Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session extraordinaire 2003-2004)

 

Deuxième séance du mardi 20 juillet 2004

40e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

AUTONOMIE FINANCIÈRE
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (nos 1638, 1674).

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux. Rappel au règlement !

M. le président. J'ai donné la parole à M. le ministre. Vous vous exprimerez donc après son intervention, monsieur Bonrepaux.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis particulièrement heureux de vous présenter, en deuxième lecture, le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Celui-ci constitue, vous le savez, le dernier élément de l'édifice constitutionnel que notre gouvernement a souhaité mettre en place, pour définir un cadre loyal à l'autonomie financière des collectivités locales.

Je souhaite, tout d'abord, rendre hommage à votre rapporteur, Guy Geoffroy, ainsi qu'à Gilles Carrez, qui se sont beaucoup investis sur ce sujet délicat. Je veux ici témoigner de la reconnaissance du Gouvernement pour le sérieux dont ils ont fait preuve l'un et l'autre.

Comme vous le savez, le Gouvernement attache une très grande importance à ce texte, car il correspond à un projet ambitieux qui mettra un terme définitif à des pratiques passées où les gouvernements pouvaient supprimer - M. Bonrepaux s'en souvient - des pans entiers de fiscalité locale et les remplacer par des dotations de l'État.

M. Augustin Bonrepaux. Vous, vous ne les remplacez pas : ce sera pire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ce projet de loi conditionnera également sur le long terme les relations financières entre l'État et les collectivités locales. Enfin, il s'inscrit dans le vaste mouvement de décentralisation que nous avons engagé ensemble, pour moderniser nos institutions et répondre à l'impératif d'une plus grande efficacité publique.

En première lecture, nous avons beaucoup travaillé et le Gouvernement a donné toutes les garanties quant aux modalités de mise en œuvre de cette loi. Aussi vais-je me contenter aujourd'hui d'en rappeler brièvement l'économie générale, avant d'évoquer les dispositions qui ont été modifiées lors de son examen par le Sénat.

Le projet de loi initial comporte quatre articles.

Dans l'article 1er, le Gouvernement a fait le choix pragmatique de ne retenir que trois grandes catégories de collectivités - les communes, les départements et les régions -, afin que le projet soit plus simple.

Dans l'article 2, sont énumérées les catégories de ressources composant les ressources propres. Cet article a été modifié par le Sénat - je vais y revenir.

L'article 3 permet de définir à la fois le ratio d'autonomie financière et la notion de part déterminante, c'est-à-dire le seuil de ce ratio en deçà duquel il n'est pas possible de descendre. Nous avons obtenu que ce seuil plancher soit celui de l'autonomie financière constatée en 2003. Ce n'est pas rien, puisque la part déterminante s'élèvera à plus de 35 % pour les régions, à plus de 51 % pour les départements et à 53 % pour les communes et les groupements.

L'article 4 précise, quant à lui, les modalités de l'information du Parlement sur la mesure de l'autonomie financière et les mécanismes de garantie de la part déterminante. Il prévoit, à cet effet, la transmission d'un rapport au Parlement, pour une année donnée, avant le 1er septembre de la deuxième année qui suit. S'il est constaté que la part des ressources propres est inférieure à celle de 2003, le Gouvernement a l'obligation de proposer des dispositions permettant le rétablissement du ratio au plus tard dans la loi de finances initiale de la deuxième année suivant celle où le constat a été fait. Il s'agit là de garanties majeures en ce qui concerne le nouveau concept d'autonomie financière qui dotera les relations entre l'État et les collectivités locales d'un cadre stable fondé sur la confiance.

Les modifications apportées par le Sénat n'ont pas transformé l'esprit général du projet de loi présenté par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Un article additionnel visant à replacer dans le code général des collectivités territoriales l'ensemble du projet de loi organique a été introduit, portant à cinq le nombre des articles du texte qui vous est présenté aujourd'hui.

Le débat majeur a porté, au Sénat, sur l'article 2 et sur la notion de « ressources propres ». La définition des « ressources propres », dans le texte adopté par le Sénat, précise, sans en modifier l'esprit, le contenu de la notion d'impositions de toutes natures. Il s'agit pour les collectivités locales, « du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux ».

Cette rédaction, proposée par M. Daniel Hoeffel et sous-amendée par M. Yves Fréville, décrit - et ce sera l'un des éléments de notre débat - deux branches d'impositions de toutes natures : celles dont les collectivités peuvent fixer l'assiette ou le taux et celles dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux.

Cette nouvelle rédaction présente l'avantage de donner une dimension locale à la définition des impositions de toutes natures qui constituent des ressources propres, en tenant compte des caractéristiques de chacune d'elles. Pour la première branche, il s'agit de tous les impôts locaux, actuels ou futurs, pour lesquels les collectivités locales peuvent voter le taux ou l'assiette. C'est le cas, par exemple, des quatre vieilles - taxe d'habitation, taxe foncière, taxe professionnelle pour ce qu'il en reste -, de la TIPP des régions ou de la taxe sur les conventions d'assurance des départements accompagnant les nouveaux transferts.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pour la seconde branche, le choix sera laissé au législateur de déterminer localement soit l'assiette, soit le taux par collectivité.

Dans la majorité des cas, ce choix se portera sur l'assiette, qui est facilement localisable. Comme l'indiquait Guy Geoffroy dans son rapport, le cas de l'imposition forfaitaire sur les pylônes électriques en constitue un bon exemple. Il est prévu un tarif pour chaque pylône installé sur le territoire de la commune. Il s'agit donc bien d'une assiette locale.

Dans les autres cas, lorsqu'il ne sera pas possible de déterminer une assiette localisable, le législateur devra déterminer un taux par collectivité. Le souci des sénateurs a été de préserver une certaine proximité entre le produit de l'imposition et la collectivité. Pour illustrer ce dernier cas, je prendrai l'exemple de la part de TIPP affectée aux départements en compensation du transfert du RMI-RMA. Nous risquons de ne pas obtenir de Bruxelles la dérogation concernant la modulation des taux de TIPP pour les départements, mais nous espérons l'obtenir pour les régions. Si l'assiette de cet impôt est nationale, la détermination de son taux peut parfaitement être localisée dans la loi.

À cet égard, je souhaite être ici extrêmement clair sur un point fondamental. Selon moi, la rédaction ainsi adoptée par le Sénat permet de comptabiliser dans les ressources propres des départements la part de TIPP qui leur est affectée en compensation du transfert du RMI.

M. Augustin Bonrepaux. Personne n'y croit !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne reviendrai pas sur les considérations politiques et techniques que j'ai eu l'occasion de développer devant vous en première lecture et qui conduisent le Gouvernement à avoir cette position sur le partage d'impôts nationaux. Je rappellerai seulement que ces partages d'impôts semblent être le seul moyen moderne et adapté de financer de futurs transferts de compétences. Vous savez, vous qui êtes, toutes tendances confondues, des Européens convaincus, que les contraintes européennes vers une harmonisation des taux de fiscalité nous laissent en effet peu de marge de manœuvre pour transférer de nouveaux impôts. Il nous faudra donc faire avec les moyens du bord.

L'amendement « Hoeffel-Fréville » montre que ce message a été reçu cinq sur cinq. Premièrement, il présente l'énorme avantage de donner un sens très concret à l'autonomie financière. Deuxièmement, il préserve le lien territorial entre le produit de l'impôt et la collectivité qui le reçoit. Troisièmement, il n'hypothèque pas l'avenir, en particulier les futurs transferts de compétences.

II me semble que, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles, l'article 2 peut être adopté en l'état.

À l'article 3, le Sénat a clarifié la rédaction du projet. Il exclut du dénominateur du ratio d'autonomie financière les flux financiers entre collectivités ou entre communes et établissements publics de coopération intercommunale au titre d'un transfert expérimental ou d'une délégation de compétences. En effet, ces flux ont un caractère provisoire. Il est donc légitime de ne pas les prendre en compte dans le ratio. Leur montant n'est d'ailleurs pas très important.

Enfin, à l'article 4, le Sénat a souhaité améliorer l'information du Parlement en adoptant deux amendements. Le premier a pour objet de prévoir que le rapport du Gouvernement au Parlement devra présenter non seulement le taux d'autonomie financière des différentes catégories de collectivités territoriales, mais également ses modalités de calcul et son évolution. Le second vise à avancer au 1er juin de la deuxième année suivant l'année de référence le délai de remise de ce rapport. J'ai bien volontiers souscrit à ces deux amendements, étant très attaché au principe d'une information la plus complète possible du Parlement.

J'ai la conviction que le texte qui vous est soumis aujourd'hui répond aux exigences du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dont il doit faire application.

Je sais qu'un certain nombre d'amendements vont être présentés, mais il s'agit d'une deuxième lecture : beaucoup de choses ont été dites, surtout dans cette assemblée, et l'équilibre général du texte me semble satisfaisant. Aussi, je forme le vœu que celui-ci fera l'objet d'un compromis intelligent et équilibré entre les deux assemblées.

Certains d'entre vous ont regretté que l'examen en deuxième lecture au Sénat du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales ait commencé sans que la loi organique soit définitivement votée, voire promulguée. Nous avons évoqué ce point tout à l'heure, mais je veux rappeler ma position, afin que cela soit inscrit, si j'ose dire, dans le marbre du Journal officiel. Je sais qu'il y a un débat juridique sur la question de savoir si la loi ordinaire peut être adoptée avant la promulgation de la loi organique. Le président de la commission des lois s'est exprimé sur le sujet tout à l'heure, et j'ai rappelé combien je souscrivais à son raisonnement, tant il est vrai que la loi organique et la loi ordinaire concernent deux sujets distincts, parallèles à certains égards, l'un n'empêchant pas l'autre, à quelques conditions.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pour ma part, je ne pense pas que l'entrée en vigueur de la loi organique soit un préalable à l'adoption de la loi de décentralisation. Sur ce point, nous disposons, d'ailleurs, sinon d'une jurisprudence, du moins d'un précédent. En effet, la loi décentralisant le RMI et le RMA vers les départements est entrée en vigueur le 1er janvier 2004. Or la loi organique n'était pas votée. Le Conseil constitutionnel n'a pas censuré pour autant la loi relative au RMI et au RMA. En revanche, je précise que ce transfert s'est accompagné, dans la loi, de celui de la ressource correspondante à l'euro près, anticipant l'esprit dans lequel nous examinons ce projet de loi organique. J'ajoute que nous rompons ainsi avec une tradition qui consistait, pour tel ou tel gouvernement, à donner des compétences nouvelles à des collectivités sans leur transférer les ressources correspondantes.

M. Augustin Bonrepaux. Si vous voulez, on peut comparer !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Mieux vaut ne pas trop comparer, monsieur Bonrepaux.

Enfin et surtout, je veux insister sur le fait que la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2005. D'ici là, la loi organique sera évidemment promulguée.

Cependant, je veux, une fois de plus, illustrer la volonté du Gouvernement d'être loyal et transparent dans ses relations avec les collectivités territoriales. C'est pourquoi, afin de lever toute ambiguïté sur cette question, je suis disposé à déposer un amendement gouvernemental au projet de loi relatif aux responsabilités locales indiquant que la loi de décentralisation n'entrera en vigueur qu'après promulgation de la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales.

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne sert à rien !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Cette disposition pourrait dissiper, si besoin en était, d'éventuelles inquiétudes, même si elle peut paraître superflue, compte tenu de ce que je viens d'indiquer. Encore une fois, je veux qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur notre volonté de travailler dans la transparence et de veiller scrupuleusement à ce que l'autonomie financière soit garantie par la loi organique. Il s'agit de poursuivre le mouvement de décentralisation qui est essentiel à l'efficacité publique et qui correspond à ce que les Français attendent de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1. Je rappelle d'ailleurs que les rappels au règlement ont toujours priorité sur l'ordre du jour et que j'aurais donc dû faire ce rappel avant l'intervention de M. le ministre, ce qui lui aurait peut-être permis d'apporter une réponse un peu plus précise.

Je ferai deux rappels au règlement dans le temps qui m'est imparti. Le premier concerne l'organisation de nos travaux. Pouvez-vous m'expliquer, monsieur le président, comment nous pourrons être demain matin, à la fois en séance et en commission mixte paritaire ? Je suis membre d'une commission mixte paritaire, mais je suis aussi intéressé par ce débat. Les travaux du Parlement sont-ils organisés pour écarter certains députés ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Certes, cela peut avoir pour effet de simplifier les débats, mais ce n'est pas très sérieux, et je souhaiterais avoir une réponse précise sur ce point.

M. le président. Je vais vous donner cette réponse, monsieur Bonrepaux. J'ai participé cet après-midi à la conférence des présidents, et il se trouve que votre président de groupe n'a pas jugé nécessaire de demander la suspension des travaux de l'Assemblée demain matin. Il n'y a donc rien d'anormal dans le fait qu'une séance ait lieu demain matin.

M. Augustin Bonrepaux. Et comment ferai-je pour assister aux deux, monsieur le président ?

M. le président. C'est un problème interne à votre groupe, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Trouvez-vous que ce soit sérieux ? Cela permet-il aux députés de travailler correctement ?

M. le président. Il est tout à fait classique que des réunions de commission, ou de CMP, se tiennent en même temps qu'une séance de notre assemblée. La présence des députés à l'une ou l'autre relève ensuite de d'organisation interne des groupes parlementaires.

M. Édouard Landrain. Il ne va pas nous faire croire qu'il découvre ça aujourd'hui !

M. Augustin Bonrepaux. Le mercredi matin était jusqu'à présent réservé aux réunions de commission, et la conférence des présidents devait bien savoir qu'une commission mixte importante devait se réunir demain matin.

M. le président. Dois-je vous rappeler que nous sommes en session extraordinaire ?

M. Augustin Bonrepaux. Que je sache, le règlement n'a pas été modifié du fait de la session extraordinaire.

M. le président. Poursuivez votre rappel au règlement, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Par ailleurs, M. le ministre nous explique que le vote de la loi sur le transfert du RMI a pu intervenir avant le vote de la loi organique. Et pour cause ! Cela a permis au Gouvernement de transférer les déficits sur les collectivités locales sans être sanctionné par le Conseil constitutionnel. Et vous voudriez recommencer aujourd'hui, monsieur le ministre, en vous dépêchant de faire voter la loi pour éviter les foudres du Conseil constitutionnel, parce que la loi organique ne sera pas promulguée. Vous nous dites prêt à adopter un amendement visant à ce que la loi n'entre pas en application avant que la loi organique soit promulguée. Mais la semaine prochaine, pendant le débat, vous ne vous gênerez pas pour rejeter nos amendements au motif qu'ils ne sont pas constitutionnels, bien que rien ne vous permette de l'affirmer. Vous allez donc nous empêcher de travailler correctement, parce que la loi organique n'aura pas été adoptée. C'est plus qu'un mauvais procédé : en réalité, vous voulez duper l'Assemblée (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...

M. Marc Francina. Procès d'intention !

M. Augustin Bonrepaux. ...qu'il s'agisse des députés de l'opposition ou de ceux de la majorité.

M. Jean-Claude Abrioux. Vous êtes le seul député de l'opposition à être présent !

M. Augustin Bonrepaux. J'aimerais savoir comment ces derniers expliqueront demain aux élus locaux que ni les conseils régionaux, ni les conseils généraux, ni les maires n'ont aucun pouvoir sur leurs ressources propres ! En fait, la réforme de la taxe professionnelle consistera en réalité en la suppression de cette dernière, laquelle sera remplacée par une part de TIPP.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous aurez tout loisir de vous exprimer lors de la discussion générale. Je vous prie donc de conclure.

M. Augustin Bonrepaux. Je dois bien me faire entendre, monsieur le président (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), puisque M. Clément a une telle aptitude à changer d'avis qu'il préfère se boucher les oreilles ! C'est sans doute ce qui l'a empêché de m'entendre en première lecture.

Mes chers collègues, allez donc expliquer à vos électeurs que la taxe professionnelle va être remplacée par une part de TIPP ! J'ai même entendu tout à l'heure que le ministre était réservé quant à la possibilité pour les collectivités locales de faire évoluer cette ressource.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je n'ai jamais dit cela !

M. Augustin Bonrepaux. C'est une véritable duperie, dont nous aurons l'occasion de reparler. C'est tout de même un peu fort, monsieur le ministre, d'adopter un texte sans savoir comment vont être financés ces transferts. Pouvez-nous nous indiquer par quels moyens ils vont être financés et comment les collectivités locales pourront faire évoluer les ressources qui vont leur être transférées ?

M. Christian Estrosi. Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. Augustin Bonrepaux. C'est le cœur du problème, et c'est pourquoi il aurait mieux valu que je m'exprime avant M. le ministre, afin de lui poser ces questions.

Quoi qu'il en soit, j'insiste sur le fait que nous ne pourrons pas poursuivre nos travaux demain s'il nous est impossible de travailler correctement.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Claude Abrioux. Enfin un orateur !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas gentil pour M. le ministre ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les échanges qui nous ont servi de mise en bouche avant le dîner ont utilement introduit le débat qui nous réunit à propos de ce projet de loi organique. Ces envolées, tout à tour lyriques et approximatives, ont sans doute permis de recentrer la discussion.

De quoi s'agit-il, et tout d'abord, de quoi ne s'agit-il pas ? Il convient de rappeler que cette loi organique n'est en aucune manière l'étape globale intermédiaire et incontournable entre la Constitution et la réforme des responsabilités locales.

M. Jean-Pierre Brard. Qu'est-ce qu'une étape globale intermédiaire ?

M. Guy Geoffroy. La loi sur les responsabilités locales comporte un certain nombre de transferts de compétences. La loi organique, quant à elle, a une vocation intimement liée à la commande qui en a été faite par la Constitution. N'oublions pas - et ce n'est pas M. le président de la commission des lois qui me contredira - qu'une loi organique a pour unique objet de permettre l'application de l'une des dispositions de notre loi fondamentale. La loi organique qui nous est soumise, portant règlement de la question de l'autonomie financière des collectivités territoriales, découle de l'article 72-2, alinéa 3, de notre Constitution. Il s'agit, selon les termes de cet alinéa, que nous nous penchions sur les conditions de mise en œuvre du principe qui permettra de mesurer, de garantir et éventuellement de rétablir la part déterminante des ressources des collectivités qui seront considérées comme des ressources propres,...

M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-ce que la part déterminante ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...c'est-à-dire des ressources permettant aux collectivités territoriales de pouvoir jouer sur une part ou la totalité de leur détermination.

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez bien que ce n'est pas vrai !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous sommes donc très loin de toutes les approximations que nous avons entendues et très loin également de l'allégation complètement fausse selon laquelle il existerait une jurisprudence du Conseil constitutionnel à ce propos.

M. Bonrepaux, avec le talent allusif qu'on lui connaît, a fait tout à l'heure de la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre dernier une lecture partielle et donc partiale.

M. Augustin Bonrepaux. En tout cas, vous vous gardez bien de lui soumettre le présent texte !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cette décision a été rendue à la suite du recours intenté par certains de nos collègues contre la loi de finances, plus particulièrement contre l'article 59 de celle-ci, article portant transfert des ressources financières dans le cadre du transfert de la compétence en matière de RMI et de la création du RMA. Quel est le contenu de cette décision ? J'ai le document sous les yeux, personne ne pourra donc contester ce que je vais dire.

M. Augustin Bonrepaux. C'est ce que j'ai lu tout à l'heure !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Le Conseil constitutionnel affirme, premièrement, que la méconnaissance des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution ne peut être utilement invoquée tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales. À aucun moment, ni dans cette décision, ni dans aucune autre décision antérieure, le Conseil constitutionnel ne dit qu'il faut impérativement que la loi organique soit promulguée avant que ne soient engagés les débats, donc encore moins avant que ne soit votée et promulguée une loi ordinaire qui - c'est le cas en l'occurrence - en dépendrait pour partie.

Le Conseil constitutionnel affirme par ailleurs que l'article 59 de la loi de finances pour 2004 prévoit un mécanisme permettant d'adapter la compensation financière à la charge supplémentaire résultant, pour les départements, de la création d'un RMA et de l'augmentation du nombre d'allocataires du RMI par suite de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique ; que, ce faisant, il respecte le principe de l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution, selon lequel toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

Je voulais faire cette remarque préalable, afin de préciser les termes du débat qui nous réunit. Il s'agit avant tout - et nos collègues de l'opposition devraient avoir l'humilité de s'en souvenir - de tourner le dos une bonne fois pour toutes à un ensemble de pratiques antérieures qui, même avant que l'on ne parle de compétences transférées, avaient pour effet d'amoindrir graduellement l'autonomie financière des collectivités locales. Ainsi, entre 1997 et 2002, cette autonomie est-elle passée de 58 à 52 % pour les communes et pour les départements, et de 58 à 38 %, soit une dégringolade de vingt points, pour les régions. Le premier enjeu de cette loi organique est de mettre un terme à ce processus qui, engagé depuis une vingtaine d'années, s'est accéléré et aggravé dans les cinq dernières années.

La volonté du Gouvernement est avant tout d'assurer aux collectivités une maîtrise suffisante de leurs ressources. S'y ajoute, ce n'est pas négligeable, la volonté de faire en sorte que, conformément au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, plus aucun transfert de compétences ou de charges ne puisse se faire sans transfert correspondant de ressources propres. En bref, le Gouvernement entend non seulement enrayer la descente aux enfers de l'autonomie financière des collectivités, mais aussi tout faire pour améliorer cette autonomie. J'en veux pour preuve la nouvelle série de dispositions concernant la sécurité civile qui viendra bientôt en discussion devant notre assemblée, par lesquelles le Gouvernement propose de transformer 900 millions d'euros de dotations en autant de ressources fiscales nouvelles pour les collectivités. Le ministre de l'intérieur et de la sécurité intérieure nous a confirmé que le transfert de la taxe sur les conventions d'assurance viendra garantir cette nouvelle approche qui se situe aux antipodes de ce qui était pratiqué jusqu'à présent.

Tous les débats du Sénat en première lecture ont tourné autour de cette importante question des ressources propres. Pour traduire en actes la volonté du Gouvernement, nous avons souhaité respecter à la lettre l'article 72-2 de la Constitution, mais Gilles Carrez, le ministre et moi-même, tenant compte de la préoccupation exprimée par un certain nombre de nos collègues de l'opposition, de l'UDF ou de l'UMP, avons également eu le souci de procéder au cas par cas pour garantir une meilleure maîtrise de leur autonomie par les collectivités territoriales. Nous regrettions en effet que la part d'impôts transférés aux collectivités ait considérablement décru au cours des années antérieures.

Le Sénat a poursuivi les réflexions que nous avions engagées, tenté un moment, comme l'a rappelé M. le ministre, de sortir des rails de la Constitution (« Oh ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), mais grâce au sous-amendement du sénateur Fréville, ceux qui, derrière le président de l'AMF, avaient souhaité pousser les feux dans cette direction, ont compris la nécessité d'atteindre un point d'équilibre, à savoir la capacité donnée aux collectivités de se voir reconnaître comme ressources propres, hormis celles dont elles ont la maîtrise totale, les seules ressources transférées dont la loi pourrait indiquer, selon les termes de l'amendement du Sénat, « la localisation de l'assiette ou du taux ».

M. Michel Vergnier. Baratin !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Notre commission des lois a repris l'ensemble de ces travaux, dont elle a souhaité mener la logique à son terme, en procédant d'abord à une clarification juridique. À l'expression « localisation de l'assiette ou du taux », qui nous est apparue trop incertaine, nous avons préféré une autre formulation, à savoir la détermination par la loi, par collectivité ou catégorie de collectivité, du taux, ou d'« une part locale d'assiette ».

Il convient de ne pas perdre de vue que cette loi organique a pour objet, non seulement d'organiser, maintenir et développer une véritable autonomie financière des collectivités locales, mais aussi de faire en sorte que cette autonomie soit garantie par la Constitution et par la loi.

C'est à la loi qu'il reviendra de définir quelle part d'impôt national transféré se verra, pour chacune des collectivités concernées, dotée d'une capacité de taux différencié ou d'une véritable part locale d'assiette. C'est ce que nous avons souhaité. La commission des lois et son rapporteur ont adopté cet ensemble, en souhaitant, monsieur le ministre, que l'œuvre que vous avez choisi courageusement d'entreprendre en faveur des collectivités locales puisse aller à son terme.

M. Augustin Bonrepaux. Vous n'en croyez pas un mot !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'est mon vœu le plus cher.

Mes chers collègues, je vous propose d'adopter la version de la loi organique qui nous revient du Sénat, compte tenu des légères modifications apportées par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C'était un exercice de rhétorique sans contenu !

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique qui nous est soumis avait suscité, en première lecture, une franche opposition de la majorité des groupes parlementaires de cette assemblée. Le ministre et le rapporteur ont omis de le rappeler. La conception de l'autonomie financière du Gouvernement est, en effet, bien éloignée de celle d'un grand nombre de parlementaires, qui, en tant qu'élus locaux, ont toutes les raisons de s'inquiéter.

Après son passage au Sénat, le projet de loi organique nous revient en partie modifié. Les partisans de la codification du droit et de la rigueur juridique seront sans aucun doute comblés par sa nouvelle rédaction. Mais le débat ne doit pas être réduit, comme vous voulez le faire, à des considérations purement techniques, au demeurant entachées de mensonge, ainsi que l'ont montré les deux interventions du ministre et du rapporteur. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En forçant le trait, vous finissez par dire des contrevérités !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est excessif ! Tous des jacobins au PC !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous m'aviez habitué à mieux, monsieur Chassaigne !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'est la fatigue !

M. André Chassaigne. Je tiens, tout d'abord, à rappeler notre ferme opposition à votre projet décentralisateur, qui est une nouvelle déclinaison d'une politique que nous ne partageons pas. Ce n'est pas en institutionnalisant des rapports de concurrence que l'on fait progresser les sociétés. C'est pourtant votre credo.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est obsessionnel !

M. André Chassaigne. La concurrence, le patronat...

M. Richard Mallié. Vous voulez dire le MEDEF !

M. André Chassaigne. ...l'a déjà renforcée entre les salariés dans les entreprises. Profitant de la peur du chômage, profitant de cette « armée de réserve » qu'il a lui-même créée, il a instauré de nouveaux modes de gestion du personnel fondés sur la peur, la méfiance, l'instinct de survie. Résultat : les solidarités sociales ont disparu et l'isolement de nos concitoyens n'a jamais été aussi fort. La dépolitisation, la montée du vote d'extrême droite, le malaise social sont autant de résultats glorieux, incontestables, d'une politique vouée au seul service du capital, ou de la finance si vous préférez.

Cette concurrence que vous appréciez tant, le droit européen nous l'a aussi imposée, comme prélude à l'institutionnalisation progressive de l'idéologie de la peur et de l'individualisme. Le résultat est tout aussi dramatique. Nos services publics sont aujourd'hui laminés. Le processus de privatisation d'EDF, que vous venez de lancer, en est la meilleure preuve. Cette idéologie trouve sa consécration institutionnelle dans le projet de Constitution européenne, qui parle bien peu d'Europe, mais beaucoup de liberté des capitaux et de droit de la concurrence.

Votre décentralisation participe de cette logique destructrice de tous les liens sociaux et de toutes les solidarités. Ce ne sont ni plus ni moins que nos propres institutions nationales que vous voulez maintenant mettre au pas. À leur tour, les institutions de la République et les pouvoirs publics doivent, comme vous le dites si bien, « s'adapter à un environnement concurrentiel », qui transcende toujours les forts pour mieux écraser les faibles.

Vous m'opposerez que cette loi organique est un texte bien trop technique pour susciter des considérations aussi générales. Détrompez-vous ! Toute votre conception de l'autonomie financière est empreinte de cette idéologie libérale du « chacun pour soi ».

Vous considérez ainsi qu'est autonome, au sens de l'article 72 de la Constitution, une collectivité dont une part déterminante des ressources provient de l'impôt. Je reviendrai plus tard sur la différence fondamentale entre impôt local et impôt national transféré. Pour l'heure, permettez-moi de contester votre conception de l'autonomie financière.

En faisant reposer tout l'édifice, bien fragile, des finances locales sur les impôts, vous vous résignez de facto à accepter le caractère profondément inégalitaire de ceux-ci, comme celui des différences de situation d'une collectivité à une autre. En invoquant la responsabilité des collectivités territoriales, vous semblez leur commander de se débrouiller toutes seules pour trouver les ressources financières dont elles ont besoin. Comme s'il était de la seule responsabilité d'un maire de décider de l'implantation ou non d'une raffinerie de pétrole sur sa commune !

Les collectivités territoriales devront assumer leurs responsabilités, autrement dit trouver elles-mêmes les moyens d'accroître leurs capacités financières. C'est bien ainsi que vous souhaitez les voir exercer leur prétendue « autonomie ». De fait, vous les incitez, comme cela se fait déjà en région parisienne - mes collègues élus de cette région vous en parleraient mieux que moi -, à transformer des logements sociaux en logements privatifs,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison !

M. André Chassaigne. ...afin d'augmenter leur valeur locative et donc les bases imposables de la commune.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. André Chassaigne. Vous les poussez à exclure les plus pauvres - comme d'habitude - de l'accès au logement, à rejeter tous ceux qui sont déjà confrontés à de lourdes difficultés sociales, et donc qui ne paient guère d'impôt local, dans des banlieues encore plus lointaines et grises, là où l'on veut bien encore d'eux. Mais pour combien de temps ?

M. Jean-Pierre Brard. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Bien sûr, cher camarade ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard, seul le président de séance peut vous donner la parole, et je ne vous la donne pas.

Poursuivez, monsieur Chassaigne.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bravo, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Brard. Le président ne nous aime pas beaucoup !

M. André Chassaigne. Je vous remercie tout de même pour votre participation, cher collègue.

M. Jean-Claude Abrioux. Il serait plus exact de parler de connivence !

M. André Chassaigne. Votre autonomie financière, monsieur le ministre, n'est qu'une incitation à concentrer toujours davantage les bases des impôts locaux. C'est de l'apartheid social !

M. Michel Piron. Tout est dans tout et réciproquement !

M. Jean-Pierre Brard. M. Piron est un philosophe !

M. André Chassaigne. Nous considérons que la réforme des finances locales doit relever d'une tout autre démarche. Pour qui refuse la machine à exclusion, cette question ne peut être abordée sous le seul angle de l'autonomie financière. Dès lors que l'on veut renforcer le poids de l'impôt au détriment des dotations de l'État, il faut s'interroger sur l'efficacité économique et sociale, sur l'équité de ces impôts. Mais vous refusez de le faire.

L'autonomie financière n'est pas concevable si les bases des impôts restent aussi concentrées qu'aujourd'hui, à moins d'accepter l'exclusion, la perte de lien social, le délitement progressif de notre République. La taxe d'habitation et la taxe foncière sont, à cet égard, profondément inadaptées. Permettez-moi de citer mon camarade ancien parlementaire, Camille Vallin,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ah !

M. Jean Launay. C'est une belle référence !

M. André Chassaigne. Vous ne le connaissez pas, monsieur le président de la commission ? C'est fort regrettable, car il a soutenu, pendant des années, une argumentation exemplaire en matière de finances locales.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je l'ai connu ! Il était député du Rhône. (« Maire de Givors ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'a pas voulu revenir. Vous auriez dû l'imiter !

M. André Chassaigne. Camille Vallin déclarait, en conclusion d'un ouvrage sur « les quatre vieilles »...

M. Michel Piron. Elles ont survécu à la canicule ?(Rires.)

M. André Chassaigne. Camille Vallin, disais-je, déclarait à propos des quatre vieilles : « Nos quatre vieilles s'apprêtent à entrer dans leur troisième centenaire, non pas allègrement, certes, car les opérations en tous genres qu'elles ont subies, les emplâtres successifs qu'elles ont reçus, les cures de rajeunissement qu'on a tentées pour les rendre présentables, n'ont rien réglé. Il n'est plus personne pour soutenir qu'elles n'ont pas fait leur temps. Elles ne survivent que parce qu'on prétend ne pas savoir par quoi les remplacer ». Il ajoutait : « Lorsque la fiscalité locale ne représentait qu'une part modeste des ressources communales, l'injustice de nos vieux impôts était supportable. Quand cette part atteint la moitié de ces ressources, elle ne l'est plus ».

M. Michel Piron. Quel lyrisme !

M. André Chassaigne. Je ne développerai pas la nécessaire réforme de la fiscalité locale, qui devrait constituer un préalable. Mais j'ai bien vu, lors de nos débats en première lecture, que cette question ne vous intéressait pas.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oh !

M. André Chassaigne. La représentation nationale se trouve ainsi dans l'incertitude quant à vos intentions sur le sujet, notamment s'agissant de l'avenir de la taxe professionnelle,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Quelle angoisse !

M. André Chassaigne. ...qui aura pourtant des conséquences déterminantes sur l'autonomie financière des collectivités territoriales et des EPCI. De fait, nous discutons aujourd'hui d'autonomie financière sans savoir ce que deviendra la taxe professionnelle. Cette inconnue pollue le débat et témoigne, une fois de plus, du peu de considération que vous avez pour le Parlement.

N'imaginez pas, en écoutant mes propos, que les députés communistes et républicains soient des adversaires de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Bien au contraire ! Seulement, ils n'ont pas du tout la même conception de l'autonomie que vous.

Pour vous, il s'agit de maîtriser les ressources. Il s'agit de donner aux collectivités territoriales les moyens d'arracher les recettes fiscales dont elles ont besoin. La répartition de ces moyens doit être le résultat du jeu de la concurrence et de la capacité des villes, ou plutôt aujourd'hui des EPCI, et des régions à se montrer « attractives » pour les entreprises comme pour les contribuables les plus riches. Votre conception de l'autonomie est en fait celle des prédateurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui : comme le baron Seillière !

M. Marc Francina. Comme Doumeng !

M. Jean-Pierre Brard. C'est de la préhistoire !

M. André Chassaigne. Pour nous, l'autonomie financière n'existe qu'en lien avec une autonomie politique réelle, une capacité à mener, dans le cadre des lois de la République, des politiques locales propres, originales et innovantes.

L'autonomie doit permettre aux élus locaux de créer ou de tracer les lignes d'un projet politique global. Il ne s'agit pas de savoir si les ressources locales sont constituées d'impôts ou de dotations, mais de savoir si les exécutifs locaux élus auront les moyens de mener les politiques pour lesquelles ils ont été élus.

Dans ce cadre, les transferts autoritaires de dépenses obligatoires, que vous nous imposez avec la loi sur les responsabilités locales, constituent une atteinte absolument inacceptable à l'autonomie politique des collectivités territoriales. De quelles marges de manœuvre budgétaires disposeront les départements et les régions après avoir assumé toutes les nouvelles compétences que vous voulez leur imposer ? Leur capacité à mener leurs propres politiques sera inévitablement réduite et l'essentiel de leurs efforts consistera à faire tout ce dont l'État veut se débarrasser.

Je trouve scandaleux que l'on nous fasse disserter aujourd'hui sur une prétendue autonomie financière, que vous affaiblissez parallèlement en multipliant le nombre des compétences obligatoires conférées aux collectivités.

Permettez-moi de relever, sur ce point absolument central, la déclaration d'un parlementaire peu suspect d'amitiés bolcheviques, M. Michel Mercier,...

M. Jean-Pierre Brard. Qui est-ce ?

M. André Chassaigne. ...rapporteur de cette loi au Sénat : « l'autonomie fiscale n'est pas l'autonomie de gestion ». Tout est dit.

Le propos est d'autant plus vrai que nous avons toute raison de penser, malgré vos engagements, que les compensations financières ne couvriront pas, dans la durée, l'évolution des dépenses liées à ces transferts, eux-mêmes évolutifs et dynamiques.

La croissance des bases de la TIPP a été, en moyenne, sur les dix dernières années, de 1 % par an. Celle des dotations d'environ 2,5 % par an. La croissance des postes de dépenses que vous transférez, essentiellement des dépenses de personnel, dépassera probablement les 5 % par an.

M. Michel Piron. C'est le résultat des 35 heures !

M. André Chassaigne. Nous avons donc toutes les raisons de penser que c'est le contribuable local qui aura à assumer financièrement votre décentralisation - destinée pourtant, si l'on vous écoute, à renforcer la proximité entre les élus et les citoyens !

Du fait de cette pression budgétaire, petit à petit, cette loi de responsabilités locales grignotera toute l'autonomie politique dont disposent encore les collectivités territoriales. Vous aurez alors réussi à créer des collectivités impotentes, ...

M. Didier Migaud. C'est le but !

M. André Chassaigne. ...aux budgets importants mais sans la moindre élasticité, et donc sans la moindre marge de manœuvre politique.

Votre entreprise de dépolitisation des débats sera raffermie, la crise de la démocratie représentative en sera renforcée, avec probablement, comme corollaire, une désaffection des Français à l'égard de la politique, ainsi qu'une nouvelle montée de votes populistes.

Il nous aurait paru logique qu'une loi visant à garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales s'intéresse à la question des dotations que leur verse l'État. Ces dernières sont en effet vitales, notamment pour les communes ne disposant ni de taxe professionnelle, ni d'un potentiel fiscal important. L'autonomie financière de ces communes est souvent moins conditionnée par l'impôt que par les garanties de progression de ces dotations, notamment des dotations de péréquation - souvent les seules à leur permettre de financer leurs politiques locales.

Aujourd'hui, le régime de ces dotations est particulièrement complexe. Il laisse une très faible part aux dotations de péréquation, même si le comité des finances locales évalue, au terme d'un calcul souvent très large, la part des dotations de péréquation à 33 % du total.

Cette situation appelle une réforme de leur régime. Le comité des finances locales vient d'ailleurs de publier un rapport sur le sujet. Il revendique, notamment, de renforcer  « l'intensité péréquatrice » des dotations. Inutile de vous dire que cette réforme nous apparaît bien plus urgente que celle que vous nous présentez aujourd'hui.

Pouvez-vous nous garantir que le projet de loi de finances pour 2005 augmentera sensiblement « l' intensité péréquatrice » des dotations ? C'est seulement de cette façon que vous pourriez accroître l'autonomie politique de toutes les collectivités territoriales.

Enfin, même si l'on accepte votre conception de l'autonomie financière, même si l'on fait l'effort d'oublier le contexte de vos lois de décentralisation, on ne peut accepter la rédaction de votre projet de loi. Un impôt national transféré, dont les collectivités territoriales ne maîtrisent ni le taux ni l'assiette, ne peut être assimilé à une ressource propre. C'est une évidence !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Mais non, c'est une affirmation gratuite !

M. André Chassaigne. Ce n'est pas une affirmation gratuite. De votre côté, on doit plutôt parler d'acte de foi ; or, pour notre part, nous n'y adhérerons pas si facilement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Reste que nous, nous savons ce qu'est la foi !

M. Jean-Pierre Brard. La foi du charbonnier ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. J'allais le dire...

M. Jean-Pierre Brard. Si ce n'est, chers collègues de la droite, que vous descendez rarement à la mine ! Il faudrait que j'éclaire votre lanterne.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous en parlez, mais vous n'y connaissez rien ! Vous êtes un mineur de surface. (Sourires.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Alors, me direz-vous, le texte qui nous revient du Sénat est parvenu à un compromis. Les sénateurs, écartelés entre leur fidélité au Gouvernement et leurs obligations d'élus locaux, seraient parvenus à trouver une rédaction satisfaisant toutes les parties.

J'ai lu et relu le nouvel article 2 de ce projet de loi organique. J'ai bien cherché ce compromis, mais je ne l'ai pas trouvé. J'ai trouvé, en revanche, une capitulation du Sénat déguisée en compromis !

M. Jean-Pierre Brard. C'est Canossa !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce n'est pas le genre du Sénat de capituler !

M. Jean-Pierre Brard. Non, il se met toujours à genoux !

M. André Chassaigne. Honnêtement, monsieur le ministre, je vous félicite - avec Jean-Pierre Brard, Gilbert Biessy et l'ensemble de mon groupe - pour avoir réussi à humilier ainsi le Sénat, en lui laissant l'impression de vous avoir fait reculer. C'est un bel exploit ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà d'ailleurs pourquoi vous avez souhaité tout à l'heure un « compromis intelligent et équilibré » entre les deux assemblées. En fait, vous souhaitez que nous nous couchions aussi.

M. Michel Piron. Pour faire une psychanalyse !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est encore trop tôt pour se coucher, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Il n'en reste pas moins que le fond du problème politique demeure, que ce texte vous permettra de transférer le bloc de la TIPP aux collectivités territoriales et d'assimiler cet impôt national transféré à une ressource propre.

Ce projet, nous le récusons.

D'abord, je ne vois pas comment l'on peut considérer un impôt national transféré comme une ressource propre, si les collectivités territoriales ont autant de maîtrise de cette ressource qu'elles en ont des dotations versées par l'État. Il est vrai que tout à l'heure on a salué comme un exploit la taxe sur les pylônes, dans la mesure où ces derniers constituaient une assiette facilement localisable.

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est sûr !

M. André Chassaigne. On en vient à faire des pylônes un argument central, justifiant cette assiette par le fait qu'elle est facilement localisable !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est du concret !

M. Michel Vergnier. Qu'en adviendra-t-il ?

M. André Chassaigne. On voit à quel niveau se situe le débat de ce soir.

Ensuite, ce n'est pas parce que l'État veut se débarrasser d'un impôt impopulaire et particulièrement peu dynamique que les collectivités territoriales doivent accepter ce cadeau. Le transfert de la TIPP, c'est un peu « le baiser du serpent » ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Il y a de ça !

M. André Chassaigne. Une étude de Dexia montre, par exemple, que le rythme annuel moyen de progression de la consommation des différentes composantes de la TIPP, depuis 1993, n'est que de 1 % par an : soit un rythme nettement inférieur à celui des postes de dépenses que vous transférez, que ce soit l'évolution des dépenses pour le RMI ou celle des dépenses de personnel. Vous ne me parlez pas des 35 heures ? C'est étonnant...

La baisse de la part de l'essence dans la consommation globale risque aussi d'entraîner une baisse des bases de l'impôt.

Enfin, il sera particulièrement complexe, techniquement, de lier la consommation d'essence à un territoire. Seule une évaluation statistique permettra, avec toute l'imprécision que cela sous-tend, de mener à bien cette territorialisation de l'impôt. Mais il est vrai que vous avez les pylônes, qui constituent votre argument central.

En assimilant tous les impôts, même ceux dont les collectivités territoriales ne maîtriseront pas les taux, à des ressources propres, le Gouvernement cherche, de facto, à limiter autant que faire se peut le montant des compensations financières devant accompagner les transferts de compétences imposés avec la décentralisation. Cela signifie que même votre principe de l'autonomie financière est, de fait, bafoué par votre loi organique.

L'irrecevabilité de ce projet de loi organique est manifeste. D'abord, il viole les principes républicains les plus fondamentaux en institutionnalisant un idéal de concurrence au détriment de l'idéal de fraternité de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Hissez les couleurs !

M. Michel Vergnier. Cela ne nous fait pas rire du tout !

M. André Chassaigne. J'entends comme un bruit de bottes. C'est sans doute pour cacher le silence des pantoufles. Et je parle de pantoufles, pas de godillots ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ensuite, ce projet heurte clairement le principe de libre administration des collectivités territoriales, l'autonomie politique des collectivités étant réduite, de façon claire, par les transferts de compétence que vous imposez.

Enfin, il s'oppose à l'article 72-2 de la Constitution et au principe d'autonomie financière, que vous avez vous-même fait inscrire dans la Constitution, puisque vous cherchez à assimiler des transferts d'impôts à des ressources propres. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe UMP.

M. Michel Bouvard. L'exercice de M. Chassaigne était difficile puisqu'il consistait à démontrer que le projet de loi organique était contraire à la Constitution alors même qu'il a pour but de permettre la mise en œuvre d'une disposition constitutionnelle. Nous comprenons dès lors qu'il ait été obligé de traiter un autre sujet que l'irrecevabilité et que nous ayons eu droit à l'exposé habituel empiétant sur la discussion générale. Il est devenu de pratique courante, monsieur le président, que les motions de procédure soient ainsi détournées de leur objet par les groupes de l'opposition. Je ne suis pas sûr que cela soit de bonne pratique et nous devrons sans doute revoir un jour cette question.

M. Augustin Bonrepaux. Vous voulez nous empêcher de parler, monsieur Bouvard !

M. Michel Bouvard. À la fois parce que la démonstration de l'inconstitutionnalité du projet n'a pas été faite et parce que nous ne partageons pas les orientations exposées par M. Chassaigne, nous nous opposerons à cette motion d'irrecevabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. C'est l'exercice de M. Bouvard qui est difficile ! Quand il propose de revoir la pratique des motions de procédure, il oublie que, dans trois ans, ses collègues et lui seront dans l'opposition. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il ne faut pas rêver !

M. Jean-Pierre Brard. M. Mariton nous expliquait, cet après-midi, que les Français étaient d'accord avec le Gouvernement et la majorité actuelle : vous devez porter d'autres lunettes que celles qu'on trouve chez les opticiens. Les résultats des élections du printemps ne vous ont-ils rien enseigné ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Ghislain Bray. Rappelez-nous le score du parti communiste aux élections européennes ? Ne serait-ce pas 5 % ?

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que vous ne soyez pas contents : j'appuie là où ça fait mal. (Mêmes mouvements.)

Je reviens à la réponse de M. Bouvard. Il a dit que M. Chassaigne avait fait l'exposé habituel. Si cela signifie être fidèle à ses convictions et n'avoir de cesse de les répéter alors qu'elles sont battues en brèche, l'expression est exacte mais le fait qu'elle ait été employée par M. Bouvard, qui, je le connais bien, est un vieux et vrai républicain, montre qu'on l'oblige à jouer une partition dans laquelle il ne peut exceller.

M. Clément - qui brille de nouveau par son absence - nous a accusés tout à l'heure d'être jacobins. Mais qu'est-ce qu'un jacobin ? C'est quelqu'un qui est fidèle à nos traditions issues de la Révolution française.

M. Charles de Courson. Non, ce sont les girondins !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur « de » Courson, vous n'êtes pas le mieux placé pour parler de la Révolution française ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson. Mais si !

M. Édouard Landrain. C'est reparti !

M. Jean-Pierre Brard. Les jacobins, ce sont nos ancêtres républicains qui se sont battus pour l'égalité face aux privilèges, lesquels furent abolis dans la nuit du 4 août, dont nous allons bientôt fêter l'anniversaire.

Pour M. Clément, « jacobin » est un gros mot. Eh bien, nous revendiquons ce qualificatif.

M. Christian Vanneste. Les jacobins sont des terroristes ! Vous confondez 1791 et 1794 !

M. Jean-Pierre Brard. Pour nous, «girondin » est synonyme de « désintégrateur de l'ensemble national ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson. Quelle horreur !

M. Jean-Pierre Brard. C'est ce que vous êtes car, sous prétexte de donner plus de responsabilités à chaque région, vous rompez l'égalité entre les collectivités territoriales en les renvoyant chacune à ses moyens.

Je vois, d'ailleurs, que M. Poignant m'approuve. (Rires.)

M. Serge Poignant. Je n'ai rien dit !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne vouliez pas que je le dise à tout le monde ! (Rires.)

M. Édouard Landrain. Vous avez dû vous tromper de barbu, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Quant aux ressources propres des collectivités locales, dont nous reparlerons tout à l'heure, M. Chassaigne a bien démontré ce qu'il en était.

Ce que vous remettez en question de façon systématique - l'année dernière avec la réforme des retraites, ces dernières semaines avec celle de l'assurance maladie, aujourd'hui avec ce projet relatif à l'autonomie financières des collectivités territoriales -, c'est l'héritage patiemment construit par le peuple français et qui fait que notre pays rayonne dans le monde entier et fait envie à de nombreux peuples.

En entendant le ministre, qui a été convaincant comme à son habitude - c'est-à-dire peu -, je me disais que, avec le temps, certaines belles figures s'étiolent. Quand on pense à M. Copé, on pense tout de suite à l'Aigle de Meaux. Mais comparons le dernier en chaire à Meaux et le premier à la tribune de l'Assemblée nationale !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne vois pas la difficulté !

M. Jean-Pierre Brard. Je reconnais bien là votre modestie habituelle !

Cela étant, même si les sujets traités ne sont pas les mêmes, l'Aigle de Meaux avait un talent qui lui a permis d'entrer dans l'Histoire, ...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous fêtons même cette année le tricentenaire de sa mort !

M. Jean-Pierre Brard. ...tandis que vous reconnaîtrez, monsieur le ministre, que, en dépit de votre aspiration au mimétisme, il vous reste encore quelques progrès à faire pour passer à la postérité.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je suis jeune !

M. Jean-Pierre Brard. Dans la mesure où vous remettez en cause nos traditions héritées de la Révolution française, qui sont les bijoux de famille de notre État et le fondement de l'identité de notre nation, l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Chassaigne est donc tout à fait légitime. Point n'est besoin de savoir si le projet de loi remet en cause tel ou tel alinéa de la Constitution puisque ce que vous bafouez est beaucoup plus grave : c'en est l'esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Vanneste. Vous avez une vision très spéciale de la Révolution ! Relisez donc Furet !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Je m'étonne des propos de M. Bouvard. Selon lui, l'exception d'irrecevabilité ne serait pas justifiée. Il a oublié que nous examinons un projet de loi organique, qui sera ensuite soumis au Conseil constitutionnel. N'est-il pas normal, dès lors, de présenter des arguments pour expliquer qu'il n'est pas conforme aux nouvelles dispositions constitutionnelles que vous avez adoptées ?

D'ailleurs, lorsque vous les avez adoptées, vous ne vous attendiez pas à cela. Vous vous rendez compte - un peu tard - que vous avez été dupés. M. le ministre et M. le rapporteur vous expliquent maintenant que la Constitution vous interdit de faire autrement. Vous avez cru, au début, aux propos de M. Raffarin ; aujourd'hui, quand il s'exprime, vous ne croyez plus trop ce qu'il dit !

Même M. Clément, le président de la commission des lois, a cru un moment que le projet allait réellement assurer l'autonomie financière des collectivités territoriales. À preuve l'amendement qu'il a défendu en commission afin que les collectivités locales puissent faire évoluer les bases des impôts et voter les taux des ressources transférées. Quand celui-ci a été examiné en séance publique, la question a été renvoyée à la discussion du texte sur l'autonomie financière des collectivités territoriales. Or, M. Clément nous explique maintenant que celle-ci est garantie quand on ne peut faire évoluer les bases ni les taux. Quel pouvoir de conversion vous avez, monsieur le ministre, pour que M. Clément défende deux positions diamétralement opposées à deux mois d'intervalle. Mais il est vrai qu'il nous a habitués à de telles contradictions.

Le plus grave, c'est que, avec ce texte, votre remettez en cause le fondement même de la responsabilité locale. Vous savez très bien qu'un impôt d'État transféré aux collectivités territoriales sans possibilité pour ces dernières d'en faire évaluer les bases ou les taux ne constitue par une ressource propre. En outre, il fait disparaître un élément indispensable pour la démocratie locale : le lien entre le citoyen et l'élu. Il est en tout à fait normal que les contribuables demandent ce qui est fait avec l'argent qui leur est réclamé. Or les impôts d'État qui vont être transférés vont se réduire comme peau de chagrin puisqu'ils ne pourront être réévalués. À cela s'ajoute une réforme de la taxe professionnelle qui pourrait se traduire par le remplacement de celle-ci par une part de TIPP. Et tout cela serait conforme aux dispositions constitutionnelles que vous avez adoptées pour garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales ?

Je sais que beaucoup d'entre vous ont quelques remords et regrettent cette aventure constitutionnelle. Il va, en effet, falloir que vous en rendiez compte. Le premier rendez-vous, que nous attendons avec quelque jubilation, sera le congrès des maires à l'automne. Il va falloir expliquer aux élus pourquoi vous réduisez leur autonomie au lieu de l'accroître, pourquoi ils ne pourront pas évaluer les impôts transférés. Il va également falloir expliquer l'augmentation des impôts locaux qu'il va en résulter puisque le transfert de charges ne s'accompagne pas d'un transfert des moyens nécessaires.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous vous trompez d'époque !

M. Augustin Bonrepaux. C'est déjà le cas pour le RMI et ce sera pire encore avec les personnels TOS, puisque le transfert ne concerne que les agents de l'éducation nationale et que tous les autres vont disparaître. Ou bien cela va être une grande pagaille dans les collèges et les lycées, ou bien il y aura augmentation des impôts locaux.

Il faut que ce soir nous prenions date car vous aurez à rendre compte de tout cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Nous, à l'UDF, monsieur Brard, nous sommes girondins...

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne m'étonne pas. Vous êtes même le Marais !

M. Charles de Courson. ...et nous en sommes fiers.

D'ailleurs, monsieur Brard, si vous êtes un républicain, respectez les autres républicains : on peut être girondin et bon républicain.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis Robespierriste !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ils ont mal fini, monsieur Brard !

M. Charles de Courson. Je vous renverrai, monsieur le maire de Montreuil, à vos classiques historiques car, si vous connaissiez un peu mieux l'histoire de France, vous sauriez que je suis un descendant de Lepeletier de Saint-Fargeau, qui était révolutionnaire ;

M. Jean-Pierre Brard. Vous n'y êtes pour rien !

M. Charles de Courson. C'est exact mais n'insinuez donc pas, faisant preuve d'un racisme social bien connu, ce que je ne suis pas.

M. le président. Monsieur de Courson, vous avez la parole pour expliquer le vote de votre groupe sur la motion d'irrecevabilité et non pour un fait personnel !

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous êtes légitimiste, monsieur de Courson, et vos gènes sont dégénérés ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard !

M. Charles de Courson. J'en viens à la question de la constitutionnalité du projet de loi. Oui, ce texte pose des problèmes constitutionnels. Je l'ai dit, au nom du groupe UDF, lors de son examen ici même en première lecture et je le redirai dans la discussion générale.

Mais M. Chassaigne a, au nom des députés communistes,...

M. Jean-Pierre Brard. Et républicains !

M. Bernard Accoyer. Et néanmoins républicains !

M. Charles de Courson. ...défendu des thèses totalement indéfendables. Je n'aurai pas la cruauté de lui rappeler l'attitude de son groupe pendant les cinq années de la précédente législature. Qu'ont-ils fait, alors qu'ils détenaient, s'ils votaient avec l'opposition de l'époque, la clé du scrutin,...

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne votons pas avec Seillière, nous !

M. Charles de Courson. ...pour empêcher le taux d'autonomie des collectivités locales de chuter de 64 % à 34 % ? (« Eh oui ! »sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. C'est exact. Ils ont pratiqué le grand écart !

M. Charles de Courson. Où étiez-vous, mesdames, messieurs les communistes ?

M. Jean-Pierre Brard. Ici ! (Rires.)

M. Charles de Courson. Comme j'essaie d'être équilibré, monsieur Brard, je juge les êtres non sur leurs grandes déclarations, fussent-elles pleines d'humour, mais sur leurs actes. Le groupe UDF votera contre la motion d'irrecevabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,

Les finances sont le nerf de la guerre. Le premier souci d'une collectivité responsable est, dans l'intérêt même de ses administrés, de pouvoir maîtriser pleinement le financement des compétences qu'elle assume - c'est-à-dire à la fois le niveau de celui-ci, son évolutivité et sa pérennité -, a fortiori quand ces compétences lui sont transférées contre son gré.

L'équation est simple : des pans entiers de l'action de l'État vont passer d'autorité, pour la première fois, entre les mains des collectivités locales : les routes, la formation, le logement, le tourisme, sans parler des personnels techniques, ouvriers et de service de l'éducation nationale. Or le Gouvernement ne daigne toujours pas doter ces collectivités des marges de manœuvre et des moyens financiers correspondants. Cela risque de provoquer à brève échéance un effet de ciseaux entre charges et ressources, qui se soldera de facto par un endettement accru et une hausse de la fiscalité locale dans des proportions inconsidérées.

Ainsi, après plus de deux ans de procédures et d'échanges, les critiques constructives exprimées dès la mise en chantier de ce fameux acte II de la décentralisation n'ont toujours pas, alors que nous touchons au terme de ce marathon législatif, été prises en compte.

Une telle situation aurait de quoi inquiéter n'importe quel observateur un tant soit peu attentif à nos débats : pas vous à l'évidence !

La bronca qui s'est élevée et qui continue de s'élever dans l'ensemble des associations d'élus, avant comme après mars 2004, ne semble pas vous préoccuper outre mesure.

La voie que vous avez choisie continue donc de demeurer celle d'une sourde obstination contre les verdicts populaires.

Aux termes de l'article 91, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale, l'objet d'une question préalable est de « faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer ».

Je prends la liberté de compléter cette définition pour l'adapter pleinement à notre problématique : il n'y a effectivement pas lieu de délibérer d'une manière aussi peu respectueuse des libertés locales d'un sujet aussi important pour notre avenir que l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Ce que je cherche à vous faire entendre une fois encore, c'est que les responsables territoriaux ne peuvent pas être considérés comme les représentants d'un échelon de seconde zone, sur le dos desquels toutes les manœuvres budgétaires seraient permises et tous les transferts de charges autorisés, qui plus est contre leur volonté.

Le texte tel qu'il nous est revenu du Sénat n'est pas plus à la hauteur de ces enjeux. Après les beaux discours réfractaires tenus par la majorité sénatoriale, la montagne semble bel et bien avoir accouché d'une souris ! La résistance du Palais du Luxembourg n'aura donc été finalement qu'un baroud d'honneur !

Fruit d'un consensus fragile entre le Gouvernement d'un côté et les plus velléitaires des sénateurs UMP de l'autre, la notion d'impôt localisable, à peine née, laisse, en effet, déjà perplexes la plupart des juristes, mais aussi les décideurs eux-mêmes des collectivités locales.

De là à affirmer que le Sénat s'est couché devant le Gouvernement, il y a un pas que je me garderai naturellement de franchir, par respect pour mes collègues sénateurs.

M. René Dosière. C'est pourtant vrai !

M. Jean-Pierre Balligand. Écoutez la suite, monsieur Dosière !

Dès la première lecture du texte, les signes précurseurs d'une retraite prématurée étaient pourtant déjà perceptibles.

Si le Gouvernement avait réussi à contenir bon an mal an la fronde latente de son propre groupe parlementaire à l'Assemblée, il n'avait, en effet, pas pu réduire au silence la voix des grandes associations d'élus locaux, dont certaines particulièrement peu suspectes de connivence avec l'opposition parlementaire, surtout avant mars 2004.

Conséquents avec ces prises de position et avec nous-mêmes, nous avions d'ailleurs, dans ce débat en première lecture, défendu des amendements qui reprenaient stricto sensu la définition posée par les élus locaux, au premier rang desquels les membres de l'Association des maires de France, monsieur Pélissard, une définition selon laquelle les ressources propres des collectivités ne peuvent être que « celles dont les collectivités et leurs groupements fixent librement le montant ».

Eh bien, figurez-vous qu'en première lecture, cet amendement prérédigé a été déposé à ma demande, à l'Assemblée nationale, dans les termes exacts prescrits et souhaités par les représentants de l'AMF, par le seul groupe socialiste. Pas un député de votre majorité n'a pris le risque, apparemment vital, de le reprendre à son compte en l'état !

Je ne vous apprendrai évidemment pas que cet amendement a été rejeté, parmi ceux déposés par nos soins, sans la moindre discussion de fond en séance publique. Les débats intervenus depuis au Sénat nous confortent aujourd'hui dans cette analyse.

Après avoir campé sur une position orthodoxe de défense de l'autonomie financière des collectivités, aux termes de laquelle les ressources propres ne peuvent être constituées que du « produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif » - c'était la définition agréée dans un premier temps en commission des lois -, le Sénat a accepté en séance publique un sous-amendement beaucoup moins explicite, qui a élargi la définition des ressources propres au produit des impositions « dont la loi localise la matière imposable ».

Les commentateurs ont vu dans cet épisode le fruit d'un « compromis » passé entre le Sénat et le Gouvernement.

Dès lors, mon interrogation est simple : y a-t-il matière à compromis lorsqu'il s'agit de définir l'autonomie financière ? Autrement dit, peut-on imaginer qu'il existe différents degrés d'autonomie ?

Au risque d'apparaître manichéen, je pense que toute autonomie de compromis ne saurait être de facto qu'une autonomie au rabais et, au final, une subordination déguisée.

C'est bien d'ailleurs ce qui ressort de la définition adoptée au Sénat, si on analyse correctement le nouvel article 2 du projet de loi organique : la seconde partie de la définition des ressources propres « dont la loi localise la matière imposable » élargit automatiquement ces ressources à des produits d'impositions sur lesquelles les collectivités n'auront clairement aucune prise.

Considérons en pratique ce que cela signifie. Alors que la compensation du transfert du RMI aux départements par l'attribution d'une part fixe de la TIPP - sans possibilité de modulation des taux - constitue le contre-exemple même de ce qu'aurait dû être le principe d'autonomie financière des collectivités locales, la seule modification introduite en l'espèce par le Sénat consiste en ce que cette part serait dorénavant fixée, pour chaque département, par la loi et non par un arrêté.

On peut s'interroger, au surplus, sur la conformité constitutionnelle d'un tel dispositif, dans la mesure où il ouvrirait la possibilité d'appliquer des règles de compensation, variables selon les collectivités.

À un dispositif insatisfaisant mais d'application générale - l'attribution du produit d'impositions dont les collectivités n'ont pas le pouvoir de voter les taux -, le Sénat a ainsi substitué un dispositif permettant désormais à l'État une véritable discrimination entre les collectivités. Et je doute fort que la discrimination menée par ce gouvernement soit dictée par un souci de péréquation au profit des collectivités les moins favorisées. La péréquation n'est pas pour rien le parent pauvre de votre réforme !

Si j'en crois le thème que vient de choisir l'AMF pour son prochain congrès : « Quels moyens pour quelle décentralisation ? », à l'évidence, la question des financements ne semble pas réglée pour tous et notre collègue sénateur Daniel Hoeffel n'a pas encore dit son dernier mot.

En d'autres termes, avec cette notion d'impôt localisable, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont brillamment réussi à introduire dans la notion de ressources propres le même flou qui entourait le concept déjà très critiqué de part déterminante. Il y a là une prouesse qui mérite d'être soulignée.

En réalité, le Gouvernement actuel, chantre du libéralisme économique et de l'individualisme social, semble bizarrement avoir de l'autonomie financière des collectivités une conception beaucoup moins libérale et, pour tout dire, carrément dirigiste.

Le constat est même particulièrement cruel lorsqu'on se souvient que, dans le même temps, sans doute pour se donner bonne conscience, c'est ce même gouvernement qui a cherché à adjoindre l'expression « libertés locales » partout où il a pu le faire : dans l'intitulé du ministre de tutelle, dans celui du ministre délégué et jusque dans le titre du projet de loi relatif désormais « aux libertés et aux responsabilités locales ».

J'en veux pour preuve cet amendement gouvernemental adopté dans un premier temps au Sénat et par la suite retiré, selon votre méthode désormais habituelle de la « sonde législative », monsieur le ministre. Il prévoyait de fixer à 33 % le plancher du ratio d'autonomie financière des collectivités ! Pour mémoire, le taux moyen d'autonomie financière, relevé par le rapporteur du Sénat lui-même, se situe à 36 % pour les régions, 56 % pour les communes et plus de 57 % pour les départements. Autant dire que le Gouvernement proposait, en l'espèce, encore moins qu'un nivellement par le bas, dans la mesure où l'ensemble des collectivités dépassent toutes le plancher de 33 %.

Le plus étonnant, sans doute, est que ce gouvernement a connu une meilleure inspiration par le passé en matière d'autonomie financière des collectivités locales. Je pense ici naturellement à la « proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières », déposée au Sénat en juin 2000 par certains parlementaires comme Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin.

D'autres que moi ont relevé la dissemblance flagrante entre la noble ambition qu'ils affichaient alors dans l'opposition parlementaire et la petite flamme qui est aujourd'hui la leur depuis qu'ils maîtrisent le fond et le calendrier des réformes ! On dit toujours que le pouvoir corrompt : en l'espèce, j'ai donc plutôt l'impression que le pouvoir érode.

Après discussion au Sénat, où cette proposition de loi a été débattue le 26 octobre 2000, la proposition de loi constitutionnelle transmise et enregistrée à l'Assemblée nationale le 17 juillet 2002 énonçait ainsi explicitement : « Les ressources hors emprunt de chacune des catégories de collectivités territoriales sont constituées pour la moitié au moins de recettes fiscales et autres ressources propres » et « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales et toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'État sont accompagnées du transfert concomitant des ressources permanentes, stables et évolutives nécessaires ».

Que s'est-il passé entre juillet 2002 et octobre 2003, date du dépôt du présent projet de loi organique, pour expliquer une régression conceptuelle aussi flagrante, un appauvrissement aussi radical de la pensée décentralisatrice de Jean-Pierre Raffarin et de son gouvernement ?

Comment justifier le glissement d'une indépendance financière convenable à une autonomie financière rachitique ? La réponse est, à mon avis, terre à terre : ceux-là mêmes qui, dans l'opposition, défendaient généreusement les collectivités locales, leur autonomie, leur viabilité, ont ajusté le tir après une première année et demie de débâcle économique au pouvoir. Et si l'on en croit par ailleurs l'étrange évolution de l'article 1er du projet de loi ordinaire, il paraît évident que le tir vient d'être à nouveau rectifié pour tenir compte des résultats des dernières élections, cantonales et surtout régionales, en vertu d'un calcul politique particulièrement mesquin dont il faudra bien reparler.

Le résultat est là, en tout cas : Jean-Pierre Raffarin a construit son acte II non comme l'incarnation d'une grande idée ou dans le but de corriger les insuffisances réelles de la première décentralisation, ainsi qu'il l'a un temps prétendu, mais bien petitement. À partir des maigres subsides présents dans les caisses de l'État - une fois réduit l'impôt sur le revenu et dispensées des aides clientélistes -, il a bâti un échafaudage de fortune, un fragile montage destiné à réduire de manière comptable le déficit de l'État, là où les élus locaux attendaient un rempart contre le tout-État et de solides assurances sur la pérennité de leurs ressources.

À l'appui de cette interprétation, au sein même de ce projet de loi organique, les partis pris du Gouvernement sont clairs.

Premièrement, vous refusez de définir clairement et simplement les ressources propres comme celles dont les collectivités votent les taux ou déterminent les tarifs.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Deuxièmement, vous refusez d'exclure de ces ressources les dégrèvements et les parts d'impôts nationaux, dont les collectivités ne pourront pas voter les taux.

Troisièmement, vous refusez une nouvelle fois de prendre en considération les groupements intercommunaux, puisqu'il n'est pas prévu d'isoler ces établissements publics pour l'évaluation de la fameuse « part déterminante » des ressources propres.

Quatrièmement, vous refusez également de tenir compte de la diversité des collectivités au sein d'une même catégorie ou au sein d'un même niveau, en vous référant uniquement à des taux moyens d'autonomie.

M. Michel Vergnier. Voilà !

M. Jean-Pierre Balligand. Cinquièmement, vous refusez enfin d'inscrire au niveau de la loi organique les principes et les objectifs de la péréquation, signe manifeste de la place indécente consacrée à la solidarité financière dans votre vision de la décentralisation.

Le comble est sans doute atteint lorsque le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Nicolas Sarkozy propose, comme il l'a fait dans son rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, que les collectivités locales concluent un « pacte de stabilité interne » avec l'État afin de mieux contenir leurs dépenses. Cette suggestion frise proprement la schizophrénie, lorsqu'on sait quels transferts de charges incontrôlées l'État est en train d'organiser parallèlement à destination des collectivités locales.

Le ministre d'État pourrait avoir l'excuse d'une mauvaise coordination du travail gouvernemental, s'il n'avait pas lui-même été ministre de l'intérieur jusqu'en mars 2004, c'est-à-dire porteur, depuis juin 2002, de l'ensemble des réformes déstabilisatrices en cause.

Son initiative est sans doute à rapprocher de la tentative analogue du Premier ministre, il y a trois mois, d'obtenir des présidents de région qu'ils s'engagent « sur un moratoire fiscal pendant la première partie de leur mandat, c'est-à-dire trois ans ».

Les deux démarches ont en commun d'être particulièrement déplacées, alors que l'on débat justement de l'autonomie financière desdites collectivités, et provocatrices quand elles surviennent après l'annonce unilatérale d'une suppression de la taxe professionnelle et juste avant la mise en œuvre prochaine de transferts de compétences massifs.

De telles intimations pourraient même être jugées anticonstitutionnelles depuis que le gouvernement en question a fait graver dans la Constitution le principe dit de libre administration des collectivités territoriales, sorte de séparation des collectivités et de l'État. Cette tentative d'ingérence de l'État dans la gestion des administrations publiques locales n'a d'égal que le mépris dont elles sont l'objet lorsqu'il s'agit de garantir l'équilibre, la pérennité et la propriété de leurs ressources.

Il y a donc là, de la part du Gouvernement, un cynisme avéré. Osera-t-il pour autant l'assumer ?

Prenons le cas de la taxe professionnelle.

Alors que les élus locaux attendaient d'être rassurés sur la pérennité et l'indépendance de leurs ressources, voilà que les collectivités se sont vues imposer du jour au lendemain l'amputation d'une fiscalité majeure, qui représente 18 % de l'ensemble des recettes de fonctionnement des départements et 54 % de celles des communautés d'agglomération.

Dans le but de trouver les moyens de mettre en application ce desiderata présidentiel, le Gouvernement a créé une commission, la commission Fouquet, chargée de faire des propositions, mais celle-ci a annoncé qu'elle ne pourrait pas rendre ses conclusions finales avant l'examen de la prochaine loi de finances pour 2005, ce qui reporte de fait à 2006 la mise en place de tout dispositif alternatif. Un rapport d'étape vient bien d'être diffusé, mais celui-ci ne fait que balayer les enjeux, laissant pour le moment les solutions en suspens.

Dans l'attente de propositions définitives, le Gouvernement a annoncé un dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle pour les investissements nouveaux, à compter du 1er janvier 2004 et pendant dix-huit mois, selon un mécanisme dont il vient à peine de définir les modalités - autrement dit avec six mois de retard - à l'article 5 du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement. C'est dire le niveau d'impréparation et d'improvisation qui caractérise l'action des pouvoirs publics dans ce domaine.

Il est du reste probable que ce dégrèvement de taxe professionnelle devra être prolongé au-delà de dix-huit mois, auquel cas se posera une double difficulté : d'une part, la compensation aux collectivités locales, qui bénéficieront d'un dégrèvement sur la base des taux pratiqués en 2003, deviendra de plus en plus défavorable à mesure que les taux réellement pratiqués augmenteront ; d'autre part, le prétendu effet incitatif de ce dispositif, qui ne peut jouer que si la mesure est exceptionnelle et provisoire, disparaîtra totalement si l'exonération est pérennisée. Ne restera plus que l'effet d'aubaine.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a choisi d'aggraver sciemment le déséquilibre des finances locales en faveur des compensations étatiques, en attendant que les collectivités se voient proposer un mécanisme fiscal de substitution dont les entreprises ont d'ores et déjà annoncé qu'elles ne voulaient à aucun prix. Le MEDEF, conseiller spécial du Gouvernement, milite en effet pour une suppression pure et simple de la taxe professionnelle, ce qui enterrerait définitivement le principe même d'autonomie financière et accroîtrait encore la part des compensations indirectes dans les ressources des collectivités territoriales.

C'est le moment où jamais de prendre toute la mesure des propos tenus par le Président de la République dans son discours, réputé historique, de Rouen, le 10 avril 2002 : « Faire dépendre plus de la moitié des ressources des collectivités locales de dotations de l'Etat, les subordonner au vote annuel du Parlement et vouloir encore aggraver la situation en privant les collectivités du produit de la taxe d'habitation, c'est la négation même de toute responsabilité démocratique et de toute liberté locale. »

La cohérence entre l'ambition proclamée et les actions menées laisse rêveur. À défaut, elle fait de Jacques Chirac un concurrent sérieux du président de l'Assemblée nationale pour le prochain prix de l'humour politique.

M. Jean-Pierre Brard. Et pourtant, M. Jean-Louis Debré a beaucoup progressé dans ce domaine !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est vrai !

Face à nos critiques, l'argumentation opposée par le Gouvernement se borne à nous renvoyer sans cesse à la Constitution, comme si le fait d'y avoir inscrit le mot « décentralisation » lui donnait carte blanche.

Dois-je vous rappeler que les parlementaires socialistes ont voté contre la réforme constitutionnelle de mars 2003 ? Notre vote avait été clairement motivé tout au long de nos débats : « l'organisation décentralisée de la République » est sans conteste un objectif louable - ce n'est pas le coprésident que je suis de l'Institut de la décentralisation qui vous dira le contraire -, mais une pétition de principe n'a jamais fait un programme.

Résultat : vous vous êtes obstinément refusés à inscrire dans la Constitution les principes d'égalité devant les services publics, de compensation financière ou encore de démocratie participative. Nous vous avions demandé, en vain, de prévoir des transferts évolutifs ; vous vous êtes contentés de faire vaguement référence aux notions de péréquation et d'autonomie fiscale, vous attirant ainsi les foudres du Conseil constitutionnel.

Toutes ces ambiguïtés, nous les retrouvons aujourd'hui dans ce texte.

Alors que la Constitution renvoie à la loi organique pour être précisée, vous n'avez de cesse de nous renvoyer à la Constitution pour justifier l'imprécision de la loi organique ! Or, contrairement à ce que vous affirmez, la Constitution ne constituera un cadre protecteur pour les collectivités territoriales que pour autant que la loi organique elle-même ne prêtera pas à confusion ou à interprétation de circonstances, ce qui n'est malheureusement pas le cas du texte litigieux dont nous débattons.

Votre empressement à vouloir transférer des compétences avant tout examen des principes de compensation financière - la loi portant décentralisation en matière de RMI a été promulguée, je vous le rappelle, le 18 décembre 2003 ! - témoigne du reste de votre mépris pour cette étape législative pourtant essentielle qu'est la loi organique. Sans même parler de cette véritable hâte d'en finir - faut-il comprendre avant les prochaines sénatoriales ? - qui nous a fait examiner le cœur des transferts de compétences avant même que ne soit connue votre conception de la dépendance - pardon ! de l'autonomie financière.

Au vu de cet irrespect de la procédure, au vu de vos hésitations et de vos revirements incessants, au vu des compromis que vous avez passés au Sénat, au vu de cette ligne de conduite regrettable qui se résume à la recherche du plus petit dénominateur commun alors qu'il faudrait tout au contraire asseoir les finances locales pour des décennies, je maintiens qu'il n'y pas de lieu de débattre dans ces conditions d'un sujet sur lequel votre religion - de convertis ? - est faite, pas plus que d'un texte dans lequel vous n'accepterez pas davantage en deuxième lecture qu'en première d'introduire nos principaux amendements.

Voilà, mes chers collègues, le sens de la motion de procédure que je défends au nom du groupe socialiste. Et si cette question préalable ne recevait pas l'approbation de notre assemblée - hypothèse que je ne saurais totalement écarter (Sourires) -, sachez que les députés socialistes seront là tout au long de ce débat pour rappeler au Gouvernement qu'il n'est pas permis de faire preuve d'un tel mépris en donnant aux collectivités territoriales aussi peu de garanties. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. René Dosière. Lumineux ! Implacable démonstration !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière. La Constitution, monsieur le rapporteur, la Constitution !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, il faut saluer les efforts que déploie M. Balligand pour mettre en cohérence divers arguments déjà entendus - et qu'il nous sera probablement donné d'entendre à nouveau tout au long de ce débat -,...

M. René Dosière. Bien sûr !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...mais dont la cohérence, c'est le moins que l'on puisse dire, est loin d'être parfaite.

M. Augustin Bonrepaux. Expliquez pourquoi ! Ils sont pourtant pleinement justifiés !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. J'en veux pour preuve les va-et-vient permanents de nos collègues socialistes dans leur conception de l'autonomie financière des collectivités.

M. Michel Vergnier. C'est vous qui rendrez compte !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. M. Bonrepaux n'a-t-il pas déclaré publiquement - et même devant moi sur une radio périphérique - qu'il préférait une bonne dotation à un impôt dont il n'aurait pas la parfaite maîtrise ?

M. Jean-Pierre Brard. Il a raison !

M. Augustin Bonrepaux. Je le maintiens et je le répéterai !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ces hésitations en disent long sur la problématique à laquelle sont confrontés nos collègues.

M. Michel Vergnier. Ce qui compte, c'est l'action, et c'est là-dessus que vous serez attendus !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je me limiterai à quelques remarques pour éclairer les propos de notre collègue Balligand et montrer par le fait le sort qu'il convient de réserver à cette question préalable.

Tout d'abord, par rapport au texte constitutionnel,...

M. René Dosière. Oui, la Constitution !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Comment peut-on nous faire reproche de nous y référer ? Par définition, une loi organique est faite pour mettre en application des dispositions constitutionnelles.

M. Augustin Bonrepaux. Que vous avez votées !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Peu importe : c'est la Constitution de notre pays. Et votre volonté n'a pas été partagée par la représentation nationale. On peut le regretter ou pas, mais la loi est ainsi faite.

Le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, en parlant des impositions de toutes natures,...

M. René Dosière. La Constitution ne définit pas les ressources propres !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...précise seulement que la loi peut autoriser les collectivités à en fixer le taux ou l'assiette.

M. Augustin Bonrepaux. Et alors ? C'est vous qui avez voté cette disposition !

M. Michel Vergnier. Vous ne démontrez rien, monsieur le rapporteur !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Au fil des réflexions et des évolutions successives - dans lesquelles il ne faut pas voir des contradictions, mais bien des améliorations -, nous n'allons pas au-delà du texte constitutionnel, mais au bout des possibilités que celui-ci nous offre.

M. René Dosière. Votre collègue du Sénat a dit le contraire !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Les collectivités bénéficieront dorénavant des impositions classiques qui leur reviennent - ainsi les « quatre vieilles » dont vous avez parlé -, mais également d'impositions d'État en partie transférées, dont elles pourront, en fonction des possibilités reconnues à chaque catégorie, moduler le taux ou l'assiette.

M. Augustin Bonrepaux. Mais ces ressources-là ne seront pas évolutives ! Où est l'autonomie dans ces conditions ?

M. Dino Cinieri. Ça suffit, monsieur Bonrepaux ! Taisez-vous !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je trouve vraiment que c'est nous faire un mauvais procès,...

M. René Dosière. C'est un recul par rapport à la Constitution !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...surtout lorsque ce procès vient de ceux qui - et je ne cite pas tout - ont supprimé la part salariale de la taxe professionnelle, ce qui a conduit à des compensations...

M. Augustin Bonrepaux. Qui ont évolué, elles !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...pour les TP existantes, et non pour les entreprises nouvellement arrivées sur le territoire de la collectivité, de ceux qui ont fait disparaître la part régionale de la taxe d'habitation,...

M. René Dosière. Eh bien, rétablissez-la !

M. Augustin Bonrepaux. Parlez-nous de ce que vous avez fait avec la TIPP !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...figé le taux des droits de mutation, autrement dit amputé d'autant la capacité d'autonomie financière des collectivités ! Et c'est vous qui venez aujourd'hui accuser une loi qui ne fait qu'appliquer de façon stricte, rigoureuse et fidèle, les prescriptions de la Constitution, de porter atteinte à leur autonomie !

M. Michel Vergnier. Vous avez dit l'inverse tout à l'heure !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je terminerai par deux remarques. Premièrement, je me dois de relever une inexactitude : M. Balligand a prétendu que c'était le Gouvernement qui avait proposé au Sénat d'introduire les fameux 33 %. Ce n'est pas vrai. C'était une idée de M. Hoeffel, parfaitement cohérente, du reste, avec sa volonté d'aller résolument au-delà des limites proposées par l'article 72-2 de la Constitution.

M. Jean-Pierre Balligand. C'était un amendement du Gouvernement.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. M. Hoeffel s'est finalement aperçu, et ses collègues l'y ont aidé, que cela n'aurait aucun sens, en particulier pour les régions où le taux, déjà faible, passerait de seulement 38 % - contre 55 à 56 % dans les autres collectivités - à 33 %.

M. René Dosière. Allons ! Cessez d'attaquer le président de l'Association des maires de France !

M. Michel Vergnier. Croyez bien que les élus locaux sauront faire les comptes !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Enfin, chers collègues de l'opposition, ne persistez pas à tout mélanger ! La loi organique a pour objectif de décliner la notion, posée à l'article 72-3 de la Constitution, de part déterminante des ressources locales, et donc d'autonomie financière des collectivités.

M. René Dosière. Parlons-en !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cessez d'invoquer à tout propos la péréquation alors que nous parlons de la loi organique ! La péréquation est bien prévue dans la Constitution, mais vous ne pouvez ignorer qu'elle doit faire l'objet d'une loi ordinaire,...

M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-elle devenue depuis deux ans, la péréquation !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...et le Gouvernement a d'ores et déjà commencé à prendre des dispositions dans ce sens.

Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments complémentaires que je voulais apporter aux propos fort intéressants de M. Balligand, afin d'éclairer notre assemblée quant à la position à adopter sur sa question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je vous ai écouté très attentivement, monsieur Balligand et j'ai trouvé dans vos propos beaucoup de sévérité...

M. Augustin Bonrepaux. Non, de bon sens !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...quelque peu déplacée quand on sait ce qu'a été l'histoire des relations entre l'État et les collectivités locales ces dernières années.

Quel que soit l'avis que l'on peut avoir sur le chantier de la décentralisation, l'une des contributions majeures de ce gouvernement est d'avoir porté un coup d'arrêt à des dérives inacceptables. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux. C'est même l'inverse !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Bonrepaux, m'interrompre et crier fort ne vaut pas argument, je vous le dis très courtoisement.

M. Augustin Bonrepaux. Alors ne proférez pas de mensonges !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, mesdames, messieurs de l'opposition. L'APA, les 35 heures, les SDIS, c'est vous ! La transformation de 15 milliards de fiscalité en dotations, c'est encore vous ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dino Cinieri. Ils l'ont oublié !

M. Augustin Bonrepaux. Vous aviez promis l'autonomie !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Au contraire, en engageant un processus de réforme constitutionnelle, en déposant un projet de loi organique créant le concept d'autonomie financière,...

M. Michel Vergnier. Comparez ce qui est comparable !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...ce Gouvernement a fait ce qu'il n'était pas obligé de faire pour transférer des compétences.

M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a aucune garantie !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Rien ne l'empêchait de se contenter d'opérer ces transferts en les accompagnant de quelques ressources ici ou là !

M. Michel Vergnier. C'est bien ce que vous faites !

M. Augustin Bonrepaux. La droite a promis tant de choses.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Or nous sommes décidés à aller plus loin pour mettre fin à ces abus inqualifiables, qui ont en effet dégradé les relations entre l'État et les collectivités locales, et ont instauré un climat de méfiance.

M. Augustin Bonrepaux. Vous faites pire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est cela qui a changé !

Vous avez, monsieur Balligand, brossé un tableau bien noir ! Pourtant, il me semble que, dans votre réquisitoire, vous avez oublié le rapport Mauroy, qui est présent dans tous les esprits ! Je ne pense pas que vous reniiez ses propositions !

M. Augustin Bonrepaux. Il proposait autre chose !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Or nous avons repris, vous le savez monsieur Balligand, bon nombre des dispositions figurant dans le rapport Mauroy. S'il est bien un sujet qui échappe aux traditionnels clivages politiques, c'est celui de la décentralisation !

M. Michel Vergnier. Vous rêvez !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous pouvons débattre à l'infini de cette loi organique, c'est ce que nous avons fait en première lecture, et le débat fut passionnant. Maintenant, nous en sommes en deuxième lecture et il nous faut reconnaître que, pour la première fois, nous parlons de ressources propres, concept précisé de surcroît par un amendement du Sénat.

M. René Dosière. Mais non !

M. le ministre délégué à l'intérieur. On n'en modifie pas l'esprit, on en précise le contenu.

Nous déterminons également cette fameuse « part déterminante », en décidant de fixer un plancher en dessous duquel on ne pourra pas descendre. Les collectivités locales le réclamaient en vain depuis des années, monsieur Balligand, et l'Etat le leur refusait !

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas ce qu'elles demandaient !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est un apport majeur aux relations entre l'État et les collectivités locales, qui en seront profondément modifiées.

M. Augustin Bonrepaux. On verra le résultat !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Bonrepaux, je réponds à M. Balligand.

M. Augustin Bonrepaux. Et moi, je vous parle ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Bonrepaux et Balligand sont interchangeables ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'intérieur. Au-delà des joutes politiciennes auxquelles nous assistons aujourd'hui, je pense que les maires, les présidents de département, de région prendront la mesure de cet apport majeur, je le répète, aux relations entre l'État et les collectivités locales.

Par ailleurs, je souhaite clarifier une chose, monsieur Balligand. Votre « copie » était certes nourrie, mais elle comportait une erreur de taille. Jamais, je n'ai déposé d'amendement, ni ici, ni au Sénat, tendant à fixer un pourcentage de 33 %. Je m'y suis même opposé lors de l'examen du texte au Sénat, tout simplement parce que je considère que la référence à l'année 2003 est bien plus intéressante pour les collectivités locales.

Enfin, de grâce, ne nous rejouez pas sans cesse le même numéro ! Nous vous avons maintes fois répété que s'agissant de la taxe professionnelle et de la péréquation, nous respecterons les échéances que nous nous sommes fixées : une étape après l'autre. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, encore un chantier auquel vous ne vous êtes pas attaqués, nous nous y attellerons en 2005 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous ferons de même s'agissant de la péréquation, afin d'être en mesure de mener une politique moderne en la matière.

Sur tous ces sujets, nous honorerons nos rendez-vous.

M. Michel Vergnier. Il y en aura d'autres !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il est peut-être de bon ton, monsieur Balligand, de critiquer sévèrement l'action du Gouvernement. Mais ce dernier aura eu le mérite de s'atteler à tous les chantiers délaissés par le gouvernement de M. Jospin, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie, de la dépendance, de la décentralisation, ou de la réforme de l'État. Nous, nous les assumons, au service de l'intérêt général et de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Léonce Deprez, pour le groupe UMP.

M. Léonce Deprez. Après les propos excellents tenus tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, je me bornerai à faire une observation.

Le recours systématique aux motions de procédure...

M. Augustin Bonrepaux. Empêchez-nous de parler tant que vous y êtes ! (« Ça suffit, Bonrepaux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Léonce Deprez. ...ne nous grandit pas dans l'opinion publique.

M. Jean-Pierre Brard. Et l'UMP en aurait besoin !

M. Léonce Deprez. Les interruptions systématiques non plus !

Mme Arlette Franco. En effet !

M. Léonce Deprez. Je me rappelle que, lorsque j'étais jeune député, il y avait dans les tribunes de nombreux journalistes, attentifs à des débats qui étaient plus dignes. Nous gagnerions à nous respecter, les uns les autres, quand nous défendons nos arguments.

M. Jean Launay. Rien à voir avec une explication de vote !

M. Léonce Deprez. M. Balligand connaît parfaitement la question de la décentralisation et a une grande expérience en matière de collectivités territoriales,...

M. Augustin Bonrepaux. Écoutez-le alors !

M. Léonce Deprez. ...aussi est-il toujours intéressant de l'écouter.

Mais comment peut-il prétendre qu'il n'y a pas matière à délibérer, alors que lui-même a engagé le débat de fond ? Ne mélangeons pas les genres ! Entamons le débat, exposons nos arguments, délibérons et ensuite votons !

Vous avez dit, monsieur Balligand, que le pouvoir « érodait ». Mais c'est précisément parce qu'il a érodé les ressources des collectivités locales...

M. Jean-Pierre Balligand. Pas les ressources, la fiscalité !

M. Léonce Deprez. ...que le Gouvernement veut rétablir une certaine autonomie financière de celles-ci. C'est la raison pour laquelle nous le soutenons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. La démonstration de Jean-Pierre Balligand a été très claire.

M. Dino Cinieri. Non, un peu confuse !

M. Jean Launay. Il nous a démontré que la notion d'impôt localisable était bien fragile. Il a posé plusieurs questions auxquelles il n'est pas répondu dans ce texte. Existe-t-il différents degrés d'autonomie financière ? Cette autonomie n'est-elle pas en fait une subordination déguisée ?

Vous proposez aux collectivités territoriales une autonomie financière bien « rachitique ». Des compétences vont leur être transférées contre leur gré. Or vous ne voulez pas entendre leurs protestations. Les présidents de région - et je ne parlerai pas de leurs rendez-vous manqués avec le Premier ministre - se sont à plusieurs reprises élevés contre certains transferts de charges aux régions ou départements, dans des domaines que l'État ne veut plus assumer sur son propre budget, qu'il s'agisse des personnels de l'éducation nationale ou de la formation professionnelle. On pourrait citer aussi la récente et honteuse augmentation du coût des péages que les régions acquittent pour les trains régionaux ou encore le financement des stages pour les personnes en difficulté.

Prises en tenaille entre la montée des charges et la baisse des ressources, les collectivités devront demain se justifier d'avoir à augmenter les impôts locaux, augmentation induite par « votre » décentralisation.

Dans son réquisitoire, Jean-Pierre Balligand vous a alertés. Vous devriez en tenir compte comme vous devriez tenir compte du risque sérieux que vous prenez - Jean-Marc Ayrault et Didier Migaud vous l'ont rappelé hier, je m'y emploie aujourd'hui - en inscrivant dès demain à notre ordre du jour le projet sur les responsabilités locales, en vous exposant à la censure quasi certaine du Conseil constitutionnel.

Jean-Pierre Balligand l'a dit : « Les finances, c'est le nerf de la guerre ». Aussi, l'absence dans ce débat du rapporteur pour avis de la commission des finances est regrettable.

M. Michel Bouvard. Oh !

M. Jean Launay. Compte tenu de la grande imprécision de ce projet de loi organique, nous voterons donc la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. En écoutant M. Jean-Pierre Balligand, je regardais les députés de la majorité et je me disais qu'ils devaient se sentir bien mal à l'aise ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. Nous allons très bien !

M. André Chassaigne. Je vous ai vus, chers collègues, vous enfoncer dans vos sièges tant votre malaise était palpable ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je regardais plus particulièrement ceux d'entre vous, qui ont défendu avec acharnement, leur vie politique durant, l'autonomie des collectivités territoriales. Aujourd'hui, ils sont conscients du coup porté à cette autonomie et ils sont obligés de se taire, voire de défendre, ô combien laborieusement, un tel projet en essayant de faire croire que le Gouvernement aurait raison dans cette affaire.

Je ne peux m'empêcher de vous plaindre, tant votre position est délicate...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Quel bon cœur !

M. André Chassaigne. ...et tant vous êtes en contradiction avec les actions que certains d'entre vous ont menées depuis des décennies.

De la question préalable et de l'échange auquel elle a donné lieu, j'ai retenu trois idées fortes, qui nous amèneront à voter cette question préalable.

D'abord, l'impréparation de cette loi. L'improvisation du texte qui nous est soumis est évidente, nous l'avions déjà déploré en première lecture en dénonçant un certain nombre d'effets pervers qu'il induirait. Le fameux amendement de « compromis » adopté par le Sénat, témoigne du flou artistique, que vous essayez plus ou moins de masquer par les génuflexions successives de personnes proches de la majorité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. Argument étonnant !

M. André Chassaigne. Ensuite, je retiens l'ambiguïté de cette loi, qui, chacun en est convaincu, prêtera à confusion. Elle ne réglera rien et ne garantira pas l'autonomie et les ressources des collectivités territoriales. À lui seul, cet argument suffirait à justifier notre vote en faveur de la question préalable.

Enfin, j'ai noté le mépris et le cynisme dont fait preuve le Gouvernement dans ses réponses. Vous savez très bien, monsieur le ministre, que le « plancher » dont vous parlez n'offre aucune garantie, que la péréquation est justement la question fondamentale et que la TIPP ne permettra pas d'apporter de ressources suffisantes permettant de compenser les transferts de compétences.

Ce cynisme et ce mépris soulignés Jean-Pierre Balligand sont des éléments déterminants pour voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Mes chers collègues, comme nous en sommes convenus en conférence des présidents, je lèverai la séance après avoir donné la parole à un orateur de chaque groupe.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, censé assurer l'autonomie financière des collectivités territoriales, est passé à l'essoreuse sénatoriale. Pour Bercy et pour son « super-ministre de tout », la volonté est très forte de créer les conditions d'une compensation financière a minima des transferts de compétences.

On peut considérer que les collectivités territoriales françaises, dans leur ensemble, disposent encore aujourd'hui de l'autonomie financière, assise sur une autonomie fiscale substantielle, surtout en comparaison de la plupart des pays voisins, des finances saines et une absence de tutelle préalable aux décisions. Il faut cependant nuancer ce diagnostic, en soulignant que la marge d'autonomie fiscale des régions est moindre que celle des autres échelons territoriaux, que les dépenses « contraintes » ne sont pas négligeables pour les communes et les départements et que l'intercommunalité n'est pas encore financièrement autonome. En outre, les fortes disparités entre collectivités relativisent le degré d'autonomie de nombre d'entre elles.

Il apparaît clairement que l'autonomie financière de l'ensemble des collectivités est menacée à terme, de nombreux facteurs tendant à restreindre leurs marges de manœuvre : mauvaise compensation de nouveaux transferts de compétences, fragilité de l'autonomie fiscale liée aux défauts des impôts locaux - monsieur le ministre, on ne vous a pas entendu sur ce point -, trop grandes inégalités de ressources entre collectivités, mesures de régulation globale des finances publiques dont votre gouvernement est devenu le champion.

La défense de l'autonomie financière impose donc de réformer les impôts locaux, de définir de nouveaux modes de compensation des transferts de compétences, de simplifier et d'intensifier la péréquation, de procéder au renforcement financier de l'intercommunalité et de la région, d'établir de nouvelles règles du jeu entre l'État et les collectivités territoriales.

Or nous avons affaire à une loi organique relative aux finances locales dont le champ est très limité, puisqu'il ne s'agit que de préciser les termes du troisième alinéa de l'article 72-2 inséré dans notre loi fondamentale lors de la réforme constitutionnelle adoptée par le Congrès du Parlement en mars 2003. On aura d'ailleurs constaté que M. Geoffroy a eu beaucoup à dire sur un texte d'une portée assez limitée, ce qui prouve qu'à défaut de talent financier, son talent rhétorique est incontestable, mais on ne peut pas être bon en tout, mon cher collègue.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Vous en savez quelque chose !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut toujours être lucide sur ses propres compétences, et j'ai noté chez vous un manque d'humilité.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Mais quand on a son talent...

M. le président. Monsieur le président de la commission, n'interrompez pas M. Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous faites fort légitimement remarquer que je suis interrompu.

M. le président. Monsieur Brard, je veillerai au respect de votre temps de parole. Poursuivez !

M. Jean-Pierre Brard. M. Clément a affirmé cet après-midi ne pas faire de politique. On se demande dès lors pourquoi il est devenu député. Les gens de droite se disent toujours apolitiques, surtout lorsqu'ils s'apprêtent à faire la pire des politiques. De ce point de vue, c'est un spécialiste qui ne souffre aucune comparaison. Il convient de lui en rendre hommage, si je puis dire.

M. le président. Revenez à votre texte ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis a pour objet de définir le contenu de chacun des critères utilisés pour déterminer le concept d'autonomie financière. Il précise ce qu'il faut entendre par les notions de « catégorie de collectivités territoriales », à l'article 1er, de « ressources propres », à l'article 2, d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante », à l'article 3. L'objet de ce court texte est donc très circonscrit, mais il ne doit pas pour autant être pris à la légère. N'est-ce pas, monsieur Piron ?

M. Michel Piron. Loin de moi cette idée !

M. le président. Monsieur Brard, n'interpellez pas vos collègues !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je le suis moi-même. Après que nous avons travaillé ensemble pendant plus d'une année, vous savez toute l'importance que j'attache au dialogue.

M. le président. Tout à fait, mais vous n'êtes pas ici pour dialoguer mais pour...

M. Jean-Pierre Brard. ...convaincre !

M. le président. ...prononcer une intervention.

M. Jean-Pierre Brard. Or, il est très difficile de convaincre des sourds.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Lisez donc le texte de la place du Colonel-Fabien !

M. Jean-Pierre Brard. Au Sénat, M. Hoeffel a déposé un amendement reprenant la position du bureau de l'Association des maires de France, selon laquelle les ressources propres des collectivités doivent être exclusivement constituées des « produits des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif ». Cette formulation a l'avantage d'être claire.

Le Gouvernement et une partie non négligeable de la majorité du Sénat se sont pourtant opposés à cet amendement qui aurait dû être considéré comme consensuel. Sa rédaction a été revue et émasculée (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), puisque l'on ajoute désormais aux ressources propres précédemment définies « les ressources dont la loi détermine par collectivité la localisation de l'assiette et du taux », c'est-à-dire des ressources sur lesquelles les collectivités locales n'ont aucune prise.

M. Michel Piron. Il me semble que le texte a été complété plutôt qu'émasculé. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Non, puisqu'il ne reste rien ! Pourtant, le ministre a prétendu tout à l'heure qu'il s'agissait de ressources propres. Autant dire, monsieur Copé, que parler d'autonomie fiscale est un abus de langage.

De surcroît, alors que la part d'autonomie fiscale effective des différentes collectivités est de 35 % pour les régions, 51 % pour les départements et 54 % pour les communes, le texte adopté par le Sénat maintient le statu quo. M. Geoffroy a cherché à émouvoir dans les chaumières en expliquant que l'autonomie financière avait beaucoup reculé mais qu'elle ne reculerait plus. C'est sous-estimer votre imagination en matière de coups tordus. Force est de reconnaître, monsieur Geoffroy, que ce talent ne vous est pas personnel mais qu'il est partagé par tous les membres de l'UMP.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Merci de cet hommage !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous en sommes fiers !

M. Jean-Pierre Brard. Selon la formule de notre collègue Jean-Pierre Sueur : « Lorsqu'on est pauvre, il est bien d'être autonome, mais cela ne réduit pas la pauvreté pour autant ». Je ne citerai qu'un seul exemple : en Seine-Saint-Denis, la charge du RMI a crû de 85 % entre 1993 et 2002 mais, durant la même période, la TIPP a augmenté, elle, de 24,33 % seulement. Revenons sur terre, monsieur Geoffroy. Nous ne sommes plus dans la rhétorique mais dans le réel.

De plus, le transfert du produit de la TIPP aux collectivités territoriales présente plusieurs inconvénients majeurs.

D'abord, l'Union européenne est hostile à la modulation du taux de taxation du gazole, au nom du principe de libre concurrence et d'égalité des charges de fonctionnement entre les différents modes de transport routier de marchandises. Dans le même temps, le gazole consommé par les véhicules affectés à ce transport bénéficie de dégrèvements qui sont, à mon sens, tout à fait excessifs et qui faussent la concurrence avec d'autres modes de transport, comme le ferroutage. Le transport routier bénéficie ainsi d'un avantage financier injustifié, alors qu'il est polluant, coûteux pour la collectivité et qu'il compromet le respect des engagements pris par la France à Kyoto en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre,

Nous allons nous trouver dans la situation absurde où les collectivités qui feront des efforts financiers pour développer les transports en commun de voyageurs, réduisant du même coup la pollution de l'air, l'une des préoccupations environnementales majeures de nos concitoyens, seront pénalisées financièrement par la baisse de leurs recettes de TIPP.

M. André Chassaigne. Très bonne démonstration !

M. le président. Monsieur Brard, veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Brard. J'ai été interrompu à plusieurs reprises, monsieur le président, et...

M. le président. Vous y étiez pour quelque chose !

M. Jean-Pierre Brard. ...comme pour la Coupe d'Europe de football, il convient de me restituer le temps qu'on m'a pris. (Sourires.)

De plus, l'avenir de la TIPP est incertain à moyen et long terme. En effet, le pétrole est une ressource fossile dont les réserves sont limitées et qu'il convient d'économiser, notamment pour garantir durablement son utilisation comme matière première dans l'industrie pétrochimique. Le rôle du pétrole comme carburant est donc appelé à diminuer. C'est pourtant sur cette taxe que le Gouvernement assied des ressources qu'il prétend pérennes.

Monsieur le président, j'en arrive à ma conclusion. Les transferts financiers sont sciemment sous-évalués. La question de la péréquation, donc de l'égalité territoriale, est dramatiquement occultée et le principe d'expérimentation reste méconnu.

Même si, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2004 par le Sénat, le Gouvernement a été contraint de revoir modestement sa copie, même si le Président de la République et le Gouvernement ont dû reculer après la gifle des élections régionales et cantonales, s'agissant de l'exclusion de centaines de milliers de chômeurs du bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité, nous sommes loin du compte. Vous persistez dans votre autisme et continuez de ne pas entendre ce que dit le pays.

Pour toutes ces raisons, il faut se rendre à l'évidence : voter ce projet de loi reviendrait à réduire les garanties d'autonomie financière, au détriment des élus locaux. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous voterons contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc saisis en deuxième lecture du projet de loi organique tendant à la mise en œuvre de la disposition constitutionnelle relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Je veux redire l'attachement du groupe UMP à la réussite de la nouvelle étape de la décentralisation. Elle suppose que l'autonomie financière des collectivités territoriales soit garantie de manière satisfaisante. Le Président de la République, dans son discours de Rouen, en avril 2002, a insisté sur ce point. Nous savons tous, sur tous les bancs, que la véritable liberté locale commence par la capacité à maîtriser ses ressources fiscales.

J'ai eu l'occasion, en première lecture, de rappeler que les précédentes étapes de la décentralisation se sont le plus souvent traduites par une hausse de la fiscalité locale, due à la fois à l'insuffisance des transferts de l'État et au souci des élus locaux d'assurer des services de meilleure qualité et de conduire des politiques plus dynamiques.

Le projet de loi organique a pour objet exclusif de déterminer les conditions d'application de l'autonomie financière des collectivités locales et d'inscrire ainsi dans la durée et, si possible, dans la confiance, les relations entre l'État et ces collectivités. C'est autour de l'article 2, qui définit la notion de « ressources propres », que nos débats se sont focalisés en première lecture. Les sénateurs ont précisé le texte voté par l'Assemblée, en indiquant que « les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs ».

Après un débat qui, au Sénat également, a porté sur la nature des impôts transférés par l'État et sur la capacité des collectivités territoriales à en déterminer l'assiette et le taux, la notion d'« impôt localisable », proposée par notre collègue Yves Fréville constitue un progrès, car il fait bénéficier la collectivité du dynamisme d'une assiette propre à son territoire.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. Michel Bouvard. Dans un contexte budgétaire difficile, il s'agit donc d'une avancée que le groupe UMP salue d'autant plus qu'elle s'inscrit dans la même logique que la réforme de la taxe professionnelle.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. Michel Bouvard. L'article 3 a maintenu la référence au niveau constaté en 2003 pour la part minimale des ressources propres, et l'article 4 a anticipé de trois mois le rapport au Parlement qui devra inclure l'identification de la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources pour chaque niveau de collectivité, ainsi que les modalités de calcul et d'évolution.

Quoi qu'en dise l'opposition, ce texte marque un incontestable progrès en précisant le cadre des relations financières entre l'État et ses collectivités territoriales à la veille de cette nouvelle étape de la décentralisation dont les étapes précédentes, tout comme les réformes récentes de l'APA et des SDIS, nous ont rappelé combien c'était nécessaire.

Mes chers collègues, on peut dire que ce texte est insuffisant, qu'il est imparfait et qu'il n'est pas suffisamment précis. Mais on ne peut pas dire que ce texte constitue une régression par rapport à la situation qu'ont connue les collectivités locales depuis vingt ans.

M. Léonce Deprez. Très juste !

M. Michel Bouvard. Quel élu local, sur quel banc de cette assemblée, dans quelle région, quel département ou quelle commune, peut-il affirmer que les transferts ont été justes au cours des deux dernières décennies ?

M. Augustin Bonrepaux. Je peux vous garantir qu'ils ne risquent plus de l'être !

M. Michel Bouvard. Je ne suis pas convaincu que ce projet de loi réglera tous les problèmes, mais je sais qu'il apportera aux collectivités territoriales une sécurité qu'elles n'ont jamais eue,...

M. Augustin Bonrepaux. Il n'apporte aucune sécurité !

M. Michel Bouvard. ...ne serait-ce que parce qu'il leur ouvrira la possibilité d'un dialogue sur des bases plus saines, et qu'il leur reconnaît l'autonomie financière. C'est pourquoi notre groupe votera ce texte, avec réalisme et lucidité.

Parce que l'autonomie s'appréciera par niveau de collectivité, je saisis l'occasion de revenir une fois encore, monsieur le ministre, sur le dossier de la péréquation qui a été évoqué à plusieurs reprises et qui figure dans la Constitution.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Michel Bouvard. Nous avons toujours été attachés à la péréquation, pourvu qu'elle se fasse sur des bases justes, intégrant bien évidemment les écarts de richesse mesurés à partir du potentiel fiscal, mais aussi les différents niveaux de charges. J'ai toujours affirmé qu'il appartenait au Parlement de veiller à sa mise en œuvre et que le pouvoir d'en déterminer la part pouvait difficilement être transféré à un organisme tel que le Comité des finances locales, qui, malgré la qualité de ses membres, qui est grande, ne dispose pas de la légitimité de la représentation nationale. Et les derniers avatars de son fonctionnement me confortent dans cette analyse.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne vous le fais pas dire.

M. Michel Bouvard. Si je suis amené à revenir sur le dossier de la péréquation, c'est parce que, depuis la première lecture, les 12, 13 et 17 mai, le Comité des finances locales a publié un rapport sur la réforme des dotations de l'État aux collectivités locales. Ce rapport, monsieur le ministre, ne me donne pas satisfaction et sans doute est-ce le cas pour beaucoup de ceux qui en ont pris connaissance.

En effet, les indicateurs de charges ne sont qu'à peine évoqués et les différences territoriales, dont il a souvent été question dans nos débats, ne sont mentionnées nulle part. Or ce sont bien les différences de charges qui induisent les différences de moyens qu'il faut mettre en face.

Ce rapport envisage ensuite une nouvelle péréquation entre les départements. Après la dotation de fonctionnement minimum au bénéfice des départements ruraux, qui a toute sa légitimité, nous voyons apparaître une dotation de fonctionnement minimum au bénéfice des départements urbains défavorisés. Comment résoudre la quadrature du cercle, à savoir éviter de diminuer la part des départements ruraux défavorisés au bénéfice des départements urbains dits défavorisés, ou encore éviter d'alourdir la charge pesant sur un certain nombre de départements qui ont, certes, des ressources fiscales mais qui doivent aussi assumer des charges bien réelles ?

M. Augustin Bonrepaux. Bonne remarque !

M. Michel Bouvard. Enfin, de façon assez surprenante, il prévoit d'inclure les droits de mutation dans le potentiel fiscal. Ce sont pourtant des ressources assises sur des flux qui n'ont aucune constance, et qui ont une très grande élasticité par rapport à l'activité économique ou au marché immobilier. Il en résulterait un bouleversement dans les méthodes de calcul du potentiel fiscal telles qu'elles étaient admises jusqu'à ce jour.

Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, que, si toutes les recommandations faites par le Comité des finances locales étaient suivies, cela risquerait de provoquer des effets de ciseau au détriment de certains départements.

Sur des dispositions aussi importantes, c'est au Parlement qu'il appartient de prendre des décisions.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. Augustin Bonrepaux. Et pas à la sauvette !

M. Michel Bouvard. Personnellement, je n'ai pas voté la disposition de la loi de finances pour 2004 renforçant les compétences du Comité des finances locales. Et pour la grande majorité des membres de notre groupe, la légitimité en matière de répartition des ressources appartient plus que jamais à la représentation nationale.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations que je souhaitais faire à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi organique. Je renouvelle le soutien du groupe UMP à ce texte. Incontestablement, il rompt avec un passé fait de soumission des collectivités aux diktats de l'État à l'égard duquel elles ne pouvaient que constater l'accroissement de leur dépendance fiscale. Aujourd'hui, nous avons un outil de dialogue, un support qui nous permettra de discuter tout en apportant un certain nombre de sécurités.

M. le ministre délégué à l'intérieur et M. Guy Geoffroy, rapporteur. Très bien !

M. Michel Bouvard. Même si le texte ne règle pas tous les problèmes rencontrés dans les rapports entre l'État et les collectivités territoriales, il constitue incontestablement une rupture et un progrès par rapport aux situations antérieures. Et c'est pour cela que nous lui apportons notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au bout de deux ans de procédure législative, et peut-être arrivés au terme de ce que le Premier ministre appelle la « mère de toutes les réformes », je me bornerai à dresser rapidement un premier bilan.

Les conséquences pour les collectivités locales, leurs administrés et leurs contribuables seront-elles celles que souhaitait le Premier ministre ? Oui, vraisemblablement. Encore faut-il relire attentivement les discours de l'époque - et je crains que Michel Bouvard ne soit déçu - pour lever toute ambiguïté. Le projet qui sera finalement voté correspond-il aux aspirations qu'il a fait naître ? Malheureusement non. Et c'est tout le problème car le Gouvernement a constamment masqué ses véritables objectifs et fait espérer aux Français des améliorations.

Souvenons-nous pourtant de ce que déclarait le Premier ministre le 29 octobre 2002, en lançant au Sénat le chantier législatif de l'organisation décentralisée de la République : « La seule façon de traiter la complexité est de donner des responsabilités à la proximité et de faire en sorte que les décisions soient prises au plus près du terrain. C'est dans la proximité que doivent s'exprimer ces complexités. » Pour ce faire, cette réforme s'appuyait sur cinq leviers, « le quatrième levier étant celui de l'autonomie financière ». Un levier, et non un pilier. La nuance est de taille !

L'enthousiasme était réel, et je le crois sincère, parmi les parlementaires. Pourtant, aveuglés par cet enthousiasme, combien ont immédiatement saisi la portée réelle des mots prononcés par le Premier ministre ? Il poursuivait : « Il faudra veiller à ce que l'autonomie ne soit pas remise en cause pour que le Conseil constitutionnel ne puisse nous dire que ce transfert de compétences n'est pas possible à ce titre. C'est la question clef sur laquelle nous devons travailler, de manière à obtenir un texte qui protège notre capacité à opérer des transferts de compétences. » Tout est dit. Quel était le véritable objectif du Premier ministre et du Gouvernement ? Transférer des compétences, surtout des charges, et retenir une définition juridique qui « protège la capacité » du Gouvernement à opérer ces transferts. La protection de l'autonomie financière n'a donc jamais été un objectif en soi, mais simplement un moyen de lancer ce que notre président Jean-Louis Debré a appelé la grande « braderie de la République ». Ceux qui ont cru le Premier ministre en sont pour leurs frais, c'est le cas de le dire, et je crains que Michel Bouvard ne soit particulièrement déçu. En réalité, le principe d'autonomie financière n'est qu'un moyen au service du véritable objectif du Gouvernement, qui était tout autre.

Si les choses avaient été dites de façon explicite, combien de nos collègues auraient voté la révision constitutionnelle ? Probablement peu. C'est pourquoi le Gouvernement les a laissés le plus longtemps possible dans le flou quant à ses intentions réelles. Et ce n'est qu'à travers une relecture a posteriori de la déclaration du Premier ministre que l'on peut comprendre pourquoi la révision constitutionnelle et le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui ne représenteront pas, pour les collectivités locales, un progrès par rapport à la jurisprudence constitutionnelle fondée sur la loi de 1982 et le principe de libre administration.

En imposant une définition très restreinte, paradoxale, cynique même, de la notion de ressources propres, le Gouvernement vide de toute substance le principe d'autonomie financière qu'il a pourtant voulu inscrire dans la Constitution. Dès lors, la question du niveau de ces ressources propres en deçà duquel ce principe est violé n'a plus d'objet puisque tout, ou presque, est ressource propre !

Finalement, la seule conséquence juridique véritablement nouvelle concerne la péréquation, qui est désormais rendue incompatible avec le principe d'autonomie financière et ses modalités d'application, comme l'a reconnu d'ailleurs le ministre délégué à l'intérieur. Qu'on en juge : notre rapporteur propose carrément de considérer qu'une imposition dont le taux serait voté pour une catégorie de collectivités, par exemple pour 36 000 communes, serait conforme au principe constitutionnel ! Telle est la définition de la ressource propre que le Gouvernement compte imposer aux parlementaires : 36 000 communes, un seul taux. Il est vrai que le Premier ministre voulait remédier à la complexité. C'est réussi ! Chaque année, avec une impatience teintée d'angoisse, les maires devront attendre de connaître, dans le projet de loi de finances, le taux fixé par le Gouvernement pour l'imposition dont une partie du produit leur sera reversée. Qu'y pourront-ils ? Rien, absolument rien !

Des craintes confirmées et des espoirs trahis, voilà le triste bilan du prétendu acte II de la décentralisation ! Pour les collectivités locales, l'autonomie financière restera, je le crains, une chimère, et la situation imposée par le Gouvernement transformera les élus locaux en comptables, la disparition programmée des « quatre vieilles » impositions locales et leur remplacement par diverses impositions nationales accélérant le processus. Pour les contribuables, la hausse inéluctable des impôts locaux pèsera de façon injuste sur leur pouvoir d'achat, d'autant plus que la péréquation sera rendue plus difficile encore. Pour les usagers enfin, le service public deviendra plus cher et moins accessible.

En fin de compte, ce projet dit de décentralisation représente bien le fruit de l'alliance objective entre, d'une part, les convictions libérales du Premier ministre et, d'autre part, un courant de pensée répandu parmi les parlementaires et dans la haute fonction publique, selon lequel les collectivités locales ainsi que les services qu'elles rendent aux citoyens coûtent trop cher à l'État. L'histoire retiendra que M. Raffarin aura été l'agent objectif de cette technostructure qu'il se plaît à vilipender.

Je crains, monsieur le ministre, et j'en termine, monsieur le président, que ce texte ne soit qu'un marché de dupes pour les élus locaux. Je rassure au passage Michel Bouvard : le Comité des finances locales peut faire des propositions, rendre des avis, c'est le Parlement qui tranche en dernier ressort.

M. Léonce Deprez. Heureusement !

M. Didier Migaud. Encore lui faudrait-il le courage de ne pas toujours se laisser dicter sa loi par l'exécutif.

On le voit bien, le Gouvernement a fait le choix d'une révision constitutionnelle qui n'apporte rien de nouveau. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs confirmé. Tout dépendra de la définition des ressources propres et de la part prépondérante.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Déterminante !

M. Didier Migaud. Malheureusement !

Nous prenons rendez-vous car, avec la définition que vous nous proposez, monsieur le ministre, nous craignons beaucoup que la situation ne soit malheureusement moins bonne pour les collectivités locales demain qu'aujourd'hui, avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. René Dosière. Effectivement !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fervent défenseur de l'idée de décentralisation, le groupe UDF a toujours considéré que la France est un État unitaire trop centralisé, voire l'un des plus centralisés de tous les États démocratiques, et qu'une telle situation est devenue un véritable handicap pour l'évolution de notre pays en freinant sa réforme.

L'UDF s'était félicitée de la reconnaissance constitutionnelle du principe d'autonomie financière des collectivités locales, mais elle s'était inquiétée, dès le vote de la révision, des modalités pratiques de sa mise en œuvre.

Plus largement, l'UDF regrette qu'en amont du débat sur le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales, la réponse à deux questions fondamentales n'ait pas été apportée par le Gouvernement avec la précision nécessaire.

La première question est d'ordre général : une fiscalité locale est-elle encore possible ? La seconde question est plus particulière : les projets gouvernementaux en matière de fiscalité locale vont-ils dans le sens de l'autonomie financière des collectivités locales ?

Pour l'UDF, on peut doter les collectivités locales d'une fiscalité locale moderne, qui respecte le principe d'autonomie financière. Les critères du bon impôt local sont au nombre de quatre : il doit être eurocompatible, démocratique, c'est-à-dire payé par ceux qui votent, stable, c'est-à-dire peu manipulable et localisable quant à son assiette, et juste, c'est-à-dire cohérent avec les facultés contributives des contribuables.

Or les impôts locaux existant peuvent-ils assurer l'avenir du financement autonome des collectivités locales ? La réponse est clairement négative. La taxe sur le foncier non bâti a été supprimée pour les départements et les régions et la taxe d'habitation a été supprimée pour les régions et plafonnée en fonction du revenu, pour les communes et les départements. Quant à la taxe professionnelle, la suppression de la part salaire, le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée et la cotisation minimale ont fortement réduit son produit. L'annonce de l'éventuelle suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par un nouvel impôt risque d'aggraver la situation. Enfin, les gouvernements successifs ont renoncé à moderniser l'assiette des quatre impôts directs.

Quant aux droits de mutation à titre onéreux, le niveau trop élevé du taux de ces taxes a entraîné leur fixation par la loi à un niveau plus bas pour les communes et les départements. En matière de taxe locale sur l'électricité, la plupart des départements, des communes ou des syndicats d'électricité ont des taux souvent proches du plafond.

Certes, le législateur pourrait relever les taux plafonds de certains de ces impôts locaux mais la politique consistant à accroître les taux se heurte au principe de justice. Le poids de la taxe d'habitation est devenu excessif dans beaucoup de collectivités locales et le poids de la taxe professionnelle constitue un vrai frein à la modernisation des entreprises fortement capitalistiques et donc à la création d'emplois. Il convient donc de trouver d'autres ressources fiscales.

Or il n'existe que peu d'impôts nationaux qui remplissent les quatre critères du bon impôt local et qui sont donc susceptibles d'être transférés aux collectivités locales.

La plupart des grands impôts nationaux, à l'exception de la CSG, ne peuvent être transférés aux collectivités locales. Trois impôts ne peuvent absolument pas être transférés : une TVA locale serait euroincompatible ; un impôt sur le revenu régional ou départemental ne serait ni démocratique, ni juste. Nos collègues socialistes, qui avaient créé - certains s'en souviennent encore - la taxe départementale sur le revenu, ne l'ont même pas mise en œuvre !

M. Michel Bouvard. C'est vrai !

M. Charles de Courson. L'impôt sur les sociétés est probablement eurocompatible - ce n'est pas certain - mais son assiette est instable, car elle est manipulable et très difficilement localisable.

Il ne reste donc que la CSG. Elle correspond aux quatre critères du bon impôt local : elle est eurocompatible, démocratique, juste et elle est dotée d'une bonne assiette. La question posée est donc de savoir s'il est opportun de baisser le taux national et d'en confier la fixation aux régions ou aux départements dans la limite de la baisse dudit taux. Pour ma part, j'ai toujours plaidé en ce sens.

En revanche, les projets gouvernementaux de transfert d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance automobile au profit des départements et d'une partie de la TIPP au profit des régions et des départements ne permettront pas de respecter totalement le principe d'autonomie financière des collectivités locales, notamment dans la durée.

Le Gouvernement a promis aux régions une part de la TIPP dès 2005 et la possibilité de moduler les taux, sous réserve de l'accord de l'Union européenne. Chacun se rappelle le discours du Premier ministre. Les départements, quant à eux, bénéficieraient d'une partie de la TIPP sans modulation du taux. Or la TIPP, étant donné son mode de recouvrement dans les raffineries, ne bénéficie pas d'une assiette localisable, contrairement à ce qui est souvent avancé. Sur ce point, l'établissement d'une assiette localisable à l'aide de calculs statistiques ne garantira jamais l'autonomie financière.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Charles de Courson. Quant aux taux, la Commission européenne a rappelé par une lettre écrite au Gouvernement français, à sa demande, que ceux afférents au gazole ne pouvaient en aucun cas être fixés au plan régional et que seule une décision à l'unanimité du Conseil des ministres de l'Union européenne pourrait autoriser la modulation des taux afférents aux autres produits pétroliers, dont la consommation - je le rappelle à nos collègues - est déclinante en raison de la diésélisation croissante du parc.

M. Didier Migaud. Nous ne sommes pas prêts de l'obtenir !

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Quant à la TCAA, les choses sont plus ouvertes : le Gouvernement envisage d'accorder 900 millions d'euros aux départements dès 2005 - mais c'est un versement représentatif d'impôts - et d'accorder la modulation des taux en 2007, après un transfert complémentaire de 2,3 milliards d'euros - la totalité de la taxe sur les conventions d'assurance automobile, pour être précis.

L'assiette est-elle départementalisable ? Elle l'est difficilement pour les flottes de véhicules d'entreprises dont le Gouvernement envisage d'affecter le produit calculé à un taux unique national à un fonds national de péréquation. Système compliqué ! De plus, où s'arrêtent les flottes ? Une entreprise peut facilement modifier le lieu d'immatriculation et de propriété, ne serait-ce, au sein d'un groupe, qu'en le hissant au niveau d'une holding financière.

M. Michel Bouvard. Cela s'est vu avec la vignette !

M. Charles de Courson. Cette pratique concernait alors les loueurs d'automobiles.

Quant aux taux, leur niveau existant, mes chers collègues, je me permets de vous le rappeler, atteint 33 %, à savoir 18 % plus 15 %. Un tel niveau risque d'accentuer la délocalisation de l'assurance des flottes à l'étranger.

Enfin, il convient d'être conscient - j'appelle votre attention sur ce point, qui n'a jamais ou presque été évoqué en dehors du petit monde de l'assurance - que l'éventuel assujettissement de l'assurance dommage à la TVA, demandé par les entreprises d'assurances, entraînerait une suppression de la TCAA, comme le préconise la Commission européenne. Dans cette hypothèse, la TCAA serait remplacée par une dotation budgétaire.

Ces deux impôts ne sauraient donc assurer durablement l'autonomie financière des départements et des régions.

Venons-en au texte proprement dit du projet de loi organique. Dans son état actuel, le projet de loi organique ne permet pas de garantir une véritable autonomie financière des collectivités territoriales. C'est pourquoi le groupe UDF propose de revenir à la rédaction initiale dite Hoeffel-Mercier, celle que nous avions défendue en première lecture à l'Assemblée.

La définition de l'autonomie financière des collectivités territoriales, issue des débats sénatoriaux et surtout du sous-amendement présenté par M. Fréville est incompréhensible et comporte des risques d'ordre constitutionnel, juridique, technique et politique.

En premier lieu, existe un risque d'inconstitutionnalité en cas d'application du sous-amendement Fréville. En effet, une ressource propre d'une catégorie de collectivité locale dont seul le taux est localisable de par la loi, et non l'assiette, est contraire au principe d'autonomie financière défini par l'article 72-2 de la Constitution, puisqu'une ressource propre dont la loi détermine l'assiette et le taux est assimilable à un versement représentatif d'un impôt, donc à une dotation.

De plus, contrairement à ce qu'affirme le sénateur Fréville, la part de TIPP affectée aux régions comme aux départements est un prélèvement sur recette et non une recette fiscale, dans la première phase du moins.

En deuxième lieu, se posera un problème juridique. J'appelle votre attention sur la subtilité de ce dernier. La rédaction de l'article 2 pose en effet le problème de savoir s'il peut exister des critères de localisation de l'assiette d'un impôt national qui soient, au regard de l'autonomie financière des collectivités territoriales, différents de ceux des textes législatifs ayant créé cet impôt national. Il est tard, la nuit est avancée. C'est pourquoi je prendrai un exemple. En vertu des textes la régissant, la TIPP est perçue dans un lieu précis, les raffineries. Un texte législatif peut-il, en vue de garantir l'autonomie financière, prétendre définir une assiette statistique de la TIPP qui soit différente de celle du texte ayant servi à définir l'impôt ? Je pense que non. La thèse inverse peut certes être plaidée. Le juge constitutionnel sera conduit à trancher.

J'ai longuement développé les problèmes techniques relatifs à la TIPP et à la TCAA. Ils sont redoutables. Ayant rencontré les représentants de la Fédération française des assurances sur la TCAA, je puis vous affirmer, mes chers collègues, que vous sous-estimez considérablement le coût pour les assurances de la modification de tous les programmes informatiques, permettant d'« éclater » les assiettes. Les groupes ont des flottes qui sont assurées par un seul assureur. Il conviendra d'éclater les assiettes en fonction des taux qui, au bout de deux ans, pourront être différenciés. Le coût informatique est en cours d'évaluation, mais il sera très important.

Le risque le plus grave est d'ordre politique.

Nos collègues élus locaux ont retenu de la réforme constitutionnelle, qu'à rebours de la politique conduite durant cinq ans par nos prédécesseurs, laquelle a considérablement dégradé les taux d'autonomie, à tel point que certains membres de la gauche protestaient contre la politique même de la gauche, nous avons préservé le taux d'autonomie, et que ce dernier ne pourrait désormais plus descendre en dessous du taux constaté en 2003 ou en 2004 - on peut en discuter, mais il s'agit de l'année 2003 dans le texte. Mais si nous votons le texte du Sénat, un gouvernement - ô pas celui auquel vous participez, monsieur le ministre,...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Enfin un mot gentil !

M. Charles de Courson. ...vous êtes élu local et j'espère que vous ne ferez pas ce que pourraient faire vos successeurs - un gouvernement futur, dis-je, pourrait totalement supprimer l'autonomie financière en substituant à des impôts locaux, dont on peut fixer l'assiette et le taux au plan local, des prélèvements sur des impôts nationaux, puisqu'il suffirait de fixer dans une loi qu'un pourcentage donné de la TIPP va à la Bretagne, par exemple, pour prétendre que c'est conforme au texte du sous-amendement Fréville.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il vous faut conclure, monsieur de Courson.

M. Didier Migaud. Vous devriez être attentif à ce qu'il dit, monsieur le président de la commission.

M. René Dosière. En effet, c'est lumineux !

M. Charles de Courson. Le sous-amendement Fréville a d'ailleurs été conçu à cette fin !

M. Didier Migaud. C'est exact !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le monde des élus locaux qui, globalement, est favorable à l'idée de décentralisation, se retournera dès qu'il découvrira « la vraie nature de Bernadette », comme dirait l'autre, à savoir que l'on a vidé, par la loi organique et par le sous-amendement Fréville, le contenu de la Constitution, à supposer que le Conseil constitutionnel laisse faire une telle chose - ce que je n'espère pas !

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur de Courson.

M. Didier Migaud. C'est pourtant très intéressant, monsieur le président.

M. Augustin Bonrepaux. Très instructif, même !

M. Charles de Courson. Je conclurai sur la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Je vous rappelle le texte : « ou par catégorie de collectivités, le taux ou une part locale d'assiette », disposition qui ne permet pas de résoudre les problèmes que j'ai évoqués mais, au contraire, les aggrave.

La lecture de la Constitution faite par M. le Rapporteur n'est pas exacte. Le troisième alinéa de l'article 72-2 fait mention des « recettes fiscales » et non pas des impositions de toutes natures, qui ne figurent que dans le deuxième alinéa.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'un découle de l'autre !

M. Charles de Courson. Mais non ! C'est votre lecture du texte ! Ce n'est pas ce que dit le texte !

Dès lors, l'amendement présenté par M. le rapporteur permet d'appeler « une ressource propre » ce qui n'en est pas une. En effet, cette rédaction permettrait de considérer comme une ressource propre un impôt national dépourvu d'assiette locale, à condition que le taux par catégorie - commune, département ou région - soit déterminé par la loi. Cette position est totalement intenable.

De plus, on est en droit de s'interroger sur la signification de la notion de « part locale d'assiette ». Je vous ai interrogé en commission sur le sujet, monsieur le rapporteur. J'ai cru comprendre - mais ai-je bien compris ? - qu'il suffirait d'inscrire dans la loi que deux millièmes de la TIPP nationale sont donnés à la Bretagne pour qu'au regard de l'amendement Geoffroy on puisse considérer qu'il s'agit d'une ressource propre ! Or, il ne s'agirait que d'un classique prélèvement sur recette.

M. Didier Migaud. Évidemment !

M. Charles de Courson. Il ne s'agirait pas d'une recette fiscale. Or, je le répète, le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution évoque la « recette fiscale » et non un « prélèvement sur recette ».

En conclusion, mes chers collègues, la solution pour sortir de cette situation est très simple : il vous suffit de voter l'amendement déposé par le groupe UDF, visant à supprimer cette deuxième partie de phrase et à revenir à la rédaction de la commission des lois et de la commission des finances du Sénat, rédaction que notre groupe avait proposée dès la première lecture à l'Assemblée nationale.

Cet amendement tend à préciser, dès l'article 2 du projet de loi organique, que seuls les impôts inscrits à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, c'est-à-dire ceux dont les collectivités peuvent fixer l'assiette et le taux dans les limites déterminées par la loi, constituent des ressources propres traduisant l'autonomie financière des collectivités territoriales.

M. René Dosière. Voilà qui est parfaitement compréhensible !

M. Augustin Bonrepaux. Et très intéressant !

M. Charles de Courson. Cette rédaction, seule position tenable pour respecter l'autonomie financière des collectivités territoriales, permettrait de stopper la dégradation...

M. le président. Monsieur de Courson, il faut conclure ! Vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oui ! Nous en sommes à 100 % de dépassement !

M. Charles de Courson. Je conclus, monsieur le président...

M. le président. Je vous accorde encore 30 secondes !

M. Charles de Courson. En l'état actuel, ce projet de loi organique ne correspond pas à la définition de bon sens de l'autonomie financière, c'est-à-dire des ressources dont les assemblées locales ont la possibilité de moduler les taux et l'assiette. De plus, est-il raisonnable de voter ce texte contre l'avis de l'ensemble des organisations représentatives des élus locaux ?

M. Didier Migaud. Très juste !

M. Charles de Courson. Dès lors, monsieur le ministre, la position du groupe UDF est très simple : nous voterons ce texte si l'Assemblée accepte notre amendement visant à revenir à la rédaction dite Hoeffel-Mercier.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La réponse est : non !

M. Charles de Courson. En cas de rejet, nous voterons contre, comme nous l'avons fait en première lecture et pour les mêmes raisons. Le groupe UDF sera alors amené à réexaminer sa position lors du vote en dernière lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. À l'avenir, monsieur de Courson, vous voudrez bien veiller à ne pas dépasser ainsi votre temps de parole.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, n° 1638, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales :

Rapport, n° 1674, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance ;

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1711, relatif aux libertés et responsabilités locales :

Rapport, n° 1733, de M. Alain Gest, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 21 juillet 2004, à zéro heure quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot