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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 25 OCTOBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du vendredi 24 octobre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

1.  Loi de finances pour 2004 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi. «...».

CULTURE

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances.
Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles.
M.  Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
MM.
Patrick Bloche,
Pierre-Christophe Baguet,
Frédéric Dutoit,
Michel Herbillon,
Michel Françaix,
Etienne Pinte.
M. le ministre.
Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Patrick Bloche, Gilbert Gantier, Frédéric Dutoit, Bruno Bourg-Broc, Mmes Martine Aurillac, Juliana Rimane, M. Patrice Martin-Lalande.

Culture et communication
ÉTAT B
Titre III. - Adoption «...»
Titre IV «...»

Amendement n° 70 rectifié de M. Bloche : MM. Patrick Bloche, le rapporteur spécial, le ministre. - Rejet.
Adoption du titre IV.

ÉTAT C
Titres V et VI. - Adoptions «...»

M. le ministre.
Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
mPRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004
deuxième partie

Suite de la discussion d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

CULTURE

    Mme la présidente. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, « il faut vouloir ce que l'on ne peut empêcher », cette maxime de Portalis semble être la devise du ministère de la culture, et peut-être même la vôtre, monsieur le ministre.
    Vous nous proposez, dès cette année, un projet de budget sincère et responsable. Tout en augmentant les moyens d'action de votre ministère, il répond à l'impératif de maîtrise des dépenses de l'Etat et amorce la mise en oeuvre de la réforme des finances publiques introduite par la récente loi organique relative aux lois de finances. D'un programme imposé, vous réussissez à faire une figure libre ! (Sourires.)
    La France d'aujourd'hui connaît une faible croissance, la hausse du chômage, des déficits publics et un taux de prélèvements obligatoires élevé. Cela témoigne indubitablement de l'essoufflement d'un modèle social et administratif fondé sur le centralisme, la conduite dirigiste des politiques économiques, de coûteuses redistributions, et le peu de confiance en l'initiative individuelle.
    Les réformes trop longtemps différées s'imposent, et le retour de la croissance en dépend. La maîtrise des dépenses publiques, la modernisation de l'administration et, plus largement, la réduction du train de vie de l'Etat, sont des défis auxquels nous devons nous atteler sans plus attendre pour faire de la France un modèle et lui offrir les chances qu'elle mérite à l'échelon européen, à l'échelon international. Notre excellence dépend de notre capacité à nous réformer, et l'augmentation de 5,4 % des crédits de la culture, si elle témoigne de la prioritée accordée par le Gouvernement à la politique culturelle n'est pas, cependant, de nature, monsieur le ministre, à vous griser.
    En effet, quand d'aucuns auraient proposé au Parlement de dispendieux chantiers, c'est avec un programme responsable que vous vous présentez devant nous aujourd'hui, en conciliant, pour ce qui concerne les crédits de fonctionnement, la maîtrise des dépenses de structure, dont la croissance sera limitée à 0,7 %, la préservation et, mieux encore, le développement des marges de manoeuvre des services à compétence nationale et des établissements publics, avec des progressions respectivement de 2,6 et 2,05 % et la prise en compte, par une augmentation de 18,44 millions d'euros, soit 2,14 %, de l'ensemble des secteurs culturels et de l'ensemble du territoire en matière d'interventions.
    Dans cette même logique, vous consoliderez en 2004 l'effort d'investissement en maintenant le cap orienté principalement vers les régions, conformément à vos engagements.
    Avant d'examiner plus en détail le projet de budget pour 2004, sans doute est-il utile de dresser un rapide bilan de votre action durant l'année écoulée. En effet, votre exercice budgétaire pour 2003 reste une épreuve de force.
    Vous nous aviez proposé, monsieur le ministre, l'an dernier à la même époque, une « opération vérité » destinée à rompre avec les effets d'affichage et à restaurer la sincérité du budget de la culture, notamment en demandant en loi de finances des crédits correspondant aux besoins effectifs du ministère. Ainsi que nous l'avions commenté à l'époque, le ministère de la culture souffrait, depuis longtemps, d'une sous-consommation chronique de ses crédits, anéantissant la plupart de ses marges de manoeuvre.
    En n'ouvrant que les crédits de paiement réellement nécessaires, et en invitant l'ensemble de vos directions et de vos agents à plus de rationalité et à plus d'efficacité, vous avez su accroître significativement la capacité de votre administration à utiliser au mieux les moyens budgétaires mis à sa disposition.
    Vous évitez ainsi une thésaurisation excessive qui conduisait à réclamer chaque année plus de moyens. Selon les projections les plus récentes, vous devrez atteindre en 2003 un taux de consommation de vos crédits de 91,8 %. Cet excellent résultat, qui repose sur une vigilance constante de vos services et sur une évaluation systématique des politiques et des structures, mérite d'être saluée et encouragée.
    Par ailleurs, aucune annulation de crédits n'a eu lieu en 2003, malgré un contexte budgétaire tendu, alors même que près de 200 millions d'euros ont été annulés sur les budgets de la culture entre 1997 et 2002, et il convient de remarquer que les gels de crédits opérés en cours d'année sont à ce jour totalement levés.
    Le ministère de la culture a, en contrepartie, assumé, sur son budget 2003, certaines dépenses exceptionnelles, telles la résorption du déficit de l'INRAP - Institut national de recherche en archéologie préventive - qui n'était pas au programme, environ 27,5 millions d'euros, ou le coût de l'annulation des festivals que nous avons beaucoup regrettés, en particulier ceux d'Avignon et d'Aix-en-Provence, à hauteur de 5 millions d'euros.
    M. Michel Françaix. La faute à qui !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Cette absence d'annulation de crédits doit être regardée comme le résultat d'une stratégie responsable qui a conduit le ministère des finances à ne pas opérer d'annulations préventives. La commission des finances ne peut que s'en réjouir.
    Sur le plan strictement comptable, le projet de budget de la culture - pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement - s'élève en 2004 à 2 634,4 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 136 millions d'euros, soit, comme je le disais à l'instant, une croissance de 5,4 % par rapport à l'an dernier. A cela il conviendrait d'ajouter les 476 millions d'euros du compte de soutien pour le cinéma et la production audiovisuelle et l'acquisition des trésors nationaux et des biens culturels d'intérêt majeur par des mécènes, grâce au dispositif prévu par la « loi musées », à hauteur de 6,8 millions d'euros.
    Les crédits d'intervention, présentés sous le titre IV, progressent de 18,4 millions d'euros, soit 2,1 %. Pour affiner cette présentation, il convient de remarquer que vous avez souhaité faire bénéficier de cette augmentation l'ensemble des secteurs d'intervention de votre ministère, en privilégiant particulièrement le spectacle vivant, le livre et les arts plastiques.
    Ainsi plus de la moitié des crédits d'intervention du ministère de la culture seront-ils consacrés au spectacle vivant et à la musique. Ce sont près de 32 millions d'euros de moyens nouveaux qui sont dégagés cette année. Cette hausse de 4,42 % permet un soutien accru à l'investissement et des aides supplémentaires aux établissements publics, puisque leurs subventions augmenteront, par rapport à l'an dernier, de 6,23 %. Quant à la lecture et au livre, ils bénéficieront cette année de 11 millions d'euros de moyens nouveaux, soit une hausse de 3,69 % par rapport à 2003.
    L'augmentation est aussi significative au titre des investissements puisque les autorisations de programme passent de 1,67 millions d'euros à 4,06 millions d'euros.
    Enfin, votre projet de budget répond, par un rééquilibrage des aides, à l'exigence de décentralisation culturelle que nous avions exprimée l'an dernier. Les investissements réalisés aux côtés des collectivités locales et en région, soit 59,7 %, dépasseront ceux des grands projets nationaux à Paris et en Ile-de-France, qui se situent à 40,3 %. On se souvient des chiffres de 1997 qui étaient totalement à l'opposé puisque Paris et l'Ile-de-France représentaient près de 75 % et la province simplement 25 %. Nous en sommes loin. Là encore, félicitations.
    Le patrimoine n'est pas oublié, puisque vous avez choisi d'affecter 20 millions d'euros en crédits d'investissement au profit de la rénovation des monuments en région. Partout en France, les monuments historiques, qu'ils appartiennent ou non à l'Etat, bénéficieront ainsi d'un important effort budgétaire.
    Les crédits affectés à la restauration des monuments historiques, hors grandes opérations parisiennes, passeront de 204 millions d'euros en 2003 à 224 millions d'euros en 2004, ce qui représente une augmentation de 10 %.
    Il convient encore d'évoquer le programme d'aménagement du Grand Versailles. Il mobilisera 135 millions d'euros sur sept ans et fera à nouveau rayonner, pour la joie du plus large public, cet extraordinaire monument, unique au monde.
    Comme tout examen, cette radiographie comptable n'a d'intérêt que pour éclairer le diagnostic de la politique culturelle que vous conduisez.
    L'augmentation du budget 2004 s'accompagne d'un effort significatif de maîtrise des dépenses, qu'il convient, là aussi, de saluer et d'encourager. Comme l'a souhaité le Premier ministre, 5 000 départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2004. Vous le savez, la réduction durable des dépenses publiques dépend pour partie de la diminution sensible des effectifs de la fonction publique. C'est, en effet, la principale marge de manoeuvre budgétaire dont dispose l'Etat pour réduire son train de vie.
    Le ministère de la culture, en 2004, donnera un exemple vertueux puisque 94 emplois budgétaires ne seront pas reconduits. Cet engagement représente près de 2 % de l'objectif des 5 000 départs non remplacés, alors - faut-il le rappeler ? - que le budget de la culture ne représente que 1 % environ du budget de l'Etat.
    M. Michel Françaix. Pas tout à fait !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Ne jouons pas sur les chiffres, mon cher collègue. Cet effort n'est pas négligeable, tant il est plus difficile pour un ministère comme le vôtre, monsieur le ministre, de se priver d'une centaine de personnes que pour votre collègue de Bercy de sacrifier 2 000 agents sur près de 180 000.
    Il convient enfin d'observer que vous avez veillé à ce que ni les emplois d'accueil ni les emplois de surveillance dans les établissements qui reçoivent des visiteurs, postes indispensables pour la qualité du service public, ne soient concernés. Par ailleurs, dans les situations de montée en charge, des créations de postes en nombre suffisant sont prévues. Vous demandez donc à vos personnels plus d'efficacité. La commission des finances ne peut que vous y encourager et espérer que ce mouvement sera vigoureusement amplifié dans les années à venir.
    L'augmentation du budget 2004 s'accompagne, par ailleurs, d'un effort de redéploiement des subventions. Le ministère de la culture s'est longtemps contenté de reconduire de façon presque systématique les subventions, sans leur fixer d'objectifs clairement affichés et sans toujours évaluer leur utilisation. Cet « abonnement budgétaire » s'est fait au détriment de la qualité et de l'innovation, ce qui n'était pas acceptable de la part d'un ministère au service de la création.
    Depuis mai 2002, vous vous employez à rompre avec cette logique. Chaque direction centrale ou régionale, chaque établissement public, devra redéployer, d'ici 2006, 10 % de ses crédits pour les consacrer à des actions nouvelles. Cet effort sans précédent a été engagé en 2003 et s'amplifie en 2004. Il faut poursuivre à bonne allure dans cette voie.
    Autre avancée notoire en 2004, le ministère de la culture sera l'un des plus performants dans la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui modifie en profondeur le contenu, la procédure d'adoption et les conditions d'exécution du budget.
    Parallèlement à la refonte de ses procédures budgétaires, et conformément à la circulaire du Premier ministre du 25 juin 2003, le ministère a établi les grands axes de sa stratégie de réforme. La loi organique a été votée pour rétablir le sens et la portée de l'autorisation parlementaire et offrir au Parlement de nouvelles prérogatives dans la définition et le contrôle des dépenses de l'Etat.
    Ainsi, en présentant les crédits en missions, programmes et actions, la loi organique définit un nouveau cadre budgétaire qui substitue à l'actuel regroupement par nature de dépenses un regroupement orienté vers les résultats des politiques publiques.
    Fidèle à l'enseignement de Jean Cocteau, lorsqu'il pensait que « puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs », vous avez bâti, monsieur le ministre, une nouvelle architecture budgétaire. Elle sera expérimentée dès 2004. La commission des finances s'en réjouit particulièrement.
    En effet, la nouvelle nomenclature regroupe les crédits en une mission unique, la culture, ventilée en trois programmes : d'abord, la préservation, la conservation et la promotion des patrimoines, à hauteur de 1 071 millions d'euros, soit 41,1 % du budget de la culture ; ensuite, le développement et la diffusion de la création, pour 847 millions d'euros, soit 32,6 % de vos crédits ; enfin, et ce n'est pas les moindres, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture qui représenteront 26,3 % de vos moyens, c'est-à-dire 685 millions d'euros.
    Ce schéma, s'il n'est pas encore définitivement validé, a le mérite de ne reproduire ni le découpage entre les agrégats actuels, ni l'organisation administrative du ministère. Il identifie clairement les politiques poursuivies par celui-ci.
    En effet, construits selon une logique sectorielle, les deux premiers programmes réaffirment les deux métiers fondamentaux du ministère, le patrimoine et la création, tandis que le troisième, organisé dans une optique fonctionnelle, répond à la nécessité de mieux coordonner les politiques transversales, telles, par exemple, que l'éducation artistique, la recherche ou l'insertion professionnelle.
    Par un effort de ventilation des crédits en fonction de l'objectif poursuivi, vous respectez le principe de budgétisation par destination.
    Vous avez heureusement renoncé à regrouper les moyens des DRAC dans une globalité qui aurait nui à la lisibilité de votre budget, et vous aboutissez ainsi à des programmes qui retracent, de manière claire et lisible, le coût complet des politiques culturelles que vous conduisez.
    Toutefois, cette nouvelle architecture soulève encore des interrogations tenant à l'organisation administrative du ministère : quels seront les responsables des programmes ? Comment ces programmes seront-ils déclinés sur le terrain ? Quel sera le contenu des budgets opérationnels et qui, sur le terrain, déclinera les programmes ?
    En outre, la définition du périmètre des plafonds d'autorisation d'emplois reste en suspend. Elle soulève, en effet, pour le budget de la culture, des difficultés particulières liées au poids des emplois financés par les établissements publics.
    Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, je vous demande de bien vouloir vous diriger vers votre conclusion.
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Je termine, madame la présidente.
    Le mouvement de débudgétisation engagé depuis plusieurs années, notamment par la contractualisation, permet la prise en charge directe par les établissements publics de près du tiers des emplois permanents, qu'ils soient titulaires ou contractuels.
    Le processus de contractualisation doit être ainsi encouragé car il offre enfin aux directeurs de ces établissements la faculté de mener une gestion efficace et moderne de leurs personnels et de leurs recrutements.
    Toutefois, la maîtrise des emplois de la culture, dont je souligne une nouvelle fois la nécessité, passe, en grande partie, par le suivi des établissements publics.
    Nous serons donc des plus attentifs à ce que, par une interprétation restrictive de l'article 7 de la loi organique, vous n'excluiez pas les personnels des établissements publics des plafonds d'autorisation d'emplois, ce qui aurait pour conséquence de les soumettre aux débudgétisations et les ferait échapper au contrôle parlementaire.
    La définition du périmètre des plafonds d'autorisations d'emplois sera pour le Parlement l'occasion de mesurer la capacité du ministère de la culture à maîtriser l'emploi public dans le secteur culturel. Notre vigilance sera nécessairement à la mesure de nos encouragements.
    Enfin, pour être optimiste et saluer votre volonté réformatrice, monsieur le ministre, je souhaiterais encore dire ma satisfaction et celle de la commission des finances quant à votre souhait de développer des objectifs d'évaluation et de performance de votre ministère.
    Vous avez souhaité placer la réforme de l'administration de la culture sous le signe de la modernisation de vos services centraux et de votre administration déconcentrée, sous le signe de la réforme des musées nationaux, mais aussi dans la perspective de la révision du périmètre d'intervention du ministère par des transferts de compétences et des externalisations.
    Plusieurs expérimentations seront ainsi conduites en 2004.
    Conformément à la loi organique, vous faites le choix de la qualité du service rendu à l'usager, de l'efficacité de la gestion des ressources, de la performance de vos services et, permettez que j'emploie cette expression, d'un pilotage affiné de vos directions. La maîtrise de votre taux de consommation de crédits, tout au long de l'année 2003, en est une première illustration. L'absence de culture de résultat au sein de l'administration fait de ce chantier le plus ambitieux de la réforme organique.
    Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je vous demande de conclure.
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Là encore, vous pouvez compter tout autant sur les encouragements que sur la vigilance de votre rapporteur !
    Il me reste à réitérer, monsieur le ministre, deux souhaits.
    Il faut, d'abord, que le mouvement, engagé en 2003, en faveur de partenariats entre la sphère publique et la sphère privée en matière culturelle, s'amplifie. L'effort d'encouragement du mécénat doit être poursuivi, notamment par l'entremise des fondations qui ont une mission essentielle : aider ceux qui aident.
    Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez largement dépassé votre temps de parole !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Je termine, madame la présidente.
    Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, vous avez commencé à les réhabiliter.
    Pour offrir à notre pays toutes les chances qu'il mérite, nous pourrions sans doute envisager dans l'avenir d'aller plus loin encore en les libérant de la tutelle du pouvoir,...
    M. Michel Françaix. On n'a même plus besoin de l'Etat !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. ... en s'interrogeant sur la légitimité actuelle de la présence des représentants de l'Etat au sein des conseils d'administration. Je suis sûr que mon collègue est d'accord avec moi !
    M. Michel Françaix. Ce serait bien la première fois !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Il importe également de réformer le système d'autorisation préalable du ministre de l'intérieur. C'est une spécificité française dont nous pourrions utilement nous départir. Il devra être possible, dans l'avenir, de créer une fondation aussi facilement que l'on crée une association, si l'on veut canaliser la générosité des Français, notamment en matière culturelle dans un corps social en cours d'évolution.
    Mon deuxième voeu, monsieur le ministre, c'est que vous puissiez être entendu, notamment par la Commission européenne, pour le passage au taux réduit de la TVA sur le disque que vous défendez courageusement et indéfectiblement depuis votre arrivée rue de Valois.
    En conclusion, votre projet de budget pour 2004, monsieur le ministre, donne au ministère de la culture les moyens de ses ambitions et répond aux engagements que le Gouvernement a pris pour soutenir la création, défendre le patrimoine et favoriser l'accès du plus grand nombre à la culture.
    Je vous invite donc, mes chers collègues, à l'instar de la commission des finances, à adopter les crédits de la culture pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, le soutien de l'Etat à la culture est une tradition ancienne qui s'est maintenue et enrichie au fil des années et des régimes. Elle assigne à l'Etat la double vocation de garantir la qualité d'une offre culturelle diversifiée et de permettre un égal accès de tous à cette offre.
    Le budget de la culture pour 2004 s'inscrit dans cette tradition. Je voudrais en souligner les principales caractéristiques.
    Tout d'abord, le budget de la culture pour 2004 tient largement les engagements pris l'an passé compte tenu de ses faibles marges de manoeuvre.
    Contredisant ceux qui annonçaient un désengagement de l'Etat, le budget progresse de 5,8 % à structure constante par rapport à 2003. Il consacre donc la culture comme l'une des priorités budgétaires du Gouvernement, et cela malgré un contexte de forte contrainte.
    Dès votre arrivée rue de Valois, vous avez manifesté, monsieur le ministre, votre volonté d'assouplir la grande rigidité structurelle des dépenses du ministère.
    Un indéniable effort a été fait pour maîtriser les effectifs : les dépenses en personnel ne représentent que 20 % du budget en 2004 contre 21,6 % en 2003.
    En revanche, votre ministère paie aujourd'hui des années de création de nouveaux établissements publics, essentiellement à Paris, véritables tonneaux des Danaïdes qu'il faut bien combler chaque année.
    M. Patrick Bloche. Le Centre Pompidou !
    M. Pierre-Christophe Baguet. C'est un coup bas !
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Les subventions de fonctionnement accordées aux établissements publics représentent 26,2 % du budget. Seul un effort continu de rationalisation des emplois et une maîtrise des coûts de fonctionnement permettront de desserrer l'étau budgétaire.
    Enfin, le budget pour 2004 poursuit l'opération de vérité engagée l'an dernier pour les dépenses d'investissement. Après une année 2003 marquée par la résorption des crédits de paiement reportés, le budget pour 2004, conformément aux engagements pris, ouvre le volume de crédits nécessaires pour couvrir les besoins réels d'investissement du ministère. Globalement, les crédits de paiement disponibles seront en hausse de plus de 31,7 %.
    L'on pourrait ensuite résumer la nouvelle politique budgétaire mise en place par le ministère par trois formules : mieux dépenser, mieux décider et responsabiliser.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Mieux dépenser, en s'assurant que les crédits votés par le Parlement sont effectivement dépensés et pas seulement destinés à gonfler le budget présenté. En 2003, la consommation des crédits, notamment d'investissement, a été améliorée de manière significative puisque les services du ministère prévoient une dépense de 2 560 millions d'euros au lieu de 2 400 en 2002.
    Mieux décider, en renforçant la déconcentration des crédits afin de permettre une attribution des subventions au plus près du terrain et des acteurs qui en bénéficient. Dans le budget pour 2004, 65 % des crédits sont déconcentrés.
    Enfin, responsabiliser, en poursuivant l'effort de maîtrise des dépenses et en donnant plus d'autonomie à certains services qui deviendront soit des services à compétence nationale, comme la Manufacture nationale de Sèvres, soit des établissements publics, comme les musées d'Orsay et Guimet.
    La hausse des crédits pour 2004 s'inscrit donc dans une logique de sincérité et d'efficacité qui permet de retrouver, pour l'action, des marges de manoeuvre que le poids de la gestion précédente avait singulièrement réduites. Elle traduit, par ailleurs, des priorités mais aussi un certain nombre de déséquilibres. La priorité accordée aux établissements publics correspond à la volonté de les responsabiliser en les dotant des moyens nécessaires à l'exécution de leurs missions. Quant à la priorité accordée aux dépenses d'investissement, elle intervient après la forte réduction opérée en 2003. Les autorisations de programme sont orientées, nous l'avons remarqué, en priorité vers des partenariats publics ou privés, ce qui va dans la bonne direction. Désormais, l'Etat doit plus aider à faire que faire tout seul.
    En revanche, la priorité accordée au budget du spectacle vivant et de la musique, dont les crédits d'intervention représentent déjà plus de la moitié des crédits d'intervention de l'ensemble du ministère, ne fait que renforcer le déséquilibre existant avec les grands oubliés que sont l'action internationale, l'éducation artistique et les arts plastiques. Le budget des spectacles vivants augmente de 32 millions d'euros et progresse de 8 % sur deux ans.
    Il faut, il est vrai, faire des choix pour dégager des moyens nouveaux pour des talents et des pratiques émergents. Mais faut-il toujours donner la priorité aux mêmes secteurs, même si je me réjouis qu'en 2004 les crédits favorisent la jeune création du spectacle vivant ?
    Enfin, si on analyse le budget par destination géographique, il faut reconnaître que le rééquilibrage des crédits entre la capitale et les régions constitue une priorité marquée que traduisent l'effort de déconcentration des crédits du ministère évoqué précédemment et ses choix d'investissement. On a noté qu'en 2004, les chantiers d'équipements culturels en région cofinancés avec les collectivités territoriales l'emportent nettement sur les projets parisiens avec 59,7 % pour les régions, contre 40 % pour la région parisienne. Mais, bien évidemment, le déséquilibre demeure, ce qui s'explique aussi par le fait que Paris a un rayonnement international en tant que capitale culturelle.
    J'ai souhaité consacrer la seconde partie de mon rapport au soutien public à la création contemporaire. Pourquoi choisir l'art contemporain ? Par passion, je l'avoue. Par solidarité aussi envers ces créateurs d'art contemporain, éternels parents pauvres du budget de la culture et qui ne disposent d'aucun syndicat, ni de groupes de pression suffisamment importants pour se faire entendre. Par conviction citoyenne ensuite, car l'art contemporain donne à voir et à entendre une libre interprétation de la réalité. Il remet en question certaines évidences de notre société tout en créant des imaginaires et des transcendances mystérieuses. C'est toute la vitalité de notre société qui se mesure aux innovations de la création.
    Au sein du ministère de la culture, la délégation aux arts plastiques soutient la création dans toutes ses formes et toutes ses pratiques. Elle définit la politique d'acquisition pour constituer le patrimoine public et veille à sa diffusion auprès des publics. Pour mener à bien ses missions, elle assure la tutelle du Centre national d'art plastique qui lui-même gère deux services, le Fonds national d'art contemporain et le Fonds d'incitation à la création.
    En région, la délégation aux arts plastiques veille à ce que les sept écoles nationales d'art et les trente-sept centres d'art assument bien leur mission de service public. Elle entretient, également, un partenariat privilégié avec les fonds régionaux d'art contemporain en région.
    Toutes ces institutions, fort nombreuses - peut-être trop -, soutiennent la création contemporaine au moyen d'actions complémentaires que je ne détaillerai pas, mais leur synergie est intéressante à signaler.
    Acquérir des oeuvres contemporaines, c'est enrichir le patrimoine public de demain, mais c'est aussi défendre le marché de l'art, qui entretient l'activité des galeries, lesquelles soutiennent les jeunes artistes, le tout étant médiatisé et diffusé dans le but de profiter au plus grand nombre.
    Ces soutiens publics sont bien adaptés à la situation des différents acteurs culturels, mais les dotations pour 2004 marquent le pas, et représentent moins de 5 % du budget total du ministère. L'on peut espérer, monsieur le ministre, que la loi Aillagon du 2 août 2003 sur le mécénat donne une impulsion nouvelle au financement de l'art contemporain, qui en a bien besoin.
    Les lieux d'exposition, qu'ils soient publics ou privés, concourent à la diffusion des oeuvres. Mais le vecteur de diffusion le plus démocratique, puisqu'il s'installe dans tous les foyers, est la télévision publique. Malheureusement, tant que nos chaînes publiques seront dépendantes de la publicité, elles ne pourront pas assumer pleinement leur mission de démocratisation culturelle.
    « A chaque époque son art, à l'art sa liberté. » Telle pourrait être la devise du palais de Tokyo, des FRAC et de la villa Arson, qui sont les lieux que j'ai choisis pour illustrer mon propos.
    A Paris, le site de création contemporaine du palais de Tokyo, ouvert en janvier 2002, se veut un lien de vie et de liberté en mouvement, à l'image des démarches artistiques les plus singulières qu'il expose dans des espaces ouverts de midi à minuit, qui fonctionnent comme une place méditerranéenne, fluctuant au rythme des visiteurs, ludique par le jeu des artistes. Le palais de Tokyo est une association loi 1901, installée dans des bâtiments publics et financée à 48 % par l'Etat.
    Le palais de Tokyo séduit, mais, c'est vrai, heurte aussi. Les directeurs assument les contestations, car selon eux, on ne peut traduire le bouillonnement créatif de notre époque sans prendre de risques. N'est-ce pas, d'ailleurs, le propre de toute nouveauté que d'être contestée ?
    Le ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, soucieux de marquer l'importance qu'il accorde à l'art contemporain, souhaite élargir ses missions grâce à une occupation progressive des lieux pour présenter à un public plus large les oeuvres majeures du FNAC ou du Centre Georges-Pompidou, entre autres.
    En régions, les FRAC, créés en 1982, sont l'un des outils les plus emblématiques de la politique française de décentralisation culturelle. Subventionnés par des fonds publics Etat-région, les FRAC ont pour vocation d'enrichir le patrimoine régional et de faire circuler leurs collections dans différents lieux publics à la rencontre de la population. Les directeurs jouissent d'une grande liberté d'initiative et proposent dans chaque région des thématiques spécifiques, comme les « instants paysagers » du FRAC-Alsace, insufflant ce supplément d'âme indispensable à la vie de l'art contemporain.
    Plus de cinq cent mille visiteurs annuels consacrent le succès de l'ensemble des FRAC, et les deux cent quatre-vingt-sept manifestations annuelles dans et hors les murs rendent compte de leur dynamisme. L'Etat a tenu à leur rendre hommage en fêtant leur vingtième anniversaire pour révéler la qualité du patrimoine acquis avec des budgets très modestes, un total de 4 655 000 euros en 2003.
    Conscient également du développement de leur mission, le ministre de la culture a, en outre, engagé un vaste programme de construction en prévoyant 1 073 000 euros d'autorisations de programme pour le financement des FRAC dites de deuxième génération, de manière à mieux conserver les oeuvres et à faire un meilleur travail pédagogique.
    Créée en 1970, la villa Arson, à Nice, est une institution nationale d'art contemporain à vocation internationale, unique en son genre. Elle réunit, en effet, dans un même site, une école nationale supérieure d'art, un centre national d'art contemporain et une résidence d'artistes, créant une synergie exceptionnelle pour tous les acteurs culturels.
    Son école nationale d'art forme environ deux cents étudiants, admis sur concours, dont les études tournées vers la recherche plastique et l'expérimentation des dernières technologies numériques se conjuguent avec la pratique régulière d'expositions et de production d'oeuvres qu'ils réalisent soit avec leur professeurs, soit avec des artistes en résidence et qu'ils exposent périodiquement. Ce lieu favorise la contemplation et les échanges d'idées de tous ces acteurs culturels qui vivent ensemble.
    Son financement est assuré à 80 % par l'Etat, les 20 % restants étant répartis entre les collectivités locales.
    Malheureusement, monsieur le ministre, faute de travaux de sécurité, un théâtre de trois cents places ne peut plus être utilisé depuis de longues années, ce qui prive, pour l'instant, la villa Arson de la possibilité de développer d'autres activités créatrices.
    Enfin, comment ne pas parler du terroir associatif si riche en initiatives créatrices ? Telle cette petite équipe du château de Villeneuve, dans les Alpes-Maritimes, qui, avec des ateliers pédagogiques, associe élèves et professeurs au travail des artistes en résidence pour explorer la cité historique de Vence. A Marseille, le bureau des compétences et des désirs - cela ne s'invente pas ! - est une structure de production artistique dont l'ensemble des activités vise à créer et à révéler des liens entre l'art contemporain et la société. Il joue un rôle de médiateur-producteur en région PACA auprès d'artistes et de commanditaires.
    Malgré les efforts déployés par tous les acteurs culturels pour ouvrir l'accès d'un art contemporain exigent à de nouveaux publics, malgré la qualité des formations et des enseignements spécialisés prodigués, la majorité de nos concitoyens ne s'y intéressent pas.
    L'art contemporain - c'est vous qui l'avez dit, monsieur le ministre, dans une émission de France 5 - s'inscrit dans une chronologie qu'il faut connaître pour comprendre et apprécier. On devrait apprendre à voir comme on apprend à lire. Picasso disait : « L'art, c'est comme le chinois, cela s'apprend. » Tant que l'art ne sera pas inscrit dans les programmes généraux de l'éducation nationale, matière obligatoire comme les lettres, de la maternelle au lycée, tant que le cursus universitaire ne sera pas sanctionné par une agrégation de l'art et de son histoire pour dispenser cet enseignement, toute augmentation du financement public ne servira qu'à financer l'activité artistique et non à démocratiser la culture en élargissant son public.
    Je reviens, en conclusion, au budget pour 2004.
    Je tiens à répéter que les engagements pris l'an passé en matière tant de sincérité des comptes que d'octroi au ministère des moyens réellement nécessaires à son ambition ont été tenus. Les priorités retenues - spectacle vivant et musique, livre et lecture, monuments historiques, investissements dans les régions - peuvent, bien entendu, faire l'objet de débats, mais il est indéniable que ce projet de budget traduit la volonté du ministre de la culture et de la communication de faire le choix de la responsabilité.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les députés, je tiens à donner une information intéressante à ceux d'entre vous qui ont participé au débat d'hier sur le budget de la communication : la nuit dernière, à trois heures du matin, je dormais !
    M. Pierre-Christophe Baguet et M. Michel Herbillon. Il faut transmettre l'information à M. Migaud ! (Sourires.)
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je l'ai déjà transmise à M. Françaix, que j'ai croisé dans une salle voisine.
    Le projet de budget pour 2004, que j'ai l'honneur de vous présenter, traduit, comme vous le savez, la priorité que le Gouvernement accorde à l'action culturelle. Il permet de respecter les engagements pris par le ministère de la culture et de mettre en oeuvre la totalité des priorités que je lui ai assignées pour 2004.
    Ce projet de budget s'accompagne par ailleurs, comme l'ont souligné les rapporteurs, d'un effort de réforme du ministère dans son ensemble, une réforme de ses structures comme de ses pratiques en matière de gestion de crédits, et ce dans le sens d'une plus grande responsabilité et d'une plus grande efficacité.
    Je commencerai mon propos en évoquant cet effort de réforme.
    J'ai l'ambition de moderniser mon ministère et d'en faire un outil plus efficace au service de l'action culturelle de l'Etat. Il ne s'agit pas de considérer que la réforme est une fin en soi, il faut réformer pour que l'action de l'Etat puisse être réellement efficace et que ce ministère puisse être, comme vous l'avez très joliment dit à propos d'une association marseillaise, madame la rapporteure pour avis, un bureau des compétences et des désirs.
    Il est, en effet, de notre responsabilité, compte tenu plus particulièrement des contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur notre pays, d'éliminer de la façon la plus systématique les dépenses inutiles, redondantes, les dépenses qui ne paraissent que traduire une sorte de fatalité à l'égard de l'habitude. C'est, pour le ministre de la culture et de la communication, comme pour l'ensemble des membres du Gouvernement, un devoir de s'engager dans ce travail de réforme, un devoir à l'égard de la confiance que la nation nous a témoignée.
    Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a entrepris à cet égard un vaste exercice de réforme de la structure et de la gestion de l'Etat. C'est une réforme à laquelle j'attache une grande importance. C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture s'y est engagé de façon délibérée. Vous avez pu mesurer l'ampleur de cet exercice à la lecture de la note de stratégie ministérielle qui vous a été transmise par le Premier ministre.
    C'est à ce titre que le ministère de la culture prend part, M. le rapporteur spécial l'a rappelé et je l'en remercie, à l'effort général de maîtrise de l'emploi public. Il propose, dans le cadre du budget pour 2004, le non-remplacement de 100 départs à la retraite, soit un départ à la retraite sur deux, ce qui représente, je le signale, 2 % de l'effort global du Gouvernement,...
    M. Michel Françaix. Enfin, plus de 1 % !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... alors que l'effectif du ministère de la culture ne représente qu'environ 0,8 % du total des effectifs de la fonction publique, ministères civils et établissements publics.
    J'ai cependant veillé, cela va de soi, à ce que les emplois postés des établissements recevant du public ne soient pas concernés mécaniquement, de façon que rien ne vienne troubler leur bon fonctionnement. Il faut, en effet, savoir concilier la fermeté des objectifs avec l'intelligence et le pragmatisme de leur mise en oeuvre.
    Je me suis également engagé, j'insiste sur ce point, à améliorer la gestion de nos établissements publics.
    L'année 2004 marquera ainsi - je pourrais dire enfin - la mise en oeuvre effective de la réforme des musées nationaux. La situation financière de la Réunion des musées nationaux aurait dû, je regrette de devoir le dire, alerter mes prédécesseurs depuis longtemps. C'est désormais chose faite. L'année 2004 marquera bien la conclusion de la réforme de cet établissement public. Le fatal décroisement des financements entre la Réunion des musées nationaux et les musées nationaux sera effectif dès le 1er janvier 2004, soutenu par le renforcement de la responsabilité du musée du Louvre et de l'établissement public de Versailles ainsi que par la création de nouveaux établissements publics, notamment pour Orsay et Guimet. Ainsi, chacun d'entre eux sera en position d'assumer ses responsabilités de façon adulte et de manière adaptée aux attentes et aux besoins de notre temps.
    Je poursuivrai, en outre, la politique de contractualisation avec nos établissements, engagée en 2003, avec la signature du contrat d'objectifs et de moyens du Louvre. En 2004, un contrat du même type sera signé avec la Bibliothèque nationale de France, sur la base de l'audit conduit par un cabinet indépendant et des travaux de l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles et de ceux de la direction de l'administration générale du ministère.
    Nous devons, par ailleurs, nous attacher à réformer le ministère lui-même, afin de lui permettre de retrouver une plus grande mobilité, une plus grande disponibilité, de dégager des marges de manoeuvre et de conquérir une capacité d'initiative plus dynamique.
    C'est un ministère un peu fatigué - je le connaissais bien - que j'ai trouvé à mon arrivée, rue de Valois, au mois de mai 2002, un ministère qui, depuis de longues années, empilait les actions, les initiatives et les engagements sans toujours en évaluer l'impact, sans les remettre en cause et sans se donner les moyens de renouveler son action. La nécessité d'une « révocation en doute » comme aurait écrit Descartes est à chaque moment nécessaire quand on a la responsabilité de conduire l'action publique. On ne doit pas céder à la facilité de l'habitude, mais se demander à chaque instant, à travers chaque engagement et chaque crédit mobilisé, si l'on est bien fidèle aux devoirs de l'Etat et aux priorités que le Gouvernement se donne dans chacun des domaines de son action. Le résultat du consentement à l'égard de l'habitude conduit inévitablement à la sclérose, une sclérose que nous souhaitons éviter. Mme la rapporteure pour avis l'a très justement rappelé, il s'agit d'éviter, qu'à force de céder à la seule habitude, on ne finisse par être infidèle aux missions essentielles de l'Etat.
    C'est la raison pour laquelle j'ai engagé, dès 2003, un exercice de redéploiement des crédits, les directions étant toutes invitées à vérifier de façon scrupuleuse l'opportunité de chacune des dépenses qu'elles gèrent. J'en renouvelle l'engagement devant vous : d'ici à 2006, 10 % de la masse totale des crédits du ministère de la culture, c'est-à-dire de son administration centrale, de ses services déconcentrés et de ses établissements publics, auront été réorientés vers des actions nouvelles et prioritaires. Ainsi, à la fois par la remobilisation de crédits redéployés et par des moyens nouveaux que la représentation nationale consent à l'action culturelle de l'Etat, nous aurons pu réellement gagner des marges de manoeuvre.
    L'exercice pour 2004 est en parfaite cohérence avec l'esprit de la loi organique sur les lois de finances. Le ministère de la culture s'est engagé avec un zèle tout particulier à sa mise en oeuvre - M. Olivier Dassault l'a souligné. Un grand quotidien du soir, pour employer une formule stéréotypée, a récemment signalé que le ministère de la culture était l'un des rares - j'en suis pour ma part heureux - à avoir saisi l'occasion de la LOLF pour mener une réflexion approfondie sur ses missions et sur son organisation.
    L'Etat doit cependant, philosophiquement et politiquement, se répartir de la vaine sensation qu'il a parfois eue d'être dans notre pays l'alpha et l'oméga de toute initiative culturelle, au point où l'on a fini parfois - vous le savez - par confondre la culture et l'action de l'Etat. L'Etat a pour mission de servir la culture, comme les collectivités locales la servent, comme des fondations ou des associations le font aussi. Mais il n'est pas là pour exprimer lui-même ce qu'est la culture. L'Etat doit apprendre à mieux mesurer sa responsabilité en matière de dynamisation et de coordination de l'ensemble des actions qui s'engagent dans ce domaine à l'initiative tant des collectivités locales que du corps social lui-même.
    Le ministère de la culture doit, pour cette raison, s'attacher à mieux développer une articulation cohérente entre ses missions et celles des collectivités locales. Ce n'est pas à vous, mesdames et messieurs les députés, que j'apprendrai le rôle essentiel que jouent désormais ces dernières dans la vie culturelle de notre pays.
    Je vous l'ai dit, je vous le rappelle, et vous le savez, cette préoccupation, notamment celle de la décentralisation, ne signifie pas pour autant que le parti aurait été pris d'un désengagement de l'Etat. Il faut surmonter cette vaine rhétorique qui opposerait, d'un côté, la confiance accrue manifestée à l'égard de la capacité et du rôle des collectivités locales et, d'un autre côté, comme seule issue contraire, le désengagement de l'Etat. Nous souhaitons que l'Etat marque bien la force de sa mission et que, simultanément, il reconnaisse que les collectivités locales sont incontestablement devenues des acteurs majeurs de la vie culturelle de notre pays.
    C'est la même préoccupation qui anime le Gouvernement dans les choix qu'il a faits et que le Parlement a consacrés par la loi du 1er août 2003 sur le mécénat, dont Mme la rapporteure pour avis et M. le rapporteur spécial ont tous deux souligné à juste titre l'importance pour le développement culturel dans notre pays. Ce qui a été fait pour les trésors nationaux est, vous le savez, tout à fait remarquable, la loi du 1er août 2003 amplifiant les dispositions de la loi « musées ». Les acquisitions qui ont déjà été faites grâce à l'extension des dispositions de la loi « musées » ont permis un formidable enrichissement des collections publiques, qui traduit un accroissement spectaculaire de la capacité réelle d'acquisition de nos musées, bien au-delà de leurs capacités budgétaires. L'acquisition d'une oeuvre importante de Julio González pour le Centre Pompidou a permis quasiment de doubler la capacité budgétaire d'acquisition de cet établissement et offre au public l'accès à un grand chef-d'oeuvre dans des conditions très avantageuses pour les finances publiques.
    C'est dans ce cadre de réforme que s'inscrit le projet de budget pour 2004. Il permet, je vous l'ai dit, au Gouvernement de tenir ses engagements.
    La baisse « optique » du budget de 2003 traduisait, vous vous en souvenez, le choix du ministère de la culture d'être transparent sur la réalité de ses besoins et de ses moyens. Je tenais, en effet, à rompre avec la pratique du « bourrage » des crédits non consommés, pratique qui a pendant longtemps fait croire à une hausse des ressources, alors même que les marges de manoeuvre culturelles se tassaient. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé, en 2003, un abattement de 200 millions d'euros de crédits de paiement.
    Certains esprits pessimistes n'avaient alors pas voulu entendre mes arguments. Ils nous avaient annoncé une impasse pour le budget de 2004. La qualité de l'exécution du budget de 2003 comme le projet de budget pour 2004 leur donnent très heureusement tort, comme l'a justement souligné M. le rapporteur spécial.
    En 2003, le ministère de la culture aura consommé au moins - puisque nous ne sommes pas encore au terme de l'exercice budgétaire - 160 millions d'euros de plus qu'en 2002 et 240 millions d'euros de plus qu'en 2001. Des baisses budgétaires de ce genre, j'aimerais bien en avoir tous les ans, et j'en souhaite au ministère de la culture à perpétuité. (Sourires.) Ce ministère n'a d'ailleurs subi, cela a été souligné, aucune annulation de crédits, alors que 173 millions de crédits avaient été annulés entre 1997 et 2001. Nous avons rompu avec cette mauvaise pratique budgétaire. Le budget du ministère de la culture exécuté en 2003 est fidèle au budget présenté et voté à la fin de 2002.
    M. Michel Herbillon. Tout à fait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Le projet de budget pour 2004 prévoit, en outre, de reconstituer, comme je m'y étais engagé, les crédits de paiement, qui croissent, vous le noterez, de plus de 100 millions d'euros. Le ministère de la culture disposera ainsi, sous réserve de votre vote, mesdames, messieurs les députés, des moyens nécessaires pour poursuivre toutes les actions qu'il a mises en oeuvre. Il y a un an, les plus compréhensifs me disaient : « Certes, nous comprenons votre raisonnement, vous vous en sortirez peut-être en 2003, mais prenez garde, c'est en 2004 que vous subirez les effets d'un ressaut insurmontable, parce que vos crédits de paiement, les crédits du titre V, ne seront pas reconstitués. »
    M. Michel Herbillon. Ce sont les députés socialistes qui disaient cela !
    M. Patrick Bloche. Sectaire !
    M. Michel Herbillon. Non, lucide !
    M. Michel Françaix. Lucide et sectaire, ce n'est pas incompatible !
    Mme la présidente. Messieurs, s'il vous plaît !
    Poursuivez, monsieur le ministre.

    M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons engagé la reconstitution du titre V. En effet, à ces crédits de loi de finances s'ajouteront 100 millions d'euros de reports, dernier héritage de la gestion précédente peu rigoureuse que j'évoquais en commençant mon propos. Au-delà de ces engagements, le projet de budget pour 2004 permettra de répondre aux priorités que j'ai fixées au ministère.
    A tous ceux qui, au cours de ces derniers mois, ont accusé le Gouvernement de procéder à une sorte de désengagement de l'Etat - j'ai même entendu parler de « braderie » - , je réponds aujourd'hui que ce projet de budget est bien une preuve supplémentaire de la volonté du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de réaffirmer les missions de l'Etat dans le domaine de la culture. Pour manifester son engagement envers la culture, le Gouvernement ne se contente pas de mots, il engage aussi, vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, les moyens nécessaires pour répondre à de véritables priorités.

    Permettez-moi, mesdames, messieurs les députés, d'évoquer quelques-unes de ces priorités. Elles s'organisent autour de trois grandes perspectives qui, à vrai dire, constituent les trois grands piliers du ministère de la culture : le soutien à la création, la démocratisation de l'accès à la culture et la protection du patrimoine.
    Le soutien à la création, tout d'abord.
    Ce soutien s'exprime en premier lieu par la confirmation de l'aide au développement du spectacle vivant. Avec un budget, en 2004, de 741 millions d'euros hors dépenses de personnel, le spectacle vivant, au sens large du terme - théâtre, danse, musique -, est bien le secteur le plus soutenu du ministère de la culture. Il a bénéficié d'une hausse de ses moyens en 2003, et il connaîtra une nouvelle hausse de 4,4 % en 2004, hausse la plus importante du ministère. Cette hausse permettra notamment de respecter les engagements pris à l'égard de la jeune création, mais sans doute voudrait-il mieux parler de « nouvelle » création, étant entendu que la « jeune » création n'est pas toujours la plus jeune au sens de l'état civil car il arrive que de vieux créateurs expriment une formidable jeunesse à l'égard du renouvellement de l'expression artistique. Cela est conforme au souhait exprimé par le Président de la République lors de son interview du 14 juillet dernier.
    Vous avez raison, madame la rapporteure pour avis : le soutien à la création doit aussi se traduire par une attention plus forte à l'égard de l'art contemporain, des arts plastiques, secteur trop souvent négligé, ce que l'on doit regretter.
    Les investissements augmenteront de près de 30 % par rapport à 2003. Ils iront pour une très large part à la rénovation des installations des écoles régionales et municipales d'arts plastiques ainsi qu'à l'affermissement du réseau de diffusion des arts plastiques contemporains, sur l'ensemble du territoire. C'est la raison pour laquelle je suis très attaché à ce que les fonds régionaux d'art contemporain, dont nous avons célébré avec éclat le vingtième anniversaire cet été, jouent un rôle essentiel dans cette politique de diffusion. Ils bénéficieront à cet effet de moyens renforcés.
    Deuxième grand objectif : la démocratisation de l'accès à la culture et à la création.
    J'ai déjà engagé plusieurs projets spécifiques. Dans le domaine du livre et de la lecture, en particulier, j'ai annoncé il y a quelques mois la création d'une nouvelle génération de médiathèques de proximité, les « ruches », destinées aux zones rurales et à la périphérie des villes.
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ce programme, qui rencontre d'ores et déjà un vif succès, avec près de soixante projets engagés, bénéficiera en 2004 d'une dotation renforcée qui viendra s'ajouter aux moyens que, de façon croisée, mobilisent les collectivités locales partenaires.
    C'est ainsi que seront ouvertes, dès 2004, les premières « ruches », notamment celles de Saint-Seurin-sur-l'Isle, en Gironde, et de Merdrignac, dans les Côtes-d'Armor.
    Dans le domaine du spectacle vivant, l'année 2004 verra le financement, aux côtés des collectivités territoriales concernées, de deux nouveaux « Zénith », l'un à Saint-Etienne, l'autre à Amiens.
    Au-delà de ces exemples, je vous signale que le projet de budget pour 2004 exprime bien l'ambition que j'ai définie pour l'amélioration de l'aménagement culturel du territoire. Il s'agit sans doute de l'une des grandes missions du ministère de la culture. En 1998, comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, 75 % de l'investissement dans des équipements culturels profitaient aux grand projets nationaux à Paris. En 2004, près de 60 % des mêmes financements iront à des projets menés en région aux côtés des collectivités locales.
    Incontestablement, nous avons commencé à inverser l'attitude du ministère de la culture quant à la prise en compte de la réalité humaine, sociale, économique et culturelle de notre pays. L'Etat n'est pas seulement à Paris : il est partout où se trouvent nos concitoyens.
    M. Michel Françaix. Il est à Versailles !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Dans mon esprit, Versailles, c'est Paris, monsieur le député !
    M. Etienne Pinte. Ah non ! Je regrette ! Versailles n'est pas Paris ! (Rires.)
    M. le ministre de la culture et de la communication. Versailles fait partie de l'agglomération parisienne...
    M. Michel Françaix. Vous risquez le conflit, monsieur le ministre ! (Nouveaux rires.)
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... et se trouve dans la réalité humaine de l'espace métropolitain parisien. Mais j'aurais dû éviter une formule aussi hardie en présence de M. le député-maire de Versailles ! (Sourires.)
    Troisième grand objectif : la protection du patrimoine.
    Dans le même souci de rééquilibrage, j'ai souhaité renforcer les investissements en direction des monuments historiques en région. Le précédent gouvernement n'avait pas pris la mesure de l'état sanitaire très préoccupant de nombre de monuments dont la dégradation s'est aggravée de façon inquiétante. Le 17 septembre dernier, j'ai présenté au conseil des ministres un plan national pour le patrimoine, lequel prévoit de consacrer plus de crédits à la restauration des monuments historiques en région, avec une augmentation de 10 % de l'effort global de l'Etat, étant entendu que cet effort ira croissant au cours des prochaines années. Ce plan permettra de sauver les monuments historiques en péril, qu'ils soient propriété de l'Etat ou d'autres collectivités publiques, ou propriété privée. C'est ainsi que les cathédrales de Chartres, Reims, Strasbourg et Bourges, le château des ducs de Bretagne à Nantes, le château de Saumur, le château de Lunéville ou encore celui de Dampierre-sur-Boutonne bénéficieront de ces nouveaux crédits.
    La protection et la mise en valeur de notre patrimoine : voilà bien un enjeu fondamental pour notre mémoire, mais aussi pour l'attractivité de notre pays.
    M. Michel Herbillon. Très juste !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je profite de notre débat, monsieur le rapporteur spécial, pour saluer le rapport que vous avez présenté sur ce thème de l'attractivité au Premier ministre. Vous y soulignez très largement ce que l'attractivité de notre pays doit à la culture, au patrimoine et aux festivals.
    C'est donc, madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les députés, un ministre reconnaissant des arbitrages rendus par le Premier ministre en faveur de son ministère, confiant dans le soutien renouvelé du Parlement, plus particulièrement de l'Assemblée nationale, et conscient de sa responsabilité à l'égard du devoir de réforme qui se présente aujourd'hui devant vous et qui vous remercie à l'avance pour l'attention que vous porterez à son projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française).
    Mme la présidente. Dans la discussion, la parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, avec ce projet de budget, nous sommes confrontés au vertige des chiffres et à une réflexion, de saison, sur leur puissance de mystification.
    M. Jacques Kossowski. Ça commence très fort !
    M. Michel Herbillon. C'est un mauvais début !
    M. Patrick Bloche. Un seul exemple résume notre perplexité : l'an passé, monsieur le ministre, vous nous aviez expliqué qu'il convenait de raisonner, pour apprécier l'augmentation du budget de la culture, en dépenses ordinaires plus autorisations de programme. Vous faisiez apparaître une progression des crédits, alors que la bonne vieille méthode de comptabilisation des crédits véritablement ouverts, qui consistait à raisonner en dépenses ordinaires plus crédits de paiement, conduisait de fait à une régression de plus de 5 %.
    Cette année, c'est l'inverse : alors que la méthode préconisée l'an passé, et qui paraissait à vos yeux la seule légitime, faisait apparaître une faible progression des crédits, vous nous demandez de changer de nouveau la méthode et de raisonner par rapport aux crédits de paiement, laminés l'an passé et donc mécaniquement en forte hausse en 2004.
    De son chapeau, le prestidigitateur tire une hausse apparente des crédits de plus de 5 %.
    Permettez-nous de vous dire, monsieur le ministre, sans que vous vous en offusquiez, que la ficelle est un peu grosse !
    En clair, le ministère de la culture pourra payer ses dettes en 2004, mais il n'aura aucune capacité d'action nouvelle. Le montant des autorisations de programme reste en effet stable et, surtout, les crédits d'intervention accusent une baisse globale de 5 % - la baisse excède même les 8 % pour les seuls crédits déconcentrés.
    Cet assèchement financier des DRAC, déjà effectif à travers les gels ou annulations intervenus dès 2002, compromet l'action territoriale du ministère, le rééquilibrage entre les régions et la capacité d'agir en partenariat avec les collectivités territoriales.
    Autre exemple : les arts plastiques, qui sont pourtant l'une de vos priorités affichées. Là aussi, on constate une baisse des crédits d'intervention de près de 2 %.
    Que retenir finalement de votre présentation ? Que le budget, qui avait atteint le seuil de 1 % du budget total de l'Etat en 2002, en représentera 0,96 % en 2004, ce qui traduit le recul enregistré sur deux ans.
    Je souhaiterais exprimer trois préoccupations du groupe socialiste par ordre de gravité croissante : l'investissement, le fonctionnement et, plus particulièrement, les enseignements artistiques, puis le spectacle vivant.
    Dans votre présentation budgétaire, vous insistez sur la sous-consommation des crédits d'investissement, laquelle a justifié le « coup d'accordéon » de l'an passé. Rappelons tout de même que des crédits mal consommés l'année de leur ouverture sont utilisés l'année qui suit, ou les autres années, grâce aux reports. L'accent mis sur les autorisations de programme traduit ainsi les moyens qui seront rendus disponibles. Une trésorerie en crédits de paiement reportés permet d'éviter les incidents de paiement.
    Vous souvenez-vous, monsieur le ministre, qu'en 1997 de nombreuses entreprises et, parmi elles, de nombreuses petites entreprises étaient étranglées par les délais de paiement de l'Etat pour les travaux dans les monuments historiques ? N'auriez-vous pas de nouveau entendu en 2003 les plaintes d'entrepreneurs étranglés par les délais constatés du fait de votre « gestion » des crédits ?
    Les crédits de paiement ouverts en 2004 s'élèveront donc à 423 millions d'euros, soit une progression de 97 % par rapport à 2003, mais une baisse de plus de 20 % par rapport aux crédits ouverts en 2002. C'est dire l'ampleur des prélèvements opérés en 2003 et seulement à demi-réparés en 2004.
    Logiquement, l'investissement souffre, et ce sont d'abord les monuments historiques qui en pâtissent. S'agit-il de préparer, certes dans les meilleures conditions pour l'Etat mais dans les pires pour les collectivités, un transfert de compétence aux régions concernant le suivi des monuments historiques ? En tout cas, sur deux ans, de 2002 à 2004, on constate une chute de plus de 40 % des autorisations de programme. Et que dire de l'archéologie, privée des moyens indispensables et sur laquelle je reviendrai en posant une question ?
    Je lis pourtant, dans vos interventions, que votre première priorité va aux monuments historiques qui souffrent, de Lunéville à Chambord. Or votre politique d'investissement ne dispose pas des moyens requis, sauf exception. Quelques gros établissements tirent cependant leur épingle du jeu. L'Opéra de Paris obtient ainsi près de 10 millions d'euros de mesures nouvelles ; soit presque autant, en autorisations de programme, que l'ensemble des lieux de diffusion de musique et de danse et trois fois plus en crédits de paiement. Le Centre Georges-Pompidou, avec 10 millions d'euros, ne s'en tire pas trop mal, de même que la BNF ou le château de Versailles. Bien entendu, je ne contesterai pas que des besoins existent dans ces grandes institutions. Mais le soupçon apparaît : n'a-t-on pas servi les gros d'abord ?
    Deuxième axe fort d'une véritable politique culturelle : les enseignements artistiques.
    Il est vrai que les enseignements artistiques ne figurent pas parmi vos priorités affichées et, de ce fait, nous ne pourrions vous reprocher de ne pas mettre en oeuvre une priorité annoncée. Mais cela se voit : baisse, pour la deuxième année consécutive, du nombre des emplois du ministère - la baisse sera de 100 en 2004 - ; donc baisse des emplois qui peuvent être implantés, par exemple, dans les écoles d'architecture, où les besoins sont importants : quatre emplois nouveaux seulement y sont prévus en 2004.
    Que dire, pour ces écoles, de la hausse de la subvention de fonctionnement, limitée à 1,5 %, c'est-à-dire moins que l'inflation, alors que la réforme des études supposerait des moyens accrus ? Mais c'est toutefois un léger progrès, alors que le total des moyens budgétaires consacrés au fonctionnement pour les enseignements spécialisés et la formation révèle une diminution des crédits de plus de 2 %. On constate même une baisse de 7 % pour les interventions déconcentrées, par exemple en milieu scolaire.
    On aurait pu espérer que l'effort engagé pour l'égalité des chances et la formation des publics soit poursuivi. Or il faut se rendre à l'évidence : faute de volonté politique, il n'en restera bientôt plus rien !
    Mais ce n'est pas le plus grave. Le plus grave, dans votre projet de budget, c'est la passivité qu'il traduit face au choc - le mot est faible - que signifiera pour le spectacle vivant la remise en cause du régime d'assurance chômage des intermittents. Je m'étonne d'ailleurs d'être le premier à évoquer ce matin la crise culturelle sans précédent dans laquelle nous sommes entrés depuis cet été.
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Il ne faut pas exagérer !
    M. Patrick Bloche. Le nouveau régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle entrera en vigueur dès le 1er janvier 2004. Il produira ainsi progressivement ses effets au cours de l'année prochaine.
    Dans votre présentation du projet de budget est annoncé « un effort considérable » qui permettra de mettre en oeuvre, en 2004, les conclusions qui seront tirées des assises nationales du spectacle vivant, qui ont déjà perdu leur dimension régionale. On croit comprendre que l'Etat sera à même de soutenir le réseau des jeunes compagnies ou encore l'accès des jeunes aux professions artistiques, de ces jeunes qui auront le plus de mal à réunir les conditions désormais exigées pour leur indemnisation.
    Que trouve-t-on à cet égard dans votre budget ? Rien ou presque. On est bien loin des 20 millions d'euros promis pour les seuls intermittents et il est significatif que votre dossier de présentation n'évoque pas le plan pour l'emploi dans le spectacle vivant.
    Si l'on regarde les masses globales, on constate surtout que les crédits consacrés aux interventions culturelles, hors institutions, augmentent de 0,7 %, soit une baisse en euros constants. Et sur ces moyens, il conviendra de prélever au surplus des crédits exceptionnels pour les festivals, fragilisés par un été de contestation légitime.
    Il y a pis : le total présenté pour la rubrique « développement culturel et spectacles » accuse même une baisse de 3,4 % !
    Alors, on comprend le sens de votre budget : les compagnies, en lisant votre discours, pourront croire que le budget de la culture augmentera en 2004 de plus de 5 % et que c'est donc un peu à elles, dans un contexte particulièrement difficile, que ces moyens nouveaux pourront profiter. On ne leur a pas dit - nous le leur disons ce matin - que cette croissance est optique, qu'elle s'explique par la baisse, brutale, de l'an passé dont elle n'est que le rebond mécanique.
    Alors, la déception que l'on ressent en analysant votre budget, du fait que les moyens ne soient pas au rendez-vous alors que tant de besoins existent, devient protestation : protestation devant les faux-semblants, devant l'indifférence que traduit ce budget face à la marginalisation de pans entiers de notre vie culturelle et alors que le conflit de cet été a révélé le malaise des artistes dans notre pays.
    La politique fiscale de M. Raffarin est désormais bien connue : elle consiste à prendre aux pauvres pour donner aux riches. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. C'est faux !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. C'est indigne de l'orateur !
    M. Michel Herbillon. Quelle caricature ! On croirait du Gremetz ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Bloche !
    M. Patrick Bloche. Votre politique culturelle, monsieur le ministre, à l'image des choix fiscaux du Gouvernement - donner aux riches en prenant aux pauvres -, c'est de laisser s'appauvrir les secteurs qui ont le plus de besoins, à savoir les compagnies, jeunes ou moins jeunes, fragilisées par la réforme de l'intermittence, les actions artistiques en milieu scolaire, pour abonder le fonctionnement des grandes ou des grosses institutions sur lesquelles l'Etat se replie.
    M. Michel Françaix. Eh oui !
    M. Patrick Bloche. Car, au risque de vous être désagréable, monsieur le ministre,...
    M. Michel Françaix. Il faut prendre ce risque !
    M. Patrick Bloche. ... le retrait de l'intervention publique de l'Etat, depuis dix-huit mois, est plus que manifeste.
    Ces choix sont, pour nous, un contresens grave. Monsieur le ministre des beaux-arts, à travers ce projet de budget, vous nous demandez en fait de réhabiliter le trompe-l'oeil.
    M. Michel Françaix. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. En 2003, monsieur le ministre, j'avais particulièrement apprécié votre souci de ne pas thésauriser sur le dos des contribuables en vous engageant à nettoyer les nombreux crédits non utilisés des années précédentes et en limitant l'inscription de crédits nouveaux supplémentaires. J'avais toutefois regretté que vous ayez sacrifié à l'objectif très médiatique du 1 % dont le Président de la République lui-même avait demandé la sanctuarisation. Enfin, je m'étais interrogé sur votre capacité à reconstituer une marge significative pour les crédits 2004.
    Or, cette année, vous nous proposez un très bon budget, un bond significatif.
    M. Michel Françaix. Tiens donc !
    M. Patrick Bloche. L'UDF était plus lucide sur les recettes !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je tiens d'autant plus à vous féliciter pour cet effort conséquent.
    Votre projet de budget pour 2004 prévoit en effet 114 millions d'euros de nouveaux moyens, soit une hausse de 5,4 % par rapport à 2003. Il frôle ainsi à nouveau, avec plus de 2,6 milliards d'euros, le 1 % du budget de l'Etat. L'UDF se félicite de ce rétablissement, dans un contexte général étriqué.
    Comme les années précédentes, le spectacle vivant et la musique se taillent la part du lion : ils enregistrent, avec 32 millions d'euros de moyens nouveaux, une hausse de près de 4,5 % par rapport à 2003 ; c'est bien.
    La politique en faveur du livre sera aussi prioritaire. Les crédits d'intervention prendront en compte l'impact de la réforme du droit de prêt ainsi que le fonctionnement « des ruches », nouvelles médiathèques de proximité.
    Si le budget global augmente, on peut toutefois regretter que les moyens dédiés au patrimoine et à l'architecture stagnent. Il faut en revanche souligner le plan en faveur des monuments historiques, qui permettra d'accorder 20 millions d'euros supplémentaires au patrimoine régional. Le Gouvernement répond là à une attente que le groupe UDF avait exprimée l'année dernière ; on ne peut que s'en féliciter.
    Les moyens des interventions régionales menées en partenariat avec les collectivités locales atteindront 60 % de l'ensemble, dépassant ainsi ceux des grands projets nationaux localisés à Paris et en Ile-de-France. Attachés plus que d'autres à la décentralisation, nous nous réjouissons de ce nouveau rapport.
    Monsieur le ministre, j'ai un regret...
    M. Michel Françaix. Tout de même !
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... en ce qui concerne les arts plastiques, chers à notre rapporteure pour avis, Muriel Marland-Militello. Ce secteur mériterait d'être davantage soutenu car c'est souvent celui qui recèle le plus de nouveaux créateurs.
    Par ailleurs, membre de la mission parlementaire cinéma, je vous avais rappelé, l'année dernière, que l'une des pistes de nos réflexions est de redonner une nouvelle dimension aux aides régionales. La création par les collectivités locales, de fonds d'aide à la production, dotés d'une participation de l'Etat, constitue un premier pas en ce sens. Mais il faut aller plus loin, notre cinéma en a besoin. A l'heure de la décentralisation, consolidons durablement ces fonds en améliorant l'efficacité de leurs structures et en clarifiant leur existence juridique et financière, pas toujours évidente aux yeux de la Commission européenne. Ils doivent participer légitimement et énergiquement au développement de la diversité culturelle qui nous est si chère. De telles mesures rendraient encore plus efficace le crédit d'impôt destiné à éviter la délocalisation des tournages.
    Toujours en faveur du cinéma, vous avez également pris en compte la proposition de l'UDF sur la réforme de la taxe vidéo. Celle-ci permet d'améliorer le financement de la création cinématographique. Nous avons eu d'autant plus raison de vous faire cette proposition que le budget du compte de soutien, grâce à cette réforme et au formidable essor du DVD, est en hausse de 5,8 %. La hausse des recettes de l'édition vidéo passe en effet de 18 millions à 40 millions d'euros, soit plus 122 % !
    Mais attention. Si cette bonne nouvelle tombe d'autant mieux que la situation du cinéma français est morose, méfions-nous des effets pervers. Le cinéma doit rester le cinéma et, avec une baisse de 5,6 % de la fréquentation, le temps d'Astérix et d'Amélie semble déjà bien loin, malheureusement.
    Permettez-moi de m'inquiéter de la décision du Conseil d'Etat du 30 juillet dernier rendant éligible l'émission Popstars au financement du COSIP, le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels. Cette décision pose un réel problème pour l'avenir de la création audiovisuelle et risque d'ouvrir la porte à des émissions proches ou de même type. Cela permettrait non seulement à leurs producteurs de bénéficier du soutien financier du CNC, mais aussi aux chaînes de télévision d'inclure ces programmes dans leurs quotas, quoiqu'on puisse s'interroger sur la réalité de leur caractère culturel. Enfin, cette décision risque d'inciter des producteurs divers à investir davantage dans des émissions au contenu équivalent et de favoriser ainsi un peu plus la dommageable et risquée concentration verticale.
    Est-ce le signe que nous voulons envoyer à la création audiovisuelle ? Non. Aussi, pour réagir à cette situation, monsieur le ministre, il est nécessaire que vous engagiez au plus vite une réforme de l'article 2 du décret du 17 janvier 1990. Pour répondre à nos légitimes inquiétudes et à celles de tous les acteurs d'un secteur déjà très fragilisé, il faut délimiter de façon précise et indiscutable la notion d'oeuvre audiovisuelle.
    Enfin, monsieur le ministre, il nous faudra bien répondre aux inquiétudes et aux attentes persistantes des intermittents du spectacle. La philosophie du groupe UDF, sur ce sujet, a toujours été claire : lutter contre les abus et les fraudes, remettre à plat la liste des ayants droit, soutenir courageusement toutes les réalités sociales de l'intermittence. Nous ne voulons pas d'une gestion seulement comptable du régime des intermittents du spectacle, qui mettrait en danger les catégories les plus précaires et, souvent, les plus novatrices de la création artistique en France.
    Le 6 novembre prochain, la commission des affaires culturelles débattra de deux propositions de création de commissions d'enquête.
    Si notre collègue Patrick Bloche s'est flatté d'en avoir parlé le premier ce matin, je tiens à lui rappeler que le groupe UDF, par la voix de son président Hervé Morin, a été le premier, dès le 11 juillet, à demander au président Jean-Louis Debré, puis au président Jean-Michel Dubernard, la création d'une mission d'information.
    M. Patrick Bloche. Le 17 juin, j'ai posé une question au Gouvernement à ce propos !
    M. Michel Françaix. Laissez donc ! L'UDF sert parfois à quelque chose... surtout pour les recettes ! (Sourires.)
    M. Pierre-Christophe Baguet. Nous préférons, en effet, une mission d'information à une commission d'enquête, afin de pouvoir travailler véritablement au fond. En tout état de cause, nous serons très exigeants sur la place qui sera réservée à l'UDF dans la future mission.
    M. Patrick Bloche. Bravo !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je terminerai, monsieur le ministre, en évoquant la situation de l'industrie du disque. Celle-ci est durement attaquée par l'imagination sans cesse débordante de la piraterie. La fraude porte gravement atteinte aux artistes et ayants droit, surtout, qui vivent de la reproduction et de la diffusion de leurs oeuvres.
    Lors de la discussion budgétaire de l'année dernière, je m'étais félicité que vous veniez de confier à M. François Léotard une mission pour convaincre la Commission européenne d'inscrire le disque au nombre des produits pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA. Mais, un an plus tard, force est de constater que rien n'a changé. L'UDF tient à rappeler toute l'importance qu'elle attache à ce combat, car il s'agit d'un vrai combat. Du reste, au nom de la diversité culturelle, nous souhaiterions qu'un taux réduit de 5,5 % soit appliqué par ailleurs à l'ensemble des biens culturels.
    A ce propos, l'UDF tient à rappeler qu'elle considère comme primordial de favoriser l'accès de tous les publics à toutes les cultures. C'est pourquoi il lui semblerait nécessaire d'encourager par tous les moyens la soif de connaissance, à tous les âges. Or, pour les plus jeunes, l'école est par essence le lieu de la découverte. A ce titre, vous connaissez notre souhait de faire de l'enseignement de l'histoire des arts une matière obligatoire dans les programmes d'enseignement primaire. Il faut ériger au rang de priorité la sensibilisation de nos plus jeunes enfants au riche patrimoine historique et culturel du pays. Si nous saluons vos propos répétés allant dans ce sens, nous regrettons toutefois de ne pas trouver une véritable trace de cette sensibilité dans votre budget - en la matière, il accuse même malheureusement une baisse, monsieur le ministre.
    Le groupe UDF n'en est pas moins sensible aux efforts budgétaires significatifs dont vous faites preuve pour 2004 et il votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le budget de la culture, en 2004, progressera apparemment de 5,8 % par rapport à cette année.
    Vous prétendez, monsieur le ministre, que la culture est une des priorités budgétaires du Gouvernement. Non, à mon avis, tel n'est pas le cas. Livrons-nous à un simple calcul : compte tenu de l'inflation, estimée par le Gouvernement lui-même à 1,5 %, l'augmentation réelle ne sera que de 4,2 %. Par ailleurs, le budget sinistré de 2003 devrait vous inciter à un peu moins d'autosatisfaction. Souvenez-vous, en 2002, le projet de loi de finances dégageait 2,173 milliards d'euros de crédits pour la culture. Autrement dit, entre 2002 et 2004, votre budget n'aura progressé que de 2,29 %, c'est-à-dire bien moins que l'augmentation du coût de la vie, qui, sur la même période, dépassera les 3 %.
    Ne cédons pas au triomphalisme car le taux de 0,95 % du budget de l'Etat qui est affiché relève de la supercherie. En effet, depuis 1993, de nombreux secteurs - architecture, Cité des sciences et de l'industrie, etc. - sont venus rejoindre les missions du ministère de la culture. A structures constantes, le budget de la culture représentera à peine 0,8 % de celui de l'Etat. Il faudrait donc, en fait, un abondement de près de 600 millions d'euros pour parvenir au palier du 1 %.
    Et que dire de la suppression de 180, 200 ou même 250 emplois au ministère de la culture ?
    Vous entendez mieux dépenser, mieux décider, responsabiliser et décentraliser. Vous souhaitez donner une impulsion nouvelle au financement privé de l'art contemporain, en vertu de la récente loi sur le mécénat.
    Sachez que nous défendons une autre conception de la relation entre l'Etat, le privé et la culture, une autre conception de la démocratisation du regard - belle expression largement citée par Mme la rapporteure pour avis -, mais aussi une autre conception de la diversité culturelle.
    L'histoire nous montre combien, dans notre pays, l'Etat a joué un rôle important dans le domaine de la culture. Bien avant le 22 juillet 1959, date à laquelle André Malraux fut nommé ministre d'Etat chargé des affaires culturelles, il existait une tradition de soutien à la création et de régulation, héritée de l'Ancien Régime et de la Révolution française.
    Cette continuité, cet héritage que vous êtes en train de bouleverser reposent pourtant sur un principe simple : le patrimoine des arts et de la culture est considéré comme un puissant facteur de cohésion nationale, d'émancipation et d'identification. C'est pourquoi les pouvoirs publics ont la responsabilité de soutenir l'action culturelle.
    De votre côté, vous vassalisez et vous fragilisez les pouvoirs publics. Ce processus de « désadministration », facilement repérable à travers la médiocrité de votre budget, est renforcé par la décentralisation, par l'autonomie accrue des grands établissements culturels, par le sacrifice du statut des intermittents - j'y reviendrai au moment des questions -, par la destruction de l'archéologie préventive et par l'encouragement au mécénat privé.
    Quand le service public recule, c'est le marché qui avance, un marché sans conscience ni miséricorde.
    L'exemple de l'archéologie préventive, à cet égard, est édifiant. Vous considérez les fouilles archéologiques comme une activité marchande, commerciale et concurrentielle. Vous avez supprimé la maîtrise d'ouvrage publique et le financement public par redevance des fouilles archéologiques préventives. Vous avez ouvert à la concurrence ce que vous appelez le « marché de l'archéologie préventive ». Les aménageurs urbains seront les grands bénéficiaires de cette réforme irréfléchie.
    Mais je veux m'arrêter un instant sur la démocratisation de la culture.
    André Malraux, dans la tradition des Lumières, déclarait : « Il faut faire pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l'instruction. » J'ai bien dit « Jules Ferry »... (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Depuis le début des années 70, les « consommations » de nature intellectuelle et artistique ont augmenté. Cependant, de nombreux clivages sociaux existent et même se renforcent. Il convient donc de relativiser ce phénomène de démocratisation.
    Toutes les enquêtes en attestent, la propension à la consommation de loisirs culturels est plus accentuée chez les femmes - c'est une bonne chose - et elle augmente avec le revenu, l'ancrage de certaines valeurs politiques, l'athéisme et, surtout, le niveau de diplôme.
    Alors que les collectivités locales jouent désormais un rôle important pour favoriser l'enrichissement intellectuel et promouvoir la création, les pratiques culturelles des Français demeurent fortement dépendantes des appartenances sociales.
    La démocratisation de la culture est un mythe politique mobilisateur mais il ne faut pas se leurrer : elle est loin d'être réalisée.
    Finalement, une démocratisation effective devrait garantir au citoyen la plus grande liberté dans le choix de ses pratiques culturelles.
    Alors que l'exception culturelle française traduit l'idée, aujourd'hui largement répandue, que les produits culturels ne sont pas réductibles à leur seule dimension marchande, je crois, monsieur le ministre, que nous devons nous engager vers une politique européenne de la culture s'appuyant sur ce principe.
    La création doit être au centre de cette politique européenne, le pluralisme aussi. Une politique de production doit être développée. Le plan médias existant permet bien de créer quelques films, mais cela reste insuffisant. Face aux productions venues des Etats-Unis, les films européens sont réduits à epsilon. Il est pourtant possible de conduire une politique européenne comme on conduit une politique nationale : la première conforte la seconde et n'y porte pas atteinte. Quand s'élaborent des textes communs, comme la future Constitution européenne, les artistes doivent avoir leur mot à dire, car il s'agit de penser la place et le statut de l'artiste dans la société.
    Dans les domaines de la pensée et de l'imaginaire, de l'art et de la culture, quelque chose ne va plus. Dans notre société, certains ne veulent pas que ces domaines se développent et tentent de les dévoyer. Les citoyens ne seraient que des consommateurs. Ainsi, n'avez-vous pas affirmé, monsieur le ministre, que le ministère de la culture « doit aussi être le ministère de l'économie de la culture » ? Mais Malraux disait bien que « le cinéma est une industrie ». Bientôt, il faudra rappeler à tout le monde que c'est aussi un art...
    Un glissement s'opère. Voulons-nous une société de civilisation ou une société de comptes d'exploitation, comme aux Etats-Unis, où les produits culturels ne sont appréhendés que d'un point de vue commercial, semblables à tous les autres produits et devant être soumis aux seules règles du commerce ?
    Toute velléité de marchandisation de la culture est donc contraire à l'exception culturelle. Pourtant, fidèle à notre tradition nationale, Jacques Chirac, dans son discours d'ouverture de la XXXIe conférence générale de l'UNESCO, le 15 octobre 2001, affirmait : « La réponse à la mondialisation-laminoir des cultures, c'est la diversité culturelle. Une diversité fondée sur la conviction que chaque peuple a un message singulier à délivrer au monde, que chaque peuple peut enrichir l'humanité en apportant sa part de beauté et de vérité. » Je ne peux croire que ces propos du Président de la République française aient pour seul objectif de masquer la démission de l'Etat dans le domaine de la culture.
    M. Michel Françaix. Très bien !
    M. Michel Herbillon. Curieuse interprétation des propos du Président de la République !
    M. Frédéric Dutoit. Je veux cependant vous rassurer, monsieur le ministre. Je ne suis pas de ceux qui veulent enfermer la culture dans l'institution. Je considère au contraire qu'il faut tout faire pour la rendre vivante. Elle doit être patrimoine et nouveauté. L'art, quel qu'il soit, appelle au sensible, à la passion, au subjectif, à l'interprétation du réel. C'est pourquoi la culture ne peut se réduire à la politique culturelle des pouvoirs publics. Il y aura toujours plus dans la culture que ne peut en contenir une politique, même la plus ouverte à l'invention et à l'audace, et c'est tant mieux.
    Cela ne doit pas légitimer le désengagement de l'Etat et des collectivités publiques, bien au contraire. Il et elles peuvent faire preuve de ce volontarisme positif garantissant l'émergence et l'accès au droit de s'émanciper dû à chaque individu par la société. L'égalité d'accès à la culture doit être un des objectifs de la République.
    L'absence d'une forte volonté politique et d'un débat public à la hauteur des enjeux affaiblit la cause de la culture, alors qu'elle est au coeur de la plupart des problèmes de notre société.
    Même si les formes, les lieux, les supports, les techniques évoluent et se révolutionnent, à l'instar des nouvelles technologies de l'information, la culture est une affaire de pensée humaine. Elle ne peut contribuer, participer, parfois en avant-garde du réel, qu'en rupture avec son passé et son présent.
    Et chacun sait bien que toute rupture innovante ne peut que s'appuyer sur l'histoire. Sa connaissance, sa compréhension, voire son interprétation sont nécessaires pour dépasser l'ordre existant, pour participer au progrès de l'humanité.
    Pour l'émancipation humaine, la culture ne saurait être autre que critique. La tâche est peut-être de l'ordre de l'utopie, mais j'ai la faiblesse de croire que l'impulsion dépend de chacun de nous.
    Non, monsieur le ministre, votre budget ne permet pas de financer pleinement les priorités politiques que vous avez définies depuis votre arrivée. Il demeure sous la barre symbolique du 1 %, malgré vos ambitions d'efficacité. Que faites-vous de la promesse de Jacques Chirac de « sanctuariser » le budget de la culture ? Votre prétendue efficacité budgétaire s'oriente nettement vers une gestion entrepreneuriale de la culture.
    Pour toutes ces raisons, au nom des principes que nous défendons, nous voterons contre votre texte.
    M. Patrick Bloche. Très bien !
    M. Jacques Kossowski. Ce n'est pas une surprise !
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.
    M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, le budget de la culture pour 2004 est un vrai motif de satisfaction. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).
    Satisfaction, d'abord, de constater que les engagements que vous aviez pris l'an dernier en matière budgétaire ont été tenus. Satisfaction, ensuite, de constater que le ministère a placé au coeur de ses priorités des secteurs culturels qui ont été trop et trop souvent délaissés dans le passé. Satisfaction, enfin, de constater, au travers du projet de budget comme de l'action que vous conduisez depuis dix-huit mois rue de Valois, que vous entendez insuffler un nouvel état d'esprit et un nouveau dynamisme à notre politique culturelle.
    Oui, mes chers collègues, les engagements budgétaires qui ont été pris ici même l'an dernier ont été tenus. Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à restaurer la sincérité d'un budget qui, durant des années, pour de simples raisons d'affichage, n'avait cessé d'être factice...
    M. Jacques Kossowski. C'est vrai !
    M. Michel Herbillon. ... affichant des crédits de paiement dont on savait à l'avance qu'ils ne pourraient être consommés. Vous avez décidé de rompre avec une pratique funeste qui donnait l'illusion d'un budget en hausse, alors même que les marges de manoeuvre du ministère ne cessaient de se réduire. L'opération vérité que vous avez engagée et qui vous a conduit à annuler 200 millions d'euros de crédits de paiement non entièrement nécessaires vous a valu l'an dernier nombre de sarcasmes de la part de l'opposition. Ces mêmes Cassandre, qui parlaient hier de budget en baisse, d'impasse budgétaire assurée et de probables annulations de crédits, en sont aujourd'hui, si je puis employer une telle expression lorsque l'on parle d'un budget, « pour leurs frais ». Ne doutons pas que, par simple honnêteté intellectuelle, ils reconnaîtront qu'ils ont eu tout simplement tort.
    De fait, l'exécution du budget 2003 est bien meilleure que les années passées, l'écart entre les crédits ouverts et ceux consommés se réduisant sensiblement. Mais surtout, le ministère de la culture a disposé, en 2003, d'une hausse effective de ses moyens de 160 millions d'euros par rapport à 2002. Aucune annulation de crédits n'a eu lieu, ce qui mérite d'être souligné au regard des pratiques du gouvernement précédent. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, et nos rapporteurs l'ont également rappelé : plus de 170 millions d'euros de crédits ont été annulés entre 1997 et 2001.
    M. Patrick Bloche. C'est sûr ! Pour 2003, il n'y a plus rien à annuler !
    M. Michel Herbillon. Vous nous aviez par ailleurs annoncé, monsieur le ministre, que la remise en ordre des comptes devrait s'accompagner en 2004 d'une hausse du budget, notamment des crédits de paiement. Tel sera le cas en 2004, puisque le budget de la culture augmentera de 5,8 %, les crédits de paiement progressant de plus de 100 millions d'euros. C'est une hausse significative, a fortiori dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons.
    Je tiens à saluer le fait que l'augmentation des crédits s'accompagne d'un effort de gestion et de rationalisation, qui se traduit notamment par une maîtrise des dépenses des services et la stabilisation des dépenses de personnel. Cette préoccupation vous a conduit, monsieur le ministre, à demander à chacune de vos directions de redéployer, d'ici à 2006, 10 % des subventions allouées qui étaient jusqu'alors reconduites de façon quasi systématique, ce qui se faisait nécessairement au détriment des actions nouvelles.
    Ce projet de budget traduit donc bien la volonté que vous aviez affichée dès votre arrivée rue de Valois de rompre avec des pratiques budgétaires plus que critiquables pour rendre au ministère de la culture les marges de manoeuvre financière qu'il avait perdues au fil du temps. Nous ne pouvons que vous en donner acte.
    Au-delà de l'effort budgétaire réalisé, je tiens à saluer le choix des priorités retenues. Je me réjouis en particulier de l'effort important consenti en faveur de la protection de notre patrimoine. En tant que rapporteur du budget de la culture l'an dernier, je m'étais inquiété de l'état dramatique de certains de nos monuments et de la baisse de 7,5 % des crédits d'investissement sous le précédent gouvernement. Cette situation n'était pas acceptable, alors que 20 % des monuments classés sont aujourd'hui considérés comme en état de péril.
    Il était urgent de réagir. L'annonce, le mois dernier, du plan national en faveur du patrimoine, qui s'accompagne d'une hausse importante et durable des crédits dédiés à sa protection, illustre que la valorisation de notre patrimoine redevient une des priorités de notre politique culturelle. Le patrimoine constitue un élément fondamental de notre culture en ce qu'il forge notre identité et apparaît pour nos concitoyens comme un point de repère souvent essentiel. Dès 2004, les crédits consacrés à la restauration des monuments historiques appartenant à l'Etat, aux collectivités locales ou à des particuliers augmenteront de 10 % et ils devraient continuer à progresser fortement dans les années à venir.
    Le budget pour 2004 fait aussi, à juste titre, une priorité de la création. Avec 741 millions d'euros, le spectacle vivant est de loin le premier poste budgétaire du ministère. La forte hausse - près de 4,5 % - des crédits qui fait suite à l'effort marqué de 2003 place le soutien aux équipes artistiques, aux festivals, aux institutions permanentes, aux musiques actuelles, bref, à tout ce qui fait la richesse de la création, au coeur de notre politique culturelle.
    Les projets de construction et d'aménagement de lieux de spectacle et de musique en région ne seront pas en reste, puisque l'Etat apportera son aide à de nombreux projets - comme la construction de deux nouveaux Zénith, à Amiens et à Saint-Etienne, ou la rénovation de l'Arsenal, à Perpignan -, contribuant ainsi au rééquilibrage des lieux culturels sur l'ensemble du territoire.
    Les arts plastiques, dont notre collègue rapporteure a excellemment parlé, connaîtront une hausse des crédits l'an prochain. L'effort est réel, en particulier en matière d'enseignement, puisque, en deux ans, sept écoles nationales supérieures d'art auront vu le jour. Il porte encore sur la diffusion, grâce notamment à la transformation de la galerie du Jeu de paume, dévolue à la photographie et à l'imagerie.
    Il convient de saluer toutes les mesures prises en faveur de la lecture et de l'industrie du livre. Le livre est souvent le premier accès à la culture et un instrument essentiel de la lutte contre l'exclusion. Outre l'abondement des crédits destinés à financer le droit de prêt, les efforts en faveur de la lecture se traduiront très concrètement par la poursuite du programme de création d'une nouvelle génération de médiathèques de proximité dans les zones rurales et les quartiers urbains périphériques. Cet effort en faveur d'une plus grande démocratisation de la lecture recueillera, à n'en pas douter, l'assentiment général de notre hémicycle, tout comme d'ailleurs les mesures de soutien en faveur des librairies.
    Le rachat de VUP par Hachette a fait naître nombre d'interrogations, vous le savez. C'est pourquoi j'aimerais que vous nous précisiez, dans le cas où cette fusion serait validée par la Commission européenne, les mesures qui pourraient être prises pour éviter les conséquences potentiellement négatives de cette concentration en matière de distribution.
    En matière de soutien à la création, je souhaite saluer les mesures prises en faveur du cinéma, en particulier la réforme de la taxe vidéo, qui devrait permettre de dégager 22 millions d'euros de plus pour le financement de ce secteur. Par ailleurs, monsieur le ministre, face à la réduction très forte des ventes de disques, dont l'ampleur menace l'avenir de nos industries culturelles, je souhaiterais que vous profitiez du débat d'aujourd'hui pour nous préciser les dispositions que va prendre le Gouvernement pour enrayer le développement du piratage qui est l'une des causes - sinon la cause principale - de la crise actuelle et qui met gravement en cause la nécessaire protection du droit d'auteur.
    Pour terminer, je voudrais souligner, monsieur le ministre, notre satisfaction de voir se développer à travers vos choix et vos actions une approche nouvelle de la politique culturelle, une approche moins bureaucratique, moins centralisée, moins étatiste, fondée sur une plus grande confiance entre les différents acteurs de la culture.
    Cela ne signifie nullement une défiance envers l'Etat et le rôle central qu'il joue traditionnellement en matière culturelle dans notre pays. Si quelqu'un en doutait, je crois que l'engagement permanent et la détermination très forte du Président de la République et du Gouvernement pour défendre et promouvoir la diversité culturelle au sein des instances internationales, notamment l'Union européenne, l'UNESCO ou l'OMC, sont là pour le démontrer.
    Mais si l'on veut aujourd'hui que notre politique culturelle retrouve un nouveau souffle, de nouvelles perspectives,...
    M. Michel Françaix. On voudrait bien !
    M. Michel Herbillon. ... et aussi de nouveaux moyens, il convient d'ouvrir le jeu, c'est-à-dire insuffler un nouvel état d'esprit et instaurer de nouvelles pratiques.
    Instaurer de nouvelles pratiques, c'est d'abord desserrer l'étau centralisateur. La mise en oeuvre effective de la réforme des musées nationaux, que nous avions demandée ici, toutes tendances confondues à l'Assemblée nationale, et qui se traduira par plus d'autonomie et une responsabilité de gestion accrue des musées et des directeurs de musée, participe de ce mouvement. D'où la création de nouveaux établissements publics pour les musées Guimet et Orsay, ou la signature avec le Louvre et la Bibliothèque nationale de France de contrats d'objectifs et de moyens. L'effort en matière de déconcentration des crédits du ministère afin de rapprocher la décision de subvention des acteurs du terrain répond au même objectif. En 2004, près de deux tiers des crédits culturels seront ainsi déconcentrés.
    Insuffler un nouvel état d'esprit, c'est encore se tourner vers la société civile, vers les entreprises, vers les particuliers, pour mobiliser de nouveaux moyens pour la culture. La loi sur le mécénat, qui a été définitivement adoptée durant l'été, est l'un des instruments de cette ambition. Là encore, il ne s'agit pas de substituer un financement privé à un financement public - c'est une caricature. Il s'agit d'accroître les moyens dévolus à l'action culturelle.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.
    M. Michel Herbillon. Ouvrir le jeu, c'est enfin organiser le dialogue avec les acteurs culturels eux-mêmes. Oui, il y a eu crise cet été avec les intermittents du spectacle. Nous déplorons tous l'annulation des festivals, car nous aimons tous cette France des festivals. Nous aimons nos artistes. Nous aimons les créateurs. Nous aimons tous ceux qui conjuguent leurs efforts pour offrir, notamment l'été, dans toutes les villes et les villages de France, des spectacles de qualité. Dès lors, le débat national que vous avez ouvert, monsieur le ministre, est une prodigieuse occasion d'engager une réflexion de fond avec les artistes, avec les créateurs, avec tous les professionnels et plus largement avec l'ensemble de nos concitoyens sur l'état des politiques publiques et les enjeux du spectacle vivant.
    Les assises nationales du spectacle vivant, dont Bernard Latarjet a la charge, serviront de base pour ouvrir des pistes de réflexion nouvelles visant à prendre en compte l'évolution des métiers et des emplois artistiques, pour mieux définir l'engagement de la collectivité publique auprès des artistes, et notamment auprès de la jeune création. Souhaitons que cet esprit de dialogue et d'ouverture soit partagé par le plus grand nombre.
    Mes chers collègues, nous qui sommes tous, ici, quelles que soient nos appartenances, ardents partisans d'une action culturelle forte, ne boudons pas notre plaisir, devant un budget sincère, en progression, et qui traduit surtout la volonté de redonner une dynamique à un ministère et à une politique culturelle qui, au fil des ans, s'étaient essoufflés.
    Monsieur le ministre, vous pouvez donc compter sur un soutien enthousiaste du groupe UMP, soutien qui est aussi un encouragement à poursuivre la politique de réformes que vous avez engagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix.
    M. Michel Françaix. La politique cuturelle, née il y a plus de quarante ans avec André Malraux, relancée énergiquement il y a plus de vingt ans avec François Mitterrand et Jack Lang, doit être adaptée aux nouvelles conditions de notre siècle naissant. Mais il n'y a que notre rapporteur spécial, monsieur le ministre, pour nier la dot que nous vous avons rapportée.
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Ça commence ! Allez, un peu de bonne foi !
    M. Michel Françaix. Bien sûr, notre pays s'est doté du réseau d'équipements culturels - musées, théâtres, opéras, salles de spectacle et de cinéma, bibliothèques, médiathèques - le plus dense et le plus diversifié du monde. Bien sûr, il s'est doté d'une offre culturelle foisonnante, proposée par de nombreuses compagnies indépendantes, institutions et acteurs culturels, sur toute l'étendue de notre territoire.
    L'exception culturelle a été défendue avec succès à Seattle et à Doha. Un plan d'envergure de cinq ans pour le développement artistique à l'école a été lancé - et là, vous vous situez peut-être en baisse. Le soutien aux pratiques amateurs et aux arts populaires - musique actuelle, théâtre de rue, mime, marionnettes, cirque, cabaret - a été renforcé.
    Aujourd'hui, cinq évolutions majeures confèrent une importance qui devrait être encore plus décisive à notre objectif de développement au coeur de la cité. La première est l'extension du temps libre ; mais je n'en dirai pas plus, pour éviter les sarcasmes. La deuxième est l'affaiblissement du lien social sous l'effet de la montée de l'individualisme et de la différenciation croissante des groupes sociaux, qui donne aux associations culturelles un rôle accru dans l'intégration et la cohésion de notre société. La troisième évolution est la tendance à la marchandisation du secteur de la culture qui en fait un enjeu de civilisation de première importance à l'heure de la mondialisation. La sphère culturelle va-t-elle devenir un champ de valorisation du capital comme un autre, soumis à la loi de l'offre et de l'offre et de la demande et aux appétits des grands groupes de communication transnationaux ?
    M. Frédéric Dutoit. Ah non !
    M. Michel Françaix. Ou bien sera-t-elle, pour l'essentiel, préservée de la loi du profit et des rapports marchands en raison du rôle qui est le sien dans la constitution des identités individuelles et collectives ? La quatrième évolution est la révolution numérique, symbolisée par le développement de l'internet qui démultiplie les moyens de satisfaire la demande culturelle accrue en permettant à chacun d'accéder aux oeuvres, au savoir, à l'information, aux échanges, à la création par-delà les frontières. Mais comme toutes les grandes révolutions techniques qui l'ont précédée, elle comporte autant de menaces que de promesses. Cinquième et dernière évolution : l'hégémonie de l'hyperpuissance américaine s'exerce particulièrement dans le secteur de la culture et des nouvelles technologies, frayant la voie à sa domination économique et politique.
    Le secteur culturel est devenu un enjeu majeur de l'indépendance et de l'affirmation nationales. Il n'y a pas un secteur de notre intervention - croissance, emploi, modernisation, sécurité, politique de la ville, qualité de la vie, contruction de l'Europe, rayonnement de la France dans le monde - qui n'ait une dimension culturelle. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous attendions de ce budget un nouveau souffle. Et puisqu'on me l'a suggéré tout à l'heure, je dirai : « Autant le budget de 2003 souffrait de baisse optique, autant le budget pour 2004 est porteur d'illusion optique. » Ce n'est pas encore de l'Illusion comique (Sourires), mais l'année prochaine peut-être...
    Pour des raisons comptables, nous nous éloignons de notre objectif. Le MEDEF, sur le terrain des intermittents comme ailleurs, a une vision à courte vue : le profit pour le petit nombre et une culture formatée pour tous. Pourtant, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, toute création artistique a besoin d'une part importante de temps de travail invisible. Ecriture, repérages, documentation, auditions, lectures, répétitions, recherche de partenaires financiers : si ces périodes d'élaboration souterraine, intime, peu spectaculaire, ne bénéficient plus d'un minimum de protection sociale et d'indemnités, on verra disparaître bon nombre d'oeuvres qui constituent le vivier de cette fameuse diversité culturelle - que vous aviez su, d'ailleurs, en d'autres temps, défendre avec acharnement.
    J'assistais, il y a quelques jours, dans ma commune, à un spectacle de la troupe des Tréteaux de France. Après la représentation, M. Maréchal m'a présenté tous les artistes, au cours d'un dîner sympathique - ce qui me permet de vous dire où j'étais à trois heures du matin, monsieur le ministre. La plupart étaient intermittents du spectacle. Pour moi, les choses étaient claires : si je voulais, l'année prochaine, avoir les Tréteaux de France, j'aurais M. Maréchal tout seul !
    Ne réduisez pas la culture à la communication, au divertissement, au tourisme, au prestige ou même à l'Audimat.
    La rue de Valois doit être un lieu de résistance à la marchandisation de l'art. J'ai peur que, demain, elle ne l'orchestre, elle n'y collabore.
    Non, la culture officielle ne doit pas siéger à l'office de tourisme ! Partout où il y a une vie culturelle et artistique active, il y a, vous le savez bien, des intermittents.
    Monsieur le ministre, je compte sur vous pour ne pas témoigner d'une surdité que l'on serait obligé de comparer à celle du ministre Luc Ferry face au malaise des enseignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Madame la présidente, je m'adresserai d'abord à vous pour déplorer une fois de plus les conditions de travail de notre assemblée. Est-il normal que nous n'ayons reçu que ce matin les rapports des commissions des finances et des affaires culturelles ? Il nous était impossible, bien sûr, de les lire, ne fût-ce que pour préparer, sinon ajuster, nos interventions.
    M. Frédéric Dutoit. Eh oui !
    M. Etienne Pinte. Je souhaiterais que vous fassiez part de ce dysfonctionnement au bureau de notre assemblée, sans oublier non plus les séances de nuit qui se terminent au petit matin. Ah ! que nous regrettons l'organisation de nos travaux qu'avait mise en place l'un de nos anciens présidents, Philippe Séguin.
    J'aborderai aujourd'hui deux thèmes : l'enseignement artistique, et en particulier l'enseignement musical ; le régime des intermittents.
    Monsieur le ministre, l'année dernière, lors de l'examen du budget pour 2003, je vous avais interpellé sur le financement des conservatoires nationaux de région. Vous ne m'aviez pas répondu. Vous aviez simplement rappelé à l'Assemblée nationale les efforts importants consentis par votre ministère en faveur de Paris, en omettant de signaler qu'il ne finançait qu'à concurrence de 10 % les conservatoires nationaux de région. Et malheureusement, la situation ne s'améliorera pas cette année puisque, comme l'a indiqué Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, les crédits en matière d'enseignement musical sont en baisse.
    Si l'assimilation un peu maladroite que vous venez de faire se vérifiait, si, véritablement, Versailles était Paris, pourquoi ne pas subventionner entre 40 et 100 % notre conservatoire national de région,...
    M. Pierre-Christophe Baguet. Et celui de Boulogne-Billancourt !
    M. Etienne Pinte. ... c'est-à-dire à un taux comparable à celui dont bénéficient, selon les cas, nos collègues de Paris pour leurs institutions musicales ?
    Versailles est peut-être la ville de province la plus proche de Paris, mais ne comparons pas ce qui n'est pas comparable. Versailles est la seule ville de France qui ait été successivement capitale royale, capitale révolutionnaire, capitale de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, capitale républicaine et aujourd'hui, de temps en temps, capitale constitutionnelle. Il y avait lieu de le rappeler. Chacun en fera son profit.
    Les conservatoires nationaux de région ont un recrutement municipal, départemental, régional, national et international. C'est la raison pour laquelle nous déplorons que le ministère de la culture ne nous aide pas plus.
    Vous nous dites : décentralisation ! Mais qu'allez-vous décentraliser ? Les 10 % que vous nous accordez aujourd'hui ? C'est bien sûr insuffisant.
    Vers qui allez-vous décentraliser : la commune, le département, la région ? On ne le sait pas.
    Les maires qui ont des conservatoires nationaux de région sont découragés. Je vous avais annoncé, l'année dernière, une réduction de voilure au conservatoire de Versailles. Eh bien oui, à partir de la rentrée prochaine, la voilure sera réduite. Et nous nous demandons même s'il ne vaudrait pas mieux supprimer les conservatoires nationaux de région et les remplacer par des écoles municipales de musique. Elles coûtent moins cher, elles sont moins élitistes et elles correspondent sans doute mieux à l'attente de nos concitoyens.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. Etienne Pinte. J'en viens aux intermittents du spectacle. Où en est-on de « l'épouvantable gâchis artistique, humain et économique » dû à l'annulation des festivals de cet été, ainsi que l'a déploré le Président de la République ?
    Pourquoi en est-on arrivé à cette crise destructrice de notre vie culturelle estivale ?
    Il est évident que le déficit de l'assurance chômage de cette branche d'activité devait être réduit et ne plus servir de variable d'ajustement à une politique budgétaire nationale d'aide à la création culturelle peut-être insuffisante. Il est non moins évident qu'il faut lutter contre les abus dont profitent certaines entreprises de spectacles.
    Il est cependant stupéfiant que ni les partenaires sociaux ni le Gouvernement n'aient suivi la méthodologie du dialogue social telle que le Président de la République l'a rappelée dans son intervention du 14 juillet et qui a réussi pour les retraites : « Il faut d'abord avoir un vrai dialogue de façon à avoir un diagnostic partagé. (...) Si tel n'est pas le cas, si les partenaires sociaux ne sont pas assez ambitieux, le Gouvernement prendra ses responsabilités. »
    Aurait-on pu trouver un accord ? Il fallait tout tenter pour y arriver.
    Pourquoi, monsieur le ministre, l'appel d'un certain nombre de maires n'a-t-il pas eu de suite lorsqu'ils se sont adressés à vous ? Ce sont pourtant des partenaires incontournables du spectacle vivant au travers de leurs théâtres municipaux ou de leurs animations culturelles.
    Pourquoi s'obstiner à vouloir agréer un accord non accepté par la majorité des intéressés ?
    Est-il encore temps de construire un avenir partagé ? Bien sûr, à condition que chacun mette de côté son amour propre, ses révoltes, sa certitude de détenir la vérité ou la seule solution. J'ai la conviction que des amis comme Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Thorn, Bartabas et bien d'autres, pour ne pas dire tout le monde, sont prêts à se mettre autour de la table pour reconstruire ensemble l'avenir du spectacle vivant.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite répondre le plus largement possible à vos interventions.
    Pour commencer par une question philosophique et politique, je considère que le gouvernement de la France n'a de leçons à recevoir de personne s'agissant de la défense de l'exception culturelle et de la diversité culturelle, tant dans l'espace européen que dans l'espace international. Si je m'interrogeais sur le point de savoir qui, de M. Jacques Chirac ou de M. Pascal Lamy, défend le mieux l'exception culturelle dans l'espace européen, je répondrais sans aucun doute que c'est le Président de la République.
    M. Frédéric Dutoit. Je suis d'accord !
    M. le ministre de la culture et de la communication. D'ailleurs, alors que le projet de Constitution européenne aménage la possibilité pour les Etats de l'Union, et notamment pour la France, de défendre leurs intérêts culturels, je regrette qu'il ne recueille pas, de la part de certains, un assentiment plus large, ce qui déstabilise cette conquête de notre pays que représente le maintien de la règle de l'unanimité dans la prise des décisions concernant le commerce extérieur des biens culturels et audiovisuels.
    M. Patrick Bloche. Il faut choisir !
    M. le ministre de la culture et de la communication. S'agissant de la défense de la diversité culturelle, monsieur Bloche, nous sommes fiers de ce que nous avons fait.
    M. Patrick Bloche. Ce sont des mots !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il y a quelques jours à l'initiative de la France, la conférence générale de l'UNESCO a confié au directeur général de l'institution le mandat d'élaborer une convention sur la diversité culturelle et de la présenter à la prochaine conférence générale en 2005. La France s'est battue, je me suis battu, et j'ai vraiment le sentiment que, dans ce domaine, nous n'avons de leçons à recevoir de personne.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cessons également de nous gargariser de grands mots comme la « marchandisation ». Les biens culturels ne sont pas des biens ordinaires, nous n'avons cessé de le dire. Néanmoins, ce sont souvent aussi des marchandises qui relèvent d'une économie, d'un marché.
    M. Michel Françaix. Du mécénat...
    M. le ministre de la culture et de la communication. Le livre, le film, le disque sont des biens culturels, mais ce sont également des objets de marché. N'ayons pas la naïveté de penser qu'en mettant en avant de grands mots comme « marchandisation », nous nous assurons d'agir utilement sur la réalité des choses pour garantir le développement culturel. On peut, dans le même temps, affirmer que les biens culturels ne sont pas des marchandises ordinaires et avoir conscience du fait qu'ils relèvent d'une économie et d'un marché. Si nous voulons que, demain, il y ait toujours des livres français, des musiques françaises, des films français, il faut prendre également en compte, avec lucidité et pragmatisme, la dimension économique de leur production et de leur diffusion. Dans ce domaine comme dans tous les autres, si l'on veut indéfiniment faire l'ange, on finira par faire la bête et on finira surtout par perdre.
    S'agissant du budget lui-même, peut-être faudrait-il qu'un jour nous apprenions, les uns et les autres, à avoir une vision plus globale, plus synthétique de la réalité du budget de la culture, en réintégrant, par exemple, dans la dépense culturelle, les crédits du Centre national de la cinématographie, ceux du compte de soutien. De la sorte, même s'il ne s'agit pas toujours de crédits budgétaires, s'il s'agit de recettes spéciales, de recettes affectées ou encore de produits du mécénat - j'évoquais tout à l'heure l'enrichissement de nos collections grâce à l'application des dispositions sur le mécénat - nous nous rendrions compte que la collectivité publique consent globalement un effort beaucoup plus important qu'on ne l'imagine en faveur de la culture.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Cela mérite un débat.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Peut-être aurions-nous ainsi une image plus complète de l'engagement de l'Etat. C'est en tout cas un exercice de synthèse qui mérite d'être entrepris.
    Il ne faut pas naturellement que cet exercice devienne une tentative de maquillage. Au cours des dernières décennies, en effet, on a beaucoup souffert de changements de périmètre, qui permettaient parfois à certains de faire croire à un accroissement des moyens de la culture alors qu'ils avaient tout simplement bouleversé les limites comptables.
    Monsieur Dutoit, je ne peux pas vous laisser dire qu'il s'agit d'un budget sinistré sans réagir très vivement. Comme l'ont souligné beaucoup d'intervenants, le budget que je vous présente est en croissance, quelle que soit la manière dont on l'aborde. Il n'y a pas de distorsion entre l'affichage et la réalité. L'année dernière, j'avais reconnu très sincèrement que le budget faisait apparaître une baisse optique des moyens du ministère de la culture tout en vous indiquant que les dotations d'intervention inscrites aux titres III et IV augmentaient. Cette année, vous le voyez, les moyens affectés aux titres III et IV progressent. Il y a, certes, quelques transferts de dépenses du titre IV au titre III, mais, globalement, les crédits d'intervention augmentent. Par ailleurs, nous vous proposons de reconstituer les crédits du titre V, donc de surmonter le ressaut que nous imposaient les choix budgétaires pour 2003. Partout, le ministère de la culture bénéficie incontestablement de moyens consolidés.
    Ce qui m'importe avant tout, c'est que ces moyens soient réellement dépensés, qu'ils ne subissent pas, en cours d'année, de fâcheuses annulations, comme cela a été trop souvent le cas entre 1997 et 2001, ...
    M. Patrick Bloche. Il n'y a plus rien à annuler en 2003 !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... période pendant laquelle le rapport entre les crédits consommés « culture » et les crédits consommés « Etat » était de 0,7 %, ce qui illustre bien le phénomène de sous-consommation chronique des crédits affectés au ministère de la culture. Pour ma part, je me suis proposé de mettre fin à cette distorsion entre l'affichage quasiment publicitaire du budget et la réalité de son exécution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    J'aimerais d'ailleurs, mesdames et messieurs les députés, que toutes les collectivités publiques participant au développement culturel de notre pays fassent preuve du même engagement en faveur de la culture. J'ai ainsi le regret de constater, monsieur Bloche, que la ville de Paris, dont vous êtes député, est loin de réaliser son objectif de doublement du budget de la culture sur la mandature du maire.
    M. Michel Herbillon. Le rideau se déchire ! La vérité éclate !
    M. Patrick Bloche. Ce sera fait en 2007, à la fin de la mandature.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cette année, le Centre national du livre n'a pas été en mesure de verser d'aide aux bibliothèques de la ville de Paris parce que les critères de dépense publique de la ville en faveur de ces bibliothèques n'avaient pas été remplis. C'est la seule commune de France à laquelle le Centre national du livre n'a pas été en mesure de verser sa contribution.
    M. Gilbert Gantier. Hélas !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous en confie le voeu, monsieur Bloche, et à vous aussi, monsieur Gantier, puisque vous siégez tous deux au Conseil de Paris : faites en sorte que, comme le fait l'Etat, comme le fait le Gouvernement, la ville de Paris finance une dépense culturelle qui se situe à un niveau convenable.
    Vous avez raison, monsieur Baguet, de vous interroger sur la définition de l'oeuvre audiovisuelle, question très importante que nous avons évoquée à l'occasion de l'examen du budget de la communication. Ce n'est pas uniquement un débat rhétorique ou académique ; il s'agit de préserver, dans notre pays, la production d'oeuvres audiovisuelles, au sens digne et culturel du terme.
    A la suite de l'émotion suscitée par le jugement du Conseil d'Etat que vous avez évoqué, j'ai souhaité que nous fassions avancer les choses, car je sens bien qu'une certaine imprécision dans la définition de ce qu'est une oeuvre audiovisuelle pourrait nous conduire, à terme, à des situations extrêmement fâcheuses. J'ai donc réuni l'ensemble des parties concernées : les producteurs, les éditeurs, les sociétés d'auteurs et les deux directions du ministère concernées - la direction du développement des médias et l'établissement Centre national de la cinématographie - pour débattre de ce sujet et tenter d'élaborer une définition plus universelle, certes conforme au droit européen, car c'est indispensable, mais également plus opérationnelle et, en tout cas, plus protectrice de ce que nous estimons être des oeuvres. Je pense que ce travail sera conclu au cours des prochaines semaines, et je souhaite que chacun se reconnaisse dans les décisions qui seront prises.
    La piraterie, que vous avez également évoquée, constitue pour nos industries culturelles une menace extrêmement grave. La crise de l'industrie, ou des industries musicales a aujourd'hui pour conséquence le développement de la piraterie, notamment en ligne. Il ne faut marquer, à l'égard de la piraterie, de la contrefaçon et de l'usage abusif de la copie, aucune forme de tolérance. Il est évident que ce combat ne peut pas se limiter à l'espace national. Il doit être mené dans l'espace européen, et même dans l'espace international. Nous avons évoqué cette question, au printemps dernier, à propos du cinéma, avec M. Jack Valenti. L'industrie cinématographique américaine est, à son tour, préoccupée par cette situation et les risques qu'elle lui fait courir.
    Je souhaite, j'y insiste, que la France puisse agir à la fois dans l'espace de la législation nationale, dans l'espace européen et dans l'espace mondial. La question a souvent été abordée par les ministres des finances, de l'économie, de l'industrie et de la culture, tant au sein de l'Union qu'au sein de l'Organisation mondiale du commerce. C'est là un sujet prioritaire.
    Pour ce qui concerne les industries culturelles, je reste, comme vous, très attaché à ce que la France persévère dans son combat pour la baisse de la TVA sur le disque.
    Et je me range entièrement à votre idée : ce combat devrait concerner de façon globale toutes les productions des industries culturelles. Le livre, déjà, bénéficie d'un taux réduit de TVA. Demain, comme pour le disque, il faudra également promouvoir la baisse de la TVA sur les vidéogrammes.
    Pour une Europe à la recherche d'un grand projet culturel, considérer que l'ensemble des biens culturels a vocation à être mis à disposition des citoyens de l'espace européen dans les conditions économiques plus avantageuses serait une belle ambition. Or, la baisse de la TVA peut concourir à cette démocratisation de l'accès à la culture.
    Hélas ! J'ai pu le constater, tous les pays de l'Union européenne n'ont pas aujourd'hui, à l'égard de cette question, le même degré de maturité que le nôtre soit parce qu'ils n'ont pas d'industrie culturelle - ainsi, mon homologue de Malte, avec lequel j'évoquais ce sujet, y porte peu d'intérêt -, soit parce qu'ils n'ont pas autant que nous pris conscience de la nécessité de promouvoir ces industries et donc ces productions. C'est notamment le cas de nos voisins allemands auprès desquels il convient de faire un gros effort. Je souhaiterais d'ailleurs que les groupes parlementaires en liaison avec leurs partenaires dans les différents pays d'Europe appuient ce mouvement.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bonne idée !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Si nous parvenons à mobiliser à la fois les artistes, les interprètes, les opérateurs des industries culturelles, les parlements et les gouvernements, nous aurons beaucoup plus de chances d'aboutir. Je le reconnais, nous sommes encore loin d'une issue positive, mais quelle que soit la difficulté de la tâche, il faut persévérer dans ce combat nécessaire.
    La diffusion culturelle constitue, je le rappelle, l'un des trois grands piliers de l'action du ministère de la culture, avec le patrimoine et la politique en faveur de la création. Il s'agit simplement de faire en sorte que des biens culturels qui pourraient n'être accessibles qu'à certains soient accessibles à tous, mais aussi désirés par tous. Il ne suffit pas, en effet, que le livre soit accessible sur tout le territoire grâce au réseau des librairies et des bibliothèques pour que le désir de lecture s'épanouisse chez chacun. Nous avons le devoir de développer le désir de culture, et pour y parvenir, nous devons nous appuyer sur l'éducation nationale et sur la télévision.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. L'éducation nationale et la télévision sont, en effet, deux vecteurs à portée universelle, auxquels peuvent accéder tous nos concitoyens, notamment les plus jeunes. D'où mon combat pour une télévision de qualité, un combat que j'ai mené comme peu de mes prédécesseurs l'avaient fait.
    M. Patrick Bloche. Il faudrait transformer l'essai !
Bientôt douze minutes de publicité ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je le sais bien, on finit par tout attendre de l'école : qu'elle fasse accéder au savoir, à la connaissance, à la formation, à l'épanouissement, et qu'elle compense toutes les faiblesses d'une société déstabilisée : l'effrondrement de la transmission familiale, les inégalités, l'incivilité, la baisse de la conscience civique.
    Mais malgré cette difficulté, il faut maintenir le cap d'une mobilisation de l'école en faveur de la familiarisation avec la culture. L'éducation artistique n'est pas seule en cause : elle est nécessaire, mais doit s'accompagner d'une éducation culturelle. Qu'un élève puisse sortir du lycée sans que l'on n'ait jamais ouvert sa curiosité, son esprit à la musique, que les noms de Beethoven, Bach, Haendel, Stravinsky ou Boulez n'aient jamais été prononcés devant lui, constitue une anomalie. L'école doit également être l'espace où naît la passion pour la culture et les arts.
    M. Michel Herbillon. Tout à fait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est la raison pour laquelle j'ai veillé à ce que l'éducation artistique et l'éducation culturelle ne soit pas négligées par le budget du ministère de la culture. Je tiens à le préciser, ce secteur ne souffre d'aucune réduction de moyens. Je me propose d'y affecter 301 millions d'euros en 2004, contre 294 millions en 2003. Ces crédits concernent les enseignements spécialisés dont le ministère de la culture a la responsabilité directe, mais également les programmes d'éducation artistique ou de soutien aux établissements d'enseignement à la charge des collectivités locales. Pour le seul secteur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la dotation affectée à l'éducation artistique et aux enseignements artistiques augmentera de 2,8 %, passant de 111,67 millions à 114,75 millions d'euros.
    Pardonnez-moi de passer directement de la diffusion culturelle à l'archéologie préventive. Sur ce point, je serai clair : la loi du 1er août 2003 sauve l'archéologie préventive...
    M. Patrick Bloche. Au contraire, elle l'enterre ! C'est scandaleux !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... que la loi du 17 janvier 2001 avait plombée.
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Absolument !
    M. Patrick Bloche. Vous avez tout fait pour cela !
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'était une mauvaise loi, une loi idéologique,...
    M. Michel Herbillon. Tout à fait.
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... qui a montré son caractère contre-productif au bout de quelques mois seulement.
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. C'est une faillite totale !
    M. le ministre de la culture et de la communication. En réformant la loi du 17 janvier 2001, les députés ont voté le sauvetage de l'archéologie préventive,...
    M. Patrick Bloche. C'est la chose la plus honteuse que vous ayez faite en dix-huit mois !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... qui avait été conduite, par naïveté et idéologie, dans une impasse totale.
    S'agissant de la lourde, de la grave question de l'intermittence, évoquée par MM. Bloche, Baguet, Dutoit, Pinte et Herbillon, la crise que nous avons vécue aura permis à tous les professionnels, artistes et techniciens concernés, de mieux prendre conscience d'un certain nombre de réalités. En effet, un certain flou était cultivé jusqu'à présent, qui conduisait à parler de « statut » pour un régime d'assurance chômage et à laisser croire que le financement de l'intermittence ne relèverait que de l'Etat, alors que ce sont les cotisations des salariés et des employeurs du secteur privé qui financent ce régime...
    M. Michel Françaix. Non, pas ça !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... comme ils financent tous les autres.
    M. Patrick Bloche. Toujours la politique de l'autruche !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il ne s'agit pas d'une sorte de bulle autofinancée, mais du résultat de la solidarité interprofessionnelle. C'est donc bien à l'ensemble des organisations représentatives des salariés et des employeurs de prendre toute décision concernant son avenir.
    En arrivant rue de Valois il y a un an et demi, je me suis rendu compte du caractère provisoire de la situation. Elle n'aurait pu durer toujours, parce que les partenaires sociaux n'y étaient plus disposés...
    M. Patrick Bloche. Le MEDEF !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Non, pas seulement le MEDEF, monsieur Bloche !
    M. Michel Françaix. Vous, peut-être !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Pas du tout, monsieur Françaix ! Ne polémiquons pas sur une affaire aussi grave, qui concerne la vie de nombreuses personnes.
    M. Patrick Bloche. Vous l'avez cherché !
    M. Michel Herbillon. Cela nous concerne tous !
    M. le ministre de la culture et de la communication. La volonté de certains partenaires sociaux était de dénoncer l'existence même des annexes 8 et 10.
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Exactement !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Toute l'action du Gouvernement a tendu vers la préservation d'un régime d'assurance chômage spécifique.
    M. Patrick Bloche. Dans quel état ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Pour les professionnels du spectacle et de l'audiovisuel, la menace était réelle.
    Nous ne pouvons pas, sans faire preuve d'irresponsabilité, nous désintéresser de la situation de l'UNEDIC. Il y a un mois et demi, elle était obligée d'emprunter entre 3 et 4 milliards d'euros sur le marché bancaire, pour être simplement en mesure de payer, à la fin du mois, leur prestation aux - hélas ! - trop nombreux chômeurs que compte notre pays. Peut-on, dès lors, lui demander de ne pas s'interroger sur l'équilibre de ses comptes ?
    Quel que soit notre attachement à l'existence d'un régime spécifique, peut-on rester indifférent au fait qu'il ne concerne qu'environ 100 000 personnes, tout en générant à lui seul le tiers du déficit total de l'UNEDIC, un organisme regroupant près de 3 millions de chômeurs ? Dans ces conditions, faudrait-il, par commodité, tenter d'interdire aux partenaires sociaux de prendre leur part de responsabilité ?
    M. Michel Françaix. Oh, alors ne pleurons plus sur les festivals qui n'ont pas lieu !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Voilà la question qui se pose à tout gouvernement : quelle est sa part de responsabilité ?
    M. Patrick Bloche. Cela fera 30 000 RMistes en plus ! Quel coût social !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Mais vous n'en savez rien, monsieur Bloche !
    M. Patrick Bloche. On n'en sait rien ? Mais si, et vous le savez encore mieux que nous !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Pour ma part, sur cette question grave, je considère que le ministre de la culture devait assumer sa responsabilité et ne pas faire ce qu'ont fait ses prédécesseurs, c'est-à-dire tenter de se débarrasser de la question, en mettant une nouvelle fois la poussière sous le tapis...
    M. Patrick Bloche. C'est faux !
    M. Michel Herbillon. Si, c'est la politique de l'autruche !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... en se disant que d'autres règleraient la question à sa place.
    M. Jacques Kossowski. C'était courageux !
    MM. Patrick Bloche et Michel Françaix. Vous ne l'avez pas réglée, en tout cas !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Par ailleurs, monsieur Françaix, dans notre pays, il faut que nous apprenions à ne pas bafouer la volonté des partenaires sociaux ! Il est sain que, dans la société française, des partenaires sociaux puissent prendre des dispositions concernant les affaires qui les concernent...
    M. Patrick Bloche. Le Gouvernement doit réagir !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... sans que le Gouvernement ne vienne interrompre le règlement conventionnel de certains dispositifs nécessaires au fonctionnement de notre société.
    M. Patrick Bloche. Pourquoi pas, si l'intérêt général est en jeu !
    M. le ministre de la culture et de la communication. J'ai pour ma part eu le sentiment de concourir de façon majeure à la préservation des annexes 8 et 10.
    M. Patrick Bloche. La méthode Coué !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Les partenaires sociaux ont pris des dispositions pour en aménager l'usage. Ces dispositions ne recueillent pas l'agrément d'un très grand nombre de professionnels du secteur, je le sais parfaitement.
    Le moment est donc venu d'inviter tous ceux qui ont la responsabilité de l'assurance chômage, c'est-à-dire l'UNEDIC elle-même en tant qu'organisation, les partenaires sociaux qui y siègent - cinq organisations des salariés et trois organisations d'employeurs - ainsi que les organisations professionnelles du secteur du spectacle vivant et de l'audiovisuel, à se retrouver et à travailler ensemble afin de redéfinir pour l'avenir de nouvelles normes. De toute façon, 2005 sera l'année de la renégociation globale de tous les accords de l'assurance chômage.
    M. Patrick Bloche. En somme, le pire est devant nous !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il convient d'imaginer de nouvelles dispositions et de mieux distinguer les différentes situations, par exemple entre le spectacle vivant et la production audiovisuelle, qui relèvent de deux types spécifiques d'économie, ou entre les salariés qui sont déjà dans le métier et ceux qui s'y engagent - jeunes musiciens, jeunes danseurs, jeunes interprètes. Ces derniers auront, en effet, plus de mal à réaliser, dans la même période, la même durée de travail, et donc à conquérir leurs droits à indemnisation dans des conditions égales. Enfin, il y a lieu de réfléchir à une meilleure distinction entre la situation des artistes, qui subissent certaines contraintes, et celle des techniciens, dont les métiers sont plus flexibles et organisés différemment.
    Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis. Exactement !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement et le ministère de la culture sont disponibles pour engager une telle réflexion et élaborer de nouvelles réformes. Nous rendrions ainsi service à l'ensemble des secteurs concernés. C'est ce que j'ai dit à plusieurs reprises, au cours des dernières semaines, lors d'interviews, notamment au Monde et à Libération. J'ai noté d'ailleurs avec beaucoup de satisfaction que mon prédécésseur rue de Valois, Mme Tasca, a dit hier soir exactement la même chose.
    M. Michel Françaix. Cela ne nous rassure pas nécessairement.
    M. Patrick Bloche. Aurait-elle soudain des vertus ?
    M. Michel Herbillon. Elle aurait mieux fait d'agir quand elle était ministre !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Nous pouvons donc nous retrouver sans esprit partisan afin d'élaborer une nouvelle règle du jeu. Je suis en tout cas totalement disponible pour y travailler.
    M. Michel Françaix. Il serait temps !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, j'y ai sans doute consacré beaucoup plus de temps que vous...
    M. Patrick Bloche. C'est votre rôle !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... et que mes prédécesseurs.
    M. Patrick Bloche. Avec quel résultat ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est en effet mon rôle, mais je vous rappelle, monsieur Françaix, que la question relève essentiellement de la responsabilité du ministre des affaires sociales : il est le correspondant de l'UNEDIC.
    M. Patrick Bloche. C'est de la faute à Fillon et aux partenaires sociaux. C'est de la faute aux autres !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Si la question des intermittents, monsieur Bloche, avait été réglée par mes prédécesseurs, nous ne l'aurions pas retrouvée dans un tel état de dégradation.
    M. Patrick Bloche. Une loi a été votée, non ?
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Laissez parler le ministre !
    M. le ministre de la culture et de la communication. S'agissant des conservatoires de musique, monsieur Pinte, je suis bien conscient du fait que l'enseignement de la musique dans notre pays est très largement redevable aux collectivités locales, notamment aux communes, qui ont la responsabilité d'une école de musique, d'un conservatoire et, à plus forte raison, d'un conservatoire national de région. Dans le dispositif actuel, l'Etat finance pleinement les consevatoires nationaux supérieurs d'art dramatique ou de musique, les écoles nationales supérieures d'arts plastiques ou la totalité du dispositif de l'enseignement de l'architecture, mais il est vrai que les collectivités locales jouent un rôle important pour le reste du réseau.
    Le projet de loi sur la décentralisation vise à clarifier la responsabilité des uns et des autres et à éviter que les communes, notamment les communes centres, dont les conservatoires rendent un service à des populations qui débordent très largement leurs limites territoriales, en assument seules le coût. Il faut que les autres collectivités deviennent plus largement solidaires de leur action, notamment en participant à la prise en charge des cycles d'enseignement supérieur qui se déroulent dans les conservatoires nationaux de région.
    Comme nous sommes tributaires d'une histoire, et que la situation résulte non d'une décision unique mais d'une accumulation d'initiatives empiriques, je ne crois pas que nous arriverons à une remise en cause globale, mais nous devons veiller à mieux organiser les responsabilités conjointes de l'Etat et des autres collectivités locales. Il est nécessaire que les départements et les régions concourent au côté des communes, en particulier des communes centres, au bon fonctionnement de ces structures essentielles à l'enseignement de la musique que sont les conservatoires nationaux de région.
    S'agissant de la fusion de VUP et de Hachette - c'est encore M. Herbillon qui m'a interrogé à ce sujet - je défends depuis l'annonce du rachat d'Editis, ex-pôle édition de Vivendi, ex-VUP, une position constante. L'opération est soumise au contrôle des autorités de concurrence européennes qui a pour objet de prévenir ses conséquences potentiellement négatives sur l'édition et surtout sur la distribution, tout en prenant en considération la logique industrielle. J'ai toujours indiqué, en effet, que la solution ne devait pas être exclusivement financière mais aussi industrielle, qu'elle devait reposer sur les savoir-faire professionnels et être compatible avec nos intérêts nationaux. En effet, rien ne serait pire qu'un démembrement de l'édition française ou une dispersion de sa responsabilité économique susceptible de conduire à son transfert dans des mains qui seraient hostiles à nos intérêts.
    C'est pourquoi le rapprochement entre Hachette et VUP m'était apparu comme la solution la moins mauvaise, et même la meilleure. On voit très bien aujourd'hui, si l'on examine la situation du groupe Le Moniteur, dont on a célébré avant-hier le centenaire, les inconvénients qu'il y a, pour un groupe de presse ou un groupe éditorial, à se retrouver régulièrement menacé d'une mise à l'encan sur le marché international, tout simplement parce qu'il a été acquis par un consortium financier.
    Les consortiums financiers achètent pour revendre et réaliser du profit. Ainsi, la rotation sur le marché de ces affaires devient extrêmement rapide, ce qui peut conduire, un jour, au démembrement pur et simple d'ensembles cohérents. Aujourd'hui, le groupe Le Moniteur est donc une nouvelle fois en vente, un an à peine après avoir été acquis par un consortium anglo-américain dont on ne sait pas ce qu'il va devenir. C'est pourquoi, quand se présente, dans le domaine de l'édition, de la presse ou des médias, une perspective de cession, je préfère veiller à ce que l'opération ait une conclusion qui préserve les intérêts nationaux et soit le fait d'acteurs alliant la capacité financière et la compétence industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.
    Nous commençons par les questions du groupe socialiste.
    La parole est à M. Patrick Bloche, pour poser une première question.
    M. Patrick Bloche. Avec cette première question, je vais revenir sur le conflit des intermittents, crise culturelle sans précédent. Certes, elle n'est pas apparue cette année, mais elle a pris récemment une acuité particulière.
    Après vous avoir écouté sur ce sujet avec attention, monsieur le ministre, comment ne pas vous avouer notre déception ? Vous vous êtes en effet borné à déclarer, en substance, que c'était la faute à vos prédécesseurs, la faute aux partenaires sociaux, la faute à Fillon ! Or, nous vous demandons simplement de prendre vos responsabilités de ministre de la culture de la France, et d'agir. Que vaut votre déclaration dans laquelle vous vous félicitiez d'avoir sauvé les annexes 8 et 10, quand un tiers de ceux qui étaient indemnisés au titre de ces annexes n'en bénéficieront plus au 1er janvier prochain ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Pas du tout !
    M. Patrick Bloche. Nous savons bien que le régime des intermittents est déficitaire, mais, avec les mesures arrêtées, ce dont on aura soulagé l'UNEDIC se retrouvera malheureusement, en termes de coût social, dans ce qui sera versé à des intermittents devenus RMistes, les dépenses du RMI étant d'ailleurs transférées de l'Etat vers les collectivités locales.
    Dans cette période transitoire où le mauvais accord du 26 juin ne s'applique pas encore, puisqu'il n'entrera en vigueur que le 1er janvier, nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi vous ne prenez pas des initiatives. Certes, il y aura les fameuses assises du spectacle vivant, mais, alors qu'elles devaient initialement être organisées d'abord dans les régions, il ne s'agira plus que d'une seule manifestation nationale en 2004. En tout état de cause, c'est maintenant qu'il faut répondre au malaise de ces artistes, de ces techniciens du spectacle vivant et, plus largement, de tous ceux qui s'intéressent à la culture, car ils s'interrogent sur leur statut et sur leur place dans la société. Vous devez vous adresser à eux et leur répondre quand ils vous interpellent.
    Pour préparer ce débat budgétaire, le groupe socialiste a reçu les syndicats concernés et la coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France. La CGT-spectacle nous a d'ailleurs remis un document intéressant sur les assises qu'elle prépare, de manière très ouverte. Surtout, la coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France a formalisé des contre-propositions, montrant qu'elle savait dépasser le stade de la protestation pour s'engager dans la construction. Le groupe socialiste pense, monsieur le ministre, que vous devriez vous saisir de ce document et le faire expertiser, évidemment par d'autres experts que ceux de l'UNEDIC, puis répondre aux propositions qu'il contient et qui nous semblent très intéressantes, car elles visent à réduire le déficit, mais dans une démarche d'égalité et de mutualisation.
    M. Michel Françaix. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député de Paris, d'abord je sais très bien que le déficit des annexes 8 et 10 est inévitable. Aucun d'entre nous n'imagine qu'une meilleure gestion ou un aménagement de l'assurance chômage des professionnels du spectacle pourrait conduire à un équilibre au sens comptable du terme. Le déficit est structurel. Il est consubstantiel à l'idée même que la solidarité sociale assume une part de responsabilité plus forte à l'égard de professionnels qui travaillent de façon discontinue pour des employeurs multiples et ont immanquablement tous recours à l'indemnisation à un moment ou à un autre de leur carrière.
    Actuellement, la part de responsabilité que nous devons assumer est forte. Il faut savoir récuser, sur un sujet aussi grave, les propositions, les attitudes, les propos démagogiques. Il faut aussi savoir rompre avec l'inaction puisque cette question n'a pas surgi dans l'espace du débat public l'été dernier. Chacun sait depuis plus de dix ans que les partenaires sociaux sont dans une impasse. Il faut donc rompre également avec l'incapacité à régler le problème, incapacité qui a notamment marqué la période 1997-2002.
    Monsieur le député, les initiatives n'ont pas été inexistantes. Le dialogue est permanent et je tiens à vous dire que, si vous dialoguez avec les intéressés, je le fais également. Je pense même avoir rencontré plus souvent les représentants de la CGT-spectacle que vous au cours de l'année écoulée. Malheureusement, il ne suffit pas de dialoguer pour tomber d'accord. Penser que le dialogue se conclut forcément par un accord sur tout est une vue de l'esprit.
    Mon action, dans ce domaine, est traduite dans les dispositions du budget et dans l'organisation d'un débat national déjà engagé et animé par M. Latarjet. Cela m'amène à rencontrer souvent les professionnels du spectacle et à constater que les points de vue sont beaucoup plus divers, beaucoup plus nuancés que ce qu'une polémique superficielle pourrait laisser croire.
    Nous devons également rompre avec cette effrayante facilité qui nous a conduits, au cours des dernières décennies, à consentir à ce que le spectacle vivant ne fasse que survivre dans une économie totalement factice. Qu'a-t-on fait, par exemple, pour imposer la règle du paiement des services de répétition ? Nulle part, à quelques exceptions près, les artistes et les techniciens ne sont payés pendant les services de répétition. Comment voulez-vous que ces professionnels puissent, dans des conditions dignes, dans le respect de leur travail, acquérir des droits à indemnisation pendant les périodes où ils ne travaillent pas ?
    On a aussi laissé prospérer une économie fausse en consentant à ce que le spectacle vivant soit systématiquement vendu en dessous du simple prix du plateau. Comment voulez-vous, dès lors, que ceux qui travaillent, comédiens et techniciens, soient correctement payés ?
    M. Michel Françaix. Nous sommes tous d'accord !
    M. Patrick Bloche. Il faut un budget à 2 % du budget national !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons pris des dispositions.
    M. Michel Françaix. Il faut une augmentation de 30 % du budget ou utiliser les ASSEDIC !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, c'est une mauvaise façon de voir les choses.
    M. Michel Françaix. Alors, il y aura 30 % de chômeurs en plus !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il appartient à chacun, dans le cadre des moyens qui lui sont alloués, de prendre des dispositions en faveur de la dignité du travail.
    M. Michel Françaix. Cela ne peut pas fonctionner !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Certains directeurs de théâtre se sont engagés dans cette voie. J'ai ainsi pu constater, cette semaine, que le directeur de la maison de la culture de Bourges avait décidé de faire une production de moins dans l'année, pour pouvoir payer convenablement les artistes et les techniciens travaillant sur les autres productions.
    M. Michel Françaix. C'est le citoyen qui sera perdant !
    M. Michel Herbillon. M. Françaix verse en permanence dans la quadrature du cercle !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, vous savez bien, chaque femme, chaque homme de ce pays sait bien que, à un certain moment, il faut arbitrer en fonction des moyens dont on dispose et opérer des choix. Malheureusement, vous êtes dans une philosophie qui implique le non-choix. Vous ne voulez jamais choisir ; vous ne voulez jamais assumer la moindre responsabilité.
    M. Michel Herbillon. Exactement !
    M. Michel Françaix. Notre choix, c'est la culture ! C'est une priorité !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cela étant, il est évidemment indispensable de soutenir, dans le même temps, la création et d'assurer la dignité du travail. A cet égard, je trouve monstrueux que, dans ce débat sur l'intermittence, on ait fini par considérer que la vocation des professionnels du spectacle et de l'audiovisuel était de devenir chômeurs.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Quand je vois un jeune se présenter en disant qu'il est intermittent du spectacle pour sous-entendre qu'il relève de l'assurance-chômage, je suis infiniment attristé.
    M. Patrick Bloche. C'est un discours populiste ! Le sujet mérite mieux !
    M. Michel Herbillon. Non, c'est un discours responsable et courageux !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je préfère que nous travaillions, les uns et les autres, au développement du travail artistique, du travail technique, plutôt que de continuer à faire de jeunes gens ou de jeunes filles qui se sont engagés dans cette vocation de perpétuels chômeurs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Françaix. Ils ne le ressentent pas comme cela !
    M. le ministre de la culture et de la communication. En tout cas, c'est dans cette direction que nous travaillons, et je vous assure que nous réussirons, avec l'ensemble des organisations responsables du secteur, quelque dépit que cela vous inspire.
    M. Patrick Bloche. Pas à nous, mais à ceux que nous représentons !
    M. le ministre de la culture et de la communication. A l'avenir, les gens du spectacle, les gens de l'audiovisuel...
    M. Michel Françaix. Ils auront compris !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... auront effectivement compris combien nous avons fait avancer cette affaire qui était dans une impasse, et de façon positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Françaix. Encore une illusion !
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour poser sa seconde question.
    M. Patrick Bloche. Pour vous dire merci, monsieur le ministre, encore faudrait-il que les intermittents puissent vous rencontrer. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Herbillon. Ne faites pas comme M. Migaud, monsieur Bloche !
    M. Patrick Bloche. Quel est le rapport avec notre excellent collègue Didier Migaud ?
    Mme la présidente. Monsieur Bloche, posez votre question.
    M. Patrick Bloche. Ma question risque de vous fâcher à nouveau, monsieur le ministre, et je vous prie de m'en excuser, puisqu'elle concerne l'archéologie.
    Vous savez que le groupe socialiste et même l'opposition tout entière considèrent que la loi d'août 2003 a demantelé le service public de l'archéologie, qui était pourtant une référence internationale, afin de satisfaire un objectif idéologique de concurrence dans le domaine des fouilles. Pourtant, cela ne correspondait à aucune réalité économique, cette loi n'ayant fait que créer un marché artificiel des fouilles dans notre pays. Bref, vous avez fait le même choix que Mme Thatcher en Grande-Bretagne, il y a quinze ans. Or chacun sait où en est aujourd'hui l'archéologie britannique. Par cette loi, vous avez sinistré ce secteur.
    Certes, comme le débat parlementaire l'a montré, nous ne considérons pas que la loi de janvier 2001 était parfaite.
    M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !
    M. Patrick Bloche. Néanmoins, là où il aurait fallu l'adapter en modifiant l'assiette et le taux du calcul de la redevance, vous avez préféré casser le service public de l'archéologie, notamment la chaîne scientifique, si précieuse, en ce domaine, entre le diagnostic, les fouilles et leur exploitation. En conséquence, nous assistons à une reprise en main de l'archéologie qui vise à limiter systématiquement le pouvoir de décision des scientifiques. Les effets en sont d'ores et déjà perceptibles, de nombreux chantiers de fouilles ayant été interrompus. Ainsi le préfet d'Ile-de-France a, depuis cet été, décidé d'annuler des arrêtés de diagnostic.
    Monsieur le ministre, ma question se réfère à un rapport qui a été rédigé par des inspecteurs généraux des finances et du ministère de la culture, et que nous critiquons fortement.
    Pourquoi, quand Yves Coppens met au jour en Afrique les restes d'un hominidé, s'agit-il d'une découverte scientifique, alors que quand, avec les mêmes méthodes, un archéologue de l'INRAP ou des services territoriaux d'archéologie découvre en France les restes osseux d'un homme préhistorique, cela ne constitue, selon ce rapport, qu'« un geste technique qui doit être assimilé à une activité de travaux publics dont l'objectif est de vider un terrain de ses nuisances » ? Cela signifie que cet acte est considéré comme une prestation devant être soumise aux lois du marché !
    Monsieur le ministre, il serait question de supprimer, au sein de votre ministère, la mission de la recherche et de la technologie, organisme qui est chargé de coordonner, à l'échelon national, les actions de recherche du ministère. Pourquoi, dans la foulée de cette loi sur l'archéologie, toute cette dimension de votre ministère est-elle en train de disparaître ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je suis au regret de devoir constater que vous ne reculez devant aucun effet de démagogie. Vous aimez faire peur à nos concitoyens, brandir des dangers et des menaces fictifs, jouer au loup-garou, employer des expressions terribles comme celle par laquelle vous nous accusez de vouloir « casser l'archéologie ». Je ne trouve pas cela convenable du tout.
    Je le répète : votre loi était mauvaise ; l'archéologie préventive était mal partie dans notre pays, mais notre majorité l'a sauvée.
    Le ministère de la culture accorde des moyens importants à la recherche archéologique et à la recherche scientifique. Nous avons, en particulier, mis en place un dispositif qui préserve, à toutes les étapes des fouilles, le rôle de l'Etat, donc les intérêts culturels de la collectivité. L'Etat prescrit ; l'Etat contrôle. Nous sommes cependant dans un pays où l'on doit pouvoir imaginer que des services relevant de collectivités locales ou même des opérateurs privés concourent à la mise en oeuvre de missions d'intérêt général. C'est une question de philosophie. A cet égard, nous n'avons pas la même façon de voir les choses. Vous êtes tout simplement des archaïques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Nous en venons au groupe UDF.
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais parler du cinéma.
    Comme le soulignait Henry Chapier, dans un quotidien du soir, « le cinéma fait toujours rêver ». Il poursuivait en qualifiant le mystère qui entoure le Septième art de rencontre entre l'univers de l'auteur réalisateur, de l'imaginaire et de la sensibilité du spectateur lui-même. Cette merveilleuse rencontre, chaque Français la mérite.
    L'Etat devrait donc, en association avec les collectivités locales, assurer un égal accès à cet art sur l'ensemble du territoire. En effet, nous avons tous observé, avec regret, la fermeture de nombreuses salles de cinéma, ville après ville, quartier après quartier, ainsi que la désertion dans les zones rurales. Elu parisien, je constate avec tristesse que, dans ma circonscription, il ne reste plus qu'une seule salle de cinéma, rue de Passy, alors que toutes les autres, avenue Paul-Doumer, avenue Victor-Hugo ont fermé. Il ne reste donc plus à nos concitoyens que la possibilité de se rendre très loin sur les Champs-Elysées ou ailleurs, ce qui n'est pas très commode.
    Quelle place notre société accorde t-elle à cet art dont nous savons tous qu'il s'agit d'un secteur en crise et dont les réseaux de distribution sont de plus en plus concentrés et semblent obéir à la seule loi du marché ? Comment favoriser le retour à la proximité entre le cinéma et les Français ? Comment retrouver l'atmospère des salles de projection d'antan, lieux de convivialité et de mixité sociale ?
    Enfin, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de mon attachement et de celui des amoureux du cinéma à la cinémathèque du Palais de Chaillot.
    Vous poursuivez, nous le savons, le projet initié en 1998 par votre prédécesseur, qui prévoit une cinémathèque et la Bibliothèque du film, au 51, rue de Bercy, dans les locaux de l'ancien American Center. Toutefois, la salle du Palais de Chaillot, offerte au début des années soixante par André Malraux à Henri Langlois, dont je salue ici la mémoire, car je l'ai connu et j'en suis honoré, est chargée d'histoire. Ce lieu mythique a accueilli les plus grandes personnalités de l'histoire du cinéma ; je n'en citerai que quelques-unes : Charlie Chaplin, Hitchcock, Akira Kurosawa, Orson Welles. Ce lieu symbolique dans l'histoire du cinéma français ne mérite-t-il pas davantage que la place que lui réserve le projet que vous avez repris ? Au-delà de la projection des oeuvres autour du thème de l'architecture qu'on lui prédestine, il me semblerait judicieux qu'il perpétue son rôle de témoin, qu'il poursuive ses activités pédagogiques d'enseignement cinématographique pour les générations nouvelles.
    J'ajoute que les travaux qui ont commencé dans le Palais de Chaillot gênent depuis déjà cinq ans l'activité de la cinémathèque qui ne fonctionne plus, en conséquence, que le soir et le week-end. Je souhaiterais que cette institution conserve toujours une activité.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    Mme  la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez évoqué Henri Langlois et André Malraux. Vous savez que leurs relations ont été très mauvaises, ces deux fortes personnalités s'opposant de façon souvent très vive.
    J'ai, pour ma part, la satisfaction d'avoir su conclure cinquante ans de relations tendues entre la cinémathèque française et l'Etat. Cette relation était mal assurée car bâtie sur des bases incertaines : la cinémathèque récusait ce qu'elle estimait être des tentatives de mainmise de l'Etat sur son identité et son indépendance, alors qu'elle relève quasi totalement pour son fonctionnement des subventions du même Etat.
    La cinémathèque française a été laissée pendant plus de dix ans dans l'incertitude quant à son sort. Plusieurs projets de déménagement avaient été envisagés, dont une installation au palais de Tokyo. Les travaux avaient même été engagés. Dans les quasi-ruines du palais de Tokyo, on peut voir aujourd'hui deux salles entièrement réalisées prêtes à fonctionner, mais qui n'ont jamais été occupées par la cinémathèque. Puis on a changé d'avis. L'Etat, à grands frais, a acheté le 51, rue de Bercy, pour y installer la cinémathèque française.
    Il fallait mettre un peu de cohérence dans tout cela. L'action publique ne peut être livrée à de tels atermoiements, coûteux pour la collectivité nationale. Après avoir consulté tout le monde, j'ai décidé de stabiliser le schéma. L'Etat avait acheté le 51, rue de Bercy, et avait déjà engagé pour plusieurs dizaines de millions de travaux. Il fallait, par bon sens, aller jusqu'au bout du processus et consacrer l'installation de la cinémathèque française dans ce bâtiment. Ce sera fait l'année prochaine.
    Dans le même temps, il fallait également réviser, ajuster, adapter les statuts de la cinémathèque française et définir les modalités d'une relation saine avec l'Etat. Le proccessus a été très complexe. Il a abouti. La cinémathèque française est dotée de nouveaux statuts et d'un nouveau conseil d'administration, présidé par Claude Berri. L'Etat a tous les moyens d'exercer son contrôle, notamment financier. Les choses sont totalement apaisées.
    Dans ces conditions, plutôt que d'honorer des cendres éteintes en conservant à la cinémathèque française une sorte de vitrine au palais de Chaillot, mieux vaut lui confier le soin d'animer, et de bien animer, le site du 51, rue de Bercy.
    Par ailleurs, vous le savez, il a été proposé d'installer dans le palais de Chaillot la cité de l'architecture et du patrimoine. Là aussi, plutôt que de faire une institution à moitié bien faite ne maîtrisant pas l'ensemble du périmètre immobilier de ce bâtiment, autant lui donner la pleine responsabilité de l'animation du site autour des thèmes du patrimoine et de l'architecture. Après des années et des années de décisions incohérentes, la cohérence de l'action du ministère de la culture y gagnera en visibilité, en efficacité et, également, en utilité pour le public.
    Je répondrai maintenant sur le réseau des salles de cinéma. C'est vraiment une priorité pour le Centre national de la cinématographie que de soutenir, dans l'espace urbain comme dans l'espace rural, dans les grandes villes comme dans les petites et jusque dans les campagnes, un réseau très diversifié de salles indépendantes afin que la diversité de la production cinématographique puisse être mise à la disposition, le plus largement, de l'ensemble de nos concitoyens.
    Au milieu des années 90, le 16e arrondissement ne comptait plus aucune salle de cinéma. Le Majestic Passy a ouvert en 1995, grâce à un soutien très fort des pouvoirs publics, du ministère de la culture, du Centre national de la cinématographie. On peut se féliciter que ce cinéma offre trois salles, d'ailleurs très appréciées, aux habitants de cet important quartier de Paris.
    De manière plus générale, les salles parisiennes bénéficient de l'aide aux salles à programmation difficile face à la concurrence. Il s'agit d'un programme spécifique du Centre national de la cinématographie. Un budget de 1,8 million d'euros y est consacré et il a pour but d'aider les salles qui, face à la concurrence, diffusent une programmation difficile, à maintenir une véritable diversité sur un marché qui, du fait de la concentration à la fois de la distribution et de la diffusion, pourrait être saturé par les mêmes productions, spontanément sollicitées par le public.
    Il s'agit bien d'un engagement du ministère de la culture. Il se traduit par une aide à l'investissement, par une aide au fonctionnement ou à la modernisation. En tout cas, soyez-en assurés, cet engagement ne connaîtra aucune défaillance, aucun tassement, aucune remise en cause.
    Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous voulons achever l'examen de ce budget ce matin, il serait bon que les députés qui posent les questions et le ministre qui y répond respectent les temps qui leur sont impartis.
    La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour poser sa première question.
    M. Frédéric Dutoit. Je vais essayer d'accéder à votre demande, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, vous comprendrez que j'enfonce le clou sur la question des intermittents du spectacle.
    Je suis d'accord avec vous sur un point, à savoir que le précédent gouvernement et la précédente majorité auraient pu et auraient dû commencer à réfléchir très sérieusement à la façon de traiter ce problème. Cela ne légitime pas pour autant l'attitude du Gouvernement actuel.
    Si je comprends bien, vous avez décidé d'engager prochainement un débat national. Pour que celui-ci aboutisse sur une bonne et vraie politique culturelle, il serait nécessaire que l'ensemble des partenaires concernés y soient associés. Or, en signant un accord le 26 juin avec des organisations syndicales minoritaires, le MEDEF a mis le feu aux poudres. Je ne comprends donc pas pourquoi M. Fillon - avec lequel, je pense, vous êtes solidaire, monsieur le ministre - a validé cet accord le 8 août.
    Nous avons une conception différente et fondamentalement antagonique de la manière dont doivent être gérés les comptes de l'UNEDIC. Il faudrait savoir d'ailleurs si nous souhaitons que la culture soit un travail de solidarité nationale ou simplement une question d'équilibre des comptes. C'est un débat de fond, qu'il serait bon que nous ayons. D'ailleurs, j'aimerais savoir si l'augmentation de 3,1 % dont bénéficient les crédits consacrés au spectacle vivant dans votre budget va être consacrée à financer les postes de travail des intermittents du spectacle qui vont se retrouver à la rue et qui seront entre 25 000 et 40 000 ? Je ne le pense pas. En tout cas ce ne serait pas forcément de bonne politique. Je vous invite donc, monsieur le ministre, à revenir sur cette position, et j'aimerais que vous puissiez me donner l'assurance que l'accord passé avec des organisations minoritaires, qui ne représentent que très peu de professionnels, y compris dans le milieu patronal, ne sera pas appliqué à partir du 1er janvier. Peut-être pourrons-nous, à partir de là, travailler tous ensemble à un véritable débat sur les questions de la culture.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Dutoit, comme je vous l'ai déjà indiqué, la crise que nous avons vécue aura permis à chacun de mieux comprendre qu'il fallait que cesse le temps de la confusion entre ce qui relève de la solidarité publique - notamment la solidarité nationale - et de la solidarité sociale.
    Pour le spectacle vivant comme pour tous les domaines de la culture, la solidarité nationale s'exprime par les moyens que l'Etat engage en faveur de ce secteur. Le spectacle représente, je vous l'ai dit, le principal poste de dépenses du ministère de la culture, l'ensemble des crédits d'intervention réservés au théâtre, à la musique, à la danse et, de façon générale, au spectacle dépassant 740 millions d'euros. Ce poste d'engagement a bénéficié d'une croissance en 2003, et en bénéficiera encore en 2004. Voilà bien l'expression de l'engagement de la nation en faveur de ce secteur.
    On ne peut pas confondre cette forme de solidarité avec la solidarité sociale qui, elle, appartient aux partenaires sociaux, salariés et employeurs de France. Cette solidarité sociale est mise en oeuvre par l'UNEDIC. Selon la tradition de notre pays, il appartient, certes, au Gouvernement d'encadrer, en les agréant une fois conclus, les accords de l'UNEDIC. Mais il ne peut pas méconnaître systématiquement la volonté des partenaires sociaux, surtout quand cette volonté ne tend pas à remettre en cause l'existence du régime spécifique de protection sociale - régime dont la France est, d'ailleurs, le seul pays au monde à bénéficier, et je m'en félicite.
    M. Frédéric Dutoit. Tant mieux !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Comme vous, je dis : « Tant mieux ! » On ne peut, cependant, pas méconnaître le droit des partenaires sociaux, quand ils sont confrontés au déficit de l'organisation qu'ils gèrent, de s'interroger sur les moyens de le réduire.
    Les accords du 26 juin, modifiés à ma demande le 8 juillet, ne remettent pas en cause l'existence d'un régime spécifique, mais en modulent les modalités de mise en oeuvre. J'ai déjà dit que je ne considère pas que ces accords constituent un terminus. Nous devrons encore travailler pour concevoir et définir pour l'avenir un régime plus satisfaisant, qui prenne en compte, notamment, les spécificités des différents secteurs et la situation particulière des différentes catégories de salariés du secteur, notamment celle des jeunes artistes.
    Je suis disponible pour ce débat et cette réflexion, et je m'y applique d'ailleurs quotidiennement en rencontrant les professionnels de ces secteurs. Le fil, n'en déplaise à M. Bloche, n'est pas rompu, et je n'ai, en tout cas, pas besoin de ses bons conseils pour être en mesure de travailler quotidiennement avec les uns et les autres.
    M. Frédéric Dutoit. Je n'ai rien dit de tel !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je ne dis pas cela pour vous, monsieur Dutoit !
    J'ai bon espoir que nous parviendrons à définir une formule qui recevra l'agrément de l'ensemble des parties réellement concernées par cette question.
    Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour poser sa seconde question.
    M. Frédéric Dutoit. Un dernier mot sur le sujet précédent : monsieur le ministre, répondez favorablement à la proposition de M. Pinte !
    Monsieur le ministre, je souhaite, par cette seconde question, appeler votre attention sur la précarité de l'exception culturelle française en matière d'édition musicale. Comme beaucoup de Français et comme beaucoup de collègues députés, je suis frappé par la place minimaliste réservée aujourd'hui à la chanson française qui accorde la primauté aux textes et aux musiques qui les accompagnent. Très peu d'artistes bénéficient du système actuel ou, comme dit Jean Ferrat, de la « concentration extraordinaire qui existe dans le domaine de la production culturelle, laquelle conduit à une alliance entre les industries du disque et les grands groupes de communication et les grandes chaînes télévisées, c'est-à-dire des pourcentages qu'ils se réservent l'un l'autre sur les disques et les produits dérivés ».
    De nos jours, l'immense majorité de ces « chanteurs à texte » vit dans l'incertitude, voire vivote. Il y a même, dans la France du XXIe siècle, des artistes reconnus contraints de « passer au chapeau ».
    Cela pour dire, monsieur le ministre, qu'il y a urgence à réclamer avec insistance auprès des grandes chaînes, notamment les chaînes publiques, un plus grand respect de la diversité culturelle française - cette exigence devrait être marquée plus fort dans la charte qui nous lie avec les chaînes publiques - et un meilleur accès à l'antenne des auteurs, compositeurs et interprètes qui y ont de moins en moins accès.
    Il est temps d'avoir une autre ambition pour l'expression des talents, de ne pas inféoder la culture et les gens de culture aux diktats de la marchandisation de la création, à cette « loi du marché sans frein » que dénoncent toute une série d'auteurs et de compositeurs.
    Monsieur le ministre, serait-il possible, dans le cadre de ce débat budgétaire, d'inciter plus fortement non seulement les chaînes publiques, mais également les chaînes privées, à accueillir ces chanteurs afin qu'ils puissent trouver une expression et, donc, vivre, dans de meilleures conditions ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je suis bien conscient du fait que l'existence et le renouvellement des générations de chanteurs sont une formidable chance pour notre pays. Nous avons des artistes de très grand talent. Il n'est que de citer les noms de Bénabar, Vincent Delerm, Thomas Fersen, Carla Bruni. La France s'honore de chanteurs de très grande qualité. La question est de savoir comment ces chanteurs accéderont à la diffusion de leur travail et de leurs créations, à la fois dans les réseaux du spectacle vivant, à la radio et à la télévision.
    S'agissant des réseaux du spectacle vivant, notre travail, je dirais quotidien, est de faire en sorte qu'à travers le réseau de nos scènes subventionnées, les SMAC - scènes de musique actuelle -, par exemple, ces chanteurs puissent, quand ils ne relèvent pas des lois lourdes du marché de la variété et de la chanson, accéder à la diffusion. C'est la raison pour laquelle, nous nous sommes engagés dans un soutien sans faille au Centre national de la variété, et que nous soutenons également le projet de hall de la chanson.
    S'agissant de la radio, j'ai récemment fait aboutir la signature d'une convention, dont je vous fournirai d'ailleurs le texte, entre les producteurs et éditeurs de disques et les éditeurs de programmes radiophoniques, convention qui dispose en faveur de la diversité musicale.
    Plutôt que de tenter de régler les choses à coup de décrets, j'ai préféré mettre tout le monde autour d'une table afin d'arriver à la signature d'un accord. Nous avons réuni au ministère de la culture un groupe de professionnels sur le thème de la diversité radiophonique, animé par M. Eric Baptiste. Ce groupe de travail a abouti à un premier résultat : la signature d'une convention, qui engage et oblige toutes les parties. Nous sommes en train de faire la même chose pour la télévision. J'ai constitué un groupe identique, animé par Mme Véronique Cayla, directrice du festival de Cannes. Elle connaît très bien le secteur. Elle a d'ailleurs été membre du conseil supérieur de l'audiovisuel. J'espère que nous aboutirons à un résultat identique et que, demain, la variété française, notamment dans sa jeune expression, trouvera sur les antennes de nos chaînes de télévision une expression plus large, plus généreuse. Celle-ci est attendue par le public.
    Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.
    M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le ministre, en janvier dernier, la ville de Metz et le Centre Georges-Pompidou ont annoncé, en accord avec vous, leur décision d'implanter dans cette ville la première antenne décentralisée de ce centre. C'est une expérience inédite, qui permet de doter une région d'un atout culturel d'importance, tout en permettant une plus grande proximité de la culture, de sa diffusion et des actions de formation. Je souhaite, pour ma part, doter la ville de Châlons-en-Champagne d'une antenne décentralisée du musée du Louvre.
    Ces antennes offriront à nos concitoyens, dans différentes villes de province, un accès permanent à des richesses nationales. Ce sera un aspect très perceptible de la déconcentration - ou de la décentralisation ; je ne sais quel mot employer.
    Comment ne pas être interpellé par les trésors que recèlent les réserves de nos musées nationaux, lesquels ne peuvent hélas pas tout exposer ? Aussi, et en tant que membre du haut conseil des musées de France, je m'interroge et vous interroge : ne serait-il pas possible de répartir les richesses des réserves muséales à des villes qui souhaitent promouvoir la culture et notamment les villes moyennes ? Cela développerait leur attrait culturel et touristique de manière indéniable et constituerait un renforcement des expositions du patrimoine historique et artistique de notre pays.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Vous avez tout à fait raison, monsieur le député, et votre souhait rencontre mes propres voeux et mon propre engagement. Je l'ai souvent dit. Pour ma part, j'estime que les établissements nationaux s'inscriront de façon définitivement légitime dans le paysage culturel de notre pays quand chacun d'entre eux aura pris la résolution de s'engager au moins dans un projet de création d'une antenne permanente de son activité dans telle ou telle région de notre pays.
    C'est dans cet esprit que j'avais engagé, avant même d'être ministre - j'étais encore président du Centre Pompidou -, le projet de création d'une antenne permanente du Centre Pompidou. Parmi toutes les propositions qui se sont présentées, c'est celle de la ville de Metz qui a suscité le plus d'enthousiasme et c'est donc à Metz que l'antenne a été installée. Le Louvre, le musée d'Orsay et les autres musées nationaux travaillent à des projets identiques.
    Je sais qu'un projet est en cours d'examen concernant la ville dont vous êtes maire, Châlons-en-Champagne. Celui-ci vise à utiliser, pour la présentation de certains pans des réserves du musée du Louvre, une caserne désaffectée, la caserne Chanzy. Sachez que j'appuie totalement ce projet.
    Si demain nous arrivions à décrire un autre paysage culturel de la France où le national ne serait plus seulement à Paris mais réellement présent sur tout le territoire, nous aurions bien oeuvré à la fois pour le développement culturel et pour l'unité de la nation.
    M. Jacques Kossowski. Bravo !
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Aurillac.
    Mme Martine Aurillac. En prélude aux Journées du patrimoine, vous avez, monsieur le ministre, présenté, en conseil des ministres, le 17 septembre dernier, un plan national destiné à améliorer la conservation et la mise en valeur des monuments historiques et des édifices protégés, secteur qui n'avait pas été particulièrement gâté par le précédent gouvernement.
    Ce plan comprend quatre grands axes : un soutien aux propriétaires privés, qui possèdent 50 % des édifices protégés, une simplification des procédures en matière de protection et de travaux sur les monuments historiques, une meilleure intervention des collectivités locales grâce aux mesures de décentralisation et une sensibilisation du public, notamment des jeunes, à la conservation de notre patrimoine.
    Il implique bien sûr un effort budgétaire durable concernant tous les monuments historiques sur l'ensemble du territoire.
    En 2004, en effet, et malgré les restrictions budgétaires auxquelles vous vous êtes plié, 20 millions d'euros de crédits supplémentaires vont être dégagés pour la restauration des monuments en région, conformément à la priorité affichée le 17 septembre dernier, vous l'avez confirmé tout à l'heure lors de la présentation de ce très bon budget.
    Pouvez-vous détailler les premières mesures de l'effort financier que vous engagez cette année, permettant ainsi d'améliorer la santé de nos monuments qui, outre leur valeur propre, participent aussi à l'attractivité touristique de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, en arrivant rue de Valois, j'ai demandé au directeur du patrimoine et de l'architecture de m'établir un « bilan sanitaire » des monuments historiques de notre pays. Cette étude, qui m'a été remise après quelques mois de travail, m'a conduit à constater qu'une grande partie de notre patrimoine historique était dans un état de très grave dégradation. Cela tient parfois au manque de conviction à l'égard de cette priorité de la politique culturelle, mais aussi à des questions d'organisation de l'action publique dans ce secteur : en matière de maîtrise d'ouvrage et d'organisation de la maîtrise d'oeuvre, nous ne sommes pas des plus efficaces.
    C'est la raison pour laquelle, dans la communication que j'ai faite, le 17 septembre dernier, sur la politique du ministère en faveur du patrimoine, j'ai proposé que nous fassions évoluer de façon radicale le traitement de ces questions. A l'avenir, par exemple, la maîtrise d'ouvrage pourra systématiquement être exercée par les propriétaires des monuments, qu'ils soient publics ou privés, quand ils en ont naturellement la capacité. Cela évitera l'engorgement des services de l'Etat.
    S'agissant du traitement des monuments dont la situation est la plus préoccupante, j'ai souhaité que soit élaboré un plan national pour le patrimoine, qui bénéficie de moyens renforcés. D'où l'augmentation de 10 % de la dotation affectée à la restauration des monuments historiques et l'élaboration d'un plan de première intervention qui concernera, entre autres, des cathédrales : celle de Beauvais...
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... et celles de Strasbourg, de Chartres, de Reims, de Bourges. Celle de Beauvais étant, vous le savez, monsieur le député, quasiment menacée depuis sa construction, puisque nos ancêtres ont voulu réaliser une prouesse d'architecture qui n'a que très difficilement résisté aux lois de la pesanteur.
    L'espace parisien n'est pas oublié. J'ai notamment à coeur que le Panthéon, qui est dans un état lamentable, puisqu'il menace tout simplement de s'effondrer, soit restauré. Cet édifice, lui aussi, était extrêmement fragile dès sa construction. Il conviendrait de le débarrasser des filets de protection qui, actuellement, protègent les visiteurs d'éventuelles chutes de pierres. Redonnons un peu de dignité et de beauté à notre Panthéon national. Par-delà l'inhumation de grands hommes, et de grandes femmes - les grandes femmes que la nation honore y étant trop peu nombreuses -, peut-être pourrait-on y installer des monuments dédiés au souvenir de grands artistes ou de grandes personnalités, dont on rappellerait ainsi le nom aux visiteurs. Ce serait une véritable invitation à la réflexion sur l'histoire nationale sans que les cendres de ces personnalités y soient systématiquement transférées.
    Westminster offre aux visiteurs un tableau de l'histoire de la nation anglaise. Le Panthéon pourrait, sur le même modèle, nous offrir un large paysage de ce qu'a été et est l'histoire de notre pays. Le Panthéon figure parmi les monuments qui seront traités en priorité.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à Mme Juliana Rimane.
    Mme Juliana Rimane. Les Français de métropole et d'outre-mer ont la chance de posséder un patrimoine artistique et culturel considérable. Conscient de cette richesse inestimable, vous avez non seulement voulu la préserver mais aussi la valoriser en mettant en place un plan national en faveur du patrimoine. En effet, plus de 20 % des édifices classés sont en péril, sans compter des monuments non classés mais d'un intérêt historique et culturel évident. Pour réaliser ce plan, vous avez obtenu des moyens budgétaires adaptés, on ne peut que s'en féliciter.
    En Guyane, l'état du patrimoine est préoccupant. De nombreux sites, bâtiments et monuments à caractère culturel et historique sont mal entretenus et fort peu valorisés par manque de moyens. Leur dégradation est accélérée par les effets du climat chaud et humide de cette région équatoriale. Si rien n'est entrepris à brève échéance, il est à craindre que certains éléments de ce patrimoine soient gravement, et durablement, endommagés. Il en est ainsi du camp de détention de Counamama où les opposants politiques et religieux à la Révolution de 1789, dont les prêtres réfractaires, ont été déportés. Il en est de même de la commune de Mana, à travers l'oeuvre culturelle d'Anne-Marie Javouhey, des sites de l'Acarouani, lieux d'accueil des lépreux dans le courant du 19e siècle ou des nombreux vestiges laissés par les Amérindiens, notamment « les roches gravées ».
    La restauration et l'entretien de ces sites et monuments non seulement répondent à un devoir de mémoire, mais présentent un grand intérêt pour le tourisme, secteur d'activités en plein développement. De même, la mise en valeur du patrimoine vivant des peuples premiers permettrait aux touristes et aux Guyanais eux-mêmes de mieux connaître l'histoire et la culture de la Guyane. A l'instar de ce qui a été fait en Nouvelle-Calédonie pour promouvoir la culture mélanésienne, ne pourrait-on pas envisager la création d'un centre ?
    Monsieur le ministre, quels moyens comptez-vous réserver à l'outre-mer en général et à la Guyane en particulier dans votre plan national de préservation et de valorisation du patrimoine ? Et quelles mesures entendez-vous prendre pour renforcer significativement vos services chargés de mettre en oeuvre votre politique culturelle en Guyane compte tenu de l'immensité du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, l'outre-mer ne sera pas absent du plan national pour le patrimoine. Je souhaite, et j'ai d'ailleurs eu récemment l'occasion de vous le rappeler, que nous prenions en compte la totalité du patrimoine de nos territoires ultramarins, notamment les langues. Lors des assises des langues de France que nous avons réunies récemment, j'ai beaucoup insisté sur la nécessité pour la République d'être plus attentive à la défense, à la préservation, voire au sauvetage de ces éléments de notre patrimoine culturel partagé que sont les « langues de France ».
    Pour les monuments historiques, je vous informe qu'une enveloppe de 3,5 millions d'euros environ de crédits déconcentrés a été consacrée cette année au patrimoine des départements et territoires d'outre-mer, dont 750 000 euros pour la Guyane. En Guyane même, d'importants travaux ont été effectués sur le camp de transportation à Saint-Laurent-du-Maroni et un nouveau programme est envisagé sur le même site. L'hôpital Jean-Martial à Cayenne, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, devrait également bénéficier d'un projet de restauration complète qui comporte un équipement culturel régional avec notamment un musée des cultures guyanaises. J'espère que ce centre culturel permettra enfin de présenter, à la fois aux visiteurs et à nos concitoyens de Guyane, tous les aspects de l'histoire et du patrimoine de ce territoire.
    Vous avez raison de le rappeler, il faut également valoriser l'héritage des populations antérieures, en particulier des peuples précolombiens, qui ont souvent été brutalisés de façon épouvantable à l'arrivée des Européens. Cette mémoire des peuples, Caraïbes dans certains endroits, des peuples arawaks et des peuples indiens ailleurs, fait partie intégrante de notre culture partagée.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
    M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le ministre, lors de votre visite à Chambord, le 22 août dernier, vous avez annoncé la création prochaine d'un établissement public chargé de la gestion du domaine national de Chambord. Cette réforme nous conduit à vous demander de préciser plusieurs points.
    Premièrement, les ressources dont disposera le domaine de Chambord seront-elles modifiées qu'il s'agisse de leur montant ou de leur origine ? Et comment sera-t-il assuré de les conserver à leur niveau actuel ?
    Deuxièmement, quelles garanties seront données aux personnels de statuts très diversifiés pour que l'harmonisation des situations soit réalisée par le haut ?
    Troisièmement, quel impact le statut d'établissement public aura-t-il sur les relations entre le domaine de Chambord, la commune de Chambord, et les autres collectivités territoriales ?
    Quatrièmement, l'accès et la traversée du domaine de Chambord seront-ils modifiés pour les habitants de Chambord et des communes environnantes ?
    Enfin, le Gouvernement confirme-t-il son intention de faire en sorte que l'établissement public soit opérationnel avant le 31 décembre 2004 ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, un établissement public unique est appelé à se substituer, sur le site de Chambord, aux trois établissements publics et aux six administrations qui prennent part à sa gestion et à son animation. L'établissement public a vocation à reprendre la plus grande partie des missions exercées par ces entités.
    Le principe qui doit prévaloir est celui de la neutralité budgétaire, l'ensemble des moyens budgétaires et des ressources humaines correspondant aux compétences reprises par l'établissement public devant lui être transféré. Des dispositions du projet de loi garantissent aux agents affectés sur ce site que leur intégration au nouvel établissement se fera dans des conditions qui leur seront favorables. C'est ce que j'ai indiqué récemment aux agents du centre des monuments nationaux qui travaillent sur le site du château de Chambord. Le dispositif législatif retenu se fonde sur un transfert intuitu personae des personnels actuellement en fonction à Chambord, dans des conditions statutaires d'emploi inchangées. Il prévoit, en effet, que les agents contractuels conserveront le bénéfice des stipulations de leur contrat antérieur, et que les agents titulaires seront placés dans une position conforme aux dispositions législatives et réglementaires dont ils relèvent. Les agents concernés seront, à leur demande, soit détachés, soit mis à la disposition du nouvel établissement public.
    Les compétences des collectivités ne seront en rien affectées par le projet. Le maire de Chambord reste le maire de Chambord ! L'établissement public permettra une simplification et une amplification des relations entre le domaine et les collectivités territoriales, qui seront membres de son conseil d'administration.
    Par ailleurs, la création de l'établissement public n'entraînera aucun changement pour la traversée et l'accès au domaine. J'ai pu me rendre compte, en me rendant à Chambord, à quel point cette question était sensible, puisqu'elle m'a été posée de tous côtés.
    Le projet de loi prévoit que l'établissement prend effet au 1er janvier 2005. Ce délai permettra l'examen de l'ensemble des dispositions à mettre en oeuvre afin de s'assurer de sa bonne marche. Quoi qu'il en soit, c'est, je l'espère, dans les prochaines semaines, que sera désigné le nouveau commissaire de Chambord, qui aura naturellement vocation à mettre en oeuvre l'établissement public.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Juliana Rimane, pour la dernière question.
    Mme Juliana Rimane. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à faire l'apologie de la lecture pour les petits comme pour les grands, et à rendre le livre accessible à tous, en favorisant le développement des bibliothèques. Je ne peux évidemment que souscrire à cette heureuse initiative.
    Je souhaiterais néanmoins appeler votre attention sur la situation particulière de la Guyane dans ce domaine. Actuellement, toutes les communes ne possèdent pas encore de bibliothèques. C'est notamment le cas des petites communes de l'intérieur, dont les ressources budgétaires sont trop souvent insuffisantes pour réaliser de tels équipements. Pour celles qui ont réussi, au prix de bien des efforts, à construire ces locaux, l'acquisition des livres et les dépenses de fonctionnement constituent des défis qu'elles ne sont pas réellement en mesure de relever.
    Or il faut rappeler que dans ces communes de l'intérieur, souvent isolées et enclavées, parfois privées d'électricité, donc de télévision, ainsi que de librairies, la lecture reste pour les populations le seul moyen de culture et de communication avec l'extérieur. Il faut également souligner que, dans ces zones déshéritées, l'échec scolaire et l'illettrisme sont importants, et que le fait de favoriser le contact des enfants au livre, en leur donnant le goût de la lecture dès le plus jeune âge, permet de lutter efficacement contre ces désastres. Voir des adultes lire constitue par ailleurs un bel exemple pour ces enfants.
    La marquise de Sévigné ne dit-elle pas, dans sa lettre du 30 septembre 1661, que « sans la consolation de la lecture, nous mourrions d'ennui présentement » ? Elle ajoute un peu plus tard, que « la lecture apprend aussi, ce me semble, à écrire ».
    Sa vision, pour le moins prémonitoire, ne constitue-t-elle pas, aujourd'hui encore, un précieux message pour lutter contre le redoutable fléau de l'illettrisme ?
    Je vous demande donc, monsieur le ministre, de m'indiquer les mesures que vous comptez prendre, à titre exceptionnel, pour aider les communes d'outre-mer, en particulier celles de Guyane, qui sont confrontées à ces insurmontables difficultés ? Ma demande, vous le savez, ne concerne pas seulement les communes qui ne possèdent pas encore de bibliothèques, mais également celles qui ont impérativement besoin d'un minimum de moyens tant en personnel qu'en fonctionnement, et même de livres pour alimenter leur fonds.
    Je vous rappelle que les bibliothécaires font tout pour donner le goût du livre et de la lecture.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, le livre, c'est vrai, est le moyen d'accès au savoir, à la connaissance et à la culture le plus universel, le plus efficace et le plus mobilisable dans des régions où le spectacle vivant accédera très difficilement, compte tenu des conditions de sa production et de sa représentation. Le livre sera toujours là pour assurer l'égalité d'accès de tous nos concitoyens au savoir, à la connaissance et à la culture, ce à quoi nous sommes très attachés.
    C'est la raison pour laquelle j'estime, pour ma part, que, parmi toutes les politiques du ministère de la culture, celles en faveur du livre sont essentielles, qu'il s'agisse de défendre la librairie ou qu'il s'agisse de défendre les bibliothèques publiques. Celles-ci contribuent grandement à réduire les inégalités entre nos concitoyens face à la culture. Les bibliothèques sont des lieux de sociabilité, de civilité et de convivialité. Jeunes femmes et hommes y apprennent à se respecter les uns les autres. C'est à travers le livre que se développe l'esprit critique et donc le rejet de l'intolérance et de tous les ostracismes. C'est vraiment à travers le livre que s'exprime le mieux la mise en oeuvre des politiques de diffusion culturelle de la nation.
    Nous devons naturellement veiller à ce que la politique du livre s'applique de façon égale à toutes les parties du territoire de la République. En tout cas, soyez-en assurée, je veillerai tout particulièrement, je m'y engage, à ce que les collectivités ultramarines ne soient pas oubliées.
    S'agissant des « Ruches », deux projets ont été élaborés pour la Guyane. Je souhaite que, au cours des prochaines années, dans les régions les plus difficilement accessibles, nos jeunes concitoyens puissent trouver un accès digne au livre, donc au savoir et à la culture.
    En tout cas, je serai toujours présent dans ce combat, j'y attache une très grande importance. Je vous remercie à l'avance du soutien que vous lui apporterez.
    Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

CULTURE ET COMMUNICATION

    Mme la présidente. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Culture et communication ».

    ÉTAT B    
    Répartition des crédits applicables aux dépenses    
ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : 78 159 930 euros ;
    « Titre IV : moins 43 129 284 euros.

    ÉTAT C    
    Répartition des autorisations de programme et    
des crédits de paiement applicables aux dépenses
en capital des services civils (mesures nouvelles)
TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 265 807 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 45 283 000 euros. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 301 389 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 163 125 000 euros. »
    Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
    Je mets aux voix le titre III.
    (Le titre III est adopté.)
    Mme la présidente. Sur le titre IV de l'Etat B concernant la culture et la communication, je suis saisie d'un amendement, n° 70 rectifié, présenté par M. Bloche et les membres du groupe socialiste et apparentés, ainsi rédigé :
    « Majorer les crédits de 43 129 284 EUR. »
    La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Je regrette, monsieur le ministre, que vous ayez pu paraître irrité par nos interventions et nos critiques. Nous ne faisons que jouer notre rôle d'opposants, ce qui n'entame en rien le respect profond que nous avons à l'égard de votre personne.
    Nous sommes des parlementaires de bonne volonté et notre souci premier est l'intérêt général. En prenant connaissance du bleu budgétaire, en page 6, dans la récapitulation des crédits, nous avons constaté que, en mesures nouvelles, est proposée, au titre IV « Interventions publiques », la suppression d'un crédit d'un montant exact de 43 129 284 euros.
    C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste propose, au nom de l'intérêt général et pour servir votre action, monsieur le ministre, de majorer vos crédits du même montant.
    J'imagine que vous serez sensible à notre démarche, même si vous n'avez pas répondu à ma demande d'expertise des contre-propositions de la coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France ni fait connaître votre opinion sur le rapport relatif à l'archéologie qui vous a été remis par des inspecteurs de la culture et des inspecteurs des finances.
    Je pense que c'est avec enthousiasme que vous allez demander à notre assemblée de voter cet amendement qui vise à majorer vos crédits de plus de 43 millions d'euros.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. La commission a repoussé cet amendement pour une raison très simple : la diminution des crédits d'intervention n'est qu'apparente, ainsi que l'a souligné M. le ministre. Monsieur Bloche, il ne faut pas hésiter à lire le bleu au-delà de la page 6 !
    M. Patrick Bloche. C'est toujours ce problème d'optique !
    M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. En fait, des transferts internes ont eu lieu au sein du budget de la culture. Ainsi, les 50,7 millions d'euros des crédits d'intervention de la DRAC en Rhône-Alpes sont désormais inscrits sur le titre III, au sein de trois chapitres globalisés qui permettront d'expérimenter dès 2004 les futurs programmes du ministère. Par ailleurs, par souci de clarification, la subvention de 3,1 millions d'euros allouée au centre des monuments nationaux et celle de 6,1 millions d'euros destinée à la création de la cité de l'architecture, sont transférées du titre IV au titre III, qui regroupe dorénavant l'ensemble des subventions de fonctionnement des établissements publics.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il est évident que je céderais très volontiers au mouvement généreux de M. le député de Paris, Patrick Bloche. (Sourires.) Cependant, je me dois, à mon tour, après la commission des finances, de donner quelques éclaircissements.
    Le ministère de la culture a, en effet, mis en place une série de transferts d'un titre à l'autre et il n'y a donc pas de dégradation de sa capacité réelle d'intervention. L'addition du titre III et du titre IV, au contraire, indique une nette progression. Toutefois, la répartition des crédits entre ces titres est différente, ce qui peut donner le sentiment d'une dégradation des crédits d'intervention de mon ministère. Je tiens à vous rassurer, monsieur Bloche, il n'en est rien.
    Pour ma part, je m'en tiens au projet de budget présenté par le Gouvernement, et j'émets donc un avis négatif, même si, je le répète, il m'aurait été très agréable de disposer de 40 millions de plus. Il n'y a pas lieu, je le répète, de s'alarmer sur une éventuelle disparition de 40 millions d'euros : ces crédits sont bien là, mais ils figurent dans un autre titre.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.
    (La réduction de crédits est adoptée.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    Mme la présidente. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, je souhaite simplement vous remercier ainsi que la représentation nationale. Je sais en effet que j'ai parfois tendance à être un peu disert, mais vous n'avez jamais marqué la moindre impatience : je vous en sais gré.
    Mme la présidente. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).
    Ecologie et développement durable :
    M. Philippe Rouault, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 13 du rapport n° 1110) ;
    M. Christophe Priou, rapporteur pour avis, au nom de la commissions des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome IV de l'avis n° 1112) ;
    M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires étrangères (tome V de l'avis n° 1113).
    Equipement et transports ; article 77 ; budget annexe de l'aviation civile ; article 53 :
    Equipement et transports terrestres :
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 20 du rapport n° 1110) ;
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XIII de l'avis n° 1112) ;
    Mer :
    M. François Liberti, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 22 du rapport n° 1110) ;
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome X de l'avis n° 1112) ;
    Transports aériens :
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 24 du rapport n° 1110) ;
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XII de l'avis n° 1112).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT