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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 15 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 14 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

ENCADREMENT DES PLANS SOCIAUX «...»

MM. Jacques Desallangre, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

RÉFORME DU DROIT APPLICABLE
AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ «...»

MM. Philippe Houillon, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE «...»

Mme Catherine Génisson, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

CRÉATION D'UNE CHAÎNE D'INFORMATION
INTERNATIONALE «...»

MM. François Rochebloine, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

DIALOGUE SOCIAL «...»

Mme Chantal Brunel, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

CONDITIONS DE TRAVAIL DES CONVOYEURS DE FONDS «...»

MM. Yves Jego, Nicolas Sarkozy, ministre de la l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

POLITIQUE ÉCONOMIQUE «...»

MM. Gérard Bapt, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE «...»

MM. Eric Woerth, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

VIOLENCE SCOLAIRE «...»

MM. Lionnel Luca, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

POLITIQUE DU LOGEMENT «...»

Mme Annick Lepetit, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

MÉDIATION FAMILIALE «...»

MM. Jean-Marc Roubaud, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

POLITIQUE DE SANTÉ
EN MILIEU RURAL «...»

Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

2.  Politique de santé publique. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi «...».
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Gérard Bapt,
Jean-Luc Préel,
Mme
Jacqueline Fraysse,
MM.
Bertho Audifax.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance «...»

3.  Loi de finances pour 2004. - Discussion d'un projet de loi «...».
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Ayrault : MM. Didier Migaud, le ministre délégué, le président de la commission, Marc Laffineur, Jean-Pierre Brard, Charles de Courson, Jean-Marc Ayrault. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

ENCADREMENT DES PLANS SOCIAUX

    M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
    M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, après quatre ans de lutte opiniâtre des salariés, la cour d'appel d'Amiens vient de confirmer l'illégalité du plan social et du licenciement des « Michelin-Wolber » à Soissons, pour absence de cause réelle et sérieuse.
    M. Maxime Gremetz. Parfaitement !
    M. Jacques Desallangre. Cela aurait dû logiquement conduire à la réintégration des salariés injustement, illégalement jetés à la rue. Mais Michelin s'était bien sûr empressé de détruire l'usine pour empêcher toute procédure de réintégration !
    Pour contrecarrer les plans des patrons voyous, j'ai déposé plusieurs amendements visant précisément à éviter que soit mis en échec le droit à réintégration des salariés. Ces amendements « Wolber » proposent simplement que le juge puisse être saisi, par les salariés ou les syndicats, de la légalité des licenciements avant que la situation ne devienne irréversible. Cette procédure plus rapide, si elle avait été adoptée, aurait permis aux 451 Wolber de faire valoir leurs droits et de retrouver leur emploi.
    Dans la même perspective de sauvegarde de l'emploi, nous avons proposé de responsabiliser financièrement les actionnaires, afin qu'ils assument leurs responsabilités en cas de licenciement abusivement qualifié d'économique et réparent les préjudices causés par leur faute.
    Le Conseil d'analyse économique vient de suggérer de taxer les entreprises qui licencient en invoquant un prétexte économique... (Brouhaha sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    J'ai l'impression que la question des licenciements n'intéresse pas beaucoup nos collègues !
    M. le président. Chers collègues, pourriez-vous cesser vos discussions et écouter l'orateur ? Bon nombre d'entre vous me font du reste signe qu'ils n'entendent pas !
    Poursuivez, monsieur Desallangre.
    M. Jacques Desallangre. Je vous remercie, monsieur le président. Cela peut effectivement les intéresser.
    Malheureusement, cette proposition du Conseil d'analyse économique exonère les entreprises de leurs responsabilités par le biais d'un très banal mécanisme assuranciel.
    Un choix s'ouvre donc à vous, monsieur le ministre : ou bien alléger encore la procédure des plans dits sociaux, c'est-à-dire faciliter les licenciements, ou bien prêter attention à notre proposition, qui consiste à sanctionner ceux qui, sous couvert de motifs économiques, ne visent qu'à améliorer toujours plus les salaires des grands patrons et les dividendes des actionnaires. Si vous écartez la proposition d'inspiration libérale du Conseil d'analyse économique, si vous choisissez la mesure de lutte déterminée contre les licenciements boursiers que nous vous proposons, alors vous gouvernerez pour tous les Français et non plus pour les plus favorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'arrêt de la cour d'appel d'Amiens ouvre un droit à réintégration et à indemnité pour les salariés licenciés en raison de l'insuffisance du plan social et de son motif. On ne peut, monsieur le député, que s'en réjouir pour les personnes concernées.
    M. Maxime Gremetz. Quatre ans après !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur le fond, je ne ferai aucun autre commentaire de cette décision de justice. En revanche, pour ce qui concerne la procédure, je ne peux pas manquer, comme vous, de m'interroger. Est-il raisonnable qu'un délai aussi long s'écoule entre la procédure de licenciement - la fermeture de l'usine remonte à plus de deux ans -...
    MM. Jacques Desallangre, Maxime Gremetz et Noël Mamère. Quatre ans !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et la décision de l'instance de justice qui statue au fond ? La solution de réintégration a-t-elle un sens lorsque l'entreprise a disparu ? Dans un tel contexte, quelle place doivent occuper, à côté des procédures juridictionnelles, les négociations entre les partenaires sociaux ? Nous avons souhaité, vous le savez, qu'une négociation interprofessionnelle s'engage sur ce sujet à la suite de la suspension des articles de la loi de modernisation sociale. Cette négociation est en cours. En tout état de cause, le Parlement devra être saisi de cette question avant la mi-2004.
    Je conclurai sur une réflexion personnelle : je persiste à penser que le droit du licenciement doit faire davantage de place à la négociation, comme partout en Europe, pour que ces moments difficiles soient moins conflictuels et surtout plus respectueux des personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DU DROIT APPLICABLE
AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

    M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Houillon. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    Monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé dimanche soir que vous alliez lancer dans les prochains jours une concertation sur un projet de réforme du droit des entreprises en difficulté. Votre projet tombe à point nommé : au moment où l'application des procédures collectives dans notre pays semble trouver ses limites, il était urgent de réagir.
    Actuellement, la loi prévoit que le chef d'entreprise doit attendre la cessation des paiements pour bénéficier du redressement judiciaire. Dans la pratique, l'initiative du dépôt de bilan est souvent encore beaucoup plus tardive. De ce fait, les choses n'étant pas prises suffisamment en amont, neuf entreprises sur dix sont liquidées. Ajoutons que la procédure est souvent longue : pour ne citer que le cas des liquidations judiciaires, elle dure en moyenne quatre ans. Sur 185 000 dossiers en cours, 4 500 remontent à plus de vingt ans, c'est-à-dire avant la réforme de 1985 !
    Pourtant, l'évolution du droit des faillites est un enjeu économique et social majeur : 59 000 dossiers ouverts chaque année concernent directement 150 000 salariés environ et un tiers des plans sociaux est directement consécutif au dépôt de bilan des entreprises.
    Vous proposez notamment deux axes de réformes : l'anticipation des difficultés, d'une part, le traitement plus rapide des liquidations quand elles sont inévitables, d'autre part.
    M. Maxime Gremetz. C'est une question téléphonée !
    M. Philippe Houillon. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le garde des sceaux, que votre projet s'articule autour de ces deux volets ? Enfin, comment envisagez-vous de traiter la délicate question des créances publiques ou sociales qui sont les principaux fardeaux qui pèsent sur les entreprises en difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux. (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. Allô ! Allô !
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que si la loi de 1984 a été modifiée, elle n'en est pas moins aujourd'hui dépassée et ne permet pas, dans la plupart des cas, de régler les difficultés puisque neuf entreprises sur dix vont à la liquidation. La capacité d'anticipation n'est donc pas suffisante. Le premier mot-clé de l'avant-projet de loi qui sera discuté avec l'ensemble des partenaires et qui devrait aboutir à un projet adopté en conseil des ministres en janvier prochain, c'est « anticiper », autrement dit permettre aux chefs d'entreprise, sitôt qu'ils rencontrent des difficultés, de rechercher un accord amiable avec les créanciers et les fournisseurs, sans attendre la cessation de paiement.
    Si cette première formule ne suffit pas, nous en envisageons une deuxième, celle du redressement judiciaire anticipé, qui elle aussi permettrait de ne pas attendre que s'accumulent les difficultés.
    Troisième élément de l'avant-projet de loi, la simplification des liquidations. Celles-ci durent, vous l'avez rappelé, quatre ans, parfois beaucoup plus. Or, pour la plupart des PME - 90 % des entreprises en liquidation sont des petites et moyennes entreprises -, la liquidation doit pouvoir être réglée en moins d'une année, car il ne sert à rien de vérifier la totalité des créances.
    Le traitement des professions libérales représente un autre volet important du texte en préparation. Ces professions ne bénéficient pas actuellement d'une procédure collective, pourtant absolument nécessaire. S'agissant des créances publiques enfin, il est indispensable que le créancier public ait une obligation d'avertissement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe Socialiste.
    Mme Catherine Génisson. Monsieur le Premier ministre, votre ministre de la santé a eu l'honnêteté de reconnaître que le déficit de la sécurité sociale est aujourd'hui abyssal. Cette situation est sans précédent.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La faute à qui ?
    Mme Catherine Génisson. Quand votre ministre de la santé a défendu le plan de financement de la sécurité sociale pour 2003, les mots « nécessaire maîtrise des dépenses de santé » avaient été bannis de son discours. Aujourd'hui, deux tiers du déficit sont liés à votre désastreuse politique (Exlamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) dans une conjoncture certes difficile, un tiers au fait que vous avez laissé filer les dépenses tout en laissant les usagers supporter seuls le poids de cette situation. Il en est ainsi, entre autres, du nouveau mode de remboursement des médicaments, du coût des visites à domicile, demain du forfait hospitalier. Or vous faites preuve aujourd'hui d'un total mutisme sur les mesures que vous prendrez pour faire face à cette situation.
    M. Christian Bataille. Il en est malade !
    Mme Catherine Génisson. Hier, monsieur le Premier ministre, vous avez installé le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Mais votre discours est pour le moins ambigu et inquiétant, quand vous évoquez le juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de la responsabilité personnelle. Ce Haut Conseil est-il le lieu de concertation que vous préconisez, ou bien ne s'agit-il que d'une chambre d'enregistrement d'une orientation déjà prise, autrement dit l'ouverture de l'assurance maladie à l'assurance privée ?
    M. Bernard Roman. C'est exactement cela !
    Mme Catherine Génisson. S'il en était ainsi, c'est le pacte républicain que vous mettriez en cause.
    M. Albert Facon. Cela fait mal !
    Mme Catherine Génisson. Ma question est simple et précise : combien les Français devront-ils payer de leur poche pour continuer à être soignés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés-e-es communistes et républicains.)
    M. Albert Facon. Cela fait vraiment mal !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, soyez rassurée... (« Oh non ! » sur les bancs du groupe Socialiste.)
    Mme Martine David. Pas avec vous !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. La position du Gouvernement est claire sur l'assurance maladie, et le Premier ministre l'a rappelée hier : il n'y aura pas d'étatisation, il n'y aura pas de privatisation.
    M. André Chassaigne. Cela ne veut rien dire !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il ne suffit pas de crier au loup pour le voir arriver.
    M. Bernard Roman et Mme Martine David. Il est déjà là !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il ne suffit pas non plus de crier « privatisation ! » pour la voir surgir, car telle n'est pas notre intention.
    Plusieurs députés du groupe Socialiste. Si !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Votre crainte, récurrente, n'est pas fondée. Je vous rappelle que le taux de remboursement des assurés était en 1995 de 76 % ; il est aujourd'hui de 78 %. Autrement dit, les patients sont de mieux en mieux remboursés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Roman. Grâce à qui ?
    Mme Martine David. Grâce à nous !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Rappelons également que les systèmes privatisés n'ont pas fait la preuve de leur efficacité - et les systèmes étatisés pas davantage. C'est pourquoi nous sommes profondément attachés à notre système à la française.
    Mme Martine David. C'est pas vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Notre objectif est de défendre les principes fondateurs de notre sécurité sociale, où chacun contribue à proportion de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins. C'est cela, notre ligne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cela dit, madame la députée, vous avez raison, notre système connaît des difficultés...
    Mme Martine David. A cause de vous !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... du fait du vieillissement, du progrès médical, des attentes des Français qui réclament une meilleure qualité de vie. C'est la raison pour laquelle le Haut Conseil a été installé. Le Premier ministre l'a dit hier : nous - les Français - avons fondé la sécurité sociale, ensemble, en 1945.
    M. François Hollande. Vous n'y étiez pas !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous devrions, tous ensemble, en 2004, participer à sa refondation, au-delà des clivages partisans ! Cela nous honorerait, et les uns et les autres ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Albertini. Très bien !

CRÉATION D'UNE CHAÎNE D'INFORMATION
INTERNATIONALE

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe UDF.
    M. François Rochebloine. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur le projet de chaîne d'information internationale. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Socialiste.)
    En décembre dernier, une mission d'information commune à la commission des affaires culturelles et à la commission des affaires étrangères a été créée. Elle a présenté ses propositions le 14 mai dernier. Celles-ci ont été adoptées à l'unanimité de ses membres. Si le groupe UDF soutient tout naturellement le principe de la création d'une chaîne d'information internationale, qui doit contribuer au rayonnement de la France dans le monde, il reste cependant perplexe pour ce qui est des modalités de sa création.
    Aussi avons-nous, monsieur le Premier ministre, trois questions à vous poser.
    Premièrement, comment le Parlement pourrait-il accepter que soient prises des décisions allant à l'encontre des propositions de la mission d'information...
    M. Arnaud Montebourg. C'est effectivement scandaleux !
    M. François Rochebloine. ... qu'il a créée spécialement à cet effet ?
    M. Bernard Roman. Bonne question !
    M. François Rochebloine. Deuxièmement, comment les Français pourraient-ils accepter de financer à 100 % une chaîne dont la diffusion serait interdite en France et dont un groupe privé détiendrait 50 % des parts ? (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe Socialiste.)

    Troisièmement enfin, comment imaginer que le CSA, autorité compétente pour la nomination des présidents de chaîne publique et chargée de veiller au respect de leurs obligations en termes de pluralisme, soit totalement exclu de l'opération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe Socialiste et du groupe députés-e-es communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, le travail que vous avez mené à la tête de la mission commune d'information a contribué, vous le savez, à accélérer le passage de la réflexion à la décision. Ainsi que vous l'écrivez très justement dans votre rapport, cela fait vingt ans qu'on parle d'une chaîne d'information internationale, vingt ans que des projets sont esquissés sans jamais aboutir, car toujours ensevelis sous les querelles de personnes, les querelles institutionnelles et les difficultés de financement. Je m'associe à votre constat.
    Aujourd'hui, ce projet va effectivement pouvoir devenir une réalité.
    M. Arnaud Montebourg. Il ne répond pas à la question !
    M. le ministre de la culture et de la communication. La création de la chaîne d'information internationale répond à la volonté du président de la République et du Premier ministre. (« Et vous, répondez à la question ! » sur de nombreux bancs du groupe Socialiste.) La décision, nous l'avons prise en tenant compte de l'ensemble des travaux et des études qui ont été conduites à ce sujet. (Mêmes mouvements.)
    Plusieurs députés du groupe Socialiste. On n'entend pas !
    M. le président. Si vous écoutiez, mes chers collègues, il n'y aurait pas besoin de micro ! Auriez-vous l'amabilité d'écouter M. Aillagon ?
    M. Bernard Roman. On écoute, mais il ne répond pas !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie, monsieur le président.
    Le rapport Baudillon, rédigé à la demande du ministre des affaires étrangères, le rapport de votre propre mission commune d'information, le rapport confié par le Premier ministre à votre collègue Bernard Brochand, les analyses des uns et des autres nous apportent des éléments d'appréciation et de décision tout à fait utiles et complémentaires.
    La conclusion à laquelle le Gouvernement est arrivé au vu de tous ces travaux, est bien que l'association des deux principaux groupes de télévision, la télévision publique et la principale société de télévision privée, offre incontestablement une perspective inédite (Exclamations et rires sur les bancs du groupe Socialiste) et tonique d'initiatives.
    M. Alain Néri. Inédite, c'est le mot !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ce partenariat est une garantie de savoir-faire ; il assure le plus large choix possible d'images et, incontestablement, une grande qualité de choix rédactionnelle. Monsieur le député, beaucoup restera à faire au cours des prochains mois. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Richard Mallié. Mais qu'ils se taisent !
    M. le président. Vous n'avez aucune chance d'entendre si vous parlez en même temps que le ministre ! (« Il ne répond pas ! » sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a souhaité prolonger la mission de M. Bernard Brochand. Le Parlement sera naturellement associé à la suite de la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe Socialiste.)

DIALOGUE SOCIAL

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe UMP.
    Mme Chantal Brunel. Travailler moins et gagner autant : voilà la loi, le miroir aux alouettes, que le Gouvernement précédent avait imposé à tous, sans dialogue social et au mépris des réalités du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.) Le bilan financier et social est lourd. La compétitivité de nos entreprises a été gravement entamée, avec des conséquences importantes sur l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. le président. Allons, chers collègues, vous ne voulez vraiment pas écouter Mme Brunel !
    Mme Chantal Brunel. Nous venons pourtant de constater que le dialogue social peut donner des résultats exemplaires : je pense à l'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle, fondamental pour nos salariés, déterminant pour l'avenir de notre économie.
    Nos règles de négociation collective, qui datent de plus de trente ans, constituent aujourd'hui un frein à la culture du compromis que pratiquent nos partenaires européens. Elles ne facilitent pas la prise de responsabilités par les organisations syndicales. Elles ne permettent pas ces négociations « gagnant-gagnant » entre patrons et salariés, qui doivent permettre les adaptations et les évolutions indispensables. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous sentons tous combien il est important pour nous d'avoir des syndicats forts,...
    M. Maxime Gremetz. Le MEDEF !
    Mme Chantal Brunel. ... représentatifs et responsables. (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.) Que comptez-vous faire, monsieur le ministre des affaires sociales, pour conforter cette négociation collective dont nous avons tant besoin, afin de favoriser le développement des accords et d'accroître le rôle des partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, face à la montée de tous les poujadismes et de tous les extrémismes qui minent la démocratie (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous avons besoin d'élargir le champ du dialogue social, et nous avons surtout besoin, comme vous venez de le dire, de partenaires sociaux qui soient à la fois plus forts, plus représentatifs et plus responsables.
    C'est dans cet esprit que le Gouvernement a décidé d'ouvrir le débat sur la réforme de nos règles de dialogue social. Il le fait en s'appuyant sur un texte qui a le mérite d'exister, je veux parler de la position signée en 2001 par presque toutes les organisations syndicales, à l'exception de la CGT, et qui est restée lettre morte jusqu'à présent. Dès cet après-midi, nous allons proposer un compromis aux partenaires sociaux, à partir de cette position commune, qui repose sur trois idées simples.
    Premièrement, le Gouvernement s'engage solennellement à soumettre à la négociation collective tous les projets de décision entrant dans le champ social.
    Deuxièmement, nous voulons aller progressivement vers l'accord majoritaire. Si l'on veut donner plus de champ au dialogue social, il faut que les accords signés soient légitimes et considérés comme tels par ceux auxquels ils vont s'appliquer.
    Enfin, troisièmement, nous voulons donner plus de liberté à l'entreprise pour négocier dans le respect de la loi, donc du code du travail, cela va de soi.

    Le texte que le Gouvernement met sur la table est un compromis qui, naturellement, n'est pas parfait. Il établit un équilibre entre des positions qui sont extrêmement contradictoires.
    Il y a ceux qui pensent être protégés par le statu quo. Il y a ceux qui pensent qu'on peut aller tout de suite vers un accord majoritaire et un bouleversement des règles de représentativité, au risque de bloquer pendant un certain nombre d'années le dialogue social dans notre pays. Enfin, il y a ceux qui pensent que tout doit être négocié dans l'entreprise.
    Nous avons essayé de trouver le point d'équilibre entre toutes ces contraintes. Ce texte que nous allons présenter, ce n'est pas « la » réforme du dialogue social ; c'est un point de départ pour mettre en mouvement un domaine figé depuis plus de trente-cinq ans. Et ce qu'il faut que chacun comprenne bien, c'est que le danger pour la démocratie sociale, ce n'est pas la réforme, ce n'est pas le mouvement, c'est l'immobilisme. Et s'il n'y a pas de réforme de la démocratie sociale, alors il y a danger pour la démocratie tout court. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

CONDITIONS DE TRAVAIL DES CONVOYEURS DE FONDS

    M. le président. La parole est à M. Yves Jego, pour le groupe UMP.
    M. Yves Jego. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
    Il existe dans notre pays une profession dont l'activité est indispensable à la bonne marche de notre économie et qui a, malheureusement, subi depuis plusieurs années une recrudescence d'agressions, toujours violentes et, hélas ! souvent meurtrières. Je veux parler des convoyeurs de fonds qui exercent au quotidien, chacun le mesure ici, une véritable mission de service public, et qui vivent dans l'angoisse.
    Ayant été, comme nombre de mes collègues parlementaires, interpellé récemment dans ma circonscription, tant par les organisations syndicales inquiètes que par les organisations patronales, sur un sujet complexe et qui semble depuis tant d'années insoluble, je sais, monsieur le ministre, que vous menez depuis plusieurs semaines des négociations importantes avec les acteurs de ce dossier.
    Pouvez-vous informer la représentation nationale des résultats de votre engagement personnel et des mesures qui seront prises concrètement afin de garantir aux convoyeurs de fonds de notre pays des conditions plus sûres et plus sereines d'exercice de leur profession ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Jego, les convoyeurs de fonds, qui sont au nombre de 8 000, remplissent une tâche extrêmement difficile avec beaucoup de courage. Lorsqu'ils ne peuvent plus exercer ce travail, c'est l'ensemble de notre économie qui se trouve paralysée. Ils méritent notre respect, notre attention et notre soutien.
    Quel était le problème ? C'était la crainte pour l'emploi suscitée par les nouvelles technologies. Nous avons essayé sur ce problème de trouver un bon accord. Ce fut fait et il a été signé par l'ensemble des organisations syndicales. Il se fonde sur deux principes : s'il n'y a aucune raison que la France ne se dote pas des nouvelles technologies, la mort ne saurait faire partie des « risques du métier ». Trop de convoyeurs de fonds sont tombés dans des guets-apens, ces dernières années.
    L'accord comporte trois points :
    Premièrement, il n'est pas question d'accorder aux donneurs d'ordre, les banques notamment, des délais supplémentaires pour réaliser les travaux de sécurité aux endroits où l'on doit livrer les billets, car des vies humaines sont en jeu.
    Deuxièmement, les véhicules blindés seront obligatoires pour le transport de la monnaie.
    Troisièmement, dans les véhicules banalisés, contrairement à ce que redoutaient les convoyeurs de fonds, il y aura obligation d'être à deux.
    Ce compromis, apparemment, monsieur Jego, a satisfait tout le monde. Il n'y aura donc pas de conflit social avec les convoyeurs de fonds. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION ÉCONOMIQUE

    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe Socialiste.
    M. Gérard Bapt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Vous avez reconnu, monsieur le Premier ministre, que la France était au bord de la récession. C'est un point d'accord entre nous. Tous les pays européens subissent, certes, un ralentissement économique, mais, est plus prononcé en France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Alors que notre pays avait tiré la croissance de la zone euro sous le gouvernement de Lionel Jospin (Protestations sur les mêmes bancs) - les chiffres l'attestant ! - (Huées sur les mêmes bancs), notre pays la tire aujourd'hui vers le bas.
    M. Richard Mallié. Grâce à Jospin !
    M. Gérard Bapt. Aussi, le moral des Français - ainsi que, me dit-on, celui des députés de la droite... - est en berne puisque tous les indicateurs sont au rouge. Le chômage est redevenu la première préoccupation des Français ; la consommation s'effondre, l'investissement des entreprises est au plus bas ; la place de la France en Europe est remise en question.
    M. Jean-Michel Ferrand. Et le parti socialiste s'écroule !
    M. Gérard Bapt. Sur le plan budgétaire, le déficit explose, la dette publique bat des records, les investissements civils de l'Etat s'effondrent, les transferts sur les collectivités locales se multiplient. (« C'est vrai ! sur les bancs du groupe Socialiste.)
    Monsieur le Premier ministre, au bout de dix-huit mois, votre bilan est calamiteux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Ecoutez la question !
    M. Gérard Bapt. Le budget pour 2004 que vous nous présentez aujourd'hui va encore aggraver cette situation. Il est fidèle à votre idéologie libérale, en réservant aux 10 % des contribuables les plus aisés l'essentiel des baisses d'impôt sur le revenu et sur la fortune.
    M. Michel Vergnier. C'est vrai !
    M. Gérard Bapt. Ce n'est pas la mesure en trompe-l'oeil sur la prime pour l'emploi - 3 euros par mois en moyenne ! - qui masquera l'augmentation des taxes, tarifs publics, cotisations et impôts locaux pesant sur le plus grand nombre, diminuant la consommation et la demande intérieure, qui font déjà gravement défaut.
    Votre politique économique est à contresens et à contre-emploi, votre politique budgétaire est injuste et laxiste. Allez-vous arrêter, monsieur le Premier ministre, de démoraliser les Français en vous obstinant dans une politique qui a déjà échoué ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Richard Mallié. Quel culot !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Bapt, une description aussi excessive ne peut rendre compte de la réalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    Au cas où vous n'auriez pas lu les récentes déclarations, par exemple, de la Banque de France, je vous informe, avec plaisir, que la croissance est revue à la hausse.
    M. François Hollande et M. Bernard Roman. Quels sont les chiffres ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'INSEE avait prévu 0,2 % de croissance pour le troisième trimestre et 0,3 % pour le quatrième. La Banque de France,...
    Mme Martine David. C'est pitoyable !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... pour la première fois, depuis longtemps, c'est vrai, révise à la hausse ses prévisions : 0,3 % pour le trimestre qui est juste derrière nous et 0,5 % pour le trimestre en cours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas sûr !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sans nier les difficultés que l'Europe et la France ont rencontrées, nous pouvons considérer que nous reprenons le chemin d'une croissance raisonnable...
    M. Bernard Roman. Cela fait un an et demi que vous dites cela !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... dont nous aurons l'occasion de discuter puisque, dans quelques instants, le projet de budget sera soumis à votre sagacité.
    Mme Martine David. Autrement dit, tout va bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette croissance, monsieur Bapt, est le résultat d'une politique, laquelle sera jugée dans la durée. Nous n'avons pas l'intention de présenter un bilan tous les ans...
    M. François Hollande. Il ne vaut mieux pas !
    M. Arnaud Montebourg. Tous les jours !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais tous les cinq ans. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.) Dans ce contexte, je peux vous assurer - et vous pourrez le constater - que la politique française qui aura été mise en oeuvre nous aura permis, comme dans le passé, de continuer à bâtir une croissance solide, fondée sur le travail...
    M. Bernard Roman. Le travail de qui ? Combien de chômeurs en plus ?
    M. le président. Monsieur Roman, ne vous énervez pas !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et sur l'entreprise. Et notre politique sociale nous permettra de compenser, autant que possible, les conséquences négatives de l'économie sur le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Durand. Lamentable !

AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE

    M. le président. La parole est à M. Eric Woerth, pour le groupe UMP.
    M. Eric Woerth. Ma question s'adresse à M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Monsieur le ministre, nous savons que vous avez en charge le délicat dossier de l'assurance maladie. Le Gouvernement, dans son ensemble, souhaite assurer la viabilité des régimes et leur ouvrir de solides perspectives à long terme.
    Dans ce sens, le Président de la République a affirmé, la semaine dernière, que la modernisation de notre système de santé était un impératif national. En effet, si notre système d'assurance maladie est un bon système, il est en danger, tant son financement reste dépendant de la conjoncture et parce que nos dépenses évoluent trop vite, et ce depuis très longtemps.
    Il y a donc urgence à dresser un diagnostic exhaustif et partagé de la situation et, partant de ce constat, à examiner les adaptations qui permettront de garantir la cohésion, l'efficacité et, d'une certaine manière, la survie de notre système d'assurance maladie.
    Pour ce faire, le Premier ministre a installé, hier, en votre présence, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, présidé par M. Bertrand Fragonard.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale la teneur des missions que le Gouvernement a confiées à ce Haut Conseil, la méthode que vous entendez adopter pour mener à bien la concertation afin de sauver la sécurité sociale, et le calendrier de cette concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, nous avons un système de santé basé sur la justice et sur la solidarité.
    Mme Martine David. Ce n'est pas grâce à vous !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ce système de santé est, quoi qu'on puisse en dire, l'un des meilleurs du monde. Il est néanmoins menacé, comme vous l'avez dit (« Par qui ? » sur les bancs du groupe Socialiste), d'une part, par une situation financière difficile (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste), d'autre part, par une crise morale des professionnels de santé et, enfin, par une mutation mal assumée.
    Notre devoir est de sauver l'assurance maladie. Mais, s'agissant de notre patrimoine social, le moins que l'on puisse proposer,...
    M. François Hollande. C'est de le faire couler !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... c'est de conduire la réforme avec le dialogue social.
    M. Bernard Roman. Comme pour les retraites !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a défini trois périodes.
    Une première période de diagnostic partagé qui sera conduite par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, sous la présidence de M. Fragonard, et à l'intérieur duquel sont représentés tous les partenaires : partenaires sociaux, institutionnels, professionnels, usagers et patients ainsi que des personnes qualifiées. Ce diagnostic sera connu d'ici la fin de l'année.
    Deuxième temps, celui du dialogue, basé sur la concertation et la négociation. Il faudra répondre à des questions aussi difficiles que la part respective de la responsabilité de l'Etat et des partenaires, de la nature des financements, de l'articulation entre la médecine de ville et l'hôpital, des rôles respectifs du régime obligatoire et des régimes complémentaires, de la place de la gouvernance.
    Enfin, la troisième étape, avant l'été,...
    M. Michel Lefait. Après les élections !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... sera celle de la décision politique. Elle nous permettra, ensemble, de conforter et de moderniser ce qui est notre meilleur acquis social des temps modernes, notre sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

VIOLENCE SCOLAIRE

    M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe UMP.
    M. Lionnel Luca. Ma question s'adresse à M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    La publication des chiffres sur la violence scolaire révèle un recul spectaculaire, avec quelque 6 000 cas de moins sur une année. Cela est sans nul doute la conséquence de votre politique volontariste, monsieur le ministre, qui contraste d'ailleurs singulièrement avec la politique précédente (Prostestations sur les bancs du groupe Socialiste) et qui porte déjà ses fruits, même si, globalement, les chiffres restent encore trop élevés.
    Parmi ces actes de violence, il y a ceux qui relèvent de jeux absurdes et tragiques aboutissant, comme l'actualité vient de le révéler, à des accidents mortels ou des handicaps irréversibles qui bouleversent la vie de familles, sans que l'on comprenne bien la nature de ces actes.
    Cette violence se traduit également par de l'agressivité dans le comportement, bien sûr, mais parfois aussi dans l'habillement, pour ne pas dire l'accoutrement.
    Vous avez récemment évoqué quelques pistes de réflexion destinées à favoriser le débat et visant à réaffirmer l'égalité entre les jeunes à l'école et, tout particulièrement, l'égalité sociale.
    Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre sentiment sur l'évolution de la violence à l'école et les moyens qui permettraient d'améliorer encore une situation qui reste préoccupante. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Bataille. Alors : une blouse, un tee-shirt ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, rétablir la confiance de la nation dans son école, c'est d'abord, comme vous l'avez dit, rétablir la sécurité et la sérénité dans les établissements scolaires. De fait, l'an dernier, nous avons pu enregistrer 10 % d'incidents en moins, alors même que davantage d'établissements scolaires nous fournissaient des signalisations. Ce sont 6 200 incidents graves de moins. C'est important. Nous devons ce résultat au partenariat de nos chefs d'établissements avec la police, avec la justice, avec les divers services de sécurité, et nous le devons aussi à l'ensemble de la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui, globalement, a fait du retour à la sécurité une de ses priorités.
    Il reste 72 000 cas, ce n'est pas rien !
    Plusieurs députés du groupe Socialiste. Ah non !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Nous souhaitons continuer sur la même voie, c'est-à-dire diminuer de 10 % par an pendant les quatre ans qui viennent, de sorte d'avoir respecté l'engagement qui était le nôtre de diminuer de moitié en cinq ans les incidents graves dans les établissements scolaires, et je ne vois nulle raison d'ironiser à cet égard.
    Concernant les jeux dangereux...
    M. Christian Bataille. Jeux de mains, jeux de vilains !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... j'ai fait adresser une circulaire, le 9 octobre, aux inspecteurs d'académie et aux recteurs pour rappeler l'absurdité et le risque que représentent tous ces jeux, en particulier ceux qui procèdent par des strangulations. Nous devons être vigilants. Il n'est pas question de fermer les yeux sur ce qui débouche parfois sur des accidents mortels.
    Enfin sur la question de l'uniforme qui semble taboue, (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Socialiste) je n'ai pas exprimé, en ce qui me concerne, un avis favorable à l'uniforme et n'ai nullement souhaité le retour des blouses grises. Mais je trouve que, au moment ou l'on débat des choses scolaires, il n'est pas inutile de débattre de cette question qui a été traitée par plusieurs pays d'Europe, et même par des pays étrangers à l'Europe, d'une manière différente de la nôtre. Ainsi, au Québec, à la rentrée prochaine, un collège sur deux proposera que les élèves portent des tee-shirts de couleur. Pourquoi ce qui réussit ailleurs ne pourrait-il pas être au moins envisagé en France. Au moment où le grand débat s'organise, tout ce qui peut permettre d'éviter des tenues agressives ou de rappeler les valeurs de la République à l'école doit être examiné et je refuse qu'on caricature ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.)

POLITIQUE DU LOGEMENT

    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe Socialiste.
    Mme Annick Lepetit. Ma question s'adresse à M. le ministre du logement.
    Monsieur le ministre, plus d'un million de Français sont actuellement en demande d'un logement. Un trop grand nombre de nos concitoyens sont encore logés dans des conditions indignes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. C'est la faute de la loi SRU !
    Mme Annick Lepetit. Les loyers, particulièrement dans les grandes agglomérations, atteignent des records historiques. En réponse à cette grave crise du logement, vous annoncez un budget en très forte baisse : 7 % par rapport à celui de 2003. C'est le budget le plus catastrophique depuis des années.
    M. Alain Néri. Ah oui !
    Mme Annick Lepetit. Les mesures que vous annoncez pénalisent les Français les plus modestes : baisse des aides personnelles au logement, baisse des crédits pour la construction et la réhabilitation des HLM.
    M. Jean-Michel Ferrand. C'est votre bilan !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous n'avez rien fait !
    Mme Annick Lepetit. Vous annoncez des mesures en faveur de l'accession à la propriété mais, comme les crédits du prêt à taux zéro baissent, au bout du compte, moins de ménages pourront acquérir un logement. Il faut dire la vérité aux Français !
    Vos multiples déclarations ont fait naître de nombreux espoirs. Hélas ! ce n'étaient que des effets d'annonce, car ce que vous avez promis hier n'est pas financé aujourd'hui. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Claude Goasguen. C'est scandaleux de parler ainsi !
    Mme Annick Lepetit. Ce matin même, vous annoncez la vente des logements sociaux, mais pour qui et comment ? Est-ce pour compenser la baisse de votre budget ? Est-ce pour pouvoir financer la construction de 80 000 logements promis en 2004 ? Qu'allez-vous enfin répondre...
    M. Bernard Roman. Rien !
    Mme Annick Lepetit. ... à tous ceux qui attendent un logement, à tous ceux qui ne peuvent pas en acheter un, à tous ceux qui ont maintenant des raisons de désespérer en voyant l'Etat les lâcher ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Madame la députée, je vous remercie de poser cette question. Vous êtes une fine observatrice des problèmes de logement en France et ceux-ci ne datent pas d'hier. Je suis sûr que vous avez remarqué que, depuis le milieu des années 1990 hélas ! le rythme des constructions en France a fortement baissé, aussi bien pour le logement privé que pour le logement social. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Pour prendre quelques chiffres, l'INSEE demande de construire 320 000 logements en France en moyenne, vous en avez construit, dans les années 1995 à 2000, moins de 300 000. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.) Entre 1997 et 2000, vous avez construit 45 000 logements sociaux par an. Dès 2003, vous pourrez compter, nous en réaliserons 56 000. Et en 2004, madame Lepetit, je suis sûr que vous vous en réjouirez avec nous tous, 80 000 logements sociaux seront réalisés. Nous allons bénéficier, en effet, d'une baisse importante des taux d'intérêt. Avec des subventions étalées sur un plus grand nombre d'opérations, les annuités des bailleurs sociaux étant en baisse, nous pouvons construire davantage de logements sociaux.
    M. Bernard Roman. Il nous prend pour des clowns !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous réserverons une large part à l'accession sociale à la propriété pour que des gens qui, avec vous, étaient condamnés définitivement à être locataires à vie d'une HLM puissent devenir propriétaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.) Voilà comment, avec moins d'argent du contribuable, nous offrirons des logements sociaux supplémentaires. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)

MÉDIATION FAMILIALE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Marc Roubaud. Ma question s'adresse à M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
    Monsieur le ministre, la médiation familiale est l'un des instruments essentiels pour pacifier les conflits familiaux et simplifier les procédures en cas de divorce. Elle permet de renouer le dialogue au sein de la famille et de préserver l'intérêt et l'équilibre des enfants.
    Vous avez fait la semaine dernière, à Rennes, des déclarations importantes. Pouvez-vous nous indiquer ce que la réforme de la procédure de divorce apportera de nouveau en la matière, et pouvez-vous nous assurer que les associations de médiation familiale auront les moyens financiers d'assurer leur importante mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que la médiation familiale est un élément complémentaire indispensable dans la résolution des conflits familiaux. Si on se contente par exemple d'un jugement de divorce, les conflits peuvent perdurer ou rebondir, alors qu'un travail social, un travail d'accompagnement des parents, des ex-conjoints, peut apporter un véritable apaisement. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre des discussions que le Gouvernement, en particulier Christian Jacob,...
    M. Bernard Accoyer. Excellent !
    M. le garde des sceaux. ... a engagées avec l'ensemble du milieu familial, nous avons défini avec les associations de médiation une politique globale en changeant à la fois le droit et les moyens matériels.
    Dans le texte relatif au divorce dont vous discuterez dès le début de l'année 2004, il est prévu que la médiation familiale, sous l'autorité du juge, peut intervenir dès la phase de conciliation. Cela permettra d'accompagner davantage les parents, les ex-conjoints, dans une phase extraordinairement difficile et ce, nous l'espérons, au bénéfice de la situation des enfants de ces conjoints.
    En ce qui concerne la pratique de la médiation familiale, il était important de préserver la diversité des origines des acteurs de la médiation familiale et d'en assurer la qualité. C'est la raison pour laquelle le ministre délégué à la famille, Christian Jacob, a proposé la création d'un diplôme de médiateur familial pour assurer la qualité de ce travail. Il s'agit de situations parfois très sensibles et très subtiles, et cette médiation familiale ne doit pas s'exercer dans de mauvaises conditions.
    Quant à l'élément matériel, nous devons bien entendu accompagner plus efficacement les associations. C'est la raison pour laquelle, à Rennes, il y a quelques jours, devant l'ensemble des associations de médiation, j'ai annoncé que, dans le cadre du budget dont vous allez débattre à partir d'aujourd'hui, il serait proposé un quasi-doublement des crédits accordés à ces associations au titre de 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE DE SANTÉ
EN MILIEU RURAL

    M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.
    Mme Bérengère Poletti. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    La démographie médicale pose de plus en plus de problèmes, et tout particulièrement en milieu rural. Aux disparités anciennes entre le nord et le sud de la France s'ajoute aujourd'hui un déséquilibre qui ne cesse de s'accentuer entre les zones urbaines et les zones rurales.
    La diminution du nombre de médecins en milieu rural concerne, bien évidemment, les médecins généralistes. Dans les Ardennes, par exemple, certains cantons voient l'offre de soins réduite à un seul médecin généraliste, voire aucun. Résultat : des médecins de campagne surmenés, souvent dans l'impossibilité de trouver des remplaçants et, à plus forte raison, des successeurs pour reprendre leur clientèle lorsqu'ils arrêtent.
    Quand on sait combien il est difficile de créer des emplois en milieu rural, d'y fixer la population, notamment des jeunes, on mesure que la désertification médicale risque de briser tous les efforts réalisés pour revitaliser le milieu rural.
    Monsieur le ministre, pour avoir travaillé et publié sur la démographie médicale, vous connaissez bien cette question. Vous avez déjà corrigé le numerus clausus. Que proposez-vous pour remédier à ces inégalités de répartition des médecins qui, si l'on ne fait rien, finiraient par menacer gravement toute possibilité de réel aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, la démographie médicale est une préoccupation majeure de tous les acteurs de notre système de santé. Nous avons déjà apporté des réponses globales comme l'augmentation régulière du numerus clausus depuis plusieurs années dans toutes les professions de santé ou la création de l'Observatoire national de la démographie des professionnels de santé pour guider les choix du Gouvernement, mais il faut davantage, il faut des mesures spécifiques pour les zones les plus menacées, et notamment les zones rurales dont vous venez de parler.
    Hervé Gaymard présentera prochainement le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, qui définit les modalités d'aides à l'installation et au regroupement des médecins dans les zones sous-médicalisées.
    Dans le cadre du CIADT, sur la base d'un contrat pluriannuel, une exonération de taxe professionnelle et une aide financière viendront aider les installations et les regroupements de professionnels de santé. Ce sera notamment le cas pour les six cantons où il n'y a pas de médecin généraliste dans la région Champagne-Ardenne.
    Enfin, des dispositions conventionnelles viendront compléter le dispositif. Ce n'est qu'après une période d'observation, si nous voyons que ces mesures incitatives ne suffisent pas, que, l'Etat étant responsable de l'égal accès aux soins, il faudra alors se résoudre à envisager avec les professionnels eux-mêmes de définir de nouvelles modalités d'installation, ce que je n'espère pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)

PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

Politique de santé publique

Explications de vote
et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la politique de santé publique.
    La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée a débattu la semaine dernière du projet de loi relatif à la politique de santé publique.
    Je voudrais tout d'abord remercier le rapporteur ainsi que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dans son ensemble pour la qualité de ses travaux, grâce auxquels le texte a été notoirement enrichi et sensiblement amélioré.
    Je voudrais également remercier l'ensemble des orateurs et des intervenants, qui ont contribué à la qualité des débats, et qui ont fait des propositions souvent justes. Sur ce sujet, j'ai pu remarquer que la recherche de l'intérêt général l'a toujours emporté sur l'esprit partisan, et que la plupart des points abordés ont d'ailleurs conduit à des positions communes ou voisines.
    Ce texte fondateur pour la santé publique poursuit cinq objectifs. Le premier est d'affirmer la responsabilité de l'Etat et d'organiser la santé publique sur le plan régional. Le deuxième est de donner à la santé publique des objectifs nationaux clairs et des moyens d'évaluation. Le troisième est de jeter les bases des cinq thématiques d'actions prioritaires que sont le cancer, la violence, l'environnement, les maladies rares et les maladies chroniques. Le quatrième est de créer une Ecole des hautes études en santé publique. Le cinquième, enfin, est d'adapter les modalités de l'expérimentation médicale sur la personne humaine.
    Bien d'autres points ont été abordés : ils seront précisés ou complétés lors des navettes avec le Sénat.
    Mesdames, messieurs les députés, j'ai le sentiment qu'avec ce texte nous complétons le dispositif général de notre système de santé, qui était beaucoup trop exclusivement orienté vers les soins, et insuffisamment vers la prévention, l'éducation et le dépistage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe Socialiste.
    M. Gérard Bapt. Après la grande loi de 1991 dite « loi Evin », après les plans cancer et nutrition impulsés par Bernard Kouchner, l'annonce d'une nouvelle loi de santé publique a suscité beaucoup d'espoirs, monsieur le ministre,...
    M. Dominique Dord. Mais...
    M. Gérard Bapt. ... mais - première déception - il ne s'agirait pas d'une loi de programmation, mais seulement d'une loi d'orientation.
    Quoi qu'il en soit, il est toujours bon de parler de santé publique : voilà pourquoi le groupe Socialiste s'y est employé sans a priori.
    A l'issue de cette première lecture, nous ne pouvons qu'éprouver une légitime déception. Le groupe Socialiste a pourtant adopté une attitude positive et constructive, comme en témoignent les nombreux amendements qu'il a déposés et dont l'examen en commission et en séance publique a permis une certaine évolution du projet de loi. Une vingtaine d'amendements émanant de notre groupe ont été adoptés. A ce titre, je souhaite, au nom de mon groupe, saluer les qualités d'écoute de notre rapporteur, le président de la commission, Jean-Michel Dubernard. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le groupe Socialiste prend acte des améliorations de votre projet de loi, monsieur le ministre, imputables notamment à l'adoption de ces amendements. Ainsi, des dispositions ont été adoptées visant à réduire les inégalités face à la santé par la promotion de la santé et par le développement de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Autre inflexion de notre fait : le rétablissement de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé dans ses missions initiales, notamment celle « d'assurer le développement de l'éducation pour la santé ». Nous avons votre soutien, monsieur le ministre, à notre proposition de création d'un comité national consultatif du cancer chargé de formuler des propositions relatives aux politiques de lutte contre le cancer et devant permettre une meilleure concertation et une plus grande implication des associations de malades, ainsi que votre soutien à l'adoption de mesures spécifiques de dépistage du cancer pour les populations les moins sensibles aux actions de prévention. Vous avez accepté notre amendement renforçant le dispositif de constatation et de sanction des infractions à la loi de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme. Un regret, cependant, en ce qui concerne la lutte contre l'alcoolisme : force est de constater que votre texte s'apparente à une pétition de principe, sans proposition concrète.
    Votre texte initial déconstruisait la loi du 4 mars 2002, dite « droit des malades », notamment sur le volet de la démocratie sanitaire. Les socialistes ont travaillé, lors de cette première lecture, à revenir à l'esprit initial de la loi Kouchner, avec le concours de la commission. Ainsi, les réintégrations de la Conférence nationale de santé et des conférences régionales de santé marquent-elles une rupture avec la logique initiale du projet gouvernemental, qui tendait à enfermer l'État dans un splendide isolement. L'architecture de votre texte s'en trouve profondément modifiée.
    Mais notre désaccord profond persiste. Nous ne partageons pas la volonté du Gouvernement et de la majorité de légiférer dans l'urgence en ce qui concerne les conséquences de la canicule. Le président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault, vous avait demandé, monsieur le ministre, d'attendre les conclusions de la commission d'enquête sur la crise sanitaire de cet été ainsi que les résultats des différents rapports et consultations qui sont en cours, parfois à votre initiative, avant de légiférer en toute connaissance de cause pour réformer notre système sanitaire et de santé publique.
    Le résultat de la première lecture est que les amendements adoptés pour répondre à la catastrophe sanitaire sont insuffisants. Ils sont censés répondre à la crise sanitaire, en ne donnant que des réponses d'affichage, qui ne sont pas à la hauteur de la catastrophe de cet été. A cet égard, je veux mettre l'accent particulièrement sur un amendement gouvernemental qui modifie les missions de l'Institut de veille sanitaire. Loin d'améliorer les organes de sécurité santaire, cet amendement est particulièrement hasardeux : alors que l'INVS est aujourd'hui chargé de réfléchir et de proposer, le Gouvernement a voulu lui donner des responsabilités opérationnelles tous azimuts.
    La législation devra tenir compte des travaux de la commission d'enquête. Nous avons, en la matière, légiféré dans la précipitation, ce qui n'est jamais une bonne chose sur un sujet aussi complexe et aussi sensible.
    D'autres interrogations persistent sur les volets prévention et santé publique. Quelle place et quelle structure pour le futur Institut national du cancer ? Pourquoi avoir rejeté nos amendements concernant la qualité et l'exigence d'agrément pour le dépistage ou la chirurgie oncologique ? Quid, enfin, du financement des multiples facettes de ce projet ? Lorsque l'on considère l'effondrement des dépenses de recherche publique, lorsque l'on considère la diminution, dès cette année, de 30 % par rapport à 2002 des crédits de la mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies, lorsque l'on considère, bien sûr, le déficit abyssal de la sécurité sociale, on a des raisons d'être inquiet. En votant contre ce projet de loi d'orientation de santé publique et malgré certaines avancées qu'il propose - et que j'ai notées -, nous votons contre l'ensemble de la politique du Gouvernement en matière de santé, de sécurité sociale, en matière médico-sociale et de recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Dominique Dord. Voilà un propos nuancé !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la santé publique était très attendu. Il devait témoigner de notre volonté de donner enfin toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé, aujourd'hui parents pauvres d'un système de soins tourné essentiellement vers le curatif.
    Hélas, ce projet nous a déçus et les débats n'ont pas permis de corriger ses défauts majeurs. L'UDF regrette de ne pas avoir été associée à la préparation de ce texte et de n'en avoir eu connaissance qu'une fois qu'il ait été déposé. Ce processus, pour regrettable qu'il soit, est habituel. Avec ce projet de loi technocratique concocté dans le secret des cabinets, les députés ont été mis devant le fait accompli et la majorité a été priée de le voter.
    Nous avons tenté de l'améliorer en déposant quatre-vingt-deux amendements. Seuls cinq, mineurs, ont été retenus. Ni le rapporteur ni le ministre ne nous ont entendus. Nous souhaitions pourtant corriger ce texte sur trois orientations qui nous paraissaient autant d'erreurs graves.
    Première erreur grave : la volonté d'étatiser la santé publique et d'accroître la confusion en la confiant aux préfets. L'UDF ne conteste pas que la santé publique est de la responsabilité de l'Etat et que c'est au niveau national qu'il convient de définir les priorités de santé publique. Mais vouloir confier au préfet de région et donc, dans les faits, au DRASS la responsabilité de la prévention, c'est accroître la confusion, c'est contribuer au blocage du système, c'est vouloir à tort accroître la coupure entre le soin, la prévention et l'éducation. Vous proposez que le DRASS préside le groupement régional dans lequel siégera le directeur de l'ARH nommé en conseil des ministres ! Curieuse situation ! L'UDF est favorable à une réelle régionalisation et à un responsable unique pour la santé, réunissant le soin - ambulatoire et en établissement -, la prévention et la formation. Votre construction va conduire au blocage et à l'inefficacité.
    Deuxième erreur grave : la volonté de marginaliser les associations de terrain au profit d'un système pyramidal descendant, qui sera coûteux et inefficace. Pour l'UDF, les politiques de prévention et d'éducation à la santé doivent s'appuyer, pour répondre aux besoins et être efficaces, sur les hommes et les femmes de terrain regroupés dans les associations telles que les observatoires régionaux de santé, les comités départementaux et les comités régionaux d'éducation à la santé réunis en une fédération nationale. Ce sont eux qui devraient être les interlocuteurs du ministère. Or, vous voulez au contraire vous appuyer sur un Institut national qui aura des correspondants régionaux, lesquels entreront naturellement en conflit avec les bénévoles locaux. Là encore, votre projet technocratique et étatisé va conduire à l'inefficacité.
    Troisième erreur grave : la présentation de cent objectifs. « Cent » est un chiffre rond et donc artificiel. Certains de ces objectifs sont quantifiés et permettent d'afficher la volonté d'améliorer dans les cinq ans les problèmes de santé recensés. Mais nous ne disposons pas des instruments de mesure pour juger de l'évolution des critères et nous serons pourtant jugés sur les résultats dans cinq ans. En outre, votre orientation est très épidémiologique et le versant populationnel, pourtant important, a été occulté et négligé. « Cent objectifs » donne une impression de catalogue artificiel. Certains, pourtant reconnus comme importants, n'ont pas été retenus par vos experts. L'UDF a demandé que soient définies quatre priorités majeures à partir de la mortalité prématurée évitable, et que l'on « mette le paquet », si l'on peut dire, sur ces priorités : le cancer du sein, les maladies cardio-vasculaires, l'alcool et le tabac, le dépistage du cancer du côlon et du rectum. Le choix de quatre priorités permettrait de lancer de grandes campagnes, de concentrer les moyens financiers et d'être efficaces. Vous avez choisi la dilution. Nous le regrettons.
    Par conséquent, si ce projet de loi était très attendu, il nous a, je le répète, beaucoup déçus. Nos tentatives au cours des débats pour corriger ses erreurs les plus graves n'ont pas été couronnées de succès. Dans ces conditions, l'UDF qui souhaite être partenaire de la majorité et non vassale (Exclamations sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Socialiste)... C'est une réalité, chers collègues.
    M. Patrick Lemasle. C'est la réalité, oui.
    M. Jean-Luc Préel. Je peux même vous dire qu'hier a été mis en place le Haut comité de la santé publique. Trois sénateurs UMP, deux députés UMP et un député socialiste y siégeront : l'UDF ne sera pas représentée, alors que nous avons des propositions à faire pour la réforme de l'assurance maladie. Cela est parfaitement regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Lemasle. Vous avez raison. Vous n'êtes pas respectés.
    M. Jean-Luc Préel. Ce projet, qui était très attendu, nous a beaucoup déçus. Dans ces conditions, l'UDF, qui souhaite être partenaire de la majorité et non vassale,...
    M. Dominique Dord. C'est la deuxième fois que vous le dites !
    M. Jean-Luc Préel. Mais ça vaut le coup de le répéter, cher collègue, l'UDF, disais-je, qui se préoccupe de santé publique et veut s'appuyer sur les associations, sur les hommes et les femmes de terrain, l'UDF qui veut une réelle régionalisation de la santé, ne peut voter ce texte.
    A notre grand regret, faute d'avoir été entendus, nous voterons contre ce mauvais texte. Nous espérons que les navettes parlementaires permettront de corriger ses défauts majeurs afin d'aboutir à une loi de santé publique qui permette d'améliorer la prévention et l'éducation à la santé pour l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la politique de santé publique affiche l'ambition de formuler les fondements d'une politique de santé publique. Il vise, selon vos propres termes, monsieur le ministre, « à doter le pays des structures et de la démarche nécessaires pour mettre en oeuvre une politique ambitieuse de protection et de promotion de la santé de la population ».
    Vous dites vouloir corriger les défauts de notre système de soins, en annonçant quelques objectifs louables.
    Ainsi, la mise en oeuvre d'un programme quinquennal de santé publique sous la responsabilité de l'État et décliné par région à partir d'objectifs quantifiés de santé publique est une nouveauté attendue par l'ensemble des professionnels du secteur, et que le groupe communiste et républicain réclamait depuis longtemps. De même, vous proposez la création d'une Ecole des hautes études en santé publique, vous améliorez la lutte contre le saturnisme et les risques d'infection par l'eau, et vous avez fini par reconnaître la nécessité d'un minimum de démocratie sanitaire en acceptant de restaurer les conférences régionales de santé qui avaient été éliminées dans le projet initial.
    Pour autant, cela ne saurait suffire à masquer à la fois les insuffisances de ce texte et le contexte dans lequel il s'inscrit.
    D'abord, les lacunes sont immenses. Vous, vous n'abordez pratiquement pas les questions cruciales de la santé au travail ou de la santé scolaire. Vous avez refusé tous nos amendements qui visaient à accroître les pratiques de prévention à l'égard des salariés et des citoyens quel que soit leur âge. Vous avez manifesté une conception restrictive de la prévention.
    Ensuite, l'ossature principale de votre projet se réduit à la mise en place d'un instrument de contrôle financier des choix de santé publique. Vous modifiez l'architecture générale du secteur de la santé publique en instaurant un groupement régional, mais nous avons l'expérience des agences régionales d'hospitalisation. Nous savons que la concentration des pouvoirs dans les seules mains des financeurs est dangereuse pour les choix de santé. Les orientations d'une politique de santé doivent, au contraire, s'appuyer sur des choix citoyens, dont découlent les choix budgétaires, et non l'inverse.
    Enfin et surtout, au-delà des ambitions généreuses affichées, ce texte s'inscrit tout entier dans une politique générale de santé et de protection sociale que je n'hésite pas à qualifier de catastrophique et que vous voulez imposer à nos concitoyens.
    Monsieur le ministre, vous avez tenté de donner le change en présentant à toute vitesse, dès le début de la session, un texte pavé de bonnes intentions, nous ne le contestons pas, mais pour l'application duquel vous n'avez pas l'ombre d'un euro de financement. Et cela, les professionnels de santé doivent le savoir. Or la santé publique ne saurait se payer de mots.
    Vous déclarez vouloir vous engager dans des plans de lutte contre les risques sanitaires. Mais vous ne prévoyez aucun moyen pour mettre en oeuvre concrètement les quelques propositions du texte. Vous renvoyez le débat financier au projet de loi de finances et au PLFSS pour 2004. Ce n'est pas de nature à nous rassurer, car les éléments dont nous disposons confirment l'absence de financements.
    Pire, tout ce qui nous est annoncé quotidiennement vise à restreindre les moyens dévolus à la santé de tous, et particulièrement des plus modestes : vous augmentez le forfait hospitalier ; vous déremboursez les médicaments ; vous faites la chasse aux maladies de longue durée. Bref, toute votre politique conduit à accentuer les inégalités devant la maladie et la mort.
    Ce sont ces raisons de fond qui conduisent le groupe communiste et républicain à voter contre ce texte de façade. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax, pour le groupe UMP.
    M. Bertho Audifax. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d'un long et riche débat, nous voici sur le point d'adopter une loi qui mettra en place une nouvelle organisation de la santé publique en France. Le texte initial du Gouvernement, fruit d'une longue concertation avec de multiples acteurs de la santé publique - experts et acteurs de terrain - avait été largement amendé en commission, au cours de nos travaux après les auditions. Il l'a été encore davantage en séance. Ces modifications témoignent de l'esprit d'ouverture du Gouvernement dans un domaine dont j'avais voulu modestement montrer la complexité et l'étendue au moment de la discussion générale.
    C'est sans doute dans le champ de l'organisation tant nationale que régionale de la santé publique que les amendements votés ont su faire la part entre les partisans d'une démocratie participative tous azimuts et les adeptes d'une volonté décisionnelle efficace.
    Sur le plan régional, la coexistence d'un organisme de réflexion et de concertation, associant tous les acteurs, la conférence régionale de santé publique, nourrira l'instance décisionnelle, le groupement régional de santé publique, où seront regroupés en GIP tous les financeurs. Ainsi, à la confrontation des idées et des expériences régionales seront associées la mutualisation des moyens et la responsabilité de l'Etat.
    Je suis persuadé que conférence régionale et groupement régional peuvent trouver, tant dans leur fonctionnement propre que dans leurs relations réciproques, un équilibre et une efficacité dignes de la politique de santé publique de notre pays. Cette politique normatrice vise à faire adopter à notre population des comportements sains, et à imposer des valeurs de vie dans l'intérêt collectif, tout en respectant l'individu et en évitant par-dessus tout les ségrégations sociales. Entre une vaine volonté de légiférer dans le détail, en voulant tout prévoir, et une multiplicité d'actions de terrain mal définies, peu coordonnées, et non évaluées, le texte n'introduit une souplesse propre à donner des responsabilités aux acteurs qui le souhaitent et à rendre à l'Etat son rôle pivot d'organisateur et de responsable final de la santé publique.
    C'est dans cet esprit que, tirant les leçons du drame de la canicule, le Gouvernement a renforcé le rôle de l'INVS, tenté d'améliorer la transmission des certificats de décès à l'INSERM et doté chaque établissement d'un dispositif de crise : le plan blanc d'établissement.
    La mise en oeuvre des plans nationaux est ambitieuse, avec au premier plan l'Institut national du cancer, mais aussi la lutte contre les conduites addictives, la protection renforcée de l'eau, la prévention du saturnisme. Des avancées ont été obtenues grâce à des amendements de nos collègues de la majorité, comme l'apprentissage en milieu éducatif des gestes de premier secours et l'encadrement de la profession de psychothérapeute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La création de l'Ecole des hautes études de santé publique sous forme de réseau saura calmer de nombreuses inquiétudes ; elle permettra une meilleure organisation des études en santé publique, mais aussi et surtout une meilleure recherche française dans ce domaine.
    Par ailleurs, les ajustements apportés dans la recherche biomédicale doivent permettre à la recherche française de respecter scrupuleusement le droit à la protection des personnes sans entraver inutilement les protocoles de recherche.
    Qu'il me soit permis de regretter que la politique politicienne l'emporte, à l'occasion de ce vote, sur le consensus général qui avait présidé à nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le ministre, au terme de ce débat, le groupe UMP veut vous remercier pour le travail accompli en commun sur ce texte fondateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il souhaite avec vous que la santé publique devienne l'un des impératifs de l'Europe. Il sait pouvoir compter sur votre détermination dans les instances européennes.
    Les députés UMP souhaitent, par le vote solennel de ce texte, donner une nouvelle vision de la politique de santé publique en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la politique de santé publique.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   527
Nombre de suffrages exprimés   516
Majorité absolue   259
Pour l'adoption   335
Contre   181

    L'Assemblée nationale a adopté.
    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

3

LOI DE FINANCES POUR 2004

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'année écoulée a été une année difficile pour notre économie. Elle a été marquée par des tensions internationales, dont les effets économiques se sont prolongés largement au-delà de l'intervention américaine en Irak, contrairement à nos espoirs. La conséquence, c'est un freinage prononcé de la croissance, notamment en Europe, où la reprise pointe seulement son nez.
    En France, la demande intérieure a tenu, grâce au pouvoir d'achat des ménages soutenu par l'action du Gouvernement, mais la demande extérieure a négativement pesé sur la croissance et l'investissement des entreprises a continué de reculer dans un contexte d'attentisme généralisé qui a l'air de se dissiper.
    Ces difficultés auxquelles nous avons dû faire face reflètent largement les évolutions géopolitiques ainsi que les comportements cycliques de l'économie mondiale.
    Ne voir que cela serait cependant faire preuve d'une courte vue. Nous vivons dans un monde qui change et dans une économie globalisée parcourue par des mouvements de plus en plus profonds.
    Nous vivons toujours les conséquences négatives de la bulle technologique et financière de la fin des années 90, dont nous avons hérité de lourds déséquilibres financiers. Nous sommes encore dans une période de correction qui fait suite à une phase d'endettement massif. Des ajustements étaient nécessaires et il peuvent encore peser pendant quelque temps sur l'activité économique. Heureusement, ces ajustements ont commencé à être fortement mis en oeuvre, notamment du côté des bilans des entreprises, qui sont, pour la plupart, en voie de nette restauration. Cette restauration sera terminée au cours de l'année prochaine.
    Mais les changements dont nous sommes les témoins et les acteurs vont évidemment bien au-delà. Notre monde, notre économie sont de plus en plus globalisés. C'est un fait, mais c'est aussi une chance. Cela ne se passe cependant pas sans heurt, et l'année en cours nous en a fourni plusieurs illustrations.
    L'année 2003, c'est aussi Cancún et son échec : un échec, certes, mais aussi la tentative de constitutions de nouvelles coalitions et la volonté des pays du Sud, des pays pauvres, de se faire entendre. Nous ne pouvons pas refuser des les entendre.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'année 2003, c'est également la reprise de l'économie américaine mais, jusqu'à présent du moins, une reprise pratiquement sans emplois - l'industrie continue même à en détruire. Dans un monde plus ouvert, plus concurrentiel, on s'interroge sur la capacité des entreprises industrielles à restaurer leurs marges autrement qu'en comprimant leurs coûts, notamment leurs coûts salariaux.
    Au moment où les importations américaines en provenance de Chine dépassent celles en provenance du Japon, la Chine est montrée du doigt par beaucoup aux Etats-Unis comme le responsable de ces pertes d'emplois. Des réflexes protectionnistes se font jour, auxquels nous devons prendre garde : le protectionnisme n'est jamais la bonne solution et ce développement formidable de la Chine, qui entraîne avec elle une grande partie de l'Asie, peut constituer, si les risques commerciaux et financiers en sont maîtrisés, un nouveau pôle de croissance et une nouvelle chance pour l'économie mondiale.
    Quelles leçons devons-nous tirer de l'année 2003 et de ces changements en cours ?
    D'abord, au-delà des incertitudes du court terme, il nous faut constamment regarder vers l'avenir et savoir évoluer, vouloir évoluer. De manière générale, nous ne devons pas être frileux : nous devons penser notre développement à l'international, et notamment vers les nouveaux pôles de croissance. Plus précisément, en France, nous devons orienter notre politique économique, y compris notre politique budgétaire, en faveur de l'initiative, de l'innovation et, bien sûr, de la recherche, pour sortir par le haut. Il nous faut également réfléchir à notre modèle de société, ce qui veut dire, souvent, réformer nos systèmes sociaux si nous voulons les préserver.
    M. François Guillaume. Assurément !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est ce que nous avons fait pour les retraites. Nous devons le faire pour la santé.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, dans un monde marqué par la puissance américaine et par l'émergence, à ses côtés, de nouveaux acteurs, dont la Chine et l'Inde, qui seront incontestablement les grands acteurs de demain, nous devons penser et agir dans notre cadre européen. Pour cela, nous devons améliorer notre mode de fonctionnement et de décision, en parallèle avec l'élargissement de l'Union. Tel est l'enjeu majeur de la Conférence intergouvernementale. Mais nous devons aussi, dès à présent et de mieux en mieux, travailler, agir ensemble.
    Nous devons agir en cohérence pour réformer nos économies : nous avons beaucoup progressé en ce sens au cours de l'année écoulée, après des contacts multiples avec nos amis Allemands, Britanniques et Italiens. Nos échanges et nos discussions se multiplient. Nous savons maintenant que nous partageons tous, et pas uniquement avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie, une même volonté de réforme et une même vision générale de ce que nous avons à faire pour relancer la croissance européenne.
    A cet égard, la dernière réunion du conseil ECOFIN a été particulièrement instructive : un tour de table nous a permis de constater que, si nous sommes en mouvement pour réformer, nos collègues avaient quant à eux engagé leur mouvement depuis un certain temps et qu'ils ont au moins autant que nous l'ambition de bâtir les conditions d'une croissance solide et saine par une succession de réformes majeures dans les différents domaines concernés - l'organisation de l'Etat, la retraite, la santé, la décentralisation, le contrôle des coûts de la fonction publique.
    Avec l'ensemble de nos partenaires de l'Union, nous voulons aussi promouvoir la croissance. Nous y travaillons à travers l'« initiative européenne de croissance », lancée par la présidence italienne. Reprise au bond par la France et l'Allemagne, cette initiative a été élargie à la Grande-Bretagne et est maintenant en discussion au niveau de l'Union.
    Les travaux du Conseil européen de ce jeudi et de vendredi, de même que ceux prévus avant la fin de l'année, nous permettront, je n'en doute pas, de déboucher sur un consensus opérationnel quant au contenu d'une relance, notamment par des grands travaux intellectuels et quelques grands travaux physiques.
    Enfin, au sein de l'Union et plus particulièrement dans la zone euro, nous devons approfondir la coordination de nos politiques macroéconomiques.
    Nous partageons la même politique monétaire. C'est une chance et un progrès : cette politique supprime nombre de tensions internes, notamment en cas de fébrilité du dollar. Mais c'est aussi une responsabilité : face à un même choc, le ralentissement de l'activité ou la baisse du dollar, notre Banque centrale européenne a une responsabilité à travers l'effet des taux d'intérêt sur l'économie. Il s'agit là d'un levier d'action puissant, mobilisable dans un contexte non inflationniste, et qui doit être d'autant plus réactif, voire anticipateur, qu'il produit des effets dans un certain délai, en particulier plus lentement que les mouvements de change.
    Certes, nos politiques budgétaires restent souveraines. Elles doivent cependant refléter un vision commune, celle qui a inspiré notre pacte de stabilité et de croissance : la stabilité à travers la volonté de revenir à l'équilibre des finances publiques et la croissance parce que la réduction des déficits ne peut se faire au prix de la croissance.
    Au nom de cette vision commune, nous poursuivons en France trois objectifs : renforcer la soutenabilité des finances publiques, revenir aussi vite que possible à un déficit inférieur à 3 % du PIB, le tout sans casser la reprise.
    Notre politique économique et le projet de loi de finances pour 2004 sont la traduction de ces objectifs, dans le respect de nos priorités nationales.
    Nous agissons donc d'abord pour renforcer la soutenabilité des finances publiques.
    A long terme, la réforme des retraites y contribuera largement car c'est une réfome sociale, qui sauve le système de retraites par répartition auquel nous sommes attachés, mais c'est aussi une réforme qui améliorera fortement, dans la durée, la structure de nos finances publiques. Toutes les organisations internationales, y compris la Commission européenne, le reconnaissent et le mettent au crédit de notre politique.
    A moyen terme, c'est-à-dire à l'horizon de la législature, la programmation pluriannuelle annexée au projet de loi de finances indique le cheminement financier que nous nous fixons : au moins 0,5 point de PIB d'ajustement structurel par an.
    A plus court terme, notre volonté est claire : revenir aussi vite que possible au-dessous de 3 % de PIB, ce qui est important pour la crédibilité commune des politiques européennes. « Aussi vite que possible » signifie, compte tenu de la dégradation conjoncturelle que nous vivons cette année, un retour du déficit au-dessous de 3 % en 2005. En effet, il serait mauvais, en France comme en Europe, de casser la reprise économique qui pointe en 2004 pour précipiter la réduction des déficits. Au demeurant, ce serait largement inefficace en termes budgétaires.
    Il ne serait pas non plus responsable de renoncer à nos priorités. Nous devons en effet continuer de renforcer l'Etat dans ses missions régaliennes - défense, justice, sécurité, recherche - en baissant les prélèvements pour restituer aux Français le revenu de leur travail et promouvoir l'initiative.
    Notre ambition est donc de réduire le déficit dans le respect de ces priorités. Nous y parviendrons à travers la maîtrise de la dépense : c'est la clef de voûte de notre démarche, la condition sine qua non de sa réussite et elle va de pair avec notre démarche de réforme.
    Ce n'est pas un discours nouveau, mais il n'y a pas de raison de changer de discours, ni de budget...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous disiez la même chose l'année dernière, et on voit le résultat !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tel est le cap fixé par le Gouvernement il y a un an. La nécessité de maîtriser la dépense et de réformer est aujourd'hui mieux comprise que l'année dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lefort. Puisque vous le dites !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce cap politique est tenu à travers la baisse des prélèvements au service de l'initiative et donc de l'emploi : baisse de l'impôt sur le revenu, accroissement et réforme de la prime pour l'emploi, forte revalorisation du SMIC, pour que le travail paie davantage. Mais il ne faut pas oublier les allégements de charges généraux ni les dispositifs ciblés sur les publics les plus vulnérables pour faciliter leur insertion dans l'emploi durable : contrats-jeunes, contrats initiative emploi, revenu minimum d'activité.
    Ce cap est aussi tenu à travers la maîtrise de la dépense de l'Etat. Nous avons résumé cette orientation par l'affichage d'une stabilisation en volume de la dépense. C'est un objectif clair et lisible, mais c'est surtout le reflet d'une démarche résolue de réforme et de recherche d'efficacité dans le service public.
    Ce cap doit encore être tenu en ce qui concerne les dépenses sociales. Le PLFSS en constitue une première étape, avant une réforme de plus grande ampleur, qui doit se préparer avec soin et dans la concertation. Ainsi, dès 2004, nous ferons un effort d'ajustement structurel de 0,7 point de PIB. Vous l'avez compris, cet effort a pour but de restaurer nos finances publiques, de respecter la solidarité européenne, d'accompagner notre politique de réforme et, bien sûr, la reprise.
    Car je crois à la reprise et je crois à la croissance : toute notre action vise la croissance, dans la durée. Nous menons une politique de l'offre, je ne le conteste pas. Mais celle-ci n'est pas en contradiction avec une certaine politique de demande. Nous opérons des baisses d'impôts parce que c'est essentiel à moyen terme mais, puisque nous les faisons à un moment où la conjoncture est fragile, nous menons aussi une politique de la demande.
    Nous augmentons le SMIC et la prime pour l'emploi et nous baissons l'impôt sur le revenu pour revaloriser le travail et l'initiative. Il s'agit d'une politique de l'offre mais il s'agit aussi d'une politique de revenu à court terme, qui est bonne pour la demande.
    Dans ce contexte de soutien du revenu et de reprise internationale, quelles sont les perspectives ? Deux chiffres servent de repères dans le projet de loi de finances : 1,7 % pour la croissance en 2004, et 2,5 % entre 2005 et 2007.
    Vous savez que je ne surestime pas plus que vous la précision des chiffres de croissance établis à ce stade de l'année.
    M. Didier Migaud. Heureusement !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Leur choix n'en est pas moins important pour asseoir nos prévisions de recettes et nous fournir une référence si les évolutions venaient à en diverger.
    Le chiffre de 1,7 % pour 2004 est identique à la moyenne des prévisions indépendantes. Il est plutôt modéré pour une phase de reprise, mais plutôt faible par rapport aux affichages habituels. Il reflète la prudence de notre exercice budgétaire et une volonté de réalisme. En effet, il y a incontestablement des risques baissiers à court terme dans l'économie mondiale, dont la baisse du dollar ces derniers jours est une illustration.
    Le chiffre de 1,7 % est enfin une marque de confiance : derrière ce chiffre en moyenne annuelle, il y a une trajectoire débouchant en rythme annuel sur une croissance de 2,5 %, que nous estimons pouvoir être maintenue entre 2005 et 2007.
    Ce chiffre de 2,5 % témoigne de notre prudence budgétaire car, après plusieurs années de très faible croissance, notre capacité de rebond est sans doute supérieure. Il montre une nouvelle fois notre volonté de réalisme. En effet, les difficultés structurelles ne disparaissent pas du jour au lendemain - je pense notamment à l'ajustement des bilans et aux premiers effets du vieillissement qui pèseront sur la croissance de la population active. Ce chiffre reste donc un signe de confiance car, sans action résolue du Gouvernement, notre croissance potentielle, année après année, finira par s'infléchir, justement du fait de ce vieillissement.
    Au-delà des chiffres, notre projet de loi de finances décrit une stratégie.
    Il décrit d'abord une stratégie politique, qui passe par le développement des réformes.
    Il décrit ensuite une stratégie budgétaire, par laquelle nous rappelons nos objectifs et nos priorités : ramener le déficit au-dessous de 3 % d'ici à 2005, réduire, après cette date, le déficit structurel d'au moins 0,5 % par an, affecter les « bonnes surprises conjoncturelles » à la réduction du déficit, poursuivre la baisse des impôts en recherchant des économies pérennes face à des pertes permanentes de recettes.
    C'est dans ces conditions que nous préparons l'avenir : par une politique économique au service de nos ambitions pour la croissance, pour l'initiative et l'emploi, au service de nos ambitions de restauration de l'Etat dans ses fonctions essentielles, au service de nos ambitions de réforme et de préparation de l'avenir, dans une économie mondiale où l'attentisme n'est pas une option.
    Notre projet de loi de finances est une étape dans cette politique, mais une étape qui respecte la cohérence de notre démarche. Alain Lambert va vous la présenter plus en détail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, confronté au ralentissement économique le plus prononcé que la France ait connu en cinquante ans, après ceux de 1974 et de 1993, le Gouvernement vous propose un budget offensif, qui porte un message toujours entendu dans les moments difficiles : faire confiance aux Français et mériter leur confiance.
    Faire confiance aux Français, c'est croire en leur capacité et en leur ardeur à prendre part à l'oeuvre de redressement de leur pays.
    M. Jean-Pierre Brard. La réciproque n'est pas vraie ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Faire confiance aux Français, c'est rappeler cette évidence parfois oubliée que, pour créer les richesses et les emplois si nécessaires à notre pays, la France a besoin de l'imagination, de l'enthousiasme et de l'effort de chaque citoyen.
    Faire confiance aux Français, c'est reconnaître la valeur et la force de leur travail.
    Oui, mesdames, messieurs les députés, en proclamant la dignité souveraine du travail comme source de richesse matérielle et morale de chaque citoyen, ce budget marque notre confiance dans les Français et notre engagement à mériter leur confiance ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. A part cela, monsieur le ministre, vous ne versez pas dans l'idéologie !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mériter leur confiance, c'est respecter, c'est reconnaître, c'est récompenser leur travail. Or, ce respect et cet encouragement s'expriment à chaque ligne du budget qui vous est soumis.
    Respect et encouragement pour les ménages, d'abord : encouragement envers deux millions de salariés, dont les SMIC sont relevés. Avec le relèvement de la prime pour l'emploi et le relèvement du SMIC, nombre d'entre eux vont ainsi bénéficier d'un véritable treizième mois, juste récompense de la valeur de leur travail.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne savez pas trop calculer ! Trente euros ne font pas un treizième mois !
    M. Jean-Claude Sandrier. Oui, c'est un peu léger !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Respect et encouragement envers huit millions de foyers, ensuite, dont la prime pour l'emploi sera à nouveau améliorée en 2004, grâce à un barème revalorisé pour tous les bénéficiaires.
    Encouragement à la reprise d'une activité aussi par l'offre d'un pouvoir d'achat supplémentaire grâce à un acompte de 250 euros versés au salarié dans les six mois de sa reprise d'activité.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes mesquin ! Vous donnez beaucoup plus aux bourgeois ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. Taisez-vous, monsieur Brard ! Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Respect et encouragement encore envers seize millions de foyers qui verront leur taux de l'impôt sur le revenu baisser de 3 %.
    Mesdames, messieurs les députés, tous allégements confondus, la nouvelle majorité aura réduit en 2004 le poids de l'impôt sur le revenu de plus de 10 % !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais vous augmentez les autres impôts !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ces baisses d'impôts et de charges marquent le respect que nous portons aux fruits du travail des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a que la moitié des Français qui travaillent ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ces baisses traduisent le choix résolu d'un programme fiscal offensif destiné à encourager les Français, à mériter leur confiance et à mobiliser notre potentiel de croissance.
    M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, vous ne voulez pas m'écouter car ce que je vous dis vous gêne !
    M. Augustin Bonrepaux. Personne ne vous croit, même pas à droite !
    M. Philippe Briand. On connaît le résultat de cinq ans de socialisme !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Fait remarquable et sans doute unique, sur les vingt-trois dispositions fiscales que compte ce budget, vingt-deux sont neutres ou favorables aux contribuables.
    M. Didier Migaud. La situation est en effet unique : on n'en a jamais connu d'aussi mauvaise !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce budget ne s'adresse pas seulement aux ménages : il adresse aussi un message de respect et d'encouragement aux entreprises.
    M. Didier Migaud. Elles ne sont pas convaincues !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Respect et encouragement pour l'acte d'entreprendre, un acte qui, en France, reste encore malheureusement insuffisamment considéré malgré l'espoir qu'a fait naître le changement de gouvernement.
    Respect et encouragement pour ceux qui entreprennent et qui risquent, dans notre monde ouvert, où la concurrence est si rude.
    Respect et encouragement pour nos créateurs d'emplois, qui méritent notre considération et auxquels nous voulons donner un environnement sûr et favorable.
    C'est pourquoi nous vous proposons des mesures fortes pour réhabiliter et encourager ce beau risque d'entreprendre.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un beau discours, une belle oeuvre de fiction !
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est une prédication !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour ce faire, nous favorisons la création d'emplois dans le secteur marchand et non dans le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour ce faire, nous donnons un élan au crédit d'impôt recherche. Nous instaurons un statut spécifique de « Jeune entreprise innovante. » Nous aménageons un statut fiscal adapté aux investisseurs qui leur apporte capitaux et expérience de gestion.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas une chaire ; c'est la tribune de l'Assemblée nationale !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous favorisons la compétitivité de nos entreprises par l'amélioration de leur struture de bilan, grâce au report en avant des pertes qui sera désormais illimité dans le temps.
    Mesdames, messieurs les députés, encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est aussi moderniser et simplifier l'impôt en réformant en profondeur, comme promis l'an dernier, le régime fiscal des distributions, par un abattement de 50 % d'impôt pour l'imposition des dividendes et la création d'un crédit d'impôt pour l'actionnaire, en remplacement de l'avoir fiscal, et naturellement la suppression du précompte qui, à l'international, pénalise nos entreprises.
    Moderniser et simplifier l'impôt, nous le faisons aussi en simplifiant le régime de plus-values immobilières des particuliers, les règles d'imposition des exploitants agricoles et les formalités pour les successions de faible montant.
    Encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est aussi prendre en compte la nouvelle donne démographique et assurer la solidarité entre les générations. Pour ce faire, nous instaurons un régime fiscal attractif pour les cotisations versées sur le plan d'épargne retraite populaire. Nous assurons une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes en triplant le nombre des bénéficiaires de la réduction d'impôt dépendance. Nous relevons le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale au profit des personnes âgées ou handicapées. Nous favorisons les transmissions anticipées du patrimoine en faveur des jeunes générations, plus aptes à en assurer la valorisation. Nous créons, enfin, un crédit d'impôt pour les entreprises qui aident leurs salariés à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
    Mesdames, messieurs les députés, la seule mesure qui fait débat est celle relative à la TIPP gazole. Le Gouvernement souhaite poursuivre, à hauteur de 2,5 centimes d'euro, la réduction de l'écart de taxation entre l'essence et le gazole engagée sous la précédente législature. La recette qui en est attendue est à mettre en regard avec le montant qui va être alloué à Réseau ferré de France. Les effets pour le consommateur ne doivent pas être surestimés : même en incluant cette hausse, les prix à la pompe resteront très inférieurs à ceux du printemps dernier. Et puis, 2,5 centimes, c'est également très en deçà des différences que nous constatons les uns et les autres entre les prix pratiqués par les stations-service de nos propres agglomérations. (Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Jean-Claude Lenoir. C'est vrai !
    Plusieurs députés du groupe Socialiste. Spécieux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens à la TVA, pour vous dire, tout d'abord, que nous sommes très confiants dans nos chances de parvenir, avant la fin de l'année, à un accord communautaire pour pérenniser le taux réduit de TVA applicable aux travaux dans les logements (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est la reconduction du taux existant !
    M. Didier Migaud. C'est nous qui l'avons fait !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez raison de nous applaudir ! C'est une bonne mesure !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... comme aux services d'aide à la personne.
    M. Didier Migaud. Tout ça, c'est nous !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous, c'était provisoire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Quant à la TVA restauration, l'engagement d'en baisser le taux est explicitement réitéré dans le projet de loi de finances, afin que cette mesure puisse entrer en vigueur après que l'Union européenne l'aura autorisée.
    Mesdames, messieurs les députés, le montant net des allégements fiscaux et de charges s'établit à 2,5 milliards d'euros. S'ajoute le bénéfice des lois que vous avez votées ces derniers mois, pour 800 millions d'euros. Au total, ce sont 3,3 milliards d'euros d'allégements fiscaux et sociaux qu'il vous est ainsi proposé de rendre aux Français, hors fiscalité sur le tabac. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. J'espère que M. Messier vous a envoyé un petit mot de remerciement au moins ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Après les recettes, j'en viens aux dépenses.
    Mesdames, messieurs les députés, mériter la confiance des Français, c'est aussi maîtriser les dépenses. Remettre la France sur la voie d'une croissance élevée et préparer l'avenir nous assigne, en effet, comme premier devoir de maîtriser les dépenses, dont je rapelle de cette tribune qu'elles sont engagées au nom des Français, qu'elles sont financées par eux et qu'elles sont prélevées sur leur pouvoir d'achat. Oui, mériter la confiance des Français, c'est maîtriser enfin, et sans retard, la dépense de l'Etat !
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour ce faire, nous stabilisons les dépenses en volume pour la deuxième année consécutive et ce sera la première fois en vingt ans.
    Mme Sylvia Bassot. Bravo !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous rompons la tendance à l'accroissement perpétuel, qui sera ainsi stoppée, en préalable à la réduction du déficit. Nous limitons le montant à structure constante à 277,9 milliards, soit une progression égale à 1,5 %. Nous pratiquons des efforts de redéploiement importants, à hauteur de 5,4 milliards. Nous assumons l'augmentation de trois milliards de dépenses inéluctables : la dette, les pensions, les minima sociaux et les dotations aux collectivités locales. Nous fondons nos économies sur des réformes structurelles qui permettent de ne pas remplacer près de 10 000 départs à la retraite, en réaffectant une partie des moyens en fonction des besoins. Nous diminuons, au total, le nombre des emplois budgétaires de plus de 4 600, soit six fois l'effort réalisé l'an passé. Nous stabilisons en 2004 en euros courants la masse salariale de l'Etat, contraste patent avec les années 2001 et 2002, quand furent créés 23 000 emplois budgétaires !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui ! Il faut le dire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous finançons nos priorités : la justice, la sécurité, l'équipement de la défense et l'aide au développement,...
    M. Jean-Louis Idiart. Il n'y a que des priorités, en sommes !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... qui bénéficieront de tous les moyens prévus dans les lois de programmation - quatre milliards supplémentaires auront été ainsi dégagés entre 2002 et 2004 pour ces priorités.
    Mesdames, messieurs les députés, un Etat moderne n'est pas un Etat figé. Nous voulons doter la France d'un Etat efficace et performant, garant du bien commun,...
    M. Yves Bur. Il est grand temps !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... dont les ressources humaines sont redéployées progressivement, là où c'est nécessaire. Là où manquaient des moyens, ils ont été renforcés, mais la vérité oblige à dire que l'efficacité n'est pas liée aux seuls taux d'évolution des crédits et des effectifs. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ainsi, la sécurité routière enregistre-t-elle, sans moyens supplémentaires particuliers des succès jamais atteints et exemplaires. Qu'il me soit permis de rappeler à cette tribune qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente, que l'efficacité de l'action publique au bénéfice des Français n'est pas proportionnelle à l'évolution des crédits, que trop de groupes de pression entretiennent le fétichisme des pourcentages de progession.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous ne les donnez plus, d'ailleurs ! Sans doute ne voulez-vous pas nous surcharger de chiffres !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames, messieurs les députés, nous pouvons dépenser moins en abrogeant les normes plutôt qu'en les multipliant. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous pouvons dépenser moins en allégeant le poids écrasant de l'écheveau de lois et de règlement pléthoriques. (« Bravo ! » sur les mêmes bancs.)
    Nous pouvons dépenser moins en desserrant le carcan qui nous paralyse et qui menace la compétitivité de la France. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je compte sur vous, mesdames, messieurs les députés, pour affirmer votre volonté réformatrice avec une vigueur sans précédent. (Applaudissement sur les mêmes bancs.)

    M. Jean-Pierre Brard. Vous poussez à l'extrémisme !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La maîtrise de nos dépenses est la clé de la réduction du déficit. En France, nous ne souffrons pas de « pas assez d'impôts » ; nous souffrons de trop de dépenses ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Louis Idiart. Que c'est beau ! Victor Hugo est battu !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vois que vous êtes convaincu, monsieur Idiart, et je m'en réjouis ! (Sourires.)
    J'en viens au déficit budgétaire, question qui, précisément, doit nous inciter tous à la maîtrise de la dépense. Pour 2004, le déficit budgétaire s'établit à 55,5 milliards d'euros. Il traduit une évolution divergente des dépenses, qui sont maîtrisées, et des recettes qui, hélas ! sont très affaiblies par la conjoncture économique.
    M. Augustin Bonrepaux. Et par vos décisions !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A structure constante, toutefois, le solde aurait été de 54 milliards. Nous devrions donc enregistrer une amélioration de 2 milliards par rapport au déficit prévisionnel de 2003, qui devrait s'établir à environ 56 milliards.
    Mesdames, messieurs les députés, mériter la confiance des Français, c'est aussi développer la sincérité du budget, qui est l'autre exigence de ce projet de loi de finances. Pour ce faire, nous supprimons le FOREC, importante source d'opacité.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. François Goulard. Une invention de la gauche !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Les moyens consacrés à la politique de l'emploi étaient segmentés et n'apparaissaient pas clairement. Aujourd'hui, l'effort de la nation se révèle dans toute son ampleur : en dehors de la dette, le budget de l'emploi est le troisième budget de l'Etat, après l'éducation nationale et la défense, et cela apparaît pour la première fois. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En deuxième lieu, le financement des charges de gros entretien et de désendettement du système ferroviaire est désormais sécurisé.
    Troisième réforme : les concours de l'Etat aux collectivités locales, devenus incompréhensibles, sont clarifiés. Une réforme profonde regroupe la plupart des concours au sein de la DGF. Dans le même temps et malgré les difficultés de la conjoncture, l'Etat préserve le contrat de croissance et de solidarité.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est encore une manipulation pour réduire les moyens des collectivités locales !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Alors qu'il stabilise pour lui-même ses propres dépenses en volume, il maintient, au bénéfice des collectivités territoriales, une indexation de ses concours sur la croissance. Le transfert du RMI est, pour sa part, financé par un partage du produit de la TIPP, conformément à nos engagements.
    M. Augustin Bonrepaux. Pour faire payer des impôts aux collectivités locales !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Quatrième réforme : celle de la parafiscalité.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous répétez que les impôts ont baissé !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Engagée fin 2002, elle se poursuit et sera parachevée en collectif de fin d'année.
    Cinquième réforme : celle du BAPSA. La loi organique conduit à créer un nouvel établissement public qui en prendra la suite au 1er janvier 2005. Dès 2004, les ressources du BAPSA sont clarifiées : la fraction de TVA affectée est supprimée, de même que la subvention d'équilibre. L'universalité de la TVA est ainsi rétablie au profit du budget général.
    Dernière réforme : l'inscription dans le budget des emplois budgétaires de l'intégralité des personnels contractuels de l'éducation nationale, soit 48 000 personnes, dont l'emploi n'était retracé nulle part et qui sont désormais soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Au total et pour conclure, mesdames, messieurs les députés, le projet de budget que nous soumettons à votre approbation porte l'empreinte d'une indéfectible volonté et d'une détermination sans faille. En favorisant le travail, en encourageant l'emploi et en préparant l'avenir, il appelle chaque Français à offrir à son pays le meilleur de lui-même : audace, élan et volonté...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est presque du Danton !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... pour dessiner tous ensemble le visage de l'avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec ce deuxième budget de la législature, le Gouvernement maintient le cap de sa politique économique. Il a raison de faire ce choix.
    Premier axe de son action : réduire les prélèvements obligatoires, impôts, charges sociales, pour relancer l'initiative, renforcer la croissance, améliorer notre compétitivité.
    Deuxième axe : maîtriser les dépenses publiques pour accélérer la réduction du déficit lorsque la croissance sera de retour.
    Troisième axe : mener à bien les réformes de structures. A l'instant où nous engageons notre « marathon budgétaire »,...
    M. Jean-Pierre Brard. Marathon est le terme qui convient !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... il ne faut pas oublier le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera discuté à son tour dans les prochains jours. Les finances sociales doivent être le deuxième pilier de la stratégie de réforme. Celle des retraites a été réalisée cet été. Le processus est maintenant engagé pour l'assurance maladie. Ce budget poursuit donc des orientations claires.
    M. Augustin Bonrepaux. On peut s'attendre au pire !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut dès aujourd'hui se donner les moyens de revenir rapidement à une croissance forte, durable, riche en emplois dans le secteur marchand. Pour cela, les engagements du Gouvernement et de sa majorité doivent être tenus. Et ils doivent être tenus dans la durée.
    Les avantages d'une politique budgétaire fondée sur la maîtrise des dépenses sont évidents. Elle permet de réduire le déficit structurel, ce qui dégage des marges pour les dépenses jugées prioritaires - justice, défense, sécurité -, pour la diminution durable des prélèvements obligatoires et pour l'accélération du désendettement de l'Etat.
    M. Augustin Bonrepaux. Ce sont des voeux pieux !
    M. Didier Migaud. On n'en prend pas le chemin !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle permet également d'absorber les fluctuations de la conjoncture et leur impact sur les recettes sans tomber dans les travers d'un ajustement procyclique.
    M. Didier Migaud. Le résultat, ce sont les chiffres, monsieur le rapporteur général !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais, pour être efficace, la maîtrise des dépenses doit se développer aussi en période de bonne conjoncture, ce qui n'a malheureusement pas été fait par la précédente majorité.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai, vous le savez très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle, mes chers collègues, qu'en 2002 tous les pays européens avaient réduit, voire supprimé, leur déficit sauf un, le nôtre.
    M. Patrice Martin-Lalande. Hélas !
    M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi devrions-nous ressembler aux autres ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, cette politique de maîtrise des dépenses est beaucoup plus lisible pour les agents économiques et rend durablement crédible la baisse des prélévements obligatoires. Le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui témoigne d'un effort sans précédent de maîtrise de la dépense publique.
    M. Didier Migaud. Oh !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour 2004, le Gouvernement a décidé de stabiliser en volume les dépenses du budget général à structure constante. Il s'agit d'une contrainte très forte exercée sur le fonctionnement de l'Etat, compte tenu des dépenses inéluctables comme la charge de la dette, les pensions ou les concours aux collectivités locales, mais compte tenu également du financement des priorités du Gouvernement et de la majorité.
    Aussi la stabilisation en volume des crédits correspond-elle à une augmentation en valeur de 1,5 %, compte tenu de l'inflation. La marge de crédits disponibles est donc de 4,1 milliards d'euros. Vous vous l'avez indiqué, messieurs les ministres, lors de votre audition en commission des finances, 2 milliards d'euros seront consacrés aux priorités gouvernementales, 3 milliards d'euros financeront les dépenses inéluctables que j'ai évoquées, ce qui exige une économie de 900 millions d'euros à dégager sur les autres crédits.
    En ce qui concerne le nombre de fonctionnaires, le Gouvernement, dès l'année dernière, a rompu avec l'idée fausse selon laquelle seule l'augmentation des effectifs permettrait d'améliorer la qualité du service rendu à nos concitoyens. L'année dernière, 1 089 emplois budgétaires ont été supprimés. Le Gouvernement poursuit cette démarche d'efficacité en mettant à profit le mouvement naturel de renouvellement des effectifs. Les départs en retraite vont d'ailleurs s'accélérer à partir de 2005. Un tel mouvement permettra d'organiser une décrue progressive du nombre de fonctionnaires. Il s'agit, mes chers collègues, de l'une des conditions essentielles de la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le présent projet prévoit ainsi la suppression de 4 561 emplois budgétaires, soit le solde de 5 178 créations - plus de 2 000 à la justice, 1 500 à l'éducation nationale et 1 100 à l'intérieur - et de 9 700 suppressions, dont 5 000 à l'éducation nationale, 2 000 aux finances et 1 100 à l'équipement. En dépit des difficultés de la conjoncture, le Gouvernement a décidé de poursuivre le financement des priorités définies au début de la législature. Elles répondent aux aspirations des Français en matière de sécurité et de justice et visent à garantir le rôle international de la France, aux côtés de ses partenaires, dans un monde de plus en plus incertain.
    Le budget de la défense voit se poursuivre la remise à niveau de ses crédits, dans le respect de la loi de programmation militaire 2003-2008. Cette loi s'attache à restaurer l'efficacité de notre outil militaire et à améliorer ses performances. Ainsi, les crédits d'entretien vont être majorés de 11 %. Quel contraste avec la précédente législature, où une part importante de nos matériels militaires n'était pas opérationnelle, faute d'entretien et parfois faute, tout simplement, de pièces détachées, puisque chaque année l'ajustement se faisait au détriment du budget militaire !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est beaucoup mieux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. 2004 est la deuxième année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Ses objectifs sont d'améliorer l'efficacité de la justice, notamment de réduire les délais de traitement des affaires civiles, pénales et administratives ; de développer l'effectivité de la réponse pénale face à l'évolution de la délinquance ; de prévenir et de traiter plus efficacement la délinquance des mineurs : tous secteurs dans lesquels la précédente majorité avait échoué. La loi de programmation a fixé les moyens en personnels, en fonctionnement et en investissement pour réaliser ces objectifs. Les effectifs progresseront l'an prochain de 2 175 emplois. Quant à l'équipement immobilier, il bénéficiera d'autorisations de programme majorées pour que la justice puisse être rendue dans des lieux dignes de sa fonction et que les conditions carcérales soient améliorées.
    Enfin, troisième priorité, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure prévoit de consacrer à celle-ci près de 6 milliards d'euros supplémentaires sur la période 2003-2007, qui permettront notamment de recruter des personnels supplémentaires de police et de gendarmerie.
    Vous voyez, chers collègues, qu'il y a un redéploiement de l'argent public en faveur des priorités de la majorité.
    M. Jean-Marie Geveaux et M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La maîtrise de la dépense, qui respecte nos priorités, est accompagnée d'un effort de transparence. Il faut le souligner, car la transparence est indispensable pour garantir le respect de la norme de stabilité des dépenses.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement a décidé - vous l'avez évoqué, monsieur le ministre - de supprimer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le fameux FOREC,...
    M. Philippe Briand. Enfin !
    Mme Sylvia Bassot. Remarquable !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... dans lequel avait été logées, pour ne pas dire dissimulées, toutes les exonérations ou compensations de cotisations patronales, et en particulier le coût, exorbitant pour le contribuable, des 35 heures. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'année dernière, messieurs les ministres, la commission des finances et celle des affaires sociales avaient demandé que ce fonds soit rebudgétisé. Il y avait d'ailleurs un peu de scepticisme dans nos demandes, parce que nous mesurions l'ampleur de la difficulté. Mais vous avez tenu votre engagement. Soyez remerciés de ce souci de transparence qui vous honore. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il faut insister également sur la réorientation de la politique de l'emploi du Gouvernement et de sa majorité.
    M. Didier Migaud. Pour quel résultat ! C'est pour cela que le chômage augmente !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'accent est mis sur le retour à l'emploi marchand...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes sérieux ?...
    M. Didier Migaud. Allez sur le terrain !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... par opposition à l'emploi artificiel des administrations. Cela se traduit par une réallocation des moyens consacrés aux différents dispositifs de soutien à l'emploi. Le repli progressif du programme des emplois-jeunes dans les administrations en est l'illustration. Le coût moyen d'un emploi-jeune administratif est d'environ 15 000 euros par an, alors que le coût moyen du dispositif « jeune en entreprise » est de 2 400 euros, soit six fois moins. C'est respecter le contribuable que de créer de vrais emplois pour six fois moins d'argent que ne coûtaient les emplois artificiels qu'ont été les emplois-jeunes !
    M. François Goulard et M. Philippe Briand. Bravo !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. 90 000 contrats jeunes en entreprise ont été signés dès cette année...
    M. Didier Migaud. On voit le résultat !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et 100 000 de plus seront signés en 2004.
    Par ailleurs, messieurs les ministres, vous engagez la réforme du financement des collectivités locales. Là aussi, vous prouvez votre souci de transparence : la clarification des dotations sera opérée pour chaque niveau de collectivité - région, département, commune, intercommunalité -...
    M. Didier Migaud. Avec des baisses de crédits pour tout le monde !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... en distinguant, d'une part, une dotation forfaitaire permettant la garantie des ressources dans le temps...
    M. Didier Migaud. Une garantie à la baisse !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce sont des mots ! Le rapporteur général pourrait être un peu plus sérieux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et, d'autre part, une dotation de péréquation assurant le nécessaire renforcement de la solidarité et de la péréquation.
    De plus - et je vous en remercie, messieurs les ministres, d'avoir fait ce choix - ces dotations sont traitées en prélèvements sur recettes, ce qui veut dire qu'elles seront à l'abri d'éventuelles régulations - ce qui pourrait arriver.
    M. Didier Migaud. Ce qui arrivera !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela signifie aussi, et c'est encore plus important, que, contrairement à la précédente majorité, nous faisons enfin confiance aux collectivités locales. (Sourires sur les bancs du groupe Socialiste.) Si nous traitons ces dotations en prélèvements sur recettes, c'est parce que nous associons l'effort des collectivités locales...
    M. Augustin Bonrepaux. Ça, c'est vrai ! Elles vont être associées à l'effort !
    M. Didier Migaud. Sacrément associées !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... dans le domaine de l'emploi ou de l'investissement à l'accroissement des recettes fiscales du budget de l'Etat.
    Les dotations seront également indexées et, malgré la difficulté de la conjoncture, vous avez tenu, messieurs les ministres, à reconduire en 2004 le contrat de croissance et de solidarité. Cet effort doit être souligné. (Applaudissement sur plusieurs bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Enfin, dès le budget de 2004 sera engagé le transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales, en commençant par la gestion du RMI et du RMA, dans le cadre des conditions posées par la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales que nous allons examiner prochainement.
    L'année 2004 nous rapproche aussi de l'entrée en vigueur intégrale de la loi organique du 1er août 2001, la LOLF. Dans deux ans seulement, le budget sera donc organisé en missions et en programmes, avec des enveloppes de crédit fongibles associées à des objectifs de politique publique bien identifiés. Résultats, performances, évaluation fonderont cette nouvelle culture budgétaire que vous avez voulue, monsieur le ministre délégué, quand vous présidiez la commission des finances du Sénat. C'est grâce à votre détermination, à votre ténacité, grâce aussi, je le reconnais, au travail de mon prédécesseur, Didier Migaud, que cette loi organique a pu être mise en oeuvre.
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, grâce à Didier Migaud ! Il faut le dire, tout de même !
    M. Philippe Briand. Il l'a dit !
    Mme Sylvia Bassot. Ecoutez au moins l'orateur !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mon prédécesseur aurait été parfait s'il avait également contribué à éviter de dilapider en 1999 la fameuse « cagnotte ». Nous serions aujourd'hui beaucoup moins endettés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)

    M. Augustin Bonrepaux. C'est honteux ! C'est indigne d'un rapporteur général ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. La parole est libre, tout de même !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez parler M. Carrez !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'équité, mes chers collègues, suppose de manier les éloges - je viens de le faire - mais aussi les critiques : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. »
    Messieurs les ministres, je veux en particulier saluer le projet Moderfie que vous conduisez à Bercy et qui démontre votre attachement à l'entrée en vigueur de la loi organique.
    Vous multipliez dès 2004 les expérimentations en vue de l'échéance 2006. Par exemple, la réforme de l'Etat est en marche dans les préfectures, où la globalisation des crédits sera effective dès cette année. De même, les budgets de l'agriculture, de l'écologie, de la culture et de l'éducation nationale présenteront des enveloppes fongibles pour un certain nombre de dépenses.
    M. François Goulard. Il faudrait inventer les ministères fongibles ! (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sera la dernière étape de la réforme de l'Etat ! (Rires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'effort de transparence marque aussi l'évaluation des ressources. Le scénario macroéconomique retient un taux de croissance du PIB de 1,7 %. Il s'agit d'une évaluation prudente. Rappelons qu'en 2001 le précédent gouvernement...
    M. Jean-Pierre Brard. Parlez-nous de 2003 !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avant 2003, il y a 2001. En 2001, prévision de croissance : 3,3 % ; réalisation : 1,8 %. En 2002, prévision : 2,5 % ; réalisation : 1,2 %.
    M. Didier Migaud. Et en 2003 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2003, prévision : 2,5 % ; je vous laisse le soin de préciser le taux de réalisation.
    M. Augustin Bonrepaux. Zéro !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Errare humanum est, perseverare diabolicum : pour 2004, la prudence est évidente avec cette prévision de croissance de 1,7 %.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous allez nous attirer la poisse !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. D'autant qu'à cette prévision de croissance - 1,7 % en volume, 3,4 % en valeur - sont associées des prévisions de recettes extrêmement raisonnables, avec un taux d'élasticité limité à 0,6. C'est le plus faible qu'on ait jamais utilisé en matière de recettes fiscales. Nous tablons donc sur une croissance spontanée de la recette de l'ordre de 2 %.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au-delà de cette prudence dans la prévision de croissance et l'évaluation des recettes, il faut signaler à quel point le volet « recettes » de la loi de finances est cohérent avec la politique acharnée de baisse des prélèvements obligatoires.
    M. Jean-Pierre Brard. Plus qu'acharnée : qui tourne à l'obsession !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La diminution de l'impôt sur le revenu, l'augmentation de la prime pour l'emploi, la revalorisation du SMIC traduisent la volonté de mieux reconnaître le travail au détriment des revenus tirés de l'assistance.
    M. Jean-Pierre Brard. Volonté inébranlable !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En outre, ces mesures permettront de dégager du pouvoir d'achat supplémentaire qui se recyclera dans la consommation.
    M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avec le cumul de la revalorisation du SMIC, de la revalorisation de la prime pour l'emploi et de la baisse de l'impôt sur le revenu de 3 %, un salarié seul membre de son foyer fiscal, rémunéré au SMIC à 39 heures en 2003, bénéficiera d'un gain total de près de 550 euros. Pour un couple dont les deux conjoints gagnent le SMIC, le gain sera de plus de 1 000 euros, c'est-à-dire, par rapport au salaire tiré de son travail, une augmentation de près de 6 %. Pas une seule fois, entre 1997 et 2002, les bas salaires n'ont bénéficié d'une telle revalorisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Jamais ! Bravo !
    M. Jean-Pierre Brard. Parlez-nous du haut du barème ! Quelle discrétion à ce sujet !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il fallait, cette année, poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu pour crédibiliser la volonté du Gouvernement et de sa majorité de baisser les prélèvements obligatoires dans la durée. La capacité de consommation, d'épargne et d'investissement supplémentaire restituée aux ménages et aux entreprises atteint 3,5 milliards d'euros net. Sur les 23 mesures fiscales du présent projet de loi, 22 sont globalement favorables aux contribuables.
    M. Jean-Pierre Brard. Lesquelles ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai que cet effort global n'exclut pas qu'un impôt particulier puisse augmenter. C'est le cas de la TIPP sur le gazole. Mais les 800 millions de recettes, je l'ai vérifié dans les « bleus » budgétaires, seront affectés à RFF. Il s'agit donc d'une décision en faveur de l'investissement à long terme dans un mode de transport, le ferroviaire, plus respectueux de l'environnement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    S'agissant des entreprises, en plus des mesures favorables déjà votées dans la loi sur l'initiative économique, la loi Dutreil, le projet de budget propose une sensible amélioration du crédit d'impôt-recherche, un investissement sur l'avenir.
    L'incitation en faveur de la constitution d'une épargne-retraite volontaire et l'adaptation de la fiscalité des revenus d'actions constituent des réformes importantes dans notre paysage fiscal, mais aussi par leurs conséquences économiques, qu'il s'agisse du financement des retraites ou de celui de nos entreprises. Je veux souligner à quel point l'épargne-retraite pourra les protéger de prises de contrôle étrangères qui ont été trop nombreuses ces dernières années.
    En matière de TVA aussi, le Gouvernement tient scrupuleusement ses engagements.
    M. Jean-Pierre Brard. Surtout là où il ne s'engage pas !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La reconduction de l'application du taux réduit aux travaux dans le logement figure en première partie ; la mesure dans le secteur de la restauration est inscrite, elle, en seconde partie.
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette présentation tient strictement compte du processus de négociation et de décision communautaire.
    J'en viens au déficit, qui est évalué pour 2004 à 55 milliards d'euros.
    M. Jean-Pierre Brard. Il est abyssal !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce montant élevé traduit le fait que la politique budgétaire doit accélérer le retour de la croissance. Mais, à la différence de la précédente majorité, dès que la croissance sera revenue, les surplus liés à la croissance seront, en conséquence, affectés exclusivement à la baisse du déficit au lieu d'être dilapidés en dépenses nouvelles comme cela a été le cas en 1999, en 2000 et en 2001. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est quel jour la saint-glinglin ?
    M. Didier Migaud. La baisse de l'impôt sur le revenu est financée par le déficit !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si l'on raisonne non pas en termes de déficit apparent mais en termes de déficit structurel - la seule notion qui compte pour la Commission européenne, et elle a raison de ce point de vue -, on se rend compte que le déficit structurel, celui qui permet d'éliminer les effets provisoires liés à la conjoncture et de mesurer l'effort réel de maîtrise de la dépense,...
    M. Didier Migaud. Le raisonnement est laborieux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pas du tout !
    On constate, disais-je, que le déficit structurel s'est aggravé de deux points de PIB entre 1999 et 2002, et que la moitié de cette dégradation s'est produite entre 1999 et 2001. Alors, bien sûr, cette dégradation a été cachée derrière les recettes d'aubaine de la croissance de l'époque (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste), mais c'est une leçon qu'il faut méditer : entre 1999 et 2001, malgré le surcroît de recettes lié à la haute conjoncture, le précédent gouvernement et sa majorité ont choisi de relâcher la discipline des finances publiques. Le déficit structurel s'est en réalité aggravé. Ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est la Commission européenne.
    M. Philippe Briand. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Et que dit-elle, la Commission, de votre déficit ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. A partir de 2002,...
    M. Augustin Bonrepaux. Parlez-nous plutôt de 2003 !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... toujours en solde structurel, notre effort de maîtrise des dépenses de l'Etat, qui est important, ainsi que la réforme de l'UNEDIC permettent un véritable progrès dans l'assainissement des finances publiques : 0,5 point de PIB en 2003, 0,8 point de PIB en 2004. Messieurs les ministres, et vous en particulier, monsieur Mer, si vous avez su être si persuasifs auprès de Bruxelles,...
    M. Didier Migaud. Il y a des engagements secrets !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... c'est parce que vous avez mis en évidence cet assainissement ainsi que notre volonté absolue de maîtriser la dépense et de réduire nos déficits.
    M. Didier Migaud. Mais ils seront tenus après les élections...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour terminer, je rappelle que la commission des finances a adopté plusieurs amendements ou articles additionnels dont je souhaite souligner dès maintenant deux aspects.
    En premier lieu, nous présentons des propositions visant à adapter plusieurs « niches fiscales », pour manifester notre souhait de voir la diminution des taux de l'impôt sur le revenu commencer d'être accompagnée de la révision de certains allégements pour des raisons de cohérence d'ensemble de la réforme. C'est exactement l'esprit de l'excellente réforme de l'impôt sur le revenu qui avait été engagée en 1996...
    M. Alain Juppé. C'est vrai !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et malheureusement interrompue dès 1997.
    M. Jean-Louis Idiart. La faute à qui ?
    M. Didier Migaud. A la dissolution !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En second lieu, la commission des finances a souhaité ne reconduire l'actuelle redevance télé que pour 2004,...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Jean-Louis Idiart. Il faut la supprimer ! Ce serait populaire !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... en mettant à profit l'année qui vient pour mettre au point une véritable réforme de la redevance en 2005, une réforme qui rende cet impôt plus juste et moins coûteux à recouvrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Goulard. Haro sur la redevance !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a voulu montrer qu'avant d'envisager de nouvelles dépenses, il fallait d'abord tout faire pour réduire le déficit. Après l'examen des recettes, nous commencerons, dans une semaine,...
    M. Jean-Pierre Brard. Ou plus tard !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... à étudier les budgets de chaque ministre. Ce sera l'occasion d'insister sur la nécessaire réforme de l'Etat, sur la chasse aux dépenses superflues,...
    M. Didier Migaud. Aux dépenses de communication du Premier ministre !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... sur le contrôle des guichets ouverts sans limite, sur la suppression d'organismes sans objet ou de procédures inutilement complexes. Comme la baisse des impôts, dont il est la condition, c'est un travail de longue haleine, à mener avec constance et détermination.
    Chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi de finances initiale pour 2004, compte tenu des quelques amendements qu'elle a acceptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vous noterez tout d'abord, mes chers collègues, la brièveté des trois interventions précédentes, celles des deux ministres et du rapporteur,...
    M. Jean-Pierre Brard. Ils n'ont rien à dire !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ...et, par là même, la courtoisie qu'ils ont montrée vis-à-vis de l'opposition pour lui permettre de s'exprimer avant le dîner.
    M. Didier Migaud. Est-ce vraiment de la courtoisie ?
    M. Jean-Pierre Brard. Plutôt une discrétion dont il était risqué de se départir !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Puisse cette courtoisie être contagieuse tout au long des débats budgétaires.
    M. Jean-Pierre Brard. On peut être courtois et incisif, monsieur le président !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. A cette tribune, un précédent ministre de l'économie avait rappelé que ce qui sépare un pays d'un autre, c'est un demi-point de croissance en plus ou en moins. Nous devrions méditer les raisons pour lesquelles la croissance française a été supérieure d'un demi-point à la moyenne de celle des pays de l'OCDE jusque dans les années 1978, 1979...
    M. Didier Migaud. Et ces cinq dernières années.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... et s'y révèle inférieure d'un quart de point pour les vingt dernières années.
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas conforme aux chiffres !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est un constat statistique incontournable, largement hérité de la gestion des vingt dernières années.
    M. Augustin Bonrepaux. Non ! Il faut être plus objectif !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Cela explique notre médiocre position en Europe,...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai qu'elle est médiocre !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... qu'il s'agisse du taux de chômage, de la progression du pouvoir d'achat inférieure à celle de nos voisins européens,...
    M. Jean-Pierre Brard. Merci Edouard !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... du déficit budgétaire ou encore - on l'oublie quelquefois - de l'évolution de la richesse des régions : parmi les 190 régions d'Europe il n'y a plus désormais que deux régions françaises à se situer dans les 50 premières pour la richesse par habitant.
    A cela s'ajoute un autre fait : 3 % des Français en âge de travailler sont en chômage de longue durée, soit dix fois plus qu'aux Etats-Unis !
    Le retour à une croissance capable de créer des emplois suppose une amélioration globale de la productivité de l'économie. Et cette amélioration de la productivité implique, vous venez de le dire, que l'administration ne reste pas à la traîne, à l'abri de tout effort dans ce domaine. Il ne peut y avoir, et les Français le ressentent bien, deux univers économiques qui s'ignorent : l'un exposé à tous les dangers, à toutes les difficultés, au vent de l'international, et l'autre abrité derrière un statut protecteur, une absence de concurrence et des règles qui constituent surtout des obstacles.
    Ce diagnostic, chers collègues, est largement partagé.
    M. Jean-Louis Idiart. Il va être emporté par le vent !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est au-delà qu'apparaissent les divergences. A défaut de nous accorder sur les remèdes, ne serait-il pas judicieux d'écouter ce que disent nos voisins et de méditer ce qu'ils font, pour retrouver de la croissance, en termes de réformes de structure, de la fiscalité, de l'organisation de l'Etat ou des rigidités excessives ?
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. S'agissant des réformes de structure, la France a trop longtemps différé deux réformes engagées presque partout en Europe, y compris dans les pays scandinaves : il s'agit des retraites et de l'assurance maladie.
    Le Gouvernement a conduit avec courage et équité la nécessaire réforme des retraites. Quelles étaient les deux alternatives proposées par ceux qui se sont opposés à cette réforme ? L'accroissement de la CSG et une fiscalité alourdie sur le capital, qui ne pouvait que nuire à la croissance.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. La réforme de l'assurance maladie quant à elle doit être menée dans l'année à venir.
    S'agissant de la gestion de l'Etat et du poids des réglementations, que dit-on à l'étranger de notre pays ? Que la France est suradministrée et sous-organisée. Il y demeure une multiplicité des procédures, un empilement des structures et donc une faible productivité générale de l'Etat.
    M. Hervé de Charette. Exact !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Même aujourd'hui, les efforts engagés restent encore trop limités. A l'exception de quelques ministères, la machine à ajouter de la complexité et de multiples réglementations continue à fonctionner.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et lorsque l'on ambitionne de responsabiliser les acteurs et de s'adapter à la diversité des situations, il est surprenant de persister à recourir aux méthodes verticales de réforme et de prévoir quatre-vingts articles dans une loi, quantité de règlements, de décrets et d'arrêtés au point que personne ne s'y retrouve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il faut donc, chers collègues, se donner les moyens d'alléger les procédures, de les rendre intelligibles pour ceux qui doivent s'y plier et de simplifier les empilements de structures inutiles. C'est là, messieurs les ministres, que vous avez besoin de l'apport du Parlement.
    M. Jean-Louis Idiart. Ah ! Et des amendement de la majorité !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. L'Etat, en France, compte parmi les plus omniprésents dans la sphère économique nationale si l'on considère l'indicateur de la part des dépenses publiques dans le PIB. Et laisser croire un seul instant qu'un pays puisse avoir un bon niveau de vie, un faible taux de chômage et un Etat providence très développé, tout en travaillant trente-cinq heures par semaine avec deux mois de congés et la retraite après trente-sept années et demie de travail, c'est une supercherie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Chamard. Très bien !
    M. François Goulard. Une mystification et une supercherie !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Seul pays à s'être engagé dans cette voie, la France en paie aujourd'hui les conséquences...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la quatrième exportateur mondial !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... en termes d'emploi, de délocalisation des activités et de perte d'attractivité du territoire.
    M. Jean-Pierre Brard. Et ceux qui viennent investir chez nous ?
    M. Philippe Briand. Et qui rachètent à bon compte !
    M. Jean-Pierre Brard. Arrêter de vous mentir à vous-mêmes !
    M. Jean-Michel Fourgous. Le jour viendra où le PC lui-même sera racheté... Et pour pas cher !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il faut donc inverser la tendance et revenir à un secteur public rationalisé au service des administrés et non l'inverse.
    A propos des réglementations excessives, je tiens à vous faire part du témoignage du président d'une grande société à propos des deux derniers sites industriels qu'il devait choisir en Europe. « Nous avions deux usines à construire, disait-il dans un article récent. Nous aurions pu le faire en Allemagne et en France. Nous venons de choisir la Suisse où les salaires sont les plus élevés au monde, parce que nous avons la flexibilité dont nous avons besoin dans une société moderne. »
    Cela me paraît assez clair : l'entreprise naît, vit, se développe, mais aussi, hélas ! meurt. Vouloir lui appliquer les schémas d'une administration dotée de l'immortalité, c'est à coup sûr aller à notre perte. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Savez-vous ce que dit Anatole France de ces industriels ? Quelle référence, Anatole France !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Pour ce qui est de la stratégie budgétaire, réhabiliter l'impôt, comme le suggèrent certains élus, lorsque le niveau des prélèvements obligatoires approche les 50 %, c'est vraiment s'endormir sur nos faiblesses.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est non seulement s'éloigner des niveaux de fiscalité de nos voisins européens, mais aussi menacer l'emploi et le pouvoir d'achat.
    M. Jean-Pierre Brard. Lisez de Villepin !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est pourquoi, dans ce budget, le Gouvernement a choisi de mettre l'accent sur la baisse des charges et sur la baisse de l'impôt sur le revenu.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes des obsédés !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Au-délà de ce choix, messieurs les ministres, la commission des finances souhaite, pour le futur débat d'orientation budgétaire au printemps prochain, des comparaisons de fiscalité entre pays européens, qu'il s'agisse des impôts sur la consommation, sur le capital ou sur le travail. L'objectif que nous recherchons, c'est d'abord de privilégier l'emploi. Il nous faut donc examiner les baisses d'impôts les plus susceptibles d'y contribuer plutôt que de nous complaire dans des réactions allergiques - ou salivaires - à telle ou telle réduction d'impôt, si préjudiciables à nos intérêts nationaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Choisir la croissance zéro du budget, après vingt ans à parler de réforme de l'Etat sans jamais la faire, c'est le seul moyen d'assurer à terme la maîtrise des dépenses. Vous avez fait ce choix et nous vous en savons gré.
    Il demeure cependant quelques interrogations.
    M. Jean-Louis Idiart. Ah ! quand même !
    M. Jean-Pierre Brard. Je croyais qu'il n'y en avait pas !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Par exemple, est-il justifié pour l'avenir d'avoir des budgets sanctuarisés ? Pour l'investissement, probablement, mais pour le fonctionnement, non !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est une bonne idée, surtout pour crédits militaires !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Plus généralement, et M. Lambert vient de le dire - j'ai d'ailleurs été surpris à cet égard en entendant les conférences de presse de certains ministres -, la prise de conscience, dans le comportement de chacun, qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente, mais un budget qui gère mieux l'argent public, n'est pas encore effective. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. De même, trop peu de voix s'élèvent dans ce pays lorsqu'il s'agit de résister à l'idée de consentir une rente supplémentaire à telle ou telle corporation passée maître dans l'art d'invoquer l'intérêt général pour légitimer les siens, quitte à en faire supporter les conséquences à la majorité du pays.
    M. Jean-Louis Idiart. Vous pensez au cas Chirac ?
    M. Jean-Pierre Brard. Quelle corporation ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nous en reparlerons...
    M. Jean-Pierre Brard. Non ! Il faut dire la vérité !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. On peut citer ceux qui demandent la retraite à cinquante ans, alors que la priorité, c'est d'accorder à ceux qui ont des métiers pénibles les priorités futures... Ai-je répondu à votre question ?
    M. Philippe Briand. M. Brard vient de prendre le train en marche !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Du reste, certains ministères se sont déjà engagés dans la voie de cette prise de conscience. Je citerai l'exemple d'un ministre qui a su utiliser le levier de la baisse des taux d'intérêt pour construire plus de logements sociaux demain, permettre davantage d'accessions à la propriété, tout en réduisant les prélèvements publics : je veux parler du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je crois qu'il mérite notre soutien.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un appel du pied à l'UDF !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce qu'on veut voir, c'est des résultats ! Mais ce ne sont que des promesses !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le budget, je l'ai dit, messieurs les ministres, doit répondre à une double exigence d'efficacité pour la croissance et de justice pour ceux qui en font la substance.
    M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Tout au long de ce débat, on nous martèlera que ce budget est injuste.
    M. Jean-Pierre Brard. Enfin un peu de lucidité !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je crois comprendre les motivations des uns et des autres : il est sûr, si l'on se réfère aux traditions du travaillisme des années 1970, que ce budget n'est pas correct.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez les modèles que vous pouvez !
    M. Didier Migaud. Vous aussi, vous le pensez ! Vous l'avez même dit, d'ailleurs !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Mais comparez, messieurs, avec ce que font aujourd'hui nos voisins européens, y compris socio-démocrates : vous verrez qu'ils jouent à la fois sur les deux leviers de l'efficacité et de la justice.
    M. Didier Migaud. Vous, vous êtes non seulement injustes, mais également inefficaces !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il n'est qu'écouter le chancelier Schroder : « L'Etat providence omniprésent, qui s'occupe de tout, et qui retire à sa population son pouvoir de décision, et décide de tout à sa place, n'est pas viable financièrement et de surcroît inefficace et inhumain. » Et Tony Blair : « Dans un Etat moderne, l'Etat et les entreprises doivent coopérer. »
    M. Philippe Briand. Et eux, ils restent au pouvoir !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est cela, l'équilibre entre les deux exigences d'efficacité et de justice. Et notre action à cet égard peut soulever des critiques sur tel ou tel point, force est tout de même de reconnaître que, durant ces dix-huit derniers mois, certaines priorités sociales ont été mises en oeuvre.
    M. Didier Migaud. Oh ! Lesquelles ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ainsi les petits salaires du secteurs privé connaîtront des augmentations de 7 à 8 %,...
    M. Philippe Briand. En effet !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... de même que les petites retraites...
    M. Philippe Briand. En effet !
    M. Jean-Louis Idiart. De plus en plus petites !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Qui a fait en sorte que ceux qui subissent l'inégalité la plus grave, celle de la différence d'espérance de vie, ont les retraites les plus petites et la durée de cotisation la plus longue ? Et qu'est-ce qui a remédié à cela, si ce n'est le dernier débat sur les retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Tout est donc parfait ! Allez-vous en convaincre les Français ?
    M. Jean-Louis Idiart. C'est gonflé !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est un fait ! Troisième levier : l'accession sociale à la propriété. Nous aurons un débat sur ce sujet. Messieurs les ministres, une très bonne mesure vous a été proposée : le nouveau prêt pour la location-accession. Pour les revenus familiaux de 10 000 à 13 000 francs, vous avez prévu 5 000 logements pour les ménages les plus modestes : pour une fois, vous pourriez passer à 10 000, car cela n'accroît aucunement la dépense publique.
    M. Jean-Louis Idiart. Ils sont tellement radins !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. L'accession sociale à la propriété doit être notre priorité. Quant aux banlieues, qui peut nier que le plan Borloo vise précisément à leur donner un nouvel espoir ? C'est le quatrième pilier, avec la sécurité.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est encore grâce à l'UDF !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. En conclusion, s'il fallait qualifier ce budget, je parlerais d'un budget responsable. Il remédie progressivement, même si certains aimeraient aller plus vite, aux faiblesses du pays. Un budget responsable parce qu'il choisit de concilier l'efficacité et la justice. Nous l'approuvons...
    M. Jean-Pierre Brard. On l'avait compris !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... et nous souhaitons, pour 2005, un plus grand apport du Parlement...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la première critique !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... pour vous aider, messieurs les ministres, à concrétiser vos espoirs - et les nôtres. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je ne crois pas vous blesser, messieurs les ministres, en disant que ce projet de budget porte essentiellement l'empreinte du Président de la République, Jacques Chirac.
    M. Jean-Louis Idiart. Ils sont fiers !
    M. Didier Migaud. Il contient des mesures abracadabrantesques...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. ... pour une croissance qui fait pschitt !
    M. Michel Piron. Quel style !
    M. Didier Migaud. C'est un budget de parti pris, doté d'une forte cohérence idéologique mais d'une grande incohérence économique, profondément injuste, malheureusement inefficace et à contre-emploi - nous essaierons de le prouver tout au long de cette discussion budgétaire.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est bien vu !
    M. Philippe Auberger. Mais en quoi est-il inconstitutionnel ?
    M. Didier Migaud. Cela va venir !
    L'année 2003 s'avère, en effet, une année malheureusement remarquable tant au point de vue économique que du point de vue budgétaire - vous-mêmes l'avez noté, messieurs les ministres, mais je n'ai pas tout à fait le même point de vue que vous. Les économistes ont en effet relevé que 2003 sera pour la croissance la pire année depuis cinquante ans à l'exception de 1974 et 1993. Ce constat accablant fait résonner cruellement les propos de M. Raffarin qui nous assurait que sa prévision de croissance pour 2003 signifiait les ambitions de son gouvernement et constituait un pari. Ce pari est perdu, c'est l'évidence.
    M. Jean-Pierre Brard. Çà, ne n'est pas celui de Pascal !
    M. Didier Migaud. Mais lorsqu'on est en situation de pouvoir, a-t-on le droit de prendre des paris aussi risqués pour l'avenir des Français ?
    M. Raffarin voulait libérer les énergies ; le résultat est que le chômage s'est sensiblement aggravé.
    M. Jean-Louis Idiart. Il a libéré les sondages !
    M. Didier Migaud. M. Raffarin, qui s'agite et parle beaucoup, semble être aveugle aux désastres économiques et sociaux provoqués par sa politique et sourd aux préoccupations et inquiétudes de la France d'en bas. Il serait raisonnable pour lui de tirer les leçons de cet échec.
    M. Raffarin devrait avoir l'honneur de démissionner de ses fonctions (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, pour peu qu'il soit responsable de la politique mise en oeuvre...
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'est responsable de rien, c'est la faute des autres !
    M. Didier Migaud. ... tant il est vrai, je l'ai dit, que ce projet de budget porte en fait l'empreinte des consignes données par le Président de la République.
    S'il ne le fait pas, il doit changer de politique. Ce n'est pas ce qui nous est proposé, et l'obstination satisfaite dont le Gouvernement fait preuve va se traduire, en 2004, par l'accentuation du caractère injuste et inefficace de sa politique fiscale et budgétaire et nous laisse craindre le pire.
    Le chômage va atteindre les 10 % de la population active et, pour la première fois depuis 1993 - j'appelle là-dessus l'attention du président de la commission des finances qui a dit tout à l'heure un certain nombre de choses intéressantes -, l'économie aura davantage détruit d'emplois qu'elle n'en a créés en 2003. La consommation des ménages s'est effondrée, les entreprises n'investissement plus, la production industrielle recule fortement et l'inflation en rythme annuel dépasse les 2 %.
    Les multiples augmentations de taxes, de tarifs publics, du forfait hospitalier, des cotisations de mutuelles, enfin des impôts locaux ont amputé le pouvoir d'achat des Français, au point de briser leur moral déjà chancelant. La dette publique a explosé en raison du doublement du déficit public depuis votre arrivée. La dépense publique - c'est le paradoxe, monsieur le rapporteur général - s'est remise à augmenter en proportion du PIB alors qu'elle avait été maîtrisée entre 1997 et 2001.
    M. Jean-Pierre Brard. Qu'en dites-vous, monsieur le rapporteur général ?
    M. Didier Migaud. Seule bonne nouvelle, mais seulement pour une minorité : l'impôt de solidarité sur la fortune a été très sensiblement réduit, de même que l'impôt sur le revenu, au bénéfice essentiellement de 100 000 foyers aisés.
    Alain Juppé avait parlé de résultats calamiteux en évoquant ceux d'Edouard Balladur en 1995. Quel terme pourra utiliser le successeur de M. Raffarin ?
    M. Jean-Pierre Brard. Apocalyptique !
    M. Michel Sainte-Marie. Now !
    M. Didier Migaud. Nous n'en serons pas loin !
    Alors qu'entre 1997 et 2001 la croissance française se situait systématiquement au-dessus de la moyenne européenne, monsieur le président de la commission des finances, que la France tirait la croissance européenne, elle se situe désormais sous la moyenne européenne. Je sais bien que vous changez la référence, vous prenez les pays de l'OCDE, mais restons dans le cadre de l'Union européenne, où la démonstration est évidente. Au deuxième trimestre 2003, le PIB de la France a reculé de 0,3 point, celui de l'Union de 0,1 point ! Même l'Allemagne, que vous critiquez pourtant, a fait mieux que nous ! La France est désormais le poids mort de l'Union.
    Devant une situation aussi catastrophique, la pire que la France ait connu depuis cinquante ans, je l'ai dit tout à l'heure, que propose le Gouvernement ? De refondre le barème de l'usufruit, inchangé depuis 1901 ! Mesure sans doute justifiée, mais est-elle opportune et à la hauteur du défi ? Il est permis d'en douter.
    Une telle attitude, en période de crise, a été décrite par le sociologue Michel Dobry dans sa magistrale Sociologie des crises politiques parue aux Presses de Sciences-Po. Il s'agit de « l'hystérésis des habitus », autrement dit du syndrome de la marquise - tout va très bien -, qui consiste à adopter un comportement ordinaire dans une période extraordinaire. En l'espèce, ce projet de loi de finances comporte des mesures dont le manque d'ambition et l'inadéquation à la réalité de la situation sont proprement stupéfiants.
    Je souhaite soulever l'exception d'irrecevabilité pour trois raisons, à nos yeux essentielles : le Gouvernement a fait preuve et continue de faire preuve de manque de sincérité, voire d'irresponsabilité, dans la gestion des finances publiques ; le Gouvernement a mis en oeuvre et accentue une politique fiscale et budgétaire injuste qui ne respecte pas nos principes constitutionnels ; les hypothèses macro-économiques et de réduction du déficit public ne sont pas sincères ni cohérentes entre elles.
    En mettant en oeuvre une stratégie délibérée de dégradation des finances publiques, pour mieux noircir l'héritage socialiste, le Gouvernement a adopté une attitude politicienne et peu responsable. Nous en avons parlé, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement. Vous avez fait l'impasse sur les questions que nous-mêmes nous avons posées.
    Mais la comparaison avec la situation de 1997 est très éclairante. Vous avez trouvé, comme nous-mêmes en 1997, un budget initial préparé par un autre gouvernement. Vous avez, comme nous, diligenté un audit indépendant pour prendre la mesure des écarts possibles par rapport à la loi de finances initiale, et vous avez eu ensuite la maîtrise de la situation et la capacité d'assumer vos choix budgétaires et de financer vos priorités politiques, comme nous-mêmes l'avions eue, au deuxième semestre 1997.
    Pourtant, le parallèle s'arrête là. Je ne reviendrai pas sur les éléments tirés de l'audit des finances publiques de 1997. Le constat était sans appel. Alors que la loi de finances initiale était censée conduire à un déficit de 3 % du PIB, permettant la qualification de la France à l'euro, l'audit montrait que nous nous acheminions plutôt vers un déficit nettement supérieur à 4 % du PIB. Ce constat, je l'ai dit également il y a huit jours, avait d'ailleurs été établi par le Premier ministre sortant lui-même, dans une lettre laissée à son successeur sur l'état de nos finances publiques. L'écart était essentiellement dû à l'ampleur des dépenses annoncées et non financées, et à une forte surévaluation des recettes attendues. Le gouvernement de Lionel Jospin a pris ses responsabilités et permis de qualifier, in extremis, la France à l'euro en terminant l'année avec un déficit de 3 % du PIB.
    En 2002, l'audit a prévu une fourchette de déficit de 2,4 % à 2,6 %. Vous avez décidé de retenir, messieurs les ministres, la plus pessimiste, bien sûr, soit 2,6 %. Pourtant, l'année s'est achevée à 3,1 %, soit 0,5 point de PIB au-delà de l'hypothèse pessimiste.
    Cette dégradation supplémentaire n'est pas le fait de la conjoncture, comme vous le prétendez. Vos propres documents, nous n'insisterons jamais assez, mais aussi et surtout la Cour des comptes et la Commission européenne, établissent que la dégradation constatée en 2002 résulte, d'une part, de la décision que nous avions prise, et que nous assumons de laisser jouer les stabilisateurs automatiques - ceci a eu pour conséquence de porter le déficit prévisible pour 2002 de 1,4 % à environ 2 % du PIB -, d'autre part, à hauteur des deux tiers, d'une volonté délibérée de dégrader les comptes publics. La Cour des comptes estime que le Gouvernement a « laissé filer » le déficit. Ceci afin, par de vaines tentatives politiciennes, de noircir le bilan du précédent gouvernement, et de refaire, comme on dit, le « coup de l'héritage ».
    Le déficit supplémentaire - nous ne le dirons jamais assez -, au-delà de ce chiffre de 2 %, vous est donc imputable et résulte de vos propres décisions : baisse supplémentaire et stérile de l'impôt sur le revenu, emballement des dépenses de sécurité sociale et progression déraisonnable des dépenses militaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Il fallait que cela fût dit !
    M. Didier Migaud. Le tout représente une dégradation supérieure à un point de PIB, soit 15 milliards d'euros environ, dont la moitié sur le seul budget de l'Etat, l'autre moitié étant la conséquence de l'emballement des dépenses de santé que je viens d'évoquer.
    D'ailleurs, le commissaire européen Pedro Solbes affirme, dans l'interview qu'il a accordée au Monde daté des 12 et 13 octobre, que « la France s'est mise elle-même dans cette situation ». On ne peut mieux dire !
    M. Alain Néri. Eh oui !
    M. Charles de Courson. C'est vrai ! Et l'actuelle opposition a une large part de responsabilité !
    M. Didier Migaud. Mais Pedro Solbes pense à votre gouvernement, messieurs les ministres !
    Les principaux chiffres de l'exécution 2002 montrent bien la dérive de nos finances publiques, laquelle se poursuit cette année. En 2002, les dépenses de l'Etat ont progressé de 4,3 %, contre 2,4 % en 2001 - chiffre qui correspond également à la moyenne, pour la période 1998-2002 - selon les chiffres fournis dans le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution 2002. A ce propos, je rappelle, monsieur le rapporteur général, que vous n'avez pas répondu aux questions que nous avons soulevées lors de l'examen de la loi de règlement.
    Les dépenses qui progressent le plus rapidement sont celles du titre III - moyens des services -, avec une croissance de 4,7 % par rapport à 2001. On notera en particulier la progression des dépenses de fonctionnement courant, 6,2 %, soit un rythme de progression deux fois plus élevé qu'en 2000 et 2001, ainsi que la progression déraisonnable de 5,3 % des dépenses militaires.
    Vous avez de surcroît - et je crois que vous partagez ce point de vue, monsieur le président de la commission des finances et monsieur le rapporteur général - consolidé l'essentiel de ces dépenses en « base », en construisant le projet de loi de finances pour 2003 à partir des dépenses du projet de loi de finances pour 2002 majorées de celles du collectif budgétaire d'été. L'orthodoxie budgétaire commandait plutôt de fixer la norme de progression de la dépense publique à partir du seul projet de loi de finances initial. En ne le faisant pas, vous avez fait gravir aux dépenses de l'Etat, quoi que vous en disiez aujourd'hui, une marche qu'il ne sera pas facile de descendre, ce qui explique en partie l'explosion de la dépense publique constatée en 2003.
    Vous avez par ailleurs accru les dépenses d'assurance maladie de plus de 1,3 milliard d'euros, en faveur notamment des médecins généralistes et spécialistes par la multiplication des revalorisations d'honoraires sans contrepartie...
    M. Jean Le Garrec. Très juste !
    M. Didier Migaud. ... et au détriment du déficit des comptes sociaux, qualifié d'abyssal par le ministre chargé pourtant de les gérer.
    En pratiquant un double discours - celui que la France tient à l'Union européenne d'une part, et d'autre part, celui que le Gouvernement tient à l'opinion publique -, le Gouvernement a fait de l'insincérité un mode de gestion.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est gentiment formulé !
    M. Didier Migaud. Le gouvernement de M. Raffarin, pour qui la forme semble prévaloir sur le fond, fait de la communication l'alpha et l'oméga de sa politique.
    M. Alain Néri. Ça ne marche plus !
    M. Didier Migaud. Cette stratégie est d'ailleurs de plus en plus mise en scène : en une sorte de paroxysme, la communication se fait elle-même communiquante, avec un conseiller en communication qui ne fait pas mystère d'avoir pris pour modèle un ancien collègue, M. Alastair Campbell, lequel s'est brûlé les ailes en Angleterre pour avoir outrepassé ses fonctions et, semble-t-il, essayé de manipuler médias et citoyens.
    Souhaitons à ce conseiller en communication de ne pas connaître le même sort qu'Icare, et souhaitons à M. Raffarin de faire preuve d'autant de réactivité en matière économique que son conseiller se targue de le faire en matière de communication.
    M. Jean-Pierre Brard. Il devrait en changer ! J'en connais de bons et qui prennent moins cher ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Le premier principe de toute bonne communication est de moduler le discours - et vous êtes expert en la matière, monsieur le ministre de l'économie et des finances - en fonction de la cible qui en est le destinataire.
    C'est ainsi que le Gouvernement tient un discours de rigueur et s'engage à annuler des crédits devant l'Union européenne, tandis qu'il berce l'opinion publique française d'illusions, en lui cachant la réalité et l'ampleur des sacrifices qu'il s'est engagé à lui faire supporter pour se conformer aux exigences bruxelloises.
    Ce double discours est apparu de façon flagrante dans la pratique des annulations de crédits, inscrits de façon purement optique dans le projet de loi de finances initiale pour 2003, puisqu'ils avaient, en réalité, vocation dès leur inscription - monsieur le ministre du budget, vous aviez eu l'honnêteté de le reconnaître, d'ailleurs - à être annulés.
    Si l'on observe bien, on constate qu'il y a concomitance exacte entre la parution des décrets d'annulation de crédits et le déroulement de la procédure européenne pour déficit excessif. La première vague d'annulations est intervenue à peine quinze jours avant la publication du rapport de la Commission qui a déclenché la procédure pour déficit excessif. Et la dernière annulation a été publiée le jour même de la fin de l'ultimatum posé par la Commission européenne, soit le 3 octobre dernier.
    M. Jean-Pierre Brard. Un hasard !
    M. Didier Migaud. Il faut noter, monsieur le ministre du budget, que vous avez saisi l'occasion d'une réponse à ma question sur un éventuel gel de crédits début 2004, pour annoncer le 30 septembre à la commission des finances de l'Assemblée nationale que vous proposeriez « tout naturellement au Premier ministre des mesures en ce sens au début du prochain exercice, de manière à éviter tout dérapage ». Ce n'est pas un hasard, c'est la conséquence directe des engagements pris par le Gouvernement devant l'Union européenne sans même informer la représentation nationale, qui regarde passer les trains d'annulations. Nous allons, à partir de la semaine prochaine, examiner chacun des budgets à tour de rôle. Nous allons voter des crédits, alors même que dès le mois de janvier, vous allez proposer au Premier ministre d'en geler un certain nombre !
    M. Charles de Courson. C'est comme sous la gauche !
    M. Didier Migaud. C'est dire que, une fois de plus, le budget n'est que virtuel.
    Il est très choquant que la pratique de l'inscription fictive en loi de finances initiale de crédits que le Gouvernement annulerait dès le début de l'année se reproduise. C'est la preuve, d'ailleurs, monsieur le ministre du budget, que vous ne croyez pas à vos hypothèses économiques et budgétaires.
    Le Gouvernement se retranche derrière le fait que le plafond de dépenses voté par le Parlement ne constitue pas une injonction de dépenser. Il a raison, mais pourquoi voter un plafond si l'on sait déjà que c'est un plafond inférieur qui s'appliquera à l'exécution ?
    Comme l'a dit le premier président de la Cour des comptes dans une interview accordée au Figaro, l'année dernière, mais cela reste valable cette année : « Il est paradoxal de faire voter aux parlementaires un plafond de dépenses, en annonçant quelques semaines plus tard qu'il n'est qu'indicatif. » Si le Gouvernement sait déjà, comme il le dit, que le plafond de dépenses qu'il fait voter ne sera pas celui qu'il entend mettre en oeuvre, alors il fait clairement preuve d'insincérité. Car ce sont autant d'affichages politiciens et de promesses de crédits qui ne seront délibérément pas tenues. Mais dans quelle mesure, selon quelles modalités, à quelle hauteur et au détriment de quelles actions ? C'est un mystère que vous gardez, monsieur le ministre du budget, bien secrètement jusqu'au mois de janvier. Aucun parlementaire, et encore moins les ministres, dits « dépensiers » ne le sait. Comment peut-on présenter, défendre et voter un budget sur lequel pèse, de façon certaine, autant d'aléas ?
    Une telle démarche de la part du Gouvernement est donc insincère, voir carrément hypocrite, et s'inscrit pleinement dans « l'intention délibérée de fausser les grandes lignes de l'équilibre » que le Conseil constitutionnel ne devrait pas manquer de relever et de sanctionner. Le motif de cette démarche est évident : masquer, surtout avant des échéances électorales, l'ampleur des sacrifices - monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous parlez de mesures « douloureuses » qui devront vraisemblablement être prises durant l'année 2004 - que vous imposerez aux Français, mais juste après les élections de juin 2004.
    Cette insincérité est également démontrée par la contradiction entre les conséquences économiques des annulations et le discours que dit tenir le Gouvernement à Bruxelles, dont la teneur serait à l'en croire : « Nous ne prendrons aucune mesure susceptible de casser la croissance, ne comptez pas sur nous pour imposer la rigueur ! » Passons sur le fait que le Gouvernement n'a eu besoin de personne pour casser la croissance, il y arrive malheureusement tout seul ! Regardons la nature des crédits annulés. Sur les 2,55 milliards d'euros d'annulations nettes, plus de la moitié sont des dépenses d'investissement ! Ces annulations portent souvent sur des crédits inscrits aux contrats de plan Etat-région, ce qui signifie que quand le Gouvernement annule un euro, il bloque environ un autre euro d'investissement des collectivités locales ! Les effets récessifs de ces annulations sont donc très forts, n'en déplaise au Gouvernement. Si la rigueur a un sens, bien que M. Chirac et M. Raffarin s'en défendent, c'est bien à travers ce plan de régulation budgétaire sans précédent, qui est la conséquence de la mise de nos finances publiques sous tutelle de l'Union européenne.
    A ce propos, monsieur le président de la commission des finances, je vous renouvelle la demande du groupe socialiste d'avoir au moins une mission d'information sur les conditions d'exécution des contrats de plan. Tous les jours, des exemples retombent de tous les départements et de toutes les régions qui montrent que l'Etat ne respecte plus sa parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. Nous avons entendu ce matin le rapporteur spécial pour l'aménagement du territoire oser nous dire que les autorisations de programme et les crédits de paiements pour les contrats de plan allaient augmenter en 2004 ! De qui se moque-t-on ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.) Pourquoi refusez-vous cette mission d'information ? Pourquoi refusez-vous une commission d'enquête sur le respect de ces engagements ? Nous pourrions constater que, alors même que les taux d'intérêt sont au plus bas, il est paradoxal de voir l'Etat arrêter ses propres investissements et contraindre les collectivités locales à bloquer les leurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)
    Le Gouvernement a mis en oeuvre et accentue une politique fiscale et budgétaire injuste et inefficace, qui ne respecte pas les principes constitutionnels. Le « paquet fiscal » du projet de loi de finances jouit - nous vous en donnons volontiers acte, messieurs les ministres - d'une grande cohérence idéologique.
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument !
    M. Didier Migaud. Il faut être riche et bien portant pour bénéficier de la bienveillance du Gouvernement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Et appartenir à une famille riche parce que c'est plus intéressant pour la transmission.
    M. Didier Migaud. En ce sens, on peut affirmer que le principe d'égalité devant l'impôt est clairement bafoué par l'ensemble de vos mesures, car les allégements ne sont pas « également répartis entre tous les citoyens en raison de leurs facultés », comme le recommande pourtant l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. Au contraire, ce « paquet fiscal » ciblé sur les plus hauts revenus est constitué de dispositions qui représentent, prises dans leur ensemble, et la plupart en tant que telles, un effet d'aubaine sans rapport avec le but que vous lui assignez, à savoir la récompense du travail de celui qui crée de la richesse. Le salarié non imposable ne bénéficie pas de vos largesses, tandis que le riche retraité qui déclare des plus-values immobilières et est imposé sur ce patrimoine au titre de l'ISF sera pleinement bénéficiaire de vos mesures.
    Plusieurs députés du groupe Socialiste. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Sans même parler d'équité, où est le lien avec le souci légitime, que vous pouvez avoir, de récompenser le travail ? Pourquoi seul le travail fortement rémunéré mérite-t-il d'être récompensé ? Le travail d'un intérimaire à mi-temps vaut-il moins à vos yeux ?
    M. Jean-Pierre Brard. C'est idéologique !
    M. Didier Migaud. Le cumul d'allégements consentis sans considération de l'origine des revenus, ciblé sur moins de 100 000 foyers parmi les plus aisés, au surplus souvent réservés aux seuls contribuables imposables au titre de l'IRPP, alors que des non imposables remplissent les mêmes conditions, constitue clairement une entorse au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
    La mesure qui illustre le mieux le caractère injuste de votre politique fiscale est le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile. (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Louis Idiart. Scandaleux !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est fait pour ceux qui ont des domestiques !
    M. Didier Migaud. En outre, sa justification fallacieuse au nom de l'emploi est infondée. Le récent rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire, remis au Président de la République - mais le chef de l'Etat lit-il les rapports du Conseil des impôts ? - démontre que cette mesure est délibérément ciblée sur les 70 000 foyers les plus imposés, alors que 900 000 foyers auraient pu y prétendre. Cette ségrégation, il n'y a pas d'autre mot, n'est justifiée par aucune autre différence que le niveau du revenu.
    M. Alain Néri. C'est de la discrimination sociale !
    M. Didier Migaud. En effet, alors qu'en France 2,2 millions de foyers ont déclaré, en 2001, des dépenses liées à l'embauche d'un salarié à domicile, seul 1,3 million de foyers ont bénéficié de cette mesure, les 900 000 autres étant non imposables au titre de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement justifie le relèvement du montant de la réduction d'impôt à 5 000 euros par son souci de « favoriser l'emploi dans le secteur des services aux personnes et de mieux prendre en compte les frais exposés par les familles ». Pourquoi, alors, maintenir à l'écart 900 000 foyers qui engagent eux aussi des dépenses à ce titre, au seul motif que leurs revenus sont insuffisants pour être soumis à l'impôt sur le revenu ? Il aurait été pourtant aussi simple, bien plus juste et bien plus efficace, de transformer cette réduction d'impôt, réservée aux seuls imposables et ciblées vers les plus aisés, en un crédit d'impôt dont chacun peut bénéficier qu'il soit ou non imposable.
    M. Charles de Courson. Et pourquoi ne l'avez-vous pas fait lorsque vous étiez au pouvoir ?
    M. Didier Migaud. En maintenant cette restriction sans aucun fondement objectif autre que le niveau du revenu, le Gouvernement et sa majorité se privent d'un levier utile pour la création d'emplois et contre le blanchiment des rémunérations. Il prive 900 000 foyers d'une incitation fiscale, laquelle a pour effet précisément autant d'inciter à la création d'un emploi qu'au blanchiment de la rémunération. En écartant délibérément cette transformation de la réduction d'impôt en un crédit d'impôt, je dis bien délibérément car personne n'ignore plus la teneur du récent rapport du conseil des impôts, le Gouvernement et sa majorité privent également cette mesure de sa constitutionnalité.
    Certes, le rapport du Conseil des impôts évoque une réforme à coût constant, qui oblige à diminuer l'actuel plafond. Mais, d'une part, rien n'interdit, si l'on considère que c'est une mesure efficace pour l'emploi, d'y consacrer un peu d'argent ; d'autre part, même à coût constant, la transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt n'aurait affecté que quelques foyers, les plus aisés, dont la cotisation est fortement diminuée en raison de la baisse du barème de l'impôt sur le revenu ou de l'augmentation des niches fiscales, grâce à ce que vous avez prévu pour l'outre-mer, le logement ou le mécénat.
    Il faut dire un mot de la place, importante dans le discours mais congrue en réalité, faite à la prime pour l'emploi dans ce paquet fiscal.
    M. Alain Néri. Là, ça va faire mal !
    M. Didier Migaud. Le Gouvernement et sa majorité n'ont plus que ce mot à la bouche ! Dire que nous avions eu tant de mal à mettre en place ce système ! La droite, alors dans l'opposition, avait obtenu l'annulation d'un premier dispositif par le Conseil constitutionnel, puis avait dit pis que pendre de la prime pour l'emploi, la désignant même sous les termes de « prime pour les élections ». C'était injurieux à l'époque, mais prémonitoire de la façon dont vous utilisez vous-même ce dispositif.
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Le Gouvernement s'est gargarisé d'avoir augmenté la PPE de 500 millions d'euros. J'ai encore en mémoire l'intervention du Premier ministre expliquant, sur TF1, je crois, que ce qu'il prévoyait au titre de la prime pour l'emploi, qui était la contrepartie de la réduction de l'impôt sur le revenu, pouvait représenter plus de 100 euros en moyenne pour les bénéficiaires. En réalité, quand on regarde les choses de près, l'augmentation de la prime pour l'emploi représente, selon les chiffres du rapporteur général d'ailleurs, un effort net de seulement 80 millions d'euros, à répartir entre plus de 8 millions de bénéficiaires, soit la modeste somme de 10 euros par an. Nous sommes loin des 100 euros annoncés de manière tout à fait scandaleuse et mensongère par le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Jean-Marc Ayrault. C'est un mystificateur !
    M. Didier Migaud. Le reste de l'effort budgétaire représente soit le coût de l'indexation du barème et des seuils sur l'inflation et le SMIC, soit le coût en trésorerie pour l'Etat de l'acompte, qui n'est rien d'autre qu'un à-valoir à déduire de la PPE. C'est donc une malhonnêteté intellectuelle de laisser croire que la PPE augmentera d'un montant équivalent à 500 millions d'euros. On n'a jamais vu que l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu était comptée en baisse d'impôt car ce n'est qu'une mesure acquise. D'ailleurs, la non-indexation éventuelle de ce barème est considérée par le Gouvernement comme une hausse d'impôt. Indexer un barème sur l'inflation, c'est réaliser une « non-hausse » d'impôt ou une « non-baisse » dans le cas de la prime pour l'emploi. L'indexation des seuils de la prime pour l'emploi ne constitue donc rien d'autre qu'une mesure acquise, destinée à maintenir la cohérence et le pouvoir d'achat de la PPE d'une année sur l'autre. C'est si vrai que, l'an dernier, le Gouvernement a pris strictement la même mesure - indexation sur l'inflation des seuils et limites de la PPE - pour un coût annoncé de 100 millions d'euros, et n'a absolument par présenté cette mesure comme une augmentation de la PPE.
    L'augmentation réelle de la prime pour l'emploi ne coûte donc que 80 millions d'euros - chiffre à rapporter, bien sûr, au coût de la réduction de l'impôt sur le revenu - et va porter les taux de la PPE à 4,6 % et 11,5 %. Pour mémoire, si le plan que nous avions adopté n'avait pas été interrompu, les taux auraient été, dès 2003, de 6,6 % et de 16,5 %. On en sera loin en 2004 !
    Ces 80 millions d'euros d'augmentation réelle représentent moins de 10 % de la somme qui sera par ailleurs ponctionnée sur les ménages, par la hausse de 3 centimes des taxes sur le gazole.
    Dans les vingt-trois mesures fiscales de ce projet, il n'y a aucune mesure favorable, sauf une aumône au titre de la prime pour l'emploi, en direction de la très grande majorité des Français. A l'inverse, ceux-ci vont voir leur pouvoir d'achat fortement amputé, non seulement par la résurgence de l'inflation, mais également par les multiples augmentations de taxes - TIPP, droits sur les tabacs -, de tarifs publics, du forfait hospitalier, et des impôts locaux.
    Plusieurs députés du groupe Socialiste. Tout à fait !
    M. Didier Migaud. Concernant les impôts locaux, on ne peut que partager « l'angoisse » - le mot est de lui - du président de l'Assemblé nationale, Jean-Louis Debré,...
    M. Marc Laffineur. Vous en savez quelque chose ! Avec toutes les hausses d'impôts locaux que vous avez autorisées !
    M. Jean-Pierre Brard. Jean-Louis Debré se bonifie chaque jour ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. ... devant le transfert de charges organisé par le Gourvernement sans contrepartie suffisante pour les collectivités territoriales. Cette « évolution préoccupante » -, je le cite toujours -, conduira nécessairement à une augmentation des impôts locaux, qui sont pourtant parmi les plus injustes. Là encore, le principe de l'égalité des contribuables devant l'impôt est malmené par la décision du Gouvernement de faire baisser au profit de quelques-uns les impôts progressifs que sont l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, au détriment du plus grand nombre et à travers l'augmentation obligée et simultanée des impôts locaux et des impôts indirects forfaitaires.
    M. Jean-Louis Idiart. Exact !
    M. Didier Migaud. Vous expliquez, monsieur le ministre du budget, à la radio ou à la télévision...
    M. Jean-Pierre Brard. Ou dans le Parisien ! Ou dans Ouest-France !
    M. Didier Migaud. ... qu'il n'est pas honnête ou convenable de faire un lien entre le budget de l'Etat et l'augmentation des impôts locaux. Je voudrais prendre deux exemples.
    Vous allez transférer le RMI aux départements en 2004. La dépense sera donc désormais assurée par les conseils généraux. L'Etat compensera sur la base des dépenses de 2003, sauf qu'en 2004 vous allez augmenter le nombre de « bénéficiaires »,...
    M. Didier Migaud. ... de RMIstes !
    M. Alain Néri. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Puisque vous allez durcir les conditions d'obtention de l'allocation spécifique de solidarité et verser dans le cadre du RMI de 150 000 à 200 000 personnes supplémentaires. Qui va payer, sinon les conseils généraux ? Et comment vont-ils faire ?
    Second exemple qui montre le lien direct entre un certain nombre de mesures que vous prenez et l'augmentation de la fiscalité locale : vous avez supprimé, pour le ministère de l'équipement et des transports, la ligne concernant les transports en commun en site propre.
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !
    M. Jean-Jack Queyranne. C'est scandaleux !
    M. Didier Migaud. D'ailleurs, le maire de Bordeaux a émis une protestation. Je lui suggère d'écrire au président de l'UMP. Si l'UMP compte dans cette assemblée, il devrait pouvoir être entendu.
    M. Edouard Landrain. Quel humour !
    M. Didier Migaud. Mais, parallèlement, vous allez autoriser les collectivités locales à augmenter le versement transport payé par les entreprises pour financer les transports en commun. Là aussi, il y a un lieu direct entre une décision prise dans le cadre du budget et l'augmentation de la fiscalité locale.
    Donc, lorsque nous disons que vous êtes responsables en très grande partie de l'augmentation de la fiscalité locale,...
    M. Nicolas Perruchot. Et l'APA ?
    M. Didier Migaud. ... je crois que nous avons raison, et nous ne faisons que dire la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et apparentés.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous avez la mémoire courte !
    M. Didier Migaud. Au total, les prélèvements obligatoires ne vont donc pas baisser, mais augmenter.
    M. Nicolas Perruchot. Et les 35 heures ?
    M. Alain Néri. Supprimez-les ! Allez-y !
    M. Didier Migaud. Je vais y revenir.
    Cela ressort d'ailleurs de tous les documents du Gouvernement si on les lit attentivement, mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus longement lors du débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires, que nous souhaitons provoquer à l'occasion de l'examen de l'article 1er de ce projet.
    Je regrette, au nom du groupe Socialiste, que vous n'ayez pas accepté un débat sur les prélèvements obligatoires à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de finances. Est-ce parce que le débat sur les impôts vous fait peur ? Nous espérons, pour notre part, provoquer un tel débat à l'occasion de l'examen de l'article 1er.
    Dans ce « paquet fiscal » figure également un monument d'insincérité. Je veux parler, vous l'aurez compris, de la mesure relative à la TVA sur la restauration.
    M. Jean-Jack Queyranne. Oui, une véritable escroquerie !
    M. Didier Migaud. C'est en deuxième partie, me direz-vous ? Mais justement, pourquoi ? Si le Gouvernement entend mettre en oeuvre cette mesure en 2004, elle doit figurer en première partie et son coût doit venir en aggravation du déficit budgétaire puisqu'il s'agira obligatoirement d'une réduction des recettes de TVA.
    C'est ce que nous avons proposé en commission, mais vous avez refusé, ce qui signe l'insincérité du Gouvernement et de sa majorité sur cette question, pourtant d'intérêt national selon les termes même de M. Raffarin.
    L'inefficacité des mesures le dispute à l'injustice. Le dogme vous sert de politique économique.
    Il est difficile de dire si les mesures fiscales du Gouvernement sont plus injustes ou bien plus inefficaces. J'ai tendance à considérer qu'elles sont inefficaces parce qu'injustes. En d'autres termes, c'est parce que la politique fiscale s'est opérée au détriment du plus grand nombre que la consommation intérieure s'est effondrée.
    M. Laffineur nous expliquait en commission que la baisse de l'impôt sur le revenu, qui préempte en termes budgétaires la quasi-totalité des marges de manoeuvre, était une « excellente mesure en termes de soutien à la consommation »...
    M. Marc Laffineur. Exact !
    M. Didier Migaud. ... même s'il reconnaissait que « son évaluation était rendue complexe par le tassement de la demande en raison de la conjoncture internationale ».
    M. Goulard, qui appartient à la même formation politique, affirmait de son côté : « Il est indéniable que cette politique d'allégement ne s'inscrit ni pleinement ni exclusivement dans une démarche keynésienne. La baisse de l'impôt sur le revenu est avant tout une mesure d'offre. » Mes chers collègues, si vous cherchez les courants au sein de l'UMP, venez en commission des finances ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Marc Laffineur. Les courants au sein du PS, on connaît aussi ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Edouard Landrain. On a des exemples a contrario !
    M. Didier Migaud. En réalité, c'est M. Goulard qui a raison ! C'est précisément parce que cette baisse, ciblée sur 100 000 foyers aisés, n'a pas soutenu la consommation - et M. le ministre de l'économie et des finances l'a honnêtement reconnu - mais l'épargne et qu'à l'inverse de multiples décisions ont contribué à amputer le pouvoir d'achat que la demande intérieure s'est effondrée et que le taux d'épargne a atteint des sommets historiques.
    Pour relancer l'activité, il aurait fallu soutenir le seul moteur encore en marche, celui de la consommation des ménages, mais le Gouvernement l'a au contraire éteint !
    Cette erreur de diagnostic tient sans doute au fait que le Gouvernement n'a pour outils de décisions que des dogmes et une promesse électorale, qu'il met en oeuvre coûte que coûte, même si cela se révèle néfaste pour notre pays.
    Cette même absence de diagnostic et cette même omniprésence du dogme se sont ressenties dans le discours du Gouvernement sur les 35 heures. Je n'aurai pas la cruauté de revenir sur les hésitations des membres du Gouvernement sur le chiffrage du fameux « coût des 35 heures », mais il est tout de même intéressant de s'y attarder. M. Lambert nous a parlé de 15 milliards, mais, quelques heures après, M. Francis Mer parlait, lui, de 10 milliards. Chaque étage de Bercy a son propre chiffrage. M. Gilles Carrez a, lui, avancé le chiffre de 8 milliards, puis de 11 milliards.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je maintiens 11 milliards !
    M. Didier Migaud. De son côté, Patrick Devedjian, jamais en reste, a avancé le chiffre de 35 milliards ! Qui dit mieux ?
    M. Alain Néri. Qui devons-nous croire ?
    M. Didier Migaud. Il est vrai que ce dernier chiffre est intéressant à retenir : 35 heures, 35 milliards ! Cela a le mérite de la simplicité, voire de la caricature.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. De toute façon, c'est beaucoup !
    M. Didier Migaud. Le mot de la fin revient à Nicole Fontaine. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Socialiste)
    M. Alain Néri. Enfin une voix autorisée !
    M. Didier Migaud. Qui a raison, lui a-t-on demandé, et quel est votre propre chiffrage ? Je ne peux pas donner un chiffre, a-t-elle répondu, mais tous ceux que vous citez sont exacts ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.) CQFD !
    M. Alain Néri. Formidable !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une femme de consensus !
    M. Didier Migaud. Au-delà de cette polémique qui a fait long feu, ce qui compte, c'est de comprendre l'erreur fondamentale de votre politique qui est à l'origine de ces dérapages : le Gouvernement, qui prétend revaloriser le travail, est persuadé que la réduction du temps de travail est une erreur. Il faut dire que vous avez toujours été hostiles à la réduction du temps de travail, quelle que soit la durée de ce temps de travail !
    M. Yves Censi. Ce n'est pas vrai, nous étions contre les lois Aubry !
    M. Didier Migaud. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est empressé de relever le contingent annuel d'heures supplémentaires autorisées. Mais si l'on regarde de plus près les statistiques fournies par la Banque de France dans son rapport annuel au Président de la République - mais l'a-t-il lu ? -, on constate que le taux d'utilisation des équipements est en ce moment excessivement bas. C'était donc totalement superflu. Le problème des entreprises en ce moment, ce n'est pas de produire plus, mais de vendre, et le problème des Français qui sont au chômage, ce n'est pas de travailler plus, mais de travailler, tout simplement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Edouard Landrain. Dites-le aux artisans !
    M. Didier Migaud. A l'injustice des mesures fiscales le Gouvernement ajoute le non-respect des principes constitutionnels qu'il a pourtant lui-même inscrits, il est vrai de façon brouillonne et maladroite, dans la Constitution.
    Le Gouvernement, qui a souhaité inscrire dans la Constitution un principe d'autonomie fiscale aux contours pour le moins flous, ne respecte pas ce principe. Que dit désormais la Constitution à l'article 72-2 alinéa 3 ? Que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». Cette imprécision laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Elle n'a malheureusement pas été clarifiée durant le débat parlementaire. Voici ce que répondait le Gouvernement aux questions des députés socialistes, par la voix du ministre délégué aux libertés locales : « Pour répondre à votre question, "déterminant, cela veut dire "qui donne un sens. En l'occurrence, il s'agit d'assurer l'autonomie financière des collectivités locales. Il faut que la part des ressources propres soit d'un montant tel qu'elle détermine la liberté des collectivités. » D'un montant tel : nous voilà bien avancés !
    M. Jean-Pierre Brard. Cela ne m'étonne pas de M. Devedjian !
    M. Didier Migaud. Les professeurs François et Yves Luchaire ont tenté, non sans humour, dans leur commentaire de cette disposition, de préciser cette notion.
    Ils sont parvenus à la conclusion que, par rapport à l'esprit du législateur et au terme préalablement envisagé, à savoir « prédominante », qui était plus clair et que nous avions souhaité, le terme retenu signifie que les ressources propres peuvent ne pas être les plus importantes, mais qu'elles ne doivent pas non plus être trop faibles ! Je ne suis pas sûr que nous progressions dans la compréhension.
    La conséquence de l'imprécision du législateur, c'est qu'il appartiendra finalement au Conseil constitutionnel de fixer le niveau en deçà duquel la part des ressources propres n'est plus suffisante pour respecter le principe de l'autonomie fiscale. Mais celui-ci ne donnera vraisemblablement jamais d'indication chiffrée. Tout juste se contentera-t-il d'estimer, au fur et à mesure des saisines, si le niveau d'autonomie atteint du fait des mesures qui lui sont soumises est de nature à contrevenir au principe constitutionnel. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit, avant l'entrée en vigueur de ce nouveau principe, à l'occasion de l'examen de la saisine relative à la suppression de la vignette, impôt local, et à la compensation pour les départements par une dotation. Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que les dispositions critiquées, si elles réduisent encore la part des recettes fiscales des collectivités territoriales dans l'ensemble de leurs ressources, ne le faisaient pas au point d'entraver leur libre administration. La même réponse fut apportée dans le cas de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
    La seule certitude que l'on peut tenir de ces deux décisions est que le niveau actuel d'autonomie, pour chaque type de collectivités locales, est conforme à la Constitution. Sinon, le Conseil n'aurait pas manqué de signaler que la révision avait pour effet de rendre inconstitutionnelle la situation actuelle, et aurait demandé au législateur de corriger sans tarder cette situation. Il ne l'a pas fait.
    Peut-on réduire ce niveau ? La réponse n'est pas évidente, tant l'intention du législateur à ce sujet n'a jamais été formulée de façon claire et explicite.
    La Constitution, faute d'une rédaction appropriée, ne permet donc pas de répondre à cette question. Le Conseil constitutionnel va devoir tenter de le faire, en ayant à répondre d'abord à la question de savoir s'il est possible de diminuer le taux d'autonomie des départements, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2004, voire de le ramener, par exemple, au niveau de celui des régions.
    Tout dépend de la façon dont le Conseil constitutionnel entend appliquer le nouveau principe. Soit le niveau d'autonomie s'apprécie par rapport à un montant en valeur absolue des ressources propres, éventuellement revalorisé annuellement, soit il s'apprécie par rapport à un montant en valeur absolue des dotations, lui aussi pouvant être revalorisé, soit enfin il s'apprécie en fonction d'un ratio de ressources propres sur ressources totales.
    Les deux premières hypothèses entraîneraient des difficultés pratiques importantes : modalités de revalorisation annuelle, impossibilité de créer une dotation supplémentaire, et bien entendu, de supprimer un impôt local sans en créer un autre d'un rendement équivalent. Il est donc plus qu'évident que le Conseil constitutionnel apprécie le niveau d'autonomie fiscale en fonction d'un ratio de ressources propres sur ressources totales.
    Ce niveau est-il identique pour toutes les collectivités, et, si oui, quel est-il ? Ou bien ce niveau est-il différent selon la collectivité ? Et sur quels fondements juridiques ?
    A priori, ce qui est constitutionnel pour un type de collectivité l'est pour un autre ! Sinon, il faudrait alors comprendre que les taux d'autonomie respectifs de chaque type de collectivité constituent autant de planchers constitutionnels. Cela serait curieux, car comment justifier que la part déterminante soit plus ou moins forte selon les collectivités ? En revanche, et comme il est probable que le Conseil constitutionnel l'entendra, si chaque collectivité dispose de son propre niveau d'autonomie, la portée du principe d'autonomie fiscale en sort in fine considérablement atténuée. Le taux d'autonomie fiscale minimum en deçà duquel les ressources propres ne constituent plus la part « déterminante » deviendrait en effet de facto le taux actuel des régions, soit 37,3 %, ce qui est très inférieur à celui des départements ou des communes, et permettrait donc de réduire très sensiblement leur niveau d'autonomie fiscale, au mépris peut-être de l'intention du législateur, mais dans le respect formel de la Constitution.
    Pour avancer, il faut se poser une question simple : soit le nouveau principe constitutionnel n'ajoute rien à celui de la libre administration et il demeure possible de diminuer encore la part relative des recettes propres des collectivités locales dans leurs ressources totales, soit le nouveau principe constitutionnel constitue une évolution par rapport à la situation actuelle, comme c'est l'ambition du Gouvernement. Dans ce cas, il faut considérer que l'affirmation de ce nouveau principe revient à figer une fois pour toutes le niveau actuel des ressources propres et d'en faire un plancher, que l'on ne peut donc plus franchir à la baisse. Dès lors, toute diminution de la part relative des ressources propres serait inconstitutionnelle.
    Or que nous propose le Gouvernement, avec le transfert de 4,9 milliards d'euros de recettes de TIPP aux départements ? Assurément pas de transférer du pouvoir fiscal, car la TIPP restera un impôt national, et les départements n'auront pas, n'auront jamais, ils doivent en être bien conscients, la possibilité d'en fixer le taux puisque la répartition sera assurée par un simple arrêté ministériel en fonction de statistiques de consommation.
    M. Jean Le Garrec. Ça, c'est très important !
    M. Didier Migaud. Je vois que vous suivez bien, monsieur le président Le Garrec ! (Sourires.)
    Les départements n'auront donc aucune prise sur cette ressource, ni sur les taux ni sur la base. Il ne s'agit donc en aucune manière de doter les départements d'une nouvelle ressource propre, mais purement et simplement d'instaurer à leur profit un nouveau prélèvement sur recettes, exactement comme la dotation globale de fonctionnement. C'est donc bien à une réduction du ratio ressources propres sur ressources totales des départements, et donc à une réduction de leur autonomie fiscale, que conduit le projet du Gouvernement !
    Pour éviter de dégrader ce ratio d'autonomie fiscale, il demeure évidemment possible de transférer un impôt national et d'en faire un impôt local, mais à condition, là aussi, de respecter le taux d'autonomie actuel, qui constitue un plancher.
    Pour les départements, on l'a vu, le taux d'autonomie fiscale est de 51,3 %.
    Selon cette logique mathématique, et dans le cas des départements et du transfert de la charge du RMI, il faudrait donc transférer sous forme de ressource propre une somme quasi équivalente à celle effectivement consacrée au RMI - 4,9 milliards - pour respecter le nouveau principe constitutionnel ! Ainsi, si 100 euros de dépenses sont couverts par 51,3 euros de ressources propres, lorsque l'on rajoute 5 euros de dotations, il faut mécaniquement augmenter de 5,13 euros les ressources propres pour retrouver le ratio de 51,3 % - les ressources totales étant alors d'un montant de 110,13 euros, et les ressources propres de 56,5 euros.
    Or le Gouvernement ne respecte même pas cette logique ! Il se contente en effet de transférer, au surplus sous forme d'une dotation, une somme strictement équivalente à la charge dont il se désengage. Il ne peut se prévaloir par ailleurs des transferts de fiscalité qu'il envisage d'effectuer ultérieurement, dans la mesure où ces transferts de fiscalité sont prévus pour compenser un transfert de charge équivalent.
    Certes, la doctrine constitutionnelle nous rappelle que le Conseil constitutionnel pourrait émettre des réserves d'interprétation directives, et imposer au Gouvernement de se mettre sans délai en conformité avec la Constitution. Il l'a d'ailleurs fait dans une décision portant sur la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen. Il a ainsi exigé du législateur qu'il procède à l'alignement de l'élection de l'Assemblée de Corse sur celle des conseils régionaux en matière de parité entre candidatures féminines et masculines.
    Mais, en l'espèce, cette hypothèse n'est pas sérieuse.
    Des réserves directives peuvent en effet se concevoir dans la mesure où une disposition inconstitutionnelle, bien qu'entrée en vigueur, ne trouve pas à s'appliquer avant d'avoir été corrigée ou complétée par une autre loi. Ces réserves ont alors pour objectif de contraindre le législateur à prendre les dispositions nécessaires pour éviter que le caractère potentiellement inconstitutionnel ne puisse s'appliquer.
    Mais ce n'est pas du tout la même chose dans la situation qui nous préoccupe, puisque la disposition relative au transfert du produit de la TIPP aux départements risque d'entrer en vigueur le 1er janvier 2004 et donc de produire tous ses effets sur les collectivités locales, tandis que la correction de l'inconstitutionnalité du dispositif n'entrerait, elle, en vigueur, au mieux, qu'au 1er janvier 2005, comme le prévoit le Gouvernement. Ainsi, l'autonomie fiscale des collectivités locales sera effectivement réduite durant un exercice budgétaire avant d'être rétablie, ce qui les contraindra sans doute à des augmentations d'impôt ou à des décisions irrévocables, si tout se passe comme le prévoit le Gouvernement. La souplesse de notre droit constitutionnel permet donc qu'une disposition inconstitutionnelle ne soit pas annulée, pourvu qu'elle ne puisse produire ses effets et que le législateur y remédie avant. Mais accepter qu'une disposition inconstitutionnelle puisse, avant même d'être corrigée par le législateur, entraîner des conséquences irrémédiables comme l'augmentation de la fiscalité locale ou le renoncement à certaines actions ne manquerait pas d'affaiblir profondément le contrôle de la constitutionnalité.
    Il faut signaler enfin que la logique que je viens de décrire impose à un gouvernement de majorer - par le biais d'un transfert de fiscalité ou de la création d'un impôt local - les ressources fiscales propres des collectivités locales, lorsqu'il souhaite leur attribuer une dotation supplémentaire ! Toute nouvelle politique d'aménagement du territoire passant pas une dotation impliquerait, au surplus, la majoration des ressources fiscales propres. Comme mécanisme générateur d'augmentations d'impôts, on ne fait pas mieux !
    Vous avez voulu présenter la modification de la Constitution comme une garantie pour les collectivités locales : en fait, c'est une véritable usine à gaz, qui devrait pouvoir se retourner contre vous à partir du moment où les transferts que vous prévoyez ne garantissent pas cette autonomie fiscale que vous avez inscrite dans la Constitution.
    J'en viens maintenant aux hypothèses macroéconomiques et de réduction du déficit public - ce sera mon dernier point.
    M. Jean-Pierre Brard. Déjà ? C'est pourtant intéressant, n'est-ce pas, monsieur le ministre ?
    M. Didier Migaud. Elles ne sont ni sincères ni cohérentes entre elles.
    On assite en effet à un « bouclage » macroéconomique incohérent et complètement sujet à caution.
    Je ne résiste pas à la tentation de rappeler à la représentation nationale le contenu du programme des finances publiques pour 2004-2006, que vous aviez élaboré, messieurs les ministres, il y a moins d'un an. Que nous promettait ce programme ? Un déficit public revenu à 1 % du PIB en 2006. Aujourd'hui, le Gouvernement tente vainement de convaincre l'Union européenne qu'il pourra, avec ce projet de budget, revenir sous les 3 % en 2005 !
    Même s'il nous appartient d'analyser, de commenter et de réagir aux prévisions du Gouvernement en ce qui concerne les grandes lignes de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2004, il faut le faire en ayant présent à l'esprit que toutes ces prévisions sont purement spéculatives !
    D'ailleurs, vous avez eu l'honnêteté, monsieur le ministre de l'économie et des finances, de nous expliquer en commission des finances que vous vous étiez trompé en 2003 - dont acte - et que vous trouveriez beaucoup plus confortable que le projet de loi de finances ne fasse référence à aucune hypothèse de croissance. On comprend que vous ayez tenu ces propos, compte tenu de l'erreur que vous avez pu commettre à l'occasion de l'élaboration du projet de loi de finances 2003.
    Pourtant, il faut reconnaître cette année que le Gouvernement a partiellement tenu compte de nos critiques - ce qui prouve qu'elles étaient fondées - sur l'insincérité des prévisions de croissance et des recettes fiscales en 2003. La prévision de croissance de 1,7 % paraît plus raisonnable, mais je la considère comme encore trop optimiste, puisqu'elle est construite sur la base, désormais surévaluée, d'une croissance de 0,5 % en 2003 - malheureusement, nous risquons de ne pas atteindre ce niveau de croissance en 2003. Mais elle n'est pas, comme en 2003, totalement déconnectée, nous en convenons, des prévisions des conjoncturistes, du moins des prévisions établies cet été.
    M. Jean Le Garrec. Oui, il faut le reconnaître. Soyons honnêtes.
    M. Didier Migaud. Par contre, la prévision de dépenses, je l'ai dit, est manifestement insincère puisque des crédits vont être annulés dès le début de l'année 2004.
    Mais un autre motif d'insincérité est sans doute à trouver du côté des prévisions de déficit budgétaire et public. C'est d'ailleurs parce que la Commission européenne ne trouve pas crédibles ces prévisions qu'elle exige du Gouvernement qu'il accentue la rigueur dès la présentation du projet de loi de finances, ce que le Gouvernement refuse de faire - tout au moins pour le moment - pour des motifs électoraux.
    Il n'est en effet pas crédible, messieurs les ministres, de prétendre ramener le déficit public à 3,6 % du PIB avec une croissance de 1,7 %, en affichant les dépenses budgétaires que vous affichez et sans réelle mesure destinée à réduire le déficit de la sécurité sociale. C'est ce que tous les conjoncturistes remarquent en faisant tourner leurs modèles : avec de telles hypothèses, ils n'arrivent pas à un niveau de déficit public de 3,6 %. Pour y arriver, ils ont besoin d'intégrer des « efforts » supplémentaires - des « mesures douloureuses », comme vous les appelez, monsieur le ministre -, dont la première conséquence sera vraisemblablement de réduire le niveau de la croissance !
    On voit que le Gouvernement s'est mis, de lui-même, dans une impassse cornélienne... Pour tenter d'en sortir, il cherche à détourner l'attention en faisant diversion avec des notions peu convaincantes - nous avons entendu le raisonnement bien laborieux du rapporteur général -, comme celle de déficit « structurel ».
    L'évolution du solde « structurel », je vais y revenir, puisque vous vous y êtes appesanti, monsieur le rapporteur général.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oh, moins longtemps que vous, probablement !
    M. Didier Migaud. Je n'ai pas commencé !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est bien ce qui m'inquiète !
    M. Didier Migaud. L'évolution du solde structurel des finances publiques mise en avant par le Gouvernement nous apparaît peu cohérente. Elle contredit, en tout cas, l'affirmation de la baisse des impôts. Le Gouvernement, dans ses discussions informelles avec la Commission européenne et dans la présentation du projet de loi de finances pour 2004, se targue d'une forte amélioration du solde structurel qui serait, selon lui, le gage d'une amélioration réelle de la situation des finances publiques. A contrario, il critique la gestion, selon lui laxiste, du précédent gouvernement, qui aurait fortement dégradé le solde structurel. Cette notion de solde structurel n'a pas beaucoup de sens, sur un plan économique. On constate ainsi que la baisse des prélèvements obligatoires pèse négativement sur ce solde structurel, ce qui revient à dire qu'il faut augmenter les impôts pour l'améliorer, au risque de dégrader le solde conjoncturel ! C'est le serpent qui se mord la queue ! Si l'on veut faire preuve d'orthodoxie budgétaire, comme c'est l'ambition du Gouvernement, il n'y a qu'un seul indicateur pertinent, celui du solde stabilisant de la dette publique. Il faut, en effet, veiller à ce que le déficit public effectif - conjoncturel ou structurel - soit à un niveau inférieur au niveau du solde stabilisant, c'est-à-dire de celui qui permet de ne pas augmenter le poids de la dette publique dans le PIB. C'est un peu compliqué, et je vous prie de m'en excuser, mais un graphique du Gouvernement illustre parfaitement ce que je viens de dire. Je vous renvoie à la page 74 du rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2004. On y constate que, à partir de 2000 et jusqu'en 2001, le déficit public effectif était inférieur au solde stabilisant. En conséquence, le poids de la dette publique a diminué jusqu'en 2001. Depuis, il explose, car nous connaissons à nouveau une situation où le déficit public effectif - conjoncturel et structurel - est supérieur au solde stabilisant.
    C'est regrettable, et cela traduit votre mauvaise gestion libérale. Mais le Gouvernement préfère occulter ces chiffres pour focaliser son attention, et celle de l'opinion, sur la notion de solde structurel.
    Il faut rappeler que la situation de nos finances publiques est préoccupante : le déficit public a pratiquement doublé en deux ans et la dette publique a explosé pour atteindre 61,4 % du PIB en 2003. Surtout, alors que le déficit structurel n'était que de 1,9 % en 2001, il va culminer à 2,8 % ou 2,9 % en 2003. Malgré votre discours, le solde structurel, monsieur le rapporteur général, s'est bien dégradé, à hauteur de 1 point de PIB, et il ne diminue pas !
    C'est d'ailleurs ce qui inquiète nos partenaires et la Commission européenne. Celle-ci exige qu'en 2004 soit réalisé l'effort de réduction du déficit structurel qui - je cite encore Pedro Solbes - « n'a pas été fait en 2003 ».
    En dépit du bon sens, le raisonnement du Gouvernement serait pourtant le suivant : si, entre 1997 et 2001 - et c'est un peu ce que nous ont dit Gilles Carrez et Alain Lambert tout à l'heure -, le déficit public a été réduit de moitié, c'est parce que les socialistes ont géré, paraît-il, de façon laxiste.
    M. Edouard Landrain. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Si, en revanche, le déficit public a doublé depuis, c'est grâce à une gestion rigoureuse ! Comprenne qui pourra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.) C'est un raisonnement de sophiste,...
    M. Pascal Terrasse. Ou de tartuffe !
    M. Didier Migaud. ... qui oublie, par ailleurs, que le solde structurel s'est amélioré, contrairement à ce que vous dites, de 0,6 point de PIB en 1999 grâce à la dynamique des recettes fiscales.
    De plus, si l'on regarde le détail de l'évolution du solde structurel, on constate que la détérioration constatée en 2000 et 2001 est due essentiellement aux baisses d'impôts, que d'ailleurs vous trouviez à l'époque insuffisantes ! La dépense publique, de son côté, a été maîtrisée : son impact a été négatif à hauteur de 0,3 point de PIB en 2000, mais positif à hauteur de 0,2 point de PIB en 2001. L'allégation d'une dérive de la dépense publique, monsieur le rapporteur général, durant les années de forte croissance est donc sans fondement et mensongère, ce que confirme l'évolution du poids de la dépense publique dans le PIB depuis 1997. Les dépenses publiques pesaient, en effet, 55 % du PIB en 1997, contre seulement 52,6 % en 2001. Depuis, elles augmentent, pour atteindre 54,3 % en 2004. Nous, nous arrivions à maîtriser la dépense publique tout en assurant un certain nombre de besoins collectifs à travers des politiques publiques dynamiques : vous, vous ne maîtrisez pas la dépense publique, mais vous remettez en cause toutes les politiques publiques,...
    M. Jean-Louis Dumont. Eh oui ! C'est grave !
    M. Didier Migaud. ... à commencer par celle de l'emploi, avec les conséquences désastreuses que cela peut avoir au niveau des statistiques du chômage.
    En 2002, la détérioration du solde structurel est due pour moitié aux baisses d'impôts, dont deux tiers décidées par le gouvernement Jospin, et pour l'autre moitié à la progression de la dépense. Cette progression s'explique exclusivement, compte tenu du fait que le solde structurel se calcule hors effets de la conjoncture et donc sans tenir compte du jeu des stabilisateurs économiques, par la décision du gouvernement de M. Raffarin de « laisser filer » la dépense publique en 2002, selon l'expression de la Cour des comptes.
    En 2003, on constate que la très légère amélioration supposée du solde structurel, pronostiquée par le Gouvernement, s'explique pour moitié par la hausse des prélèvements obligatoires. Quant à la supposée amélioration liée à l'effet positif de l'écart de progression de la dépense publique par rapport au PIB, la révision à la baisse de la croissance, qui serait désormais proche de zéro, donne à penser que cette contribution à l'amélioration du solde structurel sera en réalité nulle, voire négative, en raison de la forte progression des dépenses de santé et des dépenses militaires.
    Pour 2004, le Gouvernement table sur une amélioration très forte du solde structurel, grâce notamment, comme en 2003, à l'augmentation des prélèvements obligatoires - plus 0,1 % de PIB hors évolution spontanée - mais surtout grâce aux gains liés à « l'effet positif de l'écart de progression de la dépense publique par rapport au PIB ». Cette prévision est peu crédible dans la mesure où rien n'est fait pour freiner l'emballement des dépenses de santé, qui ont progressé de plus de 7 % en 2003 avec une croissance zéro, et devraient, selon les prévisions du Gouvernement, progresser de 4 % en 2004 avec une croissance du PIB de 1,7 %. Et nous vous donnons rendez-vous, d'ailleurs, messieurs les ministres : l'année prochaine, nous pourrons constater que, loin de diminuer, les prélèvements obligatoires augmenteront en 2003, et nous connaîtrons vraisemblablement le même phénomène en 2004, pour un certain nombre de raisons que j'ai pu expliquer au début de mon propos.
    L'analyse de la décomposition de l'évolution du solde structurel souligne donc la vacuité du discours du Gouvernement, lequel tente de mettre en avant de façon peu convaincante des évolutions qui ne sauraient masquer la dégradation sensible et durable de la situation de nos finances publiques.
    Si le Gouvernement veut améliorer, structurellement et durablement, nos finances publiques, qu'il commence par mettre fin aux destructions d'emplois, et qu'il fasse massivement diminuer le chômage.
    En conclusion, je souhaite, messieurs les ministres, vous poser quelques questions précises, et auxquelles nous souhaitons avoir des réponses au moment de la discussion budgétaire.
    Quels sont les engagements, monsieur le ministre de l'économie et des finances, que vous avez pris à Bruxelles pour réduire encore plus notre déficit, et pour faire en sorte que la Commission européenne accorde à notre pays un délai supplémentaire ? Nous souhaitons connaître...
    M. Jean-Marc Ayrault. La vérité !
    M. Didier Migaud. ... vos engagements - et la vérité -, alors même que nous discutons du projet de loi de finances. Il serait inadmissible qu'au cours de l'année 2004 nous ayons connaissance d'un pacte secret entre le Gouvernement français et l'Union européenne, qui se traduirait par les « mesures douloureuses » que vous avez évoquées, monsieur le ministre de l'économie et des finances, à plusieurs reprises pour l'année 2004, et comme par hasard après juin 2004.
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Sur quel budget, à ce moment-là, Etat ou sécurité sociale - c'est la deuxième question -, le Gouvernement fera-t-il porter ces efforts ? Là aussi, vous nous devez cette vérité.
    Monsieur le ministre délégué au budget, quel est le montant des crédits qui seront annulés ou gelés dès le début de l'année, et sur quels chapitres budgétaires porteront-ils ? C'est la troisième question.
    M. Jean-Louis Dumont. Très bonne question !
    M. Didier Migaud. Là aussi, la sincérité vous oblige à nous répondre.
    La CSG, messieurs les ministres, augmentera-t-elle, c'est la quatrième question, après les échéances électorales de 2004 ? Là aussi, il est important que nous prenions date à l'occasion de ce débat sur le projet de loi de finances pour 2004.
    Sinon - c'est la cinquième question -, si vous n'augmentez pas la CSG, quelles mesures de recettes le Gouvernement prévoit-il d'adopter juste après les élections européennes de 2004 ?
    Sixième question : pourquoi le Gouvernement ne tient-il pas compte de l'augmentation des impôts locaux dans ses prévisions d'évolution des prélèvements obligatoires, alors pourtant qu'il les juge certaines ? C'est ou mensonger, ou insincère, ou déloyal.
    M. Jean-Louis Dumont. Les trois à la fois !
    M. Didier Migaud. Septième question : comment expliquez-vous que l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires devrait conduire à une baisse de 0,4 point de ceux-ci en 2004 alors que la baisse effective ne serait, selon vos propres chiffres, que de 0,2 point ? Autrement dit, pourquoi le Gouvernement contrecarre-t-il, par des augmentations de prélèvements, une baisse prétendument spontanée du taux de prélèvements obligatoires ?
    Huitième question : cette différence tient-elle, comme cela apparaît dans le rapport du Gouvernement, dans le fait que l'effet des mesures nouvelles en 2004 sera d'augmenter le taux des prélèvements obligatoires d'au moins 0,2 point, dont 0,1 au titre de la fiscalité locale - et encore, vous êtes d'une grande modestie en avançant ces chiffres ?
    Neuvième question : comment le Gouvernement prévoit-il de traiter, en comptabilité nationale, la part de recettes de TIPP affectée aux départements ?
    M. Jean Le Garrec. Très bonne question !
    M. Didier Migaud. Cette part doit normalement s'apparenter à un prélèvement sur recettes, et ne devrait donc être comptabilisée comme un prélèvement obligatoire. Si le Gouvernement ne le fait pas et comptabilise cette part comme un prélèvement obligatoire, comme c'est le cas dans ses rapports, il doit intégrer cette somme en dépense budgétaire, ce qui ferait exploser la norme de dépenses. Le faites-vous ? Là aussi, vous nous devez une réponse.
    Dixième question : pourquoi le Gouvernement présente-t-il, contre toute logique et toute orthodoxie, l'indexation des seuils de la prime pour l'emploi comme une augmentation de celle-ci alors qu'il ne l'avait pas fait dans le projet de loi de finances pour 2003 ? C'est, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, malhonnête.
    M. Gérard Bapt. C'est une mystification scandaleuse !
    M. Didier Migaud. Sur ce point aussi, vous nous devez une réponse. Sinon, cela veut dire que les propos que le Premier ministre a tenus à TF1 devant l'opinion étaient mensongers.
    Onzième question : pourquoi avoir prétendu augmenter la prime pour l'emploi de 500 millions d'euros, soit près de 100 euros par bénéficiaire en moyenne, alors qu'en réalité l'augmentation nette n'est que de 80 millions d'euros, soit, en moyenne, 10 euros par bénéficiaire ? Là aussi, vous nous devez une réponse.
    Douzième question : pourquoi le coût budgétaire de la prime pour l'emploi tel qu'indiqué dans le fascicule des voies et moyens est-il stable de 2003 à 2004, à 2,38 milliards d'euros, en contradiction avec l'effort dont se prévaut le Gouvernement ? En effet, alors que vous prétendez augmenter la PPE, la somme inscrite est identique. Est-ce parce que l'augmentation du nombre de chômeurs et de salariés précaires en 2004 fera sortir du bénéfice de la PPE plusieurs dizaines de milliers de personnes qui, en même temps qu'un emploi, perdront également le bénéfice de cette prime ? Là aussi, il nous faut une réponse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean Le Garrec. Excellente question !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est un aveu !
    M. Didier Migaud. Treizième question : le Gouvernement peut-il nous indiquer le nombre des bénéficiaires de la PPE en 2003 et la projection pour 2004 ? Avec ces données, peut-être pourrons-nous comprendre ces différences dans les chiffres.
    Quatorzième question : pourquoi le Gouvernement a-t-il chiffré à seulement 800 millions d'euros le gain budgétaire net de l'augmentation des taxes sur le gazole, alors que le fascicule des voies et moyens chiffre ce gain à 900 millions d'euros ? Vous me direz que vous n'êtes pas à cent millions d'euros près, mais tout de même, cela compte, surtout quand cette somme est déboursée par les foyers les plus modestes ! La différence ne peut s'expliquer par un hypothétique remboursement au secteur des transports, puisque celui-ci ne figure pas dans ce même fascicule. Là aussi, il est important que vous nous répondiez.
    Quinzième question : pourquoi le Gouvernement n'inscrit-il pas la baisse du taux de la TVA sur la restauration en première partie de ce projet et dans l'article d'équilibre puisqu'il assure vouloir l'appliquer courant 2004 ?
    M. Jean-Louis Idiart. Parce que cela ne se fera pas !
    M. Didier Migaud. Vous avez annoncé une mise en oeuvre de cette mesure quatre mois après que l'Union européenne aura donné l'autorisation. Or, la décision devant être prise avant la fin de l'année, son application devrait intervenir au 1er mai au plus tard. Douteriez-vous de vous-même, de votre propre capacité de conviction ?
    M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement ne doute jamais ! (Rires.)
    M. Didier Migaud. Une fois de plus, vous trompez les restaurateurs, et les Français. Vous prenez des engagements que vous savez ne pas être en mesure de tenir.
    M. Jean-Louis Idiart. On n'en doute pas ! On en est sûr !
    M. Didier Migaud. Seizième question : le Gouvernement peut-il préciser comment il souhaite voir jouer le principe d'autonomie fiscale des collectivités locales de façon à éclairer le juge constitutionnel que nous aurons certainement l'occasion de saisir justement à propos de vos propositions en matière de décentralisation ? Ce serait intéressant.
    Nous attendons, messieurs les ministres, des réponses précises à ces questions qui se veulent elles-mêmes précises et constructives.
    M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
    M. Didier Migaud. Enfin, et ce sera ma conclusion ( « Déjà ! » sur plusieurs bancs du groupe Socialiste)...
    Ne vous inquiétez pas, chers collègues, nous avons toute la semaine pour nous exprimer. J'ai d'ailleurs laissé de côté un certain nombre d'arguments que nous aurons l'occasion de développer tout au long de la discussion puisque nous avons l'intention, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, de débattre avec vous chaque article, chaque amendement.
    M. Jean-Jack Queyranne. Le Gouvernement n'entend pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous nous gardons le matin de dimanche pour la messe. (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Non seulement nous vous reprochons - le président du groupe Socialiste a eu l'occasion de vous le dire à plusieurs reprises - de conduire une politique injuste, inefficace, à contre-emploi, mais nous pensons que cette politique comporte des éléments contraires aux principes de la Constitution et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
    En acceptant de voter cette exception d'irrecevabilité, vous pourriez bénéficier d'un temps supplémentaire pour revoir votre copie.
    M. Jean-Jack Queyranne. Ce serait bien utile !
    M. Didier Migaud. Nous vous suggérons de profiter de cette opportunité et j'invite ceux qui ont été convaincus par mon argumentation à voter cette motion.
    M. Marc Laffineur. Ils ne sont pas nombreux !
    M. Didier Migaud. A travers elle, nous manifestons l'opinion extrêmement défavorable que nous portons sur ce projet de budget, dont les principales caractéristiques sont, je le répète, l'injustice, l'inefficacité, l'insincérité, le contre-emploi et qui donc ne peut recevoir notre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Jean-Marc Ayrault. M. Migaud vous a posé quatorze questions, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, une exception d'irrecevabilité vise à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.
    M. Augustin Bonrepaux. Il l'a démontré !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai écouté, comme il le mérite d'ailleurs, Didier Migaud. Je n'ai pas entendu de griefs particuliers qui soient précisément fondés sur l'inconstitutionnalité. (Murmures sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Didier Migaud. Vous n'avez pas écouté !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je vais cependant, en raison de l'estime personnelle que je lui porte, tâcher de donner des explications sur les sujets qu'il a abordés et qui s'approchaient, parfois, très vaguement, des questions de constitutionnalité.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est comme pour la comète de Halley, il convient de les regarder au télescope.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai l'impression, monsieur Migaud, que vous avez plutôt fait une intervention de discussion générale, voire une sorte d'explication de vote sur le projet de budget.
    M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non !
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est déjà pas si mal.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons d'ailleurs pris note des questions que vous avez posées et, tout au long d'un débat que vous nous promettez long, nous pourrons vous apporter les réponses.
    M. Jean-Jack Queyranne. Heureusement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. D'abord, je voudrais vous faire remarquer que vous assimilez mise en réserve de crédits et annulation de crédits.
    M. Didier Migaud. Parce que cela revient presque au même.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ah non !
    M. Jean-Louis Dumont. La réserve précède toujours l'annulation de crédits.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je pourrais y voir de la malice, mais ayant, je le répète, de l'estime pour vous, je me demande si, en fait, il ne s'agit pas d'une confusion, que je vous propose de lever immédiatement. Craignez-vous que le Gouvernement dépense au cours de l'année 2004 moins que ce que le Parlement autorisera ? C'est un risque que je pourrais espérer.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et accepter. (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais, monsieur Migaud, vous qui connaissez bien les finances publiques, pouvez-vous me citer, sur les dernières décennies, une seule année où le gouvernement aura moins consommé que ce qui avait été autorisé par le Parlement ? Vous savez bien que - à chaque fois hélas ! - c'est le contraire qui se produit.
    M. Jean-Louis Idiart. Il fallait le dire tout de suite alors !
    M. Jean-Pierre Balligand. Et la cagnotte ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La mise en réserve de crédits vise tout simplement à ne pas dépenser un euro de plus que ce qui a été autorisé par le Parlement. Vous devriez remercier le Gouvernement de procéder ainsi, c'est une marque de respect envers la représentation du peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Bapt. C'est trop subtil pour être honnête.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Qu'est-ce qui menace une exécution ? Les crédits évaluatifs autorisés, qui peuvent dépasser, en cours de gestion, le montant évalué, mais également les reports.
    Vous n'aimez pas, cher Didier Migaud, que nous parlions d'héritage. Vous souhaiteriez que la question soit définitivement soldée.
    M. Jean Le Garrec. Après dix-huit mois, tout de même !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dois-je vous rappeler que, dans la corbeille que vous nous avez transmise, se trouvaient 11 milliards d'euros de crédits que vous aviez autorisés et qui restaient à financer ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Patrice Martin-Lalande. Ça les gêne !
    M. Charles Cova. C'est la vérité pourtant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si ces crédits n'avaient pas été mis en réserve, nous aurions risqué un dérapage dans la consommation des crédits.
    M. Jean-Jack Queyranne. N'importe quoi !
    M. Patrice Martin-Lalande. Ce sont des mystificateurs !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez fait un collectif budgétaire pour corriger cela. Alors, ne nous racontez pas d'histoires. Soyez honnêtes.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le ministre délégué au budget ne peut qu'espérer, en début de gestion, une mise en réserve de crédits, non pas pour dépenser moins, comme vous l'avez soupçonné, mais tout simplement pour pouvoir respecter l'autorisation qui est donnée par la représentation du peuple français.
    J'en viens aux questions que vous avez posées, avec modération, j'en conviens, sur les hypothèses de croissance. Le chiffre retenu par le Gouvernement est marqué par la prudence.
    M. Didier Migaud. Vous n'en tirez pas les conséquences.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il est totalement en phase avec le marché.
    Le spécialiste du calcul des recettes fiscales que vous êtes appréciera : nous avons retenu un taux d'élasticité de 0,6, sans doute l'un des plus faibles jamais retenus dans les calculs prévisionnels de recettes fiscales. Ce budget est construit sur des hypothèses prudentes et raisonnables.
    M. Jean-Jack Queyranne. Mais non !
    M. Patrick Lemasle. Ce n'est pas sérieux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je voudrais essayer, même si elles ne concernent pas vraiment la constitutionnalité du projet, de répondre à quelques-unes des questions importantes que vous avez posées eu égard au mal que vous vous êtes donné dans la présentation de votre motion de procédure.
    Vous avez mis en cause la politique fiscale menée par le Gouvernement. Le Gouvernement est très heureux que sa majorité lui ait permis de baisser l'impôt sur le revenu de 10 %.
    M. Philippe Auberger. Très bien !
    M. Patrick Lemasle. Ils ne sont pas tous d'accord !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais les prélèvements ne baissent pas puisque vous augmentez les taxes.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette mesure concerne dix-sept millions de ménages. De surcroît, quitte à vous gêner, cher monsieur Migaud, je me dois de préciser que la prime pour l'emploi a été augmentée de 500 millions d'euros en 2004.
    M. Patrick Lemasle. C'est rien du tout ! Ce n'est pas comparable ! Cela concerne combien de familles ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Or cette prime est versée à plus de huit millions de salariés, parmi les plus modestes. Je tiens à souligner également une hausse du SMIC historique.
    M. Didier Migaud. Vous n'avez pas répondu à ma question.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Sur la période 2003-2005, la hausse sera de 11 % en termes réels, ou 16 % si on ne tient pas compte de l'inflation. Cela correspond, comme le Premier ministre l'a indiqué, à un treizième mois pour plus d'un million de personnes. A titre de comparaison, le coup de pouce n'avait été au total que de 0,29 % durant les trois années du gouvernement Jospin.
    M. Patrick Lemasle. Lamentable !
    M. Patrice Martin-Lalande. Mystification !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Quant aux jugements que vous inspirent les éléments fournis par la Commission européenne, je vous rappelle que celle-ci a surtout mis en évidence les coups d'arrêt à l'ajustement structurel après 1999. Lisez bien l'ensemble des travaux de la Commission européenne, pas seulement ce qui vous arrange.
    M. Didier Migaud. C'est vous qui devriez bien les lire !
    M. Jean-Jack Queyranne. Elle a mis en cause votre gestion !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez une lecture sélective !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Aujourd'hui, nous avons à financer un déficit élevé, car la conjoncture est devenue moins favorable. C'est un fait incontestable. Permettez-moi d'ailleurs de rappeler les déclarations du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin : « Baisser l'impôt n'est pas un tabou ».
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. « Mon gouvernement l'a fait. Mais c'était dans un temps où, avec la croissance, les rentrées fiscales étaient fortes et les déficits, en diminution. »
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est plus le cas maintenant !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au fond, Lionel Jospin fait un double aveu : il a baissé les impôts à un moment où la conjoncture ne le nécessitait pas. (Prostestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. André Schneider. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Mais non !
    M. Jean-Jack Queyranne. Ça n'a rien à voir !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il l'a fait en se fondant sur des rentrées fiscales temporaires, qui ont été utilisées pour baisser des impôts. Cela a abouti à une dégradation du solde structurel de nos finances publiques. Voilà ce que les organisations internationales vous reprochent, ce que la Commission a stigmatisé, et ce qui provoque aujourd'hui un déficit élevé.
    M. Jean-Jack Queyranne. Elle vous reproche votre mauvaise gestion !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je voudrais, en conclusion, vous faire observer que notre démarche est totalement différente.
    M. Jean Le Garrec. C'est là où est l'erreur !
    M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous voulons baisser les prélèvements et le faire dans la durée. Nous voulons restituer du pouvoir d'achat, à un moment où celui-ci pourrait être affaibli par la conjoncture. Nous voulons financer les baisses d'impôt par la maîtrise de la dépense, ce que vous n'avez pas fait.
    M. Patrick Lemasle. C'est l'acte notarié de la banqueroute !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En conséquence, mesdames et messieurs les députés, je vous propose de rejeter cette exception d'irrecevabilité qui n'est pas fondée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Edouard Landrain. Bien sûr !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. J'avoue ne pas avoir bien compris les propos de Didier Migaud sur les transferts de responsabilité de l'Etat vers les collectivités locales.
    M. Augustin Bonrepaux. C'était pourtant clair !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Au moment où nos compatriotes vont recevoir leur taxe d'habitation, je voudrais faire état de l'étude que nous avons menée sur les raisons qui expliquent cette année la hausse de la taxe d'habitation et du foncier bâti. Celle-ci est due, pour 90 %, à trois mesures : les 35 heures, l'APA et les SDIS ! Que chacun prenne ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Didier Migaud. Parce que l'Etat se désengage, parce qu'il ne respecte pas ses engagements !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ce sont des faits.
    Pour l'avenir, le transfert de l'ASS sur ce que pourrait être le RMI ou le RMA - rien n'est encore décidé...
    M. Jean-Pierre Balligand. Oh !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... il est prévu, le Gouvernement l'a répété, une clause de « revoyure » pour s'assurer que ce transfert ne pèse pas sur les collectivités locales.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous allons voir si vous acceptez nos amendements !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est une des conséquences de la réforme constitutionnelle que nous avons votée, qui prévoit qu'il n'y a pas de transfert de compétence sans transfert de ressources ! (« On verra ! » sur plusieurs bancs du groupe Socialiste.)
    L'engagement envers les collectivités locales doit être tenu mais on ne peut pas faire supporter à ce gouvernement la responsabilité des impôts locaux que nos compatriotes vont recevoir dans les jours à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Didier Migaud. Cet engagement ne sera pas tenu, vous le savez.
    M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça va être un grand moment !
    M. Marc Laffineur. Je dois dire que j'ai déjà connu Didier Migaud en meilleure forme. (Protestations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Jean-Michel Ferrand. Non, il a été égal à lui-même !
    M. Marc Laffineur. Il faut reconnaître qu'essayer de montrer que le budget était anticonstitutionnel était un exercice difficile ! Et je n'ai pas entendu beaucoup d'arguments convaincants.
    M. Jean-Pierre Balligand. Si l'UMP avait pris la fine fleur ! (Sourires sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Marc Laffineur. M. Migaud a, de plus, fait preuve d'une certaine mauvaise foi.
    M. Jean-Michel Ferrand. C'est normal ! Sinon, il ne serait pas socialiste !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un expert qui parle !
    M. Marc Laffineur. Quand il compare les budgets de 1997 à 2001 et les budgets actuels, il reste muet sur la différence de croissance que notre pays connaissait à l'époque. Tous les pays d'Europe ont réussi alors à supprimer leurs déficits, pas vous. Parlons également de l'année 2002 dont le budget initial surestimait les recettes et sous-estimait les dépenses...
    M. Didier Migaud. Vous confondez avec 2003, où ce sera bien pire !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous savez que nous sommes censés parler de 2004 ?
    M. Marc Laffineur. A la fin de 2002, il y avait un déficit, comme en 1993. D'ailleurs, vous avez l'habitude : chaque fois que vous nous rendez le pays, nous avons des déficits énormes à combler.
    M. Jean-Pierre Brard. Et 1995, avec Edouard ?
    M. Marc Laffineur En ce qui concerne les impôts locaux, Pierre Méhaignerie vient de le rappeler, leur augmentation actuelle est bien due à l'APA, aux 35 heures et aux SDIS.
    En fait, si jamais - mais je vous rassure, monsieur Migaud, cela n'arrivera pas - l'exception d'irrecevabilité était votée, vous priveriez les plus faibles d'entre nous d'une augmentation de la prime pour l'emploi, les handicapés des aides qui sont prévues dans le budget, et les Français des vingt-deux mesures de diminution des prélèvements qui sont inscrites au budget.
    Bien entendu, le groupe UMP ne votera pas cette question d'irrecevabilité, car nous avons enfin un bon budget qui permet de revaloriser le travail et de préparer l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Laffineur, je regrette que vous fassiez de la censure : vous ne rendez pas les hommages qui leur reviennent à ceux qui ont tout fait pour les mériter, en particulier M. Balladur, qui a tout de même été le champion du déficit. Rappelez-vous 1995 ! Et quand vous évoquez « les plus faibles d'entre nous » en parlant de vos collègues de droite, je trouve que vous ne manquez pas d'air, car je ne vois pas de ces plus faibles dans vos rangs.
    Mais tel n'est pas l'objet de mon intervention : je me dois de m'exprimer sur la démonstration brillante et méticuleuse de M. Migaud.
    M. Richard Mallié. Laborieuse plus que méticuleuse !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre délégué au budget, vous vous êtes interrrogé : « Où est la constitution là-dedans » ? Et vous avez voulu faire de la sémantique sur les expressions « réserves de crédits » et « annulations ». Mais comme vous le diriez, monsieur Francis Mer, on juge mieux des prévisions quand le temps est passé que lorsqu'on regarde devant soi. (Sourires.) Je vous cite dans l'esprit. (Nouveaux sourires.)
    Or nous pouvons précisément vous juger sur ce que vous avez fait et, en l'occurrence, vous avez procédé à des annulations.
    Nous vous avons écoutés monsieur le ministre de l'économie, monsieur le ministre délégué au budget, avec beaucoup d'attention.
    Sans doute connaissez-vous Stanislavski, qui a inspiré l'Actor's Studio de New York. Ce très grand acteur expliquait aux candidats qu'il fallait se mettre dans la peau de son personnage. En vous entendant tout à l'heure à la tribune, monsieur Alain Lambert, je me disais : il possède son rôle à merveille, il utilise les mots qui conviennent et les prononce avec les intonations adéquates. (Rires.) J'en ai d'ailleurs noté quelques-uns ; « confiance », « respect », « mériter la confiance », « encourager les Français », « efficace », « performant », « sincérité », « volonté », « détermination ».
    Mme Sylvia Bassot. Tout ce que vous n'avez pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous disiez que vous alliez vaincre le déficit. Je me disais, en pensant à certains événements récents d'outre-Atlantique : voilà Terminator, avec toute l'onctuosité du bocage normand ! (Rires.)
    Mais il n'y pas que votre talent, monsieur Lambert : il y a aussi celui du rapporteur général, qui est un homme pour qui j'ai beaucoup d'estime, d'autant que nous nous retrouvons pour des choses qui renvoient plus au quotidien. Il a parlé de « croissance riche en emplois ». Je pense qu'il voulait parler par antiphrase. (Sourires.) En effet, la croissance est, d'après l'INSEE, de 0,2 %. Quant à l'emploi, c'est plutôt le chômage qui progresse. Il nous annonce au surplus 4 561 suppressions d'emplois budgétaires - j'ai noté le chiffre. N'est-ce pas ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur général ?
    On voit que vous vous placez sur un plan idéologique !
    Imaginons une hypothèse absurde - je m'adresse au scientifique Francis Mer : que vous vouliez supprimer la moitié des emplois de la fonction publique, soit environ 2 millions. Eh bien ! à ce rythme, il vous faudrait deux mille ans pour atteindre votre objectif. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Socialiste.)
    On est donc en pleine idéologie. Et si vous visiez l'objectif de faire des économies, cela se remarquerait.
    Vous déclinez le même discours à plusieurs voix. M. le président de la commission des finances, dont on connaît la sensibilité sociale, prend ses références à l'étranger. C'est une vieille tradition à droite. Autrefois, vous alliez à Moscou. (Rires.)

    Maintenant, pour faire des économies sans doute, vous vous rendez sur les bords de la Spree ou de la Tamise et vous faites référence à M. Schröder. Mais depuis quand celui-ci est-il de gauche ? Demandez donc ce qu'il en pense au congrès des syndicats du DGB, qui vient de se tenir ! M. Schröder a dû avoir les oreilles qui lui ont sifflé car ils souffrent de sa politique, qui traduit, certes, une vision un peu plus sociale que la vôtre, mais il ne s'agit que de nuance.
    M. le président de la commission des finances vient d'intervenir de nouveau sur la fiscalité locale.
    Je vais prendre le cas de ma bonne ville de Montreuil, où, cette année, nous avons augmenté les impôts.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Encore ?
    Mme Sylvia Bassot. C'est une habitude !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous ne l'avions pas fait pendant sept ans, à la différence de nombre d'entre vous !
    M. François Goulard. Nous ? Jamais !
    M. Jean-Pierre Brard. L'augmentation de 9,5 % de la taxe d'habitation est « mangée » à 94 % car nous avons décidé de ne pas licencier les bénéficiaires des emplois-jeunes que vous avez supprimés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Mallié. Vous aviez cinq ans pour prévoir qu'ils seraient supprimés !
    M. Jean-Pierre Brard. L'augmentation de la taxe foncière est « mangée » à 95 % par la suppression du fonds de solidarité Ile-de-France.
    Voilà ce que vous faites !
    M. Yves Fromion. Pendant cinq ans, vous n'avez pas fait votre boulot !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous dites que vous n'y êtes pour rien. Vouliez-vous que l'on renvoie sur le pavé ces jeunes pour lesquels les emplois-jeunes de Martine Aubry constituaient un sas d'entrée dans la vie professionnelle ?
    M. Yves Bur. Combien sont restés dans le sas à Montreuil ?
    M. Jean-Pierre Brard. On entend maintenant M. Raffarin - votre mentor, chers collègues de droite - qui, à la manière de M. Lambert, utilise certains mots.
    M. Jean-Michel Ferrand. Il dit plus de choses intelligentes que vous !
    M. Jean-Pierre Brard. Il n'a qu'un adjectif à la bouche : « humain ». Et c'est pour cela que vous avez supprimé les emplois-jeunes ?
    Mme Sylvia Bassot. Il fallait former ceux qui en bénéficiaient.
    M. Yves Fromion. Leur suppression résulte de la loi que vous avez votée !
    M. Jean-Pierre Brard. Laissez-moi terminer mon propos.
    Il y a quelque chose de plus fort que l'aspect constitutionnel...
    M. Yves Fromion. Oui ! Vos bidouillages !
    M. Jean-Pierre Brard. Je veux parler de l'éthique.
    Chers collègues de droite, savez-vous qui sera Premier ministre dans quinze jours ? Permettez-moi de citer une nouvelle fois M. Raffarin. A la question : « A partir de quand un Premier ministre est-il usé ? », il répond : « Il y a deux usures possibles pour un Premier ministre : quand dans sa tête il est satisfait - reconnaissez qu'il y a du danger - » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Socialiste) « et quand, dans l'opinion, il se sent rejeté. » (Mêmes mouvements.)
    M. le Premier ministre ajoute, parlant du budget : « Je me rends aussi compte du niveau des crédits qui ne sont pas consommés : 700 millions d'euros d'une année sur l'autre, par exemple pour la recherche. Or des crédits supplémentaires sont systématiquement ajoutés. La procédure budgétaire m'est apparue comme trop illusoire. De plus, calculer un budget sur une année n'a pas de sens. »
    On se demande ce qu'on fait ici ! (Rires.) Voilà ce qui est écrit dans La France de mai !
    Monsieur Francis Mer, j'ai aussi à votre disposition quelques citations de vos propos, dont vous me direz des nouvelles. (Rires.)
    Mais il y a encore plus troublant,...
    M. le président. Accélérez, monsieur Brard !
    M. Jean-Louis Dumont. Laissez-le s'exprimer, monsieur le président ! On ne s'en lasse pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Qui prend les décisions ?
    Est-ce le Gouvernement ? (« Non ! », sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Socialiste.)
    Est-ce le Parlement ? (« Non ! » sur les mêmes bancs.)
    Eh bien non !
    M. Richard Mallié. C'est le MEDEF, allez-vous nous dire !
    M. Jean-Pierre Brard. A la page 94 du même ouvrage, on apprend que « c'est la somme des lobbies qui s'organisent pour bloquer une décision, laquelle sera peut-être favorable à une partie contre une autre ». Et tout cela après que la loi est votée.
    Bien évidemment, nous voterons avec enthousiasme l'exception d'irrecevabilité défendue par Didier Migaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsqu'on écoute avec attention M. Migaud, on est quand même un peu inquiet de la faiblesse de ses arguments constitutionnels.
    En fait, il n'en a avancé aucun de sérieux, sauf un.
    M. Jean-Pierre Brard. Juridisme !
    M. Charles de Courson. Et cet argument, nous l'avions déjà évoqué, notamment en commission : il concerne les transferts entre l'Etat et les collectivités territoriales, en l'occurrence les conseils généraux.
    Je voudrais d'abord dire à M. Migaud que nous aurions préféré que cet argument vienne de quelqu'un d'autre que de celui qui a constamment appuyé les transferts de l'APA, voté les lois sur les 35 heures et j'en passe. Autant de transferts massifs sur les collectivités territoriales sans compensation à due concurrence,...
    M. Alain Gest. Exact !
    M. Charles de Courson. ... c'est-à-dire sans que soit respecté le principe de neutralité financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais, monsieur Migaud, ce n'est pas parce que vous avez fauté que nous devons fauter nous aussi !
    Il y a un problème concernant le RMI-RMA : une clause de révision est nécessaire, ne serait-ce que pour teni compte de l'incidence, sur la dépense du RMI-RMA en 2004, de la réforme de l'ASS. Nous espérons bien que l'amendement prévoyant cette clause passera et nous espérons même que le Gouvernement en prendra l'initiative. Sinon, la commission des finances fera elle-même quelques suggestions, comme l'a annoncé son président.
    J'en viens à votre long discours monsieur Migaud, lequel ne traitait en rien de problèmes d'inconstitutionalité : il faisait simplement état de critiques à l'encontre du projet de budget.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes jaloux ! (Sourires.)
    M. Charles de Courson. Mais, après tout, l'opposition est là pour ça.
    La gauche a vraiment la mémoire courte.
    M. André Schneider. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. Elle ose parler d'« insincérité » du projet de loi de finances pour 2004.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Charles de Courson. J'évoquerai moi-même, dans la discussion générale, un certain nombre d'éléments concernant les dépenses et les recettes. Mais vous souvenez-vous de 2003 ? Vous souvenez-vous de 2002 ?
    M. Didier Migaud. Tout à fait !
    M. Charles de Courson. Combien a-t-il fallu prévoir de dépenses supplémentaires en 2002 ? Cela a été rappelé tout à l'heure : 11 milliards ! Et à combien se sont chiffrées les moins-values sur les recettes ? A 13 milliards ! On est passé de 30 à 55 milliards. Et c'est l'homme qui était rapporteur général lors de la discussion du projet de budget qui ose aujourd'hui donner des leçons de morale ? (Huées sur les bancs du groupe Union pour la démocratrie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Non, monsieur Migaud ! Pas vous, pas ça ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Permettez-moi de vous rafraîchir un peu la mémoire.
    Vous souvenez-vous vaguement de l'état dans lequel nous avons trouvé les finances publiques en 1993 ?
    M. Maxime Gremetz. C'est qui « nous » ?
    M. Charles de Courson. On avait 6,3 % de déficit public !
    M. Augustin Bonrepaux. Et en 1997 ?
    M. Charles de Courson. Nous avons rendu à la gauche des finances publiques qui étaient loin d'être redressées, mais le déficit n'était que de 3,3 % quand les Français leur ont reconfié les affaires du pays.
    M. Edouard Landrain. A chaque fois, c'est la même chose !
    M. Charles de Courson. Mais cinq ans plus tard, ils nous les ont rendues avec un déficit de 3,1 %, alors qu'ils avaient bénéficié pendant cinq ans de l'une des plus fortes croissances des quinze dernières années !
    M. Edouard Landrain. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que le groupe UDF rejette l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe Socialiste.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, mesdames, messieurs, j'ai trouvé moi aussi l'intervention de Didier Migaud particulièrement brillante (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Edouard Landrain. Encore heureux !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... mais surtout implacable dans sa démonstration.
    Je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre délégué au budget. Vous avez encore du travail à faire pour répondre aux quatorze questions de M. Migaud. Mais il est vrai que nous avons encore un peu de temps !
    M. Jean-Jack Queyranne. Quatorze nuits !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Shéhérazade ! (Sourires.)
    M. Jean-Marc Ayrault. J'espère donc que vous y répondrez, et avec précision.
    Cela dit, votre brève intervention ne m'a pas semblé convaincante, pour une raison évidente : vous n'êtes pas convaincu de ce que vous êtes en train de faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvemement populaire.) Telle est la vérité !
    M. Laffineur a essayé de venir à votre secours, mais ce fut encore plus dramatique.
    M. Laffineur a dit que nous vous avions laissé des déficits...
    M. Marc Laffineur. C'est vrai !
    M. Jean-Marc Ayrault. Le Gouvernement a commandé un audit après les élections législatives. En juin 2002, les auditeurs de la Cour des comptes, pour estimer le déficit public, ont donné une fourchette : entre 2,4 et 2,6 %.
    M. Charles de Courson. Ils l'ont sous-estimé ! (Exclamations sur les bancs du groupe Socialiste.)
    M. Jean-Marc Ayrault. Je vois que M. de Courson perçoit le danger et la critique qui s'annonce.
    Je vais vous dire une chose, monsieur de Courson : on vous jugera aux actes,...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Jean-Marc Ayrault. ...et notamment sur un point : on verra ce que vous serez capable de faire concernant l'ASS et les transferts aux collectivités locales.
    M. Yves Fromion. Tout ce que vous n'avez pas fait !
    M. Jean-Marc Ayrault. Car il ne suffit pas de parler : encore faut-il agir. En tout cas, nous serons en ce qui nous concerne cohérents jusqu'au bout s'agissant du budget qui nous est soumis.
    Les auditeurs avaient donc, en juin 2002, estimé le déficit entre 2,4 et 2,6 %. Or, à la fin de l'année, vous en étiez déjà à 3,1 %. Et cela, c'est bien de votre responsabilité ! A la fin de 2003, vous en êtes à près de 4 %.
    M. Jean-Michel Ferrand. Quel culot !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, je vous demande de ne plus nous faire en permanence le coup de l'héritage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Hellier. Vous l'avez fait pendant cinq ans !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous êtes aux responsabilités - vous avez tendance à l'oublier tant la situation est embarrassante - depuis dix-huit mois. Et depuis dix-huit mois, c'est bien votre politique qui s'applique et qui pousse la France à l'abîme. Non seulement les déficits augmentent et la dette est à un niveau que nous n'avons jamais connu, mais les chiffres du chômage explosent et plongent les Français dans l'angoisse.
    Votre politique, c'est clair, crée de l'insécurité sociale. Vos choix budgétaires découragent la consommation et l'investissement des chefs d'entreprise, ce qui est un facteur d'aggravation.
    Votre projet de budget, au lieu de tenir compte de ce qui se passe, persiste dans l'erreur. Je trouve que cette situation est non pas comique, alors même que j'apprécie l'humour de notre collègue Jean-Pierre Brard, mais inquiétante pour notre pays : elle inquiète les Français, elle nous inquiète tous et elle devrait vous conduire à réagir avec esprit de responsabilité.
    Le budget que vous avez fait voter l'année dernière ne s'est jamais réellement appliqué. Cette année encore, vous allez faire de l'affichage, notamment pour ce qui concerne le logement, qui a pâti de près de 3 milliards d'annulations de crédits qui avaient été votés.
    Les gels, puis les annulations ont un impact, y compris dans les collectivités locales. Je ne prendrai pas, contrairement à M. Brard, l'exemple de ma commune, mais je sais que toutes ces annulations successives, tous ces blocages et ces suppressions de crédits ont des conséquences insidieuses sur la gestion de nos villes. Ils nous ont contraints, et vous le savez bien puisque vous présidez une communauté urbaine. En 2004, la situation empirera.
    Tous s'interrogent, à droite comme à gauche, sur la manière dont ils essaieront de s'en sortir pour ne pas pénaliser de nouveau les contribuables locaux.
    M. Migaud a évoqué la suppression des crédits pour les transports publics au moment où Mme Bachelot se répand partout sur l'effet de serre et la lutte contre la pollution. Vous annoncez que vous compenserez cette suppression par une augmentation de la fiscalité locale.
    Nous disons non à cette politique qui reviendrait à pénaliser l'investissement et l'emploi dans les entreprises dont nombre sont aujourd'hui en difficulté.
    Nous disons également non au transfert politique de responsabilité que vous voulez faire sur nous. D'un côté, vous auriez le bénéfice de la baisse de l'impôt sur le revenu et, de l'autre, vous nous feriez supporter la responsabilité de l'augmentation des taxes locales. Nous ne l'acceptons pas et les Français ne l'accepteront pas non plus car ils ont bien compris quel était le sens de votre politique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Gest. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. Jean-Michel Ferrand. C'est votre politique que les Français n'ont pas acceptée.
    M. Jean-Marc Ayrault. Dans ces conditions, vous feriez mieux, au lieu de continuer à créer de l'insécurité sociale, d'encourager la croissance, et de le faire en encourageant la consommation.
    Je relèverai, après M. Migaud, une erreur. Vous soutenez que l'impôt sur le revenu concerne 17 millions de foyers fiscaux. Mais vous savez bien que 70 % de la baisse ne bénéficie qu'à 10 % des contribuables.
    M. François Goulard. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Marc Ayrault. Il y a donc une véritable injustice. En revanche, la prime pour l'emploi que nous proposons de doubler concerne 8 millions de foyers qui ont quant à eux des revenus très modestes. On sait bien que s'ils percevaient cette aide financière de l'Etat - cette restitution fiscale -, ils s'en serviraient immédiatement pour consommer, ce qui aurait un impact sur la croissance.
    M. Richard Mallié. Nous n'avons pas de leçons à recevoir !
    M. Jean-Marc Ayrault. Si vous voulez vraiment soutenir la croissance, alors rétablissez les crédits pour l'équipement, pour l'aménagement du territoire, pour les collectivités locales, pour les transports publics et le logement.
    M. Richard Mallié. Et augmentons le déficit !
    M. Jean-Michel Ferrand. Et les impôts !
    M. Jean-Marc Ayrault. En agissant ainsi, vous feriez un choix d'avenir. Mais ce n'est pas ce choix que vous faites aujourd'hui.
    Je pourrais également citer la recherche, domaine dans lequel vous avez suscité un véritable désarroi. Pourtant, c'est la recherche qui prépare l'avenir. Et je ne parle pas de l'éducation ni du reste.
    Votre budget est une véritable mystification, que nous tenons ici à dénoncer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Michel Ferrand. Ils n'ont toujours pas compris pourquoi ils ont été battus !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez dit, monsieur Lambert, citant Lionel Jospin, que la baisse d'impôts n'est pas un tabou. En effet, mais lorsque nous avons fait le choix de baisse des impôts, y compris dans les périodes de croissance, c'était, d'une part, pour redonner aux Français une partie des fruits des efforts auxquels ils avaient contribué et, d'autre part, pour continuer à consolider la croissance, car celle-ci est fragile et n'est jamais définitive.
    Lorsque nous avons baissé le taux de TVA pour les travaux à domicile, nous l'avons fait pour lutter contre le travail au noir et pour créer des emplois. Et cela a marché ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais aujourd'hui vous êtes dans une situation extrêmement préoccupante. S'il s'agissait uniquement de nous ou de vous, ce ne serait pas grave, mais il s'agit de l'intérêt de la France. Or, le Premier ministre semble résigné à la fatalité et le Président de la République est loin, très loin,...
    M. Jean-Jack Queyranne. Il est absent !
    M. Patrick Lemasle. Il voyage !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... pour faire oublier les promesses contradictoires qu'il a faites pendant la campagne électorale et qu'il est aujourd'hui incapable de tenir. Je ne prendrai qu'un seul exemple, qui montre bien votre entreprise de mystification. Pendant la campagne électorale, vous aviez promis aux restaurateurs et à leurs clients que vous alliez baisser la TVA sur la restauration.
    M. Charles Cova. On va le faire !
    M. Jean-Marc Ayrault. Aujourd'hui, vous ne le prévoyez même pas dans votre budget !
    M. François Goulard. Vous n'avez pas lu le projet de loi de finances : c'est dedans !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous refusez les amendements que nous proposons, parce que vous savez très bien que vous ne pouvez pas le faire et que ces promesses étaient fallacieuses. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité populaire.) Mais pis encore - et là est la mystification, la malhonnêteté intellectuelle et politique - vous ne voulez pas le faire, parce que si vous le pouviez, la crise serait encore plus épouvantable !
    Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à voter l'exception d'irrecevabilité déposée par le groupe socialiste et défendue par Didier Migaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe Socialiste.)

    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 14 octobre 2003
SCRUTIN (n° 323)


sur l'ensemble du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Nombre de votants

527


Nombre de suffrages exprimés

516


Majorité absolue

259


Pour l'adoption

335


Contre

181

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :     Pour : 335. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d' Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Barèges, M. Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Xavier Bertrand, Jean-Michel Bertrand, Jean-Yves Besselat, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Claude Birraux, Étienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Marc Francina, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christophe Guilloteau, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Christian Jeanjean, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Jean-Louis Léonard, Gérard Léonard, Jean Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Édouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Armand Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Gilbert Meyer, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Éric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, François-Xavier Villain, Philippe Vitel, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
    Non-votants : MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :     Contre : 134. - Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Jean-Pierre Blazy, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mmes Claude Darciaux, Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, François Huwart, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 25. - MM. Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Yvan Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer et Gérard Vignoble.
    Abstentions : 5. - MM. Jean-Pierre Abelin, Christian Blanc, Stéphane Demilly, Francis Hillmeyer et Olivier Jardé.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 22. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (12) :
    Abstentions : 6. - M. Patrick Balkany, Mme Martine Billard, MM. Yves Cochet, Philippe Edmond-Mariette, Alfred Marie-Jeanne et Emile Zuccarelli.

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    Mme Claude Greff, qui était présente au moment du scrutin, a fait savoir qu'elle avait voulu voter « pour ».