus symbolique, et il augure mal du sort des amendements qui vont suivre.

Songeons aussi aux mutilés du travail, à ceux qui sont atteints de maladies professionnelles. J'ai conduit récemment chez le ministre du travail une délégation pour faire reconnaître l'exposition à l'amiante de trois salariés du groupe Alstom. À en juger par l'épaisseur du dossier qu'il faut présenter à la commission compétente pour obtenir cette reconnaissance et les droits qui en découlent, je peux vous assurer qu'il leur a fallu voir nombre de médecins et spécialistes. Ces travailleurs, qui sont déjà atteints dans leur santé, dans leur vie, qui paient les conséquences de décisions prises par d'autres, devront en plus payer je ne sais combien de consultations à un euro, simplement pour établir leur dossier !

Pour en venir à nos amendements, l'instauration d'une participation forfaitaire pour chaque acte ou consultation médicale ne contribuera en rien, je le répète, à responsabiliser les assurés sociaux. Il s'agit d'une mesure purement financière, même si le Gouvernement s'en défend. De plus, cette participation est appelée à croître au même rythme que celui des dépenses de santé. D'ailleurs, personne ne le nie. Combinée avec le ticket modérateur et le forfait hospitalier, cette franchise contribuera à réduire l'accès aux soins des ménages aux revenus modestes n'entrant pas dans les catégories exemptées, en particulier ceux qui toucheront un tout petit peu plus que le RMI. Et pourtant, ils n'ont pas de quoi jouer les princes !

Nos amendements visent à préciser le champ de l'exonération concernant les ayants droit mineurs. La définition de cette catégorie doit être élargie afin de prendre en compte jusqu'à vingt et un ans les jeunes adultes encore à la charge de leur famille, au sens des articles L. 512-3, L. 513-1, R. 512-2, R. 522-1 et D. 542-1 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Elle a repoussé ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 1036 à 1047.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'attire l'attention du Gouvernement sur l'incohérence de sa théorie de la responsabilisation. Les enfants sont exonérés au motif qu'ils ne seraient pas responsables. Je vous signale que rares sont les enfants de moins de seize ans qui se précipitent spontanément chez leur médecin ; ce serait même plutôt l'inverse. D'habitude, ils y vont à la demande d'un adulte qu'il faudrait, lui, responsabiliser, si l'on suit votre logique. Tout cela ne rime à rien !

Votre donnez dans le compassionnel médiatique, légitime par ailleurs. Il s'agit tout simplement de ne pas avoir l'air trop méchant : le vilain petit euro va grandir mais, comme on est gentil, on ne touche pas aux enfants. Ces chers petits peuvent dormir tranquilles, ils seront épargnés par le méchant euro. Ainsi, le Gouvernement, malgré la cohérence dont il se réclame et la rigueur sociale qu'il témoigne, comme on vient de le voir, envers les invalides de guerre, population pourtant peu nombreuse et en situation souvent difficile, fait des sourires aux enfants.

M. le président. Nous allons maintenant procéder, à la demande du groupe socialiste...

Mme Muguette Jacquaint. Et du groupe des député-e-s communistes et républicains !

M. le président. Si vous voulez, Madame Jacquaint, bien que je n'aie pas reçu de demande officielle.

... et du groupe des député-e-s communistes et républicains, au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 1036 à 1047.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 51

              Nombre de suffrages exprimés 51

              Majorité absolue 26

        Pour l'adoption 7

        Contre 44

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

L'amendement n° 48 n'est pas défendu.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la bioéthique.

    4

ORDRE DU JOURDE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot