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Première séance du mardi 4 novembre 2003

46e séance de la session ordinaire 2002-2003


PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2004
DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, concernant la jeunesse et l'enseignement scolaire.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, mes chers et nombreux collègues (Sourires), avant de présenter ce budget, et afin que chacun d'entre nous ait bien présent à l'esprit de quoi nous parlons, je voudrais planter le décor en rappelant quelques chiffres, même si je sais que la plupart d'entre vous les connaissent bien, tant il est vrai que dans cet hémicycle, ce matin, à défaut de quantité, il y a la qualité.

M. Jean-Claude Beauchaud. Oh, merci, cher collègue !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Nous abordons ce matin, et nous poursuivrons cet après-midi, l'examen de l'ensemble du budget de l'éducation nationale, exception faite des crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il s'agit de 55,5 milliards d'euros. Je rappelle que l'impôt sur le revenu représente une recette de 52 milliards. Cela signifie, messieurs les ministres, que quand nous aurons voté votre budget, l'impôt sur le revenu aura été affecté dans sa totalité.

Nous avons 12 millions d'élèves, 10 millions dans le public, 2 millions dans le privé. Dans le public, un million de fonctionnaires travaillent, le ratio est donc facile à calculer : il y a un fonctionnaire - qui n'est pas forcément un enseignant, bien entendu - pour dix élèves.

M. Yves Durand. Cela ne veut pas dire grand-chose !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Cela veut dire que nous payons un million de salaires, lesquels constituent d'ailleurs 94 % de ce budget.

Le premier degré, c'est 6,5 millions d'élèves. L'effectif des maternelles augmente : 53 000 élèves de plus. Mais avec 15 000 élèves de moins, celui de l'enseignement élémentaire continue à diminuer - et cette évolution se poursuivra jusqu'à ce que la vague du récent baby-boom atteigne le primaire.

Pour ce qui est du second degré, l'effectif des collèges, 3,5 millions d'élèves, baisse de 19 000. Celui des lycées d'enseignement général, 1,5 million d'élèves, augmente de 7 000. Quant à celui des lycées professionnels, 700 000 élèves, il progresse de 6 000.

S'agissant de la répartition des crédits, le premier degré public en représente environ 20 % ; le second degré public environ 43 % ; le privé sous contrat 12 % ; l'administration et les retraites 25 %. Les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative, qui font partie de ce budget, s'élèvent à 142 millions d'euros, ce qui représente évidemment, sur un total de 55,5 milliards d'euros, une fraction réduite.

Ce budget est-il suffisant ? Comparons ce qui se passe chez nos partenaires de l'OCDE -les derniers chiffres connus datent de deux ou trois ans. S'agissant de la dépense intérieure d'éducation à laquelle contribuent l'Etat pour les deux tiers, les familles à hauteur de 6 % et les collectivités locales, pour la gestion des bâtiments notamment, nous sommes exactement dans la moyenne pour ce qui concerne le premier degré. Toutefois, il n'en va pas du tout de même pour le second degré - collèges et lycées - puisque le coût de formation d'un élève en France est de 6 890 euros, dernier chiffre connu, alors que la moyenne de l'OCDE est de 5 375 euros, soit un coût supérieur de près de 30 % à cette moyenne.

Si l'on se livre à des comparaisons avec nos voisins,...

M. Marcel Dehoux. Restons en France !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ... on constate que notre surcoût de formation dans l'enseignement secondaire est de 12,5 milliards d'euros - soit près d'un point de PIB - par rapport à l'Espagne, qui consacre 4 680 euros par élève, de 8,8 milliards par rapport aux Pays-Bas, de 8,5 milliards par rapport à la moyenne de l'OCDE, soit 0,6 point de PIB, de 7,9 milliards par rapport au Royaume-Uni et de 4,1 milliards par rapport à L'Allemagne.

Il faut donc savoir que la France consacre à l'enseignement secondaire une part bien plus importante que la plupart de ses voisins ; seuls les Etats-Unis dépensent encore plus que nous.

Si la France dépense plus que ses partenaires de l'OCDE, c'est probablement que l'on forme mieux, dira-t-on.

M. Yves Durand. Ca ne veut rien dire !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Là aussi, l'OCDE nous instruit. Le PISA, le programme international de suivi des acquis, a suivi 265 000 jeunes de quinze ans. Le résultat de cette enquête montre que nous sommes au douzième rang des pays de l'OCDE en sciences, au dixième rang en mathématiques et au quinzième rang en matière de compréhension de l'écrit. Toutes disciplines confondues, la moyenne de l'OCDE étant à 500, nous sommes à 505. Cela veut dire que, tout en dépensant 30 % de plus que la moyenne des pays de l'OCDE, nos résultats se situent exactement dans la moyenne. Voilà qui exige une explication.

En réalité, il semble que l'efficacité de l'utilisation des crédits, qui n'ont cessé d'augmenter rapidement, soit très médiocre.

La Cour des comptes, comme c'est son rôle, s'est penchée sur la question et a essayé de comprendre pourquoi la France dépense 30 % de plus que la moyenne des pays de l'OCDE. Je vais vous lire quelques extraits de son rapport qui sont très explicites.

M. Yves Durand. C'est un grand document pédagogique !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Vous avez raison, cher collègue.

« Le budget qui connaît une croissance régulière témoigne d'un effort financier qui s'est poursuivi, voire amplifié, bien que la démographie scolaire soit, depuis plusieurs années, nettement orientée à la baisse. Le budget scolaire, hors charges de pensions, a progressé, dans la décennie 1990-2000, de 23 % en euros constants, alors que, sur la même période, les effectifs diminuaient de près de 500 000 élèves. Cette évolution divergente des moyens financiers et de la population scolaire conduit à s'interroger sur le caractère inévitable d'une telle progression. Le système éducatif porte-t-il une attention suffisante à ses coûts ? S'attache-t-il à maîtriser ses dépenses ? Fait-il preuve d'une gestion rigoureuse des moyens ? »

Au chapitre concernant les moyens mis en œuvre, on peut lire que : « Dans le second cycle, le grand nombre d'enseignements optionnels ou en petits groupes a induit une baisse importante du nombre d'élèves par enseignant qui a entraîné une hausse de près de 10 % des taux d'encadrement en dix ans ».

M. Yves Durand. Il faut savoir ce que l'on veut !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Vous trouverez dans le rapport un certain nombre de tableaux qui confirment cela.

La Cour des comptes ajoute : « Pourtant, rien ne permet d'affirmer qu'une telle logique favorise l'efficacité de l'enseignement et la réussite des élèves. »

M. Marcel Dehoux. Ni l'inverse !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je poursuis la citation : « Les recherches actuellement disponibles sur cette question concluent à l'absence d'effets significatifs et mesurables d'une politique de réduction de la taille des classes, sauf pour les publics en grande difficulté ». Messieurs les ministres, voilà une phrase qu'il faudra rappeler à ceux qui considèrent que la solution au problème de l'enseignement c'est la réduction permanente des effectifs.

M. Yves Durand. Allez dire cela en salle des profs !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Vous en êtes pour parti responsable, cher collègue !

Vous prétendez qu'il suffit d'augmenter le nombre d'enseignants et le budget et de diminuer les effectifs des classes. Mais le mal perdure. Si telle était la solution, il n'y aurait plus de problèmes.

Or, malgré l'injection massive d'argent, malgré l'augmentation massive du nombre d'emplois alors même que les effectifs scolaires diminuent, le malaise persiste. Cela veut donc dire que le remède n'est pas le bon.

M. François Liberti. Oh, arrêtez !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Au paragraphe concernant les performances, on peut lire : « L'évaluation des pratiques pédagogiques des enseignants reste insuffisante. Il est regrettable que le ministère n'ait pas encore procédé à des comparaisons pour un même élève entre son insertion dans la vie active, ses résultats au évaluations diagnostiques et ses résultats aux examens ».

M. Yves Durand. Et pourquoi pas l'inspection générale faite par la Cour des comptes ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Yves Durand. Ce serait formidable !

M. François Liberti. Continuez comme ça. C'est parfait !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il est essentiel que, de temps en temps, des organismes extérieurs regardent ce qui se passe au sein de l'éducation nationale.

Vous le savez, l'éducation nationale est totalement endogame. Nos deux ministres viennent de l'éducation nationale, ainsi que votre rapporteur spécial. A force de ne regarder son nombril que de l'intérieur, si j'ose dire (Rires),...

M. Yves Durand. C'est affreux !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ... il nous manque quelque chose. Il est donc indispensable que des audits soient faits par des personnes qui n'appartiennent pas à l'éducation nationale, il est essentiel d'avoir une vision extérieure des choses. Cela ne veut pas dire qu'il appartiendra à la Cour des comptes ou à ceux qui auront réalisé des audits de décider. C'est au Gouvernement et au Parlement de décider.

Je poursuis ma lecture du rapport de la Cour des comptes : « Alors qu'elles devraient mesurer l'impact des réformes pédagogiques sur les performances des élèves -c'est le moins qu'on puisse espérer-, rares sont les évaluations qui s'attachent à une telle analyse. Plus rares encore sont celles qui comparent les réformes aux moyens qu'elles ont mobilisés ». Aucun organisme, qu'il soit public ou privé, ne peut vivre si on ne regarde pas, à chaque fois qu'on décide une modification, combien ça coûte,...

M. Yves Durand. Qui donc a créé le comité d'évaluation ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ...si l'objectif poursuivi a été réellement atteint ?

Nous disposons donc d'un certain nombre de recommandations dont il sera nécessaire de tenir compte lors du grand débat sur l'éducation.

En matière de réforme, messieurs les ministres, il faut procéder par expérimentation en intégrant l'allocation des moyens ; il ne faut pas faire tout d'un coup et comme si les réformes étaient gratuites. Il faut réallouer des moyens. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Il faut dresser les bilans des réalisations, à la fois en termes de coût et de performance des élèves, définir des mesures de la valeur ajoutée des cursus de formation et réintroduire une mesure des résultats en fin de collège, poursuivre les études sur les facteurs explicatifs des différences de performance entre les académies et entre les établissements.

Dans le chapitre relatif à la gestion, la Cour des comptes écrit : « Le processus selon lequel s'élabore l'offre de formation est mal maîtrisé par les académies. Il est fortement marqué par une approche qui privilégie la gestion des moyens au détriment d'une analyse plus qualitative. L'offre de formation devient, à travers par exemple la pratique des langues rares, un outil de ségrégation scolaire. ». Tous les enseignants savent quelle option doivent prendre leurs enfants pour qu'ils suivent le meilleur cursus possible, ce que les non-enseignants ne savent pas en général.

Elle ajoute « Tout effort de rationalisation est illusoire lorsqu'il a pour effet de placer des enseignants en sous-service ». Combien d'enseignants n'effectuent pas, pour des raisons indépendantes de leur volonté, la totalité des heures qu'ils doivent à la nation à cause des « rompus » ?

M. Marcel Dehoux. C'est-à-dire ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est le cas quand un établissement scolaire dispense moins d'heures de cours d'allemand que les professeurs doivent en faire. Ce n'est pas la faute des enseignants. J'espère que vous savez cela ; sinon, il faut absolument vous penchez sur cette question.

Le rapport de la Cour des comptes évalue la « friction », c'est-à-dire le nombre d'heures effectuées devant des élèves par rapport au nombre d'emplois créés, à 30 000 emplois.

Selon ses recommandations, il faut favoriser la bivalence disciplinaire en collège - ce que votre ancien collègue M. Guyard recommandait il n'y a pas si longtemps, dans un rapport qu'il avait présenté devant le Parlement -, réformer les modalités de remplacement afin de réduire le sous-emploi manifeste des enseignants affectés en zone de remplacement.

M. André Schneider. Très bien !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Savez-vous qu'une heure sur deux de remplaçant n'est pas effectuée, tout simplement parce que les zones de remplacement ont été découpées de façon si menue qu'un remplaçant sur deux n'a pas de travail à un moment donné. Quelle entreprise bénéficie d'un tel niveau de remplacement ?

M. François Liberti. Quelle comparaison éclairante ! Quelle conception de l'éducation nationale !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Mon cher collègue, l'éducation nationale, comme tout budget de l'Etat, a des contraintes financières.

M. Yves Durand. Cela, on le sait !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Une fois que la décision a été prise d'inscrire 55,5 milliards d'euros, il faut savoir ce qui est le plus efficace pour former les élèves. Cette logique est la même partout. On ne peut pas, au motif que l'éducation nationale est une grande priorité nationale, ce que personne ne conteste, ne pas regarder comment est utilisé l'argent. Peut-être cela ne vous choque-t-il pas que la moitié des remplacements ne soient pas effectués, mais moi je suis choqué que cela ne vous choque pas ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaite que l'argent qui provient des impôts de toute nature soit utilisé de la manière la plus efficace possible.

M. Pierre-André Périssol. Moi aussi !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. L'efficacité en termes de formation de notre éducation nationale, et donc de notre enseignement scolaire, est loin d'être aussi bonne que nous pourrions l'espérer. Il ne s'agit pas de mettre moins d'argent, mais de mieux l'utiliser pour mieux former.

Mme Martine Aurillac, M. Roland Chassain et M. André Schneider. Très bien !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Pour ce qui est de la répartition des compétences, la Cour des comptes note une lente mutation de l'administration centrale, privilégie les académies comme nouvel espace de cohérence, regrette le pouvoir limité des établissements et propose nombre de mesures que le temps qui m'est imparti m'empêche de détailler.

En tout état de cause, messieurs les ministres, vous devez faire un effort de pédagogie et de communication parce que les Français considèrent qu'il n'y a pas suffisamment d'argent dans l'éducation et qu'il faut encore réduire la taille des classes. Il le faut pour contrer la démagogie à laquelle les orateurs de l'opposition vont nous soumettre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ...

M. Yves Durand. On n'a pas encore parlé !

M. Marcel Dehoux. Vous anticipez !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ... pour continuer à nous faire croire que là est le remède aux difficultés, alors que nous savons bien que ce n'est pas vrai.

Contrairement à ce que vous croyez, mesdames, messieurs de l'opposition, vous jouez contre la formation des élèves, puisque vous empêchez les mutations qui permettraient de mieux former les jeunes Français et les jeunes habitants de ce pays.

Tout a donc été dit, ou presque, par la Cour des comptes.

Un mot tout de même sur le budget lui-même que nous allons voter tout à l'heure et qui s'élève à 55,5 milliards d'euros.

Je rappelle que la France vit à crédit depuis le 15 octobre. Nous payons, depuis cette date, l'ensemble de nos dépenses en empruntant. Tout budget doit faire un effort de rationalisation.

M. Yves Durand. C'est pourquoi vous baissez l'impôt sur le revenu des ménage les plus riches !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Ne faites pas de confusion ! Le budget que nous allons voter est sans commune mesure : d'un côté, il s'agit de 55 milliards, de l'autre de 500 millions, soit 1 %.

Ce budget se caractérise par la réforme du dispositif d'encadrement de proximité des élèves, la disparition progressive des MI-SE et des aides éducateurs, la montée en charge des assistants d'éducation, la mise en œuvre d'un plan d'adaptation et d'intégration scolaire des élèves handicapés, domaine dans lequel un effort important est prévu dans le primaire - classes d'intégration scolaire, unités pédagogiques d'intégration -, la réalisation d'un effort financier important en faveur de la formation des professeurs et des auxiliaires de vie scolaire dont les fonctions sont pérennisées, la poursuite de la modernisation de l'école avec l'opération « école ouverte » et les ateliers relais.

L'enseignement du premier degré bénéficie de 1 500 postes nouveaux. Les effectifs en maternelle augmentent à nouveau, tant mieux. En revanche, 1 500 postes de titulaires sont supprimés dans l'enseignement secondaire en raison de la baisse du nombre des élèves. Il y a donc compensation.

M. Yves Durand. C'est le système des vases communicants !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Exactement ! C'est de la bonne politique. D'ailleurs, il faudrait que ceux qui s'occupent de l'éducation se demandent si un phénomène du même genre ne serait pas possible entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur qui n'est pas très bien doté, et ce pour le plus grand bonheur des Français qui suivent une formation.

M. Yves Durand. Bonne idée !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il est invraisemblable de ne pas se poser la question, comme il est invraisemblable de défendre le fait que le coût d'un élève du second degré en France est supérieur de près de 30 % au coût moyen dans les pays de l'OCDE. C'est de cette façon que l'on arrive à la désespérance de nombre d'enseignants.

M. Marcel Dehoux. Et par rapport à la Papouasie, où en est-on ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. S'agissant des mesures en faveur des personnels, le projet de budget prévoit, et c'est la dernière étape, la transformation de 20 735 emplois d'instituteur en emplois de professeur des écoles et la revalorisation indemnitaire des personnels ATOSS.

M. Yves Durand. Par ailleurs transférés aux collectivités locales !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. En 2004, ils ne seront pas décentralisés. En 2005, ils le seront peut-être si le Parlement en décide ainsi.

Entre nous, je préfère, en tant qu'élu local, que l'Etat revalorise le régime indemnitaire de ces personnels maintenant, parce qu'il transférera à due proportion, plutôt que de procéder comme dans un certain nombre d'autres ministères, où on le diminue avant de passer le relais. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les subventions aux grands établissements publics que sont l'ONISEP, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, le CNDP, le Centre national de documentation pédagogique, le CNED, le Centre national d'enseignement à distance, le CEREQ, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, et le CIEP, le Centre international d'études pédagogiques, augmentent globalement mais un effort de gestion a été entrepris qui devra être poursuivi.

Un effort particulier est consenti pour la validation des acquis de l'expérience. En outre, 10 millions d'euros sont consacrés aux actions de formation des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire qui travailleront auprès des élèves handicapés. C'est un axe fort de ce budget.

Les dépenses d'investissement progressent de 10 % en métropole tandis que les crédits ne sont pas reconduits pour le contrat de développement avec la Polynésie française, ce contrat prenant fin en 2003.

Pour les crédits pédagogiques, la présentation budgétaire est profondément modifiée. En effet, un nouveau chapitre est créé, qui regroupe les crédits pour les maîtres d'internat - surveillants d'externat, les assistants d'éducation, les emplois-jeunes et les crédits pédagogiques. Le projet de budget alloue 500 millions aux assistants d'éducation. Il consolide les 20 000 postes qui avaient été créés à la rentrée 2003 et permet la création de 13 000 postes supplémentaires pour la rentrée 2004, pour atteindre un effectif total de 33 000 en 2004.

Les maîtres d'internat - surveillants d'externat, les MI-SE, verront leurs effectifs réduits de 9 000 postes à la rentrée 2004 et les postes budgétaires correspondant aux emplois vacants sont supprimés.

M. Yves Durand. Ah, chouette !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Les aides éducateurs pourront continuer d'exercer leurs fonctions jusqu'à la fin de leur contrat, c'est-à-dire jusqu'à la cinquième année. Ensuite, ces contrats ne seront pas reconduits. Leur nombre passera de 36 000 à 23 000 en 2004.

M. Yves Durand. Formidable !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Pour l'enseignement privé, les crédits d'intervention représentent à peu près 20 % des crédits du public. Mais je souhaite appeler l'attention des ministres sur deux points. D'une part, aucune contrepartie n'est prévue pour les assistants d'éducation qui disparaissent dans l'enseignement privé ; la seule solution sera probablement d'en tenir compte dans le calcul du forfait d'externat. D'autre part, le nombre des postes est diminué dans les mêmes proportions que dans le public sans qu'il soit tenu compte de la pression très forte qui existe, puisque, comme on a pu le constater lors de la dernière rentrée scolaire, un nombre croissant d'élèves souhaitant intégrer le secteur privé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Ben voyons !

M. le président. Il vous faut conclure.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je termine.

Les crédits consacrés à la politique en faveur de la jeunesse sont stables. Le FONGEP, le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, bénéficie malgré tout de la création de quarante postes.

Mes chers collègues, je viens de vous donner une vision budgétaire, c'est le rôle du rapporteur spécial, de mon rapport.

M. Marcel Dehoux. La vision de la Cour des comptes plutôt !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Entre autres. Toutefois je vous rappelle, au cas où vous l'auriez oublié, que le rôle de la Cour des comptes est notamment d'éclairer le Parlement.

M. Yves Durand. Eclairer, pas dicter !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il serait à mon avis dommage de ne pas tenir compte de ce travail. Il ne s'agit pas de tout retenir - je ne l'ai d'ailleurs pas fait -, mais on ne peut pas faire comme si ce rapport n'existait pas, à moins de considérer comme, hélas ! on le fait trop souvent, que quand on aime, on ne compte pas. Il est vrai que, dans ce domaine, on peut vous faire confiance, chers collègues.

M. Yves Durand. Nous, nous aimons l'école !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Donc, on ne compte pas, c'est bien ce que je dis.

La vision budgétaire ne doit pas nous faire sous-estimer - d'autres orateurs en parleront certainement - le malaise du corps enseignant.

M. Yves Durand. Ah !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Ce malaise n'est pas dû à un manque de moyens, sinon il aurait disparu.

M. Yves Durand. Et les enseignants seraient heureux !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Le problème est que la profession s'est transformée : alors que l'enseignant est recruté pour transmettre un savoir, cette mission ne représente plus qu'une petite partie de son action.

M. André Schneider. Exactement !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il a dorénavant un rôle d'éducateur, il doit même parfois se préoccuper de sécurité. Les enseignants ne sont pas préparés à cela. C'est donc sur cet aspect qu'il faut faire porter les efforts.

En conclusion, messieurs les ministres, je vous dis bravo pour la rentrée 2003.

M. André Schneider. Absolument !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Alors que certains nous avaient annoncé, comme toujours, une rentrée brûlante, bref qu'on allait voir ce qu'on allait voir,...

M. Yves Durand. Nous n'avons jamais dit ça !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ... la rentrée s'est déroulée dans des conditions parfaites. Je note au passage que si l'éducation préoccupait à ce point nos collègues, nous serions plus nombreux ce matin.

Messieurs les ministres, le fait que vous ayez réussi la rentrée 2003 n'est pas dû au hasard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez commencé à aller au-delà des mesures nouvelles et du flux entrant. C'était indispensable.

Je vous souhaite bonne chance pour le grand débat et la future loi d'orientation. Certes, les budgets pour 2005 et pour 2006 seront très contraints sur le plan financier - l'Europe est là pour nous rappeler à l'ordre (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) -, mais, comparativement à d'autres ministères, vous avez, d'une certaine manière, une marge de manœuvre. En effet, vos prédécesseurs ont laissé filer les choses, de sorte que vous disposez, au sein même de votre budget, de capacités de redéploiement pour améliorer l'efficacité de cette grande maison qu'est l'éducation nationale.

M. André Schneider. Excellent !

M. Yves Durand. Merci Jack Lang !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits du budget de l'éducation nationale pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Schneider. Nous voterons avec enthousiasme !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget de l'éducation nationale est le plus important de l'Etat. Celui de l'enseignement scolaire s'élève à 55,53 milliards d'euros, ce qui démontre que l'éducation nationale est toujours une priorité du Gouvernement et de la majorité parlementaire.

Les dépenses de personnels représentent 93,7 % de l'enveloppe budgétaire, les effectifs globaux, titulaires et contractuels, s'élevant à 1 006 525 personnes.

Mettre les moyens humains en cohérence avec les besoins des élèves fait partie des grandes orientations du PLF pour 2004. Le rapporteur spécial de la commission des finances a, chiffres à l'appui, largement insisté sur ce point. Le budget est structuré autour de quelques priorités clairement définies : prévenir l'illettrisme, enrayer les sorties sans diplôme et sans qualification en fin de scolarité obligatoire, revaloriser l'enseignement professionnel. D'importants efforts sont consentis sur certaines catégories d'élèves, comme les élèves handicapés, les élèves en très grande difficulté scolaire, voire en rupture scolaire, ou encore les élèves violents.

Je vous indique que, dans la deuxième partie de la présentation de mon rapport, je traiterai plus particulièrement de l'apprentissage précoce des langues vivantes à l'école primaire.

Avant de développer quelques points liés directement à l'enseignement scolaire, je voudrais dire deux mots sur le chapitre « jeunesse et vie associative ». Même si cela ne représente pas une partie majeure du budget, c'est un agrégat important qui coordonne les actions entreprises par le réseau information jeunesse. Ces actions, très complémentaires de l'enseignement lui-même, permettent un éveil à la vie sociale. Des opérations du type « envie d'agir », « défi jeunes » ou « chantiers de jeunes bénévoles » mobilisent des moyens importants du ministère de la jeunesse et de l'éducation nationale.

Les contrats éducatifs locaux - les CEL - signés avec les communes, les actions de prévention de l'illettrisme en dehors du temps scolaire, le contrôle des centres de vacances et de loisirs, les bourses pour les jeunes aux ressources modestes pour préparer le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ou le brevet d'aptitude aux fonctions de directeur - respectivement le BAFA et le BAFD - sans compter les échanges interculturels s'appuyant par exemple sur l'OFA, l'Office franco-allemand pour la jeunesse, toutes ces actions contribuent à former des citoyens responsables pour demain.

Permettez-moi de donner à mon tour quelques chiffres.

Le budget est en augmentation de 2,74 %, chiffre qu'il faut relativiser en tenant compte de l'inflation et de la revalorisation normale de certains traitements. Mais l'augmentation est bien réelle !

Les mesures nouvelles s'élèvent à 112 millions d'euros : création de 1 500 emplois de professeurs des écoles à la rentrée 2004 - les syndicats contestent ce chiffre et annoncent celui de 1 438 ; mise en place du dispositif d'assistant d'éducation, notamment des auxiliaires de vie scolaire ; transformation de 20 735 emplois d'instituteur en emplois de professeur des écoles.

A côté de cela, une baisse des effectifs dans le second degré entraînera la suppression de 4 000 emplois d'enseignants.

La suppression de 1 100 postes de personnel administratif inquiète les syndicats. Dans ce domaine, des économies étaient possibles, et cela rentre dans la logique d'un poste pourvu pour deux départs à la retraite.

Le nombre des aides éducateurs diminue fortement - c'est la fin programmée des emplois-jeunes.

M. Yves Durand. Hélas !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Toutefois 96,6 millions d'euros sont prévus pour prendre en charge les indemnités de chômage des emplois-jeunes en fin de contrat, lesquels, dans leur grande majorité, n'ont bénéficié d'aucune formation et se retrouvent dans une impasse au bout de cinq années de bons et loyaux services.

M. André Schneider. Eh oui !

M. Roland Chassain. Ce sont les communes qui paient les formations !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Des assistants d'éducation prendront la relève.

Dans les collèges et les lycées, 12 400 emplois de MI-SE vont disparaître en 2004 ; ils seront progressivement remplacés par des assistants d'éducation.

M. Patrick Roy. A mi-temps !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, le dispositif a été lancé à la rentrée 2003. Le PLF pour 2004 consolide donc le recrutement de 20 000 personnes, dont 5 000 assistants d'éducation auxiliaires de vie scolaire, et prévoit une montée en puissance pour atteindre 33 000 assistants d'éducation à la rentrée 2004.

M. Patrick Roy. A mi-temps !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. A noter que des formations spécifiques sont prévues pour les AVS, pour un montant total de 8 millions d'euros.

Je voudrais maintenant lancer quelques coups de projecteur sur des points particuliers.

Premièrement, l'intégration des élèves handicapés.

Je voudrais insister, comme cela a été fait en commission, sur les efforts consentis en faveur des élèves présentant un handicap ou une maladie invalidante. L'objectif est de les intégrer dans une classe « ordinaire » ou dans une classe d'intégration scolaire. La présence des AVS permettra de scolariser un plus grand nombre d'enfants handicapés, même si toutes les demandes ne pourront être satisfaites. Il faut bien se rendre à l'évidence : si dans ce domaine d'énormes progrès ont été accomplis et si le PLF pour 2004 va dans le bon sens, il reste beaucoup à faire, avec notamment des demandes pour des CLIS ou des SEGPA.

Deuxièmement, la lutte contre la violence à l'école.

Dans ce domaine, il ne faut surtout pas baisser la garde bien que les derniers chiffres publiés fassent état d'une baisse des incidents graves dans les établissements scolaires. Une enquête de l'Observatoire des parents d'élèves a montré que la pédophilie, la violence à l'école et l'usage de la drogue sont des préoccupations majeures chez les parents. Des moyens sont mobilisés avec les classes relais et les ateliers relais ou encore les opérations « école ouverte », mais il est fondamental de poser la question du respect et de l'autorité à l'école. Ce sujet, à n'en pas douter, sera largement évoqué lors du grand débat sur l'éducation qui vient de commencer. Je me réjouis d'ailleurs de cette démarche initiée par le Gouvernement, même si le PLF pour 2004 n'est pas directement concerné.

Troisièmement, la prévention de l'illettrisme.

C'est un défi majeur à relever. On s'accorde à dire que 15 à 20 % des élèves ne maîtrisent pas la lecture à l'entrée en sixième. Dès la rentrée 2002, vous avez, monsieur le ministre, mis en œuvre un plan dont le volet pédagogique s'appuie sur les nouveaux programmes qui font de la maîtrise de la langue française, à l'écrit et à l'oral, la première des priorités dans tous les cycles.

M. Yves Durand. Ce n'est pas nouveau !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Le plan prévoit notamment des mesures spécifiques au cours préparatoire. Ainsi, plus de 70 000 élèves vont bénéficier d'un appui pédagogique pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Des moyens ont été mobilisés pour constituer des classes à effectifs réduits, et une expérimentation de classes à effectif dédoublé dans des secteurs défavorisés est en cours. Monsieur le ministre, les premiers résultats sont-ils significatifs et cette opération, dont le coût en moyens humains est élevé, sera-t-elle étendue dans les années à venir ?

Quatrièmement, la valorisation de l'enseignement professionnel.

Elle est essentielle pour faire baisser le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans qualification. C'est un axe prioritaire du Gouvernement et je l'approuve pleinement. Il s'agit de rendre la voie professionnelle attractive pour ceux qui souhaitent une insertion professionnelle rapide et de répondre aux besoins du monde économique. La réhabilitation de l'apprentissage va d'ailleurs dans le même sens.

« L'intelligence de la main », avec des possibilités d'enseignement professionnel par alternance dès la classe de quatrième, peut devenir un pôle d'excellence pour des élèves aujourd'hui en perte de repères dans le collège unique. Je place beaucoup d'espoir dans un dispositif qui devra permettre aux élèves totalement réfractaires à l'enseignement théorique de se tourner, dès quatorze ans, vers un enseignement professionnel.

J'emprunterai la conclusion de cette première partie à Jean Jaurès - cela fera plaisir à nos collègues de l'opposition -...

M. Yves Durand. Oh ! Ca dépend !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. ... qui, il y a exactement cent ans, disait dans son Discours à la jeunesse : « Le courage, dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c'est de choisir un métier et de bien le faire, quel qu'il soit. »

M. Yves Durand. Et alors ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Venons-en à l'enseignement précoce d'une langue étrangère.

Les jeunes enfants ont une grande capacité à capter et à reproduire des sons nouveaux et sont donc très réceptifs à l'apprentissage d'une langue étrangère. Après les premières expérimentations, la volonté politique est aujourd'hui nette : la possibilité d'apprendre une langue étrangère à l'école doit être offerte à tous les élèves.

Depuis 2000-2001, un objectif de l'enseignement de langue vivante a été fixé pour l'ensemble des élèves du cycle III : les CM1 et CM2 en bénéficient à peu près partout et l'enseignement de langue étrangère se met progressivement en place au CE2. Cependant des disparités existent.

Si dans les académies de Strasbourg, Poitiers, Rouen, la quasi - totalité des enfants bénéficient, en cycle III, d'un enseignement de langue étrangère, les plus grands efforts restent à faire dans les académies de Paris, Créteil et Lyon.

La progression des crédits pédagogiques consacrés à l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire est nette : 5,7 millions d'euros en 2000 ; 29,23 millions d'euros en 2003 et 34,22 millions d'euros pour 2004.

Trois questions se posent :

Quel est l'âge idéal pour commencer l'apprentissage d'une langue étrangère ?

Quelles langues étrangères faut-il proposer ?

Comment avoir le nombre suffisant de maîtres formés pour dispenser un enseignement de qualité ?

Permettez moi de vous parler rapidement de l'Alsace,...

M. André Schneider. Très bien !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. ... où des classes bilingues à parité horaire fonctionnent dans 189 écoles et collèges dès la classe de moyenne section de l'école maternelle, donc à partir de quatre ans.

M. André Schneider. On pourrait aussi parler de la Moselle !

Mme Marie-Jo Zimmermann. En effet ! C'est également le cas en Moselle !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. C'est en effet aussi le cas en Moselle ! Environ 5 % des effectifs, soit 9 506 élèves, issus indifféremment de milieux dialectophones ou francophones, voire turcophones, bénéficient en Alsace d'un enseignement de treize heures en français et de treize heures en allemand. Les mathématiques, par exemple, sont enseignées en allemand. Les résultats sont très encourageants pour peu que les deux langues soient pratiquées régulièrement, et la maîtrise du français est aussi bonne que pour les « monolingues français ». Des exemples de sections bilingues ou de sections de langues méditerranéennes existent également.

Pour l'avenir, il est prévu, en cycle II, l'introduction des langues vivantes à raison d'une à deux heures par semaine en grande section d'école maternelle dès la rentrée 2005, en CP à la rentrée 2006 et en CE1 à la rentrée 2007. Les programmes définitifs s'appliqueront aux six niveaux de classes concernés à partir de la rentrée 2010. C'est un programme ambitieux et de nombreux obstacles restent à franchir.

La ligne directrice doit être de promouvoir le plurilinguisme

Au cours de l'année scolaire 2001-2002, l'anglais représentait plus des trois quarts des cours de langues vivantes dispensés en classes de cours moyen, l'allemand étant suivi par moins d'une classe sur cinq ; 2 % des classes suivaient un enseignement d'espagnol, 1,1 % d'italien et des langues aussi répandues que l'arabe ou le portugais représentaient moins de 0,5 %. Au collège, neuf élèves de sixième sur dix apprennent l'anglais.

L'un des objectifs du plan de développement des langues vivantes est que tous les élèves de sixième apprennent deux langues, l'une commencée à l'école - pas forcément l'anglais -, l'autre au collège.

L'enseignement des langues vivantes est essentiel dans la dimension européenne de l'éducation. Nos partenaires de l'Union européenne l'ont compris et développent, pour la plupart, l'enseignement précoce d'une langue étrangère. Tous ont compris qu'un réel bilinguisme précoce, bien maîtrisé, constitue une matrice favorable aux acquisitions linguistiques ultérieures.

Toutefois, des obstacles sont à franchir pour l'enseignement précoce des langues étrangères.

Quel est le principal obstacle à la généralisation rapide de l'enseignement des langues vivantes ? C'est évidemment l'absence d'un nombre suffisant de personnels compétents pour dispenser cet enseignement.

M. Yves Durand. Eh bien, alors !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. A terme, l'objectif reste de faire prendre en charge l'enseignement des langues vivantes par les enseignants du premier degré habilités.

Un nombre accru d'enseignants sortant d'IUFM bénéficie d'une telle formation, grâce aux modules de langue ou au choix de la formation à dominante « langues vivantes » pendant le stage. Mais c'est nettement insuffisant et il a fallu recourir à des personnels de statuts divers. Un relatif désengagement des collectivités locales apparaît également, dans la mesure où ce domaine est devenu enseignement obligatoire et relève de l'Etat. Il faut noter que de nombreux conseils régionaux ont fait des efforts pour promouvoir les langues régionales, ce qui n'est pas du tout préjudiciable à l'enseignement des langues étrangères, bien au contraire !

Le recrutement d'agents non-titulaires doit rester une solution temporaire. Monsieur le Ministre, la réussite de l'enseignement précoce d'une langue étrangère dépend évidemment de la qualité des enseignants qui le dispenseront. Quelles solutions envisagez-vous pour pallier le manque d'enseignants qualifiés dans ce domaine ?

M. Yves Durand. Bonne question !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Autre difficulté : l'absence de continuité des apprentissages en langue vivante entre école et collège. L'une des clés de la réussite de la généralisation de l'enseignement des langues à l'école est probablement la qualité du suivi entre le premier et le second degré. Il faut garantir la prise en compte des acquis des élèves et au minimum assurer la possibilité de poursuivre au collège l'apprentissage de la langue choisie en primaire.

En conclusion, j'émets un avis favorable à ce projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2004. Dans un contexte difficile, il fait des économies là où c'est possible et concentre les moyens là où c'est nécessaire. Il garantit mieux l'avenir que des budgets plus dispendieux.

M. Yves Durand. Moins on dépense, mieux c'est !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Dans une Europe qui se construit, notre école devra dispenser à chaque élève, non seulement des savoir-faire pour réussir dans la vie, mais aussi un savoir-être pour une vie réussie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Yves Durand. J'ai déjà entendu ça quelque part !

M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Messieurs les ministres, votre budget de l'éducation nationale pour 2004 présente trois caractéristiques : il illustre la priorité que M. le Premier Ministre accorde à l'école et au dossier éducatif ; il s'inscrit dans la continuité du budget de 2003 ; il traduit les priorités du ministère de l'éducation nationale.

L'UMP considère, avec le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, que l'éducation représente un enjeu majeur pour notre pays et pour l'avenir des jeunes générations. Cette conviction, qui constitue aussi un choix stratégique, est clairement traduite par l'augmentation de 2,8 % du budget de l'éducation nationale dans un contexte où la progression globale des dépenses de l'Etat est limitée à 1,5 %. Le groupe UMP approuve cette politique et la soutient sans réserve.

Le budget de l'éducation nationale pour 2004 est donc en augmentation, comme l'a été celui de 2003. Il tient compte des besoins - messieurs les rapporteurs l'ont souligné -, c'est-à-dire de l'évolution des effectifs scolaires, dans le cadre d'une politique cohérente et constante conforme aux priorités fixées à l'école et non selon la méthode dispendieuse et inefficace du saupoudrage que nous avons connue certaines années.

Les priorités de votre budget pour 2004 s'inscrivent bien dans la continuité de celles que j'avais eu l'honneur de présenter l'an passé lors de l'examen du budget de 2003. Elles ont été parfaitement explicitées dans les excellents rapports de nos collègues Jean-Yves Chamard et Frédéric Reiss.

La lutte contre l'illettrisme sera poursuivie. Elle a été engagée avec détermination en 2002 avec la mise en œuvre des nouveaux programmes pour l'école primaire, les directives en matière de pédagogie de la lecture, dont les deux heures trente quotidiennes consacrées à celle-ci, et l'encouragement à la lecture des plus faibles hors temps scolaire. Vous avez lancé une expérience, messieurs les ministres, en renforçant ou en dédoublant les moyens pour l'apprentissage de la lecture de quelque 70 000 élèves en CP. Nous attendons avec intérêt les résultats de cette expérience.

Le développement de l'alternance au collège, destinée à des élèves de quatrième ou de troisième peu réceptifs aux pédagogies ordinaires, connaît dès cette année un grand succès.

La revalorisation des séries professionnelles des lycées sera assurée avec la pérennisation du lycée des métiers et l'accès aux BTS des élèves titulaires du baccalauréat professionnel.

L'amélioration qualitative des moyens de la vie scolaire des collèges et des lycées sera possible grâce à la montée en puissance des assistants d'éducation, plus professionnels et mieux formés que les aides éducateurs et les anciens « pions ». Que n'a-t-on entendu à ce propos au printemps sur certains bancs ! Eh bien, aujourd'hui, les quatre candidatures par poste ouvert d'assistant d'éducation démontrent l'attractivité du statut offert, statut de droit public dans le cadre d'un dispositif pérenne et non temporaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    La prise en compte réelle des élèves handicapés, leur scolarisation est un devoir pour l'école publique. C'est le volet éducation du programme prioritaire en faveur des handicapés voulu par le Président de la République. Nous ne nous payons pas de mots. Les actes suivent avec la création de 200 unités pédagogiques et le recrutement et la formation de 5 000 assistants d'éducation - auxiliaires de vie scolaire.

Autre priorité : la prévention de la violence à l'école avec le développement des classes relais et des ateliers relais et l'encouragement à l'école ouverte. Vos positions très fermes, messieurs les ministres, pour endiguer les dérives communautaristes ont permis une baisse très significative des injures à caractère raciste. Il y a encore beaucoup à faire sur le terrain de la violence, mais un tournant a incontestablement été pris.

Un encouragement à l'engagement des jeunes a été lancé le cadre de l'opération « envie d'agir ».

L'amélioration de la condition enseignante est poursuivie par un effort significatif de revalorisation.

Ces priorités trouvent leur traduction effective dans le projet de loi de finances pour 2004.Le groupe UMP les approuve sans réserve et soutient une politique qui a toute sa cohérence.

Chacune de ces actions s'insère dans une grande ambition qu'il convient de définir pour notre école en leur donnant toute leur ampleur.

La lutte contre l'illettrisme constitue le volet indispensable de l'ambition première à assigner à notre école. Il s'agit de transmettre à 100 % des élèves relevant de l'enseignement ordinaire un socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement fondamentales qui soit correctement maîtrisé tout au long et à l'issue de la scolarité obligatoire. Ainsi, une priorité sera à nouveau instituée sur l'acquisition correcte des bases sans lesquelles la réussite scolaire n'est pas possible, l'insertion professionnelle et la vie de citoyen sont hypothéquées.

Les dispositifs d'alternance au collège préfigurent ce que devrait être une véritable personnalisation de l'enseignement qui tienne compte de la diversité des élèves. Ainsi les rythmes d'acquisition devraient-ils être rendus adaptables aux différentes formes d'intelligence des élèves de l'école au collège. Des options pourraient permettre à chacun de trouver sa voie de réussite, voire sa voie d'excellence.

Lorsque le socle commun sera enfin maîtrisé par chacun, l'enseignement professionnel ne sera plus regardé comme une voie de relégation réservée aux supposés « mauvais élèves ». Il pourra alors enfin être revalorisé.

Enfin, l'engagement des jeunes devrait être, à notre avis, non seulement encouragé, mais aussi et surtout valorisé et reconnu, cela jusque dans les diplômes scolaires.

Il est temps de définir, puis de mettre en œuvre, une grande ambition pour notre école. C'est pourquoi le groupe UMP se félicite du lancement du débat national sur l'avenir de l'école voulu par le Président de la République. Nous l'avions demandé avec force au Parlement il y a un an, lors du précédent débat budgétaire. Il est désormais mis en œuvre.

Pour qu'il réussisse, il faut que chacun se mobilise pour que la participation soit forte et constructive. Nous souhaitons que chacun s'investisse sans réserve dans le débat. Les enseignants, les personnels éducatifs et leurs représentants syndicaux, les parents, les forces vives, les autorités sociales, économiques ou culturelles, les élus, tous ceux qui sont directement concernés par ce qu'auront acquis nos enfants à l'issue de leur scolarité doivent s'investir pleinement dans ce débat : ils doivent saisir cette chance de construire ensemble les contours de l'école de demain.

Ce débat doit être un débat populaire et citoyen. Rien ne serait pire qu'un énième débat entre spécialistes, comme cela a déjà eu lieu dans le passé, qui n'aurait pour résultat qu'un certain statu quo et engendrerait une grande frustration.

Le débat aura réussi s'il s'en dégage une adhésion à quelques orientations clés visant au succès scolaire et susceptibles de bénéficier d'un assentiment lors de leur mise en œuvre.

Aussi, concentrons-nous sur les grands enjeux et efforçons-nous de les rendre lisibles, afin d'éviter de diluer un débat d'où il ne sortirait pas grand-chose. C'est ainsi que la nation sera en mesure de fixer le cahier des charges de son école.

Enfin, le Parlement devra y être associé. Vous aviez pris l'an passé, messieurs les ministres, des engagements en ce sens. Nous souhaitons qu'ils soient prochainement tenus.

Ainsi, tous ensemble, nous pourrons nous mobiliser au service de la grande ambition dont notre école devra demain être porteuse.

Mes chers collègues, les Français nous jugeront sur ce que nous aurons fait pour faire régresser l'échec scolaire, pour établir plus d'égalité des chances à l'école, pour définir et mettre en œuvre les priorités éducatives où chacun trouvera son compte - les élèves, les familles, la nation, son économie et notre société tout entière.

Considérant probablement l'éducation comme un thème dont vous, sur les bancs socialistes, auriez en quelque sorte le monopole, vous vous êtes exonérés d'engager les réformes dont l'école a besoin lorsque vous aviez la possibilité et la responsabilité de le faire. Aujourd'hui, mes chers collègues, vous ne gagneriez rien à les empêcher, comme vous ne gagnez rien à refuser de participer au débat sur l'école. Vous êtes le seul groupe parlementaire à n'avoir pas désigné vos représentants à la commission chargée d'animer et de synthétiser le débat. L'UMP, l'UDF et le groupe communiste ont désigné leurs représentants. Seul le groupe socialiste manque à l'appel. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Geveaux. Ce n'est plus sa priorité !

M. Pierre-André Périssol. Certes, je le comprends, vous devez regretter de ne pas avoir osé ouvrir un débat sur l'école.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est certain !

M. Pierre-André Périssol. C'est nous, ne vous en déplaise, qui donnons ainsi la parole à la nation.

Je crois, mes chers collègues, que l'école attend que, tous ensemble, nous rendions hommage aux résultats remarquables, à de nombreux points de vue, qu'elle a obtenus...

M. Yves Durand. Vous voyez !

M. Pierre-André Périssol. ...et que nous engagions les actions nécessaires pour que, demain, l'école de la République ait la force et l'efficacité nécessaires pour former ceux qui auront à construire la France de ce XXIe siècle qui commence.

Messieurs les ministres, dans cette voie sur laquelle vous vous êtes engagés, l'UMP soutiendra le Gouvernement. Je vous remercie. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez récemment déclaré dans divers médias : « Le budget de l'éducation nationale pour 2004 est le meilleur budget du siècle ». Certes, ce siècle n'a que trois ans (Sourires) mais nous ne partageons pas cet enthousiasme quelque peu emphatique pour un budget qui nous apparaît, bien au contraire, à la fois mensonger et irresponsable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-André Périssol. Tout cela ?

M. Jean-Marie Geveaux. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Yves Durand. Cela ne me fait pas forcément rigoler !

Ces deux caractéristiques de votre budget sont d'autant plus graves pour l'avenir que s'est installée, dans le monde enseignant et plus généralement chez tous les acteurs de l'école, une véritable crise de confiance provoquée par votre constant double langage.

Ne vous y trompez pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, si la rentrée scolaire s'est effectivement déroulée sans incident majeur - ce dont nous nous félicitons -, ce n'est pas parce que le monde enseignant a adhéré à votre politique, qu'il a rejetée sans ambiguïté au printemps dernier, mais pour deux raisons, hélas ! porteuses de bien des risques d'orage pour l'avenir : d'abord le matraquage financier sans précédent que vous avez infligé pour les faits de grève ; et surtout le sentiment que vous donnez constamment à l'ensemble du monde de l'école que, quoi qu'il fasse et quoi qu'il dise, il ne sera jamais entendu par votre gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...

M. Jean-Claude Beauchaud. C'est en effet scandaleux !

M. Yves Durand. ...et ce, monsieur le ministre de l'éducation nationale, malgré les manœuvres de dernière minute de votre collègue de l'intérieur et du Premier ministre lui-même, organisant cet été avec 1es syndicats enseignants des rencontres dont, curieusement, vous avez été systématiquement exclu.

Vous revendiquez une rentrée scolaire « techniquement réussie », mais cette rentrée fut en réalité celle des enseignants, qui ont su faire passer leur sens des responsabilités et l'amour de leur métier au-dessus de leur colère et de la rancœur qui continue à les animer.

Votre budget est mensonger. Vous vous glorifiez d'une hausse de 2,8 % de la masse budgétaire par rapport à l'année dernière, et les deux rapporteurs ainsi que M. Périssol ont repris ce chiffre. En fait, cette augmentation est un trompe-l'œil comme en témoignent quelques chiffres : l'augmentation de 1,5 % pour les pensions et le glissement de 1 % des salaires en année pleine sont deux hausses purement mécaniques, qui n'ont rien à voir avec une quelconque volonté politique.

A ces deux augmentations, il faut ajouter ce qui est la conséquence d'une de vos mauvaises mesures : la suppression des aides éducateurs. En effet, alors que ceux-ci étaient pris en charge à 80 % par le ministère du travail et des affaires sociales, vos assistants d'éducation, même si leur nombre est inférieur, sont payés à 100 % par le ministère de l'éducation nationale. Il s'agit en fait d'un simple transfert d'un ministère à l'autre, avec une charge supplémentaire pour le budget de l'éducation, même si l'Etat réalise globalement une économie au détriment de l'encadrement des élèves.

M. Jean-Claude Beauchaud. Eh oui !

M. Yves Durand. Voilà comment votre prétendument « meilleur budget du siècle » n'est en fait qu'une version encore plus mauvaise de celui de l'année dernière.

M. André Schneider. N'importe quoi !

M. Yves Durand. Comment pouvait-il en être autrement, puisque vous vous inscrivez pleinement dans la politique de réduction de l'emploi public que poursuit votre gouvernement, alors que le taux de chômage, notamment celui des jeunes, ne fait qu'augmenter et va, hélas ! dépasser les 10 % de la population active avant la fin de l'année ?

Monsieur le ministre, malgré toutes vos déclarations publiques, vous poursuivez sans relâche les coupes claires dans les effectifs de l'éducation nationale : 1 100 postes administratifs supprimés ; un manque de 10 000 jeunes adultes au moins, du fait de l'insuffisance, tant qualitative que quantitative, de votre mauvais dispositif instituant les assistants d'éducation. Quant aux 1 500 postes supplémentaires dans le primaire ...

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est totalement transparent !

M. Yves Durand. Tellement transparent que c'est idiot ! Ces 1 500 postes, disais-je, ne suffiront absolument pas, même s'ils s'ajoutent aux effectifs, à accueillir les 55 000 élèves supplémentaires prévus en primaire et à l'école maternelle. Vous les ponctionnez sur le secondaire, que vous sacrifiez sans état d'âme, en supprimant 4 000 postes. Cela est d'autant plus grave que vous n'avez pas rétabli les 39 milliards de crédits pédagogiques annulés en 2003.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il y a une erreur : il s'agit de 39 millions, sur un total de 55 milliards !

M. Yves Durand. Cela veut dire que vous continuez à l'annuler en 2004 ce que vous avez annulé en 2003 !

Monsieur le rapporteur spécial, quand vous parlez de l'augmentation des crédits pédagogiques, vous faites une erreur considérable, et nous irons le dire dans les salles de professeurs.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Chantage !

M. Yves Durand. Nous refusons, en ce qui nous concerne, cette nouvelle régression. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements visant à rétablir les moyens nécessaires au bon fonctionnement des établissements scolaires.

Certes, monsieur le ministre, vous tentez bien de masquer ce mauvais budget par des effets d'annonce, mais ceux-ci sont systématiquement démentis par les faits. Permettez-moi de citer quelques exemples.

En matière de lutte contre l'illettrisme, vous aviez annoncé 2 000 classes de cours préparatoire de moins de dix élèves. En réalité, ce sont seulement 282 classes de ce type qui fonctionnent aujourd'hui, et encore par redéploiement, ce qui provoque la surcharge des autres classes au sein de l'école. Double langage.

M. Yvan Lachaud. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Yves Durand. Il en va de même pour la lutte contre la violence scolaire, dont on nous parle tant. La réalité, c'est qu'il manque 10 000 personnes pour encadrer les élèves l'année prochaine. Vous aviez pourtant promis, ici même, en réponse à certains de nos collègues lors de séances de questions au Gouvernement, que les maîtres d'internat - surveillants d'externat ainsi que les aides éducateurs seraient remplacés poste pour poste.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est le cas !

M. Yves Durand. Non, monsieur le ministre, c'est faux. Là encore, double langage. Il manque 10 000 postes.

A propos de la santé scolaire, vous avez affirmé : « La bonne santé des élèves reste la première condition de la réussite scolaire ». Et vous annonciez ici même, en février 2003, un plan sans précédent dans ce domaine. La réalité est tout autre : aucune création de poste d'infirmière, aucune création de poste d'assistante sociale ni de médecin scolaire dans ce budget. Double langage, une fois de plus ! Je pourrais, hélas ! poursuivre la liste.

Pis encore, votre budget est irresponsable, parce qu'il hypothèque l'avenir.

Le départ en retraite de la moitié des enseignants dans les dix ans à venir nécessite une politique prévisionnelle de recrutement d'enseignants et un effort tout particulier de formation des maîtres. Pour y faire face, le gouvernement précédent avait, en toute responsabilité, décidé un plan pluriannuel de recrutement de 185 000 enseignants en cinq ans, ce qui permettait de préparer sereinement l'avenir.

Vous rompez avec ce volontarisme et vous tournez le dos à l'avenir. Non seulement vous avez, sans aucune concertation ni évaluation préalable - écoutez, monsieur le rapporteur spécial, vous qui parlez toujours d'évaluation - supprimé ce plan pluriannuel de recrutement, mais encore vous supprimez des postes existants.

Une question vous a été posée la semaine dernière dans le cadre des débats qui ont eu lieu au sein des commissions des finances des deux assemblées : pourquoi ne pas maintenir des postes, qui sont certes aujourd'hui en surnombre...

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Merci de le reconnaître !

M. Yves Durand. C'est une réalité. On ne va pas dire qu'il pleut quand le soleil brille !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Bravo !

M. Yves Durand. Economisez vos applaudissements, monsieur le rapporteur spécial ! Pourquoi, disais-je, ne pas maintenir ces postes, qui ont correspondu à de réels besoins - demandez aux recteurs -, mais qui surtout vont très vite redevenir nécessaires pour combler les départs en retraite ?

Au contraire, votre conception uniquement comptable et à courte vue vous fait prendre l'engagement - que vous-même, devant la commission du Sénat, me semble-t-il, avez qualifié la semaine dernière de solennel - de supprimer ces postes, comme vous supprimez par ailleurs 2 500 postes de stagiaire.

Monsieur le ministre, le seul espoir que nous puissions nourrir à ce sujet est qu'une fois de plus vous ne teniez pas vos engagements. En vous engageant de la sorte, vous prenez la lourde responsabilité, vous le savez bien, de provoquer une crise de recrutement, notamment dans le secondaire, pour les six à sept ans à venir. Avec le plan pluriannuel de recrutement, nous anticipions et nous préparions l'avenir. Avec votre politique de suppression d'emplois tous azimuts, vous organisez la crise du monde enseignant pour les années à venir. Ce n'est pas là une politique responsable.

Et que dire de la formation des maîtres ? Votre politique en la matière se résume à la seule critique systématique des IUFM, dont vous refusez d'ailleurs depuis un an de recevoir la conférence des présidents.

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ce n'est pas vrai !

M. Yves Durand. Vous avez vous-même déclaré, c'est vrai, que le métier d'enseignant ne s'apprenait pas et qu'il suffisait d'un peu de talent et de maîtriser convenablement une discipline pour être un excellent maître. Les jeunes enseignants qui se débattent devant des classes difficiles apprécieront cette déclaration.

Dans cette logique, vous avez sacrifié à cette conception toute personnelle du métier d'enseignant tous les outils de recherche et d'innovation pédagogique, de l'Institut national de recherche pédagogique au Centre national de documentation pédagogique, le CNDP, que vous avez décidé de délocaliser à Chasseneuil du Poitou. Est-ce là, monsieur le ministre, une décision irréversible ou la dernière des « raffarinades » ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est une très bonne décision ! Tout ne doit pas être en région parisienne !

M. Yves Durand. Votre budget est un mauvais budget pour l'école, et donc pour la nation tout entière. Il n'est pas uniquement mauvais dans les chiffres, ni seulement à cause de la régression des moyens qui va frapper l'ensemble du système éducatif, il est surtout mauvais - et c'est peut-être encore pire - parce qu'il traduit une politique de démantèlement du service public que vous n'avez pas abandonnée, malgré le mouvement de protestations du printemps dernier.

J'entends déjà votre sempiternel discours sur les moyens qui seraient toujours en hausse mais qui ne garantiraient pas une amélioration de la qualité de l'enseignement.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Regardez les chiffres !

M. Yves Durand. C'est un prétexte dont vous usez pour faire croire aux Français qu'un budget de l'éducation nationale est d'autant meilleur qu'il impose des économies.

La grande qualité pédagogique du discours du rapporteur de la commission des finances nous confirme que le but essentiel de ce budget est bien de permettre à l'Etat de faire des économies au détriment de l'éducation nationale...

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Non : d'augmenter l'efficacité de la dépense publique !

M. Yves Durand. ... en rapprochant la logique de l'éducation nationale de la logique de l'entreprise ? Cela mériterait, pour le coup, un véritable débat !

Il est vrai que votre tâche, monsieur le ministre de l'éducation nationale, est moins de conduire la politique éducative dont la France a vraiment besoin que de faire passer cette grande ambition sous les fourches caudines d'une gestion notariale imposée par les mauvais choix économiques et budgétaires dont vous êtes, en tant que membre du Gouvernement, profondément solidaire.

Il y a quelques mois, vous avez tenté d'imposer le démantèlement du service public de l'éducation nationale, sous couvert d'une décentralisation dont le sens a été dévoyé. Nous nous félicitons que le puissant mouvement de protestation des enseignants et des parents vous ait fait reculer.

M. André Schneider. Les enseignants n'étaient pas concernés !

M. Yves Durand. Or, ce budget et les déclarations qui l'accompagnent montrent que vous n'avez nullement abandonné cet objectif. Vous prétendez entamer un large débat sur l'école mais il semble bien que les décisions soient déjà prises avant même son ouverture. C'est d'ailleurs ce qui explique notre absence en commission, mais s'agissant du débat national, nous y participerons au contraire comme citoyens et comme responsables politiques.

Je voudrais en guise de conclusion retenir deux exemples précis qui se traduiront par autant de questions.

La médecine scolaire fait partie intégrante des missions de l'école. Vous déclariez d'ailleurs vous-même, monsieur le ministre, lors du comité technique paritaire du 2 décembre 2002 : « Je vous redis clairement ma position : concernant les transferts de personnels dans le cadre de la décentralisation pour les personnels de santé, c'est non. Je peux difficilement être plus clair ».

Or le Premier ministre vous a contredit quelques semaines plus tard, le 28 février 2003, en décrétant le transfert de la médecine scolaire aux départements, avant de revenir sur sa décision le 10 juin suivant.

Cependant, à l'occasion de la discussion, actuellement en cours, sur la loi relative aux responsabilités locales, votre majorité vient de voter au Sénat un amendement transférant à nouveau la médecine scolaire aux départements.

M. André Schneider. Pour leur donner un treizième mois !

M. Jean-Marie Geveaux. Il s'agit d'une expérimentation, c'est parfaitement possible !

M. Yves Durand. Ma question est donc simple : Allez-vous refuser cet amendement ou allez-vous, une fois de plus, changer d'avis et renier les engagements pris ? On comprendrait mieux alors pourquoi aucune création de poste de médecin scolaire n'est prévue au budget de l'Etat : on prépare déjà le transfert.

M. André Schneider. Où est le drame ?

M. Yves Durand. Le principe d'égalité implique une gestion nationale, même déconcentrée, des établissements. En ce sens, leur autonomie ne peut en aucun cas se confondre avec une liberté totale de gestion, comme c'est le cas pour les établissements privés qui, même sous contrat, gardent leur caractère propre.

C'est pourquoi ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur le ministre délégué. Comment comprendre ce que vous déclariez le 28 octobre devant la commission des finances de notre assemblée - vous pouvez constater que j'ai de bonnes et saines lectures : « Parvenir à une autonomie des établissements scolaires est, effectivement, la principale clé de la réforme ; ... 

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Absolument !

M. Yves Durand. ... confier le recrutement des assistants d'éducation aux chefs d'établissement a constitué un réel progrès ; la globalisation des crédits accroîtra leur marge de manœuvre et rapprochera le mode de décision dans les établissements d'enseignement public de celui qui est mis en œuvre dans les établissements privés » ?

Si cette déclaration était confirmée, et surtout appliquée, il s'agirait là d'un changement total de la nature même du fonctionnement de notre système éducatif, d'une véritable rupture, ouvrant inéluctablement la voie à la ghettoïsation des établissements par leur mise en concurrence...

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. N'importe quoi !

M. Yves Durand. C'est d'ailleurs la vision portée par certains écrits de responsables de droite devenus depuis ministres.

Nous avions déjà souligné ce risque lors du débat sur les assistants d'éducation. Et c'est aussi ce qui explique qu'un bon nombre de conseils d'établissements refusent d'en recruter malgré les difficultés d'encadrement qu'ils éprouvent.

M. Jean-Marie Geveaux et M. Yvan Lachaud. C'est scandaleux !

M. Yves Durand. C'est tout de même un signe, mes chers collègues !

Mensonger, irresponsable, votre budget cache derrière des chiffres une volonté de poursuivre la remise en cause de l'école républicaine et de son exigence d'égalité des chances.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Schneider. Quel scoop !

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le secteur de la jeunesse et de l'enseignement scolaire sera en 2004 le premier budget de l'Etat. Les grandes priorités assignées à ce budget vont donc dans la bonne direction.

M. Yves Durand. Eh non !

M. Yvan Lachaud. Nous vous avons écouté, vous pouvez bien à votre tour vous montrer attentif !

M. Patrick Roy. On peut aussi critiquer !

M. Yvan Lachaud. Notons tout d'abord la stabilisation du nombre d'emplois budgétaires d'enseignants, avec des créations de postes dans le premier degré et des suppressions dans l'enseignement secondaire. Il est en effet nécessaire, d'une part, de faire face à l'augmentation attendue des effectifs scolarisés dans l'enseignement primaire, et, d'autre part, d'anticiper la baisse démographique qui touche déjà le second degré.

S'agissant du personnel administratif, l'éducation nationale ne peut s'exonérer d'une politique responsable de gestion de ses effectifs, mais nous devons veiller à ce que les suppressions d'emplois n'aient pas pour effet d'affecter les capacités d'encadrement et de pilotage du système éducatif. A cet égard, je tiens à saluer les mesures de résorption de l'emploi précaire prises avec la création de plus de 500 emplois, en particulier dans les GRETA.

Je voudrais insister sur plusieurs aspects de ce budget qui nous paraissent importants. Le groupe UDF approuve en particulier la hausse de 3,8 % des crédits consacrés à la formation professionnelle et la montée en puissance du dispositif de validation des acquis de l'expérience que la loi de modernisation sociale de janvier 2002 entend développer. Nous espérons que les prévisions établissant le nombre de bénéficiaires entre 12 000 à 15 000 à partir de 2003 seront atteintes.

Un aspect nous tient particulièrement à cœur, celui du plan de scolarisation des élèves handicapés. A ce sujet, j'aimerais que l'on privilégie, dans cet hémicycle, le terme de scolarisation à celui d'intégration. On intègre en effet un enfant qui n'appartient pas à la communauté, ce qui n'est pas le cas d'un enfant handicapé.

Des progrès significatifs ont certes été effectués au cours des dernières années grâce aux moyens mis en œuvre dans le cadre du plan Handiscol. Mais il fallait faire bien davantage. C'est pourquoi je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir présenté en janvier 2003, avec Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, un plan pluriannuel d'amélioration de la scolarisation des élèves handicapés. Cette mesure va dans le bon sens. Le groupe UDF soutiendra sans réserve vos efforts dans ce domaine.

Environ 90 000 élèves handicapés étaient scolarisés lors de la précédente année scolaire : 67 000 dans l'enseignement primaire, plus de 22 000 dans l'enseignement secondaire. C'est déjà beaucoup, mais nous pouvons et nous devons encore faire mieux. Rappelons en effet que près de 83 000 enfants étaient scolarisés dans un enseignement spécialisé relevant du ministère de la santé.

Il nous faut aussi nous préoccuper des enfants empêchés de fréquenter un établissement scolaire de façon régulière en raison de leur état de santé : aujourd'hui, près de 5 000 d'entre eux bénéficient d'un soutien scolaire apporté par les services d'assistance pédagogique à domicile, les SAPAD.

Il est heureux que le budget pour 2004 prenne en compte les besoins de ces enfants et de leurs familles. Je citerai également la création de 1 000 nouvelles unités pédagogiques d'intégration sur cinq ans, en vous félicitant, vous ainsi que l'ensemble du secteur éducatif, pour les 277 ouvertures réalisées en 2003, qui ont dépassé les attentes, et pour la pérennisation de la fonction d'auxiliaire de vie scolaire.

Notons que ce projet de budget prévoit deux mesures nouvelles, dont l'une relative aux crédits d'heures supplémentaires d'enseignement destinés à accompagner l'ouverture de nouvelles UPI et à améliorer le soutien pédagogique aux enfants malades.

Je voudrais également insister sur le plan de lutte contre l'illettrisme dont il convient de vous féliciter. Cette cause représente depuis plus de dix ans l'un des leitmotiv de l'UDF et l'était en particulier de François Bayrou lorsqu'il était ministre.

M. Yves Durand. Il avait alors un excellent directeur de cabinet ! (Sourires.)

M. Yvan Lachaud. Près de 15 à 20 % des élèves entrent au collège sans maîtriser les apprentissages fondamentaux, en particulier la lecture. Il faut donc faire en sorte que tous les enfants, sans exception, puissent aborder la sixième en sachant lire et compter. Seul un plan volontaire, organisant des classes d'apprentissage consolidé de la lecture et fondé sur un calendrier précis, pourra produire des effets significatifs. Vous l'avez mis en place ; d'autres auraient pu le faire avant. On chercherait d'ailleurs en vain les mesures prises en ce domaine depuis dix ans, ce qui montre combien certaines remarques précédentes étaient déplacées. Ce qui a été fait est une bonne chose ; il faut aller plus loin, et nous souhaitons que tout le monde s'y emploie.

D'autres mesures doivent être saluées, notamment ce qu'on appelle les dispositifs-relais, imaginés pour renforcer la lutte contre l'échec scolaire et la marginalisation sociale d'élèves en rupture scolaire. C'est d'ailleurs là que réside l'essentiel : l'école doit retrouver sa vraie mission, à savoir l'alphabétisation des enfants, l'apprentissage de notre langue et celui de la vie en société et de ses valeurs. Il faut ramener la paix dans tous les établissements scolaires de France, et dans ce but le Gouvernement doit faire confiance aux expériences menées dans les établissements, comme les classes relais.

De l'enseignement du civisme à la participation d'éducateurs et de partenaires extérieurs dans les collèges, les possibilités d'action sont nombreuses. Par ailleurs, nous veillerons à ce que, dans toutes les actions interministérielles de lutte contre la délinquance, le champ éducatif figure au premier plan.

Il faudra aussi développer les possibilités offertes aux collégiens - et cela me paraît fondamental - de découvrir les métiers et de valoriser ainsi les formations professionnelles. Il est grand temps, et je vous le demande avec insistance, messieurs les ministres, de sortir de ce système qui conduit, au niveau du collège, la quasi-totalité des élèves sur la même voie. Nous fabriquons des élèves en situation d'échec, nous fabriquons des délinquants potentiels. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. C'est incroyable !

M. Yvan Lachaud. Non, cher collègue, après avoir travaillé quinze ans dans l'éducation nationale, j'ai pu constater les dégâts causés par le système de formation en collège.

M. François Liberti. L'éducation nationale fabrique des délinquants ?

M. Yvan Lachaud. Libérons les énergies ! Favorisons les initiatives en ce sens ! Soutenons davantage les accords entre l'éducation nationale et le milieu de l'entreprise. Il s'agit un enjeu de société ; la nécessité de réussir est impérieuse.

L'éducation nationale a besoin d'entendre les difficultés des enfants. Elle a besoin de se donner les moyens de sa mission. Plus que d'une nouvelle « grande » réforme, elle réclame une action politique en profondeur, qui la conforte dans ses objectifs. Donner confiance, c'est recentrer l'école sur ses missions essentielles et valoriser les acteurs du monde éducatif, les enseignants et le personnel administratif.

Certaines interrogations demeurent, qui sont légitimes. On peut notamment regretter l'absence d'un nouveau souffle donné à la politique de santé scolaire, pourtant si importante pour la prévention : un seul médecin scolaire pour parfois plus de 5 000 élèves, cela reste un ratio difficile à cautionner.

Nous soutiendrons cependant vos options fondamentales, messieurs les ministres. Nous y retrouvons d'ailleurs beaucoup de nos propositions, déclinées depuis un grand nombre d'années : une école centrée sur l'élève, redevenue un lieu d'apprentissage des savoirs fondamentaux, mais aussi de la vie en société, de la tolérance et de la laïcité. C'est à coup sûr le meilleur moyen de donner aux enseignants la conscience que leur travail est apprécié à sa juste valeur et de permettre aux élèves d'acquérir des repères indispensables. Dans ce chantier enfin ouvert, vous pouvez compter, messieurs les ministres, sur le soutien sans faille du groupe UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'entrer dans le détail de ce projet de budget, je voudrais exprimer mon indignation à propos de la façon dont sont organisés ces travaux parlementaires. En effet, le 24 octobre, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est réunie pour examiner le budget de l'enseignement scolaire. Mais où est passée la jeunesse ? Il me semble que le « bleu » budgétaire s'intitule encore « jeunesse et enseignement scolaire ».

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. C'est pour ça que j'en ai parlé !

M. François Liberti. Je parle des travaux de la commission.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. En commission aussi !

M. François Liberti. Cet oubli est significatif, et parfaitement conforme à ce que nous dénoncions l'année dernière : l'intégration de la jeunesse dans le ministère de l'éducation nationale se conclut par une régression. Doit-on donner un sens politique à cet oubli et supposer qu'il n'y aura plus de budget consacré à la jeunesse l'année prochaine ?

En déjouant les pièges de lecture constitués par les divers changements de lignes budgétaires, on constate que contrairement à ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue rapporteur spécial de la commission des finances, le volet « jeunesse » de ce budget n'est pas stable : la baisse atteint dans ce domaine 6 millions d'euros, et va fragiliser aussi bien l'emploi que l'encadrement des réseaux associatifs.

A l'inverse, concernant l'enseignement scolaire, il faudrait à première vue se féliciter de voir budget en hausse. Pourtant, nous vous invitons, messieurs les ministres, à manifester un peu moins de triomphalisme.

Regardons de plus près les chiffres, et observons comment se décompose la hausse apparente de 2,8 % : 1,2 % pour l'accroissement des crédits pour les retraites et 1 % pour le coût de mesures appliquées en cours d'année précédente et qu'il convient de financer pour une année entière. Il reste donc 0,6 % pour les moyens nouveaux en 2004. Et n'oublions pas que l'inflation est de 1,5 % !

Et ce n'est pas tout, la situation est pire encore. C'est ainsi que sur l'augmentation totale de ce budget, 492 millions d'euros, soit 0,9 %, vont être nécessaires pour financer les 33 000 postes d'assistant d'éducation prévus pour 2004. Ces assistants vont se substituer aux emplois- jeunes qui étaient rémunérés non par l'éducation nationale mais par le ministère des affaires sociales.

Reprenons nos calculs : nous avons donc, selon vous, une progression totale des crédits de 2,8 %, mais si l'on tient compte de l'augmentation des dépenses de 1,2 % au titre des pensions, de 1 % au titre des mesures acquises, de 0,9 % pour les assistants d'éducation, et du taux de l'inflation, soit 1,5 %, on arrive en fait à une régression de 1,8 %.

Nous sommes donc, hélas ! dans la dérive budgétaire plutôt que dans la sincérité budgétaire. Et la réalité, c'est que vous nous proposez un budget d'austérité.

Qu'il s'agisse de l'emploi public, des recrutements ou de l'encadrement éducatif, ce budget est un budget de régression. Je vais continuer à vous le démontrer.

En ce qui concerne l'emploi et les recrutements, les 1 500 ouvertures de postes dans le premier degré ne suffiront pas à assurer un encadrement correct des élèves. Et ce, d'autant plus qu'environ 600 postes seront déjà utilisés pour les dédoublements de cours préparatoires.

La médecine scolaire ne sera pas mieux lotie puisque l'on ne constate aucune création de poste de médecin, d'assistante sociale ou d'infirmière. Et que dire de l'amputation de 1 050 postes parmi les personnels administratifs ?

Pour le second degré, nous nous attendions au pire, et bien nous y sommes. Il faudra compter avec 9 000 suppressions de postes de surveillant et plus de 1 500 nouvelles fins de contrats d'aide éducateur. Rappelons à cet égard qu'en 2003, 20 000 postes d'aide éducateur avaient déjà été supprimés.

La transition entre l'embauche des assistants d'éducation et l'extinction du statut des aides éducateurs et des surveillants ne se fait pas sans heurts. Il existe encore aujourd'hui plus de 30 000 aides éducateurs dans les écoles et les établissements. En choisissant de geler une partie des crédits correspondant au financement des formations, vous allez empêcher des milliers de jeunes de poursuivre ou de commencer une formation.

Vous abandonnez ces aides éducateurs alors que certains sont en contrat jusqu'en 2006. Les projets professionnels élaborés précédemment, le travail et les efforts fournis risquent d'être réduits à néant. Imaginez un instant ce que représente pour un jeune le sacrifice de tant d'années pour finalement se retrouver à l'ANPE et être obligé de tout reconstruire ?

Non seulement vous supprimez des postes d'encadrement des élèves, mais en plus le mode de recrutement des assistants d'éducation ne laisse rien augurer de bon. Ces emplois ne seront pas attribués aux étudiants par le rectorat sur critères sociaux mais par les responsables d'établissement eux-mêmes. Grand est donc le risque de voir se développer le recrutement local et le clientélisme.

La spécificité du statut d'étudiant n'est plus prise en compte dans l'emploi du temps puisque les assistants ne disposent que d'un crédit de 200 heures pour poursuivre leurs études. Ce nouveau statut prévoit des contrats moins longs, des services hebdomadaires plus lourds, annualisés, avec des astreintes plus importantes pendant les vacances.

Les assistants d'éducation pourront exercer sur plusieurs établissements et être mis à la disposition des collectivités territoriales pendant et en dehors du temps scolaire. Vous vouliez simplifier mais nous sommes toujours dans le flou le plus total.

Le nombre des assistants d'éducation embauchés à ce jour demeure la principale inconnue, et nous souhaiterions être éclairés sur ce point. Monsieur le ministre, auriez-vous des difficultés de recrutement, surtout lorsque l'on sait que beaucoup de postes sont proposés à mi-temps ?

Dans les collèges et les lycées, personne ne se résigne à la disparition programmée des surveillants et de nombreux conseils d'administration ont voté contre le recrutement des assistants d'éducation. De surcroît, le volume de recrutement prévu reste très insuffisant au regard des besoins. Dans les écoles primaires, près de 13 000 assistants d'éducation manqueront d'ici à la fin juin 2004.

Toujours dans le second degré, la réduction des entrées en IUFM - 14 500 places contre 18 000 places mises au concours en 2003 - ne permet pas de compenser les 16 800 départs en retraite. Cette décision anticipait en fait la suppression des 1 500 emplois de ce budget pour 2004. Si l'on poursuit le raisonnement, la suppression des 2 500 postes de stagiaires anticipe en toute logique une forte régression des postes mis au concours pour 2004 et la suppression d'au moins 2 500 postes aux budgets pour 2005 et pour 2006. Cela a été évoqué par M. le rapporteur spécial qui nous a déjà annoncé un budget restreint et contrit pour 2005 et pour 2006.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Contraint, pas contrit !

M. François Liberti. En effet, et vous avez raison de rectifier.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. C'est vous qui pouvez être contrit ! (Sourires.)

M. François Liberti. En tout cas, vous pouvez observer que nous avons suivi votre intervention avec intérêt. Nous avons ainsi noté que vous annonciez déjà des mesures d'austérité pour 2005 et pour 2006.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je ne suis pas ministre !

M. François Liberti. Certes, mais c'était très intéressant.

Le mouvement social du printemps a été exceptionnel. Il l'a été par sa durée, par l'implication majoritaire des personnels, notamment les jeunes, par son caractère unitaire et par les convergences entre les différents personnels.

Ce mouvement a révélé une crise d'identité professionnelle des enseignants, accompagnée de la demande d'une juste reconnaissance de la pénibilité de ce métier. C'est ce qu'on appelle le « malaise enseignant ». Il existe aujourd'hui un violent décalage entre les principes et les objectifs affichés par l'institution et le vécu professionnel des enseignants au quotidien.

Comment allez-vous répondre à la douleur au travail, à la souffrance de personnes qui, depuis de nombreuses années, ne cessent de protester contre l'insuffisance des moyens alors qu'ils s'investissent totalement dans un métier de plus en plus dur et dans des établissements qui demeurent le dernier rempart contre la fracture sociale et culturelle ?

Il existe bien une crise des vocations dans le second degré. Et si pour les concours, le rapport entre le nombre de candidats présents et le nombre de postes est toujours globalement élevé, ce nombre est plus bas pour les CAPES que pour les agrégations. Certains CAPES sont même déficitaires, les étudiants des secteurs scientifiques préférant plutôt devenir ingénieurs que professeurs.

Vous lancez un grand débat sur l'école pour rompre avec une logique de moyens qui aurait prétendument prévalu auparavant - nous avons eu droit à quelques morceaux choisis, il y a quelques instants. Mais comment dissocier les deux ? Le qualitatif ne substitue pas par magie au quantitatif. Comment allez-vous susciter des vocations si les élèves sont moins encadrés et les postes d'enseignants non renouvelés ? Comment élever le niveau des connaissances de tous - mais le souhaitez-vous vraiment - sans y consacrer des moyens suffisants ?

La démocratisation de l'enseignement est en panne, mais il ne faut pas se tromper de débat. Au rebours de vos déclarations alarmistes sur la baisse du niveau, les évaluations nationales affichent des disparités mais ne démontrent pas une chute brutale du niveau scolaire.

En revanche, les résultats continuent d'afficher d'importantes disparités selon l'origine sociale des enfants. Pour 78 % des enfants de cadres ou de professions libérales et 71 % des enfants de professions intermédiaires, ce sont seulement 56,6 % des enfants d'« inactifs » et 60,6 % des enfants d'ouvriers qui réussissent.

La démocratisation de l'enseignement passe aussi par le respect de la mixité. Vous avez affirmé, monsieur le ministre, le 8 septembre dernier à la Sorbonne : « la mixité scolaire ne sera pas remise en cause ». Vous avez heureusement contredit les propos tenus en mars dernier par Xavier Darcos qui avait annoncé l'expérimentation de classes non mixtes dans deux académies

M. le président. Il faut conclure, monsieur Liberti.

M. François Liberti. Je vais conclure, monsieur le président. Je suis aussi scrupuleux du temps que mes prédécesseurs.

M. le président. Vous avez une lecture personnelle des choses. (Sourires.)

M. François Liberti. Nous saisissons l'occasion de cette discussion budgétaire pour réaffirmer avec force notre attachement à la mixité. La question de l'insertion des filles dans des filières professionnelles, mixtes, masculines ou féminisées, et celle des attitudes différenciées des parents face à l'orientation selon le sexe de leur enfant ou encore la question des violences envers les filles en milieu scolaire méritent d'être posées.

A cet égard, la convention interministérielle du 25 février 2000 étendue et prorogée jusqu'en 2006 va dans le bon sens. Continuons de renforcer et d'élargir dans les académies le réseau des chargés de mission à l'égalité des chances entre les filles et les garçons. Continuons de sensibiliser les partenaires internes et externes à cette question et de diffuser des outils pédagogiques dans les établissements scolaires.

Mais surtout, ne remettez pas en cause un progrès social de cette envergure car vous perdriez de vue un objectif essentiel de l'école : la socialisation, qui signifie un apprentissage de la vie en commun, de l'égalité et du respect de l'autre.

Pour terminer, et pour résumer mon propos, je citerai Victor Hugo, lors de son intervention en ces lieux en 1848 : « L'époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents, ce ne sont pas les grandes aptitudes ; ce qui manque, c'est l'impulsion sympathique, c'est l'encouragement enthousiaste d'un grand gouvernement. » Et il ajoutait : « Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler. »

A l'instar du Grand homme, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce budget.

M. André Schneider. C'est un scoop !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Geveaux.

M. Jean-Marie Geveaux. Ce projet de budget pour 2004 va dans le bon sens et j'approuve notamment trois de ses orientations essentielles.

La première concerne la prévention de l'illettrisme, et je sais, messieurs les ministres, que c'est un sujet qui vous tient particulièrement à cœur. A cet égard, le dédoublement des cours préparatoires constitue un succès et il faut poursuivre dans cette voie.

M. Patrick Roy. En surchargeant les autres classes ?

M. Jean-Marie Geveaux. La deuxième est relative à la prévention de la violence à l'école. Là aussi, il faut continuer ce que vous avez entrepris.

La troisième à trait à la scolarisation des élèves handicapés. Je m'attarderai plus particulièrement sur ce point.

Le temps m'étant compté, je vais en effet centrer mon propos sur les assistants d'éducation et les auxiliaires de vie scolaire, les AVS.

Que n'avons-nous entendu sur les bancs de la gauche lorsque nous avons examiné le texte tendant à créer les assistants d'éducation !

M. Yves Durand. Si c'était à refaire, on recommencerait !

M. Jean-Marie Geveaux. Mais les scénarios catastrophes tant annoncés ne se sont pas produits.

M. Yves Durand. Personne ne veut de ces assistants d'éducation !

M. Jean-Marie Geveaux. Bien au contraire, les choses se sont parfaitement déroulées. J'en veux pour preuve que, pour chaque poste proposé, plus de quatre jeunes ont postulé. C'est dire si l'intérêt de participer à ce recrutement était manifeste !

Des problèmes se sont toutefois posés lorsque certains conseils d'administration ont refusé l'embauche

M. Yves Durand. Eh oui !

M. Jean-Marie Geveaux. Présidant la commission d'éducation de mon département, j'ai eu, hier soir, une réunion avec les cinquante-huit principaux de collège au cours de laquelle cette question a été abordée. Personne n'a contesté qu'il était intéressant d'embaucher un assistant d'éducation. En revanche, certains d'entre eux ont regretté énormément que leur conseil d'administration leur ait refusé cette possibilité...

M. Yves Durand. Il faut supprimer les conseils d'administration !

M. Jean-Marie Geveaux. ... au détriment du fonctionnement de l'établissement et de l'intérêt des élèves eux-mêmes.

M. André Schneider. C'est de l'idéologie !

M. Jean-Marie Geveaux. Certes, le nombre des refus est modeste. Toutefois, dans quelle mesure les chefs d'établissement - principaux ou proviseurs - peuvent-ils en embaucher malgré le refus des conseils d'administration ? Je sais que des préfets ont déjà pris des dispositions dans certains départements.

M. Yves Durand. Tiens, tiens, de la coercition maintenant !

M. Jean-Marie Geveaux. Je me réjouis également de la création, dans ce budget pour 2004, de 13 000 nouveaux postes d'assistants d'éducation. A combien va s'élever le nombre d'auxiliaires de vie scolaire ? Ces derniers sont en effet nécessaires pour la scolarisation et le soutien des élèves handicapés.

Concernant les postes AVS, les engagements de l'Etat ont été largement tenus et il faut s'en féliciter. En dépit de la disparition des emplois jeunes, qui étaient d'ailleurs souvent mis à disposition par les collectivités territoriales, nous n'avons pas enregistré de déperdition d'heures pour le soutien des enfants handicapés scolarisés. Bien au contraire. Mais la poursuite de l'extinction des emplois jeunes, à la fois dans les collectivités territoriales et les associations - qui jouent un rôle prépondérant en ce domaine - va poser un problème. Même si les CIVIS - les contrats d'insertion du jeune dans la vie sociale - vont devenir opérationnels, ils ne s'adressent qu'aux associations et pas aux collectivités territoriales. J'espère que ces dernières marqueront autant d'intérêt pour aider les associations à conclure ces contrats et pour mettre du personnel à disposition des établissements scolaires qu'ils l'ont fait avec les emplois jeunes.

Monsieur le ministre, vous avez réaffirmé votre volonté de poursuivre et accentuer l'intégration des enfants avec handicap dans la vie scolaire, notamment grâce aux CLIS - les classes d'intégration scolaire - et aux UPI - les unités pédagogiques d'intégration. Cela va demander des moyens supplémentaires. J'appelle donc tout spécialement votre attention sur cette question, car elle est importante. Il faudra être très vigilant afin que, dans chaque département, tout se passe dans l'harmonie.

L'année 2003 a été déclarée année du handicap. Nous voulons tous la réussir. Il serait opportun que cela soit également le cas dans l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud.

M. Jean-Claude Beauchaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après l'excellente intervention de mon collègue Yves Durand sur le budget de l'enseignement scolaire, je vais centrer mon propos sur le budget « jeunesse et vie associative ».

M. Yves Durand. C'est catastrophique !

M. Jean-Claude Beauchaud. A la lecture des crédits 2004 de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, on ne peut que constater une absence de volonté politique de soutenir les enjeux de société que représentent ces secteurs.

M. Yves Durand. M. Beauchaud a raison !

M. Jean-Claude Beauchaud. En effet, en passant de 107,55 millions d'euros en 2003 à 103,32 millions en 2004, les crédits destinés à soutenir les actions de la direction de la jeunesse et de la vie associative enregistrent une baisse de 4 % et ce, malgré la budgétisation de 8,2 millions d'euros du fonds national pour le développement de la vie associative. Après la baisse enregistrée en 2003 de 5 %, il semble évident que la jeunesse, l'éducation populaire et la vie associative restent à l'écart des priorités de votre ministère.

M. François Liberti. C'est évident !

M. Jean-Claude Beauchaud. Il faut dire que vous avez relégué sa présentation - cela a déjà été souligné par un de mes collègues - à une page de l'annexe V. Et, en commission, nous n'en avons pas beaucoup entendu parler.

M. François Liberti. Eh oui ! Tout cela est tenu pour quantité négligeable !

M. Jean-Claude Beauchaud. Je me réjouis d'un point positif à mes yeux : la hausse de 7,32 millions d'euros des crédits de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation population polaire - l'INJEP. Je tenais à le souligner.

    Pour le reste, monsieur le ministre, les chiffres parlent d'eux-mêmes. La ligne « information de la jeunesse » disparaît en 2004, à l'article 10. La ligne « actions partenariales pour les initiatives, les loisirs, l'insertion et les échanges de jeunes », soit l'article 20, baisse de 5,72 millions d'euros, malgré l'intégration de l'article 10, dont je viens de parler. On enregistre une baisse de 30 % des crédits destinés aux conventions d'objectifs de trois ans aux associations et une diminution de plus de 17 % de ceux prévus pour la formation des animateurs et l'accompagnement de l'emploi.

M. François Liberti. Voilà l'aide à la jeunesse !

M. Jean-Claude Beauchaud. C'est en effet une baisse importante. Nous aurons l'occasion de souligner l'importance que nous attachons à l'emploi dans ces secteurs.

Nous déplorons également une baisse de plus de 20 % des crédits affectés aux « projets éducatifs locaux ».

A la vue de ces quelques chiffres, on peut mesurer la différence de volonté politique avec le gouvernement précédent, qui avait donné une grande place aux associations, reconnaissant, au moyen d'une charte d'engagement avec l'Etat, leur rôle fondamental dans notre société.

    M. André Schneider. Ce n'est pas ce que disait M. Allègre.

M. Jean-Claude Beauchaud. Ce n'est pas M. Allègre qui s'occupait de cela, mon cher collègue. Vous le savez bien.

M. François Liberti. Notre collègue a du retard !

M. Jean-Claude Beauchaud. Par ailleurs, un des principaux outils d'aide au développement de l'éducation populaire est la possibilité pour les associations de bénéficier de postes FONJEP, financés, pour trois ans, par le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire.

En 2003, si soixante nouveaux postes ont été créés, cent postes FONJEP ont subi un gel de crédits et l'Etat a fait, de plus, le choix de baisser sa prise en charge à hauteur de 150 euros pas poste.

M. Patrick Roy et M. François Liberti. Eh oui !

M. Jean-Claude Beauchaud. Pour 2004, on peut craindre des gels budgétaires pour 450 postes, malgré une annonce de création de quarante nouveaux postes.

    A travers l'exemple des postes FONJEP, on peut regretter le peu d'aide accordé à l'emploi associatif par votre gouvernement, messieurs les ministres. C'est le moins que l'on puisse dire après la suppression de 30 400 emplois jeunes dans le milieu associatif et la diminution de 30 % des subventions aux associations en 2003.

    Malheureusement, en tant qu'élu local, je crains que nos collectivités territoriales aient à supporter le désengagement de l'Etat pour maintenir le niveau des rémunérations des postes FONJEP. La fiscalité locale à la charge de l'ensemble des ménages n'a vraiment pas besoin de ces charges supplémentaires, alors que, par ailleurs, les DGF qui vont être versées aux collectivités locales sont bien maigres encore cette année.

Enfin, monsieur le ministre, je ne pourrais passer sous silence les inquiétudes que je partage avec le monde associatif sur les conséquences de la budgétisation du fonds national pour le développement de la vie associative. Les crédits sont dorénavant inscrits dans une ligne intitulée « soutien à la vie associative » au titre de l'article 70 du chapitre 43-90. Les 8,2 millions d'euros affectés à cette ligne viennent abonder le titre IV, lui permettant ainsi de subir une baisse moins importante - de 4,22 millions au lieu de 12 millions d'euros.

Espérons que ces 8,2 millions d'euros prévus dans la loi de finances 2004 iront bien à la formation des bénévoles et au lancement de nouvelles études sur la vie associative, qui sont les missions essentielles dévolues au FNDVA. Pour ma part, je pense que la meilleure garantie que vous pouvez donner au monde associatif est de pérenniser la gestion paritaire des crédits de l'article 70 du chapitre 43-90, comme pour les crédits FNDVA.

Les mouvements de jeunesse doivent être soutenus. Les collectivités qui ont choisi de développer la vie associative pour que nos enfants, tous nos enfants, puissent mieux s'épanouir, doivent être accompagnées. Ce soutien, cet accompagnement n'apparaissent pas dans ce budget. A terme, ce sont les jeunes - et, notamment, les plus défavorisés d'entre eux - qui pâtiront le plus de ces désengagements de l'Etat. Est-ce avec de telles ambitions que nous allons voir baisser la petite délinquance ? Je persiste à penser que le meilleur des remèdes à cette délinquance est la prévention. Elle devrait se traduire dans les chiffres. Hélas ! Il n'en est rien.

    Comme je le craignais dans mon intervention de l'an passé, le budget « jeunesse et vie associative » n'a vraiment rien gagné à passer de celui de la jeunesse et sport à celui de l'enseignement. Dans tous les cas, c'est notre jeunesse qui est sacrifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Roy. Très bien ! Beau discours !

M. François Liberti. Qui remet les pendules à l'heure !

M. le président. La parole est à M.  Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs, au-delà des simples questions budgétaires dont vous a parlé Yvan Lachaud, pour lesquelles il a exprimé le soutien du groupe UDF, je souhaite aborder ici un point particulier de l'actualité scolaire qui fait régulièrement la une des médias : le port du voile islamique à l'école.

C'est un débat qui nous ramène à celui de la laïcité républicaine. La République revient ainsi à une question que l'on croyait définitivement réglée : celle de ses rapports avec les religions. Au fond des choses, le débat actuel sur le voile est du même ordre que celui qui agite notre histoire depuis le Révolution de 1789. Il revient régulièrement sur le devant de la scène à chaque tentative de remise en cause des principes et des règles qui président aux rapports entre l'Etat et l'école privée, c'est-à-dire, pour l'essentiel, l'école catholique.

Par définition, l'application du principe de la laïcité républicaine à l'école vise à donner à tous les citoyens des valeurs communes et universelles qui rassemblent au-delà des dogmes religieux qui, eux, divisent. Cette morale commune, fondée sur les droits fondamentaux des êtres humains, transcende toutes religions. Elle exclut par définition les manifestations d'appartenance religieuse dans les lieux républicains et, en premier lieu, bien évidemment, dans l'école laïque.

Qu'on le veuille ou non, le port du foulard est un signe ostentatoire de l'appartenance à une religion. Il est donc prosélyte. La République accepte la liberté de conscience qui doit rester dans le champ de la vie privée de chaque individu. Elle ne saurait accepter que cette liberté fondamentale devienne agressive vis-à-vis des autres au sein des établissements scolaires.

Si notre pays débat à ce point sur le port du foulard, c'est bien que le contenu de la laïcité n'est pas aussi simple qu'il y paraît.

Au nom de la liberté de pensée jusqu'où peut-on aller ? Les lois de la République protègent chaque citoyen contre les manifestations d'intolérance qu'il pourrait subir. Elles lui garantissent ses libertés individuelles. Pourtant, l'endoctrinement religieux dans la vie privée peut attenter gravement aux libertés fondamentales.

Qui plus est, il nous renvoie à des dogmes religieux parfois extrêmes qui ne peuvent, à l'évidence, coexister avec l'idée que se fait la France des Droits de l'Homme et, plus particulièrement, en l'occurrence des droits de la Femme.

Il ne peut pas être question de transiger. Je ne crois même pas qu'il y ait à débattre puisque débattre de ce problème c'est éventuellement envisager d'accepter que le port du voile puisse être toléré. L'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme est parfaitement clair : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi ». J'y ajouterai la phrase de l'article 6 qui dit que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». En l'occurrence, elle protégera ces jeunes filles qui sont manipulées par des extrémistes religieux qui les utilisent et les oppriment de la même façon qu'une secte.

Sous le voile islamique, il y a des jeunes filles opprimées dont la liberté de conscience n'est pas toujours assurée. Il y a des jeunes filles dont les droits fondamentaux sont bafoués. Utiliser des enfants comme porte-emblème de telles attitudes, de telles religions, quelles qu'elles soient, n'est pas acceptable. C'est donc un devoir que d'interdire le port du voile à l'école.

    Toutefois, n'oublions pas qu'interdire le port d'un signe extérieur d'adhésion à une religion ne veut pas dire pour autant que nous supprimions l'atteinte aux droits fondamentaux de la personne que suppose le port de ce signe. Mais c'est un symbole fort.

Nous considérons qu'il n'y a pas motif à légiférer. Les principes fondamentaux de notre République et les textes en vigueur suffisent en eux-mêmes pour cela. Il est simplement nécessaire de définir et d'affirmer des consignes claires et précises aux proviseurs et aux principaux des collèges afin de faire respecter la loi sans ambiguïté.

M. le président. Nous allons marquer une pause dans nos travaux.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi de finances pour l'année 2004, dans sa partie relative au budget du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, montre résolument que le Gouvernement fait de l'éducation et de la jeunesse une priorité.

Cela se manifeste de deux façons : d'une part, par une augmentation des moyens de près de 3 % ; d'autre part, par une mutation structurelle du budget de l'éducation nationale.

Nous devons nous féliciter que l'augmentation des moyens n'ait pas été le seul chemin suivi par le Gouvernement : si cette voie est nécessaire pour un budget comme celui dont nous débattons, elle s'avérerait totalement inefficace en l'absence de réforme structurelle.

Mon attention s'est portée sur trois éléments qui traduisent de façon convaincante les choix essentiels du Gouvernement.

Le premier point, déjà abordé par les orateurs précédents, concerne le plan d'adaptation et de scolarisation des élèves handicapés.

Notre société se doit ne pas laisser sur le bord du chemin de l'école des enfants du simple fait que ceux-ci souffrent d'un handicap, quel qu'il soit. C'est le devoir de la République de permettre à chacun de recevoir dans de bonnes conditions l'enseignement qui lui est dû.

Ce projet de loi reconnaît aux jeunes un droit à l'école, aux études et, en dehors de nos querelles partisanes, nous devrions tous ici en être satisfaits.

Concrètement, le projet de loi de finances pour 2004, c'est la création de 200 unités pédagogiques d'intégration, UPI, dans le secondaire, création accompagnée par un nouveau contingent d'heures supplémentaires d'enseignement représentant un budget de 1,3 million d'euros.

Ce sont aussi 100 postes de professeurs des écoles spécialisés dans l'enseignement primaire public.

C'est encore la consolidation des assistants d'éducation avec la création de 6 000 postes d'auxiliaires de vie scolaire, effort sans précédent destiné à accompagner la création des UPI.

C'est, enfin, la formation des personnels enseignants et des AVS à l'accueil et au travail des élèves handicapés. Ces quelques chiffres témoignent de la volonté du Gouvernement de permettre aux élèves handicapés de suivre une scolarité la plus normale possible.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister a déjà été abordé également par mes prédécesseurs à cette tribune. Il s'agit de la prévention de la violence scolaire. Tous les efforts doivent être déployés afin que l'école redevienne ce qu'elle n'est plus : un sanctuaire où la violence n'a pas sa place. Le Gouvernement fait preuve, dans ce domaine aussi, d'une volonté fermement tournée vers la prévention des comportements violents au sein de nos écoles. Cette prévention passe par la lutte contre l'échec scolaire et contre la marginalisation sociale d'élèves en rupture.

Elle s'inscrit concrètement, d'abord, dans la mise en place de classes relais accueillant temporairement des collégiens en risque de marginalisation. Accueillant environ quatorze élèves et offrant une formation générale complétée d'un enseignement technologique ou professionnel adapté, ces classes permettront d'amorcer le processus de resocialisation. Les crédits ainsi consacrés au financement des heures supplémentaires d'enseignement s'élèveront à 0,4 million d'euros.

Parallèlement aux classes relais, vous mettez, ensuite, en place les ateliers relais. Encadrés par des associations de jeunesse et d'éducation populaire, ces espaces d'enseignement seront animés par des professeurs volontaires. Cette initiative s'inscrit dans un processus de réconciliation scolaire et sociale. Grâce aux 6,4 millions d'euros inscrits au budget, 200 nouveaux ateliers, s'ajoutant aux 120 existants, pourront être financés.

Enfin, l'opération « école ouverte » participe à l'intégration sociale des jeunes et contribue également à la lutte contre la violence. C'est ainsi que les mercredis et samedis et pendant les vacances scolaires, les élèves issus de familles défavorisées pourront trouver un encadrement leur permettant de bénéficier d'activités culturelles et artistiques, et d'accéder aux nouvelles technologies.

Le troisième et dernier point que je souhaite souligner est l'action du Gouvernement en faveur du soutien et de l'engagement des jeunes. Cette politique a pour but de permettre aux jeunes de se réaliser en leur apportant les soutiens appropriés dont ils ont besoin pour valoriser leurs goûts et leurs connaissances dans des projets porteurs de sens pour eux et pour les autres. Ainsi, l'opération « Envie d'agir » sera développée en 2004, à travers l'ouverture de 20 000 projets dans toutes les régions, avec l'aide d'experts et d'associations compétentes, et la création de concours qui récompenseront 1 500 projets, avec des bourses de 500 euros à 3 000 euros. Le PLF 2004 ouvre aussi 150 nouvelles bourses « Défi jeunes » qui récompensent les meilleurs projets individuels ou collectifs, novateurs ou d'utilité sociale. Ces bourses permettront de lancer 900 projets touchant plus de 2 400 jeunes. Elles bénéficieront cette année de 0,5 million d'euros supplémentaires.

Enfin, sera mis en place le fonds de coopération pour la jeunesse et l'éducation populaire, qui facilite la rétribution des personnels permanents remplissant les fonctions d'animation dans les mouvements de jeunesse et les associations d'éducation populaire. Il interviendra concrètement auprès des associations par le biais de financements pour la rémunération d'un emploi. C'est ainsi que seront financés 3 520 postes - 3 480 postes déjà existants et 40 nouveaux postes - avec une aide supplémentaire de 0,3 million d'euros pour 2004. Il est important de noter que, pour de nombreuses associations, ces nouveaux postes constitueront un premier emploi permanent.

Permettez-moi, en conclusion, monsieur le ministre, de m'écarter quelques secondes de mon propos pour aborder très brièvement un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur. Je veux parler des offices binationaux et plus particulièrement de l'OFAJ, l'office franco-allemand pour la jeunesse. En cette année 2003 de célébration du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, où le moteur franco-allemand fonctionne à nouveau à plein régime, force est de constater que l'apprentissage de l'allemand en France et du français en Allemagne est en très nette régression.

M. André Schneider. Tout à fait !

M. Jean-Yves Hugon. Je pense prêcher un converti en vous demandant de veiller personnellement à ce que le budget consacré au soutien des échanges entre les jeunes de nos deux pays continue à être activement soutenu.

Nous voyons bien à travers tous ces chiffres, qui ne sont que des exemples, que l'engagement du Gouvernement est, sans faille, tourné vers l'éducation et la jeunesse.

M. Yves Durand. Sans faille !

M. Jean-Yves Hugon. C'est grâce, bien sûr, à l'augmentation des moyens, mais aussi et surtout à une véritable mutation structurelle qu'un tel engagement est possible et que le Gouvernement peut garder le cap qu'il s'est fixé. Pour toutes ces raisons, j'apporterai, sans réserve, un vote de soutien à votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Depuis dix-huit mois, le groupe socialiste ne cesse d'interpeller le ministre du travail, le ministre de la fonction publique, ainsi que le Premier ministre, sur les conséquences de leur politique en termes d'emploi.

M. Yves Durand. Et nous n'avons jamais de réponse !

Mme Martine David. Le chômage connaît une progression inquiétante, frappe durement de nombreuses familles et le Gouvernement, loin d'en tenir compte, aggrave la situation par ses décisions fiscales injustes et inefficaces. Pour votre part, monsieur le ministre de l'éducation nationale, au palmarès des "licencieurs", vous figurez finalement en très bonne place, ...

M. Yves Durand. La première !

Mme Martine David. ... ce qui est particulièrement néfaste pour les millions de sans-emploi de ce pays et les personnels de la famille éducative poussés vers la sortie par vos choix politiques.

Ces décisions désastreuses sur les plans humain et social, le sont également pour la qualité de notre système scolaire. Je considère, comme beaucoup de Français, que l'école doit être la priorité des priorités. Ce choix avait d'ailleurs conduit la majorité précédente à mettre en œuvre des moyens importants - et nous en sommes fiers - visant à renforcer les équipes enseignantes et à leur adjoindre des intervenants pour permettre à l'école de la République de répondre aux défis de notre société.

Aux antipodes de cet effort, votre action est marquée par une contraction très sévère des moyens. Nous ne sommes pas dupes de vos annonces fracassantes ni des artifices budgétaires que vous employez. Les personnels de l'éducation ne le sont pas davantage et les parents d'élèves constatent que leurs enfants sont moins bien encadrés à l'école. Et pour cause ! Nous assistons à une véritable hémorragie des adultes dans l'ensemble des établissements scolaires. Ainsi, 9 000 postes de maîtres d'internat-surveillants d'externat sont en voie d'extinction ; 20 000 postes d'aides-éducateurs ne sont pas reconduits, et ce n'est pas la création de 13 000 postes d'assistants d'éducation qui compensera les pertes ainsi enregistrées ; 2 500 postes de stagiaires administratifs et 1 050 emplois de personnels administratifs sont supprimés ; il n'y a aucune création de poste d'infirmière scolaire, il faut le répéter avec insistance, même si cela a déjà été dit ; pas la moindre création de poste de médecin scolaire ou d'assistante sociale ; aucun budget pour l'embauche de vacataires.

M. Yves Durand. Tout à fait !

Mme Martine David. Je déplore l'extinction d'un dispositif qui permettait une surveillance de proximité et l'aide aux étudiants les plus modestes. Je regrette vivement la mise à l'index brutale des emplois-jeunes qui avaient prouvé leur efficacité et leur nécessité.

M. André Schneider. C'est vous qui l'aviez prévue !

Mme Martine David. Je suis profondément navrée de l'abandon du plan pluriannuel de recrutement visant à assurer un meilleur suivi des élèves en difficulté. Je dénonce le recentrage de l'école sur la seule transmission des savoirs et l'abandon d'une démarche globale qui faisait des psychologues, des infirmières, des assistantes sociales des membres à part entière de l'équipe éducative.

M. Yves Durand. Finie l'éducation nationale, c'est l'instruction nationale !

Mme Martine David. L'école n'est pas un sanctuaire coupé du reste de la société. Elle est confrontée aux problèmes sociaux grandissants qui empêchent de plus en plus les enseignants de mener à bien leur mission. Il nous faut donc apporter des réponses claires. La présence d'adultes formés et disponibles dans les établissements en est une.

Monsieur le ministre, vous devez aux Français la vérité : vous avez fait le choix politique d'une réduction forcenée de l'emploi public au détriment des besoins d'encadrement éducatif et de la qualité de notre système scolaire. Ce choix, je le désapprouve, car il est injuste, inefficace et à courte vue.

M. Yves Durand. Très bien !

Mme Martine David. L'éducation comme la santé n'ont pas de prix. « Haro sur l'Etat et ses serviteurs » semble être votre seul argument. J'aurais plutôt attendu dans les propos d'un pédagogue : « Haro sur l'échec scolaire, sur les problèmes sociaux qui aggravent les difficultés des élèves ou sur le malaise des enseignants ».

M. Yves Durand et M. Patrick Roy. Très bien !

M. André Schneider. Qu'avez-vous fait ?

Mme Martine David. Nous ne pouvons laisser dire qu'il y a trop d'enseignants, que l'école coûte cher. Ce coût chaque Français peut être fier d'y contribuer, car c'est un signe de notre intérêt pour les plus jeunes. C'est également un gage d'avenir. Des classes d'âge de mieux en mieux formées, c'est la promesse de citoyens responsables, d'une société tolérante et ouverte au « vivre ensemble », de travailleurs qualifiés qui conserveront à la France sa place parmi les pays les plus performants, d'une croissance dynamique qui permettra aussi de financer - c'est d'actualité - un haut niveau de protection sociale.

M. André Schneider. La rentrée 2002, ce n'était pas cela !

Mme Martine David. Vous pensez "faire mieux en dépensant moins", en vous réfugiant derrière des statistiques de réussite et des chiffres de postes budgétaires. Les enseignants et les acteurs du système éducatif, eux, mettent des noms et des situations sociales sur les statistiques des élèves en difficulté. Ils vous répondent simplement qu'ils souhaitent assumer leur exigeante mission dans les meilleures conditions. Allez-vous enfin les entendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au-delà de la politique de l'éducation nationale, je souhaite intervenir sur un sujet qui concerne la construction même de l'Europe, à savoir le développement du plurilinguisme dans notre système d'enseignement, en particulier l'enseignement de la langue allemande.

M. André Schneider et M. Jean-Yves Hugon. Très bien !

M. Daniel Garrigue. C'est, en effet, un enjeu culturel important. Il s'agit de savoir si nous acceptons de subir, demain, une culture unique ou si nous avons la volonté de mener un véritable combat pour la culture, ce qui suppose une ouverture vers l'ensemble des cultures européennes. C'est un enjeu pour le développement des relations avec nos partenaires, en particulier à l'heure de l'élargissement. C'est un enjeu pour la langue française elle-même, car on sait bien qu'en matière d'enseignement des langues, la réciprocité est un élément extrêmement important. Nous ne pouvons pas être indifférents, par exemple, au fait que trois Länder rhénans aient décidé récemment d'accorder une place privilégiée à l'enseignement de la langue française.

Officiellement, et l'on doit s'en féliciter, la politique du ministère de l'éducation nationale est d'encourager le plurilinguisme. A l'occasion du quarantième anniversaire du traité franco-allemand, beaucoup a été dit sur la nécessité de développer chez nous l'enseignement de la langue allemande, dans une logique de réciprocité avec nos partenaires. La réalité, il faut bien le dire, est malheureusement assez différente. Les parents d'élèves montrent une désaffection à l'égard de l'allemand, langue longtemps considérée comme permettant d'intégrer une filière d'études sélective. Ce n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui.

Un effort intéressant est, certes, consenti pour l'enseignement précoce des langues vivantes. Or c'est l'anglais qui s'y taille la part du lion, sans toutefois atteindre l'exclusivité que souhaitait lui accorder l'un de vos prédécesseurs. L'allemand, pour sa part, ne représente aujourd'hui que 20 % environ de l'enseignement précoce des langues. Et que dire de la place faite à l'espagnol ou à l'italien avec 1 % ou 2 % des possibilités d'apprentissage ?

Face à cette situation, vous avez déjà tracé certaines pistes. D'abord, porter l'effort sur la promotion et la communication. Il s'agit de bien faire prendre conscience à nos compatriotes de l'enjeu que représente le plurilinguisme. Tous, nous pouvons y travailler.

Il y a, ensuite, un problème de filière. Vous expérimentez actuellement une idée intéressante, en proposant d'aborder, au tout début du système de formation, dès la sixième, une deuxième langue vivante qui pourra être la langue anglaise, de manière à encourager l'apprentissage précoce d'autres langues dans l'enseignement primaire.

Enfin, il y a la question évidente des enseignants. Pour enseigner, il faut des enseignants. S'il est un domaine où l'on pourrait travailler à une polyvalence, tout au moins à une bivalence des enseignants, c'est bien celui de l'enseignement des langues. C'est un problème qui doit être traité dès la formation des maîtres de l'enseignement primaire, mais aussi certainement de l'enseignement secondaire. On pourrait ainsi concevoir que des professeurs dans le secondaire enseignent soit plusieurs langues, soit plusieurs disciplines. Un professeur de sciences pourrait, de manière utile, enseigner l'allemand, un professeur de lettres pourrait enseigner l'italien ou l'espagnol. Ce ne serait pas pour eux un élément de réduction de leur statut. Ce serait, au contraire, un élément d'enrichissement extrêmement fort dans leur carrière et pour eux-mêmes.

Je souhaite, messieurs les ministres, que vous puissiez affirmer plus fortement votre ambition sur le problème du plurilinguisme. Dans le cadre du grand débat que vous êtes en train de lancer sur l'école, je pense qu'il faut faire preuve de beaucoup d'audace en ce domaine. Plus vous serez audacieux sur ce sujet, plus vous aurez notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, dernier orateur inscrit.

M. Lionnel Luca. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé est une nouvelle fois le premier budget de la nation, témoignant ainsi de la priorité donnée par le Gouvernement à l'éducation nationale.

Premier budget il l'est, et de loin, puisqu'il est supérieur de plus d'une fois à celui de la défense nationale,...

M. Yves Durand. Il ne manquerait plus que ça !

M. Lionnel Luca. ... et de près de trois fois à celui de l'équipement et du logement et à celui de l'intérieur.

Sa hausse de 2,8 %, qui s'ajoute à celle de 2,3 % en 2003, est l'une des plus importantes, tous ministères considérés, et le quelque 1,5 milliard d'euros supplémentaire représente près d'un tiers du budget de la justice, plus de la moitié du budget de la culture et de la communication et plus de deux fois le budget de l'écologie et du développement durable.

Ce budget considérable poursuit l'infléchissement donné l'an dernier pour mieux satisfaire les besoins.

D'ores et déjà, la rentrée 2003 restera l'une des meilleures, ...

M. Yves Durand. Du siècle !

M. Lionnel Luca. ... et je puis témoigner que dans le département des Alpes-Maritimes, pour la première fois, aucune manifestation de parents n'a eu lieu dans l'attente de l'ouverture d'une classe ou de professeurs manquants, comme nous en avions pris l'habitude ces dernières années.

M. Yves Durand. Formidable !

M. Lionnel Luca. La mise en cohérence des moyens avec les besoins, la priorité donnée à la prévention de l'illettrisme, le développement des dispositifs en alternance, la revalorisation de l'enseignement professionnel, les efforts exceptionnels pour favoriser l'intégration des élèves handicapés, la volonté enfin affichée de rétablir l'autorité pour continuer d'inverser la courbe de la violence, est à porter à votre crédit.

Et l'ouverture d'un grand débat national tant attendu et que nos prédécesseurs n'ont jamais osé organiser, préférant les causeries de salon, surtout télévisées, ...

M. Yves Durand. Oh !

M. Lionnel Luca. témoigne de votre volonté de rendre la parole aux Français.

Ce débat est devenu indispensable car malgré la qualité et le dévouement de tous ceux qui participent à notre système éducatif, ni l'utilisation des moyens, ni les résultats ne sont à la hauteur des exigences de la nation.

Le Cour des comptes l'a démontré dans son rapport publié en avril dernier en se demandant si le système éducatif portait une attention suffisante à ses coûts, s'il s'attachait à maîtriser ses dépenses et s'il faisait preuve d'une gestion toujours rigoureuse de ses moyens. Se poser ces questions, c'était déjà y répondre.

M. Yves Durand. Et oui !

M. Lionnel Luca. A propos de la croissance mécanique des dépenses de personnel, la Cour des comptes remarquait que rien aujourd'hui ne permet d'affirmer qu'une telle logique favorise l'efficacité de l'enseignement et la réussite des élèves. Les recherches concluent au contraire à l'absence d'effets significatifs et mesurables.

Toujours selon la Cour, les données du ministère « ne permettent pas de déterminer les dépenses induites par les réformes et les dispositifs pédagogiques, ni même d'appréhender les coûts globaux des opérateurs du système éducatif. Ainsi, le coût de la récente réforme des collèges et des lycées ne peut être chiffré avec certitude.

« A un niveau plus fin, il n'est pas possible de connaître le coût réel d'un établissement... Il est également impossible de calculer le coût global d'un niveau de formation ou d'un enseignement qui y est mis en œuvre. »

Elle précise par ailleurs que l'offre de formation reste fortement marquée par une approche qui privilégie la gestion des moyens d'enseignement au détriment d'une analyse plus qualitative. Les procédures relèvent plus souvent de l'empirisme que d'une vision prospective de l'offre de formation.

Beaucoup plus grave encore : "L'enseignement français est socialement l'un des plus injustes, c'est l'un de ceux qui permet la moins bonne promotion des élèves issus des classes modestes, l'un de ceux pour lesquels l'aide de l'Etat contribue le moins à la redistribution sociale et à la promotion des classes sociales défavorisées. »

M. Yves Durand. C'est faux !

M. Lionnel Luca. « C'est un enseignement pour privilégiés".

Ces dernières lignes sont extraites de l'hebdomadaire L'Express du 4 septembre dernier et, plus précisément, de la chronique de Claude Allègre.

M. Yves Durand. Il n'a pas forcément raison !

M. Lionnel Luca. C'était votre ministre ...

M. André Schneider. Ils lui ont fait un mauvais sort !

M. Lionnel Luca. ... et l'ami de votre Premier ministre !

Toujours selon Claude Allègre, "La France dépense beaucoup trop pour son enseignement secondaire - celui qui est peu performant - et pas assez pour ses enseignements supérieurs - ceux qui ont le plus progressé depuis trente ans ! - le financement de l'enseignement élémentaire restant dans la moyenne".

Ce ministre ne peut pas dire des choses fausses...

M. Yves Durand. Pas toutes !

M. Lionnel Luca. ... que vous trouviez justes quand il était au gouvernement !

Messieurs les ministres, votre budget remédie aux mauvaises orientations passées et le grand débat qui commence devra relever le défi d'une véritable égalité des chances pour la jeunesse de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Durand. Ça commence mal !

M. le président. Nous avons entendu tous les orateurs inscrits dans la discussion.

En accord avec le Gouvernement, je donne la parole à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Monsieur le président, je tiens simplement à répondre brièvement à quelques-unes des interventions.

Cher collègue Garrigue, en France, l'enseignement de la langue allemande représente 150 000 heures à peu près dont la moitié se fait devant des classes de moins de quinze élèves. L'offre n'est donc pas insuffisante - ce que vous n'avez d'ailleurs pas dit. Ce qu'il faut, par contre, c'est donner l'envie d'apprendre cette langue.

Pour votre part, monsieur Liberti, vous avez développé un raisonnement compliqué...

M. Yves Durand. Non !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. ... pour nous démontrer que le budget que nous examinons diminue.

M. Patrick Roy. Il sait compter !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je suis professeur de mathématiques et j'ai relevé dans votre propos une faute de logique

Si je vous ai bien compris, il conviendrait de retrancher du budget pour 2004 ce qui est la conséquence en année pleine des mesures décidées dans le budget de 2003.

Prenons l'exemple de créations de postes à la rentrée. Quand on prend une telle mesure une année, elle a un coût sur quatre mois, à savoir septembre, octobre, novembre et décembre. Mais l'année suivante, évidemment, ce coût triple puisqu'il porte alors sur douze mois.

M. Yves Durand. Jusque-là, ça va !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Mais alors, si vous suivez votre logique, vous ne pouvez pas simultanément, pour les mesures nouvelles, faire un calcul une fois sur quatre mois et une autre fois sur douze mois. Soit vous raisonnez sur douze mois pour 2003 et pour 2004, soit vous raisonnez sur quatre mois pour les deux années.

C'est le rapporteur spécial qui parle, mais aussi celui qui a l'habitude de calculer : il vous faut multiplier par trois le coût de ces créations si vous voulez comparer les choses. Votre raisonnement est donc faux.

Pour Martine David, l'éducation comme la santé n'ont pas de prix. C'est toujours l'argument que l'on utilise quand on ne veut pas évaluer le coût.

On peut essayer de faire mieux en dépensant plus et, à entendre les discours de nos collègues, c'est d'ailleurs bien vers cela qu'il faudrait tendre. Pourtant, le malaise de l'enseignement demeure, preuve que ce n'est pas le bon remède.

Pour notre part, nous voulons faire mieux en dépensant mieux, comme le veut d'ailleurs l'utilisation normale des crédits publics.

Quant à vous, cher collègue Durand, quand vous dites que la recherche de l'efficience serait réservée aux entreprises privées, les bras m'en tombent !

La recherche de l'efficience, elle est valable partout. Et pour nous parlementaires, c'est l'efficience de la dépense publique qu'il nous faut rechercher, c'est-à-dire que nous devons au contribuable de veiller à ce que l'argent qui leur est prélevé soit utilisé, pour le budget de l'enseignement scolaire, par exemple, avec la meilleure efficacité possible.

M. Yves Durand. Evidemment !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Si nous ne veillons pas à cela, nous ne remplissons pas nos fonctions.

Rappel au règlement

M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58.

J'ai déposé avec mes collègues du groupe socialiste un certain nombre d'amendements, comme nous l'avions fait l'année dernière. Or j'apprends que cette année nos amendements ont été rejetés par la commission des finances.

Il ne s'agissait pourtant pas avec ces amendements de viser, par exemple, au remplacement de l'inspection générale de l'éducation nationale par la Cour des comptes, comme nos collègues de l'UMP devraient le demander, tellement cela transpire de leurs interventions et notamment de celle à l'instant du rapporteur spécial !

M. Lionnel Luca. Quel humour !

M. Yves Durand. Il s'agissait tout simplement de redonner à l'éducation nationale, en particulier à l'enseignement scolaire, les moyens de fonctionner en rétablissant les postes supprimés. Contrairement, en effet, à ce que vous prétendez, ce n'est pas parce que l'on dépense moins que l'on fera mieux - j'en vois le résultat dans les établissements scolaires !

Faire des économies de postes aboutira à sélectionner les élèves dès la fin de la cinquième...

Mme Marie-Jo Zimmermann. N'importe quoi !

M. Yves Durand. ... et à les sortir du collège, alors que l'on devrait au contraire s'atteler à une véritable réforme de celui-ci et non pas tenir un discours catastrophiste sur l'école qui, je le répète, constitue une véritable agression vis-à-vis du corps enseignant (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Lionnel Luca. Pas du tout !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais non !

M. Yves Durand. ... alors que celui-ci fait tout pour que les élèves réussissent.

Je m'étonne donc que nos amendements ne puissent venir devant notre assemblée pour être défendus, discutés et votés.

Je vous prie, dans ces conditions, monsieur le président, de demander à M. le président de la commission des finances de venir, avant la fin de nos débats - qui devraient se poursuivre cet après-midi après le vote sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale - nous expliquer pourquoi ces amendements sont refusés, alors que la loi organique relative aux lois de finances a pour ambition de réhabiliter le travail parlementaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spéciale.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, s'attendait à une telle intervention, et il m'a donc fait parvenir un document qui explique sa décision.

Le président de la commission des finances a opposé l'article 40 à sept amendements qui visaient à annuler des mesures nouvelles négatives, c'est-à-dire de réduction de postes, proposées par le Gouvernement afin de supprimer des emplois sur le budget de l'éducation nationale - je vous rappelle, mon cher collègue, que l'article 40 n'a pas été modifié par la LOLF.

Le président Méhaignerie a en effet considéré que toutes les suppressions d'emplois visées par ces amendements servent à gager des créations inscrites sur d'autres lignes budgétaires et que, par conséquent, l'annulation de ces suppressions aboutirait à un nombre d'emplois supérieur à la fois à l'effectif budgétaire actuel et à l'effectif prévu dans le projet de loi.

L'article 40 comporte deux cliquets : l'un empêche de demander plus que l'année d'avant et l'autre plus que ce qui nous est proposé. Avec vos amendements, on dépassait les montants à la fois du budget de 2003 et du projet de budget pour 2004.

Telles sont les précisions que M. le président Méhaignerie m'a fait parvenir pour expliquer l'application de l'article 40 à ces amendements. Je tiens ce document à votre disposition.

M. Yves Durand. Je demande la parole pour répondre, monsieur le président.

M. le président. Mon cher collègue, vous aurez tout loisir de poursuivre cette conversation dans le cadre des questions.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Pierre Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier les deux rapporteurs, M. Chamard et M. Reiss, pour leur remarquable travail et la très grande clarté avec laquelle ils ont su faire ressortir l'essentiel d'un projet dont Luc Ferry et moi-même effectuons la présentation générale.

Pour les interventions des deux ministres, nous nous sommes réparti les choses ainsi, puisqu'il a été souvent dit, au cours de cette discussion, qu'un budget n'était que le reflet de priorités. Je rappellerai d'abord rapidement ce que sont les priorités pédagogiques et éducatives de notre ministère. Ensuite, Luc Ferry pourra, plus en détail, exposer les logiques budgétaires qui ont été retenues pour soutenir ces priorités.

Je tiens également à saluer les orateurs inscrits. Naturellement, bien des divergences, bien des désaccords nous opposent. Mais nous avons tout au moins en commun une véritable passion pour notre école. Nous partageons un même souci : la mettre en mesure d'assurer la réussite et l'épanouissement des jeunes Français.

C'est pourquoi nous avons voulu, par une gestion rigoureuse des ressources, parfaitement en phase avec les réalités démographiques, ainsi que par un certain nombre d'évolutions structurelles, nous redonner des marges de manœuvre, afin de poursuivre les objectifs pédagogiques et éducatifs qui nous semblent absolument prioritaires.

Les objectifs que nous nous sommes assignés n'ont pas varié. Le premier d'entre eux demeure la lutte contre l'illettrisme. Des outils nouveaux, notamment le livret « Lire au CP », ont été mis à la disposition des maîtres. Dans les secteurs les plus difficiles, près de 4 300 cours préparatoires - nous sommes loin des chiffres dérisoires cités tout à l'heure - sont fortement aidés, grâce à un dispositif ambitieux de renforcement des moyens.

Celui-ci comprend en effet, soit le dédoublement intégral de ces classes, ce qui n'avait jamais été fait, soit leur dédoublement partiel ou l'intervention d'assistants d'éducation durant les moments d'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Certes, il est encore trop tôt pour porter sur cette action un jugement définitif, mais les premiers résultats sont très encourageants, contrairement à ce que certains médias ont laissé croire par des évaluations trop précoces. En particulier, lorsque les dédoublements ont été opérés et qu'ils s'accompagnent de la mise en place de nouvelles méthodes pédagogiques, les effets sont spectaculaires.

Nous soutenons également les efforts entrepris en faveur de la lecture au travers des activités périscolaires : le nombre de contrats éducatifs locaux qui intègrent la prévention de l'illettrisme dans leurs volets prioritaires augmentera encore en 2004. Il n'est donc aucunement question, monsieur Liberti, de les diminuer.

Nous continuerons également à privilégier la lutte contre la violence à l'école. En présentant, ici même, l'an dernier, la politique de prévention que nous mettions en œuvre dans ce domaine, nous disions, Luc Ferry et moi-même, notre inquiétude devant le nombre d'incidents graves recensés dans les établissements scolaires.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir de constater que ce chiffre a commencé à diminuer : 72 000 incidents graves ont été déclarés depuis septembre 2002 contre plus de 81 000 sur la même période l'an passé, soit une baisse de 10 %. Nous avons l'ambition de diminuer de moitié en cinq ans le nombre d'incidents que nous avons constatés lorsque nous sommes arrivés aux affaires. Pour l'instant, nous tenons ce pari. Certes, nous devons faire preuve de prudence - nous savons que les politiques de prévention contre la violence sont complexes et appellent beaucoup d'actions d'interministérielles -, mais cela constitue un signe encourageant pour la politique menée par le Gouvernement en ce domaine.

Nous ne relâcherons pas notre effort, bien au contraire, et nous allons conforter les mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Les moyens en faveur des dispositifs relais seront renforcés. Nous consacrerons 400 000 euros de plus aux moyens d'enseignement pour les classes relais qui concourent à la réinsertion durable d'élèves en situation de marginalisation scolaire et sociale.

Seront également créés 200 ateliers relais supplémentaires, pour un montant de 6,4 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 120 ateliers déjà mis en place.

Par ailleurs, les crédits alloués à l'opération « Ecole ouverte » seront majorés de 5,4 millions d'euros, pour parvenir, comme nous l'avions annoncé, à 5 000 semaines de fonctionnement. Faut-il rappeler - tous les orateurs qui se sont exprimés en seront d'accord - que l'école ouverte permet d'accueillir des élèves issus de familles défavorisées dans les établissements scolaires, durant les journées où ceux-ci sont habituellement fermés, et de les faire bénéficier d'activités artistiques, culturelles ou sportives et, surtout, de modifier très sensiblement leur image de l'institution scolaire et des enseignants ?

Plus généralement, nous poursuivrons la politique volontariste que nous avons mise en œuvre cette année et qui vise à prévenir les conduites à risques chez les jeunes, par un meilleur apprentissage de la responsabilité. Les actions conduites, notamment dans le domaine de la sécurité routière, de la prévention du tabagisme - avec les lycées non-fumeurs -, de la lutte contre l'obésité ou contre toutes les formes d'atteintes portées à soi-même, toutes ces politiques sont des politiques modestes, mais obstinées, et ont d'ores et déjà donné des résultats positifs. Il importe donc de les développer.

En luttant contre la violence à l'école, contre l'illettrisme, et contre tous les risques pris par les jeunes, nous luttons tout simplement contre l'échec scolaire. Tel est l'objet principal de toute politique éducative. Là aussi, nous renforçons les mesures mises en œuvre pour réduire le nombre de jeunes qui sortent chaque année de notre système éducatif sans qualification. C'est ainsi que la montée en puissance des classes en alternance au collège sera poursuivie.

Enfin, pour répondre à une question posée par divers orateurs, le plan en faveur de l'adaptation et de l'intégration scolaire - ou de la scolarisation, pour utiliser un terme que préfère, à juste titre, M. Lachaud - des élèves handicapés reste l'une des grandes priorités de l'éducation nationale. A cet égard - et je réponds là à la préoccupation de Jean-Marie Geveaux qui s'inquiétait du nombre des nouvelles UPI -, 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration seront créées dans le second degré.

Les 5 000 emplois d'assistants d'éducation exerçant des fonctions d'auxiliaires de vie scolaire seront consolidés et 200 postes supplémentaires s'y ajouteront à la rentrée 2004. C'est un effort sans précédent. Il s'agit de multiplier plus que par cinq la situation que nous avions l'an dernier. Nous créerons 100 emplois de professeurs des écoles spécialisés et des moyens importants seront consacrés à la formation des personnels. Au total, ce sont plus de 110 millions d'euros supplémentaires qui sont inscrits au projet de loi de finances 2004 au titre de ce plan. C'est un effort sans précédent, qui est à la hauteur, je crois, de l'objectif ambitieux que nous devons atteindre.

M. Durand s'est étonné de mon propos sur « l'autonomie des établissements, clé de la réforme ». Mais oui, je le confirme. Il faut plus d'autonomie dans les établissements pour mettre en œuvre cette politique.

M. Yves Durand. C'est la suite qui m'inquiète !

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur Durand, seule une véritable responsabilisation des acteurs locaux, chef d'établissement, équipe pédagogique, équipe éducative, personnel administratif et technique, permettra de véritables sursauts qualitatifs.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Yves Durand. Et la suite ?

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. C'est d'ailleurs, je me permets de vous le rappeler, monsieur Durand, ce que préconisait Michel Rocard, il y a quatorze ans, dans une excellente circulaire relative au renouveau du service public.

M. André Schneider. Très bien !

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Vous craignez que nous ne transformions les établissements publics en établissements privés. Non! L'autonomie n'est pas l'indépendance et nous voulons qu'elle s'exerce dans le cadre du service public. Je pense que vous voilà rassuré.

M. Yves Durand. Pas tout à fait !

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Un mot enfin sur les technologies de l'information et de la communication : au-delà de l'équipement informatique des établissements, très largement réalisé, notre priorité porte sur la promotion de l'usage éducatif des technologies, grâce à la mise à disposition de contenus et d'outils de grande qualité. Nous consacrerons 700 000 euros au lancement du service de vidéos numériques à la demande - la Web TV, si vous me permettez d'utiliser des termes techniques - ; l'espace numérique des savoirs continuera à être déployé et le développement des projets pilotes d'espaces numériques de travail se poursuivra.

Un mot pour répondre au rapporteur pour avis, Frédéric Reiss, et à Daniel Garrigue, sur l'enseignement précoce des langues vivantes. Il est vrai que nous devons être très attentifs à la diversification des langues vivantes dans le premier degré. Nous devons avoir des enseignants qualifiés. Voilà pourquoi - vous le savez sans doute, monsieur le rapporteur - nous avons décidé d'introduire une épreuve de langue vivante obligatoire dans le concours de professeur des écoles. En outre, monsieur Reiss, nous essayons de mobiliser, dans la mesure du possible, les professeurs du second degré, soit dans le cadre de complément de service, soit au moyen d'heures supplémentaires, afin d'assurer l'enseignement des langues vivantes dans les écoles.

Naturellement, c'est dans la formation initiale et dans la formation continue des maîtres du premier degré que nous devons nous investir si nous voulons assurer la clarté, l'efficacité et surtout la durée de cet enseignement. Dans le souci d'assurer la qualité, plutôt que la quantité à tout prix, nous avons voulu, lors de notre arrivée aux affaires, conforter d'abord cet enseignement en CM1 et CM2, au lieu de « faire du chiffre », comme notre prédécesseur.

Pour ce qui est de l'allemand, monsieur Garrigue, nous devons favoriser la relance d'une diversification des langues vivantes. A cet égard, un pilotage académique des langues, selon un schéma directeur de deux ou trois ans, devrait contractualiser au niveau des bassins, par des unités géographiques et pédagogiques, une démarche qui permettrait de multiplier les offres de langues, en particulier de la langue allemande. Cette expérience a été initiée dans plusieurs académies : Strasbourg, Rennes, Bordeaux et Toulouse. Certes, ce n'est pas à Strasbourg qu'il était le plus nécessaire de favoriser l'allemand ! Mais l'expérience a été tentée, là aussi. Et je pense que nous pourrons faire évoluer très sensiblement la situation actuelle qui profite au monopole de l'anglais.

Tels sont les principaux points que, en préambule au propos de Luc Ferry, je tenais à souligner. Ils montrent que nous n'avons pas voulu éparpiller nos efforts et nos moyens, mais, bien au contraire, les concentrer sur ce qui nous apparaît comme prioritaire. Ils illustrent également la continuité de notre action. Les mesures et les dispositifs que nous avons mis en œuvre depuis l'an dernier commencent à porter leurs fruits. Mais on n'éradique pas la violence ou l'échec scolaire en un an. Il y faut une détermination durablement affirmée.

Si, à cet égard, 2004 sera l'année du renforcement et de la consolidation de notre politique, elle sera aussi celle où se jouera l'avenir de notre école. En effet, deux épisodes majeurs l'encadreront et le Parlement, mesdames et messieurs les députés, aura à y jouer un rôle essentiel.

Au début de l'année, ce sera d'abord le projet de loi relatif aux responsabilités locales qui vous sera soumis et qui, de par son objectif de renforcer la capacité d'initiative des collectivités territoriales, est riche d'enjeux essentiels pour le fonctionnement de notre système éducatif.

Vous avez posé une question concernant la Haute assemblée : un amendement viserait à rendre la médecine scolaire aux départements. Pour l'instant, que je sache, ni le Gouvernement ni la majorité ne l'ont retenu.

M. Yves Durand. Ah !

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. A la fin de l'année - et à l'issue du grand débat national qui s'ouvre ces jours-ci -, ce sera le projet de loi d'orientation sur lequel vous aurez à vous prononcer,  texte fondamental qui devra expliciter les finalités et les missions que la nation entend assigner à son école.

Pour ma part, je me réjouis que la question scolaire puisse ainsi s'inscrire durablement au cœur de vos réflexions et de vos travaux, comme elle est au cœur des réflexions de tout Français. C'est là une chose que j'appelle depuis longtemps de mes vœux, car je crois que votre connaissance et votre amour de l'école méritent davantage que quelques heures de discussion budgétaire ou quelques escarmouches, fussent-elles d'aussi grande qualité que celles d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Yves Durand. C'est trop gentil !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens à mon tour à remercier chaleureusement les rapporteurs pour leur excellent travail, qui me permettra d'être bref. Je remercie également les différents intervenants, en premier lieu, bien sûr, ceux qui nous soutiennent, mais aussi ceux qui nous critiquent - par leur simple présence, ils témoignent au moins de leur intérêt pour les questions qui nous préoccupent, cela méritait aussi d'être souligné.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre est trop bon !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Comme l'ont expliqué, avec beaucoup de talent, Xavier Darcos et les rapporteurs, la qualité d'un budget ne se mesure pas à son taux d'augmentation mécanique, mais aux priorités qu'il finance, en l'occurrence, celles que Xavier Darcos vient de présenter.

Je le dis d'autant plus librement que, malgré les acrobaties intellectuelles auxquelles certains, parlant de mensonges ou d'insincérité, se sont livrés à cette tribune, le budget de mon ministère, pour 2004, augmente bien, à périmètre constant, de 3 %, c'est-à-dire largement au-delà de la progression mécanique des pensions et rémunérations, qui s'élève à 2 % environ. Franchement, la preuve est faite que ce budget est une priorité du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Ah bon ?

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Un budget ne doit cependant pas être jugé, je le répète, sur son rythme d'augmentation ; l'important, c'est qu'il ait été construit intelligemment et qu'il soutienne une bonne politique. Sans revenir sur les chiffres, que vous connaissiez et qui ont été clairement rappelés - je pense aux chiffres donnés par les rapporteurs, bien sûr (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) -, je décrirai quatre traits caractéristiques de ce budget, pour que vous sachiez comment il a été construit et à quelle logique de fond il répond.

Ce budget se caractérise, en premier lieu, par des redéploiements. M. le député Durand a parlé de « budget mensonger ». C'est un peu étrange car le choix de redéployer une partie des moyens du second degré vers le premier degré n'aurait pu être plus clair et plus transparent : la création de 1 500 postes dans le premier degré est compensée par la suppression de 1 500 postes dans le second degré, à laquelle s'ajoute en effet, je l'assume, la suppression de 2 500 postes de stagiaires.

M. Lionnel Luca. Exactement !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ce choix budgétaire parfaitement clair, transparent et assumé, est justifié par les considérations démographiques que les rapporteurs viennent de rappeler : le nombre d'élèves, dans le primaire, augmentera de 55 000, tandis que, dans le secondaire, il diminuera de 25 000 en 2004 et même de 100 000 d'ici à 2006 - je spécifie ce chiffre à plus long terme pour qu'on ne nous accuse pas de « faire l'accordéon », comme on dit dans la maison.

Ce budget n'a donc rien de « mensonger », et les redéploiements - personne ne l'a encore dit, mais c'est très important - ne se traduiront pas par une dégradation des taux d'encadrement : le nombre d'élèves par classe restera constant et, dans le primaire, il continuera même à baisser.

Le deuxième trait caractéristique, qui n'a été que rapidement évoqué, au passage, par un des rapporteurs, c'est que, depuis le mois de décembre dernier, nous avons travaillé non seulement sur les flux mais aussi sur les stocks, ce qui ne s'était jamais fait dans la maison. C'est très important et cela explique en grande partie la réussite parfaite, je crois, de cette rentrée, au moins d'un point de vue technique - d'un point de vue politique, on peut toujours discuter.

Qu'est-ce qui a changé, concrètement ? Pour simplifier, jusqu'à présent, lorsqu'on constatait une poussée démographique - ce qui n'est plus le cas aujourd'hui -, on créait automatiquement des postes, et le ministre se contentait d'en répartir un petit peu plus dans les académies plutôt déficitaires et un petit peu moins dans les académies bien dotées, mais sans s'attaquer au stock, ce qui constituait une grosse inégalité. Cette année, nous avons décidé de rééquilibrer les effectifs entre les régions en prenant 300 ou 350 postes dans telle académie, relativement sur-dotée depuis des années, pour renforcer telle autre, relativement déficitaire depuis des années. Nous donnons là un exemple en matière de péréquation, cette mission fondamentale de l'Etat dont il a tellement été question lors des débats sur la décentralisation.

Chacun, je crois, devrait saluer cet effort, qui explique, je le répète, la réussite parfaite de la rentrée 2003 sur le plan technique. Je voulais remercier les services qui, depuis le mois de décembre, ont mené ce travail difficile et aussi, disons-le franchement, courageux. Il n'a, en effet, pas toujours été facile de le faire accepter, même, paradoxalement, par ceux qui plaidaient par ailleurs la nécessité d'une péréquation entre académies, sans, évidemment, avoir jamais eu le courage de la mettre en application dans la réalité - il est toujours plus facile de raisonner in abstracto, dans le ciel des idées.

Troisième trait caractéristique de ce budget, nous avons travaillé, toute cette année, et nous continuerons à le faire dans les années qui viennent, à une amélioration de l'efficacité de la dépense. Je rejoins d'ailleurs tout à fait, à cet égard, les propos que vient de tenir M. le rapporteur spécial Chamard : vis-à-vis de la nation, nous sommes comptables des dépenses de l'Etat, et s'en soucier un peu n'est pas, je crois, entrer dans une logique d'entreprise - laquelle, au demeurant, n'a rien de diabolique.

Sachant que 95 à 96 % de nos dépenses sont liées au traitement des personnels, c'est sur ce poste que des marges peuvent être dégagées, en vue, éventuellement, d'être réinvesties dans des projets pédagogiques prioritaires. Sur trois points, me semble-t-il, nous pouvons réaliser des économies.

Le premier point, c'est évidemment le traitement des surnombres disciplinaires. Mais je ne ferai pas de démagogie et je rappellerai - le problème revient souvent dans le débat budgétaire - que le taux d'enseignants ne faisant pas face à des élèves est relativement faible, inférieur à ce que l'on croit généralement : il se limite, en réalité, à 0,6 %, et la plupart des cas sont parfaitement justifiés, comme j'aurais pu vous le montrer en prenant quelques exemples.

M. Yves Durand. Il était utile de le rappeler !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ce que l'on ne saurait justifier, en revanche, ce sont les surnombres en général, et en particulier les surnombres disciplinaires, qui correspondent à peu près à 2 500 ETP, équivalents temps plein, et que nous devons évidemment réduire. C'est pourquoi il m'est effectivement arrivé d'évoquer l'hypothèse, qui n'a rien de scandaleux, d'ouvrir certaines possibilités de bivalence.

Le deuxième point sur lequel nous devons faire un effort concerne la gestion des remplacements. L'efficacité des titulaires sur zone - je n'ose parler de « rendement », car le mot est un peu laid quand il s'agit de personnes, mais enfin, il est question de budget - est seulement de 46 %, ce que nous ne pouvons accepter. Nous avons donc adopté un plan d'amélioration de ce rendement, qui prévoit, par exemple, de réduire le nombre de zones dans les académies où il est excessif.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial, et M. André Schneider. Très bien !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est une mesure simple, de bon sens. Ce ne sont pas des mots, mais des faits : le rendement des titulaires sur zone a déjà sensiblement progressé. Et je pourrais donner d'autres exemples illustrant la façon dont nous travaillons pour améliorer le rendement global - l'efficacité, en tout cas - de notre système de remplacement, qui s'avère insuffisamment performant.

Le troisième point sur lequel nous devons travailler, c'est l'amélioration de la carte des formations. L'offre de formation est parfois beaucoup trop développée et irrationnelle, certains établissements géographiquement proches se livrant une concurrence absurde. Nous devons adopter, en la matière, une politique plus offensive, pour dégager des moyens susceptibles d'être réinvestis dans des actions pédagogiques légitimes.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très bien !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Vous voyez donc que le rendement n'est pas incompatible avec l'esprit de service public. Bien au contraire, pour sauver le service public, il faut précisément le rendre plus efficace et moins attaquable !

Quatrième trait caractéristique, dès cette année, nous nous sommes impliqués dans les stratégies de réforme de l'Etat, et nous le ferons davantage encore l'année prochaine. Dans ce domaine, nous avons déterminé et suivi deux axes majeurs, sur lesquels nous continuerons à travailler. Les retombées budgétaires ne sont pas négligeables ; cela permettra notamment de mieux comprendre la suppression de 1 100 postes administratifs dans les académies.

Premièrement, il faut réformer l'administration centrale, en particulier sa fonction internationale. De nombreuses structures doublonnent, puisqu'il existe un CIEP, le centre international d'études pédagogiques de Sèvres, mais aussi une DRIC, la direction des relations internationales et de la coopération, et, dans les académies, des DARIC, les délégations académiques aux relations internationales et à la coopération, le système en vigueur au Quai d'Orsay étant équivalent. Je ne mets évidemment pas en cause les personnes, qui sont de très grande valeur et accomplissent un travail tout à fait utile et remarquable, mais nous présenterons très bientôt un projet de réorganisation des services qui doublonnent.

Deuxièmement, pour ce qui concerne les services académiques, nous avons repris trois bonnes idées figurant dans le rapport Pair : le pilotage académique intégré ; la création d'un échelon départemental de proximité pour l'ensemble des niveaux d'enseignement ; la mutualisation des actes de gestion dans tous les cas où c'est possible. On a beaucoup parlé de tout cela, mais les précédents ministres n'ont rien mis en œuvre ; nous, nous agirons dès cette année. Dans le débat d'aujourd'hui, ce n'est pas hors de propos, puisque cela justifiera la suppression de 1 100 postes administratifs inscrite dans le projet de loi de finances initiale pour 2004.

Le cinquième et dernier trait caractéristique que j'évoquerai concerne les mesures en faveur des personnels, qu'il ne faut pas oublier, car elles n'ont pas été suffisamment soulignées.

Le régime indemnitaire des personnels ATOS aura été revalorisé, en moyenne, de 65 % en deux ans ; ce n'est pas rien.

Par ailleurs, nous continuons à œuvrer à l'amélioration du déroulement des carrières des personnels d'encadrement, des professeurs du premier et du second degré, avec - M. Chamard en a parlé - la transformation des instituteurs en professeurs des écoles, poursuivie et même assez nettement accélérée par rapport aux années précédentes.

M. Yves Durand. C'est la poursuite d'une politique qui ne date pas d'hier !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Avant de conclure, permettez-moi encore de dire un mot sur deux sujets qui me tiennent particulièrement à cœur : les assistants d'éducation et, surtout, le budget de la jeunesse.

En ce qui concerne les assistants d'éducation, je ne veux pas polémiquer, mais je trouve tout de même bien audacieux, bien courageux, quand on fait partie de l'opposition, d'oser intervenir sur le sujet, permettez-moi de le dire.

M. Yves Durand. Oui ! Nous avons eu le courage de créer les aides éducateurs !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. S'il est un sujet sur lequel le précédent gouvernement a été particulièrement mauvais, c'est bien celui des emplois-jeunes, en particulier dans l'éducation nationale.

M. Lionnel Luca et Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Daniel Garrigue. Tout à fait !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je rappelle tout de même, mesdames, messieurs de l'opposition, que vous aviez cinq ans pour organiser la sortie du dispositif, une sortie programmée, prévisible à 100 %.

M. André Schneider. Tout à fait !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pourquoi n'avez-vous pas titularisé les emplois-jeunes ?

M. Alain Cousin. Bien sûr !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il faut assumer !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pourquoi n'avez-vous pas transformé leurs contrats de droit privé en contrats de droit public, vous qui vous déclarez si attachés au service public ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Eh oui !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pourquoi avez-vous attendu pour mettre en place une véritable formation ?

M. Yves Durand. Vous êtes de mauvaise foi !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pourquoi avez-vous attendu pour leur ouvrir les concours internes ?

M. André Schneider. Bonnes questions !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pourquoi avez-vous attendu pour leur accorder des indemnités de chômage ?

M. André Schneider et Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En outre, je rappelle - indépendamment des autres chiffres, qui sont connus et ont encore été cités aujourd'hui - que le nombre d'assistants d'éducation, fin 2004, atteindra 33 000, et que l'intégralité des départs de surveillants seront ainsi remplacés, comme je m'y étais engagé.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Yves Durand. Mais les surveillants qui ont le statut d'aides éducateurs ne seront pas remplacés !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur Durand, pardonnez-moi, mais vous confondez volontairement les surveillants et les aides éducateurs ! C'est un comble de mauvaise foi ! Les aides éducateurs n'étaient pas tous des surveillants !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Yves Durand. Mais il manque 10 000 postes !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Nous remplacerons donc tous les surveillants par des assistants d'éducation et une partie des anciens emplois-jeunes par d'autres assistants d'éducation.

M. Yves Durand. Mais il manque toujours 10 000 postes !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Nous multiplions notamment par six le nombre d'auxiliaires de vie scolaire, qui ont pour mission d'aider au quotidien les enfants handicapés scolarisables. Personne n'y avait pensé, mais c'est crucial.

Concernant les assistants d'éducation et les emplois-jeunes, j'ai parfaitement en tête un chiffre qui n'a pas été cité, c'est celui de 100 millions d'euros. Savez-vous, monsieur Durand, à quoi correspond ce chiffre de 100 millions d'euros ? Aux indemnités de chômage des emplois-jeunes inscrites dans la loi de finances initiale pour 2004 et que vous n'aviez pas prévues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il est très juste, vous pourrez le vérifier. Il vous faut donc beaucoup d'audace et de courage pour tenir de tels propos et, à votre place, je me serais abstenu ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

J'en viens au budget de la jeunesse qui est d'une grande stabilité...

M. François Liberti. Mais non, il baisse !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est inexact, monsieur Liberti, il est même en hausse et je vais m'en expliquer. Son niveau était très élevé depuis trois ans et nous l'avons maintenu, mais les régulations d'usage - vous êtes mieux placé que quiconque pour le savoir- ont porté sur 21 millions l'an dernier. La contrepartie de nos efforts budgétaires, cette année...

M. Yves Durand. Ah voilà !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ...sera qu'aucune régulation budgétaire ne sera effectuée ni sur le budget de la jeunesse, ni sur celui de l'enseignement scolaire.

M. Yves Durand. Heureusement !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Mon collègue, Alain Lambert, en a pris l'engagement. Par conséquent, le budget de la jeunesse sera, cette année, supérieur, notamment en termes de crédits de fonctionnement, à ce qu'il était l'année dernière et même à l'année d'avant.

Mme Martine Aurillac. Et voilà !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il convenait de le souligner, et cela nous permettra de poursuivre notre action dans quatre domaines.

En premier lieu, l'opération « Envie d'agir » a formidablement marché cette année, puisque les 10 000 projets proposés aux jeunes ont trouvé preneur.En juin, lorsque le concours a été ouvert, 1 500 projets ont été déposés dont 607 ont été récompensés au niveau régional et trente-six au niveau national par des bourses qui s'échelonneront de 500 à 3 000 euros. L'année prochaine, je m'y engage ici, nous proposerons aux jeunes non plus 10 000, mais 20 000 projets d'engagement. Cela prouve que ce dispositif répond à un besoin très fort des jeunes qui veulent trouver une place dans la cité. Entre la vie dans les établissements scolaires, d'un côté, et la vie intime dans les familles, de l'autre, les jeunes désirent, en effet, s'engager. Nous y avons répondu avec les moyens budgétaires nécessaires.

Ensuite, nous renforcerons, dans cette perspective, l'excellent dispositif « Défi jeunes », source de créations d'entreprises par des jeunes et, donc, de nouveaux emplois. Nous y affectons, cette année, 150 bourses supplémentaires. Cela nous paraît essentiel. Cinquante contrats éducatifs locaux sont prévus, ce qui devrait apaiser les craintes de certains, particulièrement de M. Reiss. La création de quarante postes FONJEP supplémentaires, ce qui n'est pas rien, démontre notre volonté de soutenir les associations aidées par le dispositif de fonds pour la jeunesse et l'éducation populaire.

Je terminerai mon propos en évoquant très brièvement le grand débat sur l'école qui s'engage. Je suis heureux de constater qu'un certain nombre de parlementaires, tant de la majorité que de l'opposition communiste, y participent. Je déplore, en revanche, que les socialistes n'aient pas cru bon de s'y joindre.

M. Yves Durand. Nous avons refusé de participer à la commission, pas au débat ! Nous participerons au débat !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Pour moi, c'est une grave erreur, car un tel débat, je le dis sans polémiquer, devrait déborder largement les clivages politiques...

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ...et nous avons besoin de travailler ensemble. En effet, quelles que soient les conclusions de ce débat, il doit avant tout servir à réconcilier la nation avec son école par l'élaboration d'un diagnostic partagé. Au-delà du pessimisme et de l'optimisme, on peut toujours émettre des critiques. Il importe de poser ce diagnostic lucide sur l'état de l'école aujourd'hui, le seul qui permettra de proposer ensuite des mesures propres à améliorer la situation. Chacun reconnaît que la commission nationale mise en place pour organiser et synthétiser fonctionne de manière indépendante et pluraliste. Ceux qui y participent - et je salue ici la présence de Pierre-André Périssol- peuvent en témoigner. Le fait que 40 % de nos concitoyens sachent qu'elle existe et que 82 % jugent l'initiative excellente est un encouragement pour la suite, pour les 15 000 débats à venir qui se tiendront dans les arrondissements et dans les établissements. Les non-spécialistes de l'éducation nationale, les élus, les chefs d'entreprise, les parents et tous les citoyens qui le souhaiteront pourront y participer, avant que le Parlement, je l'espère, se saisisse de cette question. Celle-ci ne doit pas, en effet, se limiter aux seuls membres de la commission nationale.

La nécessité - et ce sera ma conclusion - a été évoquée d'une grande ambition pour l'école. Nous en avons besoin. Discuter d'un budget signifie évidemment soulever des questions particulières et techniques. Sans anticiper sur les conclusions du débat national, je puis vous dire quels sont à mes yeux, les deux choix indispensables que j'ai faits et qui justifient l'essentiel de la politique suivie par mon ministère.

En premier lieu, il fallait lutter contre l'échec sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de l'illettrisme, du handicap, de la sortie de l'enseignement sans diplôme ou sans qualification, de l'échec des étudiants dans les premiers cycles universitaires. Ce choix n'est ni aussi banal ni aussi peu courageux qu'on a bien voulu le prétendre. Il est vrai qu'il ne concerne probablement que 15 ou 20 % des familles. La facilité ou la démagogie aurait donc pu conduire à privilégier la partie médiane de la courbe de Gauss et, donc, de ne pas s'attaquer aux problèmes qui ne concernent qu'une minorité de personnes, ce qui est d'ailleurs fort heureux.

Ma deuxième ambition pour l'école - et nous devrions être nombreux à nous retrouver sur ce point - est de parvenir à ancrer l'idée républicaine dans l'avenir. Je suis un républicain comme vous tous, probablement, ici. Je constate, parfois, avec une certaine tristesse que, lorsque les intellectuels ou les politiques qui se veulent républicains prennent la parole sur l'école, ils le font trop souvent au travers du prisme de la nostalgie, tout à leur souvenir de blouses grises et de plumes Sergent Major, « le bon temps où tout fonctionnait mieux ». Mais cela est illusion. La nostalgie est certes un sentiment parfaitement honorable, un sentiment qui peut animer un écrivain, qui convient à des intellectuels parfois, mais ce n'est pas acceptable sur le plan politique. L'un des enjeux majeurs de l'avenir et de la réflexion sur l'école, notamment au sein de ce débat, doit précisément tendre à ancrer l'idée républicaine dans l'avenir. La République a besoin d'espérer et donc de s'orienter vers le futur et non vers la nostalgie d'un paradis perdu, parce qu'elle a de nouveaux problèmes à régler. La question de la parité est nouvelle. Celle de la mixité ne se pose plus dans les mêmes termes qu'il y a cinquante ans. Les communautarismes auxquels nous avons à faire face aujourd'hui ne sont pas ceux de la IIIe République. D'autres problématiques sont aussi intervenues, par exemple, celle du droit des minorités. Ces nouvelles problématiques n'étaient pas toujours faciles à digérer, si je puis dire, par l'idée républicaine telle qu'elle se concevait au début de la IIIe République, par exemple.

Ancrer de nouveau l'idée républicaine à laquelle nous sommes si attachés, cette idée qui fonde véritablement l'école républicaine « à la française », modèle assez unique dans le monde, est, me semble-t-il, une grande ambition pour notre école ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 27 novembre 2003 inclus a été fixé ce matin en Conférence des Présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SEANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, n° 1106 ;

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :

M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110) ;

Jeunesse et enseignement scolaire ; article 78 ; (suite) ;

Défense ; articles 46 et 47 :

Défense :

M. François d'Aubert, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 40 du rapport n° 1110) ;

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis au nom de la com-mission des affaires étrangères (tome VII de l'avis n° 1113) ;

Dissuasion nucléaire :

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome II de l'avis n° 1114) ;

Espace, communications et renseignement :

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome III de l'avis n° 1114) ;

Forces terrestres :

M. Joël Hart, rapporteur pour avis au nom de la com-mission de la défense nationale et des forces armées (tome IV de l'avis n° 1114) ;

Marine :

M. Charles Cova, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome V de l'avis n° 1114) ;

Air :

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VI de l'avis n° 1114) ;

Titre III et personnels civils et militaires d'active et de réserve :

M. Pierre Lang, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VII de l'avis n° 1114) ;

Crédits d'équipement :

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome VIII de l'avis n° 1114) ;

Services communs :

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome IX de l'avis n° 1114) ;

Gendarmerie :

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome X de l'avis n° 1114).

A vingt et une heures trente, troisième séance publique.

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        JEAN PINCHOT