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Deuxième séance du lundi 19 juillet 2004

37e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée aux amendements identiques nos 1900 à 1911 portant article additionnel avant l'article 39.

Avant l'article 39

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir les amendements nos 1900 à 1911.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, ce matin, quelques rares collègues de l'UMP ont manifesté des velléités de braver l'interdit qui leur est fait de s'exprimer. Ce fut notamment le cas de Léonce Desprez, que l'on entend pourtant plus, habituellement, sur des questions relatives aux casinos qu'en matière d'assurance maladie. J'éprouve d'ailleurs beaucoup de compassion pour nos collègues ainsi privés de leur liberté de parole,...

M. Richard Mallié. N'en rajoutez pas !

M. Jean-Pierre Brard. ...même si la présence de M. Accoyer annonce certainement une levée de l'interdit.

M. Bernard Accoyer. Nous sommes quinze fois plus nombreux que vous, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Sans doute, mais je me demande à quoi cela sert, puisque vous n'avez pas le droit de vous exprimer !

J'ai pu noter, monsieur le ministre, votre affection pour Voltaire. Vous avez bien raison : c'est une belle figure. Étant donc en mesure de faire l'exégèse de son œuvre, vous admettrez avec moi que sa phrase : « À la Cour, mon fils, l'art le plus nécessaire n'est pas de bien parler, mais de savoir se taire » peut fort bien s'appliquer aux députés de l'UMP. Nos collègues seraient-ils des courtisans ? Ils semblent en tout cas ne pouvoir s'imaginer un avenir qu'en montrant leur aptitude à se taire plutôt qu'à participer au débat !

Revenons à ce projet de loi. Le Gouvernement l'a dit d'emblée : la qualité de la réforme réside dans le partage de l'effort en matière de financement. Mais cette déclaration, très vite atténuée par les partenaires sociaux, par le ministère de l'économie et des finances et, enfin, par la CNAM, révèle ce qu'est votre conception du partage. Je ne pense pas vous surprendre en affirmant que la nôtre est différente.

Dix milliards d'économies sur l'offre de soins et cinq milliards de recettes nouvelles : tel est le dosage retenu par le Gouvernement pour son plan destiné à rétablir l'équilibre des comptes de l'assurance maladie à l'horizon 2007. Mais nous l'avons vu en examinant les vingt-neuf premiers articles du projet de loi : ces économies reposent, pour une bonne part, sur une modification du comportement des assurés sociaux et des professions de santé - par définition difficile à mesurer - , mais aussi sur la réduction des niveaux de remboursement comme du périmètre remboursable. Les économies portent sur différents postes de dépenses dont les principaux sont la maîtrise médicalisée pour 3,5 milliards, les médicaments et les produits de santé pour 2,3 milliards, le renforcement du contrôle des arrêts maladie pour 800 millions, le forfait d'un euro pour environ 700 millions. Les 3,5 milliards d'économies attendues de la maîtrise médicalisée reposent à la fois sur la mise en œuvre du dossier médical partagé, censé rapporter un peu moins d'un milliard en 2007 - mais pour quel coût de mise en place ? - et, à hauteur de 500 à 700 millions d'euros, sur le respect des protocoles de soins et des référentiels de bonnes pratiques - tel l'usage de l'ordonnancier bizone - pour les patients atteints d'une affection de longue durée.

En plus d'être aléatoire, cette économie prévue de dix milliards repose - pour une part comprise entre un quart et un tiers - sur les assurés sociaux. Autant dire que ces derniers devront en supporter le poids, à l'instar des Français représentés par certaines gravures datant d'avant la Révolution. Les entreprises, elles, ne sont mises à contribution que pour un milliard. À peine un milliard sur quatorze au total ! Telle est votre sens du partage ! (Protestations sur certains bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous, que certains d'entre vous ont pu appeler les « partageux », avons en ce domaine une conception plus équitable. Et nous voulons précisément rendre plus équitable le financement de l'assurance maladie, notamment en mettant davantage à contribution les lieux de formation de richesses ou - pour utiliser une formule qui vous fait froid dans le dos - ceux où la plus-value est produite. Sans être, fondamentalement, une contribution des revenus financiers, la contribution sociale sur les bénéfices, que nous avons mise en œuvre sous le précédent gouvernement, constitue l'amorce d'une telle politique.

M. le président. Monsieur Brard...

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je me dirige vers le terme de mon intervention.

M. le président. Vous pourriez reprendre votre argumentation plus tard.

M. Jean-Pierre Brard. Cela n'aurait plus de sens... Je vais conclure et cela m'évitera d'intervenir à nouveau, du moins sur un amendement identique.

Nous proposons donc de porter la CSB de 3,3 à 5 %. Une augmentation de 1,7 %, ce n'est pas la ruine annoncée pour les patrons, mais un juste retour des choses, une petite contribution de 750 millions, soit l'équivalent des restrictions dans la prise en charge des affections de longue durée ou du forfait d'un euro que vous avez institué. Nos choix se fondent sur la justice sociale, tandis que vous cherchez à protéger les privilégiés. Ce modeste amendement n'est qu'une tentative de rééquilibrage.

M. le président. La parole est M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Porter de 3,3 à 5 % le taux de la CSB, cela représenterait pratiquement une hausse de 50 %, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Un peu plus, même.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Précisément. Or nous devons songer à l'économie nationale, aux emplois qui sont en jeu. C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté les amendements.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Augmenter la CSB, cela revient en fait à augmenter l'impôt sur les sociétés. Nous aurions ainsi le taux d'impôt sur les sociétés le plus élevé de l'Union européenne - nous sommes déjà, dans ce domaine, au-dessus de la moyenne, comme tout le monde le sait. Cela entraînerait un risque de délocalisation.

Par ailleurs, nous préférons intervenir sur la contribution sociale de solidarité plutôt que sur la contribution sociale sur les bénéfices. En effet, la C3S étant calculée sur le chiffre d'affaires, elle constitue une recette beaucoup plus stable. Or l'assurance maladie a besoin de cette stabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le rapporteur et le ministre agitent un épouvantail à moineaux, celui de la compétitivité de nos entreprises et de la menace de délocalisation.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rien de moins !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous recommande, monsieur le ministre, de lire l'article publié, à la fin de la semaine dernière, par Mario Monti dans Le Monde.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je l'ai lu.

M. Jean-Pierre Brard. Il vous enjoint, grosso modo, à ne plus vous autoflageller en ce qui concerne la situation économique de la France. Vous savez bien, monsieur le ministre, que vos propos relèvent de la pure propagande. Il suffit de mesurer l'attractivité du territoire national en matière d'investissements : nous sommes la deuxième destination au monde, après la Chine et à égalité avec la Grande-Bretagne. Vous êtes donc dans l'idéologie, ce qui, à droite, n'est jamais loin de l'affabulation ou du carnaval,...

M. Alain Cousin. C'est un expert qui parle !

M. Jean-Pierre Brard. ...au sens où il s'agit de dissimuler la réalité.

Quant à dire que l'impôt sur les sociétés est supérieur chez nous à la moyenne européenne, cela relève du magasin de farces et attrapes dans la mesure où un patron digne de ce nom regarde toutes les charges qu'il a à assumer et pas seulement l'impôt sur les sociétés.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. M. Gremetz vous a-t-il donné l'autorisation de vous exprimer ?

M. Jean-Pierre Brard. Moi, je n'ai besoin de l'autorisation de personne, monsieur Dubernard. Je suis un homme libre, je ne suis pas comme vous un homme aligné.

Je souhaite, mes chers collègues, que les ministres nous entendent, sortent du discours idéologique (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et aient le souci du partage et de l'égalité.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Le groupe socialiste n'a pas proposé d'amendements comparables, mais je rappelle que c'est nous qui avons créé la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés.

Les amendements du groupe communiste...

M. Jean-Pierre Brard. Et républicain !

M. Gérard Bapt. ...et républicain...

M. Bernard Accoyer. Néanmoins républicain !

M. Michel Piron. Idéologiquement républicain !

M. Gérard Bapt. ...ont le mérite de souligner le déséquilibre entre les prélèvements sur les entreprises et les prélèvements sur les usagers puisque, sur les 4 milliards environ de recettes supplémentaires que vous attendez, près des trois quarts proviendront des usagers.

À cet égard, monsieur le ministre, votre réponse est contradictoire. Selon vous, la proposition communiste et républicaine aboutirait à pénaliser l'économie, mais, si l'on suit votre raisonnement, la C3S pénalise elle aussi peu ou prou l'économie, à ceci près qu'il me semble plus juste d'asseoir le prélèvement sur les bénéfices que sur le chiffre d'affaires. Voilà pourquoi nous soutenons ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1900 à 1911.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1792 à 1803.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ces amendements tendent à faire bénéficier les locaux appartenant à des établissements publics de santé de la baisse de TVA portant sur les travaux d'amélioration, de transformation et d'entretien.

Nous connaissons tous les difficultés des hôpitaux publics, vous aussi, monsieur le ministre, puisque vous êtes souvent sur le terrain. Vous êtes d'ailleurs venu à Montreuil pour vous rendre compte vous-même de la réalité. Nous avons eu le sentiment que vous connaissiez le sujet...

M. Jean Glavany. Il faut se méfier de ses sentiments ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai ! Vous êtes un grand expert en la matière !

...mais on juge les hommes et les femmes politiques à ce qu'ils font et non à ce qu'ils disent ni aux sentiments qu'ils manifestent à un moment donné.

M. Richard Mallié. C'est pour vous que vous parlez ?

M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai pour tout le monde, y compris pour votre serviteur, monsieur Mallié.

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Brard.

M. Michel Piron. M. Brard est œcuménique !

M. Jean-Pierre Brard. Moi, je crois aux vertus du dialogue. M. Mallié s'exprime spontanément et profite de l'absence de M. Accoyer pour braver l'interdit.

M. le président. Poursuivez, monsieur Brard. Vous ne faites pas la police au sein du groupe UMP.

M. Jean-Pierre Brard. Non, je m'en remets à votre sagesse, monsieur le président !

Ces amendements proposent d'alléger les coûts de réalisation des équipements publics et des investissements qui sont indispensables dans ce secteur. Il est en effet temps de mettre en adéquation les paroles sur les priorités de la santé avec les actes puisque, depuis des années, l'État ne participe plus pour l'essentiel aux investissements hospitaliers. Le drame de la canicule mais aussi les appels incessants des professionnels ont pointé du doigt l'impasse dans laquelle nous a menés le choix de restreindre l'effort public en matière de santé. Le dévouement du personnel hospitaliser permettait jusqu'à présent de masquer les limites de cette politique qui va à l'aveugle et à laquelle nous avons tous souscrit inconsciemment ou non à un moment donné.

Adopter ces amendements serait aller au-delà du plan de modernisation engagé par le ministre de la santé, un moyen rapide et un signe fort destinés à montrer que nous souhaitons faire en sorte que notre système de santé demeure performant et solidaire. Les députés du groupe auquel je suis apparenté sont persuadés qu'un tel choix non seulement est partagé par tous les acteurs de la santé mais serait apprécié par la majorité de nos concitoyens. J'ajoute que l'application du taux réduit aurait pour effet d'améliorer l'efficacité des ressources de l'hôpital public qui proviennent des pouvoirs publics et de la sécurité sociale.

L'année dernière, il nous avait été rétorqué que l'adoption d'une telle disposition n'était pas envisageable dans la mesure où les travaux dans les hôpitaux proprement dits ne sont pas cités dans l'annexe H de la directive communautaire. Le rapporteur de la loi de finances avait alors souligné que cette dernière autorisait la réduction du taux de TVA pour les seuls locaux d'habitation. Toutefois, il avait cru bon d'ajouter que les unités d'hébergement annexes des hôpitaux sont éligibles au taux réduit dont bénéficient les hôpitaux psychiatriques et les maisons de retraite dès lors que l'hébergement constitue leur activité principale, mais pas les locaux hospitaliers stricto sensu. En disant cela, M. le rapporteur mettait en lumière le caractère tout à fait injustifié d'une distinction proprement incongrue entre maisons de retraite et hôpitaux, hôpitaux psychiatriques et autres hôpitaux.

Nous croyons que nos amendements, à l'heure où vous prétendez œuvrer à la baisse de la TVA en matière de restauration, seraient de nature à améliorer la situation des hôpitaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Brard, vous me permettrez de dire simplement que la commission a rejeté ces amendements. Ils sont en effet exactement identiques aux amendements n°s 1600 à 1611 que nous avons examinés le 12 juillet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1792 à 1803.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1864 à 1875.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur, le fait que vous n'ayez pas formulé alors de réponse pertinente ne vous dispensait pas d'en élaborer une autre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Elle avait été jugée pertinente.

M. Jean-Pierre Brard. Par vous-même !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Par la majorité !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas un critère !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. En démocratie, c'est la majorité qui compte !

M. Jean-Pierre Brard. La majorité, on sait ce que vous en faites dès lors qu'il s'agit des organisations syndicales par exemple. C'est d'ailleurs pour cela que vous ne voulez pas d'élections !

Chacun doit reconnaître, et nous n'avons de cesse de le répéter, que notre protection sociale souffre plus d'une insuffisance de recettes que d'un excès de dépenses, et ce pour plusieurs raisons.

Il y a d'abord ce raisonnement économique selon lequel les exonérations de charges patronales seraient favorables à l'emploi, mais nous nous sommes largement exprimés sur le sujet et nous aurons encore à le faire à l'article 39.

Il y a par ailleurs un désengagement des entreprises du financement de la protection sociale au titre de la solidarité, qui ne fait que se réduire comme peau de chagrin. Dans le même temps, les salariés, les chômeurs, les retraités ou encore les précaires ne cessent d'être mis à contribution. Votre projet en est l'exemple. Ainsi, la participation des ménages a été multipliée par 2,5 en vingt ans. Comme le souligne la Cour des comptes, le rapport entre l'entreprise et sa contribution au financement de la sécurité sociale s'est constamment dégradé et un désengagement est clairement constaté au profit de l'impôt.

Notre protection sociale a besoin d'un financement nouveau, sûr et cohérent, reposant sur les fondements mêmes de sa création. Nous proposons donc d'élargir l'assiette des contributions aux revenus financiers des entreprises. Si les revenus financiers des particuliers sont bien mis à contribution, ceux des entreprises restent tabous. Cela doit cesser, surtout quand on observe les richesses qui se brûlent les ailes selon les aléas de la Bourse. Qui en fait encore les frais ? Ce sont les salariés qu'on licencie, les chômeurs et les précaires, auxquels on n'offre aucun espoir de travail correctement rémunéré et stable, et les assurés sociaux, auxquels on demande toujours plus d'efforts. Nous voulons inverser la tendance et mettre chacun devant ses responsabilités. Le prélèvement que nous proposons ne frapperait pas toutes les entreprises mais seulement celles qui préfèrent les placements financiers aux investissements productifs.

Ces amendements sont donc à double détente. Ils rapporteraient beaucoup d'argent à la sécurité sociale, près de 20 milliards d'euros, tout en soutenant l'investissement et l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Après trois semaines de discussion, le groupe communiste et républicain propose d'augmenter les cotisations et les prélèvements sur les entreprises et sur les ménages. Nous aurions pu aller plus loin dans le débat, monsieur Brard, si vous aviez été un peu plus précis. Vous voulez créer une cotisation additionnelle mais, à aucun moment, vous n'en donnez le taux. Il faudrait voir ça de plus près.

La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre a été trop bref ; vous avez été un peu plus disert, monsieur le rapporteur. Puisque vous semblez faire une ouverture et que vous ne niez pas l'intérêt de nos amendements...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'intérêt théorique !

M. Jean-Pierre Brard. Intérêt et principal, disait La Fontaine. Il faut préserver le principal pour garantir l'intérêt, vous êtes d'accord avec moi ?

M. Michel Piron. C'est une défense du capitalisme, finalement !

M. Jean-Pierre Brard. C'est une défense de l'investissement productif, qu'il faut préserver afin qu'il continue de produire. Ce n'est donc pas une défense du capitalisme, d'autant plus qu'au temps de notre bon Jean de La Fontaine, le capitalisme n'était encore qu'une perspective lointaine.

Finalement, le seul reproche que vous nous faites, monsieur le rapporteur, c'est de ne pas avoir proposé un taux. Qu'à cela ne tienne ! Si votre conviction affichée est sincère, que ne sous-amendez-vous point nos amendements ? (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1864 à 1875.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7690.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le défendre.

Mme Martine Billard. La CSG a rapporté 60 milliards d'euros en 2000, nettement plus que l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Or le présent projet tend à alourdir encore ce prélèvement, en élargissant l'assiette sur les salaires et en augmentant le taux des retraités. Cette extension coûtera plus de 5 milliards aux assurés sociaux. Si l'on ajoute la contribution d'un euro, en attendant qu'elle augmente, et la hausse du forfait hospitalier, cela fait 5 milliards de plus à la charge des assurés. La charge des assurés et des malades sera donc au total de près de 11 milliards, alors que les entreprises participeront, elles, pour 800 millions d'euros, et que la hausse de la CSG sur les revenus financiers rapportera 630 millions d'euros. Ces chiffres suffisent à démontrer le déséquilibre entre les uns et les autres, d'autant que les 5 milliards que vous obtenez par la hausse de la CSG correspondent exactement au montant de la baisse de l'impôt sur le revenu depuis 2000.

Vous baissez l'impôt sur le revenu, qui est un impôt progressif, qu'il faut certes réformer sur certains aspects, et vous augmentez les charges indirectes, sans parler évidemment de la TVA, qui frappe l'ensemble des ménages quel que soit le niveau de leurs revenus. Un tel déséquilibre, de plus en plus patent, aggrave les injustices.

Parallèlement, les exonérations de cotisations sociales pour les entreprises se multiplient. Le ministre d'État nous a expliqué récemment qu'elles devaient aussi s'appliquer aux heures supplémentaires. À terme, les recettes vont donc baisser, et on viendra encore nous dire que, compte tenu de la situation, il faut augmenter les prélèvements sur les assurés et sur les malades.

Alors que les revenus financiers des entreprises ont atteint 90 milliards d'euros, on ne leur demandera qu'un effort de 800 millions d'euros pour l'assurance maladie. C'est microscopique !

C'est pour ces raisons que j'ai déposé cet amendement qui vise à créer une contribution sociale sur la valeur ajoutée. L'assiette prise en considération est l'excédent brut d'exploitation, avant amortissement des survaleurs. Le taux sera modulé en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, de façon à faire davantage contribuer les entreprises dont la part des salaires dans la valeur ajoutée est plus faible que la moyenne de celle des entreprises de la même branche d'activité. Ce taux sera fixé par décret, après consultation du conseil d'orientation des retraites.

Notre objectif est de rééquilibrer un tout petit peu la participation des entreprises au financement de l'assurance maladie. Il n'est pas normal qu'elles s'en retirent peu à peu alors qu'elles ont besoin de salariés performants, donc en bonne santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Nous avons eu, madame Billard, un long débat au sein de la mission d'information, présidée par le président de l'Assemblée nationale.

L'élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée, que vous suggérez, ajouterait aux charges des entreprises, au détriment de la compétitivité de notre économie.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Jean-Pierre Brard. C'est du bidon !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mais si puisque les prélèvements augmenteraient !

Se pose en outre la question du transfert massif des charges entre structures. Là encore, quel taux suggéreriez-vous ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis opposé à cet amendement. D'abord, parce qu'il augmente la taxation du capital, ce qui entraîne une diminution de l'investissement, et n'est pas bon pour l'emploi. Mais surtout parce que l'assiette de l'excédent brut d'exploitation serait ainsi réduite par rapport à l'assiette actuelle, ce qui rendrait cette affaire plus instable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Dubernard envie une spécialité, l'urologie. Il devrait y ajouter l'ophtalmologie. Il a presque réussi à me faire croire que, dans nos amendements précédents, nous n'avions pas proposé de taux ! Mais s'il avait tourné la page il aurait vu que ce taux était fixé à 10,36 %. L'amendement de Mme Billard va dans le même sens. On a beau nous répéter, comme un 78 tours rayé, que cela va aggraver les charges des entreprises, nous ne sommes toujours par convaincus ; d'ailleurs la réalité le dément.

Comment expliquez-vous que la France soit la deuxième destination mondiale pour les investissements, si elle est dotée de cette fiscalité que volontiers vous proclamez confiscatoire ? En réalité, votre objectif est idéologique et vous ne savez pas comment le justifier. Donc vous affabulez sciemment. Et vous savez comment on nomme l'affabulation dès lors qu'elle est consciente !

Vous n'êtes pas en mesure d'expliquer cette contradiction entre des prélèvements qui seraient trop lourds et le fait que le grand capital international, certainement un peu masochiste, investisse en France.

Votre argumentation ne tient pas la route, et l'amendement de Mme Billard est tout à fait excellent et mérite d'être voté.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ce sont toujours les mêmes réponses, toujours les mêmes recettes ! Regardez la situation du chômage dans notre pays ! Si les exonérations de charges étaient efficaces pour la productivité, nous devrions connaître une situation de croissance et de création d'emplois. Or c'est tout le contraire ! Les 179 milliards de richesses produites par les salariés ne sont pas investis dans la production mais placés en bourse. Et les revenus boursiers ne participent en rien à la solidarité nationale !

Pourquoi, alors que les profits des entreprises ne cessent d'augmenter, le pouvoir d'achat continue-t-il de baisser ?

Faut-il vous rappeler que la part des salaires dans le PIB a diminué depuis 1982 de 11 % au profit des revenus du capital. Donc il ne devrait plus y avoir de chômage. Nous devrions vivre dans un pays formidable ! Or 8 millions de personnes, dont 2 millions d'enfants, vivent sous le seuil de pauvreté. C'est cela un pays riche ?

Que ce soit pour la solidarité nationale, les salaires ou le pouvoir d'achat, vous faites le choix de servir toujours les mêmes au détriment de la masse des salariés et des couches moyennes.

Au moment de la création de la sécurité sociale, le système était fondé sur les richesses produites par l'entreprise, avec des cotisations, patronales comme salariales, à 14,6 %. Aujourd'hui le taux de participation des entreprises est tombé à 4,5 %, alors qu'il reste toujours à 14,6 % pour les salariés.

Si l'on n'accordait pas 20 milliards d'euros d'exonérations patronales cette année - sans compter les 2,5 milliards supplémentaires prévus dans le prochain budget -, si l'on n'exonérait pas les multinationales, les grands groupes industriels qui licencient, qui délocalisent, comme Whirpool, Foressia, Magneti-Marelli, Flodor, si l'on taxait les revenus au même niveau, si l'on en revenait aux grands principes de la sécurité sociale, il n'y aurait pas de déficit, loin de là !

Le choix qui est fait n'est pas d'élargir l'assiette des cotisations sur la base de la taxe à la valeur ajoutée. Nous avons eu ce problème hier, nous l'avons aujourd'hui. Nous ne le résoudrons pas mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des amendements que nous avons déposés sur la modulation des cotisations.

Parce que cet amendement est important, je demande un scrutin public.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 7690, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 7690.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 7690 :

              Nombre de votants 61

              Nombre de suffrages exprimés 61

              Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 11

        Contre 50

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 7691.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Si la politique du Gouvernement depuis deux ans avait eu pour résultat de créer davantage d'emplois, on pourrait écouter les arguments de la majorité. Mais les exonérations de cotisations salariales n'ont jamais eu cet effet !

M. Michel Piron. Et c'est vous qui dites cela !

Mme Martine Billard. Exonérer Mc Donald's de cotisations salariales ne change grand-chose au fait que ce groupe ouvre ou non ses restaurants sur le territoire national.

Pour être crédibles, les propositions d'exonération de cotisations ne doivent pas conduire à remettre en cause l'emploi.

Le ministre d'État nous propose de supprimer le surpaiement des heures supplémentaires et de les exonérer de cotisations. Pour une entreprise qui emploie neuf personnes, compte tenu d'un contingent d'heures supplémentaires de quatre heures par semaine, cela représente trente-six heures. C'est donc l'équivalent de la création d'un emploi qui sera ainsi économisé grâce aux heures supplémentaires des salariés en poste. Outre la suppression du surpaiement, l'entreprise sera exonérée de cotisations sur ces trente-six heures.

Il reviendra moins cher, en fin de compte, de faire faire des heures supplémentaires aux salariés en poste que d'embaucher des salariés supplémentaires. Non seulement les mesures de M. Sarkozy ne créeront pas d'emplois, mais elles provoqueront une augmentation du chômage.

Lorsque nous proposons de taxer un peu plus les entreprises, l'argument au nom duquel vous refusez est que ce serait un frein à l'emploi. Mais cette mesure créerait au moins des recettes pour l'assurance maladie, alors que la vôtre n'aura pas d'autre effet que d'abaisser les coûts pour les entreprises.

L'amendement n° 7691 propose d'étendre aux entreprises une contribution sociale sur les produits de placements, à laquelle seules sont actuellement assujetties les personnes physiques, tout en prévoyant des mesures d'exonération pour l'épargne populaire.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 7691.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. La commission a rejeté cet amendement, qui ferait passer le prélèvement sur l'épargne de 7,5 % à 22,3 % au minimum. Le risque de délocalisation massive de l'épargne serait réel. Il est normal que ces revenus contribuent au financement de l'assurance maladie, et le projet de loi les met déjà à contribution en augmentant de deux points le taux de la CSG sur l'épargne, qui passe de 7,5 % à 9 %. Il faut garder raison.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. Michel Piron. Voilà un propos modéré et raisonnable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Selon vous, monsieur Bur, une plus forte taxation de l'épargne comporte un risque de délocalisation de l'épargne. Mais la peur n'a jamais évité le danger ! Jusqu'à présent, cher collègue, je ne vous percevais pas comme un homme craintif ou frileux !

Je vais faire appel à des références qui ne vous sont pas complètement étrangères : votre argumentation vous situe dans la vieille tradition du Second Empire - elle-même, d'ailleurs, dans la ligne de la fameuse formule de Guizot : « Enrichissez-vous ! » (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Lisez ce que Marx et Engels ont écrit sur cette période de l'histoire de France : à la différence de l'Allemagne, où l'on a toujours favorisé le capital industriel qui a permis, sous Bismarck, un développement remarquable de l'industrie allemande - on est loin, il est vrai, de Lourdes et de Toulouse monsieur Douste-Blazy ! -,...

M. Michel Piron. Et de Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. ...dans notre pays, les rentiers se contentaient de tendre des coupons. Votre logique est ringarde : c'est celle du Second Empire, celle du xixe siècle ! Vous êtes un peu en retard sur votre temps ! George Soros, lui, a certainement lu Marx et Engels ! Vous n'êtes pas dans le monde réel d'aujourd'hui et vous protégez des intérêts qui ne sont pas ceux de la nation.

L'amendement de Mme Billard est excellent, et je comprends que M. Douste-Blazy et M. Bertrand n'aient rien à dire au nom du Gouvernement : ils connaissent la réalité et savent bien qu'ils ne peuvent pas altérer leur crédit en disant des choses contraires à celles-ci.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7691.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7692.

La parole est à Mme Martine Billard pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Dans un souci de justice sociale, l'amendement n° 7692 propose d'effectuer des prélèvements destinés à l'assurance maladie sur les stock options, car on ne voit pas pourquoi ces dernières seraient exemptes des prélèvements auxquels sont soumis les salaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7692.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre les douze amendements identiques, nos 1852 à 1863, présentés par le groupe communiste.

M. Jean-Pierre Brard. Communiste et républicain, monsieur le président !

M. le président. En effet, monsieur Brard. Groupe auquel vous êtes apparenté d'ailleurs !

M. Jean-Pierre Brard. Ne me transformez pas en unijambiste !

M. Hervé Mariton. La précision s'imposait !

M. le président. Monsieur Mariton, n'allongez pas les débats !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Mariton, vous n'êtes pas habitué au pluralisme et à la diversité des opinions. Vous êtes plutôt de ceux qui ne veulent voir qu'une tête et qui coupent tout ce qui dépasse.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est comme au parti communiste !

M. Hervé Mariton. L'amendement que vous avez défendu tout à l'heure, monsieur Brard, portait d'ailleurs le numéro 1792, et non 1793 !

M. Jean-Pierre Brard. En effet, après 1792, la Révolution s'est radicalisée.

M. Hervé Mariton. Le n° 1793, c'était celui de Maxime Gremetz ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je suis certain que ce symbole n'est pas pour déplaire à Maxime Gremetz, qui assume tout à fait 1793.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Brard. Dans le même esprit que les amendements précédents, les amendements nos 1852 à 1863 visent à apporter des ressources nouvelles, plus justes et plus équitables, au financement de notre système de sécurité sociale. Pour les raisons que nous venons de développer, ils proposent de créer une contribution sociale assise sur les produits financiers des entreprises.

Monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, je souhaiterais entendre, si vous deviez rejeter ces amendements, des arguments que vous n'avez pas formulés jusqu'à présent. En effet, il est inconvenant et même indécent, alors que les produits financiers des particuliers sont mis à contribution, que ceux des entreprises ne le soient pas !

La recherche de taux de rentabilité toujours plus élevés conduit les grands groupes à procéder à des licenciements massifs. Rappelez-vous - ce n'est pas si vieux ! - les 7 500 licenciements opérés chez ce bon Père François de Clermont-Ferrand, qui ont permis à son successeur d'augmenter son salaire de 145 % l'année dernière ! Ces groupes précipitent des familles dans la misère et des régions entières dans le déclin économique, et cela dans l'impunité totale que vous leur garantissez !

Cette situation est tellement insupportable que certains économistes libéraux eux-mêmes s'aventurent à propose la taxation des licenciements, comme Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, qui n'est pourtant pas un gauchiste avéré ! Il ne s'agit pas de punir les entreprises, mais de réformer le financement de la sécurité sociale pour en préserver l'essentiel, que vous êtes précisément en train d'ébranler jusque dans son tréfonds : un système fondé sur la solidarité.

Il s'agit, en outre, de mener une politique économique favorable à l'emploi.

Le prélèvement que nous proposons ne frapperait que celles des entreprises qui préfèrent les placements financiers aux investissements productifs : c'est ce que nous appelons la modulation.

Le mécanisme est, là encore, à double détente, et rapporterait beaucoup d'argent à la sécurité sociale - près de 20 milliards d'euros -, tout en soutenant l'investissement et l'emploi, ce qui élimine le problème de l'équilibre.

Nos propositions montrent qu'un autre financement est possible et que toutes les voies n'ont pas été explorées, comme vous avez tenté de le faire croire. Comme pour le financement des retraites, des possibilités existent, et il n'y a aucune fatalité. Il s'agit d'un choix politique : soit on trouve les financements et on répond aux besoins sociaux, soit on laisse filer le déficit et on rogne les droits. Ne pas agir revient, monsieur le ministre, à choisir la deuxième option.

Cet après-midi, nous avons reçu un renfort de poids : M. François Bayrou et M. Hervé Morin sont arrivés, et j'imagine qu'ils ne sont pas ici, comme à l'UMP, pour faire de la figuration, mais pour participer au débat.

M. Richard Mallié. Vous-même n'étiez pas là, monsieur Brard !

M. Hervé Morin. Nous avons déjà participé, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Pas suffisamment ! Monsieur Morin, vous n'avez pas encore donné ce dont vous êtes capable ! (Rires.) Vos capacités intellectuelles sont bien supérieures à ce que vous avez affiché au cours de ce débat.

M. Michel Piron. Il faut rajouter du cirage : la brosse est sèche !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n'êtes pas venus pour rien, et nous allons écouter avec attention ce que vous allez dire, que ce soit, comme d'habitude, pour vous rallier au Gouvernement ou, comme nous le faisons, pour défendre nos compatriotes.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le mieux est de prendre des exemples, car c'est la réalité même. Je suis certain qu'on pourrait trouver des exemples comparables à Toulouse, monsieur le ministre, ou dans l'Aisne, monsieur le secrétaire d'État !

M. Jean-Pierre Brard. Ou en Picardie !

M. Maxime Gremetz. Bien sûr, et en particulier dans la Somme !

Ainsi, l'entreprise Whirlpool a délocalisé en Slovaquie une chaîne de fabrication de lave-linge parce qu'une rentabilité financière de 12 % ne suffisait pas aux actionnaires, quand ils pouvaient obtenir 16 % en Slovaquie. Résultat : 380 emplois en moins !

M. Jean-Michel Fourgous. Il n'y a qu'à demander à la Slovaquie de passer aux trente-cinq heures !

M. Maxime Gremetz. Whirlpool s'est engagée à installer d'autres équipements et un bureau d'études, et les autorités ont laissé faire l'opération, pensant qu'elle contribuerait à réindustrialiser Amiens, qui était alors en train de perdre, avec Honeywell et Magneti-Marelli, 1 200 emplois en deux mois, avec tous les drames humains que cela suppose.

J'ai examiné de très près la situation de Whirlpool, qui a été exonérée de cotisations patronales...

M. Jean-Michel Fourgous. Ce n'est pas bien !

M. Maxime Gremetz. Non, ce n'est pas bien, mais c'est très courant ! Du moins pour les grosses entreprises : on poursuit les petits dès qu'ils ont le moindre retard de paiement, mais les gros s'arrangent toujours.

Comme si Whirlpool n'avait pas assez de profits, la région, le département, la commune et la communauté de communes ont apporté à ce gros trust international près de 5 millions d'euros d'argent public pour qu'il vive mieux et embauche. Malgré cela, la chaîne a été délocalisée sans aucun retour, et l'entreprise annonce aujourd'hui, alors même que les profits n'ont pas cessé d'augmenter, un nouveau plan de suppression, qui porte sur 120 emplois, en prétendant qu'elle ne peut pas tenir les engagements pris.

On a beau exonérer et apporter des fonds publics, l'entreprise se comporte comme en terrain conquis et se prépare à délocaliser l'autre chaîne : ça fera 450 salariés de plus au chômage, avec toutes les conséquences que cela suppose pour la société.

M. Jean-Michel Fourgous. Il faut passer aux trente-deux heures !

M. Maxime Gremetz. Quels ont été les résultats de ces exonérations de cotisations patronales et de ces aides publiques sans contrepartie en termes d'emplois ? Rien ! Et Whirlpool n'est pas le seul cas !

Le groupe vit très bien, mais ses profits considérables sont consacrés à la spéculation financière et pas un centime ne va à la solidarité nationale. Aucune taxe ! Et pendant ce temps, les petites entreprises paient et sont en difficulté.

Pour obtenir un développement réel et créer de nouvelles entreprises qui innovent, il faut faire l'inverse.

M. le président. Monsieur Gremetz, veuillez conclure, je vous prie.

M. Maxime Gremetz. Il faut supprimer l'exonération des cotisations patronales. Il faut faire payer à ces grands groupes les 2,5 milliards de dettes qu'ils ont auprès de la sécurité sociale. Il faut augmenter le taux d'imposition de ces entreprises pour aider celles qui veulent investir en créant de l'emploi et en assurant de la formation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements, pour les raisons que j'ai déjà exposées à plusieurs reprises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Gremetz, monsieur Brard, la seule solution pour créer de l'emploi, c'est de ne pas augmenter l'impôt sur les sociétés.

Mme Martine Billard. Si c'est la seule solution, c'est mal parti !

M. Jean Glavany. Pas étonnant que le chômage augmente !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est en tout cas une des solutions. Alors que la moyenne européenne du taux de l'impôt sur les sociétés est de 30 %, nous en sommes à 33 1/3, à quoi s'ajoute une contribution additionnelle de 1,1 %. Nous nous situons aujourd'hui à 36,43 %. C'est trop important. Il ne faut pas charger encore la barque.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement rejette ces amendements.

M. Maxime Gremetz. Elle est drôlement déchargée, la barque !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Au moins vous nous répondez, monsieur le ministre, mais votre réponse n'est pas crédible. Car on ne peut réduire les charges pesant sur les entreprises au seul impôt sur les sociétés : dans d'autres pays, s'y ajoutent la taxe foncière ou la taxe sur le capital. Il faut tenir compte de toutes les charges pour arriver à des comparaisons pertinentes.

Comme vous êtes un peu autiste, je le répète : la France est la deuxième destination mondiale pour les investissements.

Monsieur le ministre, vous êtes obsédé par la réduction des charges des entreprises, mais cette politique, que vous connaissez bien puisque vous y avez largement participé, a-t-elle débouché sur une baisse du chômage ? Bien sûr que non ! Vous vous tapez la tête contre le mur et, au lieu de vous rendre compte que ça fait mal, vous continuez jusqu'à temps d'arriver à percer le mur, croyant que votre tête est assez dure pour atteindre cet objectif irréel et hors de portée pour vous.

M. Michel Piron. C'est du Alfred Jarry, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je vois que, par ses gestes, M. Morin vous encourage à continuer, monsieur le ministre, car il veut vous éliminer du champ politique. Ce n'est vraiment pas bien ! (Rires.)

Monsieur le ministre, Il faut être beaucoup plus ouvert à la réalité économique, cessez donc de vivre dans la croyance.

M. Hervé Mariton. Et vous, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Au fond de votre croyance, il y a l'adoration du veau d'or ! C'est ce qui vous conduit à des positions tout à fait immorales pour ceux qui ont besoin de la solidarité nationale, laquelle se traduit, pour le sujet qui nous occupe depuis des semaines, par l'égalité dans le droit d'accès aux soins. C'est ce que vous remettez en cause, par des arguments qui sont des arguties parce qu'ils ne s'avèrent pas fondés sur le réel.

M. Michel Piron. Pataphysique et prêchi-prêcha !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, nous demandons un scrutin public.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 1852 à 1863, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 1852 à 1863.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements nos 1852 à 1863 :

              Nombre de votants 74

              Nombre de suffrages exprimés 74

              Majorité absolue 38

        Pour l'adoption 5

        Contre 69

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 6759 à 6773.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, puisque vous déplorez que, soumise aux aléas économiques, la contribution sur les bénéfices manque de stabilité, vous accepterez certainement nos amendements.

Ils proposent qu'une partie du financement de l'assurance maladie soit assurée par une cotisation des entreprises en fonction de leur excédent brut d'exploitation. Le recours à cette assiette permettrait de taxer directement le montant du profit brut de l'entreprise. Cette assiette correspond à la taxation des profits d'exploitation non investis par les entreprises dans la sphère réelle et qui alimentent ainsi leur épargne financière.

De ce fait, plus le rapport entre masse salariale et chiffre d'affaires sera élevé, moins l'entreprise sera taxée, et cette disposition sera donc favorable à celles qui auront augmenté les salaires ou créé des emplois.

Cette contribution évoluerait au même rythme que le produit intérieur brut, c'est-à-dire comme la somme des valeurs ajoutées, alors que l'assiette salaire tend à diminuer à raison de la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Elle aurait un effet bénéfique sur l'emploi en conduisant à une baisse du coût relatif du travail puisqu'elle s'accompagnerait d'une diminution, voire d'une disparition, des cotisations reposant directement sur la masse salariale. Elle favoriserait notamment les entreprises intensives en main d'œuvre et « désinciterait » la substitution du capital au travail.

Enfin, cette réforme contribuerait à transférer le financement de l'assurance maladie des entreprises riches en main d'oeuvre vers les entreprises fortement capitalistiques.

Facteurs de pérennité, de stabilité et d'encouragement à l'emploi, nos amendements méritent toute votre attention.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Bapt, il y a eu, en 1997, un rapport Chadelat qui suggérait une réforme de l'assiette des cotisations sociales, que le gouvernement de Lionel Jospin s'est bien gardé d'appliquer.

J'ai déjà répondu à Mme Billard que l'augmentation de ce type de taxe aboutissait à la diminution, à terme, de l'investissement. Cela n'est pas bon non plus pour l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je ferai deux remarques, monsieur le ministre.

Le gouvernement Jospin n'a pas directement taxé la valeur ajoutée, mais la contribution sur les bénéfices des sociétés qu'il a instituée était déjà une avancée dans cette voie.

S'agissant du rapport Chadelat, je veux bien que vous considériez que le gouvernement Jospin eût dû le suivre. Mais il y en a eu un autre du même auteur que, contrairement à ce que vous dites, vous êtes bien en train de suivre, puisque vous revoyez le partage entre l'assurance maladie de base et les complémentaires.

Il y a donc Chadelat et Chadelat.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il y a beaucoup de rapports, et vous choisissez ceux que vous voulez. Moi, je ne choisis pas, parce qu'il faut s'en tenir à des données incontestables et incontestées pour engager le débat sur les effets de la réduction du temps de travail ou du coût du travail.

On entend dire qu'en France, la durée et le coût du travail tuent la compétitivité. Eh bien, qu'en est-il exactement ?

Première donnée incontestable : Le coût du travail horaire en euros, charges comprises. Il s'établit à 27,41 euros en Suède et à 26,25 euros en Allemagne, mais à 25,10 euros seulement chez nous, comme au Royaume-Uni. Comment expliquer alors que les Britanniques créent des emplois et que nous, nous en perdions ?

Deuxième donnée, également incontestable : Le taux de chômage des jeunes. Il est de 21,3 % en France, contre 18,2 % en moyenne dans l'Union européenne, 17,3 % en Suède, 11,8 % au Royaume-Uni, 11,1 % en Allemagne, les Quinze faisant 16 %. Comment expliquer que le taux de chômage des jeunes soit si élevé chez nous ?

Pour ce qui est du temps de travail, la France arrive en quatrième position, après la Pologne, l'Espagne, l'Italie, mais nous sommes au même niveau que la moyenne de l'Union européenne des vingt-cinq et nous devançons la Suède - 36,5 heures -, le Royaume-Uni - 37,4 - et l'Allemagne - 35,9.

Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, selon votre logique, nous devrions être dans une meilleure situation que tous ces pays-là. C'est clair. La combinaison de vos trois politiques, votre politique d'exonération de cotisations patronales, votre politique de baisse du coût unitaire du travail - au nom de l'argument complètement simpliste, utilisé partout, selon lequel il faut baisser le coût du travail pour créer de l'emploi - et votre politique de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, puisque vous ne faites pas de distinction entre les petites, les moyennes et les grandes, tout cela devrait nous donner un résultat extraordinaire aussi pour la croissance que pour l'emploi et pour la compétitivité. Or ce n'est pas du tout ce que l'on constate.

La vérité est que c'est un choix qui a été fait. Par exemple, s'agissant des exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires, Valeo, Dunlop et Whirlpool bénéficient exactement des mêmes exonérations que les petites et moyennes entreprises. Comme vous le savez, le seuil qui était de 1,3 fois le SMIC, est passé à 1,8 fois le SMIC.

M. Hervé Morin. C'était sous Martine Aubry, rappelons-le !

M. Maxime Gremetz. Eh bien, à Whirlpool, des salariés sont payés tout juste au SMIC et l'entreprise bénéficie des exonérations sur les bas salaires. Voilà la réalité.

Croyez-moi, les recettes que vous proposez aujourd'hui ont été utilisées de tout temps et elles n'ont jamais réussi. Essayez au moins de réfléchir à de nouvelles mesures, à de nouvelles propositions, par exemple celles que nous vous avons faites.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6759 à 6773.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 6729 à 6743.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt. Ces amendements traduisent en termes techniques notre proposition de base concernant le financement de l'assurance maladie. Il s'agit en effet de prévoir que la totalité des droits sur le tabac sera affectée, à terme, au financement de l'assurance maladie.

M. Bernard Accoyer. Mais vous les avez détournés pour les 35 heures !

M. Gérard Bapt. À l'époque, monsieur Accoyer, l'assurance maladie était en quasi-équilibre.

M. Bernard Accoyer. Non, ce n'est pas vrai, c'est un mensonge ! Elle n'a jamais été en équilibre !

M. Gérard Bapt. Vous, vous avez laissé filer le déficit, pour en venir aujourd'hui à proposer des recettes qui, pour près des trois quarts, sont prélevées sur les assurés !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui ! Cela vous gêne, monsieur Accoyer, qu'on vous rappelle ce que vous disiez il y a quelques années !

M. Gérard Bapt. Notre proposition de base, donc, est que ce qui doit revenir à la protection de la santé au travers des taxes sur le tabac, sur l'alcool ou sur les assurances, soit effectivement affecté à l'assurance maladie. Tel est l'objet de ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

Je voudrais tout de même rappeler que les premiers à avoir transféré les taxes sur les tabacs...

M. Jean-Marie Le Guen. Attention, ne dites pas n'importe quoi ! Je sens que vous êtes sur une pente dangereuse.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je parle du FOREC, monsieur Le Guen. C'est à ce fonds que vous aviez affecté l'essentiel des droits sur le tabac, lesquels finançaient ainsi les 35 heures. C'est le moment de le rappeler ici.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes à un moment très important du débat.

M. Édouard Landrain. Un de plus !

M. Jean-Marie Le Guen. On peut aborder cette question de deux façons : soit par le biais de la clarification des comptes de la sécurité sociale, soit par celui de l'histoire de nos prélèvements sociaux.

Si on l'aborde de la première façon, et quoi qu'il en soit du passé - j'y reviendrai tout à l'heure -, il est absolument évident que nous ne pouvons pas parler d'une clarification des comptes de la sécurité sociale si nous n'affectons pas à celle-ci les recettes liées à l'alcool et au tabac. Car l'année dernière, si les Français ont soutenu l'augmentation très importante du prix du tabac - que l'opposition a approuvée -, c'est parce qu'ils étaient favorables à ce qu'une recette supplémentaire soit affectée à l'assurance maladie dans le cadre d'une politique de santé publique. Vous n'auriez pas pu expliquer que vous alliez augmenter, comme vous l'avez fait à juste titre, les prix du tabac si vous aviez dit que cette augmentation visait à rendre possible la baisse des impôts sur les revenus des plus riches, ce que vous avez fait. C'est bien parce que les droits sur le tabac devaient être affectés à la santé et non pas au budget de l'État, c'est-à-dire à une diminution relative du déficit pour permettre de baisser les impôts des plus riches, que vous avez pu justifier cette politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Et donc, aujourd'hui, au moment où nous parlons de l'assurance maladie, ne pas affecter le produit des taxes sur l'alcool et le tabac à l'assurance maladie, c'est prendre les Français pour des gens qui ne seraient pas capables de se souvenir ni de comprendre des choses simples en ce qui concerne les finances publiques.

Les déficits de l'État et de l'assurance maladie, même s'ils pèsent tous les deux sur les déficits publics, ne sont pas de même nature, quoi qu'on en dise, ne serait-ce que parce que les arbitrages qui se font à l'intérieur des deux enveloppes ne se font pas entre les mêmes besoins. Une chose est d'arbitrer entre différents besoins sociaux, autre chose est d'arbitrer, comme le justifie le budget de l'État, entre des besoins sociaux et d'autres besoins, par exemple, dirait votre ministre de l'économie et des finances, en matière de défense, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.

Par conséquent, il n'est pas neutre d'affecter telle ou telle recette au budget de l'État ou à celui de l'assurance maladie.

Maintenant, pour ce qui concerne le passé, traditionnellement, depuis de nombreuses années, les droits sur les tabacs étaient pour l'essentiel affectés au budget de l'État. Ce qui s'est passé sous le gouvernement de Lionel Jospin, c'est que nous avons créé un fonds intermédiaire, le FOREC, que vous aviez critiqué, et qui servait à la fois à financer la baisse des charges et à donner des recettes supplémentaires à l'assurance maladie.

M. Bernard Accoyer. Et il dit cela en gardant son sérieux ! Quel aplomb !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous l'aviez critiqué à l'époque, monsieur Accoyer ! C'est scandaleux, disiez-vous, l'argent de l'alcool et du tabac ne va pas à l'assurance maladie, il va à la création d'emplois ! Je vous ferai remarquer que la création d'emplois permettait au moins d'affecter des recettes supplémentaires à l'assurance maladie. Parce que c'est un fait que l'emploi crée des recettes pour l'assurance maladie.

M. Michel Piron. Quel sophisme !

M. Jean-Marie Le Guen. Notre mandat, à l'époque, était d'agir sur le terrain de l'emploi, ce que nous avons fait et que vous ne faites plus aujourd'hui. Mais admettons que votre critique ait été justifiée. Depuis, qu'avez-vous fait ? Vous avez démantelé le FOREC, vous avez abandonné les politiques de l'emploi et vous avez de nouveau affecté l'argent de l'alcool et du tabac au budget de l'État et non pas à celui de l'assurance maladie. De quelque point de vue que vous vous placiez, votre attitude est tout à fait inexplicable et inexcusable.

Notre position, c'est qu'il n'est pas possible de donner un minimum de crédibilité aux financements de l'assurance maladie sans que les recettes qui doivent lui être affectées le soient véritablement. Il n'y aura pas d'avancée sur ce terrain si les Français ont l'impression, à l'avenir, que les efforts supplémentaires qu'on leur demande ne visent pas à financer l'assurance maladie. La majorité de ceux qui, notamment dans les couches les plus populaires, paient aujourd'hui très cher pour avoir accès au tabac ou à une autre consommation l'acceptent et le comprennent parce que c'est pour la santé et pour l'assurance maladie. Et aujourd'hui, vous êtes en train de détourner cet effort de santé publique pour les recettes de poche d'un déficit public qui part à la dérive.

M. Jean Glavany. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà la réalité ! Vous avez des finances publiques à la dérive et vous les gérez en faisant des arbitrages qui sont complètement contraires aux intérêts de la santé publique !

M. Michel Piron. On est en plein délire !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Mes chers collègues, vérité d'un jour n'est décidément pas, dans cet hémicycle, vérité du lendemain. Quand j'entends mes collègues socialistes et communistes critiquer les exonérations de charges pour les bas salaires alors que Jean Le Garrec, Maxime Gremetz et d'autres ont été les premiers à soutenir les exonérations de charges dans le cadre de la loi Aubry,...

M. Maxime Gremetz. Quoi ? Qu'est-ce que vous dites ? Attention, monsieur Morin, ne mentez pas !

M. Hervé Morin. ...et ce jusqu'à 1,8 fois le SMIC, je trouve cela assez succulent !

Quand j'entends Jean-Marie Le Guen nous expliquer que les recettes liées à la sécurité sociale doivent être affectées au financement de la protection sociale, alors qu'une grande partie de ces recettes ont été détournées pour le financement des 35 heures...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Eh oui !

M. Édouard Landrain. Il a raison !

M. Hervé Morin. ...dans le cadre du FOREC, je trouve cela assez succulent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Et nous aurons l'occasion, monsieur le président, de constater, à propos du prolongement de la durée de la CADES, que les déclarations d'un certain nombre de nos collègues de l'opposition de l'époque et de la majorité d'aujourd'hui sont elles aussi allées dans le sens de visions différentes.

Ce que je souhaiterais, et je parle ici au nom de mon groupe, c'est qu'on n'oublie pas toujours ce qu'on a dit la veille. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. J'entends bien la belle démonstration de notre collègue Le Guen, mais je voudrais le renvoyer à la page 323 de mon rapport, où apparaît la part des droits sur les tabacs affectée à la sécurité sociale. En 2001, 2,61 % des droits sur les tabacs allaient à la CNAM. En 2003, après un changement de gouvernement,...

M. Jean-Marie Le Guen. Et en 1996, la proportion était de combien ? 0 % !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...la proportion était de 15,2 %, et, en 2004, elle sera de 22,27 %. Voilà qui remet les choses à leur place.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce qui me semble le plus important dans ce qu'a dit M. Le Guen, c'est l'idée que l'augmentation des droits sur les tabacs depuis deux ans n'aurait pas été affectée à l'assurance maladie.

Monsieur Le Guen, toutes les augmentations, je dis bien toutes les augmentations, des droits sur les tabacs sont allées à l'assurance maladie, ce qui explique d'ailleurs les chiffres que M. Dubernard vient de rappeler. En 2002, 8 % de ces droits ont été affectés à l'assurance maladie. En 2004, la proportion sera de 22 %.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Et 2,6 % en 2001 !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et 2,6 % en 2001, en effet. Ce que vous avez dit n'est donc pas exact, monsieur Le Guen.

M. Charles Cova. Il a donc menti !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Deuxièmement, vous essayez de faire croire que pour transformer le budget de l'assurance maladie, il faut lui affecter tous les droits sur le tabac et sur l'alcool. C'est tout de même assez peu crédible. Cela voudrait dire qu'il faudrait, ne serait-ce que pour le tabac, trouver 6 milliards de recettes pour l'État.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais vous allez nous faire voter 15 milliards d'euros de dépenses qu'auront à assumer les générations futures ! Vous allez nous faire voter le CRDS à perpétuité !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Attendez, nous allons parler de la CADES et du CRDS, il y a un article pour cela, ne vous faites pas de souci.

M. Jean-Marie Le Guen. On ne va pas attendre trois heures du matin pour en parler !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Moi, j'ai tout mon temps.

Je dis simplement, monsieur Le Guen, qu'il ne faut pas faire croire que l'augmentation des droits sur les tabacs a été affectée au budget de l'État. Depuis deux ans, la politique courageuse d'augmentation des droits - que vous avez accompagnée, je n'en disconviens pas - a affecté ceux-ci à l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. M. le ministre a cité certains pourcentages. Mais il aurait dû les citer tous. Parce que le tableau des clefs de répartition des droits sur les tabacs affectés à la sécurité sociale jusqu'en 2004, que l'on trouve dans le rapport de M. Dubernard, fait apparaître qu'en 2001, 0 % des droits allait au budget de l'État, de même qu'en 2002 et en 2003. Et en 2004, ce sont 77,41 % des droits qui ont été affectés au budget de l'État !

Autrement dit, alors que le FOREC était indirectement lié au budget de l'assurance maladie, puisque c'est la création d'emplois qui a permis l'augmentation des recettes de l'assurance maladie et donc son retour au quasi-équilibre en 2000 et en 2001,...

M. Jean-Marie Le Guen. Exactement !

M. Gérard Bapt. ...vous avez au contraire récupéré les trois quarts des droits sur les tabacs pour les affecter au budget de l'État. Et cela, il n'est pas possible de le nier.

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur Morin, on ne vous voit pas souvent, mais quand vous venez, vous vous faites entendre ! Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu le son de votre voix, et ça me manquait.

Cela dit, il ne faut pas venir ici pour raconter des histoires. Il n'est jamais bon de mettre tout le monde dans le même sac. Vous qui ne voulez pas être mis dans le même sac que l'UMP, vous ne devriez pas nier le pluralisme.

M. François Bayrou. Il a raison !

M. Maxime Gremetz. Absolument ! J'ai raison.

Par exemple, je vous rappelle qu'au moment de la création de la CSG, par exemple, Georges Hage, notre doyen, s'est fait insulter sur tous les bancs.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Oh !

M. Maxime Gremetz. Mais oui ! Vous voulez que je vous lise des passages ?

M. Hervé Morin. Oui, lisez-nous des passages !

M. Maxime Gremetz. Il s'est fait insulter parce que, justement, il se prononçait contre la création de cette contribution.

Et vous savez parfaitement, monsieur Morin, que nous n'avons jamais voté les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Hervé Morin. Avez-vous voté le projet de loi sur les 35 heures ?

M. Maxime Gremetz. Personnellement, j'ai toujours voté contre ces lois de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, j'observe que nos propositions ne sont pas aujourd'hui davantage acceptées par la droite qu'elles ne l'étaient hier !

Le groupe communiste s'est également prononcé pour la suppression du FOREC et contre les hausses du prix du tabac.

Nos collègues de la majorité se sont montrés plus discrets s'agissant de l'alcool. Pourtant, les taux de mortalité du fait de l'alcool et du tabac sont sensiblement les mêmes. Mais, dans le domaine de l'alcool, il faut tenir compte des producteurs ! M. Bur a, en particulier, fait voter une modeste taxe sur les bières...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il s'agissait d'une taxe sur les Premix !

M. Maxime Gremetz. ...consommées par les jeunes, pour la supprimer ensuite, cédant aux pressions des lobbies !

Enfin, nous nous sommes également opposés à la CRDS.

Monsieur Morin, nous ne sommes pas en vacances, comme vous en donnez l'apparence ! Nous débattons de questions sérieuses, de l'avenir de la sécurité sociale, de la solidarité nationale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et d'un nouveau mode de financement de la sécurité sociale permettant l'égal accès à la santé pour tous ! Mieux vaut rétablir la vérité que le laisser croire que nous sommes toujours d'accord et que nos propositions sont les mêmes !

M. le président. La parole est à M. Jean le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Nous devons avoir l'honnêteté de reconnaître qu'il nous est arrivé d'être en désaccord avec le groupe des élus communistes et républicains, en particulier sur le FOREC et sur les abattements de charges. Le FOREC, dispositif certes compliqué, avait le mérite de participer à l'équilibre financier de la protection sociale...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ou plutôt au financement des 35 heures !

M. Jean-Marie Le Guen. Réglez le problème des 35 heures avec Chirac ! Vous nous fatiguez avec cela !

M. Jean Le Garrec. ...et de poser clairement l'ensemble des problèmes. Le tableau figurant à la page 323 du rapport laisse clairement apparaître qu'en 2003, 84,45 % des droits sur les tabacs étaient affectés au FOREC, qui, en revanche, ne reçoit rien en 2004, alors que l'État et le BAPSA bénéficient de 77,41 % du produit de ces droits ! Un transfert est donc en cours, comme en témoigne le rapport.

En ce qui concerne les abattements de charges, j'attends de savoir ce que fera M. Sarkozy, lorsqu'il s'agira de permettre à ceux qui travaillent plus de gagner plus avec, pour contrepartie, des abattements de charges pour les entreprises. Nous verrons bien alors qui dit la vérité !

Au titre du FOREC, les abattements de charges Aubry-Jospin, à la différence des abattements Juppé-Balladur, venaient en contrepartie d'engagements précis sur l'emploi, comme l'a établi la mission parlementaire sur les 35 heures.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. C'est faux !

M. Jean Le Garrec. Dans le fourre-tout de 16 milliards dont parle M. Sarkozy, les 35 heures représentent un moindre coût : 1,3 milliard d'euros avec, comme contrepartie, la création d'emplois.

La vérité devra apparaître sur la suppression du FOREC, sur l'affectation des droits sur les tabacs, sur les allégements de charges et, enfin, sur le véritable coût des 35 heures. Cela n'a rien à voir avec ce que vous affirmez ici.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6729 à 6743.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7714.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement est dans le droit-fil de ceux de nos collègues socialistes. Il tend à affecter aux ressources de l'assurance maladie les sommes perçues au titre des droits sur les alcools, les vins et cidres et les bières et boissons non alcoolisées.

Selon les Verts, le financement de l'assurance maladie repose sur deux principes. L'ensemble des ressources de la nation doit, tout d'abord, participer au financement de l'assurance maladie - foyers, entreprises, placements - comme le proposaient mes précédents amendements. De plus, les produits qui ont des conséquences négatives sur la santé, s'ils ne sont pas interdits, tels que tabacs et alcools, doivent participer au financement de la santé.

La consommation abusive d'alcool a des conséquences sur la santé, on ne le sait malheureusement que trop. Il semble donc naturel que la taxe perçue sur les alcools bénéficie à l'assurance maladie, permettant ainsi de financer les soins nécessités par la surconsommation d'alcool. C'est un principe essentiel.

Il est certes vrai que les attributions de ces diverses taxes ont fluctué. Comme il y a assez peu d'espoir que la consommation de tabac et la surconsommation d'alcool disparaissent à jamais, il serait logique que les taxes pesant sur ces produits soient affectées à l'assurance maladie, afin d'améliorer l'état de santé de notre population.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

On voit bien l'intérêt qu'il y aurait à transférer les droits perçus sur les tabacs et sur les alcools à l'assurance maladie, mais on ne peut pas tout transférer.

Une chose n'a pas été dite à propos de l'article 39 : c'est qu'y figure le transfert d'un milliard supplémentaire de droits sur les tabacs.

M. Jean-Marie Le Guen. On va en parler !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. On en parlera. Mais cela a tout de même du sens !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le rapporteur nous annonce un transfert d'un milliard. Tout à l'heure, il nous a été répondu qu'un transfert des droits perçus sur les tabacs représenterait une perte de 6 milliards pour le budget de l'État. Mais s'il y a un manque de recettes, c'est à cause de la diminution des impôts sur le revenu et de l'augmentation des exonérations de cotisations patronales ! Pour rétablir l'équilibre, vous ponctionnez alors les assurés sociaux, les salariés et les malades. Ce n'est pas un argument pour les Verts.

Ce transfert d'un milliard représente donc une sorte d'aumône pour l'assurance maladie. Faites preuve de plus de volonté ! Affectez ces taxes à l'assurance maladie. Cessez de baisser les impôts sur le revenu. Enfin, réformez la fiscalité et établissez un impôt progressif plus juste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le rapporteur a eu raison de parler de ce petit milliard. Son histoire est très intéressante ! Dès le début, l'État, dans sa grande générosité, a annoncé qu'il verserait son écot, sachant que les Français, quant à eux, subiraient, chaque année, 4 milliards de prélèvements supplémentaires et qu'ils auraient à assumer les 70 milliards de dettes que l'État s'apprête à reporter sur les générations futures. L'État a voulu faire sa part de travail et a accepté de verser ce milliard d'euros une seule fois, pensant ainsi montrer son intérêt pour le redressement de l'assurance maladie.

Ce petit milliard devait être, à l'origine, lié à l'exonération des charges, puisque le différentiel annuel, au détriment de l'assurance maladie, entre le remboursement des charges dues à l'assurance maladie prévu par la « loi Balladur » et le remboursement effectif par l'État représente 2 milliards par an. Le ministère de l'économie et des finances a voulu nous prouver sa générosité en payant 1 milliard sur les 2, mais une seule fois. Et quand l'opposition a fait valoir que les droits perçus sur les alcools et les tabacs profitaient à l'État et non à l'assurance maladie, il a été décidé que ce milliard serait financé par une partie de ces droits! Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une aumône symbolique puisque l'État ne donne qu'un seul milliard en une seule fois, alors qu'il encaisse 15 milliards d'euros par an au titre des droits sur les alcools et les tabacs et sur les contrats d'assurance.

Je pourrais aussi parler de la contribution sur les bénéfices. Elle a été créée au profit de l'assurance maladie et est, aujourd'hui, récupérée pour l'État !

L'ensemble de ces sommes, distraites de l'assurance maladie au profit de l'État, représente 15 milliards d'euros par an à quoi s'ajoutent les 2 milliards de non-remboursement des charges, au mépris de la loi Balladur. En contrepartie de tout cela, l'assurance maladie a droit à un milliard en une seule fois pour solde de tout compte ! Telle est la réalité de l'engagement de l'État dans le redressement de l'assurance maladie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7714.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7715.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement propose que le produit de la taxe générale sur les activités polluantes soit affecté à l'assurance maladie. Le mieux serait de supprimer les produits polluants. Cela s'avère malheureusement, difficile, faute de volonté politique. De plus, il n'est pas toujours aisé de remplacer les produits polluants par d'autres. Toutefois, pour ce qui est de l'exemple des pesticides, on pourrait aujourd'hui très largement réduire leur utilisation. La France est un des pays qui y recourt le plus. On nous a expliqué que le développement des OGM permettrait de réduire les pesticides. Or tous les pays qui utilisent massivement les OGM ne les réduisent pas pour autant. Ces produits ont pourtant des effets néfastes sur la santé et sur l'environnement. Il semble donc logique d'augmenter les taxes sur ce type de produits et d'en affecter une partie à l'assurance maladie et l'autre à l'environnement. Les Verts continueront à mener cette bataille, quel que soit le gouvernement. Nous estimons que, lorsque nous ne pouvons pas supprimer les produits polluants, ceux-ci doivent être taxés et que les sommes provenant de leur taxation doivent aller l'assurance maladie pour réparer les effets néfastes de leur usage sur la santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable.

Monsieur Le Guen, le transfert du milliard d'euros dont vous parlez a toujours été permanent. C'est une recette supplémentaire pérenne.

M. Jean-Marie Le Guen. Elle ne figure pas dans vos comptes ! Si vous nous annoncez cela, c'est une bonne nouvelle !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Par ailleurs, M. Le Garrec a évoqué les 35 heures. Je tiens tout de même à lui rappeler que les abattements de charges accordés au titre des 35 heures ont représenté 8 milliards d'euros en 2003. Et nous n'admettons pas les affirmations péremptoires sur les créations d'emplois : les 35 heures, globalement, se sont traduites par des emplois non créés ou non maintenus, en tout cas perdus pour la France,...

M. Jean Le Garrec. Oh !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...c'est-à-dire par une diminution de la croissance. Alors, arrêtez de faire croire que les 35 heures sont la clé de la croissance française, monsieur Le Garrec ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7715.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1828 à 1839.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Une refonte du financement de la protection sociale, en prise sur le développement de l'emploi, de la croissance et des ressources humaines - formation, salaires, promotion des salariés - est indispensable. Il s'agit de remettre en cause la fuite en avant en matière d'exonération de cotisations patronales, couplée avec celle des prélèvements sur les ménages.

Les exonérations de cotisations patronales tendent à tirer l'ensemble des salaires vers le bas. Nous l'avons d'ailleurs vu, malheureusement, avec le système qui incite toutes les entreprises à ramener les salaires sous 1,8 SMIC pour bénéficier d'exonérations. Cela explique que le pouvoir d'achat augmente si peu : les cadres, par exemple, ont perdu 3 % de pouvoir d'achat, d'après une statistique officielle publiée dans Les Échos - vous voyez, je cite mes références.

Il importe, au contraire, de mettre en avant le principe de l'articulation entre le financement de la protection sociale et l'entreprise, lieu de création des richesses. Cela implique de réformer, nous l'avons dit, l'assiette des cotisations patronales, dont la répartition actuelle est telle que plus une entreprise embauche et accroît les salaires, plus elle paie de cotisations, alors qu'une entreprise qui licencie, comprime la part des salaires dans sa valeur ajoutée, se réfugie dans les placements financiers et paie de moins en moins de cotisations, comme je l'ai démontré tout à l'heure. Ainsi, la part des charges sociales dans la valeur ajoutée est plus de deux fois plus élevée dans les entreprises de main-d'œuvre - je pense notamment au BTP - que dans les institutions financières, les banques et les compagnies d'assurances.

Il s'agit donc de corriger les effets pervers de l'assiette actuelle, l'objectif étant de brancher le financement de la protection sociale sur la croissance réelle, l'emploi, le développement des salaires et de la formation, afin de garantir des ressources suffisantes pour faire face à la montée de besoins nouveaux.

On pourrait, chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, moduler le taux de cotisation en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée, de telle sorte que les entreprises qui limitent les salaires, précarisent et licencient soient assujetties à des taux plus lourds. Inversement, les entreprises promouvant les emplois, les salaires, la formation, seraient assujetties à des taux plus bas, le but étant justement d'inciter au développement de la croissance réelle, de l'emploi et des salaires et de dissuader les licenciements et la recherche de profits financiers. Tel est l'objet de nos amendements.

Vous avez vu que notre proposition n'est pas simpliste. Un ministre a d'ailleurs déclaré récemment, je crois, qu'il n'était peut-être pas juste d'accorder des exonérations sans discernement et qu'il faudrait y regarder de plus près. Pour notre part, nous le disons depuis des années, et nous sommes contents qu'un ministre regarde dans notre direction. Je ne suis pas sûr qu'il mettra en œuvre notre proposition car, de votre côté, cela nécessiterait une petite révolution culturelle, mais pourquoi pas ? Tout peut arriver, on ne sait jamais. En tout cas, nous attachons une grande importance à ces amendements, car ils contribueront à l'efficacité des cotisations et à l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le rapport Malinvaud nous enseigne, monsieur Gremetz, qu'une telle mesure pose deux problèmes : l'investissement risquerait de diminuer et, surtout, il est difficile d'appréhender l'assiette valeur ajoutée. Par conséquent, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Les propositions de nos collègues sont un peu schizophréniques. Nous avons eu droit, tout à l'heure, à un amendement de Mme Billard dont l'objet était d'affecter le produit de la taxe générale sur les activités polluantes à la sécurité sociale alors que ses collègues socialistes avaient toujours préconisé, lors de l'examen de la loi sur les 35 heures, son affectation au fonds de réduction des charges. Un de nos collègues, à l'époque, avait même eu ce bon mot : « Plus vous polluerez, plus vous fumerez, plus vous boirez et plus vous permettrez que les 35 heures soient financées. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C'était moi ! Et je le répète aujourd'hui !

M. Hervé Morin. Cet hémicycle est gagné par une sorte d'amnésie.

Par ailleurs, je n'ai pas compris M. le ministre de la santé lorsqu'il nous a dit que le versement du milliard dont nous reparlerons tout à l'heure, dans le cadre de l'article 39, serait pérennisé.

D'abord, ce n'était pas prévu ainsi, et je me souviens que, sur d'autres sujets, des mesures similaires, pourtant promises, n'ont jamais été appliquées. On peut cependant espérer que les erreurs du passé ne se reproduisent pas.

Mais surtout, si j'ai bien compris le mécanisme, le dispositif devra être voté chaque année, à l'automne, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Glavany. Oui ! Évidemment !

M. Hervé Morin. Si l'on met de côté le principe -prendre dans une caisse pour boucher le trou d'une autre, dans une espèce de course à l'échalote -, il me semble bien que le processus juridique consistant à passer, chaque année, par un vote du Parlement, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, interdit de parler de dispositif pérenne, contrairement à ce qui a été dit.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vais expliquer à M. Morin en quoi le dispositif sera pérenne.

Les droits sur les tabacs ont trois affectations : l'État, l'assurance maladie et le BAPSA,...

M. Jean-Marie Le Guen. Le BAPSA, c'est l'État !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...qui en perçoivent respectivement 22 %, 27 % et 51 %. Avec le milliard en question, nous allons modifier cette répartition, pour arriver, demain, à 37 % pour l'assurance maladie, 12 % pour l'État et 51 % pour le BAPSA. Nous procédons donc, en réalité, à un transfert d'une partie du produit des taxes sur le tabac de l'État vers l'assurance maladie.

Mais je comprends que cela puisse surprendre le groupe socialiste car il fut un temps où l'on préférait siphonner l'argent de l'assurance maladie vers l'État. Que nous fassions l'inverse a sans doute de quoi étonner certains.

M. Jacques Godfrain. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle attaque « bouleversifiante » !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis toujours très pragmatique, et particulièrement dans ce débat. Personne n'avait la certitude que le milliard serait pérenne, et nous ne vous reprocherons pas de ne pas inscrire dans la loi qu'il le sera puisque vous n'en avez pas la possibilité. Par contre, vous pouvez prendre l'engagement que le Gouvernement le pérennisera.

Vos propos ont été très ambigus, et j'imagine que tous les experts se retrancheront derrière les « bleus », c'est-à-dire les arbitrages financiers de Matignon. Mais, la position du ministre de l'économie et des finances, ces derniers temps, étant plutôt affaiblie, je suppose que vous allez regagner du terrain. Moi qui défends l'assurance maladie, je ne m'en plaindrai absolument pas. Pour tout dire, je m'en félicite et j'inclinerai même plutôt à vous demander d'aller encore plus loin.

Quoi qu'il en soit, si le Gouvernement s'engage à pérenniser ce milliard, tant mieux, nous en prenons acte.

Il n'empêche que je vous pousserai à aller plus loin, monsieur le ministre. Tout à l'heure, vous nous demanderez d'étendre la CRDS pratiquement à l'infini en prétextant de ne pas pouvoir prélever autant sur l'État. Vous allez tout de même exiger des Français qu'ils paient la dette ad vitam aeternam - peu importe la manière dont vous la quantifierez. Ne serait-il pas préférable, de votre point de vue - vous êtes le défenseur de l'assurance maladie -, de demander le paiement de la dette, y compris par le contribuable, dans le cadre du budget de l'État, et, en attendant, de réclamer la récupération par l'assurance maladie de ce qui lui revient légitimement, c'est-à-dire le produit des taxes sur le tabac ?

Je le répète, choisir de faire porter la dette par l'assurance maladie ou par l'État n'est pas neutre. Du point de vue de la comptabilité publique, c'est neutre, évidemment, mais de votre point de vue, vous qui êtes le défenseur du budget de l'assurance maladie, cela ne l'est pas ! C'est pourquoi je trouve que vous devriez nous aider beaucoup plus et aller dans notre sens : faites porter la dette actuelle - indépendamment de la polémique qui nous oppose à son propos - par l'État, mais pas par l'assurance maladie via le CRDS ! Vous iriez ainsi dans le sens de la défense des intérêts de l'assurance maladie, et nous vous appuierions dans cette démarche.

Vous avez accompli un bon geste en confirmant que ce fameux milliard serait pérennisé, mais il reste très insuffisant. Allez plus loin et faites en sorte que les dettes actuelles soient portées par l'État plutôt que par l'assurance maladie, et surtout plutôt que par les assurés des générations futures.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 1828 à 1839.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements nos 1828 à 1839 :

              Nombre de votants 59

              Nombre de suffrages exprimés 59

              Majorité absolue 30

        Pour l'adoption 4

        Contre 55

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1888 à 1899.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, il faut reconnaître une qualité à votre majorité (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : la volonté tenace qu'elle met à accentuer la politique d'allégement des charges sociales patronales.

M. Michel Piron. C'est très bien !

M. Maxime Gremetz. Vous affirmez que cette politique est utile pour l'emploi, ce qui vous évite d'avoir à le démontrer.

Mais, pendant ce temps, alors que les cadeaux au patronat pleuvent, la sécurité sociale est malade de l'insuffisance de recettes, vous la grevez avec votre politique de l'emploi, sans compter la réforme des retraites, qui conduit à ramener les pensions à un bas niveau.

La décision du Gouvernement de rompre le lien entre application des 35 heures et baisse des cotisations sociales va encore aggraver le caractère régressif de votre politique. La loi va en effet étendre aux entreprises n'appliquant pas d'accord de RTT les réductions Juppé sur les bas salaires, en les amplifiant. Le groupe communiste s'est toujours prononcé contre les dispositifs d'allégements systématiques de cotisations sociales, surtout lorsque ceux-ci ne sont assortis d'aucune contrainte ni d'aucune incitation en termes d'emploi, de formation ou de RTT.

Au cours des dernières années, nous sommes souvent intervenus sur ce point. Les aides instaurées par les lois Aubry avaient au moins pour objectif d'inciter à la réduction du temps de travail, de maintenir le niveau des rémunérations et de créer des emplois, tout en favorisant la conclusion d'accords majoritaires, c'est-à-dire la qualité de la négociation. Le nouveau dispositif supprime tout cela. C'est pourquoi nous proposerons de le supprimer.

Car force est de constater que les pays les plus compétitifs, dont les échanges extérieurs présentent des excédents structurels, sont souvent ceux où le coût du travail est élevé, comme l'Allemagne et le Japon. Pour justifier les aides supplémentaires accordées par l'État aux entreprises, vous comptez pourtant beaucoup sur l'effet profitabilité, qui aurait une influence favorable sur l'emploi, selon le schéma : « des charges moindres et un coût salarial moindre engendrent plus de profits et plus d'emplois. » S'il en était ainsi, nous le saurions, et depuis longtemps.

Je ferai également observer qu'en Europe, au cours des dix dernières années, l'emploi a souvent été plus dynamique et le chômage plus faible dans les pays à coût du travail élevé et hausse annuelle des salaires. A contrario, les taux de sous-emploi les plus élevés sont habituellement constatés dans les pays en développement et à très bas salaires.

Et si l'innovation et le courage consistaient à trouver d'autres systèmes que ceux fondés sur la baisse des charges sociales patronales ? Persuadés que d'autres solutions existent pour dynamiser l'emploi - nous en avons déjà proposées, vous les avez rejetées, mais cela apparaît dans les scrutins publics -, nous proposerons de supprimer les dispositifs du texte relatifs aux exonérations de cotisations.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. En ce moment - et beaucoup des membres du Gouvernement le préconisent -, l'assouplissement des 35 heures est à la mode. Or nous avons montré quel pouvoir de nuisance il peut avoir sur les créations d'emplois. En outre, il conduit, on l'a vu récemment chez Bosh, à l'amputation du pouvoir d'achat des salariés.

Tout cela fragilise la croissance, et donc l'investissement favorable à l'emploi. On modifie donc les règles du financement des aides à la réduction du temps de travail et à la création d'emplois.

En effet, le Gouvernement a déconnecté les aides publiques de l'obligation de négocier sur la réduction du temps de travail liée à la création d'emplois. C'est, à notre avis, un non sens économique, qui est inacceptable car il incite non pas à créer des emplois, mais bien plutôt à l'inverse.

Au moment où la croissance peine à décoller, vous faites le contraire de ce qu'il faut pour la soutenir, en incitant aux embauches avec de faibles rémunérations. Et vous persistez en ce sens, puisque le budget de 2004 a porté à 21 milliards le montant des exonérations accordées dans ce but et que, si l'on en croit les diverses déclarations, celui de 2005 prévoirait 2,5 milliards d'exonérations supplémentaires.

Les dispositifs de ce genre qui se sont mis en place depuis vingt ans n'ont pas servi l'emploi. Plus il y a d'aides accordées sans contrepartie, plus il y a de chômage. Aujourd'hui qu'elles atteignent 21 milliards d'euros, combien y a-t-il de chômeurs en moins ? Zéro ! Le taux de chômage frôle toujours la barre des 10 %. Dans la dernière période, il a même augmenté.

Les dangers se multiplient donc pour l'emploi, ce qui porte un coup aux ressources de notre protection sociale. C'est ce qui nous a conduits à déposer ces amendements visant à supprimer les exonérations de charges patronales accordées sans contrepartie en termes d'emploi, au profit d'une autre forme de financement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le groupe des député-e-s communistes et républicains en veut vraiment aux entreprises ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Dans l'amendement précédent, il voulait mettre en place une structure qui institutionnaliserait l'insécurité juridique et financière des entreprises, avec un coefficient fixé par décret chaque année. Là, il s'agit de les priver d'un coup de 20 milliards d'euros d'exonérations ! Quel effet cela aura-t-il sur l'emploi ?

M. Maxime Gremetz. Justement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Et vous prétendez défendre l'emploi ? Allons donc !

Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, je suis en total désaccord avec ce que vous avez dit sur les créations d'emplois et je vais vous rappeler quelques chiffres.

La loi Fillon de janvier 2003 a profondément modifié le système d'exonération en le réservant aux emplois dont la rémunération ne dépasse pas 1,7 fois le SMIC, mais sur vingt-six points de cotisations patronales.

En 2003, le FOREC était doté de 16,5 milliards d'euros : les abattements Fillon s'élevaient à 7 milliards, tandis que les abattements Juppé totalisaient 2 milliards, les abattements liés aux 35 heures 7 milliards et les abattements de Robien - il en reste un peu - 0,4 milliard.

La contrepartie en créations d'emplois de la réduction du temps de travail n'est pas discutée, monsieur le ministre. Les évaluations vont de 350 000 à 400 000, mais, je le répète, leur existence n'est pas mise en doute. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En 2004, le budget du ministère du travail subira de plein fouet la modification apportée par M. Fillon : 17,1 milliards d'euros d'abattements sur les charges dont 15,8 milliards d'abattements Fillon, c'est-à-dire d'allégements sans contrepartie, alors que 98 000 emplois ont été détruits, en particulier dans l'industrie !

Ces chiffres qui permettent de comparer deux politiques ne sont pas contestables : ils proviennent du budget du ministère du travail et du rapport Carrez sur le PLFSS. Quant au nombre d'emplois créés, il est lui aussi indiscutable puisqu'il résulte des travaux de la mission d'information sur les 35 heures.

Telles sont les remarques que je voulais vous présenter, monsieur le ministre. Bien sûr, nous aurons à revenir sur ce sujet mais je voulais vous faire prendre acte, une fois pour toutes, des chiffres que je viens d'indiquer.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1888 à 1899.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1816 à 1827.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés contre des mesures qui n'ont pas du tout bénéficié à l'emploi. Elles ont, au contraire, concouru à accroître le retard de la France par rapport aux États-Unis dans le domaine des technologies informationnelles, en accentuant les effets d'une formation, d'une qualification et de salaires insuffisants, au point qu'on peut parler aujourd'hui de la fuite des cerveaux, ainsi d'ailleurs que des capitaux, vers l'autre rive de l'Atlantique.

Elles n'ont pas pu non plus permettre de s'opposer - on l'a vu encore récemment - aux délocalisations de productions banalisées ou semi-banalisées, la baisse du coût salarial ne pouvant en tout état de cause ramener le niveau de ce coût à celui pratiqué dans des pays comme la Roumanie, la Chine ou la Turquie.

Au bout du compte, c'est la croissance elle-même qui s'est trouvée pénalisée, ce qui, en retour, a freiné les rentrées d'impôts, taxes et cotisations sociales, aggravant les déficits publics et sociaux.

Face à ces évolutions, il s'agit pour nous - premier défi - de promouvoir l'emploi et la formation afin de garantir la pérennité du système de protection sociale. Ainsi, tous les moments de la vie de chacun, de la formation initiale à la retraite, seraient sécurisés. Cela implique une réforme radicale - progressiste - des cotisations sociales patronales.

Le rapporteur nous accuse de nous en prendre aux entreprises. Dans ma circonscription, il y a des entreprises qui créent des emplois mais, hélas, il y a aussi beaucoup de délocalisations qui entraînent du chômage. Sans révéler mes sources, je peux dire que j'ai entendu parler d'un véritable chantage : ou vous acceptez les conditions, ou vous êtes viré !

Reconnaissez qu'il faut réagir et que, loin d'encourager de pareils phénomènes, il faut prendre des mesures de nature à développer l'emploi, mais aussi, par là même, la croissance et le financement de la protection sociale.

Tel est l'objet de nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. La baisse des cotisations sociales patronales constitue la poutre maîtresse des politiques d'emploi conduites par les gouvernements successifs, en alternance, depuis la seconde moitié des années 80. Systématisée par la « loi quinquennale pour l'emploi », sous le gouvernement Balladur, en 1993-1994, elle a connu son plus vif développement de 1998 à 2002. Elle s'est accompagnée, de plus en plus, de l'introduction en France de dispositifs relevant de la logique du work fare, chère à Tony Blair.

Avec les gouvernements Raffarin, elle a contribué à structurer un système de prétendues « incitations à l'emploi », qui favorise la multiplication des « emplois pauvres », la chasse aux chômeurs avec la réduction des indemnisations et l'extension de la précarité aux emplois salariés les plus qualifiés.

Il s'agit, en fait, d'un véritable choix de société, qui est le pendant de la domination - encouragée ! - du marché financier.

Cette politique partirait d'un constat : avec les nouvelles technologies informationnelles, les entreprises auraient de plus en plus besoin de souplesse, de réactivité et de main d'œuvre qualifiée pour faire face à la concurrence sur le marché mondialisé et répondre aux exigences croissantes de rentabilité financière des actionnaires. Cela va de pair avec le rejet de plus en plus systématique dans le chômage des salariés les moins qualifiés et leur maintien durable dans cette situation d'exclusion.

Sur cette base, c'est toute une idéologie qui a fini par s'imposer aux gouvernements successifs : ce rejet des moins qualifiés résulterait du fait qu'ils coûteraient à leur employeur, en charges salariales et sociales, beaucoup plus qu'ils ne pourraient leur rapporter. Aussi, pour les rendre « employables », il faudrait baisser systématiquement leur coût salarial, par une exonération de cotisations sociales patronales ou par un subventionnement public direct d'une partie du salaire.

On peut prendre la mesure des efforts consentis par la collectivité nationale au nom d'une telle politique : de 1991 à 2004, selon 1'ACOSS, ce sont 153,3 milliards d'euros - soit plus de 1 000 milliards de francs - de baisses cumulées de cotisations sociales patronales qui auront été accordées par les différents gouvernements. Si, en 1992, le montant annuel des exonérations s'élevait à 1,7 milliard d'euros, il dépassait les 19 milliards d'euros en 2003.

Cette politique d'allégement des cotisations sociales patronales, principalement ciblée sur les bas salaires, a eu des conséquences considérables. Du point de vue de l'emploi et de la lutte contre le chômage comme du point de vue des équilibres financiers du système de protection sociale, il faut bien convenir - et vous devriez, monsieur le ministre, en tirer les enseignements - que c'est un énorme échec.

En avril 2004, les seuls demandeurs d'emploi de
catégorie 1 - à la recherche d'un emploi à durée indéterminée à temps plein, immédiatement disponibles et ayant travaillé moins d'un mi-temps dans le mois - atteignent le nombre de 2 430 700, en progression de 0,3 % sur le mois précédent. Je ne parle même pas du taux de chômage qui se maintient toujours autour de 10 % !

De fait, cette politique a favorisé la multiplication des emplois à bas salaire et les basses qualifications. Elle a accentué la pression à la baisse de tous les salaires, par substitution. Et cela s'est accompagné de très importants effets d'aubaine, notamment en période de reprise économique, comme entre 1998 et 2001, alors que les employeurs devaient de toute façon embaucher pour faire face au surcroît de demande.

Les abaissements de cotisations sociales patronales ont contribué, de façon très efficace, au maintien à un niveau très bas de la part des salaires dans la valeur ajoutée nationale - elle a diminué de plus de dix points depuis 1982, après son décrochage de plus de huit points au tournant des années 1980. En parallèle, ils ont activement soutenu l'accroissement de la part des profits et leur placement croissant en bourse.

C'est pourquoi nous proposons une vraie alternative à ces situations : la modulation de la cotisation en fonction de la valeur ajoutée.

« Faire moderne » ne consiste pas à refaire tout ce qui a été fait dans le passé, pour aboutir à la situation d'échec que connaît aujourd'hui notre société, alors qu'elle est riche en moyens humains, riche en personnes capables de créer et d'innover, et qu'elle est dotée de véritables atouts matériels et technologiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1816 à 1827.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1840 à 1851.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Avec votre plan, monsieur le ministre, vous prétendez sauver l'assurance-maladie, mais en réalité, vous organisez son asphyxie financière par la réduction draconienne des dépenses publiques de santé et en institutionnalisant l'accroissement des dépenses privées.

Vous êtes obsédé par l'idée de diminuer les prélèvements obligatoires et par le dogme de la flexibilité à la baisse du coût du travail et vous vous attaquez en premier lieu aux cotisations sociales, et particulièrement aux cotisations patronales. Vous refusez d'envisager des moyens de financement socialisés permettant une véritable réforme de notre système de santé et vous reportez les quelques mesures avancées en matière de financement presque intégralement sur les ménages. Ces dernières sont à la fois injustes et inefficaces.

Si vous reconnaissez, monsieur le ministre, que les sommes non versées à l'assurance-maladie pour la compensation des exonérations de cotisations patronales posent problème, vous ne vous engagez à rembourser à l'avenir qu'un milliard d'euros par an - alors que la dette s'élève à 2,5 milliards - et vous n'envisagez rien de précis pour le reversement des taxes sur les tabacs, les alcools et les primes d'assurance automobile - 15 milliards par an. En revanche, le taux de la CSG pour les retraités imposables sera accru de 0,4 point, passant de 6,2 % à 6,6 %, soit une rentrée de 0,56 milliard d'euros.

L'élargissement de l'assiette de la CSG et de la CRDS, portée de 95 % à 97 % du salaire brut, ainsi que pour les chômeurs, rapportera 1 milliard d'euros. La CRDS sera prolongée au-delà de 2014, reposant sur les revenus des seuls ménages et reportant la dette sur les générations futures. La franchise d'un euro, pour commencer, rapportera 0,4 milliard, tandis que la hausse du forfait hospitalier, porté d'abord de 13 à 14 euros puis, progressivement, à 17 euros, rapportera 0,3 milliard par an. Le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et des placements sera accru de 0,7 point, mais les entreprises n'auront à acquitter qu'une augmentation de 0,15 à 0,16 point de la C3S, soit seulement 0,7 milliard d'euros au total.

Nous refusons en bloc cette logique. Les dépenses de santé vont continuer à progresser au rythme du développement, du vieillissement et du progrès technique médical. Des besoins nouveaux de santé vont s'imposer face aux nouveaux fléaux. En outre, nous devons sortir des inégalités sociales en matière de santé et développer la prévention, notamment au travail. Un relèvement du taux de remboursement est également indispensable. Il est urgent de répondre aux impératifs de création d'emplois et de formation afin de faire face à une démographie médicale sinistrée et de sortir du rationnement comptable.

Des exigences nouvelles vont se faire jour en faveur d'un système de santé plus coordonné, avec des formes de soins émancipées du paiement à l'acte. Mais ces indispensables réformes visant un système de santé plus efficace et plus solidaire impliqueront une refonte et un développement du financement. Nous voulons réaffirmer le principe de la cotisation sociale en fonction des salaires versés dans les entreprises, lieu où se créent les richesses. Mais nous ne voulons pas de fiscalisation.

Pour accroître de manière durable les rentrées de cotisations, il faut mettre en œuvre un nouveau type de politique économique et de gestion des entreprises, à partir des exigences des forces sociales, permettant de redresser la part des salaires dans la valeur ajoutée qui a perdu dix points depuis 1983. Sans augmentation des salaires, sans création d'emplois, il n'y a pas d'avenir à terme pour la sécurité sociale.

Dans l'objectif de relever le taux et la masse des cotisations patronales, nous proposons aussi de moduler les taux de cotisation en fonction de la politique de l'emploi des entreprises.

Telles sont les propositions formulées dans notre contre-projet, que nous vous soumettons aujourd'hui sous forme d'amendements. Et sur ces amendements, nous demandons un scrutin public.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 1840 à 1851, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je demande une courte suspension de séance.

M. le président. Nous allons suspendre la séance. Puis, à la reprise de celle-ci, nous passerons au vote.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 1840 à 1851.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 60

              Nombre de suffrages exprimés 60

              Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 4

        Contre 56

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 8207.

La parole est à M. Armand Jung, pour le soutenir.

M. Armand Jung. Michel Liebgott, Jean-Marie Aubron et moi-même avons présenté, au nom du groupe socialiste, deux amendements relatifs au régime local d'assurance maladie d'Alsace et de Moselle, nos 8207 et 8208, que je défendrai conjointement.

Je voudrais faire quelques remarques préalables afin d'expliquer l'enjeu de ces deux amendements qui ont le même objectif, à savoir trouver des ressources complémentaires au régime local d'Alsace-Moselle, qui va se trouver fragilisé du fait de l'adoption de la présente loi.

Le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle est un régime obligatoire et complémentaire du régime général. Il dispose à ce titre d'une autonomie de gestion appuyée sur une responsabilité pleine et entière, puisqu'à la différence du régime général, il ne peut se trouver dans une situation financière qui exigerait par exemple le recours à l'emprunt, et doit disposer par ailleurs de réserves légales.

Dans ce cadre juridique et économique, il ne peut assurer son équilibre qu'en diminuant les prestations ou en augmentant les cotisations. De telles opérations ne peuvent être considérées comme de simples ajustements mécaniques, dans un système financé par les cotisations des seuls salariés ou retraités, et qui assure à plus de 2,3 millions de personnes d'Alsace et de Moselle une couverture complémentaire conséquente. Ce système social fait d'ailleurs l'objet d'un très fort consensus auprès de la population et des élus concernés.

C'est ainsi qu'en 1946 ce régime a été intégré dans notre système français de sécurité sociale, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Réaffirmé en 1998, lors de différents ajustements, et complété en janvier 2001 dans le cadre de la loi de modernisation sociale, le régime local d'assurance maladie a rencontré un fort consensus sur l'ensemble de nos bancs, et les textes que j'ai évoqués ont toujours été votés à l'unanimité. Nous disposons ainsi d'un corpus juridique unique en France et en Europe.

L'une des grandes particularités émanant de la loi du 14 avril 1998 est la disposition introduisant la possibilité pour le régime local d'assurance maladie d'Alsace et de Moselle de mener des campagnes de prévention sanitaire. Ainsi l'Instance de Gestion de l'Assurance Maladie d'Alsace et de Moselle a-t-elle lancé une campagne de très grande envergure sur les maladies cardio-vasculaires. Cette campagne porte sur des sommes financières conséquentes, et se développe notamment dans les régions de Strasbourg, Molsheim et Metz.

Je souhaiterais que l'ensemble des mutuelles et assurances privées de notre pays en fasse autant et dans des proportions similaires. Mon collègue Michel Liebgott a déjà appelé votre attention sur ce sujet, monsieur le ministre, et je m'étonne que l'on n'ait pas davantage parlé de prévention au cours de nos débats.

De même, nous aurions épargné beaucoup de temps et d'énergie si votre gouvernement avait bien voulu s'inspirer du régime local d'Alsace et de Moselle - dont tous vos prédécesseurs, quelle que soit la majorité, ont toujours vanté les mérites -, comme a su très justement le faire M. Borloo en matière de surendettement, ou comme le font d'autres de vos collègues, qui s'intéressent au Livre Foncier d'Alsace et de Moselle.

Aujourd'hui, le système consensuel, généreux et solidaire du régime local d'assurance maladie d'Alsace et de Moselle est menacé. Hausse du forfait hospitalier, CSG, CRDS, déremboursement de médicaments et de soins : vous portez atteinte à ce système unique en France et en Europe, malgré les réserves financières sur lesquelles il peut encore compter.

Pour réduire sa fragilité, deux possibilités seulement s'ouvrent à nous : soit diminuer les prestations, soit augmenter les cotisations salariales, s'élevant actuellement à 1,7 %.

Diminuer les prestations serait une véritable régression sociale, que personne ici n'envisage. Cependant, mettre en place une nouvelle source de financement me paraît indispensable. Cette question nous avait déjà été posée lors de la discussion de la loi du 14 avril 1998. À nouveau, je voudrais l'introduire dans notre débat.

La mise en place d'une ressource supplémentaire s'inspire du régime général d'assurance maladie qui repose sur une contribution conjointe des employeurs et des salariés. Une telle contribution patronale, aussi modeste qu'elle puisse être, serait une mesure d'équité, d'égalité et de justice sociales. De plus, l'amendement que je vous proposerai à ce sujet vise à autoriser cette ressource supplémentaire, mais laisse à l'instance de gestion le soin de fixer son montant.

Si nous ne trouvons pas de ressources supplémentaires, nous devrons doubler d'ici deux ans la cotisation salariale, ce qui serait inadmissible. Enfin, en participant au financement du régime local, les entrepreneurs d'Alsace et de Moselle feraient leur entrée au sein de l'instance de gestion de ce régime.

Avec Michel Liebgott et Jean-Marie Aubron, je proposerai donc que les entrepreneurs de nos départements, qui jusqu'à présent ne finançaient pas le régime local d'assurance maladie, y participent désormais, dans des proportions extrêmement modestes.

Une pétition de la CGT Alsace, qui a recueilli 10 000 signatures déjà, demande d'ailleurs la participation des entrepreneurs au financement et à la consolidation du régime local d'assurance maladie. Cette pétition prend de l'ampleur, je la tiens à votre disposition et je pourrai faire déposer à votre ministère l'ensemble des signatures dont la liste s'allonge par milliers, chaque semaine.

Évidemment, dès que les entrepreneurs du Bas-Rhin et de l'Est ont eu connaissance de ce projet, ils m'ont fait savoir, par un courrier de leur président départemental, qu'il suffisait d'adapter les dépenses aux recettes, c'est-à-dire, en clair, d'augmenter les cotisations salariales. « Est-on capable d'aligner l'Alsace-Moselle sur l'économie de toute la France ? », ont-ils demandé aussi, ce qui revient à faire disparaître notre droit local.

Durant notre débat fleuve, le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, avez souvent fait état d'un « paritarisme rénové ». Voilà l'occasion d'illustrer ce mot d'ordre en assurant la pérennité du système original, généreux et centenaire du régime de sécurité sociale d'Alsace et de Moselle !

Aujourd'hui, notre régime local consensuel est menacé par votre réforme. Si les mesures que vous proposez sont adoptées, je suis certain qu'après avoir épuisé les réserves financières, le régime local disparaîtra lentement mais sûrement. J'en appelle à votre responsabilité. J'en appelle au bon sens de tous les élus d'Alsace et de Moselle. Je tire la sonnette d'alarme aujourd'hui et je pense que j'aurai l'occasion de le faire à nouveau dans les prochains mois tant la situation me semble préoccupante.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Monsieur Jung, il est paradoxal qu'alors que vos amis se sont offusqués tout au long du débat du retour du MEDEF dans les instances de gestion de l'assurance maladie, de l'UNCAM, vous souhaitiez précisément, pour le régime local, l'arrivée des entreprises dans ces instances de gestion.

Comme vous l'avez souligné, on ne fait évoluer les questions relatives au droit local, notamment en matière d'assurance maladie, que s'il y a consensus. Or celui-ci n'existe pas, aujourd'hui. L'instance de gestion du régime local a en effet rejeté cette proposition au motif qu'elle en bouleversait complètement les spécificités, aux termes desquelles ce sont les syndicats de salariés qui pilotent entre eux cette structure particulière qui est en fait un régime complémentaire obligatoire. Je rappelle ici que nous avons pu, avec l'accord du Gouvernement, inscrire ce régime au sein de l'union nationale des complémentaires. Et je ne doute pas que, dans ce cadre, il participera activement, à travers ses dirigeants, au débat portant sur l'effort de maîtrise médicalisée.

Vous souhaitez donc une contribution des entreprises. Je vous répondrai, quant à moi, que cela risque de modifier fondamentalement le profil de ce régime. Les entreprises se sont déjà largement engagées en faveur de la couverture complémentaire de leurs salariés par le biais de contrats de prévoyance - ainsi dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie.

Enfin, le régime local est, certes, une spécificité intéressante. Mais il ne faut jamais oublier que les dépenses d'assurance maladie en Alsace sont légèrement supérieures à la moyenne nationale et que la croissance des dépenses d'assurance maladie est plus importante que la croissance nationale, peut-être à cause de cette avancée. En tout cas, un effort dans la maîtrise médicalisée s'impose.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung. Trouvez-vous normal, monsieur Bur, que le régime local d'assurance maladie d'Alsace et de Moselle soit uniquement financé par les salariés ? Où est ce paritarisme rénové dont on n'a cessé de nous parler ?

Par ailleurs, des discussions ont été engagées entre l'instance de gestion et le MEDEF d'Alsace et de Moselle et il semblerait qu'ils s'acheminent vers la même conclusion que moi. Peut-être y parviendront-ils d'ici à quelques mois, lorsque les difficultés commenceront à devenir très grandes...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8207.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8208, que M. Jung a d'ores et déjà présenté.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7693.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à limiter les exonérations de cotisations sociales patronales du dispositif des contrats « jeunes en entreprise » aux entreprises de moins de cinquante salariés. En effet, autant il nous paraît légitime d'alléger le coût pour les petites entreprises qui créent de l'emploi, autant nous refusons que ces exonérations soient systématiques pour les plus grandes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7693.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'une série de quinze amendements identiques, nos 6744 rectifié à 6758 rectifié.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous considérons que ces amendements sont déjà défendus. Il s'agit de rappeler l'importance des droits sur le tabac dans la sauvegarde des finances de l'assurance maladie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6744 rectifié à 6758 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'une série de quinze amendements identiques, nos 6714 rectifié à 6728 rectifié.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Même esprit que précédemment. Il s'agit ici de la taxe sur les conventions d'assurance. On parle souvent, en effet, des taxes sur l'alcool et les tabacs, mais on oublie celle sur les conventions d'assurance qui devrait légitimement revenir à l'assurance maladie. Tel était d'ailleurs le cas avant que l'actuel gouvernement ne mette la main dessus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Même avis que pour les amendements précédents.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6714 rectifié à 6728 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 39

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 39.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Une partie de la discussion a d'ores et déjà eu lieu. Selon le vœu du Gouvernement, il s'agit avec cet article d'assurer les financements de l'assurance maladie. Or nous considérons, quant à nous, que ces financements sont tout sauf assurés. Cela est dû au fait que toutes les sommes qui devraient revenir à l'assurance maladie, droits sur l'alcool et les tabacs, taxe sur les contrats d'assurance et CSB, ont été, pour l'essentiel, récupérées par l'État. Et en dépit de ce qu'on nous explique, les finances de l'assurance maladie ont été singulièrement affaiblies par ce déficit de recettes.

D'une façon plus générale, nous considérons qu'il faudrait donner plus de transparence au financement de l'assurance maladie. Un des éléments de la responsabilisation des assurés que nous voulons promouvoir et qui n'est pas la pénalisation que vous, vous avez mise en œuvre tout au long de ce texte, consiste précisément à prévoir des ressources clairement affectées pour éviter toute discussion.

Aujourd'hui, nombre de nos concitoyens sont très sceptiques lorsqu'ils entendent parler de déficit. Ils ont le sentiment qu'on cherche à les culpabiliser, ce qu'ils refusent. Ils estiment parfois que ce sont les autres qui sont responsables. Très souvent, enfin, ils pensent qu'il y a des solutions miracles pour résoudre le problème de la croissance des dépenses de santé. Et ce, parce qu'on n'arrête pas de jongler avec les financements dédiés à l'assurance maladie : un jour, ils sont rattachés à l'État, le lendemain, ils ne le sont plus. Le doute porte même sur la CSG. Certes, on sait qu'elle sert à l'assurance maladie mais elle n'est pas simplement affectée.

C'est pourquoi certains de nos amendements tendront à prévoir qu'il faut clairement identifier la part de CSG affectée à l'assurance maladie. Il y aura ainsi une « cotisation santé » perceptible pour tous. C'est pour nous un élément de responsabilisation des assurés. C'est en ce sens que nous voulons travailler. Le présent texte, avec ses chiffrages fantaisistes sur les économies attendues, et le trouble qu'il maintient au niveau des recettes ne facilitera pas cette prise de conscience.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Deux mots simplement car nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ces sujets. Le dispositif prévu à l'article 39 comporte un aspect positif - voilà qui montre que nous savons le reconnaître -, je veux parler des mesures permettant la compensation intégrale des exonérations de charges par l'État et l'engagement pris en la matière par la loi.

Nous prenons acte également de la volonté du Gouvernement de faire en sorte que un milliard d'euros soit affecté au budget de la sécurité sociale, dans le cadre de la clé de répartition des droits liés aux tabacs et à l'alcool. Mais, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, cela ne signifie en aucune façon que cette recette sera pérenne dans la mesure où, chaque année, le Parlement devra confirmer que ce milliard d'euros est bien affecté à la sécurité sociale. Nous le savons tous, ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire. Dieu merci, d'ailleurs, c'est le principe même de la démocratie.

Par ailleurs, et nous l'avons souligné à maintes reprises, le trou étant de 15 milliards, il fallait trouver 15 milliards sous forme d'économies ou de recettes supplémentaires. Cela nous donne des estimations au doigt mouillé. On nous parle ainsi de 800 millions d'euros sur les arrêts de travail, alors qu'on ne trouve nulle part des indications allant dans ce sens. La note adressée par le directeur du budget au ministre de l'économie et des finances ne fait même allusion qu'à 200 millions d'euros. On nous parle encore de 3,5 milliards d'euros pour le dossier médical partagé sans jamais préciser que la mise en place de ce dispositif nécessitera quatre à cinq ans avant d'être effectif et, surtout, qu'il aura un coût. On nous propose enfin d'affecter un milliard d'euros à l'assurance maladie mais ce n'est qu'une simple mesure de cavalerie. On va creuser en effet un peu plus le trou du budget de l'État, qui atteint déjà 50 milliards d'euros, pour en boucher un autre. Résultat de tout cela : l'équilibre des comptes publics n'y est pas, loin s'en faut. Alors, oui, la compensation intégrale des exonérations de charges est une bonne mesure. Mais l'affectation de un milliard d'euros s'apparente purement et simplement à de la cavalerie budgétaire.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Nous abordons ici un des premiers articles de la série relative au financement de la sécurité sociale. Et même si les dépenses nous préoccupent énormément, cette question n'en est pas moins primordiale. Certes, le déficit de l'assurance maladie est important puisqu'il s'élève à 13 milliards d'euros en 2003. Mais il ne représente que 10 % des recettes.

Ce que les Françaises et les Français ne doivent pas ignorer, c'est que les trois-quarts de la somme qui constitue ce que l'on appelle le trou de la sécurité sociale sont tout simplement dus à un affaiblissement de la croissance et de l'emploi. N'oublions pas que 100 000 chômeurs de plus, cela signifie 1,3 milliard d'euros de recettes en moins pour la sécurité sociale. Ce sont des chiffres que personne ne conteste.

Il n'en reste pas moins qu'une réforme ambitieuse du système de santé ne peut faire l'impasse sur la question du financement. C'est le sens de nos propositions en faveur d'un financement qui conjugue solidarité, justice sociale et développement économique.

Nous proposons tout d'abord une modulation des cotisations patronales en fonction de la politique des salaires et de l'emploi de chaque entreprise. Certaines d'entre elles, monsieur le rapporteur, ont du mérite : elles créent des emplois ou assurent la formation de leurs employés.

La réforme des cotisations patronales est urgente. On ne peut accepter de voir des entreprises gagner de l'argent en supprimant des emplois ou en les précarisant et contribuer ainsi à l'affaiblissement de la protection sociale tout en augmentant leurs dépenses.

La réforme que nous proposons conserve le lien entre les cotisations patronales et les salaires, mais en instaurant une modulation des taux qui aurait pour effet d'augmenter les ressources de la sécurité sociale. Bien sûr, nous prévoyons certaines différenciations, selon la taille de l'entreprise et selon la politique qu'elle mène en matière d'emploi et de salaires.

Nous pourrions, à travers la baisse du taux de cotisation, aider les entreprises qui créent des emplois, qui élèvent leurs salaires et font de la formation, tandis que celles qui font le choix du profit financier contre l'emploi - c'est malheureusement souvent le cas - se verraient appliquer un taux de cotisation majoré. Cette modulation pourrait aussi être un moyen de promouvoir l'intervention des salariés dans la gestion de leur entreprise.

Nous proposons également une hausse immédiate du taux de cotisation des entreprises. En effet, les déficits ont toujours été mis à la charge des ménages à travers la CRDS. Compte tenu de l'ampleur du déficit actuel, il serait juste de faire contribuer les entreprises.

L'extension des prélèvements sociaux à tous les revenus financiers, au même niveau que les cotisations sur les salaires, est également nécessaire. Nous préconisons en parallèle le remplacement des exonérations de cotisations patronales par des bonifications d'emprunts bancaires ciblés et justifiés par la création réelle d'emplois.

Enfin, nous demandons le remboursement de la dette patronale, qui représente plus de 2 milliards d'euros par an.

Monsieur le ministre, nous avons eu une discussion à propos des assurés sociaux qui auraient trop perçu. A cette occasion, des dispositions énergiques et autoritaires ont été prises. Or, il n'en va pas de même pour les dettes patronales.

Par ailleurs, l'augmentation des salaires permettrait de diminuer le chômage et apporterait des ressources à la protection sociale, en particulier à la sécurité sociale.

Or, aucune des mesures que vous proposez ne va dans ce sens. Ni l'article 39 ni les suivants ne permettront de combler le déficit de l'assurance maladie. C'est pourquoi nous voterons contre cet article et contre les suivants. Mais je vous fais remarquer, monsieur le président, que nous ne nous contentons pas de voter contre les articles : nous faisons des propositions pour améliorer le financement de l'assurance maladie et pour faire en sorte que ce trou dont on nous parle depuis de nombreuses années soit enfin comblé.

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1912 à 1923.

Puis-je considérer, madame Jacquaint, que ces amendements, portant suppression de l'article 39, sont défendus ?

Mme Muguette Jacquaint. En effet !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission les a rejetés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1912 à 1923.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1924 à 1935.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir ces amendements.

M. Maxime Gremetz. Le paragraphe II de cet article prévoit que la compensation par le budget de l'État des dispositions d'exonération de cotisations patronales s'appliquera à toute mesure de réduction de cotisation ou d'exonération de contribution et à toute mesure de réduction ou d'abattement de l'assiette de ces cotisations et contributions. Ce paragraphe pose également le principe de compensation intégrale et réciproque de tout transfert de charge opéré entre l'État et la sécurité sociale.

En réalité, qui va supporter cette compensation des dispositifs d'exonération ? Ce sont toujours les mêmes, c'est-à-dire les ménages, qui devront assumer les cadeaux faits au patronat par les gouvernements successifs qui partagent les richesses produites par les travailleurs.

Si l'on observe l'évolution de la part globale des impôts sur le revenu des personnes physiques dans les prélèvements obligatoires, on constate qu'ils ont connu une forte augmentation, passant de 10,7 % en 1980 à près de 18 % en 2001.

En réalité, cette évolution suit deux tendances contradictoires : en premier lieu, l'importance relative de l'IRPP a très nettement décru, puisqu'il est passé de 10 % environ des prélèvements obligatoires à moins de 7,5 %. Dans le même temps, de nouveaux prélèvements proportionnels ont été instaurés et sont très rapidement montés en puissance : la contribution sociale généralisée en 1991, la contribution en remboursement de la dette sociale en 1996 et le prélèvement social de 2 % en 1998, dont le rendement total est désormais supérieur à celui de l'IRPP.

En d'autres termes, pour compenser les diminutions de cotisations sociales au profit des entreprises, vous complétez les financements traditionnels de la protection sociale en intégrant des impôts directs à l'assiette plus large que l'IRPP mais à taux proportionnels. En conséquence, la part de l'impôt progressif a nettement régressé. En effet, avec la décroissance de l'impôt sur le revenu, c'est la progressivité qui est marginalisée au sein des prélèvements obligatoires.

Il faut savoir que les allégements de cotisations sociales au profit des entreprises ainsi que la création de nouveaux prélèvements fiscaux sur les revenus des ménages destinés au financement de la protection sociale ont profondément transformé sa structure, laissant de plus en plus de place aux concours de l'État.

Cette réduction des cotisations patronales est due au poids de plus en plus lourd du financement public. L'État représente désormais près du tiers des financements de la protection sociale, mais à travers l'État, ce sont les ménages qui sont mis à contribution puisque la hausse de la part des financements publics correspond à celle des impôts et taxes affectées, dont l'essentiel provient de la CSG et de la CRDS.

En d'autres termes, l'intervention de l'État dans le financement de la protection sociale a organisé un transfert de charges des entreprises vers les ménages.

Voilà votre politique : faire toujours plus de cadeaux aux entreprises et demander aux ménages de compenser ces cadeaux.

Mais il y a pire : les cadeaux faits aux entreprises ne bénéficient aucunement aux ménages. Les cadeaux faits au nom de la création d'emplois sont très généreux car les entreprises n'ont jamais, en contrepartie, créé d'emplois, vous le savez bien.

Parce que nous refusons que ce soit toujours les mêmes qui paient les cadeaux faits au MEDEF, nous demandons la suppression de l'article 39 et plus particulièrement de son paragraphe II.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1924 à 1935.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 6699 à 6713.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir ces amendements.

M. Gérard Bapt. Ces amendements, fidèles aux propositions qui ont été formulées par le groupe socialiste dans son plan d'ensemble pour réformer l'assurance maladie, tendent à réintégrer à la caisse nationale d'assurance maladie la totalité du produit des droits sur les tabacs.

Quant à la perte de recettes pour l'État, qui vous souciait beaucoup, monsieur le ministre, comme vous nous l'avez indiqué à plusieurs reprises, elle serait compensée pour partie par un relèvement du taux de la contribution sociale de solidarité des sociétés et pour partie par un relèvement des taux de l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et voilà !

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des relèvements de classe !

M. Gérard Bapt. Nous proposons donc d'augmenter une contribution à laquelle vous ne touchez pas et de relever les taux d'un impôt que vous avez diminué de manière anti-économique et contraire à la destination qui avait été affichée, à savoir relancer la consommation. J'ajoute, monsieur le ministre, que cette mesure serait intégralement financée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous proposez d'affecter à la CNAM la totalité des droits sur les tabacs. Seule la part affectée au fonds de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante serait préservée.

Une telle mesure n'est pas envisageable, car elle porterait gravement atteinte au régime de protection sociale des exploitants agricoles, auquel sont affectées 52 % des recettes du tabac.

M. Jean-Marie Le Guen. N'allons pas diviser les salariés et les agriculteurs !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il n'est pas possible non plus, dans le contexte budgétaire actuel, d'aller plus loin que le transfert proposé de un milliard d'euros. Ce transfert traduit déjà un effort important de l'État en faveur du redressement de l'assurance maladie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J'observe, monsieur le ministre, qu'en matière d'impôt sur la fortune, vous considérez que si la parole est d'argent, le silence est d'or, si j'ose dire, car vous vous abstenez de toute réaction à la proposition de notre collègue Bapt.

Concernant le tabac, je me demande si vous avez lu le projet du groupe « Alternance 2002 ». Dans ce texte, qui devait préparer l'UMP au combat législatif, figurait la proposition de notre collègue Bapt. Je n'imagine pas que les rédacteurs de ce texte aient fait une proposition aussi importante en songeant à la renier dès lors que vous seriez en mesure de la mettre en œuvre. Moi, je suis cartésien, monsieur le ministre...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je le suis aussi !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, monsieur le ministre, vous êtes peut-être plus gascon que cartésien !

M. Michel Piron. Il y a une différence entre Marx et Descartes !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Piron, nous pourrons faire un colloque sur ce thème, un jour prochain ! Mais si vous voulez dire que j'ai porté le cartésianisme plus loin que Descartes ne l'avait lui-même conçu, je suis d'accord, parce que je l'enrichis de la dialectique ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour en revenir à ce qui nous concerne, monsieur le ministre, comment expliquez-vous l'écart qui existe entre le texte du groupe « Alternance 2002 », qui était le projet de la droite non UDF - encore que - et votre opposition à ces amendements ? Je dis « encore que » parce que je parle sous le contrôle de M. Bayrou qui est parmi nous cet après-midi.

Monsieur Bayrou, approuviez-vous le projet du groupe « Alternance 2002 » ? Parce que si c'est le cas, il faut que vous répondiez...

M. François Bayrou. Je n'ai pas la parole, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Il suffit de la demander !

M. François Bayrou. Je ne l'ai pas demandée ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, parce que, vous aussi, vous préférez le silence !

Monsieur le ministre, il faut que vous nous expliquiez l'écart qui existe entre les engagements d'alors et la réponse que vous venez de faire !

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6699 à 6713.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 6684 à 6698.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir ces amendements.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous mettons le doigt sur l'une des nombreuses plaies du financement de ce plan, à savoir les fameuses charges que le Gouvernement se targue de rembourser. S'il ne nous suivait pas sur ces amendements - ce que je redoute - nous constaterions encore une fois que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements. En effet, monsieur Le Guen, c'est un peu le jeu des chaises musicales : ce que vous proposez accroîtrait encore le déficit de l'État.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous préférez rembourser la CADES !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Par ailleurs, les exonérations non compensées ne représentent pas moins de un milliard d'euros pour l'assurance maladie. Quant aux deux milliards évoqués par ces amendements, ils portent sur l'équilibre de toutes les branches confondues, si j'ai bien compris.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je souhaite répondre à la commission, parce que M. Dubernard étant un produit de l'UMP « pur sucre »... (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Quand Sarkozy en aura pris la présidence, il ne sera plus aussi sucré que cela ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. ...il est très engagé par le projet « Alternance 2002 ». Or, la réponse qu'il vient de faire à notre collègue Le Guen est tout à fait incompréhensible !

M. Jean-Marie Le Guen. Le programme !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, monsieur Dubernard, avec la qualité que l'on vous connaît, vous ne pouvez pas renier aujourd'hui des engagements que vous avez pris hier !

Mais il y a une chose qui m'étonne : je n'arrive pas à croire que M. Bayrou soit venu dans l'hémicycle pour ne rien dire ! (Rires.) M. Bayrou est un compatriote d'Henri IV et, comme lui, il a beaucoup d'idées ! Vous, monsieur Bayrou, vous avez un avantage : vous connaissez bien l'histoire, et vous savez qu'on ne peut parler d'Henri IV sans penser à Ravaillac. (Sourires.)

M. François Bayrou. J'ai essayé ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Le dialogue doit aussi exister entre les groupes qui siègent sur ces bancs, monsieur le président, et la présence de M. Bayrou parmi nous est pour moi une énigme. Est-il venu pour défendre le projet Alternance 2002, que vous reniez aujourd'hui ? Ou bien est-il venu pour autre chose ?

M. François Bayrou. Vous avez bien du temps à perdre, monsieur Brard.

M. le président. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6684 à 6698.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39.

(L'article 39 est adopté.)

Après l'article 39

M. le président. Les amendements nos 7535 et 7536, portant articles additionnels après l'article 39, ne sont pas défendus.

Article 40

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 40.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, premier orateur inscrit. C'était M. Gremetz qui devait prendre la parole, mais il vous la passe, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Nous pratiquons en effet un jeu très collectif : comme vous le savez, c'est ce qui a permis à la Grèce d'emporter la Coupe d'Europe de football. Nous n'avons pourtant pas répété !

Monsieur le ministre, en autorisant la mise en jeu de la responsabilité financière du donneur d'ouvrage qui ne s'est pas assuré de la régularité de la situation de son cocontractant vis-à-vis du code du travail, l'article 40 réalise une avancée encore trop timide. En effet le revirement soudain du Gouvernement en la matière n'est malheureusement guère convaincant, contredit qu'il est par l'ensemble de sa politique et par l'idéologie libérale qui sous-tend toutes ses décisions. Le travail dissimulé, qui jouit en France d'une tolérance de fait, prospère sur le terreau de la dérégulation du marché du travail, dont le Gouvernement est un artisan zélé, et des pratiques de sous-traitance en cascade.

Nous relevons avec étonnement que des secteurs d'activité comme le nettoyage, la sécurité, et, plus surprenant encore, la confection ne sont pas compris dans le champ de l'article 40, le Gouvernement n'ayant retenu, au nombre des secteurs qui devront faire l'objet de contrôles renforcés, que l'agriculture, le bâtiment, la restauration et le spectacle. C'est le moment de rappeler que le souci de combattre le travail illégal constitue une nouveauté pour votre majorité, ce qui nous incline au scepticisme et nous engage à réserver notre appréciation à des actes concrets.

Le groupe communiste propose depuis des années d'instaurer des sanctions pénales sévères à l'encontre de ceux qui exploitent des travailleurs, directement ou indirectement, par le biais du travail dissimulé. Nous proposons que les sanctions s'appliquent autant au sous-traitant, rarement poursuivi, qu'au donneur d'ordre, qui pouvait jusqu'ici, en se contentant de changer de fournisseur, n'être quasiment jamais inquiété. Nous proposons aussi que le juge puisse décider la fermeture de l'établissement, et, outre la confiscation de l'outil de travail, celle des biens personnels des employeurs et de leurs complices. Nous proposons enfin, et surtout, que l'inspection du travail soit dotée des moyens supplémentaires, notamment en personnels, qui lui permettront d'assurer le respect de la législation régissant l'emploi de mains-d'œuvre. En effet, une politique réellement ambitieuse en la matière suppose un renforcement des moyens et des effectifs de l'inspection du travail, à l'exact opposé de la politique libérale du Gouvernement. On sait que 20 % seulement des procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail donnent lieu à des poursuites, que ces poursuites n'aboutissent pas toujours à des condamnations, et que ces condamnations sont le plus souvent assorties du sursis. En outre, du fait du recours à la sous-traitance en cascade et à des sociétés écran, les véritables donneurs d'ordre ne sont pratiquement jamais mis en cause.

La loi de 1996 sur le travail illégal est très loin de répondre à nos attentes, les parlementaires de la majorité d'alors, qu'on retrouve pour nombre d'entre eux dans la majorité d'aujourd'hui, s'étant refusé à mettre en place ce qu'ils jugeaient être « un système inquisitorial » à l'encontre des employeurs - quand il s'agit des salariés, la même inquisition ne les dérange pas. Alors qu'il s'agissait de renforcer la répression du travail illégal, on a pu entendre des propos tels que « ce n'est pas en accablant les entreprises qu'on les incitera à créer des emplois », ou encore « ne va-t-on pas créer des possibilités nouvelles de contrôles tatillons ? ». Certains ont même évoqué le risque d'un « alourdissement des tracasseries administratives. »

Et que dire, mes chers collègues, du dépôt par des députés de la majorité, le 13 juin 2003, sur le bureau de l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi visant à réformer le statut de l'inspection du travail et à en changer la dénomination ?

M. Richard Mallié. C'est une très bonne chose !

M. Jean-Pierre Brard. Cette proposition de loi a suscité un grand émoi et de profondes inquiétudes chez les inspecteurs du travail. En proposant de modifier quatre articles du code du travail, elle vise en effet à réformer radicalement les missions, les prérogatives et le statut de l'inspection du travail. L'État abdiquerait ainsi toute possibilité de contrôler les entreprises sur des points aussi importants que la durée du travail, l'organisation des horaires, l'emploi précaire, la représentation du personnel ou bien encore la négociation collective.

M. Richard Mallié. Vous ne l'avez même pas lue !

M. Jean-Pierre Brard. La suppression des pouvoirs propres des inspecteurs du travail, qui devraient être désormais accompagnés d'un agent de police judiciaire, ainsi que des dispositions dérogatoires aux règles de recrutement de la fonction publique, ou encore des mesures visant à remettre en cause l'indépendance des inspecteurs, font également partie des dangereuses réformes préconisées par les auteurs de cette proposition.

Il est vrai, monsieur le ministre, qu'à ce jour le Gouvernement n'a heureusement pas donné suite à cette proposition, qui émane pourtant des rangs de sa majorité. La proposition n'en constitue pas moins une tentative d'assujettir étroitement l'inspection de travail aux seuls impératifs économiques des entreprises, au détriment du respect du code de travail, des salariés et de leurs organisations syndicales.

On l'aura compris, c'est avec la plus grande circonspection que notre groupe aborde l'examen de cet article 40. C'est aux actes du Gouvernement qu'il jugera ses déclarations d'intention à l'endroit du travail dissimulé.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet article 40, qui vise à rendre plus efficientes les mesures de lutte contre le travail clandestin, n'entretient a priori que peu de liens avec le débat sur l'assurance maladie, sinon que le travail dissimulé provoque un manque à gagner pour les caisses en termes de cotisations non perçues.

Cet article propose donc d'étendre les pouvoirs de contrôle et d'enquête des agents agréés des caisses de sécurité sociale. Je voudrais quand même souligner, après M. Brard, et même si je sais que cette question relève de la compétence d'un autre ministère, qu'il faudrait d'abord renforcer les pouvoirs du corps de l'inspection du travail, afin qu'il puisse notamment assurer le respect des règles en matière d'hygiène et de sécurité. Comme on le sait, l'équilibre des comptes de sécurité sociale pâtit d'accidents du travail qui parfois ne sont pas déclarés comme tels. On doit tenir compte de cet état de fait quand on parle de l'emballement du nombre des arrêts de travail.

Je voudrais à ce propos vous communiquer certains chiffres, qui ont été exposés à l'occasion d'un débat ayant trait aux problèmes de gestion prévisionnelle des effectifs des entreprises, concernant notamment l'employabilité des salariés de plus de cinquante ans. En 2003, le nombre de préretraites a diminué de 23 %, et celui des déclarations d'invalidité ou de longue maladie a augmenté de 22 %. Ces chiffres indiquent d'une façon évidente qu'à l'heure actuelle on ne mesure pas suffisamment l'importance de la question de la santé au travail.

Je profite de l'examen d'un article qui concerne les recettes de la sécurité sociale pour dire un mot du détournement des recettes du FOREC vers le budget de l'État.

Si on considère le budget du travail depuis 2003, on constate que l'augmentation des dépenses due aux allégements de cotisations est principalement le fait des exonérations de charges sociales sur les bas salaires décidées dans le cadre de la loi Fillon à compter du 1er juillet 2003. En effet, les dépenses dues aux allégements de cotisations en rapport avec la réduction du temps de travail disparaissent pratiquement dès 2003, puisque l'incidence financière du dispositif de la loi « Aubry » n'est plus que de 0,8 milliard d'euros. Quant aux allégements liés au dispositif de la loi « de Robien », qui n'est pas encore totalement arrivé à expiration, ils n'interviennent qu'à hauteur de 0,4 milliard d'euros. En revanche, les exonérations de la loi Fillon du 17 janvier 2003, qui ne s'accompagnent d'aucune contrepartie en termes de réduction du temps de travail ou de création d'emplois, représentent 15,8 milliards d'euros. Ça veut donc dire qu'il n'y a aujourd'hui pratiquement plus d'incidence des lois Aubry et de Robien sur le montant des dépenses liées aux exonérations de cotisations, et que l'augmentation de ces dépenses traduit uniquement la montée en charge du dispositif mis en place par la loi Fillon du 17 janvier 2003.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l'article 40.

Les amendements nos 8215 et 8216 ne sont pas défendus.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1948 à 1959.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. On l'a dit, l'article 40 vise à renforcer la répression du travail dissimulé. Il étend notamment la couverture obligatoire par le régime général aux travailleurs sous-traitants et indépendants.

Il va de soi que nous soutenons toutes les démarches qui visent à lutter contre le travail dissimulé, qui s'apparente dans certains cas à un véritable esclavage moderne et que nous ne pouvons en aucune façon tolérer.

Votre dispositif ne manquerait pas d'intérêt, monsieur le ministre, s'il s'accompagnait de moyens de contrôle supplémentaires, notamment de créations de postes d'inspecteurs du travail, des Urssaf, des impôts, seuls susceptibles d'assurer sur le terrain un véritable contrôle de l'application de la loi.

Les mesures que vous nous proposez sont d'autant plus paradoxales que certains collègues de l'UMP ont déposé une proposition de loi visant à restreindre le champ d'intervention de l'inspection du travail.

M. Richard Mallié. Vous parlez de ce que vous n'avez pas lu !

Mme Muguette Jacquaint. Je l'ai fort bien lu, hélas !

Par ailleurs, le dispositif de l'article 40 s'apparente à certains égards à une culpabilisation des travailleurs dits « au noir », alors que très souvent ils n'ont pas d'autre choix, et qu'on ne peut pas aujourd'hui soutenir sérieusement que le travail dissimulé est une cause du déficit de la sécurité sociale.

Enfin l'article soulève la question de l'externalisation forcée de certains segments de production considérés comme ne constituant pas le cœur du métier de l'entreprise. Elle jette dans la sous-traitance forcée et au bénéfice quasi exclusif de l'entreprise d'origine nombre de ses ex-salariés. Le premier paragraphe de l'article reflète d'ailleurs cette situation de l'emploi. On se demande dans ces conditions ce qu'attend le Gouvernement pour obliger les entreprises à réintégrer en leur sein les emplois qu'ils ont ainsi externalisés. Ce serait là un élément d'une véritable politique de l'emploi, seule à même, je l'ai dit, de garantir aux caisses de sécurité sociale des ressources nouvelles et pérennes.

La réponse apportée par cet article est insuffisante, car s'il faut effectivement lutter contre le travail dissimulé, on ne peut pas faire de ce combat un pilier de financement de la sécurité sociale. Je le répète, si cette mobilisation est indispensable, elle ne suffirait pas à garantir des ressources pérennes à la sécurité sociale, si ne s'y adjoignent d'autres sources de financement - je ne reviendrai pas sur nos propositions en la matière.

Voilà pourquoi nous proposons par cet amendement de responsabiliser davantage les donneurs d'ordre, qui, pour certains d'entre eux, usent et abusent du travail au noir. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 324-14-1 du code du travail dispense une forme de pardon au donneur d'ordre ou au maître d'ouvrage qui reconnaît la situation et la fait cesser. Il ne s'acquittera donc pas des cotisations qu'il aurait dû normalement verser au titre de la situation antérieure, même si celle-ci a duré des années, sous prétexte qu'il aura en quelque sorte reconnu sa faute.

De tels abus sont inacceptables. C'est pourquoi nous proposons d'engager plus franchement la responsabilité des chefs d'entreprise peu scrupuleux, dont le rôle dans le développement du travail dissimulé n'est plus à démontrer, en renforçant le caractère dissuasif du dispositif. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a regardé avec beaucoup d'intérêt ces amendements qui, pour une fois, n'étaient pas de suppression, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Ah non ! Ne dites pas cela !

Monsieur le président, il engage la polémique !

M. le président. Non, ce n'est pas de la polémique, monsieur Gremetz. Il n'y a pas d'amendement de suppression depuis déjà un moment !

M. Maxime Gremetz. Pas de provocation, monsieur le président !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Gremetz, écoutez la deuxième partie de ma phrase : sur un thème comme celui-là, la lutte contre le travail au noir - c'est ainsi que j'appelle le travail dissimulé -, nous pouvons nous retrouver.

Cependant, ces amendements ont été rejetés par la commission parce que le contrôle du travail dissimulé est déjà renforcé au III de l'article 40. En outre, ils paraissent difficiles à mettre en œuvre et, surtout, exigeraient un suivi très lourd pour l'entreprise donneur d'ordre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Même l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Car en fin de compte, en approuvant la lutte contre le travail clandestin, le rapporteur accorde un succès d'estime à nos amendements, non pas avec des effets de manches parce qu'il n'a pas les manches adaptées pour produire les effets... Mais de là à les soutenir... Ce serait tellement difficile !

Dans ma seule ville, je pourrais vous citer de nombreux cas de travail au noir qui ne sont pas combattus : des cotisations sociales soustraites aux caisses, des salariés livrés pieds et poings liés,...

M. Édouard Landrain. Que fait le maire ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Le maire, il fait ce qu'il peut, dans le cadre de ses pouvoirs ! Car voyez-vous cher collègue, moi, je suis un républicain attentif, et je n'agis que dans le cadre de la loi !

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Hélas ! la loi donne peu de pouvoir. Dans chaque département, il y a bien un comité opérationnel de lutte contre le travail illégal, mais il n'a pas encore démontré son efficacité. Il revient à l'État de coordonner l'intervention de ses services, mais cela ne se fait pas.

Il n'y a pas que le Grand Stade qui a été construit en partie par des travailleurs au noir ! Si l'activité textile connaît des difficultés dans notre pays, c'est parce que le travail au noir est toléré : des travailleurs clandestins viennent de Chine et d'ailleurs et sont livrés à des marchands d'esclaves contre lesquels le Gouvernement ne fait rien !

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous aviez la possibilité de soutenir des amendements visant à aller plus loin dans la lutte contre le travail non déclaré. En refusant nos propositions, vous faites une fois de plus la preuve qu'il existe un écart entre votre discours et vos actes.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1948 à 1959.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 5722 à 5733.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il s'agit encore de lutter contre le travail dissimulé et illégal car c'est un impératif pour la société.

Tout le monde connaît des exemples de travail dissimulé et, contrairement à ce que l'on pense, il est impressionnant de constater qu'il est bien souvent le fait des entreprises et non pas la volonté des salariés. Il existe une étude sur ce sujet. Jean-Pierre Brard a cité des cas ; on peut en citer beaucoup d'autres qui existent sur de grands chantiers. En ne déclarant pas les salariés, on évite de payer des cotisations, on paie les salariés comme on veut - on peut leur faire faire n'importe quoi et n'importe comment... En outre, bien souvent, la sécurité n'est pas assurée sur les chantiers.

Par conséquent, quand on parle de s'attaquer au travail dissimulé illégal, il faut en avoir la volonté politique et s'en donner les moyens. Cela passe, monsieur le ministre, que vous le vouliez au non, par l'efficacité et surtout le renforcement des services du contrôle du travail en moyens humains. Ce sont les directions départementales du travail et les inspecteurs du travail qui en sont chargés. Ou alors on fait une autre brigade : on met en place d'autres policiers !

Or vu le nombre des inspecteurs du travail dans les régions, et spécialement dans la nôtre, comment voulez-vous leur demander d'aller vérifier, de façon inopinée, tel ou tel chantier ou telle ou telle entreprise ? Ils ne peuvent pas, humainement, suivre des affaires pour lesquelles ils sont appelés.

Il ne suffit pas de parler du travail illégal, car ce serait surtout de l'agitation pour faire peur et laisser croire que ce sont les salariés eux-mêmes qui se mettent dans une situation illégale, alors que c'est souvent faux. Certes, cela existe, et il faut le combattre. Mais des patrons voyous, des patrons « dissimuleurs », il y en a plus qu'on ne le pense, et pas seulement dans les petites et moyennes entreprises, mais essentiellement dans les grands groupes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Elle a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5722 à 5733.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 40.

(L'article 40 est adopté.)

Après l'article 40

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 6624 à 6638, portant article additionnel après l'article 40.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements suivants avant l'article 41.

Dans le même esprit que les précédents, il s'agit de responsabiliser l'assuré. C'est un sentiment qui vous est cher, mais à chaque fois qu'il faut passer à l'action, vous avez des problèmes ! Quand il faut pénaliser, vous le faites, mais quand il s'agit de responsabiliser, vous ne savez pas le faire !

Ces amendements proposent que la fraction de la CSG spécifiquement affectée au financement de l'assurance maladie soit clairement identifiée sous le nom de contribution santé universelle. Ainsi, sur les bulletins de paie notamment, une identification serait faite très clairement de façon que l'assuré sache ce qu'il paie pour l'assurance maladie.

C'est une revendication simple et de bon sens. Elle ne coûte rien et permet à l'assuré d'être simplement responsable.

Le seul argument qui s'y oppose est le fait que, trop souvent, l'État a la volonté de mettre dans un pot commun CSG et différents prélèvements pour opérer des détournements de ces prélèvements. Voilà pourquoi l'État est souvent défavorable à l'identification précise d'une cotisation vers un régime précis : l'assurance maladie. Mais j'imagine que ce scrupule n'étant en l'occurrence pas de mise, monsieur le ministre, vous allez approuver cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont diserts !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6624 à 6638.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Avant l'article 41

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 6774 à 6788, portant article additionnel avant l'article 41.

Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Un petit mot du Gouvernement !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6774 à 6788.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 41

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 41.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. D'où vient cet étrange engouement pour la CSG ? Je me rappelle qu'en 1991, quand le gouvernement Rocard la présenta, la droite la dénonça avec une vigueur presque aussi virulente que celle du groupe communiste de l'époque.

M. François Bayrou. Pas tout le monde !

M. Maxime Gremetz. C'était la grande unité !

M. François Bayrou. Non, un certain nombre !

M. Maxime Gremetz. Moi, je fais amende honorable ! Vous, cela vous permet de rectifier les choses...

M. Jean-Pierre Brard. M. Bayrou ne fait pas amende honorable, il fait son mea culpa !

M. François Bayrou. M. Méhaignerie et M. Bayrou étaient pour !

M. Maxime Gremetz. Voilà au moins deux rescapés ! (Rires.) Eh oui, la vérité est ainsi, et il faut la dire ! J'ai d'ailleurs le compte rendu de l'époque !

M. Hervé Morin. Oui, il n'y a pas de problème !

M. Maxime Gremetz. Je ne mets pas en cause votre bonne foi, comme vous ne mettez pas en cause la mienne !

M. François Bayrou. Jamais ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Je me rappelle qu'en 1991, disais-je, quand le gouvernement Rocard présenta la CSG, une partie...

M. François Bayrou. Majoritaire !

M. Maxime Gremetz. ...très majoritaire de la droite la dénonça avec une vigueur presque aussi virulente que celle du groupe communiste de l'époque. C'est seulement quelques années plus tard que M. Barrot avoua qu'il avait soigneusement organisé l'abstention de quelques-uns de ses amis pour faire passer ce projet du gouvernement socialiste de l'époque.

M. Hervé Morin. C'est vrai !

M. Maxime Gremetz. C'est toujours historiquement vrai !

M. François Bayrou. Oui, c'est vrai !

M. Maxime Gremetz. Depuis, tous les gouvernements successifs, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont utilisé cet outil redoutable dont ils appréciaient l'efficacité pour faire payer les familles et les assurés sociaux.

Il faut en effet savoir que la CSG est aujourd'hui de très loin l'impôt direct qui rapporte le plus, avec 62 milliards d'euros contre « seulement » 47 milliards pour l'impôt sur le revenu.

Même le MEDEF s'y est converti puisque, dans son document de la fin 2001, au démarrage de la dernière élection présidentielle, il propose de supprimer purement et simplement les cotisations patronales sur la maladie et la famille, pour les transférer sur les assurés sociaux sous forme de CSG. Que la fiscalisation est belle quand les patrons n'ont plus rien à payer ! Le prétexte avancé est que des prestations devenues universelles ne doivent plus être financées par les entreprises - il s'agit du programme du MEDEF -, mais par une contribution universelle.

Que lit-on dans certains documents officiels adoptés par nos collègues de l'opposition sur la réforme de l'assurance maladie ? Par exemple, ceci : "La CSG est le socle financier du système d'assurance maladie solidaire car elle est payée par tous les Français et porte sur l'ensemble des revenus". Non seulement je ne suis pas convaincu - et on aura du mal à me convaincre -, mais je me dis qu'il y a encore beaucoup, beaucoup de travail avant que la gauche ne se retrouve unie sur de véritables propositions alternatives à celles de la droite et du patronat.

Pour leur part, les députés communistes combattent la CSG, qui n'est pas seulement injuste, mais terriblement dangereuse pour la sécurité sociale. Elle est injuste, dès lors que moins de 10 % de son montant provient des revenus financiers. Elle est injuste dès lors qu'elle frappe les retraités et les chômeurs. Elle est injuste et, surtout, dangereuse, dès lors qu'elle se substitue aux cotisations patronales.

Ce n'est pas une menace, mais déjà une réalité. Depuis la création de la CSG en 1991, la cotisation « famille » a diminué de 50 %. Plus grave encore, la totalité de la hausse des dépenses de sécurité sociale est aujourd'hui financée par les ménages, par le biais de la hausse de la CSG, dont je rappelle que le taux était initialement de 1 %. Pendant la même période, les taux des cotisations patronales ont diminué et les exonérations de cotisations patronales progressé toujours plus.

Ceux qui, au nom de la justice, voudraient taxer les revenus financiers pourraient parfaitement le faire sans construire cette machine de guerre contre le financement par les entreprises. Les députés communistes et républicains − et avec eux la plus grande partie du mouvement syndical − continuent en effet de penser que la meilleure façon d'assurer l'avenir de la sécurité sociale est de lier le financement des prestations sociales à ce qui se passe dans les entreprises. C'est d'ailleurs très logiquement que le MEDEF, qui ne cache pas son objectif fondamental « d'en finir avec les institutions sociales issues de la Libération », utilise la CSG comme moyen de hâter la mise en œuvre de ce plan de casse.

Face à cette logique de mort de la sécurité sociale, les communistes opposent donc une logique inverse de développement des ressources de la sécurité sociale, en proposant de moderniser la cotisation patronale − non pas pour la supprimer, mais pour augmenter de manière efficace la contribution des entreprises.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Jean-Pierre Brard. Qui va nous parler de la CSG sur les casinos ! (Sourires.)

M. Léonce Deprez. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout le monde l'a dit ce matin, les ressources de la sécurité sociale doivent provenir d'abord de la croissance économique et de la création d'emplois, lesquelles dépendent en partie de la mise en valeur de notre territoire. Ainsi, il faut que l'économie touristique devienne une nouvelle source d'activités et d'emplois non précaires. Je ne fais ici que saisir la perche que M. Brard m'a tendue ce matin, sous la forme d'une boutade. Si je me suis attaché à créer une dynamique d'économie touristique dans le Pas-de-Calais, c'est parce que, il y a trente ans, le département a commencé à fermer ses mines et qu'il a fallu créer les bases d'une vie nouvelle et de nouveaux gisements d'emplois.

M. Jean-Marie Le Guen. Il y avait pourtant de bonnes mines ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. On ferme les mines et on ouvre les casinos ! Des croupiers pour remplacer les mineurs !

M. Léonce Deprez. Par un grand effort de conversion, nous avons réussi à créer des activités et des emplois. Cela pourrait se faire dans toute la France, et c'est pourquoi, avec nombre de mes collègues de différentes régions, je défends cette cause avec ténacité.

Avec l'augmentation de la CSG de 7,5 % à 9,5 %, les casinos vont voir le produit brut des jeux à nouveau ponctionné. Leur capacité financière d'investissement au profit des 180 pôles d'excellence principaux du tourisme français que sont les stations classées ayant mérité l'implantation d'un casino va donc diminuer. Si les amendements touchant la CRDS étaient adoptés, ce serait une vraie catastrophe. En effet, les casinos sont taxés sur 600 % des mises brutes, et une augmentation de 0,15 % de la CRDS se traduirait par une augmentation de 1 % du prélèvement sur le produit brut des jeux.

Fort heureusement, le Gouvernement a compris que cela reviendrait à asphyxier les entreprises créatrices d'emplois à l'année que sont devenus les casinos.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! Voilà un gouvernement ouvert à la négociation sociale !

M. Léonce Deprez. C'est en effet l'assiette servant de base au prélèvement sur le produit brut des jeux qui exploserait.

Il faut rappeler que les casinos emploient 17 000 salariés dans des régions pauvres en entreprises et dans des communes souvent privées d'industries. De plus en plus souvent, ce sont des emplois durables. Pour vivre et contribuer au développement de l'économie touristique, les villes touristiques doivent investir, mais les investissements sont de plus en plus lourds. Il faut donc limiter la ponction sur les produits des jeux car, comme l'a dit ce matin M. Philippe Douste-Blazy, si l'on charge trop la barque, la France ne sera plus compétitive, dans le domaine de l'économie touristique comme dans bien d'autres.

La part des prélèvements spécifiques des casinos − hors impôts et taxes ordinaires − est passée en dix ans, de 1992 à 2002, de 45,20 % à 55,25 % du produit brut des jeux − ce qui est un record international −, soit un point de pression fiscale supplémentaire chaque année. À titre de comparaison, les prélèvements sont de 35 % en Belgique, et de 30 % en Suisse.

Après dix années de croissance économique, bienfaisante pour l'État et pour les ressources nationales, la croissance risque de devenir négative en économie touristique, et d'abord pour les casinos français.

Si l'on veut dégager davantage de ressources pour l'assurance maladie, mieux vaudrait donner suite aux études qui ont conclu que le volume des jeux en ligne sur certain site français s'élèverait à 300 millions d'euros. À ce sujet, j'ai remis il y a quelque temps une étude à M. Francis Mer.

M. Jean-Pierre Brard. De profundis... (Rires.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Deprez.

M. Jean-Pierre Brard. Quand on aime, on ne compte pas le temps !

M. Léonce Deprez. Mon intervention a un sens, monsieur le président.

M. le président. Tout a un sens, tout est important, mais il ne faut pas dépasser son temps de parole, et il faut conclure.

M. Léonce Deprez. En 1987, j'ai présenté une proposition de loi destinée à sauver les casinos, qui risquaient de fermer. Grâce aux machines à sous, ils ont connu une croissance stimulante pour toute l'économie touristique. Je demande à l'Assemblée nationale de protéger ces sources nouvelles que représentent les activités économiques liées au tourisme, et je souhaite que le Gouvernement ne donne pas suite à des amendements qui porteraient atteinte aux investissements dont la France a besoin pour développer l'emploi dans le domaine touristique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis heureux de constater que, grâce à M. Deprez, l'UMP a enfin retrouvé la parole sur l'assurance maladie, et à propos d'un sujet essentiel. Notre collègue nous a en effet expliqué que nous devions renoncer à augmenter la CRDS, pour permettre le développement d'une économie de tourisme liée aux casinos.

À ce propos, je voudrais rappeler à notre collègue, pour lui ouvrir de nouvelles perspectives, que des économistes ont récemment proposé que les remboursements de sécurité sociale se jouent à la roulette. (Rires.) Pour faire des économies, on pourrait en effet tirer au sort ceux d'entre nous qui seraient remboursés ; quelques-uns gagneraient même le gros lot. Chacun aurait ainsi intérêt à ce que l'accès aux soins soit facilité, pour que la roulette tourne plus souvent et qu'il y ait un meilleur partage des remboursements par tirage au sort.

M. Édouard Landrain. Il faudrait surtout tirer au sort ceux qui prennent la parole ! (Sourires.)

Mme Valérie Pecresse. À la roulette russe ! (Rires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Pour en revenir à l'article 41 du projet de loi, on est bien forcé d'admettre qu'il n'existe pas. En effet, chaque fois que le ministre s'est exprimé sur le financement de son plan, il a dit que la CSG n'augmenterait pas. J'en conclus que l'article 41 est une pure vue de l'esprit. À lire le texte, en effet, il semble bien que la CSG sur les salaires va augmenter, que cette augmentation est l'une des plus importantes qui soit et qu'elle constitue l'une des ressources les plus certaines du plan présenté par le ministre. Mais, comme il assure qu'il n'y aura pas d'augmentation, je suppose qu'il ne va pas tarder à prendre la parole pour demander la suppression de l'article 41.

En fait, monsieur le ministre, vous allez faire payer aux salariés − et aux retraités, puisque le taux de la CSG sur les pensions va connaître une augmentation substantielle − tous les efforts contributifs de votre projet. Vous vous procurerez ainsi des ressources substantielles pour financer votre plan, beaucoup plus importantes, en tout cas, que celles qui sont demandées aux revenus du capital. Si l'on ajoute ces prélèvements à tout ce qui sera exigé des salariés avec l'extension de la CRDS, et si on le compare à ce qui provient des revenus du capital, on s'aperçoit que le rapport est de un à dix. Cela ramène à leurs justes proportions vos discours sur l'effort que votre projet de loi serait censé demander à tous de manière équilibrée.

Cette disposition importante contredit donc l'essentiel des propos du Gouvernement et montre bien la réalité et l'injustice de son plan. En même temps, elle laisse entrevoir tous les efforts qu'il faudra encore consentir : les quelque 10 milliards d'économie sur lesquels vous tablez ne seront malheureusement pas au rendez-vous et, en reculant devant la nécessaire réforme de notre système de santé, vous ne faites que préparer de futures augmentations des prélèvements sur les salaires et les retraites.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, au moment où vous prépariez votre réforme, vous avez déclaré que la CSG n'augmenterait pas. Vous aviez oublié de préciser que vous ne parliez que du taux. Or cet article propose un moyen détourné d'augmenter la CSG pour les salariés et les retraités : porter de 5 à 3 % la réduction représentative de frais professionnels qui vient en déduction du montant brut des salaires et des allocations de chômage, dans l'assiette de la CSG et de la CRDS.

Pour le Gouvernement, cette opération présente deux avantages principaux. D'une part, l'augmentation est masquée, car les taux sont échangés ; pour un produit équivalent, le taux de 7,5 % aurait dû être augmenté de 0,16 point. D'autre part, l'augmentation de l'assiette ne pèsera que sur les salariés et les chômeurs, puisqu'elle ne concerne pas les professions libérales. Les médecins, notamment, sont et resteront imposés sur la totalité de leur salaire.

Cette augmentation de l'assiette rapportera 1 milliard d'euros, et l'augmentation de 0,4 point de la CSG pour les retraités imposables 560 millions d'euros. Ces hausses, qui toucheront les salariés, les chômeurs et les retraités imposables, vont directement se répercuter sur la consommation populaire, celle qui fait déjà défaut : les derniers indices mettent en valeur non seulement une stagnation, mais un fléchissement de la grande consommation. Avec une politique macroéconomique qui a privilégié les baisses d'impôt sur les plus hauts revenus − qu'il s'agisse de l'IRPP, de l'impôt sur la fortune ou de l'exonération de certaines plus-values au moment des ventes d'actifs −, vous n'avez relancé ni la consommation, ni l'emploi, ni l'activité économique, mais vous avez alimenté l'épargne ou les investissements à l'étranger, l'un de nos collègues de la majorité l'a très clairement expliqué au moment du débat sur la loi pour l'initiative économique.

Pour des raisons de justice et d'efficacité économique, nous ne voterons donc pas l'article 41.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Deprez, votre intervention, dans un domaine où vous êtes particulièrement compétent, était fort intéressante, mais vous ne nous avez pas parlé du risque de délocalisation des jeux ! (Sourires.) Il est vrai que si celle-ci peut être mauvaise pour l'industrie des jeux dans notre pays, elle peut se révéler bonne pour le développement des transports puisqu'il faudra alors se rendre en Belgique pour jouer ! Et comme le jeu est une forme d'ivresse...

M. Michel Piron. C'est rimbaldien !

M. Jean-Pierre Brard. ...et que l'on ne peut donc, dans ces conditions, utiliser sa voiture personnelle, c'est à des taxis qu'il faudra faire appel.

Permettez-moi en tout cas, monsieur Deprez, de vous renvoyer à Dostoïevski et aux écritures du Vatican : en poussant nos concitoyens à jouer, ce sont leurs plus mauvais instincts que vous exaltez, au risque de donner à certains le goût du luxe et de la luxure.

Je mets en garde le bon chrétien qui est en vous, afin que vous ne vous trouviez pas ainsi dans le péché. (Sourires.)

M. Michel Piron. C'est un argument mystique !

M. Jean-Pierre Brard. Peut-être, mais j'en use parce que je me soucie du salut de l'âme de Léonce Deprez...

M. Léonce Deprez. Et de celle d'Alain Bocquet, alors !

M. Jean-Pierre Brard. ...afin qu'il n'aille pas en enfer.

J'en viens à l'article 41 qui prévoit un relèvement des taux de la CSG afin, aux termes de l'exposé des motifs, de dégager la moitié environ des recettes nouvelles escomptées par le projet de loi.

Nous ne pouvons pas souscrire à l'orientation générale de cet article qui accentue des mécanismes de financement particulièrement inéquitables et qui, s'appuyant sur la CSG pour combler les déficits de l'assurance maladie, élude toutes les propositions de financement alternatives qui pourraient restaurer les mécanismes de solidarité dans notre système de protection sociale.

Le problème que pose la CSG, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, c'est que près de 90 % de ses recettes proviennent des revenus du travail alors qu'elle taxe de manière très insuffisante les revenus du capital.

Retenue à la source, elle est peu visible et facile politiquement à augmenter. Elle est passée de 1,1 % en 1991 lors de son instauration, à 7,5 % en 1997. Elle rapportait 28 milliards de francs en 1991 contre 337 milliards de francs huit ans après. Elle constitue aujourd'hui plus d'un tiers - 36 % exactement - des ressources de l'assurance maladie. Et la tendance est à la hausse.

Bien évidemment, nous ne sommes pas opposés au relèvement des taux sur le patrimoine ou sur les revenus de placement. De même, nous ne pouvons qu'approuver, à l'inverse de notre collègue Léonce Deprez, une augmentation du prélèvement sur les jeux. Dans une société qui veut conserver un sens et des valeurs, il est parfaitement légitime que les besoins financiers de la santé publique s'imposent au superflu. C'est même une question élémentaire de justice.

Mais il n'est pas acceptable de voir s'accentuer, une nouvelle fois, les prélèvements sur les salariés et les retraités.

M. Jean-Marie Le Guen. Évidemment !

M. Jean-Pierre Brard. L'assiette est étendue de 2 % pour les salariés et la CSG des retraités est augmentée de 0,4 %. La CSG repose déjà aux trois quarts sur les revenus des salariés. En ponctionnant à nouveau ces catégories, vous les pénalisez doublement : non seulement, elles vont contribuer plus lourdement encore mais, comme usagers de notre système de santé, elles vont bientôt recevoir moins, du fait des procédures de déremboursement. En outre, en diminuant leur pouvoir d'achat, vous limitez la consommation, et vous aggravez donc la situation économique du pays.

Dans ces conditions, nous sommes résolument opposés à la montée en puissance de la CSG dans le financement de l'assurance maladie. C'est pourquoi, vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous nous opposerons à votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. L'article 41 me conduit à présenter deux observations, en complément de ce qui a déjà été dit.

La première porte sur la réduction de l'abattement forfaitaire de 5 à 3 % pratiqué sur l'assiette de la CSG, c'est-à-dire sur les revenus d'activité salariée. Nous aurions préféré que le Gouvernement ait le courage d'afficher une véritable hausse de la CSG, car la réduction de cet abattement reviendra à augmenter la CSG de 0,16 %. Mais il préfère le cacher comme s'il en avait honte !

Pourtant, si l'on veut promouvoir une pédagogie de la dépense, il faut aussi une pédagogie de la recette : la santé a un coût et face aux dépenses qu'elle provoque, il doit y avoir des recettes. Il faut donc dire aux Français que se soigner a un coût, qui doit être supporté.

Par mesure aussi bien de pédagogie que de justice, il nous aurait donc semblé préférable d'augmenter purement et simplement le taux de la CSG. C'est ce que nous proposerons par un amendement de Charles de Courson.

Ma seconde observation a également trait à un regret quant au contenu de l'article 41. Ce dernier perpétue en effet un dispositif injuste et inéquitable qui frappe les revenus de l'activité salariée et non ceux des professions indépendantes et libérales.

La santé a un coût pour tous ceux qui travaillent et pas simplement pour les salariés. Il nous semble, pour le moins, que la mesure aurait dû être applicable à tous, ce qui aurait impliqué une hausse pure et simple de la CSG.

Je ne saurais conclure sans m'interroger sur la constitutionnalité de cette mesure. Certes, la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1990 avait été extrêmement claire. Mais celui-ci avait été saisi par les plus grands noms du Gouvernement d'aujourd'hui, et le Président de la République était même le premier signataire. Cette saisine se fondait sur l'inégalité de traitement entre les salariés et les non salariés.

J'aimerais que ce qui valait en 1990 soit encore valable en 2004.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il y a quelques mois, certains abordaient le débat sur la nécessaire réforme de l'assurance maladie sous le seul angle du taux de la CSG.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai !

M. Hervé Mariton. Rien d'autre n'existait que la chronique d'une augmentation annoncée de ce taux.

Nos débats de ces dernières semaines sur la réforme de l'assurance maladie auront sans doute eu le mérite de montrer qu'une autre approche est possible que la seule résignation à l'augmentation du taux. Elle passe par la modification des comportements et l'organisation du système de soins, afin de responsabiliser davantage, de dépenser moins et de trouver des ressources nouvelles, telle la contribution forfaitaire d'un euro pour chaque consultation, toutes mesures qui ne relèvent pas de la même logique que le prélèvement obligatoire de la CSG et auxquelles il n'était pas toujours fait mention il y a encore quelques mois !

Si, comme certains l'auraient voulu - et probablement tout de suite critiqué ! - la réforme avait été engagée en augmentant simplement et lourdement la CSG, il n'y aurait eu aucune raison que, quelques mois après ou quelques années plus tard, on ne procède pas exactement de la même manière.

M. Jean-Marie Le Guen. Rassurez-vous : c'est bien ainsi que cela se terminera !

M. Hervé Mariton. Eh bien, nous faisons un pari différent (Rires sur les bancs du groupe socialiste) ...

M. Jean-Marie Le Guen. Et que pariez-vous ?

M. Gérard Bapt. Allez donc au Touquet, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. ...et c'est cela qui nous différencie.

On aurait pu, régulièrement et avec résignation, augmenter purement et simplement la CSG.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est ce que vous faites ! Vous augmentez la CSG en même temps que la CRDS !

M. Hervé Mariton. Procéder ainsi n'aurait été ni très épuisant intellectuellement, ni compliqué pour les relations que nous entretenons avec les citoyens...

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr ! C'est par courage politique que vous ne le faites pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. ...sauf que cela aurait pesé sur la compétitivité du pays.

Nous avons donc choisi...

M. Jean-Marie Le Guen. De faire payer les petits enfants ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Hervé Mariton. ...de faire le compte de ce qui pouvait être fait avant d'engager un pari en termes de réforme de fond.

Force a bien été de constater que, malheureusement - j'insiste sur ce mot car ce n'est pas de gaieté de cœur mais à notre corps défendant que nous augmentons les prélèvements - il était nécessaire, pour l'équilibre de la réforme, d'augmenter, de façon aussi limitée que possible, le taux de la CSG. Tel est le sens de cet article.

M. Jean-Marie Le Guen. Et les 70 milliards de CRDS ?

M. Hervé Mariton. Dans cet hémicycle, il y a ceux pour qui le débat s'arrêtait à la seule augmentation des prélèvements - mesure beaucoup plus simple et bien moins exigeante que d'autres -...

M. Jean-Marie Le Guen. Reporter la dette, c'est du courage ?

M. Hervé Mariton. ...et ceux pour qui le débat devait être le moyen d'une réforme du système.

Des progrès sont encore à faire, et nous les ferons. Nous sommes dans un processus de progrès continu.

M. Claude Evin. Par manque d'ambition !

M. Hervé Mariton. Dans ce processus, la CSG a sa part, mais une part aussi limitée que possible.

Cet article n'est guère enthousiasmant. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Moins on augmente les prélèvements - et nous aimerions vous l'entendre dire avec nous - mieux on se porte ! Malheureusement, il faut parfois s'y résoudre mais alors de manière aussi modérée que possible.

M. Jean-Marie Le Guen. De manière hypocrite !

M. Hervé Mariton. Le projet parvient à ce délicat équilibre. Tant mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Pour reprendre l'interruption de notre collègue, celui-ci aurait pu ajouter : « de manière aussi masquée » ! Car lorsque le ministre a annoncé son plan de réforme à la télévision, il s'est bien gardé d'annoncer cette modification de l'assiette.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je l'ai fait dès le lendemain !

Mme Martine Billard. Nous ne l'avons en effet apprise que le lendemain, tellement il était bien sûr difficile d'expliquer aux téléspectateurs que contrairement à ce que vous aviez répété jusque-là, l'extension de l'assiette allait finalement aboutir à une augmentation.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela ressortit au pique-assiette !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous avez fait de meilleures interruptions, monsieur Le Guen !

Mme Martine Billard. Il est, en outre, une conséquence dont on parle moins. En effet, l'assiette de la CRDS étant largement assimilée à celle de la CSG, la modification de l'assiette de cette dernière provoquera aussi une augmentation de la CRDS.

Le rapporteur justifie dans son rapport la réduction de 5 à 3 % de l'abattement pratiqué sur l'assiette de la CSG et de la CRDS du fait de son cumul avec toutes les possibilités de déduction des frais professionnels. Il est bien connu que l'immense majorité des salariés français, notamment ceux qui ont des petits salaires, utilise une telle possibilité de déduction pour leur déclaration d'impôt ! Et puisque ce sont eux qui l'utilisent massivement, il est donc normal que ce soient eux qui souffrent de cette modification du taux ! Quelle hypocrisie !

Les Verts ne sont pas hostiles à la CSG, mais à l'inégalité liée à sa non progressivité, inégalité que cet article va encore aggraver.

Vous dites, monsieur Mariton, faire un pari différent.

M. Hervé Mariton. Depuis le début !

Mme Martine Billard. Mais si le Gouvernement avait du courage et si vraiment il voulait nous faire croire...

M. Jean-Marie Le Guen. Cela fait beaucoup de si !

Mme Martine Billard. ...qu'il en resterait à une contribution d'un euro pour chaque visite médicale, il l'aurait gravé dans le marbre de la loi ! Ainsi aurait-on pu croire en la parole du Gouvernement selon laquelle il n'y aura pas d'augmentation de ce forfait.

S'il ne le fait pas comme pour d'autres prélèvements, c'est la preuve qu'il se réserve la possibilité d'augmenter à terme, de la même manière que pour le forfait hospitalier, cette participation à la visite médicale, qui, de plus, n'est pas prise en charge par les complémentaires.

Par ailleurs, il a été question à un moment de l'extension de la prise en charge de la CMU à un certain nombre de familles. Nous n'en avons plus entendu parler par la suite.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous n'étiez pas là !

Mme Martine Billard. J'ai en effet pu m'absenter un moment au cours des nombreuses heures que nous avons passées ici.

En tout état de cause, cette amélioration représentera très peu par rapport à l'aggravation des prélèvements sur les salaires.

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument !

Mme Martine Billard. Je veux dire, enfin, que j'ai été quelque peu choquée par l'intervention de notre collègue qui a semblé réduire l'activité touristique aux casinos. Il me semblait pourtant que l'activité touristique dans notre pays était très largement indépendante de celle des casinos !

M. Édouard Landrain. Les tapis verts, cela devrait vous plaire !

Mme Martine Billard. J'aurais aimé qu'il fasse preuve de la même capacité d'indignation quant à l'application de cette contribution forfaitaire d'un euro aux victimes des accidents du travail, des maladies professionnelles ou de la guerre ! Cette belle indignation pour les casinos, il ne l'a pas eue pour toutes ces personnes qui vont être ponctionnées de cet euro !

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Michel Piron. Démagogie !

M. Léonce Deprez. Les casinos sont aussi des entreprises !

M. le président. Je suis saisi de vingt-huit amendements identiques, nos 1960 à 1971, 6669 à 6683 et 7598, tendant à supprimer l'article 41.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Puis-je considérer que ces amendements ont été défendus ?

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, monsieur le président.

Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. Maxime Gremetz. Je n'aime pas qu'on réponde à ma place, monsieur le président.

M. Jean-Marie Le Guen. Je parlais pour moi, monsieur Gremetz, pas pour vous.

M. le président. Je n'ai pas parlé à votre place, monsieur Gremetz. Vous avez acquiescé lorsque je vous ai interrogé.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout, monsieur le président.

M. le président. Je vais demander l'avis du Gouvernement, puis vous pourrez répondre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

L'augmentation des dépenses de l'assurance maladie dans l'avenir est inéluctable.

M. Claude Évin. Pour le passé aussi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le projet de loi comporte deux parties bien distinctes. Pendant quinze jours, nous avons cherché ensemble, jour et nuit...

M. Claude Évin. Pendant trois semaines !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...comment faire des économies dans les dépenses. Maintenant, nous abordons la partie recettes.

Dans cette partie recettes, d'une part nous avons décidé de limiter au maximum - nous en parlerons longuement à l'article 45 - les prélèvements obligatoires, d'autre part nous avons essayé d'être le plus équitable possible. Pour cela, nous avons décidé d'augmenter de 0,4 point la CSG due par les retraités, d'élargir l'assiette de la CSG payée par les actifs - l'annonce a été faite, madame Billard, peut-être vingt-quatre heures après les autres mesures, mais elle a été très claire, personne ne s'en est caché. Nous avons en outre décidé de demander 1 milliard d'euros aux entreprises. Enfin, nous proposons d'augmenter la CSG sur les revenus financiers et sur les jeux. Toutes dispositions qui me paraissent aller dans le sens de l'équité.

M. Bapt a parlé des retraités en évoquant l'abattement de 5 %. Je tiens à rectifier. Si les retraités sont en effet concernés par l'augmentation de 0,4 % du taux de CSG, l'assiette de la CSG n'est pas modifiée en ce qui les concerne puisqu'ils ne sont pas concernés par l'abattement de 5 %.

S'agissant de la constitutionnalité des mesures proposées, le Gouvernement a été très attentif au respect du principe d'égalité des citoyens devant l'impôt. Rapprocher, de manière équitable et mesurée, les modalités de taxation des différentes catégories de revenus n'est pas de nature à créer une disparité de traitement ou une rupture d'égalité entre les bénéficiaires de ces revenus, et je réponds ainsi à M. Morin qui a évoqué ce sujet.

Monsieur Deprez, je ne méconnais pas l'importance économique des casinos. Cependant, je ne crois pas que l'augmentation de la CSG de 2 points que l'on propose aujourd'hui mette ce secteur économique en péril.

M. Claude Évin. Voilà !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Mariton, je vous remercie de vos propos. Le Gouvernement a choisi, vous l'avez souligné, d'agir d'abord sur les dépenses de l'assurance maladie, alors que certains voulaient limiter la réforme à une augmentation de la CSG. Nous avons également refusé toute franchise, quels que soient les revenus, qui aurait pu frapper tous les Français.

M. Jean-Marie Le Guen. Un euro, ce n'est pas une franchise ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Une franchise de 300 euros, pour moi, ce n'est pas pareil qu'une franchise de 1 euro.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous n'avons jamais proposé ça, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, j'ai refusé les 2 ou 3 euros par boite de médicament pour ne pas pénaliser injustement les malades.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais qui l'avait suggéré ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous avons fait des choix équitables ; M. Mariton l'a reconnu, et je l'en remercie.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, puisque vous semblez vouloir faire oublier un certain nombre de choses, je voudrais les rappeler.

Nous proposons de supprimer l'article 41. En effet, cet article prévoit le relèvement, à compter du 1er janvier 2005, de certains taux de la contribution sociale généralisée, la fameuse CSG, et élargit l'assiette de cette taxe en ce qui concerne les revenus des salariés.

Dès le départ, nous avons été contre la création de la CSG. Nous sommes, sur ce point, constants. Pour ce qui vous concerne, cette augmentation de la CSG, parmi d'autres mesures, illustre un double discours permanent. Il est vrai qu'il vous faut gérer la contradiction permanente qui oppose les besoins des êtres humains et la logique du système capitaliste.

En 1990, vous vous étiez opposés à la création de la CSG par le gouvernement socialiste. Vous aviez déposé une motion de censure, que les parlementaires communistes avaient soutenue. En effet, nous sommes opposés à un financement de la protection sociale par l'impôt qui conduit à une étatisation du système de protection sociale. Bien sûr, dans les discours, vous vous insurgez contre l'étatisation, et vous nous assurez que ce projet de loi ne la conforte pas. Mais toutes les mesures politiques que vous avez prises depuis 1996 démontrent le contraire. Un petit rappel est sans doute nécessaire.

En 1996, Alain Juppé crée la contribution au remboursement de la dette sociale, relève le taux de la CSG, élargit son assiette aux indemnités journalières, aux pensions des retraités imposables et aux allocations de chômage supérieures au SMIC. En 1996 également, vous créez, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, la CSG maladie à un taux de 1 %. Dès l'année suivante, en 1997, vous l'augmentez de 4,1 points, la portant ainsi à 5,1 %.

Battus ensuite aux élections législatives de 1997, vous êtes réélus à la présidentielle de 2001 avec, comme thème majeur de campagne, la baisse des impôts.

Et aujourd'hui, après une baisse des impôts sur le revenu qui profite surtout aux catégories les plus aisées, vous augmentez le premier impôt direct qui pèse sur nos concitoyens, à savoir la CSG. Rappelons, en effet, que la CSG rapporte aujourd'hui 65 milliards d'euros par an, c'est-à-dire 10 milliards de plus que l'impôt sur le revenu.

L'objectif assigné à la CSG lors de sa création était de rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale. Force est de constater que ce dispositif a échoué. Mais, loin d'en tenir compte, vous persistez à ponctionner toujours les mêmes. Vous avez beau affirmer que les mesures proposées ont pour objectif d'associer l'ensemble des revenus - d'activité et de remplacement, du patrimoine et de placements, et des jeux - à l'effort de redressement financier de l'assurance maladie, vos propositions accentuent encore les inégalités dans le paiement de cet impôt. En effet, il est supporté aujourd'hui à 88 % par les salariés, et vous proposez d'élargir l'assiette de la CSG sur les salaires.

En plus d'être inégalitaire, cette mesure est néfaste économiquement car elle joue à la baisse sur le pouvoir d'achat, donc sur la consommation, et donc sur la croissance. Ce qui a une influence négative sur les comptes de la sécurité sociale. La Cour des Comptes nous rappelle ainsi, dans son rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 2003, que les cotisations sur les salaires ont connu, en 2002, un net ralentissement du fait de celui de la masse salariale. Or, au lieu d'envisager, comme nous le proposons, des mesures visant à accroître la masse salariale, vous préférez ponctionner les salariés.

Accroître la masse salariale, c'est prendre des mesures en termes de création d'emplois et d'augmentation des salaires. Pourquoi ne pas mettre en œuvre, comme nous l'avons proposé, un système de modulation des taux de cotisations sociales en fonction de la politique de l'emploi et des salaires d'une entreprise ?

Vous ne nous ferez pas croire que votre dispositif va résoudre la question. Non seulement, il est inefficace, mais en plus, il est injuste. En fait, il va dans le sens de ceux qui souhaitent que les cotisations sur les entreprises, sur la richesse produite, participent de moins en moins à la solidarité nationale et que ce soit l'ensemble des Françaises et des Français qui participent sous le thème de la fiscalisation. Faisant cela, vous ne pouvez pas prétendre que vous restez fidèle à l'esprit de l'assurance maladie et de la sécurité sociale créée en 1946.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 1960 à 1971, 6669 à 6683 et 7598.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 81

              Nombre de suffrages exprimés 77

              Majorité absolue 39

        Pour l'adoption 14

        Contre 63

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 7825.

La parole est à M. Hervé Morin, pour le soutenir.

M. Hervé Morin. Il est défendu. Par souci de justice et d'équité et pour mettre les choses sur la table et non pas les faire sous les draps (Exclamations et sourires sur divers bancs), nous préférons une hausse uniforme de la CSG, qui permettrait de traiter de la même façon chacun de nos compatriotes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7825.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7826.

La parole est à M. Hervé Morin, pour le soutenir.

M. Hervé Morin. Il est défendu.

M. Jean-Marie Le Guen. Sous la couette ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7826.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-neuf amendements identiques, nos 1972 à 1983, 6654 à 6668, 7695 et 8238.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre les amendements nos 1972 à 1983.

M. Maxime Gremetz. Nous proposons de supprimer le I de l'article 41.

En modifiant comme il le fait l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement s'en prend directement aux professionnels du spectacle. En effet, les dispositions de cet article visent à élargir l'assiette de prélèvement de la CSG des artistes et auteurs en réduisant la part forfaitaire des frais professionnels exonérés de contribution. Alors que les artistes et auteurs ont fait l'objet d'attaques virulentes sur leur statut d'intermittent du spectacle et qu'ils ont démontré par leur combativité qu'une victoire contre des décisions gouvernementales est toujours possible, cette proposition qui semble vouloir récupérer d'une main ce qui a été donné de l'autre fait tâche dans le contexte politique général et dans le dispositif de réforme de l'assurance maladie en démontrant l'état d'esprit du Gouvernement face à la culture vivante de notre pays.

M. le président. Les amendements nos 6654 à 6668 sont défendus, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 7695 est défendu, madame Billard ?

Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8238 n'est pas défendu.

M. Jean-Marie Le Guen. Personne ne le reprend ? C'est dommage. C'était un bon amendement. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1972 à 1983, 6654 à 6668 et 7695 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1972 à 1983, 6654 à 6668 et 7695.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 5734 à 5745.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à supprimer le II de l'article 41, qui instaure plusieurs augmentations de la CSG : une augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité, qui passe de 95 à 97 %, une augmentation de 0,4 % de la CSG sur les pensions de retraites, d'invalidité ou les allocations de préretraite, qui passe de 6,2 à 6,6 %, une augmentation encore et toujours de 0,7 % de la CSG sur les revenus du patrimoine et des placements financiers des ménages.

Ces nouvelles augmentations de la CSG sont inégalitaires, alors que vous vous étiez engagé à ne pas augmenter la CSG sur les revenus d'activité. L'élargissement de l'assiette équivaut à une hausse de près d'un dixième de point de la CSG, et cet élargissement de l'assiette s'applique aussi à la CRDS.

La hausse de la CSG sur les retraites est d'autant plus inégalitaire que la réforme Fillon va se traduire par une baisse de 20 % à 30 % des pensions de retraite dans les prochaines décennies. On sait que la réforme des retraites conduit à indexer les pensions sur l'inflation et non plus sur les salaires. Dans ce contexte, toute augmentation d'un prélèvement se traduit automatiquement par la baisse du pouvoir d'achat des retraités. Rappelons que la CSG est la principale cause de la baisse de leur pouvoir d'achat depuis 1990, baisse évaluée à 10 % par le Conseil d'orientation des retraites.

L'augmentation de la CSG sur les placements ne fait que compenser les conséquences de la disparition de l'avoir fiscal qui a été remplacé par un crédit d'impôt pour les ménages actionnaires. En effet, l'instauration de ce crédit d'impôt conduit à une baisse de 0,5 milliard d'euros du rendement de la CSG sur les placements. Comme l'ont montré les services de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, cette augmentation ne fait que compenser cette perte et ne permet donc pas de trouver des recettes nouvelles pour les comptes de la sécurité sociale.

En plus de son caractère inégalitaire, puisqu'il s'agit d'une augmentation d'un impôt direct qui concerne essentiellement les revenus du travail, augmentation concernant bien évidemment les ménages qui ne sont pas soumis au paiement de l'impôt sur le revenu, cette augmentation de CSG accompagnée d'un transfert de recettes fiscales conduit à une étatisation grandissante de la gestion de notre assurance maladie.

Nous sommes opposés à cette étatisation. Seuls les salariés ont une légitimité pour gérer la sécurité sociale en raison de la nature même du financement du système de protection sociale. Il convient de leur rendre ce pouvoir. A l'inverse de votre démarche, nous proposons d'introduire de la démocratie à tous les niveaux de la politique de santé. Dans ce cadre, nous vous demandons notamment le rétablissement de l'élection au suffrage universel des représentants des assurés sociaux dans les conseils d'administration.

Au nom du respect du principe d'égalité qui fonde notre République et au nom de la démocratie dans la gestion des caisses d'assurance maladie, nous vous demandons d'adopter ces amendements de suppression du paragraphe instituant une augmentation de la CSG.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5734 à 5745.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 7722 et 8236, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 7722.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l'amendement n° 8236.

M. Richard Mallié. Cet amendement de M. Myard vise à étaler en trois étapes les modalités de mise en œuvre du nouveau taux d'assujettissement des paris de 9,5 %, afin d'atténuer l'impact de l'augmentation des prélèvements sur les parieurs. Le rendement resterait identique, d'après ce que dit M. Myard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je souhaite le retrait de ces amendements. En raison d'une confusion entre le taux et l'assiette, ils reviendraient en effet à porter de 7,5 % à 14 % l'augmentation de la CSG sur les paris hippiques.

M. François Bayrou. Ça c'est impossible !

M. Gérard Bapt. Sans doute devrions-nous les voter !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je pense que M. Myard n'avait pas songé à cette conséquence. Je retire donc l'amendement n° 8236.

M. Jean-Pierre Decool. L'amendement n° 7722 est également retiré.

M. le président. Les amendements nos 7722 et 8236 sont retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 98.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le soutenir.

M. Philippe Vitel. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.

Je suis saisi de dix-sept amendements identiques, nos 6639 à 6653, 7696 et 8229.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir les amendements nos 6639 à 6653.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont défendus.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7696.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour soutenir l'amendement n° 8229.

M. Richard Mallié. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6639 à 6653, 7696 et 8229.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6999.

La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.

M. Richard Mallié. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6999.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7000.

La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.

M. Richard Mallié. Cet amendement vise à préciser que, s'agissant des retraités, il faut prendre en considération l'année n moins 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. En effet, il est difficile de remonter aussi loin pour apprécier si l'intéressé est ou non imposable. En outre, sa situation peut avoir changé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je fais observer à notre honorable rapporteur qu'il en est ainsi pour les travailleurs indépendants, parce qu'il n'est pas possible de faire autrement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7000.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8360 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8360 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de précision n° 8361 rectifié de la commission spéciale.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 8361 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 8362 rectifié de la commission spéciale.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 8362 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 97.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le soutenir.

M. Philippe Vitel. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 97 est retiré.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 5746 à 5757.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour les soutenir.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements visent à supprimer le paragraphe III de l'article 41 qui tend à augmenter la CSG sur les jeux et les casinos. Une telle augmentation serait en effet purement anecdotique, cette contribution ne représentant actuellement que 0,5 % du produit total de la CSG. C'est un trompe l'œil destiné à justifier une mesure qui frappe essentiellement les revenus du travail.

Nous sommes opposés par principe à toute augmentation de CSG, car cela ne fait qu'accroître la part des recettes fiscales dans le financement de l'assurance maladie, et ce aux frais des assurés sociaux. Le principe fondateur de notre assurance maladie selon lequel « chacun paie selon ses revenus et reçoit selon ses besoins » a ainsi été mis à mal. Cette étatisation des recettes a été accompagnée du développement du pouvoir tutélaire de l'État, les partenaires sociaux étant relégués au second plan.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable. Je voulais simplement vous signaler, monsieur Gremetz, que M. Brard a dit le contraire tout à l'heure.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5746 à 5757.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 5758 à 5769.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour les soutenir.

M. Maxime Gremetz. Ces amendements visent à supprimer le IV de l'article 41, qui instaure des augmentations de CSG à compter du 1er janvier 2005.

Nous avons déjà eu l'occasion de protester contre le caractère anti-démocratique de ce débat. Nous sommes à la mi-juillet. Nombre de nos concitoyens sont en congés et vous profitez de l'occasion pour faire passer des mesures profondément inégalitaires et injustes. Ces mesures, vous les faites adopter à marche forcée, sans qu'un réel et grand débat ait eu lieu dans le pays.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. À marche forcée ! J'avais plutôt le sentiment d'une grande lenteur ! Cela fait trois semaines que nous débattons !

M. Maxime Gremetz. Opposés à l'augmentation de la CSG, nous vous demandons d'avoir le courage de prendre le temps de vous en expliquer vraiment devant nos concitoyens. Selon les sondages, 81 % d'entre eux trouvent cette mesure inacceptable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5758 à 5769.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Sur le vote de l'article 41, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi d'un amendement de précision n° 8363 de la commission spéciale.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 8363.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 1984 à 1995.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour les soutenir.

M. Maxime Gremetz. Par ces amendements, nous proposons de créer une contribution sociale additionnelle imputable aux entreprises. Cette contribution serait assise sur les dividendes versés en fin d'exercice aux actionnaires de la société et son taux serait de 15 %.

Nous souhaitons la création de cette contribution, parce que nous sommes attachés non seulement à la défense d'une assurance sociale solidaire, mais surtout à son développement. Contrairement à ce qui est affirmé dans l'exposé des motifs de l'article 41, tous les revenus ne sont pas associés à l'effort de redressement financier de l'assurance maladie.

En effet, si les revenus financiers des ménages, hors épargne populaire, contribuent au financement de la sécurité sociale, ce n'est absolument pas le cas des revenus financiers des entreprises et des secteurs bancaires et financiers, ces fameux placements financiers si nocifs pour l'emploi. Leur taxation au même taux que les salaires rapporterait pourtant environ 20 milliards d'euros par an à l'ensemble de la protection sociale. Et puisque vous n'avez cessé de marteler dans vos discours que cette réforme mettait tout le monde à contribution, nous vous disons : chiche ! Taxez les revenus financiers des entreprises !

Bien sûr, nous serions très surpris que vous acceptiez ces amendements lorsque vous n'augmentez que de 0,03 % la contribution sociale des sociétés. Celle-ci, qui serait ainsi portée à 0,16 % du chiffre d'affaires des entreprises au-delà de 760 000 euros - vous allez les étrangler, les pauvres ! -, ne produit actuellement que 780 millions d'euros par an, à rapporter aux 19,6 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises. La comparaison se passe de commentaires ! Quant au taux de 0,16 % de la contribution sociale des sociétés, comment le comparer avec le taux de CSG applicable aux revenus du travail, qui est de 7,5 % ?

Dans le souci de rétablir et de développer une assurance maladie solidaire, nous vous proposons donc d'instituer une cotisation sociale additionnelle sur les dividendes dont le taux serait de 15 %. Cela permettrait d'augmenter les recettes de la sécurité sociale et serait le levier d'une véritable politique de l'emploi. Compte tenu de l'enjeu, nous demandons un scrutin public.


M. le président.
Sur le vote des amendements nos 1984 à 1995, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1984 à 1995 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Au cours de la discussion de cet article 41, nous avons pu observer un spectacle très instructif. Alors même qu'ils défendaient certains amendements visant à lisser l'augmentation de la CSG sur les produits des jeux pour protéger l'activité des casinos, nos collègues de la majorité ont refusé d'étaler ou de supprimer l'augmentation de la CSG pour les salariés ou les retraités !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Démagogie !

M. Gérard Bapt. Par ailleurs, au moment où la presse nous apprend que, selon M. Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat, le nombre de contribuables redevables de l'ISF a dépassé le cap historique de 300 000, notamment parce que la hausse continue du marché de l'immobilier peut doubler en moins de dix ans la valeur d'un appartement dans une grande ville - j'ai eu l'occasion de l'observer à Toulouse - ou dans une station balnéaire - ce doit être le cas au Touquet -, les chiffres de la DREES indiquent que le nombre des RMIstes a augmenté de 9,6 % entre mars 2003 et mars 2004.

Voilà pourquoi nous voterons ces amendements.

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux scrutins qui ont été annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre d'abord aux voix les amendements identiques nos 1984 à 1995.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements identiques nos 1984 à 1995 :

              Nombre de votants 66

              Nombre de suffrages exprimés 64

              Majorité absolue 33

        Pour l'adoption 5

        Contre 59

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je vais maintenant mettre aux voix l'article 41.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'article 41 :

              Nombre de votants 70

              Nombre de suffrages exprimés 70

              Majorité absolue 36

        Pour l'adoption 58

        Contre 12

L'Assemblée nationale a adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot