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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 3 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 2 octobre 2003


SOMMAIRE
présidence de m. jean le garrec

1.  Politique de santé publique. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Gérard Bapt,
Jean-Luc Préel,
Mme
Jacqueline Fraysse,
MM.
Bertho Audifax,
Jean-Marie Le Guen,
Denis Jacquat,
Mme
Muguette Jacquaint,
M.
Yves Bur,
Mme
Martine Billard,
MM.
Jacques Domergue,
Pierre-Louis Fagniez,
Paul-Henri Cugnenc,
Jacques Le Guen,
Mme
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 408 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, rapporteur ; le ministre. - Rejet.
Amendement n° 407 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 349 de M. Evin : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 1er «...»

MM. Jean-Luc Préel, René Couanau, Jean-Marie Le Guen, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Maxime Gremetz, le ministre.
Amendement n° 471 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre, Jean-Marie Le Guen. - Rejet.
Amendement n° 231 de Mme Greff : Mme Claude Greff, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
MM. Maxime Gremetz, le président.
Amendement n° 320 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 423 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 321 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 322 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 232 de Mme Greff : Mme Claude Greff, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 323 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 324 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 233 de Mme Greff : Mme Claude Greff, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 234 de Mme Greff : Mme Claude Greff, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 16 corrigé de la commission des affaires culturelles, 325 de M. Le Guen et 522 de M. Le Déaut : MM. le rapporteur, Jean-Marie Le Guen, le ministre, Maxime Gremetz. - Adoption.
Amendement n° 410 de M. Gorce : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Retrait des amendements n°s 410 et 409 de M. Gorce.
Amendement n° 316 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 496 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 411 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 17 de la commission : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 348 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 424 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 497 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 326 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 425 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 18 de la commission, avec le sous-amendement n° 394 de Mme Billard, et amendement n° 498 de M. Préel : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Marie Le Guen, Jean-Luc Préel. - Retrait de l'amendement n° 498.
M. Maxime Gremetz, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet du sous-amendement n° 394 ; adoption de l'amendement n° 18.
Les amendements n°s 426 et 427 de M. Préel n'ont plus d'objet.
Amendement n° 317 de M. Le Guen : M. Jean-Marie Le Guen.
Amendement n° 318 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 317 et 318.
Amendement n° 319 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 327 de M. Le Guen : M. Jean-Marie Le Guen. - Retrait.
Amendement n° 499 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre, Jean-Marie Le Guen, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 328 de M. Le Guen : M. Jean-Marie Le Guen. - Retrait.
Amendement n° 172 de Mme Fraysse : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Jean-Marie Le Guen. - Rejet.
Amendements n° 19 de la commission et 428 corrigé de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 19 ; l'amendement n° 428 corrigé n'a plus d'objet.
Amendements n°s 330 de M. Le Guen et 500 de M. Préel : MM. Jean-Marie Le Guen, Jean-Luc Préel, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 330 ; rejet de l'amendement n° 500.
Amendement n° 329 de M. Le Guen : M. Jean-Marie Le Guen. - Retrait.
Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 314 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 315 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.
2.  Dépôt de propositions de résolution «...».
3.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la politique de la santé publique (n°s 877, 1092).
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé qu'il n'y aurait pas de séance ce soir, mais une séance prolongée cet après-midi, jusqu'aux environs de vingt heures trente, afin que nous puissions avancer dans l'examen de ce texte important et difficile. M. le ministre de la santé, bien entendu, en était informé.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Bapt, premier orateur inscrit.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, je souhaite aborder deux points au cours de cette intervention : d'une part - car nous parlons de santé publique - les conséquences à tirer de la crise sanitaire liée à la canicule de cet été et, d'autre part, le « plan cancer ».
    Ce matin, lors des explications de vote sur la question préalable de Mme Génisson, j'ai souligné l'inopportunité, non pas de débattre de la santé publique - un tel débat était déjà nécessaire au printemps dernier lorsque vous avez présenté ce projet de loi en conseil des ministres, il l'est encore plus depuis cet été -, mais d'en débattre dans cet hémicycle dès le 2 octobre. En effet, toutes les conséquences du nécessaire diagnostic qu'il convient d'établir après la crise sanitaire de cet été sont loin d'être tirées - les données épidémiologiques, notamment, ne sont pas toutes analysées - et la dimension de l'évaluation, non seulement de cette crise, mais aussi des actions pluri-annuelles lancées par vos prédécesseurs en fonction d'objectifs de santé publique n'est pratiquement pas prise en compte pour réformer notre système de santé publique dans le sens de cette plus grande efficacité que vous affirmez rechercher.
    Concernant, d'abord, la crise sanitaire lié à la canicule, il faut, monsieur le ministre, lancer une grande consultation décentralisée, au plus près des acteurs de terrain. Je complète ainsi ce qu'a excellemment dit ce matin Mme Génisson. En effet, je sais comment cette crise a été vécue à Toulouse et il me semble que, grâce à leur expérience concrète, les acteurs de terrain peuvent nous aider à tirer des enseignements qui ne se limitent pas aux considérations d'ordre général et central que peuvent fournir des missions ou des expertises.
    La mission d'enquête que j'ai menée avec deux de nos anciens collègues, Mme Yvette Benayoun-Nakache et le professeur Lareng, a confirmé les conclusions de la mission Lalande, à savoir un extraordinaire cloisonnement. Celui-ci se retrouve non seulement au niveau interministériel, entre certaines directions de votre ministère, mais aussi sur le terrain, entre différentes administrations. A cet égard, il est particulièrement significatif que les CIRE, les cellules interrégionales d'épidémiologie, se soient trouvées totalement hors circuit.
    A Toulouse, j'ai rencontré six agents - trois dépendent directement de votre ministère, les trois autres de l'INVS - de très haut niveau, puisqu'ils sont médecins, sociologues, épidémiologistes, ingénieurs. Or, avant l'enquête lancée au plan central par l'INVS, à votre demande, à aucun moment ils n'ont été sollicités sur les aspects de cette crise sanitaire. Pourtant, ils ont des mesures extrêmement simples à proposer ne serait-ce que la création d'une connexion informatique entre les services d'admission des urgences de manière que les alertes soient instantanées.
    D'autres propositions concrètes émanent d'un secteur qui a pu être mis en accusation, et ce injustement, en particulier dans l'agglomération toulousaine. Je veux parler de la médecine de ville. En effet, ce secteur gère actuellement un dispositif de surveillance de la grippe, le GROG - groupement régional d'observation de la grippe - qui associe des médecins généralistes et des pédiatres sept mois par an. Il serait simple et peu coûteux de le faire fonctionner douze mois par an et d'y inclure les gériatres et les médecins coordonnateurs des maisons de retraite en l'étendant à l'ensemble des événements sanitaires susceptibles de bouleverser l'activité libérale.
    Ainsi, plusieurs propositions concrètes, inspirées par la façon dont la difficulté a pu être ressentie sur le terrain au mois d'août dernier, peuvent être faites. Je vous les transmets, monsieur le ministre. Elles résultent des enseignements que nous avons tirés de cette crise dans la région toulousaine, alors même que Toulouse ne figure pas parmi les agglomérations les plus concernées par ce drame.
    S'agissant du « plan cancer », bien entendu, monsieur le ministre, la lutte contre le cancer est une priorité légitime et exemplaire pour la santé publique, ainsi que tous les chiffres le montrent.
    Nous insistons sur le fait que la lutte contre le cancer doit passer par une lutte contre les inégalités sociales. En effet, l'étude du développement des cancers dans la population française démontre l'importance des inégalités sociales face à la maladie, notamment face au cancer. Il faut donc lutter contre ces inégalités dans le domaine de la santé en général, et du cancer en particulier, qu'il s'agisse des modes de vie, des risques professionnels, de l'environnement et de l'accès à la prévention et aux soins.
    J'ai écrit, en ma qualité de rapporteur du budget du ministère de la santé, aux différents directeurs d'ARH de France, qui, en plein mois d'août, se sont mobilisés - beaucoup mieux, d'ailleurs, que les préfets auxquels j'avais écrit, au mois de mai, au sujet d'un plan consacré aux handicapés - et m'ont répondu de manière très circonstanciée, notamment le directeur de l'agence de la région Nord - Pas-de-Calais. Cette dernière paie un lourd tribut au cancer, qui dispute la première place, dans les causes de mortalité, aux maladies cardio-vasculaires, avec des taux d'incidence qui placent parfois la région au niveau des records internationaux. C'est notamment le cas des cancers des voies aérodigestives supérieures, pour lesquels la région figure parmi les zones les plus touchées, avec des disparités infrarégionales considérables en termes de mortalité. La surmortalité peut atteindre 30 à 40 % par rapport à la France, pour certains cancers. La région Nord - Pas-de-Calais est donc tristement exemplaire des efforts à réaliser dans ce domaine. Or, on peut se demander ce qu'il en est du bilan des réseaux de cancérologie, lorsque l'on lit sous la plume du directeur de l'ARH : « Concernant les réseaux régionaux d'adultes, ils semblent se trouver dans une impasse. Pour le réseau "sein gynéco, les protocoles communs ont été revus trois fois et ont été diffusés ; les dossiers communs sont formalisés mais non remplis, leur utilité est remise en cause ; les audits sont prévus mais il n'y a pas de crédits pour financer car le réseau n'a pas de réel statut juridique. » Il en est de même en ce qui concerne le réseau des cancers des voies aériennes supérieures. Pourtant, des crédits assez considérables ont été engagés dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens de la région Nord - Pas-de-Calais concernant la lutte contre le cancer puisqu'ils s'élèvent à 216 000 euros en 1999, 1,1 million en 2000, 2,4 millions en 2001. Or, à mi-étape, on constate un certain découragement. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je pense que l'évaluation des actions engagées préalablement est tout à fait nécessaire.
    Cela dit, votre plan cancer présente, bien entendu, des aspects positifs. Cette démarche est nécessaire et elle correspond à une priorité du Président de la République à laquelle nous adhérons. De même, vous mettez en oeuvre une approche pluridisciplinaire favorable à la modernisation de notre système de santé. Comme le sida avant lui, le cancer n'est plus envisagé seulement comme une pathologie, mais aussi comme un problème de santé, impliquant l'existence d'un malade et de son entourage familial et social. Le rééquilibrage en faveur de la prévention est également un élément positif, les objectifs quantifiés constituent une méthodologie intéressante et le développement de la recherche en contact avec la clinique et la thérapeutique doit permettre une plus grande efficacité.
    Toutefois, monsieur le ministre, nous ne pratiquerions pas une opposition constructive et critique, si nous n'exprimions pas un certain nombre de regrets concernant la démarche et la réalité des financements de ce plan.
    D'abord, comme l'ensemble de votre loi, ce plan se caractérise par un déficit regrettable de délibérations scientifiques et démocratiques. Nous l'avons déjà constaté auprès des acteurs que nous avons auditionnés au cours de l'été. Les associations de malades ont même été amenées à protester pour être entendues.
    Ensuite, ce plan fait l'impasse sur le bilan des politiques passées de lutte contre le cancer. Certes, le projet est bon, mais il n'est pas parfaitement original par rapport aux démarches engagées par vos prédécesseurs.
    Surtout, le plan cancer ne doit pas être un plan Nixon. Décidé au début des années soixante-dix, ce plan avait permis d'allouer des crédits exceptionnels et de mettre sur pied un réseau de centres anticancéreux dont l'objectif était d'éradiquer le cancer en vingt ans. Il avait suscité de nombreuses retombées dans les domaines médicaux et biologiques voisins de la cancérologie, mais sans avoir d'impact sur le contrôle des cancers, ne provoquant à court et moyen terme qu'une faible diminution de la mortalité parce qu'il n'avait pas envisagé le problème dans sa globalité, notamment en termes de prévention et en termes sociaux.
    Le plan cancer oublie aussi que la lutte contre le cancer ne date pas d'aujourd'hui. Il y a eu la loi Evin. Quant aux politiques de lutte contre le cancer menées en 1998 et en 2001, elles reposaient déjà sur une approche globalisante. La prise de parole des personnes malades dans les états généraux de la santé constitue également un moment important pour la reconnaissance de cette maladie. A cet égard, il est dommage que votre plan ne réédite pas cette mobilisation. Le décloisonnement et la complémentarité entre les secteurs publics et privés ont commencé à travers les réseaux de soins. Encore faudrait-il les évaluer aujourd'hui.
    Reprenant une critique générale adressée ce matin à votre projet de loi, j'ajouterai que votre approche paraît trop exclusivement nationale, peu ouverte sur la dimension européenne malgré la proposition positive de créer une agence européenne du cancer.
    En outre, il faudrait sans doute s'interroger sur le bouleversement que représentent les avancées de la génétique, notamment en ce qui concerne le génome.
    Reste le problème du financement. Nous ne possédons pas de budget ni même de comptabilité précise des dépenses engagées par l'Etat et, surtout, par la sécurité sociale en matière de lutte contre le cancer. Je me heurte là à une difficulté, moi qui suis rapporteur de votre budget mais qui n'ai pas compétence sur le budget de la sécurité sociale. A cet égard, je pense qu'une mission d'information ou bien un parlementaire en mission pourraient utilement produire une vue d'ensemble sur ce sujet. J'ajoute que la volonté d'augmenter les crédits de la recherche contre le cancer n'est pas cohérente avec la diminution de 30 % sur dix-huit mois du budget de la recherche.
    Enfin, nous nous interrogeons - et nous ne sommes pas les seuls - sur l'Institut national du cancer dont le projet de création est présenté sans que cette structure ait fait l'objet d'une demande ou d'une réflexion collective. Dès lors, on peut se demander quelles sont les raisons qui ont justifié une telle initiative, quelle est sa nécessité et quelles conséquences aura cette décision sur l'ensemble de nos dispositifs de recherche. Plutôt que de créer une nouvelle institution, il est important de faire travailler les gens ensemble, c'est-à-dire de décloisonner.
    Nous proposons donc un certain nombre de mesures susceptibles d'améliorer votre plan et nous comptons les porter au cours des mois qui viennent.
    Tout d'abord, il convient de subordonner le financement à un processus d'évaluation. Nous proposons qu'en matière de soins, de dépistage, de prévention ou de recherche, aucun moyen financier ne soit engagé sans une évaluation préalable et la publication des résultats de cette évaluation. Celle-ci devrait également être élargie à la qualité du suivi et de l'orientation des malades. Il faut tirer les conséquences des erreurs du passé, car le financement de dépistages a trop souvent été confié à des structures insuffisamment professionnelles, ce qui pouvait même entraîner un effet d'aubaine. Il faut donc privilégier la qualité, assurer l'évaluation et rendre publics ses résultats.
    S'agissant, ensuite, de la chirurgie du cancer, un agrément préalable est nécessaire. Il faut dire clairement que, dorénavant, cette chirurgie ne sera plus pratiquée que dans le cadre de services de chirurgie bénéficiant d'une autorisation spécifique et préalable à toute intervention. Il est scandaleux que, selon une étude réalisée dans la région PACA et publiée dans un journal médical, 50 % des interventions chirurgicales en matière de cancer du sein se fassent hors protocole de bonne conduite.
    Nous proposons également un dépistage de qualité. Après plusieurs années d'expérience, notamment en ce qui concerne le cancer du sein, on ne peut plus se limiter à des objectifs quantitatifs. Il faut avoir une exigence qualitative et, par exemple, être très attentif à toutes ces femmes qui ne répondent pas spontanément à une invitation à se faire dépister ou à celles qui, après un dépistage positif, ne s'inscrivent pas dans une stratégie de soins adaptés.
    Il faut également construire une politique de prévention solide, afin d'éviter les discriminations. Pour cela, il convient d'accentuer la lutte contre le cancer auprès des populations les plus fragilisées, en particulier par l'intermédiaire des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies : les PRAPS.
    Par ailleurs, la diminution du nombre de cancers doit passer en priorité par une lutte contre les maladies professionnelles. Aussi proposons-nous, monsieur le ministre, la mise en place d'un indicateur des risques professionnels et d'une agence nationale de la santé au travail, afin de développer la mesure des risques professionnels et leur prévention. A cet égard, après l'épidémie des cancers liés à l'amiante, un certain nombre de chiffres concernant l'évolution des maladies professionnelles au cours des dernières années ne laisse pas de nous inquiéter. Il faut donc obligatoirement mener une réflexion sur la nécessité de lier la médecine du travail à la politique de santé. Un financement complémentaire des employeurs devrait d'ailleurs être envisagé, puisque 10 % des cancers sont induits par des expositions professionnelles à des agents cancérigènes.
    Il convient également de développer les réseaux de soins, afin de lutter contre les disparités actuelles dans la prise en charge des malades du cancer selon les régions, mieux coordonner les soins locaux et les soins spécialisés et mieux combiner qualité et proximité. Sans doute faudrait-il, à cet égard évaluer la façon dont les recommandations de l'instruction de 1998 concernant le réseau cancer - notamment l'intégration de la notion de médecin référent et coordonnateur entre les soins de ville et l'hôpital - ont pu aboutir à des résultats concrets.
    A titre d'exemple, je veux vous citer la réponse du directeur de l'ARH de Midi-Pyrénées, même si cette région est beaucoup moins touchée par le cancer, malgré le vieillissement de sa population, que celle de Mme Génisson. La région Midi-Pyrénées a promu un réseau régional en cancérologie, l'ONCOMIP. Celui-ci a été mis en place à l'initiative de l'ARH en 1999 et a fait l'objet, en août 2003, d'un bilan d'étape.
    Force est de constater que ce bilan est décevant et pose la question d'une réflexion en profondeur sur les orientations à donner à une démarche dont le bien-fondé reste évident. Plusieurs éléments concourent aujourd'hui à entraver le développement normal du réseau : les réticences persistantes de certains acteurs à mettre en commun leurs activités de concertation, notamment lorsqu'elles devraient être transsectorielles ; la lancinante revendication portant sur les moyens nécessaires à la tenue, notamment, des sessions de concertation pluridisciplinaires ; la fragilité du statut du médecin coordonnateur - et cela me paraît important, monsieur le ministre -, largement illustrée à Toulouse par la démission successive des deux praticiens et l'absence à ce jour de successeur identifié, qui hypothèque, bien entendu, l'ensemble de la démarche du réseau ; enfin, la complexité des financements dédiés au réseau, comportant chacun, selon leur source, une finalité et une procédure spécifiques. D'où une difficulté supplémentaire de gestion.
    Ainsi, que ce soit en Midi-Pyrénées ou dans le Nord - Pas-de-Calais, la dimension d'évaluation apparaît primordiale. Ausi, monsieur le ministre, il serait peut-être utile, lors de la discussion au Sénat et dans le cadre de la navette, qui offre des possibilités d'enrichissement progressif du texte, de tenir compte de l'expérience des directeurs d'ARH et des DRASS, afin que votre plan cancer ait les meilleures chances de succès, succès que, bien entendu, nous souhaitons dans le cadre d'une politique de santé publique rénovée.
    En conclusion, qu'il s'agisse de la crise sanitaire de l'été dernier ou de la façon dont vous relancez un plan cancer, il nous semble que la dimension de la prévention doit être mieux prise en compte, ainsi que celle de l'évaluation, que vous avez trop négligée.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Mesdames, messieurs, l'UDF salue ce projet de loi novateur, très attendu, indispensable.
    M. René Couanau. Cela commence bien, monsieur Préel ! (Sourires.)
    M. Jean-Luc Préel. Il témoigne, monsieur le ministre, de votre volonté affirmée de donner enfin dans notre pays toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé. Si notre système de soins est, à juste titre, reconnu comme bon pour le curatif, encore qu'il connaisse de nombreux problèmes, il est hélas ! particulièrement médiocre dans les domaines de la prévention et de l'éducation de la santé. Les raisons sont certainement historiques et culturelles, comme dirait M. Couanau. Elles sont aussi liées à la formation des professionnels.
    Rapporteur pour notre assemblée du budget pour la santé de 1998, j'avais choisi comme thème « la santé publique », et montré que, si nous y consacrions de très modestes moyens, cette faiblesse était accentuée, en tout état de cause, par la multiplicité des intervenants - plusieurs ministères, multiples caisses, mutuelles, associations ayant chacun une politique différente et de tout petits budgets. La situation se trouvait aggravée par l'absence de coordination et la confusion des responsabilités. La prévention se faisant en ordre dispersé, les messages sont brouillés, en effet, les moyens disponibles sont gaspillés et l'efficacité des actions menées est réduite.
    J'avais donc à l'époque plaidé pour une coordination nationale et une action fortement décentralisée. Je salue ainsi, au nom de l'UDF, votre projet de loi qui a pour objectif d'organiser la santé publique.
    Je souhaiterais faire une première remarque sur les moyens consacrés à la prévention. Monsieur le ministre, vous avez repris dans votre intervention les chiffres habituels : 3,6 milliards d'euros sur 158 milliards de dépenses courantes de santé, soit 2,3 %. Cette somme est effectivement modeste. Mais elle ne représente pas la réalité, comme la DREES l'a montré cet été. Celle-ci estime en effet qu'en 1998, notre pays a consacré à la prévention, au minimum 9 milliards d'euros, soit 7 % des dépenses courantes de santé. En effet, elle inclut, ce qui paraît logique, une partie des dépenses imputables aux traitements et aux dépistages de certaines maladies, aux traitements de six facteurs de risque : hypertension, diabète, hyperlipidémie, obésité, alcool et tabac.
    Si j'insiste sur ce point, monsieur le ministre, ce n'est pas pour l'anecdote ni pour paraître savant. C'est pour indiquer qu'il est, de mon point de vue, très artificiel de vouloir séparer le soin de la prévention et qu'il est par conséquent illogique de vouloir distinguer plusieurs responsables au niveau régional, et donc de confier la santé publique aux préfets plutôt qu'aux ARH. L'UDF plaide pour un responsable unique de la santé dans chaque région.
    Par ailleurs, si ce projet de loi est nécessaire, est-il le plus urgent ? Lorsqu'on constate la situation de crise majeure dans laquelle se trouve aujourd'hui notre système de santé - crise financière, avec un déficit cumulé de 32 milliards sur trois ans, que nous envisageons le coeur léger de faire payer par nos enfants, voire nos petis-enfants, crise morale de tous les professionnels désabusés et inquiets, crise organisationnelle - n'aurait-il pas été plus urgent de régler d'abord le problème de la gouvernance pour clarifier les rôles de l'Etat, du Parlement, de l'assurance maladie, des professionnels et de mettre en oeuvre enfin une réelle maîtrise médicalisée des dépenses, ce qui nécessite de disposer des outils indispensables mais surtout d'associer tous les acteurs en amont aux décisions et en aval à la gestion ?
    Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous me dire à quelle date cette loi entrera en vigueur ? L'urgence n'ayant pas été déclarée, il y a peu de chances qu'elle soit promulguée avant une bonne année.
    Après ces remarques préliminaires, venons-en au texte lui-même. L'UDF regrette de ne pas avoir été associée à la préparation de ce projet de loi et de n'avoir eu connaissance du texte qu'une fois qu'il ait été déposé. Hélas, ce processus est, dans notre pays, habituel, les projets étant concoctés au sein du ministère dans une grande discrétion, ce qui nous laisse, bien entendu, une très grande liberté pour les critiquer et tenter de les améliorer par amendements. En l'espèce, nous en avons déposé environ quatre-vingts.
    En effet, nous souhaitons corriger trois orientations de ce texte qui nous paraissent autant d'erreurs graves : la volonté d'étatiser la santé publique et d'accroître la confusion en la confiant aux préfets, la volonté de marginaliser les associations de terrain au profit d'un système pyramidal descendant qui sera coûteux et inefficace, et ce catalogue de cent objectifs en partie quantifiés. Ces cent objectifs s'expliquent, sans doute, par un désir d'affichage, de communication, alors qu'il aurait mieux valu isoler quatre ou cinq priorités permettant d'éviter la mortalité prématurée.
    Revenons d'abord sur votre volonté d'étatiser. Certes, personne ne le conteste l'UDF non plus, d'ailleurs - la santé publique relève de la responsabilité de l'Etat. C'est à ce niveau en effet qu'il convient de définir les priorités de santé publique, de veiller à l'efficacité des mesures et de prévoir les besoins humains et financiers nécessaires.
    De même, c'est à l'Etat de veiller à l'égal accès de tous à des soins de qualité. Mais chacun constate aussi la lourdeur et l'inefficacité d'un système étatisé pour le soin. En effet, si le système de soins, connaît aujourd'hui de très grandes difficultés, c'est en partie parce qu'il est presque totalement étatisé et que personne ne se sent responsable.
    Rapporteur pour notre assemblée du budget de la santé pour 2003, j'avais centré mon rapport sur la situation des ARH, actuellement au milieu du gué, et leurs relations avec les préfets, les DASS, les DRASS et les ministères. Ce rapport, voté par la commission, sous la présidence de M. Jean-Michel Dubernard, proposait de clarifier ces relations complexes et parfois conflictuelles, en faisant évoluer les ARH vers des ARS.
    Cette transformation semble faire l'objet d'un certain consensus. En effet, il est illogique de maintenir une frontière artificielle et d'ailleurs poreuse entre les établissements de santé et l'ambulatoire, avec nécessité d'aboutir à une fongibilité des enveloppes. En revanche, il semblait logique de leur confier la formation professionnelle, mais aussi la prévention et l'éducation à la santé.
    En effet, comme je l'indiquais tout à l'heure, en conformité avec la DREES, il est tout à fait artificiel de vouloir dissocier le soin, la prévention et l'éducation à la santé. Ainsi, lorsqu'un médecin reçoit un malade hypertendu ou un diabétique, il le soigne, mais il lui donne aussi des conseils, ce qui relève de l'éducation. Il se préoccupe aussi de sa famille et fait donc oeuvre de prévention. Dissocier ces trois missions me paraît donc aussi artificiel qu'illogique.
    L'UDF souhaite par conséquent que soit institué rapidement et - pourquoi pas ? - dès ce texte, un responsable régional de tout le secteur de la santé.
    Cet été, monsieur le ministre, vous avez fait un pas dans ce sens avec les ordonnances de simplification administrative confiant aux ARH des compétences préfectorales. Ne faites donc pas, avec ce texte, deux pas en arrière !
    Mais si l'UDF souhaite un responsable régional de la santé, elle demande que celui-ci soit contrôlé démocratiquement par les conseils régionaux de santé.
    J'en viens à la deuxième erreur grave que présente ce texte, à nos yeux : vous supprimez les conseils régionaux de santé pour revenir à des conférences informelles. Vous niez ainsi le rôle des associations en les noyant dans un GIP aux contours et aux pouvoirs incertains, et vous renforcez l'INPES qui souhaite disposer de correspondants régionaux, en instituant un système vertical descendant lourd et inefficace.
    Vous proposez une conférence nationale se réunissant tous les cinq ans seulement.
    Au contraire, l'UDF souhaite s'appuyer sur les associations de terrain - les ORS, les CODES, les CRES - et la FNES, renforcer le rôle des conseils régionaux de santé et créer un conseil national de santé, émanation des conseils régionaux de santé. Il est inutile, je crois, de rappeler que les conférences de santé s'apparentaient beaucoup à des grand-messes sympathiques, mais improductives, leurs rapports étant même souvent rédigés avant la tenue de la séance.
    Pour l'UDF, les observatoires régionaux de santé correspondent au premier maillon de la chaîne de la santé. Leur rôle est d'observer la santé dans la région, d'étudier la morbidité et la mortalité et, par conséquent, d'évaluer les besoins. Certains de ces observatoires sont, dit-on, insuffisants. Il convient donc, plutôt que de créer un autre organisme, de leur donner les moyens humains et financiers de s'acquitter au mieux de leurs missions.
    Le deuxième échelon, pour nous, doit être constitué par les conseils régionaux de santé. Pour l'UDF, ils doivent réunir tous les acteurs de la santé : professionnels, associations de malades et d'anciens malades, financeurs complémentaires. Ils doivent être élus pour obtenir une légitimité - les URML, déjà élus par les médecins, pourraient être leurs représentants - et l'être par collèges, ce qui permet de garantir une juste représentation. Ils doivent enfin pouvoir travailler toute l'année. Leurs missions doivent être larges : étudier les besoins, veiller à l'adéquation de l'offre aux besoins et contrôler l'exécutif régional.
    Le troisième échelon doit être, selon nous, le Conseil national de la santé. Pour l'UDF, ses membres doivent être, non pas désignés par le ministre, mais élus par les conseils régionaux de santé. La mission de ce conseil national est, à partir des besoins estimés au niveau régional, d'aider le Gouvernement à définir chaque année, au printemps, les priorités de santé qui seraient financées à l'automne par la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, l'ONDAM serait médicalisé, les besoins exprimés au niveau régional étant synthétisés au niveau national. Nous aurions enfin un ONDAM médicalisé.
    Notre projet est donc très éloigné de votre texte que les travaux de la commission ont cependant permis d'améliorer.
    Quel rôle voulez-vous donner aux associations ? Pour l'UDF, la prévention et l'éducation à la santé, pour être efficaces, doivent s'appuyer sur les hommes et les femmes de terrain, en amont pour estimer les besoins, en aval pour les actions à entreprendre ; c'est le gage de l'efficacité.
    Pour nous, les CODES doivent réunir les associations départementales intervenant dans la prévention et l'éducation à la santé. Les CRES doivent réunir les CODES au niveau régional et doivent, à ce titre, intervenir au niveau du conseil régional de santé et être membres de la COMEX de l'ARH.
    M. René Couanau. Tout cela me paraît très compliqué !
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur Couanau, je vous donnerai un cours particulier. (Sourires.) Vous verrez que tout cela est très simple, au contraire !
    La FNES, fédération nationale des CODES et des CRES, doit être l'interlocuteur du ministère et être membre du Conseil national de la santé. Ainsi, nous aurions un système souple et efficace.
    Certes, le ministère a besoin d'une agence de communication. Ce pourrait être le rôle de l'INPES. Mais, monsieur le ministre, ne permettez pas à cet institut d'avoir des représentants régionaux, qui interféreraient avec les CRES et les CODES. Evitez la confusion des genres !
    La troisième erreur grave, à notre sens, dans ce texte, est la présentation de cent objectifs, certains quantifiés ; cent problèmes de santé recensés, avec la volonté affichée d'améliorer la situation dans les cinq ans.
    Cent est un chiffre rond et donc artificiel, témoin d'une volonté de communiquer bien naturelle.
    Mme Catherine Génisson. Quelle démonstration !
    M. Jean-Luc Préel. Leur lecture donne une impression de catalogue reprenant les problèmes recensés par des experts de diverses spécialités.
    L'orientation générale est très épidémiologique ; le versant dit « populationnel » semble avoir été occulté ou négligé.
    Mme Catherine Génisson. C'est vrai !
    M. Jean-Luc Préel. Si le fait de quantifier les objectifs accentue l'aspect volontariste du projet, n'est-ce pas dangereux ? Car beaucoup de ces objectifs ne seront pas atteints dans cinq ans, j'en prends, hélas, le pari, et nous serons jugés par nos successeurs...
    Monsieur le ministre, mettrez-vous en face de ces objectifs les moyens humains et financiers pour les atteindre ? Trouvera-t-on ces moyens dans la loi de financement de la sécurité sociale ? Avons-nous d'ailleurs les moyens statistiques pour juger de l'évolution des critères quantifiés ? Les spécialistes que j'ai pu rencontrer en doutent.
    L'UDF a relevé des oublis regrettables et a donc déposé des amendements pour compléter les objectifs. Ils concernent notamment la prématurité, avec ses complications neuropsychiques graves chez le nourrisson ; la vaccination contre le pneumocoque, responsable de quelque 3 000 décès par an chez les personnes âgées. Il s'agit là d'une recommandation de l'Académie de médecine non prise en compte et que le directeur général de la santé aura à coeur de prendre en considération ; l'herpès génital dans la prévention du cancer du col ; la santé mentale, qui semble quelque peu négligée.
    La plupart des objectifs sont sympathiques mais leur réalisation sera problématique. Je citerai quelques exemples :
    Diminuer la consommation annuelle d'alcool de 20 %. Abaisser la prévalence du tabagisme - pour les fumeurs quotidiens - de 33 à 25 % chez les hommes.
    Augmenter de 25 % la proportion de personnes faisant chaque jour au moins trente minutes d'activité physique. Ce point est très important, je pense que tous les Français vont s'atteler à la tâche. (Sourires.)
    Réduire de 20 % le nombre d'accidents routiers liés au travail.
    Réduire l'exposition au radon dans tous les établissement d'enseignement. Vous tiendrez compte certainement du granit en Auvergne et en Bretagne pour la construction de nouveaux établissements. (Sourires.)
    Réduire de 20 % l'exposition de la population urbaine aux polluants atmosphériques. Envisage-t-on un transfert des populations à la campagne ? (Sourires.)
    Réduire les niveaux de bruit entraînant des nuisances sonores.
    Réduire la fréquence de l'iatrogénie médicamenteuse.
    Réduire de 30 % la mortalité attribuable aux hépatites chroniques.
    Réduire le nombre de grossesses extra-utérines ;
    Réduire le nombre de chutes des personnes âgées ;
    Réduire le nombre de fractures du col du fémur.
    Bien entendu, tout le monde est d'accord avec ces objectifs. Mais quelle amélioration aura-t-on obtenu dans cinq ans ? Là est la question. Aurons-nous les moyens humains et financiers permettant d'atteindre ces objectifs ?
    Mes deux interrogations majeures portent donc sur les moyens humains et financiers qui ne semblent pas prévus dans la loi. Il me paraît préférable de se donner trois ou quatre priorités majeures en partant de la mortalité prématurée évitable, notamment le cancer du sein, première cause, et de loin, de mortalité prématurée évitable chez la femme. Autres priorités : les maladies cardio-vasculaires, l'alcool et le tabac, bien évidemment, le dépistage et la prévention du cancer du colon et du rectum qui pourraient être enfin mis en oeuvre rapidement.
    Ces priorités sont reconnues par tous. Il conviendrait donc de concentrer les moyens sur celles-ci pour obtenir des résultats.
    Voilà les points essentiels sur lesquels je voulais insister, monsieur le ministre. Pour terminer, permettez-moi d'évoquer rapidement quelques sujets. Je commencerai par l'Institut national du cancer. Celui-ci constitue certainement un progrès attendu notamment pour coordonner les recherches. Pour son financement, il est prévu qu'il pourra bénéficier de dons, legs, prêts, mais aussi de quêtes sur la voie publique. Dans ces conditions, quel avenir voyez-vous aux grandes associations que sont la Ligue contre le cancer et l'ARC ? Que leur restera-t-il comme financement ?
    Enfin, si vous pensez que l'Institut national du cancer est nécessaire, devons-nous demain prévoir des instituts nationaux par pathologie ou par organe, ce qui serait tout aussi logique ?
    Je dirai ensuite un mot de l'Ecole de santé publique. Quel avenir pour l'école de Rennes ? La présentation du texte a provoqué, au mois de mai, une grande émotion car s'il est souhaitable de diversifier les formations et le recrutement des directeurs d'établissement, l'école de Rennes n'a pas démérité.
    La France a besoin d'une grande école de santé. Le paysage est aujourd'hui atomisé dans le monde universitaire : INSERM, instituts... Il y a une absence d'un enseignement et d'une recherche au niveau international. Cependant, il paraît nécessaire de définir clairement les missions qui sont différentes : formation des chercheurs en épidémiologie, formation des cadres hospitaliers, formation des cadres des services de l'Etat et des cadres territoriaux.
    Sans doute serait-il nécessaire de prévoir un système en réseau avec fusion des pôles constituant une réelle formation en santé publique. Le texte mériterait de préciser les missions différentes : création d'une grande école de recherche de haut niveau fédérant l'existant en le dynamisant, formation des cadres, celle-ci est plutôt satisfaisante actuellement, formation de haut niveau à prévoir pour les directeurs généraux d'établissement, formation au management de quelques semaines, formation diversifiée.
    Je veux revenir par ailleurs sur la formation médicale continue - article 51. Ce texte revoit l'ensemble du dispositif datant du 4 mars 2002. Pour l'UDF, la formation médicale continue qui contribue à la qualité des soins doit être obligatoire, évaluée et financée. Quid de son financement, monsieur le ministre ? Dans l'article, je n'ai pas trouvé mention des médecins hospitaliers. Qu'en est-il ?
    J'ai déposé, au nom de l'UDF, un amendement pour instituer une formation continue obligatoire, financée, évaluée pour tous les professionnels de santé afin d'améliorer la qualité des soins. Mais la commission n'a pas souhaité reprendre cet amendement. Sachant toutefois que vous êtes sensible à la formation de tous les professionnels de santé, je ne vois pas pourquoi notre assemblée n'accepterait pas cet amendement qui me semble très important.
    Enfin, j'évoquerai les mesures sur l'eau et celles concernant le saturnisme, très volontaristes, et, si l'on en croit les fédérations de propriétaires, de locataires et d'agences proposées sans grande concertation. Claude Leteurtre, député du Calvados, reviendra pour l'UDF sur ce point lors de la discussion des articles.
    Olivier Jardé interviendra, lui aussi, pour l'UDF, sur les modifications de la loi Huriet-Sérusclat de 1988, liée à la transposition de la directive dite « Essais cliniques » de 2001. Le projet de loi dépasse, toutefois, la simple transposition de la directive, en opérant un véritable toilettage du droit existant. La commission a rejeté un certain nombre d'amendements que nous avions déposés en vue de protéger les personnes dites fragiles, comme les enfants et les femmes enceintes. Nous les déposons à nouveau, et espérons que M. le ministre leur réservera un sort plus favorable.
    Nous souhaitons aussi apporter au texte des modifications relatives aux comités de protection des personnes, qui ne sont pas des comités scientifiques. Il est donc proposé de ne pas leur attribuer un rôle d'évaluation scientifique des protocoles. Il est également proposé que les associations de malades et anciens malades fassent partie de ces  comités.
    En conclusion, l'UDF salue, monsieur le ministre, votre volonté de développer enfin la prévention et l'éducation à la santé. Mais elle regrette de ne pas avoir été associée à la préparation du texte, s'interroge sur la date d'application de cette loi et sur les moyens humains et financiers - qui ne semblent pas prévus -, s'étonne de la présentation de cent objectifs plutôt que de quatre ou cinq priorités centrées sur la mortalité prématurée évitable. Surtout, si nous reconnaissons le rôle de l'Etat, nous ne pouvons accepter que la prévention et l'éducation à la santé soient confiées aux préfets et que les associations de terrain soient ignorées.
    L'UDF demande, au contraire, que soient créés des Conseils régionaux de santé, élus par collèges, et que l'on s'appuie sur les associations de terrain - les comités départementaux et régionaux d'éducation pour la santé, CODES et CRES, et les observatoires régionaux de santé, ou ORS -, que la prévention soit confiée aux agences régionales de l'hospitalisation, les ARH et, surtout, à leur commission exécutive, la COMEX, contrôlée démocratiquement.
    Nous présenterons donc quatre-vingts amendements.
    J'indique dès à présent que nous ne voterons pas le texte dans sa forme actuelle. Mais quand il aura été amélioré par nos amendements, rien ne s'opposera à ce que nous l'acceptions.
    M. le président La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaite soulever quelques questions de forme. Quels qu'aient été les travaux préparatoires en commission, je regrette la précipitation dans laquelle ce texte a été travaillé. Ni les associations d'usagers, ni l'administration compétente, ni les professionnels de la santé publique n'ont été consultés comme ils auraient dû l'être. Nous-même avons dû subir cette précipitation ministérielle qui a réduit la portée du travail parlementaire sur ce projet de loi.
    Certes, suite à la catastrophe sanitaire de cet été, sa présentation pour le moins rapide aura pu paraître politiquement opportune à certains, voire utile, pour masquer les inconséquences et les manques d'une politique de santé grippe-sou. Ce serait tromper nos concitoyens sur les causes profondes des conséquences de la canicule et réduire l'enjeu social et économique de la santé publique, ce qui ne nous semble pas judicieux.
    Le projet de loi soumis aujourd'hui à notre assemblée s'intitule « politique de santé publique », ce qui est en soi une nouveauté et une avancée. C'est pourquoi, monsieur le ministre, une fois n'est pas coutume, avec mes collègues du groupe communiste et républicain, nous nous félicitons du principe de cette loi de santé publique.
    En effet, depuis fort longtemps déjà, les parlementaires communistes ont souligné la nécessité d'élaborer une véritable politique de santé publique. Nous avons demandé, et nous continuons de le faire, une politique nationale de santé publique, ambitieuse, conçue d'un autre point de vue que celui de la lorgnette comptable, une politique de santé qui affirme tant à la fois des objectifs identifiés et construits de santé publique et le rôle fondamental de l'Etat dans sa conduite. On doit légitimement s'interroger, vous l'avez souligné vous-même, sur le fait qu'un pays comme la France, érigé en modèle par l'OMS, puisse ne dégager pour sa politique de santé publique qu'un budget de 3,6 milliards d'euros sur une dépense globale de santé de 150 milliards d'euros. Peut-on d'ailleurs, dans ces conditions, parler d'une politique de santé publique digne de ce nom ? Parent pauvre de la médecine, la santé publique a régulièrement été délaissée alors même qu'elle constitue une condition essentielle du maintien en bonne santé de nos concitoyens et donc un outil fondamental dans la lutte contre les gâchis humains et financiers liés à la maladie.
    En déposant ce texte, monsieur le ministre, vous reconnaissez l'importance de ce volet de la santé et la légitimité des revendications exprimées par les professionnels du secteur. Vous actez le principe d'un chantier hélas considérable, c'est là un objectif louable, nous le reconnaissons.
    Malheureusement, notre appréciation positive se limite quasiment aux principes que vous formulez. Car il ne suffit pas de déclarer grande une politique pour qu'elle le devienne. Malgré la magie des mots, ni le symbole ni le principe ne suffisent pour atteindre l'ambition annoncée dès lors qu'elle n'est pas traduite dans les actes. Or force est de constater que sur son contenu concret, votre texte perd de son aplomb, qu'il est loin d'être à la hauteur des ambitions pourtant annoncées.
    Bien que vous ayez vous-même encore ce matin constaté de très nombreuses défaillances, des insuffisances graves de notre système de santé et dessiné de grandes orientations pour y remédier, les propositions faites ne répondent pas à nos interrogations. Que la politique de santé publique soit très clairement assumée par l'Etat, c'est une bonne chose, mais vos propositions sont-elles de nature à corriger les défauts d'organisation et d'action actuelles ? Je n'en suis pas sûre.
    Vous avez notamment soulevé le problème de la multiplicité des acteurs de la santé publique et de l'insuffisance de leur coordination, qui, selon vous, constitue une des causes majeures du drame sanitaire de cet été. Ce texte apporte-t-il des solutions à ce problème ? Je ne le crois pas.
    Au niveau national, vous rassemblez le Haut Conseil de santé et le Conseil supérieur de santé publique en une seule instance, le Haut Conseil de santé publique, qui conservera pour l'essentiel les missions de ces deux institutions supprimées. Vous créez un Comité national de santé publique, qui regroupera le Conseil national de sécurité sanitaire et le comité technique de prévention, dont nous ne savons pas grand-chose si ce n'est qu'il aura pour tâches la coordination, l'analyse, le conseil et le contrôle financier, même si vous entérinez la proposition de la commission de restaurer la conférence nationale de santé.
    Mais, dans le même temps, vous déplacez la complexité du niveau national au niveau régional, puisque vous créez une structure financière nouvelle, le groupement régional de santé publique, qui aura vocation à mettre en oeuvre le plan régional de santé publique aux lieu et place des opérateurs actuels. Vous poussez à une interpénétration des structures régionales et vous créez des strates administratives de décision supplémentaires. Le préfet de région deviendra le garant du plan régional de santé publique, mais les circuits administratifs de décision et d'action ne seront pas centralisés à son niveau. Peut-on seulement parler de simplification ? Chaque administration, chaque opérateur en charge d'un volet de santé publique gardera son autonomie d'action. La coordination des actions de terrain ne sera finalement assurée que sur le plan financier : dès lors que ce sera lui qui aura l'argent, le groupement régional aura naturellement vocation à prendre les décisions.
    Par ailleurs, si la place que vous donnez à l'Etat dans la politique de santé publique correspond à ce que nous souhaitons, ce n'est pas le cas pour celle que vous réservez aux conférences nationales et régionales de santé, et que la commission a opportunément rétablie. En effet, vous aurez des difficultés à nous faire croire à l'importance de ces conférences alors que leur présence ou leur absence, finalement, ne modifiera en rien le schéma de l'organigramme fonctionnel proposé. C'est un point essentiel sur lequel nous aurons l'occasion de revenir : y aurait-il une instance où l'on discute et une autre où l'on décide ?
    De même, le plan quinquennal d'objectifs de santé publique constitue sans aucun doute une avancée, mais à quel dessein le listage d'une série d'objectifs de santé, définis pour l'essentiel par pathologies et sans hiérarchisation, répond-il concrètement ? Qui a décidé des grandes orientations quinquennales que vous lancez, et sur quelles bases ? Ont-elles été élaborées avec l'ensemble des citoyens, des acteurs et professionnels de la santé publique ? Pourquoi avoir abandonné l'approche « populationnelle », plus signifiante dans le domaine de la santé publique ? Vous le savez, monsieur le ministre, la notion de santé publique est envisagée par les professionnels du secteur comme une approche globale. Elle ne prend son sens que pour autant qu'elle est associée à la notion de qualité de vie. Pourquoi ne proposez-vous rien sur cet aspect pourtant essentiel dans le cadre du texte que vous nous soumettez ?
    Autant de questions posées restées sans réponse. Nous avons le sentiment d'une planification technocratique, d'un simple affichage et nous nous inquiétons sur les réelles possibilités de les atteindre concrètement.
    Que la région soit le niveau pertinent de l'évaluation des besoins sanitaires de la population et de l'organisation de l'offre de soins pour y répondre, c'est une position que nous défendons depuis longtemps. Mais votre texte semble dépasser ce strict cadre et engager la politique de santé publique dans une régionalisation d'une autre dimension. En effet, concevoir la place de la région à partir de la constitution d'un groupement régional de santé publique qui concentrera tous les financeurs de la politique régionale de santé publique ne nous paraît pas la meilleure façon d'envisager les choses. Certes, vous rendez aux préfets de région le poids qu'ils doivent avoir. Mais nous avons connu l'expérience malheureuse, et fortement critiquée par le milieu médical, des agences régionales d'hospitalisation, qui montre que la concentration du pouvoir dans les seuls mains des financiers est dangereuse pour l'état de santé des Français et symptomatique de la vision que vous semblez avoir de la capacité de nos concitoyens à intervenir et à prendre des décisions responsables en matière de santé.
    Il est en général néfaste, et particulièrement dans le domaine sanitaire, d'envisager la protection de nos concitoyens à l'aune de la seule contrainte des ressources. Bien évidemment, cet aspect est important, on ne peut pas faire n'importe quoi. Mais on ne saurait pour autant oublier la nécessité d'évaluer les besoins ; et cela, c'est plus difficile et cela exige un débat plus large.
    Les orientations d'une politique de santé publique doivent s'appuyer sur des choix citoyens dont découlent ensuite les choix budgétaires, et non faire l'inverse. C'est tout le sens de la notion de démocratie sanitaire, dont nous avons souvent le sentiment que vous ne semblez pas bien appréhender les termes.
    Il faut être clair, monsieur le ministre : placer le GRSP au centre de votre dispositif régional revient à donner le pouvoir de décision aux financeurs de la politique de santé publique et non plus aux acteurs de sa mise en oeuvre ni aux citoyens usagers. Vous parlez de mutualisation des ressources au niveau de la région, mais nous constatons qu'il s'agit en réalité d'un corsetage rigoureux des choix budgétaires régionaux de santé publique. Ce faisant, vous confirmez dans le domaine de la santé publique la vision sanitaire comptable de nos prédécesseurs, dont nous avons tous pu, comme vous-même, constater avec la catastrophe de cet été, où elle mène. Autrement dit, l'état de santé des Français dépendra du coût de celle-ci. La démarche humaniste prônée est singulièrement inversée au profit de la démarche financière, et je le regrette une fois de plus. Cette perspective nous inquiète d'autant plus que votre projet de loi est dépourvu de moyens financiers propres. En effet, si nous avons compris le sens de votre nouvelle architecture, force est de déplorer l'absence de toute précision de financement prévu pour cette restructuration sanitaire et pour les objectifs qu'elle se fixe. Aucun plan n'y est annexé, qui décrirait les moyens financiers, humains et techniques nécessaires pour atteindre les objectifs escomptés.
    Votre projet de loi, dans une précédente esquisse avait été baptisé « loi de programmation quinquennale de santé publique ». Cette dénomination pouvait laisser penser que les moyens financiers y étaient mentionnés, ce qui est pour le moins capital pour sa mise en oeuvre. Qui, en l'état actuel des choses, paiera la mise en place et le fonctionnement de cette nouvelle architecture ? L'Etat ? Nous pouvons en douter puisque le Gouvernement, en bon élève de Bruxelles, refuse d'accroître ses dépenses sociales et s'obstine dans sa logique de baisse des impôts, au point de se priver volontairement de toute marge de manoeuvre budgétaire. L'assurance maladie, qui souffre d'une baisse de recettes de cotisations sociales consécutive à la hausse du nombre de chômeurs, à laquelle s'ajoute une politique d'exonérations de charges patronales et de fiscalisation des prélèvements sociaux ? J'en doute, puisque son déficit cumulé pour les années 2003 et 2004 atteint des niveaux jamais égalés. Faut-il alors considérer que le financement de votre projet se fera à budget constant ? Auquel cas, pouvez-vous nous préciser les actions que vous envisagez de réduire ou de supprimer ? La médecine curative, et particulièrement l'hôpital public, au travers de votre plan hôpital 2007 ? A moins que les usagers ne soient encore un peu plus mis à contribution avec la poursuite et l'accentuation de votre politique de déremboursement des médicaments et des consultations médicales, ou que vous n'envisagiez de faire payer les collectivités locales, et notamment les régions... Autant d'interrogations qui restent sans réponse.
    Si la région nous semble, je le répète, le niveau le plus adéquat pour une politique de santé publique, les problématiques induites par une régionalisation de la santé sont les mêmes que celles soulevées le printemps dernier en matière d'éducation et de formation. Or, vous l'avez dit vous-même, il n'est pas encore possible de préjuger de ce que pourrait être le financement de cette nouvelle architecture sans l'aboutissement des projets de loi sur la décentralisation et sur la réforme de la sécurité sociale. Dès lors, tout porte à craindre ce que seront les conséquences de la nouvelle architecture conjuguées dans ces réformes : sous couvert d'une meilleure prise en compte des inégalités sanitaires par une évaluation plus près des besoins, ne serons-nous pas confrontés à une aggravation des inégalités régionales en matière de santé ? Par exemple, le financement actuellement prévu par une subvention publique et une dotation de l'assurance maladie pourrait tout simplement être remplacé par un financement régionalisé, défini et géré par le GRSP. Le risque serait alors important de voir le principe d'une harmonisation des pratiques de diagnostic et de thérapie recherchant l'égalité de tous devant la santé laisser la place à une pratique sanitaire éclatée accentuant les inégalités régionales et sociales, elles-mêmes aggravées par les différences entre les capacités de financement de chaque conseil régional.
    Voilà, monsieur le ministre, quelques-unes des interrogations fortes que soulève votre projet de loi de santé publique. C'est pourquoi, si nous accueillons favorablement ce texte dans son principe, son contenu, en l'état, ne nous convient pas. Il serait pourtant aisé de lui donne une dimension profitable à nos concitoyens. A l'évidence, bien que limitées au regard de l'enjeu sanitaire - nous y reviendrons en présentant nos amendements -, quelques avancées sont lisibles en matière de lutte contre le saturnisme et contre les infections par voie d'eau. Vous avez omis, bien que vous en parliez souvent, d'introduire dans votre projet de nombreux pans environnementaux de santé publique. Il n'y a rien sur l'amiante, rien sur l'air, rien sur le bruit, rien sur les effets des nouvelles technologies, rien sur la sécurité alimentaire. De même pour ce qui touche à la lutte contre l'alcoolisme ou le tabac : vous usez de vieilles lunes dont vous connaissez aussi bien que moi les limites, comme l'augmentation récurrente des prix du tabac dont, de surcroît, les produits financiers ne profitent en rien à la prise en charge de l'aide au sevrage. Sur ce point aussi, nous présenterons des amendements.
    Mais surtout, il est frappant de noter que ce texte n'envisage rien de probant dans le domaine de la prévention et du dépistage des troubles sanitaires en situation d'activité professionnelle. C'est pourtant un chapitre essentiel pour répondre aux enjeux humains, sociaux et financiers en matière de santé publique. Dans le même mouvement, vous avez totalement négligé la santé de nos plus jeunes concitoyens. Nous ne saurions, vous le croyez bien, nous contenter des quelques propositions formulées dans ce texte. C'est pourquoi nous insisterons dans le débat sur ces points et formulerons plusieurs propositions, notamment pour ce qui touche aux domaines de la santé au travail et de la santé scolaire.
    Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que nous tenions à présenter à l'ouverture de ce débat, élaborées en concentration avec les acteurs et professionnels de santé que nous avons rencontrés. Certaines de ces propositions circulent depuis fort longtemps et mériteraient d'être enfin prises en compte pour mener à bien une véritable politique de santé publique. Encore faut-il que au-delà des spécialistes, nos concitoyens puissent se l'approprier et qu'elle bénéficie des moyens correspondants. C'est à cette condition que la politique de santé publique, dont je ne doute pas qu'elle vous tienne à coeur, deviendra efficace. Or force nous est de constater que ces conditions ne sont pas réunies aujourd'hui. Vous avez salué, ce matin, l'audace des légistateurs de 1902 ; je regrette que la vôtre, un siècle plus tard, ne soit pas du même niveau !
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la loi du 15 février 1902, relative à la protection de la santé publique, qui a fondé dans notre pays la notion de santé publique. Cette loi, qui s'inscrivait dans une conception de la médecine plus hygiéniste que curative, a posé les bases de la vaccination obligatoire, de la déclaration obligatoire de certaines maladies, du suivi épidémiologique, des mesures de police sanitaire, et a créé les instances chargées de leur mise en oeuvre.
    Dans les années glorieuses de la seconde moitié du vingtième siècle, et même au-delà, les progrès extraordinaires de la médecine de soins, le développement de l'accès aux soins, et surtout de la sécurité sociale, les lois sociales, l'amélioration du cadre général de vie de nos concitoyens et de leurs conditions socio-sanitaires, ont fait se confondre dans l'esprit du plus grand nombre la santé publique et la médecine curative.
    C'est pourtant cette même extraordinaire avancée de la médecine de soins qui va provoquer de nouvelles interrogations sur un concept plus large, moins systématisé, plus incertain somme toute, de la santé publique. En effet, la surconsommation de médicaments, les effets à long terme des thérapeutiques, les changements d'attitude de nos concitoyens vis-à-vis de la déclaration obligatoire des maladies ou vis-à-vis des vaccinations, l'expansion des infections nosocomiales ou des maladies iatrogéniques, même au sein de nos établissements les plus prestigieux, l'apparition de nouvelles maladies transmissibles, dont les exemples les plus flagrants sont le sida et le SRAS, la résurgence de maladies considérées comme vaincues - la tuberculose, par exemple - mettent à mal les dispositifs de surveillance et de dépistage anciens que l'éradication des grandes infections avait, selon la formule du rapport annuel 2003 de l'IGAS, « assoupis ». Tous ces nouveaux problèmes élargissent considérablement le champ de la santé publique.
    Par ailleurs, nos modes de consommation, nos sociétés hyperindustrialisées, nos recherches en gains de productivité, en amélioration des semences et de la résistance des végétaux aux attaques des insectes, en sélection génétique animale, alertent nos concitoyens et interpellent la santé publique. Contaminations industrielles, maladie de la vache folle, OGM, et au sein même de la santé, drame du sang contaminé : tous ces risques se développent à l'heure où la santé est devenue un droit individuel revendiqué et où, par ailleurs, tout acte de santé, même préventif, doit s'incliner devant le principe de précaution et une quasi-revendication collective du risque zéro.
    Parallèlement, les peurs face à une société industrialisée, la perte des grands repères moraux et religieux ouvrent la porte, pour les esprits crédules et les plus fragiles de nos concitoyens, aux charlatans et aux sectes. Qui peut délibérément affirmer qu'il ne s'agit pas là aussi de santé publique, puisque des êtres peuvent être mis psychologiquement, voire physiquement en danger ?
    Je n'aurai garde d'oublier les politiques d'alerte sanitaire, celles d'information et d'éducation pour la santé, celles des droits des malades qui font aussi partie intégrante de la santé publique.
    Le Larousse 2003 définit la santé publique comme « l'ensemble des actions et prescriptions de l'administration relatives à la protection de la santé des citoyens ». Comme cette formule paraît lapidaire ! Et au vu de tout ce que je viens de décrire en termes de contraintes anciennes ou nouvelles, comme elle paraît simpliste, pour ne pas dire simplette !
    D'une conception hygiéniste et préventive de la santé publique, nous sommes passés à une conception curative pour, aujourd'hui, nous retrouver devant un champ autrement plus vaste liant préventif, curatif, éducatif et promotionnel. Encore ai-je sans doute oublié ou ignoré des pans de la nouvelle santé publique, comme la mortalité routière, les inégalités sociales et géographiques de santé dans notre pays, les qualités et défauts de notre système français, la multiplicité des acteurs à tous les niveaux.
    C'est dire, monsieur le ministre, combien votre loi est ambitieuse, mais aussi combien l'exercice était difficile. C'est dire aussi toute l'importance d'une loi organisatrice comme celle que vous nous proposez.
    Avant d'aborder les différents titres du projet de loi, je rappelle qu'il intervient dans un contexte international qui pose partout le problème de la nouvelle santé publique. L'OMS a défini, à Ottawa en 1986, une politique de promotion de santé qui « a pour premier but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l'améliorer ». Dans le traité de Rome, l'Europe confiait timidement à la Commission seulement une promotion de l'hygiène du travail et de la lutte contre les accidents et les maladies professionnelles. Mais nous étions alors dans les années fastes de la médecine curative.
    A Maastricht, puis à Amsterdam, les compétences européennes s'élargissent.
    A Maastricht est affirmée « une coopération assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine », d'où sont issues des actions prioritaires sur la surveillance de la santé, la surveillance des maladies et la promotion de la santé, ainsi que plusieurs programmes de prévention : cancer, toxicomanie, sida, entre autres.
    A Amsterdam, l'article 152 du traité fixe la double obligation « d'un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté », et « une mission d'amélioration de la santé publique et de prévention des maladies et affections humaines et des causes de danger pour la santé humaine ».
    Tous les pays développés tentent d'améliorer leur politique de santé publique. En France, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins a défini la politique de prévention comme celle qui « a pour but d'améliorer la santé de la population en évitant l'apparition, le développement ou l'aggravation des maladies ou accidents, et en favorisant les comportements individuels et collectifs pouvant contribuer à réduire le risque de maladie et d'accident. A travers la promotion de la santé, cette politique donne à chacun les moyens de protéger et d'améliorer sa propre santé ». Ainsi, notre conception française diffère donc de celle de la charte d'Ottawa en affirmant la prééminence du rôle régalien de l'Etat sur la conception plus individualiste de l'OMS.
    M. Jean-Marie Le Guen. Heureusement que la majorité est libérale !
    M. Bertho Audifax. Ainsi, tant sur le plan de l'élargissement du champ de la santé publique que sur le plan historique de son évolution dans les pays industrialisés, votre texte, monsieur le ministre, arrive à point et je peux vous assurer qu'il était attendu de tous les acteurs de santé.
    Au-delà des critiques ou des opinions dont nous aurons à débattre en séance, comme nous l'avons largement fait au cours de nombreuses auditions dirigées par notre excellent président et rapporteur Jean-Michel Dubernard, ou en commission sous la présidence efficace de René Couanau, tous ont reconnu que l'affirmation solennelle du rôle régalien de l'Etat dans la politique de santé publique ne souffrait aucune contestation. De même, tous ont reconnu qu'une simplification et une clarification des rôles étaient indispensables. Notre commission a jugé utile, par rapport au texte initial, de reconnaître les instances nationales et régionales de concertation, le plus souvent dans le consensus le plus large, comme en témoignent de nombreux amendements. Elle l'a fait bien sûr avec votre bienveillante compréhension et votre participation, monsieur le ministre, et je voulais, avant de présenter chacun des titres de votre projet de loi, vous rendre hommage pour votre largesse d'esprit et une tolérance que tout le monde se plaît à reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le titre Ier du projet de loi réorganise un ensemble de dispositions du code de la santé publique introduites par la loi du 4 mars 2002. Il vise à simplifier, clarifier et améliorer l'efficacité des dispositifs et procédures des politiques de santé publique nationale et régionale. En premier lieu, il réaffirme le rôle régalien de l'Etat dans la santé publique. La prévention fait désormais partie intégrante de la santé publique. C'est au Parlement de voter les objectifs de santé publique. Il est tenu informé de leur suivi annuellement et s'assure de leur évaluation tous les cinq ans. Sur proposition du rapporteur, la conférence nationale de santé reste une instance nationale permanente de concertation, ce qui répond aux voeux de nombreux acteurs de terrain de la santé publique.
    Le chapitre Ier simplifie les instances nationales en créant le Haut conseil de la santé publique et le Comité national de santé publique. Le chapitre II organise la santé publique à l'échelon régional. Le rôle régalien de l'Etat étant affirmé, il nous est apparu logique que la définition et la mise en oeuvre des politiques de santé publique se fassent au niveau régional, et dès lors naturel que soit créée une instance régionale décisionnelle regroupant financeurs et décideurs sous la présidence du représentant de l'Etat. Il n'y a là aucun retour à l'étatisme évoqué par certains, mais simple respect de notre organisation administrative et reconnaissance de la nécessité, en cas de crise, d'un responsable régional bien identifié. Les événements récents en ont bien démontré l'absolue nécessité. Cette instance sera au premier rang en cas d'alerte sanitaire, et dans la gestion des situations d'urgence. La structuration sous forme de GIP doit assurer souplesse et efficacité à ce dispositif, tant dans la mise en oeuvre des programmes nationaux que dans la prise en compte des spécificités régionales de santé publique.
    Au fil des auditions, notre commission a noté l'exigence de disposer au niveau régional d'un espace de concertation et de proposition permanent pour la politique régionale de santé. Elle a prôné l'instauration d'une conférence régionale de santé ouverte à tous les acteurs. Il m'a semblé que le travail de ces conférences régionales de santé devrait s'organiser autour de thématiques, mais le texte laisse entière liberté aux acteurs et au pragmatisme de terrain. L'organisation de la conférence régionale de santé et du groupement régional de santé publique devrait permettre à tous les acteurs d'être consultés sans tomber dans un prêchi-prêcha inefficace, et aux décideurs de décider sans autoritarisme excessif. Ce système doit permettre aussi une évaluation régulière des actions de terrain, une efficace gestion des crises, et à terme, sans doute, une évolution vers les ARS, agences régionales de santé.
    Le titre II renforce et adapte les instruments dont dispose l'Etat, qu'il s'agisse de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, des GIP régionaux, de l'Institut national de veille sanitaire - INVS. Des adaptations sont prévues à ce titre tant pour les politiques de vaccination que pour une meilleure coordination des politiques en matière de lutte contre la tuberculose, la lèpre, les MST, le sida ou le dépistage des cancers. Les infections liées aux soins mais aussi celles pouvant découler des modes, comme le piercing ou le tatouage, seront dorénavant inscrites dans la loi, grâce à un amendement de notre collègue Bernard Accoyer. La transmission des certificats de décès a fait débat et une expérimentation de transmission électronique à l'INSERM nous est proposée.
    Vous avez tenu à ajouter un chapitre sur la veille sanitaire et les cellules de lutte contre les menaces sanitaires. Cela vient à point.
    Le titre III concerne les objectifs et la mise en oeuvre des plans nationaux. Il présente à l'approbation du Parlement des objectifs de santé publique pour 2004-2008 répondant à cinq plans stratégiques. Il consacre la création, voulue par le Président de la République, de l'Institut national du cancer et prend en compte les consommations à risques. De même, il veut améliorer le vaste domaine de la santé et de l'environnement, en particulier dans la réglementation de l'eau, domaine dans lequel, pourtant, notre pays était en bonne position, et du saturnisme.
    Le titre IV concerne la recherche et la formation en santé. Si notre commission a confirmé le projet de création d'une Ecole des hautes études en santé publique, elle a tenté d'en mieux dresser les contours sous forme d'un réseau organisé autour de l'INSP de Rennes visant à assurer une synergie entre les pôles de santé publique universitaires - l'actuelle ENSP, l'INSERM -, et à améliorer ainsi la recherche en santé publique dans notre pays.
    Sur la recherche biomédicale, un important travail a été accompli, bénéficiant de l'expérience et de la sagesse des professeurs Fagniez et Dubernard. Notre collègue Fagniez saura mieux que quiconque nous montrer les avancées du texte proposé.
    Enfin, le texte simplifie l'organisation de la formation médicale continue.
    Monsieur le ministre, à nouvelle conception de la santé publique, nouvelle loi ! Certains reprocheront à cette loi de vouloir trop embrasser, ou au contraire de ne pas être assez précise - c'est souvent les mêmes, d'ailleurs - d'autres la trouveront trop dirigiste, ou trop floue.
    J'ai essayé de montrer tout au long de mon exposé combien votre tâche était difficile. Pour ma part, j'estime qu'après les auditions et les discussions en commission, nous parvenons à un texte équilibré, qui répond aux exigences de notre société. Les événements récents, douloureux pour tous, ont montré la nécessité d'améliorer nos circuits d'alerte et de mieux prévoir la gestion des crises sanitaires. De ces événements, on a voulu vous rendre responsable ou coupable, c'est honteux ! L'existence de votre projet de loi, antérieure à ces événements, montre combien vous étiez conscient des faiblesses de notre système de santé publique. Pourrons-nous demain, à travers un texte de loi, prévoir l'imprévisible, comme je l'ai entendu dire en commission ? Permettez-moi d'en douter.
    Le groupe UMP, monsieur le ministre, considère que ce projet de loi représente un important progrès pour la santé publique et nous le voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je ne rouvrirai pas ici un débat de philosophie politique sur le rôle de l'Etat.
    Encore une fois, nous venons d'entendre que seul l'Etat serait porteur de l'intérêt général. Démocratie libérale a été dissoute (Sourires) et, à l'évidence, aujourd'hui la confusion idéologique s'installe, y compris lorsqu'il s'agit de santé publique. Comme il est difficile de parler à la fois de philosophie politique de l'Etat et de politique de santé, je ne reviendrai pas sur le débat de ce matin et me contenterai d'intervenir sur des questions de politique de santé.
    Un mot sur le plan cancer, d'abord. L'opposition se faisant porte-parole d'autres secteurs de l'opinion voudrait essayer d'améliorer des travaux réalisés, il faut bien le dire, dans de petits cénacles. Gérard Bapt, dans son intervention, a évoqué des propositions auxquelles nous tenons beaucoup et sur lesquelles nous aurons, je l'espère, la possibilité d'avancer.
    J'y ajouterai deux sujets qui me semblent importants.
    D'une part, je pense que la démocratie sanitaire à laquelle nous sommes attachés justifierait amplement la création - et nous avons déposé un amendement en ce sens - d'un Comité national de lutte contre le cancer, qui serait un lieu d'élaboration et de discussion des politiques, avec tous les usagers, les associations de malades bien évidemment, mais aussi les professionnels. Une telle maladie nécessite un lieu où les éléments de stratégie et d'orientation soient débattus.
    D'autre part, vous le savez, les associations de malades se sont inquiétées, à juste titre, de la non-application de la charte qu'elles avaient passée avec les banques et les compagnies d'assurances au sujet des problèmes d'assurabilité et des prêts bancaires.
    Nous proposons donc d'inscrire dans la loi des éléments de défense des droits des malades afin qu'ils soient véritablement appliqués, et que nous luttions, car c'est aussi un élément de santé publique, contre les discriminations dont ces personnes sont victimes, ne serait-ce que pour obtenir un prêt bancaire ou pour bénéficier d'une assurance.
    Outre cette proposition d'inscrire dans la loi une avancée sur ces droits, je tiens à présenter peut-être l'un des plus emblématiques mais aussi l'un des plus difficiles, je le reconnais, de nos amendements, puisqu'il porte sur les problèmes de qualité. Nous proposons que soit créé, dans chaque établissement d'une taille à définir par décret, une direction de la qualité, indépendante de la hiérarchie de l'établissement, qui serait chargée de faire respecter, et non pas simplement de les accréditer, toutes mesures ayant un rapport notamment avec les maladies nosocomiales. Cette structure, qui n'aurait donc aucun compte à rendre à la hiérarchie de l'hôpital, aurait en revanche à rendre compte devant une agence nationale des antennes régionales qui, elle, dépendrait directement du ministre.
    Sans doute allez-vous encore mal prendre les choses, mes chers collègues, mais ce type d'organisation, qui existe dans les groupes privés, n'existe malheureusement pas encore dans le secteur public. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour que les choses évoluent, il est bon que les socialistes vous fassent réfléchir, et nous espérons pouvoir débattre de cette suggestion afin d'appliquer des méthodes qui nous semblent plus propices au changement que nous devons attendre du système de santé.
    M. René Couanau. Plus libéral que Le Guen, tu meurs !
    M. Jean-Marie Le Guen. Le troisième sujet sur lequel je voudrais intervenir va vous montrer que je suis tout de même un peu moins libéral que vous (Sourires), en l'occurrence lorsqu'il s'agit non pas de défendre le consommateur mais d'intervenir sur les logiques marchandes. Je veux parler ici des problèmes de nutrition.
    Les chiffres, vous les connaissez comme moi : dans les années 80, 6 % des jeunes étaient considérés comme obèses dans les années 90, on en étaient à 10 ou 11 %, et nous passerons à 20 % avant la fin de la décennie.
    Je ne vais pas vous en décrire les conséquences en matière sanitaire. Plus de la moitié de ces jeunes deviendront des adultes obèses, avec les conséquences que cela implique pour leur état de santé tout au long de leur vie, avec évidemment, une mortalité prématurée, et sur leur qualité de vie.
    Ces questions d'obésité ne sont pas neutres socialement. C'est un facteur majeur d'inégalité sociale puisque ce sont les milieux les plus défavorisés qui seront d'abord pénalisés. Il est urgent de se mobiliser.
    Un mot des publicités dans les programmes de télévision pour enfants. Les enfants français de plus de deux ans regardent la télévision plus de deux heures par jour. Dans ces deux heures, il y a entre huit et quinze minutes de publicité qui leur sont destinées, dont 80 % pour des produits industriels alimentaires. Cela représente un chiffre d'affaires d'un milliard de francs, environ 150 millions d'euros. Il est temps d'agir. C'est pourquoi nous proposons tout simplement mais très fermement que chaque publicité à la télévision soit assortie d'un message d'information sanitaire et que l'annonceur qui refuse soit contraint de payer un espace publicitaire équivalent.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Bonne idée !
    M. Jean-Marie Le Guen. Deuxièmement, nous proposons que l'implantation d'un distributeur commercial dans un lycée ou un collège soit subordonnée à l'existence d'une distribution d'eau de façon qu'un enfant qui a soif ne soit pas obligé d'acheter une canette d'une boissons sucrée qui, au delà de l'effort financier, a des effets délétères sur son état de santé. Il devra avoir accès à de l'eau gratuite potable dans de bonnes conditions et ne pas être obligé, par exemple, d'aller aux toilettes.
    Autre sujet sur lequel nous avançons aussi, c'est la santé au travail. Le texte contient des dispositions assez intéressantes, notamment en matière d'épidémiologie autour du travail, et nous comptons aller un petit peu plus loin, en proposant la création d'une agence nationale de la santé au travail, ce qui, inéluctablement, doit se mettre en place, parce que nous connaissons, pas suffisamment encore mais nous l'apprendrons malheureusement dans les années qui viennent, l'impact du travail sur la santé des Français.
    Voilà, mes chers collègues, quelques-un de nos amendements. Sans dépenser d'argent en plus, puisque nous savons que le problème de la ressource publique n'est facile pour personne, en bougeant un certain nombre de lignes, nous pouvons reconnaître que la santé n'intéresse pas seulement les politiques de prévention et de soins, mais interpelle le fonctionnement global de notre société, et affirmer une volonté politique : faire de la santé une priorité dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la canicule, notre pays a connu cet été son plus grand drame sanitaire et social depuis la dernière guerre. Notre assemblée ne pouvait rester muette, passive.
    Sans attendre la rentrée parlementaire, le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, présidée par Jean-Michel Dubernard, a pris, le 26 août, la décision de créer une mission d'information sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule. Cette mission avait pour objet de réunir sans attendre les éléments d'information utiles notamment pour la discussion du présent projet de loi.
    La mission d'information, constituée de onze membres représentant l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale, s'est donc vu confier la tâche de procéder à une première analyse de la crise et de proposer des pistes de réflexion afin d'éviter que ne se reproduise un tel drame.
    La mission a entamé, avec l'audition de Jean-François Mattei, le 11 septembre, un cycle d'auditions qui s'est achevé le 19 septembre. Elle a ainsi procédé à trente-trois auditions et entendu dans ce cadre quatre-vingt une personnes : représentants des administrations concernées, services de secours, représentants des professions médicales, paramédicales et médico-sociales.
    Il me faut à ce stade souligner que la brièveté des délais doit nous inciter à l'humilité. Le problème est à la fois trop grave et trop complexe pour que l'on puisse prétendre tirer dès maintenant et de façon définitive l'ensemble des enseignements qu'appelle la crise.
    Cette réserve étant faite, ont peut résumer les conclusions de la mission autour des trois points suivants.
    Premièrement, la canicule a constitué une catastrophe naturelle aux conséquences d'une extrême gravité - cela n'aura malheureusement échappé à aucun d'entre nous - mais également un phénomène inédit à l'ampleur encore mal cernée.
    Deuxièmement, cette catastrophe, dont on peut se demander si elle était ou non prévisible, n'a en tout cas été ni anticipée ni détectée de façon rapide. Elle pose de façon criante la question de la qualité et de l'efficacité de notre système de veille et d'alerte sanitaire.
    Troisièmement, elle a constitué un défi redoutable pour notre système sanitaire et social, dont elle a rappelé ou révélé certaines faiblesses. Sa capacité d'adaptation, réelle mais mise à rude épreuve, appelle sans aucun doute des mesures fortes. La canicule a révélé une crise au moins autant sociale que sanitaire.
    Ces conclusions n'épuisent pas la réflexion. Le travail est entamé. La commission a formulé trente-cinq pistes de réflexion. Ce ne sont que des pistes, on ne saurait considérer que le travail est achevé. Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, à l'unanimité, décidé la création d'une commission d'enquête, décision qui, j'espère, sera confirmée par notre assemblée la semaine prochaine.
    En attendant ce travail de long terme, les conclusions de la mission ont débouché sur des propositions concrètes d'amendements au présent texte. Elles émanent de la commission mais également du Gouvernement, qui a attendu, et je l'en remercie, de disposer des conclusions de la mission pour concrétiser ses propres propositions. Ces amendements s'articulent autour de deux des conclusions majeures de la mission.
    Premièrement, notre système de veille et d'alerte ayant failli, il nous faut mettre en oeuvre un véritable devoir d'alerte.
    Deux amendements autour de l'article 13 prévoient la modernisation du retour d'information sur les décès. Ce n'est pas à partir des décès intervenus il y a deux ans que l'on peut diagnostiquer une menace imminente sur la santé publique. Il est donc proposé, les amendements de la commission et du Gouvernement allant dans le même sens, d'informatiser progressivement la transmission des certificats de décès afin de permettre à l'INVS de repérer rapidement, par l'évolution de la mortalité, une telle menace.
    Une meilleure information sur les décès est utile : elle arrive malheureusement trop tard pour anticiper la crise. La commission a donc adopté plusieurs amendements sur le système d'alerte, dans le droit fil des travaux de la mission d'information. L'amélioration passe d'abord par le renforcement du rôle de l'INVS, en mettant l'accent sur le caractère préventif réprospectif de son action. Elle passe ensuite par le renforcement de son rôle dans la procédure de signalement des risques sanitaires. Elle passe enfin par une association des acteurs de terrain, les services de secours notamment, à cette procédure de signalement.
    A la suite des travaux du conseil supérieur de la météorologie, Météo-France a, par convention avec le secrétariat d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, mis en place un dispositif d'alerte directe de responsables administratifs en cas de prévision de grands froids. Ce n'est pas le cas jusqu'à présent avec le ministère de la santé en cas de prévision de fortes chaleurs. On peut se demander si la mise en place d'un tel dispositif ne serait pas opportune.
    Notre système d'alerte doit être plus réactif. Tel est également le sens d'amendements proposés par le Gouvernement et adoptés par la commission.
    Deuxièmement, les travaux de la mission ont montré la nécessité de disposer d'instruments adaptés pour réagir à l'urgence. Alertés à temps, les pouvoirs publics doivent pouvoir réagir rapidement et efficacement.
    Il faut pouvoir réagir rapidement. La commission ne peut que se réjouir de la présentation de l'amendement du Gouvernement donnant une assise législative au plan blanc, clarifiant les conditions de son déclenchement et étendant aux préfets la faculté d'y recourir lorsque la crise l'exige. Dans le même esprit, la commission est tout à fait favorable à l'extension des pouvoirs du ministre de la santé en cas de menace sanitaire grave.
    Il faut également pouvoir réagir efficacement. Une bonne gestion des crises suppose non seulement une capacité de réaction rapide au moment de la crise mais également sa préparation en amont. On sait aujourd'hui quelles seraient certaines des mesures à mettre en oeuvre en cas de nouvelle canicule. Serait-il pour autant possible de le faire ?
    Il ressort des travaux de la mission que la prévention des conséquences d'un épisode de canicule repose sur deux éléments obligatoires : l'alerte donnée à temps et l'anticipation. En effet, l'alerte météo n'est encore vraiment fiable qu'à trois jours. Il reste, passé ce délai, un à trois jours avant que la surmortalité ne s'installe, brutale. Quand les victimes arrivent à l'hôpital, il est souvent trop tard. L'intervalle entre alerte et drame humain est trop bref pour être réellement utilisé si les mesures à prendre alors n'ont pas été anticipées. Et ces mesures ne sont pas compliquées. Il s'agit principalement de conduire les personnes fragiles pendant quelques heures dans des lieux climatisés pour leur permettre de récupérer. Encore faut-il avoir préalablement repéré ces personnes. Or la canicule a mis en évidence non seulement les disfonctionnements de notre système sanitaire mais également une crise sociale.
    Comment faire face à une crise frappant la population âgée quand une large partie de celle-ci est méconnue des pouvoirs publics, des services sociaux ? Cette crise aura été celle de l'isolement, du délitement du lien social. Comment repérer les personnes âgées vulnérables ?
    La commission a adopté à cette fin un amendement créant des plans locaux de solidarité. Il s'agit d'organiser un repérage de ces personnes en l'organisant de façon préventive. En la matière, s'organiser, cela signifie diffuser des messages de prévention localement, répertorier par avance les personnes les plus fragiles, recenser dans leur entourage les personnes susceptibles de constituer des réseaux locaux de solidarité, recenser les lieux « frais » où l'on peut les conduire pour récupérer quelques heures en cas de canicule, éventuellement prévoir les conditions d'une meilleure coopération des professionnels de santé et des travailleurs sociaux en précisant les possibilités pour les premiers de prescrire l'intervention des seconds quand ils rencontrent des situations le justifiant.
    Cette organisation ne se conçoit qu'à l'échelon le plus local, celui des communes, qui connaissent de fait déjà les personnes âgées de leur ressort.
    Ces amendements ne régleront pas toutes les difficultés. Ils auront cependant pour mérite d'éviter que les défaillances du système de prévention, de veille et d'alerte placent de nouveau notre système sanitaire et social dans une situation particulièrement difficile, ne lui laissant d'autre choix que de réagir dans l'urgence.
    En dépit de l'attitude exemplaire, dans une situation parfois proche du chaos, de tous les acteurs de terrain, services de secours, personnels médical, soignants, personnels des établissements pour personnes âgées et des services d'aide à domicile, sans oublier les bénévoles, on ne doit plus laisser se reproduire une telle situation.
    Au-delà des réponses indispensables qu'appelait l'examen du présent texte, la canicule nous renvoie à une question essentielle : celle du regard que notre société porte sur ses personnes âgées. Elle nous renvoie à notre devoir de solidarité envers les plus vulnérables. Elle a mis en relief l'isolement de certaines de nos personnes âgées, pas par mépris ou par indifférence mais simplement parce que les réseaux traditionnels n'ont pas su s'adapter au vieillissement de la population.
    Pourtant, les bonnes volontés existent. Il nous appartient de les organiser. A la déclinaison locale de la solidarité que constituent les plans locaux de solidarité doit faire écho une solidarité nationale.
    A titre personnel, je forme le voeu que ce drame permette de faire progresser l'idée d'un financement par la sécurité sociale de ce que l'on appelle parfois le « cinquième risque », la perte d'autonomie. Nous aurons l'occasion, monsieur le ministre, d'en reparler lors de l'examen du PLFSS dans quelques semaines. Il est temps de faire sortir le soutien aux personnes les moins autonomes - personnes âgées en perte d'autonomie, mais également personnes handicapées - du champ de la générosité, pour les faire entrer dans celui de la solidarité, de transformer des assistés en assurés et de changer ainsi le regard que nous portons sur eux. (Applaudissememts sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Organisation mondiale de la santé souligne dans sa constitution que « la possession du meilleur état de santé que l'homme est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique et sociale ». C'est dans ce souci de bienfaisance, de promotion et de protection du bien-être des populations que la notion de prévention doit s'appréhender, notamment à travers la préconisation de comportements et de conditions environnementales favorables au maintien de cet état de santé.
    Cette notion de prévention est intimement liée à la notion des droits de l'homme et, bien sûr, à la dignité humaine.
    Les conférences d'Adélaïde, de Sundsvall, de Jakarta et de Mexico, entre 1988 et 2000, vont enrichir cette définition en affirmant la santé comme un droit fondamental, l'égalité sociale, la considération de l'environnement, l'écoute, la participation des populations et la collaboration pluridisciplinaire étant des valeurs essentielles. A travers ses évolutions, la santé se positionne aujourd'hui comme le point d'équilibre entre la capacité individuelle d'adaptation au milieu et la possibilité d'intervenir, seul ou collectivement, sur son environnement physique, économique et social, dans une perspective de développement des potentialités physiques, sociales et mentales de chacun.
    Par conséquent, il apparaît que les droits de l'homme et la santé sont deux notions non pas isolées mais en constante interaction. Aussi, la prévention doit s'inscrire dans cette philosophie, ou il n'y a pas de politique de santé publique en France. Les chiffres que vous avez donnés, monsieur le ministre, sont d'ailleurs assez accablants.
    Pour cela, il faut trouver les moyens d'organiser la prévention à tous les âges de la vie et agir dans les milieux les plus structurants dans la vie de l'être humain, l'environnement bien sûr, mais aussi la santé au travail et la santé scolaire, deux points sur lesquels je souhaiterais davantage insister.
    D'ailleurs l'IGAS ne dénonce-t-elle pas une véritable crise de la médecine du travail et n'affirme-t-elle pas la nécessité de réformer profondément le fonctionnement de la médecine scolaire ?
    Plusieurs études ont mis maintenant en évidence les conséquences du travail sur la santé. Elles révèlent qu'outre le métier exercé et les conditions de travail, l'organisation joue un rôle majeur dans la survenue des accidents et des maladies professionnelles. Surtout, elles pointent que les accidents du travail concernent avant tout les ouvriers jeunes, intérimaires ou récemment embauchés. Ainsi, il est une évidence que la précarité du travail est une source d'accident.
    Par ailleurs, les risques au travail sont plus fréquents lorsque le rythme de travail est contraint par les machines ou par les délais à respecter. La polyvalence et le fait de devoir respecter des normes de qualité chiffrées font augmenter le risque d'accident de façon sensible. Enfin, le manque d'informations et le travail dans l'urgence sont aussi des facteurs multipliant les risques.
    Vous le voyez, monsieur le ministre, nous avons des données, des études sur la santé au travail qui doit devenir une priorité en matière de santé publique et bien sûr de prévention. Nous regrettons que vous n'en n'ayez pas pris la mesure et que votre projet soit si timide sur le sujet. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements pour mieux prendre en compte la réalité de la santé au travail.
    Nous proposons un plan national d'action aux fins de prévenir les risques sanitaires liés au travail. Nous proposons par exemple que les CHSCT soient les relais de l'INVS dans les entreprises pour préparer l'information et l'étude des facteurs risques au travail et, lorsque les comités n'existent pas, qu'un salarié soit élu délégué à la santé dans l'entreprise.
    Nous avons également déposé un amendement imposant à l'employeur d'informer ses salariés sur les produits qu'ils utilisent et les dangers éventuels pour leur santé, afin de ne pas revivre les scandales de l'amiante et des éthers de glycol.
    Avant de conclure, je souhaite également attirer votre attention sur la santé scolaire. Nos enfants doivent être suivis et des visites médicales de dépistage, donc de prévention, doivent être organisées. Nous nous félicitons que notre commission ait adopté à l'unanimité notre amendement sur le principe d'une visite médicale gratuite obligatoire jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire. Nous la souhaitions annuelle, vous la voulez « plus régulière ». C'est déjà un pas de votre part, nous en débattrons.
    Loin d'être une fantaisie, cette proposition va permettre de renforcer l'éducation à la santé des plus jeunes. Utile aussi car la visite médicale obligatoire à l'âge de six ans permet déjà de recenser certaines pathologies ou troubles et de les prendre plus rapidement en charge.
    C'est grâce à cette visite que l'on sait que 14 % des enfants de six ans présentent une surchage pondérale, et 4 %, parmi eux, une obésité précoce. Un élève sur cinq présente des troubles de la vision, avec un déficit de dépistage qui se révèle plus prononcé en zone d'éducation prioritaire - ce qui invite d'ailleurs à se pencher sérieusement sur les inégalités sociales et géographiques. C'est aussi grâce à ces visites de prévention que l'on peut observer que l'asthme touche de plus en plus d'enfants dès le jeune âge.
    Il ne s'agit pas d'une futilité, car c'est bien un enjeu de santé publique que de dépister et de prévenir le plus tôt possible les pathologies. Cela nécessite, il est vrai, des moyens financiers et en personnel de médecine scolaire, mais c'est un investissement précieux qui permettra de garantir la bonne santé de notre société.
    Je reviendrai dans le débat sur ces enjeux, sur ces choix de société. Il incombe aux pouvoirs publics d'assurer la bonne santé de nos concitoyens et d'agir avec détermination dans trois secteurs  - l'environnement, le travail et l'école -, afin que « l'état de complet bien-être physique, mental et social », définition de la santé dans la déclaration de 1946 de l'Organisation mondiale de la santé, soit une réalité pour tous. Cet objectif suppose aussi que nous ayons à terme une réflexion sur le droit à une visite médicale gratuite tous les ans, tout au long de la vie, afin que les chômeurs et les personnes âgées, par exemple, et d'une façon générale tous ceux qui n'ont pas ce droit, puissent bénéficier chaque année d'une consultation de prévention et de dépistage.
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais souligner à mon tour l'importance de ce projet de loi relatif à la santé publique. En effet, nous sommes nombreux, dans cette enceinte et ailleurs, à déplorer depuis des années l'absence d'une politique de santé publique digne de ce nom. Certes, les conférences régionales de santé et leur prolongement national ont constitué les prémices du débat d'aujourd'hui, mais le débat politique est trop embryonnaire pour atteindre les objectifs ambitieux de votre projet de loi.
    Notre assemblée a été elle-même trop longtemps orpheline de ce volet essentiel de la politique de santé de notre pays, car un système de soins, aussi développé soit-il, ne peut faire office de stratégie de santé publique, et nous nous heurtions à ce constat à chaque fois que nous débattions de notre système de santé, lequel est presque exclusivement tourné vers le curatif - je pense notamment à la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
    En engageant ce débat, c'est en fait le premier étage, indispensable et préalable, de la réforme de l'assurance maladie et de la modernisation de notre système de santé que nous abordons.
    En plaçant pour la première fois la santé publique au coeur de la problématique santé, en définissant des priorités et des objectifs pour améliorer l'état de santé de notre population sur la base d'indicateurs de santé, nous engageons notre pays à s'approprier enfin une culture de santé publique qui est pour l'heure très insuffisante. Nous nous dotons de repères réels et mesurés en termes de besoins de santé. Ceux-ci donneront sens aux débats et déboucheront sur la réforme de notre système de soins et d'assurance maladie.
    Certes il ne sera pas aisé de médicaliser un ONDAM dont la pertinence simplement financière est remise en cause chaque année par la succession des déficits. En dotant notre pays de véritables priorités s'appuyant sur des besoins de santé constatés, nous pouvons engager cette démarche de médicalisation de l'objectif des dépenses, dont nous avons la responsabilité politique.
    Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le ministre, constitue le premier étage d'un partage des responsabilités. Il revient à la représentation nationale de définir et d'arrêter les priorités et les objectifs de santé publique. Il nous revient également d'arrêter les moyens financiers mis à la la disposition de la santé publique, comme de l'ensemble du système de soins à travers l'ONDAM. La concertation qui va s'engager avec l'ensemble des acteurs du système de santé devra redessiner les contours d'une nouvelle gouvernance du système de santé et d'assurance maladie. Cette refondation de notre solidarité vise, avant tout, à clarifier la chaîne de responsabilité et de pilotage d'un système où la confusion est devenu un obstacle à la bonne gestion.
    Concernant le pilotage de la mission de santé publique, celui-ci relève bien évidemment de la responsabilité première de l'Etat. Ce dernier doit avant tout en être le garant et veiller à la mise en oeuvre des priorités de santé publique, afin que l'ensemble de la population française puisse bénéficier des avancées d'une politique globale de prévention et d'éducation. Il devra veiller aussi à intégrer dans sa démarche l'ensemble des déterminants de santé qui naturellement dépassent largement le domaine traditionnel des indications sanitaires, comme la prise de risques induits par l'environnement, par les conditions de travail, sans négliger la nécessaire réduction des inégalités en matière de santé.
    Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, de nombreuses interrogations ont alimenté le débat sur le rôle de l'Etat dans la mise en oeuvre des politiques de santé publique. L'expérience passée, la faiblesse des services déconcentrés de l'Etat dans la mise en oeuvre des plans régionaux de santé publique nourrissent notre inquiétude.
    A l'heure de la décentralisation, l'omniprésence de l'Etat dans la santé publique ne peut se justifier qu'à la condition sans une redéfinition de ses missions ni sans une évolution profonde de son mode de fonctionnement et de son mode d'organisation. Cela suppose que des moyens humains puissent être mobilisés sur ces objectifs élargis. Nous prenons acte de la place redonnée aux conférences régionales de santé qui seront le lieu du débat et de l'expression d'une démocratie sanitaire dont nous ne pouvons plus nous passer : le temps est révolu où une administration souveraine pouvait prétendre faire oeuvre utile en ignorant les points de vue des acteurs concernés, qu'il s'agisse des professionnels de santé ou des usagers des associations ou des URCAM, ou encore, bien sûr, des collectivités locales, qui étaient déjà engagées dans ce domaine.
    Il faudra redynamiser ces conférences régionales de santé, rassemblant l'ensemble des acteurs, afin qu'elles soient autre chose que ces grand-messes sans lendemain que nous avons connues dans le passé. Il faudra les redynamiser pour les transformer en structure permanente de concertation et de débat, où l'ensemble des acteurs de la santé apprendront à mieux se connaître, à appréhender en commun les besoins et les objectifs de santé, à s'entendre sur les moyens à mettre en oeuvre pour promouvoir un système de prévention et de soins plus efficace.
    Un tel lieu de débat, qu'il s'appelle « conférence régionale de santé » ou « conseil régional de santé », est indispensable pour accompagner et réussir les réformes structurelles que nous allons proposer aux Français dans les prochains mois. A défaut, les plans régionaux de santé publique resteront des objets bureaucratiques que l'administration de l'Etat sera incapable de concrétiser. A cet égard, nous demandons à être convaincus que le choix du préfet comme animateur de la santé publique constitue bien le bon choix. Il est vrai qu'en l'absence d'un véritable pouvoir sanitaire que pourrait incarner les futures agences régionales de santé personne n'a de légitimité globale à piloter l'ensemble de la problématique santé dans nos régions.
    Pour conclure mon intervention, je voudrais me permettre quelques remarques sur les priorités de santé publique et les objectifs que vous nous proposez. Je voudrais m'attarder en particulier sur la lutte contre le tabagisme, qui tue chaque année, dans une trop grande, sinon une totale indifférence, quatre fois plus de personnes que la canicule que nous avons connue. Notre combat doit être déterminé, car aujourd'hui encore les industriels de la mort poursuivent leur sinistre recrutement de nouvelles victimes, notamment parmi les jeunes et parmi les femmes, pour préserver des profits particulièrement substantiels.
    La politique d'augmentation des prix doit être poursuivie sans s'exonérer d'une réflexion sur le rythme et sur l'ampleur des hausses de la taxation dont nous devons maîtriser les effets pervers. Je souhaite que l'on renforce de manière plus volontariste encore les actions d'éducation et de prévention afin de mieux informer les fumeurs et les futurs fumeurs - notamment les plus jeunes - des vrais risques de ce poison.
    Il me paraît en particulier urgent de redonner tout leur sens aux contraintes légales pour protéger les non-fumeurs. Il faut décréter l'interdiction totale du tabac à l'école pour les élèves comme pour les enseignants. Il faut à nouveau renforcer et faire respecter l'interdiction de fumer dans les lieux publics, en particulier dans les restaurants : il n'est plus acceptable que les non-fumeurs subissent à cause du laxisme ambiant les désagréments de la fumée et du tabagisme passif.
    Concernant l'alcool, il est de notre devoir de rappeler, même si cela doit heurter, que nous ne pouvons pas continuer à dénoncer les 60 000 décès liés au tabac et passer sous silence les 40 000 décès, dont 23 000 directs, liés à une consommation excessive d'alcool.
    Mme Martine Billard. C'est vrai !
    M. Yves Bur. Il faudra, à l'évidence, pour atteindre l'objectif de réduction de 20 % d'ici à 2008 de la consommation alcoolique, amplifier les campagnes de prévention et d'éducation, et cela dès le plus jeune âge. La récente polémique, aussi courte que brutale, sur l'augmentation, un temps envisagée, des taxes sur l'alcool, est l'illustration du chemin à parcourir contre des habitudes de consommation bien ancrées et souvent présentées comme culturelles.
    Notre objectif à travers ce projet de loi n'est pas simplement de nous limiter à une refonte organisationnelle de notre système de santé publique, mais bien de réaffirmer notre volonté d'améliorer l'état de santé et de bien-être de nos concitoyens. Cette démarche est cohérente avec la volonté qui nous anime de donner plus d'efficacité à notre système de soins. Les objectifs de santé publique, en amplifiant les efforts de l'éducation et en développant la culture de la prévention, permettront de concentrer les moyens collectifs sur le traitement des pathologies les plus lourdes et d'optimiser ainsi les chances de guérison. En engageant notre pays, les acteurs de santé comme l'ensemble de la population, dans la voie de la santé publique, nous leur proposons une démarche gagnant-gagnant. Gagnant en termes de santé. Gagnant en termes économiques. Gagnant, en tous les cas, en termes de qualité de vie.
    C'est la raison pour laquelle nous soutenons votre projet de loi, ainsi que vos efforts de modernisation de notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les carences de notre système de santé sont notoires en matière de prévention. Celle-ci reste trop centrée sur le curatif. Or ce projet de loi présente une conception de la prévention encore trop restrictive. Elle est surtout conçue comme information, alerte, dépistage, statistiques, avec des avancées, certes, mais aucune des causes environnementales ou sociales des risques sanitaires n'est prise en compte, hormis les dispositions concernant le plomb.
    Si le texte s'attaque, non sans raison, à des comportements individuels à risques - tabac, alcool - , il reste muet sur les risques collectifs, que ce soit au travail, dans l'environnement ou dans l'alimentation. Ou alors, lorsqu'ils sont cités, aucune réponse collective n'est préconisée. Ainsi, les objectifs figurant en annexe risquent de n'apparaître que comme un inventaire de voeux pieux semblables à ceux qui proposent de « réduire la pauvreté ou l'analphabétisme à l'échelle mondiale ».
    Par ailleurs, il ne peut y avoir de véritable politique de santé publique si, au-delà des objectifs proclamés, les pouvoirs publics ne garantissent pas l'accès aux soins des plus démunis. Or, monsieur le ministre, vous avez déjà réduit l'accès à la CMU et mis fin à la gratuité de l'aide médicale d'Etat pour les étrangers sans papiers et sans aucune couverture sociale, avec les risques pour la santé publique que cela comporte puisque ce sont souvent des populations particulièrement susceptibles d'attraper, par exemple, la tuberculose.
    La santé au travail est aussi l'une des grandes absentes de ce projet de loi de santé publique. Oublie-t-on que les gens passent le plus clair de leur temps sur le lieu de travail, et qu'il n'est pas superflu de vouloir renforcer la prévention des risques sanitaires en milieu professionnel ? A quoi servent les rapports successifs de l'IGAS et de la Cour des comptes sur la question, et qu'attend le Gouvernement pour engager une réelle réforme du système de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ? Le rapport de l'IGAS de juin dernier a pourtant souligné la nécessité de faire sortir la prévention du risque professionnel et la médecine du travail du carcan des entreprises, pour en faire un enjeu de sécurité sanitaire publique. C'est pour cela que je demande, comme les associations de victimes du travail, et que je propose au nom des députés Verts, la création d'une agence nationale de la santé au travail sur le modèle des autres agences de sécurité sanitaire, l'amélioration des outils statistiques de l'Institut de veille sanitaire - c'est d'ailleurs le seul amendement sur cette question qui ait été accepté par la commission - et l'élargissement des possibilités d'intervention des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, comme le préconise le dernier rapport de l'IGAS. L'information sur l'ergonomie du poste de travail doit permettre de réduire les maladies musculosquelettiques, qui sont aujourd'hui une des premières causes d'arrêt de travail dans les entreprises. Je sais que toutes ces dispositions chagrinent les patrons, mais il en va de la santé publique et aussi, au final, de l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
    Je m'interroge sur l'absence globale de politique de santé environnementale. Monsieur le ministre, du temps où vous siégiez dans l'opposition, vous aviez été très présent pour défendre la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Alors que la crise de la canicule de l'été a révélé, de façon douloureuse, les insuffisances de la santé environnementale dans ce pays, il apparaît d'autant plus nécessaire de renforcer les moyens de l'AFSSE, qui est par excellence une agence censée prévenir ces risques. Et en ce qui concerne le plan quinquennal de lutte contre les risques environnementaux, il est bien imprécis quant à ses objectifs et aux acteurs censés le mettre en oeuvre.
    S'agissant de la politique de l'eau, à laquelle plusieurs articles du texte sont consacrés, il y a certes des avancées, mais, sans jeu de mots, nous sommes restés au milieu du gué ! Toutes les précautions aujourd'hui identifiées dans la protection des captages d'eau n'ont pas été prises. Si une politique active de protection des périmètres des petits captages est indispensable, on observe que des zones géographiques de plus en plus grandes sont raccordées aux même captages et que les réseaux d'eaux dégradées sont de plus en plus interconnectés. Deux tiers de l'eau captée en France contient aujourd'hui des pesticides. Or aucune politique de prévention n'est prévue pour réduire ces pesticides. L'amendement proposant la restauration des captages a été refusé en prenant prétexte de surcoût, alors qu'il s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre d'une directive européenne.
    Je trouve également ce projet de loi frileux à l'égard des lobbies des industries agroalimentaires. On peut toujours proclammer dans l'annexe des objectifs en matière de lutte contre l'obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou l'hypertension, mais je n'ai vu aucune volonté du Gouvernement pour lutter contre les surdoses de sucre et de sel dans les produits alimentaires fabriqués, un amendement en ce sens ayant été refusé ! Les récents chiffres sur l'obsésité des enfants et des jeunes montrent pourtant qu'il y a des actions fortes à mener dans ce domaine, une mesure simple consisterait par exemple à interdire les distributeurs de friandises et de sodas dans les établissements scolaires.
    Enfin, ce texte qui traite des recherches biomédicales, est également frileux face aux lobbies des industries pharmaceutiques qui organisent des essais thérapeutiques. Les associations de malades, notamment du sida, estiment que toutes les garanties de protection des personnes, de transparence et d'éthique ne sont pas réunies, qu'il s'agisse de l'information sur les notices ou de l'accès compassionnel aux essais pour les malades en échec thérapeutique.
    Ainsi ce projet de loi relatif à la politique de santé publique reste-t-il, je le répète, au milieu du gué, pour ne faire de peine ni aux entreprises, ni aux lobbies agro-alimentaires. Si vous n'osez pas vous attaquer aux causes réelles d'un certain nombre de maladies, vous resterez dans le curatif. Ce qui veut dire que la santé de nos concitoyens ne s'améliorera pas de façon significative et que le déficit de la sécurité sociale continuera à se creuser.
    M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.
    M. Jacques Domergue. Monsieur le ministre, mes chers collègues, quand un chirurgien parle de santé publique, cela peut faire naître quelques inquiétudes. (Sourires.) Mais quand un député - qui reste toujours chirurgien - parle de santé publique, cela relève du bon sens et j'espère, justement, pouvoir dégager ici quelques idées de bon sens.
    Tout d'abord, je souhaite vous féliciter d'avoir pris l'initiative de cette loi, à un moment où le déficit de l'assurance maladie focalise toutes les attentions. Votre loi témoigne d'une volonté de rupture, d'un changement de logique.
    Valoriser la santé publique, identifier les conduites à risque, réapprendre à vivre, faire clignoter les indicateurs sanitaires d'un pays et d'une population, c'est faire un investissement sur l'avenir ; en un mot, c'est préparer les économies de demain. Ce changement de culture, indispensable à la population française - ce qui n'est pas le cas chez nos voisins anglo-saxons -, est un moyen fondamental pour responsabiliser nos concitoyens. Cette notion de responsabilité me paraît très importante, et la santé publique va la favoriser.
    Notre santé nous appartient, et la maladie n'est pas toujours une fatalité. Nous pouvons éviter, voire prévenir, bon nombre de maladies, simplement par notre comportement individuel ou collectif. Monsieur le ministre, « user sans abuser », ne serait-ce pas là une conduite de vie que l'on pourrait valoriser et inculquer aux plus jeunes ?
    Une politique de santé publique se doit d'investir auprès des jeunes. Apprendre à manger correctement - on a évoqué l'obésité -, montrer les dangers des conduites addictives, de plus en plus répandues et de plus en plus meurtrières, ne s'agit-il pas de notions à apprendre aux plus jeunes ? Peut-être faut-il vous encourager à inciter vos collègues de l'éducation nationale à mettre en place des passerelles entre l'éducation nationale et l'organisation de la santé publique que vous proposez, et à renforcer celles qui existent déjà.
    Le texte affiche dans le titre III cent objectifs assez disparates, qui témoignent d'une volonté d'exhaustivité et, on vous l'a dit ce matin, monsieur le ministre, d'un effet d'annonce. Il nous paraît utile, tout au moins dans la présentation, de valoriser les objectifs prioritaires.
    Cet affichage prioritaire est net pour ce qui est de la lutte antitabac, le tabagisme étant devenu le fléau numéro un. Au reste, la politique de dissuasion financière menée en ce domaine commence à porter ses fruits. Pour autant, les plus jeunes fument de plus en plus tôt. La jeunesse est très sollicitée en matière de prévention, que ce soit contre le sida, contre les maladies sexuellement transmissibles contre l'obésité ou contre l'hépatite C. Mais la prévention contre la consommation de tabac est difficile à mettre en place. Aussi faut-il, à côté des mesures répressives - alourdissement des sanctions, interdiction de la vente des cigarettes au moins de seize ans -, intensifier l'information afin de susciter auprès des jeunes une prise de conscience des dangers du tabac. Sinon comment matérialiser cette volonté affirmée du Président de la République qui, à propos de son plan cancer, disait le 24 mars dernier : « La lutte contre le tabac est une priorité absolue, et à l'imagination presque sans limite des fabricants de tabac, nous devons opposer une détermination sans faille pour dissuader les jeunes de commencer de fumer et pour convaincre les adultes d'y renoncer » ?
    Le dernier point que j'aborderai, monsieur le ministre, concerne l'organisation que vous nous proposez en matière de santé publique. Oui, la santé publique relève de la responsabilité de l'Etat, lequel doit, chaque année, donner l'impulsion et rappeler sans cesse les priorités du pays afin de garantir une médecine égalitaire.
    La création d'une structure supplémentaire au niveau régional - le groupement régional de santé publique, GIP articulé autour des ARH, URCAM et collectivités locales - risque de complexifier le système à l'heure où nous souhaitons tous aller vers une simplification. De plus, n'y a-t-il pas un risque de voir se mettre en place une segmentation trop étanche entre, d'un côté, le préventif et, de l'autre, le curatif et les soins de suite. Comme nos collègues de l'UDF, nous souhaitons que cette organisation ne soit qu'une étape, la plus courte possible, avant la mise en place des ARS, les agences régionales de santé. Trop sectoriser, c'est perdre en efficacité, en fluidité, voire en lisibilité de la politique de santé.
    Monsieur le ministre, il était grand temps que la France se dote d'une loi ambitieuse de santé publique. On pourra toujours vous dire que telle pathologie n'a pas été abordée, mais tel n'était pas là l'objectif. Celui-ci était de permettre à nos concitoyens de prendre conscience de l'importance de la santé publique. Du reste, même parmi les professionnels de santé, la santé publique soulève souvent peu d'enthousiasme. Ainsi, de nombreux efforts doivent être faits dans les facultés de médecine pour consolider le lien entre la santé publique et la médecine curative.
    Au lendemain de la crise sanitaire liée à la canicule de cet été, votre texte démontre son caractère prémonitoire sur la fragilité des systèmes de veille sanitaire et sur leur importance. Il marquera une étape fondatrice dans la politique de santé du pays. Il nous fera rejoindre les pays qui ont compris depuis longtemps qu'en matière de santé il vaut toujours mieux prévenir que guérir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la santé publique est, comme l'ordre public, une responsabilité éminente de l'Etat. Le projet de loi qui nous est proposé rappelle avec force le rôle de l'Etat dans l'incitation, l'orientation et le contrôle de la politique de santé publique sur tout le territoire. Dans ses trois premiers titres sont définis les missions, les objectifs, l'organisation et l'architecture régionale de la santé publique. Comme cela a déjà été dit, notamment par notre rapporteur, l'ensemble du projet est fondateur.
    Le titre IV, lui, est refondateur. Tout en proposant la création d'une école des hautes études de santé publique et une organisation réaliste de la formation médicale continue, il révise de fond en comble les textes législatifs relatifs à la recherche biomédicale.
    Cette révision permet la transposition de la directive européenne relative aux essais cliniques des médicaments et l'actualisation de l'encadrement législatif de la recherche biomédicale.
    Pour mesurer les avancées de ce texte, il convient de le resituer dans l'évolution de la législation sur la recherche biomédicale.
    C'est le 20 décembre 1988 que, sous la pression de l'opinion, la loi Huriet-Sérusclat a été votée. Le fait déclenchant de cette loi était très précis : il s'agissait de protéger les volontaires sains qui se prêtaient à l'expérimentation de nouveaux médicaments jusque-là testés seulement chez l'animal. C'était en général des étudiants en médecine ou en pharmacie qui étaient recrutés par l'industrie pharmaceutique et rémunérés pour ce service rendu à la science. On comprend que les risques pris pour leur santé et leur liberté individuelle aient ému des associations et que les parlementaires aient pris l'initiative d'une loi assurant la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales.
    Cette loi, présentée par deux sénateurs, l'un médecin, l'autre pharmacien, l'un de droite, l'autre de gauche, a fait l'objet d'un consensus parlementaire.
    Au-delà des problèmes posés par les volontaires sains, elle s'est appliquée aux volontaires malades, c'est-à-dire ceux à qui les nouveaux médicaments étaient destinés. Puis, emportée par un dessein universel, elle a eu l'ambition de répondre à l'ensemble des questions législatives posées par la recherche biomédicale. Une fois votée, sa mise en application a été assez rapide. Elle a déclenché un changement radical dans les mentalités et les pratiques. On peut dire que jamais, avant cette loi, un tel effort d'information et de concertation entre les médecins et leurs patients n'avait été demandé et obtenu.
    Aujourd'hui, l'encadrement de l'information et du consentement des personnes se prêtant à une recherche biomédicale est tel que personne de bonne foi ne peut se déclarer être un « cobaye » de la médecine. Il n'est pas de cobaye informé et consentant. Néanmoins, en raison de ses motivations médicamenteuses initiales, la loi n'a pas dissipé complètement la confusion entre le soin et la recherche. Confusion compréhensible dans la mesure où la recherche médicale a longtemps été considérée comme indissociable du soin, donc du traitement. Encore aujourd'hui, la confusion est entretenue, notamment par certaines associations de malades pour lesquelles la participation à un essai thérapeutique est considérée comme le seul moyen d'avoir accès à une prise en charge.
    Aussi convient-il de rappeler que la déclaration d'Helsinki a depuis longtemps bien fait la différence entre « la recherche médicale dont le but est essentiellement diagnostique ou thérapeutique pour le patient et la recherche dont l'objet est purement scientifique et sans valeur diagnostique ou thérapeutique pour la personne qui y est soumise ». Cette distinction entre recherche avec ou sans but thérapeutique est apparue comme une nécessité pour individualiser les recherches cognitives qui excluent tout intérêt direct pour les personnes qu'elles concernent. Et pour mieux frapper les esprits, la loi Huriet-Sérusclat a utilisé l'expression de recherches avec ou sans bénéfice individuel direct.
    C'est autour de ce concept qu'a été bâti l'ensemble de la loi. Les promoteurs d'essais de médicaments y ont adhéré avec enthousiasme. Ils lui ont reconnu une grande valeur pédagogique en distinguant clairement la première phase des essais de médicaments sur des volontaires sains, à l'évidence sans bénéfice individuel direct, et les essais ultérieurs sur les volontaires malades à qui l'on pouvait faire miroiter un bénéfice individuel direct. Ils lui ont reconnu en plus le mérite d'établir un double régime de responsabilité : un régime de responsabilité sans faute du promoteur pour les recherches sans bénéfice individuel direct et un régime de présomption de faute pour les recherches avec bénéfice individuel direct.
    A l'opposé, des sociétés savantes, l'INSERM, le CNRS et d'autres organismes de recherche ont contesté la légitimité de cette distinction fondée sur le bénéfice individuel direct. En 1998, l'avis 58 du Comité consultatif national d'éthique résumait ainsi l'hostilité générale : « La loi française restreint la recherche en situation d'urgence à des protocoles dont il est attendu un bénéfice direct et majeur pour la santé du malade. Cette précision serait pleinement rassurante si la distinction opérée par la loi Huriet entre recherche avec bénéfice individuel direct et recherche sans bénéfice individuel direct était claire. Cette distinction est source de perplexité depuis que la loi existe, entre autres dans les délibérations des CCPPRB - les comités consultatifs de protection des personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale. Elle a été contestée au niveau international. » Claude Huriet lui-même, dans son dernier rapport parlementaire, a insisté pour que soit clarifié le champ d'application de ces deux types de recherche. Cette distinction est d'autant plus difficile à effectuer que de nombreux protocoles de recherche comportent souvent des éléments avec et sans bénéfice.
    Notons que les dispositions de la loi et les décrets d'application sur la recherche sans bénéfice individuel direct, qu'il s'agisse des lieux agréés, du fichier national ou des périodes d'exemption, ont été rédigés exclusivement pour les essais sur les volontaires sains. De telles dispositions étaient évidemment inadaptées aux études cognitives, physiopathologiques, épidémiologiques, génétiques, entre autres. Quant à l'obligation de lieux agréés par l'autorité administrative, elle a porté le dernier coup à cette « variante recherche » de l'exception culturelle française.
    En remplaçant le principe du bénéfice individuel direct par l'évaluation de la balance bénéfice-risque, le projet de loi actuel répond aux aspirations des chercheurs après quinze ans d'expérience de la loi Huriet et permet une transposition sans difficulté de la directive européenne.
    L'évaluation de la balance bénéfice-risque est une opération simple : elle consiste à chiffrer les bénéfices attendus et les risques connus d'une recherche. Les bénéfices sont par nature hypothétiques, tandis que les risques doivent être suffisamment précis pour permettre un consentement éclairé. Ce chiffrage oblige les chercheurs à la transparence à l'égard de tous ceux qui sont concernés par la recherche : les patients, les comités de protection des personnes, les associations, les autorités de tutelle. C'est la méthode utilisée dans le monde entier. C'est d'ailleurs celle de tout médecin dans son exercice professionnel quotidien. C'est finalement celle qui est la plus fiable, la plus reproductible et la plus protectrice. Sans jamais garantir de bénéfice, tout en annonçant clairement les risques, elle répond à l'obligation éthique.
    Reconstruit autour de cette logique de l'évaluation de la balance bénéfice-risque, le texte répond bien aux deux principaux objectifs que j'ai rappelés tout à l'heure : la transposition en droit interne de la directive européenne 2001/20/CE et l'actualisation de la loi Huriet-Sérusclat. Il marque la fin des régimes différents de protection des personnes participant aux recherches biomédicales, ce qui renforce cette protection et harmonise les formalités administratives.
    Les comités de protection de personnes qui avaient fait l'objet de nombreuses critiques sont à la fois réformés et renforcés. Ils sont au centre du dispositif dans la mesure où ils doivent émettre un avis favorable pour qu'une recherche soit autorisée par l'autorité compétente.
    Il faut saluer l'effort d'allégement des formalités administratives concernant l'autorisation des lieux de recherche, les procédures ne portant pas sur des produits de santé et présentant des risques négligeables, et la simplification du circuit de soumission des protocoles.
    Simplifier les formalités administratives tout en maintenant un haut degré de protection des personnes est sûrement le meilleur moyen d'éviter les contournements de la loi. En ce sens, je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur deux questions sensibles.
    La première concerne les recherches biomédicales mises en oeuvre sur des personnes hors d'état d'exprimer leur consentement et qui ne sont pas sous tutelle. Un amendement sera proposé pour n'exiger l'avis du juge des tutelles qu'en cas de risque sérieux d'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité du corps humain. Dans les autres cas, l'autorisation par un membre de la famille ou par la personne de confiance devrait suffire.
    La seconde question concerne la pratique des recherches dans le cadre des soins courants. C'est une question à laquelle je suis sensible comme les praticiens faisant de la recherche qui siègent ici. Pour ce type de recherches sans risque supérieur aux soins courants, la loi Huriet était tellement inappropriée qu'elle était régulièrement contournée. Il me paraît donc souhaitable d'envisager une procédure allégée, qui prévoit que l'investigateur puisse être le promoteur et surtout que les circuits administratifs soient simplifiés, peut-être par voie réglementaire.
    Au terme de cette dissection du titre IV relatif à la recherche biomédicale, il faut reconnaître qu'il s'agit là d'un bon texte. Mais il n'est de bon texte qui ne puisse être amélioré. Or vous nous avez justement sollicités, monsieur le ministre, pour participer à son amélioration. Eh bien, vous pouvez compter sur l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais une fois disséqué, que reste-t-il du texte ? C'est une dissection post mortem !
    M. le président. La parole est à M. Paul-Henri Cugnenc.
    M. Paul-Henri Cugnenc. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui s'inscrit dans une certaine logique et dans le respect de différentes priorités. C'est un texte de progrès. Il est novateur. Il est volontariste, comme l'indiquent ses objectifs. Il est peut-être perfectible, comme toute oeuvre destinée à faire référence.
    Pour la première fois dans l'histoire de la République, un texte est consacré à la santé publique, dont il appartient à l'Etat d'assurer la primauté. Il ne s'agit pas, comme certains en ont manifesté l'inquiétude, de « recentraliser » ou de « reconcentrer » les moyens de l'Etat : il s'agit simplement, pour être à la hauteur des enjeux dont nous avons mesuré l'importance, de définir clairement les responsabilités de chacun. Dans notre système républicain, l'Etat est le garant des grandes orientations, de l'unité nationale et de l'égalité de traitement entre les régions.
    Chacune des crises sanitaires de ces dernières années a illustré la nécessité d'une coordination au niveau de l'Etat dans les politiques de santé.
    Coordonner, impulser, tel est l'esprit de ce texte, ce qui ne signifie pas enrégimenter. Au contraire, la réaffirmation d'un cadre clair est la condition d'une décentralisation réelle. L'Etat ne se substitue pas aux acteurs de santé ; il organise les règles du jeu et les partenariats.
    Certes, on peut parfois s'interroger légitimement sur la complexité de l'ensemble du système institutionnel existant, mais qui peut reprocher à ce texte de vouloir inscrire pour la première fois dans la loi une définition de la santé publique et, par conséquent, de marquer un grand progrès ?
    Une politique volontariste répondant à l'attente de nos concitoyens est ainsi définie. Dans la droite ligne des priorités définies par le Président de la République lors de son allocution du 14 juillet 2002, la lutte contre le cancer, l'étude de l'impact des phénomènes de violence et de dépendance sur la santé, la santé et les phénomènes environnementaux figurent en effet au rang des priorités de ce texte.
    Le cap de la politique de santé publique est fixé pour 2004-2008. Certains ont regretté que les objectifs recensés à l'article 14 du texte ne fassent pas l'objet d'une hiérarchie, mais celle-ci existe bel et bien puisque, au premier rang de vos préoccupations, monsieur le ministre, de nos préoccupations, nous trouvons la lutte contre le cancer, au travers notamment de la création, à l'article 15, de l'Institut national du cancer, mais aussi la lutte contre le tabagisme.
    A ce stade, je voudrais insister sur l'excellent travail qui a été fait en commission sous l'autorité du président, rapporteur, Jean-Michel Dubernard.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Je suis touché !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Président à vie ! (Sourires.)
    M. Paul-Henri Cugnenc. Il n'est pas vrai de dire, comme certains tentent de le faire, que la concertation n'a pas été approfondie, tant les interlocuteurs entendus, et écoutés, ont été nombreux.
    Mme Catherine Génisson et M. Jean-Marie Le Guen. En commission !
    M. Paul-Henri Cugnenc. S'il appartient au Gouvernement de définir, avec ses experts, le projet de loi, il appartient à la commission, à partir des travaux préparatoires de la commission, et notamment les auditions, de faire éventuellement évoluer le texte. Ainsi, la règle du jeu est parfaitement respectée.
    Le plan cancer montre, s'il en était besoin, que les applications concrètes représentent le principal objectif de ce texte. En matière de traitement du cancer, chacun sait ici que le traitement en amont est l'une des conditions du succès. Rattraper le retard en matière de prévention et de dépistage est un impératif auquel est destinée une large part de l'enveloppe d'un demi-milliard d'euros consacré à ce plan.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas un problème d'argent !
    M. Paul-Henri Cugnenc. L'organisation prévue dans le plan cancer permettra, nous l'espérons, monsieur le ministre, de mieux définir et de mieux mettre en valeur ceux qui, dans le tissu national, s'occupent réellement du traitement du cancer. Dans les domaines de l'hospitalisation et des soins, nous savons qu'à côté des centres anti-cancéreux d'autres structures, les hôpitaux publics non universistaires ou universitaires et d'autres structures d'hospitalisation participent très activement à traiter efficacement la majorité des patients qui, dans notre pays, sont atteints de cancer. Ce point mérite d'être souligné car on n'insiste pas assez souvent sur cette donnée fondamentale.
    De même, la lutte engagée contre le tabagisme, responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts par an, est le signe d'une véritable prise de conscience de notre société.
    Dans le même esprit nous ne pouvons que saluer la volonté affichée par ce gouvernement de poursuivre également la lutte contre le saturnisme et contre les dangers sanitaires et environnementaux dans l'attente d'un futur projet de loi en la matière.
    Le texte est sans doute malgré tout perfectible.
    L'un des principaux problèmes en matière de santé publique dans notre pays est celui des effectifs, et ce problème a été aggravé par la décision peu responsable d'appliquer les 35 heures dans ce secteur.
    M. Alain Claeys. Oh ! Pas vous !
    M. René Couanau. Ça leur fait toujours mal d'entendre cela !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Si gouverner, c'est la capacité de prévoir, on peut s'interroger sur la capacité de gouverner de ceux qui ont enfanté cette décision qui a plongé la plupart des acteurs de santé publique dans des situations inextricables.
    Aujourd'hui, le Gouvernement s'engage à remettre sur rail le convoi, à s'intéresser également au verrou du numerus clausus car la conjonction numerus clausus - 35 heures a été fatale à l'hôpital public.
    M. Alain Claeys. Parlons-en !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Dans cette perspective volontariste, il conviendra, monsieur le ministre, de préciser les contours de la nouvelle école des hautes études en santé publique qui peut être, par la formation dispensée, génératrice d'une meilleure compréhension entre les acteurs de la santé publique.
    M. Jean-Marie Le Guen. Précisez !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Comme j'ai tenté de le montrer dans le rapport parlementaire de 2003 consacré au budget de l'enseignement supérieur dont j'ai eu la responsabilité, il est nécessaire de décloisonner les formations, au moins dans le premier cycle, afin que chacun ait conscience des impératifs communs.
    Dans cet esprit, l'annonce de la réforme de la formation médicale continue, visant à motiver davantage les acteurs qu'à les sanctionner, est bien reçue par les professionnels.
    Pris dans son ensemble, bien sûr, le débat entre préventif et curatif peut sembler parfois assez théorique, mais l'attention que vous avez portée à la prévention, c'est en effet un élément fondamental de ce texte, il mérite d'être salué. Il est important d'organiser à chaque stade, prévention et dépistage, un système de santé qui soit dicté par la volonté d'aboutir à une efficacité et une responsabilisation maximale. Le Gouvernement prend des dispositions allant dans ce sens et offre, avec ce texte, de vrais éléments de progrès.
    Le projet ne simplifie certes pas toujours la complexité des structures, mais compte tenu des priorités que vous affichez, monsieur le ministre, et que défend le Gouvernement en faveur de la santé de tous les Français, nous défendrons ce texte sans aucune réserve, en espérant contribuer à l'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen.
    M. Jacques Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la France est souvent présentée comme disposant l'un des systèmes de soins les plus performants au monde. Pourtant, au fil des années, on a le sentiment que les difficultés s'accumulent, avec les déficits, désormais récurrents, de l'assurance maladie et la crise de l'hôpital et la canicule et ses conséquences ont rouvert le débat - pour ne pas dire la polémique - en faisant apparaître au grand jour le malaise, malaise des acteurs de santé, mais aussi des patients et de leurs familles.
    La discussion qui s'ouvre aujourd'hui doit être l'occasion d'un débat de fond sur ce que nous attendons de notre système de santé et sur ce que doit être le rôle de l'Etat, mais aussi celui des collectivités territoriales, au premier rang desquelles se trouve la région dans la définition et la mise en oeuvre d'une politique de santé publique efficace et qui s'inscrive dans le long terme.
    Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, va dans le bon sens. Il tend, tout d'abord, à rationnaliser l'organisation de la politique de santé publique dans notre pays. Comment, à ce sujet, ne pas se réjouir que le Parlement prenne toute sa place dans l'élaboration et l'adoption d'un objectif à cinq ans, puis dans la phase d'évaluation au terme de cette période ?
    Tout aussi positive est la proposition de reconnaître le niveau régional comme l'échelon adapté pour mettre en oeuvre les objectifs arrêtés au plan national. Il est clair que les problématiques sont différentes selon qu'on se trouve en Bretagne, Nord-Pas-de-Calais ou dans la région Provence - Alpes - Côte-d'Azur.
    Il faut cependant souhaiter que les groupements régionaux de santé publique sauront fédérer les multiples intervenants dans les nombreux domaines que recouvre la santé publique, de l'observation à la prévention en passant par l'épidémiologie ou l'éducation. Il convient de faire ensuite que cette structure ne soit pas une simple structure supplémentaire, mais, au contraire, une structure qui contribue à avoir une vision complète et précise de la politique de santé publique déclinée dans chaque région. Je suis frappé en effet par le nombre d'interlocuteurs qui existent sur le terrain. Ce foisonnement constitue une richesse à condition que chacun sache qui fait quoi, que les responsabilités soient clairement réparties et que les actions soient suffisamment coordonnées.
    Dans ce contexte, les dispositions du projet de loi relatif aux libertés locales liées à la santé participent à cette démarche de rationalisation en confiant à l'Etat les compétences de santé publique précédemment transférées aux départements comme les vaccinations, la lutte contre la tuberculose, la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le dépistage du cancer. L'Etat pourra ainsi à l'avenir coordonner ces différentes politiques par une mise en oeuvre homogène sur l'ensemble du territoire national tout en laissant la possibilité aux départements, qui disposent de structures appropriées pour l'exercice de ces missions de continuer à le faire dans le cadre de conventions.
    Ce projet de loi relatif à la politique de santé publique met en place par ailleurs, et le médecin que je suis s'en félicite, des plans nationaux. Si les cinq plans évoqués répondent bien entendu à un besoin reconnu, à des attentes exprimées par la population, les malades et leurs familles, il en est un qui présente un caractère novateur et qui va, je l'espère, permettre de s'attaquer à des questions régulièrement pointées, mais qui n'ont pas fait pour autant, à ma connaissance, l'objet d'une approche aussi globale, je veux parler des comportements à risques et des conduites addictives.
    Les tendances, nous les connaissons : une consommation de tabac qui se stabilise certes mais dont le niveau demeure élevé, une consommation de cannabis qui, au même titre que la consommation d'alcool ou de médicaments psychoactifs, ne cesse d'augmenter. Malheureusement, ce sont les jeunes les principaux acteurs, les principales victimes devrais-je dire, de cette évolution préoccupante que la seule répression ne parvient et ne parviendra pas à régler.
    Un réel effort d'observation et d'évaluation doit en premier lieu être mené pour mesurer l'impact sur notre société, sur la santé de nos concitoyens, de ces comportements, de ces conduites qui peuvent vite, malheureusement, se transformer en dépendance.
    De la même manière se pose la question de la perception réelle qu'ont nos concitoyens, pas seulement les plus jeunes, de ces phénomènes. Il y a, incontestablement, un travail permanent d'information à réaliser et ce problème nous ramène à un autre point majeur de ce projet de loi, la prévention.
    On n'insistera jamais assez sur les actions de prévention et, j'ajouterai, d'éducation à la santé et, ce, dès l'école. C'est en effet, à l'enfance et à l'adolescence que s'acquièrent les bons réflexes, les bonnes habitudes en matière d'hygiène, en matière alimentaire ou encore face au tabac, à l'alcool ou à la toxicomanie.
    A titre d'exemple, l'instauration récente d'un examen bucco-dentaire de prévention obligatoire et gratuit pour tous les enfants de six à douze ans constitue à mon sens une initiative d'autant plus utile en matière d'éducation et de sensibilisation à la santé qu'elle associe les parents. Cette initiative pourrait très opportunément être reprise et généralisée dans d'autres domaines. C'est cela aussi la politique de santé publique.
    Monsieur le ministre, je terminerai par là, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique intègre des dispositions visant à rendre plus performant notre système de veille et d'alerte sanitaire afin d'éviter que les évènements dramatiques de l'été ne se renouvellent. La canicule a souligné combien des progrès restaient à faire pour que notre société dans son ensemble considère ses plus anciens avec toute l'attention et toute la solidarité nécessaires.
    Nous le savons, le vieillissement de la population est inéluctable. D'ici à 2050, la France métropolitaine comptera trois fois plus de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans et quatre fois plus de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans. C'est dire l'ampleur du défi qui nous attend.
    Même s'il n'est bien entendu pas possible d'arrêter des dispositions à si longue échéance, le Gouvernement travaille d'ores et déjà à un plan interministériel pluriannuel « Vieillissement et solidarités ». Parmi les principaux axes de préparation de ce plan figurent l'offre et la qualité de l'hébergement collectif.
    Je voudrais dès à présent, même si cela ne relève pas de votre responsabilité directe, monsieur le ministre, attirer l'attention sur la nécessité de respecter les engagements pris en ce domaine par l'Etat dans les actuels contrats de plan Etat-région.
    L'absence de délégation d'autorisations de programme, tant pour 2002 que pour 2003, bloque, faute de financement, la programmation et la réalisation d'opérations de réhabilitation de maisons de retraire - je pense tout particulièrement à la restructuration de l'établissement de l'hôpital de Landerneau, dans le Finistère, mais ce cas n'est pas isolé. Je n'ignore pas, bien entendu, la situation délicate des finances publiques, et celles et ceux qui en sont à l'origine seraient bien inspirés d'avoir la mémoire moins courte et de faire preuve d'humilité dans leurs propos. Mais il serait paradoxal d'ouvrir par ce plan pluriannuel des perspectives en matière d'hébergement collectif et d'oublier dans le même temps des opérations qui ont fait l'objet d'une préprogrammation dans les contrats de plan Etat-région, opérations dont l'utilité et l'opportunité ne sont niées par personne.
    Je souhaite véritablement, monsieur le ministre, que le Gouvernement soit attentif et réactif sur cette question. La prise en compte du vieillissement sous ses différents aspects est une composante de la politique de santé publique. L'Etat ne peut ignorer cet aspect des engagements qu'il a pris au moment de la contractualisation avec les régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Couanau. Voilà du bon Le Guen ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en plein paradoxe : si l'Organisation mondiale de la santé considère le système de santé français comme le plus performant, nous figurons aussi parmi les pays développés où la mortalité et la morbidité évitables sont les plus fortes.
    Avec ce texte de loi, monsieur le ministre, vous nous donnez les moyens de redresser la barre. Il réaffirme la responsabilité de l'Etat en matière de santé publique, il clarifie les responsabilités de chacun - oeuvre nécessaire et urgente, comme l'ont montré les dramatiques événements de l'été, il fixe des objectifs et donne des outils.
    Pour atteindre les objectifs, cinq plans nationaux sont proposés pour la période 2004-2008. C'est sur l'un d'entre eux que je voudrais plus particulièrement intervenir : il s'agit du plan « santé et environnement ».
    Monsieur le ministre, vous connaissez bien le sujet puisque vous avez, dès 1996, rédigé le premier rapport parlementaire précis sur les liens entre l'environnement et la santé, en particulier chez l'enfant. Nul ne peut prétendre connaître avec exactitude le nombre de nos concitoyens qui souffrent de manière chronique, et parfois meurent, du fait des grandes pollutions. Notre société s'est toujours plutôt intéressée aux origines infectieuses ou aux facteurs eudogènes des affections. Mais nous prenons peu à peu conscience de l'influence majeure, même si elle est diffuse, de notre environnement sur notre santé - la canicule de cet été nous l'a rappelé de façon dramatique - et les pollutions chroniques ont un impact plus difficile à évaluer encore, mais nous disposons cependant d'indications.
    Pollution de l'air, d'abord. En 2000, une étude estimait à 32 000 le nombre de décès prématurés attribuables chaque année en France à une exposition à la pollution atmosphérique urbaine. Plus de la moitié de ces décès, 18 000, seraient causés par la pollution automobile.
    Qualité de l'air toujours : 110 000 bronchites et 60 000 à 190 000 crises d'asthme sont également attribuées, chaque année, à la pollution atmosphérique.
    Pollution de l'habitat ensuite : la prévalence du saturnisme est estimée à 2 % chez l'enfant, soit 85 000 enfants de un à six ans. Il faudrait évoquer aussi la pollution au monoxyde de carbone et au radon, qui provoquerait 2 500 décès annuels, dont un certain nombre pourraient être évités.
    Pollution sonore aussi : 3 millions de personnes seraient exposées en milieu professionnel, 7 millions du fait du trafic routier. Certes, l'impact sur la santé est complexe, mais il est certain, puisque le bruit provoque une réaction de stress avec toutes les conséquences que l'on connaît.
    Qualité de l'eau enfin : 10 à 50 % des gastro-entérites seraient attribuables à la consommation d'eau distribuée.
    Plus préoccupant est l'impact des pesticides. Cet impact est très mal connu, on soupçonne malgré tout certains produits de provoquer des troubles endocriniens graves.
    L'ampleur de l'ouvrage, chers collègues, ne fait aucun doute. Le plan « Santé et environnement » annoncé pour l'an prochain et, aujourd'hui, cette première déclinaison dans ce projet de loi sont très attendus.
    La section « santé et environnement » du projet de loi met l'accent sur trois points particuliers : les risques sanitaires au travail, l'eau et le saturnisme. Il s'agit d'avancées considérables qui méritent, je crois, d'être saluées. Il faudra bien sûr, dans le plan national, les compléter avec les nouveaux risques et surtout avec la pollution atmosphérique, qui figure légitimement en tête des préoccupations de nos concitoyens, en particulier des femmes.
    Je ne méconnais pas par ailleurs les efforts engagés, en particulier le plan « Voitures propres » lancé par le Premier ministre il y a dix jours. Mais l'enjeu est tel qu'il mériterait, sans doute, un effort plus appuyé encore.
    J'ai évoqué les risques liés aux pesticides. Ils devraient certainement être l'une des premières cibles des recherches épidémiologiques que, monsieur le ministre, vous prévoyez de lancer.
    Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé prévoit l'article 1er du projet de loi constitutionnel de charte de l'environnement initié par le Président de la République, dont, mes chers collègues, nous débattrons cet hiver. Avec ce projet de loi, c'est un geste fort vers cet objectif que vous nous proposez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    Je remercie tous les intervenants de nous avoir permis de rester, à quelques minutes près, dans la limite du temps prévu pour la discussion générale.
    Je vais maintenant suspendre la séance. Cela nous permettra d'écouter les réponses du ministre dans les meilleures conditions d'attention. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je voudrais vous dire la satisfaction du Gouvernement devant la tenue et la teneur des propos qui ont été prononcés. Je tenterai de répondre aux différents orateurs sans prendre trop de temps, me gardant la possibilité de détailler tel ou tel point au fur et à mesure de la discussion des amendements afin d'éviter les redondances.
    Je m'adresserai d'abord à M. Bapt, qui a été le premier intervenant. Il a dû quitter l'hémicycle, mais M. Le Guen lui fera part de mes réponses.
    M. Bapt a abordé deux sujets : la canicule et le plan cancer.
    La canicule d'abord.
    Votre collègue a raison : on ne connaît pas encore tout le déroulement des événements de la période difficile que nous avons connue cet été. J'ai noté qu'il avait déploré un cloisonnement, y compris sur le terrain. Ce cloisonnement est la justification des groupements régionaux de santé publique car, pour lutter contre le cloisonnement, il faut réunir l'ensemble des acteurs concernés.
    Quant au plan cancer, il a souligné à juste titre les inégalités. Il a cité le Nord-Pas-de-Calais, monsieur le président, (Sourires), et insisté sur le rôle de la région. Or ce que nous avons prévu à l'article 2 est de nature à satisfaire M. Bapt : le conseil régional peut ajouter aux objectifs du plan national de santé publique des objectifs régionaux prioritaires, eu égard à la spécificité de la région.
    Monsieur Préel, vous avez exprimé un certain nombre de craintes : l'étatisation, le manque d'attention portée aux associations, le risque que la liste des cent objectifs ne soit un inventaire à la Prévert.
    L'étatisation ? Assurément non ! Chacun est à sa place : l'Etat prend ses responsabilités et les acteurs locaux assurent la mise en oeuvre de la politique de santé publique. Telle est la distribution des rôles : l'Etat joue le rôle de garant et les opérateurs locaux sont les gérants.
    Vous avez également, monsieur Préel, évoqué les agences régionales de santé, comme tous les autres orateurs. Le Gouvernement est favorable à la création de telles agences. Mais il faut parfois procéder, comme cela a été fait dans le passé, par étapes. Or, pour créer les agences régionales de santé, il faut rapprocher les ARH des URCAM. Mais ces dernières étant l'émanation des caisses nationales, nous devons d'abord nous entendre sur le devenir des caisses nationales, dans le cadre de la concertation qui s'ouvrira dans les neuf mois.
    Il ne s'agit donc pas d'écarter la création des ARS, mais de nous laisser le temps de poser les fondements nécessaires.
    Vous avez déploré le manque d'attention portée aux associations. Je ne peux laisser passer cela, même si j'ai pu moi aussi, à tort, donner ce sentiment en supprimant, dans la première mouture du projet de loi, les conférences régionales et la conférence nationale. Mais tel n'était pas du tout mon objectif. La preuve en est que les usagers et les patients sont représentés au sein du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Leurs représentants seront aussi en nombre au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Mais le Gouvernement s'est trouvé confronté à une difficulté d'application d'une disposition de la loi du 4 mars 2002 concernant l'agrément des associations : il était difficile de satisfaire à la fois les besoins de légitimité et de respecter les critères de représentativité. Cela dit, je répète solennellement devant vous que les associations d'usagers et de patients sont des partenaires à part entière de notre politique de santé.
    Quant aux cent objectifs, monsieur Préel, je n'entrerai pas dans les détails car vous savez très bien que leur liste n'est pas exhaustive. Ils sont rassemblés sous cinq thématiques prioritaires. Nous avons voulu disposer d'un tableau de bord qui nous permette de savoir, année après année, si nous progressons dans le bons sens.
    Je répondrai maintenant à Mme Fraysse, à Mme Jacquaint et à Mme Billard.
    Vous avez regretté, madame Fraysse, le manque de concertation. Le malentendu est manifeste : nous avons en effet réuni dans chaque région l'ensemble des acteurs institutionnels, professionnels et associatifs, et consulté l'ensemble des sociétés savantes, ainsi que les associations, notamment à travers le collectif inter-associatif d'associations d'usagers de la santé. J'ai d'ailleurs reçu moi-même les représentants d'un certain nombre d'entre elles. Le procès que vous nous faites, madame Fraysse, n'est donc pas justifié. J'ajoute que plus de cent quarante experts de santé publique ont été consultés et nous ont donné leur avis. Votre commission elle-même a procédé à de nombreuses auditions et le débat se poursuit en ce moment dans cette enceinte.
    Madame Fraysse, vous avez, comme Mme Jacquaint et Mme Billard, évoqué le plan santé-environnement - sujet également abordé par Mme Kosciusko-Morizet -, la santé scolaire et la santé au travail.
    Le plan national santé-environnement comporte un volet santé-travail. Si vous vous rendez à Copenhague au département de l'OMS qui est plus particulièrement chargé de l'environnement et de la santé, vous constaterez que santé au travail et santé scolaire font partie intégrante de l'approche santé-environnement. Il s'agit là d'une innovation qui va dans le sens du décloisonnement.
    Vous avez raison, madame Fraysse, la santé au travail est un volet très important de la santé publique. Je rappellerai cependant que, dans l'immédiat après-guerre, c'est dans le code du travail que s'est développée la médecine du travail, et non dans celui de la santé publique. Le premier responsable de la santé des employés est l'employeur. Les partenaires sociaux ont toujours oeuvré en faveur de la modernisation de ce système et je ne souhaite pas contrer leurs efforts au moment où des discussions s'engagent.
    C'est dans le cadre des groupements régionaux de santé publique que le lien entre santé au travail et santé publique pourra se faire. A ce stade, le projet prévoit toutefois le renforcement de l'observation de la santé au travail dans le cadre de l'Institut de veille sanitaire.
    Vous avez également évoqué la création d'une agence nationale pour la santé au travail. Je reconnais que le besoin est réel. Le débat a d'ailleurs été ouvert sous la précédente législature lorsque a été discutée la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Il aurait été possible de relier l'INERIS, l'INRS et l'Institut de veille sanitaire, mais, après discussion, un tel schéma a été rejeté, le principal problème étant que l'INRS était financé par la CNAM, et donc géré paritairement, et qu'il n'était pas possible dans l'immédiat d'aller plus loin.
    La loi de 1998 prévoit un rapport d'évaluation qui sera déposé par le Gouvernement au Parlement au printemps 2004. C'est alors qu'il faudra probablement rouvrir le débat à la lumière des cinq années passées et eu égard aux besoins qui se font sentir dans le domaine de la santé au travail.
    C'est à peu près la même chose pour ce qui concerne la santé scolaire. C'est à l'école que se joue pour une bonne part notre santé d'adulte, et l'école est un lieu majeur pour la mise en oeuvre des programmes de santé publique. Il faut, là aussi, rester proche du terrain. C'est dans le cadre des plans régionaux de santé publique que seront définies les actions à entreprendre. Dans cette perspective, les groupements régionaux de santé publique joueront un rôle essentiel puisque les services du rectorat seront impliqués.
    J'ajoute que, pour encadrer et stimuler cette collaboration, j'ai signé cet été, avec Luc Ferry et Xavier Darcos, un contrat de partenariat en santé publique qui définit quatre priorités pour la santé scolaire en 2004 : la lutte contre le tabac, la formation aux premiers secours, le repérage de la souffrance psychique et la collaboration avec l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, en matière d'éducation à la santé.
    Monsieur Audifax, je vous remercie pour vos propos. Vous avez qualifié ce projet de loi d'ambitieux et de difficile. Vous avez également attiré l'attention sur le contexte international. Je voudrais m'arrêter un instant sur ce dernier point. Au conseil des ministres de la santé de l'Union européenne comme, auparavant, au Conseil de l'Europe, je me heurte, à l'instar de mes prédécesseurs, du reste, à la notion ambiguë de santé. En effet, pour un certain nombre de pays, dans l'expression « santé publique », seul compte le terme « santé », l'adjectif « publique » étant oublié. Or, la santé reste la prérogative des Etats. Il m'est donc difficile de faire comprendre à nos partenaires - mais je n'ai pas renoncé - que si la santé - c'est-à-dire les soins, l'hôpital, les médecins, les infirmières - doit naturellement faire l'objet de mesures mises en oeuvre au plus près du terrain, la santé publique concerne aussi l'ensemble des populations de l'espace européen. Il est donc absolument invraisemblable - nous l'avons vu avec le SRAS notamment - qu'il n'existe pas, au niveau européen, une agence de santé publique chargée de nous renseigner sur les pathologies susceptibles de toucher les populations européennes car, naturellement, les toxiques comme les micro-agents biomédicaux ne connaissent pas les frontières. C'est un combat qu'il nous faut mener les uns et les autres.
    Vous avez également, monsieur Audifax, fait appel à ma capacité d'écoute. Je vous rassure, je suis ouvert au dialogue et respectueux des prérogatives du Parlement. Je les ai suffisamment défendues durant de nombreuses années pour y être très attaché et très attentif.
    Enfin, vous avez eu une parole de sagesse en estimant qu'il fallait parvenir à un équilibre entre le « trop » et le « pas assez ». C'est bien cette préoccupation qui nous réunit aujourd'hui.
    Monsieur Jean-Marie Le Guen, vous avez insisté, cet après-midi, sur le plan cancer. Des amendements ont été déposés. Nous les examinerons. Vous savez que je ne suis absolument pas fermé à la discussion. Vous avez également évoqué la qualité. Or, permettez-moi de vous dire que si j'ai une conviction, c'est bien que la régulation de notre système de santé doit précisément reposer en premier lieu sur la qualité, c'est-à-dire sur l'accréditation et sur l'évaluation. Nous serons tous d'accord pour reconnaître que ce critère peut rassembler les professionnels et les patients eux-mêmes. Enfin, vous avez évoqué la nutrition. Permettez-moi de vous taquiner un peu à ce sujet, puisqu'il a été fait allusion au quinquennat. Vous avez lancé, en 1999 le plan national nutrition-santé, qui doit s'achever en 2004.
    M. Jean-Marie Le Guen. Excellente mesure !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Eh bien, je peux d'ores et déjà vous annoncer qu'il sera repris et amplifié, tant il est vrai qu'il est utile, et même indispensable.
    Monsieur Denis Jacquat, je voudrais vous remercier pour votre intervention. Rapporteur de la mission d'information sur la crise sanitaire liée à la canicule, vous avez évoqué cette crise avec beaucoup de simplicité et de gravité. Je veux vous dire que j'ai vraiment attendu les conclusions de cette mission pour valider un certain nombre d'amendements du Gouvernement, tant j'étais attentif à ces conclusions. Je vous confirme que nous avons été en quelque sorte encouragés à déposer des amendements dans trois directions : l'alerte sanitaire, les mesures d'urgence sanitaire et les personnes âgées.
    M. Yves Bur a replacé le débat dans un cadre général. Je veux, à cette occasion, redire l'apport de la commission, qui a rétabli la conférence nationale. Nous évoquerons la conférence régionale dans un instant. Il a également rappelé que si l'on peut critiquer le rôle du préfet et de l'administration centrale, il ne faut pas oublier que les DRASS et les DDASS sont l'émanation des préfectures et que ce sont bien les directions régionales et départementales qui sont en charge de l'action sanitaire et sociale. C'est cela qui est important, car c'est aux niveaux départemental et régional que se fait le trait d'union entre les actions menées dans ce domaine.
    Mme Martine Billard a posé un certain nombre de question auxquelles, me semble-t-il, j'ai déjà répondu. Je veux cependant la rassurer : des moyens supplémentaires seront consacrés à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi de finances.
    Oui, monsieur Domergue, il y a une rupture ! Car nous replaçons au centre de nos préoccupations l'éducation à la santé. La jeunesse nous lance évidemment le plus grand défi, ne serait-ce que parce que nous devons l'amener à prendre conscience que chacun est responsable de son capital santé. Nous devons expliquer que non seulement les comportements à risques peuvent mettre en danger la santé de ceux qui les adoptent, mais que nous sommes collectivement responsables de la santé de la population. L'Etat exerce là son rôle régalien.
    Au niveau régional, nous sommes allés vers davantage de simplification. Il n'y a pas de segmentation entre les ARH et les groupements régionaux de santé publique pour la simple et bonne raison que l'ARH fait partie du groupement régional de santé publique. Ce lien n'existait pas. Nous le créons. Je répète, pour ceux qui, comme moi, y sont très attachés, que l'objectif final est bien la création d'agences régionales de santé. Actuellement, l'ARH regroupe les hôpitaux publics et privés. S'y ajoutera naturellement, dans le cadre de l'ARS, la médecine ambulatoire. Je pose la question de savoir si la santé publique doit également faire partie de ses attributions. A ceux qui le souhaitent, je demande ce que deviendrait, alors, la sécurité sanitaire, qui relève, par définition, de la responsabilité de l'Etat. En effet, qui, aujourd'hui, donne l'alerte en cas de pic d'ozone, ou de pollution atmosphérique ? C'est bien l'Etat. Le débat aura lieu au fond lorsque nous aborderons ces questions.
    Je voudrais remercier aussi Pierre-Louis Fagniez qui, sur le mode de la communication, a parfaitement résumé le cheminement de la loi Huriet-Sérusclat au cours de ces quinze dernières années. Certes, il n'a pas évoqué la révision de cette loi, en 1994, mais c'était pour exprimer une préoccupation qui nous rassemble. Nous avons tiré tous les enseignements nécessaires en matière de protection des personnes, mais il est vrai que l'expérience révèle que certaines disciplines médicales ainsi que la recherche sont gênées dans leurs progrès. Dans ce domaine, nous poursuivons ce qui avait été initié par Bernard Kouchner, lequel avait commandé un rapport à François Lemaire. Ce rapport nous a été remis, car entre-temps, l'alternance a eu lieu. Nous l'avons lu avec beaucoup d'intérêt et il nous est apparu nécessaire de lui donner une traduction législative.
    Fort de son expérience, Paul-Henri Cugnenc a montré combien le cancer pouvait en quelque sorte représenter le paradigme du mariage de la santé publique et des soins.
    Monsieur Jacques Le Guen, vous avez replacé ce projet de loi dans le cadre de la médecine de terrain, avec sa dimension humaniste, et je vous en remercie. C'est vrai, ces textes sont parfois rébarbatifs et vous avez apporté là une touche d'humanité. Par ailleurs, j'ai entendu votre appel en ce qui concerne les contrats de plan.
    Enfin, madame Kosciusko-Morizet, vous avez évoqué le plan santé-environnement et je vous répondrai presque par un cri du coeur. Merci d'avoir rappelé que c'est en 1996 que le premier rapport de l'office parlementaire sur les liens entre la santé et l'environnement a été produit, mais si vous saviez comme la route est longue ! Malgré les convictions qui se sont affirmées et le consensus parlementaire, il a fallu attendre 1998 et la loi sur les agences sanitaires pour vaincre les obstacles et les réticences puis encore quatre ans avant que l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale soit créée. La dynamique est désormais lancée. Avec la charte pour l'environnement élaborée par le ministère de l'écologie et du développement durable, l'environnement et la santé sont indissociablement liés.
    Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les réponses que je souhaitais vous apporter au terme de la discussion générale et avant que nous entamions la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture des intitulés du titre Ier et du chapitre Ier.

TITRE Ier
Politique de santé publique

Chapitre Ier
Champ d'application et conditions d'élaboration

    M. Le Guen, M. Evin et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 408, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « La première phrase de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique est complétée par les mots : « , il inspire l'action de l'Etat dans ses différents domaines et se réalise grâce au concours de toutes ses administrations, autant que nécessaire ».
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. L'idée même de santé publique est bonne, elle nous rassemble, et nous sommes évidemment d'accord pour que l'Etat en soit l'acteur principal. Mais nous entamons à présent l'écriture même du texte de loi et il me semble qu'il faudrait peut-être sortir de ces généralités pour étudier avec rigueur et précision la manière dont nous allons, d'une part, défendre la santé publique et, d'autre part, organiser l'Etat.
    Le premier amendement que nous avons déposé avant l'article 1er reprend une idée que j'ai essayé de développer ce matin. La santé durable que nous voulons promouvoir ne se limite pas aux soins, ni même à la santé publique dans sa conception traditionnelle - c'est-à-dire la prévention et l'action sur l'environnement -, mais doit inspirer l'ensemble des politiques publiques.
    Nous l'avons vu pas plus tard que l'été dernier, et la commission d'enquête que nous allons créer le confirmera certainement, lorsque l'Etat doit intervenir dans d'autres secteurs que celui de la santé, la dimension de santé publique est sinon ignorée, en tout cas marginalisée au profit d'autres critères. C'est pourquoi nous souhaitons rappeler dans le code de la santé publique que cette valeur est le fondement de notre politique de santé publique, et qu'elle ne limite pas aux soins ou à l'action du ministère de la santé, mais doit inspirer l'action de l'ensemble des départements ministériels.
    Tel est donc l'objet de cet amendement, qui est un amendement de principe, mais qui aurait, me semble-t-il, une valeur normative pour l'action de l'Etat.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 408.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Défavorable, pour une raison simple : il ne me paraît pas nécessaire de préciser dans le code de la santé publique que l'action de l'Etat est inspirée dans ses différents domaines par cette notion, car celle-ci est présente dans l'esprit du texte qui nous est soumis. C'est donc uniquement parce qu'une telle précision me paraît inutile que j'émets un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen, M. Evin et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 407, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans la deuxième phrase de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, après les mots : "autres organismes participant à sont insérés les mots : "la promotion de la santé,. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Tous ceux qui connaissent un tant soit peu les problèmes de santé publique ont mesuré combien ce texte mettait d'une façon générale la notion de promotion de la santé de côté. Or, je souhaite que cette notion soit rappelée parce qu'elle comporte au moins deux dimensions qui justifient une orientation politique. Je pense à l'éducation pour la santé et, plus généralement, au fait que la santé n'est pas simplement l'objet de politiques et de techniques, fussent-elles mises en oeuvre par l'Etat, mais qu'elle résulte aussi de la mobilisation de l'ensemble des acteurs sociaux, mobilisation que l'Etat a pour rôle de faciliter. Le concept de promotion de la santé permet de développer au mieux la politique de l'Etat.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission pour les mêmes raisons que le précédent. Il ne me paraît pas nécessaire de préciser cette notion dans l'article premier du projet de loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 407.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Evin, M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 349, ainsi rédigé :
    « Est autorisée la ratification de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac faite à Genève le 21 mai 2003 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Comme je l'ai indiqué ce matin, il s'agit de saisir l'opportunité que nous offre ce texte pour ratifier la convention de Genève pour la lutte antitabac qui a été signée au printemps dernier. Ce serait un acte politique fort qui rappellerait que la politique de santé publique de notre pays se situe dans une dimension internationale et que, dans ce domaine aussi, même si le texte n'a pas l'air de s'en préoccuper beaucoup par ailleurs, nous sommes des multilatéralistes et non pas des unilatéralistes. Je pense que cet amendement ira droit au coeur de ce gouvernement. (Sourires.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission. Il paraît effectivement logique de ratifier la convention-cadre de l'OMS, qui a été signée le 21 mai 2003. Il est vrai que la Norvège a déjà ratifié cette convention et nous serons l'un des premiers pays à le faire après elle.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement émet un avis favorable. La convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac est un texte fondamental que la France a soutenu avec vigueur. Le Gouvernement avait prévu de ratifier ce texte qui pose des principes communs de prévention du tabagisme par un projet de loi spécifique. Mais le texte que nous examinons intègre, après la proposition de loi votée en juillet, des dispositions spécifiques sur le tabagisme. En conséquence, et en cohérence avec l'avis de la commission, je soutiens cet amendement, qui permet à la France de ratifier, après la seule Norvège, cette convention.
    M. Maxime Gremetz. Ca ne coûte pas cher !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - I. - L'article L. 1411-1 du code de la santé publique est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. L. 1411-1. - La nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels.
    « La détermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre ainsi que l'évaluation de cette politique relèvent de la responsabilité de l'Etat.
    « La politique de santé publique concerne :
    « 1° La surveillance et l'observation de l'état de santé de la population et de ses déterminants ;
    « 2° La lutte contre les épidémies ;
    « 3° La prévention des maladies, des traumatismes et des incapacités ;
    « 4° L'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades et handicapées ;
    « 5° L'information et l'éducation à la santé de la population et l'organisation de débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires ;
    « 6° La réduction des risques éventuels pour la santé liés aux multiples facteurs susceptibles de l'altérer tels l'environnement, le travail, les transports, l'alimentation ou la consommation de produits et de services ;
    « 7° La réduction des inégalités de santé ;
    « 8° La qualité et la sécurité des soins et des produits de santé ;
    « 9° L'organisation du système de santé et sa capacité à répondre aux besoins de prévention et de prise en charge des maladies et handicaps. »
    « II. - L'article L. 1411-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-2. - La loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique.
    « A cette fin, le Gouvernement précise, dans un rapport annexé au projet de loi, les objectifs de sa politique et les principaux plans d'action qu'il entend mettre en oeuvre.
    « Ce rapport s'appuie sur un rapport d'analyse des problèmes de santé de la population et des facteurs susceptibles de l'influencer, établi par le Haut conseil de la santé publique, qui propose des objectifs quantifiés en vue d'améliorer l'état de santé de la population.
    « La mise en oeuvre de cette loi et des programmes de santé qui précisent son application est suivie annuellement et évaluée tous les cinq ans. Elle peut à tout moment faire l'objet d'une évaluation globale ou partielle par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. »
    « III. - L'article L. 1411-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-3. - Le ministre chargé de la santé organise une consultation nationale dans l'année qui précède l'envoi au Parlement du projet de loi définissant les orientations et objectifs de la politique de santé.
    « Cette consultation nationale a pour objet d'éclairer les choix sur les objectifs et les plans nationaux de santé publique susceptibles d'être retenus dans le rapport annexé au projet de loi. »
    « IV. - L'article L. 1411-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-4. - Le Haut Conseil de la santé publique a pour missions :
    « 1° De contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, en établissant notamment le rapport mentionné à l'article L. 1411-2 ;
    « 2° D'assurer, en liaison avec les agences de sécurité sanitaire dans leurs domaines respectifs de compétence, une fonction générale d'expertise en matière d'évaluation et de gestion des risques sanitaires ;
    « 3° D'exercer une fonction de veille prospective sur les tendances épidémiologiques et les évolutions technologiques propres à affecter l'état de santé de la population ;
    « 4° D'évaluer la réalisation des objectifs nationaux de santé publique et de contribuer au suivi annuel de la mise en oeuvre de la loi.
    « Il peut être consulté par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé et par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. »
    « V. - L'article L.  1411-5 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-5. - Le Haut Conseil de la santé publique comprend des membres de droit et des personnalités qualifiées.
    « Le président du Haut Conseil de la santé publique est désigné par le ministre chargé de la santé. »
    « VI. - L'article L. 1413-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1413-1. - Il est institué un Comité national de santé publique. Ce comité a pour missions :
    « 1° De coordonner l'action des différents départements ministériels en matière de sécurité sanitaire et de prévention ;
    « 2° D'analyser les événements susceptibles d'affecter la santé de la population ;
    « 3° De contribuer à l'élaboration de la politique du Gouvernement dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la prévention et d'en examiner les conditions de financement.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous nous avez apportées, il y a quelques instants. Je vous avais d'ailleurs félicité pour la présentation de ce projet de loi si important, car il est nécessaire et fondamental de se doter enfin d'une vraie loi de santé publique.
    L'article 1er définit la politique de santé publique nationale. Il affirme la responsabilité première de l'Etat. Bien entendu, nous ne contestons pas cette responsabilité, car c'est bien à l'Etat de définir les priorités de santé publique et de garantir l'égal accès de tous à des soins de qualité. Mais il reste ensuite à savoir où se place l'Etat dans l'évaluation des priorités et dans l'action. Or, monsieur le ministre, j'ai l'impression que, dans le texte, vous instituez l'entière responsabilité de l'Etat, même au niveau régional. Je regrette, nous aurons l'occasion de le redire tout au long des débats, que, à ce niveau, vous confiiez au préfet la responsabilité de la prévention, de l'éducation à la santé, en le chargeant de la présidence des conseils ou des comités régionaux. Il sera ainsi responsable de l'ensemble de la politique. Nous reviendrons bien sûr sur ce point car vous avez dit - je vous ai bien entendu - que vous aviez pour objectif de créer ultérieurement des ARS. Mais pourquoi, dans le domaine de la santé, ne pourrions-nous avoir dès maintenant un interlocuteur unique et pourquoi ne pas confier dès aujourd'hui l'éducation et la santé publique aux ARH ?
    Vous avez fait, cet été un pas en avant, en retirant aux préfets certaines de leurs prérogatives en matière de santé pour les confier aux ARH. Et voilà que vous faites un pas en arrière, en confiant aux préfets des missions importantes. Car comment distinguer, dans la pratique, le soin, de la prévention et de l'éducation ? Sur ce point précis, je ressens pour ma part, une certaine perplexité.
    Le deuxième point important de cet article est la remise en cause de la Conférence nationale, même si vous vous apprêtez à la réinstituer, ce qui est effectivement souhaitable. Dans votre réponse, vous avez indiqué que vous souhaitez impliquer également les associations de façon forte. Vous avez, si je vous ai bien entendu, cité les associations d'usagers, de malades et d'anciens malades. Mais, et c'est un point fondamental sur lequel je suis en désaccord avec le texte, en matière d'éducation pour la santé, certaines associations travaillent sur le terrain et sont souvent fédérées au niveau des CODES à l'échelle des départements, et au niveau des CRES sur le plan régional. Or, dans votre texte, vous proposez de confier une grande responsabilité à l'Institut national, l'INPES, qui souhaite avoir des correspondants régionaux. Je puis vous garantir, pour avoir auditionné les uns et les autres, que ce sera une source de problèmes. En effet, comment être efficace sur le terrain, si l'on ne donne pas pleine confiance aux hommes et aux femmes qui ont l'habitude de travailler dans les collèges, dans les lycées, dans les associations de lutte contre l'alcoolisme ou de lutte contre le tabac ?
    Voilà pourquoi, monsieur le ministre, et même si l'INPES est utile dans le cadre de la communication, il me paraît très important de s'appuyer plutôt sur les CODES et les CRES et leurs fédérations nationales. Celles-ci sont les interlocuteurs logiques du ministère pour représenter les hommes et les femmes de terrain.
    M. le président. La parole est à M. René Couanau.
    M. René Couanau. Il faut effectivement continuer à réfléchir à l'organisation des services de l'Etat. L'article 1er affirme la responsabilité de l'Etat. Mais comment ce dernier va-t-il projeter son action, notamment au niveau régional ? Je précise à cet égard que je ne partage pas du tout l'avis de Jean-Luc Préel et que je me situerais plutôt de votre côté, monsieur le ministre, surtout après les réponses que vous nous avez apportées et compte tenu de la proposition faite par la commission et son rapporteur de mettre à nouveau en place des conférences régionales de santé publique, qui créent cet organe de concertation sur les objectifs.
    Je tiens néanmoins à défendre une certaine conception de l'Etat. Si celui-ci est responsable, il faut que ses responsabilités soient identifiées. Or nous avons pris l'habitude en France, et je vois là une tentative de démembrement, de confier l'action de l'Etat non plus aux circuits normaux et hiérarchiques de son organisation et de son administration mais à des agences, des instituts, etc. Dès lors, ne courons-nous pas le risque d'une certaine dilution, d'une certaine dispersion des responsabilités que vous essayez, certes, de contrer en organisant la coordination à travers le nouveau GIP au niveau régional ? Mais moi, je cherche à savoir qui va piloter. Comment va-t-on concilier le pilotage par le préfet sur les ordres du Gouvernement après éclairage du Parlement avec la mutualisation des financements et la fédération des activités et des actions ?
    Alors bien entendu, nous avons l'exemple du GIP que constitue déjà l'ARH. Mais les statuts de l'agence sont différents. D'ailleurs, elle n'a pas de président : elle a un directeur, ou une directrice, directement nommé par le Gouvernement, et qui est donc, à ce titre, investi du pouvoir exécutif en même temps que du pouvoir de pilotage.
    Ma deuxième remarque porte sur l'efficacité du dispositif, qui doit impliquer, si possible, le meilleur usage des financements publics, associatifs et privés. Allons-nous assurer le meilleur usage du financement ? A cet égard, ne nous racontons pas d'histoires, la dispersion actuelle engendre parfois davantage la superposition des structures et des doubles emplois que l'action. Il va donc nous falloir évaluer le rapport coût/efficacité, et la bonne utilisation des différents fonds mutualisés à travers le GIP. Il va falloir vérifier si l'on a simplifié l'ensemble du système ou si l'on a juste créé des correspondants nouveaux.
    A ce stade du débat, je crains que tout ne soit pas éclairci encore s'agissant de la véritable autorité de l'Etat dans le secteur de responsabilité qui lui revient et de cette action sur le terrain, qui est naturellement plus diffuse, moins concentrée qu'on ne le souhaiterait. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous avons longuement débattu de ces points en commission. Les différents avis qui se sont exprimés, dans la majorité comme dans l'opposition n'avaient rien de politique. Ils traduisaient une certaine conception que nous avons les uns et les autres de l'action de l'Etat.
    Enfin, puisque nous hésitons sur les bonnes formules, puisque, manifestement, nous n'avons pas encore résolu le problème du troisième secteur, pourquoi ne pas recourir au principe de l'expérimentation ? Pourquoi vouloir absolument prévoir aujourd'hui un système définitif au risque de s'apercevoir dans quatre ou cinq ans que, si sur les principes, on a choisi les bonnes orientations on n'a pas finalement mis en place la bonne organisation ? Or cette organisation aura créé ses propres contraintes et nous aurons ensuite beaucoup de mal à revenir en arrière. L'expérimentation vous donnerait le temps, monsieur le ministre, de réfléchir aux conditions de mise en place de l'ARS, dans le cadre de la réflexion qui va avoir lieu, dans les mois qui viennent, sur l'assurance maladie et la sécurité sociale.
    M. Jean-Marie Le Guen. Par exemple !
    M. René Couanau. Il y a là une bonne occasion d'appliquer le principe de l'expérimentation que nous avons tous revendiqué.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Alors que nous abordons la discussion des articles, il est clair que nous ne pouvons pas nous contenter de l'exposé de grands principes qui nous rassurent. Nous sommes obligés de dire si ou ou non l'organisation proposée par ce texte correspond à ce que nous voulons.
    L'article 1er traite de cette organisation au plan national et soulève plusieurs problèmes qui me paraissent mériter notre attention. Du reste certains amendements de la commission visent à réécrire le texte. A cet égard, l'amendement visant à rétablir la conférence nationale de santé, me paraît extrêmement important. En effet, le texte initial du Gouvernement sous-entendait en quelques sorte que l'Etat allait dicter l'ensemble de la politique de santé publique. Le maintien de la conférence nationale de santé montre bien, et j'espère que chacun le comprendra ainsi, qu'il y aura un minimum de concertation.
    S'agissant de la responsabilité de l'Etat, il apparaît au 9) du I de l'article 1er que la politique de santé publique concerne l'organisation du système de santé. Pensez-vous, monsieur le ministre, que, d'une façon générale, c'est bien l'Etat qui a la responsabilité de l'organisation du système de santé ? Je serai très clair : nous sommes tous, par exemple, favorables aux réseaux de santé mais est-ce bien l'Etat qui, aujourd'hui, assume le fait qu'il y a ou qu'il n'y a pas de réseaux dans ce pays ? Nous aurons l'occasion d'en débattre dans les mois qui viennent. Pour ma part, je crains malheureusement que nous ayons longtemps considéré qu'il était de la responsabilité directe de l'Etat d'organiser des réseaux notamment parce que nous avons pensé que l'organisation des soins dépendait des structures actuelles de l'assurance-maladie. L'Etat était là pour faciliter, mais pas pour organiser des soins. Est-ce que, dorénavant, l'organisation de notre système de soins va dépendre de l'Etat ?
    Deuxièmement : le rythme quinquennal. Je préfère, pour ma part, le rythme pluriannuel. Nous savons bien, en effet, - dans le cas, par exemple, de la loi de bioéthique - les difficultés que nous avons à nous fixer à nous-mêmes les rythmes de débat, parce que la vie politique est faite de telle façon qu'il n'est pas possible, à tout coup, de se donner des rendez-vous quinquennaux. La notion de pluriannualité me paraîtrait donc plus sage.
    Sur la composition du Haut Conseil de la santé publique, tel que vous l'évoquez, nous proposerons des amendements. Puisque vous avez dit que tout le monde était d'accord, mieux vaudrait préciser que ce conseil ne doit pas être composé seulement d'experts techniciens. Des gens ayant une expertise autre que scientifique ou technique doivent aussi pouvoir siéger dans ce lieu de réflexion.
    Une autre de mes interrogations concerne le Conseil national de la santé publique qui est mis en place au 6). On nous dit que c'est pour simplifier. De fait, supprimer deux structures pour n'en faire qu'une seule constitue sur le papier une simplification évidente. Mais, très sincèrement, je n'ai toujours pas compris comment les choses vont se passer concrètement lorsqu'on réunira dans la même structure les membres du Conseil national de la santé publique et ceux du Conseil national de la sécurité sanitaire. Ces deux organismes n'ont pas le même objet : l'un est chargé de réfléchir ou de conseiller en termes stratégiques et politiques, et l'autre de régler des questions techniques et d'urgence. Quelle est l'utilité réelle d'aller plus avant dans cette fusion ? Je ne m'y oppose pas pour des raisons politiques : je m'interroge simplement.
    Dernier point, les agences. Vous avez déclaré à plusieurs reprises, et M. Couanau le sous-entendait d'ailleurs - c'est un débat parfaitement légitime sur lequel on peut avoir des points de vue différents - que vous aviez l'intention d'organiser la fusion des différentes agences de santé. Est-ce exact ? Comment vont s'organiser leurs relations ? Et ces agences fusionnées ou non, comment s'organiseront-elles par rapport à la DGS ? Monsieur le ministre, il faut apporter des réponses à ces questions fondamentales en matière d'organisation de la santé publique.
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Je n'avais pas réellement décidé d'intervenir sur cet article, mais le hiatus entre le constat dressé ce matin par M. le ministre et le contenu du texte est si important que je suis en quelque sorte contrainte de le faire. En professionnel et en observateur perspicace de la santé en France, il a dressé, en effet, un tableau singulièrement sévère et juste de la situation sanitaire du pays, une réalité que chaque élu, chaque citoyen constate quotidiennement dans sa circonscription, dans sa région.
    Vous avez ainsi noté, monsieur le ministre, les différences régionales et sociales en matière de santé, plus partiulièrement les différences devant la mort. A ce titre, vous auriez pu préciser que, loin d'avoir été réduits depuis ces vingt-cinq dernières années, les écarts d'espérance de vie se sont creusés entre les femmes et les hommes, respectivement 82,7 et 75,5 ans.
    M. Jean-Marie Le Guen. La parité ! (Sourires.)
    Mme Jacqueline Fraysse. Là aussi, il y a des progrès à faire en matière de parité. (Sourires.) Les écarts se sont aussi creusés entre les régions : de cinq ans, par exemple, entre les régions Nord - Pas-de-Calais - Picardie et Midi-Pyrénées en défaveur de la première. Ils se sont creusés aussi entre les catégories socioprofessionnelles puisqu'un ouvrier du bâtiment a sept ans d'espérance de vie en moins qu'un haut fonctionnaire ministériel.
    Vous avez, certes, souligné le rôle essentiel de l'environnement et des comportements. Il est significatif, en effet, de voir combien certaines pathologies se retrouvent sur-représentées dans certaines régions et dans certains départements et sont absentes ou quasiment absentes dans d'autres. Je pense, par exemple, au saturnisme dont nous savons qu'il est particulièrement présent en Ile-de-France, notamment, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne pour des raisons liées à la vétusté des bâtis de certaines zones d'habitation et du fait de l'usage de certains matériaux peu coûteux par les entrepreneurs du bâtiment.
    Je pourrais aussi prendre l'exemple de l'amiante toujours présente dans les locaux d'habitation ou de l'aluminium dont nous savons aujourd'hui scientifiquement quels sont les effets sur la santé, notamment dans l'apparition de certains types de cancers.
    Vous auriez également pu parler des difficultés rencontrées par les professionnels de santé pour remplir leur mission de service public, de la faiblesse des moyens financiers et techniques pour y parvenir, de l'insuffisance du nombre de professionnels de santé publique. En région parisienne, par exemple, on compte un médecin pour 6 000 enfants !
    Voilà où nous en sommes en matière de santé publique et, encore une fois, vous avez dressé un tableau assez lucide qui apparaîtrait cependant plus sévère encore si on le précisait. En tout état de cause, cette constatation accentue, à mes yeux, l'insuffisance du contenu du texte. On ne peut plus considérer, en effet, que vous n'aviez pas mesuré la gravité de la situation. Dès lors, pourquoi ce texte ne traduit-il pas vos préoccupations ? Dans ce projet, rien ne me paraît de nature à diminuer les écarts dont je viens de parler - écarts d'espérance de vie, inégalités devant la mort - ou à faire évoluer les comportements qui sont à l'origine de ces inégalités.
    Je le répète, vous ne faites qu'effleurer les questions d'environnement et de santé. Certes, vous parlez du lien entre la santé et le travail ou de celui qui existe entre la médecine scolaire, l'éducation à la santé et la santé publique. Mais pourquoi, dans ce cas, ne pas avancer des propositions visant à accentuer ces liens et à faire oeuvre utile ? Vous vous bornez à fixer quelques objectifs, dont je ne nie pas l'importance, mais qui sont à mon sens quasiment impossibles à atteindre en l'état. Vous n'apportez pas de solution véritable pour modifier réellement la complexité actuelle du système de santé publique. Je pense même que vous l'accroissez au niveau régional.
    Enfin, vous ne dégagez pas de moyens pour mettre en oeuvre une politique audacieuse. Vous dites même, avec une certaine franchise, qu'il faudra penser à mieux gérer les crédits existants. Sans doute !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Bien sûr !
    Mme Jacqueline Fraysse. Je suis d'accord, mais considérez-vous vraiment que les professionnels de santé publique « gaspillent » ? C'est une approche un peu réductrice. Leur vocation n'est pas de gaspiller les deniers publics. Quand ils disent qu'ils manquent de moyens, je pense qu'il faut les croire.
    Nous mesurons bien les contradictions dans lesquelles se trouve le Gouvernement : tout en réduisant des dépenses publiques, il prétend mener de grandes politiques publiques. Évidemment, cela ne marche pas bien. Pour faire plus, il faut certainement utiliser mieux les moyens dont nous disposons, mais il faut aussi dégager des moyens supplémentaires. Sinon, on fait de belles déclarations mais concrètement on ne change rien.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. L'article 1er affirme, entre autres, la responsabilité de l'Etat dans la définition de la politique de santé. Nous notons avec satisfaction, Mme Fraysse vient de le dire, qu'une loi de santé publique est enfin présentée au Parlement.
    Premièrement, il était totalement inconcevable, et nous le dénoncions depuis des années, de ne parler de la santé que dans le cadre budgétaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale. A tout le moins donc, l'intention est bonne.
    Deuxièmement, nous manquons de mesures concrètes, au-delà de quelques programmes spécifiques, s'inscrivant dans le cadre d'une action d'ensemble, cohérente, en matière de santé publique. Nous avions le PLFSS, certes, mais de là à le considérer comme une grande politique de santé publique... Le PLFSS n'est qu'un moyen pour réaliser des objectifs de santé et non l'inverse.
    La raison de cette situation tient peut-être au fait que l'essor de la médecine curative a relégué la prévention au second plan. Il est regrettable que la santé publique soit à ce point déconsidérée. Et pourtant, Mme Fraysse et Mme Jacquaint y ont insisté, je veux le faire à mon tour - ce sujet, vous le savez, me tient particulièrement à coeur -, la prévention doit être un élément clef de notre système de soins et même de protection sociale.
    J'en veux pour preuve cette donnée maintes fois répétée, les chiffres que vous-même, monsieur le ministre vous avez donnés en commission : la part consacrée à la prévention ne représente que 3,6 milliards sur les 150 milliards consacrés à la santé.
    Tout comme vous, nous trouvons cet état de choses intolérable, injustifiable et incompréhensible. En ce sens, la démarche de santé publique que vous souhaitez engager nous semble positive. Malheureusement sa mise en oeuvre et son élaboration restent, en l'état du texte, discutables ; nous y reviendrons durant le débat, notamment lors de la défense de nos amendements.
    Au moins nous accordons-nous sur la nécessité de fixer des priorités de santé publique. Devant le constat du grand retard pris par notre pays, il nous paraît essentiel que la question de la santé publique ne soit plus soulevée uniquement en temps de crise, mais qu'elle soit l'occasion d'engager des transformations profondes de notre système.
    De ce point de vue, nous partageons l'idée que la définition des objectifs prioritaires revienne à l'Etat. Cela nous paraît tout à fait justifié. De même, nous ne pouvons que relever avec intérêt la place que vous redonnez au Parlement dans l'élaboration de ces choix nationaux dans la mesure où nous l'avons en permanence demandé.
    Je souhaiterais toutefois insister sur deux points.
    En premier lieu il ne peut y avoir, selon nous, de réussite pour autant que s'instaure une véritable démocratie sanitaire, car les choix de politique de santé pour les années à venir intéressent les professionnels évidemment, mais également et surtout les usagers eux-mêmes. Or les conditions d'élaboration de ce texte sont à cet égard loin de nous satisfaire.
    Les objectifs présentés en annexe ne relèvent que du choix arbitraire d'un petit nombre d'experts. Certes, me direz-vous, chacun peux y trouver ce qu'il veut, puisqu'il y en a 100. Autrement dit, c'est l'auberge espagnole, et chacun choisit ce qui lui convient... Mais où iront les moyens ? Quelles priorités arrêterons-nous ? Nous l'avons dit et nous le pensons toujours : il faut définir quelques axes forts au regard de l'état de notre système de santé actuel, pour y consacrer les moyens appropriés, humains et matériels.
    En second lieu, l'ambition d'une revitalisation de la santé publique dans notre pays ne prendra corps que pour autant que l'on dégage les moyens financiers nécessaires. Je sais bien qu'on nous dit : « Ce n'est pas une question de moyens financiers ». Reste, et tous les collègues qui participaient à la mission parlementaire les ont entendus, que les experts auditionnés - les directeurs de la DGS, de la DGSA et tous les autres, j'ai un tas de documents à votre disposition - ont été unanimes : si notre système de santé a été prêt à imploser ou à exploser, ce n'est pas que sa qualité soit en cause, mais parce que la crise survenue cet été a révélé un manque criant des moyens humains, de personnels qualifiés. Tout le monde l'a dit !
    « Les moyens financiers, la question n'est pas là, il faut redéployer... » Non ! C'est une des critiques majeures que j'ai formulées dans la contribution que j'ai présentée en annexe du rapport de la mission d'information...
    M. le président. M. Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. Lorsque j'entends dire qu'il faut mieux utiliser les moyens que nous avons, je réponds que les moyens que nous consacrons à la santé publique, de la prévention jusqu'aux actes médicaux, sont insuffisants. Cela vaut pour l'hôpital, pour les maisons de retraite médicalisées, pour les urgentistes, les aides-soignants, cela vaut dans tous les domaines ! Il faut insister là-dessus. On aura beau être plein de bonnes intentions, jamais on ne réalisera ce qu'il convient sans y mettre les moyens qu'il faut.
    Ajoutons qu'investir dans la santé, c'est non seulement faire preuve d'humanisme - chacun a droit à être soigné quelle que soit sa situation -,...
    M. le président. Monsieur Gremetz, il faut conclure.
    M. Maxime Gremetz. ... mais c'est aussi efficace sur le plan économique. Comme le dit le dicton populaire, prévenir, c'est guérir. Autrement dit, c'est un investissement utile.
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président.
    Nous restons préoccupés par les choix budgétaires que votre gouvernement dessine. Ajoutons que le GIP prévu à l'article 5 n'est en rien rassurant.
    En conclusion, difficile de ne pas être favorable à une loi de santé publique. Qu'il faille chercher à corriger les défauts du système de soins français,...
    M. le président. Monsieur Gremetz, il faut vraiment conclure !
    M. Maxime Gremetz. ... équilibrer la prévention et le curatif, personne ne dira le contraire. Malheureusement - et c'est ma dernière phrase, monsieur le président -, les conditions d'élaboration de ce projet obscurcissent une démarche encore atténuée par la façon dont vous entendez la mettre en oeuvre.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je vais tenter de répondre ou tout au moins de commencer à répondre. Au préalable, monsieur Préel, pardonnez-moi de ne pas avoir été suffisamment complet dans la réponse que je vous ai faite : j'avais bien noté que vous vous félicitiez de la présentation de ce texte...
    Je vais commencer par vous, monsieur Gremetz, puisque vous avez abordé le problème du financement. Entendons-nous bien : aujourd'hui, les budgets dont nous disposons permettraient probablement, s'ils étaient mieux utilisés, de faire davantage. Mais il n'est pas pour autant exclu de consacrer davantage d'argent. C'est ce que nous vous proposerons dans le projet de loi de finances, de même qu'à l'occasion du PLFSS, à propos du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire. Autrement dit, il y a les deux : faire mieux, et faire davantage.
    M. Maxime Gremetz. D'accord.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame Fraysse, le groupement régional de santé publique n'est pas une complication. Je vous parle d'expérience, en tant qu'élu local à Marseille. Lorsque le maire de Marseille m'a confié l'action dans le domaine de la lutte contre le sida et la toxicomanie, je me suis rendu compte que la ville payait, que le conseil général payait, que le conseil régional y allait aussi de sa contribution, que l'assurance maladie payait, et que différentes associations avec des subventions d'origines diverses payaient aussi. Et qu'à bien y regarder, il y avait des répétitions, des redondances et des lacunes. J'ai donc mis tout le monde autour de la table et, chacun gardant son propre budget, nous nous sommes orientés ou réorientés afin de faire en sorte que chacun fasse avec son propre budget ce que ne faisait plus le voisin, de façon à mieux couvrir l'éventail des tâches à réaliser. Non seulement le GRSP n'est pas une complication, mais c'est beaucoup plus logique, beaucoup plus cohérent et beaucoup plus efficace : on se met ensemble autour d'une table, et chacun décide, en concertation, ce qu'il y a lieu de faire en utisant son propre budget.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas ça, le GRSP !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Jean-Marie Le Guen, vous m'avez, dans d'autres questions, demandé très clairement : finalement, est-ce que l'Etat est chargé d'organiser le système de santé ? C'est assez étrange, un débat à fronts renversés : eh bien oui, je suis convaincu qu'il appartient à l'Etat d'organiser le système de santé. Et d'ailleurs, c'est ce qu'il fait, au travers de l'ARH, pour le système de l'hospitalisation publique ou privée.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est clair.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est ce qu'il fait aussi dans le domaine de la pharmacie : n'est-ce pas l'Etat qui a fixé les quotas de 2 500 ou de 3 500 habitants, selon que vous êtes en ville ou en milieu rural, et de fait déterminé le nombre d'officines ? Il n'est jusqu'aux modalités d'installations des professionnels libéraux sur lesquelles nous commençons à nous interroger, dans la mesure où l'Etat est responsable de l'égalité d'accès aux soins et qu'il ne peut pas continuer à laisser s'installer tout un chacun n'importe où...
    M. Maxime Gremetz. Ça, c'est clair. Nous le voyons en Picardie !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... alors que nous avons besoin de médecins dans nos cantons ruraux, dans nos banlieues défavorisées, ou encore dans nos vallées de montagne reculées.
    M. Maxime Gremetz. Dans des régions entières !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il est clair qu'il revient à l'Etat, même s'il organise pas tout dans le détail et s'il passe par les organisations syndicales et les ordres profesionnels, de garantir dans son cahier des charges l'égalité d'accès aux soins. C'est sa tâche, il doit le faire. Dans le domaine des médicaments, n'allez pas dire que l'Etat n'intervient pas ! Autrement dit, si l'Etat intervient sur les hôpitaux, sur le installations, sur les pharmacies, sur les médicaments, c'est qu'il porte naturellement la responsabilité de la sécurité sanitaire. Quelles que soient les modalités de son exercice, l'Etat est responsable de la santé. Il et donc bon de le préciser.
    Nous avons, c'est vrai, retenu l'échéance de cinq ans. Vous avez pris l'exemple de la bioéthique et vous avez raison. Alain Claeys, qui était avec nous tout à l'heure, aurait pu témoigner qu'il n'est pas toujours possible ni facile de respecter les échéances. Reste que l'échéance est là ! Au moins peut-on ainsi prendre conscience que l'on est en retard, ce qui permet peut-être d'aller un peu plus vite... Si vous pensez qu'il est préférable de fixer le terme à six ou à sept ans, nous pouvons reprendre ce débat, à vrai dire un peu byzantin. Il me semble que cinq ans, qui correspond à l'échéance d'une législature, est un bon délai.
    Vous vous êtes interrogé sur la composition du Haut Conseil de la santé publique. Je vous rappelle qu'y sont précisément nommées des personnalités qualifiées et que leur qualification n'est pas forcément technique - ce peut être aussi, probablement, une qualification d'expérience - et que des usagers, des patients peuvent être qualifiés pour y participer.
    Vous m'avez questionné - et votre question est très intéressante en ce qu'elle montre qu'il persiste une confusion - sur le regroupement, dans le Conseil national de la santé publique, du Comité national de la sécurité sanitaire et du comité technique national de prévention. Y a-t-il vraiment une différence entre la sécurité sanitaire et la prévention ? A mon sens, ce n'est pas aussi évident que vous avez l'air de le dire.
    Lorsqu'on cherche à prévenir, par exemple, les effets de la pollution atmosphérique sur la santé, est-ce de la sécurité sanitaire ou de la prévention ? Et sur le saturnisme ? Je pourrais aussi prendre l'exemple de l'amiante, que M. Gremetz connaît bien. En vérité, la sécurité sanitaire est une composante de la politique de prévention et il n'y a pas de justification à cette séparation, surtout quand le nombre d'experts est limité. Nous avons intérêt à les rassembler dans une structure unique.
    S'agissant des agences sanitaires, je ne vais pas me lancer dans le débat : « fusion ou par fusion ? » Nous l'avons eu en 1998. Je défendais une agence sanitaire unique ; c'est d'ailleurs ce qu'aurait préféré le ministre Kouchner, mais certaines contraintes l'ont empêché de suivre cette voie. Aujourd'hui, quel est mon état d'esprit ? Dans la loi de bioéthique, j'ai clairement indiqué que je souhaitais fusionner l'Institut français des greffes et l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines dans une seule agence de biomédecine. Il est vrai que je pense fusionner dans un second temps cette agence de biomédecine avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour aboutir à une seule agence de biomédecine et de produits de santé parce que je pense que les problématiques médicales humaines doivent se regrouper. Mais de là à dire que l'on pourrait la fusionner avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Agence française de sécurité environnementale et, pourquoi pas, l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire, je n'irai pas jusque-là, dans la mesure surgiraient où des problèmes de tutelles et d'approches différentes - encore que, c'est vrai, la question puisse se poser entre l'AFSSA et l'AFSE dont certaines des problématiques se recoupent.
    Prenons le cas de la dioxine. Cela commence par des incinérateurs, c'est donc de la pollution atmosphérique, donc de l'environnement. Mais la dioxine est réabsorbée par les végétaux eux-mêmes absorbés par les animaux, lesquels sont consommés sous forme d'aliments. Autrement dit, ce qui était de l'environnement devient de l'alimentation et, au bout du compte, lorsque surviennent des cancers, c'est un problème de santé. Par quelque bout que l'on prenne le problème, il faudra de toute façon, à défaut de les fusionner - ce qui n'est pas aujourd'hui mon intention -, articuler toutes ces instances plus fortement qu'on ne le fait aujourd'hui. Je crois avoir répondu assez précisément à vos questions.
    Il me reste à convaincre M. Couanau ainsi que tous ceux qui s'interrogent sur la réalité de la proposition du Gouvernement.
    Je suis convaincu que le groupement régional de santé publique est une simplification et une application de ce que pense M. Couanau. Comme il l'a dit lui-même, l'Etat doit assurer sa responsabilité régalienne en termes de santé publique. Si nous voulons l'exercer au plus près de la population, c'est bien au niveau régional, nous sommes d'accord, sur ce point. C'est le préfet de région et donc le DRASS, qui déclinera en région le plan national de santé publique, en mettant l'accent sur tel ou tel point particulier. Et pour ce faire, ce chef d'orchestre a sous sa direction des musiciens qui ont tous leur personnalité, leurs talents propres, et quelquefois leurs capacités d'improvisation. Il y a l'ARH, il y a les URCAM, il y a naturellement les collectivités territoriales - à ce propos, je vous précise très clairement qu'il n'est pas question de mettre tout l'argent de ceux qui sont autour de la table dans un pot commun.
    M. René Couanau. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Bien sûr, le financement de la DRASS y sera, tout comme celui de l'assurance maladie. Mais comment peut-on imaginer un seul instant que les collectivités territoriales mettraient leur argent dans un pot commun dont pourrait décider l'Etat ? Cela n'a tout simplement pas de sens. Cela veut simplement dire que lorsque le conseil régional, dans le Nord-Pas-de-Calais, voudra s'impliquer sur un tel sujet, et y consacrera une certaine somme, et celui de Provence - Alpes - Côte d'Azur sur tel autre, il leur suffira de dire : « Nous allons nous intéresser à ce problème-là, à hauteur du montant que nous entendons y consacrer. » Dès lors, il ne sera pas nécessaire qu'un autre acteur fasse la même chose. C'est de là que vient le gaspillage. Quand, par exemple, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé lance une campagne nationale contre le sida, il peut arriver que le conseil régional fasse la même chose et que parfois les deux actions se superposent. Quand on mène une action dans les écoles sur la contraception, sur l'interruption de grossesse, sur la pillule du lendemain, est-il nécessaire que le planning familial, le comité d'éducation pour la santé ou encore des collectivités territoriales fassent de même ? Cela n'a tout simplement pas de sens.
    M. Jean-Marie Le Guen. Si, ça a du sens !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je vous demande donc d'adhérer à cette organisation qui ne vise ni plus ni moins qu'à une économie de moyens, une efficacité dans les buts et une harmonisation entre les différents acteurs autour de buts communs. Voilà ce que nous vous proposons.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président...
    M. le président. Non, monsieur Le Guen, nous n'allons pas organiser un débat dans le débat. Vous êtes intervenu, le ministre a répondu, vous aurez la possibilité d'intervenir sur les amendements. Sinon, il n'y a aucune raison que d'autres ne demandent pas à en faire autant. Respectons les règles du déroulement normal de notre débat.
    M. Jean-Marie Le Guen. Soit, j'interviendrai sur les amendements.
    M. le président. Le ministre, lui-même, l'a dit : nous avons des musiciens de talent. Encore faut-il maintenant essayer de mettre un peu d'ordre si nous voulons avancer.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. A la baguette ! (Sourires.)
    M. le président. J'espère que chacun y contribuera. Le débat sur l'article 1er a été très long. C'était nécessaire, mais cela devrait permettre à tout un chacun de présenter plus simplement ses amendements. Nous savons où nous en sommes.
    M. Préel a présenté un amendement, n° 471, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les huit premiers alinéas du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique :
    « Art. L. 1411-1. - La nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels. Cette politique a pour finalité de promouvoir la santé et la qualité de vie de la population.
    « Dans ce cadre, la définition des objectifs de santé publique, la conception des plans et actions de santé mise en oeuvre pour atteindre ces objectifs et l'évaluation de la politique et des programmes de santé sont de la responsabilité de l'Etat. L'Etat évalue en outre la performance du système de santé.
    « La politique de santé publique concerne :
    « 1° la surveillance et l'observation de l'état de santé de la population et de ses déterminants ;
    « 2° la lutte contre les épidémies ;
    « 3° la prévention des maladies, des traumatismes et des incapacités ;
    « 4° l'amélioration de l'état de santé et de la qualité de vie de la population et en particulier des personnes malades et handicapées ;
    « 5° l'information et l'éducation pour la santé de la population et l'organisation de débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel, qui va donner l'exemple !
    M. Jean-Luc Préel. Bien entendu, monsieur le président, je ne reprendrai pas le débat, même si j'ai encore des questions à poser !
    Par cet amendement, monsieur le ministre, nous souhaitons ajouter un paragraphe important à l'article 1er. L'UDF, elle aussi, réaffirme le rôle de l'Etat, sans ambiguïté. Si j'ai bien compris ce que vous avez expliqué, la politique de santé en France est étatisée puisque c'est l'Etat qui est responsable de tout ! Nous souhaitons réintroduire la promotion de la santé au sein de cet article comme la finalité de la politique de santé publique car cela permet d'envisager des stratégies d'action moins restrictives que celles citées, mais surtout plus adaptées à la santé de la population. En effet, si nous voulons être efficaces, il convient de considérer la santé de façon globale et transversale et donc de développer des moyens d'action qui couvrent tout le système de santé, l'environnement des populations, les populations elles-mêmes et les politiques de santé à tous les échelons.
    Merci d'avance, monsieur le ministre, pour votre accord sur cet amendement. (Sourires.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je comprend bien l'état d'esprit de M. Préel et j'apprécie qu'il entende laisser à l'Etat un certain nombre de responsabilités dans le domaine de la santé publique.
    La promotion de la santé est à l'évidence dans l'esprit du présent texte. La définition de la santé publique qu'il donne - je fais observer d'ailleurs que c'est la première fois qu'elle apparaît dans un texte de loi - comporte quatre points de plus que celle de M. Préel : réduction des risques, réduction des inégalités de santé, qualité et sécurité des soins, organisation du système de santé. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à son amendement, considérant que le projet est plus complet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Avis défavorable également.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement va dans le bon sens, puisqu'il tend à mettre en évidence le champ de promotion de la santé. Et, puisque nous parlons des items de l'article 1er, je vous donne acte, monsieur le ministre, que sur l'organisation des soins, vous avez exprimé ce que vous pensez vraiment mais, selon moi, cela ne correspond pas au choix du Président de la République. En effet, inscrire dans la loi que l'Etat est responsable de l'organisation des soins a un impact direct sur les responsabilités de l'assurance maladie. On comprend dès lors pourquoi la CNAM, les mutuelles, les organisations syndicales et professionnelles de santé sont très réticentes ! Vous avez expliqué, depuis plusieurs mois, ce qu'était votre vision, mais elle ne correspond pas au choix politique qui a été fait. A moins que, moi-même, les acteurs de l'assurance maladie, des mutuelles et des syndicats n'ayons mal compris ce qu'a dit le Président de la République et que vous soyez mieux placé que nous pour traduire sa pensée...
    Vous placez parmi les objectifs de la politique de santé même - pas de santé publique ! - l'organisation des soins. Ne parlons pas de l'hôpital ni des ARH, bien sûr, mais de l'exemple intéressant que vous avez pris : l'installation. On touche là à la médecine ambulatoire. Estimer qu'elle est de la responsabilité de l'Etat : pourquoi pas ? Mais c'est un choix politique différent. Ne nous y trompons pas. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que ceux qui ont cru entendre certaines choses dans le discours du Président de la République à Toulouse se disent que le projet de loi ne correspond pas à ce discours et qu'ils vous le reprochent, en quelque sorte.
    Il faut néanmoins reconnaître que ce débat n'a pas uniquement lieu à l'intérieur de la majorité.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Eh non !
    M. Jean-Marie Le Guen. Et sur le plan politique, il est tout à fait respectable de se demander qui de l'Etat ou de l'assurance maladie doit avoir un rôle prédominant dans l'organisation des soins dans ce pays.
    D'une façon assez bizarre, la question est tranchée à travers au point 9. J'en prends acte mais j'interroge à ce propos tous ceux qui ont cru entendre autre chose à Toulouse.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je tiens à répondre à M. Le Guen pour lever toute ambiguïté.
    L'organisation des soins me paraît effectivement relever de l'Etat, qu'il s'agisse du numerus clausus, de la qualité des diplômes ou de leur reconnaissance par exemple.
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes d'accord !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mais, à mon sens, il y a une différence entre organisation et mise en oeuvre. C'est d'ailleurs tout le sens de la concertation qui s'ouvre aujourd'hui. Quand on délègue, on définit un certain nombre de critères correspondant aux besoins que l'Etat veut garantir. Naturellement, il fixe un cadre. C'est cela que j'appelle l'organisation. Si, à l'intérieur du cadre, on délègue la mise en oeuvre, cela n'enlève absolument rien niaux caisses, ni aux mutuelles, ni aux organisations syndicales et professionnelles.
    Vous avez raison, il ne s'agit pas d'un débat opposant majorité et opposition mais d'un débat beaucoup plus global et qui est central dans l'organisation de notre système de santé. Il sera au coeur des concertations et négociations des neuf mois qui viennent.
    Vous savez très bien quel est notre état d'esprit. Voilà pourquoi je me suis permis cette précision sémantique. Il ne s'agit pas de revenir sur ce qui a été dit, mais il faut que l'Etat assume les responsabilités qui sont les siennes.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Alors que je présente un amendement visant à ajouter au texte des précisions importantes, il n'est pas exact, monsieur le rapporteur, de prétendre qu'il serait déjà contenu dans le projet.
    Quant à M. le ministre, il a repris une thèse que je défends depuis longtemps. Pour moi, la santé est aujourd'hui quasi étatisée en France. Nous aurons l'occasion d'en reparler à propos de la nouvelle gouvernance. Se pose la question de savoir quelle est la place des partenaires sociaux. L'UDF en tout cas les défend. Leur place se trouve dans ce qui est lié au travail et financé par des cotisations salariales et patronales. Nous aurons à nous interroger sur sa légitimité en ce qui concerne la santé.
    M. le président. Maintenant que le débat est cadré, nous devrions pouvoir avancer plus vite, mes chers collègues !
    Je mets aux voix l'amendement n° 471.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Greff a présenté un amendement, n° 231, ainsi rédigé :
    « A la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, substituer au mot : "pluriannuels, le mot : "quinquennaux. »
    La parole est à Mme Claude Greff.
    Mme Claude Greff. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission, mais je comprends la volonté que Mme Greff y exprime. Il faut faire la distinction entre le débat et le vote au Parlement, qui fixent des priorités et donc des objectifs tous les cinq ans, et le débat pluriannuel - vous le souhaite quinquennal, madame - qui s'y superposerait et qui enfermerait la politique de santé dans un cadre peut-être un peu trop rigide.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je vous demandais la parole sur cet amendement !
    M. le président. Il était temps, monsieur Gremetz ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Mme Greff a raison. (Rires.) Je ne plaisante pas ! M. Le ministre reconnaissait qu'on pouvait discuter sur le point de savoir s'il fallait cinq ans ou un peu plus. « Pluriannuels » ne veut rien dire. Ecrire « quinquennaux », c'est affirmer une volonté et cela répond au souci exprimé par M. le ministre. Et je reprendrais cet amendement, si Mme Greff avait la mauvaise idée de le retirer !
    M. le président. Monsieur Gremetz, il a été mis aux voix et rejeté. Mais vous aurez pu vous exprimer dessus !
    M. Maxime Gremetz. Pour dire que je suis solidaire de Mme Greff !
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 320, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par les trois phrases suivantes :
    « Cette politique s'inspire de la charte de promotion de la santé dite "charte d'Ottawa. Elle vise à concourir à l'amélioration de la santé aux plans national et international. Elle s'inscrit dans la mise en place d'une coordination des politiques de santé européennes. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je rappellerai, une fois de plus, que nous avons vocation à mener notre action de santé dans un cadre international et à respecter tous les mouvements internationaux de mobilisation autour de la santé. C'est pourquoi il me semble important de rappeler le travail de la charte d'Ottawa ainsi que d'évoquer la dimension européenne. Il me paraît utile de rappeler que notre action de santé publique s'inscrit dans un cadre plus large que le cadre de l'Hexagone.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.
    L'esprit d'Ottawa, monsieur Le Guen, inspire l'ensemble du texte ! (Sourires.) Quant à la dimension internationale, nous l'avons acceptée volontiers en reprenant l'amendement de ratification de M. Evin.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement : l'esprit d'Ottawa inspire-t-il toute la loi ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je le confirme ! (Sourires.)
    Même avis défavorable sur l'amendement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas pourquoi M. le ministre confirme l'avis du rapporteur. Cette charte est très importante, et elle traduit bien notre propre volonté. Cet amendement, qui ne coûte pas un sou, me paraît aller dans le même sens. Il ne contredit rien.
    On parle toujours du système de santé à la française, dont on dit qu'il est le meilleur du monde. On devrait y regarder de plus près et être un peu moins arrogant à l'égard des autres pays. Nous devrions être plus enclins, conformément à la charte d'Ottawa, aux coopérations européenne et internationale car nous avons aussi à apprendre des autres.
    Je vois que j'ai enfin réussi à faire réagir M. le ministre !
    M. le président. Puisque M. Le Guen a demandé la parole, je vais la lui donner, monsieur le ministre, pour que vous puissiez « réagir » sur les deux interventions.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour parler de l'esprit d'Ottawa.
    M. Jean-Marie Le Guen. Exactement ! On aurait pu penser qu'un texte comme celui-là s'inscrirait dans une démarche scientifique. Or, depuis ce matin, nous ne sommes que dans les invocations : « Santé publique, santé publique ! », « Etat, Etat ! » Et maintenant : « Esprit, esprit ! » (Sourires.)
    Notre rapporteur nous met sur la voie : que faut-il faire pour invoquer plus précisément les esprits dans le texte ? Comment faut-il faire tourner la table ? Comment invoquer les dieux d'Ottawa ? Ottawa, c'est sans aucun doute un nom d'origine indienne, donc on doit pouvoir trouver une danse ou une évocation quelconque...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de commission, rapporteur. Un totem ! (Sourires.)
    M. Jean-Marie Le Guen. ... ou un totem qui ferait revenir l'esprit d'Ottawa à l'intérieur du texte. (Sourires.)
    Cela dit, à un moment, conformément à nos traditions, les esprits doivent s'incarner. Aidons celui-ci à s'incarner à l'intérieur de ce texte de loi !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ma réponse est simple : dès lors qu'un principe énoncé dans une charte ou dans un texte international nous convient, nous nous l'approprions. Et s'il fallait vraiment se référer aux textes internationaux, alors nous pourrions citer la charte d'Ottawa. Mais quand nous parlons de recherche biomédicale, il faudrait parler de la déclaration d'Helsinki.
    M. Maxime Gremetz. Ce ne serait pas inutile !
    M. Jean-Marie Le Guen. Et de celle d'Oviedo !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il faudrait parler en outre de la déclaration d'Oviedo et, naturellement, de celle de Madrid. Je ne suis pas sûr qu'il faille confondre la loi et la géographie.
    M. Maxime Gremetz. Ce ne sont pas la loi et la géographie qui sont en cause, mais le national et l'international. Vous manquez de dialectique !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 320.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Préel, Leteurtre et Jarde ont présenté un amendement, n° 423, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par la phrase suivante :
    « Une consultation nationale devra associer les différents professionnels, associations et industriels de santé. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Outre de géographie il était question aussi d'histoire, de l'histoire de la santé publique...
    M. Jean-Marie Le Guen. Et du Canada !
    M. Jean-Luc Préel. Certes !
    Mon amendement, n° 423, a pour but de compléter le deuxième alinéa de l'article en précisant qu'« une consultation nationale devra associer les différents professionnels, associations et industriels de santé ». L'Etat doit, en effet, s'appuyer sur tous les acteurs. Depuis de très nombreuses années, les professionnels et les associations participent à, ou sont à l'origine de très nombreux programmes, actions ou opérations relevant de la santé publique. Il nous paraît donc normal que cette démarche réellement innovante que constitue la définition d'une politique de santé publique dans un texte de loi prévoie et inclue les professionnels et les associations en rappelant qu'ils jouent un rôle de partenaires actifs. Vous me direz sans doute qu'ils sont de toute façon associés à l'action, mais il me paraît préférable de les inscrire dans la loi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Avis défavorable. L'amendement a été rejeté par la commission, mais je comprends ce que M. Préel veut dire.
    D'abord sa définition du rôle de l'Etat n'est pas très éloignée de celle que j'ai présentée dans mon rapport.
    Et puis j'ai entendu, comme les membres de la commission, lors des quarante auditions que nous avons conduites, les représentants des associations et des professionnels, qui souhaitent effectivement être associés au débat national - comme au débat régional, on en parlera plus tard. Mais, et c'est la raison qui l'a poussée à le faire, la commission a rétabli la Conférence nationale de santé, lieu de débat, forum nécessaire et souhaité par tous. Si on l'allège, si on lui fixe des modes de fonctionnement plus précis, elle peut devenir un outil très très efficace.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Le rapporteur a compris M. Préel à demi-mot. Moi, je l'ai compris parfaitement ! C'est la troisième catégorie qui compte : les « industriels de santé ». Les mettre sur le même plan que les différents professionnels et associations - il ne parle pas même pas des usagers -c'est défendre le lobbying ! Il y a des défenseurs des lobbies ici, c'est évident ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Roland Chassain. Enfin !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas toujours sur les mêmes bancs mais, en l'occurrence, c'est M. Préel qui ajoute, discrètement, après « les différents professionnels, les associations », les « industriels de santé ! »
    M. le président. Allons, monsieur Gremetz, n'agressez pas M. Préel !
    M. Maxime Gremetz. M. Dubernard ne peut que lui répondre : « Je vous ai compris mais je ne peux pas vous donner satisfaction. »
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 423.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 321, ainsi rédigé :
    « Après le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, insérer l'alinéa suivant :
    « L'application de la politique de santé est également évaluée annuellement par la Conférence nationale de santé. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement permet d'évoquer deux questions. La première, celle de la Conférence nationale de santé, sera traitée à l'occasion d'un autre amendement, de la commission, auquel je me suis rallié.
    Quant à la deuxième, elle a trait à l'évaluation, qui ne saurait être réalisée dans un cadre strictement académique. Aujourd'hui, une politique de santé doit se discuter avec d'autres acteurs que les seuls scientifiques.
    Je vous fais une autre suggestion, monsieur le ministre. Je crois que nous aurions intérêt à inviter des experts internationaux à venir expertiser, une à une, nos politiques de santé. Ce serait une très bonne chose car cela nous éviterait de tourner en rond et nous apporterait des visions différentes. En matière de santé et de santé publique, il y a aussi des gens capables dans d'autres pays. Une telle approche valoriserait notre politique de santé.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement, comme d'autres qui vont suivre, a tendance à revenir à la loi sur les droits des malades.
    Cette loi, bon nombre d'entre nous, membres de l'opposition à l'époque, l'ont approuvée, en tout cas pour certains de ses éléments, et l'ont votée, d'autres s'étaient abstenus, mais, comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, et je ne le répéterai pas pour les amendements qui suivent, elle a rendu encore plus complexe, dans certains domaines, une situation qui l'était déjà et l'un des objectifs essentiels du texte que nous discutons, c'est de simplifier, de réorganiser, pour que l'ensemble de la politique de santé devienne plus lisible.
    Désormais, le Parlement va l'évaluer et voter tous les cinq ans, ce qui est un progrès par rapport à la loi Kouchner. Par ailleurs, je sais que vous aviez été hésitant l'an dernier au moment où l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé a été mis en place, mais l'OPEPS a lui aussi pour mission d'évaluer.
    Quant aux experts internationaux, oui, on en a besoin, on s'enrichit toujours lorsqu'on va à l'extérieur. Nous avons vécu ensemble l'expérience du Québec et l'expérience de la London School, nous sommes revenus enrichis après avoir vu des éléments positifs et pris des idées qu'on peut appliquer ici. D'accord pour en inciter, mais il y a d'autres instances qui travaillent régulièrement avec des experts internationaux et qui peuvent nous fournir des éléments de comparaison et d'évaluation.
    L'amendement a été rejeté.
    M. le président. Le Gouvernement y est défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 321.
    (L'amendement n'est pas adopté).
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 322, ainsi rédigé :
    « Compléter le quatrième alinéa (1°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par les mots : « , en particulier des populations fragilisées ; ».
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il est utile et souhaitable que notre politique de santé publique ait une approche populationnelle et pas seulement une approche épidémiologique, par maladie pour parler simplement. Par ailleurs parce qu'il est utile, pour des raisons sociales et donc politiques, que les populations les plus fragilisées, c'est-à-dire les personnes âgées, les enfants, les plus démunis souvent, les exclus, un certain nombre de populations qui vivent dans des conditions particulièrement défavorisées, soient l'objet de politiques spécifiques et plus intenses que d'autres, il me semble très important que les régions, lorsqu'elles auront à construire des politiques autour des orientations nationales, trouvent clairement dans la loi les indications d'une orientation politique, et notamment celle-ci.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Le texte, en de nombreux endroits, prend en compte cette dimension populationnelle, par exemple l'article 2, qui précise que ce plan régional devra notamment comporter l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies.
    M. Jean-Marie Le Guen. « Fragilisées », ce n'est pas la même chose !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Il est vrai que la notion de « plus démunies » est moins large que celle de « fragilisées », mais les personnes âgées apparaissent dans de nombreuses autres parties du texte, et je crois que ce texte prend en compte la dimension populationnelle à plusieurs reprises.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis que la commission. Pour que M. Le Guen se tranquillise et même, éventuellement, retire son amendement, j'indique que le Gouvernement a proposé un amendement dans un titre nouveau intitulé : « Modernisation du système de veille, d'alerte et de gestion des situations d'urgence sanitaire », créé après l'article 9 du projet de loi, qui précise que la surveillance de la santé des populations fragilisées fait expressément partie des missions assignées à l'Institut national de veille sanitaire.
    M. le président. Que répondez-vous à la demande amicale du ministre, monsieur Le Guen ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous examinerons ce titre avec beaucoup d'intérêt parce qu'il pose des problèmes majeurs d'organisation de la responsabilité de l'Etat. L'Etat, on en a justement beaucoup parlé ! N'ayant pas l'intention de voter l'amendement, et espérant même qu'il sera repoussé, je ne peux me satisfaire de la réponse du ministre. Je voudrais donc que, pour plus de sécurité, notre assemblée montre une intention politique en adoptant mon amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 322.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Greff a présenté un amendement, n° 232, ainsi rédigé :
    « Compléter le cinquième alinéa (2°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par les mots : "et les crises sanitaires. »
    La parole est à Mme Claude Greff.
    Mme Claude Greff. L'amendement est défendu.
    M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! madame Greff, on aimerait vous entendre un petit peu !
    M. le président. Mme Greff a toute liberté de dire ce qu'elle veut quand elle veut.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Mme Greff a raison : la notion de crise sanitaire doit être prise en compte dans une politique de santé publique, mais plusieurs amendements du Gouvernement sur l'alerte sanitaire seront présentés plus loin. C'est la raison pour laquelle nous avons repoussé celui-ci.
    M. le président. Vous le retirez, madame Greff ?
    Mme Claude Greff. Non !
    M. le président. Le Gouvernement y est défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 232.
        (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 323, ainsi rédigé :
    « Dans le sixième alinéa (3°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, après le mot : "prévention, insérer les mots : ", le développement ou l'aggravation.
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Avec le vieillissement de la population et l'installation de maladie chroniques, on ne peut pas simplement lutter contre la survenue de maladies. L'un des éléments fondamentaux de la politique de prévention sera la lutte contre l'aggravation de maladies chroniques. C'est un concept auquel on n'aurait pas forcément pensé il y a dix ou quinze ans, c'était réservé essentiellement à une politique de soins. Aujourd'hui, la politique de prévention est d'un intérêt majeur pour lutter contre les risques d'aggravation, et je pense donc que ce concept nouveau par rapport à une nouvelle réalité morbide doit être mis en avant dans notre texte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je ne suis pas certain qu'il faille aller aussi loin dans la dissection de la notion de prévention. A ce niveau, on se rapproche de plus en plus de la notion de curatif...
    M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! Ne dites pas ça ! Et l'Alzheimer !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ... si on pousse le raisonnement dans des secteurs où peuvent apparaître du jour au lendemain des traitements.
    La commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 323.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 324, ainsi rédigé :
    « Après le sixième alinéa (3°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, insérer l'alinéa suivant :
    « 3° bis le dépistage précoce de toutes les maladies ; ».
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. On parle beaucoup de dépistage. C'est un des éléments de la politique de prévention, certes plus traditionnel mais néanmoins important.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je comprends bien l'argumentation de M. Le Guen. C'est vrai que, classiquement, le dépistage fait partie de la prévention. La commission a rejeté l'amendement mais, à titre personnel, je ne suis pas hostile à cette précision parce qu'elle donne plus de lisibilité au texte.
    M. René Couanau. Sagesse.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, non pas que le souci de M. Le Guen ne rencontre pas l'approbation, mais il y a une confusion des genres. Le dépistage n'est pas un objectif de santé publique, c'est un outil de la santé publique. Or nous sommes là en train de discuter d'objectifs et non pas d'outils.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 324.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont très sectaires dans la majorité. C'était un amendement pour dépister le sectarisme ! (Sourires.)
    M. Bertho Audifax. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. le président. Mme Greff a présenté un amendement, n° 233, ainsi rédigé :
    « A la fin du septième alinéa (4°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, substituer aux mots : " et handicapées , les mots : " , handicapées et des personnes dépendantes . »
    La parole est à Mme Claude Greff.
    Mme Claude Greff. Si la politique de santé publique concerne l'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades et handicapées, il faut penser aujourd'hui aux personnes qui ont perdu une certaine autonomie. L'évolution démographique et le vieillissement de la population accroissent très nettement le nombre de personnes âgées. L'allongement de la durée de la vie contribue également au développement du phénomène de la dépendance. Cela doit être pris en compte dans une politique de santé publique. N'oublions pas les personnes qui nous entourent et qui, sans être handicapées, deviennent aujourd'hui dépendantes.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission. Mme Greff a raison, le vieillissement de la population doit être pris en compte dans la politique de santé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de Mme Greff.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous voyez, madame Greff, quand vous parlez, vous arrivez à convaincre ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Je vous l'avais dit, madame Greff. (Sourires.)
    M. le président. Mme Greff a présenté un amendement, n° 234, ainsi rédigé :
    « Dans le huitième alinéa (5°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, après les mots : "santé de la population, insérer les mots : ", la prévention comportementale. »
    La parole est à Mme Claude Greff.
    Mme Claude Greff. L'amendement est défendu.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est tout ? Quelle déception !
    M. Maxime Gremetz. Elle vient de faire un gros effort !
    M. le président. Pas de remarques, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. C'était sincère !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, parce que la prévention est comprise dans la définition de la politique de santé publique, et que la prévention comportementale est comprise elle-même dans la prévention.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Greff est habile, elle ne défend ses amendements que quand elle est sûre qu'ils seront adoptés à l'unanimité. (Sourires.)
    Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 16 corrigé, 325 et 522.
    L'amendement n° 16 corrigé est présenté par M. Dubernard, rapporteur, M. Jean-Marie Le Guen et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 325 est présenté par M. Jean-Marie Le Guen, M. Le Déaut et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 522 est présenté par M. Le Déaut.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Compléter le dixième alinéa (7°) du texte proposé pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par les mots : " , par la promotion de la santé, par le développement de l'accès aux soins et aux diagnostics sur l'ensemble du territoire ; . »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 16 corrigé.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. C'est, en quelque sorte, un amendement de précision, qui a pour objet de mieux définir ce que l'on entend par « réduction des inégalités ».
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir les amendements n°s 325 et 522.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai pas la chance de convaincre à chaque fois que je parle (Sourires). Néanmoins, pour une fois, j'ai l'impression d'avoir convaincu en tout cas la commission et le rapporteur et, ensemble, nous avons déposé cet amendement. Nous connaissons dans notre pays de très graves inégalités territoriales. C'est un véritable problème de santé publique. Nous nous fixons comme objectif de rattraper ceux qui font le mieux en termes de mortalité dans l'Union européenne, mais nous devons également faire en sorte que les chiffres soient les meilleurs sur l'ensemble du territoire. Cet amendement me paraît donc très important pour la solidarité nationale.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je soutiens ces amendements dans la mesure où nous en avions déposé un ayant le même objet à l'article 5.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 16 corrigé, 325 et 522.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 410, ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - L'article L. 1411-1-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
    « La Conférence nationale de santé comprend des représentants des professionnels de santé et des établissements de santé ou d'autres structures de soins ou de prévention, des représentants des industries des produits de santé, des représentants des conseils régionaux de santé, des représentants des organismes d'assurance maladie, des représentants des usagers ainsi que des personnalités qualifiées.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous avions des raisons d'être inquiets de la rédaction des cinq premiers articles, et singulièrement de l'article 1er, de l'article 2 et de l'article 5, mais le travail en commission - et je salue l'état d'esprit qui a régné et la manière dont nous avons travaillé - a fait avancer un certain nombre de choses et les amendements n°s 410 et 409 n'ont plus lieu d'être dans la mesure où nous nous retrouvons sur l'amendement présenté par notre rapporteur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable. Un amendement à venir rétablira la conférence nationale de santé. Il est cosigné par plusieurs membres du groupe socialiste.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je retire les amendements n°s 410 et 409.
    M. le président. Les amendements n°s 410 et 409 sont retirés.
    M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 316, ainsi libellé :
    « Après le I de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - L'article L. 1411-1-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-1-2. - L'accès à la prévention et aux soins des populations fragilisées constitue un objectif prioritaire de la politique de santé.
    « Les programmes de santé publique mis en oeuvre par l'Etat ainsi que par les collectivités territoriales et les organismes d'assurance maladie prennent en compte les difficultés spécifiques des populations fragilisées. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est encore une fois la notion de « population fragilisée » que nous souhaitons introduire dans le texte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Défavorable !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 316.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Préel, Leteurtre, Jarde et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 496, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique, supprimer le nombre : "cinq. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Il ne s'agit que de supprimer le chiffre cinq, mais c'est un amendement de fond.
    Que les objectifs soient définis tous les cinq ans, cela ne nous semble pas suffisant, et nous avons par ailleurs la crainte, qui est largement partagée sur les bancs de l'Assemblée, que cet engagement ne soit pas tenu.
    Nous avons tous à l'esprit la loi bioéthique, votée en 1994, qui devait être revue en 1999. Nous sommes à la fin de 2003 et notre rapporteur, M. Fagniez, attend depuis le mois de mars...
    M. Pierre-Louis Fagniez. Avec beaucoup de patience !
    M. Jean-Luc Préel. ... que cette loi vienne en discussion à l'Assemblée.
    M. Jean-Marie Le Guen. Un chômeur de plus ! (Sourires.)

    M. Jean-Luc Préel. Bien qu'il ait été inscrit en 1994 que la loi devait être revue tous les cinq ans, ce principe n'est pas appliqué par le Gouvernement, et les gouvernements précédents n'avaient rien préparé non plus, bien entendu. Prévoir que les objectifs doivent être définis tous les cinq ans ne nous paraît donc pas tout à fait satisfaisant.
    Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer dans la discussion générale, nous défendons un autre principe, celui d'un conseil national de la santé, représentant des conseils régionaux, qui, chaque année, au printemps, aiderait le Gouvernement à préparer un projet de loi définissant les priorités.
    M. Jean-Luc Préel. Au printemps, donc, on définit les priorités, et à l'automne, à l'occasion du PLFSS, on prévoit le financement des priorités définies au printemps. L'ONDAM est ainsi médicalisé, et nous finançons la prévention et l'éducation.
    Car il est une autre question qui a été posée dans la discussion générale, et à laquelle nous n'avons pas encore vraiment de réponse : elle est de savoir si les cent objectifs seront effectivement financés d'ici la fin de l'année...
     M. Jean-Marie Le Guen. Provocateur !
    M. Jean-Luc Préel. ... pour pouvoir les mettre en application dès 2004, puisque nous n'aurons que cinq ans pour les réaliser.
    Par conséquent, cet amendement apparemment modeste, puisqu'il tend seulement à supprimer le nombre « cinq », est en fait un amendement de fond : il procède d'une autre vision de l'organisation de la santé dans notre pays.
    M. le président. La modestie de M. Préel fait plaisir à voir. (Sourires.)
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Avis défavorable, et M. Préel vient de dire pourquoi : la logique du texte que nous examinons aujourd'hui n'est pas celle des propositions que fait M. Préel. Dans ces conditions, l'avis défavorable de la commission était lui aussi logique.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 496.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 411, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique, après les mots : "plans d'action, insérer les mots : "qui comporteront une étude coût/avantage, des propositions de méthodologie et les moyens. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons déjà eu l'occasion de vous dire combien nous étions déçus - et le mot est faible - du fait que cette loi, contrairement à ce qui avait été envisagé initialement, ne soit pas financée. C'est une chose. Mais ce qui en est une autre, c'est que dans les choix qui sont proposés pour aujourd'hui et pour demain dans les critères de santé publique, il n'y ait pas un volet coût-avantage. Je pense que c'est un élément déterminant. Nous parlerons tout à l'heure - ou un autre jour - des politiques de santé publique. Le décideur public devrait pouvoir disposer des éléments du rapport coût-avantage, qui est un élément fondamental du choix. C'est un des critères - je ne dis pas que c'est le seul - qui doivent fonder la décision publique. Je pense donc qu'il faut que nous arrivions, en matière de programme de santé publique, à avoir les éléments réels d'une analyse pour pouvoir faire des choix. C'est l'objet de cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je rappelerai à M. Le Guen que le rapport annexé comporte des données méthodologiques...
    M. Jean-Marie Le Guen. Ah oui ! Excellentes ! Parlons-en !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ... assorties d'objectifs quantitatifs, monsieur Le Guen.
    Par ailleurs, un texte de loi doit-il aller aussi loin dans le détail ? L'étude coût-avantage n'est pas la seule qui permette d'apprécier ou d'évaluer un projet. D'autres méthodes peuvent intervenir ou apparaîtront peut-être demain. La commission a émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je voudrais ajouter un argument supplémentaire pour tenter de convaincre M. Le Guen.
    La majorité précédente, avec l'appui de l'opposition d'alors, a voté la loi organique relative aux lois de finances. Et la LOLF prévoit que l'on aura désormais des lignes budgétaires correspondant très précisément à des actions. Et dans la loi de finances à venir, vous verrez très précisément affichée une ligne « santé publique ». C'est tout l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances. La disposition proposée est donc inutile.
    M. le président. Vous maintenez votre amendement, monsieur Le Guen ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Oui, monsieur le président. Il s'agit de choisir des politiques. Lorsque nous luttons, par exemple, contre les conséquences du diabète, quelle est la bonne stratégie ? Faut-il examiner le fond d'oeil ou bien au contraire continuer à privilégier essentiellement des prises journalières ou hebdomadaire destinées à mesurer le niveau de sucre dans le sang ? Quelle est la bonne stratégie pour lutter contre les conséquences du diabète ? On voit bien que pour répondre à cette question, il faut analyser le rapport coût-avantage. Il ne s'agit pas ici d'évoquer la politique de financement. Il s'agit de mettre au point la meilleure stratégie possible en matière de santé publique. Ce n'est pas du tout un problème budgétaire. La question est de savoir, en fonction de quels critères choisir telle politique plutôt que telle autre, telle priorité plutôt que telle autre.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 411.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Dubernard, rapporteur, et Mme Billard ont présenté un amendement, n° 17, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique par la phrase suivante :
    « Le rapport établi par le Haut Conseil de la santé publique dresse notamment un état des inégalités socioprofessionnelles et des disparités géographiques quant aux problèmes de santé. »
    La parole est à M. le président de la commission, rapporteur.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je laisse à Mme Billard le soin de présenter cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Cet amendement a pour objet d'introduire une précision que la commission a jugée importante et indispensable, puisqu'elle l'a repris. Il s'agit d'affiner les études sur la connaissance de l'état de santé de la population. L'étude qui est parue hier, concernant les enfants de cinq et six ans, a montré que finalement, contrairement aux idées reçues, la géographie pouvait être un déterminant plus important que les caractéristiques socio-économiques. Cela montre qu'il est vraiment nécessaire d'approfondir toutes ces études pour aboutir à une politique de prévention beaucoup plus pointue qui, une fois fixé l'objectif général au niveau national, puisse être détaillée région par région, de façon à en accroître l'efficacité. On connaît les différences, par exemple sur l'obésité, en fonction des régions. On a besoin de ces indicateurs. Il en va de même pour les indicateurs d'inégalités socioprofessionnelles. La surmortalité des hommes exerçant une profession manuelle est de 71 % par rapport aux hommes exerçant une profession non manuelle. Mais on sait aussi que ces études s'appuient plus souvent sur la profession et excluent les situations les plus précaires. L'INSERM lui-même considère qu'il faut affiner ces études pour pouvoir affiner les politiques.
    M. le président. La commission est évidemment favorable.
    Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 348, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique par la phrase suivante :
    « Le rapport intègre dans son analyse des registres nationaux d'observations par pathologies et par populations (jumeaux, migrants, notamment). »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Je sais que cet amendement a été rejeté par la commission, qui a estimé qu'il allait trop loin dans le détail. C'est qu'il s'inscrit dans le cadre d'une politique à laquelle on n'est pas habitué en France. Pourtant, dans les pays scandinaves, on se fonde notamment sur des registres de jumeaux pour faire la différence entre les facteurs héréditaires et les facteurs environnementaux. Dans les recherches sur les causes des cancers, la différence a pu être faite entre les facteurs héréditaires et ceux liés, par exemple, aux pollutions, qu'il s'agisse de pollution intérieure ou de pollution chimique, dans le cadre de la vie privée ou dans l'environnement professionnel. C'est pourquoi j'ai déposé à nouveau cet amendement. Il serait tout de même intéressant que la France tire parti de cette expérience des pays scandinaves. Pourquoi en rester à nos propres expériences ? S'il y a des expériences menées à l'étranger qui sont positives, autant les reprendre.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Avis défavorable. Le rapport peut très bien intégrer cette dimension sans que ce soit précisé dans la loi.
    Et puis, il y a une question qui avait fait sourire en commission en ce qui concerne les jumeaux,...
    M. Pierre-Louis Fagniez. Ah oui, nous ne sommes pas d'accord !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ... et qui est éludée dans cet amendement. En effet, les jumeaux sont considérés comme une population particulière. La disposition proposée constitue donc une certaine forme de discrimination qui a pu en choquer certains ou certaines.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Ça ne nous plaisait pas !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Quoi qu'il en soit, la commission a rejeté l'amendement.
    M. le président. Même avis, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Préel, Leteurtre et Jarde ont présenté un amendement, n° 424, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique par la phrase suivante :
    « Ce rapport s'appuie également sur les propositions du Conseil national de la santé. »
    Vous avez déjà défendu cet amendement, n'est-ce pas, monsieur Préel ?
    M. Jean-Luc Préel. Pas tout à fait, monsieur le président.
    M. le président. Disons que vous l'avez presque défendu.
    M. Jean-Luc Préel. Non, monsieur le président. Il est prévu dans le texte que le rapport s'appuie sur les travaux du Haut Conseil. Cela ne nous paraît pas suffisant, il faudrait qu'il prenne en compte les travaux du Conseil national de la santé ou de la Conférence nationale de la santé, puisque telle sera sans doute son appellation. Il n'est pas normal que la Conférence nationale de la santé travaille et que l'avis des professions qui y sont représentées ne soit pas pris en compte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Elle a rejeté l'amendement.
    M. le président. Même avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 424.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Préel, Leteurtre, Jarde et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 497, ainsi libellé :
    « Après le mot : "annuellement, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique. "Un débat annuel pour actualiser et évaluer les priorités est organisé au printemps. Ce débat annuel permettra d'examiner les priorités de santé publique en fonction de leur évolution et de veiller à leur financement. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Je ne vais pas demander au rapporteur d'expliquer pourquoi il a rejeté le principe de l'amendement précédent. La Conférence nationale de la santé travaillera sans but...
    M. Maxime Gremetz. Il fait des menaces...
    M. Jean-Luc Préel. ... puisqu'on n'aura pas à en tenir compte.
    Pour ce qui est de l'amendement n° 497, il a déjà été défendu, monsieur le président. L'idée de fond est qu'un débat annuel est nécessaire pour actualiser et évaluer les priorités, ce qui nous semble très souhaitable. Une évaluation effectuée tous les cinq ans nous paraît trop lointaine.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 497.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 326, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique :
    « La Conférence nationale de santé présente tous les ans une évaluation de l'application de cette loi. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement pointe un gros problème que soulève l'article 1er, qui confie à l'Etat la tâche suivante : « l'Etat a la responsabilité de la détermination des objectifs, de la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre, ainsi que de l'évaluation ». Cet amendement propose que l'évalution ne soit pas faite exclusivement par l'Etat. En effet, que penser, au plan purement méthodologique, du fait que l'Etat soit à la fois celui qui organise les plans et celui qui les évalue ?
    Alors, certes, il pourra évaluer leur réalisation mais comment peut-il évaluer lui-même la conception même de ses plans ? Il est fondamental, dans une démarche un tant soit peu rationnelle, du point de vue des principes méthodologiques et scientifiques en matière de politique de santé, de faire en sorte que l'évaluateur ne soit pas celui qui a décidé et organisé ces plans. Il nous paraît donc tout à fait important que la Conférence nationale, qui a été fort justement réintroduite par un amendement de notre rapporteur, ait un rôle d'évaluation dans la mesure où, n'étant pas une émanation directe de l'Etat, elle aura plus d'indépendance et de crédibilité pour mener cette évaluation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. M. Le Guen a tendance à oublier le rôle que joue le Parlement, et son vote tous les cinq ans. Il a aussi tendance à oublier l'OPEPS, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. L'amendement a été repoussé par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 326.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Préel, Leteurtre et Jarde ont présenté un amendement, n° 425, ainsi rédigé :
    « Supprimer le III de l'article 1er. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Cet amendement prévoit de supprimer le III de l'article 1er, qui supprime le conseil régional de la santé pour le remplacer par une consultation nationale tous les cinq ans. Une simple consultation tous les cinq ans ne nous paraît pas suffisante. Nous avons d'ailleurs adopté en commission un amendement qui répond partiellement à ce souci - il s'agit de l'amendement suivant. Mais il nous paraîtrait plus simple de maintenir les conseils régionaux de santé tels qu'ils existent actuellement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. M. Préel décline à chacun des niveaux, national d'abord, régional ensuite, la conception qu'il a de la santé publique et de la santé en général. La commission a rejeté l'amendement, parce qu'un autre amendement rétablit la Conférence nationale.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 425.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 18 et 498, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 18, présenté par M. Dubernard, rapporteur, MM. Audifax, Le Guen et Préel, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 1411-3 du code de la santé publique :
    « Art. L. 1411-3. - La Conférence nationale de santé, organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé, a pour objet de permettre la concertation sur les questions de santé. Elle est consultée par le Gouvernement lors de la préparation du projet de loi définissant les objectifs de la politique de santé publique mentionnés à l'article L. 1411-2. Elle formule des avis et propositions au Gouvernement sur les plans et programmes qu'il entend mettre en oeuvre. Elle formule également des avis ou propositions en vue d'améliorer le système de santé publique. Elle contribue à l'organisation de débats publics sur ces mêmes questions. Ses avis sont rendus publics.
    « La Conférence nationale de santé dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret, comprend notamment des représentants des malades et des usagers du système de santé, des représentants des professionnels de santé et des établissements de santé ou d'autres structures de soins ou de prévention, des représentants des industries des produits de santé, des représentants des organismes d'assurance maladie, des représentants de conférences régionales de santé publique, des représentants d'organismes de recherche ainsi que des personnalités qualifiées. »
    Sur cet amendement, Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un sous-amendement, n° 394, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-3 du code de la santé publique, après les mots : "représentants des malades et des usagers du système de santé, insérer les mots "des représentants des organisations syndicales du secteur,. »
    L'amendement n° 498, présenté par MM. Préel, Leteurtre, Jarde et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 1411-3 du code de la santé publique :
    « Art. L. 1411-3. - Le ministre chargé de la santé veille à la convocation annuelle du Conseil national de la santé.
    « Ce Conseil national de la santé est l'émanation des conseils régionaux de santé composés de tous les acteurs de santé. Ils sont élus par collèges.
    « Ce Conseil national de santé a trois missions : estimer les besoins à partir des travaux des observatoires régionaux de santé ; veiller à l'adéquation de l'offre aux besoins et contrôler l'exécutif régional, l'Agence régionale de santé. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 18.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement rétablit la Conférence nationale de santé, et précise les grandes lignes de son mode de fonctionnement et de ses missions. Dans le projet initial, le Gouvernement avait la volonté de simplifier un paysage trop complexe, et de rendre plus souples les modalités de concertation. Il est vrai aussi que lors de nos auditions, tous les professionnels de santé, toutes les associations que nous avons pu entendre ont souhaité que cette Conférence nationale soit rétablie. Cet amendement répond à ce voeu. Je dois signaler que le dispositif prévu est allégé par rapport aux dispositions inscrites dans la loi de 2002.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, et à cette occasion il souligne deux choses. D'une part, qu'il est attentif et ouvert aux propositions de l'Assemblée nationale et, d'autre part, que nos débats ont un grand intérêt. Le Gouvernement donne un avis favorable, et se range à l'amendement n° 18 de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est très important. Il marque une rupture par rapport à la logique initiale du texte car, philosophiquement, il implique deux choses.
    D'une part, l'Etat ne reste plus dans la solitude un peu arrogante dans laquelle il était placé pour définir à lui tout seul la politique de santé publique. Il y a une consultation permanente. Il y a un lieu qui offre l'occasion d'une véritable ébauche, je dis bien une ébauche, de démocratie sanitaire, un lieu où l'ensemble des forces sociales qui participent à l'élaboration, sur le terrain, des politiques de santé peuvent venir s'exprimer.
    D'autre part, cet amendement prend bien en compte toute la diversité et le pluralisme de la représentation des acteurs, ce qui n'était pas le cas auparavant, notamment dans d'autres structures du type « Haut conseil ». Nous avons fait du bon travail. L'essentiel du fonctionnement national de ces structures est, me semble-t-il, amélioré de façon très substantielle.
    M. le président. Monsieur Préel, vous êtes co-signataire de l'amendement n° 18, je suppose donc que vous vous y êtes rallié dans l'intention de retirer l'amendement n° 498 ?
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, si je me suis rallié à cet amendement n° 18, c'est qu'il me paraît constituer un grand progrès par rapport à la rédaction initiale du projet de loi. Toutefois, il ne répond que partiellement à notre souhait d'une Conférence nationale de la santé qui soit l'émanation des conseils régionaux de la santé, et à laquelle participent toutes les personnes s'occupant de la santé. M. le rapporteur a dit que je déclinais régulièrement certaines propositions. C'est exact. Et je peux même lui dire que ces propositions que je présente dans diverses réunions passent très bien auprès de tous ceux qui s'intéressent à la santé. Nous allons prochainement aborder la gouvernance de la santé, monsieur le ministre, mais comment réussir une maîtrise médicalisée de la santé sans que les professionnels de santé soient associés, en amont, aux décisions, et en aval, à la gestion ?
    Notre proposition, que je défends au nom du groupe UDF, d'une intégration des professionnels aux conseils régionaux de santé et d'une Conférence nationale de la santé pour aider le Gouvernement à préparer chaque année les priorités financées à l'automne est un message, monsieur le ministre, je me permets de vous le rappeler, qui passe aujourd'hui très bien. S'il n'est pas pris en compte dans la nouvelle gouvernance demain, vous aurez des problèmes pour arriver à une vraie maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler très prochainement, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    M. le président. Pour que les choses soient claires, mon cher collègue, retirez-vous l'amendement n° 498 ?
    M. Jean-Luc Préel. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 498 est retiré.
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Ça ne vas pas du tout ! Cela dit, la suppression de la conférence régionale ne nous gênait pas trop, car, telle qu'elle était conçue, cette conférence régionale aurait consisté en une grande messe tous les ans, un matin, avec seulement des discours. Ça ne nous paraissait pas être un lieu digne d'intérêt pour recenser des besoins, élaborer collectivement des propositions sérieuses et déterminer des priorités, y compris au niveau régional.
    Il n'en reste pas moins que M. le rapporteur doit se souvenir que nous avions déposé un amendement visant à créer auprès du préfet un comité régional de santé permanent afin d'éviter que les ARH ne soient responsables devant personne et pour faire en sorte que toutes les parties prenantes soient intéressées à la définition des priorités.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Pour l'instant, nous parlons du niveau national.
    M. Maxime Gremetz. C'est juste, monsieur le rapporteur.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Nous examinerons le niveau régional plus loin dans le texte.
    M. le président. La parole est à Mme Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 394.
    Mme Martine Billard. La Conférence nationale de santé prévoit la participation des représentants des malades et des usagers, ce qui est très positif, ainsi que des représentants des professionnels de santé. Or la représentation des professionnels de santé se limite souvent aux médecins, les autres acteurs présents notamment dans les hôpitaux ou les centres de soins, comme les infirmières, les aides-soignantes, les sages-femmes, étant oubliés.
    Aussi, mon sous-amendement prévoit la participation des représentants des organisations syndicales à cet organisme afin d'avoir une vision plus globale de la réalité. Je propose des représentants des organisations syndicales car si j'avais déposé un sous-amendement dans lequel aurait figuré une liste exhaustive, on m'aurait rétorqué qu'il était trop précis et que tout le monde ne pouvait pas siéger dans cet organisme.
    Bref, comment faire en sorte que les représentants des professionnels de santé ne soient pas uniquement, comme c'est très souvent le cas, des médecins ?
    M le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a repoussé ce sous-amendement. Les professionnels, ce sont les membres de toutes les professions de santé. J'ajouterai, madame Billard, que l'amendement prévoit, à côté des représentants des professionnels de santé, des représentants des établissements de santé.
    M. Jean-Marie Le Guen. Et de l'assurance maladie ! Mais elle sera nationalisée d'ici là !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement traduit donc une conception très large de la représentation au sein de la Conférence nationale de santé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis que la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 394.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements n°s 426 et 427 de M. Préel tombent.
    M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 317, ainsi libellé :
    « Après le III de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « III bis. - L'article L. 1411-3-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-3-1. - Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France est une instance consultative à caractère scientifique et technique, placée auprès du ministre chargé de la santé et compétente dans le domaine de la santé publique. Il est chargé d'émettre des avis ou recommandations et d'exercer des missions d'expertise, en particulier en matière de prévision, d'évaluation et de gestion des risques pour la santé de l'homme, en dehors des missions exercées par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments mentionnés à l'article L. 1323-1 du présent code.
    « Sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires qui rendent obligatoire sa consultation, le conseil supérieur peut être saisi par le ministre chargé de la santé ou par tout ministre de projets de texte, de projets de décisions administratives et de toute question relevant de son domaine de compétence.
    « Il peut également, sur décision de son bureau, examiner toute question d'ordre scientifique ou technique relative à la santé de l'homme sur laquelle il estime nécessaire d'alerter les pouvoirs publics.
    « Le Conseil supérieur est consulté sur l'établissement des instructions techniques concernant les vaccinations.
    « Le Conseil supérieur est saisi pour avis sur les projets d'assainissement prévus à l'article R. 780-3 du présent code. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement a été défendu précédemment. J'ajoute que l'amendement n° 318 est également défendu. La fusion du Conseil supérieur d'hygiène public et du Haut Conseil de la santé nous paraît inutile.
    M. le président. M. Le Guen et les membres du groupe socialiste ont en effet présenté un amendement n° 318, ainsi libellé :
    « Après le III de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « III ter. - L'article L. 1411-3-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1411-3-2. - Le Haut Conseil de la santé a pour missions :
    « 1° De contribuer à la définition des priorités pluriannuelles de santé publique, notamment en apportant son concours au Gouvernement et en formulant toute recommandation qu'il juge nécessaire en vue d'améliorer les politiques de santé ;
    « 2° D'évaluer, par l'intermédiaire d'un rapport remis au Parlement avant le 15 avril de chaque année, l'application de ces priorités. Ce rapport est élaboré notamment au vu des bilans établis, avant le 1er mars, par les conseils régionaux de la santé et au vu des propositions que ces derniers formulent.
    « Il peut être consulté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et les présidents des commissions compétentes du Parlement sur toute question concernant l'organisation du système de santé, en particulier sur les évolutions du système de soins liées aux objectifs de la politique de santé.
    « Il peut se saisir de toute question sur laquelle il estime nécessaire d'informer les pouvoirs publics.
    « Le Haut Conseil de la santé comprend des membres de droit et des personnalités qualifiées dont la compétence est reconnue sur les questions de santé.
    « Le président du Haut Conseil de la santé est élu par les membres au sein des personnalités qualifiées.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
    Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Par souci de simplification et de rationalisation, la commission a rejeté ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 317.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 318.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 319, ainsi rédigé :
    « Supprimer les IV et V de l'article 1er. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. La réécriture systématique de la loi sur les droits des malades en supprimant les mots « Haut Conseil de la santé » me paraît être une mauvaise manière faite à un texte qui a marqué profondément l'histoire de la santé publique, et plus généralement, de la santé dans notre pays. Elle mériterait d'être traitée autrement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission pour des raisons que j'ai exposées précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Le Guen, pour que les choses soient claires et que l'on n'y revienne pas, je vous rappelle que je n'ai pas voté contre la loi sur les droits des malades, mais que je me suis abstenu parce qu'un certain nombre de ses dispositions ne convenaient pas.
    Depuis que je suis en charge du ministère de la santé, je me suis efforcé, en ayant à l'esprit la continuité de l'Etat, de mettre en oeuvre la plupart des dispositions de ce texte - et je pourrais citer l'ONIAM.
    Avec le recul, il nous est apparu que certaines des dispositions de cette loi devaient être modifiées pour être opérationnelles. Toutefois, ce ne sont jamais que des modifications de forme.
    Je reconnais en effet que cette loi a modifié sensiblement le paysage de notre système de santé. Cela dit, sans approuver pour autant toutes les mesures de ce texte, nous le mettons en oeuvre petit à petit et nous le modifions quand nous pensons que cela le rend plus efficace.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 319.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 327, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-4 du code de la santé publique, supprimer le mot : "publique. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je retire cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 327 est retiré.
    L'amendement n° 235 de Mme Greff n'est pas défendu.
    MM. Préel, Leteurtre et Jarde ont présenté un amendement, n° 499, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-4 du code de la santé publique, après le mot : "intéressés, insérer les mots : "par soixante parlementaires,. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à revaloriser le rôle du Parlement.
    Le texte prévoit que les ministres et présidents de commission pourront consulter le Haut Conseil de la santé publique sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé. Il nous paraîtrait légitime que soixante parlementaires puissent eux aussi consulter le Haut Conseil de la santé publique sur un problème qui leur paraîtrait important, de la même manière qu'ils peuvent saisir le Conseil constitutionnel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Le Parlement ne consulte pas. Il est destinataire d'un rapport. Le Parlement débat et vote.
    M. René Couanau. Très juste !
    M. Pierre-Louis Fagniez. C'est la mission du Parlement !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Par ailleurs, le Parlement évalue avec l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.
    Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l'adoption de cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Rejet.
    M. Jean-Luc Préel. Les parlementaires peuvent saisir le Conseil constitutionnel !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Ils ne le consultent pas !
    M. Jean-Luc Préel. Pourquoi ne pourraient-ils pas saisir le Haut Conseil ?
    M. Maxime Gremetz. Ils ne veulent nous donner aucun pouvoir, c'est bien connu !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Laissons à M. Préel la responsabilité de l'architecture globale de son système auquel je suis prêt à parier que vous serez un certain nombre à vous rallier dans quelques mois. En fait, il veut transformer le Haut Conseil de la santé publique en une sorte de « CSA de la santé », qui aurait vocation à édicter des normes.
    M. Préel nous propose une étatisation déconcentrée - éventuellement décentralisée - mais faisant l'impasse sur les partenaires sociaux.
    Je voulais simplement appeler l'attention de l'Assemblée sur ce point dont nous reparlerons d'ici à quelques mois.
    M. Pierre-Louis Fagniez. C'est une exégèse de la pensée UDF ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. M. le ministre et M. le rapporteur veulent bien faire plaisir à M. Préel, mais ses amendements sont tellement mauvais qu'ils ne peuvent que s'y opposer. Je les comprends et je les soutiens (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 499.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 328, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-5 du code de la santé publique, supprimer le mot : "publique. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je retire l'amendement.
    M. le président. L'amendement n° 328 est retiré.
    Mme Fraysse et M. Gremetz ont présenté un amendement, n° 172, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-5 du code de la santé publique par les mots : "notamment parmi des professionnels de santé, des organismes de recherche, des usagers du système de santé, des associations d'usagers, des représentants des organisations syndicales représentatives des salariés et des employeurs, des organisations d'assurance maladie, des professionnels du secteur sanitaire et social et des représentants des structures d'éducation et d'observation de la santé. »
    La parole est M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. A l'occasion de l'examen de cet amendement, je souhaiterais revenir sur une notion parfois bien mal comprise, qui pourtant, par son principe, devrait être le fondement de toutes nos institutions, notamment de nos institutions sanitaires. Je vais donc tenter d'apporter quelques éléments d'information qui aideront ceux qui ne semblent pas comprendre la notion de « démocratie sanitaire ».
    M. Jean-Marie Le Guen. Voilà des explications qui nous seront utiles !
    M. Maxime Gremetz. Habituellement, la notion de démocratie ne paraît pas poser de problème de compréhension dans cet hémicycle. Encore que... En revanche, lorsque le mot « démocratie » est suivi du mot « sanitaire », cette notion semble poser de sérieuses difficultés. Pourtant, par cette expression nous ne revendiquons rien d'autre que l'application des règles de la démocratie au domaine sanitaire ; en d'autres termes, l'ouverture au citoyen de la sphère sanitaire. Il suffit de regarder ce qui se passe ici : parmi les parlementaires qui participent à ce débat, je dois bien être le seul à ne pas être médecin ou professionnel de santé !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'était l'objet de la démonstration !
    M. Maxime Gremetz. Non, pas du tout ! Très simplement, il s'agit de faire en sorte que les décisions prises en matière de santé soient non seulement le résultat d'un constat d'experts mais aussi l'expression de la volonté populaire.
    Voilà, monsieur le ministre, la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Il vise, et j'y insiste, à donner au Haut Conseil de la santé publique une dimension particulière. Soucieux de respecter la démocratie et d'établir le dialogue entre tous les intervenants dans le domaine de la santé, le groupe des député-e-s communistes et républicains souhaite que l'instance qui participera activement à l'élaboration des objectifs de santé publique soit pluraliste et synonyme de démocratie. Faute de quoi on restera toujours enfermé dans le même carcan.
    Nous souhaiterions pouvoir associer aux décisions d'orientation en matière de santé les représentants de la société civile et professionnelle. Nous voudrions que les personnalités qualifiées dont vous souhaitez la présence soient représentatives des professionnels de santé, des organismes d'observation, d'étude et de recherche, des usagers du système de santé ainsi que de leurs associations, des organisations syndicales représentatives des salariés et des employeurs, des organismes d'assurance maladie, des professionnels du secteur sanitaire et social et des structures d'éducation et d'observation de la santé. C'est une demande légitime de nos concitoyens.
    La santé et plus encore la santé publique ne peuvent être l'affaire de quelques-uns prétendant oeuvrer pour le bien de tous. D'abord, parce que nous savons quels peuvent être les dérives et les dangers d'une telle conception, tout comme nous savons à quel point le « bien de tous » peut être une notion malléable au gré des intérêts politiques, financiers et économiques en jeu. Mais surtout parce que les choix de politique de santé concernent les usagers eux-mêmes : ils doivent non seulement constituer une force de proposition - et le rétablissement des conférences nationales et régionales de santé va dans ce sens -, mais aussi pouvoir être les promoteurs actifs de ces choix.
    D'ailleurs, à maintes reprises, ce recours à la démocratie en matière de santé s'est avéré payant et profitable à la fois aux experts de santé, aux usagers et aux malades. Prenons l'exemple de la recherche sur le sida : la présence des associations de malades à tous les échelons de la recherche et de l'action sanitaire dès le début de la pandémie a permis à de nombreuses reprises ou bien d'éviter aux chercheurs et aux pouvoirs publics de prendre des orientations dangereuses - notamment concernant les thérapies - ou bien d'accentuer la recherche et d'oeuvrer comme jamais en si peu de temps pour le traitement des malades.
    Cette démocratie sanitaire véritablement appliquée aurait également permis d'éviter un certain nombre des incohérences du texte qui nous est soumis aujourd'hui. Elle aurait pu aussi clarifier la pertinence des objectifs de santé que vous nous proposez ; à l'évidence, elle aurait permis leur redéfinition voire leur hiérarchisation efficiente.
    Monsieur le ministre, vous réclamiez des Français une citoyenneté responsable en matière de santé. Nous vous encourageons à concrétiser votre demande par l'ouverture du Haut Conseil de la santé publique à cette représentation globale. OEuvrez vraiment pour la démocratie. Faites confiance à nos citoyens !
    C'est au nom de cette volonté démocratique et à la lumière de ces quelques remarques que nous vous appelons, chers collègues, à entériner notre amendement par un vote favorable.
    En clair, et pour résumer, nous souhaitons que les experts du Haut Conseil de la santé publique, qui sont tous des personnalités qualifiées - par qui ? Je ne sais pas - ne soient pas désignés seulement par le ministre. Ce n'est pas cela la démocratie sanitaire ! Même dans d'autres pays on ne faisait pas cela ! (Sourires.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. J'ai trouvé, dans le long exposé que vous venez de nous faire, monsieur Gremetz, les deux arguments qui ont conduit la commission à repousser l'amendement.
    Premièrement, le Haut Conseil de la santé publique est une structure d'expertise. Cela sous-entend que ce conseil est composé d'experts, de personnes qualifiées nommées par le ministre.
    Deuxièmement, la concertation la plus large possible a lieu au niveau de la Conférence nationale de santé qui vient d'être rétablie par un amendement. C'est conforme au souhait des associations, des syndicats, et de tous ceux que nous avons auditionnés.
    Vous devriez donc retirer votre amendement, monsieur Gremetz. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre-Louis Fagniez. Un bon geste, monsieur Gremetz !
    M. le président. Monsieur Gremetz, retirez-vous votre amendement ?
    M. Maxime Gremetz. Je ne le retirerai pas car, pour moi, il n'y a pas des gens d'en bas,...
    M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. ... qui participeraient aux conférences régionales - même si ce n'est pas mal que des gens d'en bas participent à ces conférences régionales - et des gens d'en haut, des experts éclairés désignés par le ministre, qui participeraient à la Conférence nationale.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Mais non !
    M. Maxime Gremetz. Telle n'est pas ma conception !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il ne s'agit pas du tout de cela !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, le texte mentionne bien que le Haut Conseil est composé de personnes qualifiées désignées par le ministre. Est-ce exact, oui ou non ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Gremetz, vous défendez une cause acquise...
    M. Maxime Gremetz. C'est bien la première fois que ça m'arrive !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Au niveau régional, la commission propose de rétablir la conférence régionale. Au niveau national, la Conférence nationale a été rétablie. Par conséquent, toutes les personnes que vous espérez voir participer au débat sont là, dans cette instance de concertation et de proposition.
    A côté, il existe une instance d'expertise qui est le Haut Conseil.
    Vous voyez bien que chacun est à sa place et qu'il n'y a pas, d'un côté, la France d'en haut, celle qui sait, et, d'un autre, la France d'en bas, celle qui ne sait pas. Tous ceux dont vous avez parlé peuvent se retrouver au sein de la conférence nationale mais le Haut Conseil est une instance d'expertise.
    M. Maxime Gremetz. C'est toujours le centralisme démocratique ! (Sourires.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Non, c'est la France unie, rassemblée !
    M. Maxime Gremetz. C'est du jacobinisme !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. On peut comprendre que notre collègue Gremetz soit très chatouilleux sur certains sujets.
    Par ailleurs, je constate avec une certaine satisfaction que le ministre semble heureux qu'on ait rétabli la Conférence nationale de santé.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Ça montre qu'il est ouvert !
    M. Bertho Audifax. Et que c'est un bon ministre !
    M. Jean-Marie Le Guen. J'entends bien ! Mais je me demande tout de même pour quelle raison il a pu vouloir biffer la Conférence nationale de santé.
    M. René Couanau. A quoi sert le Parlement ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Enfin, je comprends la différence que font le ministre et le rapporteur entre le Haut conseil et la Conférence nationale, mais je crois utile de préciser que les experts ne sont pas tous d'origine académique. Certaines personnes ont acquis, dans le domaine du sida par exemple mais pour d'autres maladies également, une véritable connaissance, on peut même parler d'expertise. Ils pourront être présents au Haut Conseil de la santé publique en tant qu'experts tandis que les représentants des organismes associatifs ou syndicaux siègeront à la conférence nationale. Le Haut Conseil de la santé publique ne sera donc par le monopole des experts académiques.
    Il me semble utile de préciser également, j'espère que le ministre le fera, et que la désignation par le ministre n'entraînera pas des problèmes d'indépendance de cette structure d'expertise quant à son travail. Je n'irai pas jusqu'à proposer un autre mode de désignation, mais il est certain qu'on tourne un petit peu en rond. Si la structure d'expertise et d'évaluation est nommée par le ministre - je ne fais de procès d'intention à personne, pas plus à vous, monsieur le ministre qu'à un autre - se pose la question de l'indépendance de l'expertise dans les structures de fonctionnement de l'Etat.
    M. le président. Monsieur Gremetz, maintenez-vous votre amendement ?
    M. Maxime Gremetz. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 19 et 428 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 19, présenté par M. Dubernard, rapporteur, MM. Préel, Leteurtre et Jarde, est ainsi libellé :
    « Après le mot : "est, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-5 du code de la santé publique : "élu par ses membres. »
    L'amendement n° 428 corrigé, présenté par MM. Préel, Leteurtre et Jarde, est ainsi libellé :
    « Après le mot : "est, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1411-5 du code de la santé publique : "élu par ses membres pour une période de cinq ans renouvelable. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 19.
    M. Jean-Luc Préel. Je préfère laisser à M. le rapporteur le soin de défendre cet amendement, qui a été adopté par la commission.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. L'argumentation de M. Préel en commission a été tellement convaincante que tous les commissaires présents ont considéré que l'élection du président du Haut Conseil par ses membres était aussi satisfaisante que sa nomination par le ministre, et que cette proposition ajoutait même un brin de cette démocratie que nous sommes nombreux à souhaiter.
    M. Jean-Marie Le Guen. Et d'indépendance !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission a donc adopté l'amendement n° 19.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement est favorable à cette disposition.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je vous prie de noter, monsieur le président, que je suis cosignataire de cet amendement.
    M. le président. Dont acte.
    Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    M. René Couanau. Je m'abstiens. Je suis pour un gouvernement qui nomme ! (Sourires.)
    M. Pierre-Louis Fagniez. C'est très gaulliste !
    M. Maxime Gremetz. Je m'abstiens également.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Vous retirez l'amendement n° 428, monsieur Préel ?
    M. Jean-Luc Préel. Oui, encore que prévoir que le président est élu pour cinq ans ne serait pas une mauvaise idée.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 330 et 500, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 330, présenté par M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 1413-1 du code de la santé publique :
    « Art. L. 1413-1. - Un Comité national de la sécurité sanitaire est chargé d'analyser les événements susceptibles d'affecter la santé de la population, de confronter les informations disponibles et de s'assurer de la coordination des interventions de l'État et des établissements publics placés sous sa tutelle, notamment pour la gestion, le suivi et la communication des crises sanitaires. Ce comité s'assure également de la coordination de la politique scientifique de l'Institut de veille sanitaire, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
    « Le Comité national de la sécurité sanitaire réunit, sous la présidence du ministre chargé de la santé, les directeurs généraux de l'Institut de veille sanitaire, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale ainsi que les présidents des conseils scientifiques de ces trois agences et de l'Institut de veille sanitaire, une fois par trimestre, à la demande de l'un d'entre eux ou immédiatement en cas de déclenchement d'une crise sanitaire.
    « Il associe à ses travaux les autres ministres intéressés et notamment les ministres assurant la tutelle d'une agence. Il peut y associer toute autre personnalité ou organisme compétent. »
    L'amendement n° 500, présenté par MM. Préel, Leteurtre, Jarde et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 1413-1 du code de la santé publique :
    « Art. L. 1413-1. - Il est institué un Conseil national de la santé. Ses membres sont élus, par collèges, par les conseils régionaux de santé. Les modalités sont fixées par décret.
    « Ce conseil a pour missions :
    « 1. De définir les priorités nationales de santé publique ;
    « 2. De recueillir les priorités en matière de sécurité sanitaire et de prévention au niveau régional ;
    « 3. D'aider le Gouvernement à préparer le texte de loi définissant les priorités nationales de santé publique ; »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 330.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je ne suis toujours pas convaincu du bien-fondé de la fusion de ces organismes qui, certes, s'intéressent tous à la santé publique, mais pas sur le même rythme. Cette fusion amènera des confusions, l'un des deux membres s'atrophiera, or je ne suis pas certain que les structures seront ambidextres !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l'amendement n° 500.
    M. Jean-Luc Préel. Le président de la commission le reconnaîtra volontiers, je fais preuve d'une certaine constance dans la présentation de mes amendements !
    L'amendement n° 500 précise la façon dont l'UDF souhaite faire fonctionner le Conseil national de la santé, émanation des conseils régionaux de la santé. Il est pour nous important, mais j'ai peur de connaître par avance le sort qui lui sera réservé, même si tout à l'heure notre collègue Le Guen a estimé que, dans quelques semaines, mes collègues et amis de la majorité UMP allaient se rallier à cette proposition réaliste.
    M. Jean-Marie Le Guen. J'ai dû dire dans quelques mois !
    M. Jean-Luc Préel. C'est d'ailleurs la seule façon d'introduire en France une vraie maîtrise médicalisée de la santé.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. La commission, qui apprécie le souci de simplification administrative du Gouvernement, a rejeté l'amendement présenté par M. Le Guen, considérant qu'il s'opposait à cette démarche.
    Quant à M. Préel, il continue, avec son amendement n° 500, à décliner une logique qui est la sienne et qui ne correspond pas à celle du projet de loi.
    M. Jean-Marie Le Guen. Une attaque personnelle ? Ce n'est pas sympathique !
    M. le président. Ce n'est pas M. Préel qui décline, ce sont les amendements qu'il présente. (Sourires.)
    Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement est défavorable.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je retire l'amendement n° 330.
    M. le président. L'amendement n° 330 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 500.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 236 de Mme Greff n'est pas défendu.
    M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 329, ainsi libellé :
    « Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :
    « VII. - L'article L. 1417-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
    « Art. L. 1417-3. - Pour assurer la coordination des actions de prévention et de leur financement, il est créé un comité technique national de prévention, présidé par le ministre de la santé, qui réunit des représentants des ministères concernés, chargés notamment de la santé, de la sécurité sociale, de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, du travail, de l'environnement et de l'équipement, des établissements mentionnés aux articles L. 1323-1, L. 1413-2, L. 1414-1, L. 1417-4 et L. 5311-1, de l'assurance maladie, des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 329 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    M. Maxime Gremetz. Abstention.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 314, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Les programmes de santé visés au premier alinéa de l'article L. 1411-1 se déclinent dans des actions générales et spécifiques de la prévention, de la promotion de la santé, de l'éducation thérapeutique et de réduction des risques. Ces actions qu'elles soient reconnues ou expérimentales ne peuvent pas constituer une infraction pénale au regard des lois régissant la prohibition ou l'usage des produits stupéfiants visée à l'article L. 3421-4 et suivants du code de la santé publique ou la facilitation à l'usage des stupéfiants visée à l'article 223-37 et suivants du code pénal. »
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement n° 314 est particulièrement intéressant. Il vise à apporter une sécurité juridique aux pratiques expérimentales de réduction des risques, notamment en matière de lutte contre la toxicomanie. On se souvient, pour prendre cet exemple, que des procès ont été intentés contre des équipes qui avaient mis en place des distributions de seringues. Ces expériences avaient l'accord du ministre, mais des procureurs particulièrement « en avance » avaient trouvé utile et nécessaire d'intenter des poursuites. Il nous semble donc nécessaire de donner une base légale aux pratiques expérimentales du type de celles dont notre collègue Couanau faisait l'apologie tout à l'heure, à juste titre.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. Je comprends les motivations de M. Le Guen. La commission a cependant rejeté son amendement, pour une simple raison : le président de la MILDT, M. Jayle, vient de remettre un rapport au Premier ministre et celui-ci s'apprête à mettre en route, en s'appuyant sur ce rapport et d'autres consultations, la révision de la loi de 1970, qui devrait nous être soumise au cours du premier semestre 2004.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Jean-Marie Le Guen et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 315, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Au vu des conclusions de la conférence nationale de santé, des programmes de dépistage organisé de maladies aux conséquences mortelles évitables sont mis en oeuvre dans des conditions fixées par voie réglementaire, sans préjudice de l'application de l'article L. 1423-1.
    « La liste de ces programmes est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
    « Les professionnels et organismes qui souhaitent participer à la réalisation des programmes susmentionnés s'engagent contractuellement auprès des organismes d'assurance maladie, sur la base d'une convention type fixée par arrêté interministériel pris après avis de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, à respecter les conditions de mise en oeuvre de ces programmes. Celles-ci concernent notamment l'information du patient, la qualité des examens, des actes et soins complémentaires, le suivi des personnes et la transmission des informations nécessaires à l'évaluation des programmes de dépistage dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
    « La médecine du travail peut accompagner par des actions de prévention les programmes de dépistage visant à réduire les risques de maladies aux conséquences mortelles évitables par des actions de sensibilisation collectives ou individuelles.
    « Un décret fixe la liste des examens et tests de dépistage y compris lorsqu'ils sont effectués dans le cadre d'une démarche individuelle de recours aux soins, qui ne peuvent être réalisés que par des professionnels et des organismes ayant souscrit à la convention type mentionnée au troisième alinéa.
    « L'Etat participe aux actions d'accompagnement, de suivi et d'évaluation de ces programmes.
    « Les programmes de dépistage comportent un programme spécifique destiné à favoriser l'approche et le suivi des populations les moins sensibles aux politiques de prévention et en particulier en direction des plus démunis.»
    La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est un amendement méthodologique. J'ai à plusieurs reprises entendu le ministre se flatter de pouvoir systématiser les dépistages sur l'ensemble du territoire national et reprocher aux pouvoirs publics précédents de ne pas y être parvenus, pour un certain nombre de raisons.
    Le dépistage systématique est certes une bonne idée mais de quoi s'agit-il exactement ? Pendant des années, le dépistage du cancer du sein, par exemple, n'a pas pu se réaliser dans certains départements du fait de chamailleries entre les caisses primaires d'assurance maladie et les conseils généraux. Depuis trois ou quatre ans, l'obstacle financier a été levé. La caisse nationale d'assurance maladie a admis, et l'État avec elle, qu'elle pouvait monter son taux de participation aux dépistages à hauteur de 90 ou 100 %. Il n'existait donc plus d'obstacle financier à la réalisation du dépistage. Pourtant, dans un certain nombre de départements, les dépistages n'ont pas été réalisés.
    Pourquoi ? Tout simplement parce que les personnes qui ont en charge la bonne santé publique ne disposaient pas, dans ces départements, des outils techniques nécessaires. Soit les professionnels éventuellement concernés n'étaient pas intéressés à participer à ce dépistage, même lorsqu'il était financé, soit les professionnels de santé en question ne présentaient pas toutes les garanties ou ne voulaient pas s'inscrire dans les protocoles minimaux de qualité de ce dépistage. Il y avait une impossibilité matérielle.
    Vous le voyez bien, la question ne tient ni au financement, ni à la volonté politique, elle est matérielle. Je ne doute pas qu'avec le temps, on arrive à aller beaucoup plus loin dans la mise en place de ces dépistages. Mais je ne voudrais pas que nous cherchions à faire du chiffre, sans nous soucier de la qualité. Même lorsque le dépistage du cancer du sein est mis en place de façon pertinente, des gros trous dans le filet sont constatés, et je ne parle pas de la qualité technique des mammographies, que je présuppose correcte.
    Les problèmes ne sont pas d'ordre technique, ils concernent plutôt l'évaluation et le suivi. Il ne suffit pas - chacun en a conscience - d'envoyer une lettre à une femme pour qu'elle vienne se faire dépister. Une partie considérable de la population échappe au dépistage soit, le plus souvent, parce qu'elle est très loin de l'idée du soin ou de la prévention, soit parce qu'elle a peur de cet examen. Un nombre considérable de personnes, notamment parmi les plus fragiles, ne se font pas dépister, malgré les propositions qui leur sont faites en ce sens.
    Si nous n'adoptons pas une attitude volontariste, pédagogique, de promotion de la santé qui accompagne le dépistage, si nous nous contentons de dire que l'acte est gratuit et utile, une partie de la population ne se déplacera pas.
    Et même quand le dépistage est réalisé, certaines personnes refusent de donner suite, qu'il s'agisse de revenir après un certain temps pour refaire une mammographie ou de poursuivre dans la voie des examens. En fait, le suivi n'est pas assuré. Il ne suffit pas d'envoyer une lettre pour que les gens réagissent. Il faut une démarche proactive. S'occuper de santé publique, ce n'est pas décréter, faire des dépistages, des mammographies de plus ou moins grande qualité. C'est s'occuper des populations qui sont rétives, pour des raisons soit psychologiques, soit sociales.
    Personne ici ne veut se satisfaire d'un affichage politique. Nous devons avoir une exigence de qualité et d'évaluation des pratiques en matière de dépistage qui soit à la hauteur des enjeux de santé publique. En effet, un mauvais dépistage est parfois plus lourd de conséquences que son absence.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Michel Dubernard. président de la commission, rapporteur. J'ai apprécié la longue argumentation de M. Le Guen. J'ai déjà répondu en partie sur le retour à la loi de mars 2002 qu'il souhaite. Si nous approuvons certains aspects de cette loi, nous sommes plus réticents sur d'autres aspects.
    Quant à l'amendement, il a été rejeté. Je renvoie M. Le Guen à l'article 6 et aux programmes nationaux de santé qui sont mis en place, arrêtés par les ministres concernés : ils incluent des consultations périodiques de prévention, des examens de dépistage, des actions d'éducation pour la santé. L'une des mesures phares de ce projet de loi, c'est la consultation de santé chez le médecin généraliste. Cela remet le médecin généraliste au coeur du dispositif de la santé publique. Telles sont les raisons qui ont poussé la commission à rejeter cet amendement.
    Votre argumentation était belle, mais il faut lire le texte jusqu'au bout, monsieur Le Guen !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315.
    (L'amendement n'est pas adopté).
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

dépôt de propositions de résolution

    M. le président. J'ai reçu, le 2 octobre 2003, M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, après l'agrément du protocole d'accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003, et l'avenir du spectacle vivant dans notre pays, et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français.
    Cette proposition de résolution, n° 1099, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 2 octobre 2003, de M. Daniel Paul et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences de la déréglementation des secteurs des télécommunications, des services postaux, du transport et de l'énergie.
    Cette proposition de résolution, n° 1100, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 2 octobre 2003, de M. Jacques Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international, à proposer des mesures pour leur amélioration et, le cas échéant, leur réorientation.
    Cette proposition de résolution, n° 1101, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 2 octobre 2003, de M. le Premier ministre, en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution.

4

ordre du jour
des prochaines séances

    M. le président. Mardi 7 octobre 2003, à neuf heures trente, première séance publique :
    Discussion des conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule :
    M. Denis Jacquat, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1090) ;
    Fixation de l'ordre du jour.
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Suite de la discussion du projet de loi (n° 877) relatif à la politique de santé publique :
    M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1092).
    A vingt et une heure trente, troisième séance :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 7 octobre 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmission

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant :

Communication du 1er octobre 2003

    E 2385. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la réglementation de l'exploitation des avions relevant de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale, volume 1, deuxième partie, chapitre 3, deuxième édition (1988) (version codifiée). - C.O.M. (2003) 524 FINAL.