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Première séance du lundi 19 juillet 2004

36e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Je rappelle que l'article 36, les articles additionnels après l'article 36, l'article 38 et l'article additionnel après l'article 38 ont été examinés vendredi soir.

Nous allons revenir aux articles et amendements qui ont été réservés, en commençant par les articles additionnels avant l'article 36.

Avant l'article 36

(amendements précédemment réservés)

M. le président. L'amendement n° 7496 de M. Préel n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, nos 8349 rectifié et 7497, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 7497 de M. Préel n'est pas défendu.

La parole est à M. le président de la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, pour défendre l'amendement n° 8349 rectifié.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie. Cet amendement vise à créer, sur le modèle des unions régionales des médecins libéraux, des unions régionales des professionnels de santé exerçant à titre libéral. Il répond ainsi à la nécessité de trouver au niveau régional des interlocuteurs représentant ces professions. Nous entendons faire des élections au sein des unions régionales le critère de représentativité des organisations syndicales des professions libérales du secteur de la santé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Avez-vous au moins décidé cela en accord avec les organisations syndicales représentatives ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il me semble, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il vous semble ou vous en êtes sûr ?

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est jamais sûr.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. À ma connaissance, et sous réserve de vérification, il existe déjà, depuis la loi du 4 mars 2002, une représentation régionale des professionnels de santé autres que les médecins libéraux.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, il n'y a que les URML.

M. Claude Évin. Il existe une représentation régionale des autres professions de santé. Je vais retrouver les références, mais il me faut un peu de temps.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 8349 rectifié que nous n'avons pas examiné en commission doit s'articuler avec l'amendement n° 3897 à l'article 31 que nous avons adopté et qui crée l'Union nationale des professions de santé. Si je comprends bien, le premier décline le second au niveau régional.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8349 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7732.

La parole est à M. Claude Évin, pour le soutenir.

M. Claude Évin. Avant d'en venir à la défense de mon amendement, je voudrais éclairer les débats, même un peu tard, en signalant que les articles L. 4391-1 et suivants du code de la santé publique relatifs à l'organisation de certaines professions paramédicales ont prévu la création d'« un conseil groupant obligatoirement les personnes exerçant en France, à titre libéral, les professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste. Ce conseil est doté de la personnalité morale. » En outre, l'article L. 4392-1 dispose : « Les membres des instances régionales et nationales du conseil sont élus pour cinq ans, par collège électoral ». Il faudrait que vous nous expliquiez comment toutes ces instances s'articulent entre elles. Peut-être pourriez-vous vous en charger, monsieur le rapporteur, puisque vous avez déposé l'amendement n° 8349 rectifié au nom de la commission.

Monsieur le président, M. le ministre souhaite me répondre, mais je ne voudrais pas que mon temps de parole soit amputé d'autant. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'avais compris qu'il s'agissait des ordres.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Non, monsieur le ministre. La loi du 4 mars 2002 ne crée pas d'ordre pour les professions paramédicales mais un conseil, aux termes de son article 71. Encore une instance supplémentaire ! Libre à vous de défaire tout ce que nous avons fait, mais essayez tout de même de ne pas trop compliquer les choses. Prenez au moins la peine de supprimer ce qui existe déjà.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'interviens encore une fois parce que le sujet le mérite. Pardonnez-moi, monsieur le président.

L'article L. 4391-2 du code de la santé publique prévoit que ce conseil « assure l'information de ses membres et des usagers du système de santé et veille à la protection de ces derniers en contrôlant l'exercice libéral de la profession. À cet effet, il veille au respect, par ses membres, des principes de moralité, de probité et de compétence indispensables à l'exercice de la profession, ainsi qu'à l'observation de leurs droits et devoirs professionnels et des règles prévues par le code de déontologie... ». C'est pour cela que je me suis permis de dire que ce conseil ressemblait à un ordre professionnel.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin, pour défendre l'amendement n° 7732.

M. Claude Évin. Cet amendement définit la composition du conseil régional de santé. Les articles 36 et 37 ont trait à l'organisation régionale du système de santé. Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons dit à plusieurs reprises que nous estimions qu'il ne répondait en rien à la nécessité d'améliorer l'organisation de l'offre de soins, notamment par une meilleure articulation entre la médecine ambulatoire, l'hôpital et l'ensemble des établissements de santé. Et ce n'est pas le dossier médical personnel, même s'il est utile, qui permettra de le faire, en particulier au plan territorial.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé en commission plusieurs amendements tendant à créer des agences régionales de santé. L'appréciation du président de la commission des finances étant ce qu'elle est, ils sont tombés sous le coup de l'article 40. Je voudrais exposer la teneur de ces huit amendements, dont fait partie l'amendement n° 7732 relatif à la composition du conseil régional, car il ne peut se comprendre que s'il est replacé dans l'ensemble du dispositif que nous avions conçu.

La gestion des politiques de santé et l'administration du système de soins ont été progressivement déconcentrées au niveau régional. Aujourd'hui, la région est d'ailleurs unanimement considérée comme l'échelon pertinent pour l'administration du système de santé. Pour autant, cette déconcentration s'est opérée, à travers le maintien de l'ensemble des structures existantes que l'on a tenté de fédérer quand on n'en a pas créé de nouvelles. Je pense notamment aux groupements d'intérêt public concernant la santé publique prévue dans la loi relative à la santé publique actuellement en navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Aucune de ces nouvelles structures n'ayant une vision globale des problèmes de santé régionaux, il en résulte une approche parcellisée et fragmentée des politiques de santé. L'organisation est notamment scindée entre un pôle hospitalier piloté par les ARH, un pôle médecine de ville organisé autour des URCAM et, demain, un pôle santé publique structuré autour des GRSP. Définir et conduire une politique de santé exige donc de dépasser ces cloisonnements.

La multiplicité des autorités en charge de la santé ne permet pas l'émergence d'une véritable démocratie sanitaire. Les acteurs locaux peinent à identifier les lieux de décision et n'ont pas d'interlocuteur exerçant une responsabilité globale. L'émiettement des compétences favorise le rejet des responsabilités.

Au plan de l'efficacité, enfin, les structures en charge de la santé mobilisent une grande part de leur énergie dans le meilleur des cas à coordonner leurs interventions et dans le pire à préserver jalousement leurs territoires respectifs. Cette déperdition d'énergie s'observe tant entre les structures fédératives - ARH, URCAM - qu'en leur sein puisque chacune d'elles doit organiser l'action commune de services et d'institutions diverses - DRASS, DDASS, CRAM, caisse d'assurance maladie, services du contrôle médical.

Nous proposons donc de créer des agences régionales de santé permettant d'avoir une vision globale des problèmes régionaux de santé et d'intégrer dans une organisation commune l'ensemble des agents qui concourent à la définition et à la mise en œuvre des politiques de santé.

L'actuelle majorité a d'ailleurs reconnu l'intérêt d'une telle réforme en votant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 dont le rapport annexé prévoyait la création des ARS. Je rappelle ici les termes du rapport : « Les ARS favoriseront une meilleure articulation de la médecine de ville et de l'hôpital, une meilleure association des professionnels et des patients dans le cadre régional, un fonctionnement plus démocratique, une plus grande cohérence dans l'organisation de notre système de soins et une plus grande lisibilité des politiques suivies. » Il n'est pas possible de décrire de manière plus pertinente les progrès que l'on peut attendre de la création des ARS. Il est difficile de concevoir que l'on puisse y renoncer.

C'est la raison pour laquelle nous avions déposé un amendement visant à créer ces agences régionales de santé.

La création des ARS doit également marquer un progrès de la démocratie sanitaire. Actuellement, les autorités régionales de santé - ARH, URCAM, préfet et services déconcentrés de l'État - ne rendent pas compte globalement de leur gestion devant l'ensemble des parties prenantes des politiques de santé au niveau régional.

La création d'un conseil régional de santé permettra donc d'associer l'ensemble des acteurs du système de santé à l'orientation et à la surveillance de l'action des responsables de la politique de santé au niveau régional. Orientation dans la mesure où l'action de l'agence devra s'inscrire dans le cadre des priorités définies par le conseil régional de santé, priorités qu'elle devra décliner en autant de plans régionaux de santé. Surveillance dans la mesure où le conseil régional de santé sera saisi pour avis des actes les plus importants de l'Agence et délibérera chaque année sur son rapport annuel d'activité.

Par ailleurs, il nous semble utile que l'Agence soit administrée par une structure régionale afin de favoriser, sous l'autorité du directeur général, une vision intégrée de l'ensemble des composantes des politiques de santé. Au sein du directoire, il convient de respecter la place d'un corps médical assumant des responsabilités au niveau des établissements de santé ou de la médecine de ville.

L'agence régionale de santé nous semble devoir rassembler les services régionaux du contrôle médical des régimes obligatoires d'assurance maladie. Les services du contrôle médical des divers régimes obligatoires d'assurance maladie jouent en effet un rôle essentiel dans la promotion de la qualité et du bon usage des soins. Actuellement, l'activité des services du contrôle médical pour ce qui concerne les établissements de santé est, de fait, exercée pour le compte des ARH sans que pour autant ces services soient intégrés à l'ARH.

Enfin, nous considérons qu'il est nécessaire que soit créé un service de contrôle de la sécurité et de la dispensation des soins, placé sous l'autorité du représentant de l'État dans la région. Ce service de contrôle aura pour mission de veiller au respect des lois et règlement qui se rapportent à la santé publique pour les établissements de santé publics et privés ainsi que pour les professionnels de santé libéraux.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapidement décrites, les propositions que nous avions formulées. Certes l'article 37 prévoit une convention entre l'ARH et l'URCAM, mais cela nous semble notoirement insuffisant au regard de notre objectif d'assurer un meilleur décloisonnement de l'offre de soins au niveau régional.

L'amendement n° 7732 vise donc à définir la composition du conseil régional de santé en y associant l'ensemble des acteurs qui, sur le plan régional, concourt à assurer la prise en charge des soins, ainsi que les collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Une petite mise au point, tout d'abord. Le conseil régional de santé, créé par la loi de mars 2002,...

M. Claude Évin. On a parlé non pas du conseil régional de santé mais de la représentation des professions !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...figure toujours dans le code de la sécurité sociale parce que la loi relative à la santé publique n'est pas encore votée définitivement. La CMP aura lieu dans quinze jours.

M. Jean-Marie Le Guen. Tiens donc !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ou peut-être dans une semaine.

M. Jean-Marie Le Guen. Tenez-nous au courant !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. En tout état de cause, c'est au sein des conférences régionales de santé que seront représentés les usagers et les professions de santé. Comme, actuellement, seules existent les URML, c'est grâce à l'amendement de M. Mallié et de M. Bur que les autres professions de santé pourront participer à ces conférences régionales de santé, que rétablira la loi relative à la santé publique.

Par ailleurs, l'ensemble du dispositif présenté par Claude Évin a effectivement été amputé par l'application de l'article 40 de la Constitution. Or ces amendements méritent d'être lus.

M. Claude Évin. Merci.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ces agences régionales de santé ont beaucoup de sens et nous sommes nombreux, ici, à être attachés à leur mise en place. Cela étant, les conceptions de ces ARS sont quelque peu différentes. La vôtre, monsieur Évin, est presque étatisée. Elle est en tout cas très centralisée. À l'inverse, la conception de l'UDF, qu'a défendue M. Préel à plusieurs reprises, est complètement décentralisée.

Je considère pour ma part que, pour des raisons techniques, on ne peut pas encore mettre en place des ARS sans prendre le risque d'être confrontés à des problèmes. Il est trop tôt. Les multiples structures existant au plan régional - CRAM, URCAM, CPAM, DRASS, DDASS, ARH, observatoires régionaux de santé, URML - méritent, selon nous, de bénéficier d'une étape intermédiaire : celle des missions régionales de santé, que nous vous proposerons à l'article 37.

Pour vous prouver, monsieur Évin, que nous sommes très favorables à ces ARH, le président Bur a déposé un amendement qui a été accepté par la commission et qui vise à mettre en place des expérimentations au niveau de deux ou trois régions. Nous y reviendrons à l'article 37.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 7732 et sur le suivant. Mais, sur le fond, nous pensons qu'il y a, là encore, un point de consensus possible. J'espère que nous nous retrouverons sur cette étape intermédiaire des missions régionales de santé qui devraient convenir à chacun ici.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce sujet est extrêmement important. Considérer que le niveau régional est le plus pertinent pour piloter les politiques de santé et d'assurance maladie fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus. Cette évolution a été engagée au début des années 90, avec les premières conférences régionales de santé. Elle s'est poursuivie ensuite, en 1996, avec la création des ARH. Tous les acteurs estiment, à présent, que c'est le niveau territorial adapté pour élaborer une politique de santé et la décliner, qu'il s'agisse de la politique de santé publique ou de l'organisation des soins.

Avec le projet de santé publique, nous contribuons encore à l'affirmation de cette régionalisation avec la création des groupements régionaux de santé publique qui ont vocation à coordonner l'ensemble des actions en matière de prévention et de santé publique, dans le cadre d'un programme régional.

Les acteurs de la prévention sont aujourd'hui dispersés. Il manque une impulsion, une coordination qui devront être engagées au niveau régional par ces groupements régionaux de santé publique.

Pour l'assurance maladie et l'organisation des soins, monsieur Évin, la question d'une nouvelle étape de régionalisation, avec éventuellement la création d'ARS, se pose en effet. Je voudrais d'abord souligner que, derrière ces termes d'agence régionale de santé, on trouve des conceptions très différentes, voire opposées.

Pour certains, notamment du côté de Jean-Luc Préel, et je salue ici la constance de votre collègue sur ce sujet, l'ARS se situe dans une logique de décentralisation. C'est un choix qui a sa cohérence mais qui, il faut le reconnaître, constitue une remise en cause très forte à la fois du mode de gestion actuel de l'assurance maladie - le problème émerge chaque fois que nous en parlons avec les partenaires sociaux - et du rôle joué par l'État dans la politique de santé. De plus, il me semble souhaitable que les gestionnaires de l'offre de soins conservent un lien fort avec les régimes d'assurance maladie et leur équilibre financier. Or ce lien risque d'être dilué si l'on suit une unique logique de décentralisation.

Pour d'autres, et je pense plutôt aux propositions de M. Évin, l'ARS s'apparente largement à un mouvement d'étatisation si l'on s'en tient simplement au mode de nomination des directeurs de l'ARS. Là encore, ce choix a sa cohérence. Mais ce n'est pas le nôtre. En effet, nous ne sommes pas plus favorables à l'étatisation qu'à la privatisation.

Étatiser reviendrait à supprimer le rôle des régimes d'assurance maladie dans la négociation conventionnelle et romprait définitivement avec la gestion par les partenaires sociaux. Cela étant, M. Évin a le mérite de soulever la question de la cohérence qui s'imposera demain entre les financements : le malade est unique, le financeur est unique. Nous devrons, c'est vrai, répondre progressivement à cette question, mais cela passera obligatoirement par une discussion de fond avec les partenaires sociaux. Cela ne pourra pas se faire brutalement.

D'autres questions se posent également lorsqu'on parle d'ARS. Y inclut-on l'ensemble de la politique de santé, y compris la politique de santé publique, au risque de voir, comme c'est le cas depuis cinquante ans dans notre pays, la prévention sacrifiée au profit des politiques d'organisation des soins ?

Plus important encore, qui pilote les agences régionales de santé au niveau national ? Est-ce l'État, l'assurance maladie ou bien ni l'un ni l'autre ?

Compte tenu des défis majeurs auxquels sont confrontés notre système de santé et notre régime d'assurance maladie, je ne crois pas que l'on puisse se passer d'un pilotage national. On ne peut pas laisser se développer vingt-six politiques de santé différentes. D'ailleurs, personne ne le souhaite. Or, si c'est l'État qui pilote, il s'agit d'une forme d'étatisation.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas la veille de la discussion du projet de loi de décentralisation qu'il faut nous dire cela !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Le Guen, on ne peut pas tout décentraliser ! Pour ma part, je suis favorable à une vraie décentralisation, mais nous avons parfois besoin d'un État fort.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous allons donc avoir une décentralisation sans coordination ? M. Raffarin va être content !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce n'est pas du tout ce que je dis !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous allez déjà lui prendre sa place !

M. le président. Un peu de respect, monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous comprendrez, monsieur Le Guen, le jour où vous serez à la tête d'une grande collectivité locale !

M. Jean-Marie Le Guen. Dieu m'en garde ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. On s'en souviendra !

Si c'est l'État qui pilote, il s'agira bien d'étatisation. Si c'est l'assurance maladie, nous le savons, cela posera certaines questions, notamment pour le monde hospitalier. C'est pourquoi le Gouvernement a préféré renforcer la gouvernance de l'assurance maladie en déléguant des pouvoirs importants au gestionnaire et en lui laissant plus d'autonomie.

Nous ne devons pas brûler les étapes. Je vous rappelle la première étape, qui est indispensable : mettre en place la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Pour cela, il faut que l'union des caisses d'assurance maladie établisse des contrats avec les professionnels de santé, au niveau national comme au niveau régional. Nous sommes bien dans une logique de négociation et non dans une logique d'étatisation.

La deuxième étape consistera à rapprocher la médecine de ville et l'hôpital. Au niveau national, cela passera par le comité d'hospitalisation, qui assurera la transparence des régimes d'assurance maladie. Au niveau régional, ce rapprochement sera assuré grâce aux ARS.

Sans déstabiliser ni l'hôpital, ni les régimes d'assurance maladie, ce projet de loi renforce de façon substantielle les missions dévolues au niveau régional.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pourquoi ? Parce que nous savons besoin, sur un grand nombre de sujets, d'une approche territoriale, qui tienne compte de caractéristiques locales et de certaines spécificités. Le Gouvernement en est parfaitement conscient. Les administrations centrales doivent donner plus d'autonomie aux échelons régionaux et locaux et les laisser prendre plus de responsabilités. Sur ce plan également, un maximum de déconcentration est nécessaire.

C'est dans cette direction que nous nous engageons. D'une part, en renforçant le rôle des URCAM, au travers de l'article 36, cher au rapporteur et au président de la commission, afin d'inciter notamment les CPAM et les différents échelons du service médical à se regrouper autour d'une stratégie régionale de gestion du risque. D'autre part, comme vient de l'indiquer M. Dubernard, nous allons rapprocher les ARH et les URCAM sur plusieurs points, notamment la répartition de l'offre de soins, la gestion du risque, la permanence des soins, dont nous parlions la semaine dernière avec M. Vidalies. Pour nous, tous ces éléments nécessitent une stratégie conjointe. La commission a présenté un amendement qui renforce encore la coordination entre l'ARH et l'URCAM au sein d'une mission régionale de santé. Je crois que cette proposition va dans le bon sens.

Si, au niveau régional, cette coordination fonctionne et si, au niveau national, l'association plus étroite de l'assurance maladie et de la politique hospitalière porte ses fruits, nous pourrons aller plus loin. Quoi qu'il en soit, les chantiers que nous ouvrons sont d'une importance majeure. Encore une fois, au-delà de leur appellation séduisante, on voit bien que les réponses aux questions que posent les agences régionales de santé ne sont pas simples. Au cours de la préparation de ce projet de loi, nous avons eu de nombreuses discussions avec les partenaires sociaux et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait progresser dans cette voie, au travers d'un dispositif équilibré qui prépare bien l'avenir.

Après ces quelques précisions qui devraient nous permettre de mieux cerner le débat, je conclurai par ces mots : oui, nous devons réfléchir à une politique de santé globale, alliant l'hôpital et la médecine de ville. Oui, l'échelon régional me semble le plus pertinent. D'accord, faisons un premier pas en direction d'une coordination entre l'URCAM et l'ARH. Mais je crois que nous ne sommes pas encore prêts à accepter qu'un directeur de l'ARS, nommé par décret, décide du financement global de l'assurance maladie.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, la semaine dernière, avec l'arrivée du proconsul,...

M. Jean-Pierre Brard. Le vice-roi !

M. Jean-Marie Le Guen. ...nous avons franchi le Rubicon de l'étatisation !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous nous dites aujourd'hui que les agences régionales traduiraient une forme d'étatisation, compte tenu du mode de nomination de leurs directeurs. Mais c'est la même chose ! Le conseil d'orientation de l'UNCAM sera purement formel, et d'ailleurs il n'aura aucun pouvoir de décision. Effectivement, vous avez défini le cadre de l'étatisation : c'est le mode de nomination du directeur. Sur ce point, nous sommes d'accord. Jusqu'à présent, son rôle était ambigu, correspondant à une sorte de copilotage.

Aujourd'hui, il n'y a plus de copilotage : le pouvoir est très clairement entre les mains du proconsul. Et ne vous donnez pas la peine de nous faire croire le contraire ! D'ailleurs, aucune organisation syndicale, depuis le début de notre débat, ne s'est véritablement offusquée. C'est pourtant une question politique d'une grande importance, mais la page est tournée.

Ce que vous nous proposez aujourd'hui est une forme d'étatisation, qui plus est centralisée et autoritaire. Nous avons des scrupules à définir les contre-pouvoirs qu'il faudrait instaurer face à ce proconsul. Théoriquement, il est doté de tous les pouvoirs, mais nous sommes persuadés qu'il n'en aura aucun, parce que notre système de santé ne peut être organisé par un homme seul, décidant de tout. Le recours à un homme providentiel est un mythe, un leurre, et ne correspond pas à la complexité des problèmes que nous devons régler. Sa légitimité sera très rapidement remise en cause, comme sa capacité d'action.

Si nous nous prononçons avec tant de force en faveur des ARS, c'est que nous pensons qu'il est aujourd'hui nécessaire, entre un État central omnipotent mais véritablement impuissant et le marché tel que vous le laissez s'organiser avec la dérégulation des assurances complémentaires, d'organiser de véritables négociations sociales et de mettre en œuvre la véritable régulation régionale qui n'existera pas au plan national. C'est pourquoi nous insistons sur l'importance des agences régionales de santé.

Cette étatisation, à la différence de celle qui existe au plan national, revêt une dimension démocratique. Le comité régional de santé donne une véritable légitimité aux décisions des ARS, puisqu'elles sont le fruit d'une élaboration collective. Sans ce travail collectif, l'ensemble de la population ne peut comprendre les choix qui s'imposent pour l'organisation de notre système de santé, d'assurance maladie et de santé publique.

Nous, nous faisons le choix d'une instance de régulation simple, claire et identifiée, assise sur un véritable processus démocratique. Pourquoi pas de véritables élections, au niveau des collectifs régionaux, qui permettraient aux citoyens et à l'ensemble des assurés sociaux d'être représentés et de participer à l'élaboration de la politique de santé ? Cela simplifierait le fonctionnement de l'ensemble des régimes et des structure alors que ce texte et ceux sur la santé publique conduisent à accumuler un nombre incalculable de structures tant au plan national qu'au plan régional. Les structures et les niveaux de responsabilités s'imbriquent sans la moindre cohérence d'ensemble.

Je vous ai fait part de nos propositions, monsieur le ministre. Elles représentent une avancée absolument nécessaire, d'autant que l'agence régionale est le troisième volet d'une véritable politique de coordination des soins, après la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et l'organisation de l'assurance maladie. La responsabilisation des acteurs, que vous avez remise en cause pour nous proposer la pénalisation, ne sera efficace que dans le cadre d'une véritable coordination des soins. Or, cette coordination n'est possible aujourd'hui qu'au niveau régional. Nous le verrons avec l'article 37 et la dimension hospitalière de cette réforme.

Selon vous, les partenaires sociaux ne sont pas prêts. Sincèrement, monsieur le ministre, n'est-ce pas simplement parce qu'ils n'ont d'autre choix que d'accompagner la chute de la gouvernance actuelle et de constater les effets de la nomination du proconsul ?

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous avions déposé quelques amendements sur cet article, mais malheureusement l'article 40 est passé, cet article qui coupe toutes les têtes qui dépassent...

Quelle est notre conception de l'aspect régional de l'assurance maladie ? En général, la gestion que vous proposez n'est absolument pas conforme à celle que nous souhaitons. Nous pensons que la légitimité, dans tous les domaines, passe par des élections, qu'on le veuille ou non. C'est la base élémentaire de la démocratie. Certains n'en veulent pas, car ils ont peur de la démocratie et de la transparence. C'est leur affaire, mais nous, depuis des années, nous nous battons pour que la légitimité se traduise par des élections. Ce n'est pas la seule forme de légitimité, mais c'en est une à tous les niveaux, en particulier au plus haut. Aujourd'hui, nous parlons de sécurité sociale, du droit à la santé pour tous, de la responsabilité des hommes et des femmes qui cotisent. Ce sont eux qui font la sécurité sociale, par le biais de leurs cotisations. Or, ils n'ont aucun droit !

La peur du pouvoir des salariés est largement répandue et a mené plus d'un responsable dans le mur. Et cela continue !

Pour illustrer le niveau régional de l'organisation de la santé, on parle de décentralisation. On a même donné une compétence régionale de santé à la région. C'est extraordinaire ! Mais son seul droit, à la région, c'est de participer à la construction et à la rénovation des hôpitaux. La région n'a aucun droit ! Le conseil régional n'est concerné en rien par la politique de santé : on lui demande seulement de payer. C'est une drôle de conception de la décentralisation !

Vous avez parlé des conférences régionales. Tout le monde, dans les couloirs, s'accorde sur ce point : c'est une grand-messe où personne ne parle, où tout est réglé d'avance. Une matinée pour quatre orateurs, une demi-heure pour les intervenants. Les organisations syndicales ne sont même pas invitées à ces conférences régionales. Avouez qu'en matière de démocratie, on fait mieux !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il faut réformer leur fonctionnement !

M. Maxime Gremetz. Absolument ! Mais la conférence nationale, elle aussi, est une grand-messe ! Chacun vient y faire son discours, mais il n'y a pas de vrai débat, en particulier pour déterminer les vrais besoins. J'y participe régulièrement, je sais comment les choses se passent.


Vous dites enfin qu'il faut décentraliser. Il y en a ici qui se sont prononcés en faveur des ARH : ce ne fut pas notre cas. Nous avions dit, à l'époque où elles ont été créées dans le cadre du plan Juppé, que cela revenait à mettre en place des préfets de la santé. C'est précisément ce qui se passe : dotées de tous les pouvoirs sans être soumises à aucune obligation de coopérer, les ARH décident seules.

M. le président. Vous avez dépassé les cinq minutes qui vous étaient imparties, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mais si !

M. Maxime Gremetz. Vous comptez mal !

M. le président. Ce n'est pas moi qui compte, et je vous assure que vos cinq minutes sont écoulées.

M. Maxime Gremetz. Largesse pour certains, rigueur pour les autres, ça ne marche jamais, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. On m'accuse plutôt du contraire, monsieur Gremetz ! Sur d'autres bancs, on me reproche de manifester une mansuétude excessive à votre égard.

M. Maxime Gremetz. Ne perdons pas de temps en interruptions inutiles ! C'est faire le jeu de ceux qui n'attendent que ce prétexte pour quitter le débat.

M. Hervé Mariton. Vous dites ça pour les socialistes ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous sommes pris en otages !

M. Maxime Gremetz. C'est ce qu'on dit quand on a envie d'aller se coucher ! Il vaut mieux aller se coucher sans rien dire !

M. Hervé Mariton. Ce n'est pas gentil pour les socialistes !

M. Maxime Gremetz. Vous connaissez nos propositions, monsieur Dubernard. Nous les avons exposées à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique et de la nouvelle architecture du système. Nous avons dit alors qu'il fallait donner un autre contenu aux conférences régionales. Nous avons dit aussi que la dissémination n'était pas une bonne chose, et qu'il fallait une seule structure au niveau régional, qu'elle s'appelle comité régional ou conseil régional, peu importe ; mais qu'il fallait aussi préserver les missions régaliennes de l'État dans le domaine de la solidarité régionale. Cette structure régionale devait, disions-nous, rassembler tous les acteurs sociaux, pour définir les besoins et débattre des moyens correspondants.

Voilà pourquoi nous soutenons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une courte intervention.

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, monsieur le président.

On le sait, les mots peuvent avoir un effet anesthésiant, et je pense, monsieur le ministre, que vous auriez brillé dans cette spécialité médicale !

M. Richard Mallié. Comme c'est facile !

M. Jean-Pierre Brard. Maxime Gremetz parlait de « grand-messe » : votre projet m'évoque plutôt un requiem ! Et là vous avez le choix des variations.

Comme le soulignait très justement notre collègue Le Guen, tout repose sur les épaules de votre « proconsul ». Et M. Charpy sera à votre égard ce que le vice-roi des Indes était à la reine Victoria, reine d'Angleterre et impératrice des Indes, c'est-à-dire un cache-sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur Bur, la reine Victoria menait une vie beaucoup plus dissolue que ne le prétendent les manuels d'histoire !

Mais venons-en à l'essentiel. Après avoir couvert de louanges l'amendement qui nous a été présenté, monsieur Dubernard, vous en avez proposé le rejet, en avançant je ne sais quelles considérations techniques. On reconnaît dans tous ces falbalas,...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est du réalisme !

M. Jean-Pierre Brard. ...votre art consommé de la dissimulation.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. À moi ?

M. Jean-Pierre Brard. Mais oui, monsieur Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Fait personnel !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un digne héritier de Stanislavski, théoricien russe émigré, dont la méthode a présidé à la création de l'Actors Studio, comme vous le savez, quand vous essayez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Vous n'êtes pourtant pas urologue !

M. Hervé Mariton. Elle a déjà été faite, celle-là !

M. Jean-Pierre Brard. En vérité, monsieur le ministre, votre politique est très cohérente : vous êtes en train de désintégrer l'État, et de remettre en cause tout un dispositif, héritage de la Révolution française, du Front populaire, du Conseil national de la Résistance, de mai 1968, entre autres temps forts. Ce dispositif garantissait l'égalité d'accès aux soins, que vous avez remise en cause au point de ne pas même évoquer ce principe dans votre texte.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Vous y substituez en effet je ne sais quelle notion d'absence de discrimination, ou quelque chose de ce genre, dont je ne vois pas trop l'intérêt.

Étant donné l'extrême cohérence de votre démarche, on ne peut pas séparer ce que nous sommes en train d'examiner de votre projet de loi dite de « décentralisation », qui est en réalité une loi de désintégration de nos principes républicains. En effet la décentralisation telle que vous la pratiquez n'est rien d'autre que la consécration de l'inégalité entre les régions, qui devront se contenter de leurs propres moyens.

Ce projet de décentralisation ouvre en effet aux régions la faculté d'intervenir dans le champ de la santé. On sait bien ce que signifie pour vous cette faculté : fermer les robinets, et répondre aux régions confrontées à l'assèchement des financements de l'État qu'elles n'ont qu'à financer elles-mêmes les réalisations qu'elles souhaitent.

A l'évidence, la proposition de notre collègue Évin va dans le sens de la démocratisation. Il vaut mieux voter la création de la structure proposée par cet amendement, que de s'en remettre de façon unilatérale et aveugle au fonctionnement actuel des ARH, qui voit le pouvoir régalien s'imposer dans toute sa brutalité.

Or, non content de rejeter cette proposition, vous avez ouvert la faculté aux régions de financer les politiques de santé. On voit la cohérence entre, d'un côté, l'instauration d'un proconsul de la santé, incarnant votre autoritarisme étatique, et, de l'autre côté, la rupture de l'égalité dans l'accès aux soins, car c'est cela que vous mettez en place : quelles que soient les belles formules dont vous enrobez vos projets, il s'agit bien de détruire l'héritage social de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. La première question à laquelle il nous faut répondre, monsieur le ministre, est celle de savoir si nous devons ou non décloisonner la gestion de l'offre de soins.

En schématisant, nous disposons actuellement de trois types d'offres de soins : les soins ambulatoires, qui relèvent essentiellement du secteur libéral, régis par des conventions négociées avec les caisses de sécurité sociale, dispositif qui est maintenu. L'offre de soins assurée par les établissements de santé, publics ou privés, relève essentiellement de la responsabilité de l'État. Votre projet crée un comité de l'hospitalisation, afin d'y intégrer un peu plus l'assurance maladie. Nous jugeons qu'il est nécessaire, en tous les cas, que l'hospitalisation reste de la responsabilité de l'État, comme elle est de celle des ARH au niveau régional. Il y a enfin l'offre de produits de santé. Votre texte crée un comité économique des produits de santé, ajoutant là aussi un peu d'assurance maladie.

Nous estimons que ce cloisonnement dans la gestion de l'offre de soins n'est plus de mise aujourd'hui. Il est absolument nécessaire de comprendre que les pathologies, notamment les pathologies graves, peuvent nécessiter à la fois une prise en charge ambulatoire et hospitalière et le recours aux produits de santé. Or si on veut assurer une meilleure intégration de l'ensemble de l'offre de soins, il est nécessaire d'instaurer un pilote unique. Nous sommes de ce point de vue en désaccord avec vos propositions, même celles qui visent à la création d'institutions nouvelles - je pense notamment au comité de l'hospitalisation - qui, en l'état actuel, ne font que renforcer ce cloisonnement. Nous estimons que réformer l'organisation de l'offre de soins nécessite une définition claire de ce pilote unique. Cette question est prioritaire. Celle de savoir s'il revient à l'État ou aux partenaires sociaux, dans le cadre des caisses de sécurité sociale, d'assurer ce pilotage, ne vient qu'après.

Nous estimons qu'un dialogue clair et transparent avec les partenaires sociaux est nécessaire de ce point de vue. Je l'ai dit à la tribune, je l'ai redit à l'occasion de l'examen d'autres amendements : l'offre de soins n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était en 1945. On ne peut pas la réduire à l'offre de soins ambulatoires. En 1945 l'assurance maladie acquittait pratiquement la moitié des dépenses d'indemnités journalières, c'est-à-dire le revenu de remplacement touché par un salarié qui ne peut pas travailler du fait d'une maladie. Aujourd'hui l'assurance maladie doit assurer un meilleur accès aux soins sous tous leurs aspects, tant à l'hôpital qu'en ambulatoire.

Or, comme on l'a vu dans le cadre de la mission présidée par M. Debré, les partenaires sociaux ne se sentent pas concernés par l'hospitalisation. L'hôpital, quant à lui, estime qu'exerçant une mission de service public, il relève de la fonction régalienne de l'État, et que c'est à l'État d'assumer ce qui concerne l'hospitalisation.

M. Hervé Mariton. Voulez-vous dire qu'il faut changer son mode de financement ?

M. Claude Évin. S'agissant de la question de savoir si on va vers une étatisation du système de soins, je pense qu'il s'agit là d'un débat trop limité. Nous devons inventer un mode d'organisation dans lequel l'État assume pleinement ses responsabilités, tout en y associant les partenaires sociaux, sous des formes à négocier.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et pour la médecine libérale, comment vous faites ?

M. Claude Évin. La médecine libérale doit, elle, trouver demain des voies de négociation avec une agence nationale de santé, sous la responsabilité de l'État et en partenariat avec les caisses.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela ne change pas !

M. Claude Évin. En effet, cela ne change rien par rapport à la situation actuelle. Dans le système actuel, en principe conventionnel, c'est l'État qui décide en tout état de cause. Ce rôle reviendra demain à celui que M. Le Guen a appelé le « proconsul », c'est-à-dire au directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie, fonction qu'il cumulera avec celle de directeur de l'UNCAM, nommé en conseil des ministres : en tout état de cause, c'est l'État qui assume pleinement ses responsabilités en la matière.

Il est nécessaire que les organisations syndicales soient associées, au travers des caisses de sécurité sociale, à la gestion de l'ensemble du système, qu'elles y assument des responsabilités réelles, et pas seulement consultatives, sous l'autorité de l'État.

Il y a deux objectifs : - et j'en termine ici, monsieur le président - d'une part l'allocation de ressources, d'autre part la répartition de l'offre sur l'ensemble du territoire, qui est bien une fonction régalienne de l'État : on a bien vu qu'elle ne pouvait relever directement des partenaires sociaux. C'est là aussi un point de désaccord entre nous. Or on ne peut pas dissocier ces deux missions.

On pourra peut-être un jour se retrouver sur la démarche des agences régionales de santé - je reviendrai sur l'expérimentation à l'occasion de l'examen de notre amendement proposant qu'un rapport soit rendu sur cette question. Mais - et c'est là un point de désaccord essentiel - nous regrettons profondément que vous n'ayez profité, ni des débats que vous avez menés avec les partenaires sociaux, ni de la réforme que vous nous proposez ici, pour prendre cette démarche en considération. Nous sommes obligés de prendre acte du fait que vous avez manqué là une occasion, et nous le regrettons beaucoup.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Jean-Pierre Brard. J'espère, monsieur Deprez, que vous avez l'autorisation de M. Accoyer !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Brard.

M. Léonce Deprez. Je voudrais intervenir, ne serait-ce que quelques secondes, pour assurer un certain équilibre dans le débat.

Très franchement, quand on est en bas, au niveau des régions, on se rend compte que l'agence régionale d'hospitalisation a marqué un progrès dans la politique de santé en France. Le Nord-Pas-de-Calais - je peux en témoigner pour l'avoir vécu - a bénéficié d'un rattrapage, ...

Mme Catherine Génisson. C'est grâce à la péréquation !

M. Jean-Marie Le Guen. Et à l'excellente politique régionale !

M. Léonce Deprez. ...en matière d'équipement, sous l'impulsion de ce que M. Gremetz appelle « les « nouveaux préfets de la santé ». Nous avons donc constaté un certain progrès et un certain rattrapage.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est Mme Génisson qui a tout fait !

M. Maxime Gremetz. Nous nous sommes battus ici pour l'avoir. Alors ne dites pas de bêtises, monsieur Deprez !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez pas été interrompu, n'interrompez pas l'orateur !

M. Maxime Gremetz. J'ai été interrompu par vous !

M. le président. Moi, j'ai le droit !

M. Léonce Deprez. Deuxième observation très simple : en revenant en haut ce lundi matin, on voit que s'y affrontent deux conceptions défendues par les porte-parole que nous avons entendus. Cela prouve la complexité du problème à régler, le point de vue de l'un n'étant pas le point de vue de l'autre.

M. Jean-Pierre Brard. M. de La Palice le disait déjà !

M. Léonce Deprez. La position du ministre à cet égard assure une solution de juste milieu et s'inscrit dans une démarche de progrès en matière d'organisation de santé, notamment en ce qui concerne ce qui a le plus manqué jusqu'ici : la coopération entre la médecine de ville et l'hôpital.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh bien voilà ! Dites-le, cher collègue !

M. Léonce Deprez. C'est un très grand progrès et la position du ministre me paraît être celle du juste milieu. In medio stat virtus.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah oui ! Très bien !

M. Léonce Deprez. C'est un thème qui, en politique, mérite d'être mis en pratique.

M. Claude Evin. Vous risquez d'être déçu !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je voudrais répondre à M. Evin sur son amendement concernant le conseil régional de santé. Comme l'a souligné le rapporteur, ce conseil régional de santé figure encore dans le code, mais est appelé à disparaître puisque, nous verrons dans les prochains jours, au cours de la CMP, que la loi de santé publique instaure des conférences régionales de santé.

Selon moi, les idées se rejoignent, même si les appellations sont un peu différentes. Ce que nous demanderons au ministre, c'est de structurer la composition de ces conférences régionales de santé en trois collèges : un collège des usagers, un collège des professionnels de santé et un collège des élus. Le dialogue qui se nouera au niveau de cette instance de démocratie sanitaire sera très utile parce que ces trois composantes ont besoin de confronter leurs idées à la réalité régionale.

Cette structure de trois collèges, complétée par la mise en place d'une de commission permanente qui les réunira et qui conduira les travaux de cette conférence régionale de santé, aura un double effet.

D'abord, la mise en place de groupes de travail, à l'instar de ce qui se passe dans les conseils économiques et sociaux, au côté des conseils régionaux, groupes de travail qui pourront s'autosaisir de sujets importants tels la permanence des soins, l'offre hospitalière et ambulatoire dans la région concernée, la qualité des soins, les problèmes de démographie. Tout cela est très important. Et les conclusions des réflexions de la conférence régionale de santé seront très utiles aux missions régionales de santé que nous allons instituer avec l'article 37.

Je pense aussi que ces missions régionales de santé auront obligation de prendre avis auprès de la conférence régionale de santé. Petit à petit, se mettra ainsi en place un véritable dialogue entre les différents acteurs du domaine de la santé au niveau régional, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, des difficultés existent par exemple pour organiser des relations simplement très civiles entre l'hôpital, le CHU et la médecine de ville à travers les organisations syndicales. Dans ma région, ce dialogue est quasiment inexistant au niveau institutionnel, et il faut le regretter.

Cela permettra donc aussi d'organiser un véritable dialogue au niveau de la santé entre les différents acteurs et les décideurs dans la sphère régionale. C'est cela que nous demandons au ministre de mettre en place : donner un véritable contenu à cette démocratie sanitaire, ce que la loi de santé publique ne faisait qu'esquisser. C'est le choix que nous faisons.

Nous préférons cette voie pragmatique à celle que vous préconisez et qui s'apparente plutôt à une étatisation. Nous pensons qu'aujourd'hui les choses ne sont pas aussi définitives et que le chemin pragmatique que nous proposons, à travers, d'une part, la création de missions régionales de santé, d'autre part, la possibilité pour un certain nombre de régions de se lancer dans une expérimentation - laquelle est une bonne chose vue la complexité des problèmes -, nous permettra de déboucher, à l'horizon de quatre ou cinq ans, sur de véritables agences régionales de santé, c'est-à-dire opérationnelles parce qu'elles auront été éprouvées dans la réalité auprès d'un certain nombre de régions.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur Deprez, comment pouvez-vous prétendre que c'est sous l'influence des ARH que nos régions, notamment le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, auraient commencé à rattraper leur retard considérable en matière de santé ? Non, rappelez-vous, monsieur Deprez, c'est ici que ça s'est passé ! Nous nous sommes battus auprès du Gouvernement, et c'est Martine Aubry qui a commencé à rectifier les choses dans ce domaine, sans instituer vraiment une péréquation, mais en favorisant les régions les plus défavorisées en termes de santé. Alors ne dites pas que les choses se sont améliorées sous l'impulsion des ARH : cela n'a rien à voir ! Il y avait une volonté politique, une volonté du Gouvernement, et nous nous sommes battus pour ça, vous le savez bien !

Par contre, après que cette disposition a été votée, notamment pour les hôpitaux publics qui étaient au bord de l'explosion, qui a alors procédé à la répartition des crédits sans demander l'avis à personne ? Ce sont les ARH ! Pour ce qui me concerne, j'ai pris connaissance de cette répartition dans la presse !...

On revient toujours à la même question, monsieur le ministre : avec une composition des conseils sans aucun parlementaire - pas un seul ! -, comment voulez-vous faire le lien entre la responsabilité de l'État, de la République et la santé ? C'est extraordinaire : on dit que la santé est une mission régalienne de l'État... et puis l'État c'est quoi ? Rien ! Et je n'inclus pas le Parlement dans l'État, évidemment !

J'ai la conviction très nette qu'il faut une coordination et une coopération étroite au niveau régional, mais le problème, c'est qu'on complique les choses d'une façon singulière. Cette composition, on peut l'appeler « comité régional », mais cela implique de ne pas mettre à l'écart les acteurs importants, notamment les organisations syndicales ! Or elles n'existent pas dans le cadre de cette structure d'un collège à trois ! Les organisations syndicales, ça ne compte pas, évidemment ! Elles représentent les salariés, mais elles ne comptent pas pour la santé !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Si.

M. Maxime Gremetz. C'est la réalité !

Les associations - vous avez dit « usagers », n'est-ce pas ? -,...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Oui.

M. Maxime Gremetz. ...les professionnels de santé et...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Les élus.

M. Maxime Gremetz. ...les élus. Quels élus d'ailleurs ? Vous ne le dites pas !

Vous voyez ce qui manque : les organisations syndicales ! C'est toujours le même problème. Il reflète, qu'on le veuille ou non, du haut jusqu'en bas, la crainte de ceux qui sont à la base. La sécurité sociale a été créée sur la base notamment des salariés et des employeurs, et ceux-là, on n'en parle pas ! C'est extraordinaire : la santé devient une affaire de spécialistes !

Nous nous opposons à cette évolution. Votre réforme ne fonctionnera pas, c'est clair ! Le FMI n'a-t-il pas dit à propos de votre réforme qu'il faudra rajouter le double ou le triple de financement ? Cet organisme qui, s'adressant aux pays pauvres, leur dit toujours, au nom de la réduction des déficits publics : « On va vous aider à condition que vous serriez la vis à vos populations » ...

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce sujet méritait une vraie discussion. C'est vrai : nous ne pouvons à l'évidence laisser subsister ce cloisonnement terrible qui existe entre le monde de la médecine de ville et le monde de l'hôpital, deux mondes totalement complémentaires - avec un financeur unique, un malade unique - mais qui, pourtant, ne se parlent pas. Au fur et à mesure que nous évoluerons dans ce système de santé, il faudra un système plus commun.

Faut-il décloisonner, monsieur Évin ? La réponse est oui, nous sommes tous d'accord. Mais le système en trois points que vous proposez - prise en charge ambulatoire, prise en charge hospitalière et intervention des produits de santé - manque de cohérence.

D'ailleurs - et pardonnez-moi de le dire car je sais que vous n'aimez pas ça et c'est normal -, si vous avez vraiment le sentiment que les partenaires sociaux sont prêts à accepter cette coordination, que ne l'avez-vous pas fait pendant les cinq années du gouvernement Jospin ?

M. François Guillaume. Et voilà !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je sais bien que c'est facile de poser cette question ! Mais quand même !

M. Richard Mallié. Ça ne fait pas de mal de temps en temps !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous étions sous le coup du plan Juppé !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est un système qui change tellement les choses qu'on peut se demander pourquoi vous ne l'avez pas fait  pendant les cinq ans où M. Jospin était au pouvoir !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut rendre à Juppé ce qui est à Juppé !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je sais bien que ça vous réveille chaque fois que je vous le dis !

Monsieur Évin, avec le comité de l'hospitalisation d'abord, ...

M. Jean-Marie Le Guen. Ça vous gêne ! Vous savez que les professionnels n'ont pas oublié !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, monsieur Le Guen, laissez-moi parler à celui qui connaît bien le sujet : M. Évin !

Avec le comité de l'hospitalisation donc, avec le comité économique des produits de santé et avec le rapprochement entre les ARH et l'URCAM, nous allons décloisonner. Et parmi les missions conjointes ARH-URCAM dont parlaient M. Bur et M. Dubernard ce matin, il y a évidemment le développement des réseaux et une approche commune de la qualité des soins en ville et à l'hôpital.

Par ailleurs, l'expérimentation que propose M. Bur dans son amendement - et je sais que vous avez parlé d'un rapport - permettra de tester, avec tous les acteurs, y compris les partenaires sociaux, une formule d'ARS et de voir quel bilan peut en être tiré.

Eh oui ! Pourquoi ne pas faire une expérimentation sur les ARS ? Et pourquoi ne pas regarder dans telle ou telle région quels enseignements peuvent être tirés de la manière dont on peut travailler ensemble ?

M. Maxime Gremetz. La Picardie est candidate !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Gremetz, j'en suis ravi ! Je suis sûr que le secrétaire d'État à l'assurance maladie sera également d'accord !

Je voudrais remercier M. Deprez, qui a parfaitement compris la philosophie de notre texte : refusant une ARS complètement étatisée, il vise à mieux coordonner la médecine libérale et les agences régionales d'hospitalisation.

Depuis quinze jours, M. Le Guen et M. Brard caricaturent notre réforme en présentant la nouvelle gouvernance comme l'instauration d'un proconsulat.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est exact !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il se trouve que, dans l'Antiquité, il y avait un proconsul par province.

M. Jean-Marie Le Guen. On est loin de la République romaine !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le proconsul était lié à une région.

M. Jean-Marie Le Guen. Allez demander à M. Frêche comment gouverner la Septimanie !

M. Maxime Gremetz. Les proconsuls étaient des seigneurs !

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai donc compris que vous proposiez vingt-six proconsuls − un par région.

Comme nous, les partenaires sociaux désapprouvent cette caricature. Au Conseil de la caisse nationale de l'assurance maladie, nous confions l'importante mission de définir les actions de l'assurance maladie. Nous accordons également une place au dialogue entre les régimes d'assurance maladie. Ce n'est pas un homme seul qui décidera. Au cours de la discussion que nous avons eue avec eux, les partenaires sociaux ont défendu l'idée de leur implication dans la gouvernance.

M. Brard nous a quittés momentanément...

M. Maxime Gremetz. Il va revenir !

M. Pierre Cardo. Il est dans la salle des Quatre Colonnes, devant les caméras de télévision !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...mais je ne peux le laisser dire que nous remettons en cause l'égal accès aux soins. Ce n'est pas vrai, ce principe est au contraire affirmé à l'article 1er.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous affirmez le principe à l'article 1er, mais vous le mettez à bas à l'article 5 !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, l'article 1er déclare que les régimes d'assurance maladie favorisent un égal accès aux soins, qu'il n'y a pas de discrimination.

Monsieur Gremetz, ne caricaturons pas non plus l'action des régions en matière de politique de santé. N'oubliez pas que l'assurance maladie leur donne dix milliards d'euros et que, lorsque vous parlez de l'hôpital d'Amiens, lorsque vous défendez le système hospitalier de Picardie, c'est aussi l'assurance maladie qui vous répond. L'assurance maladie et l'hôpital public jouent un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire.

Nous restons favorables aux ARH, car l'hôpital relève des missions régaliennes de l'État. L'hôpital public garantit l'égal accès aux soins : c'est à la fois − M. Évin connaît mieux que personne ce paradoxe − l'accueil du SDF qui, à trois heures du matin, a besoin de soins, et le remplacement d'une valve mitrale dernier cri. Nous avons besoin qu'un représentant de l'État dans les régions veille à ce que toutes ces missions soient remplies.

M. Maxime Gremetz. Mais nous n'avons pas besoin de pouvoir autoritaire !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les ARH n'ont nullement remis en cause la politique de l'État vis-à-vis de l'hôpital public. Mais il n'y a pas que l'hôpital public : les établissements de santé, les hôpitaux privés sont aussi importants.

Mesdames et messieurs les députés, il faut que vous votiez cet article : la meilleure coordination régionale entre la médecine de ville et l'hôpital en dépend.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7732.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8402.

La parole est à M. Claude Évin, pour le soutenir.

M. Claude Évin. Nous avons déjà longuement débattu de l'intérêt des agences régionales de santé, et l'on nous annonce un amendement à l'article 37 qui permettra des expérimentations en la matière, fort utiles si les agences ne se mettent pas en place tout de suite. Nous avions, quant à nous, tablé sur une mise en place des agences régionales de santé au 1er juillet 2006 et c'est pourquoi nous préconisions, dans nos amendements, une période de préparation et d'expérimentation. Dès lors, il serait utile de définir le cadre de ces expérimentations et de savoir quels sont les objectifs poursuivis. À cet effet, l'amendement n° 8402, qui demande que soit transmis au Parlement un rapport sur les conditions de création, dans chaque région, d'une agence régionale de santé, nous semble particulièrement pertinent.

Mais peut-être, monsieur le ministre, n'accepterez-vous pas cet amendement. Il serait alors utile que vous nous expliquiez, lorsque nous examinerons celui de M. Bur, comment vous concevez la mise en place des expérimentations.

En tout état de cause, il ne s'agit pas d'un rapport de plus, mais d'un document qui permettra de mieux définir les missions et les objectifs des agences, en étudiant les conditions de regroupement des différentes administrations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable. Nous nous exprimerons très précisément sur cette question au moment où l'Assemblée examinera l'amendement de M. Bur sur l'expérimentation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, vous connaissez bien l'expérience qui a été menée en Midi-Pyrénées et qui pourrait être particulièrement instructive pour les autres régions, dès lors que vous nous direz combien d'entre elles seront concernées par les expérimentations. En effet, le terrain s'y prête, tant par la présence simultanée de concentrations urbaines et de zones rurales, que par les problèmes de permanence et de continuité des soins − qui, vous le savez bien, ne se posent pas seulement à l'hôpital de Saint-Affrique −, ou par la question de l'organisation des urgences : il n'est pas normal qu'une grande agglomération ne compte que trois points d'accueil, en incluant Purpan qui est submergé par l'explosion démographique à l'ouest.

Ainsi, on pourrait réfléchir à la façon de mieux assurer des permanences de soins en y associant la médecine libérale dans des maisons d'urgence, qui pratiqueraient un premier tri dans la deuxième ou troisième couronne à l'ouest de Toulouse. On pourrait également se pencher sur les tentatives de mise en place de réseaux. Si l'ONCOMIP − l'oncologie en Midi-Pyrénées −, qui est l'un des plus anciens réseaux, ne fonctionne pas bien, ce n'est pas seulement par manque de médecins qualifiés, mais aussi parce que la liaison ville-hôpital ne marche toujours pas.

Monsieur le ministre, il faudrait aller plus loin dans la définition de l'expérimentation et retenir les régions les plus représentatives par leurs équilibres et leurs déséquilibres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8402.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8403.

La parole est à M. Claude Évin, pour le soutenir.

M. Claude Évin. Je crains que cet amendement, qui concerne le conseil régional de santé, ne connaisse pas un meilleur sort que l'amendement précédent. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Même sort !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8403.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en arrivons à l'article 37 précédemment réservé.

Article 37
(précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, l'article 37 correspond à l'une des préoccupations dont nous avons fait part depuis le début de la matinée, celle d'assurer une meilleure coordination de l'ensemble des offres de soins.

L'objectif prioritaire aujourd'hui pour notre système de santé est de le sortir de son cloisonnement. Malheureusement, vos propositions ne sont pas à la hauteur de cet objectif. Cet article contribue, certes, à améliorer, encore que trop modestement, la coordination des soins puisqu'il prévoit une convention entre l'union régionale des caisses d'assurance maladie et l'agence régionale de l'hospitalisation. Pour autant, il laisse planer nombre d'incertitudes.

Ainsi, la convention détermine les orientations relatives à l'évolution de la répartition territoriale de l'offre de soins entre les professionnels libéraux et les établissements de santé « en tenant compte du schéma régional d'organisation sanitaire ». Qu'est-ce que cela signifie, lorsqu'on sait qu'aujourd'hui le SROS ne s'applique pas à la médecine ambulatoire ? Comment, dans ces conditions, le besoin territorial de santé sera-t-il pris en considération dans le cadre de cette convention ?

Bien d'autres sujets nécessiteraient à nos yeux une clarification, mais je redirai simplement combien cette convention, même si elle doit permettre à l'URCAM et à l'ARH de réaliser des actions communes, ne constitue qu'un petit pas en avant, un pas très insuffisant pour assurer, sous la responsabilité d'un pilote unique, une meilleure coordination des soins.

En effet, à défaut de pilote unique, les relations entre les diverses institutions risquent d'être source d'une très grande déperdition d'énergie. C'est un regret de plus que vos propositions nous conduisent à formuler.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L'article 37 a pour object de renforcer les liens entre l'agence régionale de l'hospitalisation et l'URCAM. Cette mesure répond à un vœu pieux martelé sans cesse par le Gouvernement : il faut améliorer le pilotage de l'assurance maladie.

Ainsi, l'article fixe un certain nombre d'actions qui devront être menées conjointement par l'ARH et l'URCAM, telles que l'élaboration d'une politique d'installation des professionnels de santé, afin de remédier aux disparités territoriales en matière d'offre de soins, ou encore l'organisation des permanences de soins.

Nous sommes bien entendu favorables à une plus grande coordination des soins car le cloisonnement entre les secteurs ambulatoire et hospitalier est très préjudiciable pour l'avenir de l'assurance maladie. De plus, l'hôpital joue trop souvent le rôle de soupape de sécurité, du fait du manque de spécialistes ou de l'absence de médecins généralistes conventionnés.

Cependant, la coordination, telle qu'elle est prévue par cet article, conduit à une concentration des pouvoirs. En effet, les directeurs des URCAM et des CPAM ont vu, avec les précédents articles, leurs prérogatives considérablement accrues, notamment au profit des conseils d'administration aujourd'hui disparus. La coordination entre l'ARH et l'URCAM correspond donc à la création d'un binôme doté de tous les pouvoirs.

Ainsi, derrière la réforme de la gouvernance, se confirme encore une fois, sous prétexte d'une amélioration du pilotage, l'étatisation de l'assurance maladie. En effet, les acteurs de cette coordination, qui ne seront autres que les directeurs de l'URCAM et de la CPAM, nommés en vertu de principes démocratiques plus ou moins douteux par le proconsul, auront une marge de manœuvre extrêmement réduite. Dénuée de tout contrôle exercé par les citoyens, cette coordination bafoue le principe de gestion de l'assurance maladie par les partenaires sociaux. Une fois encore, une personne nommée par un représentant de l'État sera le dépositaire des outils de coordination.

Ce fameux pilotage auquel vous tenez tant, monsieur le ministre, revêt toutes les formes de l'autoritarisme et paraît davantage motivé par le souci d'une plus grande maîtrise comptable que par celui d'une meilleure qualité des soins.

La coordination devrait plutôt avoir pour objectif d'améliorer tant l'accès aux soins des assurés sociaux que les conditions de travail des professionnels de santé. Au contraire, la décision est prise dans leur dos et il est donc extrêmement dommageable que nos diverses propositions n'aient pas été retenues.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L'article 37 s'insère dans la démarche de progrès continu évoqué précédemment. La réforme ne marque pas, en effet, un aboutissement mais constitue à la fois la mise en place et l'amélioration de dispositifs là où c'est nécessaire. Tel est bien le cas ici de la coordination entre la médecine de ville et l'hôpital.

Je tiens, pour ma part, à revenir sur les conditions laborieuses dans lesquelles l'hospitalisation à domicile se met en place dans notre pays.

Si elle se développe si lentement, c'est que la coordination entre la médecine de ville et l'hôpital se fait mal, car empreinte de nombreux soupçons. Les expériences d'hospitalisation à domicile que j'ai pu connaître, m'ont ainsi donné le sentiment d'une répartition déséquilibrée entre les deux secteurs, soit que les médecins libéraux aient le principal rôle dans le dispositif, soit que ce dernier obéisse de façon excessive à une conception proche de celle de l'hospitalisation publique.

Ces déséquilibres sont révélateurs d'une situation qui n'est pas satisfaisante. Le dispositif de l'article 37 doit permettre d'améliorer les choses.

Sur ce point comme sur d'autres, certains de nos collègues trouvent que nous allons trop loin, tandis que d'autres considèrent que nous n'allons pas assez loin. M. Léonce Deprez, lui, a fait la part des choses. Nous allons franchir une étape importante même si nous savons bien que ce ne sera pas un aboutissement et qu'il faudra aller au-delà. Tel est d'ailleurs le sens de plusieurs amendements que le groupe UMP soutiendra et qui visent à mettre en place des missions régionales de santé ainsi qu'une expérimentation d'agence régionale de santé dans les conditions prévues après cet article, dans un souci, là comme pour d'autres avancées du projet, de clarté, de responsabilité, de légitimité et d'efficacité du système.

La recherche d'une meilleure organisation régionale, d'une meilleure articulation, tout particulièrement entre URCAM et ARH, ne doit pas nous faire oublier que trop de gouvernance tue la gouvernance. S'il est indispensable d'expérimenter, de mettre en place ces missions régionales de santé et -pourquoi pas ? - ces agences régionales de santé, il faut également étudier et chercher à simplifier l'ensemble du dispositif pour qu'il garde toute son efficacité. À chaque fois que nous créons des structures nouvelles, il convient de regarder si d'autres ne doivent pas disparaître.

Nous soutenons bien volontiers les initiatives impulsées à cet article 37 car elles vont dans la bonne direction, même si nous savons que d'autres progrès devront être accomplis par la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. J'espère que la discussion de cet article 37 nous permettra d'obtenir du ministre des précisions sur la façon dont il conçoit les expérimentations.

J'exposais tout à l'heure le cas particulier de la région Midi-Pyrénées, en ce qui concerne la sous-médicalisation de certaines zones rurales et la permanence des soins. Le rapprochement ARH-URCAM vise à apporter des réponses à ces problèmes, même si nous estimons qu'il eût fallu un dispositif plus cohérent et plus ambitieux pour envisager l'ensemble des problèmes des zones rurales et des zones urbaines, de l'hôpital et de la médecine de ville.

Tout au moins pourrons-nous avancer, si les expérimentations sont suffisamment nombreuses et concluantes. Nous avons déjà la chance d'avoir à la tête de plusieurs organismes de la région Midi-Pyrénées des hommes d'expérience ; je pense à l'ARH, à la DRASS, à l'URCAM et au CHU, dont vous étiez, monsieur le ministre, il y a peu de temps encore le président du conseil d'administration.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai.

M. Gérard Bapt. Pour la médecine de ville, nous avons, notamment au travers des deux syndicats principaux de généralistes, des interlocuteurs tout à fait ouverts et attentifs aux nécessités nouvelles qu'imposent l'offre de soins et les besoins des populations.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. La nécessité d'une régionalisation de notre système de santé recueille un large consensus, comme le débat de ce matin en témoigne, même si nous divergeons encore sur les méthodes.

Nous sommes en effet tous conscients que l'approche centralisée de notre système de santé et de l'assurance maladie a montré ses limites dans de nombreux domaines. Nous avons du mal à nous y retrouver dans l'empilement des responsabilités et des institutions en charge de la santé de nos concitoyens, en particulier au niveau régional.

Qui connaît aujourd'hui les missions respectives de chacune des instances régionales - le préfet, la DRASS, la DDASS, l'ARH, le GRSP, les URCAM, la CRAM, la CPAM, sans oublier la MSA et les CMR, la direction régionale du service médical, les services médicaux des différentes caisses régionales, le conseil régional de santé ou les conférences régionales de santé, les observatoires régionaux de santé, les URLM ? - et je ne parle pas des régions qui se voient confier de nouvelles responsabilités ou des conseils généraux qui ont, dans le domaine de la santé et du médico-social, des responsabilités tout à fait importantes.

Nous avons du mal à évaluer l'action individuelle de chacune de ses institutions et, plus encore, l'impact global de celles-ci et de leurs interactions. Comment peut-on s'y retrouver dans les plans d'action des URCAM ? J'ai sous les yeux la liste des plans d'action de l'URCAM d'Alsace. Cela ne me donne pas pour autant une idée précise de leur utilité ou de leur impact.

Comment s'y retrouver dans les documents qu'on nous envoie dans le cadre des PRAPS, les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins ? Dans un département voisin du mien, le comité local organise un rallye portes ouvertes pour permettre aux intervenants des différents champs de se rencontrer. Ailleurs a été organisée une journée de réflexion sur l'insertion et les défis de la santé.

À lire ces documents, on se rend bien compte de la nécessité d'une clarification.

Par ailleurs - un amendement de M. Évin traitait de cet aspect des choses, mais il est tombé sous le coup de l'article 40 -...

M. Claude Évin. Dommage !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ...on demande de plus en plus aux services médicaux de l'assurance maladie d'assumer les contrôles de sécurité sanitaire alors qu'ils relèvent non pas de son ressort mais de celui de l'État.

M. Claude Évin. C'est la responsabilité du préfet.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Quelle est la répartition des rôles entre les CRAM et les URCAM ?

Tout cela est extrêmement confus. Notre système n'en peut plus de devoir obéir à ces pouvoirs morcelés qui ont du mal à s'approprier une logique globale, au service de la santé de nos concitoyens.

M. Claude Évin. Qu'attendons-nous pour changer tout cela ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. L'égalité d'accès à des soins de qualité qui nous préoccupe tous ici pâtit de cet enchevêtrement. C'est devenu un droit fictif pour les Français.

Parce que nous avons conscience aujourd'hui des limites d'un système jacobin qui ne génère pas d'égalité entre les Français pour des soins de qualité, nous devons impérativement explorer plus avant l'option régionale, plus proche de la population. Il faut donner à cet échelon régional une dynamique pour accompagner les transformations de fonctionnement de l'assurance maladie et du système de santé que cette réforme va induire.

Pour ma part, j'ai le sentiment que nous ne pouvons plus faire cohabiter autant de pouvoirs sans mieux les coordonner. Nous ne pouvons plus faire cohabiter deux modes de prise en charge des malades, l'hôpital d'un côté, l'ambulatoire de l'autre, sans les contraindre à coopérer au nom d'une meilleure prise en charge. Nous ne pouvons plus continuer à sanctuariser l'hôpital, qui reste l'une des vaches sacrées de notre République au nom du service public. Le moment est venu de nous engager sur le chemin du changement.

Pour autant, décider que, du jour au lendemain, toutes les régions vont s'approprier la dimension régionale de la santé me paraît illusoire. Il faut avancer progressivement ; sur ce point je suis d'accord avec M. Évin. Nous avons donc choisi, avec le rapporteur, la voie du pragmatisme, à travers la création des missions régionales de santé qui permettront de coordonner, et la voie de l'expérimentation dans plusieurs régions, qui permettra de trouver la formule la plus appropriée pour donner enfin sens à ce besoin de proximité dans la gestion de notre système de santé et de l'assurance maladie.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Permettez-moi de prendre quelques minutes sur cet article très important pour exposer notre manière de voir les choses et expliquer ce qui a conduit la commission spéciale à proposer la création des missions régionales de santé.

Mme Catherine Génisson. Il serait bien que l'amendement en question soit distribué.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement a été examiné en commission, vous le connaissez.

M. Claude Évin. Nous ne l'avons pas sous les yeux.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un problème technique qui peut se régler facilement.

Je suis, comme bon nombre d'entre vous dans cet hémicycle, profondément attaché à la régionalisation, car je suis convaincu qu'il s'agit d'une donnée capitale de l'avenir du système de santé et d'un levier formidable pour l'amélioration de sa qualité, au plus près des besoins de la population, pour mieux répondre aux attentes des malades.

Ainsi que je l'ai déjà dit et même écrit, il nous faut régionaliser, pour rompre les barrières, pour décloisonner, pour articuler les innombrables structures et acteurs de la santé. Les barrières, ce sont celles qui existent entre médecine de ville et hôpital, entre professionnels de santé libéraux et salariés ou fonctionnaires, entre santé publique, prévention, dépistage et curatif, entre médical et social. Mme Guinchard-Kunstler a, à juste titre, beaucoup insisté sur cet aspect.

L'ambition est grande, je ne suis pas le premier à le souligner. Notre tâche de législateur n'en est que plus exaltante.

De nombreux projets de loi touchant à cette question ont récemment été débattus au Parlement ; la plupart sont encore en navette. Outre le projet qui nous réunit actuellement, citons le projet de loi relatif à la politique de santé publique, le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, dont l'article 50 concerne l'hôpital, un hôpital qui n'est donc pas exclu de la réflexion législative et de la réflexion gouvernementale, le projet de loi pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, sans oublier le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Tous ces textes, auxquels on pourrait ajouter les rapports du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, de la mission d'information de l'Assemblée, conduite par le président Debré, et de la commission spéciale, mettent en évidence la nécessité d'une meilleure coordination.

Comment décloisonner, comment articuler ?

On peut d'abord agir en développant les protocoles de soins, qui partent du malade, en multipliant les réseaux, non seulement par pathologie mais aussi par zone géographique. Cette réponse est simple à formuler. Pour devenir réalité sur le terrain, elle doit être précisée sur le plan des structures et de l'organisation.

Il faudrait commencer par énumérer les nombreuses structures enchevêtrées qui interviennent, au niveau régional, dans les domaines qui nous concernent. Yves Bur l'ayant très bien fait, je n'insisterai pas. Je tiens simplement à saluer, à ce stade, l'avancée qu'a représentée la création des ARH en 1996 pour l'harmonisation du pilotage des hôpitaux de proximité, des hôpitaux généraux et des CHU.

Je rappelle aussi que la loi relative à la politique de santé publique, qui devrait être promulguée vers la fin de ce mois, va mettre en place les groupements régionaux de santé publique, sous l'autorité du préfet et du président du conseil régional.

M. Claude Évin. Quel patchwork !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela s'éclaircira notamment grâce à ces groupements régionaux de santé publique.

M. Claude Évin. Tu parles !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vont aussi être rétablies les conférences régionales de santé, au sein desquelles tous les opérateurs et acteurs de la santé publique, y compris les usagers, se retrouveront pour décliner la politique nationale et définir des programmes régionaux. Ces conférences régionales de santé devraient jouer un rôle clef pour une plus grande démocratie sanitaire. Elles représenteront une courroie de transmission entre le GRSP d'une part, et la structure URCAM-ARH d'autre part, donc entre la prévention et le soin.

Nous n'avons pas suffisamment insisté sur le rôle nouveau des conférences régionales de santé qui devront être structurées en collèges et fonctionner de façon efficace mais, je vous rassure, monsieur Gremetz, ce ne seront pas les grands-messes que nous avons connues ces dernières années dans certaines régions.

Pour enrichir cette concertation, la commission va d'ailleurs proposer d'améliorer la représentation des professionnels libéraux à l'échelon régional en créant, sur le modèle des URML pour les médecins, des unions régionales des professionnels de santé exerçant à titre libéral, idée à laquelle je sais M. Mallié très attaché.

Permettez-moi maintenant de citer le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie : « On s'accoutume [...] aux empilements institutionnels dont le meilleur exemple est la surcharge de l'échelon régional. [...] Dès lors, tout progrès dans la mise en œuvre d'une politique passe nécessairement par une coordination des différents acteurs appelés à intervenir. [...] Au mieux, c'est la lenteur et la perte d'efficacité ; au pire, c'est le conflit. » C'est ce que nous vivons dans toutes les régions.

A l'évidence, il faut donc avancer vers la régionalisation et nous vous proposerons une étape intermédiaire. Nous sommes très attachés à une évolution aboutissant à la création d'agences régionales de santé. La position de la commission n'est pas timorée. Elle est réaliste, consensuelle ; elle ne ferme aucune porte et elle est fondée sur le diagnostic du président Bur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En effet, monsieur Bur, monsieur Dubernard, il faut simplifier et clarifier.

Monsieur Bur, vous avez évoqué l'enchevêtrement des compétences et la faible lisibilité. En coordonnant, d'une part, les URCAM et les ARH, et, d'autre part, les politiques de prévention au sein des groupements régionaux de santé publique, nous rejoignons le pragmatisme que vous évoquez. Cela va dans le bon sens.

Monsieur Mariton, je vous rejoins quant à la nécessité de développer l'hospitalisation a domicile. Au niveau local, le rapprochement des ARH et des URCAM facilitera l'application de cette politique qui permettra un traitement en continu du malade. Cela dit, savez-vous quel est le rapport démographique de vieillissement ? Si l'on met en numérateur les personnes de plus de cinquante ans et en dénominateur celles de moins de vingt ans, on s'aperçoit qu'en 2050 le rapport sera de 4 ou 4,5 en Europe et de 3 ou 3,5 en France, ce qui est excessivement préoccupant. En effet, les maisons médicalisées sont très chères. Quant aux journées d'hospitalisation, elles seront impossibles à payer.

Il va donc falloir réfléchir à un travail intergénérationnel à partir de l'aide à domicile dont vous avez parlé et qui passe obligatoirement par une coordination entre la médecine de ville et la médecine hospitalière.

M. Jacques Myard. Nous sommes d'accord !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Madame Jacquaint, vous soutenez la logique de coordination de cet article et je m'en félicite. Je répète qu'il n'y a pas d'étatisation de l'assurance maladie. Nous en avons déjà longuement débattu.

S'agissant du contrôle des citoyens, l'amendement de la commission va dans le sens que vous souhaitez puisqu'il prévoit un avis de la conférence régionale de santé sur les orientations de la mission régionale de santé qui rassemblerait, pour l'exercice de leurs missions conjointes, l'ARH et l'URCAM.

Monsieur Évin, vous considérez que nous avançons dans la démarche de décloisonnement. Je m'en félicite.

En ce qui concerne la répartition territoriale, nous souhaitons justement que les politiques d'aides et d'orientation à l'installation des professionnels libéraux s'appuient sur le SROS et soient cohérentes avec lui, afin de disposer d'une stratégie globale de répartition de l'offre. Évidemment, nous préservons la liberté d'installation des professionnels libéraux, car nous y sommes attachés, mais les incitations doivent s'articuler avec ce qui existe en termes d'offre de soins hospitalière.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis d'abord saisi de douze amendements nos 5974 à 5985, visant à supprimer l'article 37.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour les soutenir.

M. Maxime Gremetz. L'article 37 vise à coordonner plusieurs actions des ARH et des URCAM. Nous avons déjà exposé les raisons qui nous poussent à refuser des mesures qui sonnent le glas de la démocratie sociale en accentuant le caractère pyramidal de l'organisation directionnelle.

M. Jacques Myard. C'est un expert qui parle !

M. le président. Monsieur Myard, je vous en prie !

M. Maxime Gremetz. Un peu de tolérance, monsieur le président !

M. le président. Vous souhaitez donc que M. Myard continue à vous interrompre ?

M. Maxime Gremetz. Il est privé de parole ; je comprends qu'il ait besoin de s'exprimer. (Sourires.)

Nous sommes sceptiques quant à la possibilité d'améliorer le pilotage de l'assurance maladie en confiant ce système à un exécutif fort. Il nous semble, en effet, que la solution passe par la prise en compte de la multiplicité des acteurs. Ainsi, nous proposons la création d'une structure démocratique visant à définir les besoins de santé et à répartir les crédits affectés à la région par la sécurité sociale. Cette structure serait composée, notamment, d'élus locaux, de syndicalistes, de mutualistes, de représentants des professionnels de santé et de la sécurité sociale. Elle permettrait de mettre en synergie les forces nécessaires pour répondre aux défis tels que la lutte contre les disparités territoriales en matière de soins, ou encore la lutte contre le cloisonnement des deux secteurs médicaux. En effet, tous ces acteurs ont un rôle central. Pourquoi se passer de leur concours ? Pourquoi briderait-on leur initiative ?

Nos propositions prennent donc totalement le contre-pied des dispositions prévues par l'article 37. Les ARH sont en effet des structures autoritaires. Je ne reviens pas sur l'exemple de l'hôpital d'Amiens-Nord, qui concerne 40 000 personnes. Il va être démantelé et transféré vers Amiens-Sud, zone pourtant déjà dotée d'une structure, pour mieux soigner les bourgeois de Paris. C'est l'ARH qui a pris cette décision et le conseil régional n'a même pas été consulté. Ce n'est pas très démocratique. En tout cas, cela ne correspond pas à ma conception des choses.

Pour remplacer la structure autoritaire de l'ARH, créée - il faut le rappeler - dans le cadre des ordonnances Juppé pour accélérer les restructurations dans une logique de restriction budgétaire, nous proposons une structure démocratique. Plutôt qu'un exécutif autoritaire, nous souhaitons une coordination large, reposant sur des responsabilités partagées. La lutte contre le cloisonnement des secteurs est un trop grave problème pour être le prétexte à une étatisation de l'assurance maladie. Nos propositions montrent, quant à elles, que coordination des soins et principes démocratiques sont intrinsèquement liés. Ce n'est pas seulement l'affaire de spécialistes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 5974 à 5985, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin sur les amendements nos 5974 à 5985.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 45

              Nombre de suffrages exprimés 42

              Majorité absolue 22

        Pour l'adoption 3

        Contre 39

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

L'amendement n° 15 est-il défendu ?

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Repoussé !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour défendre les douze amendements identiques, nos 5266 à 5277.

Mme Muguette Jacquaint. En rappelant le but de l'article 37, qui vise à coordonner davantage médecine hospitalière et médecine de ville, Maxime Gremetz a dénoncé le caractère particulièrement autoritaire du dispositif proposé, régi par un « super-directeur ». Nous proposons de le rendre plus démocratique.

À cet effet, les amendements n° 5266 à 5277 visent à supprimer le I de cet article, c'est-à-dire le paragraphe rédactionnel qui, en organisant l'inscription juridique, au chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, d'une section « Organisation des soins », déclinée en deux sous-sections, entérine une coordination qui tend en fait à la concentration des pouvoirs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5266 à 5277.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 5278 à 5289.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour les présenter.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements visent à supprimer le II de l'article 37, c'est-à-dire le paragraphe rédactionnel qui organise l'inscription juridique, au chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, d'une sous-section 1 intitulée « Réseaux », et qui appelle les mêmes remarques que celles que nous avons exposées précédemment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. la commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Repoussé !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5278 à 5289.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz pour soutenir les douze amendements identiques, nos 5290 à 5301.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements visent à supprimer le III de l'article, qui définit le cadre d'une organisation des soins en insistant sur les normes relatives à la coordination des soins. Cette dernière serait établie par une convention entre le directeur de l'URCAM et le directeur de l'ARH, prise après avis des établissements de santé et des représentants des professions libérales. Elle porterait sur la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux et sur le dispositif de permanence des soins.

En offrant ce pouvoir de décision sans contrôle social des usagers, des organisations syndicales ou des professionnels de santé dans leur ensemble, ce texte affine la stratégie de contrôle de l'offre de soins par l'UNCAM, son directeur et l'État. Par ailleurs, en évacuant les salariés et professionnels de santé hospitaliers de l'élaboration de ces conventions, alors qu'elles sont constituées avec le DARH, la démarche se coupe d'un pan essentiel de l'offre de soins des territoires et élimine par avance le principe d'une coordination optimale des soins.

À ce sujet, monsieur le ministre, j'aimerais connaître la position du Gouvernement - que M. Mattei, auquel vous avez succédé, ne m'a jamais communiquée - sur le projet de concentration des deux hôpitaux d'Amiens en un seul établissement. Les crédits nécessaires à cette réalisation ignorent complètement la situation de tous les autres hôpitaux de la région. À mon sens, ce n'est pas ainsi qu'on ira dans le sens d'une médecine de proximité, ni qu'on augmentera le nombre de lits.

M. Léonce Deprez. On se croirait à la séance de questions orales du mardi matin !

M. Maxime Gremetz. Je regrette que le Gouvernement ne nous ait jamais dévoilé sa position ni ses arguments. J'imagine que vous vous sentez pourtant concerné, monsieur le ministre, puisque vous nous avez dit que l'ARH est censée représenter l'État.

M. Léonce Deprez. Voilà une question de bon sens !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement est contre ces amendements.

Pour répondre à votre question sur les hôpitaux d'Amiens, monsieur Gremetz, je suis prêt à examiner le problème avec vous en compagnie des acteurs concernés et des élus locaux, c'est-à-dire M. de Robien et Mme le maire d'Amiens.

Mon avis est que, demain, nous aurons besoin d'hôpitaux de proximité pour dispenser des soins de suite, faire face au vieillissement de la population et organiser des consultations de spécialistes, notamment grâce à la télémédecine. Or la haute technicité ne pourra pas être mise en place dans tous les hôpitaux. Il faut donc prévoir, sur le territoire national, des pôles de haute technicité avec des plateaux techniques très coûteux et des spécialistes avancés. C'est pourquoi, pour éviter que de grandes agglomérations ne disposent que d'hôpitaux miroirs, il convient de mettre en place des pôles techniques, ce qui ne diminue en rien le rôle des réseaux hospitaliers incluant les autres hôpitaux régionaux.

M. Léonce Deprez. C'est un point de vue novateur !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Au demeurant, monsieur Gremetz, je reste à votre disposition pour examiner ce sujet plus précisément.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Loin de moi l'idée de mettre en cause les plateaux techniques d'excellence, mais encore faut-il savoir où ils vont être implantés !

On envisage de supprimer l'hôpital d'Amiens-Nord, où se trouve un service d'urgences et qui est installé dans un quartier de grands ensembles où vivent 40 000 habitants. Où ceux-ci iront-ils se soigner ensuite ? Nulle part ! Ils n'ont pas de moyens de transport ; or l'hôpital d'Amiens-Sud est situé à quinze kilomètres de là !

M. François Scellier. C'est-à-dire à sept minutes par la route !

M. Maxime Gremetz. Quand on connaît le retard de la région en matière de santé, on peut se demander si l'installation de ces pôles représente une réelle priorité.

Je ne remets pas en cause la nécessité des plateaux techniques, mais, quand on dispose de faibles moyens, on ne peut manifestement pas faire n'importe quoi, n'importe où et n'importe comment.

Je retiens par conséquent votre proposition d'examiner la question en présence des acteurs concernés.

M. Léonce Deprez. Très bon dialogue !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5290 à 5301.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J'appelle l'amendement n° 3914 rectifié de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Depuis le début de la matinée, nous avons eu l'occasion d'évoquer plusieurs fois cet amendement. Sans répéter les arguments que j'ai déjà eu l'occasion de développer, je rappelle qu'il permet de fixer un cap. Il vise en effet à formaliser la coopération entre l'ARH et l'URCAM en créant les missions régionales de santé, qui établiront le programme annuel des actions visant à la coordination des soins et à la liaison des différentes composantes du système de soins : le système ville-hôpital, auquel M. Évin est, comme moi-même, très attaché,...

M. Claude Évin. Je ne suis pas le seul !

M. Jean Le Garrec. En effet !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est vrai ! Je ne vous ai pas cité, monsieur Le Garrec, mais j'aurais dû le faire !

M. Jean Le Garrec. Merci !

M. Léonce Deprez. Oui, ce ne serait que justice !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. J'aurais dû vous citer aussi, monsieur Deprez !

Outre la coordination des soins entre ville et hôpital, les missions régionales de santé géreront le réseau et la répartition de l'offre de soins dans les zones à faible densité médicale.

Elles participeront également à la gestion du risque. Qui contesterait le rôle que doivent jouer dans ce domaine l'URCAM et l'ARH ? Nous avons fait le choix délibéré de faire diriger chaque mission en alternance, par périodes d'une année, par le directeur de l'ARH ou par le directeur de l'URCAM de façon à permettre progressivement ce décloisonnement auquel nous sommes si attachés et qui devrait favoriser la mise en place, à terme, des agences régionales de santé.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. En ce qui concerne l'articulation de ce dispositif avec les conférences régionales de santé, je vous indique que celles-ci vont retrouver leur rôle, déjà évoqué, d'articulation du préventif et du curatif. Le président de la commission l'a rappelé : elles regrouperont en leur sein les représentants des usagers, des professionnels de santé, quels qu'ils soient, et des élus locaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. En somme, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est l'inverse : nous simplifions le dispositif actuel !

M. Claude Évin. Mais non ! Vous le voyez bien : depuis le début de la matinée, vous ne cessez de dire qu'il aurait mieux valu mettre en avant les agences régionales de santé, mais que vous n'osez pas le faire. Alors, vous avancez à petits pas, et l'on peut tout juste espérer qu'elles seront mises en place en 2007.

Par ailleurs, afin d'éviter toute confusion, j'aimerais obtenir quelques précisions sur le champ d'action des missions régionales.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que celles-ci, constituées par l'ARH et l'URCAM, seront chargées de préparer ou d'exercer les compétences conjointes à ces deux institutions. Qu'entendez-vous par là ? Quelles seront ces « compétences conjointes » ? S'agira-t-il des compétences définies dans les quatre points du texte proposé pour l'article L. 162-47 du code de la sécurité sociale ou y en aura-t-il d'autres ?

Une des compétences de ces missions, mentionnée à l'article 37, est de déterminer les orientations relatives à l'évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux en tenant compte du schéma régional d'organisation sanitaire mentionné à l'article L. 6121-3 du code de la santé publique. Quelle sera l'articulation de ces missions avec le SROS ? Je vous rappelle que celui-ci ne concerne pas les professionnels libéraux. L'ordonnance du 4 septembre 2003 comporte une phrase qui dispose - je la cite de mémoire car elle ne figure pas encore dans le code de la santé publique - que le SROS doit tenir compte de l'offre de soins en ambulatoire. Or ce dernier n'a pas compétence pour apprécier cette offre de soins.

Par ailleurs, le SROS étant placé sous la responsabilité du directeur de l'agence, on peut se demander quelle sera la compétence de la mission régionale dans ce domaine.

Un autre élément nourrit mon scepticisme. En effet, la mission régionale sera dirigée alternativement, par périodes d'une année, par le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation et par celui de l'URCAM. Je doute qu'un dispositif aussi complexe soit gage d'efficacité.

Enfin, il est prévu que la conférence régionale de santé tiendra la mission informée de ses travaux. Si je ne craignais pas d'alourdir nos débats, je proposerais un sous-amendement, afin que la réciproque soit vraie, car il me paraît important que la mission tienne également la conférence régionale de santé informée de ses travaux ou de ses propositions.

Telles sont les appréciations que je souhaitais porter sur la mission régionale de santé. Vous tentez de pallier votre refus de créer rapidement les agences régionales de santé, mais votre proposition représente un pas modeste, insuffisant au regard de l'ambition que vous affichez, et qui n'est pas réelle, d'assurer une meilleure coordination de notre offre de soins.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je suis sincèrement convaincu, et je ne suis pas le seul, qu'il est trop tôt, compte tenu de l'enchevêtrement des compétences,...

M. Claude Évin. Vous en ajoutez d'autres !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...pour mettre en place d'emblée les agences régionales de santé. J'ajoute que le président Bur a déposé un amendement prévoyant une expérimentation.

M. Claude Évin. Ce n'est donc pas trop tôt !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il va de soi que si les expérimentations sont concluantes, elles pourront aboutir à une mise en place très rapide.

M. Léonce Deprez. C'est le bon sens !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. S'agissant de l'exemple que vous avez cité, monsieur Évin, il est vrai que le SROS est placé sous la responsabilité du directeur de l'ARH, mais, en tant que président ou vice-président de la mission régionale de santé, celui-ci aura à tenir compte, pour l'offre de soins libérale, de l'avis des unions régionales de médecins libéraux ou d'autres professionnels de santé, afin d'évaluer les besoins et de déterminer les zones où ils sont particulièrement aigus. Dans ce cadre, les maisons de santé, dont la création est prévue par l'amendement de Jean-Marie Le Guen que nous avons adopté à l'unanimité au début de l'examen de ce texte, seront sans doute nécessaires.

Pour répondre à la seconde partie de votre question, il me semble que si la direction de la mission est assurée alternativement par le directeur de l'URCAM et par celui de l'ARH, ceux-ci apprendront à travailler ensemble et nous éviterons ainsi les conflits qui ne manqueraient pas de naître soit dans le secteur libéral, soit dans le secteur public hospitalier, si elle était dirigée exclusivement par l'un ou l'autre de ces directeurs.

Mais je vous vois sourire, monsieur Évin.

M. Claude Évin. Vous aussi, vous souriez. Vous ne croyez même pas à ce que vous êtes en train de dire !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Au contraire, j'y crois beaucoup. Je vois mal comment, actuellement, le directeur de l'URCAM pourrait diriger les hôpitaux.

M. Claude Évin. C'est sûr !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le fait que les deux directeurs aient travaillé ensemble permettra d'aboutir très rapidement à la mise en place des mécanismes nécessaires à la création des agences régionales de santé. Je la souhaite autant que vous, et je suis probablement plus proche de la conception des agences régionales de santé qui inspirait vos amendements, rejetés au titre de l'article 40,...

M. Claude Evin. C'est bien dommage !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...que d'autres propositions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3914 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 7498 de M. Préel, 96 de M. Door, 7851 de M. Jean-Marie Le Guen, 7934 de Mme Gallez, 8029 de M. Censi et 8452 de M. Mallié tombent.

Nous en venons donc à deux amendements, nos 13 et 7852, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 13 de M. Hugon est-il défendu ?

Mme Maryvonne Briot. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il me semble que l'amendement de notre collègue de la majorité, qui a trait aux conditions de fonctionnement des maisons de santé en ce qui concerne la permanence et la continuité des soins, est digne d'intérêt et mériterait, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez pourquoi vous le refusez.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous avons eu l'occasion d'en parler en commission. De même qu'il n'était pas nécessaire de prévoir, comme le proposait M. Hugon dans son précédent amendement, que des consultations médicales seraient organisées dans les maisons de santé, il n'est pas utile de préciser que celles-ci interviendront dans la permanence des soins. Cela va de soi. C'est la convention qui déterminera le rôle exact de ces maisons qui, dans notre esprit, ont pour mission de regrouper les professionnels de santé, afin de lutter contre l'isolement qui les décourage de s'installer dans les zones désertifiées où ils sont éloignés de leurs confrères ou d'un hôpital. Encore une fois, les conditions de fonctionnement des maisons de santé seront définies par la convention.

M. le président. Puis-je considérer que vous avez défendu l'amendement n° 7852, monsieur Bapt ?

M. Gérard Bapt. Oui, monsieur le président.

M. le président. J'ai cru comprendre que le Gouvernement et la commission y étaient défavorables.

Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7852.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8192 est-il défendu ?

M. Richard Mallié. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, car le conseil de l'ordre n'a pas vocation à influer sur les orientations décidées par l'ARH et par l'URCAM. Ce n'est pas son rôle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable !

M. Richard Mallié. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 8192 est retiré.

J'appelle deux amendements, nos 3915 et 8193, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 3915.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement prévoit que l'avis du conseil régional de l'ordre sera requis, mais dans le domaine de l'organisation de la permanence des soins à laquelle les médecins ont l'obligation déontologique de participer et dont le Conseil de l'ordre est actuellement en charge.

M. le président. L'amendement n° 8193 n'est pas défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3915 ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. On peut concevoir que le conseil de l'ordre soit consulté à propos de la permanence des soins, mais les médecins ne sont pas les seuls concernés. Encore une fois, je ne veux pas alourdir les débats en déposant un sous-amendement, mais il me semblerait opportun que l'on prévoie également la consultation des établissements publics de santé dont les services d'urgence jouent un rôle important dans ce domaine. Du reste, c'est souvent parce que la permanence des soins ambulatoires n'a pas été assurée que de nombreux patients se retrouvent dans les services d'urgence hospitaliers.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'article 37 dispose que l'ARH et l'URCAM déterminent les orientations en matière d'organisation et de permanence des soins. Il paraît logique de demander l'avis du conseil de l'ordre.

M. Claude Évin. Et pas celui des établissements dotés de services d'urgence ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ils y participent à l'évidence !

M. Claude Évin. Non !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3915.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7970 n'est pas défendu.

L'amendement n° 14 est-il défendu ?

M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz pour défendre les douze amendements identiques, nos 5302 à 5313.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements tendent à supprimer le IV de l'article 37. Ainsi que nous l'avons dit, nous sommes contre le renforcement de la gestion autoritaire actuelle et pour une gestion démocratique dans le cadre d'une coopération réelle de tous les acteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements, car le paragraphe qu'ils tendent à supprimer permet précisément d'enrichir le schéma régional d'organisation sanitaire, auquel je vous sais très attaché, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Mais sa composition n'est pas satisfaisante !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5302 à 5313.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 37, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 37, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous demandons une brève suspension de séance, afin de nous consulter.

M. le président. Avec Mme Jacquaint ?

M. Maxime Gremetz. Avec tout le monde pour envisager la suite du débat. Ne la refusez pas, monsieur le président, cela nous fera gagner beaucoup de temps.

M. le président. C'est bien votre groupe que vous souhaitez consulter, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Bien sûr, monsieur le président. Je ne conclus pas d'accord, moi : je n'ai jamais décidé que le débat serait terminé le 15 juillet !

M. le président. Nous allons donc avoir une brève suspension de concertation et de consultation. (Sourires.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 37 qui avaient été précédemment réservés.

Après l'article 37
(amendements précédemment réservés)

M. le président. L'amendement n° 8190 n'est pas défendu.

La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour soutenir l'amendement n° 3916 rectifié.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Après l'adoption de l'article 37, relatif aux missions conjointes des ARH et des URCAM, cet article additionnel vise à permettre une expérimentation des agences régionales de santé dans certaines régions.

Parce que je partage avec M. le rapporteur la volonté de progresser de façon pragmatique sur la voie de la régionalisation, parce que je sais que la coopération entre les différentes structures - ARH, URCAM, CRAM et autres services de l'Etat - se heurte encore à des réticences, parce que je crois aux vertus de l'expérimentation, telle que la permet à présent notre Constitution, avant de généraliser des modes de fonctionnement innovants, je souhaite que nous inscrivions dans le cadre de cette réforme destinée à assurer un meilleur fonctionnement de notre système de santé et d'assurance maladie, notre volonté d'explorer la voie de la régionalisation.

Deux ou trois régions pourraient être choisies par l'Etat parmi les régions volontaires pour conduire cette expérimentation des agences régionales de santé. Je souhaite que le cadre de cette expérimentation soit suffisamment souple pour permettre la mise à l'étude de différentes options : aussi bien des ARS de type étatique, telles que les défend le groupe socialiste, M. Évin en particulier,...

M. Gérard Bapt. Ce n'est pas ce que nous défendons !

M. Claude Évin. Arrêtez de caricaturer !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ...que des ARS dont le directeur serait nommé par l'UNCAM, dont nous venons de décider la mise en place.

Nous pouvons également réfléchir aux moyens de mieux associer le pouvoir régional et les collectivités locales au fonctionnement de ces nouvelles structures. Un large champ d'expérimentation s'ouvre à nous, qui devrait nous permettre de concevoir une meilleure coordination des missions assurées jusqu'à présent par une multitude de structures.

Sur la base de ces expérimentations, et du bilan des missions régionales, il nous sera plus facile de concrétiser la régionalisation, idée à laquelle nous sommes tous attachés, mais dont nous avons des conceptions très diverses. L'Etat devra naturellement être associé à ces expérimentations, ce qui permettra peut-être de voir une autre culture se faire jour au sein de ses services dont l'évolution devrait finir par s'imposer.

Pour en avoir parlé avec le président du conseil régional, je peux d'ores et déjà vous assurer que l'Alsace sera candidate à l'expérimentation le moment venu.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que des signaux clairs soient donnés en faveur de ce dispositif pour que, au-delà des missions régionales de santé, nous soyons en mesure de concrétiser rapidement la régionalisation du pilotage de notre système de santé.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement émettra un avis favorable à cet amendement. Nous pensons qu'il est possible d'envisager cette expérimentation dans deux à quatre régions parmi celles qui seront volontaires.

Cette expérimentation devrait se traduire par un rapprochement entre ARH et URCAM, au-delà même de ce que le Gouvernement avait initialement prévu. Il conviendra de tester différentes formules d'organisation afin de déterminer la plus satisfaisante, et de définir la relation la plus pertinente entre commission exécutive de l'ARH et conseil de l'URCAM.

Toutefois le Gouvernement est assez réservé en ce qui concerne la possibilité d'intégrer la politique de santé publique à ces expérimentations, tant que les GRSP ne seront pas mis en place.

Ces précisions ayant été apportées, le Gouvernement est favorable à cet article additionnel (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Il semble que les propositions du groupe socialiste aient permis de progresser vers une gestion plus cohérente et homogène au niveau régional.

Vous nous proposez la mise en place d'expérimentations, ce qui s'inscrit dans l'esprit de nos propositions, puisque nous avions prévu d'installer les agences régionales de santé à l'échéance du 1er juillet 2006, et de mettre à profit le délai nous séparant de cette date pour réfléchir aux modalités pratiques de leur mise en œuvre.

Cependant, si cet article additionnel témoigne aujourd'hui d'une intention, il est loin de constituer une feuille de route, un certain nombre de points restant à préciser.

C'est le cas, pour commencer, de la candidature des régions. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le président de la commission spéciale, que le président du conseil régional alsacien vous avait indiqué que sa région était sur les rangs. Fort bien, mais il conviendrait tout de même de définir à qui revient l'initiative de poser la candidature d'une région.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Naturellement !

M. Claude Évin. En effet, s'il s'agit de favoriser un rapprochement des différentes administrations de l'Etat et des caisses d'assurance maladie - les GRSP n'étant toutefois pas concernés pour le moment -, le conseil régional ne semble pas être particulièrement compétent pour présenter une candidature d'expérimentation au nom de l'ensemble des institutions concernées.

En ce qui concerne le champ des expérimentations des agences régionales de santé, vous avez affirmé qu'elles pourront se faire tantôt dans le cadre d'une déconcentration, tantôt sous la responsabilité d'un directeur nommé par l'UNCAM. Si l'on souhaite véritablement la réussite de telles expérimentations, on ne peut pas se contenter de proclamer : « Que mille fleurs s'épanouissent ! », dans l'attente d'un éventuel résultat. Un cadre est nécessaire, en vue de guider la mise en place des expérimentations.

Les huit amendements que nous avons évoqués et qui sont tombés sous le couperet de l'article 40 en proposaient un. Nous les tenons à la disposition du Gouvernement, si celui-ci souhaite bénéficier d'un cadre visant à délimiter le champ de compétences des agences régionales de santé et leur mode d'organisation. Nous pouvons vous faire des propositions concrètes, monsieur le ministre, nous vous le rappelons. En tout état de cause, on ne peut se lancer dans une telle expérimentation sans avoir préalablement défini le cadre dans lequel elle s'inscrira et dont la représentation nationale, le moment venu, devra être tenue informée.

Enfin, par-delà le cadre méthodologique que j'ai évoqué, un cadre juridique s'avère nécessaire. Prétendre que l'on peut conduire des expérimentations à partir du seul article additionnel introduit après l'article 37 me semble léger. Vous buterez sur la question de la responsabilité juridique. Qui assumera celle des décisions prises, notamment en matière de financement des établissements de santé ou de négociation des conventions d'objectifs et de moyens entre les agences régionales de l'hospitalisation et les établissements de santé ? Je suis loin d'être exhaustif. Des règles juridiques devront être définies. L'article 37, tel qu'il a été voté aujourd'hui et cet article additionnel ne suffiront pas pour instaurer les conditions de véritables expérimentations.

De plus, vous envisagez, monsieur le président de la commission spéciale, leur mise en place une année après l'entrée en vigueur de la présente loi et au regard de l'expérimentation des missions régionales dont nous avons débattu et qui a été adoptée : il s'agit d'un projet dont le calendrier, notamment, méritera d'être corrigé. Nous sommes favorables à des expérimentations si elles permettent de faire un pas en direction de la création des agences régionales de santé, mais il convient d'être attentif à la façon dont elles seront conduites. Il ne faudrait pas que leur impréparation conduise à l'échec d'un objectif dont nous avons cru comprendre, au regard des propositions que nous avons présentées ce matin, qu'il était également le vôtre, monsieur le président de la commission spéciale.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un satisfecit !

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Cet amendement est extrêmement important, chacun le reconnaîtra.

A cet égard je partage l'analyse de notre collègue Claude Évin. Il importe en effet de définir assez rapidement, en liaison avec la représentation nationale, le cadre dans lequel s'inscriront ces initiatives, car lui seul permettra d'asseoir leurs conditions financières et de délimiter leur champ d'action. En 2000, Claude Évin avait conduit une mission sur la mise en place des ARS, dont les conclusions s'étaient avérées très intéressantes. L'un de mes regrets est que nous n'ayons pas pu ou pas su aller plus loin.

Des actions sont déjà conduites dans ce domaine. Ainsi la région Nord-Pas-de-Calais a mis en place une politique de prévention en liaison avec l'État, prenant comme support le contrat de plan. Je ne sais si un tel support est toujours pertinent - il s'agit d'un autre problème ! - mais, en tout état de cause, il constitue une base de départ.

Les questions des maisons de santé et de l'offre de soins se posent dans les mêmes termes. L'amendement de la commission est d'ailleurs en retrait par rapport à ce qu'il serait souhaitable d'entreprendre. L'argument de M. le président de la commission spéciale, selon lequel il conviendrait de craindre l'enchevêtrement des compétences, ne me paraît pas recevable, puisque l'ARS permettrait précisément de dénouer un tel enchevêtrement.

Il importe au contraire de répondre à la préoccupation de M. Évin relative au cadre méthodologique, au support juridique et au système de financement des expérimentations des agences régionales de santé. On ne peut en effet laisser croire que de telles expérimentations pourraient être conduites sous la seule impulsion des régions, sans que des réponses aient été apportées à toutes ces questions.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mon sentiment, monsieur le ministre, est qu'il vous appartiendra d'opérer les choix nécessaires et de conduire les concertations non seulement avec le conseil régional mais également avec l'ensemble des acteurs régionaux concernés. La décision vous incombera en dernier ressort et elle devra s'imposer aux fonctionnaires tout en s'entourant de toutes les garanties quant à la coopération des organismes régionaux concernés.

Vous nous avez demandé pourquoi nous n'avions pas mis en place nous-mêmes les agences régionales de santé, puisque nous présentons de nombreux amendements en ce sens.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui.

M. Gérard Bapt. M. Le Garrec vient de rappeler que M. Évin avait conduit une mission relative à la régionalisation en matière de santé. De plus, je vous rappelle que, en tant que rapporteur du budget de la santé, j'avais découvert que, dans le PLFSS pour 2002, un chapitre budgétaire était consacré aux ARS. Cette ligne budgétaire a disparu du premier budget présenté par M. Jean-François Mattei. La décision de créer les ARS était donc prise et les moyens nécessaires à cet effet étaient prévus.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Je considère que le débat de ce matin et la proposition du président de la commission spéciale Yves Bur permettent d'avancer dans le sens d'un dialogue constructif. Les prises de position de M. le rapporteur et de M. le ministre prouvent leur bonne foi dans l'écoute des propositions qui sont présentées en vue d'aboutir à une meilleure coopération dans le cadre des agences régionales de santé.

L'expérimentation qui a été souhaitée par Pierre Méhaignerie, je tiens à le rappeler, trouve là un champ d'action excellent.

M. Édouard Landrain. Absolument !

M. Léonce Deprez. Ainsi que M. Le Garrec l'a rappelé, la région Nord-Pas-de-Calais a déjà expérimenté une telle coopération. Les contrats de plan permettent à l'État et à la région de s'engager véritablement. Leur expérience devrait constituer le cadre permanent entourant l'expérimentation prévue par le projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3916 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7971 de M. Le Fur n'est pas défendu.

Nous en venons aux amendements portant articles additionnels avant l'article 39.

Avant l'article 39

M. le président. Nous commençons par douze amendements identiques, nos 1804 à 1815.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint pour les défendre.

Mme Muguette Jacquaint. Ces amendements visent à exonérer les établissements publics de santé du paiement de la taxe sur les salaires.

Depuis très longtemps nous présentons des propositions identiques, relatives à la taxe sur les salaires versés aux personnels des hôpitaux publics. Cette année, cette proposition revêt une importance toute particulière, compte tenu de la tragédie qui a eu lieu l'an dernier, en raison de la canicule, et de la pression accrue que subissent dans de telles circonstances tous les acteurs de la communauté hospitalière.

Je tiens également à mentionner les nombreuses mobilisations contre le plan Hôpital 2007 et en faveur d'un véritable politique visant à garantir le service public hospitalier.

Chacun s'entend à reconnaître les difficultés vécues par les hôpitaux. Vous les avez trop rapidement attribuées aux 35 heures, monsieur le ministre, alors qu'elles ont surtout pour origine un manque cruel d'effectifs - personne ne pourra le contester -, lequel n'est pas lié à cette mesure.

M. Richard Mallié. Mais si !

Mme Muguette Jacquaint. Il est donc impératif de procéder au recrutement des emplois qualifiés indispensables aux établissements publics de santé. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens.

Comme nous l'avions déjà souligné lors de la mise en place des 35 heures, la suppression de la taxe sur les salaires permettrait de dégager les marges de manœuvre nécessaires à de tels recrutements. De plus, ces taxes sont prélevées sur la dotation attribuée à chaque hôpital, laquelle provient des cotisations sociales. Il est quelque peu paradoxal qu'un prélèvement public vienne ponctionner le produit d'un autre prélèvement public. C'est en vue de résoudre un tel paradoxe et afin de dégager les marges de manœuvre nécessaires au bon fonctionnement des hôpitaux, que nous avons déposé ces amendements.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que le vieillissement de la population nécessitera le maintien des hôpitaux de proximité. C'est heureux ! Le personnel hospitalier a engagé un nombre suffisant d'actions pour garantir leur existence. Or leur maintien impliquera le personnel nécessaire.

Quant à la nature du gage, elle résulte de notre volonté d'enrayer la diminution des prélèvements sur le capital, laquelle entraîne le report sur le travail d'une part de plus en plus grande des prélèvements.

Nous nourrissons donc l'espoir que la perspective d'un meilleur fonctionnement des hôpitaux concoure à l'adoption de notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable. (Murmures.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, sur ces amendements identiques, le groupe communiste et républicain demande un scrutin public.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 1804 à 1815, je suis donc saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Madame Jacquaint, je tiens à préciser la raison pour laquelle j'ai été si laconique dans ma réponse.

Les amendements nos 1612 à 1623, portant articles additionnels après l'article 25, présentés par votre groupe, avaient exactement le même objet que ceux que vous venez de soutenir. La réponse que j'ai faite à l'instant est donc identique à celle qui figure au compte rendu de la troisième séance du 12 juillet.

M. Maxime Gremetz. Il est bien de se répéter.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Telle est la raison qui m'a conduit à me montrer si bref.

Quant à me répéter, j'en suis capable. Je peux parler de la Picardie ou de la Baie de Somme ! (Sourires.)

Mme Muguette Jacquaint. M. le rapporteur ne saurait m'accuser de laconisme !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Certes non ! C'est de moi que je parlais !

Mme Muguette Jacquaint. Nous avons déjà eu l'occasion d'aborder le problème du financement, et nous y reviendrons encore. Pour le reste, vous aurez sans doute répondu à ma question avant que je l'aie posée. (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je ne me serais jamais permis de dire que vous étiez laconique, ma chère collègue. Bien au contraire, vous nous avez lu un très bon argumentaire, comme c'est souvent le cas chez les députés communistes, ce que je respecte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les amendements déposés par nos collègues du groupe communiste et républicain posent une vraie question, celle des charges qui pèsent aujourd'hui sur l'hôpital.

Lorsque l'on parle des rapports entre l'État et l'assurance maladie, on oublie en effet souvent de prendre en compte ce type de taxes, dont l'impact est pourtant très important. Comme on le sait, l'hôpital représente grosso modo 50 % des dépenses d'assurance maladie et les salaires comptent pour 77 % de ce volume. Ce sont donc plusieurs milliards d'euros qui sont en jeu.

Dans ces conditions, où faire porter l'effort ? Faut-il commencer par s'assurer que l'ensemble des ressources qui doivent aller à l'assurance maladie y vont réellement, ou doit-on s'employer d'abord à diminuer des charges que l'on peut juger illégitimes ? Pour notre part, nous avons davantage fait porter notre réflexion sur la première solution. Sans méconnaître l'intérêt des amendements de nos collègues, nous souhaitons insister plus particulièrement sur la nécessité d'affecter à l'assurance maladie les ressources que l'État accapare à son détriment.

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas incompatible avec nos propositions !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 1804 à 1815.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements identiques nos 1804 à 1815 :

              Nombre de votants 41

              Nombre de suffrages exprimés 41

              Majorité absolue 21

        Pour l'adoption 6

        Contre 35

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

    2

RÉSOLUTION ADOPTÉE EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'informe l'Assemblée que, en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur l'avant-projet du budget général de la commission européenne pour l'exercice 2005, adoptée par la commission des finances, est considérée comme définitive.

    3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot