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Première séance du mercredi 21 juillet 2004

41e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, j'ai déjà eu, hier, l'occasion de le remarquer : il est impossible de travailler correctement dans ces conditions. En ce moment même se tient une réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement. Je l'ai quittée quelques instants, laissant mon groupe en minorité, afin de vous demander une suspension de séance d'une heure. Je dois en effet défendre en séance publique une motion de renvoi en commission sur le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. J'ai besoin d'écouter les arguments des uns et des autres afin de déterminer si cette motion est justifiée. En effet, si elle ne l'était pas, si, en particulier, les réponses du ministre délégué à l'intérieur s'avéraient satisfaisantes, nous pourrions gagner du temps. Je vous demande donc cette suspension afin de pouvoir retourner à cette réunion et faire mon travail de membre de la commission des finances.

M. le président. Monsieur le député, vous m'avez adressé la même observation hier soir. Je vous ferai la même réponse : le président du groupe socialiste a participé, comme tous les autres présidents de groupe, à la conférence des présidents qui s'est tenue hier à dix-sept heures.

M. Augustin Bonrepaux. Il y a d'ailleurs contesté l'organisation de nos travaux !

M. le président. Il n'a émis aucune objection à ce qu'une séance ait lieu se matin. Je considère donc que nos débats se déroulent tout à fait normalement, et je ne donnerai pas suite à votre demande. Je peux vous accorder cinq minutes de suspension, mais cela ne changera rien à votre problème, qui relève de l'organisation interne du groupe socialiste. Ma réponse ne variera pas.

M. Augustin Bonrepaux. Dans ce cas, je vous demande une suspension de séance au nom de mon groupe.

M. le président. Elle est de droit. Je vous accorde cinq minutes.

M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas dire des contrevérités. Hier, le président du groupe socialiste a protesté...

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. René Dosière. Je le demande, monsieur le président, en vertu de l'article 58, alinéa premier, de notre règlement.

Une réunion d'une commission mixte paritaire se tient actuellement sur un texte important, puisqu'il s'agit, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, d'un projet de loi sur la relance de la consommation et de l'investissement. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, considère que ce texte est tout à fait fondamental, important et urgent.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Il est surtout excellent !

M. René Dosière. Je ne doute pas que vous partagiez ce point de vue. Il fait en tout cas l'objet d'un examen attentif en commission mixte paritaire. Or, deux de nos orateurs, Augustin Bonrepaux et Didier Migaud, en sont membres. Elle comprend même, du côté de la majorité, le rapporteur général, Gilles Carrez. Ainsi, les députés qui sont directement intéressés par le texte dont nous allons poursuivre la discussion aujourd'hui sont également occupés par la réunion de la commission mixte paritaire.

Au cours de la session ordinaire, le nombre de députés est suffisant pour que l'on puisse prévoir d'être remplacé. Mais en session extraordinaire, le 21 juillet, et un mercredi matin, de surcroît, il conviendrait de reprendre la discussion de ce texte important aussitôt que la CMP aura terminé ses travaux, ce qui ne devrait d'ailleurs pas tarder. Il suffirait de suspendre nos travaux pendant une demi-heure. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous pourrions ainsi reprendre les débats avec les députés qui sont directement concernés.

M. le président. Monsieur le député, je crois vous avoir répondu. Ce n'est pas parce que nous sommes en session extraordinaire que les parlementaires sont moins mobilisés. Il appartient à chaque groupe de faire venir là où c'est nécessaire le nombre de parlementaires suffisant.

    2

AUTONOMIE FINANCIÈRE
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (nos 1638, 1674).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. À ce stade de la discussion parlementaire de ce projet sur l'autonomie financière des collectivités locales, je dois vous dire, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, ma grande déception. Il y a déjà eu une lecture dans chaque assemblée et la commission des lois s'est réunie. Lorsque, après des élections qui, malheureusement pour vous, ne vous ont pas été favorables,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. C'est la vie ! Vous connaîtrez ça !

M. René Dosière. ...vous avez pris la succession sur ce texte, vous vous disiez ouvert à la discussion, attentif, prêt à nous répondre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je le suis toujours !

M. René Dosière. Or je dois constater que, sur ce texte, rien n'a changé. Vous écoutez, ce qui est la moindre des choses, encore que nous ayons connu des ministres qui n'écoutaient même pas, vous répondez, mais rien ne change, pas même une virgule. J'ai fait diverses suggestions lors de la première lecture, certains de mes collègues ont même trouvé que mon intervention était un peu longue, bien que j'aie parfaitement respecté le temps qui m'était imparti, et vous avez bien voulu reconnaître qu'il y avait des propositions. Malheureusement, vous n'en tenez aucun compte. Le Sénat reconnaît pourtant qu'une partie d'entre elles ne sont peut-être pas aussi inintéressantes que ça et qu'il faudrait les étudier, vous avez dit vous-même qu'il faudrait les étudier, mais, malheureusement, ni au Sénat ni ici, elles ne sont examinées. Les propos que je vais tenir sont donc pour l'histoire. Comme toute majorité, vous avez vocation à revenir dans l'opposition, ce qui ne saurait trop tarder. Nous vous rappellerons alors que nous vous avions prévenus.

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est de bonne guerre !

M. René Dosière. Nous nous retrouverons à ce moment-là !

Ce texte, dans son contenu actuel, me paraît inutile et même, plus grave peut-être, un peu dangereux pour les collectivités locales. Il y a trois raisons principales.

D'abord, vous voulez garantir l'autonomie financière des collectivités locales en leur affectant des ressources propres, lesquelles sont, pour 82 à 95 %, selon le type de collectivité, des ressources fiscales. C'est sans doute intéressant mais le problème, c'est la définition des ressources propres. La Constitution, monsieur le rapporteur, qui n'avez que ce mot à la bouche, comme d'autres le poumon, ne donne aucune définition.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. On y reviendra !

M. René Dosière. C'est la loi organique qui est chargée de les définir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Non !

M. René Dosière. Or le mot « propres » renvoie tout de même à une idée d'appartenance personnelle, voire exclusive. Lorsque l'on parle de biens propres dans une communauté, ce sont les biens qui restent la propriété de chacun des membres de la communauté, qu'il s'agisse de l'homme ou de la femme, par opposition aux biens communs, qui sont partagés entre les deux époux. C'est le bon sens. Autrement dit, quand nous expliquons que les ressources propres, et notamment fiscales, sont des ressources sur lesquelles les collectivités doivent avoir une certaine maîtrise, pas totale car nous ne sommes pas dans un système fédéral, soit sur le taux, soit sur le produit, nous avons raison. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous n'avez pas trouvé un seul expert financier, une seule association d'élus qui vous dise le contraire. M. Hoeffel, l'un de vos prédécesseurs à ce poste, ...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Illustre !

M. René Dosière. ...aujourd'hui président de l'Association des maires de France, ...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous avons accepté son amendement !

M. René Dosière. Pas du tout ! L'amendement qu'il a déposé a été totalement modifié...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il l'a voté !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il le votera également en deuxième lecture !

M. René Dosière. Il a fini par le voter parce que, en dépit des avis contraires de tous ceux qui vous lancent des avertissements, vous ne changez pas d'avis. Votre explication, c'est : « Nous avons juridiquement raison car nous sommes politiquement majoritaires. »

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est une mauvaise référence !

M. René Dosière. Avec la position que vous prenez, vous pourrez demain remplacer la taxe professionnelle par une partie de l'impôt sur les sociétés, la taxe d'habitation par une partie de l'impôt sur le revenu, la taxe sur le foncier bâti par une partie de l'impôt de solidarité sur la fortune, c'est-à-dire que vous aurez vidé l'autonomie financière et fiscale des collectivités de tout son sens.

Par ailleurs, vous avez refusé d'inscrire dans ce texte que la péréquation est un élément essentiel de l'autonomie financière. Au Sénat, vous avez répondu, de façon magnifique, que la péréquation était l'affaire des dotations d'État. Permettez-moi de vous dire que vous avez une conception tout à fait restreinte de la péréquation financière. Vous savez parfaitement que toute autonomie financière se traduit par une aggravation des inégalités entre collectivités. Autrement dit, quand on parle d'autonomie financière, on devrait en même temps prendre les moyens de resserrer les écarts entre les collectivités. À l'avenir, lorsque l'on parlera de péréquation, on ne pourra pas toucher aux ressources propres des collectivités locales, c'est-à-dire qu'on ne pourra faire de la péréquation qu'avec les dotations d'État et le Gouvernement aura moins de moyens financiers pour faire de la péréquation. Les inégalités de taxe professionnelle devraient être corrigées par une péréquation entre les ressources de la taxe professionnelle. Il doit y avoir une péréquation entre les collectivités locales compte tenu des écarts de richesses et il y a une péréquation qui est du ressort de l'État. Vous vous limitez à une partie de la péréquation, je le regrette.

Enfin, ce texte ne vous permettra pas de faire la réforme fiscale que vous nous annoncez. Les 10 milliards d'euros de dégrèvements - 7 milliards sur la taxe professionnelle, 3 milliards sur la taxe d'habitation - sont en fait des subventions implicites accordées aux collectivités dans des conditions qui vont à l'encontre de toute péréquation, les études qui ont été faites sur le sujet, notamment celle de M. Fréville, le démontrent éloquemment. Pour améliorer la péréquation entre les collectivités, il faudra bien redistribuer différemment ces dégrèvements. À partir du moment où ils ont été sanctuarisés aux yeux du Conseil constitutionnel dans les ressources propres, on ne pourra plus y toucher. Quand le Gouvernement voudra faire une réforme fiscale, il n'aura pas les moyens financiers de la faire, et ne dites pas que vous n'aurez pas été prévenus.

Bref, ce texte va rigidifier les choses. Il procède plutôt, me semble-t-il, d'une démarche idéologique. Pour faire court, monsieur le ministre, je vous citerai cette phrase de Péguy : « Il y a pire que d'avoir une mauvaise pensée, c'est d'avoir une pensée toute faite. » Au cours de cette discussion, vous nous avez montré que vous ne vouliez en aucune manière changer votre pensée. Vous avez une pensée toute faite, et je ne peux l'accepter. Le groupe socialiste ne peut pas accepter un texte qui sera aussi pernicieux à l'avenir pour les collectivités.

M. Philippe Cochet. Rien de moins !

M. René Dosière. Monsieur le président de la commission des lois, j'ai dit que je parlais pour l'histoire prochaine.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Avec un H !

M. René Dosière. Nous aurons l'occasion d'en reparler et je vous rappellerai cette intervention le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile d'intervenir après René Dosière, qui vient de faire une si brillante démonstration que le ministre et le président de la commission éprouvent le besoin de la commenter et d'essayer d'en tirer des leçons.

Depuis plusieurs mois, malheureusement, nous constatons le cynisme de ce gouvernement, de cette majorité, qui, envers et contre tout, décident d'avancer sur leurs positions particulièrement réactionnaires, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire de remettre en question un certain nombre d'avancées de ces dernières années, notamment dans le domaine de la décentralisation.

La préoccupation majeure de ce gouvernement - son ministre des finances ne s'en cache d'ailleurs pas - est de rendre présentables les comptes de l'État et de masquer une dette qui atteint environ 63,7 % du produit intérieur brut.

On aurait donc pu espérer que ce projet de loi organique relatif à l'autonomie financière dégage une solution pour que les collectivités territoriales échappent au marasme financier de l'État et que l'autonomie financière soit réelle. Ce ne sera malheureusement pas le cas. Cela est d'autant plus inquiétant que le transfert des charges de l'État vers les collectivités territoriales - que même les parlementaires de la majorité rechignent à voter - impliquera, d'une part, une augmentation des charges publiques supérieure aux économies que fera l'État et, d'autre part, une augmentation de la fiscalité locale que ne compenseront pas les baisses d'impôts promises aux Français dans un premier temps, et abandonnées depuis le 14 juillet dernier, puisqu'il n'y aura pas de baisse de l'impôt sur le revenu en 2005, a-t-on entendu de la voix de celui qui décide. Vous êtes là, mes chers collègues de la majorité, pour exécuter !

À l'opposé d'une véritable politique de réforme, ce projet opte pour le conservatisme et la courte vue. Il ne sert ni l'autonomie financière, ni la décentralisation.

Un authentique renforcement de la décentralisation, soutenue par une autonomie financière effective des collectivités territoriales, impliquerait logiquement de procéder au préalable à une refonte complète de la fiscalité locale. Comment envisager en effet une quelconque autonomie financière lorsque celle-ci doit être assise sur des bribes d'impôts nationaux et sur une fiscalité locale désuète et contre-productive ?

L'autonomie financière des collectivités territoriales n'a d'avenir en France qu'au travers de la nécessaire autonomie fiscale. Or, ainsi que l'énonçait le rapport Mauroy, « ce qui menace l'autonomie fiscale, c'est d'abord et surtout l'archaïsme de nos impôts locaux ».

Une véritable réforme des finances locales aurait dû permettre de clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités locales.

Nous savons que l'État est le premier contribuable local. C'est en effet lui qui compense les divers dégrèvements et exonérations d'impôts locaux que prévoit la loi. L'Observatoire des finances locales a rappelé, dans son rapport de juin 2003, que l'État assume plus de 33 % du produit de la fiscalité locale. En assurant aux finances locales la clarté et la transparence qui leur font actuellement défaut, une véritable réforme aurait permis aux collectivités territoriales de maîtriser leurs ressources et de prévoir, de manière fiable, les sommes dont elles disposeront.

Il est en effet primordial que les collectivités territoriales aient la responsabilité de leurs ressources, ou du moins d'une part prépondérante de leurs ressources, pour qu'elles soient en mesure de maîtriser efficacement leurs finances.

Mais ces objectifs ont manifestement échappé au Gouvernement. En effet, à l'heure actuelle, la libre administration des collectivités territoriales, telle que la Constitution l'impose au législateur, se résume ainsi : la libre administration est respectée aussi longtemps que les collectivités territoriales possèdent la maîtrise de leur action. Dès lors, ainsi que cela ressort de la jurisprudence constitutionnelle, il est possible qu'une dépense obligatoire soit mise à la charge des collectivités territoriales à condition que cette dépense n'entrave pas leur libre administration, et que leurs ressources globales soient maintenues.

Jusqu'à présent, les ressources fiscales des collectivités territoriales sont donc, pour l'essentiel, une variable d'ajustement qui leur permet d'assurer la continuité des services publics locaux et de financer des politiques nouvelles. Mais pour initier ces politiques nouvelles, elles ne doivent pas être étouffées par les charges que leur impose l'État. L'autonomie fiscale n'a donc pas de réalité.

Il est primordial, pour atteindre une véritable autonomie financière, de changer cette situation. Le projet qui nous est soumis n'y parvient assurément pas.

Pour qu'une véritable libre administration des collectivités territoriales existe, il sera nécessaire de leur en donner les moyens. Pour cela, elles doivent disposer d'un réel pouvoir fiscal.

Je m'étonne à ce propos du renoncement du Premier ministre qui, il y a quatre ans, signait une proposition de loi dont l'exposé des motifs affirmait alors qu'« il n'y a pas d'autonomie locale sans une autonomie financière, laquelle doit être assurée à 50 % au moins par des ressources propres, c'est-à-dire des ressources dont les collectivités fixent elles-mêmes le montant ». Cette proposition n'est pourtant pas reprise aujourd'hui, à croire que le Premier ministre n'a jamais été sénateur.

Au contraire, en matière d'autonomie fiscale, le Gouvernement escamote le débat et limite l'appréciation de l'autonomie financière à la prise en compte des ressources propres définies comme l'alliance du «produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif» avec « les impositions dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux».

Par conséquent, si le projet de loi organique précise ce que doivent être les ressources propres fiscales, il n'en reflète pas moins l'extrême médiocrité du projet gouvernemental en matière de décentralisation et d'autonomie financière.

Les quatre vieilles taxes restent ainsi un élément majeur de la fiscalité locale. Avec ce texte, nous sommes donc bien dans un registre des plus conservateurs. Plus encore, aucune évolution n'est envisagée en matière de déliaison des taux de ces impositions désuètes. Les collectivités ne disposent par conséquent que d'une marge de manœuvre extrêmement restreinte pour faire évoluer leur fiscalité.

Le projet de loi inscrit implicitement les dégrèvements que prévoit la loi dans les ressources propres dont disposeront les collectivités territoriales. Or cette inscription désavantage des collectivités puisque la compensation du dégrèvement peut réduire la recette à laquelle elles auraient pu prétendre.

En outre, le compromis auquel est parvenu le Gouvernement avec les sénateurs accepte les incohérences telles que le financement du RMI par une part de la TIPP - que penser, en effet, de l'absurde corrélation entre l'évolution du nombre d'allocataires au RMI et l'évolution du prix de l'essence ? - et permet donc l'affectation d'une part d'un impôt national pour financer une compétence transférée, ce qui n'est pas une bonne formule.

Plus encore, la constitutionnalité de cette disposition est sujette à caution. Il sera en effet possible d'appliquer, de manière législative, des règles de compensation variables selon les collectivités. Les risques d'inégalité sont donc importants et le Conseil constitutionnel aura fort à faire pour apprécier la situation de chaque collectivité.

Mais le refus de réformer la fiscalité locale laisse peu de choix au Gouvernement. La compensation devant reposer sur une imposition identifiée, il cherche des impôts nationaux dont il pourra rétrocéder une part aux collectivités territoriales. C'est une part de la TIPP pour financer le transfert du RMI aux départements, comme cela aurait pu être une part de la taxe d'aviation civile.

Une nouvelle fois, l'exemple du RMI est éloquent car le transfert aux départements d'une part du produit de la TIPP, en compensation du transfert du RMI, se révèle insuffisant. Les charges induites par le RMI progressent en effet plus vite que le produit de la TIPP. En 2003, le produit de la TIPP a augmenté de 1,4 % lorsque les dépenses de RMI augmentaient, elles, de 4,6 %.

L'autonomie financière que vous proposez me semble donc une simple prise en compte de ce qui existe actuellement. D'ailleurs, la part déterminante des ressources propres dans les ressources des collectivités est fixée arbitrairement et de manière globale au niveau constaté en 2003 dans une catégorie de collectivités territoriales.

Il est évident que ce projet n'atteint pas l'ambition annoncée dans son titre. En effet, l'autonomie, notamment financière, est malheureusement bien illusoire lorsque les compensations accompagnant les transferts de charges sont plus qu'insuffisantes.

En renâclant lorsqu'il s'agit d'évaluer sincèrement le montant des transferts de charges, en évacuant toute idée de réforme de la fiscalité locale et en omettant de compenser effectivement les compétences transférées, le Gouvernement et sa majorité s'apprêtent à nier cette autonomie, comme a d'ailleurs été niée la portée du résultat des élections cantonales et régionales de mars dernier.

La politique gouvernementale a d'abord consisté à charger la barque des collectivités en laissant à ces dernières le soin de financer les insuffisances et les multiples désengagements de l'État.

Il ne me semble pas que l'urgence de cet examen en session extraordinaire soit liée à l'urgence d'un calendrier parlementaire. Il s'agit au contraire de la précipitation d'un Premier ministre qui sent bien que l'incompréhension grandit autour de son prétendu acte II de la décentralisation, dont le seul résultat à ce jour aura été de prendre le risque de rendre impopulaire aux yeux des Françaises et des Français cette belle et grande idée qu'est la décentralisation.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j'entends certains députés de l'opposition dire que le texte que nous examinons « vide de son contenu la notion de ressources propres », j'hésite entre l'incompréhension et l'indignation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Cochet. Très bien !

M. Christian Estrosi. L'incompréhension tout d'abord...

M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui ne comprenez pas !

M. Christian Estrosi. Je vous vois lire votre journal, alors que je vous pensais en commission mixte paritaire, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. J'y étais !

M. Christian Estrosi. La lecture de votre quotidien régional est-elle bonne ?

M. Augustin Bonrepaux. J'étais en commission paritaire et vous n'y étiez pas !

M. Christian Estrosi. Restez plongé dans votre actualité locale !

M. le président. Monsieur Estrosi, veuillez poursuivre.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, les députés qui s'insurgent aujourd'hui contre votre projet de loi sont les mêmes qui, hier, transféraient aux collectivités locales de nouvelles compétences sans jamais se soucier d'un quelconque transfert de moyens financiers correspondants.

M. Philippe Cochet. Exactement !

M. Christian Estrosi. Mais qu'ont-ils fait lorsqu'ils étaient dans la majorité !

M. Bernard Derosier. Nous avons fait la vraie décentralisation !

M. Christian Estrosi. Lorsque, enfin, nous donnons aux collectivités les moyens de leur autonomie financière,...

M. René Dosière. Quels moyens ?

M. Christian Estrosi. ...nous recevons des leçons de ceux-là mêmes qui, au pouvoir pendant cinq longues années, et elles étaient longues, ...

M. René Dosière. Pas pour tout le monde !

M. Bernard Derosier. C'est en ce moment que c'est long pour vous !

M. Christian Estrosi. ...n'ont justement jamais œuvré dans ce sens.

Quelle légitimité croyez-vous avoir sur ce sujet, vous qui souteniez en 2000 un gouvernement qui, par la voix de son ministre de l'intérieur, refusait de mettre à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une proposition de loi du président Poncelet visant à inscrire dans la Constitution le principe d'autonomie financière,...

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi vous ne le votez pas ?

M. Christian Estrosi. ...vous qui, de 1999 à 2002, aviez érigé en principe une sorte de recentralisation rampante en supprimant et en transformant en dotations d'État plus de 15 milliards d'euros de fiscalité locale ?

M. René Dosière. Avec l'approbation du Conseil constitutionnel !

M. Christian Estrosi. L'indignation ensuite. En effet, je suis profondément indigné de voir que ce sont encore les mêmes qui, par leurs choix politiques délibérés, ont gravement handicapé l'avenir des collectivités locales...

M. Bernard Derosier. Parlez-nous du texte !

M. Christian Estrosi. ...et qui osent aujourd'hui dire qu'ils redoutent une hausse de la fiscalité locale.

M. René Dosière. Nous ne la redoutons pas !

M. Christian Estrosi. La hausse de la fiscalité locale, monsieur Dosière, c'était justement la méthode Jospin !

En tant que président de conseil général...

M. Bernard Derosier. Récent !

M. Christian Estrosi. Peut-être, mais je suis obligé d'apporter des correctifs à tant d'erreurs que vous avez commises !

M. Bernard Derosier. Votre prédécesseur n'avait rien fait ?

M. Christian Estrosi. Je subis les conséquences de cette méthode...

M. Bernard Derosier. Le RMI, par exemple !

M. Christian Estrosi. ...qui consiste à transférer les compétences sans jamais transférer les moyens.

M. Bernard Derosier. Parlez-nous du RMI !

M. Christian Estrosi. Je pensais avoir atteint des sommets en devant inscrire, dans mon budget primitif, 35 millions d'euros pour l'APA,...

M. Bernard Derosier. Parlez-nous du RMI !

M. Christian Estrosi. ...mais, au mois de juin dernier, j'ai dû inscrire 16 millions d'euros supplémentaires dans une décision modificative !

M. Bernard Derosier. Pour le RMI !

M. Christian Estrosi. Avec la loi relative à la démocratie de proximité, vous nous avez transféré toutes les compétences, mais pas les moyens,...

M. Bernard Derosier. Et la loi de 1996 ?

M. Christian Estrosi. ...et mon budget de services départementaux d'incendie et de secours a été multiplié par quatre en moins de trois ans !

M. Bernard Derosier. Et qu'ont fait vos prédécesseurs ?

M. Christian Estrosi. Nous voyons bien à quel point vous avez été à la fois irresponsables et irraisonnables !

D'ailleurs, je note que vous gérez aussi mal vos collectivités que vous gérez l'État.

M. Bernard Derosier. On l'a vu : cinquante-trois départements et vingt régions à gauche !

M. Christian Estrosi. Vous n'avez cessé, pendant cinq ans, d'augmenter la dépense publique et la fiscalité. J'ai fait face à votre impéritie avec l'APA et le SDIS, sans augmenter la fiscalité locale, et sans baisser pour autant les crédits d'investissements.

Dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, voisin des Alpes-Maritimes, le président du conseil général, Jean-Louis Bianco,...

M. Bernard Derosier. Il n'est pas là pour se défendre ! Pas d'attaque ad hominem !

M. Christian Estrosi. Quand il lira le compte rendu des débats au Journal Officiel, il pourra se justifier.

M. Augustin Bonrepaux. Il n'a pas les mêmes moyens que vous !

M. Christian Estrosi. M. Bianco a augmenté la fiscalité locale de près de 50 %...

M. Augustin Bonrepaux. C'est facile de dire ça quand on est riche !

M. Christian Estrosi. ...pour faire face au transfert de compétences auquel vous avez procédé sans transfert de moyens.

Voilà, mesdames et messieurs les socialistes, comment vous gérez l'État et vos collectivités ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) L'opposition devrait agrémenter ses propos d'un peu de modération et d'honnêteté ! Lors des dernières élections locales, vous avez abusé les Français : après vous être transféré des compétences dans les cinq années qui précédaient, vous avez, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2002, augmenté la fiscalité dans les collectivités que vous présidiez et avez menti en laissant croire que cette augmentation était due à la politique du Gouvernement. (« Exact ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Derosier. Mensonge !

M. Christian Estrosi. Pour ne pas revivre cela, nous abordons la décentralisation en faisant l'inverse. Le texte que nous allons examiner en seconde lecture nous libère de la tutelle déresponsabilisante des dotations d'État.

M. André Chassaigne. Pour les départements riches, comme le vôtre !

M. Christian Estrosi. Le grand changement s'est produit en mars 2003, avec la garantie constitutionnelle que tout transfert de compétence de l'État aux collectivités territoriales s'accompagnera enfin de l'attribution de ressources équivalentes.

M. André Chassaigne. C'est scandaleux ! C'est du mépris pour les pauvres !

M. Christian Estrosi. En outre, l'article 72-2 de la Constitution précise que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». Ce grand bond en avant dans l'histoire de la décentralisation, le Gouvernement ne peut le faire sans manifester une totale confiance aux collectivités locales Depuis 1982, celles-ci ont mûri et ont démontré, lorsqu'elles étaient responsables, qu'elles pouvaient assumer avec responsabilité et sans complexe chaque nouveau transfert de compétences.

M. André Chassaigne. Pour être responsable, il faut en avoir les moyens !

M. Christian Estrosi. Elles ont su s'adapter chaque fois qu'il a fallu le faire - hier pour l'action économique et l'action sociale, demain pour l'emploi et l'éducation.

Pour ma part, je m'interroge encore sur la meilleure définition possible des ressources propres des collectivités.

Mme Anne-Marie Comparini. Eh oui !

M. Christian Estrosi. Doit-il s'agir exclusivement des ressources dont les assemblées délibérantes déterminent librement le montant par l'assiette ou par le taux, ou aussi des impôts localisables ?

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. Christian Estrosi. Vous semblez avoir choisi une définition plus large.

M. le président. Monsieur Estrosi, vous doublez pratiquement votre temps de parole ! Il est temps de conclure.

M. René Dosière. Surtout pour dire ça !

M. Christian Estrosi. Cependant, les départements restent dans l'expectative, car les enjeux financiers auxquels ils vont être confrontés dans un avenir très proche sont considérables : l'APA d'abord, puis, depuis peu, le RMI-RMA et, dès demain, la sécurité civile.

M. André Chassaigne. C'est le mépris des riches envers les plus pauvres !

M. Christian Estrosi. Je sais que les départements ont les compétences et l'expérience requises pour mener à bien toutes ces nouvelles missions dans le souci d'une gestion de réelle proximité. Je sais également qu'en échange, le Gouvernement saura faire preuve de la plus grande loyauté dans les transferts financiers correspondants. Monsieur le ministre, je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je m'efforcerai d'être bref, pour ne pas lasser ceux de mes collègues qui me reprochent de faire référence à la loi fondamentale.

M. René Dosière. Il faut être précis et exhaustif !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je crois cependant nécessaire de le faire une nouvelle fois - qui sera, je l'espère, la dernière.

Malgré ce qu'ont prétendu certains de nos collègues, dans la loi organique, la définition de la part déterminante, si elle n'est pas totalement imposée, n'est pas entièrement libre. En affirmant que la notion de ressources propres est traitée d'une manière insuffisante, et insatisfaisante dans la Constitution, vous commettez - probablement par mégarde - une erreur d'appréciation.

M. René Dosière. Je citais M. Mercier.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je crois donc utile de rappeler et de commenter l'article 72-2 de la Constitution. On y lit d'abord : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. » Apparaissent donc ici la notion de ressources et le rôle de la loi, qui fixe les conditions dans lesquelles s'exercent les responsabilités des collectivités.

M. René Dosière. Ça ne fait pas débat !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cela n'est pas négligeable, n'en déplaise au collègue qui déclarait hier que le fait de confier à la loi plutôt qu'à un décret une intervention en matière d'autonomie financière n'avait pas grande importance. Le Parlement jugera !

Le deuxième alinéa précise que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut... » - et non : « doit », comme certains ont trop tendance à le considérer sur certains bancs - « ...les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine. » La loi joue donc, dès ce niveau, le rôle important qui lui revient.

Le troisième alinéa est décisif, et je vous recommande de le lire très précisément. Puisqu'il évoque « les recettes fiscales et les autres ressources propres... », il est bien clair que, dans l'esprit du constituant que nous sommes, les recettes fiscales déterminées dans le deuxième alinéa sont bien des ressources propres ! Or, même si vous n'avez pas voté la réforme constitutionnelle, la Constitution s'impose à tous ! Ces recettes fiscales sont les impositions de toutes natures qui relèvent de la compétence ordinaire des collectivités, ainsi que les impositions de toutes natures relevant de la fiscalité nationale qui pourraient être transférées en tout ou en partie aux collectivités et dont le deuxième alinéa prévoit que la loi pourrait autoriser ces dernières à fixer l'assiette et le taux.

Il s'agit là d'une lecture littérale et incontestable du texte de la Constitution.

M. René Dosière. Ce n'est pas celle de nos collègues du Sénat !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je vous recommande de vous y tenir. Il serait inconvenant de faire dire à la Constitution l'inverse de ce qu'elle dit exactement.

M. René Dosière. M. Mercier et certains autres sénateurs ne disent pas la même chose !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce n'est pas parce que certains, au Sénat ou ailleurs,...

M. René Dosière. Ce n'est pas n'importe qui !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ne dis pas cela ! Mais ce n'est pas parce que certains vont trop loin, selon nous, dans l'appréciation d'un texte constitutionnel qu'il faut être d'accord avec eux.

La loi organique, une fois prise la décision de porter un coup d'arrêt à la dérive évoquée par Christian Estrosi, ira à l'inverse de ce qui a été fait jusqu'à présent. Les difficultés sont importantes, nous n'avons cessé de le dire : vous avez tari la capacité à disposer d'impôts locaux et d'impôts aisément transférables.

M. René Dosière. Rétablissez-les !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous devons prendre les choses en l'état, et la lecture incontestable de la Constitution que je viens de faire doit nous inviter à plus de mesure dans l'appréciation du projet de loi organique qui nous est proposé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Je souhaite répondre à l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés au cours de cette discussion générale d'autant plus intéressante qu'elle vient en quelque sorte, dans cette seconde lecture du texte par votre assemblée, « boucler la boucle ».

Je tiens d'abord à rassurer M. Brard, qui jugeait hier qu'avec ce projet de loi le Gouvernement ne défendait pas assez l'autonomie financière des collectivités : je pense exactement le contraire. Le Gouvernement a, notamment, le courage d'introduire dans le texte un plancher pour la détermination de l'autonomie financière : cela vaut mieux que les quelques traits d'humour de M. Brard, talentueux mais quelque peu réducteurs.

M. Bouvard a rappelé deux exigences auxquelles nous sommes tous attachés et que je reprendrai volontiers à mon compte : clarté et péréquation. Dans sa nouvelle version, telle qu'elle revient du Sénat, le texte répond mieux à la première de ces exigences. Quant à la péréquation, je tiens à assurer M. Bouvard que si une dotation de fonctionnement minimum devait être accordée demain aux départements urbains, cela ne se ferait pas au détriment des départements ruraux, à qui elle est aujourd'hui réservée.

Malgré sa rigueur et son talent, M. Migaud a adopté hier soir un ton polémique que j'ai regretté.

M. René Dosière. Il participe à une commission mixte paritaire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je me contenterai donc de répondre à l'inquiétude qu'il a exprimée à propos des compensations financières aux transferts. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais s'il s'en inquiète, c'est parce qu'il a été marqué, comme nous, par les errements du passé. Aidez-moi à le rassurer en lui rappelant que les dispositions qui seront désormais gravées dans le marbre de la Constitution...

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne garantit rien !

M. Jean-Pierre Balligand. Et les errements du présent ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...le mettront à l'abri des mauvaises surprises et des mauvais coups qui ont donné une si mauvaise image des rapports entre l'État et les collectivités locales et dont nous saurons tous nous souvenir.

L'intervention de M. de Courson,...

Mme Anne-Marie Comparini. Il est en CMP !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ... comme toujours d'une très grande précision et d'une très grande clarté, nous a valu, malgré l'heure tardive, un exposé passionnant sur ce qui aurait pu être un magnifique sujet d'oral au concours de l'École nationale d'administration : « Qu'est-ce qu'un impôt parfait ? » Nous tous qui nous passionnons pour les questions fiscales, austères mais très intéressantes, rêvons de la fiscalité idéale et parfaite évoquée par M. de Courson, qui allait jusqu'à évoquer un possible transfert de la CSG. On peut tout imaginer, et l'imagination de M. de Courson est intarissable ! Mais, à l'heure actuelle, le transfert de cette cotisation - affectée, je le rappelle, au financement de notre sécurité sociale - serait plutôt compliqué et aurait pour effet de brouiller le message dans l'esprit de nos concitoyens.

M. Dosière, avec qui j'ai un lien intellectuel ancien, puisque j'ai appris les finances locales en lisant ses ouvrages avant de me livrer moi-même à cet exercice, se plaint que le texte a peu changé depuis la première lecture. Je lui ferai une confidence : ce texte n'a que quatre articles - auxquels a été ajouté un article de forme -, ce qui limite le champ des ambitions de changement ! On peut faire la révolution tous les jours ! Monsieur Dosière, il arrive que la révolution ne puisse pas tout régler - vous-même avez fini par le comprendre avec les années !

Si tout n'a pas été modifié, du moins des précisions substantielles ont-elles été apportées à ce texte désormais équilibré et précis, dans lequel nous nous sommes attachés à lever, pour parvenir à une clarté lumineuse, les ambiguïtés que vous aviez dénoncées.

Quant à la péréquation, il est inutile de revenir dessus. Nous l'avons dit à peu près 250 fois depuis le début de ces débats : à chaque jour suffit sa peine, la péréquation viendra à son heure.

Monsieur Derosier, vous avez été assez sévère, parlant de « conservatisme », de « courte vue ». Je dois avouer que je ne me suis pas reconnu dans vos propos. J'ai même pensé à un moment que vous parliez de M. Jospin, c'est vous dire ! Quand vous avez fustigé les nombreux rapports demandés, j'ai cru que vous visiez les fameux cinq rapports sur les retraites qu'il avait commandés. Ensuite, je me suis dit que vous étiez nostalgique de la décentralisation, mais de laquelle ? Pas de la loi dite « de démocratie de proximité » que M. Vaillant avait fait voter à la sauvette trois mois avant l'élection présidentielle ? Car je tiens tout de même à rappeler qu'avec la remise en cause des situations acquises, le démantèlement de l'autonomie financière des collectivités locales, l'assèchement de leurs ressources fiscales et l'accroissement de leurs charges, le bilan du gouvernement Jospin en matière de recul de l'autonomie des collectivités locales est suffisamment éloquent.

M. Bernard Derosier. Quelle mauvaise foi, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Derosier, vous savez comment ça marche dans la vie : quand on cherche quelqu'un, on le trouve. Vous m'avez un peu cherché, il était normal qu'en ce début de matinée je vous dise, très courtoisement, ce que je pensais de votre intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, monsieur Estrosi, je salue votre talent oratoire et surtout votre grande précision. Vous avez évoqué la confiance et la responsabilité. J'y suis d'autant plus sensible que ce sont deux mots clefs, dans l'esprit de cette décentralisation que nous proposons. Celle-ci s'inscrit d'ailleurs dans une veine qui dépasse les courants partisans. Comme l'ensemble de mes collègues, j'ai lu attentivement le rapport Mauroy de l'an 2000, et j'y ai trouvé des sources d'inspiration qui ont de quoi nourrir utilement nos débats.

M. Bernard Derosier. M. Raffarin était membre de cette commission.

M. le ministre délégué à l'intérieur. S'agissant de la confiance, il est vrai, monsieur Estrosi, que nous avons, avec cette loi, de quoi rétablir, entre l'État et les collectivités, des relations de confiance largement entamées par ces années d'errements dont j'ai parlé avec le sourire, mais aussi avec beaucoup de tristesse.

Pour ce qui est de la responsabilité, je pense que nous sommes arrivés à l'âge adulte. Nous avons vécu ensemble à peu près toutes les difficultés possibles - il y en a peut-être d'autres encore ! Nous commençons à voir le contour de ce que seront demain des relations claires et transparentes entre l'État et les collectivités locales.

Quant au financement des compétences dévolues aux départements et à son évolution, je tiens à vous rassurer. Je pense en particulier au RMI-RMA et aux SDIS. L'État s'est clairement engagé sur ces deux points : la taxe sur les conventions d'assurances, la TCA, a naturellement vocation à financer très largement les transferts concernant les SDIS, suite à la modification apportée au texte par le Sénat, tandis que la TIPP financera le RMI et le RMA.

Nous entrons déjà dans l'application de cette décentralisation que nous appelons de nos vœux. La discussion sur le projet de loi de transfert sera évidemment de nature à préciser tout cela.

Nous sommes maintenant, s'agissant de ce projet de loi organique, dans la dernière ligne droite. Beaucoup a été dit en première lecture. Après l'examen d'une dernière motion l'heure sera venue d'entrer dans le vif du sujet et, ainsi, de passer aux étapes suivantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons donc à nouveau discuter de ce projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. En réalité, ce texte, au lieu d'assurer des transferts équilibrés, organise un nouveau recul de l'autonomie des collectivités, contrairement à ce que vous aviez promis, monsieur le ministre. Vous faites des reproches au gouvernement précédent, mais n'aviez-vous pas garanti que les collectivités locales auraient leur autonomie préservée ? Or, à travers cette révision constitutionnelle, c'est un véritable recul. Nous aurons l'occasion d'en juger au fur et à mesure. Les collectivités locales ne s'y trompent pas, puisqu'elles sont toutes déjà opposées à ce que vous proposez.

Le transfert du RMI aux départements, mis en œuvre le 1er janvier 2004, montre combien est menacée cette autonomie puisque les compensations sont insuffisantes et que les transferts de charges ne sont pas financés. Dès lors, il faut que les impôts locaux prennent le relais. C'est déjà le cas avec le RMI. Ce sera encore pire quand vous transférerez les TOS.

Les inquiétudes que nous avons déjà exprimées peuvent à nouveau être répétées. C'est d'ailleurs un des messages que les citoyens ont voulu adresser au Gouvernement et à sa majorité lors des dernières élections : la crainte que la décentralisation n'apporte pas un meilleur service, mais qu'elle se traduise par l'escalade des impôts locaux.

Malgré ces débâcles électorales, vous persistez, vous vous obstinez. Dans un premier temps, les propos de plusieurs ministres avaient pourtant laissé penser que le Gouvernement serait plus à l'écoute, mais il n'en est rien. Il méprise le verdict des Français,...

M. Michel Piron. Non !

M. Augustin Bonrepaux. ...et persiste dans ses erreurs.

Vous avez utilisé des prétextes fallacieux pour modifier la constitution, prétendant que, sous le gouvernement de Jospin, les suppressions de ressources propres avaient été importantes. Vous oubliez de préciser que les compensations avaient toujours été indexées sur la dotation globale de fonctionnement ! Ne secouez pas la tête, monsieur le ministre, parce que c'est vrai, vous ne pouvez pas dire le contraire. Je vous autorise à m'interrompre, si vous pouvez prouver le contraire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Surtout pas ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Qu'est devenu ce texte ? Il est émasculé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Car le vote de première lecture au Sénat n'a fait que confirmer la posture mensongère et irrespectueuse du Gouvernement.

Si cette situation n'était pas aussi grave pour notre pays, pour les collectivités locales, pour les contribuables, elle serait d'autant plus risible que l'autonomie financière des collectivités avait fait l'objet d'une mobilisation énergique de la part du Sénat lorsqu'il était dans l'opposition. En effet, tous ces fallacieux prétextes soulevés lors de la suppression de la part des salaires de la taxe professionnelle, avaient conduit le Sénat à examiner la proposition de loi constitutionnelle n° 432, cosignée par l'actuel Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, alors président de l'Association des régions de France, par Christian Poncelet, par Jean-Paul Delevoye, alors président de l'Association des maires de France, par Jean-Pierre Fourcade, à l'époque président du Comité des finances locales, et par Jean Puech, alors président de l'Assemblée des départements de France. Il s'agissait de « consacrer le principe de libre administration des collectivités locales, dont l'autonomie fiscale et financière est un fondement essentiel ». Cette proposition de loi prônait la prépondérance des ressources fiscales dans l'ensemble des ressources des collectivités. La « part prépondérante » est devenue « part déterminante » dans votre projet de loi, ce qui ne veut rien dire. Elle prônait également la protection des ressources fiscales locales, en prohibant le remplacement d'impôts locaux par de simples transferts financiers en provenance de l'État, alors que vous faites des dégrèvements, c'est-à-dire des compensations financières. Cette proposition prévoyait aussi une libre administration des collectivités territoriales garantie par la perception de ressources fiscales dont elles auraient voté les taux, permettant d'en moduler le produit.

Vous avez oublié tout cela ! Et voilà que le Sénat lui-même, malgré les affirmations du président de l'Association des maires de France, vient de décider tout à fait l'inverse de ce qu'il avait voté. C'est pourtant dans le cadre des principes définis par cette proposition de loi constitutionnelle, que le Premier ministre avait proposée et qu'il avait votée, qu'il devrait inscrire son projet de loi organique s'il avait réellement pour objectif de garantir l'autonomie financière des collectivités locales. Il n'en est malheureusement rien.

À l'image du projet de loi sur les responsabilités locales, aucune réflexion n'est menée sur la place des intercommunalités à fiscalité propre. Leur autonomie financière n'est même pas garantie, ce qui ne manque pas d'inquiéter au moment où l'intercommunalité continue de progresser et où la taxe professionnelle, ressource unique des intercommunalités les plus intégrées, est menacée de suppression.

Votre projet de loi organique devait préciser d'abord les conditions de l'évaluation des transferts. Dans ce but, nous avons demandé des audits.

Je rappelle tout de même que la loi du 29 décembre 1997 disposait que : «Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'État et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'État aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. » A-t-on transféré les ressources nécessaires au paiement du RMI ? Cela n'a pas été le cas, puisque le déficit dépasse plusieurs centaines de milliers d'euros. La loi précisait : « Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'État [...] et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. » La compensation effectuée au titre du RMI évolue-t-elle comme la dotation globale de fonctionnement ? Il n'en est rien ! Les dépenses augmentent alors que la dotation reste figée. Il en sera de même pour les transferts des TOS. Ce sera même pire. Nous y reviendrons.

Quelques exemples montrent bien toute la différence entre ces textes et votre projet de loi, ainsi que toutes les manipulations auxquelles se prête le Gouvernement.

Le RMI a été transféré au 1er janvier 2004, avec pour compensation un produit de TIPP égal à ce qu'il coûtait en décembre. Mais le RMI a augmenté de 1,5 % au 1er janvier, le coût du personnel augmente chaque année de 3,5 %, chaque RMA entraîne une charge supplémentaire de 15 % et le nombre de RMIstes s'est accru de 10 % depuis le début de l'année, voire 20 % dans certains départements. On voit bien que ce dispositif ne garantit nullement l'autonomie financière des collectivités locales. Il se traduit simplement par un transfert de déficits de l'État sur les collectivités locales, donc par une explosion des impôts locaux.

Il ne s'agit pas ici de critiquer les départements dépourvus de moyens. Bien sûr, M. Estrosi peut se vanter d'avoir un département riche. Il a de la chance ! Il peut se permettre de ne pas augmenter les impôts ! De même, on peut se permettre de ne pas les augmenter dans les Hauts-de-Seine. Mais, l'année dernière, dans le département de l'Ille-et-vilaine, cher à M. Méhaignerie et alors dirigé par la droite, l'augmentation des impôts était plus élevée que dans le département de l'Ariège. Il ne faut donc pas seulement comparer, mais regarder aussi où sont les bons gestionnaires, même avec de faibles moyens.

Pour ce qui est du transfert des TOS, vous le préparez en réduisant d'abord le nombre des agents des services concernés, afin de diminuer la base des transferts. Cette année encore, nous constatons des suppressions de postes dans beaucoup d'établissements, postes qui étaient nécessaires jusqu'à aujourd'hui et qui seront indispensables demain à leur bon fonctionnement.

Je citerai deux exemples. Dans l'Ariège, un poste est supprimé dans un collège. N'est-il pas nécessaire ? Dans le Tarn-et-Garonne, trois postes sont prélevés parce qu'un établissement vient d'ouvrir dans la Haute-Garonne ! Alors, il va falloir assumer tous ces postes qui manqueront l'année prochaine.

À travers cette décentralisation, vous organisez la pagaille, dans les collèges et dans les lycées, à partir du 1er janvier 2005. Car il n'est pas vrai qu'avec seulement le personnel de l'éducation nationale, il sera possible de faire fonctionner ces établissements. M. le rapporteur qui, de par sa formation, est un spécialiste de cette question, doit s'en rendre compte. Aujourd'hui, jusqu'à 60 % des personnels TOS sont composés de CES, de CEC, de CDD. Ne sont-ils pas indispensables ? Le Gouvernement ne propose pas de compenser leur transfert. Pourtant, il faudra bien gérer ces personnels et les payer. Tout cela n'est pas pris en compte. D'un côté, vous organisez la pagaille et, de l'autre, cela va coûter davantage encore au contribuable.

Vous n'apportez, bien sûr, aucune réponse à nos questions sur les compensations. Vous nous dites simplement que vous transférerez les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2004. Nous affirmons que ces crédits sont insuffisants et que ce sera la pagaille organisée. Vous en porterez la responsabilité.

Pour le transfert du Fonds social du logement, c'est la même chose. Vous l'avez réduit l'année dernière. Vous l'augmentez cette année, mais les crédits restent évidemment insuffisants.

Je passe rapidement sur la voirie : vous transférez des compétences en la matière sans donner aucun moyen d'investissement aux collectivités locales. Autrement dit, vous leur laissez toute la charge de l'investissement. Peut-être pourrez-vous me dire où elles vont trouver les crédits nécessaires ?

J'en viens, enfin, à l'essentiel, c'est-à-dire à la définition des ressources propres, qui est contraire au principe de l'autonomie financière des collectivités locales, puisque serait considéré comme une ressource propre le « produit des impositions de toutes natures ». Vous avez à ce sujet une interprétation particulière. En réalité, votre réforme de la Constitution - et vos amis de la majorité ne s'en sont pas rendu compte, mais je ne leur en fais pas le reproche, car ils vous ont cru et s'aperçoivent maintenant qu'ils se sont trompés - visait uniquement à préparer la décentralisation, à faire accepter les transferts. Vous avez voté cette réforme en toute bonne foi, chers collègues de la majorité, et maintenant on vous dit qu'on ne peut pas faire évoluer les taux parce que c'est contraire à la Constitution, parce que ce n'est pas prévu par la Constitution. À cet égard, le rapporteur fait d'ailleurs une lecture de la Constitution un peu avantageuse pour lui. Finalement, chers collègues de la majorité, vous avez été piégés. Mais ce n'est pas le Gouvernement qui retournera devant les électeurs en 2007, c'est chacun de vous, dans vos départements respectifs, qui allez devoir donner des explications aux contribuables locaux. Parce que dans tous les départements, et même dans les vôtres, il faudra bien augmenter les impôts pour faire face à toutes ces charges. Vous y avez cru quand on vous a dit qu'on allait préserver l'autonomie financière des collectivités locales, vous y avez cru avec la meilleure volonté du monde, et maintenant vous allez être obligés d'expliquer le pourquoi de toutes ces augmentations.

Nous constatons des contradictions, et des contradictions d'importance. Vous avez abordé ce projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales en disant qu'il était normal que les collectivités territoriales puissent voter les taux ou faire évoluer les bases. Une ressource propre, c'est une ressource que l'on peut faire évoluer. À tel point que dans le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, le rapporteur avait accepté un amendement prévoyant que « les ressources propres sont celles dont les collectivités locales votent les taux, ou déterminent le tarif ». Et cet amendement avait été soutenu par M. Pascal Clément lors des débats en commission. Et puis, en séance publique, on nous a dit qu'il fallait le retirer, en nous assurant qu'il serait inséré dans la loi relative à l'autonomie financière des collectivités locales. Maintenant, M. Pascal Clément nous dit l'inverse. C'est qu'entre-temps, il a été sermonné. On lui a dit qu'il devait suivre la règle du Gouvernement, qu'il fallait comprendre que tout cela allait se traduire par des transferts, et donc qu'on ne pouvait pas faire ce que vous souhaitiez, chers collègues de la majorité. Parce que je pense que quand le Sénat a adopté ce texte de loi, il souhaitait cette autonomie et que vous la souhaitiez aussi quand vous avez adopté la réforme de la Constitution. Et maintenant vous êtes piégés. On vous a fait voter des dispositions qui ont pour résultat que les ressources propres ne seront plus évolutives. Et cela, vous serez obligés de l'expliquer à toutes les associations d'élus locaux, aux représentants des grandes villes, des villes moyennes, des petites villes, aux maires ruraux, aux départements, aux régions, qui ont tous adopté une motion considérant qu'une ressource propre est une ressource dont l'assemblée délibérante de la collectivité peut faire varier l'assiette ou le taux. Les modalités de transfert du RMI, dont celles qui concernent les compensations financières, devraient vous ouvrir les yeux.

Les collectivités territoriales ne peuvent se contenter de recevoir des produits d'impôt qu'elles ne maîtrisent en rien. Une telle compensation ne peut être considérée que comme une pure et simple dotation d'État. Quand vous recevez une part du produit de la TIPP, c'est une dotation. Comme le disait notre collègue de Courson, c'est un prélèvement sur recettes,...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux. ...c'est-à-dire un prélèvement qui n'évolue même pas au rythme de l'inflation. Monsieur le ministre, ne secouez pas la tête. Vous allez me sortir les chiffres de 1992 à 1997 en disant : « Regardez : la TIPP a augmenté durant cette période. » C'est vrai.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ah !

M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai que M. Balladur n'y est pas allé de main morte pour augmenter la TIPP et que M. Juppé en a rajouté. Mais par la suite, cela ne s'est pas produit. Alors, à moins que vous nous disiez que vous allez continuer à augmenter la TIPP de façon inconsidérée, comme vous l'avez fait l'année dernière, il est clair que le produit de la TIPP n'augmentera pas comme l'inflation. Et en plus, on peut penser qu'avec l'application du protocole de Kyoto, qu'avec la limitation de la vitesse, cette progression va encore se réduire.

C'est dire que, en réalité, c'est une dotation que vous transférez aux collectivités locales, une dotation qui sera bien insuffisante pour faire face à toutes les charges que vous leur transférez.

Oui, je l'ai dit et je le maintiens, une dotation indexée sur la dotation globale de fonctionnement, comme nous l'avons fait pour la compensation des salaires, comme nous l'avons fait pour la vignette, est préférable, et en tout cas garantit davantage les ressources des collectivités locales. Par exemple, le coût du RMI a augmenté en 2003 de 4,4 %. Le produit de la TIPP a progressé de 1,4 %. Cela fait trois points de différence, qui ne pourront être comblés que par la hausse des impôts locaux.

Il faudrait donc que cette loi organique pousse à son terme la logique de garantie de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Mais, bien sûr, vous vous y opposez, parce que votre seul souci, c'est de transférer les déficits sur les collectivités locales pour pouvoir poursuivre vos baisses d'impôts, lesquelles ne servent d'ailleurs à rien, à en juger par la situation où nous nous trouvons.

Il est vrai que, quand on a refusé d'adopter ici l'amendement dont je parlais à l'instant, M. Daubresse, alors rapporteur, s'était engagé à le présenter à nouveau en séance publique. M. Daubresse n'est plus là, mais, au Sénat, M. Hoeffel l'a fait avec un certain courage. Il a défendu l'amendement selon lequel les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées « du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif », en plus des ressources prévues dans le texte initial. Pour soutenir cet amendement, il a utilisé plusieurs arguments importants.

Premièrement, a-t-il dit, cet amendement est conforme à la Constitution : « La loi organique doit donc définir les recettes fiscales propres. Nous estimons que ce sont celles dont les collectivités locales ont la maîtrise. » On nous dit que cette définition des ressources propres est contraire à la Constitution. M. Hoeffel dit tout à fait le contraire.

Son deuxième argument est que cet amendement est conforme aux travaux préparatoires à la révision constitutionnelle. Et une fois de plus, lors de ces travaux préparatoires, M. Clément, président de la commission des lois, estimait que les ressources propres étaient celles libres d'emploi, définitivement acquises et dont la détermination revient à la collectivité territoriale. Je disais hier soir que M. Clément changeait constamment d'avis : vous en avez là un exemple. Et ce n'est pas moi qui le cite, c'est M. Hoeffel.

Enfin, notre collègue sénateur affirmait sans ambiguïté qu'il y a une distinction entre les ressources fiscales propres et le produit des impositions de toutes natures, distinction qui figure également à l'article 9 de la Charte de l'autonomie locale.

Voici donc un amendement simple, clair, qui avait l'avantage de satisfaire l'ensemble des élus, de droite comme de gauche. Malheureusement, c'est un amendement mort-né. Parce que le Sénat a eu recours à un artifice qui consiste à laisser croire qu'il va faire quelque chose alors qu'en fait il tergiverse. Il fait le matamore en adoptant un amendement mais adopte aussitôt un sous-amendement qui le prive de tout effet.

En effet, le sous-amendement rectificatif présenté par M. Fréville a complètement dénaturé la définition des ressources propres en disant qu'elles s'entendent comme les ressources « dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux ». Il faudra qu'on m'explique en quoi une telle définition peut caractériser une ressource propre ! Si la loi dit, par exemple, que la TIPP ne doit pas varier, cela signifiera que la TIPP est une ressource propre ? Si la loi dit que la TIPP augmentera de 1,5 %, ce sera une ressource propre ? Vous pouvez être d'accord avec cela, chers collègues de la majorité ? Non, mais vous n'osez pas le dire.

La réalité, c'est que les parts d'impôts nationaux, même localisées, transférées sans possibilité de vote des taux, comme le prévoit le texte, n'apportent aucune liberté nouvelle aux collectivités et sont semblables à des dotations, avec en plus l'inconvénient de ne pas être indexées. Seules les impositions dont les collectivités déterminent les taux ou fixent le tarif doivent être considérées comme des ressources propres, comme le prévoyait la loi constitutionnelle n° 432, comme vous l'avez promis et comme le souhaitent les élus de cette assemblée, même sur les bancs de la majorité.

Car ce qui s'est produit avec le RMI va se reproduire avec les autres charges transférées. Est-il normal que le Gouvernement ne nous ait pas encore annoncé quels seraient les impôts transférés et dans quelle mesure les collectivités pourront en faire varier les taux ? Comment vont-ils être localisés ? Comment va être localisée la TIPP quand elle sera prélevée à la source ?

Concernant la TIPP, le Premier ministre avait pris un engagement important. Il assurait que l'État transférerait aux régions une part de TIPP, à l'euro prêt, pour couvrir leurs nouvelles dépenses, et il autoriserait les régions à faire varier les taux. Nicolas Sarkozy - mais il est vrai qu'il n'a plus beaucoup d'influence et qu'il doit s'exécuter, et que donc il s'exécute - avait dit ceci : « Nous proposons que les nouvelles compétences soient intégralement financées par le transfert d'une ressource fiscale dynamique, c'est-à-dire d'une ressource dont l'évolution sera liée non pas seulement à son actualisation, mais aussi à la croissance : il s'agit d'une partie de la TIPP. Les régions pourront par ailleurs moduler le taux de la taxe.»

Qu'est devenue cette promesse ? La Commission européenne n'accepte pas cette variation pour le gazole. Le ministre des finances nous a expliqué que cela ne concernait que le gazole professionnel. On ne nous a pas encore expliqué comment on distinguait le gazole professionnel du gazole utilisé par les particuliers. Nous ne pouvons donc que constater une certaine impréparation, pour ne pas dire davantage.

Il y a un problème grave pour les régions. On leur a fait une promesse qui ne sera pas tenue. Et puis, il y a rupture d'égalité avec les départements. Pourquoi les régions pourraient faire varier les taux en raison de l'augmentation de leurs charges alors que les départements, dont les charges augmentent aussi, n'en auraient pas le droit ? N'est-ce pas une rupture d'égalité ? N'est-ce pas un motif d'invalidation par le Conseil constitutionnel ?

Le Gouvernement nous parle de taxes sur les conventions d'assurances. Soit. Mais aucune simulation n'a été présentée à la commission des finances. Je signale d'ailleurs pour la deuxième fois que nous parlons ce matin de l'autonomie financière des collectivités locales devant une assemblée où ne sont présents ni le président de la commission des finances ni son rapporteur général. Le seul membre de la commission des finances ici présent, c'est celui qui est en train de parler à la tribune, parce qu'il a été obligé de déserter la commission mixte paritaire qui, justement, se penche sur un projet important consistant à caporaliser les collectivités locales. Parce que dans ce projet de loi relatif au soutien à la consommation et à l'investissement qui nous a été présenté, M. Sarkozy, certainement aux ordres,...

Mme Anne-Marie Comparini. Il exécute.

M. Augustin Bonrepaux. ...exécutant certainement une des consignes venues de l'Élysée, nous a expliqué qu'il faudrait que les collectivités locales prennent l'engagement de ne pas augmenter leurs impôts. D'un côté, on nous transfère des charges, et de l'autre, on veut nous obliger, à travers une loi, à ne pas augmenter les impôts.

Quelles sont les simulations ? Il n'y en a pas. Quelles sont les bases ? Comment sont-elles réparties par département ? On n'en sait rien. Quelles mesures sont prises pour les localiser ? On n'en sait rien. Leur montant par département correspondra-t-il aux charges transférées ? Autant de questions sans réponse.

Soit votre texte est mal préparé, soit vous nous cachez quelque chose, à moins qu'il ne s'agisse d'incompétence ! Il est tout aussi surprenant que l'on considère encore les dégrèvements comme une ressource propre, puisqu'il s'agit d'une participation de l'État que vous avez tellement critiquée.

Venons-en maintenant à la réforme de la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République, et qui pose plusieurs problèmes, particulièrement pour les communautés qui ont opté pour la taxe professionnelle unique. Si, par exemple, on prend comme base la valeur ajoutée, cela entraînera des disparités considérables entre les collectivités. Les ressources se concentreront sur les zones qui ont des entreprises à forte valeur ajoutée au détriment de celles qui ont des entreprises de main-d'œuvre telles que le textile et le bâtiment. Vous nous assurez que la Constitution interdira les réformes et les suppressions d'impôts. Serons-nous plus avancés si vous remplacez la taxe professionnelle par une TIPP dont nous ne pourrons pas faire évoluer le produit ? Cela représentera-t-il un progrès ? N'est-ce pas la mort programmée de l'intercommunalité ? À ce propos, monsieur le ministre, vous nous expliquerez comment M. Borloo finance son plan de cohésion sociale. Lorsqu'il a présenté ce plan, j'ai entendu qu'il comptait prélever 120 millions d'euros sur la coopération intercommunale. Êtes-vous toujours décidé à encourager la coopération intercommunale ? Vous faites passer les crédits des uns aux autres. Où est votre politique de péréquation ? Vous avez bien inscrit le mot dans la Constitution, mais cela s'arrête là !

Il est un problème plus grave encore...

J'aimerais que vous m'écoutiez, monsieur le ministre. Peut-être pourrais-je, monsieur le président, m'interrompre un instant afin de permettre au ministre de poursuivre sa conversation privée ?

M. le président. Poursuivez, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Le plus grave dans tout cela, monsieur le ministre, c'est que vous allez couper le lien entre le contribuable et les élus. Alors que l'élu a, aujourd'hui, pour véritable responsabilité de voter l'impôt, le contribuable ayant, en contrepartie, le droit de lui demander ce qu'il fait de son argent, vous allez transférer des charges et des impôts d'État en ne laissant à l'élu que la responsabilité de redistribuer ces ressources. Quant au citoyen, il sera enclin à demander toujours plus de services publics. Vous allez ainsi le déresponsabiliser ! Ce n'est pas la meilleure façon de servir l'intercommunalité et de faire participer les citoyens aux futurs scrutins. En tout cas, vous avez bien compris, mes chers collègues,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui, tout !

M. Augustin Bonrepaux. ...que vous allez être en première ligne dès le prochain congrès des maires ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. On assume !

M. Augustin Bonrepaux. Vous devrez leur expliquer pourquoi les impôts locaux augmentent, pourquoi vous avez voté un texte contraire à ce que les associations d'élus vous demandaient et quelle est votre conception de l'autonomie, quand vous les privez de la responsabilité de lever l'impôt tout en leur transférant des charges qui accroîtront les impôts locaux.

J'en arrive à ma conclusion. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Vergnier. Il a le droit de s'exprimer !

M. Augustin Bonrepaux. Ce texte est la traduction d'une politique qui instaure la loi du plus fort pour les citoyens et pour les territoires. « Moi je suis riche, alors pourquoi augmenter les impôts ? », nous disait tout à l'heure M. Estrosi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Ghislain Bray. Il n'a jamais dit cela ! C'est du fantasme !

M. Augustin Bonrepaux. Plus on est riche, mieux cela va ! Malheur aux pauvres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une politique de boutiquier, pour reprendre une expression qui n'est pas de moi, une politique fabriquée à la petite semaine !

M. André Chassaigne. Chacun pour sa pomme !

M. Augustin Bonrepaux. Les conditions dans lesquelles ces textes relatifs à la décentralisation sont examinés par le Parlement le montrent ! Où va le Gouvernement ? Quelles sont les lignes directrices de sa politique ? Nous ne les connaissons pas ! Cette politique obère dangereusement l'avenir de notre pays et de nos enfants ! Nous prenons date ! Nous vous donnons rendez-vous au prochain congrès des maires !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous demande de bien vouloir conclure !

M. Augustin Bonrepaux. Nous en reparlons en 2007 ! Vous aurez alors à en rendre compte, car les contribuables locaux en supporteront les conséquences et vous le rappelleront !

Si ce texte et celui qui va suivre sur les libertés et responsabilités locales constituent un testament, comme l'a annoncé quelqu'un qui est, je crois, toujours membre de votre majorité, ce testament sera assorti d'une addition salée et c'est vous qui la paierez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il intervenir ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Non, monsieur le président.

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. Qui pourrait nier que nous avons pris le temps de débattre très longuement sur ce projet ? Qui pourrait nier que nous avons entendu de nombreuses exégèses et interprétations particulièrement développées sur la notion de ressources propres ? Rien ne saurait donc justifier, sauf à vouloir faire l'apologie d'un psittacisme aigu qui n'est pas le nôtre, le renvoi en commission d'un texte aussi mûr, soigneusement pensé et pesé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Le petit doigt sur la couture du pantalon !

Rappel au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Mon rappel au règlement porte sur l'organisation de nos travaux et sur la courtoisie qui pourrait présider à nos débats.

La commission des finances, qui était saisie pour avis en première lecture, ne l'a pas été en deuxième, ce qui montre l'improvisation totale de nos travaux ! Ce matin, ses membres devaient participer à la réunion d'une commission mixte paritaire. Augustin Bonrepaux a fait l'effort de venir en séance pour défendre la motion de renvoi en commission et il n'obtient de réponse ni de la commission, ni du Gouvernement. Je ne peux que regretter ce manque de respect et ce mépris total du travail des parlementaires !

Le groupe socialiste a montré qu'il souhaitait débattre du texte au fond. Il a formulé un certain nombre d'observations très pertinentes lors de la discussion générale. Il n'a déposé que quelques amendements auxquels il attache de l'importance. Or il est traité par le mépris, tant par la majorité que par le Gouvernement !

M. Michel Piron. Non, pas du tout !

M. Didier Migaud. Pourquoi sont-ils pressés ? Nous protestons solennellement contre ce traitement ainsi infligé aux membres du groupe socialiste !

M. André Chassaigne. Pas seulement au groupe socialiste !

M. Didier Migaud. L'argumentation d'Augustin Bonrepaux méritait, me semble-t-il, autre chose que le silence que nous assimilons à du mépris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu. Ce serait vraiment mal me connaître ! Je serais novice, je comprendrais éventuellement ce type de réaction. Or vous savez, monsieur Migaud, que je suis extrêmement attentif à tout ce qui se dit. Je veille scrupuleusement, s'agissant des textes dont j'ai la charge, à ne jamais laisser la moindre question sans réponse. Les choses doivent être parfaitement claires sur ce point. La seule raison de mon silence est que je souhaitais, une fois n'est pas coutume, entendre l'ensemble des explications de vote avant de m'exprimer.

M. Didier Migaud. Le Gouvernement doit s'exprimer avant les explications de vote !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Migaud, je connais sans doute beaucoup moins bien que vous le règlement de cette assemblée, mais je crois savoir que le Gouvernement peut s'exprimer à tout moment !

M. Didier Migaud. Non !

M. le ministre délégué à l'intérieur. J'ai répondu longuement aux orateurs et je ne voulais pas lasser l'auditoire en tenant des propos qui auraient pu être jugés redondants. J'ai alors considéré opportun d'entendre la position de tous les groupes avant de répondre sur un sujet qui a d'ailleurs déjà fait l'objet de nombreux échanges.

M. le président. Monsieur le ministre, le règlement prévoit que le Gouvernement intervient en principe avant les explications de vote qui précèdent, quant à elles, immédiatement le vote.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Dans ce cas, je vais répondre tout de suite.

Motion de renvoi en commission (suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Le Gouvernement n'est pas favorable à la motion de renvoi en commission défendue par M. Bonrepaux pour une simple raison.

Contrairement à ce qu'il a affirmé, un très important travail a été accompli sur le texte tant en commission des lois qu'en séance publique. Il s'agit maintenant d'examiner ce texte en deuxième lecture. L'essentiel a été dit et même répété à de nombreuses reprises. Vous l'avez vous-même fait en défendant votre motion, monsieur Bonrepaux. Donc, je ne vois pas, pour être honnête avec vous, ce qui pourrait justifier un renvoi en commission.

Ainsi, la disposition constitutionnelle relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales nécessite, pour avoir une portée pratique, que la loi organique soit adoptée. Tout ce que l'on pouvait dire sur ce sujet a été dit. Il me paraît donc indispensable d'entrer maintenant dans le vif du sujet et de discuter des différents amendements afin d'en terminer avec ce texte. Nous avons dit combien nous avions à cœur d'apporter toutes les garanties financières. Vous avez de nouveau évoqué la question du plancher de l'autonomie financière, de la définition, de la précision et du contenu des ressources propres. Nous avons déjà répondu précisément et nous le ferons encore tout à l'heure.

À ce stade, monsieur Bonrepaux et au-delà de la passion du moment que je peux concevoir et entendre, l'heure est maintenant venue d'entrer dans le vif du sujet. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement invite votre assemblée à rejeter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous poursuivons les explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Je commencerai par faire remarquer qu'hier soir, après avoir défendu l'exception d'irrecevabilité, je n'ai obtenu de réponse ni du ministre ni du rapporteur. Cela témoigne bien de leur refus délibéré de s'expliquer. En première lecture, ils nous avaient habitués à une autre façon de faire. Je trouve ce glissement très regrettable et, à l'issue du vote sur la motion de renvoi en commission, je demanderai une suspension de séance afin de me concerter avec le président de mon groupe (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à propos du mépris que l'on manifeste envers une intervention aussi importante qu'une défense d'exception d'irrecevabilité. (Mêmes mouvements.)

M. René Dosière. Très bien !

M. André Chassaigne. Parmi les arguments très forts développés par mon collègue Augustin Bonrepaux, je retiens, pour ma part, trois raisons de renvoyer le texte en commission.

M. Ghislain Bray. Arrêtez votre cinéma !

M. André Chassaigne. Premièrement, l'autonomie financière et de gestion que vous prétendez assurer avec ce texte est fallacieuse. M. Bonrepaux a bien démontré, à la lumière de l'exemple des personnels TOS, à quel point les régions et les départements auront à supporter des charges beaucoup trop lourdes et perdront, en quelque sorte, leur liberté d'administration. Ces collectivités territoriales se verront déposséder de toute marge de manœuvre et devront réduire leurs dépenses à caractère social. Les modalités du transfert de compétences réduisant à néant leur autonomie de gestion, il convient de retourner en commission pour étudier ce problème.

Deuxièmement, et Augustin Bonrepaux l'a de nouveau souligné, pas plus hier que ce matin nous n'avons obtenu la moindre garantie en ce qui concerne la TIPP, et il est indispensable que nous en parlions en commission. La faible progression de cette taxe - 1 % par an sur dix ans -, la baisse programmée de son produit, démontrée, hier, par plusieurs intervenants, voire l'impossibilité de localiser son assiette et de faire varier ses taux, ou encore l'absence de simulation sur l'impact financier de ce transfert sur chaque collectivité, sont autant de questions qui restent sans réponses et doivent être étudiées en commission.

Troisièmement, enfin, la question de la réforme de la taxe professionnelle est très importante, comme je l'ai dit hier en défendant l'exception d'irrecevabilité. Sur ce point non plus, vous ne m'avez pas répondu. Quelles seront les conséquences pour les EPCI à taxe professionnelle unique et, globalement, pour toutes les intercommunalités ? Quel produit remplacera la taxe professionnelle, dont la suppression a été annoncée par le Président de la République ? Nous devons avoir un échange sur ce point en commission.

Voilà trois raisons fortes pour renvoyer le texte en commission. C'est pourquoi, pour notre part, nous voterons la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, il a été utile que le Gouvernement exprime son point de vue - on aurait aussi aimé entendre celui de la commission, mais son président vient seulement de nous rejoindre - avant que les explications de vote viennent conforter ou, à l'inverse, contredire les arguments de notre collègue Augustin Bonrepaux.

Le groupe socialiste votera évidemment la motion de renvoi en commission car nous constatons, nous qui sommes les représentants de la nation mais assurons aussi le lien avec les collectivités locales, que le débat qui s'engage n'apporte pas de réponses au moins sur trois problèmes présents à nos esprits : le revenu minimum d'insertion, l'allocation personnalisée d'autonomie et le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours. La plupart des intervenants de la discussion générale ont d'ailleurs abordé ces questions, notamment, tout à l'heure, M. Estrosi. Ce sont autant de preuves criantes de l'absence de relations de confiance entre l'État et les collectivités locales, surtout depuis deux ans, c'est-à-dire depuis que le gouvernement de M. Raffarin a pris en charge les affaires de l'État.

Prenons tout d'abord l'exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie. M. Estrosi, tout à l'heure, critiquait son collègue d'un département voisin, au prétexte que celui-ci avait augmenté les impôts pour faire face aux charges de l'APA.

M. Pascal Clément, président de la commission. M. Estrosi se contentait de constater !

M. Bernard Derosier. C'est pourtant compréhensible puisque les statistiques établies par le FFAPA, le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, font apparaître que le taux de la population âgée bénéficiant de l'allocation personnalisée d'autonomie atteint 13,1 % dans le département des Alpes-Maritimes, mais 17,2 % dans le département des Alpes-de-Haute-Provence et, monsieur le président Clément, 19,6 % dans le vôtre.

M. Pascal Clément, président de la commission. Voyez comme je suis à plaindre !

M. Bernard Derosier. Les situations sont donc différentes d'un département à l'autre,...

M. Michel Bouvard. Les compensations aussi !

M. Bernard Derosier. ...ce qui peut expliquer pourquoi l'État a dégagé des moyens globalement insuffisants. Le Gouvernement, par la voix des ministres chargés des affaires sociales et de l'intérieur, s'était pourtant engagé à tenir compte de la situation réelle à la fin de l'exercice 2002 pour affecter les moyens nécessaires aux départements. Mais il n'a pas respecté cet engagement ; il s'est assis dessus. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Le Mèner. Ben voyons !

M. Bernard Derosier. Il est vrai que l'alternance est intervenue en 2002.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Vous êtes gonflé !

M. Michel Bouvard. Le gouvernement Jospin ne compensait l'APA qu'à hauteur de 23 % !

M. Bernard Derosier. Le Gouvernement fait mine de n'être absolument pas touché par le résultat d'un scrutin récent dont on parle souvent. Or on constate qu'un certain nombre de départements concernés par l'APA - je n'aurai pas la cruauté de les énumérer ici - ont connu un changement de majorité.

À propos des services départementaux d'incendie et de secours,...

M. Michel Bouvard. Parlons-en !

M. Bernard Derosier. ...nous avons aussi entendu des contrevérités. C'est la loi de 1996, votée par la droite, qui est à l'origine de tout, monsieur Bouvard. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Non ! C'est la loi relative à la démocratie de proximité de 2002 !

M. Dino Cinieri. Absolument !

M. Bernard Derosier. Mais pas du tout ! Vous ne connaissez pas vos dossiers, monsieur Bouvard ! En 1996, M. Debré, alors ministre de l'intérieur, a départementalisé ces services sans les doter de moyens ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Heureusement, la loi de 2002 a précisé les responsabilités, et je constate d'ailleurs que, dans votre texte sur la sécurité civile, vous ne suggérez pas de revenir sur la départementalisation ; si elle est si néfaste, soyez logiques et proposez un autre système.

M. Richard Cazenave. On ne peut pas réparer tous vos dégâts d'un seul coup !

M. Bernard Derosier. Enfin, c'est tout de même votre gouvernement, monsieur le ministre, qui a réformé le revenu minimum d'insertion. Vous semblez vous satisfaire de l'affectation d'une part de la TIPP au financement du RMI. Mais vous n'avez pas répondu, tout à l'heure, à mon interrogation : en 2003 - je ne parle même pas de 2004 -, le produit de la TIPP a progressé de 1,4 % tandis que le nombre de RMIstes augmentait de 4,6 %. Comment faire pour compenser correctement cet écart ?

M. Richard Cazenave. Et vous, comment faisiez-vous lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Bernard Derosier. Et je ne parle pas de l'augmentation du nombre de RMIstes enregistrée depuis le 1er janvier 2004 : dans la plupart des départements, elle atteint environ 10 %.

Toutes ces raisons justifieraient que nous nous remettions au travail pour vérifier que vos propositions permettront d'apporter de vraies solutions aux préoccupations des collectivités locales.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Derosier. Je conclus, monsieur le président.

Peut-être le président de la commission des lois consentira-t-il à changer d'avis, puisqu'il a déjà été amené à le faire au sujet des collectivités locales. Aussi demandons-nous vraiment le renvoi en commission du projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe UDF.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission, pour deux raisons fondamentales.

Premièrement, M. le ministre l'a dit, le travail parlementaire n'a pas manqué. Voilà deux ans que, de concertation en examen parlementaire, les sujets fondamentaux du projet de loi organique, la définition des ressources et les modalités d'application des transferts sont analysés.

Deuxièmement, si M. Bonrepaux a prononcé une bonne intervention de discussion générale, il n'a aucunement justifié le renvoi en commission.

M. Augustin Bonrepaux. Approuvez-vous ce texte ?

Mme Anne-Marie Comparini. Cela dit, je ferai deux observations.

La première est impertinente. Nous avons tous remarqué que, sur les thèmes importants de la décentralisation, plus le temps passe, plus le contenu des dispositions se vide de sens et de vision, par frilosité ou incohérence. Il faut donc clore le dossier au plus vite. (Murmures.)

Je sens l'étonnement de certains.

M. René Dosière. C'est que vous n'êtes pas très gentille avec M. le ministre !

Mme Anne-Marie Comparini. Je donnerai un petit exemple : en 2002, les régions étaient « chefs de file » ; en octobre 2003, le Sénat, en première lecture, les désignait comme « responsables » ; en 2004, il les qualifie de « coordonnatrices », pas même de « responsables de la coordination ».

M. René Dosière. Entre-temps, il y a eu les élections régionales !

Mme Anne-Marie Comparini. Un texte législatif, monsieur Dosière, ne doit pas être conçu en fonction des résultats d'une élection mais pour les Français ;...

M. René Dosière. Dites-le plutôt à M. le ministre !

Mme Anne-Marie Comparini. ...il doit avoir du fond et du souffle.

Mon autre observation sera plus sérieuse. Notre collègue Charles de Courson présente un amendement qui permet d'échapper raisonnablement, je crois, à la conception limitative de l'autonomie des collectivités défendue par M. Geoffroy. Par conséquent, plus vite nous entrerons dans le débat, plus vite les uns et les autres pourront assumer leurs choix sur la définition des ressources propres et, de facto, sur la responsabilité des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

M. André Chassaigne. Pour un peu plus longtemps, s'il vous plaît !

M. le président. Cinq minutes suffiront.

M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, les membres de la commission des lois appartenant au groupe UMP auraient aimé que la séance soit suspendue à partir de midi moins le quart, afin de prendre part à un vote interne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Il fallait le dire plus tôt, monsieur le président de la commission !

M. le président. La suspension de séance qu'a demandée M. Chassaigne est de droit.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je me permettrai d'en demander une autre à midi moins le quart.

M. le président. D'accord.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi organique sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er A

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er A.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Au moment où débute la discussion des articles, je souhaiterais, monsieur le ministre, que celle-ci se situe à la hauteur qui sied à une loi organique et non à celle des propos de préaux que vous avez proférés, d'autant que vous êtes tout à fait capable de vous livrer à cet exercice.

La présente loi entendait fixer un ratio d'autonomie financière - pourquoi pas ? - mais, comme il ne peut pas être le même pour les communes, les départements et les régions, il fallait définir des catégories de collectivités territoriales. C'est ce à quoi tend l'article 1er.

Il a été décidé de ne faire qu'une catégorie de toutes les communes, donc de les traiter toutes de la même manière. Les statistiques nous faisant cruellement défaut - il faudra d'ailleurs que nous disposions d'éléments plus précis - je me suis livré moi-même à des calculs dont je reconnais qu'ils sont grossiers et inexacts, mais personne n'est en mesure de produire des calculs précis par taille de communes. Néanmoins, les écarts que je vais vous signaler restent significatifs, même s'ils sont sans doute inférieurs de 5 à 6 points à la réalité.

La France compte 36 679 communes. Il serait un peu rapide de n'attribuer qu'un degré d'autonomie financière pour toutes. Chiffre unique, chiffre inique, serais-je tenté de dire !

La ville de Paris aurait un ratio de ressources propres de 53 %, pour 2,5 millions d'habitants et des recettes dont le total s'élève à 5 milliards d'euros.

Les communes de moins de 500 habitants, qui sont au nombre de 21 079 et qui regroupent deux fois plus de population que Paris ont un budget global égal à celui de la capitale. Leur ratio d'autonomie financière serait de 29 %.

Pour les communes de moins de 10 000 habitants, ce taux serait de 38 % et pour celles de plus de 10 000 habitants, de 44 %.

Autrement dit, en optant pour un chiffre unique, on va traiter de la même manière la ville de Paris et une commune de moins de 250 habitants ! Cela n'a aucun sens !

M. Jean-Pierre Balligand. Cela peut même être dangereux !

M. René Dosière. Par ailleurs, on comprend aussi dans ces catégories l'outre-mer et en particulier la Polynésie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président de la commission des lois, vous connaissez bien ce territoire pour y être allé. Grâce au statut et au mode de scrutin que vous avez fait adopter, un changement historique s'y est produit : le roitelet a dû laisser la place à un démocrate !

M. Pascal Clément, président de la commission. Espérons-le !

M. René Dosière. Vous intégrez la Polynésie dans ce calcul du ratio d'autonomie financière. Or je rappelle qu'elle définit elle-même l'assiette et le taux de chacun de ses impôts et en perçoit intégralement le produit. Y a-t-il, en France, une collectivité territoriale qui dispose d'autant d'autonomie financière ? Pourquoi, dans ces conditions, lui calculer un ratio d'autonomie financière ?

M. Jean-Pierre Balligand. C'est la loi du plus grand nombre !

M. René Dosière. Oui, mais il faut respecter le statut.

Il faut l'avouer, nous ne parlons pas souvent de la Polynésie. Et notre collègue Béatrice Vernaudon, qui était présente tout à l'heure, dirait la même chose. On ne peut pas traiter la Polynésie, qui dispose d'un statut spécifique et d'une autonomie financière dont rêvent toutes les collectivités territoriales françaises, comme une commune de moins de 250 habitants. J'estime qu'il faut exclure la Polynésie de ce calcul qui n'a pour elle aucun sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Pascal Clément, président de la commission. Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance de quelques minutes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse. C'est de l'obstruction ! C'est scandaleux !

M. le président. Comme je l'ai fait pour le groupe socialiste et pour le groupe communiste, j'accorde au groupe UMP une suspension de séance de cinq minutes.

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je m'étonne de la façon dont sont organisés nos travaux.

J'ai demandé tout à l'heure une suspension de séance afin de permettre aux élus membres de la commission des finances de participer à la commission mixte paritaire qui se tenait ce matin. Si elle nous avait été accordée, monsieur le président, M. Pascal Clément aurait pu en profiter pour réunir ses amis et régler les problèmes qui les occupent. Je constate une attitude quelque peu partiale de la présidence envers l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous interdis de mettre en cause la présidence. J'ai accordé ce matin une suspension de séance de cinq minutes à votre groupe, puis au groupe communiste. Je traite équitablement tous les groupes.

Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Je m'étonne, une fois de plus, de l'organisation de nos travaux, ou plutôt de leur inorganisation.

Ce matin, il y a eu un télescopage entre les travaux d'une commission mixte paritaire sur un sujet important et la séance publique. Monsieur le président, vous avez repoussé la demande de notre collègue Augustin Bonrepaux de suspendre la séance le temps que se termine la réunion de cette CMP.

Tout à l'heure, vous avez accordé plusieurs suspensions de séance aux différents groupes afin qu'ils puissent se réunir avant d'entamer la discussion des articles. Et voilà que le président de la commission des lois, l'esprit totalement ailleurs, demande, en pleine discussion de l'article 1er A, une suspension de séance pour que les membres UMP de la commission des lois puissent désigner un vice-président ! On croit rêver !

Qui fixe l'ordre du jour ? L'UMP ou le Premier ministre ? Cela montre bien le manque de coordination de la part de la majorité et son total irrespect envers l'opposition. Cette session extraordinaire est de plus en plus ubuesque et elle est loin de se conformer à la tradition républicaine. Nous dénonçons la volonté du Premier ministre de passer en force sur des textes qui n'ont en réalité aucun caractère d'urgence et qui ne nécessitent pas que l'Assemblée nationale et le Sénat siègent jusqu'à la fin du mois de juillet.

Nous élevons donc la protestation la plus vive contre la façon dont se déroulent nos travaux et nous dénonçons le comportement de l'UMP, qui se croit ici chez elle et qui manque de respect envers le reste de l'Assemblée.

Je ne vois pas comment nous pourrions poursuivre ce débat, en l'absence du président de la commission des lois dont les compétences juridiques ont été saluées - un peu exagérément, selon moi - par le Président de la République lors de sa dernière intervention télévisée.

Je souhaiterais, monsieur le président, que la séance soit levée pour que nous tentions, les uns et les autres, de reprendre nos esprits. Cela nous permettrait de poursuivre cet après-midi l'examen de ce texte dans la sérénité.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.

Lors de mon intervention sur l'article 1erA, j'ai émis le souhait que notre débat se déroule de façon sereine et sérieuse, parce que nous avions des questions importantes à poser. J'ai d'ailleurs fait appel aux capacités du ministre pour traiter sérieusement ce dossier.

On ne peut pas traiter par le mépris un territoire dont l'autonomie vient d'être votée par la majorité de cette assemblée et s'interroger sur sa place dans ce débat. J'ai donc posé un certain nombre de questions à ce sujet. Or je n'ai pas obtenu de réponse et, à peine avais-je fini mon intervention, qu'il fallait suspendre !

Monsieur le président, nous ne pouvons pas débattre sérieusement de ce texte d'une façon aussi hachée. Il mérite une discussion soutenue et digne. Mais peut-être voulez-vous nous inciter à faire de l'obstruction, ce à quoi nous nous sommes refusé jusqu'à présent ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vois apparaître le rapporteur général du budget, qui n'a pas pu suivre, à son grand déplaisir, nos travaux ce matin alors qu'il est concerné au premier chef, parce qu'il participait à la commission mixte paritaire. Il est invraisemblable que le rapporteur général, qui était rapporteur pour avis en première lecture - sans, d'ailleurs, avoir été consulté en deuxième - ne puisse pas assister à la discussion d'un projet relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Comment voulez-vous nous faire croire, monsieur le ministre, que ce texte est sérieux et qu'il nécessite d'être examiné par tous les députés spécialistes de la question ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Dosière, vous vous égarez !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Le président de la commission des lois a demandé une suspension de séance, et c'est tout à fait son droit. Il fallait sans doute résoudre des problèmes urgents, ce que nous pouvons comprendre. Mais cela montre que notre demande de renvoi en commission était tout à fait justifiée. À la suite de cette nouvelle réunion, le président aurait pu discuter avec ses amis.

Nous ne sommes absolument pas responsables du fait que ce débat se déroule de façon aussi décousue. La plupart de ceux qui ont participé à la conférence des présidents, hier, savaient qu'un certain nombre de réunions étaient prévues ce matin, et notamment celle d'une commission mixte paritaire. Son président m'a dit que tout serait réglé en une demi-heure. Or cela a duré deux heures.

De même, le rapporteur général n'a pas pu assister à nos débats hier soir. Certes, nous le comprenons : il avait à préparer la réunion de la commission mixte paritaire. Et ce matin, il ne pouvait être dans l'hémicycle parce qu'il participait à la réunion de cette commission mixte.

Un texte relatif à l'autonomie financière des collectivités locales peut-il être sérieusement examiné en l'absence du rapporteur général qui est aussi rapporteur pour avis ?

M. Jean-Pierre Balligand. Non !

M. Augustin Bonrepaux. C'est pourtant cette organisation qu'on nous impose.

J'invite donc la majorité à se ressaisir. Le Gouvernement doit réfléchir davantage. Et, pour notre part, nous avons à revoir nos amendements. Je demande donc, monsieur le président, une suspension de séance d'une demi-heure.

M. le président. Monsieur Migaud, j'ai accordé ce matin des suspensions de séance pour faire suite aux différentes demandes, à M. le président de la commission des lois, comme à M. Chassaigne qui a souhaité réunir le groupe communiste.

Monsieur Dosière, vous vous plaignez que le ministre ne réponde pas à votre intervention sur l'article 1er A. Encore faudrait-il qu'on ait fini d'entendre tous les orateurs inscrits sur cet article. Écoutons les trois derniers orateurs. Je suspendrai la séance ensuite, si vous le souhaitez car la suspension est de droit, monsieur Bonrepaux, mais seulement pour cinq minutes. On peut aussi aller d'incident en incident...

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne cherchons pas les incidents, monsieur le président. Nous voulons délibérer sereinement sur ce texte. Et c'est précisément pour préparer nos amendements que nous demandons une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. Je vais suspendre la séance pour trois minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trois, est reprise à douze heures six.)

M. le président. La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous continuons d'entendre les orateurs inscrits sur l'article 1er A.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, permettez-moi, à mon tour et en ma qualité de maire d'une ville préfecture et de président de l'association des maires de la Creuse,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Félicitations !

M. Michel Vergnier. Si je donne cette précision c'est que cette association regroupe l'ensemble des maires de ce département, toutes tendances politiques confondues, de l'UMP au parti communiste en passant par l'UDF et le parti socialiste.

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est effectivement le principe de ce genre d'association !

M. Michel Vergnier. Par conséquent, je peux sereinement me présenter comme le porte-parole de l'association que je préside.

Monsieur le ministre, je partage bien sûr les propos tenus par mes collègues de l'opposition parlementaire. Je veux exprimer ici, une fois de plus, les craintes des élus d'un département rural. La Creuse, qui souffre déjà de beaucoup de handicaps structurels lourds, redoute que les choses n'empirent encore. Vous avez, et c'est votre droit, refusé l'ensemble des amendements que nous avions présentés et qui répondaient largement aux attentes des élus. Mais je crois que vous avez eu tort. Nous avons chacun des convictions et je comprends les vôtres. Au fond, j'aimerais même être celui qui se trompe car ce qui me préoccupe avant tout - et chacun ici partage ce sentiment - c'est le développement de nos territoires.

Mes doutes sont grands cependant. Ainsi, on voit les conséquences de la disparition des fonds FEDER. Hors sujet, allez-vous me dire. Eh bien non, car ce sont toutes les lignes concernant les développements des centres-villes et des centres-bourgs qui sont affectées ! Or ces fonds ont été récupérés pour compenser des budgets de l'État et les collectivités sont bel et bien privées de ces crédits. Cela ne peut que renforcer mes craintes.

Certes, les finances de l'État ne sont pas brillantes, je le sais, et il faut bien trouver de l'argent quelque part. Cela étant, la méthode que vous avez choisie, même si vous vous en défendez, n'est pas la bonne car il importe que, dans nos collectivités territoriales, nous puissions continuer à être les maîtres d'œuvre et les maîtres d'ouvrage de la politique que nous entendons conduire et dont nous sommes responsables devant la population qui nous a élus. Nous ne voulons pas diriger par délégation. Nous tenons à prendre toutes nos responsabilités.

Ma conviction, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité - j'ai le droit, moi aussi, d'avoir des convictions - est que vous vous trompez. Moins de ressources pour les collectivités territoriales - j'en fais hélas ! le pari -, cela signifie, je le sais pour être un homme de terrain, comme beaucoup ici, moins d'investissements, donc moins de travail pour les PME-PMI et pour nos artisans, et donc des suppressions d'emplois.

M. Jean-Pierre Balligand. Cela signifie aussi plus d'impôts !

M. Michel Vergnier. Disant cela, je ne cherche pas à polémiquer. J'exprime simplement mes convictions. Je comprends les vôtres même si je pense que vous avez tort. Et grâce au débat parlementaire, nous pouvons en discuter.

Monsieur le ministre, ne laissez pas payer aux autres ce que vous ne payez pas vous-même ! Si par malheur, l'avenir me donnait raison, les conséquences pour les collectivités locales seraient purement et simplement dramatiques.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je tiendrai sensiblement le même discours que Michel Vergnier et j'illustrerai mon propos de quelques exemples après les transferts déjà opérés en direction des conseils généraux.

Ainsi, dans mon département, l'Ardèche, la gestion pleine et totale du RMI a d'ores et déjà été transférée. Nous pensions, bien sûr, que ce transfert se ferait à recettes et dépenses équivalentes de façon à ne pas faire supporter une charge trop lourde aux petites collectivités territoriales. C'est comme cela d'ailleurs que vous aviez présenté les choses. Or nous constatons qu'il nous manque déjà 150 000 euros. Sans compensation complémentaire importante, nous serons donc, au terme de l'année, dans une situation extrêmement difficile qui nous contraindra à augmenter les impôts locaux.

S'agissant des personnels de l'équipement, dont le transfert est prévu dans quelques mois ou quelques années - nous attendons des précisions de votre part sur le calendrier -, nous constatons d'ores et déjà que les services publics de l'équipement ne remplacent pas tous les départs à la retraite. Or, à n'en pas douter, les organisations syndicales et les responsables de ces secteurs viendront ensuite quémander des personnels complémentaires auprès des collectivités territoriales.

Cela vaudra aussi pour les personnels techniques et ouvriers de services travaillant dans les collèges et les lycées. Et la pression sera particulièrement forte compte tenu de la proximité.

Bien sûr, tout cela aura un coût particulièrement élevé pour les petites collectivités locales. Je pense ici aux conseils généraux qui ont bien du mal à boucler leur budget chaque année. L'inquiétude est donc grande parmi leurs présidents, qu'ils soient dans l'opposition ou dans la majorité parlementaire.

Je voulais également vous poser une question, monsieur le ministre, à laquelle je n'ai pas encore reçu de réponse : une partie de ces personnels d'État transférés vers les collectivités territoriales a un statut particulier. L'État n'ayant pas de caisse de retraite à proprement parler, on peut parler, pour les fonctionnaires, de cotisations fictives en matière de liquidation des droits à pension. Lorsque ces fonctionnaires seront transférés vers une collectivité territoriale, dépendront-ils toujours des caisses de l'État ou seront-ils transférés vers les caisses propres aux collectivités locales, comme la CNRACL ?

Vous me répondrez peut-être que, dans un premier temps, il y aura deux statuts, mais qu'en sera-t-il demain ? Quand les collectivités territoriales recruteront des personnels, ils ne pourront pas conserver un statut de fonctionnaires de l'État. Vous le savez, les cotisations pour les personnels des collectivités territoriales croissent sans cesse et leurs cotisations, elles, ne sont pas fictives puisqu'elles sont d'environ 25 % plus élevées que les cotisations des fonctionnaires d'État.

Cela aura de fortes incidences sur les collectivités territoriales, mes chers collègues, qui auront bien du mal à trouver les moyens nécessaires pour répondre aux importantes demandes de certains secteurs d'activité. Dans le même temps apparaîtront des dépenses cachées, dont on ne mesure pas aujourd'hui la réalité et qui seront très lourdes de conséquences pour les collectivités territoriales. Nous attendons toujours les réponses du ministre à ces questions.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. L'article 1er A pose le problème de l'intercommunalité, et à ce titre il est d'une extrême importance. Je me limiterai à vous poser deux questions, monsieur le ministre.

Ma première question concerne les collectivités de l'intercommunalité. Comment leur autonomie sera-t-elle garantie puisqu'elle ne figure pas dans l'article 1er du projet de loi organique ?

Par ailleurs, nous sommes à la veille d'une réforme de la taxe professionnelle. Le rapport de M. Fouquet, dont nous avons pris connaissance, propose trois solutions dont la première est la suppression de la taxe professionnelle. Si cette première solution était retenue, par quel impôt serait remplacée la taxe ? On nous a expliqué à longueur de débat qu'aucun impôt d'État ne pourrait se substituer à la taxe professionnelle pour assurer les transferts. Cela veut dire qu'elle sera remplacée par une part de la TIPP. Est-ce là la nouvelle autonomie accordée aux collectivités locales ?

J'en viens à ma seconde question, monsieur le ministre.

Nous sommes habitués aux manipulations de M. Borloo, qui a pris l'habitude, pour financer ses projets, de prélever sur les autres budgets. L'année dernière, pour assurer le financement de son plan de rénovation des banlieues, il a prélevé une taxe sur les offices HLM de tous les départements, même des plus pauvres. Cela revient à faire de la péréquation à l'envers ! On taxe les départements les plus pauvres pour assurer le financement des banlieues.

Maintenant, monsieur le ministre, M. Borloo veut financer son plan de cohésion sociale en prélevant 120 millions sur la coopération. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre à la question que je vous ai déjà posée tout à l'heure. Vous nous avez indiqué votre souci de répondre à toutes nos questions. Celle-ci est importante et elle inquiète l'ensemble des élus et tous ceux qui ont des responsabilités en matière de coopération intercommunale : sur quels groupements le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale pourra-t-il effectuer ses prélèvements, et en fonction de quels critères ?

En matière de péréquation, nous sommes d'accord avec l'idée d'aider les communes en difficulté, surtout celles qui ont le plus de difficultés. Nous pourrions commencer par supprimer la DSU aux communes qui en bénéficient mais qui ne sont pas en difficulté. Je peux vous en citer une, située près du département de l'Ariège.

Nous sommes favorables à la péréquation, mais il faut qu'on nous dise quels sont les groupements qui subiront ce prélèvement. C'est une question qui suscite beaucoup d'inquiétude, car certains groupements, bien qu'ayant peu de moyens, engagent de gros travaux de développement.

Monsieur le président, mon intervention se limite à ces deux questions, auxquelles j'aimerais que M. le ministre réponde.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je serai bref, monsieur le président, car je ne voudrais pas évacuer les échanges qui auront lieu lors de l'examen des amendements.

Que nos collègues Michel Vergnier et Pascal Terrasse ne m'en veuillent pas, mais je leur ferai remarquer que leurs interventions étaient d'ordre général. Je ne reviendrai donc pas sur les thèmes qu'ils ont largement évoqués.

En revanche, les remarques formulées par M. Dosière et par M. Bonrepaux portent plus précisément sur l'article 1er, et nous les aborderons plus en détail à propos des amendements.

En ce qui concerne les catégories des collectivités retenues, je ferai encore une fois référence à l'article 72-2 de la Constitution, qui, dans son troisième alinéa, fait référence aux catégories. Compte tenu de cette définition, il a été jugé préférable de faire simple, en prenant les catégories de collectivités comme elles viennent à l'esprit : les communes et leurs groupements, monsieur Bonrepaux, les départements et enfin les régions. Nous aurons l'occasion d'en débattre car des amendements ont été déposés en ce sens. Les collectivités et les territoires d'outre-mer sont clairement mentionnés dans cet article, ce qui correspond à la logique de la République qui veut que tous les territoires, qu'ils soient métropolitains ou d'outre-mer, soient inscrits dans un ensemble de règles communes.

Quant à l'intercommunalité, elle ne fait l'objet d'aucun mépris, et M. le ministre le dira mieux que moi. Mais personne ne peut ignorer que nous avons fait le choix, en toute transparence, de ne pas inscrire dans la Constitution l'intercommunalité comme une collectivité territoriale à part entière. Cela ne veut pas dire que l'intercommunalité ne figure pas dans la Constitution, puisque la notion « de chef de file » a été clairement reconnue.

M. René Dosière. Par exemple au niveau des régions !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous en trouverons des exemples dans le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.

La Constitution n'ayant pas donné à l'intercommunalité un statut de collectivité territoriale, il était impensable de la faire figurer à l'article 1er du texte en discussion, qui détermine les catégories de collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, je souhaite répondre à l'ensemble des intervenants.

Je voudrais tout d'abord remercier M. Vergnier pour la courtoisie de son intervention.

Monsieur Vergnier, j'ai bien entendu votre message. Votre inquiétude est tout à fait légitime et pourrait être exprimée par beaucoup d'autres élus. Il est normal, compte tenu de l'histoire de la décentralisation et des relations complexes entre l'État et les collectivités locales, que les uns et les autres expriment des inquiétudes pour l'avenir.

Je tiens à vous redire encore une fois que, si nous avons modifié la Constitution et élaboré cet outil qu'est la loi organique, c'est que nous voulons réellement lever toutes ces inquiétudes et répondre aux interrogations.

Concernant la compensation des transferts, je le répète car il ne faut pas hésiter, dans un tel domaine, à répéter les choses autant que de besoin, il s'agit bien d'une compensation à l'euro près - à l'euro près. Nous avons prévu une commission consultative d'évaluation des charges qui sera chargée d'évaluer les charges de manière impartiale pour que la compensation se fasse à l'euro près.

Nous sommes dans le même esprit que celui qui présidait, il y a vingt ans, à la mise en œuvre de la décentralisation, mais avec la volonté d'aller plus loin encore dans la précision. Deux ou trois précédents fâcheux, l'APA et les 35 heures, nous invitent à inscrire cette précision dans la Constitution.

J'ajoute un deuxième élément : ce ne sont pas des dotations que nous transférons pour réaliser la compensation, mais des impôts, dont la ressource est beaucoup plus dynamique, on le constate tous les jours !

M. André Chassaigne. Ils ne sont pas tous dynamiques !

M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas le cas de la TIPP !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Si, la TIPP comme la TCA !

M. Pascal Terrasse. Qui va l'augmenter, la TIPP ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous reparlerons de tout cela au cours de la deuxième lecture de la loi organisant les transferts de compétence.

Je voudrais évoquer un troisième élément. Comme d'autres, vous nous avez à plusieurs reprises fait part de votre crainte de voir augmenter la fiscalité locale.

Monsieur le député, notre objectif est très clair : si nous prévoyons un transfert à l'euro près, c'est pour que les collectivités n'aient pas à augmenter les impôts locaux.

M. André Chassaigne. Mais les dépenses ne sont pas figées, elles vont progresser !

M. Pascal Terrasse. Comme le nombre de RMIstes !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Laissez-moi vous répondre !

Il appartiendra par la suite à chaque collectivité locale d'appliquer le principe de la libre administration.

M. André Chassaigne. Elles n'auront plus de marge de manœuvre !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est dans cet esprit que nous travaillons et c'est le pari de la décentralisation.

Monsieur Terrasse, la compensation du RMI-RMA se fait naturellement sur des montants provisoires, pour des raisons évidentes puisque l'évaluation se base sur les sommes dépensées l'année précédente. Après notre évaluation bimensuelle, nous procédons à certains réajustements. Par exemple, dans le département de M. Bonrepaux, le taux de couverture du RMI-RMA est de l'ordre de 104 % des dépenses réellement effectuées, parce que nous nous sommes basés sur les chiffres de l'année dernière. Dans d'autres départements, la couverture est un peu inférieure à la réalité. C'est plutôt une bonne nouvelle pour vous, monsieur Bonrepaux !

M. Michel Piron. C'est un excellent exemple !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Les chiffres sont exacts ! Je les ai vérifiés !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas ce que me dit la CAF !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous voyez, monsieur Bonrepaux, il est préférable de s'adresser directement au ministre, cela permet de connaître les taux de couverture réels.

M. Pascal Terrasse. Parlez-moi de l'Ardèche !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Avec un taux de couverture de 104 %, monsieur Bonrepaux, vous voyez que la décentralisation a du bon !

J'en reviens à la compensation. Une régularisation sera effectuée en fin d'année, à l'euro près bien entendu.

Quant au transfert des TOS, monsieur Terrasse, un cadre d'emplois devra être créé, comme vous le souhaitez, mais l'existence du droit d'option, s'il existe pour les fonctionnaires d'État, ne peut exister pour les fonctionnaires des collectivités locales.

M. Pascal Terrasse. Ah !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Terrasse, il va de soi que des fonctionnaires territoriaux embauchés par une collectivité locale n'auront pas le droit de redevenir fonctionnaires d'État, puisqu'ils ne l'auront jamais été. Nous avons sur ce point la volonté d'être cohérents.

En revanche, je le redis très solennellement devant vous et nous aurons l'occasion de le répéter au cours de la deuxième lecture du projet de loi de décentralisation, toutes les garanties que nous sommes en mesure de donner ont été données. J'ai reçu l'ensemble des syndicats représentatifs des personnels TOS. Je tiens à votre disposition le mémorandum que je leur adresserai d'ici à quelques jours et qui répond en une cinquantaine de points à toutes les questions que se posent ces personnels.

M. Dosière s'est lui aussi inquiété des problèmes liés à la catégorisation des collectivités locales. Nous en avons longuement discuté en première lecture et je suis heureux de le redire à l'occasion de la deuxième lecture, après Guy Geoffroy qui l'a fait avec beaucoup de compétence : il faut, dans la vie, faire des choix. Nous, nous avons choisi la simplicité et le pragmatisme, considérant comme logique la présentation de trois catégories de collectivités locales. C'est la définition la plus simple et la plus large possible pour ne pas multiplier le nombre de catégories, ce qui rendrait les calculs difficiles à effectuer. Comme toutes les formules, celle-ci a des avantages et des inconvénients. Si nous en avions retenu une autre, sans doute auriez-vous émis les critiques inverses. Ainsi va la démocratie.

Nous assumons notre choix. Je vous demande simplement de comprendre que nous avions quelques arguments valables. J'ai entendu vos objections. De toute façon, rien n'est jamais inscrit dans le marbre. Nous verrons dans cinq ans, dans dix ans ou dans quinze ans où en sera cette décentralisation.

M. René Dosière. Nous aurons corrigé tout cela avant !

M. le ministre délégué à l'intérieur. N'allez pas trop vite en besogne ! Je suis persuadé qu'au fond de vous-même, vous vous dites : « Si nous nous opposons à ce gouvernement, ce qui est normal puisque nous sommes dans l'opposition, nous devons reconnaître qu'il nous a rendu service en réglant les problèmes que nous n'avions pas réglés nous-mêmes ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Absolument !

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux. Nos collègues de la majorité n'y croient pas non plus !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je suis convaincu que, sur des sujets comme les retraites, l'assurance maladie ou la sécurité de nos concitoyens, vous vous dites au fond de vous-mêmes : « On s'oppose avec force, mais quel bonheur, la majorité a réglé ces problèmes » !

Enfin, pour terminer, je voudrais rassurer M. Bonrepaux.

Je sais que vous n'étiez pas inquiet outre mesure, monsieur Bonrepaux, mais je vous confirme que nous n'avons pas l'intention d'ignorer l'importance des EPCI. Cela n'aurait aucun sens. Nous nous inscrivons dans un mouvement, que vous avez vous-même encouragé, en faveur de l'intercommunalité. Il ne doit pas y avoir la moindre ambiguïté sur ce point. Toutefois, je vous l'accorde, nous n'avons pas choisi de faire des EPCI des collectivités territoriales à part entière. Dans un souci de cohérence, nous avons préféré le faire pour les communes.

Vous avez évoqué la taxe professionnelle. Je vous renvoie à la réforme qui est actuellement à l'étude. La commission Fouquet rendra son rapport en novembre et nous aurons alors l'occasion d'en débattre.

Sur la DSU, je voudrais lever toute ambiguïté : il n'est pas question d'effectuer des prélèvements sur la DGF des EPCI en particulier. Rien n'est encore finalisé, mais nous réfléchissons à une augmentation de la DGF dans son ensemble, pas pour les EPCI en particulier. Le chiffre de 120 millions d'euros que vous avez évoqué n'est qu'un objectif. Cette question est au cœur de nos réflexions et les débats sont ouverts. Nous écouterons avec beaucoup d'attention les propositions émanant de tous les bancs de cet hémicycle.

J'en ai terminé. Comme vous le constatez, j'ai pris le temps nécessaire pour répondre dans le détail à toutes vos questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. L'examen de l'article 1er me donne l'occasion de prolonger le débat entamé avec la commission et le ministre s'agissant des catégories de collectivités territoriales.

Vous qui n'avez à la bouche que la Constitution, monsieur le rapporteur, vous devriez vous reporter, non pas à son article 72-2, mais à son article 72, qui ouvre le titre XII consacré aux collectivités territoriales. En effet c'est dans cet article, et non à l'article 72-2, que le constituant énumère les différentes catégories de collectivités territoriales, communes, départements, régions, collectivités d'outre-mer et collectivités à statut particulier. Alors que la Constitution, qui semble être votre bible, dresse déjà la liste des collectivités territoriales, pourquoi en ajouter une autre ? Soyez au moins logique, et reprenez les catégories énumérées dans la Constitution, qui sont d'ailleurs au nombre de cinq, et non de trois.

En outre, comme je vous l'ai déjà signalé, cette liste constitue en elle-même un véritable non-sens : toutes les collectivités territoriales de France rêvent de bénéficier de la même autonomie financière que la Polynésie. Ce territoire perçoit lui-même la TVA, dont le taux normal est de 16 %, le taux réduit de 6 %, et celui qui s'applique aux prestations de service de 10 %. Les droits de douane sont également perçus par lui, et leur assiette est fixée par la collectivité territoriale. Il en est de même pour les impôts sur les bénéfices des sociétés - il y en a, même s'ils ne sont pas très élevés. Quant à l'impôt sur le revenu, il n'y en a pas là-bas, c'est un territoire quelque peu privilégié de ce point de vue. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les retraités s'y installent, au grand dam de Gilles Carrez, notre rapporteur général, le montant de leurs pensions de retraite finissant par être le double de ce qu'il serait en métropole.

M. Pascal Clément, président de la commission. Y penseriez-vous pour vous-même ?

M. René Dosière. Cela ne concerne pas la retraite des parlementaires, monsieur le président de la commission des lois !

Les ressources fiscales de la Polynésie représentent donc 83 % de son budget : sur un budget de 98 milliards de francs CFP - soit environ 820 millions d'euros - les recettes fiscales représentent 81 milliards de francs CFP, c'est-à-dire 680 millions d'euros. Ainsi, 83 % des recettes totales de la Polynésie sont donc des recettes fiscales. Que voulez-vous faire de plus en matière d'autonomie financière de la Polynésie ? Il n'y a rien à changer, sauf à diminuer son autonomie financière. Vous voyez donc qu'appliquer ce ratio à la Polynésie n'a aucun sens.

Ce simple exemple suffit à démontrer qu'en voulant simplifier, vous arrivez à un non-sens. C'est pourquoi je vous dis qu'il faut aller plus loin.

À l'appui de mon argumentation, je vous ai apporté, à l'occasion de cette deuxième lecture, des éléments nouveaux touchant le calcul de l'autonomie financière des collectivités selon leur taille, dont je ne disposais pas lors de la première lecture. Ils montrent que les écarts sont tels selon les collectivités que proposer un chiffre moyen n'a aucune signification. S'agissant de la Polynésie en particulier, je n'avais pas pu vous fournir alors ces éléments d'information, que je compléterai encore au fil de la discussion. Il est probable qu'après cela tous nos collègues souhaiteront que leurs collectivités disposent de la même autonomie financière, surtout lorsqu'on sait que les Polynésiens fixent eux-mêmes les taux de leur fiscalité !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais d'abord, monsieur le ministre, vous remercier de vos réponses, même si elles sont incomplètes. J'ajouterai rapidement une ou deux remarques.

En ce qui concerne d'abord la taxe professionnelle, la commission Fouquet a retenu comme première hypothèse celle de sa suppression. J'attire votre attention sur le fait qu'une telle solution interdirait toute coopération intercommunale.

Quant aux autres propositions, elles peuvent être étudiées, notamment celle qui a fait l'objet de plusieurs de nos amendements et d'une de nos propositions de loi : je veux parler du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Je demande donc au Gouvernement de réfléchir à cette hypothèse.

Ensuite, monsieur le ministre, vous ne me rassurez qu'à moitié quand vous nous affirmez que le plan de cohésion sociale ne sera pas financé uniquement par un prélèvement sur le budget intercommunal, et que ce point sera examiné dans le cadre de la réforme de la DGF. C'est l'ensemble qu'il faut réexaminer, afin de tenir compte des ressources exactes des collectivités locales. Je pourrais citer un certain nombre de communes qui ne devraient pas bénéficier d'une DSU parce qu'elles ont les moyens de faire face à leurs charges sans cette nouvelle dotation ; ces sommes pourraient être en conséquence transférées au budget des communes les plus en difficulté. C'est ainsi qu'on doit concevoir la péréquation.

Vous devez au moins veiller à ne pas pénaliser le développement de la coopération intercommunale. Elle est encore loin en effet d'avoir atteint son plein épanouissement, et il faut continuer à l'encourager, jusqu'à ce qu'elle couvre tout le territoire.

Je tenais en tout cas à vous remercier d'avoir répondu, même partiellement, à nos questions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre, je pense que nous devons nous montrer prudents dans cette affaire, en particulier concernant la compensation à l'euro près. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors que nous aborderons, demain probablement, le texte relatif aux libertés et aux responsabilités locales. Nous disposons désormais d'exemples concrets, puisque les régions ont pu chiffrer vos propositions. Ainsi, s'agissant des transferts de personnels, il n'y aura pas, de toute évidence, de compensation intégrale.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Mais si !

M. Jean-Pierre Balligand. Mais non ! Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-même tout à l'heure. Tout le monde sait que les créations de postes budgétaires correspondent à des effectifs théoriques. Ainsi, le lycée agricole dont, comme beaucoup de nos collègues, je préside le conseil d'administration, est depuis longtemps contraint de pallier l'absence de personnels d'encadrement, du fait de l'insuffisance de la dotation qu'il reçoit du ministère de l'agriculture, en procédant lui-même au recrutement, par délégation du conseil régional, même s'il s'agit de postes autorisés par le ministère. Or ce type de recrutement ne sera pas compensé. Je vous donnerai tout à l'heure des chiffres, sur lesquels s'accordent l'Association des régions de France et l'Institut de la décentralisation : si vous croyez que vous compenserez les transferts à un euro près, vous risquez d'être un peu surpris !

En toute sincérité, je ne suis pas de ceux qui cherchent à vous faire de faux procès sur cette affaire. Je fais partie de ceux qui se battent pour la décentralisation, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je vous en donne acte, monsieur Balligand !

M. Jean-Pierre Balligand. Je considère simplement que toute amélioration du service public entraîne un surcoût. Ainsi, quand nous avons décidé, dans le cadre des lois Defferre-Mauroy de 1982-1983, que la construction des collèges relèverait désormais des départements et celle des lycées des régions, cela a coûté beaucoup plus cher aux collectivités. Mais entre nous, vingt ans plus tard, il n'y a pas photo entre ce que faisait l'État en la matière, et ce que nous avons accompli. Certes, c'est nous qui sommes aujourd'hui à la tête d'une majorité des régions et des départements, mais il faut bien reconnaître que le résultat était meilleur en ce domaine même quand la majorité était différente.

Il faut jouer franc jeu : il n'y aura pas de compensation à l'euro près. D'autant moins qu'il ne s'agissait là que de d'investissements, et que le vrai problème - j'en reparlerai demain - est celui des budgets de fonctionnement, des salaires et des charges.

Comme je le faisais remarquer il y a déjà quelque temps à M. Raffarin, l'acte II de la décentralisation sera plus difficile que l'acte I, parce qu'il y a désormais des lobbies à affronter et des prés carrés à remettre en cause.

Vous devez d'autant plus vous montrer prudent dans vos déclarations qu'elles risquent de vous revenir en boomerang dans deux ans. On verra alors que les charges des collectivités se seront aggravées. L'essentiel est de veiller à ne pas faire exploser la fiscalité locale et à ne pas créer de l'insécurité financière. Mais tel sera malheureusement l'effet de votre texte.

Nous nourrissons aussi de vraies inquiétudes quant aux différentes catégories de collectivités. René Dosière vous en a fait part s'agissant des communes rurales ; je vous parlerai, pour ma part, des groupements de communes. Je suis tout aussi inquiet qu'Augustin Bonrepaux pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération, en particulier en ce qui concerne la TPU.

Vous avez affirmé tout à l'heure, monsieur le ministre - et je finirai sur ce point - qu'il n'y aurait pas de diminution des dotations, à propos de la DSU. Cela signifie-t-il qu'elle sera prélevée sur le montant global de la DGF ? Cela n'a pas de sens !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Jean-Pierre Balligand. J'aimerais dans ce cas que vous profitiez de la discussion des amendements pour nous éclairer sur ce point. Il faudra quand même nous expliquer comment le « camembert » pourra rester le même alors que le nombre des groupements augmente. Touchera-t-on alors aux dotations forfaitaires des communes ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je n'ai rien dit de tel !

M. Jean-Pierre Balligand. Expliquez-vous alors ! Même s'il s'agit là de questions un peu techniques, elles appellent des explications de votre part. Faute de quoi, les prochains examens de lois de finances seront rudes sur tous ces bancs.

C'est pourquoi je ne vous demande qu'une chose, monsieur le ministre : qu'à l'occasion de l'examen des amendements, vous nous explicitiez le contenu exact de ce que vous venez de nous dire.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ordre du jour
des prochaines sÉances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, n° 1638, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales :

Rapport, n° 1674, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1711, relatif aux libertés et responsabilités locales :

Rapport, n° 1733, de M. Alain Gest, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot