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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 24 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 23 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de finances pour 2004 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'aménagement du territoire.
M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aménagement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
MM.
André Chassaigne,
Jacques Bobe,
Pierre Cohen,
François Sauvadet,
Emile Blessig,
Mme
Marie-Françoise Pérol-Dumont,
MM.
Léonce Deprez,
Nicolas Forissier,
Victorin Lurel,
François Guillaume,
Michel Raison.
M. le ministre.
Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Jean-Michel Couve, Patrice Martin-Lalande, Denis Merville, Philippe Folliot.

Etat B
Titres III et IV. - Adoptions «...»
Etat C
Titre VI. - Adoption «...»
Suspension et reprise de la séance «...»
FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT,
SERVICES DU PREMIER MINISTRE,
BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS ET SGDN

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat.
M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le Plan.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Henri Pagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. le ministre.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant l'aménagement du territoire.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'aménagement du territoire.
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mes chers collègues, je vais vous présenter le rapport sur le projet de loi de finances pour 2004 concernant l'aménagement du territoire.
    Ce projet de loi de finances prévoit un budget de 272,77 millions d'euros pour la politique d'aménagement du territoire, soit une hausse de 1,9 % par rapport au budget voté en 2003. Le principal outil de la politique d'aménagement du territoire, le Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire, le FNADT, devrait bénéficier de 75,7 millions d'euros en dépenses d'intervention, soit une hausse de 26,8 % par rapport aux crédits votés en 2003. En ce qui concerne les subventions d'investissement, le FNADT devrait bénéficier de 228,82 millions d'euros en autorisations de programme et de 143,86 millions d'euros en crédits de paiement.
    Cependant, il faut bien évidemment souligner que les crédits affectés au budget de l'aménagement du territoire ne retracent qu'une partie de l'effort financier en faveur de la politique d'aménagement du territoire, soit environ 2,52 %. D'autres ministères, ainsi que les fonds structurels européens, contribuent aussi financièrement à la politique d'aménagement du territoire français. L'effort financier global en faveur de l'aménagement du territoire devrait représenter 10,63 milliards d'euros en 2004.
    Ce présent projet de budget illustre la volonté qu'a le Gouvernement de faire une utilisation plus performante de la dépense publique, notamment par l'augmentation des taux de consommation. Mais il se caractérise aussi par le respect des engagements de l'Etat - puisqu'il renforce les moyens financiers des contrats de plan Etat-régions, en dépit des retards qui s'étaient accumulés pendant les trois premières années d'exécution -, par la volonté d'améliorer l'attractivité et la compétitivité du territoire français, par la volonté de garantir la cohérence territoriale et d'aider les territoires les plus fragilisés, par un souci de simplification des procédures, notamment en matière de gestion des fonds structurels européens.
    Ce projet de budget illustre donc, en premier lieu, la volonté du Gouvernement de promouvoir une utilisation plus performante de la dépense publique. Ainsi, le budget de fonctionnement de la DATAR, à 13,1 millions d'euros, marque une baisse de 2,27 % par rapport au budget de 2003. Cette baisse est essentiellement due à une diminution de 4,1 % des crédits affectés aux dépenses de matériels et de fonctionnement des services. De plus, deux emplois budgétaires devraient être supprimés, par le non-remplacement de deux départs en retraite.
    Cela marque la prise en compte des préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle de notre assemblée, à la suite du travail très important et utile réalisé par son rapporteur, Georges Tron, concernant les perspectives de regroupement des organismes de prospective et d'évaluation appliquées à la politique territoriale.
    En outre, le Gouvernement assure la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances : les mesures de globalisation des emplois contractuels sont poursuivies.
    Ce projet de budget assure aussi le respect des engagements de l'Etat, en renforçant les moyens financiers des contrats de plan Etat-régions. En effet, l'objectif retenu en 2004 est de financer prioritairement les engagements pris au titre des contrats de plan Etat-régions.
    Ainsi, ils bénéficient, au titre des dépenses d'intervention, de 36 millions d'euros, soit une hausse de 80 % par rapport aux crédits votés en 2003. Au titre des subventions d'investissements, ils bénéficient de 135 millions d'euros en autorisations de programme et de 70 millions d'euros de crédits de paiement.
    Les crédits délégués de 2000 à 2002 et les crédits programmés en 2003 portent le taux de mise en oeuvre des crédits de l'Etat à 45,6 %. Je me dois de souligner le retard pris lors des trois premières années de mise en oeuvre de ces contrats : cela peut, en grande partie, justifier les accumulations de taux de consommation.
    La procédure de révision des contrats de plan Etat-régions a été engagée en 2003, afin de permettre une utilisation des moyens financiers mis à la disposition des collectivités locales plus souple et plus proche de leurs besoins.
    Le Gouvernement manifeste aussi sa volonté d'améliorer l'attractivité et la compétitivité du territoire français. Ainsi, l'agence française pour les investissements internationaux - AFII -, créée en 2001 afin d'offrir un interlocuteur unique aux investisseurs internationaux, devrait bénéficier en 2004, comme en 2003, d'une dotation de 7,46 millions d'euros, prenant ainsi en compte la réduction de crédits votée l'année dernière par le Parlement.
    La prime d'aménagement du territoire permet, quant à elle, d'accompagner les créations, localisations et extensions d'entreprises dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire. En 2002, plus de 12 478 emplois ont été aidés par le dispositif de la PAT. Le projet de loi de finances prévoit 50 millions d'euros d'autorisations de programme et 40 millions d'euros de crédits de paiement.
    En 2002, le bilan de l'implantation des investissements internationaux en France est le suivant. Les annonces de créations d'emploi ont atteint 22 860, ce qui correspond à une faible diminution, moins de 10 %, au regard de la forte chute enregistrée en 2001 par rapport à 2000 -, moins 20 %, faut-il le rappeler. La France retrouve le niveau de projets d'investissements étrangers qu'elle avait atteint en 1999, soit 438 projets. Les engagements financiers associés aux investissements recensés par l'AFII en 2002 s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, soit une hausse de 14 % par rapport à l'année précédente.
    Ce budget marque aussi la volonté de garantir la cohérence territoriale et d'aider les territoires les plus fragilisés. Ainsi, le projet de loi en faveur du développement des territoires ruraux marquera la volonté de renforcer l'attractivité des territoires ruraux et de préserver leur diversité et leurs spécificités.
    M. André Chassaigne. Paroles !
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. La politique d'aménagement du territoire accompagnera pleinement la mise en oeuvre de ces réformes, notamment à travers celle des ZRR, de leur zonage et de leur dispositif fiscal.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. En ce qui concerne les secteurs urbains fragilisés, la création de 41 nouvelles zones franches urbaines vient prolonger les mesures d'exonération fiscale et sociale applicables aux entreprises nouvelles qui se créent dans les zones de redynamisation urbaine.
    Le Gouvernement prévoit aussi diverses réformes en faveur des zones de montagne, annoncées notamment lors du CIADT du 3 septembre 2003.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Excellente politique !
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Il a mis en oeuvre le plan de rattrapage - là, ce ne sont pas des paroles - de couverture du territoire en téléphonie mobile,...
    M. Pierre Cohen. Paroles, là aussi ! On n'a planté qu'un seul pylône !
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. ... rompant avec l'immobilisme du gouvernement précédent - ce qui ne vous aura pas échappé, mes chers collègues...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Eh oui ! Pendant des années, le courant ne passait pas !
    M. Pierre Cohen. Baratin ! Désengagement de l'Etat !
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. ... sur cette question sensible et très représentative des enjeux actuels, en vue de permettre l'égal accès de tous les territoires aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Je comprends que cela suscite quelques remarques de la part de nos collègues de l'opposition, mais je me permets d'insister sur le fait que 44 millions d'euros, dont 30 millions d'euros au titre du FNADT, ont été affectés à ce plan de rattrapage de la téléphonie mobile en 2003.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On ne peut que saluer cette initiative ! Bravo !
    M. Pierre Cohen. C'était dans le CIADT de Limoges !
    M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Monsieur Cohen, c'était peut-être dans le CIADT de Limoges, mais c'est un autre gouvernement qui l'a fait.
    Enfin, ce budget est marqué par la volonté de simplification des procédures. Diverses réformes ont permis de simplifer les procédures de gestion des fonds structurels européens. Les retards de la France dans l'engagement des crédits ont été en grande partie rattrapés. Les réformes doivent être néanmoins poursuivies, pour permettre une plus grande efficacité de la gestion de l'ensemble des crédits européens. En 2004, compte tenu de la programmation pluriannuelle de ces crédits, les sommes en provenance des fonds européens devraient être affectées à la France à l'identique par rapport à 2003, à savoir 3,32 milliards d'euros.
    Ainsi, le budget 2004 de l'aménagement du territoire devrait permettre une meilleure optimisation des crédits d'intervention et d'investissement. Au titre des économies de fonctionnement, il faut souligner la baisse du budget de fonctionnement de la DATAR et la fixation du montant de la dotation de l'AFII, au niveau souhaité l'an dernier par le Parlement.
    Le contrôle sur pièces et sur place mené au siège de l'association « Entreprise, territoire et développement » a permis de constater que la subvention de la DATAR, ramenée de 1,8 million d'euros à 1,2 million d'euros, sera ainsi à même d'être mieux contrôlée.
    Par ailleurs, il n'est pas proposé de réinscrire les crédits de l'Institut des hautes études de l'aménagement et du développement du territoire, qui ont été supprimés l'an dernier par notre assemblée.
    Globalement, il s'agit donc d'un budget de l'aménagement du territoire réaliste, et qui se situe dans une perspective volontariste d'aménagement de tous nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'aménagement du territoire.
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le budget de l'aménagement du territoire est toujours important pour les élus locaux de cette assemblée. Il l'est d'autant plus, cette année et dans les années à venir, que le Gouvernement est en train de mener à bien une relance de la politique de décentralisation de l'Etat.
    Dans cette perspective, la nécessité de maintenir une cohésion entre des territoires plus autonomes paraît fondamentale, faute de quoi les inégalités entre les territoires risquent d'aller croissant, brisant l'unité et la continuité du pays. A cet égard, on ne peut que se féliciter, dans le contexte budgétaire que chacun connaît, de la préservation des moyens destinés à l'aménagement du territoire. En effet, les crédits de la DATAR augmentent globalement de près de 2 % en crédits de paiement et de près de 3 % en autorisations de programme, mais il faut ajouter que ces crédits ne représentent qu'une petite partie de l'effort financier public en faveur de l'aménagement du territoire, auquel les autres ministères contribuent beaucoup, et que les fonds structurels européens doivent également être intégrés dans l'analyse. Or l'ensemble des crédits budgétaires destinés à cette politique est en augmentation de près de 6,5 %, tandis que l'effort financier en sa faveur, englobant les fonds structurels européens, représentera plus de 10 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,2 %. Il faut noter que cette augmentation représente près d'une fois et demie le budget de la DATAR.
    Néanmoins, on ne saurait se contenter de cette augmentation des crédits. Comme tout citoyen, un rapporteur budgétaire est en droit d'attendre un effort de gestion des crédits dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances.
    A cet égard, je me félicite des principes qui ont guidé la construction de ce projet de budget. Les moyens de fonctionnement de la DATAR ont été rationalisés, en échange de quoi cette administration verra ses crédits d'intervention et de subventions d'investissement augmenter. Ainsi, les moyens de fonctionnement de la DATAR enregistrent une baisse de 2,3 %.
    Par ailleurs, cet effort de bonne gestion a été étendu aux autres acteurs de l'aménagement du territoire. La dotation de l'Agence française des investissements internationaux verra ses crédits simplement reconduits et les dotations aux associations subventionnées par la DATAR seront en baisse mais feront aussi l'objet d'un meilleur suivi, ce qui répond de manière constructive aux remarques formulées par la Cour des comptes dans son rapport annuel pour 1997.
    En contrepartie de cet effort de saine gestion, la DATAR verra ses moyens d'intervention et de subventions d'investissement augmenter. Ainsi, les crédits du titre V augmenteront de près de 22 %. Quant aux crédits du titre VI, ils baisseront légèrement en crédits de paiement mais augmenteront de près de 3 % en autorisations de programme, ce qui permet de rester relativement confiant dans l'avenir.
    Ces deux titres sont mis en oeuvre principalement par le biais du Fonds national d'aménagement du territoire et de la prime à l'aménagement du territoire. Le FNADT permet de financer les contrats de plan Etat-régions, mais aussi les priorités fixées dans le cadre des comités interministériels à l'aménagement du territoire. Il enregistre pour 2004 une augmentation de ses crédits de près de 5 %, ce qui prouve que le Gouvernement honore les engagements pris en 2000 dans le cadre des contrats avec les régions. En revanche, on peut regretter que les crédits destinés à la prime d'aménagement du territoire soient en léger repli. Cette prime est en effet une subvention accordée par le ministre de l'aménagement du territoire à des entreprises situées dans certaines zones fragiles et dont l'activité préserve l'emploi dans des régions enclavées. Elle agit donc très directement sur la vitalité des territoires fragiles.
    Le Gouvernement l'a d'ailleurs reconnu, le 7 février 2003, en annonçant, après avis du comité interministériel d'aide à la localisation d'activité, l'octroi d'une prime à l'aménagement du territoire à vingt-sept entreprises qui se sont engagées à créer près de 2 400 emplois, en réalisant, par ailleurs, 1,2 milliard d'euros d'investissements. Ces entreprises vont bénéficier d'une aide de 20 millions d'euros, s'engageant en contrepartie à créer ces emplois dans les trois années à venir et à les maintenir pendant cinq ans au moins.
    C'est une bonne mesure, surtout si l'on songe à la médiocre consommation des crédits de la PAT en 2001 et 2002, d'ailleurs déjà dénoncée par la Cour des comptes. Il me paraît préférable de multiplier les mesures de ce genre et de rendre utiles les crédits de la PAT, plutôt que de les reporter indéfiniment pour, ensuite, trouver à cela la justification d'une réduction de crédits.
    On constate donc que les moyens budgétaires en faveur de l'aménagement du territoire sont importants. Je me réjouis surtout de constater que ces crédits seront mobilisés en faveur d'objectifs clairement définis. Le Gouvernement a en effet pris des engagements clairs qui permettent à l'Assemblée de savoir précisément comment seront utilisés les crédits soumis à son examen.
    Ainsi, le Gouvernement a décidé de relancer la politique de solidarité en faveur des territoires ruraux, réagissant au sentiment d'abandon qu'éprouvent de nombreux Français de la France rurale...
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis. ... et dont les députés se sont fait l'écho auprès du Gouvernement.
    Le 3 septembre dernier, le CIADT a été entièrement consacré au monde rural, faisant le point sur ses évolutions sociales et économiques récentes. Il a aussi permis de prendre connaissance du projet de loi relatif au développement rural, présenté le même jour en Conseil des ministres, et qui témoigne d'une véritable mobilisation financière de l'Etat en faveur des territoires ruraux fragiles. Sans anticiper sur le débat qui aura lieu dans notre assemblée en janvier prochain, je me réjouis déjà de voir que le zonage des zones de revitalisation rurale sera réformé. Son dispositif fiscal sera renforcé, favorisant l'implantation et le maintien d'activités industrielles et de services dans les zones éligibles.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis. Ce texte contient également des mesures en faveur des territoires de montagne, répondant ainsi à une demande forte des parlementaires.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis. Le Gouvernement s'est en outre engagé à réduire ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « fracture numérique ». Je me félicite de la signature, le 15 juillet 2003, de la convention nationale de mise en oeuvre du plan d'extension de la couverture du territoire en réseaux de téléphonie mobile, qui devrait permettre l'installation et l'exploitation de 1 250 sites nouveaux.
    En revanche, la politique en faveur de l'accès aux technologies de l'information à haut débit mérite d'être approfondie. Une étude de la DATAR de juin 2003 montre en effet que l'accès au haut débit est réservé à 21 % de la population française, dans 9 000 communes, ce qui représente un nouveau défi à la politique d'aménagement du territoire. Cette étude montre également que les projets d'extension du réseau émanent surtout des collectivités locales. Je ne peux donc qu'engager et encourager le Gouvernement à participer financièrement à la réduction de cette fracture.
    M. Pierre Cohen. Très bien !
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis. Enfin, le Gouvernement a entrepris de mieux accompagner les mutations économiques par la signature, conformément aux objectifs fixés par le CIADT du 13 décembre 2002, de plusieurs contrats de sites visant à créer 7 000 à 8 000 emplois à l'horizon 2006, en engageant près de 350 millions d'euros. Ces contrats visent les zones touchées par des restructurations industrielles douloureuses. Je me réjouis de constater que les crédits pour 2004 seront mobilisés au profit d'objectifs aussi clairement définis.
    Mais je voudrais aussi attirer l'attention du ministre sur la possibilité de perfectionner certains outils juridiques de la politique d'aménagement du territoire. Ainsi, les difficultés de mise en oeuvre des contrats de plan Etat-régions sont désormais connues de tous, notamment la mauvaise consommation de ces crédits, qui atteint près de 45 % après trois ans, ce qui est inférieur au taux normal de consommation. La révision à mi-parcours des CPER doit être une occasion de mieux mobiliser les crédits en ouvrant la possibilité de réaffecter des crédits non utilisés vers des projets qui, à l'inverse, en manquent. J'engage donc le ministre à faire preuve de souplesse dans la révision des CPER, afin que la contribution de cet outil à l'efficacité de la politique d'aménagement du territoire soit confirmée.
    Une analyse similaire peut en outre être faite au sujet des fonds structurels, dont la mauvaise consommation entre 2000 et 2003 fait peser sur la France le risque d'un dégagement d'office des crédits. Le gouvernement actuel a déjà réagi en 2002 en prenant certaines mesures propres à améliorer la consommation des fonds communautaires. A la fin du premier semestre 2003, le taux d'engagement des crédits européens atteignait une courbe optimale de près de 40 %, mais le niveau des dépenses effectivement payées se situe aux alentours de 10 %, suivant les fonds considérés. Le Gouvernement doit donc faire en sorte que la gestion des fonds structurels puisse être améliorée.
    Enfin, je ne peux qu'appeler à la poursuite des réformes de certains dispositifs dits de recomposition territoriale issus de la loi Voynet. En effet, les schémas de services collectifs peinent à être mis en oeuvre du fait d'objectifs trop difficiles à atteindre ou, parfois, trop vagues. Par ailleurs, les contrats d'agglomération et les contrats de pays connaissent les mêmes difficultés de mise en oeuvre à cause d'une trop grande complexité des procédures.
    M. Pierre Hellier et M. François Sauvadet. C'est vrai.
    M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis. Le dispositif des contrats de pays a déjà fait l'objet, à l'initiative de M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, d'une simplification. Je souhaite que ces réformes soient poursuivies, afin que les outils de recomposition territoriale ne tombent pas dans l'oubli ou le discrédit.
    Je voudrais conclure en rappelant avec force qu'au-delà de ces réformes souhaitables, les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004 ont été préservés et qu'ils ont été élaborés autour d'une logique d'optimisation de leur utilisation qui mérite toutes les félicitations. En outre, les objectifs fixés pour 2004 permettront de marquer la volonté du Gouvernement d'oeuvrer à la cohésion du territoire. C'est pour cette raison que, conformément à l'avis de son rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire, que je vous invite à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier M. le président de la commission des affaires économiques, ainsi que MM. les rapporteurs, de l'attention avec laquelle ils se sont employés à faire vivre les principes de la loi organique relative aux lois de finances. Je souhaite également, avant de commencer, féliciter vos rapporteurs, Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay, non seulement pour la précision de leurs argumentations, mais aussi pour leur présence sur place : ils ont souhaité venir contrôler la bonne utilisation des fonds et peser de toute leur détermination afin que le Gouvernement se montre respectueux de la loi organique en fixant des programmes, en mettant en place des procédures d'évaluation et en rendant compte de son action.
    Les crédits demandés au titre de l'aménagement du territoire que j'ai l'honneur de vous présenter confirment toute la détermination du Premier ministre et du Gouvernement à assurer tout à la fois l'attractivité de notre pays et la solidarité vis-à-vis des zones en difficulté. Ils s'élèvent pour 2004, à périmètre constant, à 266 millions d'euros en autorisations de programme, soit une diminution de 1,5 %. Les crédits de paiement et dépenses ordinaires diminuent pour leur part de 0,9 %, à 265 millions d'euros. Nous avons effectivement, comme l'ont souligné les rapporteurs, fait en sorte d'intensifier nos efforts de maîtrise des dépenses et de rationalisation du budget, en recentrant toute notre action sur la contractualisation entre l'Etat et les régions, et en globalisant les aides qui étaient encore éparpillées.
    Deuxièmement, nous avons souhaité vous présenter les crédits budgétaires d'une façon sincère. L'effort tendant à une meilleure exécution de la dépense s'accompagne d'une remise à niveau des lignes de crédit en fonction des besoins effectifs. Une diminution des reports de crédits dans la loi de finances 2004 permet également une plus grande transparence des crédits soumis au vote de l'Assemblée nationale.
    Concernant les moyens de fonctionnement de la DATAR, ils s'élèvent à 13,1 millions d'euros, soit une réduction de 0,3 million par rapport à 2003.
    Les moyens de fonctionnement subissent une baisse de 4,1 %, passant de 7,3 à 7 millions. Il convient de féliciter la DATAR pour avoir souhaité accompagner notre effort et le mettre à exécution en ce qui concerne la rationalisation de ses moyens de fonctionnement. Cela se traduit, comme le disait le rapporteur, par le non-remplacement d'un départ sur deux et par la diminution des emplois budgétaires de deux.
    Le même principe de rigueur vaut pour certaines subventions qui finançaient des organismes aux missions essentiellement environnementales, qui ont été retirées du budget de l'aménagement du territoire pour être imputées sur celui de l'environnement.
    Nous avons entendu les critiques qui ont été formulées au sujet de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire. Nous avons répondu à votre demande. Cet organisme n'est pas prolongé, comme vous le souhaitiez.
    Concernant les crédits d'intervention, qui figurent au titre IV et concernent le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, il est prévu une dotation de 75,7 millions d'euros. L'écart important entre les 59 millions de la loi de finances initiale 2003 et les 75 millions de la loi de finances initiale 2004 ne doit pas étonner, puisque le montant des crédits sollicités en 2004 est à comparer, en réalité, avec les 91,47 millions d'euros disponibles en 2003, en raison des nombreux reports.
    Nous avons d'ailleurs souhaité, dans un travail de clarification et de transparence mené avec les rapporteurs, présenter - ce que font toutes les collectivités territoriales - les crédits demandés en loi de finances et les crédits consommés, ce qui pourrait ressembler à un compte administratif, pour justifier la demande des crédits pour la loi de finances initiale 2004.
    L'Etat a souhaité - malgré les efforts de réduction des coûts et de maîtrise des dépenses publiques - préserver la partie contractuelle du FNADT, c'est-à-dire les contrats de plan Etat-régions, de façon à assurer la couverture de ses engagements. Le choix a été fait de recentrer l'action de l'Etat sur les investissements. Car je crois que nous devons maîtriser nos coûts de fonctionnement et privilégier nos dépenses en matière d'investissement, qui ont pour but d'alimenter notre potentiel de croissance ainsi que l'attractivité du territoire français.
    Ont ainsi été privilégiés, pour atteindre 36 millions, les crédits nécessaires pour les contrats de plan Etat-régions.
    A contrario, nous avons réduit les crédits de 10 % par des réductions de dépenses sur le réseau de la DATAR et sur le volume des subventions. Parmi ces baisses figure la subvention à l'association Entreprise, Territoire et Développement, qui a fait l'objet du contrôle qu'évoquait M. le rapporteur spécial, Louis Giscard d'Estaing.
    En outre, et je tiens là aussi à féliciter la DATAR et son administration, car c'était un des objectifs que nous lui avions assigné, il y a eu une gestion dynamique des crédits disponibles en 2003, puisque, au 31 décembre 2003, 94 % des crédits seront consommés, contre 49 % en 2002.
    Concernant les crédits d'investissement, il y a deux types de crédits : la prime d'aménagement du territoire et le FNADT. Globalement, les capacités d'investissement ont été maintenues, mais au prix d'une redistribution des crédits en interne et d'une redéfinition des politiques. Priorité a été donnée au FNADT et aux contrats de plan Etat-régions. La prime d'aménagement du territoire, ce que regrettait M. Jacques Le Nay, a été diminuée.
    Concernant la PAT, les autorisations de programme s'élèvent à 50 millions, ce qui représente une baisse de 17 millions d'euros par rapport à la loi de finances 2003. Les reliquats d'autorisations de programme permettront de porter les crédits ouverts à 60 millions.
    Les crédits de paiement sont également en diminution. Une économie de 34 % a été réalisée, et le PLF prévoit l'ouverture de 40 millions d'euros de crédits.
    Concernant le FNADT, les investissements s'élèvent à 81 millions d'euros en autorisations de programme au titre de la section générale. Les contrats de plan Etat-régions s'élèvent à 135 millions d'euros, ce qui correspond à peu près à l'annuité théorique - un septième - qui s'élève mathématiquement à 139 millions d'euros. Les engagements de l'Etat sont donc totalement respectés pour la contractualisation Etat-régions. Concernant les crédits de paiement, ils diminuent de 10 millions d'euros. Il n'est prévu aucun report de 2003 sur 2004, et le taux de consommation prévisionnel des crédits d'investissement au 31 décembre 2003 est de 100 %.
    Quelles sont les priorités que nous entendons afficher dans la politique d'aménagement du territoire ?
    Nous avons évidemment à accompagner et à anticiper les mutations territoriales, à bâtir un partenariat dynamique entre l'Etat et les collectivités territoriales, et à mieux gérer les crédits disponibles des fonds structurels européens et des contrats de plan Etat-régions.
    Premièrement, l'accompagnement des mutations territoriales est aujourd'hui une priorité extrêmement importante. Nous sentons bien, les uns et les autres, qu'il y a aujourd'hui une redistribution planétaire, et à l'intérieur du continent européen, des activités à caractère industriel ou tertiaire. Nous voyons notamment les pays d'Europe centrale devenir le réceptacle d'un certain nombre d'investissements de caractère industriel, ce qui fragilise un peu nos régions. Ce débat sur les évolutions des implantations industrielles est central dans la majeure partie des pays de l'Union européenne. La DATAR a mené une réflexion qui vise à analyser et à anticiper les modalités probables de ces mutations. Nous avons mis une ingénierie à la disposition d'une région qui souhaitait, en, prévision de la délocalisation d'un tissu industriel important, réfléchir avec nous sur les moyens d'anticiper cette mutation et d'y répondre par un rebondissement à caractère social, économique et territorial. Nous sentons bien que nous avons à réfléchir à la consolidation de nos industries traditionnelles, mais aussi à l'attractivité territoriale pour attirer de nouvelles entreprises. Il est évident que nous avons trop tendance à subir les crises au lieu de les anticiper.
    Le Gouvernement a décidé la mise en place de contrats de sites, comme l'indiquait le rapporteur pour avis, Jacques Le Nay, car cet état d'esprit, qui consiste à faire face à une situation de crise et à mobiliser la totalité des acteurs, permet d'exprimer la puissance de rebondissement susceptible d'être engendrée par la cohérence des politiques menées. Monsieur le président, vous connaissez mieux que quiconque la capacité de réaction de cette belle région à laquelle vous appartenez...
    M. le président. Merci, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et qui nous a permis de faire face ensemble - Etat, région et département - à des drames aussi douloureux que celui de Metaleurop. Il en va de même dans d'autres régions. La DATAR poursuivra et intensifiera le travail d'accompagnement du développement local. Les capacités de ressourcement et de rebondissement sont très fortes sur le plan local. Il convient de mettre à la disposition des décideurs locaux les moyens d'accompagner ce rebondissement, voire de le concevoir par l'ingénierie mise à la disposition des territoires.
    Deuxièmement, nous souhaitons construire et renforcer un partenariat dynamique entre l'Etat et les territoires, et au premier rang d'entre eux, bien évidemment, les régions.
    A l'occasion des quarante ans de la DATAR, nous avons entendu un certain nombre de critiques et de soutiens. Personne ne peut imaginer que, dans un monde en pleine évolution, nos structures ne s'adaptent pas. Or, la DATAR a su, avec beaucoup de maturité et de lucidité, affirmer sa capacité à peser sur un débat de dimension européenne, à renforcer son partenariat local et à distinguer sa partie gestion.
    En ce qui concerne l'animation et l'anticipation, la contribution de la DATAR au débat sur les infrastructures de transport a été, me semble-t-il, déterminante. Dans un espace européen en pleine évolution, la capacité de croissance endogène de l'Europe est un élément d'équilibre du monde. Y a-t-il trop d'Etats-Unis ? La réponse est non ! Il n'y a pas assez d'Europe. A cet égard, la mobilité est un des facteurs importants du développement de l'économie. D'où l'importance du débat sur les infrastructures. Dans ce domaine, la contribution de la DATAR a été exemplaire. Elle a permis au Parlement d'analyser ce qui sera l'objet du CIADT de fin d'année, à savoir les moyens de mettre en valeur les atouts. A titre d'exemple, on peut évoquer les ports du Havre et de Marseille, dont le développement implique une liaison avec les ports de l'Europe du Nord.
    Nous souhaitons aussi repenser les outils contractuels. Vous avez eu raison, messieurs les rapporteurs, de souligner que ce qui est à l'ordre du jour, contrairement à ce qu'évoquait un journal des collectivités territoriales, ce n'était pas la mort des contrats de plan, mais leur nécessaire évolution. Nous pensons que les contrats de plan ne doivent pas forcément être de durée identique, de séquence identique, de rythme identique selon les régions.
    M. François Sauvadet. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons à réfléchir à l'adaptation, à la souplesse. Dans un contrat, il y a deux parties. Pourquoi vouloir imaginer la même durée, la même teneur, le même contenu dans des régions qui ont, par définition, des besoins, des infrastructures et des financements de nature et de durée différentes ?
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas sûr !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous souhaitons donc conjuguer souplesse et exigence. Nous savions très bien que, dans les contrats de plan, figuraient des programmes qui étaient, certes, affichés mais à l'issue desquels on savait, dès la signature, qu'il y aurait 0 % de taux de programmation en raison du temps nécessaire pour faire les études, pour mettre en oeuvre les procédures et pour mener les enquêtes.
    M. François Sauvadet. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il est plus correct et plus logique d'afficher éventuellement les crédits d'étude pour ce type d'infrastructures que d'afficher des opérations dont on sait que la réalisation se fera après la fin du contrat de plan. Nous nous devons donc de faire preuve d'exigence et de transparence dans l'utilisation de l'argent public, qui est l'argent de nos concitoyens.
    Le troisième axe de notre politique, c'est la solidarité territoriale. Vous avez évoqué, monsieur Le Nay, monsieur Giscard d'Estaing, le CIADT rural : nous avons arrêté un certain nombre de mesures pour faire face, avec les élus locaux, à des défis redoutables, qui n'étaient pas forcément apparents les années précédentes. C'est par exemple celui de la démographie médicale, d'où les dipositifs fiscaux visant à faciliter l'installation des professionnels de santé. C'est aussi la téléphonie mobile. A cet égard, j'ai bien entendu les doutes qui ont pu être exprimés. Nous aurons l'occasion d'y répondre tout à l'heure, mais je peux dire dès maintenant que, grâce à l'accord signé avec les trois opérateurs, grâce à la possibilité d'avoir les trois opérateurs sur un seul pylône, grâce à la sécurité juridique qui est aujourd'hui assurée pour l'investissement des collectivités territoriales, nous allons pouvoir répondre à l'exigence légitime de l'égal accès de tous à la téléphonie mobile, avec un objectif très clair : 99 % de la couverture en 2007.
    Je voudrais aussi, à ce stade, me réjouir de la décision qui a permis aux collectivités territoriales de bénéficier, à titre totalement exceptionnel et dérogatoire, de la récupération de la TVA sur les investissements des pylônes. Je dois confesser ici que cela fit l'objet d'un débat intense au sein du Gouvernement, et je tiens à souligner que c'est grâce à l'implication personnelle du Premier ministre que nous avons pu obtenir cette disposition qui nous paraît totalement adaptée à la capacité des collectivités locales de s'implanter et de s'investir dans ce défi important de l'égal accès de tous à la téléphonie mobile.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Il faudrait que la mesure soit prorogée !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons enclenché une première phase, chère madame, avant de passer à la deuxième. Mais vous me donnez l'occasion de faire une mise au point qui clarifiera les choses. Qu'avait proposé le précédent gouvernement ? Ce n'est pas une critique, c'est une analyse.
    M. Pierre Hellier. La réponse est très simple : pas grand-chose !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il avait proposé : 500 millions de francs à la charge de l'État, 500 millions à la charge des opérateurs, 500 millions à la charge des collectivités locales. L'Etat avait eu un réflexe budgétaire : « Nous baissons le prix des licences UMTS ; puisque les opérateurs vont payer les licences moins cher, ils peuvent apporter une contribution supérieure pour le financement de la téléphonie mobile. »
    M. Pierre Cohen. Elles sont obligatoires, les licences !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Et contrairement à ce que la DATAR de l'époque avait préconisé - à savoir le principe de l'itinérance : un pylône, trois opérateurs - , le gouvernement de l'époque a souhaité le principe de la mutualisation, c'est-à-dire un opérateur par pylône...
    M. Pierre Hellier. Absurde !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... afin de pouvoir maintenir la contribution des collectivités locales à 500 millions...
    M. Pierre Cohen. Non !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur, il ne faut pas dire non pour dire non, il faut discuter preuve contre preuve...
    M. Pierre Cohen. Je ne vous le fais pas dire ! Et nous les donnerons, les preuves !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je suis prêt, monsieur, document contre document, à vous montrer où est la vérité. Je crois d'ailleurs qu'il appartiendra aux parlementaires de pouvoir vérifier sur pièces.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Mais oui, je suis tout à fait d'accord !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Cela étant, ce n'est pas une critique, c'est un constat.
    A partir du moment où l'incertitude juridique qui pesait sur les collectivités locales n'avait pas été levée - le décret prévu par l'article 1511-6 du code général des collectivités territoriales n'était toujours pas paru - , à partir du moment où les opérateurs étaient en situation de concurrence, ils couvraient les territoires dont ils estimaient avoir le besoin de couverture pour l'équilibre du marché, et ils interdisaient aux autres de pouvoir y venir. C'était le principe même de la mutualisation.
    M. Pierre Hellier. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ce qui veut dire que ce mécanisme, s'il avait été enclenché, aurait mis les territoires dans une situation de dépendance par rapport aux nouvelles technologies. Car quand vous êtes en situation de monopole, forcément, vous ne mettez pas en oeuvre les technologies les plus modernes. Qu'avons-nous décidé de faire ? Nous avons décidé de maintenir la contribution de l'État à 44 millions d'euros.
    M. Pierre Cohen. Vous l'avez diminuée !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous avons décidé d'obtenir un accord des trois opérateurs sur le principe de l'itinérance, qui consiste à dire que lorsqu'on met un pylône, chaque opérateur pourra s'y brancher.
    M. Pierre Hellier. C'est logique !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Cela nous permet de nous appuyer sur la hiérarchisation souhaitée par les élus autour d'un préfet de région pour déterminer ce qui peut être fait.
    M. Pierre Cohen. Eh oui ! Cela veut dire que les collectivités vont payer !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Autrement dit, l'Etat a souhaité renforcer l'expression du terrain et la capacité des élus locaux.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Mais qui va payer ?
    M. Pierre Cohen. Les collectivités !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Et nous avons gardé le même principe que celui arrêté par le gouvernement précédent, à savoir une répartition financière entre l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs.
    M. Pierre Cohen. Pas dans les mêmes proportions !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Et le Premier ministre a souhaité faire en sorte qu'au-delà des 44 millions, les collectivités locales puissent récupérer la TVA, ce qui me paraît répondre totalement à une logique de développement de la téléphonie mobile qui est juste, efficace, et qui permet la mobilisation des opérateurs. Au point, d'ailleurs, que l'ensemble des élus, quelle que soit leur philosophie, ont adhéré et ont participé à la signature de ce programme.
    Nous avons engagé des expériences dans quatre départements - la Savoie, la Charente, la Corrèze et la Dordogne - en vue de redéfinir les modalités de l'offre de service public par rapport aux besoins des usagers. A ce propos, messieurs les rapporteurs, vous avez tenu à souligner la pertinence des projets de pays ainsi que notre action en faveur de la simplification des procédures.
    J'en profite pour saluer la contribution très active du président Ollier dans ce domaine, qui nous a permis de revenir à des pratiques pleines de bon sens. Le pays est un espace de projet, non un espace d'exécution. Il ne doit pas être soumis à des contraintes de justification d'un périmètre d'études pendant deux ans avant d'élaborer le projet. Nous avons réduit considérablement le délai entre la prise de décision politique et l'action politique. Nous avons également favorisé la capacité pour les élus de se réunir autour d'un espace, dont ils définissent eux-mêmes le périmètre, afin de leur permettre de réussir ensemble le développement de leur territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous avez tous les uns et les autres approuvé le mécanisme de péréquation qui est au coeur de la problématique. En effet, plus de libertés données aux collectivités locales met en rupture le principe d'égalité. Pour autant, ne tombons pas dans l'illusion de l'égalité des situations, mais soyons conscients de l'égalité des chances territoriales.
    Je souhaite qu'un grand débat s'ouvre à ce sujet. La péréquation est au coeur même de la Constitution mais elle nécessite une clarification dans ses principes d'application. Je me réjouis en tout cas, s'agissant du transfert aux régions, que la proposition du Gouvernement concilie nature des dépenses transférées et nature des ressources transférées. Par exemple, à la TIPP, qui est à base économique, correspond un transfert des compétences à caractère économique au niveau des régions.
    Enfin, nous devons faire face aux nouveaux défis européens. Vous avez, messieurs les rapporteurs, très nettement invoqué la simplification nécessaire des fonds structurels européens. Il y a deux grands sujets.
    Effectivement, grâce à la simplification que nous avons apportée dès notre arrivée aux affaires, le taux de programmation est passé de 15 % en 2002 à 44 % en 2203. Mais nous avons encore quelques inquiétudes sur le taux de consommation, qui semble se situer, en moyenne, autour de 14,5 %, car un certain nombre de régions pourraient être frappées du dégagement d'office.
    Mais nous avons aussi à peser de toutes nos forces sur la définition de la politique de cohésion territoriale européenne après l'arrivée des nouveaux pays car, avec un seuil d'éligibilité à 75 % du PIB, les territoires de la métropole ne seront plus éligibles. Nous avons souhaité le maintien de ce taux de 75 % pour les critères de convergence tout en réclamant une nouvelle orientation de la politique des fonds structurels européens sur les infrastructures de transport, la mobilité étant un facteur de réussite de la croissance européenne, sur les politiques transversales, notamment en faveur de la ville ou des territoires à densité faible, comme les zones de montagne.
    Le débat est ouvert au sein de l'Europe. Le délégué à la DATAR participait d'ailleurs à une réunion informelle encore lundi dernier à Rome. Les discussions portent sur la pertinence de la poursuite des politiques régionales. La France a exprimé haut et fort la volonté de poursuivre ces politiques. C'est un combat qu'il nous faut gagner.
    Je conclurai sur la stratégie de réforme du ministère concernant l'aménagement du territoire.
    M. le président. J'allais très courtoisement vous le demander, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avec Henri Plagnol, nous avons souhaité répondre à un schéma de modernisation. Nous avons réduit de huit à cinq les services de la DATAR. Nous souhaitons développer la présence de la DATAR sur la vision européenne et sur la vision territoriale et contractuelle. Nous avons mis en place une équipe régionale très clairement identifiée, région par région, de façon à renforcer ce crédit. Nous diminuerons les crédits de fonctionnement de la DATAR sur un objectif 2006, en supprimant des crédits consacrés aux tâches de gestion et en développant le caractère européen et territorial de sa mission.
    Monsieur le président, veuillez m'excuser d'avoir dépassé le temps qui m'était imparti.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'était très intéressant !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je voudrais encore remercier les parlementaires de la relation extrêmement exigeante mais cordiale qui est la nôtre, et les encourager, dans l'esprit de la loi organique, à se montrer tout aussi exigeants sur les objectifs, sur la consommation des crédits affectés à ces objectifs et sur l'évaluation des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. Merci, monsieur le ministre, d'avoir fait l'effort de rester à peu près dans les temps.
    Dans la discussion, la parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, c'est la première fois que le Parlement a l'occasion de débattre du budget consacré à l'aménagement du territoire séparément du budget de la fonction publique. Nous aurions été en droit de penser que le Gouvernement souhaitait ainsi démontrer, de façon symbolique, son attachement à cette problématique de l'aménagement du territoire. Force est de constater, après analyse du budget, qu'il n'en est malheureusement rien. Les déclarations d'intention et les beaux discours ne font pas une politique.
    Le projet de loi de finances prévoit pourtant 272,77 millions d'euros au titre de la politique d'aménagement du territoire, soit 5 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2003, en hausse de 1,9 % correspondant à l'évolution prévisible des prix pour 2004. Cette évolution mériterait apparemment d'être saluée tant il est rare de voir un budget en augmentation dans le projet de loi de finances pour 2004. Et pourtant... Une analyse poussée montre une situation nettement moins reluisante : diminution des crédits de fonctionnement de la DATAR, dotations budgétaires nouvelles, certes, mais réduites au respect des engagements de l'Etat au titre des contrats de plan Etat-régions, crédits de paiement des subventions d'investissement de l'Etat très loin du niveau des autorisations de programme. La politique d'aménagement du territoire est, elle aussi, sacrifiée sur l'autel idéologique de la lutte contre les dépenses publiques.
    Ce budget est d'abord marqué par une diminution des crédits de fonctionnement de la délégation à l'aménagement du territoire de 2,2 % par rapport à la loi de finances initiale, 2,6 % par rapport aux services votés, tout cela sans tenir compte de l'inflation. C'est dire l'importance de la diminution des moyens affectés à la DATAR. Pourtant, personne ne songe à remettre en cause son utilité ni à critiquer la qualité de ses travaux.
    L'évolution des interventions publiques au titre du Fonds national d'aménagement et de développement des territoires ne peut, elle, s'apprécier uniquement au regard de la forte augmentation des crédits destinés à l'encouragement de l'action économique. Les 16 millions d'euros d'augmentation de crédits de ce titre constituent le simple prix du respect de la parole donnée par l'Etat aux régions, puisqu'il s'agit de crédits de l'Etat versés au titre des contrats de plan Etat-régions.
    Le nouveau chapitre du FNADT, doté de 3,7 millions d'euros, constitue, semble-t-il, la concrétisation budgétaire de l'engagement du Gouvernement à aider des bassins d'emploi victimes de fermetures d'usines, par le biais de ses fameux contrats de site. Un cadeau de l'Etat ? En aucun cas, puisqu'il s'agit pour l'essentiel de bassins victimes des propres décisions du Gouvernement de fermeture des usines de GIAT Industries.
    La signature de ces contrats de site semble en outre résulter de décisions ou de négociations prises sans la moindre transparence. Quels sont les critères qui permettent à un bassin d'emploi de bénéficier du soutien de l'Etat et donc de la signature d'un contrat de site ?
    On peut aussi regretter l'absence, dans cette démarche contractuelle, d'anticipation des difficultés, qui permettrait de développer une réelle politique industrielle et de ne pas se contenter de « répondre à l'urgence et du traitement des territoires en crise ». Je prendrai l'exemple d'un bassin d'emploi que je connais bien, celui de Thiers, dans le Puy-de-Dôme. Pour un bassin de 55 000 habitants, nous avons perdu, depuis le début de l'année, près de 1 000 emplois industriels. C'est une saignée terrible et les autorités de l'Etat comme les collectivités territoriales ne peuvent qu'accompagner la dégradation de la situation. Ce bassin, comme d'autres, ne remplit-il pas aussi les conditions pour bénéficier d'un contrat de site ?
    La situation sur ce bassin d'emploi n'est malheureusement pas unique. A Amiens, ce sont plus de 1 200 emplois industriels qui ont disparu depuis quelques mois. Là aussi, des élus ont demandé une intervention des pouvoirs publics pour favoriser une réindustrialisation des sites les plus touchés.
    Ces exemples illustrent la nécessité de bâtir une démarche territorialisée d'aménagement du territoire qui soit pérenne, nationalement cohérente, ouverte à un maximum de bassins d'emplois et qui vise à contrecarrer la désindustrialisation que nous devons aujourd'hui affronter.
    Le titre relatif aux subventions d'investissement accordées par l'Etat révèle le peu de considération du Gouvernement pour la politique d'aménagement du territoire : des crédits de paiement en baisse par rapport à ceux votés l'année dernière, mais, surtout, des crédits de paiement d'un montant très sensiblement inférieur à celui des autorisations de programme pour 2004, notamment pour ce qui concerne les subventions d'investissement au titre des contrats de plan Etat-régions - 70 millions d'euros de crédits de paiement alors que les autorisations de programme demandées pour 2004 s'élèvent à 135 millions. A ce rythme, le taux de réalisation des investissements décidés par l'Etat et les régions et pour lesquels l'Etat s'est contractuellement engagé risque de battre tous les records de faiblesse ! Pourtant, il s'agissait d'investissements civils destinés notamment au logement et à l'urbanisme, c'est-à-dire des secteurs vitaux au regard de la crise du logement en France, particulièrement dans les grandes agglomérations.
    M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !
    M. André Chassaigne. La politique d'aménagement du territoire du Gouvernement ne peut, en outre, se limiter à l'étude du bleu budgétaire, réduisant le sujet aux dotations et subventions. Ainsi, le Gouvernement, par souci de mieux aménager le territoire, pourrait-il revenir sur toutes ses décisions de fermeture de maternités, de succursales de Banque de France, de perceptions et cesser d'effacer l'« être et avoir » des écoles communales ? (Sourires.)

    Le Gouvernement compte-t-il toujours exiger de La Poste le maintien de bureaux de poste en zone rurale ? Non, malheureusement, si l'on en croit les propos tenus hier dans cette enceinte par Mme la ministre déléguée à l'industrie. Voilà des mois que l'on attend le nouveau contrat de plan entre l'Etat et La Poste. Mais parce que l'Etat ne se considère plus que comme un actionnaire de droit commun, il laisse La Poste poursuivre sa course à la rentabilité financière, et donc, justifie de fait la fermeture de centaines de bureaux de poste et la politique de précarisation sociale de l'opérateur postal. Alors que l'on débat aujourd'hui de l'aménagement du territoire, pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à garantir une présence postale effective sur l'ensemble du territoire ?
    De plus, quelle réponse budgétaire l'Etat compte-t-il finalement apporter aux très nombreuses communes ne bénéficiant ni d'une couverture en téléphonie mobile ni de l'accès à l'Internet haut débit ? Il s'agit, là aussi, d'une question fondamentale en matière d'aménagement du territoire. Le Gouvernement a déjà beaucoup disserté sur cette question. Mais il n'est toujours pas passé aux travaux pratiques !
    Tout ce que le Gouvernement propose pour améliorer cette couverture haut débit, et ce au travers de CIADT successifs, est de permettre aux collectivités locales de prendre acte de la défaillance du marché et de les autoriser à exercer elles-mêmes ces fonctions d'opérateur, et donc, de mettre la main à la poche. Ce sera aux collectivités rurales, en déclin économique, de payer un équipement qui a été payé dans les villes, plus riches, par le privé. On peut se féliciter qu'une nouvelle liberté soit donnée aux collectivités territoriales, celle de payer elles-mêmes leur couverture en haut débit. Mais je suis, pour ma part, scandalisé que l'on fasse payer aux territoires pauvres les équipements que les zones plus riches ont gratuitement !
    M. Frédéric Dutoit. Très juste !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. C'est vrai !
    M. André Chassaigne. C'est quand même une curieuse conception du service public, chers collègues. Ne serait-il pas possible d'obliger les entreprises de télécommunications à satisfaire leurs oblligations de service public ? On voit bien là les conséquences dramatiques de la privatisation du secteur des télécommunications. Il est de la responsabilité de l'Etat d'améliorer au plus vite la couverture territoriale en matière de téléphonie mobile ou d'accès à l'Internet haut débit. En ce qui concerne le haut débit, la prolifération d'initiatives locales diverses, utilisant des supports techniques souvent très différents, nécessite une intervention régulatrice rapide des autorités locales.
    La défaillance de l'Etat en ce domaine n'est malheureusement pas un hasard. Elle est la conséquence directe du refus des autorités de mobiliser les ressources nouvelles pour financer ce développement. Vous-même, monsieur le ministre, aviez déclaré au congrès de l'AMF, en 1995 : « Quand l'économie était agricole, la richesse et la fiscalité étaient basées sur le foncier ; quand l'économie est devenue industrielle, la richesse était fondée sur le travail et le capital, et la fiscalité aussi. L'économie est devenue principalement aujourd'hui une économie de services et financière. Or, cette sphère est notoirement sous-fiscalisée. » J'aimerais que cette déclaration de bon sens puisse trouver son débouché politique, et que le Gouvernement accepte effectivement, comme vous le demandiez, de prélever des ressources nouvelles sur les activités financières, pour permettre aux collectivités rurales de financer le développement de leur territoire.
    La politique d'aménagement du territoire doit passer au stade des mesures concrètes et ambitieuses. Nous sommes las des discours intellectualisés et séducteurs, jamais suivis de politiques effectives. Nous sommes las des jeux d'ombres jouant sur l'ignorance supposée des Français.
    Très conscients de la futilité des belles paroles, nous n'attendons plus que des décisions concrètes et des actes. Dans le domaine de l'aménagement du territoire comme dans d'autres, sortons enfin de la caverne mythique où vous nous enfermez pour essayer de tromper notre vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Bobe.
    M. Jacques Bobe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec près de 273 millions d'euros, le budget de l'aménagement du territoire pour 2004 que nous examinons aujourd'hui est en progression de 1,9 %, en dépit du contexte particulièrement difficile que nous connaissons.
    Après une baisse l'année dernière, les moyens des services, qui représentent 4,8 % de ce budget, sont en diminution sensible de près de 2,3 % tandis que les crédits consacrés aux interventions publiques au titre du FNADT augmentent quant à eux de 28 %, ceux des subventions d'investissent progressant de 5,7 %. C'est dire que l'objectif visant à réduire les charges de fonctionnement au profit des investissements a été atteint.
    L'aménagement du territoire bénéficie par ailleurs de financements provenant d'autres ministères à hauteur de plus de 7 milliards d'euros, notamment de ceux des transports pour soutenir les charges d'infrastructures ferroviaires et leur développement, de l'industrie, de l'agriculture pour la gestion de l'espace rural, et de l'enseignement supérieur.
    De plus, un des fonds créés par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le FIATA, le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, va voir ses crédits largement abondés afin que soit mieux assuré le développement des lignes aériennes dans les régions isolées. Il convient de souligner à cet égard que le seuil minimum d'accès à ce fonds à été ramené de 10 000 à 5 000 passagers par an. Cette mesure très concrète me semble particulièrement satisfaisante.
    L'aménagement du territoire bénéficie également de fonds en provenance de l'Europe, dont l'apport est loin d'être négligeable : environ 3,3 milliards d'euros en 2004. Il est nécessaire d'améliorer encore la consommation des fonds dévolus et de l'évaluer régulièrement. Le Gouvernement a d'ailleurs décidé, au mois de juillet 2002, à votre demande, de mettre en oeuvre un programme ambitieux de simplification des procédures de gestion de ces fonds structurels européens. Les résultats de cette action sont probants puisque le taux d'engagement des crédits est passé de 14 % à 43 %.
    Je n'oublie pas les allègements de charges fiscales et sociales consentis aux entreprises établies dans les zones difficiles, rurales ou urbaines afin d'accroître l'activité des territoires. Ces allègements représentent 272 millions d'euros.
    Au total, on peut considérer que l'effort financier global consacré à l'aménagement du territoire représentera, pour l'année qui vient, près de 11 milliards d'euros.
    Ainsi peut-on affirmer que, dans un cadre budgétaire resserré, l'essentiel a été préservé.
    Votre politique d'optimisation de la dépense concernant la DATAR permet une augmentation significative des crédits consacrés aux investissements et aux nouvelles priorités. L'Agence française pour les investissements internationaux, qui sert d'interlocuteur unique aux investisseurs étrangers, voit quant à elle ses crédits stabilisés.
    Lors des CIADT qui se sont succédé au cours des dix-huit derniers mois a été affirmée la volonté d'inverser les logiques de déclin des territoires ruraux et urbains les plus fragiles. Nous ne pouvons, monsieur le ministre, que vous soutenir dans cette entreprise. C'est pourquoi je me permets d'insister sur un point majeur, qui concerne de très nombreux collègues : il est nécessaire, pour assurer une politique cohérente, équilibrée et globale de l'aménagement en milieu rural, d'établir une concertation très étroite avec les élus et les différents partenaires locaux,...
    M. Pierre Cohen. Eh oui !
    M. Jacques Bobe. ... tout particulièrement en ce qui concerne les services collectifs.
    M. André Chassaigne. Tout à fait !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Jacques Bobe. En effet, les perspectives offertes par l'élargissement européen, d'une part, et la globalisation de l'économie, d'autre part, doivent nous conduire à engager des politiques de développement local non plus imposées, mais concertées et rendant nos territoires ruraux plus attractifs.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Jacques Bobe. Les zones urbaines ont de tout temps et en tout pays eu un effet d'aimant pour les populations. Il est certes nécessaire de mener à leur égard une politique d'aménagement raisonnée et à long terme pour établir une armature urbaine solide et équilibrée, mais l'effort doit porter sur les zones rurales qui, délaissées et malmenées par les lois Voynet, ont beaucoup de retard à rattraper.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. François Sauvadet. Très juste !
    M. Jacques Bobe. Sur ce point, il est impératif que soit respectée scrupuleusement notre constitution, qui prévoit le transfert des ressources correspondant au transfert des compétences.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. On verra !
    M. Jacques Bobe. Sans les ressources nécessaires, nos collectivités territoriales ne peuvent mener à bien les missions sociales, d'emploi et de développement qui sont les leurs. Les finances sont le nerf de la guerre. Or c'est bien une guerre pour la revitalisation des zones rurales et pour le redémarrage de l'emploi et de l'économie que nous devons mener.
    M. Léonce Deprez. Exactement !
    M. Jacques Bobe. C'est avec impatience qu'est attendu l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Ce texte devra introduire plus de cohérence et de solidarité entre les différentes zones.
    Le CIADT rural du 3 septembre 2003 a permis de définir toute une série de mesures d'ordre réglementaire et financier, notamment dans les domaines de l'habitat, du développement économique et de l'accès aux services publics. Mais il y a aussi tous les problèmes liés au secteur médical, que vous venez de souligner, monsieur le ministre. Il s'agit de donner ainsi de nouvelles ambitions au milieu rural.
    Je crois que nous pouvons nous réjouir que ce budget soit construit sur deux axes prioritaires, l'anticipation des mutations territoriales dans la perspective de l'élargissement européen...
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Jacques Bobe. ... et le développement équitable des territoires, tout en préservant les engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, en particulier dans le domaine des liaisons ferroviaires et routières, indispensables au désenclavement de nombreuses régions et, par conséquent, à leur développement. Je suis très sensible à cet aspect des choses eu égard aux problèmes que connaît ma région.
    Je citerai comme exemples la poursuite de la mise à deux fois deux voies de la route nationale 10 entre Poitiers et Bordeaux et de la mise à deux fois deux voies de la route nationale 141 entre Royan et Limoges, ainsi que l'engagement rapide de la dernière tranche des études relatives au TGV Sud-Europe-Atlantique.
    Sur un plan général, je souhaite que vous puissiez nous confirmer que la diminution de la PAT ne remettra pas en cause les projets prévus dans les zones particulièrement sensibles. Le CIADT du 13 décembre a défini des priorités dont le but est de mettre en place une politique de création de richesses, une ouverture des régions vers l'Europe et la correction des inégalités territoriales dans le respect des identités locales. Cette politique, recentrée sur des objectifs prioritaires, doit permettre à la DATAR de jouer le rôle important qui est le sien.
    La DATAR doit en effet assurer la cohésion sociale des territoires. A titre personnel, je me réjouis que le département de la Charente ait été retenu pour conduire une expérience pilote en matière de services publics.
    La DATAR doit aussi renforcer la place de la France en Europe, notamment par une aide à la politique des transports, par la confortation des pôles d'excellence et la création des pôles de compétences dans les régions, ainsi que par une politique régionale très active.
    Elle doit encore rendre la France attractive en revitalisant les zones défavorisées, ce qui suppose notamment l'extension à l'ensemble du territoire de l'accès au haut débit et à la téléphonie mobile.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Jacques Bobe. Tout le monde en parle, mais vous commencez de le faire. Nous ne pouvons que vous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La décision consistant à permettre l'amortissement à 100 % en un an des paraboles satellitaires est une mesure excellente, tout comme celles qui autorisent les collectivités locales à devenir opérateurs et qui rendent éligibles au FCTVA leurs investissements en matière de téléphonie mobile.
    Les décisions prises sur ce sujet dans le cadre du CIADT sont très positives pour nos territoires. Il serait fort utile, monsieur le ministre, que le calendrier de mise en place de cette politique de développement numérique soit connu assez rapidement. Les collectivités locales pourront ainsi mettre en oeuvre des propositions attractives et les entreprises bénéficier promptement de ces nouveaux outils indispensables au développement économique local.
    La couverture globale du territoire autorisera et encouragera en effet la délocalisation et la décentralisation.
    Enfin, la DATAR se doit de redonner toute la souplesse nécessaire aux outils de l'aménagement du territoire, qu'il s'agisse des procédures applicables aux pays, dont vous avez parlé, ou de l'évolution des contrats de plan Etat-régions.
    Le groupe UMP, et vous l'aurez compris, monsieur le ministre, estime que le budget de l'aménagement du territoire que vous nous soumettez présente de nombreux aspects positifs et reflète le souci du Gouvernement de mener une politique d'aménagement du territoire active en dépit d'un contexte économique et budgétaire difficile.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
    M. Jacques Bobe. Cependant, les missions sont vastes. C'est pourquoi il est nécessaire que la politique d'aménagement du territoire soit rapidement rendue, après des années d'errance, plus cohérente et plus lisible,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Jacques Bobe. ... ce qu'apprécieraient tout particulièrement les collectivités territoriales.
    Il conviendrait, dans cet esprit, de promouvoir une large participation des acteurs locaux, la péréquation entre régions et entre zones urbaines et rurales se traduisant notamment - je me permets d'insister sur ce point - par une réduction de l'écart de DGF entre les communautés urbaines et d'agglomération, d'une part, et les communautés de communes, d'autre part. Nous risquerions sinon d'aggraver cet écart et de provoquer des déséquilibres.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Jacques Bobe. Il conviendrait également de promouvoir le recentrage des missions et des outils déjà en place, des objectifs précis et cohérents entre eux et, enfin, la constance de la vision européenne.
    Telles sont les cartes que nous tenons tous en main. Nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous saurez en jouer au mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, intervenir sur le budget de l'aménagement du territoire, c'est l'occasion à la fois d'analyser les crédits de votre ministère et de porter un regard politique sur les orientations de votre gouvernement en la matière.
    Je ne m'étendrai pas sur le premier point car ce budget n'est pas très explicite, non plus que le précédent, d'ailleurs. Même s'il progresse d'environ 2 % par rapport au précédent, il y a lieu de se rappeler que cette hausse intervient après la forte baisse de 8 % de l'année dernière et qu'un certain nombre de gels entament son crédit, si je puis dire.
    Ce qui importe, vous le savez, c'est l'exécution du budget et non pas son écriture comptable. Or le décalage entre les discours, en particulier celui de votre ministère, et la réalité, traduit l'incohérence qui règne au sein du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    D'aucuns, notamment des députés de la majorité, soulignent la nécessité et l'importance d'un organisme comme la DATAR, qui a pour tâche de répartir les crédits du FNADT, de gérer la PAT, de négocier les contrats de plan, d'attribuer des fonds européens et d'animer des réseaux d'association. Il s'agit donc d'un organisme essentiel dans la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement du territoire. Pourtant, vous diminuez les crédits et les moyens des services de cet organisme par un allégement des effectifs. La rationalisation et l'expérimentation évoquée à son endroit me semblent un leurre et ne me convainquent pas.
    Ensuite, vous déclarez à l'envi l'urgence de soutenir le tissu économique, donc les entreprises. Depuis le mois d'avril 2001, le seuil d'éligibilité de la prime a été abaissé et vous décidez de recentrer le budget sur les territoires les plus fragiles. Cette politique ne pourra cependant pas porter tous ses fruits car vous ramenez la PAT de 45 millions d'euros à 40 millions en crédits de paiement, et de 67 millions d'euros à 50 millions en autorisations de programme, sous couvert d'une meilleure utilisation. Cela ne me convainc pas non plus.
    Enfin, l'augmentation virtuelle de la ligne des contrats de plan Etat-régions ne trompe personne, sachant que, depuis deux ans, vous gelez les crédits à hauteur de 20 % et vous remettez en question certains projets déjà actés. Les élus des collectivités territoriales s'interrogent sur le devenir de leurs projets et vivent très mal ce désengagement unilatéral de l'Etat.
    Là non plus, monsieur le ministre, vous ne parvenez pas à me convaincre.
    De fait, force est de constater que votre budget ne peut susciter trop de discussions et qu'il semble impossible de lui accorder un quelconque crédit.
    Mes propos se situeront dans la continuité du débat que nous avons eu ici même sur les infrastructures car je souhaite prolonger la réflexion engagée.
    Votre politique consiste à éliminer tout projet qui n'a pas dépassé le stade de la déclaration d'intention. Ainsi donc l'absence de maturation des projets suffit à les sortir du cadre contractuel. Or nous avons suffisamment d'antériorité sur les contrats de plan Etat-régions pour savoir que, sans l'inscription officielle et sans phasage de financement, aucun projet ne voit le jour. Je connais des secteurs où il est habituel de multiplier les études et où la mise en oeuvre des projets nécessite par la suite des budgets nettement plus importants que prévu, ce qui fait que rien n'avance. Votre proposition vivant à faire réaliser des études avant toute réalisation me semble donc désastreuse car même si, parfois, des projets ne sont pas réalisés dans les temps, il est important de marquer les priorité, de respecter les échéanciers et d'exprimer la volonté de mettre en oeuvre les contrats de plan Etat-régions.
    Aujourd'hui, le désengagement de l'Etat est tel qu'il est difficile d'en avoir une vue d'ensemble. La question se pose alors de savoir quel est réellement le rôle de l'Etat dans sa responsabilité de rééquilibrage et de solidarité au regard du territoire national.
    A ce jour, la situation concernant les CPER est tellement floue que la création d'une mission d'information sur leur exécution a été demandée par Didier Migaud, pour le groupe socialiste. Je renouvelle cette demande. Au sein d'une telle mission, nous aurions l'occasion de comparer ce que vous affirmez et ce que nous connaissons dans nos différentes régions. Nous savons par exemple que, dans le seul budget de l'industrie, les interventions publiques en direction du commerce, de l'artisanat et des services dans le cadre des CPER ont diminué de 25 %. Il en est de même pour les budgets des routes, notamment pour ce qui concerne la région Midi-Pyrénées, et des transports.
    Il ne suffit pas d'afficher des hausses budgétaires qui ne sont pas suivies d'effets. On ne peut s'en tenir à des effets d'annonce.
    Il est vrai que votre gouvernement maîtrise assez bien la communication, mais cela ne peut plus durer.
    M. Jean Roatta. N'importe quoi !
    M. Pierre Cohen. En réalité, monsieur le ministre, nous ne savons pas si ce phénomène est le fruit d'une idéologie libérale, avec un Etat rendu plus faible et une remise en cause des CPER - dont vous vous défendez - au risque d'aggraver la crise, en particulier au niveau de l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou s'il s'agit d'un phénomène conjoncturel lié au manque de moyens mais qui privilégie malgré tout le budget de la défense au détriment des territoires.
    On retrouve cette situation pratiquement avec tous les budgets.
    Vous avez fait des choix...
    M. Jean Roatta. Les bons choix !
    M. Pierre Cohen. ... et vous avez établi des priorités.
    Dans ce contexte, on relève quelques saupoudrages budgétaires dans les CIADT, alors que les précédents projets n'ont à ce jour pas trop de réalité. Je ne prendrai qu'un seul exemple : le CIADT de décembre 2002, à l'occasion duquel furent évoqués les problèmes de Toulouse et de son agglomération à la suite de la catastrophe d'AZF.
    Nous en attendons toujours les retombées, telles que la création d'un institut des technologies avancées des sciences du vivant ou d'un institut de technologie spatiale. Non seulement ces instituts n'ont pas vu le jour, mais d'autres projets ont été abandonnés.
    A l'issue du CIADT du mois de mai consacré à l'accompagnement de la restructuration du groupe GIAT Industries, le président du conseil régional de Midi-Pyrénées, Martin Malvy, a pu souligner que ce CIADT apportait la confirmation de la suppression de 650 emplois à Tarbes et de 300 emplois à Toulouse. Cette décision a mis fin à une phase de recherche de solutions dans la perspective de préserver l'emploi et l'outil de travail.
    Ce CIADT avait pourtant mis l'accent sur la revitalisation des territoires les plus touchés par les plans sociaux. A cet effet, un certain nombre de contrats de site ont été signés pour accompagner les territoires affectés notamment par le déclin des industries textile et de l'armement, avec l'objectif de créer de 7 000 à 8 000 emplois.
    On peut par ailleurs déplacer que les critères d'éligibilité à ces contrats soient peu clairs.
    Alors que les entreprises ferment - à cet égard, votre région est douloureusement frappée - et que votre politique de l'emploi n'est comprise par personne, aucune démarche volontariste n'apparaît dans votre budget. Il en est de même des budgets que nous aurons l'occasion d'examiner dans les prochains jours. Tout cela démontre que vous vous résignez au chômage.
    En dépit des discours qui affirment le contraire, votre budget traduit la fin d'une vision globalisante du territoire. Je cherche en vain la marque d'une volonté de cohérence de votre ministère, en matière de transport, par exemple.
    Que dire du schéma de ferroutage et du développement du transport de marchandises sur les voies d'eau au regard du lobby du transport routier, alors que ces modes de transport ne sont pas soumis aux mêmes impératifs ni aux mêmes conditions d'acheminement ?
    Je regrette beaucoup les atermoiements de votre ministère, qui sont d'ailleurs en contradiction avec les discours du Président de la République, quant aux alternatives possibles au transport routier qui empêche d'atteindre les objectifs du protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre.
    Le développement des transports en commun dans nos agglomérations, seule alternative à la pollution et à l'engorgement de nos villes, est lui aussi remis en cause du fait du désengagement de l'Etat au niveau des transports en commun en site propre et de l'application des plans de déplacements urbains. Tous les élus des grandes agglomérations s'en sont émus et ont attiré récemment l'attention du secrétaire d'Etat aux transports sur les graves conséquences de cette situation incompatible avec la mise en oeuvre dans les grandes agglomérations des plans de déplacements urbains, instruments indispensables pour répondre aux enjeux de notre société. Au total, ce ne sont pas moins de vingt-deux projets de transport urbain qui sont dans une impasse, ou du moins en difficulté.
    Un autre sujet a mobilisé tous les congrès départementaux de l'AMF, dont celui de Haute-Garonne samedi dernier. Tous les élus se sont émus du désengagement du Gouvernement vis-à-vis des services publics. Nous avons évoqué la fermeture de bureaux de poste, de trésoreries, de succursales de la Banque de France et d'une clinique qui fait énormément parler d'elle dans ma région. Il n'y a aucune négociation, aucune concertation, et surtout aucune cohérence. Du fait de décisions unilatérales, sans aucune concertation, des trésoreries ferment dans des zones périurbaines qui connaisssent un développement de 40 %, ce qui met d'ailleurs en mauvaise posture votre collègue ministre de l'agriculture Hervé Gaymard, qui doit déposer un projet sur la ruralité.
    Enfin, parce que je n'ai pas énormément de temps,...
    M. le président. Assurément, monsieur Cohen !
    M. Pierre Cohen. ... je dirai simplement que le Gouvernement ne s'appuie pas assez sur les territoires émergents que sont les agglomérations ou les pays pour faire un véritable travail sur les services publics. Le CIADT du 3 septembre dernier consacré au monde rural avait pour but de garantir l'accès aux services publics. Une expérience pilote est menée dans quatre départements. Monsieur le ministre, si vous êtes si confiant et si vous souhaitez vraiment que cette expérimentation débouche sur des propositions concrètes applicables à l'ensemble du territoire, gelez dès maintenant les fermetures jusqu'à la fin de l'expérimentation ! Cela vous rendrait réellement crédible et montrerait que vous avez vraiment envie d'aller vers des solutions applicables à l'ensemble du territoire.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Vous proposez quelque chose d'attrayant, mais qui ne sera pas crédible si des fermetures interviennent dans tous les départements.
    Vous avez ironisé, l'année dernière, sur l'ambition du gouvernement Jospin en matière de téléphonie mobile et de réseaux à haut débit, mais je tiens à vous dire que, un an plus tard, vous n'avez pas fait mieux.
    M. Pierre Cohen. D'ailleurs, le ministre a parlé avec ironie d'un pylône, mais je voudrais bien savoir quand il a inauguré le deuxième. Si j'en crois la presse, il ne l'a pas fait.
    Remise en cause des projets et des investissements avec des conséquences désastreuses pour l'emploi, absence de cohérence entre les discours et les grands principes de développement durable, manque de soutien aux transports en commun, remise en cause des services publics, en particulier dans les territoires en difficulté comme les quartiers sensibles et les zones rurales, manque d'efficacité sur les véritables défis de la France et des technologies de la communication, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions soutenir ce budget de mystification. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à  M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, je me rejouis, au nom du groupe UDF, que nous ayons un débat sur l'aménagement du territoire. C'est un sujet que vous connaissez bien pour avoir représenté toutes nos collectivités territoriales. Il mérite une attention toute particulière, même s'il n'est pas médiatisé autant que nous le souhaiterions, parce que c'est un débat essentiel pour l'équilibre du pays tout simplement, pour le lien économique, social, et pour l'avenir.
    Nous avons constaté lors des derniers scrutins qu'un fort sentiment d'abandon régnait dans les zones rurales, sentiment qu'expriment quotidiennement nombre de nos interlocuteurs. Nos compatriotes savent bien qu'il y a une politique de la ville, que les problèmes des quartiers sensibles sont pris en compte, parce qu'ils font souvent la une de l'actualité, parce que c'est là qu'est la population. D'ailleurs, il existe un ministère de la ville et les plus hautes autorités de l'Etat étaient récemment chez le ministre de la ville, dans sa ville précisément, pour parler de la prise en compte des quartiers sensibles. Mais on ne prend pas suffisamment en compte le quotidien de ces millions de personnes qui vivent en milieu rural. L'aménagement du territoire doit être axé prioritairement sur les territoires ruraux. Si nous voulons qu'il soit lisible par l'ensemble de nos interlocuteurs, nous devons avoir une politique cohérente.
    Ne soyons pas démagogiques : dans le contexte de difficultés budgétaires que nous traversons, tout n'est pas possible ! En revanche, ce que l'on attend de nous, c'est que nous marquions une direction claire. L'aménagement du territoire est un domaine complexe, précisément parce qu'il requiert une vocation interministérielle. D'ailleurs, la tenue récente d'un comité interministériel consacré à cette question le montre bien. Vous ne portez pas tout seul, monsieur le ministre, l'ensemble des sujets concernés par l'aménagement du territoire, mais vous en êtes en quelque sorte le chef de file, directement aux côtés du Premier ministre. Il ne s'agit pas de créer des antagonismes, mon cher collègue socialiste, entre villes et campagnes. Cela n'aurait aucun sens. Il faut encourager des solidarités nouvelles entre villes et campagnes ! Nous avons souvent eu le sentiment, par le passé, que l'on ne s'occupait que des populations des villes et qu'on laissait la campagne s'organiser. Nous l'avons d'ailleurs suffisamment dénoncé au cours des dernières années pour vouloir aujourd'hui marquer une nette rupture avec de telles pratiques.
    M. Pierre Cohen. Qui a créé la DSU ?
    M. André Chassaigne. Lisez le dernier rapport de la DATAR, monsieur Sauvadet !
    M. François Sauvadet. Comme je l'ai dit au ministre de l'agriculture, il nous faut un véritable chef de file, comme sur la politique de la ville, pour coordonner la politique rurale. La réalité, vous la connaissez : 80 % de notre territoire n'accueillent que 20 % de la population et les inégalités territoriales subsistent, avec des territoires qui continuent de se développer et des zones périurbaines qui sont soumises à de fortes pressions, notamment foncières.
    Certes, il y a une responsabilité de l'Etat, des régions aussi, qui vont se voir confier un rôle nouveau dans le cadre de la décentralisation à laquelle nous aspirons. Il y a aussi des responsabilités d'organisation dans les collectivités territoriales. Mais cette organisation a ses limites. Des communautés de communes, des pays se sont mis en place un peu partout dans le territoire, car les élus locaux ont conscience que seuls ils ne pourront rien et qu'il leur faut s'organiser. Mais il faut que l'Etat soit à leurs côtés, qu'il écoute les collectivités territoriales organisées et qu'il les accompagne. Cela implique de changer certaines pratiques de nos pouvoirs publics. On a en effet le sentiment de la progressive disparition des services publics, dans les territoires ruraux comme si cela avait un caractère inexorable. Bien sûr, on a parlé de l'éducation, de la présence de pôles scolaires. Vous vous en souvenez sûrement, cher président Ollier ! Nous avons souhaité que l'Etat s'engage à laisser les enseignants sur place autour de pôles scolaires organisés, pour éviter une fermeture de classes, avec parfois une variable de un ou deux élèves. Voilà le nouveau fonctionnement de l'Etat ! On a avancé, mais il faut encore progresser dans cette voie.
    Je pense aussi au combat de notre ami Jean Lassalle, qui s'est exprimé en chanson ici même, ce qui n'a donné que plus de portée à son témoignage sur la présence territoriale de la gendarmerie. Mais cela vaut aussi pour les entreprises qui assument des missions de service au public et qu'il ne faut pas laisser seules par rapport aux exigences du marché, par ailleurs incontournables - je pense notamment à La Poste. J'aimerais d'ailleurs, monsieur le ministre, qu'il y ait au Parlement un débat sur les relations que le Gouvernement et les pouvoirs publics ont avec La Poste, à qui l'on demande des missions de service public. Cela permettrait d'assurer la transparence et d'éviter d'avoir le sentiment que l'Etat négocie et que les dirigeants de La Poste sont obligés d'assumer. Pour toutes ces entreprises qui assument des missions de service au public, nous devrions avoir un débat transparent au Parlement, mais j'imagine que vous y avez déjà réfléchi. En tout cas, nous devrons avancer ensemble dans cette voie.
    Il faut certes réorganiser, monsieur le ministre. Vous avez parlé d'accompagnement, mais il faut être plus offensif. Plus un territoire est fragile, plus il faut lui demander de s'organiser et plus il faut de stabilité dans cette organisation. Je prendrai l'exemple tout simple de la présence hospitalière. Vous avez vu encore une fois les images de ces centaines de personnes couchées devant leur hôpital local, ne comprenant pas les restructurations imposées au nom d'économies qu'il faut bien engager par ailleurs. A peine un schéma régional d'organisation sanitaire est-il discuté avec les élus locaux que, déjà, il est remis en cause. Comment voulez-vous que, dans un contexte de pénurie de médecins, de spécialistes, des personnes se voient un destin dans des hôpitaux dont il ne savent pas s'ils tiendront le coup ou dans des services dont ils craignent qu'ils ne soient fermés dans les mois qui suivent l'adoption du schéma régional ? Oui, il faut s'organiser, mais il faut surtout des pôles de stabilité pour permettre à des familles d'envisager leur destin dans des territoires ruraux, au lieu de les condamner à une forme de purgatoire : on commence sa carrière dans les quartiers difficiles, ou dans le monde rural et, après, on se dépêche de la poursuivre pour la finir à Paris. Il faut rompre avec ces pratiques.
    On a beaucoup parlé des économies et de l'efficience budgétaire, monsieur le ministre. Vous avez vous-même engagé un débat sur le mérite. Vous estimez qu'un fonctionnaire, qui assume une mission essentielle au service de l'Etat, doit pouvoir se dire que mieux il travaille, mieux il sera considéré et plus il sera encouragé. C'est une bonne mesure et nous vous soutenons dans cet effort. Mais il faut commencer par rappeler à ceux qui sont au service du public, qui assument des missions de service public, qu'ils doivent pourvoir les postes qui leur sont offerts, où qu'ils soient sur le territoire. En effet, des postes sont ouverts, malgré les exigences budgétaires, mais nous ne trouvons pas un fonctionnaire pour les occuper. Il faut donc rappeler à tous ces agents que le service du public leur impose de servir là où l'Etat a besoin d'eux, et non là où ils estiment être le mieux pour leur avenir personnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. André Chassaigne. Il ne faut pas exagérer !
    M. Pierre Cohen. Ce sont les médecins libéraux qui ne vont pas sur ces territoires !
    M. François Sauvadet. Mon cher collègue, je ne parle que de faits ! La plus grande des considérations que l'on peut apporter à ceux qui exercent une mission de service public, c'est de leur dire que, partout où ils l'exercent, ils sont également considérés, également respectés et qu'ils pourront faire leur carrière dans les quartiers difficiles, comme dans les territoires ruraux. C'est ainsi que nous les soutiendrons. Nous avons le devoir de les accompagner dans leur mission. En tout cas, c'est la conception que j'ai du service au public.
    Enfin, monsieur le ministre, nous devons mener une réflexion sur les zonages. J'ai conscience que le zonage soulève des difficultés lorsque nous sommes en lisière. Il ne faut pas réinventer des frontières. Peut-être faudra-t-il imaginer des systèmes de lissage, mais si nous voulons avoir de l'activité, de l'emploi, de la reprise, de la création et de la transmission d'entreprise dans nos territoires ruraux, il faudra accorder un avantage fiscal à ceux qui font le choix d'être là où nous souhaitons qu'ils soient, plutôt que d'aller vers les zones agglomérées, là où sont l'activité, l'emploi et naturellement la population.
    Cette réflexion est devant nous. Je signale d'ailleurs qu'un excellent rapport a été rédigé par notre collègue Folliot, au nom de la délégation à l'aménagement du territoire, sur les fonds structurels européens. Là encore, n'attendons pas de nous trouver dans la situation où des moyens européens vont être redistribués, prenant en compte l'arrivée de nouveaux partenaires, notamment des pays d'Europe centrale et orientale. Il faut que nous soyons beaucoup plus incitatifs pour l'entreprise, notamment pour la reprise d'entreprise, et que nous menions sans plus tarder cette réflexion sur les zonages. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez, lors du dernier CIADT du 3 septembre dernier, défini quelques grandes priorités - l'offre et la formation, extrêmement importante, en milieu rural, la territorialisation - et que vous ayez engagé, avec M. Plagnol, une réflexion sur le fonctionnement de l'ENA. Je me souviens du débat que nous avons eu il y a presque un an ici même. Que l'ENA aille à Strasbourg, c'est une bonne nouvelle ! Qu'elle ait une orientation nettement marquée au plan européen, c'est une bonne nouvelle. Cela contribuera au rayonnement de la France. C'est très bien ! Faites cela aussi pour les territoires ruraux ! Il n'y a pas vocation à tout concentrer.
    Je terminerai sur les nouvelles technologies - l'ADSL, Internet et la téléphonie mobile. Il faut agir maintenant.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont et M. Pierre Cohen. Ah ! Même l'UDF le dit !
    M. François Sauvadet. La précédente majorité n'a rien fait pendant cinq ans.
    M. Pierre Cohen. C'est scandaleux d'entendre ça ! Nous sommes devenus le premier pays européen pour Internet !
    M. André Chassaigne. Il fait de la provocation !
    M. François Sauvadet. Je me souviens du dernier CIADT, quelques mois avant les élections...
    M. Pierre Cohen. Juppé n'avait rien fait !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sauvadet !
    M. François Sauvadet. C'est un sujet extrêmement important. L'accessibilité aux nouvelles technologies en milieu rural est essentielle pour l'avenir. Et je m'adresse là aux jeunes, pour qu'ils se voient aussi un avenir dans le monde rural, ou dans les quartiers défavorisés. La moitié des emplois nouveaux seront créés autour des nouvelles technologies et de l'accès à celles-ci. Entrons dans le vif du sujet ! Engageons les régions, à travers les contrats de plan, à aller dans cette direction, et les pays à les encourager concrètement.
    M. le président. Très bonne conclusion, monsieur Sauvadet !
    M. François Sauvadet. On assiste à une sous-consommation récurrente des crédits européens. Simplifions, messieurs les ministres ! Entre le moment où nous sommes éligibles aux fonds européens et celui où notre action est reconnue par les pouvoirs publics, Etat, régions, il s'écoule trois ans. Nous avons encore deux à trois ans pour les mettre en oeuvre. Vous imaginez, avec la lourdeur des procédures administratives ! De grâce, monsieur Plagnol, simplifiez ! On ne réussira pas la simplification si on ne dégage pas le champ de la complexité.
    M. le président. Les ministres vous ont entendu !
    M. François Sauvadet. Le groupe UDF soutiendra votre action, monsieur le ministre. (Exclamations et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous soutenons ce qui va dans le bon sens, pour que les territoires ruraux se voient à nouveau un avenir et que la France soit réunie dans sa politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Emile Blessig.
    M. Émile Blessig. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'aménagement du territoire est, par excellence, au centre de la préoccupation de la chose politique dans un pays moderne. Et cette préoccupation s'est profondément modifiée, ces derniers temps. Comment soutenir nos pôles de compétences, indispensables à la prospérité du pays dans un contexte de concurrence internationale et, dans le même temps, permettre aux autres territoires, moins favorisés, de rester attractifs ? C'est toute la difficulté de la démarche de l'aménagement du territoire et c'est la raison pour laquelle ce débat est au coeur de la préoccupation politique.
    Le contexte actuel est radicalement nouveau. Voilà quelques années, l'Etat, par sa puissance économique - les entreprises publiques - par sa puissance politique, avait les moyens de décider d'un aménagement du territoire. Aujourd'hui, l'aménagement du territoire s'organise autour d'une pluralité de partenaires et d'interlocuteurs : le niveau local avec les intercommunalités et les pays, les régions, l'Etat et, enfin, l'échelon européen.
    Par conséquent, trois éléments sont essentiels à chacun des trois niveaux : un projet, des moyens financiers et une mise en oeuvre de la solidarité territoriale. Cette dernière doit s'exercer à tous les niveaux. Il existe une solidarité territoriale locale, régionale, nationale. Mais on ne peut pas prôner la décentralisation et ne parler péréquation et solidarité que dans un sens, celui de l'Etat vers les collectivités locales ou certains territoires.
    Dans cette perspective, la mission de réflexion sur l'évolution de l'aménagement du territoire est au coeur de la préoccupation de la DATAR. De ce point de vue, elle est un maillon indispensable dans la construction de cette pensée cohérente entre les différents intervenants. Sans cette cohérence, nous aurons du saupoudrage mais pas d'aménagement du territoire. Il existe notamment un réel besoin d'ingénierie humaine, de soutien à la réflexion dans les territoires ruraux où cette ingénierie humaine fait défaut pour permettre précisément la construction d'une pensée cohérente de l'aménagement du territoire à tous les niveaux.
    J'en viens aux dépenses d'intervention. Je l'ai déjà dit, en période de difficultés économiques et d'argent rare, le temps du saupoudrage pour des interventions financières sur une série de projets est résolument fini. Il est de l'intérêt de tous les acteurs de la vie publique de le comprendre. Par conséquent, à l'avenir, seuls devraient être soutenus les projets qui s'intègrent dans des plans structurants à tous les niveaux.
    De ce point de vue, il faut bien entendu soutenir la péréquation. On a parlé des zonages et des fonds d'intervention au niveau national ou européen. Précisément, monsieur le ministre, nous avons une responsabilité collective à jouer dans l'amélioration de la mobilisation des fonds structurels européens. Je sais que vous vous êtes engagé dans cette direction depuis deux ans.
    Je rappellerai néanmoins que, selon Michel Barnier, commissaire européen, nous avons, entre 1994 et 1999, renvoyé à Bruxelles, par la règle du dégagement d'office, environ 12 % à 13 % des crédits européens qui nous avaient été alloués. Cela représente tout de même 240 millions d'euros. C'est énorme ! Pour la période 2000-2006, nous avons un crédit de 16 milliards d'euros. Il faut absolument que nous dépensions ces sommes pour l'aménagement du territoire national. C'est un objectif extrêmement important.
    Certes, la programmation a augmenté et vos chiffres sont certainement plus récents que les miens, qui n'étaient pas aussi optimistes. Il n'en reste pas moins que les crédits de paiement marquent une sérieuse inquiétude : 12 % de crédits de paiement, c'est insuffisant d'ici à 2006.
    Alors comment améliorer cette situation ? Je poserai trois questions, monsieur le ministre. On peut sans doute trouver des marges de manoeuvre au niveau du champ d'application. Ce que vous avez réussi à obtenir en matière de technologies nouvelles et notamment de téléphonie mobile, peut-on envisager de l'étendre rapidement, soit à d'autes domaines précis, soit à des territoires précis ? Il y a là un véritable enjeu quand on connaît l'évolution future des fonds structurels européens.
    Deuxièmement, la simplification des procédures. Pas une semaine ne se passe, monsieur le ministre, sans que remontent du terrain des difficultés de ce point de vue. Où en sont les expérimentations tentées, notamment dans la région qui est la mienne, l'Alsace ?
    Troisièmement, toute utilisation de fonds européens suppose une contrepartie nationale de 50 % pour les objectifs 2, et de 20 % pour l'objectif 1. Comment peut-on mobiliser les collectivités territoriales mais aussi les aider car elles ont souvent des difficultés à dégager la contrepartie financière nationale ?
    Ces trois questions sont fondamentales si nous ne voulons pas que X millions d'euros repartent dans trois ans à Bruxelles faute d'avoir été consommés dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le ministre, réduire la fracture territoriale est une des missions essentielles de votre ministère, et, à l'évidence, l'enclavement reste un élément majeur du déséquilibre existant, que l'élargissement de l'Europe et la compétition accrue entre les territoires ne manqueront pas d'exacerber, jusqu'à les rendre irréversibles faute d'une politique de rééquilibrage volontariste. Comment, dans ce cadre, ne pas s'inquiéter des lourdes hypothèques qui pèsent sur les infrastructures classiques, qu'elles soient routières ou ferroviaires, le budget des transports étant frappé de plein fouet par la politique d'austérité budgétaire définie par le Gouvernement ? Les retards, qu'engendrera mécaniquement ce choix, regrettable à mon sens, ne manqueront pas d'être extrêmement préjudiciables, singulièrement pour les régions enclavées tel le centre de la France où les besoins restent patents. Il suffit pour cela d'observer les nombreuses cartes, tout à fait pertinentes au demeurant, produites par la DATAR ou, mieux encore, de résider dans ces régions.
    Certes, ces dossiers ne relèvent pas directement de votre ministère, mais l'aménagement du territoire étant, par essence, une politique transversale impliquant plusieurs ministères, nous espérons que vous aurez à coeur de contribuer à ne pas laisser exclure des pans entiers de notre territoire du maillage routier, ferroviaire et aérien.
    L'équipement numérique, quant à lui, relève bien de vos attributions et s'il ne peut se substituer aux équipements classiques, il n'en revêt pas moins désormais une importance majeure. Aussi conviendrait-il que les zones déjà pénalisées par leur situation géographique, la déprise démographique et accusant des besoins d'infrastructures traditionnelles, ne le soient pas de surcroît dans ce domaine. Permettez-moi de vous faire part à nouveau de ma préoccupation à cet égard.
    Les collectivités locales, chacun le sait, sont en première ligne en la matière : en tant que maître d'ouvrage des investissements concernés, avec la nécessité, en plus des investissements eux-mêmes, de prévoir des moyens pour conduire les projets, et en tant que cofinanceurs, avec des participations importantes que l'on peut estimer à un tiers minimum du coût des équipements, l'Etat participant à hauteur de 35 %, le FEDER de 25 % à peu près, plus la déductibilité de la TVA.
    Pour mener à bien l'extension de la couverture numérique, il convient que les fonds annoncés au CIADT de décembre 2002, soit 44 millions d'euros, soient effectivement mobilisés. Une première enveloppe de 30 millions d'euros a été répartie entre les régions au prorata du nombre de communes à couvrir, au titre de la première phase, période 2003-2004. Le solde, soit 14 millions d'euros, devrait être ventilé avant la fin 2003, pour la deuxième phase du plan, période 2005-2006.
    Il semblerait que, dans certaines régions, l'enveloppe attribuée pour la première phase ait été largement sous-évaluée au regard du montant des investissements prévisibles. En conséquence, il est particulièrement important de pouvoir compter sur la deuxième enveloppe dont l'attribution pourrait, dit-on, ne plus être assurée. Certes, celle-ci relève du ministère de l'industrie mais elle conditionne la suite de ce programme important pour l'aménagement du territoire, et votre impulsion serait particulièrement bienvenue.
    De même est-il capital que les fonds européens soient également disponibles, sans amputer ceux consacrés au haut débit. C'est pourtant la position contestable que défend parfois l'Etat en région, proposant que les fonds FEDER initialement affectés à la téléphonie soient prélevés sur l'enveloppe prévue et nécessaire pour les infrastructures haut débit !
    Enfin - j'y insiste car je crois que vous ne m'avez pas comprise -, il conviendrait que la déductibilité de la TVA ne se limite pas à 2004 et 2005 pour tenir compte techniquement des délais de réalisation qui sont particulièrement longs, six à dix-huit mois étant nécessaires entre le repérage, la validation technique des sites, les acquisitions foncières, les études et la réalisation. Vous le voyez, monsieur le ministre : ce n'est pas une remarque agressive, c'est le simple bon sens.
    Vous avez mis l'accent sur le rôle du partenariat avec les collectivités territoriales : un désengagement du partenaire premier que doit être l'Etat ne manquerait pas d'accentuer la fracture numérique, les capacités contributives des territoires présentant le plus de besoins étant généralement les plus faibles - mon collègue Emile Blessig y a insisté à juste titre.
    Je souhaiterais dans un deuxième temps, monsieur le ministre, appeler votre attention sur les menaces sérieuses qui pèsent sur le maintien des crédits européens du DOCUP dans de nombreuses régions.
    Par suite de sous-consommation des crédits FEDER imputables à diverses raisons, souvent conjoncturelles, une part significative de ces crédits risque, en vertu du principe de dégagement d'office, d'être reprise par Bruxelles et réinjectée dans le budget communautaire. Afin que ces fonds, qui contribuent à nombre de financements publics sur notre territoire, ne nous échappent pas, il serait souhaitable de pouvoir transférer sur d'autres programmes les parts non consommées.
    M. Nicolas Forissier. C'est juste !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Quant aux crédits FEOGA non utilisés et mis à l'écart, selon le terme consacré, s'ils peuvent pour partie être restitués à l'Etat, rien ne garantit qu'ils reviendront aux territoires auxquels ils étaient initialement affectés, l'Etat ayant toute latitude dans leur réaffectation. A cet égard, il serait regrettable que les difficultés budgétaires de l'Etat, largement liées à ses choix fiscaux, ainsi que les nombreux gels de crédits dans divers domaines, ne le conduisent à rechercher dans les crédits européens des solutions de financement à ses propres politiques ou des compensations financières à ses propres désengagements.
    Vous connaissez, monsieur le ministre, le rôle de levier qu'exercent les fonds européens sur nombre de politiques territoriales. Aussi, espérons-nous pouvoir compter sur votre vigilance pour que ces dérapages ne se produisent pas. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Monsieur le ministre, dans les cinq minutes qui me sont imparties, j'avais l'intention de vous poser trois questions, mais vous avez déjà répondu aux deux premières. (Sourires.) Cela ne m'étonne d'ailleurs pas de vous : vous connaissez si bien nos préoccupations que vous y répondez d'avance. (Sourires.)
    Je reviendrai néanmoins sur ces deux points car il me semble très important, monsieur le ministre, et c'est un député du Pas-de-Calais qui a l'expérience de la vie régionale qui vous le demande, est-il bien clair dans l'esprit du Gouvernement qu'en 2003 la politique d'aménagement du territoire est une forme de nouveau contrat social entre la France et les Français ? Je pose la question parce que, pour nous, elle est fondamentale, compte tenu du fait que ce contrat social est aussi l'expression d'un nouveau pacte républicain. Il s'agit, en effet, de faire oeuvre d'équité au niveau national et d'assurer l'équilibre entre l'ensemble des régions.
    Ma deuxième question, qui naturellement s'enchaîne à la première, porte sur les contrats de plan Etat régions. Vous avez dit, monsieur le ministre : « nous continuerons ». Mais la nuance que l'on a sentie s'agissant de l'évolution de ces contrats a semé l'inquiétude et le doute. J'avais d'ailleurs exprimé une très grande préoccupation en lisant dans un hebdomadaire qu'on allait vers la mort des contrats de plan. Cette information était pour moi source de révolte, alors que j'étais l'un de ceux, et notre président de séance a vécu tout cela, qui ont oeuvré à la préparation des contrats de plan de 1994 à l'an 2000 puis de 2000 à 2006.
    Certes, monsieur le ministre, vous êtes revenu sur cette information déformée. Vous avez précisé que vous étiez très honnête intellectuellement et qu'il n'était pas question, dans votre esprit, de renoncer aux contrats de plan. Mais il me paraît important d'insister encore sur ce point. Si nous savons, les uns, les autres, par expérience, que ces contrats de plan ont un effet mobilisateur, un effet d'entraînement des volontés et des énergies, nous n'ignorons pas cependant la difficulté qu'ont aussi les élus nationaux et régionaux à entraîner les élus locaux. Et c'est précisément par le biais des contrats de plan que l'on parvient à établir l'entente entre des élus qui, souvent, se chamaillent, et se différencient les uns des autres à partir de leurs origines.
    Il est donc important que ne pèse aucun doute sur la réalité d'un contrat de plan mobilisant les énergies et les crédits de l'Etat et de la région sur une perspective qui était jusqu'à présent de six ans. Vous dites, à juste titre peut-être, que certains projets ne demandent pas six ans. Oui, mais nous savons d'expérience que six ans ce n'est pas beaucoup. La construction de l'autoroute A 16 a ainsi demandé dix ans, il en faudra autant pour l'autoroute A 24. La réalisation des projets restructurant la région Nord-Pas-de-Calais nécessitera sûrement elle aussi des plans sur six ans. On ne peut donc pas laisser croire que l'on parviendra à ces résultats en deux ou trois ans. Attention, monsieur le ministre, il ne faut pas laisser croire qu'on va plutôt moins tenir compte qu'auparavant des contrats de plan comme effet de mobilisation et de regroupement des énergies et des crédits !
    Question annexe, les contrats de plan entraînent aussi les contrats de pays, les contrats d'agglomération. Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à renforcer le volet territorial des contrats de plan à travers des sources de financement intégrées dans les projets de pays, les projets d'agglomération ?
    Il est important qu'il y ait là aussi un équilibre. Ne laissez pas penser à tous nos élus locaux qui se rassemblent courageusement et intelligemment en communauté de communes que nous aurons moins de garanties qu'hier pour la réalisation des plans.
    Enfin, il faut avoir le souci de vitaliser tout le territoire français. Le territoire c'est notre richesse commune. On a tendance à l'oublier, malheureusement, pour trop compter sur l'étranger, sur une croissance qui vient d'Amérique ou d'ailleurs et qui, dans certaines limites, doit être permise par Bruxelles.
    Or la croissance nous l'avons sous nos pieds. C'est notre territoire qu'il faut valoriser, vitaliser, dynamiser grâce à des actions encadrées dans des contrats entre l'Etat, la région, le département et les communautés de communes.
    A cet égard, le littoral français qui est le premier d'Europe, représente une richesse considérable. Etes-vous prêt à permettre qu'il redevienne une source de vie économique ? Nous sommes tous pour la loi Littoral - je préside la mission récemment constituée. Mais nous voulons en sauvegarder l'esprit d'origine : aménagement, mise en valeur et protection du littoral. Monsieur le ministre, de grâce, usez de votre influence pour permettre aux élus locaux de retrouver le pouvoir d'intervenir. En démocratie, cela paraîtrait logique s'agissant de l'application de la loi Littoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.
    M. Nicolas Forissier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes propos porteront sur quatre points bien précis. Je rappellerai simplement en préalable, après Jacques Bobe, que vos crédits sont préservés, que vos objectifs sont clairs et, me semble-t-il, pragmatiques et que vous êtes aussi un ministre transcourants puisque l'aménagement du territoire va bien au-delà de votre ministère et de ses crédits. Je pense en particulier, outre le CIADT, à la loi que prépare Hervé Gaymard sur le monde rural.
    Premier point que je voudrais évoquer, le problème des fonds structurels européens. Vous avez vous-même rappelé que si le taux de programmation s'est beaucoup redressé, le taux de consommation de ces crédits est beaucoup plus inquiétant.
    Comme je vous l'ai déjà dit, monsieur le ministre, il est très important de convaincre, dans la mesure du possible, non seulement vos collègues européens, mais aussi la Commission, de la nécessité d'assouplir les règles relatives aux dégagements d'office. Je pense aux collectivités des zones rurales - certaines communautés de communes ou de petites villes - qui ont entrepris de faire un effort de modernisation très important et ont élaboré des projets souvent lourds en profitant de l'effet de levier des fonds européens. Ces collectivités ne se lancent vraiment dans leurs projets que lorsqu'elles ont l'assurance d'obtenir des crédits. Or il faut, pour cela, tout d'abord passer le cap des comités de programmation, puis respecter les procédures, notamment liées aux appels d'offres et affronter la complexité administrative. Tout cela prend forcément un peu plus de temps que prévu.
    Il est donc nécessaire de leur donner un peu plus de souplesse et de leur accorder un délai supplémentaire pour qu'elles puissent vraiment mettre en oeuvre la consommation de ces crédits ? Il faudrait donc, j'y insiste à nouveau, essayer d'obtenir six mois supplémentaires et peut-être même un an, au moins pour le premier dégagement d'office, de façon à ce que les efforts de programmation importants qui ont été réalisés puissent se traduire en efforts de consommation. Nous avions déjà prolongé de six mois le précédent programme européen pour pouvoir le terminer. Six mois de plus pour attendre le dégagement d'office serait très utile et permettrait de répondre à l'objectif du FEDER, qui est d'essayer de faire en sorte que cet argent serve à la modernisation, notamment de nos territoires ruraux.
    Par ailleurs - et cela a déjà été dit par d'autres collègues - il est nécessaire d'assurer très rapidement des transferts de crédits d'une mesure à l'autre afin de pouvoir poursuivre l'action engagée pour les mesures qui sont déjà en surconsommation. A cet égard, l'utilisation des crédits FSE qui sont, eux aussi, peu consommés, serait très utile.
    Enfin, j'insiste sur la nécessité de préparer la suite du programme européen actuel. Certaines zones rurales - les ZRR en particulier -, auront peut-être besoin, même si je comprends bien que l'Europe centrale doit en être la principale bénéficiaire, de mesures transitoires, comme cela a déjà été le cas dans l'actuel programme. J'insiste donc sur l'importance et l'urgence d'une concertation dans ce domaine.
    Deuxième point important sur lequel je souhaite intervenir : les zonages. Je ne serai pas trop long, le sujet a déjà été beaucoup évoqué. La seule demande que les élus, et les élus ruraux en particulier, vous font, c'est que, dans la réforme qui est engagée, vous introduisiez le maximum de souplesse et que ne se reproduise plus ce qui s'est passé en trop d'endroits du fait de critères appliqués de façon trop rigide, à savoir l'isolement au sein d'une zone en ZRR de certains cantons ruraux qui, pour une raison ou une autre, sont passés au-dessus de la barre.
    M. François Sauvadet. Absolument !
    M. Nicolas Forissier. Une clarification et une simplification se révèlent également nécessaires sur tout ce qui touche aux aides aux entreprises, réglementées aux articles 44 sexies et 44 septies du code général des impôts. A la suite de diverses interventions, dont la mienne, M. Lambert a bien voulu assouplir les dispositions de l'article 44 sexies relatives aux aides pour les entreprises en zone d'aménagement du territoire. C'est encore insuffisant. Il faudrait aussi modifier l'article 44 septies qui concerne les reprises d'entreprises en difficulté car les créations-reprises sont moins bien traitées que les créations pures. Au-delà des soupçons de manigances souvent évoqués dans ce genre d'affaires, il y a là un outil très utile qu'il serait bon de doper un peu plus. Une clarification est absolument nécessaire.
    Troisième point, sur lequel je serai également rapide car il a lui aussi déjà été évoqué : la téléphonie mobile et le haut débit. Je ne reviendrai pas sur ce qu'ont dit mes collègues, monsieur le ministre. Je tiens simplement à souligner et à saluer le fait que c'est vous - et j'ai suivi ce dossier à titre personnel de très près dans les fonctions que vous avez bien voulu me confier à une époque - qui avez remis les choses en route et relancé le programme de couverture du territoire par la téléphonie mobile, notamment dans les zones rurales.
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas vrai !
    M. Nicolas Forissier. Il faut faire de même en ce qui concerne le haut débit et l'ADSL. Et ce que je vous demande à cette tribune, c'est une impulsion supplémentaire, notamment dans les communes rurales qui dépendent généralement d'une entreprise principale ou d'un unique employeur. Je vous demande instamment de fournir un effort tout particulier, fût-il temporaire, en fléchant mieux les crédits pour installer l'ADSL, pour que nous puissions sauver des entreprises, qui en sont aujourd'hui à se demander si elles ne vont pas quitter ces zones rurales où elles sont en situation de très mauvaise concurrence.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Nicolas Forissier. Cet effort est essentiel et présente un caractère d'urgence dans 1 000 à 2 000 communes de France.
    Dernier point : la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, évoquée par Mme Pérol-Dumont, qui doit désenclaver le Centre et le Limousin. Trop d'incertitudes pèsent sur ce dossier et le rapport qui a été rendu par la DATAR, et qui, par ailleurs, est certainement excellent, y a sa part. On en est au point de se demander si les engagements que l'Etat avaient pris vis-à-vis des conseils régionaux sous l'ancien gouvernement - je n'hésite pas à le dire - seront tenus. Quelle sera l'évolution de cette ligne au regard des problèmes technologiques ou financiers qui peuvent se poser ? Il est très important, monsieur le ministre, que vous nous apportiez une réponse.
    Il est important également de ne pas mégoter. Je comprends bien qu'il faut tenir compte de considérations financières et techniques et que le budget ne peut pas tout faire - et Dieu sait la situation que nous avons trouvée ! - mais l'aménagement du territoire, c'est la solidarité du territoire. Et il ne faudrait pas que cette grande zone centrale que constitue le sud de la région Centre, le Berry et le Limousin, soit laissée de côté, à cause de considérations trop technocratiques.
    Merci de votre appui, monsieur le ministre, sur ce dossier en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à  M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. J'apporterai une petite touche d'outre-mer, monsieur le ministre, dans le débat qui nous occupe aujourd'hui et qui préoccupe les ultramarins.
    Votre budget baisse et cela aura des conséquences importantes, démultipliées, surmultipliées, dans l'outre-mer, où il y a véritablement un effet de loupe. Ce qui se passe ici a des conséquences autrement plus fortes chez nous, parce que vous le savez, nous partons de plus loin. La Guadeloupe, par exemple, est classée au dernier rang des 211 régions que compte l'Europe. Parce que notre économie a un niveau moindre, pour ne pas dire sous-développé, nous craignons d'autant plus les conséquences de la baisse de votre budget.
    Ce qui nous gêne, c'est que l'idéologie qui est à la base de la politique que vous conduisez a, pour nous, des conséquences difficilement supportables. Vous pensez que l'Etat n'a plus à jouer le rôle volontariste et de locomotive qu'on lui connaissait et qu'il faut laisser le marché conduire l'aménagement du territoire. Bref, c'est le marché qui devient le régulateur. Nous persistons à croire - et ce n'est pas simplement une pensée de socialiste, cela procède du réalisme politique et économique - qu'en région sous-développée, l'Etat doit conserver son rôle. Or, nous avons l'impression, depuis quelque temps, qu'il se retire sur l'Aventin, comme disaient les Romains. On voit bien que le marché n'a pas pris la suite. Il n'a pas succédé au rôle interventionniste de l'Etat et on en voit les conséquences en termes d'inégalités territoriales. C'est cela notre inquiétude et je tenais à vous le dire.
    Un collègue a dit que le territoire, c'est notre richesse commune, et il a bien raison. Même éloignés de la métropole de huit mille kilomètres pour ce qui concerne les départements français d'Amérique et de quinze à vingt mille kilomètres pour la Réunion, Mayotte et la Nouvelle Calédonie, ces territoires font partie, avec leur diversité, du corps commun de la République. Il convient donc de ne pas oublier cette partie éloignée du territoire de la République.
    La fameuse notion de continuité territoriale, qui structure le territoire, devrait alimenter notre politique. Pour nous, l'égalité du territoire est une autre manière de décliner l'égalité républicaine. Même s'il ne m'échappe pas qu'il faille tenir compte de certaines contraintes géographiques, de malédictions géographiques, d'une formidable diversité naturelle, et de paysages par trop différents, une politique globale devrait structurer tout cela. La continuité territoriale, c'est une véritable fracture. Elle a animé nos débats pendant plusieurs jours. Même si le présent gouvernement a posé le principe de cette continuité - et nous lui en savons gré - la solution trouvée n'est pas encore acceptable, puisqu'il n'y a pas un sou pour, au titre de la solidarité nationale, la financer. C'est comme si on ne finançait pas les voyages entre Paris et Marseille. C'est un peu la même chose entre Paris et Pointe-à-Pitre, Fort-de-France ou Saint-Denis-de-la-Réunion. Il y a là un problème qu'un aménageur national de devrait pas ignorer ou, en tout cas, ne devrait pas traiter avec indifférence, pour ne pas dire désinvolture. Il convient donc de revoir cela.
    La Guadeloupe est un archipel. Or cette dimension archipélagique n'est manifestement pas prise en compte. On accuse les assemblée locales, département et régions, de refuser de participer plein pot alors que c'est l'Etat qui laisse tout cela à l'abandon.
    La fracture numérique est aussi la conséquence de votre politique. J'habite la Côte-sous-le-Vent. Que nous dit France Télécom, l'opérateur historique ? Que la région n'est pas rentable, quelle n'est pas « adslisable », bref, qu'elle ne peut pas avoir accès au haut débit parce que le nombre d'habitants y est trop faible...
    M. Patrice Martin-Lalande. France Télécom dit la même chose chez nous.
    M. Victorin Lurel. ... à moins que ne soit créée une communauté de communes ou un syndicat à vocation unique pour être le maître d'ouvrage ! Bref, France Télécom nous demande de mettre de l'argent ! Comment voulez-vous qu'on laisse faire, l'Etat ne s'occupe pas de cela. Manifestement, il y a un problème.
    Il en est de même pour la politique de la santé publique en outre-mer. On nous a fait voter une carte sanitaire, une organisation régionale de la santé. C'est lettre morte avant même d'être officialisé. On voit des hôpitaux fusionner au nom d'une certaine conception de la rentabilité, et disparaître. A Basse-Terre, des unités qui étaient pourtant indispensables ont fermé. La Guadeloupe est un archipel, je le répète. On devrait pouvoir profiter, avec le haut débit, de la télé médecine et éviter les évacuations d'urgence, par exemple de Saint-Martin à Pointe-à-Pitre ou de Saint-Barthélémy à Pointe-à-Pitre. C'est une problématique qui vous est étrangère, je le sais, mais, hélas, c'est la réalité ultra-marine. Apparemment, l'Etat ne veut pas financer cette nouvelle technologie, dans le cadre de la restructuration du CHU, lequel a besoin, d'ailleurs, d'une véritable remontée en puissance. Voilà un hôpital qui était le navire-amiral de la santé publique en Guadeloupe et qui est devenu une véritable ruine parce que l'Etat n'a pas suivi. Je veux être honnête, quand mes amis étaient au pouvoir, les plans qu'ils ont mis en place étaient insuffisants. Il y a là aussi une continuité du service public, qu'il faut absolument assurer.
    L'enseignement supérieur est le seul secteur encore antillo-guyannais puisqu'il essaime et rayonne sur les trois départements français d'Amérique, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. Or, comme vous le savez probablement, monsieur le ministre, puisque vous êtes responsable de la fonction publique, l'UAG - l'université des Antilles et de la Guyane est en état de cessation de paiement ! Et ce n'est pas la faute de grèves, d'engagements pris, de missions déléguées. Jusqu'ici, tout est resté lettre morte. Comme la soeur Anne du conte de Perrault, on scrute l'horizon et on ne voit rien venir.
    Je me permets de vous le dire, droit dans les yeux.

    Dernier point que j'aborderai : la politique de la ville et des campagnes. C'est un vrai mystère dans l'outre-mer. Vous avez une politique de la ville en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à la Réunion, mais pas de politique des zones rurales. Je prends un cas précis pour illustrer mes dires, lesquels n'ont rien de la langue de bois.
    J'habite Vieux-Habitants, non loin de la capitale de la Guadeloupe, Basse-Terre. Une zone franche urbaine a été créée dont la frontière passe à dix minutes de ma commune. Elle illustre parfaitement la formule que l'on trouve dans saint Matthieu et saint Luc : on prend à ceux qui n'ont pas, on donne à ceux qui ont. Ma petite commune de Vieux-Habitants, dont je suis le maire et qui compte 7 800 habitants, n'a plus aucune entreprise parce que toutes celles qu'elle avait sont parties un peu plus loin, où l'on ne paie pas d'impôt.
    Il n'y a pas de politique des campagnes. De deux choses l'une, monsieur le ministre : mettez toutes ces zones-là en zones franches ou créez, comme l'ont demandé les élus du sud de Marie-Galante et des Saintes, des zones franches rurales. Il y a manifestement entre nous quelques incompréhensions et j'espère que vous entendrez mon intervention comme un appel au secours.
    M. Pierre Cohen. Très bien.
    M. le président. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, je n'ai pas l'intention, en ces quelques minutes qui me sont accordées, de commenter les différents chapitres de votre budget, ni même de traiter l'ensemble de la politique d'aménagement du territoire, mais seulement de vous interroger sur le devenir de sa partie rurale alors que les institutions européennes, lors de la récente réforme de la PAC, l'ont privée de l'un de ses meilleurs atouts en limitant le développement des activités de ses premiers occupants et de ses principaux acteurs : les agriculteurs.
    C'est déjà un grave sujet de préoccupation, mais il en est d'autres qui contribuent à la désertification de vastes contrées que n'irriguent pas les grandes infrastructures et qu'abandonnent progressivement les services publics sous prétexte d'absence de rentabilité.
    En effet, des écoles ferment, des classes sont supprimées, le couperet du nombre minimal d'élèves, contrôlé sur place par l'inspecteur d'académie le jour même de la rentrée, n'épargne personne alors que des dizaines de milliers d'enseignants en France n'ont pas d'affectation ou sont employés à des tâches que je qualifierai pudiquement d'« externes ». Certes, je dois honnêtement reconnaître que deux gouvernements ont stoppé ou modéré ces fâcheuses pratiques : le vôtre, monsieur le ministre, qui dans les faits en a assoupli l'application - la dernière rentrée en a été marquée positivement...
    M. André Chassaigne. Quelle caricature !
    M. François Guillaume. ... et celui d'Edouard Balladur, qui avait décidé un moratoire sur les fermetures de classes - moratoire que vous n'avez pas poursuivi, hélas, messieurs de la gauche !
    De son côté, La Poste mijote sa restructuration. Certes, elle prétend ne pas souhaiter se retirer des zones rurales. Mais elle prévoit cependant de ne maintenir que 6 000 bureaux de plein exercice au lieu des 12 000 actuellement en service, rentabilité oblige,...
    M. André Chassaigne. C'est la conséquence de votre politique !
    M. François Guillaume. ... Bruxelles veillant pour sa part à replacer les services publics dans le secteur concurrentiel, ce qui gêne moins que nous nos partenaires anglo-saxons, dont la densité de population est plus forte et l'habitat moins dispersé. Je ne doute pas de la volonté de La Poste de rechercher des formules de remplacement mais, quoi qu'on en dise, le service en pâtira inévitablement.
    Nous aurions pu espérer que les nouvelles techniques de communication compenseraient ce déficit de service : ce n'est pas le cas. La téléphonie mobile ne couvre pas tout le territoire : 5 000 communes ne sont pas desservies par les réseaux, 3 000 étant identifiées en zone blanche. Pour y remédier, les collectivités locales sont invitées à financer les infrastructures passives, c'est-à-dire les pylônes, alors que les villes, bien entendu, n'ont pas été tenues au même effort. Et l'annonce faite par le président de France Télécom de fournir pour la fin de l'année le haut débit à 95 % des internautes est apparue comme une provocation pour les communes rurales encore victimes de pannes fréquentes de leur téléphone classique parce que le coût du remplacement de leur commutateur ne rentre pas dans le prochain budget de l'entreprise.
    M. André Chassaigne. C'est exact !
    M. François Guillaume. Permettez-moi aussi de protester contre la prétention des services de l'équipement à refuser des permis de construire dans nos villages sous de mauvais prétextes, quand bien même une délibération du conseil municipal les aurait autorisés. Pour sauver son école et repeupler si peu soit-il son village, un maire se réjouit toujours de l'arrivée d'une nouvelle famille. De quel droit une administration pourrait-elle s'y opposer lorsque l'esprit de la réglementation est préservé ?
    Pour répondre aux attentes de la population, vous proposez de relancer une politique de zonage. Le principe en est bon, mais l'application ne donne pas grand-chose, tant le respect des critères d'éligibilité, le recours aux financements croisés et l'incapacité pour les petites collectivités concernées de fournir l'autofinancement indispensable relativisent l'avantage ainsi concédé. Le faible niveau d'utilisation des crédits européens en est un présent témoignage. En revanche, un relèvement du niveau des aides aux entreprises pour leurs investissements productifs pourrait effectivement encourager leur développement et susciter des vocations.
    J'ai apprécié, messieurs les ministres, votre implication dans la simplification administrative. Elle rencontre notre total assentiment. La France est sur-administrée. La cascade des pouvoirs nuit au bon exercice de ceux-ci et pèse lourdement sur le contribuable par le coût des administrations qu'elle génère : elle désoriente le citoyen, dont le quotidien est réglementé par une Union européenne à bientôt 25 Etats membres et une nation éclatée en 21 régions, 99 départements, 500 pays, 20 000 EPCI, dont 3 000 intercommunalités et 36 000 communes !
    Plus de 2,5 millions de fonctionnaires gèrent cette énorme machinerie. Depuis vingt ans, on ne cesse d'ajouter des strates supplémentaires à notre organisation des pouvoirs sans en supprimer d'autres et, tout en procédant à un regroupement des communes quadrillant le territoire dont le maintien du nombre à 36 000 est considéré par la haute administration parisienne comme une aberration et un anachronisme
    Or les ruraux ont pensé avant eux que la petite taille de leurs collectivités ne permettait pas de répondre à tous les besoins de leurs habitants ; c'est pourquoi ils se sont organisés pour offrir à leurs populations les équipements et les services qu'un seul village ne peut prendre à sa charge !
    Il y a un demi-siècle, les premiers regroupements pédagogiques étaient créés ; des SIVU, des SIVOM, forme souple à géométrie variable et sans administration spécifique, étaient mis en place pour répondre à des problèmes concrets d'eau, d'assainissement... Avec les intercommunalités, on leur a substitué un cadre institutionnel rigide doté de pouvoirs et d'une administration en délirante expansion. Les préfets, après concertation, selon leurs dires, en fixent les périmètres et contraignent les municipalités récalcitrantes - ils en ont le droit - à s'insérer dans ces ensembles nouveaux. Une sorte de compétition s'est engagée entre eux pour savoir qui assurera le premier la couverture totale de son département. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Se superposant à cette architecture en construction, sont apparus les pays. C'est une nouvelle religion. Ils sont établis dans la confusion des rôles entre la société civile et les élus, alors que les projets de développement qu'ils sont censés imaginer peuvent parfaitement naître d'une simple concertation organisée par les sous-préfets sans qu'une structure ad hoc soit nécessaire.
    M. Denis Merville. C'est vrai.
    M. François Guillaume. Or ces pays, en dépit de votre voeu, monsieur le ministre, recrutent du personnel comme la plupart des collectivités territoriales. C'est ainsi que les efforts de votre gouvernement pour réduire les effectifs de la fonction publique sont annihilés par ces généreuses embauches qui en suscitent d'autres. A titre d'exemple, le conseil général de Meurthe-et-Moselle, conduit depuis cinq ans par une majorité de gauche, a augmenté durant cette période son personnel de près de 30 %. Peut-on s'étonner alors que les impôts locaux aient progressé en France de 4 % alors que votre gouvernement s'efforce de les réduire ?
    M. Pierre Cohen. Vous tenez 70 % des conseils régionaux !
    M. François Guillaume. Autant je suis favorable à la décentralisation, autant je redoute que les suppressions de postes de l'échelon central ne soient surcompensées par des emplois administratifs dans les régions et les départements et que le solde net de la fiscalité qui en est la conséquence ne relève le niveau des prélèvements obligatoires que, en peu de temps, vous avez pourtant réduit de quelques points.
    Monsieur le ministre, une conclusion s'impose : il est temps de simplifier l'organigramme des collectivités publiques pour éviter les empilements, les enchevêtrements, les superpositions de structures et la confusion des pouvoirs qui font de la France le pays le plus administré du monde sans que le peuple en soit plus heureux.
    Je souhaite ardemment que vous y parveniez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Cohen. C'est la même famille que Poujade !
    M. le président. La parole est à M. Michel Raison.
    M. Michel Raison. Comme je l'ai dit à propos du budget de l'agriculture, les crédits à eux seuls ne peuvent montrer la qualité d'une politique. Pour celle de l'aménagement du territoire, qui nous intéresse aujourd'hui, c'est grâce à votre force de persuasion au niveau interministériel, monsieur le ministre, qu'elle aura cette qualité si vous réussissez à faire en sorte qu'il n'y ait pas, d'un côté, les villes, de l'autre, les campagnes - lesquelles pourraient bien finir par n'être pas plus peuplées que cet hémicycle, ce qui serait dramatique (Rires) - et que notre pays ne trouve pas son équilibre entre asphyxie et atrophie. Cette force, je sais que vous l'avez !
    Pour inverser la tendance, il est prioritaire de désenclaver les zones les moins peuplées. En ce sens, je me réjouis que les dépenses d'intervention du FNADT augmentent de 12 millions d'euros. De nombreux intervenants l'ont souligné, vous avez su engager une politique de résorption des zones blanches de téléphonie mobile. Pourtant ce n'était pas si simple de convaincre l'Europe et les opérateurs ! La phase 1, de mise en place des pylônes, est réglée.
    M. André Chassaigne. Pas du tout ! Rien n'est réglé !
    M. Michel Raison. Quant à la phase 2, elle n'est pas encore tout à fait terminée et une phase 3 sera certainement nécessaire. Il faudra encore faire preuve de persuation, monsieur le ministre, en particulier auprès des opérateurs. Ce sont 30 millions d'euros qui y sont consacrés au titre du FNADT et 14 millions du ministère de l'industrie. J'aimerais que vous me confirmiez la mobilisation de ces crédits, afin d'être certain que toutes les phases se dérouleront normalement.
    L'enclavement est dû aussi à l'absence du haut débit, indispensable à nos entreprises, ainsi que dans la vie courante, pour le travail à domicile entre autres, bref pour l'attractivité du territoire. France Télécom est naturellement prudent sur ce sujet mais l'entreprise est consciente de la nécessité de développer le haut débit. Elle s'arc-boute néanmoins sur la fibre optique, il faut donc l'aider à développer le satellite, le wi-fi. Où en sommes-nous ? Comment pouvons-nous accélérer le développement du haut débit ?
    Le désenclavement passe aussi par l'amélioration du réseau routier. Je remercie au passage la DATAR pour son rapport très positif, réellement axé sur l'aménagement du territoire, alors qu'un audit sur les grandes infrastructures s'avérait plutôt inquiétant pour les zones les plus désertiques. Je citerai en l'occurrence le cas de la fameuse nationale 19, retenue comme priorité nationale ! Mais je continue d'insister pour que ce dossier avance le plus vite possible.
    Favoriser l'accès aux soins contribue également au désenclavement de nos zones difficiles. En cela le bon accord intervenu entre le ministre de l'aménagement du territoire et le ministre de l'agriculture, chargé de patronner la loi sur le développement des territoires ruraux nous donne bon espoir, mais ne fait pas disparaître toutes nos inquiétudes.
    Pour que les participations financières de l'Union européenne, de l'Etat et des différentes collectivités puissent être efficaces, cela a été dit à maintes reprises, il faut simplifier. Le général de Gaulle ne disait-il pas que les plus grandes choses qui aient été dites au peuple ont toujours été des choses simples ? Il faut favoriser, malgré tout, l'ingénierie, qui sera d'autant plus efficace que les dossiers seront plus clairs. Vous avez exprimé votre souci à cet égard en promouvant des agents de développement territorial, véritables fabricants de synergie entre les chambres consulaires, les services de l'Etat et les collectivités.
    En conclusion, les besoins sont énormes : besoin de synergie, d'audace et d'innovation en matière de services publics, de simplification et de désenclavement. Tout cela relève du refus de la fatalité.
    Je sais que vous pesez de toute votre influence. Grâce à vous, nous nous orientons vers un meilleur équilibre de notre pays, pour le plus grand bien des Français. Mais il faut surtout de la constance dans l'effort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord de me réjouir de la qualité des interventions qui se sont regroupées autour de ces questions fondamentales que sont les contrats de plan, les fonds structurels, la téléphonie mobile, les contrats de site, le service public et les zonages. Après avoir répondu globalement sur ces sujets, je m'efforcerai d'apporter quelques réponses plus individualisées.
    En ce qui concerne les contrats de plan, à propos desquels Léonce Deprez m'a interrogé, je commencerai par souligner une contribution, la vôtre, monsieur le président, puisque vous étiez un des premiers négociateurs. Ma conviction est que la contractualisation entre les différents partenaires publics est un élément de gestion moderne et efficace de la mobilisation des fonds publics. Le contrat, sur le plan juridique, repose sur l'équilibre des parties. Et il faut s'inspirer de ce qu'a souhaité le Gouvernement pour la décentralisation, c'est-à-dire inscrire les principes dans la Constitution, puis discuter du contenu. Nous devons réfléchir aux principes qui doivent guider la contractualisation avant d'en venir à son application.
    Vous vous inquiétez des risques de voir disparaître les projets de contractualisation faute de les avoir dès le départ calibrés sur le plan financier. Le débat est ouvert. Selon nous, en l'état actuel des contrats de plan, il faut les faire évoluer dans le cadre de la future contractualisation : les blocs de compétences étant transférés en vertu de la décentralisation et la différence de nature des projets se répercutant sur la durée de réalisation, un assouplissement est nécessaire. De grâce, essayons d'échapper à notre implacable logique intellectuelle qui veut que tout en constatant la formidable diversité de nos territoires et l'hétérogénéité des situations, nous voulons tout de même leur appliquer les mêmes méthodes, le même calibrage, les mêmes solutions ! Je ne crois absolument pas à l'égalité des situations mais je crois à l'égalité des chances pour les territoires et elle passe par la différenciation des réponses à leur apporter.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La contractualisation doit justement échapper aux paramètres qui s'imposent d'en haut. Donnons un peu de souplesse ! Et réfléchissons à une contractualisation sur les objectifs...
    M. Pierre Cohen. C'est la convention !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et s'il y a, à ce sujet, des propositions intéressantes, nous sommes prêts à les entendre.
    Quel est le niveau de réalisation des contrats ? Certains ont évoqué le retard pris par rapport au taux d'exécution théorique de 50,1 % qui aurait dû être atteint au bout de quatre années d'exécution. En réalité, le démarrage ayant été un peu lent, nous sommes aujourd'hui à 45,6 %, ce qui est supérieur aux 43 %, taux théorique au bout de trois ans.
    En tout état de cause, c'est très variable selon les régions, et nous tenons à votre disposition les taux d'exécution région par région.
    Vous avez été plusieurs à dire que, si vous étiez satisfaits de voir que l'Etat tenait ses engagements, sur la base d'un septième théorique dans le budget 2004, vous éprouviez en revanche quelques inquiétudes au sujet d'annulations et de régulations ayant frappé notamment les secteurs ferroviaires et routiers. Je tiens à souligner - vous allez peut-être me reprocher de manquer d'objectivité - que nous avons la chance d'avoir à la tête du Gouvernement quelqu'un qui a la pratique du terrain et la connaissance des territoires, et qui est donc particulièrement sensible à l'efficacité d'un certain nombre d'instruments qui jouent sur les investissements territoriaux. Et lorsque, à cause des contraintes budgétaires, certains crédits ont été gelés, notamment des crédits routiers et ferroviaires, nous sommes intervenus, mon collègue Gilles de Robien et moi-même auprès du Premier ministre, et nous avons bon espoir d'obtenir un arbitrage favorable qui permettra la poursuite des contrats de plan routiers et ferroviaires.
    M. Pierre Cohen. Il aurait été bien de l'annoncer aujourd'hui ! Je prends date !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Connaissant votre tempérament, j'ai pensé qu'il était bon de susciter chez vous une certaine impatience, pour que le plaisir de l'annonce, lorqu'elle interviendra, n'en soit que plus grand. (Rires.) Je connais trop votre gourmandise pour ne pas vous laisser saliver un peu et savourer cette délicieuse attente.
    M. Pierre Cohen. Sauf que j'ai peur que ça n'arrive jamais !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Comme on dit, waiting is the best moment ! (Sourires.)
    Comme pour la téléphonie mobile, si nous avons obtenu un arbitrage exceptionnellement favorable, c'est grâce à la sensibilité toute particulière du Premier ministre aux problèmes des territoires.
    J'en viens aux fonds structurels. Beaucoup de souplesse a été apportée. Nous éprouvons quelque inquiétude sur le taux de consommation. Mais, sur ce point aussi, il faut que les choses soient claires et à Nicolas Forissier qui semble souhaiter un assouplissement sur les dégagements d'office, j'ai le regret de dire qu'il n'en est pas question. La France a voulu que la sagesse l'emporte pour la gestion des fonds structurels, en souhaitant que la règle des dégagements d'office s'impose à tous les pays. L'Europe fonctionne avec une cour des comptes, une commission de contrôle des versements au niveau du Parlement. Si nous laissions trop de souplesse, nous aboutirions certes à ce que vous souhaitez mais aussi à ce que vous auriez pu nous reprocher, à savoir la mobilisation des crédits qui ne seraient pas consommés et seraient stockés.
    M. Pierre Hellier. Il faut les donner à ceux qui les consomment !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Par conséquent, gardons la règle. En revanche, souhaitons un peu de souplesse dans le basculement des axes, au moment de la révision : c'est ce que nous avons demandé à la Commission et j'espère que nous trouverons un point d'accord.
    S'agissant de la téléphonie mobile, sans en revendiquer la parternité, je crois que le Gouvernement a conclu un bon accord avec les trois opérateurs. Le Conseil d'Etat examine l'arrêté permettant de sécuriser juridiquement l'intervention des collectivités territoriales. Certains prétendent qu'il n'y a pas de pylônes. Or ils sont au nombre de 21. Le délégué de la DATAR suit attentivement ces opérations. Il a lui-même constaté que la réalisation avait commencé. Le processus est donc en train de s'enclencher et il devrait y avoir des résultats d'ici à la fin de 2005.
    En écoutant Mme Pérol-Dumont, je me disais qu'il était parfois difficile d'échapper à ses propres contradictions. Elle indiquait avec inquiétude qu'il faudrait prolonger la règle dérogatoire du FCTVA parce qu'il fallait un délai de six à dix-huit mois pour la réalisation alors que, par ailleurs, on souhaite que, moins de six mois après l'accord, les choses aient déjà commencé ! Ce qui me paraît important, c'est que nous souhaitons bâtir l'outil juridique qui sécurise totalement vos engagements de façon à pouvoir ensuite vous accompagner dans la réalisation.
    S'agissant des contrats de site, monsieur Chassaigne, je reviendrai sur la position des parlementaires du Puy-de-Dôme. J'ai la chance de côtoyer l'un de ses plus brillants représentants en la personne de M. le rapporteur spécial, qui m'a fait part de vos qualités et de vos faiblesses, qui ne sont pas toujours désagréables. La preuve, c'est que vous avez cité une référence que j'avais faite au congrès de l'AMF de 1995. Sachez que je suis ravi que vous puisiez votre inspiration à des sources qui me sont chères.
    M. André Chassaigne. De grande qualité, d'ailleurs !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vous en remercie.
    M. le président. Tout cela est bel et bon mais continuons, je vous prie !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dans le Puy-de-Dôme, donc, le préfet et les parlementaires nous ont alerté sur la situation difficile dans laquelle se trouvait le bassin industriel. Bien évidemment, nous sommes tout à fait prêts à réfléchir à des contrats de redéveloppement. Il faut savoir que le contrat de site, comme je vous l'ai dit en commission, n'est pas une procédure calibrée, c'est avant tout un état d'esprit qui permet de mobiliser la totalité des acteurs autour d'un bassin de façon à pouvoir rebondir. Il n'y a donc pas de paramètres.
    Cessons de tomber dans le travers normatif en permanence. Plus il y a de normes, plus il y a de frontières qui excluent ou qui incluent. Dans ce type de situation, l'important, c'est de pouvoir susciter souplesse, réactivité, mobilisation parmi les acteurs économiques dans leur ensemble. Il s'agit de faire confiance ! Cessons d'ériger des règles extrêmement contraignantes au motif que 3 % de gens ne les respectent pas, en embêtant les 97 % qui les respectent ! Cessons d'être systématiquement méfiants à l'égard des acteurs locaux.
    Sur les services publics, je partage l'avis de François Sauvadet, le monde rural éprouve un grand sentiment d'abandon. Le rapport de la DATAR sur la ruralité fait ressortir qu'elle est de trois natures : une ruralité péri-urbaine, dont il convient de maîtriser l'inflation en matière de demandes foncières, sinon ces territoires ruraux perdront leur âme et connaîtront bien des désagréments ; a contrario, il y a une ruralité en bascule et une ruralité en déclin.
    Nous voulons faire en sorte que le service public soit le service au public. S'agissant du contrat de La Poste, quatre expériences sont menées dans les départements. On y a bien conscience que les bureaux de poste, doivent être réorganisés, mais on veut y garder le facteur. Le contrat de la poste lui impose une augmentation du courrier délivré à J + 1.
    En faisant confiance aux élus dans les quatre départements - je salue M. Bobe qui fut le président de l'un d'eux - j'ai découvert une initiative extrêmement intelligente, puisque les élus locaux ont décidé d'accepter la suppression d'un bureau de poste pour le transformer en maison médicale car, même si on veut garder sa qualité au service rendu par La Poste, le principal problème est la démographie médicale.
    Je crois avoir répondu à M. Blessig, qui a parlé de simplification. Quant à la contrepartie, c'est la règle européenne : il importe que les fonds européens soient mobilisés avec une contrepartie nationale.
    Sur les pays, monsieur Guillaume, je partage votre point de vue. Faisons en sorte que la décentralisation ne soit pas l'occasion pour les élus locaux de superposer les structures, ce qui augmente les coûts de fonctionnement et multiplie les centres de décision.
    M. François Sauvadet et M. François Guillaume. Tout à fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Faisons plutôt en sorte de rationaliser les structures.
    M. François Sauvadet. Oui, de la souplesse !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Car ce qui est important, ce ne sont pas les dépenses de fonctionnement mais les investissements et la réduction du délai entre la prise de décision politique et l'action politique.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Bobe, je vous rappelle que nous avons augmenté de 16 millions d'euros le FIATA pour faciliter la desserte aérienne des villes moyennes.
    Sur l'outre-mer, monsieur Lurel, nous souhaitons que l'État ait un rôle régulateur. Vous savez tout le combat qu'ont mené le Président de la République et le Premier ministre pour défendre auprès de la Commission européenne le maintien des zones ultrapériphériques car c'est effectivement une chance pour la métropole française de disposer d'une présence dans les cinq océans grâce aux départements d'outre-mer, avec la capacité de développement que cela peut apporter.
    Monsieur Raison, je partage votre analyse. Il faut refuser la fatalité et accompagner les élus dans ce refus de la fatalité et de la logique du déclin.
    Pardonnez-moi les uns et les autres de ne pas avoir répondu à toutes vos interrogations. J'aurai le soin, bien évidemment, de vous recevoir. L'aménagement du territoire, pour moi, c'est le développement du territoire. L'État doit accompagner votre volonté, votre énergie et votre talent, car la vraie richesse de ce pays, ce sont les hommes et les femmes qui vivent sur ce territoire, dont vous êtes les dignes représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en arrivons aux questions. Vous en connaissez la jurisprudence : des questions rapides ; des réponses rapides.
    M. Patrice Martin-Lalande. Et intenses !
    M. le président. Nous commençons par le groupe UMP.
    La parole est à M. Jean-Michel Couve.
    M. Jean-Michel Couve. Ma question concerne l'aménagement du territoire du département du Var. Je soulève à nouveau le problème de communes incluses dans un périmètre de communauté d'agglomération limitrophe d'un pays, en l'occurence le pays des Maures, dont une partie du territoire doit s'intégrer à son projet de développement.
    Lors du dernier débat à l'Assemblée sur les nouvelles dispositions relatives à l'urbanisme, l'habitat et la construction, vous avez précisé que, conformément au texte de la loi Voynet, la mise en oeuvre d'opérations ponctuelles par voie de convention entre les communes ou communautés de communes était d'ores et déjà possible et qu'elle le resterait.
    En conséquence, monsieur le ministre, deux questions se posent. Ce type de conventionnement est-il limité à des opérations ponctuelles ou peut-il être élargi à des projets d'ensemble plus structurants ? Par ailleurs, quelles pourraient être les modalités d'application de ces conventionnements ? Passeront-ils obligatoirement par des délégations de compétences des communes concernées à la structure porteuse du projet de développement ? Devront-ils être contractualisés entre les structures communautaires et les pays ou pourront-ils être mis en oeuvre plus simplement entre les communes concernées et ces pays ? Je vous parle d'un problème vécu dans le Var par vingt-sept communes adhérentes à la préfiguration du pays des Maures que je préside, quatre d'entre elles ayant été intégrées dans les communautés d'agglomération de Toulon et de Draguignan.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je connais bien votre pays des Maures, j'ai eu l'occasion d'y assister à une réunion qui prouve toute la pertinence du projet que vous nourrissez.
    Les choses sont claires. Un pays doit respecter le périmètre des intercommunalités, ce qui est le cas en l'occurrence. A contrario, il peut passer une convention avec certaines communautés périphériques, sous réserve de l'accord de la communauté compétente.
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Le conseil général de Loir-et-Cher met au point une solution de desserte tout fibre optique pour soixante-quinze zones prioritaires d'activité afin de répondre aux besoins principaux des entreprises en liaison haut débit. L'opération serait cofinancée à hauteur de 70 % par le public et 30 % par le privé.
    La part publique pourrait se répartir entre le conseil général, le conseil régional, dans le cadre du contrat de plan Etat-région en cours de révision, les fonds FEDER pour les zones objectif 2 avec, éventuellement, une participation complémentaire de l'Etat dans le périmètre du contrat de site du bassin de Romorantin-Lantenay. Pouvez-vous, monsieur le ministre, me confirmer le niveau de l'engagement de l'Etat pour cette opération et, en particulier, l'apport du contrat de site du bassin d'emploi de Romorantin ?
    La mise en oeuvre de ce plan pour le Loir-et-Cher suppose, comme ailleurs sur le territoire national, de revenir à un assouplissement du code général des collectivités territoriales. L'article L. 1511-6 a été abrogé au printemps dernier. J'avais personnellement oeuvré en ce sens lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique mais cela a été remis en cause par le Sénat. Il faut en effet autoriser le montage de projets permettant l'aménagement du territoire en réseaux et services de télécommunications haut débit parce que l'on ne peut pas à la fois refuser le service universel et le droit d'agir quand le marché n'intervient pas.
    Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point et quand le texte sera-t-il à nouveau soumis à l'Assemblée nationale ? Quand peut-on espérer que la publication de la loi permette à des projets comme celui du Loir-et-Cher et à de nombreux autres qui sont en stock d'être réellement engagés ?
    Enfin, concernant la téléphonie mobile, pouvez-vous me préciser les sites retenus en Loir-et-Cher au titre de la phase I et, sur un plan plus général, pour la phase II, cette opération nationale, quelles seront les modalités de financement ? Les collectivités craignent en effet que les opérateurs veuillent leur faire supporter financièrement le coût des infrastructures passives et les antennes.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Martin-Lalande, nous saluons évidemment l'effort du conseil général du Loir-et-Cher qui réfléchit actuellement aux moyens d'améliorer la desserte de son territoire.
    Le moment venu et sur la base du projet qui lui sera présenté, l'Etat précisera les modalités de son soutien financier. Le contrat de plan pourra être mobilisé dans le cadre de l'enveloppe de 13 millions d'euros identifiée à l'échelle régionale pour le développement des technologies. Le contrat de site de Romorantin sur cette partie pourra être mobilisé puisqu'il a pour vocation d'augmenter l'attractivité que lui permet l'accès aux hautes technologies.
    Le Gouvernement avait repris à son compte l'amendement au projet de loi que vous aviez déposé le 25 février 2003 avec MM. Simon, Joyandet, Charié et Dionis du Séjour. Le Sénat, contre l'avis du Gouvernement, a limité les possibilités d'intervention des collectivités locales.
    M. Patrice Martin-Lalande. Où est la sagesse ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous souhaitons que les députés rétablissent l'équilibre lors de l'examen du texte en seconde lecture, car cet amendement nous paraissait plein de sagesse.
    M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Loir-et-Cher est également concerné par le plan téléphonie mobile, mais moins que d'autres, puisque seulement sept communes de votre département sur quatre-vingt-quatre sont à ce jour considérées comme non couvertes. Le plan proposé par votre département a été réajusté à la demande du conseil général et il concerne, dans la phase I, les communes de Crouy-sur-Cosson et Thoury.
    Nous aurons également à préciser les conditions financières de la phase II avec les associations d'élus, l'ART et les opérateurs. Vous aviez vous-même apporté votre contribution à l'élaboration des conditions de la phase I. Nous sommes en train d'y réfléchir et d'y travailler avec la DATAR de façon à ne pas créer de rupture par rapport à la phase I. Il faudra trouver un juste équilibre entre les collectivités territoriales concernées par la phase II, les opérateurs et l'Etat.
    Dans l'état actuel, je ne peux pas vous apporter de réponses précises, mais sachez que nous sommes extrêmement attentifs à ce qu'il n'y ait pas de rupture entre la phase I et la phase II et que les équilibres soient totalement respectés, et je tiens ici publiquement à vous remercier de votre contribution sur ce sujet extrêmement difficile.
    M. le président. La parole est à M. Denis Merville.
    M. Denis Merville. Monsieur le ministre, ayant appris à la dernière minute que je ne pourrais prendre la parole dans la discussion, je transformerai mon intervention en quelques questions.
    D'abord, je voudrais vous dire ma satisfaction de voir que vous avez tenu compte des observations que nous avions formulées l'année dernière sur la DATAR. Votre exemple mérite d'être suivi. Je voudrais tout de même que vous me précisiez si celle-ci doit intervenir dans les projets de pays. La situation est un peu floue. Pourrez-vous nous définir son rôle ?
    Par ailleurs, elle est chargée du comité d'implantation territoriale des emplois publics. Votre rapport évoque les 300 délocalistations décidées depuis 1991 concernant 42 000 emplois. Or seulement 29 700 ont été transférés. Où sont passés les autres et n'y a t-il pas là un moyen d'améliorer le service public local ?
    Plusieurs de mes collègues ont évoqué l'équilibre entre ville et campagne. L'intercommunalité pourrait être le lieu d'expression d'un tel équilibre mais cela ne paraît pas toujours être le cas. On a parfois le sentiment que c'est le pot de terre contre le pot de fer. Après la mode des grandes entreprises, des super et hypermarchés, les grosses agglomérations auraient tendance à étouffer le tissu local et à provoquer un certain déménagement du territoire.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. Denis Merville. En plus, ces agglomérations, ou toutes ces structures ont besoin d'effectifs, de moyens. L'Etat leur donne déjà quatre fois plus de DGF par habitant. Elles ont tendance à tirer des finances. Cela pèse sur la fiscalité locale et je vous demande de nous confirmer votre volonté de simplifier, de ne pas créer un quatrième, voire un cinquième échelon de collectivité territoriale.
    Enfin, pour que la décentralisation soit réussie, il faut que nous allions vers une réforme de la fonction publique territoriale. Nous avons des agents qui aiment leur travail, qui sont attachés à leur commune, à leur département. De nombreuses réflexions sont engagées pour améliorer leur statut, qu'il s'agisse de la formation initiale, de la validation des acquis, des primes, des passerelles avec la fonction publique d'Etat. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. D'abord, monsieur le député, je crois vous avoir déjà répondu qu'il était hors de question que le pays soit une structure supplémentaire. C'est un espace souhaité par les intercommunalités pour déterminer le périmètre au sein duquel elles ont envie de construire ensemble une ambition commune. Je dis souvent que ce ne peut être un outil de pouvoir local, départemental ou régional, ni d'ailleurs servir de tremplin à une ambition politique. Nous avons trop souffert de la division des hommes. Ils se déchirent sur des ambitions, ils se rassemblent sur des projets. Le pays doit être un lieu de rassemblement permettant de mobiliser toutes les énergies pour relever les défis que les territoires sont aujourd'hui obligés de relever.
    Concernant l'équilibre entre agglomération et périphérie, faisons là aussi en sorte de jouer la complémentarité des territoires et de ne pas opposer ville et campagne.
    M. Victorin Lurel. Très bien.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Evitons de parler en termes de pouvoir, raisonnons en termes de complémentarité. La fonctionnalité des territoires tend vers une spécifité. M. Deprez m'a demandé tout à l'heure s'il y avait un moyen d'assouplir la loi Littoral en faisant confiance aux élus. C'est un exemple déterminant. C'est l'une des rares lois qui n'ait pas de caractère normatif, et c'est donc la jurisprudence qui, globalement, est en train de l'écrire.
    M. Léonce Deprez. Ce n'est pas bon.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. On peut parfaitement imaginer que, sur des projets permettant de mieux gérer le territoire qui ne dérogent pas aux principes fixés par l'Etat, à savoir la protection du littoral, l'équilibre entre surface urbanisée et surface naturelle, il y ait demain des contractualisations adaptées, la gestion du littoral n'entraînant pas les mêmes contraintes dans le Nord-Pas-de-Calais que dans le sud ou dans les territoires d'outre-mer.
    S'agissant du CITEP, nous avons pu délocaliser 29 000 emplois publics sur un objectif de 42 000. Sur les 13 000 qui manquent, certains sont en cours, d'autres projets ont été abandonnés par souci de réalisme. Cela fait bien de dire qu'on délocalise, mais il faut voir si c'est vraiment possible. On s'est rendu compte parfois qu'en voulant délocaliser, on fragilisait totalement l'édifice.
    Dernier exemple peut-être l'un des plus symboliques, c'est le transfert de l'ENA à Strasbourg. Il ne s'agit pas de critiquer, car ce n'était peut-être pas facile à l'époque, mais Mme Cresson n'est pas allée assez loin ou elle est allée trop loin. En créant trois sites, on a à l'évidence fragilisé la bonne gestion de l'école. Il aurait fallu tout transférer, pas une partie seulement. C'est la raison pour laquelle vous devez être exigeants, je fais confiance à vos rapporteurs, et faire la différence entre des annonces politiques et leur application concrète. Cela fait partie de l'esprit de la loi organique et je suis tout à fait sensible à cette vigilance parlementaire.

    Quant à la fonction publique territoriale, dont nous examinerons le budget tout à l'heure, je puis déjà vous assurer qu'aboutira d'ici à la fin de l'année, peut-être au début de l'année prochaine, le très important travail que nous avons entamé avec les organisations syndicales, les représentants des administrateurs territoriaux et les associations d'élus pour mettre fin aux hypocrisies qui consistent à afficher des postes tout en sachant à qui ils seront attribués, à être contraints de décider de promotions qui ne tiennent pas compte des compétences. Cette réflexion porte également sur la validation des acquis professionnels. Si l'on veut vraiment un service administratif local aussi puissant que celui de l'Etat, il faut lui donner la capacité d'attirer les compétences dont il a besoin, et les procédures qui garantissent l'équité, la justice et l'égal accès de tous à la fonction publique ne doivent pas nuire à la bonne gestion des collectivités territoriales.
    Dans ce domaine, nous avons un certain nombre de solutions à proposer, concernant notamment la réorganisation du CNFPT et des centres de gestion, afin d'améliorer la gestion des concours et des carrières. Au moment où nous pensons transférer aux régions la formation professionnelle sur le secteur marchand, nous devons faire en sorte que, dans un bassin régional, les besoins des collectivités locales soient en adéquation avec les offres d'emploi qu'elles pourraient proposer en assurant une bonne respiration, non seulememnt entre la fonction publique d'Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, mais aussi entre le privé et le public. Pourquoi, par exemple, imposer une limite d'âge et se priver ainsi d'attirer au sein d'une collectivité territoriale une compétence issue du privé qui est disponible du fait d'un licenciement ou qui, tout simplement, veut changer de métier ?
    Dans ce travail, nous sommes guidés par le bon sens et par la volonté de lutter contre l'hypocrisie qui oblige à respecter un certain nombre de règles alors que l'on sait qu'entre l'affichage et la réalité, il y a un écart qui crée une double frustration.
    Il y a un problème que nous n'arrivons pas à régler avec les organisations syndicales, c'est celui du concours. Nous souhaitons le maintenir car il garantit l'égal accès de tous à la fonction publique, mais, lorsque nous en organisons un pour recruter au niveau bac, ce sont systématiquement des « bac + 3 » qui sont reçus.
    M. Christian Vanneste. Très juste !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. D'où une frustration : les surdiplômés ont l'impression d'être sous-utilisés et ceux qui ont le niveau ont l'impression d'être évincés. Nous sommes en train de réfléchir à ce problème. Pour l'instant, nous n'avons pas trouvé la solution, et nous sommes attentifs aux contributions que vous pourrez nous apporter.
    M. Christian Vanneste et M. Léonce Deprez. Très bien !
    M. le président. Nous passons au groupe UDF.
    La parole est à M. Philippe Folliot.
    M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, je voudrais évoquer des Arlésiennes de l'aménagement du territoire : les maisons de service public, au sujet desquelles vos prédécesseurs ont fait beaucoup d'annonces et qui nous posent aujourd'hui un réel problème, tout le monde étant d'accord sur le fait qu'il faut rapprocher les administrations de leurs usagers.
    A titre d'exemple, je vais vous parler de ce qui se passe dans la montagne tarnaise, sur la commune de Lacaune, située à 50 kilomètres de la sous-préfecture, Castres, et à 70 kilomètres de la préfecture d'Albi. Les routes départementales sont d'un accès relativement difficiles et les usagers de ce secteur éprouvent des difficultés à se déplacer dans de bonnes conditions, surtout les plus fragiles d'entre eux, qui n'ont pas de véhicules.
    La mairie de Lacaune avait proposé un terrain pour que puissent être regroupés les services existants, mais aussi des antennes des services publics implantés à Castres ou à Albi, avec peut-être une certaine mutualisation, par le biais de secrétariats administratifs communs. On aurait pu envisager une certaine polyvalence des fonctionnaires présents dans ces différentes maisons de service public.
    M. le président. Monsieur Folliot !
    M. Philippe Folliot. Je sais que vous souhaitez maintenir des services de proximité dans les zones rurales isolées, loin des villes et agglomérations. Ces maisons de service public pourraient être des administrations, de mission à certains égards, pour répondre aux préoccupations des populations concernées.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous avez raison de parler de mission. Les maisons de service public ont été créées par la loi, mais il n'y a aucune réglementation, chacun fait un peu ce qu'il veut. Nous souhaitons assouplir les conditions de leur constitution, leur permettre de s'adjoindre des services privés et de déléguer des missions de service public.
    Nous voyons bien que nous avons tout intérêt à concentrer les polyvalences dans un même lieu, de façon à concilier la simplification de la démarche pour les usagers et la qualité de traitement du dossier.
    Vous nous aviez saisi, au mois de février, à propos de la création d'une maison de service public à Lacaune, issue de la réflexion que vous meniez à l'échelle du bassin de vie de Castres-Mazamet. Nous sommes à votre disposition pour faire le point sur l'avancement de ce dossier. Votre approche est pertinente.
    M. Victorin Lurel. C'est la contractualisation !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. M. le député fait le point sur la contradiction. Je crois, au contraire, que la contractualisation consiste à faire en sorte que les initiatives du terrain soient accompagnées par l'Etat, et que l'Etat ait une approche différente selon les situations locales. De grâce, cessons d'imposer une réponse unique pour des situations hétérogènes. La vérité se trouve en bas ; elle ne se trouve pas toujours en haut.
    M. Léonce Deprez. Bravo ! Quel penseur !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous devons accompagner l'initiative et la volonté locales. Il faut arrêter de donner des coups de menton en prononçant à la tribune d'en haut des discours qui n'éveillent aucun écho en bas !
    M. Léonce Deprez. Très bien ! Quelle métaphore !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'important, c'est de susciter l'appétence, le dynamisme et la volonté, et de les accompagner. C'est le meilleur moyen de garantir l'efficacité des politiques publiques.
    Nous en avons terminé avec les questions.
    J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre » :
    « V. Aménagement du territoire ».

ETAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : moins 342 966 euros ;
    « Titre IV : 16 609 352 euros. »

ETAT C
Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables
aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)
TITRES VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 278 823 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 47 863 000 euros. »
    Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.
    (La réduction de crédits est adoptée.)
    M. le président. Je mets aux voix le titre IV.
    (Le titre IV est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant l'aménagement du territoire.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

fonction publique, réforme de l'état,
services du Premier ministre,
budget annexe des journaux officiels et sgdn

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
    Nous examinerons aussi les crédits des services du Premier ministre, du budget annexe des Journaux officiels et du secrétariat général de la défense nationale.
    MM. Georges Tron et Pierre Bourguignon, rapporteurs spéciaux, provisoirement empêchés, n'interviendront qu'au cours de la séance de ce soir.
    La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat.
    M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la fonction publique et la réforme de l'Etat. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, chers collègues, j'ai établi, au nom de la commission des lois, un rapport écrit qui est à votre disposition et auquel je vous renvoie. Vous y trouverez des éléments d'information et d'analyse sur la fonction publique, car, avant même d'apprécier si les sommes inscrites dans ce projet de budget sont suffisantes pour permettre une action sociale interministérielle ou une formation dignes de ce nom, nous devons nous poser cette question : Quelle fonction publique pour quel service public ?
    Je n'ai pas la prétention d'y répondre de manière exhaustive. Je regrette cependant de devoir constater que le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre de la fonction publique, n'apportez aucun début de réponse et n'êtes porteurs d'aucune action significative, ni pour la fonction publique, ni pour le service public, ni pour l'Etat.
    Quelles que soient les blandices de vos discours, le budget de la fonction publique qui nous est proposé assure moins que le service minimum. Pourtant, les incertitudes et les nouveaux enjeux auxquels doivent faire face l'Etat et son administration devraient inciter à présenter mieux qu'un budget immobile. Un véritable projet pour la fonction publique dans son ensemble est plus que jamais nécessaire.
    Les incertitudes s'accumulent autour de la fonction publique, dont, par ailleurs, le régime des pensions a été profondément modifié il y a quelques mois. Une stratégie claire fait donc défaut face à une baisse prévisible, du fait des départs en retraite, du nombre des agents publics. Il est urgent de s'attaquer à la question de l'attractivité de la fonction publique, autant qu'à celle de l'accroissement de son efficacité. Les départs en retraite vont se multiplier dans les prochaines années, sans que leur compensation en termes de recrutement soit garantie. Il en résulte un risque d'amoindrissement de la qualité du service public.
    Le Gouvernement reste pourtant muet sur ses intentions en matière d'évolution à moyen terme des effectifs, donnant ainsi l'impression de se satisfaire d'une perspective de baisse. Il se borne à annoncer que près de 10 000 départs à la retraite ne seront pas compensés en 2004, soit un taux de non-renouvellement proche de 20 %. Globalement, compte tenu des créations et suppressions qui nous sont proposées, la destruction nette d'emplois atteindra 4 568 postes en 2004.
    Je désapprouve un tel choix, qui n'a été formulé que par défaut. Dès le printemps, vous aviez annoncé, monsieur le ministre, un « principe pluriannuel de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ». Vous ne semblez pas avoir concrétisé cette annonce. Est-ce parce que vous n'avez pas osé mettre en oeuvre une règle comptable aussi brutale ?
    On peut douter du bien-fondé des raisons qui vous ont poussé à proposer la suppression de tel ou tel poste. En tout cas, je n'en trouve pas la justification dans les documents budgétaires qui nous ont été distribués.
    Ces restrictions ne sont donc pas inspirées par une réforme planifiée et raisonnable, mais au contraire par la mise en oeuvre d'une démarche idéologique de type libéral fortement suggérée par le ministre de l'économie et des finances, qui privilégie l'allègement de la fiscalité des revenus des plus aisés.
    Nous ne devons pourtant jamais oublier que la fonction publique incarne le service public, qui porte l'intérêt général. Les discours incantatoires sur la réforme de l'Etat, multipliant les références aux gains de productivité et à la recherche de performances, ne suffiront pas à assurer un même niveau de prestation avec un effectif en forte réduction. Je vous rappelle à cet égard ma suggestion de modification des dispositions qui organisent l'Observatoire de l'emploi public, afin que l'opposition parlementaire y soit représentée.
    En fait, vous ne semblez envisager la réforme de l'Etat que sous l'angle de la réduction des coûts, réduction dont la fonction publique serait la principale variable budgétaire, abstraction faite des multiples désengagements dus aux transferts de responsabilités dans le cadre d'une pseudo-décentralisation.
    Pour le moment, votre principale contribution à la réforme de la fonction publique a été l'annonce de la mise en place, après réflexion, d'une rémunération au mérite des fonctionnaires. Il ne s'agirait donc plus du versement d'une prime, puisque, dans votre communication au Conseil des ministres, vous avez parlé de « la prise en compte de résultats qui conditionnera 15 à 20 % de la rémunération totale ».
    L'administration française n'est pourtant pas une somme d'individualités qui concourent au service public. Au contraire, c'est l'association de l'ensemble des fonctionnaires à des contrats de performance ou à la formulation d'objectifs - pratique initiée par le précédent gouvernement - qui me semble générer une véritable dynamique profitable à l'Etat. Cette piste contractuelle de l'ensemble d'un service et d'un ministère est, à mon sens, la plus respectueuse des individus et la plus mobilisatrice de l'administration.
    Sans même attendre la pleine effectivité du décret du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, vous prétendez révolutionner le fonctionnement de l'administration. Ce décret était pourtant une véritable avancée, qui tournait le fonctionnement des services publics vers une véritable recherche de performance, en harmonie avec les objectifs propres au service public.
    Comment ce nouveau décret s'intégrera-t-il dans le dispositif que vous proposez ?
    Le mérite, tel que vous l'envisagez, peut générer des inégalités, les plus évidentes, entre les fonctionnaires, puisqu'il est clair qu'aucun critère d'évaluation ne sera suffisamment pertinent pour prétendre à l'objectivité. Or, l'objectivité, c'est la garantie de l'impartialité et de la neutralité dans l'organisation du service public et dans le service public lui-même. Car la dépendance dans laquelle on installera les hauts fonctionnaires, au contraire d'une amélioration de leur autonomie et de leur responsabilité, incitera au contraire à une politisation importante de ces postes, au risque de constater certaines dérives dans des dossiers nécessitant une neutralité républicaine. On ne saurait tolérer que les préfectures deviennent l'annexe des cabinets ministériels.
    Vingt et un ans après la décentralisation, et à la veille de transferts importants de fonctionnaires de l'Etat vers les collectivités territoriales, nous sommes censés réfléchir à l'évolution de la fonction publique territoriale. Il importe que l'évolution de la fonction publique dans sa globalité fasse l'objet d'un véritable débat parlementaire d'orientations.
    Ne nous leurrons cependant pas, l'introduction du mérite dans la fonction publique, tel que vous l'envisagez, c'est d'abord le signe d'une nouvelle stigmatisation des fonctionnaires.
    D'ailleurs, l'annonce de la mise en place d'une rémunération au mérite coïncide curieusement avec l'imminence d'une « décision politique difficile » que vous auriez à prendre, monsieur le ministre, pour l'année 2003.
    L'année 2003 sera-t-elle donc une année blanche en matière de revalorisation salariale ? Doit-on s'attendre au même traitement pour l'année 2004, puisque, après avoir repoussé les négociations salariales à janvier 2003, puis au débat sur les retraites, vous proposez, à partir de 2005, « un rendez-vous annuel obligatoire de négociation des salaires » ? Tout cela ne répond pas à l'attente des fonctionnaires, dont les représentants estiment à 3,6 % des salaires le montant du rattrapage avant que des mesures pour 2004 permettent le maintien et la progression du pouvoir d'achat.
    Vous prétendez réformer l'administation, mais en fait vous vous contentez de lui couper les vivres.
    Vous n'ignorez pas que cela a une conséquence sur l'attractivité de la fonction publique.
    On a, par exemple, constaté une diminution de 40 % du nombre des candidats au concours d'entrée dans les IRA, les instituts régionaux d'administration. Pour l'heure, vous vous préparez, et je vous cite, « à engager un processus décisionnel pouvant aboutir à une décision unilatérale ». Comprenne qui pourra !
    Plutôt que de faire le pari de la formation et de la diversification, qui sont fondamentales pour l'effectivité de la réforme de l'Etat et pour donner à ce dernier les moyens d'évoluer rapidement et d'être effectivement plus performant, vous préférez geler les emplois et vous polariser sur les ministères régaliens.
    J'ajouterai que je suis surpris de vous voir procéder par ordonnances à une prétendue simplification de l'administration, alors même qu'un tel procédé est contraire à la transparence et laisse justement à l'administration le soin de se réformer. Je ne pense pas, contrairement à ce qu'affirmait M. Plagnol devant la commission des lois, que les informations jointes au projet de loi d'habilitation suffisent à satisfaire le débat parlementaire et à garantir le bien-fondé de ces réformes. J'espère que le gain de ces simplifications pourra être évalué et nous être présenté le plus rapidement possible.
    Nous ne sommes pas rassurés, et, comme mes interlocuteurs syndicats de la fonction publique, nous sommes même inquiets, car les crédits du budget du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat apparaissent figés. Ils se bornent à mettre en oeuvre des mesures dont l'initiative revient au précédent gouvernement.
    La progression des crédits est négligeable, et les chiffres que vous avancez se justifient difficilement. Les améliorations qui pourraient être notées à propos de l'action sociale interministérielle ne sont pas significatives. Pire, leur efficacité me semble sujette à caution. A ce propos, les réponses aux questionnaires budgétaires me semblent relativement insuffisantes, tant elles se bornent à énoncer des taux de consommation et des montants affectés.
    Une fois de plus, je me permettrai donc de vous rappeler la lettre de l'article 32 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, qui dispose que la sincérité des lois de finances « s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».
    A cet égard, je ne peux que souhaiter qu'un réel état des lieux soit établi à propos des mesures de modernisation et de réforme de l'Etat qui ont été financées par le fonds pour la réforme de l'Etat. En effet, après avoir fait l'objet de gels et d'annulations en août 2002, il semble que ces crédits, qui, pour une part importante, sont délégués, fassent l'objet d'une consommation stable. Cependant, il ne semble pas que les objectifs qui leur ont été assignés aient, pour le moment, fait l'objet d'un réel suivi.
    Un chapitre budgétaire me semble symptomatique de la politique qui est la vôtre : le chapitre 34-94, qui regroupe les crédits destinés à financer les actions de formation et de perfectionnement des personnels, les opérations interministérielles de formation ainsi que les dépenses du fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Ces crédits, dont vous nous demandez l'augmentation, enregistraient un taux de consommation au 31 août de 12,3 %. Sous couvert d'action, l'immobilisme est de rigueur et je veux souligner le caractère néfaste d'une politique qui consiste à inscrire des crédits tout en prévoyant qu'ils ne seront pas consommés ou qu'ils seront gelés par le ministère de l'économie et des finances.
    Ainsi, alors que le projet de loi de finances 2003 présentait l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique comme un chantier prioritaire, des mesures de régulation budgétaire ont, en l'occurence, porté atteinte à l'autorisation budgétaire et à une cause nationale. Qui plus est, les taux de consommation des crédits concernés sont ridicules, particulièrement au regard de la demande d'augmentation de la dotation destinée à financer le fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
    Alors même que la formation des fonctionnaires garantit l'amélioration des performances, voire de la productivité du service public, plus de 20 % des crédits consacrés aux actions de formation interministérielles ont été gelés. C'est d'autant plus regrettable que nombre de réformes importantes, telles que celle de la gestion publique et de la commande publique, nécessiteraient l'organisation d'un programme soutenu de formation des agents de catégorie A de l'ensemble des ministères. Je regrette, d'autre part, qu'en ce qui concerne les autres fonctionnaires, l'accent ne soit plus mis sur la progression de leur carrière mais sur leur spécialisation dans le poste qu'ils occupent.
    Le projet de loi de finances de votre gouvernement m'apparaissait l'année passée comme une demande de moyens sans engagement. Il est désormais acquis que l'immobilisme est de rigueur en matière de fonction publique et de réforme de l'Etat. C'est donc un budget de régression pour l'année 2004 que vous nous présentez aujourd'hui.
    Il n'est pas acceptable de continuer dans cette voie alors que les recrutements de la fonction publique sont à l'étiage et de persister dans la stigmatisation d'une administration qui devrait par ailleurs se réformer, subir des coupes claires injustifiées dans ses crédits. Votre gouvernement sera comptable, sur le long terme, du démantalement de l'appareil d'Etat auquel nous assistons aujourd'hui, particulièrement en matière de transfert de compétences.
    Parce que je souhaitais que vous soyez précis dans les définitions des missions que le Gouvernement entend confier à la fonction publique - quelle fonction publique pour quel service public ? -, j'ai proposé à la commission des lois de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de votre ministère. La majorité de la commission ne m'a pas suivi et a donc émis un avis favorable.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le Plan.
    M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour le Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, la planification restera-t-elle, près de soixante ans après la création du Commissariat général du Plan, l'« ardente obligation » qu'elle était durant les années d'après-guerre ? Le projet de budget qui est aujourd'hui soumis à notre examen, mais aussi les débats qui l'entourent, permettent de répondre nettement par la négative à cette question. Et c'est très regrettable.
    S'agissant d'abord de la construction budgétaire, le présent projet de loi prévoit une nouvelle baisse de près de 5 % des crédits de paiement et de 5,2 % des autorisations de programme. Rappelons que les crédits de paiement avaient déjà diminué de 7 % dans le budget 2003. A l'époque, on nous avait fait valoir que l'augmentation de 18 % des autorisations de programme était un élément rassurant pour l'avenir ! Le présent projet de budget prouve à l'évidence qu'il n'en est rien. Le budget fait donc lui aussi les frais de la situation financière difficile dans laquelle le Gouvernement met notre pays. Le Gouvernement annoncera-t-il, d'ici quelques années, qu'il faut supprimer le Plan parce qu'il est devenu inutile ? Il faudra bien se souvenir, ce jour-là, que, année après année, les crédits du Plan auront été comprimés et que les organismes qui le constituent auront été réduits en silence. Il faudra bien dire que ce qui aurait pu être un outil fondamental de conseil et d'évaluation du Gouvernement a été abandonné.
    La réduction des crédits du Plan par le Gouvernement n'est pas nouvelle, mais la remise en cause de son utilité par certains membres de la majorité actuelle est un fait nouveau, que je regrette. Après avoir déposé l'an dernier un amendement visant à supprimer totalement les moyens de fonctionnement du Commissariat, la majorité a décidé de lancer une mission d'évaluation et de contrôle afin de faire le point sur les outils de prospective et d'évaluation de l'Etat. Après que la suppression du Commissariat général du Plan a été proposée, on peut aisément imaginer dans quel état d'esprit devaient être menés les travaux de cette mission !
    C'est donc sans surprise que son rapport a souligné la prétendue profusion et la confusion des organismes de prospective et d'évaluation de l'Etat. Il a par ailleurs proposé la création d'une instance nationale d'évaluation et d'une délégation à la prospective nationale et territoriale, par un rapprochement de la DATAR et du Commissariat. Chacun a pourtant noté, au moment où le rapport a été rendu public, que ces propositions ont été critiquées jusque dans les rangs de la majorité.
    En réponse à ces recommandations expéditives, le Premier ministre a réformé les fonctions du Commissariat général du Plan par une lettre de mission au commissaire général du Plan en date du 16 avril 2003, afin de « remettre le plan au service de l'Etat stratège ». Pour faire suite à cette lettre de mission, le nouveau commissaire du Plan, M. Etchegoyen, a entrepris une réforme de cet organisme visant à le recentrer sur ses missions de prospective. Il a, en fait, été contraint d'abandonner, tout simplement, ses fonctions d'évaluation des politiques publiques. Je voudrais rappeler que la mission d'évaluation et de contrôle avait proposé la création d'une instance nationale d'évaluation préalablement à la suppression des fonctions d'évaluation du Commissariat. Cette mesure n'a pas été prise, ce qui conduit à une situation inacceptable : il n'existe plus, en France, d'instance spécialisée en matière d'évaluation des politiques publiques.
    Le commissaire général du Plan a réorienté les méthodes de travail du Plan dans le domaine de compétence qui lui reste, à savoir la prospective économique et sociale. A cet effet, il a créé une trentaine de groupes de projet, dont l'objectif est de pouvoir répondre avec réactivité à des sollicitations ponctuelles des ministères. J'estime que cette réforme est positive si elle ne se résume pas à une réorganisation de façade. Mais je propose par ailleurs que le Commissariat général du Plan puisse répondre aux sollicitations du Parlement, ce qui permettrait à celui-ci de disposer d'une réelle expertise à l'appui des missions de contrôle de l'action du Gouvernement. C'est parce que nous attendons beaucoup de cette réorganisation de la méthode de travail du Plan dans le domaine de la prospective, que je trouve inacceptable que les membres de la majorité, à la commission des finances, aient adopté un amendement de réduction des crédits de rémunération et de fonctionnement du Plan de 2 millions d'euros. Comment peut-on espérer que la réorganisation du Plan puisse réussir dans de telles conditions ?
    La majorité actuelle veut donc à tout prix affaiblir l'efficacité du Plan, ce qui paraît paradoxal à un moment où nos voisins européens renforcent précisément leurs outils de prospective et d'évaluation. Ainsi, l'Allemagne a créé une commission « Economie 2000 » en Bavière, ou une commission sur l'avenir en Rhénanie, afin de donner une dimension territoriale à la prospective. Puis-je aller jusqu'à conseiller au Gouvernement, lancé dans sa perspective de décentralisation, de s'inspirer de notre voisin allemand, qui est une référence en matière d'autonomie des territoires ?
    Pour ma part, je suis d'avis qu'il faut renforcer les outils de planification, en les mettant au service de deux priorités : la prospective territoriale et l'anticipation des mutations économiques. C'est par ce biais que la politique de planification pourrait retrouver un contenu concret, en orientant au plus près du terrain les évolutions économiques.
    Au lieu de cela, le Gouvernement donne l'exemple de ce qu'il ne suffit pas de faire. En signant des contrats de sites qui mobilisent une participation financière de l'Etat au profit de certaines régions touchées par des restructurations industrielles, le Gouvernement intervient à contretemps, et en sapeur-pompier - sélectif, de plus -, contrairement aux recommandations du Premier ministre, qui réclame un Etat stratège.
    Pourtant, chacun connaissait les difficultés industrielles à Longwy, à Romorantin ou à Angers. Les députés du groupe communiste et républicain ont même proposé la constitution d'une commission d'enquête visant à tirer au clair les circonstances de la fermeture de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault. Mais la majorité a repoussé cette initiative.
    Par ailleurs, les restructurations de GIAT Industries à Bourges, Tulle, Vichy, Roanne, Saint-Chamond, Tarbes et Toulouse ont été planifiées, je dis bien « planifiées », en accord avec le Gouvernement, qui a préféré sacrifier ces régions plutôt que de planifier, je dis bien « planifier », la reconversion des industries de la défense.
    Pour ces différentes raisons, j'ai proposé en commission de ne pas adopter ce budget, d'en rejeter les crédits. La commission ne m'a pas suivi. Je renouvelle donc mon appel ici, en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je laisserai bien évidemment à mon collègue Henri Plagnol le soin de répondre sur la problématique des services du Premier ministre, notamment du Plan, et comme j'ai cru comprendre que les rapporteurs n'exprimaient pas forcément l'avis de la commission mais plutôt leur analyse, je me permettrai à la fin de mon intervention de tenter de leur répondre, notamment à M. Bernard Derosier.
    Mesdames, messieurs les députés, ce budget pour 2004 présente une apparente continuité par rapport à 2003, notamment dans son montant. Mais il convient d'analyser les changements profonds dont il est porteur. Nous avons pris l'engagement de réformer l'Etat. Cette réforme est aujourd'hui en marche.
    L'Etat, comme le disait d'ailleurs l'un des anciens ministres du Plan, Michel Rocard, a le devoir d'analyser les compétences qu'il souhaite confier à l'Europe, les transferts qu'il veut opérer vers les collectivités territoriales par le biais de la décentralisation, ce qu'il doit supprimer et ce qu'il veut conforter.
    C'est la raison pour laquelle, monsieur Chassaigne, je pense qu'un Etat ne peut pas être qu'un Etat stratège. Il se doit de développer des politiques de solidarité et de réparer ce qui crée des fractures importantes sur le territoire et donc de mettre en place des contrats de site. Un Etat stratège doit anticiper les mutations mais, en même temps, il doit prévoir des mesures d'accompagnement et présenter des solutions pour faire face à la mutation industrielle qui est en marche.
    Les crédits que j'ai l'honneur de demander au Parlement pour 2004 s'élèvent à 220,45 millions d'euros. Ils traduisent les orientations stratégiques que le Gouvernement entend mettre en oeuvre dans le domaine de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
    Le budget est construit selon deux principes politiques. En premier lieu, nous souhaitons intensifier notre effort en faveur de la réforme de la fonction publique après le chantier des retraites. En second lieu, nous entendons nous appliquer à nous-mêmes les principes de la réforme que nous prônons pour l'ensemble des administrations publiques : il revient en effet aux ministres d'être les acteurs de la réforme en s'impliquant dans la gestion de leur département ministériel.
    Pour atteindre ces deux objectifs, nous devons nous appuyer sur un budget sincère.
    Ainsi le montant de crédits que je sollicite n'est pas à comparer avec les 211 millions d'euros que vous aviez autorisés en loi de finances initiale 2003 mais avec les 266 millions d'euros de crédits que le ministère a en fait gérés en 2003 en raison d'un volume important de reports. D'ailleurs il faudrait, pour avoir une appréhension exacte de l'évolution d'une loi de finances à une autre, présenter un tableau où figurent les crédits votés en loi de finances initiale et les crédits consommés, de façon à connaître la consommation réelle des crédits. Notre objectif est que l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement corresponde exactement à la réalité de l'action d'un ministère.
    Concernant l'action sociale interministérielle, nous sollicitons 117,3 millions d'euros contre 118 l'année dernière. La diminution n'est pas apparente car, en réalité, ce poste progresse de 1,17 %, financé par un prélèvement sur le fonds de roulement de la Mutuelle de la fonction publique.
    Le deuxième poste est celui des établissements publics de formation, qui enregistre une augmentation de 3,62 %, à hauteur de 65,45 millions d'euros. Cette augmentation traduit le choix du Gouvernement en faveur de l'encadrement intermédiaire. Les effectifs des IRA, instituts régionaux d'administration, augmenteront de vingt-cinq élèves pour faire face à l'augmentation des besoins. En outre, la dotation de l'ENA fait l'objet d'un réajustement technique. Après deux années consécutives de prélèvement sur le fonds de roulement, nous avons souhaité rebaser le budget. L'augmentation sollicitée de 3,5 % pour porter les crédits à 32 millions d'euros est une augmentation purement technique. Elle est justifiée par la nécessité de compléter le fonds de roulement et le besoin de réaliser des travaux exigés par les commissions de sécurité.
    Le troisième poste est celui des études et de la communication publique. La hausse est importante mais elle correspond à notre souhait de voir la mission de la direction générale de l'administration et de la fonction publique évoluer vers une fonction de ressources humaines agissant en tant que conseil au profit des directeurs des ressources humaines opérationnels dans chaque ministère. En effet, nous avons ouvert un chantier très important de réformes. La réforme des retraites provoque un besoin important d'information pour les fonctionnaires concernés. La réforme de la négociation salariale et de la politique des rémunérations, la modernisation de la gestion des ressources humaines, la réforme de l'encadrement supérieur, la réforme de la fonction publique territoriale, la rénovation du dialogue social nécessitent que la DGAFP fasse appel pour accompagner cette volonté de changement à des compétences dont elle ne dispose pas en interne. Car si le changement est important, la conduite du changement est le facteur de la réussite.
    Un quatrième poste concerne les subventions pour la formation et l'insertion, hors fonds d'insertion des personnes handicapées. Nous sommes dans « l'année du handicap » et les crédits augmentent pour s'établir à 7,64 millions d'euros contre 6,86 millions en loi de finances initiale pour 2003. Les actions en faveur de l'insertion des handicapés en milieu professionnel dans la fonction publique ou d'aide à la vie quotidienne des travailleurs handicapés atteindront ainsi 5,5 millions d'euros. Les subventions aux organismes qui proposent des formations spécifiques s'élèveront à 1,1 million d'euros tandis que le financement des opérations d'amélioration de l'accessibilité dans les administrations est reconduit à hauteur de 1 million d'euros. Nous réfléchissons actuellement, avec ma collègue Marie-Thérèse Boisseau, à la mise en place d'aides pour modifier les conditions de travail en vue de favoriser l'insertion des handicapés dans la fonction publique.
    Le fonds pour la réforme de l'Etat augmente en apparence de 24 %, mais, en pratique, il a été nécessaire de procéder à une opération vérité pour réalimenter le fonds, dont tous les reports ont été consommés en 2003. C'est une amélioration significative de notre gestion, la consommation étant optimale en 2003 puisque nous aurons utilisé pratiquement 100 % de nos crédits.
    Enfin, un dernier poste concerne les crédits d'équipement qui couvrent la rénovation des restaurants inter-administratifs et la réservation de logements pour les nouveaux fonctionnaires nommés en Ile-de-France.
    Avant d'aborder le contenu des politiques que nous menons, je dirai quelques mots des crédits des services du Premier ministre.
    Le budget pour 2004 est marqué par un effort sans précédent de rationalisation des services. Le Premier ministre a demandé aux ministres de procéder à un réexamen critique de leurs missions et de leurs structures dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme que nous analysons avec Henri Plagnol. Une démarche identique s'est déroulée dans les propres services du Premier ministre. À cette occasion, le Premier ministre a souligné le caractère exceptionnel que doit avoir le fait qu'un service lui soit rattaché.
    En réalité, l'existence des services du Premier ministre ne se justifie qu'au regard des missions que le Premier ministre tient de la Constitution. Ces services doivent donc donner au Premier ministre une vision stratégique, lui permettre de diriger l'action du Gouvernement, d'organiser et de moderniser l'administration, de coordonner l'action de l'Etat jusque dans les territoires et de coordonner tous les aspects de la défense nationale. Les ministres sont, eux, chargés de proposer et de mettre en oeuvre les politiques publiques dans leur secteur d'activité, ils doivent donc disposer des services qui les concernent dirctement. En application de ce principe, le Premier ministre a fait figurer dans les lettres-plafond qu'il a signées pendant l'été des décisions supprimant sept des organismes qui lui étaient rattachés et en affectant vingt et un aux ministres compétents, pour n'en conserver auprès de lui qu'une dizaine.
    De la même façon, la mise en place de la LOLF dans les services relevant du Premier ministre repose sur le pragmatisme : cette réforme sera progressive, le projet de loi de finances qui vous est présenté en est la première étape.
    Henri Plagnol vous décrira plus en détail les aspects financiers du budget des services généraux du Premier ministre et du Plan.
    J'en viens maintenant aux politiques qui sont menées par le Gouvernement.
    Henri Plagnol aura l'occasion de développer plus en détail les orientations de la modernisation de la gestion publique et de la politique en faveur des usagers, notamment toutes les mesures de simplification. Pour ma part, je voudrais exposer à la représentation nationale les transformations importantes qui touchent à la gestion des ressources humaines dans les fonctions publiques.
    Nous avons engagé un vaste chantier de conduite du changement dans la gestion des ressources humaines. Je réponds ainsi à Bernard Derosier qui tout à l'heure s'exclamait : « quelle fonction publique pour quels services publics ? ».
    La démographie mais également la structure actuelle des modes de rémunération soulèvent un vrai problème d'attractivité pour attirer vers la fonction publique les compétences dont elle a besoin.
    Il importe d'abord de mettre en place une nouvelle politique de recrutement. Une part plus importante sera faite à la voie des recrutements internes. Il s'agit de recourir plus largement aux concours internes, à l'examen professionnel, à la liste d'aptitude, qui devront être fondés sur une appréciation rigoureuse du mérite professionnel des agents. Je souhaite mettre en place des formules de pré-recrutement par concours et instituer des dispositifs d'aide, de tutorat, de formation en alternance, ouverts aux jeunes sélectionnés qui auront choisi les métiers de la fonction publique.
    Je compte aussi favoriser plus largement l'ouverture de la fonction publique à des profils différents et notamment à des personnes ayant acquis une expérience dans le secteur privé. La validation des acquis professionnels doit permettre de pouvoir acquérir les compétences dont l'administration a besoin sans pour autant passer par un filtre de concours professionnels dont on sent bien quelquefois l'inadéquation.
    Deuxième élément, la professionnalisation doit être renforcée par des avancées en matière de formation initiale et de formation continue. Nous sommes extrêmement frappés de voir que, dans ce pays, la formation initiale, et pas uniquement dans le domaine public, semble donner à celui qui en a bénéficié l'assurance que, toute sa vie, alors que les métiers changent, que l'économie et les besoins évoluent, il sera systématiquement au niveau de compétence exigé pour être performant dans le métier qu'il doit assumer. Le suivi de certaines informations à des moments clés de la carrière me semble indispensable. De même, je souhaite que nous avançions dans la validation des acquis professionnels ou de l'expérience. Ainsi, j'aimerais qu'un effort particulier soit fait pour la formation de l'accueil. Aujourd'hui, il s'agit d'une fonction essentielle pour la fonction publique, qui mérite des formations adaptées, notamment pour savoir gérer l'accueil, savoir orienter les dossiers, réagir à la violence...
    Le troisième axe que je retiens est l'adaptation des règles de gestion pour acquérir plus de souplesse. Un nouvel élan doit être donné à la déconcentration de la gestion des personnels afin de favoriser les effets de proximité. Nous allons introduire des règles de promotion plus fluides grâce à la technique du ratio promus « promouvables » et accélérer la fusion des corps de fonctionnaires. Entrer dans la fonction publique ne signifie pas qu'on doit rester enfermé pendant toute sa carrière dans le même métier. La nouvelle génération, à un moment donné, aspire à pouvoir respirer dans une autre fonction publique, dans le secteur privé, voire dans les administrations étrangères. Nous sommes en train de travailler pour permettre une plus grande mobilité fonctionnelle géographique des agents entre les trois fonctions publiques, sachant que cette mobilité doit aussi intégrer la dimension familiale. A l'évidence, vouloir gérer la mobilité d'un agent sans tenir compte de son environnement familial créerait des ruptures préjudiciables au bien-être de l'agent, et donc à la qualité du service rendu.
    La gestion doit également être adaptée pour assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il faut réfléchir, dès la formation initiale, aux possibilités d'accéder aux concours. L'accès à des responsabilités ne doit pas être la reconnaissance d'une ancienneté, de l'appartenance à un corps ou le résultat d'une complaisance, mais bien la reconnaissance, validée par un concours, des compétences exigées par le poste.
    Bien évidemment, nous devons soutenir l'ambition légitime d'un certain nombre de fonctionnaires de passer des concours. Mais assumer les tâches familiales, les tâches professionnelles et, en même temps, travailler jusqu'à une heure ou deux heures du matin pour préparer des concours demande, notamment aux femmes, de gros efforts. Il faut engager une réflexion sur ce que j'ai appelé le temps partiel familial pour pouvoir concilier la vie professionnelle, la vie familiale et la préparation aux concours. La formation continue est un investissement pour la fonction publique, non une charge.
    Nous devons aussi élargir les corps de fonctionnaires de façon à leur permettre de réfléchir à une seconde carrière et à faciliter la mobilité.
    Les évolutions doivent également s'appliquer à la situation des cadres. L'encadrement supérieur a une responsabilité éminente dans la conduite de la réforme. Il nous faut maintenir la qualité du recrutement, veiller à sa motivation et à son engagement dans le mouvement tourné vers le progrès.
    J'ai présenté hier, le 22 octobre, une communication au conseil des ministres, où j'ai proposé au Gouvernement des mesures concrètes pour améliorer la gestion et les parcours professionnels des cadres supérieurs. Nous devons viser trois objectifs : l'usager au centre des préoccupations, la responsabilité comme moteur de la réforme, l'agent comme l'acteur.
    Les mesures proposées sont : l'ouverture des recrutements, notamment en direction du secteur privé, pour diversifier la culture de l'administration, tout en veillant à favoriser la promotion interne ; la suppression des entraves à la mobilité entre les corps et entre les fonctions publiques ; l'amélioration de la prévision des flux de recrutement et la création de viviers de cadres à fort potentiel ; l'ouverture européenne de la haute fonction publique - la formation aux questions européennes sera densifiée, et nous allons tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire en ouvrant notre fonction publique supérieure aux ressortissants communautaires, à l'exception des emplois comportant des prérogatives de puissance publique ; la mise en place progressive, à partir de ministères expérimentateurs, d'une plus grande responsabilisation des cadres supérieurs, sur la base de contrats d'objectifs permettant d'asseoir une partie de la rémunération sur les résultats atteints.
    Au-delà de ces premières mesures portant sur les cadres supérieurs, j'engagerai prochainement avec les partenaires sociaux un travail sur la situation professionnelle des cadres intermédiaires, qui sont la colonne vertébrale de tout changement.
    Plus généralement, l'introduction d'une culture de la performance est une priorité. C'est même le fil conducteur de notre politique. La modernisation de notre service public passe par la définition d'objectifs d'amélioration de la qualité du service, et par l'association des personnels à leur mise en oeuvre.
    J'ai l'intention de mieux reconnaître le mérite des bons agents à travers les rythmes d'avancement, qui seront différenciés. Nous en revenons ainsi à l'état d'esprit du statut imposé, en 1946, par le secrétaire général du Parti communiste : il faut faire en sorte, disait-il, que la fonction publique ce soit des droits et des obligations, mais il faut également que les fonctionnaires qui sont totalement impliqués dans leur mission soient reconnus par rapport à celles et ceux qui le sont moins.
    S'agissant du lien entre la performance et le salaire, je suis favorable à la création d'outils permettant la reconnaissance, au niveau du service, des résultats obtenus. Il pourrait s'agir soit de mécanismes d'intéressement, soit de retours financiers vers le service permettant, par exemple, d'améliorer les conditions de travail.
    En liaison avec ce qui précède, je souhaite faire évoluer l'approche salariale pour être cohérent avec les réalités économiques. C'est en réalité toute la différence qu'il peut y avoir sur un plan philosophique entre faire confiance aux hommes et faire confiance au système.
    Aujourd'hui, nous devons totalement inverser la culture qui veut que celui qui économise est plus sanctionné que celui qui dépense et que celui qui prend des risques est plus sanctionné que celui qui n'en prend pas. Nous devons faire totalement confiance aux hommes et leur permettre de se responsabiliser, à condition bien évidemment de prévoir un juste retour des efforts qu'ils fournissent.
    Sur l'approche salariale, il convient de distinguer le court terme et le moyen terme.
    Pour le court terme, personne n'ignore la situation des dépenses publiques actuelles. J'ai reçu les organisations syndicales le mois dernier. Je leur ai indiqué que j'apporterai une réponse pour 2003 vers la mi-novembre, après avoir pris l'avis, ce qui est une nouveauté importante, d'un collège réunissant les différents employeurs des trois fonctions publiques. J'ai présidé la semaine dernière la première réunion de ce nouvel organe.
    Le moyen terme appelle des solutions novatrices. Il me paraît impossible de raisonner en matière salariale comme par le passé, en ne retenant que la valeur du point en niveau et en glissement. Je considère que la politique salariale doit également intégrer les effets des mesures catégorielles et indemnitaires et qu'elle pourrait être mieux mise en relation avec la croissance.
    J'ai proposé aux organisations syndicales de se joindre à une conférence destinée à repenser l'approche de la politique salariale et des rémunérations. Je préconise la tenue de négociations annuelles, qui pourraient être obligatoires, à partir des travaux d'un observatoire des salaires de la fonction publique ouvert aux syndicats. J'installerai cet observatoire dans les premiers jours de novembre.
    Je voudrais maintenant dire un mot rapide des autres directions de la politique entreprise, avant de présenter la réforme de l'Ecole nationale d'administration.
    Sur la base du rapport que vient de me remettre M. Guy Berger, président de chambre à la Cour des comptes, je proposerai bientôt au Premier ministre la modernisation des règles de déontologie relatives aux départs dans le secteur privé, afin de permettre une meilleure respiration entre les secteurs privé et public.
    Notre fonction publique doit aussi s'adapter aux changements qui surgissent en Europe. La Cour de justice des communautés européennes vient de se prononcer sur le cas d'une directrice d'hôpital d'origine portugaise, formée au Portugal, Mme Burbaud, qui désirait intégrer la fonction publique hospitalière de notre pays. La Cour lui a donné raison en estimant qu'elle ne pouvait pas se voir opposer l'obligation de repasser le concours de l'Ecole de la santé de Rennes. J'ai l'intention de tirer rapidement les leçons de cet épisode et, plus largement, de répondre aux nouveaux défis, en m'inspirant du rapport que m'a remis le professeur Lemoyne de Forges.
    Parallèlement à la concertation sur la gestion des ressources humaines, je vais ouvrir avec les syndicats des discussions sur l'évolution des outils du dialogue social, en particulier pour ce qui concerne les organes paritaires.
    Je ne voudrais pas oublier de signaler l'important travail qui a été entrepris avec les syndicats, pour rédiger les décrets d'application de la loi sur la réforme des retraites qui entrera en vigueur le 1er janvier 2004.
    Enfin, il me paraît essentiel de clarifier les rapports entre les fonctionnaires et la politique. La démocratie suppose que les fonctionnaires, comme tous les citoyens, puissent briguer des mandats électifs. Mais elle exige que des frontières plus nettes soient définies entre la politique et l'administration. Cela implique, en particulier, que l'exercice à temps plein de fonctions politiques ne puisse être considéré comme le simple prolongement de l'activité administrative. Dans le cadre de la communication du 22 octobre, j'ai annoncé que les fonctionnaires exerçant des fonctions politiques à temps complet seront placés en disponibilité pour la durée de leur mandat : le statut de la fonction publique sera adapté en conséquence. Cela signifie tout simplement que leur carrière s'arrêtera. Comment imaginer en effet qu'un fonctionnaire qui fait de la politique puisse voir sa carrière se dérouler au même rythme que celle d'un fonctionnaire qui exerce la totalité de ses fonctions administratives ? Il s'agit d'appliquer un principe d'équité et de justice vis-à-vis de nos concitoyens.
    J'en viens à la réforme de l'Ecole nationale d'administration.
    Je m'étais engagé, il y a un an, à vous présenter cette réforme qui répond à une triple exigence : l'ouverture de l'école à la société et au monde, la professionnalisation des parcours de formation, la rationalisation de son fonctionnement. Le conseil des ministres a approuvé, hier, les grandes lignes de la réforme.
    Le premier objectif est de redonner à l'ENA sa vocation d'école d'application. La scolarité sera donc recentrée sur l'expérience de terrain. En effet, comment imaginer qu'un haut responsable de la fonction publique ne connaisse pas la culture des administrés dont il aura demain la charge ? La scolarité sera donc rebâtie autour de trois stages consacrés à l'administration des territoires et à la découverte de l'administration territoriale et des entreprises, à l'Europe et à la gestion publique dans la perspective de la réforme de l'Etat. La formation théorique sera organisée en fonction de ces stages d'application. Les stages, plus diversifiés, devront inclure un stage en entreprise. Les élèves effectueront la dernière partie de leur scolarité au sein d'une « dominante » qui leur permettra d'acquérir des compétences en rapport avec leur projet professionnel : droit, affaires étrangères ou financières.
    Le choix des corps d'affectation continuera d'être fait en fonction du classement, gage d'objectivité et de neutralité. La « dominante » professionnelle sera prise en compte dans le classement de sortie. Un bilan approfondi des compétences acquises sera réalisé à l'issue de la scolarité. Une fois le corps d'affectation choisi, c'est sur la base de ce bilan qu'un échange avec le ministère employeur conduira celui-ci à déterminer l'emploi d'affectation.
    A titre personnel, je serais favorable à ce que les élèves puissent effectuer une période pratique prenant place avant la sortie, au cours de laquelle ils seraient mis en contact avec les usagers dans leur futur milieu professionnel.
    La formation à l'administration des territoires et à l'Europe constitue le second enjeu.
    Le Gouvernement retient tout d'abord l'orientation de rapprocher les formations initiales des cadres supérieurs de l'Etat et de la fonction publique territoriale : le couple Etat - collectivités territoriales exige un tronc commun, une culture commune de la gestion de l'administration publique. Nous proposerons au Centre national de la fonction publique territoriale de conclure une convention organisant ce parcours commun de formation.
    De même, la vocation européenne de l'ENA sera renforcée dans les enseignements dispensés en ouvrant l'école sur l'Europe : en application du principe de la libre circulation des travailleurs, les ressortissants communautaires pourront passer les concours de l'ENA et faire carrière ultérieurement dans la fonction publique française, mis à part les emplois de souveraineté, qui ne pourront pas leur être ouverts.
    Cela conduit tout naturellement à repenser la localisation et l'organisation de l'école, pour tenir compte des choix de formation et pour comprimer les coûts de gestion.
    L'ENA sera pour l'essentiel regroupée à Strasbourg. Ne seront conservées à Paris que les activités qui ne peuvent pas être délocalisées, de dimension internationale notamment. Ce transfert interviendra graduellement suivant un calendrier qui tiendra compte des possibilités de reclassement offertes aux personnels concernés. Les organes compétents au sein de l'école - comité technique paritaire et conseil d'administration - seront saisis de ces aspects. Ils auront en particulier à donner leur avis sur la cession de l'un des sites parisiens, sur la base d'une étude qui sera conduite par le directeur de l'Ecole, M. Antoine Durrleman, à qui je fais toute confiance pour mener à bien ce projet délicat - il aura tout le soutien nécessaire du Gouvernement - et pour concilier efficacité, brièveté et raccourcissement du délai entre la prise de la décision politique et l'application de cette décision.
    En complément, le conseil d'administration, dont la composition sera revue et l'effectif réduit, sera présidé par une personnalité choisie par le Gouvernement. Le pilotage stratégique de l'école se fera dans le cadre d'un contrat d'établissement liant l'Etat à l'Ecole, avec des dispositifs de contrats d'objectifs et des dispositifs d'évaluation.
    Cela me fournit la transition pour vous présenter, et ce sera la dernière partie de mon propos, la stratégie de réforme de mon ministère.
    Le Premier ministre, sur ma proposition et sur celle d'Henri Plagnol, qui y reviendra dans son intervention tout à l'heure, a demandé à chacun des ministres de présenter une stratégie ministérielle de réforme destinée à repenser les missions des ministères.
    Les différentes propositions nous ont été remises au début du mois d'octobre. Elles ont été transmises aux commissions des finances des deux assemblées.
    Permettez-moi d'énumérer les principaux points de stratégie que j'ai soumis au Premier ministre.
    Premièrement, un comité de directeurs veillera tous les mois, sous ma présidence, à assurer la cohérence des réformes.
    Deuxièmement, les réformes conduisant à l'abandon de missions ou à l'externalisation de missions pouvant être mieux assurées par d'autres porteront sur plusieurs points.
    La suppression du contreseing sur les arrêtés d'ouverture de concours doit dégager de la productivité en supprimant 700 actes de gestion à la direction générale de l'administration et de la fonction publique.
    J'ai proposé en outre le transfert aux caisses d'allocations familiales des prestations familiales concernant les fonctionnaires. La gestion directe des prestations familiales des fonctionnaires par les administrations d'appartenance conduit à conserver une tâche qui relève du droit commun et qui pourrait être assurée par les caisses d'allocations familiales.
    Le bénéfice attendu pour le budget de l'Etat du transfert de la gestion des prestations familiales représenterait une économie de l'ordre de 1 200 emplois à temps plein.
    Notre schéma porte aussi sur la réforme d'organismes relevant du ministère.
    J'ai évoqué avec vous longuement la réforme de l'ENA. Je voudrais aussi mentionner l'évolution de la direction générale de l'administration et de la fonction publique vers un rôle de pilotage dégagé de la gestion. La DGFAP va ainsi évoluer vers un métier de « direction des ressources humaines groupe » plutôt que de gestion à proprement parler.
    Naturellement, la réforme s'étend à la DATAR, dont nous avons parlé tout à l'heure. Celle-ci doit renforcer son rôle de conseil, de stratégie et d'accompagnement de caractère territorial.
    Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les principaux points des politiques que nous conduisons et qui trouvent naturellement leur traduction dans le budget.
    Monsieur le président, me permettez-vous de m'adresser maintenant aux rapporteurs présents ?
    M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. M. Bernard Derosier n'a pas exprimé l'avis de la commission des lois, mais fait état de ses réflexions personnelles. Je suis ravi qu'il me permette ainsi de contribuer à clarifier le débat. (Sourires.)
    Nous avons très clairement exposé la vision que nous avons pour la fonction publique : un usager plus satisfait, un fonctionnaire plus épanoui, un service public plus efficace.
    La légitimité du service public est remise en cause si la qualité du service n'est pas rendue. Aux yeux de nos concitoyens, le service public n'est plus aujourd'hui porteur des valeurs de la République : on ne parle plus d'égalité des chances à l'école, mais d'une bonne ou d'une mauvaise école ; on ne parle plus d'égalité devant l'accès aux soins, mais d'un bon ou d'un mauvais hôpital.
    La défense du service public passe par le développement de la qualité du service rendu.
    Chez nos concitoyens, la part civique a tendance à diminuer alors que la part « consommateurs » a tendance à augmenter. Nous devons être attentifs au fait que le service au public, c'est le service du public. Dès lors, nous devons mettre en place des méthodes d'évaluation et d'adaptation.
    On a parlé de moratoire. Ce serait la pire des solutions. Dans une société qui bouge à toute vitesse, vouloir l'immobilisme, c'est vouloir être en décalage, à plus ou moins court terme, par rapport à un besoin et, dans ces conditions, la sanction risque d'être lourde.
    C'est pourquoi nous souhaitons inverser totalement la culture de la fonction publique, d'ailleurs souvent à la demande des fonctionnaires eux-mêmes, qui veulent être considérés dans l'exercice de leur mission, reconnus pour leurs talents, leurs initiatives. Or, aujourd'hui, le système neutralise, asphyxie, paralyse, tout simplement parce que celui qui économise n'est pas récompensé par rapport à celui qui dépense parce qu'on a tendance à lui diminuer son budget, et que celui qui prend des risques risque d'être sanctionné dans sa carrière.
    Nous souhaitons au contraire responsabiliser, fixer des contrats d'objectifs, c'est-à-dire faire confiance, mettre en place des évaluations et faire en sorte que celles et ceux qui apportent un meilleur service au public et qui rationalisent leurs coûts de fonctionnement puissent bénéficier d'un juste retour de leurs efforts sur le plan collectif et non individuel.
    La rémunération au mérite, que nous réservons à la haute fonction publique, c'est tout simplement la reconnaissance des résultats obtenus. C'est très différent de la référence à la performance, qui doit bien évidemment concerner le service et supposer un intéressement collectif et non individuel.
    Personne n'a jamais imaginé payer les infirmières au nombre de piqûres ou les gendarmes au nombre de contraventions ! Nous souhaitons au contraire faire en sorte de satisfaire au droit légitime du fonctionnaire par rapport à ses obligations, mais également au droit tout aussi légitime, de l'usager quant à l'utilisation de ses impôts et à la performance du service rendu. Le fonctionnaire doit se sentir responsabilisé et reconnu pour ses talents, ce qui induit des accélérations de carrière en fonction de la motivation des uns et des autres.
    M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il s'agit là d'un nouvel état d'esprit, qui est une réponse à une demande de jeunes fonctionnaires et qui exige la mobilité. Plus personne n'imagine ne pas pouvoir changer de métier, ne pas pouvoir respirer, prendre ses distances par rapport à des parcours familiaux, professionnels ou à des phénomènes de lassitude.
    J'en viens à l'attractivité.
    Monsieur Derosier, je partage totalement votre point de vue sur l'augmentation de l'efficacité. Et l'efficacité s'apprécie au vu des résultats. Nous ne nous satisfaisons pas d'une baisse d'effectifs. En fait, nous sommes dans la même situation que les collectivités territoriales.
    Je sais que vous présidez avec brio un conseil général et qu'à ce titre vous faites en permanence des choix entre les moyens dont vous disposez et les demandes que l'on vous adresse. Toutes les collectivités locales déplorent avoir dix fois plus de choix que de moyens. Mais alors que celles-ci apprennent à dire non et à hiérarchiser leurs priorités, on voudrait que l'Etat dise oui à tout, considérant qu'il est un puits sans fond.
    Or l'Etat aussi doit apprendre à hiérarchiser ses priorités, à faire des choix et à rendre compatibles les ressources dont il dispose. La sécurisation des dépenses publiques, ce n'est pas l'augmentation systématique des dépenses publiques, mais la sécurisation des ressources dont l'Etat dispose.
    Nous devons apprendre à réduire le train de vie de l'Etat parce que nos dettes sont tout simplement passées de 15 % du PIB en 1980 à plus de 60 % en 2002. Nous ne pouvons pas faire supporter aux générations montantes la responsabilité de notre incapacité à réduire notre déficit structurel à zéro.
    Il s'agit d'un exercice auquel il convient que les fonctionnaires eux-mêmes soient intéressés. Nous devons assumer nos choix en les hiérarchisant afin d'assurer demain la sécurisation du fonctionnement du service public en parvenant à la sécurisation des ressources.
    Nous ne sommes donc pas du tout dans une logique libérale. Je répète ce que je n'ai cessé de dire : une économie privée performante a besoin d'un service public performant. Ce qui coûte cher, ce n'est pas le service public : c'est l'échec du service public.
    En disant cela, je ne porte pas d'accusation, mais il est évident que, lorsque survient un ralentissement de la croissance lié à l'incapacité de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée, on doit mettre en place des outils de formation professionnelle adaptés aux besoins. C'est un défi que doit relever le service public.
    S'agissant de la rémunération au mérite, vous avez craint une politisation, un manque d'objectivité, et que la préfecture ne devienne une annexe ministérielle.
    Nous devons éviter deux extrêmes.
    L'hypocrisie dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui consiste à défendre l'égalitarisme en étant pour l'octroi de primes mais à la condition que tout le monde touche la même chose. Nous sommes d'accord pour reconnaître que le jeune est forcément moins compétent que le vieux - le jeune a la note 13 alors que celui qui est en fin de carrière a 20. Et comme il est difficilement imaginable de sanctionner quelqu'un, on finit par mettre 20 à tout le monde. Ainsi, pour ne pas avoir le souci de la responsabilisation, on place tout le monde au même niveau. On répartit les primes entre tout le monde, quelles que soient les implications de chacun, et tout le monde s'en contente.
    Il y a des tas d'hypocrisies dans la fonction publique. Quand une collectivité territoriale publie une liste de postes disponibles, on connaît déjà ceux à qui on va les affecter et les rencontres avec les organisations syndicales sont quelquefois plus des formalités que des occasions de motivation, de responsabilisation et de partenariat.
    Vous avez évoqué un autre système : une notation partiale, partisane, qui procéderait plus de l'affectif qu'elle ne résulterait de la situation réelle de l'intéressé.
    Pour notre part, nous pensons que la responsabilisation passe par l'investissement de la hiérarchie intermédiaire et de la hiérarchie supérieure, ainsi que par la possibilité de recours. Là aussi, nous devons pouvoir faire confiance. Arrêtons dans ce pays de faire des lois qui visent les 5 ou 6 % de gens qui ne les respectent pas et qui paralysent totalement les 95 % de gens qui les respectent ! Ne nous sentons plus obligés de mettre en place des contraintes au motif qu'il existerait quelques personnes qui ne mériteraient pas notre confiance ! Acceptons les défauts de notre système plutôt que de le paralyser !
    A cet égard, nous devons soutenir la hiérarchie de la fonction publique, y compris la hiérarchie intermédiaire, dont l'évolution des carrières ne doit pas dépendre de la capacité à ouvrir un parapluie ou à éviter la répercussion des secousses vers les instances supérieures : elle doit au contraire être liée à la responsabilisation. Certes, le problème de la relation entre le politique et l'administration se trouve posé. Mais nous souhaitons développer l'autonomie des directeurs d'administration centrale afin que se développe une formidable capacité d'implication et de responsabilisation.
    Vous avez dit que l'année 2003 serait probablement difficile, monsieur Derosier. Comme je l'ai dit et répété moi-même : à croissance faible, hausse faible. Mais, de grâce, ne suscitez pas plus d'inquiétude !
    Vous avez fait allusion à l'absence de 3,6 % de rattrapage. Mais permettez-moi de vous rappeler - je sais que, habitant dans le Nord, vous avez le sens de la solidarité - que le gouvernement que vous souteniez a ici une part de responsabilité.
    La voie de la négociation est vouée à l'échec, on le voit bien : depuis cinq ans, aucune négociation n'a pu aboutir. Je l'ai clairement dit, et les employeurs publics avec moi : les 3,6 % de rattrapage sont totalement hors de portée étant donné nos contraintes budgétaires actuelles. Cessons donc d'entretenir l'illusion que la négociation portera sur ce rattrapage de 3,6 % !
    Je le répète : à croissance faible, hausse faible.
    Vous avez eu raison d'attirer notre attention sur la faiblesse de la consommation des crédits du chapitre 34-94. Je puis vous annoncer qu'il y a eu un dégel de 700 000 euros en octobre et que les ministères sont prêts à consommer 437 000 euros - 37 400 pour la santé et la famille, 100 000 pour la justice, 200 000 pour les finances, 100 000 pour l'éducation. Ces crédits seront engagés avant la fin de l'année.
    Je compte sur votre vigilance pour faire en sorte que les crédits demandés soient bien consommés. Telle est également notre volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, Jean-Paul Delevoye, ministre de la réforme de l'Etat, vient de le rappeler avec force : la réforme de l'Etat est au coeur des priorités du Président de la République et au coeur des priorités du Gouvernement. Elle mobilise tous les ministères et tous les services publics.
    Le Premier ministre l'a organisée autour de quatre chantiers essentiels : la décentralisation, qui nous oblige à réorganiser l'Etat territorial si nous voulons parvenir à en diminuer les coûts et la complexité ; la réforme budgétaire, dans le cadre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ; la nouvelle gestion des ressources humaines, dont le ministre de la fonction publique vient de vous parler ; la nécessité de rendre l'Etat plus simple, plus proche, plus efficace.
    La simplification, la « révolution qualité », l'extension des nouvelles technologies : tels sont les aspects que je voudrais développer en exposant les actions du fonds pour la réforme de l'Etat, avant d'aborder les services généraux du Premier ministre.
    Quelques mots tout d'abord pour rappeler la réorganisation des outils nécessaires au pilotage de la réforme de l'Etat.
    Jusqu'au début de l'année 2003, c'était la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, rattachée, par le biais d'un même directeur, à la direction générale de l'administration et de la fonction publique, qui regroupait des services très disparates et qui avait vocation à animer l'ensemble des actions afférentes à la modernisation des services publics.
    Avec le soutien du Premier ministre, un décret du 21 février 2003 a réorganisé ces services autour de trois délégations correspondant aux priorités du Gouvernement en ce domaine.
    Il s'agit, en premier lieu, de la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat, qui participe à la mise en oeuvre et à la conception de la loi organique, qui apporte son concours à l'adaptation de l'organisation de l'Etat à l'évolution de ses missions et à la décentralisation, qui impulse les stratégies ministérielles de réforme et qui favorise le développement de l'évaluation des politiques publiques.
    Il s'agit, en deuxième lieu, de la délégation aux usagers et aux simplifications administratives, qui coordonne la politique d'allégement des formalités administratives. Elle a notamment préparé la première loi d'habilitation votée en juillet et elle prépare en ce moment une deuxième loi pour accélérer l'entreprise de simplification. Elle est également chargée des mesures visant à accroître la qualité de l'accueil et du service rendu.
    Enfin, l'Agence pour le développement et l'administration électronique est le fer de lance interministériel tendant à mutualiser les moyens humains, logistiques et financiers dans ce domaine primordial pour la modernisation des services publics.
    Telles sont les trois priorités pour la mise en oeuvre desquelles le fonds pour la réforme de l'Etat constitue l'instrument financier essentiel.
    Je répondrai aux inquiétudes de M. Derosier en disant que le budget que je vous présente garantit la totale transparence des actions du fonds pour la réforme de l'Etat, dont je rappelle qu'il a soutenu, depuis sa création, voilà sept ans, 615 projets pour un montant de crédits de 39 millions d'euros au niveau central et 742 projets pour un montant de 26 millions d'euros au niveau territorial. C'est dire l'effet de levier de financements qui peuvent paraître modestes, mais qui sont cruciaux pour impulser des actions interministérielles.
    Pour l'année 2004, la dotation du fonds prévu dans le projet de loi de finances initiale est de 18 millions d'euros, contre 20 millions d'euros de crédits inscrits en 2003, sachant que la totalité des reports de crédits de 2002 sera consommée, à la fin de cette année, grâce à l'amélioration de la gestion du fonds.
    Comme vous l'a dit Jean-Paul Delevoye, nous avons voulu conduire une opération de transparence totale avec le Parlement. Nous nous étions engagés à mettre fin aux pratiques de reports qui rendent opaque le vote du Parlement sur la réalité des crédits délégués et consommés. Nous avons donc accepté volontairement une réduction des sommes en loi de finances initiale, en prenant la résolution de consommer en intégralité les reports. C'est chose faite ! Les 18 millions d'euros ne représentent donc pas une hausse des crédits demandés, mais l'exacte traduction de ce qui sera effectivement utilisé.
    Quelles sont les priorités de mon ministère ? D'abord, l'action de simplification.
    Vous avez demandé, monsieur Derosier, dans quelle mesure le Parlement serait associé au suivi des ordonnances. Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par l'opposition, a validé l'ensemble de la loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour simplifier le droit par ordonnances, faisant ainsi de la simplification un objectif de valeur constitutionnelle.
    Je vous confirme que, s'agissant des ordonnances, dont les deux tiers seront publiées avant la fin de l'année, dans la deuxième loi d'habilitation, il y aura un article de ratification qui donnera lieu à un débat, comme nous nous y étions engagés. Enfin, le conseil d'orientation pour la simplification qui, pour la première fois, sera majoritairement composé d'élus, sera installé dans les deux mois qui viennent. Il sera ouvert aux représentants de l'opposition, dans un souci de pluralisme, et il aura pour mission d'impulser cette politique de simplification. Vous voyez, mesdames, messieurs les députés, que le Parlement sera pleinement associé.
    Quelles sont les orientations sur lesquelles nous travaillons pour préparer la deuxième loi d'habilitation ? Simplifier les procédures de débats et d'enquêtes publics, afin de faciliter la réalisation des grands projets ; lever les obstacles juridiques à l'extension de l'administration électronique ; simplifier les procédures relatives aux établissements sociaux, notamment les maisons de retraite ; développer, pour renforcer l'attractivité du territoire, comme l'a voulu le Premier ministre, et favoriser les investissements étrangers, la pratique du rescrit social, c'est-à-dire la stabilité de la règle de droit comme c'est le cas en matière fiscale, pour ce qui concerne les cotisations sociales ; uniformiser les divers régimes de sanctions fiscales ; moderniser les procédures électorales, notamment pour les Français de l'étranger. Voilà certaines des orientations sur lesquelles nous travaillons. Nous espérons être en mesure de présenter ce projet de loi à l'Assemblée au début de l'année prochaine. Si la simplification est essentielle, c'est bien sûr pour faciliter la vie de nos concitoyens, c'est aussi pour libérer les énergies et la capacité d'initiative des fonctionnaires de terrain. A cet égard, nous avons d'ailleurs été très heureusement impressionnés, Jean-Paul Delevoye et moi-même, par le nombre de propositions de simplification nous venant du terrain : plus de 400 nous sont venues des préfectures, et environ 200 des administrations sociales. C'est dire l'intérêt que suscite cette entreprise chez les fonctionnaires eux-mêmes !
    M. Denis Merville. Ce sont des fonctionnaires de terrain ! (Sourires.)
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Deuxième priorité : la révolution qualité. Elle a été marquée d'étapes importantes au cours de l'année 2003. D'abord, le succès incontestable des premiers trophées qualité des services publics de l'Etat. Plus de 100 projets, correspondant aux priorités de la modernisation de l'ensemble des services publics, ont été reconnus. Dans les tout prochains jours, je présenterai la charte commune pour l'accueil des services publics, qui a été adoptée par l'ensemble des ministères et qui comportera des engagements concrets, mesurables, pouvant faire l'objet d'évaluations, notamment le traitement des réclamations pour les usagers sur un domaine essentiel. C'était une des priorités annoncées par le Président de la République lors de ses voeux aux corps constitués. Mais il faut aller plus loin, et progresser vers ce que l'on peut appeler un management par la qualité. Ce sera l'objet des conclusions de la mission d'Yves Cannac sur la qualité des services publics, qui seront remises au Premier ministre au début de l'année prochaine.
    Enfin, troisième priorité, l'administration électronique. Des progrès spectaculaires interviennent dans ce domaine. Il n'est pas exagéré de parler d'un vrai déclic de l'« e-administration ». La fréquentation des sites publics est en très forte hausse. Un récent sondage indique que 80 % des personnes qui recherchent un emploi et qui maîtrisent Internet utilisent le site de l'ANPE, le répertoire automatisé des offres et des demandes d'emploi permettant à la personne à la recherche d'un emploi, en fonction d'une demande très précise, d'avoir immédiatement les offres qui correspondent et d'entrer en relation directe avec les employeurs. La confiance des Français est en hausse pour ce qui concerne l'utilisation des données personnelles, évidemment essentielle si l'on veut progresser dans la dématérialisation des services : 85 % des formulaires sont désormais en ligne ; il y a plus de 5 500 sites publics, soit une augmentation de 20 % en un an, et 1,5 million de visites mensuelles sur service-public.fr, service géré par la Documentation française dont je veux saluer la réussite spectaculaire - plus de 60 % d'augmentation en un an. C'est devenu véritablement un média de masse. Enfin, il y a 600 000 télédéclarants pour les impôts : leur nombre a été multiplié par cinq en un an. Tout cela est très encourageant et confirme que nous sommes dans la bonne direction.
    J'en viens à la modernisation du travail des agents public eux-mêmes, de leur cadre de travail et à la simplification des échanges de documents et d'informations. Le projet de carte d'agent public permettra à tous les agents d'avoir accès, le cas échéant, à distance de leur bureau, à toutes les données qui leur sont nécessaires pour travailler avec leurs collègues. Cela suppose évidemment un plan de formation auquel la direction générale de la fonction publique travaille.
    Pour l'Etat et les collectivités territoriales, partenaires essentiels de ce chantier, il faut progresser dans la mutualisation des informations, des hommes et des ressources logistiques en développant le plus possible l'interopérabilité. Il faut saluer des succès réels pour ce qui concerne l'inscription et la gestion des concours, les achats publics. On peut encore progresser s'agissant de la gestion des ressources humaines. A côté de cela, de nombreux projets concernent la vie quotidienne des Français. C'est le cas emblématique du changement d'adresse. Il faut faire en sorte que l'on ne soit plus obligé de déclarer son changement d'adresse à tous les services publics, que le premier auquel on le signale transmette cette information à tous les autres. C'est un chantier très complexe et nous allons développer un prototype dans le courant de l'année prochaine. Je voudrais rappeler le succès des cartes de vie quotidienne, dû aux collectivités territoriales. En effet, grâce à un partenariat avec la DATAR et la Caisse des dépôts, nous avons pu générer plus de soixante projets des collectivités locales en un délai record - treize d'entre eux ont été retenus dans un premier temps. C'est là aussi une indication forte de l'attente des territoires et de leurs élus.
    Enfin, pour conclure cette présentation, comme m'y a invité M. Jean-Claude Delevoye, je voudrais vous dire un mot des stratégies ministérielles de réforme qui sont présentées en ce moment même au Parlement dans le cadre du débat budgétaire. C'est, par excellence, la synthèse de tous les chantiers qui concourent à la réussite de la réforme de l'État, en faisant en sorte que les ministres prennent en compte, dans l'organisation de leur ministère, en s'engageant devant vous sur une stratégie pluriannuelle, les conséquences de la décentralisation, pour ce qui concerne l'administration territoriale et centrale, les conséquences de la préparation de la nouvelle loi organique sur les finances publiques et, bien entendu, la politique de simplification et de révolution qualité que je vous ai rappelée. C'est dire à quel point il était important à nos yeux que les ministres soient responsabilisés devant vous et que puisse avoir lieu, sur ces sujets majeurs, un dialogue fructueux entre eux et le Parlement, pour la première fois sous la Ve République. Cette innovation institutionnelle a été rendue possible grâce notamment au concours des commissions des finances, qui examinerons cinq ministères de façon approfondie, et grâce au président de l'Assemblée nationale, qui a bien voulu nous permettre d'établir une brève synthèse des stratégies ministérielles de réforme dans le cadre du débat de la deuxième partie de la loi de finances.
    L'objectif de ces stratégies ministérielles de réforme est simple : concilier la croissance zéro des dépenses publiques avec le maintien des missions de service public auxquelles les Français sont très attachés. Il vous appartient, à vous parlementaires, d'exercer votre contrôle en toute transparence, pour que vous participiez au réexamen des missions et des structures, aux objectifs de qualité de service, au renouveau de la gestion des ressources humaines, avec le développement de la gestion prévisionnelle des effectifs des emplois et des compétences, et à la définition des indicateurs de performance et des modes d'évaluation, en jouant votre rôle naturel de contrôle de la dépense publique et d'aiguillon de l'administration pour traduire les souhaits de vos électeurs. C'est, je crois, un heureux symbole de ce que doit être la réforme de l'État, c'est-à-dire quelque chose qui mobilise non seulement les bureaux, mais aussi l'ensemble des fonctionnaires, car sans cela aucune réussite n'est possible et, au-delà, l'ensemble de la représentation nationale.
    J'en viens à la présentation du budget des services du Premier ministre. Le budget des services généraux du Premier ministre concerne les agrégats administration générale et autorités administratives indépendantes, dont le Commissariat général du Plan, le Conseil économique et social, et le budget annexe des Journaux officiels.
    Le projet de budget des services généraux du Premier ministre est en augmentation de 0,85 % par rapport à l'année dernière, ce qui témoigne d'un effort significatif pour maîtriser les dépenses et les emplois. A structure constante, il prévoit la suppression de dix emplois budgétaires en moins. Après prise en compte des mesures de transfert, le solde effectif est de 34 emplois supprimés, ce qui est évidemment à souligner. Je ne reviendrai pas sur les crédits de la fonction publique.
    Quelles sont les priorités de ce budget ? Je soulignerai le renforcement des moyens, tant en personnel qu'en financement, de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, qui est le levier interministériel pour accélérer non seulement la numérisation des services publics, objectif que tous les parlementaires peuvent partager, mais aussi la consolidation et l'extension du projet de centre d'appel téléphonique qui vise, à partir d'un numéro unique, à orienter tous les usagers de l'administration, quelle que soit leur démarche. J'ai le plaisir de vous annoncer que Jean-Paul Delevoye et moi-même inaugurerons ce centre d'appel qui sera expérimenté dans la région Rhône-Alpes, sur 10 % du territoire national, à la mi-novembre.
Au cours de l'année 2004, nous l'étendrons à 40 % du territoire, la généralisation devant intervenir à la fin de l'année 2004 ou au début de l'année 2005. Je voudrais d'ailleurs souligner l'apport essentiel des centres interministériels de renseignements administratifs pour passer à ce centre d'orientation généraliste de premier niveau, les CIRA conservant une fonction d'expertise de deuxième niveau essentielle à la réussite de ce chantier.
    Au titre IV, les moyens consacrés à l'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites pendant l'Occupation sont renforcés. C'était un voeu unanime de la représentation nationale. L'augmentation de 10 millions d'euros des crédits ouverts permettra d'assurer le financement des indemnisations à verser. Dans la loi de finances 2003, le Parlement a demandé au Gouvernement de lui présenter un rapport relatif à l'extension des mesures de réparation prises pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites à l'ensemble des orphelins des victimes du nazisme. A la suite du rapport de M. Dechartre, le Premier ministre a décidé de procéder à cette extension qui fera, en 2004, l'objet d'un décret spécifique. Il faudra toutefois un travail préparatoire approfondi pour qu'aucune catégorie de victimes ne soit injustement exclue du nouveau dispositif.
    S'agissant des autorités administrations indépendantes, j'évoquerai rapidement l'augmentation des moyens allouées au Médiateur de la République pour assurer le financement du coût de fonctionnement des 130 délégués de quartier dans le cadre des crédits du ministère de la ville. C'est une mesure qui résulte de la loi de juillet 2003 sur les simplifications administratives et qui avait été votée à l'unanimité de votre assemblée.
    J'en viens maintenant au Commissariat général du Plan et je voudrais saluer la présence du nouveau commissaire choisi par le Premier ministre : Alain Etchegoyen.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je voudrais tout de suite rassurer M. le rapporteur Chassaigne, sur la volonté totale du Premier ministre de soutenir le Commissariat du Plan. En effet, le 16 avril dernier, dans une lettre de mission adressée à Alain Etchegoyen, le Premier ministre affirmait son souhait que le Commissariat du Plan soit au coeur de l'Etat stratège. Tout récemment, il est venu dans les locaux du Commissariat du Plan, à quelques pas d'ici, souligner avec éclat sa volonté de conforter cette institution en lui donnant les moyens d'anticiper les défis auxquels nous devons faire face dans le long terme. Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur Chassaigne, les pays voisins - vous avez pris l'exemple allemand - réinvestissent dans la prospective territoriale ou nationale, mais la prospective territoriale c'est la DATAR et la prospective nationale c'est le Commissariat du Plan. En effet, dans une économie libérale et mondialisée, il est plus que jamais nécessaire que l'Etat anticipe sur les défits du long terme.
    La deuxième mission que le Premier ministre a confiée au Commissariat du Plan, c'est d'arriver à faire que les scénarios du futur soient partagés par l'ensemble des acteurs, au premier rang desquels les partenaires sociaux, les syndicats et toutes les forces vives de la nation. C'est bien en ce sens que travaille le nouveau commissaire.
    Je n'énumererai pas toutes les mesures de réorganisation interne, qui répondent au souci légitime des parlementaires de la majorité concernant l'efficacité de ces services, mais je voudrais insister sur la volonté du commissaire de recentrer son activité sur la prospective, les fonctions d'évaluation devant, elles, être progressivement transférées. A cette fin, une trentaine de groupes de projets, travaillant sur des problématiques considérées comme centrales, ont été créés. Leurs caractéristiques sont d'être des groupes transversaux, c'est-à-dire associant des visions différentes pour les partager et arriver à des confrontations intéressantes, des groupes responsables avec un chef de projet disposant d'une réelle autonomie et, enfin, des groupes astreints à des résultats, puisque tous les trois mois leurs travaux feront l'objet d'une évaluation par un comité composé de neuf personnalités indépendantes et présidé par le commissaire du Plan lui-même ou son adjoint.
    Ce recentrage du Commissariat du Plan signifie bien entendu que l'on ajustera progressivement les effectifs aux besoins - moins d'effectifs permanents pour faire davantage appel au talent en fonction des projets et des compétences demandées. C'est pourquoi, pour l'année 2005 et les années ultérieures, on ne remplacera aucun des départs en retraite. Cela correspond aux orientations souhaitées par M. Georges Tron, et cela répond aux préoccupations exprimées par M. Pierre Bourguignon.
    Le Gouvernement propose d'ailleurs à la représentation nationale un rendez-vous commun, par exemple en début d'année prochaine, pour faire le point sur ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques. En effet, dès lors que le Commissariat du Plan n'assumera plus cette mission, la question se pose de la réorganisation, l'évaluation étant au coeur des orientations voulues par le Premier ministre et Jean-Paul Delevoye. Enfin, sachez qu'il sera progressivement mis un terme aux liens de rattachement un peu artificiels entre le Plan et les organismes qui en dépendaient - l'OFCE, le CREDOC, le CEPREMAP - et qui représentaient jusqu'à 22 % du budget du Commissariat du Plan.
    Quant au Conseil économique et social, le Premier ministre, vous le savez, y est très attaché. Il s'y est d'ailleurs rendu tout récemment à l'occasion du centenaire du Moniteur des travaux publics. Il a veillé à ce que ses crédits soient en progression de 1,38 % et donc correspondent aux besoins de cette instance de concertation essentielle, pour préparer avec sérénité les mutations nécessaires.
    S'agissant de la Direction des Journaux officiels, je veux signaler à la représentation nationale que les Journaux officiels sont en mutation rapide. Pour la première fois l'an passé - et cela n'a pas échappé à la vigilance du rapporteur spécial - les pages imprimées ont commencé à diminuer en raison du succès des sites Internet « Journal Officiel » et « Légifrance ». Ce dernier est probablement le meilleur site mondial pour ce qui concerne l'accessibilité en temps réel du droit, avec la gratuité, ce qui est à l'honneur de la démocratie.
    Les moyens des Journaux officiels étant constants, il faut saluer les gains de productivité constatés puisqu'on est passé de 402 000 pages publiées en 2000 à 470 000 en 2003, ce qui représente un effort de productivité de 18 % en trois ans. Pour maintenir un tel effort, il faudra que le budget annexe des Journaux officiels accélère en 2004 son programme d'investissement pour moderniser ses systèmes d'information et d'impression. C'est précisément en phase avec les orientations générales de la réforme des services publics. Cela supposera, si l'on veut étendre le passage du support papier à la diffusion électronique, que la numérisation progresse aussi pour les annonces des marchés publics transmises par les administrations de l'Etat et des collectivités locales. Les progrès en la matière sont encore insuffisants.
    Je me dois également d'insister, monsieur le président, sur la transmission numérisée des débats parlementaires qui implique que l'Assemblée nationale s'associe à cet effort. Ce serait emblématique de la volonté de modernisation. Mais l'Assemblée nationale et le Sénat sont évidemment souverains.
    Bien entendu, il faudra adapter, si nécessaire, les statuts des Journaux officiels pour leur permettre de continuer à moderniser leur mission.
    S'agissant du Secrétariat général de la défense nationale, il est difficile de résumer d'un mot une année particulièrement intense : suivi des grands rendez-vous internationaux - Europe de la défense et G8 - ; suivi du conflit en Irak ; très forte réactivité du comité interministériel du renseignement face à l'accroissement des risques de prolifération d'armes de destruction massive, salué par Bernard Carayon dans un rapport spécial tout à fait remarquable ; modernisation de la planification de la sécurité nationale avec Vigiepirate et les plans Pirate lancés dès juillet 2002 par le Gouvernement et approuvés par le Président de la République. Je rappelle que le SGDN est partie prenante du Conseil de sécurité intérieure, créé le 15 mai 2002.
    Enfin, nous abordons une nouvelle phase des efforts de l'Etat en matière de télécommunications sécurisées et de sécurité des systèmes d'information. C'est pourquoi le Premier ministre a tenu à stabiliser son budget, qui s'élève désormais à 50 millions d'euros. Sachez qu'au sein de ce budget, le budget d'investissement du centre de transmission gouvernementale augmente significativement afin de sécuriser les communications, ce qui est un enjeu essentiel pour la souveraineté nationale.
    Je ne reviendrai pas, après Jean-Paul Delevoye, sur le caractère exemplaire de la réforme des services du Premier ministre, qui passe par un réexamen critique de leurs missions et de leurs structures.
    Je conclurai en vous disant que le Premier ministre compte sur cette réforme liée à la mise en place de la nouvelle constitution financière pour donner plus d'ampleur à la politique ambitieuse qu'il souhaite pour ses propres services. Le budget est aujourd'hui présenté de telle sorte - il suffit d'entendre mon énumération, cet « inventaire à la Prévert » - qu'il est très difficile pour les parlementaires de contrôler suffisamment bien leur financement et leur périmètre. Cette dispersion ne contribue pas à responsabiliser les chefs de service. La future nomenclature budgétaire, qui va être arrêtée très prochainement, sera donc conçue de façon à avoir une vision simple et ramassée du budget dans une petit nombre de programmes correspondant à des politiques clairement individualisées pour favoriser l'exercice des responsabilités et la mutualisation des fonctions transversales.
    Les services du Premier ministre doivent s'engager dans un partenariat avec les ministères, afin de faciliter une mobilité à double sens, organisée dans la transparence, tant vis-à-vis des agents que des ministères eux-mêmes.
    Il s'agit de permettre aux services du Premier ministre de bénéficier des compétences les plus diverses, de renforcer l'attractivité des emplois en leur sein et de favoriser le retour des agents dans leur administration d'origine. C'est de cette politique de gestion des ressources humaines que dépendra à l'avenir la capacité des services du Premier ministre à s'adapter en permanence aux nouveau besoins liés à leur mission constitutionnelle : assister le chef du Gouvernement dans le cadre des missions très lourdes qui sont les siennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, qui souhaite préciser sa réponse à M. Derosier.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. J'ai oublié de répondre à une question que m'avait posée le rapporteur pour avis Bernard Derosier sur l'observatoire de l'emploi public. Je tiens à rappeler, mais il le sait mieux que quiconque, que c'est le précédent gouvernement qui a créé l'observatoire et qui a prévu qu'un seul représentant de l'Assemblée nationale pourrait y siéger. Il avait probablement estimé à l'époque que l'opposition n'avait pas d'intérêt...
    M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Cela venait du Sénat !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je suis, quant à moi, tout à fait favorable à une modification des décrets de façon à offrir deux postes à votre assemblée et à permettre ainsi à l'opposition d'être présente au sein de l'observatoire de l'emploi public.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    Fonction publique, réforme de l'Etat, services généraux du Premier ministre, SGDN (suite) :
    Fonction publique et réforme de l'Etat :
    M. Georges Tron, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 26 du rapport n° 1110) ;
    M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome I de l'avis n° 1115) ;
    Services généraux, Conseil économique et social, Plan et Journaux officiels :
    M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 37 du rapport n° 1110) ;
    Plan :
    M. André Chassaigne, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XVII de l'avis n° 1112) ;
    Secrétariat général de la défense nationale et renseignement :
    M. Bernard Carayon, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 36 du rapport n° 1110).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT