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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 24 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 23 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

1.  Loi de finances pour 2004 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

COMMUNICATION

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
MM.
Maurice Leroy.
Frédéric Dutoit.
Dominique Richard.
Michel Françaix.
Michel Herbillon.
Patrick Bloche.
René-Paul Victoria.
M. le ministre.

Rappel au règlement «...»

MM. Didier Migaud, le ministre.

Reprise de la discussion «...»

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Frédéric Dutoit, Victorin Lurel, Patrick Bloche.
Les crédits de la communication seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits des services généraux du Premier ministre.

Après l'article 59 «...»

Amendement n° 63 rectifié de la commission des finances : MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, le ministre, Michel Françaix, Patrick Bloche. - Adoption.

Après l'article 74 «...»

Amendements n°s 64 rectifié de la commission des finances et 39 de M. Baguet : MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, le ministre.
Sous-amendement du Gouvernement à l'amendement n° 64 rectifié : MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 39.
MM. Michel Françaix, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement n° 64 rectifié, modifié.
Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

COMMUNICATION

    Mme la présidente. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la communication.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, le projet de budget 2004 pour l'audiovisuel public est satisfaisant, en dépit de contraintes lourdes.
    Les ressources publiques affectées au secteur de l'audiovisuel connaîtront en effet une progression de 3 %, à 17 millions près, mais nous espérons résoudre ce problème dans les semaines qui viennent ; pour la troisième année consécutive, le niveau de la redevance est maintenu, fait sans précédent.
    Les ressources publiques marquent une croissance soutenue. Soixante-quinze millions d'euros hors taxes - réserve faite de ce que je viens d'indiquer - seront au rendez-vous de 2004. Cette croissance tient d'abord au rendement accru de la redevance, qui devrait rapporter 104 millions d'euros, soit une augmentation de 4,9 % ; mais ce chiffre inclut les 22 millions d'euros attendus au titre du croisement des fichiers. Il faudra donc trouver une recette de substitution pour tirer les conséquences du vote heureusement intervenu à l'Assemblée nationale voilà deux jours.
    Ce vote aura eu le mérite d'affirmer la volonté du Parlement de maintenir un impôt affecté pour le financement du service public, ce qui nous met à l'abri de tout risque de budgétisation ou autres moyens de ce genre. Il aura également permis aussi de régler la question du « noir et blanc » : ce tarif sera purement et simplement supprimé en métropole et, pour l'outre-mer, cette référence, jusqu'alors simple référence d'usage sera inscrite dans la loi.
    La croissance des crédits publics disponibles pour l'audiovisuel résulte également de l'affectation immédiate de la répartition des excédents de collecte de 2002 et 2003. Parallèlement, les ressources propres de l'audiovisuel, liées essentiellement à la publicité, devraient augmenter de 5,6 %, ce qui représente toujours un peu moins du quart du chiffre d'affaires de ces organismes.
    Je voudrais insister sur le problème que nous avons eu tout loisir de développer longuement lors de l'examen de la réforme de la redevance : celui du niveau de ressources dont le service public a besoin. L'objectif de 3 % affiché par le projet du Gouvernement doit être impérativement tenu, pour plusieurs raisons.
    Pour commencer, il y va de la parole et de la signature de l'Etat qui s'est engagé dans des contrats d'objectifs et de moyens avec bon nombre d'organismes publics. Cette démarche est encore en cours pour certains, l'AFP par exemple. Il est indispensable que cet engagement de l'Etat soit respecté : chacun comprendra que si l'un des deux partenaires manque à ses promesses dès le départ, le contrat n'aura aucune chance d'être crédible aux yeux de l'autre. Or nous avons besoin que l'audiovisuel public se réforme pour améliorer sa productivité et recentrer son action sur ce qui fait son identité même si nous voulons que la légitimité de la redevance payée par les contribuables soit incontestable.
    Ajoutons, tout le monde ici le sait, que la concurrence est plus vive que jamais. Le temps où il n'y avait que le service public, et rien d'autre autour, est définitivement terminé. Tout un chacun, avec une parabole, peut désormais recevoir 200, 300 voire presque 400 chaînes. Cette concurrence acharnée exige que les moyens du service public soient à un niveau le plus proche possible de celui des autres télévisions : le zapping est toujours possible pour le téléspectateur... Les coûts de croissance de la grille de programme vont de 4 à 8, sinon 10 % et plus dans les autres chaînes. Si donc nous tenons à ce que le service public demeure, ces 3 % de progression de la dotation seront indispensables en 2004.
    Le plus simple serait que le Gouvernement apporte dès maintenant la compensation des 17 millions d'euros qui vont manquer par rapport à la prévision initiale. Rappelons que 22 millions étaient prévus au titre de l'augmentation de la redevance grâce au croisement des fichiers dont l'Assemblée nationale n'a pas voulu. Toutefois, un peu plus de 5 millions sont à déduire du fait de l'inscription dans la loi de la suppression du tarif noir et blanc, ce qui atténue d'autant la perte de ces 22 millions.
    Restent donc 17 millions à trouver, que je demande au Gouvernement de compenser dès maintenant, soit en inscrivant un crédit dans le projet de loi de finances, qui permettrait de régler immédiatement le problème, soit, je le souhaite très sincèrement, en mettant en oeuvre tous les moyens nouveaux possibles pour que le niveau de collecte de la redevance pour 2004 dépasse des estimations initiales, peut-être un peu pessimistes, en tout cas un peu justes.
    Les moyens ne manquent pas, à commencer par les moyens légaux. L'arsenal de nouvelles mesures que nous avons adopté avis à tiers détenteur, pénalités pour les redevables et les vendeurs, droit de communication - permettra de poursuivre plus facilement les mauvais payeurs, et ce dans le cadre du droit commun fiscal. Le statut d'imposition de toute nature de la redevance donne à cet égard des possibilités accrues, qu'il faut impérativement mobiliser dès 2004, pour amener le produit de la redevance à un niveau supérieur aux estimations actuelles.
    Au-delà des outils légaux, nous disposons également de plusieurs moyens de sensibilisation de l'opinion publique. Paradoxalement, cette récente affaire du croisement des fichiers, qui n'est qu'un épisode de la lutte que le Gouvernement comme le Parlement entendent mener contre la fraude à la redevance, devrait à cet égard avoir un effet positif : le projecteur a été braqué sur la fraude, sur l'idée que l'Etat est déterminé à lutter contre celle-ci au nom de l'équité fiscale, tout simplement parce que ce que ne payent pas les uns, il faudra en faire supporter le coût ou bien au service public, ou bien aux autres contribuables augmentant la redevance pour compenser le manque à gagner. L'équité fiscale, c'est aussi une lutte contre la fraude la plus efficace possible.
    Ajoutons que la réforme que nous appelons tous de nos voeux pour 2005 devrait rendre la fraude encore plus difficile et par là même inciter tout un chacun à se mettre en règle avant 2005. Cette idée aussi devrait pouvoir passer dans l'opinion publique.
    Au cours de mes auditions préparatoires, j'ai interrogé, entre autres, le patron de Canal Plus, M. Méheut. « Vous ne voulez pas du croisement des fichiers, ce que je comprends parfaitement, lui ai-je dit. Mais qu'êtes-vous prêt à faire pour réduire la fraude ? Etes-vous prêt à utiliser les moyens dont vous disposez dans vos relations avec vos millions d'abonnés - 9,5 millions d'abonnés pour les opérateurs de télévision payante - pour leur rappeler les exigences de la loi quant au paiement de la redevance ? » Ce à quoi le président de Canal Plus, dans une lettre dont un exemplaire a été adressé à Gilles Carrez, notre rapporteur général, a répondu : oui, nous sommes prêts à le faire.
    En résumé, l'utilisation conjointe des moyens que nous donne dorénavant la loi et des moyens de sensibilisation de l'opinion publique devrait nous permettre de franchir un cap déterminant en 2004 et de dépasser les estimations initiales en matière de montant de la redevance et ainsi récupérer ces 17 millions qui nous manquent sur un total de plus de 2 milliards de redevance, auxquels il convient d'apporter près de 0,5 milliard au titre de la compensation des exonérations. Cet objectif est à notre portée, pour peu que nous nous y engagions résolument.
    Si tel n'était pas le cas, s'il était constaté que nous n'avons pas totalement récupéré ces 17 millions nécessaires pour atteindre les 3 % d'augmentation des ressources publiques de l'audiovisuel, il faudrait que le Gouvernement s'engage à apporter le complément sous forme de crédits budgétaires au cours de l'année 2004, au nom du respect de sa signature dans les contrats d'objectifs et de moyens.
    Les moyens alloués pour 2004 sont adaptés aux besoins des organismes du service public de l'audiovisuel. France Télévisions bénéficie d'une dotation en progression de 3 % par rapport à 2003. Les moyens que le contrat d'objectifs et de moyens initial signé par le précédent gouvernement prévoyait d'affecter à la création de nouvelles chaînes sur la TNT sont donc préservés - c'est important - , mais réorientés sur France 2, France 3 et France 5, dont les investissements dans les grilles de programmes devraient croître de plus de 4 %. La renégociation en cours du contrat d'objectifs devrait permettre de renforcer la dimension culturelle et éducative des programmes et leur dimension de proximité en élargissant les horaires de diffusion des programmes régionaux de France 3. Enfin, et je sais que mon ami Pierre-Christophe Baguet y est très attaché, l'accessibilité des programmes du service public aux sourds et malentendants sera améliorée.
    La dotation publique d'ARTE France augmentera de 3 %. La priorité pour ARTE sera de financer une nouvelle grille de programmes, plus lisible et plus accessible et de développer une programmation de journée.
    Par ailleurs, afin de renforcer les atouts dont dispose RFO pour conforter son développement, la question de son intégration au sein du groupe France Télévisions, dans le respect des spécificités et de l'identité propres de l'entreprise, est actuellement examinée.
    En 2004, la Maison de la radio doit faire l'objet d'importants travaux d'aménagement et de sécurité. La société poursuivra son développement autour des grands axes stratégiques arrêtés depuis trois ans, notamment le développement des radios locales dans le cadre du Plan bleu et la poursuite du plan de numérisation de stations du groupe.
    Un mot sur RFI, non sans avoir une pensée pour Jean Hélène, lâchement assassiné hier, ainsi que pour toute sa famille et le personnel de la station. L'augmentation de dotation publique de RFI lui permettra de financer son activité dans l'attente de la signature d'un contrat d'objectifs actuellement à l'étude.
    L'INA, quant à lui, bénéficiera d'une dotation en croissance de 1,5 % et pourra ainsi poursuivre son plan de sauvegarde et de numérisation des archives audiovisuelles. A ce propos, s'il apparaît nécessaire de réduire, fût-ce temporairement, les apports de ressources publiques en 2004 pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure, je souhaite que le plan de sauvegarde de l'INA soit préservé. Il répond en effet à une urgence : ce qui n'est pas sauvegardé dans le patrimoine est, ne l'oublions jamais, irrécupérable.
    Les enjeux de 2004 pour l'audiovisuel public sont multiples. C'est aussi en 2004 en effet que sera lancée la réforme de la collecte de la redevance. Je rappellerai simplement la nécessité, déjà soulignée ici même par le Premier ministre et le ministre du budget, d'une concertation avec les élus, en particulier les maires, pour éviter toute ambiguïté : si la redevance et la taxe d'habitation sont désormais collectées conjointement, elles ne doivent en aucune manière être confondues dans l'esprit des contribuables. La concertation avec le personnel du service de la redevance, dont l'évolution doit être préparée dès cette année, est, elle aussi, une nécessité.
    Il convient également de réfléchir aux moyens de rendre compatibles la démarche des contrats d'objectifs et de moyens qui s'étendent sur plusieurs années, et la fixation, chaque année, par le Parlement des ressources nécessaires. Ces deux démarches, l'une et l'autre légitimes, peuvent sembler, à première vue tout au moins, contradictoires. Toute la difficulté sera de trouver la bonne articulation entre la nécessaire pluriannualité et le respect des pouvoirs du Parlement afin de parvenir à l'harmonie.
    Les efforts d'économie et de productivité au sein de chaque établissement bénéficiaire de la redevance, notamment le groupe France Télévisions, devra être poursuivi, qu'il s'agisse des synergies à développer ou de la réflexion sur les charges et la gestion du personnel de l'audiovisuel public, permanent ou intermittent.
    Le lancement de la chaîne d'information internationale, dont le coût est actuellement estimé à 70 millions d'euros en première année d'émission, devra être l'occasion de redéfinir notre politique audiovisuelle extérieure...
    M. Michel Françaix. Il serait temps !
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. ... sans qu'il en coûte davantage à l'Etat. Je souhaiterais personnellement que la réception de cette chaîne soit possible dans l'Hexagone, même si je ne méconnais les difficultés qu'elle pose. N'oublions pas que la France est la première destination touristique du monde. Pourquoi les 72 millions d'étrangers qui viennent en France chaque année seraient-ils privés de la possibilité de voir la chaîne internationale quand il se trouvent en France, alors que c'est une bonne occasion de la leur faire découvrir et de leur donner envie de la regarder quotidiennement une fois rentrés chez eux ?
    M. Michel Françaix. Cela gênerait LCI !
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. S'agissant du lancement de la TNT à l'horizon de décembre 2004, le Gouvernement devra indiquer clairement comment il prévoit, à court terme, d'utiliser les trois canaux réservés au service public. La diffusion d'Histoire et de Festival représenterait en 2004 un enjeu d'environ 20 millions d'euros, et de 30 millions d'euros par la suite. La question de l'utilisation du troisième canal doit être réglée assez rapidement afin que le CSA puisse le réattribuer à une chaîne privée gratuite ; on sait l'importance que revêt, pour le succès de la télévision numérique terrestre, une offre la plus large possible, dans la mesure où il est illusoire d'espérer un basculement si le téléspectateur n'y trouve pas grand-chose de plus que ce qu'il reçoit en analogique.
    Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de bien vouloir vous acheminer vers votre conclusion.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il nous faudra du reste réfléchir à l'aide au lancement de la TNT et à l'équipement des téléspectateurs. La production audiovisuelle mériterait également un développement, mais je n'en ai malheureusement pas le temps.
    Concernant la presse écrite, les aides sont globalement consolidées, même si les aides à la SNCF et à la presse à l'étranger font l'objet d'études en cours qui justifient un certain allégement, temporaire, de l'engagement de l'Etat.
    Le Fonds de modernisation de la presse fait l'objet de longs développements dans le rapport écrit. On remarque un effort de rigueur dans sa gestion, l'objectif étant d'éviter les reports trop nombreux et de mieux s'assurer de l'effet positif de cet outil tout à fait légitime et intéressant.
    L'Agence France-Presse vient d'adopter le contrat d'objectifs et de moyens. Elle pourra ainsi sortir de sa situation difficile, l'objectif étant naturellement de parvenir à une réelle maîtrise de la masse salariale et de mener à bien le développement du projet vidéo.
    Rappelons que l'Agence France-Presse est un outil exceptionnel, sans équivalent, de la présence française dans le monde de l'information. Nous avons collectivement le devoir d'assurer son avenir, l'AFP de son côté ayant celui de se réformer. Ainsi les objectifs fixés pourront être atteints.
    Un plan ambitieux pour la presse a été annoncé par le Premier ministre. Il y a effectivement matière à revoir la façon dont les aides actuelles atteignent leurs objectifs afin que l'utilisation de l'euro public soit la plus efficace possible. La presse est amenée à évoluer du fait de la concurrence des nouvelles technologies de l'information, de la baisse du lectorat, notamment parmi les jeunes, et de la future concurrence des télévisions locales. Autant d'enjeux nouveaux qui doivent faire l'objet d'un examen et de mesures appropriées.
    On a vu surgir tout au long du débat, ces dernières semaines, des questions sur la légitimité du périmètre actuel du service public, sur la différence entre certaines parties du service public et le privé. Pourquoi payer une redevance ? Je crois effectivement que le service public doit s'attacher à mieux justifier de son identité et de l'utilisation de ses ressources publiques.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Tout à fait !
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il doit également faire un effort pour expliquer comment il utilise cette ressource. Je l'avais dit l'année dernière, je le redis cette année : le service public n'est pas naturel, il est culturel. Cela suppose une volonté de tous les intervenants, y compris de ceux qui ont la responsabilité du service public. Je souhaite que, sur ce terrain également, des progrès soient réalisés en 2004.
    En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances a adopté les crédits de la communication et vous demande d'émettre un vote favorable à leur adoption.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles a considéré que votre projet de budget de l'audiovisuel public 2004 était un bon budget. Il s'élève à 3,44 milliards d'euros, soit une progression de 3,6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2003, avec une recette estimée pour la redevance en augmentation de 3 % et des ressources propres estimées à 5,6 %.
    En évoquant rapidement les différents organismes, on peut souligner la hausse de 3,5 % significative et méritée pour France Télévisions : il faut notamment saluer le succès d'audience de France 5. Je me réjouis également que l'accessibilité des programmes du service public pour les sourds et les malentendants soit un objectif. J'avais, l'année dernière, avec mon collègue Jean-Christophe Lagarde, déposé un amendement en ce sens qui avait été adopté à l'unanimité dans cet hémicycle.
    ARTE France bénéficiera d'une hausse de 3 %. Pour Radio France, la hausse sera de 4,1 %, pour RFO de 2,2 %, pour l'INA de 1,5 % et pour RFI de 2 millions d'euros. On ne peut parler de RFI sans avoir une pensée émue pour le journaliste Jean Hélène, assassiné dans l'exercice de ses fonctions en Côte d'Ivoire.
    Je ne vais pas vous redonner l'ensemble des chiffres car mon excellent collègue de la commission des finances, Patrice Martin-Lalande, vient de le faire. J'aimerais, en revanche, m'arrêter quelques minutes sur des interrogations émises par notre commission, à commencer sur les recettes estimées de la redevance.
    Notre commission s'est inquiétée de votre proposition d'exploiter les fichiers des abonnés au câble et au satellite pour lutter contre la fraude. Si une telle lutte est légitime aux yeux de tous les membres de la commission, ceux-ci se sont interrogés sur les atteintes portées aux libertés individuelles, réserves par ailleurs exprimées par la CNIL. De plus, cette idée ne manque pas d'effets pervers, à commencer par les conséquences directes sur le financement de notre cinéma. Rappelons que les chaînes privées payantes sont les principales contributrices à une filière déjà fragilisée.
    Pour en revenir au financement, la hausse du produit attendu pour la redevance se monte à 104 millions d'euros. Quelle est la part de l'augmentation de l'effet d'accroissement mécanique du parc ? Quelle est celle de la lutte contre la fraude à la redevance dans ce montant ? La commission manque cruellement d'informations ! Le manque de transparence du ministère des finances sur les montants réels de la collecte, sur les reliquats, ne facilite vraiment pas notre tâche.
    Il semblerait que la réécriture de l'article 20 de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, dans la nuit de lundi à mardi, entraînerait une baisse des recettes de 22 millions d'euros. Il faut tenir compte des conséquences de la suppression du tarif des téléviseurs noir et blanc, estimées à 5,3 millions d'euros. Il manquerait donc près de 17 millions d'euros !
    Le service public a besoin de cette somme ! Sa disparition aurait des conséquences graves ! Je pense notamment au déménagement impératif de Radio France, au développement du réseau France Bleu, à la poursuite de la numérisation des différentes antennes. Je pense aussi à France Télévisions, à l'identité et au public retrouvé de France 2, au risque de remettre en cause des programmes culturels futurs, déjà engagés ou en passe de l'être, et aussi à France 3, à sa régionalisation et à sa politique culturelle de décentralisation, sans oublier France 5, qui verrait sacrifiée brutalement une progression qui fait l'admiration de tous. Je pense à l'accélération fondamentale de la numérisation des archives de l'INA, au risque d'une disparition pure et simple d'ARTE France, dont le financement est déjà insuffisant. Je rappelle par ailleurs à ce propos que la part de financement de l'Allemagne s'aligne par contrat sur la nôtre.
    Si les contrats d'objectifs et de moyens offrent la lisibilité nécessaire et légitime au développement de chacun, encore faudrait-il que les gouvernements successifs respectent leurs engagements dans la durée. Entre les contrats non signés, ceux qui arrivent à échéance, ceux qui sont révisés, il faudrait plus de rigueur pour pouvoir être plus exigeant dans l'intérêt de nos concitoyens.
    Aussi, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour faire comprendre au Premier ministre et à vos collègues de Bercy l'importance de ces enjeux auxquels notre commission est très attachée. Si nous avons confiance dans le Gouvernement pour qu'il trouve la solution budgétaire la plus adaptée, il nous faut reconnaître que les procédures actuelles ne sont pas satisfaisantes.
    Notre deuxième interrogation porte sur la hausse estimée des ressources propres de 5,6 %, 7 % pour la seule publicité ! Le taux semble bien élevé. Aussi, nous espérons qu'il n'y a là aucune corrélation avec la campagne qui se développe en ce moment dans la presse sur un retour à un créneau publicitaire de huit à douze minutes par heure !
    M. Michel Françaix et M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Enfin, la commission s'est interrogée sur la redéfinition du périmètre de l'audiovisuel public. Intégration de RFO au groupe France Télévisions ? Financement de RFI, sa double tutelle, son adossement à Radio France ? Création de la chaîne d'information internationale et, enfin lancement de la TNT ? Pouvez-vous, monsieur le ministre répondre à nos légitimes interrogations ?
    J'en viens maintenant aux aides à la presse. Les aides directes connaîtront une nouvelle baisse de 7 % après 11 % en 2003. La hausse globale de 0,5 % repose exclusivement sur l'accroissement très significatif de 3 % à l'AFP. Réjouissons-nous que notre agence de rang mondial puisse enfin redresser ses finances dans la sérénité. Encore faudrait-il que l'Etat honore ses dettes du prêt participatif et de la surindexation pour 2003 !
    Pour la presse, la commission a exprimé des inquiétudes soutenues. Elle subit en effet année après année une concurrence toujours plus vive des autres médias. Elle est inquiète avec raison sur l'avenir de ses rapports avec La Poste et sur l'ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision. Je sais que vous suivez de près les travaux de M. Henri Paul pour La Poste et que vous avez lancé un groupe de travail sur la remise à plat des aides à la presse. Ce sont de bonnes décisions mais il y a urgence. Des mesures pontuelles seraient nécessaires. Ne pouvons-nous pas étendre par exemple les aides à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale à la presse quotidienne régionale ? J'ai d'ailleurs déposé un amendement demandant un rapport sur ce point. J'avais aussi déposé un amendement, malheureusement rejeté au titre de l'article 40, proposant une exonération de taxe professionnelle pour les diffuseurs de presse pour leur activité de presse. Je pense notamment aux kiosquiers, si contraints et si menacés, et aux sociétés de portage.
    De même, pourquoi, face à l'ouverture à la télévision des secteurs publicitaires jusqu'à présent interdits, ne pas lancer un plan général pour aider la presse à affronter ce nouveau choc publicitaire et financier, si lourd et si dramatique ? Pourquoi ne pas inscrire le sauvetage de la presse dans le combat universel de la diversité culturelle ?
    En conclusion, monsieur le ministre, la commission, sous réserve de ces interrogations, a donné un avis largement favorable à votre projet de budget.
    M. Michel Françaix. « Largement », je n'irais pas jusque-là !
    M. Pierre-Christophe Baguet rapporteur pour avis. Maintenant, permettez-moi de parler de la radio et de ses nouveaux défis.
    La radio en quelque chiffres : 87 % de nos concitoyens ont écouté au moins une fois la radio dans les dernières vingt-quatre heures et 93 % dans les dernières quarante-huit heures ; la durée moyenne d'écoute quotidienne est de trois heures ; chaque foyer dispose en moyenne de 5,7 postes.
    Nos concitoyens ne comprennent pas qu'ils ne puissent, à l'époque du téléphone portable universel, capter sur la totalité du pays la station de radio de leur choix. Quand c'est éventuellement possible, ils doivent parfois se lancer dans des recherches interminables pour retrouver la bonne fréquence. Je vous propose comme réponse une replanification de la bande FM et un engagement fort dans la radio numérique.
    Tout d'abord la bande FM. Entre 2006 et 2008, près de la moitié des 3 400 autorisations de radios privées vont parvenir à expiration. Voilà une formidable occasion d'optimiser la gestion du spectre. Il faudra une décision politique forte dans un cadre aux objectifs clairs : toutes les radios existantes doivent être protégées ; les services de radio à vocation nationale doivent bénéficier d'une couverture nationale et d'une fréquence unique ou maîtresse, avec une priorité clairement affichée pour les radios d'information politique et générale et celles du service public, gage du lien social dans notre pays ; les radios associatives doivent être protégées ; il faut respecter un équilibre des trois tiers, à savoir un tiers de radios publiques, un tiers de radios privées et un tiers de radios indépendantes et associatives.
    Quant au numérique, je propose deux objectifs : prolonger et étendre l'expérimentation du DAB, Digital Audio Broadcasting, en prorogeant ce qu'on appelait la petite loi Fillon, et s'ouvrir au DRM, Digital Radio Mondial.
    Une fois ces principes posés, un engagement politique clair est nécessaire. Il devra dépasser les enjeux commerciaux particuliers et les résistances administratives à la réforme, même déguisées en obstacles technologiques, lesquels, au demeurant, ne sont plus un problème.
    De même, le CSA devra réaliser d'ici à la fin 2004 une enquête complète et précise sur les possibilités d'évolution du spectre FM et les gains de fréquence rendus possibles tant par une remise à plat totale que par des améliorations à la marge. Il faut que ce soit un rapport positif.
    C'est pourquoi, pour conclure sur ce sujet, je propose qu'une loi adaptée repose sur les principes clairs que je viens de définir, que le Gouvernement prenne des engagements financiers précis, que l'on renforce la compétence et l'indépendance technique du CSA, que l'on accorde au service public de la radio une plus grande liberté vis-à-vis de TDF, et que l'on définisse un calendrier rigoureux pour l'ensemble des réformes, à la veille de la redistribution des 1 500 fréquences privées sur 3 400 entre 2006 et 2008.
    A votre demande, monsieur le ministre, les services de la direction du développement des médias - M. Seban est ici présent - travaillent en ce moment même sur le sujet. Aujourd'hui, ils sont prêts, ou presque prêts. La problématique est posée. Des solutions vous sont apportées. Au Gouvernement dorénavant de s'engager. Je compte sur votre soutien, vous pouvez compter sur le nôtre.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    Mme la présidente. Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole, monsieur le rapporteur pour avis.
    La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le projet de budget pour 2004 que j'ai l'honneur de vous présenter marque bien l'engagement du Gouvernement en faveur du service public de la radio et de la télévision et de la presse écrite.
    Je commencerai, de façon tout à fait classique, en abordant le secteur de l'audiovisuel.
    Vous le savez, le Gouvernement propose au Parlement que la ressource publique affectée au service public de l'audiovisuel bénéficie en 2004 d'une croissance de 3 % par rapport à 2003. Cet objectif témoigne du réel attachement du Gouvernement au développement des sociétés qui composent l'audiovisuel public : France Télévisions, ARTE, RFO, Radio France, RFI et l'INA. On fait parfois mine, dans le débat sur la redevance, de considérer que la question ne concerne que France Télévisions, mais un grand nombre de sociétés de l'audiovisuel public sont concernées.
    Pourquoi une croissance de 3 % ? Il y a un an, au cours du débat budgétaire, je vous faisais part de mon attachement à l'existence, à la pérennité, au développement même d'un service public audiovisuel fort et singulier. Le Gouvernement a fermement écarté toute perspective de réduction du périmètre de ce service. Dans le même temps, je vous le rappelle, j'ai souhaité éviter toute dispersion des moyens dans la création de nouvelles chaînes, contrairement à ce qui avait été prévu par le gouvernement précédent. Cela me paraît responsable et sage. Nous préférons approfondir les missions de service public plutôt que de disperser les moyens sur des projets supplémentaires.
    A nos yeux, le service public est investi d'une mission très importante pour l'équilibre et la qualité de l'ensemble du paysage audiovisuel. Il doit incontestablement constituer une référence pour l'ensemble du secteur, offrir un espace d'innovation et d'audace, contribuer fortement à la qualité des programmes qu'il propose à tous les Français, surtout à ceux qui ne constituent pas une cible commerciale. C'est là, je le crois, l'honneur et la noblesse du service public. On a vu, dans les pays où le service public s'était dégradé, à quel point la qualité de l'ensemble de l'offre audiovisuelle et radiophonique s'était dégradée. Le service public a un rôle moteur pour l'ensemble des programmes proposés par la télévision et par la radio.
    Pour atteindre ces objectifs, nos entreprises ont besoin de moyens suffisants, s'agissant notamment de produire ou d'acquérir des programmes de qualité, et cela dans un contexte de vive concurrence.
    Je suis conscient que ces moyens, et notamment ces moyens supplémentaires, nos entreprises doivent d'abord savoir les dégager en interne par une meilleure gestion des moyens que la nation leur a déjà consentis. C'est ce que fait France Télévisions à travers un plan d'économies et de synergie de 170 millions d'euros d'ici à la fin 2005. C'est également ce qu'a fait l'INA, qui a su recentrer son activité au cours des dernières années sans augmentation de moyens budgétaires.
    Au-delà de ces nécessaires efforts de gestion et de productivité, il est également de la responsabilité de l'Etat de favoriser une meilleure organisation du secteur de façon à permettre que les économies réalisées concourent à l'abondement des moyens affectés aux programmes. C'est le sens de l'adossement en cours de RFO à France Télévisions. C'est cette logique qui soutient notre réflexion sur une meilleure association entre Radio France et RFI. De façon générale, j'estime qu'on a rien à gagner, au contraire, à la prolifération du nombre d'opérateurs et de sociétés opératrices, ce qui ne signifie pas naturellement que je souhaite une diminution du nombre de programmes ou d'antennes.
    La ressource que permettent de dégager ces efforts de meilleure gestion et de meilleure organisation doit cependant être complétée, et c'est le sens de ce budget, par un accroissement de la ressource publique à hauteur de 3 %. N'oublions pas, en effet, que nos entreprises publiques, notamment celles de la télévision, évoluent dans un environnement concurrentiel caractérisé par une forte croissance des ressources des opérateurs privés, notamment publicitaires, et je pense en l'occurrence à TF1 et à M6.
    Dans un tel contexte, il nous appartient de veiller à ce que la télévision publique puisse réellement exprimer, aux côtés des opérateurs privés, une alternative crédible et séduisante, s'appuyant sur des priorités qui lui ont été fixées par le Gouvernement :...
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. A juste titre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... amélioration de la qualité des programmes, augmentation sensible du volume des programmes de proximité, surtout pour France 3, numérisation de l'activité radiophonique et sauvegarde du patrimoine audiovisuel, dont chacun connaît la grande fragilité et qui est tout simplement menacé de disparition.
    S'agissant de France Télévisions, la priorité doit être donnée à la qualité des programmes sur les trois chaînes nationales. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que cette orientation délibérée soit clairement affichée dans le contrat d'objectifs et de moyens du groupe qui sera modifié par avenant d'ici à la fin de l'année.
    Cette ambition de qualité vise à renforcer la dimension éducative et culturelle au sens large du terme des programmes - je ne pense pas seulement à la retransmission de pièces de théâtre ou de concerts - et à asseoir la production et la diffusion des programmes de proximité sur France 3. L'objectif a été fixé à France 3 de doubler en cinq ans l'offre de programmes de proximité. L'attente de nos concitoyens est réellement forte. Le succès de la nouvelle formule du « 19/20 » montre bien l'attachement de nos concitoyens à des programmes de proximité, réellement enracinés dans la réalité humaine, économique, sociale, culturelle de chacune de nos régions.
    Ce souci de qualité, et donc de service du public, trouve également son expression dans le sous-titrage des programmes de façon, au nom de l'équité, à rendre la plus grande partie de nos programmes accessibles aux sourds et malentendants. Un plan de rattrapage a été engagé à cet effet. Il doit permettre à 50 % des programmes d'être sous-titrés d'ici à 2006, contre 15 % seulement aujourd'hui. Avant-hier, je me suis rendu à Bourges pour y présenter, avec Marie-Thérèse Boisseau, les premières journées « Art Culture Handicap ». Le président de France Télévisions m'accompagnait dans ce déplacement, nous avons beaucoup insisté sur cet engagement très fort du service public de la télévision en faveur des sourds et des malentendants.
    Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions devrait également intégrer des perspectives d'engagement plus volontaire encore en faveur du cinéma et de la production audiovisuelle et notamment - j'ai été frappé au MIPCOM par la qualité de la production française dans ce domaine en faveur de l'animation. La France a su se hisser au rang de premier producteur européen et de troisième producteur mondial après les Etats-Unis et le Japon pour les oeuvres d'animation. La pérennité de cette réussite, à la fois industrielle, commerciale et artistique, justifie le soutien des pouvoirs publics et de la télévision publique.
    En additionnant abondement des moyens et efforts de productivité, nous souhaitons tout faire pour que les moyens nouveaux conquis pour France Télévisions soient réellement tournés vers l'amélioration de la grille, dont le financement devrait bénéficier en 2004 d'un taux de croissance de 4 %, ce qui indique bien que la priorité est réellement donnée, non pas au développement des dépenses de structures, mais au financement accru de la grille.
    Quelques mots sur ARTE. Elle devrait bénéficier d'une dotation en hausse de 3 %, une hausse orientée, là encore, vers le financement des programmes, ceux-ci ayant vocation à être diffusés vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur le câble et le satellite et à occuper, vous le savez, un canal entier de la TNT, France 5 bénéficiant, à son tour, de l'attribution d'un canal entier.
    S'agissant de RFO, la ministre de l'outre-mer et moi-même lui avons proposé de nouvelles perspectives pour son avenir. C'est ainsi qu'est prévue, afin de favoriser à la fois le développement de l'offre de programmes spécifiques et l'affirmation plus nette du principe de continuité territoriale des programmes, la filialisation de RFO au groupe France Télévisions, mais cela, naturellement, dans le strict respect des spécificités de l'outre-mer et du caractère particulier de la société RFO. Cette nouvelle perspective fait actuellement l'objet d'une large concertation. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt - et beaucoup de gratitude envers les personnels concernés - que cette perspective avait reçu un accueil très favorable de la part du comité central d'entreprise de RFO.
    S'agissant de la radio de service public, il est prévu que Radio France bénéficie en 2004 d'une hausse de sa dotation de 7,1 millions d'euros. C'est une façon pour l'Etat de concourir notamment aux travaux de mise en sécurité de la Maison de la radio. La préfecture de police de Paris a en effet exigé, de façon préventive, la mise en oeuvre de travaux importants pour améliorer la sécurité des agents de Radio France et de celle du public reçu dans ce bâtiment, qui doit être mis en conformité. Ces travaux seront aussi l'occasion d'accélérer la numérisation de la production des programmes de Radio France, et notamment de France Inter. Il vous est proposé, à ce titre, que la ressource publique de Radio France augmente au total de 3,6 % l'année prochaine.
    Radio France internationale, qui dispose encore d'un statut particulier puisqu'elle est soumise à une double tutelle - celle du ministère des affaires étrangères et celle du ministère de la communication -, bénéficiera d'une ressource en provenance de la redevance en hausse de 2 %. Cette hausse complétera la dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères, qui augmente de 1,5 %.
    Je ne peux aborder la question de l'avenir de RFI sans évoquer devant la représentation nationale, comme vous l'avez fait, messieurs les rapporteurs, la mémoire de Jean Hélène, reporter de RFI en Afrique, et notamment en Côte d'Ivoire. Ce journaliste, dont tout le monde a salué les qualités humaines et l'engagement professionnel, a été assassiné, le mot n'est pas trop fort, à l'âge de cinquante et un ans à peine, dans un pays hélas tragiquement troublé. La mort de Jean Hélène souligne une nouvelle fois à quel point le service exigeant de l'information est un métier noble, un métier à risques, un métier engagé. Je m'associe naturellement au deuil des siens - son corps sera rapatrié aujourd'hui - et à l'immense tristesse de ses confrères de RFI. Je me suis rendu hier matin au siège de la chaîne et j'ai pu constater avec beaucoup de tristesse la consternation des équipes de cette société de radio, mais également la force de leur mobilisation en faveur de la dignité et de la liberté de l'information.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. S'agissant, enfin, de l'INA, notre priorité est, comme vous le savez, de favoriser la sauvegarde des fonds qu'il conserve, à travers l'amplification des programmes de numérisation. Pour prendre la mesure de ce chantier, qui s'étalera sur plus de dix ans, et pour tenter d'avoir une vision plus globale de toutes les questions relatives à la conservation de notre patrimoine audiovisuel et cinématographique, j'ai confié une mission à Hubert Astier, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, dont les conclusions seront rendues dans le courant du premier semestre 2004. Je souhaite naturellement vous en saisir, comme je souhaite bénéficier de vos propres réflexions et de votre connaissance du dossier. Plus qu'une perspective, la nécessité de procéder à un plan de sauvetage de grande ampleur de notre patrimoine audiovisuel est, pour le ministère de la culture et de la communication, tout simplement un devoir.
    Dans cette attente, le projet de budget prévoit, après la simple stagnation de la ressource publique de l'INA au cours des dernières années, une croissance de 1,5 %, conformément d'ailleurs au contrat d'objectifs et de moyens qui lie cette société à l'Etat.
    Au total, le Gouvernement a proposé une augmentation de la ressource publique de nos entreprises de 74 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les ressources propres générées par leur effort de meilleure gestion et par l'augmentation de 5,6 % par rapport à 2003 de leurs recettes publicitaires, et cela naturellement - je tiens à vous le préciser pour qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté à cet égard - sans qu'il soit envisagé de hausse de la capacité publicitaire de l'audiovisuel public. Il s'agit donc d'une hausse mécanique liée en partie à la reprise annoncée du marché publicitaire dont on voit d'ailleurs les premiers frémissements.
    Comment cet objectif sera-t-il atteint ?
    Le Gouvernement vous a proposé qu'il le soit sans que soit augmenté le barème de la redevance, qui resterait ainsi à 116,5 euros. C'est donc par le biais de l'amélioration du rendement de la redevance que le projet de loi de finances prévoit d'atteindre la croissance des ressources nécessaires. A cet égard, le ministère des finances a proposé que soient améliorés les moyens de lutte contre la fraude, qui distrait, selon les experts, 7 % de la ressource potentielle de la redevance. C'est la raison pour laquelle il vous a été proposé d'autoriser le croisement des listes des contribuables de la redevance et de celles des abonnés aux services payants de télévision. Votre vote, intervenu dans la nuit du lundi 20 au 21 octobre - je vois M. le rapporteur spécial me rappeler par un signe qu'une mesure draconienne a alors été prise - nous place, dans l'attente de la conclusion du débat législatif, dans une situation nouvelle, à laquelle il nous appartiendra de trouver une issue puisque personne ne conteste la validité de la perspective de croissance de 3 %.
    Quoi qu'il en soit, je vous confirme ma totale résolution, pour la partie qui me concerne, à concourir au nécessaire travail de redéfinition des modalités d'établissement et de recouvrement de la ressource fiscale spécifique affectée à l'audiovisuel public, que vous avez, mesdames, messieurs les députés, appelé de vos voeux le 21 octobre.
    M. Michel Françaix. Nous l'appelons de nos voeux depuis dix ans !
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est tout le sens du groupe de travail dont je vous ai proposé la création afin que le Parlement et le Gouvernement travaillent de conserve sur cette affaire déterminante pour l'avenir.
    Vous êtes sensibles, je le sais, à la question de la lutte contre la fraude. En effet, il ne faudrait surtout pas que votre vote puisse accréditer l'idée qu'il y aurait, de la part de la représentation nationale, une forme de tolérance à cet égard.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Surtout pas !
    M. le ministre de la culture et de la communication. J'estime que les mesures proposées par le Gouvernement sont moralement justifiées. Il me semblerait en effet absurde que les vingt et un millions de foyers qui s'acquittent de la redevance soient un jour appelés à payer plus pour permettre à ceux qui fraudent de le faire en toute impunité.
    Pour ma part, je considère que, quelles que soient les orientations que prendra notre réflexion sur l'avenir de la ressource affectée à l'audiovisuel, il faudra que nous nous posions la question d'un meilleur dispositif de lutte contre cette fraude, qui appauvrit le service public et appauvrit par là même le service que nous rendons à nos concitoyens.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Exactement.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Les amendements que votre assemblée a adoptés fragilisent, j'en suis conscient, les perspectives de recettes de la redevance de quelque 17 millions d'euros. Le Premier ministre a demandé au ministre des finances de proposer des solutions alternatives pour que l'audiovisuel public puisse néanmoins disposer, en 2004, d'une croissance de la ressource publique de 3 %.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C'est indispensable !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ces solutions vous seront proposées avant la fin du débat parlementaire.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Dans cette attente, nous aviserons sur les dispositions à prendre pour mettre la présentation du budget en conformité. Je souhaite cependant, je le répète, qu'avant la fin du débat budgétaire, dans cette assemblée et au Sénat, des solutions équilibrées soient dégagées pour revenir aux objectifs fixés par le projet de loi de finances.
    Je souhaiterais revenir un instant sur les diverses questions relatives au développement de la radio, évoqué par M. le rapporteur pour avis. Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je suis très heureux que ce sujet soit aujourd'hui au coeur de notre débat. Comme vous le savez, la bande FM est aujourd'hui saturée. Se pose dès lors le problème du développement global du secteur. Certains éditeurs de radio proposent à cet effet de nouvelles méthodes d'organisation et de planification de la bande FM, estimant qu'elles libéreraient de nouvelles fréquences. Cela permettrait à certaines radios de disposer d'une couverture sur l'ensemble du territoire, tout en garantissant, naturellement, parce que nous y sommes également attachés, la diversité de notre paysage radiophonique et le développement de radios locales et associatives.
    Certains experts doutent de la faisabilité technique de ce projet. C'est la raison pour laquelle, pour en avoir le coeur net, j'ai décidé d'engager, avec le CSA, une étude sur ce sujet, dont les résultats seront disponibles au début de 2004. Naturellement, cette étude, monsieur le rapporteur pour avis, s'appuiera très largement sur le travail remarquable que vous avez vous-même réalisé. Ces résultats nous permettront, je l'espère, de nous forger une opinion stabilisée sur les possibilités techniques qui s'offrent réellement à la replanification générale de la bande FM.
    Ne négligeons pas cependant l'intérêt croissant que manifestent les opérateurs privés pour la bande AM, comme en témoigne d'ailleurs le succès du récent appel à candidatures lancé par le CSA. Les projets qui ont été sélectionnés sont de très grande qualité. Je pense aux projets Radiorama, Superloustic, Ciel AM, Radio de la mer, Radio Nouveaux Talents, Radio du temps libre, etc. Je suis également bien conscient du fait que la qualité d'écoute sur la bande FM est actuellement bien plus satisfaisante, notamment pour la diffusion musicale, que celle que l'on peut avoir sur la bande AM.
    Ne négligeons pas non plus, vous avez eu raison de nous rappeler à cette réalité, les perspectives qu'ouvre la numérisation de l'émission et de la réception radiophoniques. La numérisation constitue, en effet, une perspective d'avenir à mes yeux inéluctable, dans laquelle de plus en plus d'opérateurs souhaitent d'ailleurs s'investir. C'est la raison pour laquelle le moment est venu - car il s'agit d'un vieux combat : je me souviens des premiers travaux du président Roland Faure sur cette question - de doter le développement de la radio numérique d'un cadre juridique adapté et pérenne.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Exactement !
    M. le ministre de la culture et de la communication. J'ai constitué, à cet effet, un groupe de travail, en liaison avec le CSA et les acteurs professionnels de la radio. Il engagera, dans les jours qui viennent, une consultation publique afin que chacun puisse s'exprimer sur ce sujet essentiel. J'attends de ces travaux des propositions susceptibles de fournir à la radio numérique un cadre juridique solide. Je compte vous les soumettre par voie d'amendements aux projets de loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle. Je forme d'ailleurs le voeu que ces deux textes puissent trouver un créneau dans un programme législatif très chargé.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Enfin !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je terminerai mon propos par les questions relatives à la presse.
    Le projet de loi de finances consolide - vous avez employé ce terme, monsieur le rapporteur spécial - le dispositif de soutien à la presse écrite à travers ses trois grandes composantes que sont les aides directes, le fonds d'aide à la modernisation et à la distribution, et les abonnements auprès de l'Agence France-Presse.
    Les crédits des aides à la presse s'élèveraient en 2004, si le Parlement votait ce projet de budget, à 164,5 millions d'euros, soit une progression modeste, mais une progression tout de même, de 0,5 % par rapport aux crédits votés pour le budget 2003. Les aides directes à la presse s'organisent, vous le savez, autour de trois grands objectifs : le soutien à la diffusion et à la distribution ; la défense du pluralisme, à travers notamment l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires ; le développement du multimédia. Ces priorités sont maintenues en 2004, avec des crédits qui s'élèveront à 32 millions d'euros.
    Par ailleurs, les ressources du fonds de modernisation de la presse seront maintenues en 2004 à 29 millions d'euros.
    Enfin, l'Etat, vous l'avez souligné, renouvelle son soutien à l'Agence France-Presse. Tout le monde est bien conscient de la chance qu'a notre pays de disposer d'une grande agence d'information à vocation internationale.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Une chance exceptionnelle !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons remporté une belle première victoire à l'UNESCO sur la question de la diversité culturelle. La Conférence générale a, en effet, chargé le directeur général d'élaborer un projet de convention sur la diversité culturelle. Et nous devons nous rendre compte que l'Agence France-Presse est l'un des outils de la diversité culturelle et de la diversité de l'information. Dans un contexte économique global difficile - je parle de celui du marché de l'information -, l'Agence France-Presse se doit de conduire une politique résolue de redressement et de modernisation. Et j'en félicite d'ailleurs sa direction et son personnel, dont je salue la qualité. L'Etat a décidé d'accompagner cette politique en mettant en place des moyens supplémentaires significatifs. Il s'est ainsi engagé sur l'évolution de ses abonnements, dans le cadre pluriannuel d'un contrat d'objectifs et de moyens. Conformément à cet engagement, les crédits prévus au projet de loi de finances 2004 pour les abonnements de l'Etat à l'AFP s'établissent à 103,2 millions d'euros, soit une progression d'un peu plus de 3 % par rapport à 2003.
    Voilà, madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, les principaux éléments d'appréciation sur le budget de la communication pour 2004 que je souhaitais soumettre à votre appréciation, en vous remerciant par avance pour l'accueil chaleureux et généreux que vous leur réserverez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. Maurice Leroy.
    M. Maurice Leroy. Monsieur le ministre, l'UDF se félicite de votre volonté de vous attaquer aux vrais problèmes qui touchent le secteur de la communication. Je pense notamment à vos engagements, réaffirmés à l'instant à cette tribune, concernant l'indépendance de la télévision publique et le renforcement de ses moyens.
    Dans ce contexte, comment se situe le projet de budget que vous présentez ce matin ?
    Tout d'abord, le groupe UDF note avec satisfaction qu'il est meilleur que le budget de 2003, ce qui est encourageant. Toutefois, ce projet de budget reste largement aléatoire pour ce qui est des réalisations...
    M. Michel Françaix. Eh oui !
    M. Maurice Leroy. ... ainsi que l'a souligné le rapporteur : « le budget de l'audivisuel pour 2004 est aussi un budget fragile, car les ressources qu'il affiche sont pour une grande partie hypothétiques, puisque liées à un progrès de la lutte contre la fraude à la redevance et à une reprise de la publicité ».
    J'ai bien compris la conclusion de vos propos monsieur le ministre, il doit au moins y avoir un accord avec Pierre-Christophe Baguet en ce qui concerne l'appel à la générosité de la représentation nationale.
    Le caractère aléatoire est renforcé par les déclarations qu'a faites dans la nuit de lundi à mardi dernier le ministre délégué au budget sur l'article 20 du projet de loi finances pour 2004. Selon lui, « les dispositions du projet de loi de finances auront un impact en 2004 sur les ressources de l'audiovisuel public et sur l'article d'équilibre. A défaut, il faudra en tirer les conséquences budgétaires lors de l'examen du budget de l'audiovisuel public, à hauteur de 22 millions d'euros ». Nous y voilà.
    Vous connaissez l'attachement de l'UDF à un service public de qualité. Or il nous semble inopportun, comme on l'annonce ici ou là, notamment dans la presse, de revenir sur le temps de publicité autorisé dans le service public et de rouvrir ainsi incidemment le débat sur la privatisation de France 2, sans consultation préalable des principaux intéressés, au prétexte de compenser une baisse qui toucherait le service public audiovisuel. Ce reproche ne s'adresse pas à vous, monsieur le ministre, car je suis certain que ce n'est ni vous ni votre entourage qui êtes à l'origine de ce genre de propos parus dans la presse, et dont vous vous seriez bien passés. Pouvez-vous, cependant, apporter un démenti formel à ces rumeurs et, de surcroît, ne pas faire porter aux parlementaires la responsabilité d'une révision de la législation sur l'augmentation des tunnels publicitaires dans le service public audiovisuel ?
    M. Michel Françaix. Il suffit de ne pas la voter !
    M. Maurice Leroy. Cette baisse budgétaire peut être compensée par une bonne collecte de la redevance et de la publicité. Toutefois, comme les chiffres en la matière ne sont pas communiqués, nous ne pouvons pas mesurer si le financement du service public est déséquilibré.
    Comme vous le savez, mes chers collègues, le taux de la redevance et le montant total des ressources publiques allouées au secteur de la communication sont parmi les plus bas des plus grands pays européens. Ainsi, selon un quotidien national, on noterait « un différentiel de 40 % entre l'Allemagne et l'Hexagone ».
    Une autre inquiétude directement liée à cette baisse de 20 millions d'euros du budget concerne la répartition de l'enveloppe budgétaire. Comment va se faire la répartition de ce budget pour l'audiovisuel public ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des éléments plus précis à ce sujet ?
    Enfin, s'agissant de l'audiovisuel public, j'ouvrirai une petite parenthèse sur la chaîne internationale, sujet au goût du jour, pour regretter que les travaux de la mission d'information commune sur la création de la chaîne internationale n'aient pas été davantage pris en compte.
    M. Frédéric Dutoit. C'est un scandale !
    M. Maurice Leroy. Je le dis, j'imagine, au nom de tous les groupes de cette assemblée. En faisant une telle remarque, je souhaite simplement souligner le rôle et la légitimité de notre assemblée lorsque l'argent du contribuable est en jeu.
    En ce qui concerne les autres postes budgétaires, je m'inquiète du sort de la presse écrite. Comme tout un chacun, je suis inquiet lorsque je vois les grandes difficultés auxquelles la presse est confrontée et que j'observe que peu de personnes s'en préoccupent.
    M. Michel Françaix. Vous avez raison !
    M. Maurice Leroy. Or, le budget pour 2004 ne donne pas vraiment un signe encourageant à cet égard.
    M. Michel Françaix. Très juste !
    M. Maurice Leroy. Après une diminution de 11 % des crédits en 2003, le Gouvernement annonce une baisse de 7 % pour 2004. Malheureusement - et cela n'aura échappé à personne -, si l'on enlève du total le montant de la régularisation de l'aide accordée depuis deux ans à France-Soir au titre du fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources budgétaires, les autres aides directes enregistrent une baisse réelle de 15 %.
    M. Michel Françaix. Bien vu !
    M. Maurice Leroy. Le groupe UDF, qui reste très attaché à la valeur de l'écrit, ne peut que s'inquiéter de cette nouvelle baisse. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les aides totales à la presse sont de 750 millions d'euros, soit seulement le cinquième du montant des aides totales à l'audiovisuel public.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
    M. Maurice Leroy. Or, comme vous le savez, la concurrence avec les autres médias est de plus en plus vive et ne va pas aller en diminuant avec l'arrivée de la TNT en 2004 et le développement des nouvelles technologies. De surcroît, les investissements publicitaires, voire les investissements tout simplement, se diversifient de plus en plus. Cela dit, je tiens à préciser, afin qu'il n'y ait pas de malentendu, qu'il est nécessaire de préserver la pluralité et la diversité.
    Pour conclure, je vous ferai une proposition, monsieur le ministre, laquelle est d'ailleurs soutenue par le rapporteur pour avis : elle consiste à vous demander d'utiliser les ressources budgétaires non consommées du fonds de modernisation de la presse en une seule fois, dans le cadre d'un plan d'ensemble global ouvert à toute la presse. Il paraît que Bercy ne serait pas favorable à une telle proposition, préférant thésauriser. Cela lui coûtera pourtant beaucoup plus cher quand il devra agir demain dans l'extrême urgence. Je réitère donc cette demande, au nom du groupe UDF.
    Enfin, nous vous félicitons, monsieur le ministre, du contrat signé avec l'Agence France-Presse. Nous espérons que les engagements pris seront honorés rapidement. Vous l'avez dit, cette agence est mondialement reconnue pour sa compétence. Il faut lui faire confiance et renforcer son indépendance en lui donnant les moyens d'adapter son fonctionnement à la réalité de la communication du xxie siècle.
    Fort de tous ces éléments, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDF votera le budget de la communication. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Françaix. La fin est décevante ! Pourtant, le reste était bon !
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le ministre, vous ne vous étonnerez pas que j'émette un avis différent de celui qui vient jusqu'à présent d'être exprimé dans cet hémicycle.
    M. Maurice Leroy. C'est dommage !
    M. Frédéric Dutoit. Vous vous félicitez de présenter devant la représentation nationale un bon budget, mais nous ne sommes pas dupes : l'augmentation de 3 % est une mystification.
    Si votre objectif était de fragiliser, de marginaliser l'audiovisuel public et de favoriser les chaînes commerciales et privées à grand renfort de cadeaux, de privilèges et de subventions déguisées, vous ne vous y prendriez pas autrement. Votre ténacité est exemplaire en la matière.
    M. Michel Herbillon. C'est à peine caricatural !
    M. Frédéric Dutoit. Auparavant, dans le domaine de l'audiovisuel public, la France était un grand pays européen. Elle doit retrouver son rang, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni, qui ont fait le choix d'un service public fort, de qualité et bien financé.
    Actuellement, nous dérivons inexorablement vers la télé marchande et la télé spectacle. Que dire de ces signes - je pense aux apparitions régulières de l'épouse du Président de la République sur les chaînes publiques - qui laissent deviner que la télévision devient un diffuseur aveugle et bienveillant au service de votre politique ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy. C'est très modéré !
    M. Frédéric Dutoit. S'agissant du problème du financement public - car c'est un problème -, vous tergiversez sur la redevance, pourtant garante aujourd'hui de l'indépendance du service public. Mais d'autres moyens permettraient d'accroître les capacités financières de celui-ci.
    Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner ici il y a un an, une taxe sur la publicité médias et hors médias, une taxe sur les jeux, ainsi que le paiement d'un loyer par les opérateurs privés pour l'utilisation de l'espace public hertzien pourraient constituer d'autres modes de financement de l'audiovisuel public.
    Ce budget est insuffisant, monsieur le ministre. Il ne tient compte ni du passif, ni des enjeux, ni du coût des investissements en matériel et en formation continue des salariés. La technologie évolue très vite, le matériel et les qualifications ont une durée de vie de plus en plus réduite. De surcroît, les chaînes généralistes ont perdu 10 % de téléspectateurs. Enfin, avez-vous oublié que l'Etat doit plus de 20 milliards au groupe public, soit le montant cumulé des exonérations de la redevance non encore remboursées à celui-ci ?
    Dans ce contexte de sous-financement chronique de l'audiovisuel public, qu'est devenu le projet de télévision numérique terrestre, qui devrait être le moteur du développement du service public ?
    Affaiblir l'audiovisuel public, c'est ne pas lui donner les moyens de se financer. Vous êtes bien parti sur cette voie, monsieur le ministre.
    Affaiblir l'audiovisuel public, c'est également empêcher et disqualifier la production publique intégrée et encourager son externalisation. Les chiffres de l'Observatoire européen de l'audiovisuel montrent en effet que les pays qui ont fait le choix d'une politique de service public fort ont aussi une production intégrée forte : 53,5 % en Allemagne, 62,1 % en Royaume-Uni, contre seulement 13,4 % en France - la production privée est donc chez nous de 86,6 %.
    Pour qu'il y ait une telle situation, les décrets Tasca - qui ont pourtant donné beaucoup de pouvoirs aux producteurs privés - ne doivent certainement pas être respectés.
    Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour empêcher les effets d'aubaine de la délocalisation vers des pays à moindre coût ?
    Une telle logique favorise les producteurs-animateurs, les producteurs de fictions et de documentaires, d'ailleurs grands utilisateurs d'intermittents.
    Pour ce qui est intermittents d'ailleurs, au lieu de morigéner le service public, on aurait tout intérêt à aller voir du côté du secteur privé où ont lieu la plupart des abus et des fraudes, mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet.
    C'est bien la privatisation des chaînes et le démantèlement de l'industrie de programmes qui sont en cours avec, pour corollaire, des pertes d'emplois, la suppression de conventions collectives et, finalement, l'abandon de tout intérêt citoyen pour le service public.
    Les crédits alloués à la presse ne sont pas moins consternants. Après deux ans de recul important, vous n'avez toujours pas de politique ambitieuse en matière de presse écrite. L'augmentation des crédits de 0,5 % est bien symbolique. Vous signez en fait l'arrêt de mort de la presse écrite, alors même que la France est déjà le pays où on lit le moins le journal, où la concentration est la plus forte et où le pluralisme de l'offre est le plus réduit.
    Ainsi, vous réduisez l'aide au transport ferroviaire, l'aide à l'exportation de la presse à l'étranger. Les quotidiens à faibles ressources publicitaires ont besoin d'être soutenus,...
    M. Michel Herbillon. C'est ce que nous faisons !
    M. André Chassaigne. Pas suffisamment !
    M. Frédéric Dutoit. ... or vous allez rompre, du fait de ce budget désastreux, l'équilibre d'une économie déjà sinistrée.
    Votre politique budgétaire va remettre en cause l'indépendance, la créativité, le pluralisme et l'innovation de nos médias.
    Pour toutes ces raisons, le groupe communiste votera contre ce projet de budget.
    J'ajoute que la nécessité de faire une intervention synthétique, étant donné que je ne disposais que de cinq minutes de temps de parole, m'a contraint à être parfois peu caricatural.
    M. Michel Herbillon. Bravo pour votre lucidité !
    M. Michel Françaix. Ce fut pourtant une bonne intervention !
    Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Richard.
    M. Dominique Richard. Avec un budget d'ensemble qui enregistre une hausse significative de 5,8 % et une progression de 3,6 % pour le secteur de la communication, vous êtes, monsieur le ministre, un ministre heureux, si tant est que l'augmentation d'un budget soit un signe de succès ! Toutefois, étant donné que ce n'est pas un accroissement des frais de fonctionnement qui entraîne cette progression, je m'autorise à partager votre satisfaction.
    Plus d'ailleurs que l'augmentation nominale, ce qui me semble devoir être souligné, c'est le progrès notable en matière de consommation des crédits. Effet, en 2001 et 2002, ce sont plus de 15 % des crédits de l'ensemble du ministère qui n'avaient pas été utilisés. La présentation budgétaire de l'époque n'avait été qu'effets d'annonce et trompe-l'oeil. Aujourd'hui, nous revenons à plus de sincérité, et ne pouvons que nous en réjouir.
    Ainsi, le budget de 2003, brocardé en son temps par l'opposition, va vraisemblablement consacrer 160 millions d'euros de plus que le précédent au service de la culture au sens large. Que vos services et vous-même, monsieur le ministre, en soyez félicités.
    Cette vertu retrouvée, il faut le souligner, devrait permettre un véritable bond qualitatif en 2004 grâce à la conjugaison d'une augmentation nominale du budget et une exécution optimisée.
    La communication n'est pas en reste, mais permettez-moi d'examiner plus particulièrement le domaine de l'image.
    Si le cinéma - et c'est heureux - enregistre une forte augmentation de la dotation au compte de soutien - plus 7,7 % -, l'audiovisuel s'en sort relativement moins bien, avec une augmentation de 2,8 %.
    Je m'arrêterai quelques instants sur ce secteur, dont la santé est intimement liée à celle de l'audiovisuel public.
    Soulignons, d'abord le geste de moralisation qu'a constitué l'alignement, le 1er juillet dernier, de la taxe vidéo sur celle des entrées en salle. Cette mesure permettra plus qu'un doublement de la recette.
    Ensuite, le soutien apporté à l'effort engagé ces dernières années par les régions va incontestablement dans le bon sens, même si le plafonnement national devra être revu lors des prochains exercices, si on veut faire du tournage dans les régions l'une des armes de la lutte contre la délocalisation inquiétante des tournages et de la post-production : plus de 20 % en 2002 !
    Cette question, essentielle pour la diversité culturelle, bénéficiera du contre-feu que doit constituer le crédit d'impôt que vous mettez en place. Ce dispositif, qui a fait ses preuves dans d'autres pays européens, devra s'appliquer aussi bien aux oeuvres cinématographiques qu'audiovisuelles, notamment d'animation.
    Toutefois, l'accès de la Warner via sa filiale 2003 Productions au compte de soutien peut être un précédent préjudiciable à la production française. Nous aimerions vous entendre à ce sujet et savoir quelles précautions juridiques le Gouvernement entend proposer pour éviter une telle dérive.
    Parallèlement, nul besoin de vous dire combien nous serons attentifs aux risques de détournement des financements CNC que fait courir l'arrêt « Popstar ». La concertation que vous engagez avec la profession sur la redéfinition de l'oeuvre audiovisuelle prend donc une acuité toute particulière.
    La transition avec l'évocation de certaines questions touchant l'audiovisuel public est toute trouvée, surtout à un moment où le plus haut responsable d'une importante chaîne privée réclame - cela nous inquiète - la suppression des quotas d'oeuvres européennes et françaises.
    Les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions ont été respectés. Les objectifs ont même parfois été dépassés, et nous devons nous en réjouir. En revanche, diverses questions restent pendantes en ce qui concerne les recettes.
    Si la redevance n'a pas changé de statut juridique et n'est pas devenue une taxe fiscale, elle enregistre néanmoins un meilleur rendement, puisque vous évaluez à 3 % la progression du produit qu'elle rapporte, et ce sans en toucher le taux, lequel n'aura été augmenté que de 2,8 % en cinq ans.
    Ne nous cachons néanmoins pas la difficulté, l'adoption de l'amendement Carrez ne facilitera pas les choses : il sera difficile d'atteindre un meilleur rendement, faute de nouveaux moyens de lutte contre la fraude. Curieuse conception de la liberté individuelle que celle qui protège l'évasion fiscale !
    Pourtant, cet amendement me semble opportun en ce sens que, reprenant l'esprit des conclusions du rapport Martin-Lalande, il impose pour l'année prochaine une réforme au fond, qui doit pouvoir garantir non seulement la pérennité du financement de l'audiovisuel public, mais aussi rendre la perception de la redevance plus juste et moins onéreuse. Le ministre du budget, au demeurant, ne s'est pas montré défavorable à un adossement à la taxe d'habitation, après consultation des maires. Nous aimerions recueillir votre sentiment sur cette perspective de réforme.
    En attendant, l'amendement Hénart, qui augmente la recette et allège les modalités de recouvrement, est lui aussi le bienvenu,...
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Très bien !
    M. Dominique Richard. ... même s'il ne peut prétendre à lui seul répondre à la question des ressources de l'exercice 2004.
    Se pose également la question majeure de l'accès des sourds et malentendants, évoquée par notre collègue Michel Bouvard durant l'examen de la première partie de la loi de finances. Seulement un cinquième des programmes sont accessibles à cette catégorie de la population. Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez souhaité amender le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour remédier à cette carence, avec l'objectif d'atteindre un taux de 60 % en 2007. Nous souhaiterions néanmoins avoir quelques précisions quant au calendrier et aux modalités concrètes des améliorations que vous souhaitez.
    L'ouverture de la publicité à quatre secteurs jusque-là interdits soulève des problèmes d'une autre nature. Des interrogations subsistent sur les secteurs de la distribution et de l'édition littéraire. J'aimerais être rassuré sur l'équilibre réel de la concurrence entre les chaînes nationales hertziennes et les chaînes thématiques diffusées par câble ou satellite, les futures chaînes locales ou la TNT.
    M. Michel Françaix. Très bien !
    M. Dominique Richard. Aujourd'hui, les chaînes nationales captent 95 % des recettes publicitaires, TF1 et M6 en récoltant à elles seules 70 % pour 46 % de parts d'audience.
    M. Michel Françaix. Eh oui !
    M. Dominique Richard. La question se pose donc de savoir si le délai d'accès jusqu'à début 2007 est suffisant, les grands annonceurs étant naturellement attirés par les médias leaders. Certains trouvent cette échéance trop éloignée, mais on a bien vu que la réduction sur France Télévisions de douze à huit minutes de publicité par heure glissante a profité aux deux chaînes nationales privées et non aux chaînes thématiques ou locales.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C'était prévisible !
    M. Dominique Richard. Cet accès rapide aux secteurs interdits, au-delà des questions que cela pose à la presse écrite, notamment à la PQR, peut renforcer les positions dominantes et donc fragiliser les chaînes thématiques ou nouvelles,...
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Hélas !
    M. Dominique Richard. ... que le public réclame pourtant. Vous savez, par exemple, que la quinzaine de télévisions locales hertziennes ne pourront pas commencer à émettre avant la fin 2004 au mieux. Comment pourront-elles, en si peu de temps, capter et fidéliser des annonceurs face à la puissance des deux grandes chaînes ? La question mérite d'être posée.
    Pour autant, un éventuel retour à douze minutes pour le secteur public, s'il peut apparaître comme une solution immédiate aux difficultés présumées de financement en 2004, n'est qu'une approche financière du problème. Cette mesure n'irait pas sans soulever des questions quant à la pression sur la recherche d'audience et au risque d'uniformisation des grilles entre secteurs public et privé. Elle risquerait de fragiliser la mise en oeuvre des préconisations du rapport Clément, que vous appelez de vos voeux, monsieur le ministre, et que France Télévisions a d'ailleurs commencé, timidement peut-être, mais réellement, à mettre en oeuvre en 2003.
    Redevance, ouverture aux secteurs interdits, accès aux crédits CNC par redéfinition de l'oeuvre audiovisuelle : la question des ressources est centrale, tant pour l'audiovisuel public que, plus généralement, pour la production et la création.
    La question de notre mémoire audiovisuelle est également d'une grande importance. Nous savons les retards pris sur la numérisation des archives de l'INA ces dernières années, mettant en péril non seulement la conservation, mais encore l'existence même de certains documents. La progression de 1,5 % que vous proposez va au-delà du contrat d'objectif, ce que nous ne pouvons que saluer. Pour autant, et vous y avez fait allusion, nous attendons avec impatience les conclusions du rapport Astier et avec encore plus d'impatience le plan pluriannuel indispensable que vous serez alors amené à présenter.
    Enfin, la question des aides à la presse appelle quelques remarques. Si les aides à la diffusion et à la distribution de la presse sont effectivement en baisse de 15 %, convenons que certains éléments ont échappé à l'opposition. En effet, toutes les lignes budgétaires sont maintenues ou relevées, sauf pour le remboursement de l'aide à la SNCF et l'aide à l'expansion de la presse à l'étranger. Quant aux aides au maintien du pluralisme, elles sont globalement relevées de près de 2 millions d'euros pour anticiper le futur financement de France Soir, au même titre que La Croix et L'Humanité. Enfin, l'aide au transport postal de la presse a été consolidée à hauteur de 290 millions.
    Un dernier mot sur l'AFP, monsieur le ministre, pour vous dire notre satisfaction de voir l'Etat augmenter ses abonnements de 3 % en 2004 pour atteindre un volume de plus de 103 millions d'euros. Cette grande agence traverse une passe financière difficile. En contrepartie, l'Etat lui donne quatre ans pour redresser ses comptes. Pour notre part, nous voyons l'approbation du projet de contrat d'objectifs et de moyens par le conseil d'administration de l'AFP, le 10 octobre dernier, comme un facteur d'espoir. Mais cet espoir ne pourra se concrétiser que si l'on assiste à une croissance soutenue du chiffre d'affaires de l'agence, notamment par le biais du développement d'une activité vidéo en tant que fournisseur de la future chaîne française d'information internationale, croissance s'opérant à effectifs constants pour obtenir une maîtrise réelle de la masse salariale.
    Vous avez le courage, monsieur le ministre, d'ouvrir tous ces dossiers dans un contexte budgétaire difficile. Soyez-en particulièrement remercié car il y va, au-delà des problèmes réels de la profession, de la pérennité de la création française tout autant que de la qualité de la programmation et de la spécificité de l'audiovisuel public dans la complémentarité de ses différentes chaînes.
    Ce budget est un budget encourageant en ce qu'il ouvre la voie à bien des évolutions annoncées pour 2004. Il demeure malgré tout un budget de transition en ce que la réforme de la redevance est consubstantielle à l'idée même que la communauté nationale doit se faire des missions qu'elle confie à l'audiovisuel public. Je souhaite que la réflexion qui s'engage ne soit pas uniquement financière, qu'elle prenne d'abord en compte une approche globale de la place de l'audiovisuel public dans le paysage audiovisuel français et réponde au devoir de soutien de la diversité culturelle dont le Président de la République a, une nouvelle fois, été un fervent avocat il y a quelques jours devant l'UNESCO qui, le 17 octobre, a décidé la mise au point d'une convention culturelle contraignante dans un délai de deux ans. Nous savons que tel est votre combat, monsieur le ministre. Vous pouvez compter sur le soutien du groupe UMP, qui votera avec confiance votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix
    M. Michel Françaix. Monsieur le ministre, j'espère que vous ne m'en voudrez pas, du moins pas trop, mais je vous ai trouvé un peu embarrassé pour défendre ce budget. Il est vrai que le constat est assez sévère.
    Le montant des crédits alloués au service public est en deçà des engagements pris par l'Etat pour les contrats d'objectifs et de moyens. En outre, ce budget est non financé depuis l'avis défavorable de la CNIL et de l'Assemblée - 17 millions d'euros, 22 millions d'euros. Il est non financé en raison des estimations quelque peu fantaisistes des recettes de redevances, qui grimperaient d'une façon providentielle, et des recettes de publicité, ô combien optimistes pour les chaînes publiques : 7 % en période de récession économique !
    L'abandon programmé du projet de télévision numérique pour le service public est également à noter. Il est vrai que TF1 n'en voulait pas. On doit, paraît-il, être plein d'espoir. J'ai lu en effet que le CSA était ravi de voir arriver M. Boyon, qui était prêt à dire que les télévisions locales devaient reprendre. Il travaillera donc sans doute avec vous.
    La sauvegarde du patrimoine audiovisuel par l'INA est remise en cause. Le budget est en hausse de 1,5 % seulement, alors qu'il y a tant à faire pour la numérisation des archives. Par ailleurs, je soulignerai l'incapacité de faire émettre France 5 en soirée, chaîne qui devrait être votre fierté, monsieur le ministre, tant pour la qualité de ses émissions que pour la hausse de son audience. Des programmes de qualité payés par le contribuable qui ne peuvent être vus que sur le câble, n'est-ce pas un comble ?
    Vous le reconnaîtrez, monsieur le ministre, tout cela n'est pas très exaltant. De plus, vous vous êtes résigné bien vite au blocage du taux de la redevance en espérant des recettes supplémentaires bien aléatoires d'une traque sans merci des resquilleurs. Déciment, M. Sarkozy est partout ! Où en est la réforme de la perception de la redevance, toujours promise mais jamais réalisée ? La déclaration sur l'honneur de ne pas posséder de téléviseur serait bienvenue.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Qu'avez-vous fait durant cinq ans ?
    M. Michel Françaix. Pendant sept ans nous n'avons pas été bons, c'est vrai, mais vous avez justement été choisis pour l'être ! Or, dans ce domaine, je suis obligé de le dire, nous n'avançons pas d'un pas. Pourtant, vous aviez promis une telle mesure l'année dernière et il me paraît logique de le rappeler.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. On vient de faire un pas en avant !
    M. Michel Françaix. Un pas en avant, mais deux en arrière !
    Monsieur le ministre, pour financer le service public, allez-vous revenir sur la loi d'août 2000 et relever la durée des écrans publicitaires à douze minutes ? Après avoir privatisé TF1 en 1986 et réduit le financement public de 1993 à 1997, si vous augmentiez le financement du service public par la publicité, nous assisterions à une privatisation rampante d'autant plus injuste que d'aucuns s'accordent à reconnaître que la qualité des programmes est, depuis quelques années, en constante amélioration.
    Vous ne pouvons nous satisfaire d'un budget au rabais. Information pluraliste et exigeante - vous y tenez -, débat contradictoire, fictions de qualité, magazines et documentaires aux heures de grande écoute, divertissements qui ne tirent pas les spectateurs vers le bas, renforcement de la production audiovisuelle : tels doivent être nos objectifs et ceux du ministre de la communication. Certes - permettez-moi de sourire -, la télévision publique n'a pas tout perdu, puisqu'elle aura droit à sa Marianne. (Sourires.) Mais le choix s'est porté sur une personnalité de la télé-émotion, peu digne d'un service public, genre qui flatte nos instincts pour endormir notre raison. Ainsi, Mme Evelyne Thomas sera récompensée pour la populariste émission « C'est mon choix ».
    Quant à la chaîne d'information internationale, la mission d'information parlementaire avait souhaité éviter l'écueil de l'empilement des structures de l'audiovisuel extérieur et comptait y faire participer de manière majoritaire les opérateurs publics concernés : France Télévision, RFI, RFO, ARTE, l'AFP, TV5. Il n'en est rien ! Etrange montage qui exclut les seuls opérateurs ayant une vraie connaissance du public et des réseaux de distribution internationaux, TV5 et RFI, qui en seront fragilisés ! Etrange conception du service public qu'une chaîne entièrement financée par l'Etat soit chapeautée par TF1, groupe privé qui aura un droit de veto sur toutes les décisions stratégiques ! Pour éviter la voix de la France que nous ne souhaitions pas, cette fois-ci nous avons la voix de TF1, financée par les contributables. TF1 qui rafle toujours la mise, chaîne bien aimante et bien-aimée. Mais cette fois-ci, il est vrai que l'on donnera un bon point à France Télévisions. Coubertin ne disait-il pas que l'important, c'est de participer ? Pour la remercier d'avoir abandonné, un peu rapidement, ses projets de télévision numérique terrestre, sans faire trop de bruit, elle serait partie prenante dans cette chaîne internationale.
    Un mot sur la presse. La presse d'information quotidienne, nationale ou régionale, est en difficulté. Et vous le savez. Elle se porte mal, mais nous n'avons pas le temps d'en énumérer toutes les causes : le prix, dans une période où les Français ne sont pas trop fortunés, les difficultés de distribution, le lectorat, beaucoup moins important que dans d'autres pays, la publicité, qui est en berne. Ah ! je sais, monsieur le ministre, il est toujours difficile à un ministre de s'exprimer sur la presse ! Qu'il affirme concrètement son intention de l'aider à surmonter certaines difficultés et cette sollicitude paraîtra suspecte - ne s'agirait-il pas d'étreindre la presse pour mieux l'étouffer ? Mais voilà un reproche qui ne peut vous être fait, car votre prudente réserve, inspirée par un libéralisme de bon aloi, vous fait plutôt tomber sous l'accusation de non-assistance à personne en danger : l'AFP dans la tourmente,...
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Ce n'est pas nouveau !
    M. Michel Françaix. ... le système de la distribution de la presse en panne, les aides à la presse sournoisement en baisse - je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit mon excellent collègue sur le côté un peu artificiel entre France-Soir et le reste de la presse régionale -, les publicités liées à la grande distribution, qui vont maintenant pouvoir déferler sur l'ensemble de la grille de TF1 ou de M6, alors qu'elles représentent 30 % des recettes de la presse régionale, ce qui va créer de ce fait, les conditions d'une déstabilisation de la presse écrite. Et que dire si, demain, une deuxième coupure de publicité est autorisée à TF1 - encore elle ! - et à M6, comme le propage la rumeur ? Sans parler d'un retour éventuel à douze minutes de la publicité sur le service public !
    Affaiblissement de l'audiovisuel public, abandon de la TNT, réforme de la redevance toujours reportée, démantèlement de l'audiovisuel extérieur, France 5, qui devrait être votre fierté, toujours pas diffusée en soirée, le budget de la presse en baisse constante : vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe socialiste ne puisse se satisfaire de vos propositions. Mais, puisqu'il faut toujours terminer sur un bon moment et vous féliciter pour quelque chose, j'ai bien regardé, il y a tout de même un budget de la communication dont il faut se féliciter : c'est celui du Premier ministre. Celui-là augmentera de 5 %, mais je crains que cela ne suffise pas pour convaincre les Français de la justesse de ses choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.
    M. Michel Herbillon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la communication qui nous est présenté aujourd'hui est sans conteste positif pour l'audiovisuel public. En effet, il traduit une continuité et une cohérence dans la politique du Gouvernement envers l'audiovisuel public : politique fondée sur la volonté de donner au secteur public les moyens de son développement et sur une plus grande exigence dans la qualité des programmes.
    M. Frédéric Dutoit. Et la marchandisation !
    M. Michel Herbillon. Ces deux priorités se retrouvent très clairement dans le cadre du projet de budget pour l'an prochain.
    Tout d'abord, en termes de moyens, puisque les crédits alloués par l'Etat à l'audiovisuel public augmenteront à nouveau de 3 % en 2004. Avec la hausse attendue des ressources publicitaires, les moyens de l'audiovisuel public devraient ainsi s'accroître de près de 119 millions d'euros. On ne peut que se féliciter du choix du Gouvernement de ne pas augmenter la redevance pour la seconde année consécutive et de financer en majeure partie l'effort réalisé en faveur de l'audiovisuel public par un renforcement de la lutte contre la fraude.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Michel Herbillon. Celle-ci a pris des proportions inacceptables, qui privent l'audiovisuel public d'une part importante de ses moyens. Certes, la suppression par notre assemblée des dispositions visant à autoriser le croisement des fichiers de la redevance et des abonnés au câble et au satellite modifie la donne et nous oblige à nous interroger sur la manière dont sera compensée la perte des recettes.
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. Michel Herbillon. En tout état de cause, cette décision n'est pas antinomique avec l'objectif de lutte contre la fraude et celui de renforcement des contrôles de la part du ministère des finances. La réflexion visant à réformer la redevance est désormais engagée, et nous serions évidemment très intéressés, monsieur le ministre, de vous entendre sur ce sujet. L'enjeu de cette réforme n'est pas mince. Il s'agit de garantir un financement pérenne et clairement identifié de l'audiovisuel public.
    Le second mérite de ce projet de budget est de mettre l'accent sur la qualité des programmes dans l'audiovisuel public. Nous avons été plusieurs à souligner l'an dernier la place insuffisante de la dimension culturelle et éducative dans les grilles des programmes des chaînes publiques. Des progrès notables ont depuis lors été réalisés sur les chaînes publiques, et il est satisfaisant de noter que France Télévisions s'est engagée à accroître la part de ces programmes en 2004, tout en renforçant dans le même temps la production des programmes régionaux, des programmes de proximité enracinés dans nos territoires et des émissions accessibles aux sourds et malentendants. On peut aussi se féliciter de la nouvelle forme du 19-20 de France 3. L'accroissement de 3 % des dotations pour ARTE sera de même entièrement dédié à l'élaboration d'une nouvelle grille de programmes.
    Je tiens par ailleurs à saluer l'effort réalisé en faveur de la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel, qui se traduira par une hausse de 1,5 % de la dotation à l'INA. La numérisation des archives pourra ainsi être accélérée. En tant que rapporteur du budget de la culture l'an dernier, j'avais insisté sur la nécessité d'avoir du seul patrimoine une notion plus globale, plus large que celle du patrimoine monumental, en intégrant le patrimoine cinématographique, audiovisuel, archivistique comme faisant partie de notre identité et de notre culture. Je suis très heureux de la décision qui a été prise pour l'INA et j'ai été assez surpris d'entendre les critiques de l'opposition à ce sujet - cela rend d'ailleurs les critiques sur les autres sujets moins aiguës -, sachant que le contrat d'objectifs et de moyens signé par le gouvernement Jospin prévoyait une stagnation des moyens de l'INA. Cette appréciation de nos collègues de l'opposition au sujet de l'INA est d'autant moins recevable que le ministre de la culture et de la communication, Jean-Jacques Aillagon, a confié à Hubert Astier une mission sur l'organisation et le financement de la préservation du patrimoine audiovisuel et cinématographique, qui devrait permettre de préparer le nouveau contrat d'objectifs et de moyens avec l'INA dans de bonnes conditions.
    S'agissant des aides à la presse, ce budget illustre clairement les trois priorités autour desquelles elles sont organisées : soutien à la diffusion et à la distribution, défense du pluralisme avec les aides à la presse à faibles ressources publicitaires et développement du multimédia. Je voudrais également souligner combien il est heureux que le Gouvernement ait fait le choix de soutenir l'effort de redressement et de modernisation de l'Agence France-Presse. Oui, je le dis à mes collègues de l'opposition après les avoir entendus : le pire n'est pas toujours sûr ! L'adoption récente du contrat d'objectifs et de moyens, qui s'accompagne d'une hausse de 3 % des crédits prévus pour les abonnements de l'Etat, permet de lever certaines incertitudes qui pénalisaient le développement de l'AFP. Les nouvelles perspectives qui s'ouvrent désormais à cette agence, qui participe pleinement au pluralisme des sources d'information dans le monde et à la diversité culturelle que nous défendons, sont de nature à satisfaire l'ensemble de la représentation nationale.
    Au regard de toutes ces avancées, ce budget est bon. Il permettra de conforter la place, l'originalité et la singularité de l'audiovisuel public dans notre paysage audiovisuel. C'est pourquoi je vous apporterai mon soutien, monsieur le ministre, avec mes collègues de l'UMP et de l'UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Une fois n'est pas coutume !
    M. Maurice Leroy. C'est un excellent porte-parole de l'UDF !
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, qu'il me soit permis de revenir sur la question centrale de notre débat, le financement de l'audiovisuel public, car les hypothèques restent nombreuses et les réponses que vous nous avez déjà apportées ce matin semblent, au groupe socialiste, et sans doute à l'opposition tout entière, encore très insuffisantes.
    S'agissant d'abord de la redevance, à la suite des échanges qui ont eu lieu et du vote de l'article 20 de la première partie du projet de loi de finances, qui est intervenu dans la nuit de lundi à mardi, on peut considérer qu'il reste encore - vous dites 17 millions d'euros, nous en étions à 22 millions d'euros lundi soir - une vingtaine de millions d'euros à trouver.
    Vous savez, le dispositif adopté cette nuit-là est un dispositif transitoire visant à prendre en compte la loi organique de 2001 et le fait que la redevance ne soit plus une taxe parafiscale. Le problème, c'est que le montant de cette redevance n'a pas été modifié. Or vous aviez construit votre hypothèse de croissance - et donc de croissance des ressources de l'audiovisuel public - sur le fait que cette redevance pourrait produire 3 % de ressources supplémentaires. Et l'amendement de la commission des finances, tel qu'il a été voté, c'est-à-dire sans que le Gouvernement ait pu le modifier comme il le souhaitait, nous contraint à rester dans cette situation d'incertitude majeure.
    Vous n'avez pas contesté la volonté de la représentation nationale de lutter contre la fraude, ce dont nous vous savons gré. Mais en l'occurrence, la représentation nationale a été soucieuse de rappeler son attachement bien connu à la protection de la vie privée et des données personnelles.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Nous sommes d'accord sur ce point.
    M. Patrick Bloche. D'où cet équilibre, qui est sans doute satisfaisant au regard de la situation actuelle de la redevance, mais qui ne l'est pas en termes de financement. Je n'évoquerai pas le coût de la collecte qui sert souvent de prétexte à la remise en cause de la redevance en tant que telle. Le groupe socialiste reste attaché au principe d'une ressource clairement identifiée et affectée au financement de l'audiovisuel public.
    M. Frédéric Dutoit. Très bien !
    M. Patrick Bloche. L'hypothèse d'une augmentation de la redevance de 3 % n'étant pas satisfaite, nous aimerions en savoir un peu plus sur vos perspectives pour les semaines à venir.
    Votre seconde hypothèse en matière de croissance des ressources de l'audiovisuel public tient à ce que vous appelez - avec un optimisme audacieux - le « frémissement du marché publicitaire », dont vous évaluez la croissance à 8 %. Cette seconde hypothèse nous inquiète fortement, d'autant que ce débat se trouve connecté très directement aux rumeurs insistantes - et là nous souhaiterions que vous soyez plus précis - sur la volonté du Gouvernement de remettre en cause les dispositions de la loi du 1er août 2000 et de passer de la publicité de huit à douze minutes par heure.
    Ces rumeurs ont déclenché une réaction immédiate de la part des opérateurs privés. M. Mougeotte a demandé le statu quo, pour les raisons qu'on imagine. D'autres rumeurs naissent sur le fait que le privé, en compensation, bénéficierait de trois minutes supplémentaires ou d'une nouvelle coupure. Reste que l'audiovisuel public va se trouver confronté à des problèmes de financement, sans doute à l'automne 2004. Son budget n'est pas assuré, ce qui compromet à la fois la qualité des programmes que vous appelez vous-même de vos voeux - il faudrait passer des discours aux actes -, et celle du service public audiovisuel.
    Nous sommes d'autant plus inquiets que le dernier arbitrage gouvernemental concernant la chaîne d'information à vocation internationale a provoqué le mécontentement - le mot est faible - de la représentation nationale, qui s'est sentie bafouée par les décisions prises par le Gouvernement au mépris des propositions qu'elle avait elle-même formulées.
    Cet arbitrage est défavorable à l'audiovisuel public, vous le savez. Les opérateurs publics les plus à même d'apporter leurs compétences à ces chaînes d'information à vocation internationale, je veux parler de TV5 et de RFI, ont ainsi été écartés.
    De fait, monsieur le ministre, une évidence s'impose : vous n'êtes pas seul au Gouvernement ! Nous pouvons sans doute le regretter (Sourires), mais nos inquiétudes sur l'avenir de l'audiovisuel public ne s'en trouvent que renforcées.
    M. Michel Françaix et M. Frédéric Dutoit. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, en matière de communications, il est indispensable que les départements d'outre-mer bénéficient, comme pour leur désenclavement aérien, d'une véritable continuité territoriale. En effet, nos collectivités sont fortement pénalisées par le coût des télécommunications, étant encore considérées sur ce secteur comme des territoires étrangers. Les tarifs prohibitifs réduisent le contact entre les familles dispersées entre les DOM et la métropole et se révèlent handicapants pour les entreprises et les collectivités locales. Or l'utilisation des techniques d'information et de communication participe au développement de nos territoires et peuvent permettre cette continuité territoriale entre eux et la métropole. Certes, des progrès ont été enregistrés ces deux dernières années à la Réunion, notamment avec la mise en place d'une nouvelle liaison par câble qui apporte un supplément de sécurité, par exemple en période cyclonique. Néanmoins, nous souffrons encore de gros retards et il est important que l'Etat puisse contribuer significativement à la diminution des coûts d'accès et de communication pour le téléphone et le haut débit.
    Nos attentes sont identiques s'agissant de l'accès, en temps réel, aux chaînes nationales ou européennes, qu'elles soient publiques ou privées. L'annonce du rapprochement entre le groupe France Télévisions et RFO constitue une avancée et nous nous en félicitons ; de même que nous suivons avec intérêt l'ouverture de nos chaînes de radio et de télévision locales sur les pays de notre environnement géographique.
    Concernant le devenir de RFO, je voudrais vous demander solennellement, monsieur le ministre, les conditions de son adossement ou de son intégration à la holding. Pour ma part, je milite pour que RFO garde une ligne éditoriale propre pour être la voix de la France en outre-mer et la voix de l'outre-mer en France au sein de France Télévisions, avec un nouveau cahier des charges rédigé en concertation avec l'outre-mer.
    Nous attendons également un effort de l'Etat pour aider à la démocratisation de l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment dans nos établissements scolaires. Cet effort relève pour l'instant essentiellement de la volonté de nos collectivités locales. Il gagnerait à être soutenu à l'échelon national pour que nos jeunes ne soient, à l'avenir, victimes d'une fracture numérique.
    Mais la communication ne doit pas être à sens unique : du Nord vers le Sud. L'inverse doit être possible, sinon souhaitable.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Très souhaitable.
    M. René-Paul Victoria. Or, en l'état actuel des choses, force est de constater la totale « sous-représentation » de l'expression culturelle, notamment musicale ou théâtrale, de nos territoires sur toutes les antennes radios et télévisions de France et d'Europe.
    M. Victorin Lurel. C'est exact.
    M. René-Paul Victoria. La France s'honorerait de défendre la légitimité de ces créations et expressions dans le cadre de la diversité culturelle telle qu'elle est voulue par le Président de la République.
    Enfin, il est un autre point sur lequel je voudrais insister, monsieur le ministre : la nécessité pour nos chaînes publiques de corriger les dérives dans lesquelles elles sont engagées depuis des années. Je suis perplexe quand je vois, par exemple, Télé Réunion, affiliée au groupe RFO, consacrer beaucoup de temps à la promotion de feuilletons venus des Etats-Unis ou du Brésil et beaucoup moins de minutes à valoriser ceux de nos jeunes qui, par leurs efforts personnels, réussissent dans la création d'activités ou dans leur cursus de formation professionnelle et supérieure. C'est cela aussi, la pédagogie au service de notre jeunesse, que RFO doit développer.
    Le budget de la communication n'est pas seulement une affaire de chiffres. Il doit également prendre en compte l'idée de ce que l'on appelle « l'exception culturelle française », dans toute sa diversité, y compris outre-mer. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, que pour l'outre-mer, vos priorités nationales restent les mêmes : qualité des programmes, programmes de proximité, numérisation de la radio, sauvegarde du patrimoine audiovisuel. Je sais que je peux compter sur vous. L'outre-mer sait aussi qu'il a confiance en vous. Je voterai votre budget avec tous mes collègues de l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Le débat a été infiniment riche. Sans reprendre la totalité des interventions, j'essaierai d'en retenir la partie la plus saillante.
    Monsieur Maurice Leroy, je tiens à démentir tout projet de réduction du périmètre du service public.
    M. Maurice Leroy. Fort bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je l'ai dit à la tribune et je le répète maintenant, de façon que personne ne se croie autorisé à penser qu'il y aurait une ambiguïté à cet égard.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C'est clair !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je tiens également à vous dire de la façon la plus nette qu'il n'y a pas de projet d'extension de la capacité publicitaire de France Télévisions. (« Très bien ! » sur tous les bancs.)
    M. Michel Françaix. Nous ne sommes pas venus pour rien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Non pas, monsieur Françaix, comme vous l'avez laissé entendre, pour faire plaisir à TF 1 auquel le Gouvernement serait assujetti, mais tout simplement parce que nous estimons qu'aujourd'hui le service public se doit d'être singulier. Or nous voyons là l'un des éléments de sa singularité. Par ailleurs, nous sommes préoccupés par la situation économique de la presse et, notamment, par celle de la presse quotidienne. Il n'y a donc pas lieu de déstabiliser les conditions de la concurrence ou de la confrontation. Pour autant, je reviendrai sur cette question de la publicité quand nous aborderons, tout à l'heure, les secteurs interdits.
    Monsieur Leroy, nous devons tous être conscients, quel que soit l'intérêt du dispositif proposé par le Gouvernement dans le cadre de ce budget, qu'il y a sans doute lieu de faire mieux, ou de faire plus, pour la presse écrite. Car celle-ci est l'un des éléments de la vitalité civique, culturelle et économique de notre pays.
    Je note avec beaucoup d'inquiétude la désaffection d'une grande partie de nos concitoyens pour la lecture de la presse quotidienne. C'est un mauvais indice, et il appartient au Gouvernement et à la représentation nationale de se saisir de ce sujet.
    Il est évident que l'amplification des dispositifs d'aide ne résoudra pas, à elle seule, ce problème : encore faut-il - je ne cesse de le dire aux professionnels concernés - que la presse elle-même s'interroge sur son attractivité rédactionnelle. Chaque fois qu'un quotidien redéfinit sa maquette ou sa ligne éditoriale - comme l'ont fait Les Echos récemment, Libération ou, il y a un peu plus longtemps, L'Humanité -, on note un regain d'intérêt de la part des lecteurs pour la presse, qu'il s'agisse de la presse dite « parisienne », c'est-à-dire la presse nationale, ou de la presse quotidienne régionale.
    Il s'agit là d'un grand sujet d'intérêt national. Les indices de fatigue ou d'érosion sont nombreux, comme la fermeture d'un nombre de plus en plus significatif de points de diffusion de la presse, à Paris notamment, où il est clair que la fermeture des kiosques contribue à limiter les contacts possibles entre les lecteurs - c'est-à-dire les citoyens - et les journaux. Ce sont là de grandes questions qui devraient me conduire à proposer au Premier ministre et à la représentation nationale - sur certains aspects - un plan national pour la presse.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Avant d'évoquer la nouvelle répartition de la recette, je tiens à réagir immédiatement aux propos de M. Bloche : la marge d'incertitude dont il est ici question est de 17 millions d'euros, sur une ressource publique qui dépasse les 2 milliards. On est loin de l'impasse budgétaire ! Il y a incontestablement une part d'incertitude, mais je vous ai déjà indiqué que le Gouvernement, au terme d'une coopération, que j'espère excellente entre le ministère des finances, le ministère du budget et le ministère de la culture, vous fournira, d'ici à la fin du débat budgétaire, des solutions satisfaisantes.
    Pour ce qui est de la nouvelle répartition des recettes, je note que la commission des finances a adopté un amendement procédant à un abattement sur chaque entreprise, au prorata de la dotation initiale. C'est une solution mécanique, qui nous permet au moins de faire avancer le processus budgétaire. Il s'agit cependant d'une solution provisoire, en attendant que le problème ait été résolu.
    Monsieur Dutoit, vous avez évoqué des cadeaux, des privilèges. Où sont-ils ? Sauf à être victime d'une forme de petit aveuglement partisan, on ne peut accuser le Gouvernement de négliger le service public. Je vous ai dit tout le contraire : je crois au service public, à la nécessité de le consolider et de le soutenir. Du reste, malgré un contexte budgétaire et économique tendu, nous faisons le choix d'augmenter les moyens qui lui sont affectés. Je ne vois nulle trace d'un cadeau ou d'un privilège consenti à qui que ce soit.
    Je suis pour ma part très attaché à l'indépendance du service public. Les gouvernements, et les élus, d'une façon générale, ont tendance à être insatisfaits du service public, estimant toujours qu'il flatte trop les intérêts de leurs adversaires et qu'ils ne tient pas suffisamment compte de leur action. Quoi qu'il en soit, nous devons à la fois sans cesse rappeler le service public aux règles déontologiques de son bon fonctionnement - c'est-à-dire à l'équité, à l'égalité de traitement et à la pudeur à l'égard de l'information quand celle-ci est partisane - et respecter scrupuleusement sont indépendance. C'est une règle de bonne démocratie à laquelle nous sommes tous très attachés. Ce principe est partagé sur tous les bancs de cette assemblée.
    Vous avez raison de dire que la délocalisation des productions a un effet corrosif et, à terme, mortel sur la production cinématographique et audiovisuelle dans notre pays. C'est pourquoi nous devons tout faire pour inverser le processus qui s'est engagé, monsieur Françaix, et que vous avez toléré au cours des dernières années. Pour ma part, je ne compte pas le laisser se poursuivre.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. J'estime qu'il n'est pas normal qu'en l'absence de contraintes de scénario, on aille tourner à l'étranger pour des raisons économiques, parce que le coût social du travail y est moins important qu'en France.
    Rien, dans le scénario de Colette - je fais référence à la triste affaire que vous savez -, n'imposait qu'on aille tourner ce téléfilm dans l'un des pays Baltes. Colette n'y a jamais vécu. Elle était familière du Palais-Royal, Paris, 1er arrondissement. Donc nous devons, les uns et les autres, par tous les moyens à notre portée, lutter contre ce processus de délocalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Dominique Richard, tout d'abord, je forme des voeux pour votre prompt rétablissement. J'ai noté en effet que aviez apparemment le bras cassé, mais que vous aviez néanmoins tenu à intervenir sur le budget de la communication, et je vous en remercie.
    Je rebondis sur ce que je viens de dire à propos de la délocalisation. Cela doit être vraiment pour le Gouvernement et pour le Parlement, une priorité que de soutenir par tous les moyens la production. C'est important pour la vie culturelle de notre pays et pour la singularité de nos programmes. Nous n'avons pas envie que, demain, nos chaînes deviennent de simples robinets à diffusion de productions étrangères. Et ce n'est pas qu'elles soient étrangères qui me gêne, mais le fait qu'elles aient été conçues d'emblée et de la façon la plus banalisée, parfois la plus triviale, pour un marché international, sans aucune singularité. C'est ce que nous a expliqué également M. Victoria.
    Il faut donc que par, tous les moyens - renforcement de la taxe sur les vidéos, institution de fonds régionaux de soutien à la production, crédit d'impôt cinéma, étendu un jour, je l'espère, à la production audiovisuelle -, nous arrivions à faire revenir les réalisateurs afin que la France reste un grand pays de production et de diffusion d'oeuvres singulières.
    L'avenir de la redevance est un sujet auquel nous allons nous attacher dès la fin du débat budgétaire. Je souhaite vraiment que nous fassions très vite afin que nous n'ayons, l'année prochaine, à peu près à la même date, à l'automne, à nous interroger à nouveau sur la meilleure issue à nos débats. Il importe que cette question de l'identification d'un mode de financement spécifique de l'audiovisuel public et du mode de recouvrement soit résolue. Pour ma part, je ne suis pas insensible au caractère positif d'une solution qui associerait le recouvrement de ce que nous appelons aujourd'hui la redevance à celui d'une autre taxe comme la taxe d'habitation, pour autant que l'information soit bien faite et qu'il n'y ait pas de confusion dans l'esprit de nos concitoyens entre une taxe et une autre.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Nous sommes d'accord !
    M. le ministre de la culture et de la communication. J'observe d'ailleurs avec regret qu'on aura très peu fait la pédagogie de la redevance au cours des vingt dernières années.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Tout à fait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est quand même une forme de mépris pour les citoyens que de leur envoyer sans explication leur avis d'imposition. Vous avez les uns et les autres cité l'Allemagne et l'Angleterre. Eh bien, dans ces pays, on informe les citoyens sur l'objet et l'affectation de la redevance de sorte que les gens ont vraiment le sentiment que l'argent qu'on leur réclame est utile à la collectivité.
    M. Michel Françaix. France 5 va le faire !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Pour ma part, j'ai demandé à nos sociétés nationales de radio et de télévision de s'engager davantage non pas dans une propagande mais tout simplement dans un travail d'explication et de pédagogie. C'est une marque de respect que nous devons à nos concitoyens. Je regrette, monsieur Françaix, monsieur Bloche, que mes prédécesseurs appartenant à votre formation politique n'aient pas cru utile de le faire.
    M. Michel Françaix. M. Léotard ne l'avait pas fait non plus !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Comme vous m'avez dit, monsieur Françaix, que j'étais embarrassé, je tente également de vous imposer quelque embarras. L'embarras ne peut pas être uniquement du côté du ministre. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Bloche. L'embarras est surtout pour l'avenir !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je souhaite également vous dire quelques mots sur l'agrément qui a été donné récemment à un film de Jean-Pierre Jeunet. Cette affaire a suscité, vous le savez, beaucoup d'émotion. Le Centre national de la cinématographie, appuyé par les avis de tous les juristes concernés, a estimé en effet que la société de producion qui présentait ce projet à l'agrément n'était pas contrôlée, au sens technique, par la Warner, même si celle-ci en était un actionnaire important, puisque ses parts s'élèvent à 34 % du capital de cette société. En tout état de cause, l'agrément ne pouvait pas être refusé juridiquement. Le directeur du Centre national de la cinématographie l'a très clairement indiqué dans une interview publiée récemment dans le journal Le Monde. D'ailleurs, je dois vous dire que, pour ma part, je m'en félicite. Après tout, il ne faut pas que nos dispositifs de soutien à la production et au cinéma français deviennent étroitement nationalistes ou chauvins. Ce qui est important, c'est que les réalisateurs français puissent faire des films, que ces films soient faits en langue française et tournés en France. Tant mieux si, à ce titre d'ailleurs, des capitaux étrangers peuvent s'investir dans la cinématographie française.
    M. Patrick Bloche. Evidemment !
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Bien sûr !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il serait absurde de considérer que, parce que la Warner investit de l'argent dans un film français, celui-ci devient un objet culturel à éviter, un objet culturel suspect. Je préfère que des capitaux américains viennent soutenir la cinématographie française plutôt que de voir des fonds de soutien nationaux concourir au financement de productions qui vont se réaliser à l'étranger, comme c'est, hélas, trop souvent le cas.
    Sur cette affaire, et quelle que soit la dimension émotionnelle de ce dossier - dès qu'on parle de la Warner, on voit avancer l'oncle Sam et son empire -, il faut que chacun garde raison et se rende bien compte que ce n'est pas forcément mauvais pour le cinéma français. A moyen terme, il faudra néanmoins parfaire notre réflexion à ce sujet. Il faudra veiller à ce que les dispositifs prévus par la loi ne puissent pas donner lieu à une sorte d'entrisme d'intérêts étrangers qui profiteraient de l'incertitude de tel ou tel texte. Cela nous renvoie également au débat sur la définition de l'oeuvre, qui ne doit surtout pas être rhétorique. C'est un débat éminemment politique. Il s'agit de savoir quel type de production peut accéder au soutien que la nation a mis en place pour le développement de la production de qualité et quelle production peut être comptabilisée parmi les obligations de production et de diffusion d'oeuvres. Une définition trop incertaine, trop extensive de ce qu'est une oeuvre aurait incontestablement un effet de médiocrisation sur le champ de la production et de la programmation.
    J'ai donc demandé au Centre national de la cinématographie et à la direction du développement des médias d'engager une réflexion à ce sujet. J'ai moi-même reçu la totalité des producteurs, des éditeurs, les sociétés de perception de droits qui sont intéressés au premier chef par la question, de façon à tenter de faire émerger une solution que j'aimerais consensuelle. L'objectif est non pas de faire la guerre sur cette question, mais de permettre à chacun de se reconnaître demain dans une plus grande exigence.
    S'agissant des sourds et mal-entendants, je vous ai indiqué à la tribune que le Gouvernement avait fait de la prise en compte de cette population de téléspectateurs une priorité. Aujourd'hui, seuls 15 % des programmes sont sous-titrés. Nous avons fixé à France Télévisions l'objectif de faire passer progressivement ce pourcentage à 50 % en 2005 et 60 % en 2006, et que l'effort porte notamment sur les programmes d'information. J'estime en effet particulièrement injuste que les sourds et mal-entendants, qui représentent 10 % de la population française, soient privés de l'accès à l'information, au débat. Faire en sorte que tous les citoyens puissent accéder aux programmes de la télévision publique dans des conditions équivalentes est une règle de démocratie.
    Pour ce qui est des secteurs interdits, que plusieurs d'entre vous ont évoqués dans leur intervention, je vous rappelle que le dossier fait l'objet de plaintes auprès de la Commission européenne depuis 1997. Pendant cinq ans, et en dépit de multiples courriers de la Commission, rien n'a été fait. On a pratiqué la politique de l'autruche, espérant sans doute que le drame s'apaiserait ou qu'un autre se verrait, si j'ose dire, « refiler le mistigri », de sorte que, dès mai 2002, le Gouvernement, à peine investi, a reçu de la Commission une mise en demeure de modifier la règlementation. Et il est incontestable que les dispositifs actuels d'interdiction d'accès à la publicité pour quatre secteurs ne sont pas conformes au droit européen. De quelque côté que l'on prenne le problème, nous ne sommes pas en situation de conformité, et ce quelle que soit la compréhension dont on puisse faire preuve à l'opposition des uns ou des autres au principe de l'ouverture.
    Nous ne pouvions donc pas ignorer la mise en demeure de la Commission, qui s'est montrée extrêmement déterminée sur ce dossier. J'ai rencontré moi-même le commissaire Bolkestein, dont j'ai pu mesurer la détermination. Il n'aurait pas hésité à prendre un avis motivé et à saisir la Cour de justice européenne. Plutôt que d'arriver à une situation contentieuse de ce type, qui nous aurait sans aucun doute exposés à une condamnation, j'ai préféré, à la faveur d'une concertation avec l'ensemble des professionnels concernés, promouvoir une solution dynamique d'ouverture progressive et sélective. Sélective car certains secteurs, comme le cinéma, ne font pas l'objet d'ouverture dans l'état actuel de notre proposition, tandis que d'autres accéderont à la publicité de façon encadrée : la distribution, par exemple, ne pourra diffuser de la publicité que pour des enseignes, mais non pour des produits ou pour la présentation des promotions. Ainsi, telle enseigne pourra faire de la publicité pour sa marque, mais non pour la dinde à 9,95 euros au moment de Noël... (Sourires.)
    La proposition élaborée par le Gouvernement est donc progressive, et son calendrier est ainsi établi : ouverture à certains secteurs le 1er janvier 2004 pour certains médias, notamment le câble et le satellite, le 1er janvier 2005 pour la TNT, le 1er janvier 2007 pour l'ensemble de la diffusion, notamment hertzienne. A ce jour, naturellement, je ne suis pas assuré que cette proposition équilibrée rencontre pleinement l'assentiment de la Commission, même si j'espère qu'elle sera reçue avec intérêt. En tout cas, elle marque, de la part du Gouvernement, un vrai sens de sa responsabilité ainsi qu'un respect pour les singularités de la situation du secteur. J'ai gardé à l'esprit, à chaque moment de la négociation, la nécessité de prendre en compte la situation plus particulière de la presse quotidienne, notamment régionale, qui a d'ailleurs participé à l'élaboration de ce dispositif.
    Monsieur Françaix, vous m'avez dit que j'étais embarrassé, mais c'est vous qui devriez l'être. Dans la nuit de lundi à mardi, ce sont en effet vos amis qui ont proposé un amendement destiné à supprimer la redevance.
    M. Maurice Leroy. Eh oui !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Or, vous le savez, la budgétisation de la ressource de l'audiovisuel public ébranlerait très gravement sa situation.
    M. Patrick Bloche. M. Bouvard avait fait lui aussi une proposition en ce sens !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Vos amis se sont également abstenus de soutenir la proposition du ministre du budget destinée à lutter contre la fraude et améliorer de ce fait la performance du rendement de la redevance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, monsieur Bloche, vous me donnerez l'explication, pour que je comprenne.
    M. Patrick Bloche. Vous déduisez de notre position que nous sommes les amis des fraudeurs, c'est un peu excessif, non ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Le ministre n'a pas dit cela !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je n'ai pas dit que vous étiez les amis des fraudeurs. Je voudrais simplement, puisque vous m'accusez de chercher à dissimuler quelque embarras,...
    M. Patrick Bloche. On ne vous accuse pas ! On dit que vous êtes seul !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... que vous m'expliquiez sereinement quelle est votre position sur l'avenir de la ressource de l'audiovisuel public.
    M. Michel Françaix. On a un sentiment de liberté dans ce pays qu'on voudrait conserver !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Nous sommes tous suffisamment attachés à l'indépendance du financement de la télévision...
    M. Michel Françaix. Ah : voilà qui est mieux !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... pour ne pas nous faire des procès d'embarras.
    Pour ce qui est des recettes publicitaires, l'augmentation prévue - précisons au passage qu'elle est non pas de 7 % mais de 5,6 % selon les experts - ne repose pas, je le répète, sur une modification de la capacité de France Télévisions ou des autres sociétés de l'audiovisuel public. Elle est liée pour moitié au fait que la prévision 2003 s'est révélée excessivement prudente - il s'agit donc d'un réajustement de bonne gestion -, pour une autre part à l'augmentation des tarifs et, enfin, à la reprise du marché publicitaire, dont on voit aujourd'hui les premiers indices. C'est une bonne chose qui, je l'éspère, préfigure le rétablissement d'une situation économique plus satisfaisante.
    Monsieur Herbillon, vous avez raison, le grand chantier qui va nous réunir et dont nous avons souvent parlé avec MM. les rapporteurs, est l'élaboration d'un nouveau dispositif de financement de l'audiovisuel public : établissement d'une ressource stable, détermination de son niveau, définition des modalités de son recouvrement et des moyens de lutter contre la fraude, dans le respect, bien sûr, de la liberté de nos concitoyens et de la loi. Il ne faut en aucun cas considérer en effet que la fraude est une sorte de pis-aller dont il convient de s'accommoder au prétexte d'un respect débordant de la liberté de chacun. La liberté, j'y suis attaché, mais tous les dispositifs de perception fiscale supposent la mise en place d'un certain nombre de moyens d'investigation. Quand vous achetez un poste de télévision, le vendeur communique au service de la redevance l'acte d'achat. D'une certaine façon, il fait donc une intrusion dans votre vie privée. Après tout, on pourrait estimer qu'acheter un poste de télévision relève de la vie privée. Mais on peut aussi prendre en compte le consentement de la nation qui, en hiérarchisant ses différentes priorités, estime qu'il n'est pas inique, illégitime ou excessif qu'un certain nombre d'informations soient portées à la connaissance des services de perception des impôts et des taxes, dans le respect d'un certain équilibre.
    Il nous appartient donc de définir un dispositif qui soit totalement respectueux de la liberté et de la confidentialité des actes de la vie privée des gens - je ne vous dirai pas le contraire - mais qui, reconnaissant la légitimité de cette taxe, institue également des modes de perception satisfaisants. Nous y travaillerons et je vous remercie à l'avance, mesdames, messieurs les députés, pour la compétence, le zèle et l'intérêt que vous porterez à cette réflexion.
    Monsieur Bloche, les hypothèses sont un des ingrédients de l'exercice budgétaire et contiennent toujours, par nature, une part d'incertitude. Nous avons fait le choix d'une augmentation de 3 % de la ressource publique. A partir du moment où nous faisions celui de ne pas modifier le barème de la redevance, nous devions en améliorer le rendement. Dans notre esprit, la lutte contre la fraude est l'un des outils le permettant. L'Assemblée - c'est sa responsabilité - a choisi de borner cette perspective. Il nous faudra donc au cours des prochains jours trouver des voies de substitution. J'ai hâte que notre travail, en collaboration avec le ministère des finances, nous permette de vous donner très rapidement satisfaction, ou du moins de vous rassurer sur le caractère sincère du budget que nous vous présentons dans son équilibre entre les recettes et les dépenses. Je rappelle que l'incertitude concerne seulement 0,7 % de l'ensemble de la ressource publique qui dépasse, s'agissant de la redevance, 2 milliards d'euros.
    Monsieur Victoria, je suis, vous le savez, convaincu qu'il serait bénéfique d'adosser RFO à France Télévisions. Cela nous permettrait à la fois de mieux assurer le principe de continuité territoriale des programmes de la télévision publique et de tendre vers un volume de production locale beaucoup plus large et plus satisfaisant. De cette façon, chacune des antennes de RFO serait mieux ancrée dans la réalité humaine, économique et politique de la collectivité d'outre-mer concernée.
    Je rappelle que le personnel de RFO a lui-même marqué, au sein de son comité central d'entreprise, l'intérêt pour un tel choix. Les gens qui travaillent pour RFO connaissent bien de l'intérieur cette société, ses chances, mais également ses limites. Ils savent que l'isolement n'est pas une bonne chose, et qu'un adossement à la grande société de télévision publique qu'est France Télévisions ouvrirait une perspective de réelle amélioration.
    En outre, comme vous l'avez très justement souligné, la relation entre RFO et France Télévisions doit permettre à la France d'être mieux perçue dans son ensemble par chacune des collectivités ultramarines mais également nous assurer un meilleur retour de l'image de ces collectivités dans l'espace métropolitain.
    Quelqu'un a évoqué hier, au cours d'une rencontre avec quelques-uns de vos collègues de l'outre-mer, la question de l'effacement progressif de la réalité ultramarine dans la géographie imaginaire des Français. Par exemple, les cartes de France affichées dans nos salles de classe n'en portent plus aucune trace. Naturellement, c'est par une sorte de commodité cartographique que des territoires ou des collectivités aussi dispersés à travers les océans du monde ne sont pas mentionnés. Mais c'est aussi, je crois, le signe d'un renoncement à la présence de ces communautés dans l'espace national.
    M. Victorin Lurel. Très juste !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il en va de même pour la télévision. Cette réalité de la France doit trouver une expression plus forte dans la programmation de nos chaînes nationales diffusées en métropole. C'est tout le sens du projet que j'ai proposé avec Brigitte Girardin. Nous travaillerons au cours des prochaines semaines avec les élus de chacune des collectivités concernées afin qu'il aboutisse assez rapidement.
    Voilà, mesdames, messieurs les députés, les quelques rapides commentaires que je souhaitais faire, ayant néanmoins le sentiment de ne pas avoir épuisé la totalité des questions que vous avez abordées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maurice Leroy. Très bien !

Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, je vous ai écouté, non dans l'hémicycle, mais grâce aux postes de télévision dont nous disposons dans nos bureaux. Vous avez affirmé que les socialistes avaient proposé un amendement tendant à supprimer la redevance. Pouvez-vous me montrer cet amendement ? Non parce que c'est un mensonge. Certes, nous avions suggéré et présenté une telle mesure dans le passé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Françaix. Mais pas cette année !
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Le passé vous poursuit !
    M. Didier Migaud. Nous l'assumons complètement : c'était dans le cadre d'un plan de réduction de l'impôt,...
    M. Michel Herbillon. Vous parliez pourtant de le réhabiliter !
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Après avoir supprimé la vignette !
    M. Didier Migaud. ... mais, finalement, un autre choix a été fait. Nous n'en continuons pas moins de juger cet impôt injuste, archaïque et coûteux à recouvrer, et j'ai d'ailleurs l'impression de ne pas être le seul à le penser.
    Mais si nous nous posons un certain nombre de questions sur la redevance, nous sommes aussi des défenseurs du service public audiovisuel. C'est pourquoi notre proposition de supprimer la redevance s'accompagnait bien entendu de la création d'une recette affectée pour le financer.
    Je constate d'ailleurs une certaine duplicité dans le discours du ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le Gouvernement a demandé une deuxième délibération sur un certain nombre d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première partie du budget. Mais il n'est pas revenu, que je sache, sur les 22 millions d'euros de crédits qui manquent dans le secteur public audiovisuel ! Monsieur le ministre, vous nous dites que vous êtes un défenseur de ce service public mais vous ne le prouvez pas souvent !
    Nous avions d'ailleurs souhaité que vous soyez présent lors du débat sur la première partie du budget, alors qu'étaient examinés de nombreux amendements sur la redevance et sur le secteur public audiovisuel. Michel Bouvard agissant en éclaireur du groupe UMP,...
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Absolument pas ! Il l'a fait à titre personnel !
    M. Didier Migaud. ... a lui-même présenté un amendement visant à privatiser France Télévisions, notamment France 2. On ne vous a pas beaucoup entendu sur ce sujet, monsieur le ministre. Nous, nous avons débattu vers trois heures ou quatre heures du matin de ces questions importantes pendant que vraisemblablement vous étiez ailleurs,...
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ça, forcément !
    M. Michel Herbillon. Vos propos deviennent déplacés !
    M. Didier Migaud. ... sans doute dans votre lit.
    J'aimerais, madame la présidente, que le ministre reconnaisse qu'il s'est trompé : nous n'avons pas présenté d'amendement de suppression de la redevance dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. C'est un mensonge de sa part.
    De la même façon, l'année dernière, il nous avait menti, avant tout par naïveté, je pense, en disant que tous les reports pourraient être consommés et que c'est pour cela qu'il avait accepté une certaine réduction de ses crédits pour 2003. Quand on regarde les gels et les annulations de crédits, on constate pourtant que les engagements pris par le ministre n'ont pas été tenus.
    Pourquoi, monsieur le ministre, ne faites-vous pas des propositions ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Herbillon. Ce n'est plus un rappel au règlement, c'est une intervention, madame la présidente !
    M. Didier Migaud. Si je fais ce rappel au règlement, c'est que le ministre m'y a contraint.
    M. Michel Herbillon. Mais ce n'est pas un rappel au règlement ! Ce n'est qu'une explication embarrassée, comme dirait M. Françaix !
    M. Didier Migaud. Le ministre a dit que nous avions présenté un amendement, ce qui n'est pas vrai.
    M. Dominique Richard. Il a de la mémoire !
    M. Michel Françaix. Non, il s'est trompé !
    M. Didier Migaud. Il s'est trompé à défaut d'avoir menti. En en ce qui concerne les 22 millions d'euros manquants, il a apporté peu de solutions et pas de réponse aux interpellations du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, tout d'abord, je vous rassure : dans la nuit du 20 au 21 octobre, j'étais forcément quelque part. Je ne peux pas vous dire exactement où parce que je tiens au respect de ma vie privée, mais j'avais fait le choix de ne pas venir. Nous en étions convenus avec mon collègue Alain Lambert, qui s'exprimait au nom de l'ensemble du Gouvernement. En l'occurrence, il a manifesté une position qui relevait de sa compétence propre.
    M. Dominique Le Mèner. Et il l'a parfaitement défendue !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je vérifierai dans le compte rendu des débats, mais j'ai peut-être en effet été trop rapide et dans ce cas je vous prie de bien vouloir m'en excuser.
    M. Michel Françaix. L'embarras change de camp !
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il était donc de votre côté ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Pas du tout, monsieur Françaix. On me dit mais je me reporterai au compte rendu des débats - que M. Migaud a défendu un amendement de suppression proposé par un député de la majorité. A cette occasion, il s'est exprimé en faveur de la suppression de la redevance.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !
    M. Didier Migaud. Pas du tout !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je note un incontestable embarras de votre part. Mais, monsieur le député, je crois qu'il faut simplement se reporter aux débats, nous verrons bien ce qu'il en était.
    Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, à titre exceptionnel et très rapidement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. Didier Migaud. Si vous êtes pressés d'aller déjeuner, mes chers collègues, allez-y ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. René-Paul Victoria. Vous, vous venez d'arriver !
    M. Didier Migaud. Nous sommes mis en cause. Permettez que je réponde !
    M. Louis Guédon. Alors, apportez la vérité !
    M. Didier Migaud. M. le ministre affirme qu'il va vérifier et que, s'il n'a pas tenu des propos exacts, il s'en excuse par avance. J'en prends acte. En ce qui concerne la suppression de la redevance, nous avons rappelé notre ancienne position tout en précisant que nous n'y étions pas favorables en l'état actuel. En effet, nous ne vous faisons pas confiance pour le financement du secteur public audiovisuel. Si la redevance était supprimée, vous n'auriez pas la volonté de prévoir une recette équivalente dans le budget de l'Etat. La question n'est donc pas à l'ordre du jour.
    En revanche, nous souhaitons voir réunies toutes les conditions d'un fonctionnement correct du secteur public audiovisuel. Or 22 millions d'euros manquent par rapport à vos propositions, et vous n'avez pas proposé de les rétablir en deuxième délibération. Voilà la réalité.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Nous n'allons pas épiloguer sur ce point. Chacun se reportera au compte rendu du débat pour établir la vérité. M. Migaud a défendu son point de vue au sujet de la suppression de la redevance. Il est clair. Pour ma part, je pense que la suppression de la redevance serait une mauvaise chose pour l'audiovisuel public.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Un mauvais coup !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Par ailleurs, monsieur Migaud, l'affirmation selon laquelle vous trouvez choquant que je sois dans mon lit me paraît particulièrement déplacée. Je ne vous ai pas demandé où vous vous trouviez ce matin à neuf heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Moi, je ne suis pas ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie !
    M. Patrick Bloche. Le ministre l'a cherché !
    M. Didier Migaud. On veut un ministre à temps plein. Pas seulement par intermittences !

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. Nous reprenons le cours normal de notre débat.
    Nous en arrivons aux questions.
    La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Frédéric Dutoit. Madame la présidente, avant de poser ma question je voudrais m'associer ici à l'émotion de la représentation nationale devant l'assassinat de Jean Hélène. Cette mort montre une nouvelle fois que les journalistes, dont le métier est si dangereux, sont une garantie de liberté et de démocratie. Quand on tue un journaliste, ce sont celles-ci que l'on veut abattre. J'adresse donc, au nom du groupe des députés communistes et républicains, toutes nos condoléances à sa famille et à ses collègues.
    Ma question concerne l'avenir de la future chaîne internationale. Auditionné par la commission des affaires culturelles de notre assemblée, M. Marc Tessier a affirmé qu'un partenariat sur la base d'une alliance à parité était nécessaire avec le privé. L'union entre TF1 et France Télévisions semble d'ores et déjà scellée, alors que le groupe dirigé par M. Tessier avait initialement proposé un projet exclusivement public.
    Certes, on peut saluer la volonté du Président de la République de créer une grande chaîne francophone capable de rivaliser avec la BBC ou CNN. Il faut en effet encourager la projection de l'Europe dans le monde, la francophonie et la défense de nos valeurs universelles héritées des Lumières. De même, pour citer les propos de Dominique de Villepin, au cours de son audition du 30 avril 2003 à l'Assemblée nationale, « la diplomatie d'influence est telle que les grandes batailles, avant de se gagner sur le terrain ou autour du tapis vert, se gagnent d'abord dans les opinions et donc dans l'arène des moyens de communication de masse ».
    Pourtant, je m'élève - et avec moi, des députés siégeant sur tous les bancs de l'Assemblée nationale - contre l'arbitraire d'une alliance public-privé, imposée par le Gouvernement sans concertation, au mépris de critiques unanimes et d'observations formulées par la mission parlementaire. Comment, monsieur le ministre, allons-nous construire un outil d'information international crédible et indépendant ? Et comment défendre cette indépendance et cette crédibilité alors qu'on nous impose une alliance avec une chaîne, TF1 en l'occurrence, qui appartient à un groupe - Bouygues - ayant de très larges intérêts économiques dans les pays où cette chaîne internationale sera très certainement diffusée ?
    Je disais tout à l'heure, dans mon intervention générale, que vous faisiez des cadeaux au secteur privé. Le budget de cette chaîne internationale sera, à ma connaissance, de 70 millions d'euros, financés à 95 % par les fonds publics. Cette affaire sera donc bonne pour l'entreprise privée TF1.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, nul ne conteste la légitimité de la mise en oeuvre par la France d'une chaîne d'information internationale. Il y a à ce sujet un immense consensus. Aujourd'hui, dans l'échange universel des idées, la confrontation des informations joue un rôle extrêmement important. Nous le constatons tous lors de chaque grande crise internationale : il est problématique, voire dangereux, que les opinions des différents continents soient livrées à un point de vue unique, monopolistique, sur la réalité du monde.
    M. Frédéric Dutoit. D'accord !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cette chaîne doit-elle être pour autant, comme on l'a parfois dit, de façon un peu naïve, la « voix de la France » ? Il est évident que non, en tout cas si l'on entend que la voix de la France est celle qu'exprime le Gouvernement, et plus particulièrement le ministre des affaires étrangères. Quelles que soient la qualité de notre action diplomatique ou la pertinence des analyses du ministre des affaires étrangères, il est évident qu'un point de vue gouvernemental sur les affaires du monde ne saurait être le fondement d'une chaîne d'information internationale crédible. Ou bien nous aurions une véritable prise sur l'information, et cette information n'aurait plus aucune autorité morale ; ou bien nous y renoncerions et à quoi bon, dans ce cas, vouloir dicter un point de vue officiel ou gouvernemental sur les affaires du monde ?
    M. Frédéric Dutoit. Tout à fait d'accord !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ce sujet a suscité, vous le savez, beaucoup de réflexions et une abondante littérature. L'Assemblée nationale y a pris une part importante, en mettant en place une mission parlementaire. La direction du développement des médias a également engagé un appel à projets, et le ministre des affaires étrangères a confié une mission de réflexion à une personnalité indépendante. Nous disposons de toutes les données nécessaires pour analyser le problème. La question est de savoir maintenant ce que nous allons en faire.
    Il n'est en rien choquant de vouloir associer, au sein de la société chargée de l'édition de cette chaîne, deux grands opérateurs français de télévision : l'opérateur public, France Télévisions, et un opérateur privé qui, de surcroît, a déjà une chaîne d'information nationale que beaucoup d'entre vous apprécient, puisqu'elle est devenue l'un des espaces du débat politique. Si cette association peut aboutir à la mise en réseau de compétences, de moyens rédactionnels et de connaissances des affaires du monde, pourquoi pas ? Ce serait une innovation dynamique et originale.
    Ce qui me tenait à coeur - et nous en avons souvent parlé avec M. le rapporteur spécial - , c'est que la télévision publique ne soit pas exclue du dispositif. Nous tendons, même si rien n'est définitivement arrêté, vers une forme originale d'association. Essayons ! Pourquoi pas ? Cela peut produire des choses très intéressantes.
    L'essentiel est que des professionnels compétents produisent une information intelligente et ouverte sur le monde. Surtout, cette information doit être indépendante et échapper à cette espèce de lubie consistant à donner un point de vue officiel sur les affaires du monde, sans quoi nous ne réussirons à convaincre personne ni ne saurons prétendre à la moindre autorité éditoriale.
    M. Patrick Bloche. Mais on ne pourra pas la recevoir en France !
    M. le ministre de la culture et de la communication. BBC World n'est pas visible en Grande-Bretagne et Deutsche Welle ne l'est pas en Allemagne. Produire une chaîne d'information nationale ou une chaîne de télévision d'information pour le monde sont deux démarches totalement différentes. Je comprends que cela puisse troubler. Néanmoins, il faudra avancer dans cette voie et faire en sorte que chacun y trouve satisfaction.
    M. Michel Françaix. LCI y trouve satisfaction !
    M. le ministre de la culture et de la communication. En tout cas personne ne doit avoir le sentiment d'être dépossédé de l'accès à une chaîne à laquelle nous attachons beaucoup d'importance.
    Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe socialiste.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez, avant de commencer mon propos, de m'associer en mon nom personnel, au nom du groupe socialiste et, je crois, au nom de tous, à l'hommage rendu à la mémoire de Jean Hélène, assassiné dans l'exercice de ses fonctions, et d'exprimer notre émotion.
    Je veux également m'associer aux propos tenus par mon collègue René-Paul Victoria, car la problématique est la même dans les départements français d'Amérique, et on essaie d'y apporter les mêmes solutions.
    Ma question, monsieur le ministre, porte sur « l'adossement-intégration » de RFO.
    L'an dernier, ici même, à peu près à la même époque, je vous ai en effet déjà interpellé sur la nécessité d'allouer des moyens suffisants à RFO dont le budget était pratiquement en stagnation. On a vu les conséquences dans nos stations de l'outre-mer.
    Sur le plan des principes, il peut paraître légitime de réaffirmer le rôle de RFO en décidant son adossement au groupe France Télévisions, c'est-à-dire au service public de l'audiovisuel. Je ne vous fais donc aucun procès d'intention sur cet « adossement-intégration » annoncé d'autant que les personnels de RFO sont assez partagés sur la question - au moins en Guadeloupe -, même si le comité d'établissement a émis un avis unanime. Je me permets cependant de vous interroger sur la méthode employée et sur les garanties qui accompagneraient cette intégration si elle était confirmée.
    Sur la méthode, je relève d'abord que cette intégration a été décidée par le Gouvernement, un peu brusquement - certains disent brutalement - sans préparation ni concertation avec le personnel qui l'a quasiment appris, comme moi-même et le reste des élus, en tout cas ceux de l'opposition, par la presse. Ce genre de méthode semble d'ailleurs être utilisé de façon récurrente vis-à-vis de l'outre-mer : le Gouvernement impose, trop souvent, sans concertation préalable approfondie, ses décisions en pratiquant l'unilatéralisme. Cela a été vrai sur la question de l'évolution institutionnelle, particulièrement en Guadeloupe et, plus récemment, pour certains amendements, comme celui supprimant l'éxonération de TVA dans nos régions.
    Par ailleurs, n'est-il pas contradictoire de vouloir recentraliser RFO en recréant une sorte de nouvel ORTF, alors qu'il m'a semblé comprendre que l'heure était à la décentralisation ? Je relève donc une contradiction entre le discours politique général et le retour de RFO dans le giron d'un groupe national, lequel va provoquer une dilution de son identité, comme une pincée de sucre dans un grand verre d'eau.
    Sur le fond, je souhaiterais que vous nous apportiez des garanties fortes. En effet, toute absorption d'un groupe par un autre se traduit mécaniquement par des économies d'échelle, donc des licenciements. Or le personnel de RFO n'a, à ce jour, strictement aucune garantie écrite quant au maintien intégral des postes et des locaux, comme ceux de Malakoff. Pouvez-vous les donner solennellement aujourd'hui ?
    L'intérêt de l'outre-mer est de bénéficier d'une chaîne de qualité, totalement impartiale et non inféodée aux puissances locales. Quelles garanties pouvez-vous apporter quant à l'amélioration des moyens, notamment en production et programmation propres de RFO, ce qui passe par l'attribution de crédits suffisants. Un contrat relatif aux objectifs et aux moyens est-il préparé et près d'être signé ?
    L'impartialité et l'indépendance de RFO - en tout cas en termes d'informations - pourraient justifier la création de conseils d'administration locaux, mais chacun sait que les pressions politiques ne sont pas seulement le fait d'élus locaux, et qu'elles peuvent également être exercées au niveau national sur le service public.
    Mme la présidente. Monsieur Lurel, veuillez conclure, s'il vous plaît.
    M. Victorin Lurel. Telles sont les préoccupations relatives à RFO sur lesquelles je souhaitais vous interroger, monsieur le ministre, en espérant obtenir des réponses précises et des garanties fortes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. Si vous le permettez, monsieur le ministre, je vais donner la parole au dernier intervenant du groupe socialiste et vous pourrez répondre en même temps aux deux orateurs.
    La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le décret du 7 octobre dernier, qui modifie la réglementation de 1992 sur ce que l'on appelle communément les secteurs interdits de publicité à la télévision.
    Ainsi que vous l'avez déjà précisé, vous avez été amené à prendre ce décret pour mettre en place une nouvelle réglementation à la suite de demandes plus qu'insistantes, de la Commission européenne. Néammoins, plusieurs interrogations sont apparues, sinon pour le cinéma, parce qu'il échappe à cette nouvelle réglementation, du moins pour les trois autres secteurs concernés.
    En ce qui concerne d'abord l'édition qui, au nom de l'exception culturelle, bénéficie d'une ouverture partielle dont nous nous réjouissons, il reste visiblement un gros travail de négociation à mener, dans lequel le Gouvernement pourrait utilement jouer un rôle de médiateur, notamment entre les éditeurs et les opérateurs audiovisuels, afin que soient fixés des tarifs adaptés au monde de l'édition, en particulier à sa diversité ; je pense surtout aux éditeurs indépendants. Comptez-vous jouer ce rôle ?
    Pour ce qui est de la presse, vous avez exprimé tout à l'heure votre inquiétude devant la baisse du nombre de nos concitoyens qui lisent la presse d'information.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Malheureusement !
    M. Patrick Bloche. Je relève donc une contradiction entre votre inquiétude, que nous partageons, et l'ouverture de la publicité télévisée au secteur de la presse, car cela va incontestablement favoriser les magazines et journaux de divertissement par rapport à la presse d'information à fort contenu rédactionnel. Les cinq grands groupes français de presse ont d'ailleurs fait part de leur émotion à cet égard, car ils devront affronter les grands groupes multimédias, bien plus puissants financièrement.
    S'agissant, enfin, de la grande distribution, vous avez insisté sur le fait que seraient autorisées uniquement les publicités sur les marques et non pas celles relatives à des opérations commerciales. Nous avons également à l'esprit le calendrier : 2004 pour les chaînes du câble et du satellite, 2005 pour la TNT et 2007 pour les chaînes hertziennes. Néanmoins, cette ouverture progressive pose deux types de problèmes.
    Le premier intéresse les radios, dont un quart des recettes publicitaires, au niveau national, proviennent de la distribution. Il ne faudrait donc pas que cette ouverture ait pour conséquence d'assécher financièrement leurs ressources.
    Ensuite, nous sommes interpellés, en tant que parlementaires, par des représentants de la petite distribution, laquelle n'aura évidemment pas les moyens d'accéder à la publicité télévisée. Elle estime donc que le décret favorisera les gros par rapport aux petits.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je tiens d'abord à rappeler à M. le député de la Guadeloupe que, sur la question de RFO, le Gouvernement n'a pas avancé masqué et qu'il n'a pris personne par surprise. En effet, un document stratégique à été réalisé et rendu public. Il a donné lieu à une large concertation, y compris au sein de l'entreprise. Le comité d'entreprise en a débattu et la représentation nationale sera appelée à se prononcer puisqu'il faudra, si ce projet aboutit, en passer par la loi.
    Par ailleurs, RFO et France Télévisions ont d'ores et déjà créé un groupe de travail sur la mise en place opérationnelle de la filialisation, notamment sur l'étude de toutes les synergies qui pourraient s'établir entre les fonctions centrales de chacune des deux sociétés. Il est bien entendu, monsieur le député, que les éventuelles économies n'aboutiront pas à une réduction des moyens mis à la disposition de l'audiovisuel ultramarin, mais qu'elles seront utilisées pour réinjecter des moyens dans la fabrication de programmes spécifiques et de programmes locaux. Tel est notre objectif principal, et cela devrait permettre de donner un élan décisif au développement de ces productions.
    Pour ce qui est des garanties, j'ai déjà indiqué de la façon la plus claire aux représentants du personnel qu'il n'y aurait pas de plan social et que cet adossement ne conduirait pas à l'éviction d'une partie du personnel des structures actuelles, hors la société RFO. Par ailleurs, nous avons pris l'engagement de prendre en compte les spécificités de la situation des personnels.
    Surtout, la mise en place de synergies devra aboutir à l'amélioration de la production locale, à la spécificité et l'enracinement des programmes. Loin de vouloir mettre en oeuvre un plan de recentralisation qui, vous l'avez d'ailleurs justement observé, ne serait pas conforme aux objectifs de décentralisation du Gouvernement, nous ferons en sorte de concilier l'affirmation de l'unité du service public de la télévision, car nos concitoyens de l'outre-mer ont droit aux mêmes prestations que ceux de la métropole, avec l'amélioration et la singularisation des programmes.
    En ce qui concerne le décret relatif aux secteurs interdits de publicité télévisée, sur lequel vous m'avez interrogé, monsieur Bloche, j'ai déjà indiqué, au cours de mon intervention liminaire, que nous étions dans l'obligation de nous mettre de façon plus satisfaisante en conformité avec les textes européens. En effet, nous ne pouvons pas à la fois nous inscrire dans le processus de construction de l'Union européenne et, chaque fois qu'un sujet nous dérange, faire comme si cela n'existait pas ou chercher à évincer le problème de façon artificielle.
    En la matière, nous étions tout proches, vous le savez, d'une situation de contentieux. Nous avons voulu l'éviter et, comme je vous l'ai indiqué, plutôt que de tenter d'élaborer des textes in abstracto, de façon autoritaire, j'ai pris soin de mettre tout le monde autour de la table afin d'aboutir à des solutions convergentes. A cet égard, je tiens à saluer une nouvelle fois l'esprit de responsabilité de la presse quotidienne régionale qui, comprenant bien que la pire des choses serait que nous nous exposions à une condamnation pure et simple, a fait preuve d'une grande maturité, en particulier à propos de l'accès de la distribution à la publicité télévisée.
    La décision d'ouvrir la publicité télévisée à la presse, à la distribution et, en partie, à l'édition, a été prise après une concertation très approfondie avec l'ensemble des familles professionnelles et des groupes de presse concernés. Nous avons toujours tenté de nous situer dans un juste milieu par rapport aux demandes des uns et des autres. Ainsi, la grande distribution réclamait une ouverture pure et simple, sans restriction. Nous avons réussi à faire évoluer sa position, afin qu'elle se rapproche de celle des différentes familles de la presse, notamment de la presse quotidienne. Au cours de cette concertation, un seul syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion a manifesté son opposition, tandis qu'un autre, le syndicat de la presse magazine et d'information, le SPMI, est allé jusquà déposer une plainte à Bruxelles. Les autres organisations professionnelles ont été soit favorables, soit neutres. Dans ces conditions, le Gouvernement a choisi l'ouverture dans le cadre d'une négociation d'ensemble avec la Commission.
    Je forme le voeu que la Commission agréera le dispositif adopté par la France, mais, je ne peux pas vous l'assurer, d'autant que le commissaire concerné est plutôt sur une toute autre ligne. Nous avons donc engagé un travail de persuasion et d'explication. J'estime d'ailleurs que les dispositions figurant dans le décret auquel vous faites référence sont équilibrées et respectueuses de la diversité.
    Cela étant, je ne verrais aucune objection à ce que le ministère de la culture et de la communication ou le Gouvernement tente, dans un travail diplomatique, d'aménager, pour tel ou tel secteur, des dispositifs tarifaires particuliers, notamment pour permettre à l'édition ou à la presse de bénéficier, dans des conditions qui relèveront nécessairement de la convention entre les parties, de conditions spécifiques.
    En tout cas, je continuerai sur la voie diplomatique que j'ai adoptée. Je pense que l'Etat et la loi ne peuvent pas toujours tout imposer aux parties. Il faut que nous sachions parfois, les uns et les autres, nous mettre en situation de disponibilité face à la divergence des intérêts et tenter de promouvoir, comme l'aurait fait le chancelier Michel de L'Hospital, un rapprochement des points de vue.
    Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.
    Les crédits de la communication seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits des services généraux du Premier ministre, c'est-à-dire ce soir même.
    Toutefois, en accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement portant article additionnel après l'article 59, et deux amendements portant article additionnel après l'article 74.

Après l'article 59

    Mme la présidente. M. Martin-Lalande, rapporteur spécial, a présenté un amendement, n° 63 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après l'article 59, insérer l'article suivant :
    « Est approuvée, pour l'exercice 2004, la répartition suivante entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle :

En millions
d'euros

            « France Télévisions

1 534,59   

            « Radio France

469,1   

            « Radio France internationale

53   

            « Réseau France outre-mer

206,79   

            « ARTE France

193,45   

            « Institut national de l'audiovisuel

68,8   

            « Total

2 525,73. »

    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de réintégrer dans le projet de loi de finances la répartition du produit attendu de la taxe dénommée redevance audiovisuelle entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle.
    L'article de répartition, traditionnel dans les lois de finances depuis la loi du 30 septembre 1986, a été supprimé par le Gouvernement dans son projet de budget, uniquement pour des raisons formelles d'orthodoxie juridique. Toutefois ce choix nous semble très contestable, d'abord, parce qu'il empêche, par définition, le droit d'amendement des parlementaires sur la répartition entre les bénéficiaires de la redevance ; ensuite, parce qu'il réduit beaucoup la transparence de l'information, car la répartition entre les redevables et les bénéficiaires n'apparaît plus que dans le fascicule budgétaire des comptes spéciaux du Trésor, dans les dépenses du compte d'affectations spéciales 902-15, ce qui n'est pas facilement accessible aux non-techniciens.
    De plus, le Gouvernement a choisi de présenter ce chapitre de dépenses du compte d'affectation spéciale de la redevance avec un seul chapitre comprenant autant d'articles que de bénéficiaires.
    Ce choix est pour nous totalement inacceptable car la simple répartition par article n'engage aucunement le Gouvernement qui peut la modifier librement en cours d'année. Seule la répartition par chapitre est contraignante et normative pour le Gouvernement. En suivant ce choix, le Parlement ne satisferait pas à la loi de 1986 sur l'audiovisuel qui prévoit, au paragraphe III de son article 53 :
    « Chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement, sur le rapport d'un membre de chacune des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ayant les pouvoirs de rapporteur spécial, autorise la perception de la taxe dénommée redevance pour droit d'usage, assise sur les appareils récepteurs de télévision, et approuve la répartition des ressources publiques affectées au compte d'emploi de la redevance entre les sociétés France Télévisions, Radio France, Radio France internationale, Réseau France outre-mer, la société ARTE France et l'Institut national de l'audiovisuel. »
    Cet article de répartition est d'autant plus nécessaire qu'il est indispensable, en application de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que le rapporteur spécial de la commission des finances propose de tirer les conséquences - je l'espère temporaires - de la décision prise par l'Assemblée nationale concernant l'article 20 de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.
    Les estimations des recettes attendues de la redevance, initialement prévues par le Gouvernement, sont en effet réduites de 22 millions d'euros TTC au titre de l'absence de croisement des données, et partiellement majorées par la suppression du taux concernant les téléviseurs en noir et blanc en métropole, soit 5,2 millions d'euros TTC. Globalement, le montant de la redevance à répartir serait donc réduit en montant net de 16,7 millions d'euros, soit 16,35 millions d'euros hors taxes et ramené à 2 525,73 millions hors taxes au lieu de 2 542,08 millions d'euros hors taxes.
    La répartition proposée par le présent amendement reporte cette diminution du produit attendu de manière strictement proportionnelle au montant initialement prévu, afin de respecter l'ordre des priorités proposé par le Gouvernement.
    Le montant des dépenses devra également, par cohérence, être modifié à l'occasion du vote des comptes spéciaux du Trésor par un simple amendement de conséquence. C'est ce que propose l'amendement n° 113 du Gouvernement déposé hier soir sur l'article 51. Cette répartition n'est à mon sens que provisoire et je souhaite qu'elle puisse être revue, monsieur le ministre, dans la suite de la discussion budgétaire de façon à revenir à la répartition initialement prévue par le projet de budget, permettant d'atteindre les 3 % d'augmentation des ressources publiques pour les organismes de l'audiovisuel.
    Nous attendons que le Gouvernement fasse un effort pour dégager les moyens nécessaires comme j'en ai parlé dans mon intervention liminaire, et nous souhaitons que ce vote intervienne provisoirement, en attente de la bonne solution.
    Mme la présidente. La parole est à  M. le rapporteur pour avis.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Vous avez insisté tout à l'heure, monsieur le ministre, sur la nécessité d'un travail de pédagogie à entreprendre auprès de nos concitoyens quant à la redevance. Depuis que je suis porte-parole du groupe UDF sur ce sujet, je n'ai jamais tenu d'autre langage, même si, faute de temps, je n'ai pu en parler tout à l'heure. Reconnaissez-moi au moins le mérite de la constance sur cette question. J'en avais du reste prévenu votre collègue Alain Lambert dans la nuit de lundi à mardi ; lui-même a reconnu que l'envoi brutal d'un avis à payer, qui ressemble plus à un commandement, sinon à une amende, incite davantage à la fuite qu'à un paiement spontané.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Exact !
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Je vous suggère, monsieur le ministre, de vous appuyer sur cet échange pour rappeler à votre collègue Alain Lambert qu'il peut s'engager dans cette action urgente en lui proposant de cosigner, comme j'en avais émis l'idée l'année dernière, une lettre explicative qui serait jointe à l'envoi, comme on le fait pour l'impôt sur le revenu.
    J'en viens à l'amendement n° 63 rectifié de la commission des finances. Je me félicite que le Parlement, conformément à l'esprit de la loi du 30 septembre 1986, récupère son pouvoir légitime d'affectation de l'argent du contribuable. Comme mon excellent collègue Patrice Martin-Lalande, je trouvais choquant que le Parlement en ait été dessaisi.
    Force est de reconnaître que la répartition proposée par la commission des finances s'opère sur des bases somme toute totalement incertaines. Le bénéfice attendu de la lutte contre la fraude à la redevance a été estimé - pardonnez-moi la vulgarité de l'expression - « au doigt mouillé ». Il faut espérer que les chiffres définitifs correspondront aux bases annoncées, faute de quoi nous nous retrouverons dans une situation difficile en fin d'année.
    Cela dit, je rejoins l'avis de mon collègue : la répartition proposée, selon le strict principe proportionnel, me paraît la moins mauvaise des propositions d'attente. Aussi la commission des affaires familiales, culturelles et sociales, tout en invitant le Gouvernement à trouver les moyens d'honorer les engagements pris, en termes de volume budgétaire, à l'égard du service public de l'audiovisuel, se déclare favorable à cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. La commission des finances propose de répartir de façon proportionnelle la perte de moyens consécutive au refus du croisement des fichiers. J'en prends acte. J'espère, je le répète, que nous pourrons trouver une solution d'ici à la fin du débat budgétaire. Je comprends également qu'il y a lieu, en attendant, de veiller à ce que le dispositif budgétaire soit mis en conformité avec la réalité. L'amendement proposé est de ce point de vue techniquement nécessaire. Je serais donc tenté, sur ce point, de m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
    S'agissant de la répartition par chapitres, je ne saurais évidemment m'opposer au souci de clarté exprimé par la commission des finances. Il est tout à fait conforme à la vocation du Parlement en matière budgétaire. Voilà pourquoi, en fin de compte, j'émets un avis favorable à cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix.
    M. Michel Françaix. Permettez-nous de n'être que moyennement rassurés. Certes, pour ce qui est des calculs et de la capacité à gérer la pénurie, nous faisons confiance à la commission. A partir du moment où il s'agit de retirer tant et tant d'un côté à France Télévisions, de l'autre à l'INA, etc., je suis sûr que vos chiffres sont exacts.
    Autrement dit, gérer la pénurie et avoir droit de regard sur les comptes, c'est bien. Mais nous, ce qui nous intéresse, ce sont les mécomptes. Et ils ne manquent pas. Sans redévelopper tout ce qui a été dit, nous n'avons aucune assurance que la publicité comme la redevance permettront d'atteindre l'objectif prévu, ni davantage sur le fait que la traque des mauvais payeurs procurera des recettes supplémentaires. Et voilà maintenant qu'on nous dit : « Ce n'est pas grave, il y a quelques millions d'euros à supprimer mais vous les retrouverez bientôt... » La dernière fois que le ministre nous a dit quelque chose de ce style, c'était pour les reports de crédits 2003, que nous devions très rapidement retrouver... On s'est finalement rendu compte que plus de la moitié ont été gelés, et particulièrement dans le domaine de la culture !
    Aussi comprendrez-vous que, n'étant d'accord ni sur le montant du budget tel qu'il a été présenté, ni sur les choix stratégiques arrêtés, nous ne saurions vous donner raison alors que vous nous demandez de réduire les dotations en attendant qu'un jour, peut-être, on retrouve les sommes en question. Le groupe socialiste votera donc contre cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour répondre au Gouvernement.
    M. Patrick Bloche. Nous avons bien entendu la réponse du ministre : il en est, au moins pour partie, remis à la sagesse de notre assemblée. Nos craintes se confirment : je comprends l'initiative du rapporteur spécial, mais nous savons, pour connaître nos habitudes républicaines, que le provisoire tend plutôt à durer ! J'ai tendance à penser que l'on cherche à préparer les esprits à une répartition de la pénurie, même si, du point de vue strictement comptable, cet amendement est techniquement inattaquable.
    De fait, nous avons dit et redit avec force notre attachement à une ressource affectée au financement de l'audiovisuel public. Et puisque l'on a injustement accusé les députés socialistes d'avoir voulu supprimer la redevance lundi soir, je me permets de rappeler que c'est grâce à nous que l'amendement présenté par M. Michel Bouvard, qui visait à privatiser France 2, a été rejeté en commission des finances. Sans les députés socialistes, l'amendement de M. Bouvard serait devenu l'amendement de la commission.
    Enfin, si la répartition proportionnelle est logique et évidente, remarquons qu'elle affecte des masses de crédits qui ne sont pas du même ordre de grandeur. Il y a fort à parier que la pénurie, fût-elle appliquée de manière proportionnelle, frappera plus durement les budgets les plus modestes que celui de France Télévisions ; je pense à RFI, mais je pourrais évoquer RFO, ARTE et même Radio France.
    Nous ne voulons pas anticiper et nous restons persuadés que le Gouvernement saura faire preuve d'imagination pour trouver les 17 millions d'euros qui lui manquent. Aussi voterons-nous contre cet amendement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)

Après l'article 74

    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 64 rectifié et 39, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Martin-Lalande, rapporteur spécial, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 74, insérer la division et l'article suivants :
    « Culture et communication :
    « Art... I. - Le I de l'article 62 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) est complété par l'article suivant :
    « Chaque année avant la fin du mois de juin, le comité d'orientation du fonds transmet au Parlement et au ministre chargé de la communication son rapport d'activité au titre de l'exercice précédent. »
    « II. - Le rapport mentionné au dernier alinéa du I de l'article 62 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997), déposé avant la fin du mois de juin 2004 au titre de l'exercice 2003, indiquera les modalités possibles d'utilisation des disponibilités du fonds de modernisation de la presse pour le financement d'aides à la distribution de la presse quotidienne régionale, et l'évaluation de l'incidence qui peut en être attendue pour le développement de celle-ci. »
    L'amendement n° 39, présenté par M. Baguet, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 74, insérer les dispositions suivantes :
    « Culture et communication :
    « Art... - En 2004, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport faisant état de la possibilité d'étendre l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique régionale à la presse quotidienne régionale. Les informations données par ce rapport devront permettre de mieux apprécier le coût de telles mesures. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 64 rectifié.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Ces deux amendements ont en partie le même objet : appeler l'attention sur l'opportunité de faire bénéficier la presse quotidienne régionale de ressources inutilisées du Fonds de modernisation de la presse afin de financer des actions collectives de distribution et de portage.
    Nous sommes, M. le rapporteur pour avis et moi-même, convaincus de l'intérêt de cette aide, surtout au regard du montant des crédits non utilisés de ce fonds. Durant les travaux préparatoires à mon rapport, j'ai pu vérifier que les sommes non versées s'élèvent à la fin de 2002 à 81 millions d'euros, soit l'équivalent de plus de trois ans de recettes pour un fonds qui n'a que cinq ans d'existence... Même en considérant uniquement les crédits disponibles au sens où ils n'ont fait l'objet d'aucune décision ministérielle, le montant représente un an de recettes.
    Je crois à l'utilité du Fonds de modernisation de la presse, qui a d'ailleurs pour origine une initiative de notre collègue Jean-Marie Le Guen, voilà quelques années. A l'heure où la presse subit des mutations et doit relever des défis, il convient d'optimiser l'utilisation du Fonds de modernisation de la presse. Nous devrions être conduits à exiger des entreprises qu'elles s'engagent sur des projets régis par un calendrier précis afin de parvenir à un échelonnement sur plusieurs années tout à la fois prévisible et vérifiable dans sa réalisation. Les engagements restent pour l'instant trop vagues, ce qui explique pour une part le volume des excédents et des reports. En contrepartie, le montant des plafonds et le taux de participation pourraient être revus. De même, la commission de contrôle, dont le fonctionnement souffre du manque de moyens humains nécessaires, devrait être mieux accompagnée dans son travail d'évaluation de l'efficacité des aides versées.
    C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 64 rectifié propose que le rapport annuel établi par le comité d'orientation du fonds à destination du ministre chargé de la communication soit transmis au Parlement dès le printemps, avant la fin du mois de juin. En effet, ce rapport, prévu seulement par un décret, n'est pas, en l'état actuel des choses, formellement adressé au Parlement - alors même que la création du fonds, répétons-le, est d'origine parlementaire -, et ses délais de publication ne tiennent pas compte des contraintes du calendrier budgétaire. Ainsi, le rapport 2002 ne sera disponible que dans quelques semaines, c'est-à-dire après la discussion du budget de la communication à l'Assemblée. L'administration m'a indiqué qu'une amélioration sur ce plan était possible. Je souhaite pour ma part que cette mesure soit inscrite dans la loi au sein du dispositif qui a donné naissance au Fonds de modernisation, c'est-à-dire à l'article 62 de la loi de finances pour 1998. Une information plus précoce permettra au Parlement et à tous les acteurs une meilleure connaissance de son évolution et de sa bonne utilisation.
    Le II de l'amendement de la commission prévoit que la première édition du rapport indique les modalités possibles d'utilisation du disponible pour le financement d'aides à la presse quotidienne régionale destinées à l'aider dans ses actions de distribution, en soutien à la vente au numéro et en portage. N'oublions pas qu'une aide de 12 millions d'euros est apportée depuis trois ans à la presse quotidienne nationale afin de l'aider à assurer sa diffusion par le biais des NMPP. L'amendement alternatif n° 39 de M. Baguet a le même objectif et il est cependant moins large quant à cet aspect des choses que celui de la commission des finances.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre l'amendement n° 39.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. Effectivement, mon amendement est voisin de celui de mon collègue Patrice Martin-Lalande. L'ouverture prochaine de la publicité télévisée à des secteurs jusque-là interdits va ébranler une presse déjà très fragilisée. Et si l'argent de la publicité jusqu'ici interdite va vers la télévision, on en connaît par avance les effets pervers de cette évolution.
    Premièrement, les grands groupes de la distribution, ceux qui ont les moyens, entraîneront les plus modestes à s'engager au-delà de leurs possibilités.
    M. Michel Françaix. Exact.
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. La surenchère sera mortelle et la publicité de proximité affaiblie.
    Deuxièmement, l'argent de la grande distribution ne sera pas réparti uniformément entre les différents supports médiatiques, ni sur l'ensemble du territoire.
    Troisièmement, la promotion pour lancer ou relancer les titres de presse se fera au détriment de la création, et l'argent n'ira pas vers les petits titres.
    A cette menace s'ajoute l'inquiétude légitime de la presse sur l'avenir de ses relations avec La Poste : augmentation des coûts, diminution de la qualité du service, toutes choses connues par ailleurs, mais pour lesquelles on perçoit mal aujourd'hui une solution rapide, malgré l'excellent travail réalisé par M. Henri Paul. Enfin, l'arrivée prochaine de la TNT et le développement des nouvelles technologies peuvent être une chance, mais également un risque pour la presse.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Un défi, du moins !
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. C'est un défi, en effet.
    Cette crise touche tous les titres, mais son aggravation frappera plus durement encore la presse quotidienne régionale. Aussi, monsieur le ministre, faute de mesures adaptées prises en amont, l'adoption de mon amendement aurait au moins cinq mérites : rappeler le soutien de l'Assemblée nationale à la presse en général et plus particulièrement à la presse quotidienne régionale ; introduire de la transparence dans l'utilisation réelle du fonds d'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, sans évidemment remettre en cause les aides versées à la presse nationale ; estimer les besoins concrets et urgents de la presse quotidienne régionale ; étudier toute solution juridiquement appropriée, notamment l'ouverture à de nouveaux bénéficiaires - les entreprises de portage ou les kiosquiers, par exemple ; mieux accompagner enfin la presse quotidienne régionale lors du choc de l'ouverture des secteurs interdits à la publicité. Cet amendement relève du même esprit que celui de mon collègue Patrice Martin-Lalande et j'espère qu'il recueillera votre approbation.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je partage la volonté du rapporteur spécial et du rapporteur pour avis de demander au comité d'orientation du fonds de modernisation un rapport d'activité annuel. Celui-ci traiterait notamment du résultat du recouvrement de la taxe sur le hors-média qui alimente le fonds de modernisation, mais aussi des possibilités d'utilisation du fonds au bénéfice des différentes familles de presse, y compris bien évidemment pour les projets de la presse quotidienne régionale, en particulier tous ceux destinés à améliorer les conditions de sa distribution. En revanche, il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de spécialiser le rapport au profit de la seule presse quotidienne régionale. Je crois qu'un rapport d'ensemble serait préférable. C'est pourquoi je vous propose un sous-amendement tendant à supprimer le II de l'amendement n° 64 rectifié.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement oral du Gouvernement, qui tend à supprimer le II de l'amendement n° 64 rectifié ?
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. La commission des finances souhaitait, par son amendement, donner satisfaction au rapporteur pour avis tout en lui suggérant de retirer le sien.
    Je ne peux m'exprimer autrement qu'à titre personnel, puisque la commission n'a pas pris connaissance du sous-amendement proposé par M. le ministre. Je prends acte de l'engagement du Gouvernement de traiter la question de la PQR de façon rapide et, nous l'espérons tous, positive. Les objectifs que nous poursuivons seront ainsi atteints. Je propose donc un vote favorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
    M. Michel Françaix. Il va retirer son amendement !
    M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis. M. Françaix va un peu vite.
    J'ai bien entendu la proposition de M. le ministre. Son sous-amendement va effectivement dans le bon sens dans la mesure où il élargit le domaine d'action que j'avais proposé. Je suis prêt, monsieur le ministre, à retirer mon amendement n° 39 sous réserve que vous preniez l'engagement que la situation de la presse quotidienne régionale soit réellement examinée. La presse quotidienne nationale a déjà bénéficié d'une part des fonds disponibles. Il me paraîtrait donc légitime de prélever une aide spécifique en faveur de la presse quotidienne régionale. A cette réserve près, je suis disposé à retirer mon amendement au profit de celui de la commission des finances, sous-amendé par le Gouvernement.
    M. Michel Françaix. J'avais anticipé !
    Mme la présidente. L'amendement n° 39 est retiré.
    La parole est à M. Michel Françaix.
    M. Michel Françaix. Commençons par nous féliciter au moins sur un point : nous sommes tous unis dans un même plaidoyer pour l'écrit.
    Ajoutons que nous sommes désormais tous d'accord sur l'utilité du Fonds de modernisation de la presse. Permettez-moi de rappeler en toute amitié, puisque j'ai la chance d'être député depuis un certain temps, que lorsque notre ami Jean-Marie Le Guen avait essayé de le mettre en place, il avait rencontré beaucoup de réticences de la part de certains qui, aujourd'hui, proposent de le développer ! Cela prouve que l'on peut se tromper, et s'en rendre compte à un moment donné.
    M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il n'y avait pas eu de réticence de ma part, en tout cas !
    M. Michel Françaix. Quant à l'amendement de notre rapporteur spécial, M. Martin-Lalande, il nous paraissait peu directif et, même si je le trouvais intéressant, je lui préférais celui de M. Baguet.
    A partir du moment où vous nous dites tous que cet argent ne restera pas dans un fond de tiroir et ne sera pas utilisé à d'autres fins, où M. le ministre nous confirme que c'est une façon de trouver des moyens supplémentaires pour la presse qui est en danger, nous ne serons pas plus royalistes que le roi. Nous allons vous suivre, monsieur le ministre, même si ce sous-amendement m'inquiète un peu. Pour une fois, on peut essayer de vous faire confiance !
    M. Maurice Leroy. De l'audace, encore de l'audace !
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement oral du Gouvernement.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous rassure, monsieur le rapporteur pour avis : il ne s'agit naturellement pas de cesser de porter à la presse quotidienne régionale une attention particulièrement vigilante, compte tenu de son importance et de sa situation, même si ce sous-amendement élargit le champ de la mesure.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié, modifié par le sous-amendement du Gouvernement.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la communication.
    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 ;
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    Aménagement du territoire :
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 25 du rapport n° 1110) ;
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XIV de l'avis n° 1112).
    Fonction publique, réforme de l'Etat, services généraux du Premier ministre, SGDN :
    Fonction publique et réforme de l'Etat :
    M. Georges Tron, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 26 du rapport n° 1110) ;
    M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome I de l'avis n° 1115).
    Services généraux, Conseil économique et social, Plan et journaux officiels :
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 37 du rapport n° 1110).
    Plan :
    M. André Chassaigne, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XVII de l'avis n° 1112).
    Secrétariat général de la défense nationale et renseignement :
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 36 du rapport n° 1110).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT