Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Première séance du mercredi 5 novembre 2003

49e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle qu'il a été convenu que le premier mercredi de chaque mois, les quatre premières questions seraient réservées aux questions européennes.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

HARMONISATION DES PRIX DU TABAC EN EUROPE

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Avec trois augmentations successives du prix du tabac en un an, soit 56 % de hausse des taxes, le Gouvernement a engagé une véritable guerre contre le tabagisme. Si les intentions du Gouvernement en matière de santé publique sont bonnes, les conséquences de ces hausses à répétition peuvent être dramatiques pour les buralistes français.

La consommation de tabac des Français va-t-elle baisser ? Rien n'est moins sûr. Mais ce qui est certain, c'est la baisse progressive des achats chez les buralistes français, la recrudescence de la contrebande et le développement du commerce transfrontalier. En Suisse, en Italie, en Belgique, en Espagne et, surtout, en Andorre et au Luxembourg, le tabac est à un prix bien inférieur.

Nous craignons donc que sans harmonisation européenne des prix du tabac, votre politique, monsieur le ministre, s'avère inefficace.

En conséquence, le groupe UDF appelle de ses vœux une réelle harmonisation européenne des taxes et des prix du tabac qui, seule, pourra faire cesser le développement de l'importation massive, légale ou illégale, ...

M. Lucien Degauchy. Surtout illégale !

M. Rudy Salles. ...de tabac, et permettra ainsi de sauver les buralistes français.

Comptez-vous, monsieur le ministre, prendre des initiatives dans ce sens auprès des autorités européennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Salles, en effet, le Gouvernement s'est engagé dans une lutte déterminée contre le cancer depuis plus de dix-huit mois. Au chapitre de la prévention, un des objectifs essentiels est la diminution du tabagisme, donc de la consommation du tabac. Et pour atteindre cet objectif, la hausse de son prix est un élément essentiel, tous les chiffres le démontrent. C'est ce qui fonde la convention-cadre de l'organisation mondiale de la santé relative à la lutte contre le tabac.

Mais, vous avez raison, seule l'Allemagne s'est engagée avec nous dans cette démarche de hausse du prix du tabac. Or nous devons aller vers une harmonisation. Et c'est possible !

Le 2 décembre 2002, le Conseil des ministres de l'Union européenne a émis une recommandation pour harmoniser les prix du tabac à la hausse. Je vous rappelle également que l'Union européenne vient de signer la convention cadre de l'OMS relative à la lutte contre le tabac.

Pour ce qui est de la France, elle prendra, avant la fin de l'année, une initiative sous forme d'un mémorandum soumis à la Commission européenne, grâce auquel nous espérons obtenir satisfaction sur trois points :

Premièrement, une harmonisation de la fiscalité européenne sur les prix du tabac, fiscalité qui doit être désormais fondée sur une logique de santé publique ;

Deuxièmement, la modification des règles d'achats transfrontaliers et de ventes par Internet, lesquelles alimentent la fraude, pénalisent scandaleusement nos débitants et mettent en péril nos objectifs de santé publique ;

Troisièmement, l'affirmation au niveau communautaire d'une vraie politique de lutte contre la contrebande internationale.

Oui, nous poursuivons un objectif de santé publique mais nous ne l'atteindrons que tous ensemble. C'est le but que poursuit la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR DE L'AGRICULTURE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

L'agriculture connaît des temps difficiles et l'inquiétude grandit dans nos territoires ruraux. Cette crise de dimension européenne, qui a des causes multiples, a été aggravée cet été par une sécheresse exceptionnelle.

Sur ce point, les organisations syndicales ont, à juste titre, regretté le manque de décisions fortes au regard de la gravité de la situation. Le meilleur exemple en est le transport de fourrages qui n'est toujours pas réglé à ce jour faute d'une mobilisation efficace des transporteurs routiers, de la SNCF et de l'armée.

Mais au-delà de cette crise conjoncturelle, le devenir de l'agriculture de notre pays est terriblement hypothéqué par les orientations de la politique agricole commune.

L'accord que vous avez signé en juin dernier, monsieur le ministre, à Luxembourg, prépare, de fait, la désertification de nombreux territoires ruraux. Avec la baisse des aides européennes et une attribution forfaitaire découplée de la production, ce sont des dizaines de milliers d'exploitation qui disparaîtront.

En outre, le projet de constitution européenne consacre ce modèle productiviste qui condamne l'agriculture familiale et paysanne. L'article 323 dispose, en effet, que l'objectif de la PAC est d'accroître la productivité et d'assurer un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'œuvre. Il s'agit donc bien de faire disparaître les plus petites exploitations.

L'insuffisance des mesures prises à la suite de la sécheresse n'aurait-elle pas pour objectif d'accompagner, voire d'accélérer la disparition des exploitations agricoles les plus fragiles, anticipant ainsi la mise en œuvre de la nouvelle PAC ? (Protestations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Face à cette nouvelle fragilisation de l'agriculture française, comptez-vous remettre en cause le contenu de la réforme de la PAC et de ce projet de constitution européenne ? Etes-vous prêt à défendre auprès de nos partenaires européens le rétablissement de la préférence communautaire qui permettrait d'atteindre un objectif de souveraineté alimentaire pour les pays du Nord, mais aussi pour les pays du Sud ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Chassaigne, vous prêtez beaucoup de pouvoir à l'Union européenne et au Gouvernement en pensant qu'ils peuvent influer sur le climat ! Depuis un an, nous avons essayé de faire face, du mieux possible et le plus rapide ment possible, aux inondations, au gel, à la sécheresse.

M. le Premier ministre a annoncé une première série de décisions, le 22 août dernier. Nous aurons l'occasion, dans les jours qui viennent, d'apporter des réponses complémentaires à la détresse des agriculteurs français.

S'agissant du transport de fourrage, avec Gilles de Robien et Michèle Alliot-Marie, nous avons essayé d'apporter les meilleures réponses possibles...

M. Maxime Gremetz. C'est faux ! Il reste encore beaucoup de fourrage dans la Somme ! Incapables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ... dans une situation très difficile.

S'agissant de la réforme de la politique agricole commune, non, monsieur le député, il n'y aura pas de baisse des crédits européens pour les paysans français : précisément, grâce à l'accord du 15 octobre 2002 entre le Président de la République et le Chancelier Schröder, partagé par les treize autres Etats membres, nous conserverons des enveloppes budgétaires européennes stables jusqu'en 2013.

Par ailleurs, nous avons obtenu la prolongation des quotas laitiers jusqu'à la même date, alors qu'ils devaient disparaître dès 2008.

Enfin, s'agissant de la gestion des aides, nous avons obtenu un découplage partiel qui permettra de maintenir l'agriculture dans tous nos territoires.

J'ajoute que la dimension internationale est importante, comme l'a constaté la délégation parlementaire, dans laquelle votre groupe était représenté, à Cancun. Il faut nous battre contre ce mythe du « prix mondial » qui serait toujours le « moins-disant » économique, environnemental et social.

Non, le modèle de l'agriculture européenne n'est pas productiviste. C'est un modèle familial, qui respecte les territoires et qui fait partie de notre identité. Et c'est ce modèle-là que nous défendons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ELARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Christian Philip, pour le groupe UMP.

M. Christian Philip. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

La Commission européenne vient de présenter le bilan des préparatifs d'adhésion des dix futurs Etats membres de l'Union européenne. Son constat est clair : aucun d'eux n'est prêt à 100 %, aucun ne respecte l'ensemble des engagements pris.

Malgré ce constat dressé par la Commission européenne, et dont la presse s'est fait l'écho, je souhaiterais avant tout saluer les efforts que ces pays ont su accomplir pour nous rejoindre, afin de sceller la réconciliation et la réunification de la famille européenne, dans un laps de temps très court : dix ans ! Alors que l'Union européenne à quinze ne s'est pas construite d'un coup, rappelons-le, mais par étapes successives, ces pays ont accompli, en seulement dix ans, des progrès considérables pour se conformer aux critères dits de Copenhague et intégrer l'acquis communautaire.

Dix ans seulement pour mettre en place des institutions stables, garantissant la démocratie et la primauté du droit ! Dix ans seulement pour modifier leur législation, afin de remplir les obligations de l'adhésion à l'Union et souscrire à l'ensemble des objectifs et règles de l'Union économique et monétaire, c'est court ! Il ne faudrait surtout pas mésestimer le travail accompli, travail souvent qualifié de « parcours du combattant ».

Ce retard ne saurait remettre en cause l'entrée effective de ces pays dans l'Union, le 1er mai prochain. Mais attention ! Il ne faudrait pas qu'il suscite au sein des opinions publiques des réactions qui mettent en péril le projet européen. La Commission vient d'adresser trente-neuf recommandations à ces Etats. Elle leur enjoint dans plusieurs domaines, la lutte contre la corruption ou les contrôles aux frontières, de faire des efforts supplémentaires.

Six mois, six mois encore pour progresser, c'est possible !

M. le président. Monsieur Philip, veuillez poser votre question, s'il vous plaît.

M. Christian Philip. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous disiez quelle est la position de la France, car il ne faudrait pas non plus accepter que des Etats membres ne respectent pas les engagements pris. Il en va de la crédibilité et de la cohérence de l'Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, le rapport d'évaluation de la Commission est globalement satisfaisant...

M. Jean-Pierre Brard. « Globalement positif » comme disait quelqu'un !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... puisqu'il prend acte des progrès réalisés par les pays candidats et les pays adhérents depuis un an. Il montre, toutefois, que des difficultés subsistent dans des domaines auxquels la France a toujours voulu prêter une particulière attention. C'est vrai en matière de sécurité alimentaire ou maritime. C'est vrai aussi, en matière d'adaptation du système juridictionnel de ces pays. Nous ne sommes, certes, pas encore au 1er mai 2004. Ces pays ont encore six mois pour progresser. Nous continuerons à les y aider en participant, comme nous l'avons toujours fait, au programme phare des jumelages entre administrations. Après 2004, la Commission pourra, tel était notre souhait, faire jouer des clauses de sauvegarde, par exemple, pour interdire l'importation de produits alimentaires non conformes. Les précautions sont donc prises.

La Commission a justement salué les efforts considérables accomplis par les deux pays amis que sont la Bulgarie et la Roumanie. Nous attendons avec confiance qu'ils nous rejoignent, comme prévu, en 2007.

Telles sont, monsieur le député, les précautions qui ont été prises. Cet élargissement est et sera un succès. Le rapport de la Commission illustre parfaitement ce que nous attendons de ce processus d'élargissement : qu'il soit transparent - c'est l'objet des rapports annuels- mais aussi contrôlé. Cela implique, bien sûr, la coopération et la volonté de tous dont celle du Gouvernement français dans l'accueil de ces pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉFICIT BUDGETAIRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la France est en train de payer à Bruxelles votre  Waterloo  économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Eh oui, au moment où l'Assemblée nationale débat du projet de budget pour 2004, vous négociez dans son dos (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...

M. le président. Mes chers collègues !

M. Jean-Paul Anciaux. On ne peut tout de même pas lui laisser dire n'importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault. ... et sous la contrainte avec l'Union européenne un nouveau plan d'austérité de 6 milliards d'euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vos engagements vous conduiront, soit à annuler des crédits adoptés, soit à supprimer des programmes engagés (Exclamations sur les mêmes banc) soit à augmenter les prélèvements, voire les trois à la fois.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Arrêtez !

M. Jean-Marc Ayrault. L'Europe n'est pas fautive. Elle ne fait qu'appliquer ses règles, et encore avec beaucoup de modération. C'est vous et vous seul qui êtes responsable de l'impasse financière actuelle. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Votre politique fait perdre son indépendance financière à la France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous conduisez son budget sous tutelle parce que vous avez violé trois années de suite les règles communautaires. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.-Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Votre gestion de bon père de famille n'est rien d'autre qu'une ruine pour le pays (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), un boulet pour l'Europe. Vous avez promis le redressement, malheureusement, nous avons l'abaissement. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Humiliation du Parlement qui va voter un budget tronqué et truqué. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Ferrand. Vous êtes malade !

M. Jean-Marc Ayrault. Duplicité qui vous fait négocier à Bruxelles la suppression d'un jour férié pour combler vos déficits. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Désinvolture de votre secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui déclare à la presse : « Si on juge utile d'informer le Parlement, on le fera. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pitoyable !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Francis Mer, vous n'êtes pas, ici, dans un conseil d'administration. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres. C'est scandaleux ! C'est honteux !

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault. La Constitution de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, nous ne sommes pas, ici, au cirque ! Laissez M. Ayrault s'exprimer, et M. le Premier ministre va lui répondre !

M. Jean-Marc Ayrault. J'imagine que la Constitution vous intéresse aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault. Elle vous concerne. Elle ne vous appartient pas, ni à vous ni à nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Cette Constitution, monsieur le ministre Mer, vous contraint à rendre compte devant la représentation nationale non parce que tel est votre bon plaisir (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. ... mais parce que c'est votre devoir...

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir poser votre question, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. ... car ce sont les Français qui paient vos échecs économiques ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Ce sont les Français qui supportent le poids de l'austérité (Très vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme !

M. Jean-Marc Ayrault. ... et de l'insécurité sociale.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous vous demandons des comptes ! Nous exigeons la vérité sur le véritable budget de la nation et sur les mesures d'austérité que vous êtes en train de prendre...

M. le président. Je vous remercie, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. ... dans le dos de la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Le Premier ministre.

Maintenant, vous pouvez applaudir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Défoulez-vous ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je reconnais bien là votre sens de la modération. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. C'est vrai !

M. le Premier ministre. Je comprends que l'esprit de nuance reste celui de votre engagement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais, à parler de Waterloo, vous vous engagez sur des terres incertaines ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Chacun connaît la situation économique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes là depuis deux ans ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. le Premier ministre. JE Réponds courtoisement au président Ayrault, et je demande la même courtoisie républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela me paraît normal dans une assemblée qui représente les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous connaissez la situation.

M. François Hollande. Non, pas suffisamment !

    M. le Premier ministre. Depuis l'an 2000, le taux de croissance s'effondre de 50 % par an.

    M. François Hollande. Depuis que vous êtes là !

M. le Premier ministre. Vous étiez à 4 % de croissance en l'an 2000 et vous n'avez pas engagé de réformes. En 2001, la croissance s'est effondrée de 50 % à 2 %. En 2002, elle s'est encore effondrée de 50 % et en 2003, encore de 50 %.

M. François Hollande. Votre cote de popularité aussi !

M. le Premier ministre. Aujourd'hui, nous vivons le retour du cycle de croissance. C'est un élément fondamental de la stratégie économique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique Dord. Très bien !

M. le Premier ministre. Si vous aviez quelque peu l'esprit de nuance, vous le reconnaîtriez !

Mme Martine David. Ce n'est pas la réalité !

M. le Premier ministre. Dans cette situation, nous avons eu une règle budgétaire honnête et sincère.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre. Nous avons maîtrisé les dépenses afin d'obtenir la croissance zéro des dépenses publiques.

M. François Hollande. La croissance zéro !

Mme Martine David. Et les dépenses militaires ?

M. le Premier ministre. Seule, la baisse des rentrées fiscales a creusé le déficit. Notre objectif reste le retour à l'équilibre budgétaire, comme le souhaite l'Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'Europe n'est pas un adversaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. C'est bien de dire cela !

M. le Premier ministre. L'Europe est un partenaire avec lequel nous avons engagé un dialogue constructif pour que les réformes structurelles que vous n'aviez pas engagées le soient maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce que l'Europe reproche à la France, c'est d'avoir distribué sans réformer pendant la période de croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est la difficulté ! C'est pourquoi nous ne rencontrons pas de difficultés majeures avec le Conseil européen. Nous avons obtenu ce rendez-vous de fin novembre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. François Hollande. Trois semaines !

M. le Premier ministre. ...où nous présenterons aux responsables européens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) notre stratégie pour ramener le déficit budgétaire en dessous des 3 % en 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Donc, cette politique de réformes...

M. Jérôme Lambert. C'est au Parlement que cela se passe !

M. le Premier ministre. ... de discipline budgétaire et de sincérité portera ses fruits !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui, le chômage !

M. le Premier ministre. Je comprends que vous ne soyez pas d'accord. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Vous êtes trop bon !

M. le Premier ministre. Je comprends la contestation, c'est la démocratie, mais je n'accepte pas le procès en insincérité (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste) de la part de ceux qui, deux fois (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), ont distribué la prime de Noël sans la payer ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany. Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre. A deux reprises, mesdames, messieurs les députés, les socialistes ont dit aux chômeurs qu'ils auraient une prime. Or ils ont payé leur générosité à crédit parce que c'est mon gouvernement qui a financé les deux primes ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Huées sur les mêmes bancs. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Générosité sociale à crédit, 35 heures à crédit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et action pour les personnes âgées non financée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous déclenchez, en effet, un processus pour l'allocation personnalisée d'autonomie sans en prévoir le financement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. -  Huées sur les mêmes bancs.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je suis prêt à discuter. Je ne dis pas que le Gouvernement fait tout à la perfection. Je ne conteste pas que nous puissions faire des erreurs Mais nous avons augmenté le SMIC ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. C'est un mensonge !

M. le président. Calmez-vous !

M. le Premier ministre. Les hurlements ne sont pas une preuve de force ! (Très vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Calmez-vous !

M. le Premier ministre. Les gens forts sont des gens calmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quand on a avec soi les convictions, quand on a avec soi la sérénité, on sait parler sans hurler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) On sait parler, mais aussi écouter ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'Europe nous comprend et nous sommes aujourd'hui en passe de réussir avec nos partenaires européens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ce pari de la croissance durable, pari non seulement de la croissance pour les Français et pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais aussi d'une politique sociale qui, comme pour le SMIC et la retraite, n'est pas à crédit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais dans la réalité quotidienne ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la prochaine séance des questions au Gouvernement consacrées à l'Europe se tiendra le mercredi 3 décembre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai invité les présidents des assemblées nationales des dix nouveaux Etats à assister à nos débats. Je souhaite que ceux-ci soient plus calmes !

CONCERT DE RAP

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Mme Nadine Morano. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, dans deux jours, doit se produire à Ecrouves, dans ma circonscription, un groupe de rap dont les chansons incitent à la haine, à la violence et bafouent les valeurs républicaines de la France. La décence m'interdit de prononcer, ici, leurs propos les plus scandaleux. Je citerai simplement un extrait : « La France est une garce. Pour mission : exterminer les ministres et les fachos ! A croire que le seul moyen de se faire entendre est de brûler des voitures ! Des rondes de flics, toujours là pour nous pourrir la vie, attendent de te serrer tout seul. Frères, je lance un appel. On est là pour tout niquer, leur laisser des traces et des séquelles avant de crever ! »

Monsieur le ministre, vous comprendrez les pétitions et la crainte des habitants qui redoutent que ce concert n'engendre des troubles graves à l'ordre public.

Vous comprendrez que les policiers, qui font un métier difficile sur le terrain et à qui vous avez rendu confiance et motivation, se soient insurgés contre les paroles de ces chansons où ils sont gravement humiliés et menacés.

Vous comprendrez aussi que voir ces CD en vente libre, ces textes sur des sites Internet aux côtés de ceux des vedettes et des idoles représente un grave danger pour les jeunes.

Monsieur le ministre, nous savons que nous pouvons compter sur vous. Qu'entendez-vous faire pour mettre un terme à ces offenses à nos valeurs républicaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame Morano, ces textes sont parfaitement scandaleux (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs), et ils le sont triplement.

D'abord, ils sont antisémites, et je ne peux imaginer que quiconque, quel que soit le banc sur lequel il siège, puisse tolérer des textes antisémites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je crois que nous pouvons tous être d'accord sur ce point, ce n'est pas une affaire de majorité et d'opposition, ce n'est pas une affaire d'ordre moral.

Ces textes sont racistes de surcroît, et ils sont injurieux.

La démocratie, c'est le droit de parler, de créer, de dire ce que l'on pense, pas celui d'injurier, de bafouer et d'humilier. Ce n'est pas un régime faible, parce qu'elle doit protéger ceux qui sont injuriés. Je déposerai donc plainte contre ces textes racistes et antisémites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Cela n'a rien à voir ni avec les jeunes ni avec le rap. Il y a quelques jours, j'ai demandé et obtenu l'expulsion d'un imam du sud-ouest de la France qui tenait des propos contraires à l'idéal républicain. Il faut que, sur l'ensemble du territoire national, cela se sache. La démocratie impose que, quels que soient son âge ou sa fonction, on respecte des règles. Ceux qui ne les respectent pas auront à en rendre compte devant la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

ENSEIGNEMENT EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.

Monsieur le ministre, notre école primaire, tout le monde le sait sur ces bancs, est un maillon essentiel de notre système éducatif. Pourtant, le système éducatif français, organisé depuis plusieurs décennies sur les mêmes bases, a parfois peine à évoluer aussi vite que l'ensemble de la société française, et cela peut provoquer des déséquilibres et des dysfonctionnements.

Ainsi, en dépit de la qualité et du dévouement, que nous devons tous saluer, des maîtres de notre pays, on constate que certaines petites écoles, notamment dans les secteurs les plus ruraux de notre pays, sont confrontées de plus en plus à un certain nombre d'obstacles.

Certaines, par exemple, sont dans l'impossibilité de mettre en place de manière convenable des dispositifs d'aide et de soutien, que ce soit pour lutter de manière affirmée contre l'illettrisme, pour mettre en place l'enseignement des langues vivantes à l'école ou pour intégrer les enfants handicapés, l'ensemble de ces dispositifs nécessitant une masse critique minimale et donc des moyens importants.

Autre difficulté, l'accès à certains équipements informatiques, sportifs, culturels, dans des secteurs géographiques où la petitesse des collectivités fait que les moyens sont en conséquence limités.

Il y a enfin des difficultés de gestion dues à des problèmes d'encadrement administratif.

Le risque est donc grand de voir les parents se détourner de ces écoles et la désertification de ces secteurs s'aggraver.

Depuis l'année dernière et, plus précisément, le CIADT de novembre dernier, vous avez engagé une réflexion à ce propos et, ce matin, en conseil des ministres, vous avez présenté l'état des travaux à ce sujet. Quelles en sont les conclusions et quelles propositions allez-vous faire pour pérenniser et améliorer le dispositif éducatif dans les secteurs ruraux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Session de rattrapage !

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que l'école rurale a beaucoup changé. Il y a une cinquantaine d'années, chaque commune avait son école, comme elle avait sa mairie. Aujourd'hui, les choses ont bien évolué. Une commune sur trois n'a plus d'école du tout et, dans 28 % des communes, l'école a une ou deux classes.

L'inconvénient, c'est que les écoles modestes, qui ont peu de classes, qui sont isolées, ne disposent pas des mêmes moyens pédagogiques que celles des quartiers plus favorisés, qu'il s'agisse de l'informatique, des langues vivantes ou d'autres aménagements.

M. André Chassaigne. C'est totalement faux ! Quelle méconnaissance !

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Jean-Pierre Raffarin a donc souhaité, à la suite du CIADT de décembre dernier, que l'on trouve une solution pour sauvegarder l'école rurale.

Le dispositif que nous proposons aujourd'hui, les réseaux d'école, répond à cette préoccupation de trois manières. Nous demanderons aux inspecteurs d'académie de fixer un projet général d'aménagement des écoles sur plusieurs années, de faire en quelque sorte un schéma territorial des écoles. Nous donnerons un caractère réglementaire à ces réseaux d'écoles car, en France, l'école n'a pas de statut juridique, contrairement au collège et au lycée, et nous mettrons à la tête de cette structure administrative un coordinateur, qui sera évidemment rémunéré et qui sera déchargé d'autres obligations.

Ainsi, l'ensemble de ces réseaux d'école, qui devraient concerner une quinzaine de classes au minimum, regrouper 300 ou 400 élèves, pourront fonctionner comme une grosse école et disposer des moyens pédagogiques nécessaires. Nous aurons plus de démocratisation, plus d'égalité. Il est absolument anormal que des élèves scolarisés dans des zones rurales ne disposent pas des mêmes avantages, des mêmes services, que ceux qui sont scolarisés dans de grandes écoles.

Au début de l'année prochaine, se terminera la concertation, qui a été très large, avec les syndicats, les élus, les parents. Nous présenterons les textes au plus tard au printemps 2004 et, à la rentrée prochaine, les réseaux d'écoles, grande novation dans le paysage scolaire français, seront en place. Nous devrions arriver à 600 réseaux dans les deux ans. C'est une question de justice, c'est aussi une question de modernisation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INSERTION PAR L'EMPLOI

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bois, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Claude Bois. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et concerne l'insertion sociale par l'emploi.

Monsieur le ministre, la politique menée par ce gouvernement a cassé la reprise, creusé les déficits, augmenté le chômage et aggravé la souffrance sociale. Depuis votre retour au pouvoir, vous culpabilisez les plus fragiles, et faites des allocataires du RMI des boucs émissaires. Vous allez traquer aveuglément le RMI et lui substituer un faux frère, le RMA. D'ici à 2004, vous aurez exclu 250 000 personnes de l'indemnisation chômage et de l'allocation spécifique de solidarité. Vous faites de l'ANPE une succursale de l'intérim. Votre gouvernement est celui de l'insécurité sociale.

Dans mon département, le Pas-de-Calais, la population vit quotidiennement cette injustice sociale. Faillites et plans de licenciement s'enchaînent : Metaleurop, Comilog et maintenant Arcelor. Le taux de chômage y avoisine les 25 %.

Aggravant la facture sociale, vous réduisez les contrats emploi solidarité, vous supprimez les contrats emploi consolidé, qui permettaient de reprendre contact avec la vie professionnelle. En l'absence d'une véritable politique d'insertion, quel est l'avenir de nos jeunes face à cette marée montante du chômage ? Rappelons qu'entre 1997 et 2000, grâce à la politique volontariste de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), la pauvreté avait reculé de près de 10 %, selon l'INSEE. Par contre, un récent rapport du Secours catholique vous accable, montrant que la pauvreté a nettement augmenté en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Voilà la vérité !

M. Jean-Claude Bois. Monsieur le ministre, comment pouvez-vous encore parler de politique sociale et de solidarité ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, l'avenir de nos jeunes est dans l'essor de notre économie et certainement pas dans la multiplication des emplois précaires dans le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est la politique que vous avez conduite qui a mis notre pays dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui et qui rend si difficile la reprise alors que les autres pays européens sont déjà dans le cycle de la croissance.

M. François Hollande. Elle est où, la croissance ?

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a choisi de réorienter la politique de l'emploi en consacrant des moyens en augmentation à l'allégement des charges et au soutien à la création dans le secteur marchand.

M. François Hollande. Vous l'avez répété dix fois ! Ca ne marche pas !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est la politique que conduisent tous les autres pays européens. Y en a-t-il un seul, fût-il le plus socialiste, qui ait choisi de réduire la durée du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et de multiplier les emplois dans le secteur public en augmentant sans cesse les charges qui pèsent sur l'économie ? Il n'y en a pas un seul qui ait suivi votre exemple ! Cela devrait vous amener à faire preuve d'un peu plus de modestie dans le jugement que vous portez sur la politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les chiffres que vous venez de citer sur la pauvreté sont un exemple des manipulations permanentes auxquelles vous vous livrez. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L'enquête qui vient d'être faite montre que la pauvreté ne cesse d'augmenter dans notre pays. Même quand nous avons la croissance, même quand des politiques comme celle que vous conduisiez sont menées,...

M. François Hollande. Vous ne faites rien !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... la pauvreté continue de croître en France parce que nous ne nous sommes pas attaqués aux problèmes structurels de l'emploi. Nous allégeons les charges, nous favorisons la formation, et nous menons une politique d'insertion qui repose prioritairement sur l'insertion économique. Nous allons continuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

INSÉCURITE ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Richard Dell'Agnola, pour le groupe UMP.

M. Richard Dell'Agnola. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Depuis plus d'un an, monsieur le ministre, le Gouvernement s'est attaqué avec la plus grande fermeté à l'insécurité routière. C'est l'un des chantiers prioritaires du Président de la République. Pour notre part, nous avons soutenu puis adopté le 4 juin dernier votre projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière, et les premiers résultats sont là. En douze mois, plus de 1 500 vies ont été sauvées et l'on a évité 26 000 blessés, grâce à l'action du Gouvernement et grâce à un début de modification des comportements.

Ces efforts doivent être poursuivis. Ainsi, la semaine dernière, vous avez, avec votre collègue du ministère de l'intérieur, mis en place les dix premiers radars automatiques sur les axes les plus dangereux. Ils sont opérationnels depuis vendredi dernier, ce qui coïncide avec le week-end de la Toussaint, traditionnellement l'un des plus meurtriers sur les routes de France.

Dans ce contexte, l'objectif affiché du dispositif me semble relever beaucoup plus de la prévention que de la répression. En effet, il n'est pas question de piéger les automobilistes mais de les inviter à respecter les limitations de vitesse puisque vous avez indiqué l'emplacement de ces nouveaux appareils. Votre message est clair : il n'y a plus de seuil de tolérance quand on dépasse la vitesse autorisée.

Pouvez-vous nous dresser aujourd'hui un bilan du fonctionnement de ces premiers radars ? Ce dispositif sera-t-il étendu, dans quels délais, et à quel rythme ? (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'automatisation des contrôles de vitesse, monsieur le député, est l'un des piliers de la loi contre la violence routière à l'élaboration de laquelle vous avez grandement participé dans cet hémicycle, et je vous en remercie.

De tels systèmes de contrôle ont pu être mis en place grâce à un travail interministériel de très grande qualité. C'est exceptionnel dans l'histoire de la sécurité routière depuis vingt ans.

Je tiens tout d'abord à vous dire que ce système est fiable, à la fois sur le plan mécanique, sur le plan numérique, sur le plan administratif, et, en dépit des polémiques qui ont pu naître ici et là, sur le plan juridique, M. le garde des sceaux et M. le ministre de l'intérieur l'ont rappelé. Que celles et ceux qui mettraient en doute sa validité juridique se méfient, il est parfaitement fiable.

Entre vendredi matin et ce matin, 9 312 infractions ont été relevées, c'est-à-dire environ 2 000 par jour. Ce chiffre est à rapprocher des 3 500 infractions relevées à peu près chaque jour par les systèmes habituels.

Pour la majorité de ces infractions, la vitesse autorisée n'est pas dépassée de plus de vingt kilomètres/heure. Cela démontre que les gens deviennent plus raisonnables.

Le plus important, c'est que ce système fait baisser le nombre d'accidents dans notre pays. Si, au cours du week-end de la Toussaint, le nombre de morts est hélas ! sensiblement le même qu'au cours du week-end précédent,...

M. Philippe Martin. Supprimez la Toussaint !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... avec des chiffres largement en baisse, il y a eu 20 % d'accidents corporels et 23 % de blessés en moins.

Nous sommes donc sur la bonne voie mais il ne faut pas relâcher notre effort commun contre la violence routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

COOPÉRATION FRANCO-BELGE EN MATIERE DE SÉCURITÉ

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe UMP.

M. Patrick Delnatte. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, à l'occasion de la visite d'Etat du roi des Belges à Lille, vous avez présidé, avec votre homologue belge Patrick Dewael, le comité stratégique qui coordonne la coopération transfrontalière en matière de sécurité.

Vous avez pu vous rendre compte de l'attente des citoyens des deux côtés de la frontière franco-belge qui ne comprennent pas que celle-ci puisse être une cause d'impunité pour les délinquants.

Vous avez constaté sur place les progrès réalisés depuis votre prise de fonction dans la coopération entre les services de police, de gendarmerie et des douanes belges et français, avec, en particulier la création des brigades mixtes et l'installation d'un commissariat transfrontalier.

Cependant, il reste beaucoup à faire. Monsieur le ministre, en matière de lutte contre l'immigration clandestine, cette coopération peut-elle laisser espérer des résultats ? Pour ce qui concerne la poursuite des délinquants par-delà la frontière, les obstacles juridiques relatifs au droit de poursuite et au droit d'interpellation vous paraissent-ils de nature à empêcher une lutte efficace contre la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Les sans-papiers belges !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, nous avons, avec la Belgique, 240 kilomètres de frontière commune, une frontière qui se révèle, hélas ! plus efficace pour arrêter les forces de police que les délinquants.

Chacun peut la franchir sans qu'on lui demande rien, à moins qu'il ne soit policier. Des deux côtés de la frontière on lui cherchera des histoires pour savoir s'il peut être armé ou procéder à une interpellation.

Nous avons donc décidé de généraliser les patrouilles mixtes tout le long de la frontière et dans les trains. D'autre part, j'ai interrogé le Conseil d'Etat pour savoir si un droit d'interpellation réciproque était envisageable. Quand une patrouille de policiers belges poursuit des délinquants jusqu'en France, ces policiers sont-ils en mesure de procéder à une interpellation ? La réciproque est-elle possible pour les policiers français ? J'espère que d'ici à quelques mois nous pourrons obtenir satisfaction.

En ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine, il est exclu qu'Anglais, Belges et Français se renvoient leurs clandestins. Nous avons donc décidé d'échanger des officiers de liaison entre services de lutte contre les filières d'immigration clandestine de manière à être tous informés en temps réel. Avec les Belges, nous allons organiser des vols pour le retour des clandestins que nous interpellons dans nos deux pays.

Enfin, avant la fin de ce mois, en collaboration avec le ministre de l'intérieur anglais, nous allons équiper tous les ports de la Manche et de la mer du Nord -côté belge et côté français- de portiques de détection de présence humaine, comme ceux que nous avons installés avec succès à Calais.

Ce que nous voulons, monsieur le député, c'est être efficaces, c'est tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AFP

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.

M. Michel Françaix. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication, mais je voudrais, s'il me le permet, dire à M. le Premier ministre, modestement, poliment...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Michel Françaix... qu'il a parfaitement le droit -et même le devoir- de défendre sa politique, mais qu'il n'a pas le droit de reporter sur d'autres la responsabilité qui est la sienne depuis dix-huit mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il ne peut ignorer que ses déficits budgétaires et sociaux ont atteint des niveaux historiques ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais revenons-en à la question et après la désinformation, parlons de l'information et de l'AFP.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Bravo !

M. Michel Françaix. Il est toujours difficile à un ministre, j'en conviens, de s'exprimer à propos de la presse. Qu'il affirme concrètement son intention de l'aider à surmonter certaines difficultés et cette sollicitude paraîtra suspecte ! Mais, monsieur le ministre, voilà un reproche qui ne peut vous être adressé : votre prudente réserve, inspirée par un libéralisme de bon aloi, vous exposerait plutôt à l'accusation de non-assistance à personne en danger !

Avec 2400 salariés de quatre-vingt-une nationalités, dont 900 travaillent à l'étranger, l'AFP en France est un collecteur d'informations à l'état brut, un maillon essentiel dans la chaîne informative et joue un rôle irremplaçable pour l'ensemble de la presse. Dans le monde, c'est une agence multilingue et multimédias, et la façon dont elle a couvert la guerre d'Irak a été saluée par tous.

Or cette AFP-là se voit imposer un plan pluriannuel sur cinq ans : des économies drastiques...

M. François Goulard. Enfin, des économies !

M. Michel Françaix... assorties d'un plan social déguisé et d'une augmentation de recettes de 3,5 % par an, objectif que l'on sait inatteignable pour 2004 !

M. François Goulard. Quel gâchis !

M. Michel Françaix. N'est-il pas paradoxal qu'on trouve beaucoup d'argent public pour une chaîne de télévision internationale, orchestrée par TF1, mais qu'on reste insensible aux besoins de l'AFP qui joue un rôle capital dans l'influence de la France à l'étranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

L'AFP vaut mieux que la vente d'un immeuble à la sauvette ! Monsieur le ministre, ne vous contentez pas d'un arbitrage timide ! Que comptez-vous faire pour préserver cet outil précieux que tant de pays européens nous envient ? N'est-il pas temps d'associer les parlementaires à votre réflexion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Jean-Jacques Aillagon qui assiste en ce moment au service religieux en la mémoire du journaliste Jean Hélène, lâchement assassiné en Côte d'Ivoire.

Monsieur le député, vous venez modestement, pour reprendre vos termes, de donner un conseil universel à tous les gouvernements : ne jamais renvoyer au suivant les ardoises qu'on n'a pas voulu assumer soi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Choisir le sujet de l'AFP n'était pas forcément le plus convaincant : les difficultés de trésorerie que connaît l'AFP sont largement liées...

M. François Hollande. Bien sûr, c'est la faute de Jospin !

M. le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement... à un défaut de vigilance du gouvernement précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Exclamations sur les bancs du groupe socialiste )

C'est la raison pour laquelle le gouvernement actuel a approuvé très largement l'initiative prise par le président de l'AFP, M. Bertrand Eveno, qui vient d'être reconduit dans ses fonctions, de soumettre à son conseil d'administration un contrat d'objectifs et de moyens qui constitue un plan ambitieux et courageux (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste), pour permettre à l'AFP, qui est l'une des trois plus grandes agences d'information du monde en langue française,...

M. Michel Françaix. Eh oui !

M. le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement... de poursuivre son développement.

Le Gouvernement soutient ce plan qui n'est assorti d'aucun plan social.

M. Noël Mamère. C'est un démantèlement !

M. le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement. Il n'est pas question de vente du siège mais d'un...

M. François Hollande. Crédit-bail !

M. le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement... système de crédit-bail.

Dernier point, le personnel et ses représentants, reçus par le ministre de la culture et de la communication, ont été suffisamment convaincus pour annuler la grève initialement prévue pour le 4 novembre.

Autant dire, monsieur le député, que lorsque le dialogue social est constructif, les réformes avancent.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLLUTION PAR L'OZONE

M. le président. La parole est à M. André Flajolet.

M. André Flajolet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Notre pays a connu cet été de nombreux tourments qui écrivent tous, à leur façon, une relation conflictuelle entre l'organisation de notre société et son milieu naturel.

Si la presse s'est beaucoup étendue sur le problème des feux de forêt -drame humain et écologique d'une grande ampleur- et sur les conséquences de la canicule sur les personnes âgées isolées de leur famille et de la société, elle a beaucoup moins rendu compte de la pollution à l'ozone, nuisance environnementale quotidienne et sournoise.

Or l'ADEME, répondant à sa mission de veille scientifique et technique, vient d'alerter les pouvoirs publics sur l'importance des pics de pollution qui ont touché le vieux continent, et la France en particulier, insistant sur les risques sanitaires et les conséquences négatives pour l'homme et l'environnement.

Après les réponses positives que vous avez initiées pour lutter contre les risques technologiques pour l'être humain et la nature, prévenir les drames humains des risques naturels, pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur les conséquences de cette pollution, tant pour notre environnement que pour la santé humaine, mais surtout sur votre réelle volonté à mener une politique innovante et audacieuse, tant au niveau mondial, européen que français dans ce domaine ?

Nous ne pouvons en effet nous satisfaire d'un constat ou d'une révolte. Aussi, je vous remercie de préciser quel type d'action ponctuelle et quelle mesure structurelle vous pensez mettre en place pour améliorer la qualité de l'air. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, les effets néfastes de la pollution de l'air, en particulier de la pollution par l'ozone, sur la santé humaine et sur l'environnement sont maintenant bien connus. L'action résolue du Gouvernement se déploie dans trois domaines : la réduction des émissions, une plus grande efficacité des mesures d'urgence, une meilleure information du public.

Tout d'abord, la réduction des émissions : le programme d'action présenté en juin a pour ambition de réduire de moitié les polluants précurseurs de l'ozone et ainsi de diviser par cinq le nombre d'heures pendant lesquelles le seuil d'information sera dépassé. A cet effet, nous envisageons de durcir les normes dans de nombreux secteurs industriels. D'ores et déjà les mesures ont été prises pour ce qui concerne l'industrie électrique et l'industrie du verre. Dans quelques semaines, seront pris les arrêtés concernant les cimenteries, les raffineries ou la sidérurgie. Nous accorderons une attention toute particulière aux composés organiques volatils, en particulier dans les stations services.

Nous visons aussi la réduction des polluants dans l'automobile par une « sévérisation » des normes. En outre, je travaille, avec mon homologue allemand, à une initiative franco-allemande que nous présenterons à la Commission européenne avant la fin de l'année.

S'agissant du secteur résidentiel, nous proposons un crédit d'impôt de 25 % à ceux qui s'équiperaient de chaudières plus respectueuses de l'environnement, réduisant ainsi la pollution à l'ozone.

Ensuite, pour rendre plus efficace les mesures d'urgence, nous avons ramené le passage au seuil d'alerte à 240 microgrammes par mètre cube et nous réformons le système de la « pastille verte » pour développer la circulation alternée, dès lors que le seuil de pollution par l'ozone dépassera 360 microgrammes par mètre cube.

Enfin, nous nous employons à mieux informer le public et je salue à ce propos le rôle des associations de surveillance de la qualité de l'air. Trois millions d'euros de crédits de recherche seront consacrés à l'amélioration de la prévision afin que le passage au seuil d'information puisse être prévu avec deux jours d'avance et le passage au seuil d'alerte avec un jour d'avance.

En partenariat avec France Télévision, nous diffuserons systématiquement dans les journaux télévisés une information lors des pics de pollution et nous l'adresserons par émail ou texto aux structures publiques -crèches, hôpitaux, maisons de retraite.

J'ai été trop synthétique, monsieur le président. (Rires et exclamations) Permettez-moi d'ajouter que le plan de lutte contre la pollution de l'air ne concernera pas que la pollution de l'air, mais également, grâce à une action interministérielle intense, tous les problèmes de pollution atmosphérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président Être libéral ne permet pas au dernier orateur de passer à la télévision. Néanmoins, je vais demander à la télévision de bien vouloir retransmettre l'intervention de M. Soulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CHARTE DE QUALITÉ ADMINISTRATIVE

M. le président. La parole est à M. Frédéric Soulier, pour le groupe UMP.

M. Frédéric Soulier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez présenté lundi une charte générique, applicable à tous les ministères et définissant la qualité des engagements que les Français sont en droit d'attendre d'un service public moderne.

Ces engagements tiennent en cinq points : un accès plus facile aux services, avec en particulier l'identification de l'agent chargé du suivi du dossier ; un accueil attentif et courtois ; une réponse compréhensible, dans un délai annoncé ; une réponse systématique aux réclamations ; et enfin, une évaluation régulière, visant à améliorer le service. Autant d'engagements qui correspondent à une réelle attente des citoyens.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cette charte n'est-elle qu'un document de plus ? Comment pouvez-vous nous garantir qu'elle sera respectée dans les différentes administrations ? Je pense notamment au respect des délais d'attente aux guichets : nos concitoyens y sont particulièrement sensibles.

Je salue encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, cette initiative tendant à faciliter la vie des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, le Président de la République avait souhaité que les services publics s'engagent sur des standards de qualité qui correspondent mieux aux attentes de nos concitoyens. Le Premier ministre nous a demandé, à Jean-Paul Delevoye et à moi-même, de mener une concertation avec l'ensemble des associations, des syndicats et des ministères dans le but de parvenir à la définition de ce tronc commun d'engagements visant à améliorer la qualité de l'accueil dans les services publics.

M. Jean-Pierre Brard. C'est très clair, monsieur le ministre de la langue de bois !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Cela veut dire que nous devons favoriser l'accessibilité des services publics, notamment pour les plus faibles. Cela veut dire que nous devons réduire les délais d'attente au téléphone ou au guichet, comme les délais de réponse aux courriers. Cela veut dire, bien entendu, que nous devons veiller à ce que les usagers reçoivent un accueil plus personnalisé et plus courtois.

Maintenant, comment faire en sorte que cette charte soit autre chose qu'un ensemble d'objectifs affichés et se traduise dans la vie quotidienne des services publics ?

D'abord, il faut associer étroitement les agents - sans lesquels on ne peut pas réussir - à la définition des objectifs, et le faire suffisamment en amont pour que les attentes des usagers fassent partie de leur métier au quotidien.

Ensuite, et c'est là un point tout à fait décisif, qui fait partie des engagements de la charte, il faut traiter systématiquement les réclamations des usagers. A cet effet, dans chaque service public, un médiateur sera chargé de leur suivi.

Enfin, il faut mieux évaluer l'insatisfaction des Français et mesurer régulièrement les progrès accomplis.

Nous entamons la mise en œuvre de la charte en menant une expérimentation dans six départements, qui sera progressivement généralisée à l'ensemble du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCES POUR 2004
DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITE, ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la France est confrontée, depuis deux ans, au retournement de conjoncture le plus brutal qu'elle ait subi depuis deux décennies. Chacun est bien obligé de constater à quel point la baisse du chômage des années 1998-2001 a été le résultat éphémère d'une croissance exceptionnelle. La politique menée ces cinq dernières années n'a rien changé aux données fondamentales de l'emploi en France : dès que la croissance fléchit, la mécanique du chômage redémarre, comme sous l'effet de la fatalité.

Mais tout indique aujourd'hui que l'économie française a atteint son étiage, et que la croissance devrait être de retour en 2004. L'Amérique est repartie, le Japon sort d'une décennie récession, la reprise frémit en Allemagne, les carnets de commande ont cessé de régresser : nous sommes bien à la veille de la reprise. C'est la fin d'un cycle par lequel l'économie mondiale s'est purgée d'une décennie d'excès technologiques et financiers.

Un nouveau cycle prépare son essor. L'enjeu est maintenant de conduire une politique de l'emploi adaptée au redressement prochain de la conjoncture. C'est l'objet du projet de budget du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité que je vous présente aujourd'hui.

Ce projet est offensif. Il rompt avec une triple illusion qui nous ferait, à l'évidence, manquer le tournant de la reprise. Illusion, d'abord, de la réduction du temps de travail et de la rigidification du marché du travail, qui laissent nos concurrents, mobiles et réactifs, avancer à notre détriment. Illusion, ensuite, du recours à la création d'emplois publics pour gonfler artificiellement les chiffres de l'emploi. Illusion, enfin, sur la pérennité que pourrait espérer notre modèle social sans réformes profondes et sans un effort collectif pour faire face aux défis majeurs de demain.

Nous renversons cette politique terriblement défensive en affrontant la réalité de nos difficultés. Nous disons aux Français deux vérités qui sont à la base de toute notre politique de l'emploi. La première : si nous voulons continuer à progresser, il n'y a pas d'autre choix que de travailler plus, et mieux. La deuxième : pour assurer la fonction redistributive de notre système de protection sociale, il faut créer toujours plus de richesses en développant l'emploi durable dans le secteur marchand.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce langage de vérité accompagne une politique qui attaque aux racines le mal français du chômage, et qui a pour double objectif d'accélérer le retour de l'expansion et d'en tirer le plus possible de bénéfices en faveur de l'emploi durable.

Pour préparer l'économie française à bénéficier au plus vite de la reprise, il faut avant tout libérer notre potentiel productif. Le Gouvernement a donc engagé les réformes structurelles destinées à lui permettre d'être aussi riche que possible en emplois durables.

Tout en conduisant ces réformes structurelles, nous réorientons en ce sens les instruments de la politique de l'emploi. La première de ces réorientations est la clarification et l'amplification des baisses de charges.

La clarification, d'abord, se manifeste par une innovation très importante : nous avons choisi de réintégrer dans ce projet de budget le fonds d'allégement des charges - le FOREC. Cette opération donne une salutaire transparence aux relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Elle est conforme à la loi du 25 juillet 1994, qui prévoit que les exonérations de cotisations sociales doivent être compensées par le budget de l'Etat. Elle mettra également un terme au débat confus sur les transferts de recettes de l'Etat vers la sécurité sociale destinés à assurer l'équilibre du FOREC.

Surtout, elle permet d'afficher l'effort global de l'Etat en matière d'emploi, qui augmente de plus d'un milliard d'euros entre 2003 et 2004. Dans le contexte de maîtrise des finances publiques que vous connaissez, cette décision illustre la priorité donnée par le Gouvernement à l'emploi.

Depuis 2003, et plus encore en 2004, le montant correspondant aux allégements de charges est plus important que celui des autres dépenses.

Il s'agit là d'un choix : nous savons que les baisses de charges sur les bas salaires sont l'une des mesures pour l'emploi les plus efficaces. Le taux de croissance de l'économie nécessaire pour créer des emplois était, avant la mise en œuvre des premières politiques d'allégement, de 2,3 %. L'application des ristournes dites « Juppé » et « Aubry » avait déjà permis de réduire ce seuil à 1,3 % environ. Le nouveau dispositif d'allégement de charges sociales qui vous est aujourd'hui présenté le ramène à moins de 1 %. La France sera ainsi plus prête que naguère à saisir, en matière d'emploi, le premier souffle de la croissance.

Cette politique d'allégement de charges s'accompagne d'un infléchissement de la politique publique d'aide à l'emploi en faveur du secteur marchand.

Le traitement social du chômage, qui consiste à faire financer par l'Etat - c'est-à-dire par l'impôt - le coût de certains emplois dans le secteur public et parapublic, est une formule qui cumule les inconvénients : précarité des contrats et insuffisance notoire des objectifs d'insertion. Cet expédient, vite décevant pour ses bénéficiaires, perd tout son sens dans la perspective de la reprise, et doit donc être réservé aux seuls publics en grande difficulté, pour lesquels la réinsertion dans le tissu économique demande un effort très particulier.

Dans le contexte actuel, il faut avant tout encourager le secteur marchand, seul créateur d'emplois véritablement durables. Passer du traitement social du chômage au soutien à l'emploi durable : tel est l'axe principal de notre politique de l'emploi.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'effort budgétaire consacré par l'Etat à l'emploi, y compris les baisses de charges, est aujourd'hui plus important que sous la majorité précédente. Mais c'est, surtout, la philosophie d'allocation de ces aides qui change, en privilégiant désormais l'emploi marchand et en ciblant l'effort sur les publics qui en ont le plus besoin. Dans le budget pour 2002 - le dernier adopté par la gauche -, la moitié seulement du dispositif était destinée au secteur marchand. En 2003 nous avons porté cette proportion à 60 % et, dans le projet de budget pour 2004, elle atteint les deux tiers.

Parmi les dispositifs, le Contrat jeunes en entreprises, et le Contrat initiative emploi jouent un rôle de premier plan.

Le Contrat jeunes en entreprises poursuivra en 2004 sa montée en puissance, avec un nombre d'entrées que nous espérons voir, l'an prochain, dépasser 100.000. A ce jour, 110.000 contrats ont été signés, et notre objectif est d'atteindre, au total, le chiffre de 235.000 contrats dans le courant de l'année 2004.

Le résultat déjà atteint est très encourageant : le chiffre de 90.000 entrées en 2003 correspond à notre estimation initiale. De plus ce dispositif représentait un pari, dans la mesure où l'aide n'est accordée que pour des jeunes peu qualifiés et, je le rappelle, recrutés sur la base de contrats à durée indéterminée. Ce pari, que beaucoup estimaient impossible à remporter, nous l'avons gagné.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances de l'économie générale et du Plan, pour le travail. Bravo !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre succès, qui prouve que ce pari était possible, permet à ces jeunes, non seulement de trouver un emploi, mais aussi de démarrer leur vie professionnelle dans les meilleures conditions possibles.

Le Contrat initiative emploi - le CIE - a été, quant à lui, relancé en mars 2002 dans le cadre de la table ronde pour l'emploi. Plusieurs mesures ont été prises pour rendre le dispositif plus attractif. En particulier, le fait que le versement des primes s'effectue, dorénavant, sur un rythme trimestriel, et non plus à la fin de chaque année, devrait être plus favorable aux entreprises, et notamment aux plus petites, dont la trésorerie était pénalisée par le mode antérieur de paiement.

Le projet de budget pour 2004 tire les conséquences de cette relance : au lieu de 70.000 entrées prévues en 2003, 80.000 sont inscrites au projet de loi de finances pour 2004. En outre, comme vous le savez, le Gouvernement a déposé, conformément au souhait du groupe UMP, un amendement relevant encore de 30.000 le nombre des entrées, qui passe ainsi à 110.000, affichant ainsi une augmentation de près de 60 %.

Notre choix de privilégier le CIE est conforté par toutes les études dont nous disposons, et en particulier par celle qu'a réalisée récemment la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, qui démontre l'efficacité du dispositif : selon cette étude, 40 % des anciens bénéficiaires restent dans l'entreprise où ils ont effectué leur CIE, et, parmi ceux qui la quittent au terme du contrat prévu, près de sept sur dix trouvent un autre emploi dans le mois qui suit. C'est, de tous les dispositifs d'aide à l'emploi dont nous disposons, celui dont les résultats sont les plus efficaces.

Ces résultats démontrent que le retour à l'emploi dans le secteur marchand est toujours la meilleure solution pour parvenir à l'insertion durable des chômeurs.

Notre approche repose sur ce constat. Pour autant, elle n'est pas dogmatique. Nous savons en effet que, pour certaines personnes, le passage par le secteur non marchand peut être une étape utile, et parfois indispensable, dans un parcours d'insertion. C'est pourquoi le projet de loi de finances pour 2004 prévoit 170 000 contrats emploi solidarité - CES - et 15 000 contrats emploi consolidé - CEC. Ces chiffres sont inférieurs à ceux prévus pour 2003, mais ils demeurent significatifs.

Permettez-moi d'en venir maintenant aux deux nouveaux dispositifs créés en 2004 : le contrat d'insertion dans la vie sociale - CIVIS - et le revenu minimum d'activité. Ces dispositifs obéissent à la même philosophie de lutte pour l'emploi : nous misons sur la responsabilité et la volonté de nos concitoyens qui sont frappés par le chômage et nous refusons la fatalité de la dépendance sociale.

Le CIVIS, destiné aux jeunes, comporte trois volets : l'accompagnement vers l'emploi, la création d'entreprises, et les emplois en association.

Le CIVIS « associations », créé par décret du 13 juillet 2003, a été conçu pour échapper aux défauts des dispositifs qui l'ont précédé, notamment les emplois-jeunes. Tout d'abord, il s'adresse aux jeunes faiblement qualifiés, qui, sans une telle aide, risquent de ne pouvoir accéder au marché du travail. Ensuite, il suppose un projet personnel du bénéficiaire. Enfin, il est exclusivement destiné aux associations, car nous considérons que le cofinancement par l'Etat d'emplois portés par des établissements publics ou des collectivités locales brouille les responsabilités.

Notre objectif est que 11 000 de ces contrats soient conclus d'ici à la fin 2004 et que, d'ici à trois ans, 25 000 jeunes bénéficient de ce dispositif.

Les CIVIS « accompagnement vers l'emploi » et « création d'entreprises » nécessitent le vote de dispositions législatives pour entrer en vigueur. A cette fin, un amendement au projet de loi de finances vous sera proposé par le Gouvernement. Si vous l'acceptez, ces deux dispositifs entreront en vigueur le 1er janvier 2004.

Notre volonté est que, dès cette date, ces deux mesures soient décentralisées aux régions. Ce faisant, nous anticipons en quelque sorte sur le projet de loi relatif à la décentralisation qui confiera l'accompagnement des jeunes aux régions.

Quant au revenu minimum d'activité, sa philosophie est claire. Elle peut être résumée en une phrase : le travail vaut mieux que l'assistance.

M. Lionnel Luca. Bien sûr !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Son principe est simple : l'employeur embauchant un bénéficiaire du RMI recevra une aide à l'emploi d'un montant équivalent à celui du RMI.

M. Guy Geoffroy. Excellent !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mieux vaut, chaque fois que c'est possible, financer le retour à l'emploi plutôt que le maintien dans la dépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas qu'une question d'efficacité de la lutte contre le chômage, c'est surtout une question de justice sociale.

La création de ce dispositif est prévue dans le projet de loi « RMI-RMA » qui a été voté par le Sénat et qui sera examiné par votre assemblée dans les prochaines semaines. Je souhaite qu'il puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2004. En cohérence avec la décentralisation du RMI, ce sont les conseils généraux, au plus près du terrain, qui assumeront la responsabilité de sa mise en œuvre.

Le projet de budget 2004 comporte en effet une innovation majeure : la décentralisation du revenu minimum d'insertion aux départements. Ce choix repose sur un constat que tout le monde peut partager. Quinze ans après la création du RMI, il apparaît que si ce dispositif a bien joué son rôle de « revenu minimum » pour les personnes les plus en difficulté, son volet « insertion » ne donne pas satisfaction. En effet, une faible part des allocataires accède à l'emploi, puisque sur cent bénéficiaires du RMI en décembre 1996, seul un quart a retrouvé du travail cinq ans après. De même, seul un bénéficiaire du RMI sur deux a signé un contrat d'insertion.

Ma conviction est que la confusion actuelle des responsabilités - l'Etat verse l'allocation, le conseil général finance l'insertion des bénéficiaires - est l'une des principales causes de l'inefficacité du dispositif. En confiant clairement aux départements le rôle de chef de file, la réforme permettra de mener une véritable politique d'insertion, au plus près du terrain.

Nous prévoyons 100 000 RMA en 2004 : 50 000 dans le secteur marchand, 50 000 dans le secteur non marchand, puisque ce dispositif est ouvert aux associations et aux collectivités. C'est une estimation. En effet, l'Etat ne contingentera pas le nombre de RMA. Il est donc tout à fait possible et, de mon point de vue, souhaitable que ces chiffres soient dépassés.

La création du RMA s'inscrit dans la perspective de la refonte de l'allocation de solidarité spécifique. Il s'agit de limiter la durée de celle-ci à trois ans pour les bénéficiaires actuels, à deux ans pour les nouveaux entrants. En effet, une personne qui est frappée depuis trop longtemps par le chômage a moins besoin d'une indemnisation indéfinie que d'une aide véritable pour retrouver un emploi. Notre politique vise à offrir cette possibilité à tous, en particulier aux chômeurs de longue durée.

Tous les bénéficiaires de l'ASS qui basculeront vers le RMI seront immédiatement éligibles au revenu minimum d'activité. Or, pour une personne seule sans ressources, le montant du RMI est très proche de celui de l'ASS, alors que le RMA est significativement supérieur : 185 euros supplémentaires par mois.

La relance du contrat initiative emploi vise le même objectif. Si vous acceptez l'amendement du Gouvernement qui a pour objet d'augmenter de 30 000 le nombre de CIE, je donnerai des instructions pour que ces emplois supplémentaires soient offerts en priorité aux personnes susceptibles d'être concernées par la réforme de l'ASS.

Après ce panorama des contrats aidés, je souhaite évoquer plus brièvement la formation professionnelle.

Il existe une sorte de paradoxe français, que l'on pourrait qualifier de scandale. En effet, alors que le chômage monte et que l'emploi est la préoccupation première de nos concitoyens, plus de 300 000 offres d'emploi restent non pourvues !

M. Jean-Marie Geveaux. Hélas !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A cette inadéquation chronique entre l'offre et la demande d'emploi, nous répondons par la réforme de la formation professionnelle.

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette réforme est capitale pour assurer l'adaptabilité de chacun aux fluctuations accélérées du marché du travail. Les lacunes de notre système sont bien connues : illisible pour les salariés, il engloutit des sommes considérables tout en laissant largement de côté les PME, les salariés les moins qualifiés et les plus âgés. Nous avons relancé la négociation entre les partenaires sociaux pour généraliser l'accès à la formation, renforcer l'évaluation et la reconnaissance des compétences et faire entrer dans les faits la validation des acquis.

Cette relance a ouvert la voie à l'accord interprofessionnel conclu le 19 septembre dernier entre les partenaires sociaux, accord sur le fondement duquel le Gouvernement présentera dès cet automne un projet de loi instaurant pour la première fois en France un véritable droit individuel à la formation tout au long de la vie.

Cet accord interprofessionnel est trop récent pour trouver une traduction dans le projet de loi de finances. La principale innovation que celui-ci comporte en matière de formation professionnelle est la préparation de la décentralisation de l'Association pour la formation professionnelle des adultes - AFPA. En effet, la dotation à l'association, soit un peu plus de 700 millions d'euros, est scindée en deux parties afin de distinguer la part des crédits susceptibles de faire l'objet d'une décentralisation au cours des prochains exercices, soit environ 450 millions d'euros.

Le troisième contrat de progrès 2004-2008 liant l'État à l'AFPA encadrera les modalités de ce transfert, en précisant les évolutions nécessaires de l'association et les modalités de l'accompagnement de l'État. Ces orientations seront ensuite discutées et négociées région par région, dans le cadre de conventions tripartites entre l'État, la région et l'AFPA, prises en application de ce contrat de progrès. Ces conventions préciseront pour chaque région les modalités et le calendrier des transferts, ainsi que les évolutions souhaitées par le conseil régional pour le schéma régional des formations de l'AFPA.

Mesdames et messieurs les députés, à travers le projet de budget, le Gouvernement a fait le choix de l'ambition, du pragmatisme et de l'efficacité.

De l'ambition parce que, dans un contexte budgétaire extrêmement difficile, le Gouvernement accroît encore les moyens consacrés à l'emploi.

Du pragmatisme parce qu'il cible ces moyens sur des instruments - les baisses de charges, les aides à l'emploi marchand - dont nous savons qu'ils permettront au plus grand nombre de retrouver le chemin de l'emploi durable.

De l'efficacité parce qu'il fait confiance, dans chaque domaine, à un seul décideur, reconnu comme pleinement responsable de la politique menée. Ainsi, la formation est entièrement confiée aux régions, le RMI et le RMA seront pilotés par les départements et, bien entendu, de larges champs de l'organisation du travail ont été rendus aux partenaires sociaux.

En tournant le dos aux facilités du passé, en prônant la réhabilitation du travail, en favorisant l'emploi marchand et en entreprenant des réformes structurelles pour assainir notre marché du travail, nous menons une politique exigeante.

Sur le front de l'emploi, nous sommes passés à l'offensive. Loin des débats stériles sur le déclin français, c'est un pari sur nos atouts pour préparer la France à gagner la bataille de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la solidarité.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la solidarité. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, madame la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, mes chers collègues, je manquerais à tous mes devoirs si, en m'exprimant devant vous au nom de la commission des finances, je ne plaçais pas l'examen des crédits de la solidarité pour 2004 sous le signe de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale. Les quelques remarques que je ferai à ce sujet dans un instant ne vous surprendront pas, monsieur le ministre, puisque j'ai eu l'occasion d'exprimer certaines d'entre elles la semaine dernière, à l'occasion de votre présentation à la commission des finances de la stratégie de réforme de votre ministère.

J'évoque mes devoirs, mais la mise en œuvre de cette réforme majeure est une ardente obligation pour l'ensemble de ses acteurs. Nous avons tous, collectivement, à y gagner : pour le Gouvernement, une meilleure allocation des moyens disponibles et une communication sur les propositions budgétaires plus lisible ; pour le Parlement, une meilleure implication dans ces choix budgétaires ; enfin, pour nos concitoyens, l'identification clarifiée de l'utilisation des fruits de leur travail.

Il serait trop facile de distribuer bons et mauvais points à tel ou tel ministère dans le cadre de l'exercice exigeant que représente la préparation de la réforme. Notre philosophie est tout autre. Elle est sans concessions - comme en témoigne le remarquable travail accompli par la mission d'information menée sur ce sujet par nos collègues Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard -, mais elle se veut tout autant constructive.

C'est dans cet esprit que je souhaite, tout d'abord, monsieur le ministre, saluer l'implication de vos services dans la mise en œuvre de la loi organique. Au printemps dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer les « pilotes » de ce projet pour les crédits de la santé et de la solidarité et j'ai pu apprécier combien ils étaient conscients des enjeux de la réforme et lucides, car nous savons que tout ne sera pas fait en un jour.

Cela dit, je tiens, monsieur le ministre, à appeler une nouvelle fois votre attention sur trois points problématiques de la mise en œuvre de la loi organique en l'état actuel du projet : le traitement des « fonctions support » et des « services polyvalents », la ventilation des emplois par programme et le dispositif de mesure de la performance.

L'architecture projetée - une même mission « solidarité et intégration » composée de six programmes - est satisfaisante. Est également particulièrement bienvenue la répartition choisie pour les actions retracées dans l'actuel agrégat « développement social », qui était trop composite.

Toutefois, une mesure est critiquable, car manifestement contraire à l'article 7 de la loi organique. Il s'agit du projet d'un programme commun à la mission « solidarité et intégration » et à la mission « politique de santé », qui regrouperait la totalité des personnels des services déconcentrés, soit plus de 80 % des emplois budgétaires du ministère, et une bonne part des crédits de fonctionnement. L'absence, à ce jour, de stratégie relative à la déclinaison locale des programmes n'est sans doute pas sans lien avec cette situation.

La question de la ventilation des emplois par programme est, elle aussi, cruciale. Il semble que les services gestionnaires des différentes politiques menées soient suffisamment spécialisés, du moins dans l'administration centrale, pour permettre une ventilation des emplois par programme. Il faut donc s'y consacrer.

Enfin, je dois à la vérité de dire que le dispositif de mesure de la performance de la gestion, composé d'objectifs et d'indicateurs de résultat, est encore à l'état de chantier. Certes, la tâche est difficile dans le champ social, elle n'en est pas moins indispensable.

J'en viens à présent aux crédits de la solidarité pour 2004 qui sont soumis à notre vote. La commission des finances les a adoptés et vous invite à faire de même pour soutenir une politique qui contribue à la mise en œuvre de deux mouvements de fond qui sous-tendent cette législature : d'une part, la décentralisation, d'autre part, la maîtrise de la dépense publique.

La mise en œuvre de la décentralisation, vous l'évoquiez il y a un instant, monsieur le ministre, c'est le transfert aux départements du RMI dès l'an prochain, sous réserve de l'adoption du projet de loi qui en prévoit les modalités, et dont nous débattrons très prochainement. Ce transfert diminue des deux tiers le périmètre des crédits de la solidarité et les recentre méthodiquement sur des crédits d'intervention. Il permet également de mettre fin à la dichotomie de gestion entre l'État et les départements, à la dispersion des énergies et à la déconnexion entre allocation et insertion. Couplé avec la création d'un revenu minium d'activité, ce transfert traduit en actes les lignes de force du projet de budget pour 2004 : encourager le travail et favoriser l'emploi.

La décentralisation, c'est également le transfert aux régions, en 2005, des activités de formation en travail social. En 2004, les crédits déconcentrés destinés à 34 000 étudiants seront en hausse de 9 % et atteindront 133 millions d'euros.

La décentralisation, c'est enfin la compétence confiée aux départements, à l'horizon 2005, une fois leur déploiement achevé, des centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, destinés à la prise en charge locale des personnes âgées.

La maîtrise de la dépense publique, pour les crédits de la solidarité en 2004, c'est le souci de faire mieux avec autant de moyens, par l'amélioration de la productivité d'abord.

Elle se traduit par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement. Ainsi, 145 postes devraient être supprimés alors que 290 départs à la retraite sont programmés. Le nombre d'emplois budgétaires baissera de 0,62 % pour descendre en dessous des 15 000 emplois, ce qui permettra de continuer à réduire le taux de vacance de ces emplois, et ce qui dégagera des marges de manœuvre pour poursuivre la résorption de l'emploi précaire et l'amélioration du régime indemnitaire des personnels de l'administration sanitaire et sociale.

La maîtrise de la dépense publique apparaît aussi dans l'évolution globale des crédits de la solidarité. À structure 2004, et donc hors transfert du RMI pour près de 5 milliards d'euros, ces crédits seront stables, en baisse de 0,35 % par rapport à la loi de finances pour 2003. Cette stabilité est d'autant plus justifiée qu'elle succède, il ne faut pas l'oublier, à un très important effort mené l'an dernier pour apurer les dettes sociales héritées de la gestion précédente. Vous le savez, deux lois de finances rectificatives, en août et en décembre 2002, ont dû procéder à l'ouverture de plus de 1,45 milliard d'euros de crédits pour régler les insuffisances constatées au titre du RMI, de l'aide médicale de l'État ou de l'hébergement social.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Eh oui !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale. Le Gouvernement a eu le courage de rétablir la sincérité des comptes. Il a aujourd'hui le courage d'afficher la stabilité en recherchant la performance des finances publiques.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale pour la solidarité. Les dépenses ordinaires s'établiront en effet à 2,57 milliards d'euros, et les dépenses en capital à 41 millions d'euros en autorisations de programme et 31 millions d'euros en crédits de paiement. Qu'il me soit toutefois permis, mesdames, monsieur les ministres, de souligner la gestion problématique des dépenses en capital et les blocages constatés sur ces lignes en 2002 et en 2003. Une amélioration était annoncée pour cette année. Or la situation a, au contraire, empiré. Selon le rapport du contrôleur financier, 54 millions d'euros d'autorisations de programme et 76 millions d'euros de crédits de paiement demeuraient disponibles au 31 décembre 2002. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, la Cour des comptes note le montant des reports des années antérieures sur les titres V et VI de la section budgétaire. Il faut remédier à cette situation.

Hormis ce point précis, les crédits de vos départements ministériels respectifs traduisent la recherche de performance et de lisibilité que j'évoquais il y a un instant. Le découpage prévisionnel des crédits de la solidarité en quatre programmes est à cet égard éclairant : il s'agit de la lutte contre l'exclusion, du soutien aux personnes âgées, de l'intégration des populations immigrées et de la politique d'égalité entre les hommes et les femmes.

Dans le champ de la lutte contre l'exclusion, après avoir salué le lancement, le 25 mars dernier, d'un plan de renforcement de lutte contre la précarité et l'exclusion, doté de 1 milliard d'euros sur la période 2003-2005, je souhaite insister sur un thème récemment placé sous les feux de l'actualité, mais qu'il faudra bien traiter, une fois ces feux éteints. Je veux parler de l'aide médicale de l'État, l'AME, cet accès à la santé pour ceux qui n'ont accès à rien, les plus exclus d'entre tous, étrangers en situation irrégulière, déboutés du droit d'asile.

Les données du problème sont aujourd'hui connues. Elles sont chiffrées : 170 000 personnes environ sont concernées par ce dispositif mal conçu, sorte de résidu de la CMU, et surtout les dépenses sont de très loin supérieures aux dotations budgétaires - 75 millions d'euros en 2000, 53 millions en 2001, 61 millions d'euros en 2002.

Pour résorber les retards de paiement à l'assurance maladie, il a fallu voter 445 millions d'euros de crédits supplémentaires au collectif de l'été 2002, et la dotation pour 2003 a été portée à 233 millions d'euros. Le même montant est proposé pour 2004. Pourtant, vous l'évoquiez vous-même dans cet hémicycle la semaine dernière, monsieur le ministre, les dépenses devraient, en rythme annuel, s'élever à 700 millions d'euros. Dans ces conditions, peut-on se contenter d'un ajustement à la marge, de nature réglementaire, en tablant sur une résorption de la fraude pour combler un passif prévisionnel de plus de 450 millions d'euros ? Sincèrement, je ne le pense pas. Et les premiers déplacements que j'ai effectués dans des hôpitaux et dispensaires de la région parisienne parmi les plus concernés par l'AME me renforcent dans cette conviction.

La lutte contre l'immigration clandestine est évidemment un préalable, elle n'est pas de mon ressort. Mais, pour ne pas en rester là, je compte, sous votre haut patronage, monsieur le ministre, constituer un « groupe réfèrent », qui réunirait des professionnels du monde de la santé, des personnalités issues du monde universitaire et associatif, afin de chercher une solution par le haut à cette situation et tenter de réformer un dispositif qui a fait la preuve de son vice de conception.

La lutte contre l'exclusion ne doit pas se penser qu'en termes de dépenses de « guichet » ; elle n'interdit pas une politique innovante. Tel est le sens du développement des maisons-relais que vous portez, madame la secrétaire d'État, avec beaucoup de cœur et de conviction. Ces petites structures, bien intégrées dans la ville, mieux adaptées que l'hébergement d'urgence à des personnes en situation de grande précarité, plus économes des deniers publics également, comptent déjà plus de 1 000 places créées cette année.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale. Pour atteindre l'objectif des 5 000 places, le développement de ces maisons-relais doit se poursuivre, au besoin, si le Gouvernement en convient, par redéploiement de crédits au sein du chapitre budgétaire consacré à l'hébergement social.

Mais les tensions sont toujours fortes sur le dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, comme en témoigne l'ouverture par décret d'avance de 145 millions d'euros le 13 octobre dernier. Les crédits sur ce poste augmenteront de plus de 8,5 % en 2004.

En matière de politique de l'intégration, pour les migrants arrivant légalement sur le territoire, le comité interministériel du 10 avril 2003 a été porteur d'un nouveau souffle. Le FASILD, Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, a réorienté son activité pour tenir compte des nouvelles priorités définies par le Gouvernement. Les principales interventions du Fonds, doté par l'État de 171 millions d'euros, portent sur l'accueil des primo-arrivants, le logement et l'habitat, la formation et l'emploi, l'éducation et la solidarité, le soutien aux acteurs et aux structures, avec le financement de 500 postes FONJEP, qui sont une modalité particulièrement efficiente de l'emploi des fonds publics.

Enfin, l'Office des migrations internationales, qui met déjà en œuvre à titre expérimental des contrats d'accueil et d'intégration en direction des « primo-arrivants », verra, en 2004, ses moyens financiers et humains regroupés avec ceux du service social d'aide aux émigrants pour former une véritable Agence de l'immigration.

La politique de soutien aux personnes âgées, tant éprouvées par la canicule de l'été dernier, doit prochainement bénéficier d'un ambitieux plan « Vieillissement et solidarités ». Dans l'attente sereine et confiante du détail des mesures qu'il contiendra, et alors que 40 millions d'euros de crédits d'urgence de l'assurance maladie ont été débloqués dès la mi-septembre, le projet de budget comporte près de 23 millions d'euros pour poursuivre le déploiement de la coordination gérontologique dans les départements, et 18 millions d'euros de subventions d'équipement pour l'hébergement des personnes âgées.

La grande enquête sur cet hébergement annoncée pour 2004 est indispensable afin d'obtenir une photographie précise des conditions d'accueil qui leur sont proposées et de détecter de manière plus fine les besoins dans ce domaine. Les personnes âgées savent qu'elles peuvent compter sur la mobilisation des pouvoirs publics, puisque l'État et les départements, conjointement avec les bénéficiaires, ont réussi, au printemps dernier, le sauvetage de l'allocation personnalisée d'autonomie, en partageant un surcoût de plus de 1 milliard d'euros.

La solidarité, ce sont aussi les liens qui nous unissent, à travers le temps, aux rapatriés, dont l'allocation de reconnaissance sera revalorisée et dont le soutien sera réexaminé à l'occasion d'un prochain débat au Parlement. Ce sont encore les liens qui nous unissent, à travers l'espace, à nos compatriotes d'outre-mer, dont certaines dépenses de protection sociale continueront à être prises en charge, pour 32 millions d'euros.

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais conclure en évoquant les crédits consacrés aux droits des femmes. Je voudrais notamment saluer le fait que, malgré un volume réduit, 17 millions d'euros, ils sont, à mes yeux, exemplaires.

Exemplaires du rôle de l'État dans le champ social, qui doit protéger, notamment les plus faibles comme les femmes victimes de violences, qui doit inciter et promouvoir l'égalité professionnelle. Comme Mme Nicole Ameline l'a montré dans sa communication au conseil des ministres du 29 octobre dernier, le travail des femmes est un atout pour l'activité économique de notre pays, notamment pour la création d'entreprises. Dans cet esprit, il est possible de donner à des crédits modestes un fort effet de levier, au plus près des réalités locales, comme le fait le réseau déconcentré des droits des femmes et de l'égalité.

Exemplaires, nous l'espérons, de l'application de la loi organique, à travers la création d'un programme spécifique et d'un projet coordonné de politique interministérielle, véritable outil de pilotage des actions en faveur des droits des femmes.

Mais l'exemplarité des femmes, mes chers collègues, est un autre sujet, que nous ne manquerons pas d'aborder au sein de notre assemblée dans des perspectives moins budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, les crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville constituent un ensemble assez hétéroclite. Du point de vue budgétaire, la principale mesure qui les affecte cette année est bien sûr le transfert aux départements du financement du RMI, qui entraînera en 2004 la disparition des crédits d'État consacrés à cette allocation, qui atteignaient 4,5 milliards d'euros en 2003.

Je ne commenterai pas cette réforme très importante, car nous serons amenés à débattre du projet de loi qui la porte dans une quinzaine de jours. Je ne détaillerai pas non plus le reste des crédits de l'action sociale ligne par ligne. Je m'attacherai plus particulièrement à deux questions.

Mme Versini, secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion, développe depuis l'année dernière un excellent programme dit des maisons-relais, qui a pour objet d'offrir une solution d'hébergement adaptée à des personnes en situation de grande exclusion qui ne peuvent accéder ni à un logement social de droit commun, ni à une structure d'insertion de type CHRS, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Ces personnes engorgent actuellement les hébergements d'urgence, alors qu'il faut leur trouver des solutions à moyen terme dans de petites unités où elles bénéficient d'une certaine prise en charge ; c'est l'objet des maisons-relais. Mille places ont pu être créées en 2003. Il serait souhaitable que cet effort puisse être amplifié en 2004, ce que ne permettent pas les crédits budgétaires proposés.

La principale question à laquelle je me suis intéressé est celle de l'accueil des demandeurs d'asile. Certes cette question a déjà été discutée par les commissions des lois et des affaires étrangères, une réforme législative étant en cours. Mais il était normal que la commission des affaires sociales intervienne également sur ce sujet éminemment social.

Il s'agit par ailleurs d'un vrai sujet budgétaire. Officiellement les crédits budgétaires destinés à l'accueil des demandeurs d'asile, et plus généralement des migrants, représentent 343 millions d'euros en 2003. En réalité, puisqu'il faut bien accueillir les personnes qui affluent en nombre toujours croissant, les dépenses publiques liées à l'accueil des demandeurs d'asile sont bien plus importantes : le 13 octobre dernier, un décret d'avance a abondé ces moyens de 145 millions d'euros, somme destinée essentiellement à l'hébergement des demandeurs d'asile.

En outre, de nombreuses lignes de crédits de l'Etat qui ne sont pas explicitement destinées à cette population, de même que des financements provenant des collectivités locales et de la sécurité sociale sont, de fait, mobilisés pour tout ou partie au profit de ce groupe : il s'agit notamment des crédits finançant les hébergements d'urgence dits généralistes, de l'aide juridictionnelle, de la couverture maladie universelle, de l'allocation de logement temporaire gérée par les caisses d'allocations familiales, de l'allocation d'insertion gérée par le fonds de solidarité chômage, de l'aide sociale à l'enfance assurée par les conseils généraux au profit des mineurs, des dépenses de scolarisation, qui relèvent de l'Etat et des collectivités locales, entre autres.

Je me suis efforcé, dans mon rapport, de recenser toutes ces lignes budgétaires et de présenter le résultat de quelques extrapolations à partir des dépenses localement constatées dans quelques départements particulièrement concernés. Mais aucune totalisation n'est possible, alors même que, dès l'année prochaine, dans le cadre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement devra être en mesure d'identifier clairement les masses de crédits affectées aux différentes politiques publiques, intitulées programmes, ainsi que les objectifs et les indicateurs correspondants.

Par ailleurs, l'explosion des crédits consacrés à l'aide médicale d'Etat, qui pourraient représenter 600 à 700 millions d'euros cette année, contre 61 millions d'euros seulement inscrits en loi de finances pour 2002, rend compte du poids considérable des dépenses opérées au bénéfice des personnes en situation irrégulière, dont les déboutés du droit d'asile, situation évidemment anormale.

M. François Goulard. Incroyable !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. J'ai procédé à de nombreuses auditions sur cette question du droit d'asile. Je suis allé à Bruxelles recueillir les dernières informations sur l'évolution du droit communautaire et du droit belge. Je suis allé voir comment les choses se passent, d'une part dans un département frontalier, la Moselle, d'autre part dans un endroit particulièrement sensible, l'aéroport de Roissy, où j'ai pu visiter la zone d'attente des personnes en instance, la ZAPI 3. A cet égard, je voudrais souligner que l'Etat a vraiment mis les moyens pour que ces personnes soient accueillies dans des conditions correctes, puisque cet accueil coûte environ 200 euros par jour et par personne, soit huit à dix fois le coût d'un hébergement ouvert classique. De 1998 à 2002, nous sommes passés de 24 000 à près de 80 000 demandes d'asile par an, asile politique traditionnel et asile territorial confondus. L'administration a fait face, essentiellement par des solutions mises en place au niveau départemental.

Mais, outre les problèmes budgétaires que j'ai évoqués, ces rafistolages présentent des effets pervers. En effet, lorsque, n'étant plus en mesure d'accueillir les demandeurs d'asile dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les CADA, qui leur sont normalement destinés, on les loge dans des établissements d'urgence destinés à l'ensemble des personnes en difficulté, ou dans des chambres d'hôtel, on crée toutes sortes de problèmes, de l'engorgement de l'ensemble des dispositifs d'urgence à des problèmes d'ordre public.

Surtout, il est probable que ce genre de situation contribue à accroître l'attractivité de notre pays aux yeux de ceux qui utilisent la demande d'asile comme un moyen de s'installer dans notre pays pour des raisons en réalité économiques. Pour une véritable famille de réfugiés, être logé à l'hôtel, dans des conditions parfois sordides et sans accompagnement social, plutôt que dans un centre d'hébergement, et même ne recevoir qu'une allocation financière, ce ne sont pas des conditions d'accueil décentes. Mais pour quelqu'un qui veut en réalité rejoindre des proches déjà installés, ou qui souhaite envoyer de l'argent dans son pays, cela peut être au contraire plutôt attractif.

L'allongement des délais administratifs, qui peuvent désormais atteindre deux à trois ans, du fait de l'encombrement des préfectures, de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, de la commission des recours, est évidemment un autre élément d'attractivité puisque cela permet aux demandeurs, même si leur demande est finalement rejetée, d'être en situation régulière pendant toute cette période.

Après plusieurs années d'inaction, le Gouvernement a décidé de réagir en réformant profondément la politique de l'asile. Vous le savez, une réforme législative est en cours, qui permettra de transcrire dans notre droit les normes européennes, de conforter les garanties offertes aux demandeurs en mettant fin au caractère discrétionnaire de la procédure d'accueil territorial, mais aussi de faciliter l'exécution des mesures de reconduite à la frontière en améliorant la transmission d'informations entre l'OFPRA et la commission des recours des réfugiés, d'une part, et les services du ministère de l'intérieur, d'autre part.

Par ailleurs, un très important effort de création de places d'hébergement en CADA a été engagé et intensifié depuis 2002 : on est passé de moins de 7 000 places fin 2001 à 11 500 en juin 2003. Ces créations touchent de petits centres répartis sur tout le territoire : désormais quasiment tous les départements comptent un CADA, alors qu'une trentaine en était dépourvu il y a deux ans. Parallèlement la gestion du dispositif d'accueil, théoriquement assurée par France terre d'asile au niveau national, mais dont les préfets supportent en partie la charge du fait de l'urgence, va être réformée : au niveau national, cette gestion sera reprise par l'office des migrations internationales, l'OMI ; au niveau déconcentré, des expérimentations sont menées pour gérer globalement l'asile à l'échelon régional _ sans doute l'échelon le plus pertinent _ sous l'autorité du préfet de région, en particulier en Rhône-Alpes.

Enfin, il est procédé à un renforcement très important - à hauteur de 34 % en 2004- des moyens alloués à l'OFPRA et à la commission des recours des réfugiés, qui vont pouvoir recruter de nombreux personnels supplémentaires. La réduction des délais de traitement des demandes d'asile devrait permettre de réduire l'engorgement du dispositif d'accueil, même si les effets ne sont pas aussi automatiques que certains l'espèrent, car, d'une part, certains délais sont incompressibles, quelle que soit l'ampleur des moyens mis en œuvre : je pense notamment aux délais devant la commission des recours qui sont exigés par le respect des procédures et du contradictoire. D'autre part, il est en pratique difficile de faire partir très rapidement des centres d'hébergement les demandeurs d'asile dont le cas a été tranché, soit positivement, soit négativement.

Que pourrait-on faire de plus ?

En Belgique, où le dispositif d'accueil a de même été réorganisé et renforcé, il a été décidé en outre de supprimer toute possibilité d'allocation financière alternative, ce qui a été très efficace. La question de la suppression de la faculté pour les demandeurs d'asile d'accéder à l'allocation d'insertion, dès lors qu'un hébergement leur a été proposé, est ouverte.

Autre leçon à tirer de l'expérience belge, ses résultats en matière de retour aidé volontaire des demandeurs d'asile : Les Belges en réalisent 3 000 par an, soit plus de deux fois plus que l'ensemble des retours aidés par l'OMI pour tous motifs, y compris humanitaires, ou s'agissant de personnes qui sont l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.

Il faudra également poursuivre la réorganisation administrative de notre politique d'asile, qui reste partagée entre plusieurs ministères : les affaires étrangères, qui exercent la tutelle de l'OFPRA, l'intérieur pour les procédures d'entrée sur le territoire, de recevabilité des demandes d'asile et pour les reconduites à la frontière, les affaires sociales pour l'hébergement des demandeurs d'asile et les procédures relatives aux travailleurs migrants, à travers l'OMI. Il est tout à fait étonnant que, jusqu'à présent, l'OMI n'ait pas été associé, sinon indirectement, à l'accueil des demandeurs d'asile, alors que la demande d'asile est devenue de facto le principal moyen d'obtenir un titre de séjour régulier, et donc de s'installer, parfois à des fins économiques, en France.

Plus globalement, il est clair que la politique d'asile ne peut se concevoir qu'en liaison avec la politique d'immigration et la politique de développement. L'examen concomitant par le Parlement d'une réforme de l'asile et d'une réforme de l'immigration, ainsi que la nouvelle politique de co-développement initiée par le ministère de la coopération, qui tend à associer les migrants originaires d'un pays au développement de celui-ci, constituent des éléments très positifs.

Enfin, surtout pour le messin que je suis, il est clair que la solution doit être européenne. Aujourd'hui encore mon département voit arriver des gens qui, tout en étant pris en charge en Allemagne, viennent tenter leur chance en France parce qu'ils ont entendu dire que l'accueil offert y est plus favorable. Ils font même parfois des allers-retours.

La coordination et la solidarité doivent être améliorées. Pour le moment, l'instrument de coordination que l'on appelle le « règlement Dublin », qui établit en théorie les critères et les mécanismes de détermination de l Etat membre responsable du traitement d'une demande d'asile, fonctionne cahin-caha. Et le seul instrument de solidarité communautaire, le Fonds européen pour les réfugiés, est doté de peu de crédits, qui ne couvrent qu'un faible pourcentage des dépenses consacrées à l'asile par les Etats membres.

Mais le texte proposé pour la future constitution européenne va très loin, puisqu'on y parle de « système européen commun d'asile ». Par ailleurs, des avancées étonnamment rapides ont lieu en ce moment sur le sujet connexe de l'immigration clandestine, puisque l'on se dirige vers la création d'une agence communautaire des frontières. On peut raisonnablement espérer des avancées vers une communautarisation de la gestion de l'asile, même si de nombreux blocages persistent.

En conclusion, mesdames et monsieur les ministres, je voudrais saluer le lancement tant attendu d'une politique cohérente de l'asile, et je veux plus généralement appeler mes collègues à adopter les crédits de l'action sociale, de la solidarité et de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle. En septembre dernier, les partenaires sociaux ont ratifié à l'unanimité - fait rare- un accord historique, affirmant le droit à la formation tout au long de la vie, qui réforme en profondeur l'accès à la formation professionnelle. Par cet accord -sans précédent, il faut le rappeler- le Gouvernement, avec les partenaires sociaux, a démontré sa capacité à mobiliser et à fédérer les énergies. Il a aussi confirmé la place centrale accordée depuis 2002 à la formation et au développement des compétences en France.

La formation professionnelle est en effet au cœur de son engagement en faveur de l'emploi et de la décentralisation souhaitée par les Français. En effet, par le projet de loi qu'il prépare pour les prochaines semaines, le Gouvernement achève le processus de décentralisation, tout en poursuivant avec ce budget une politique volontariste en faveur de l'emploi, comme nous l'a rappelé tout à l'heure M. le ministre.

Premier fléau national, le chômage exerce ses ravages chez les individus, les couples et à l'intérieur des familles, quand il ne devient pas, lorsqu'il se prolonge, un détonateur d'exclusion. Dans ce contexte la formation professionnelle est un instrument privilégié pour qui veut s'adapter aux exigences d'un monde en constante transformation et en évolution permanente, outre qu'elle est le seul moyen d'une insertion durable par l'emploi.

L'entreprise connaît en effet de nouvelles formes de travail et de relations au travail. Le face-à-face entre l'homme et la machine, aujourd'hui obsolète, est remplacé par des échanges basés sur une meilleure compréhension du nécessaire partage des responsabilités au sein de l'entreprise.

Il faut rappeler que le niveau de vie des Français n'est pas un acquis social, défendu par les porteurs de pancartes ou les fauteurs de grèves paralysantes ; il n'est assuré que par les entreprises françaises et les compétences qu'elles rassemblent.

Salariés et entreprises l'ont bien compris : le développement des compétences, et leur adaptation aux mutations du travail, sont leurs meilleures armes. Au niveau individuel d'abord, puisque les actifs auront au cours de leur carrière à changer plus souvent d'entreprises, voire de métier. Pour les entreprises aussi, puisque, outre que les compétences de leurs collaborateurs constituent pour elles un avantage concurrentiel, elles doivent s'adapter en permanence si elles veulent préserver leur compétitivité, et par là même garantir le niveau de vie des Français, qui, je vous le rappelle, n'est pas le premier, ni même le deuxième, le troisième, le quatrième, le cinquième, le sixième, le septième, le huitième, le neuvième, le dixième, le onzième, mais le douzième dans l'Union européenne.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail. Presque au même niveau que la Pologne !

M. Jean-Michel Fourgous. C'est une bonne remarque !

C'est dire combien ce sujet est important. C'est dire combien la formation représente pour notre pays un enjeu économique et social majeur. Il s'agit, en effet, de doter nos salariés et nos entreprises des outils indispensables pour triompher des difficultés d'aujourd'hui et partir à la conquête des marchés de demain dans le réalisme et l'intelligence économique. Il s'agit également de permettre aux publics les plus fragiles, les jeunes ou les exclus du monde du travail, de mobiliser les ressources nécessaires à leur insertion durable et non artificielle.

Avec plus de 4,9 milliards d'euros de crédits pour 2004, soit un montant quasi équivalent à celui prévu pour la mise en œuvre du contrat sur le droit individuel à la formation - DIF -, qui sera financé par les entreprises, l'effort sera presque doublé. Il convient en effet de rappeler que l'accord signé par les partenaires sociaux et accompagné par le Gouvernement met en œuvre des moyens importants. Ce projet de budget traduit ces réalités économiques et sociales, tout en accompagnant le changement.

Ainsi, avec la décentralisation en matière de formation professionnelle, le Gouvernement pose le socle d'une rénovation profonde des systèmes existants. Adaptation et réactivité nécessitent en effet de raccourcir les processus de décisions et d'ajuster les politiques aux besoins des bassins d'emploi.

La responsabilité des régions sera donc considérablement élargie. Le transfert des compétences concernera notamment l'AFPA, les aides à l'embauche et à la formation des apprentis, ainsi que l'orientation des jeunes via les missions locales et les PAIO.

L'action en faveur des jeunes s'inscrit dans ce plan d'action novateur. Il vise à faciliter l'accès à de vrais emplois durables et à favoriser le développement des compétences tout au long de la vie.

Je salue donc ce budget qui traduit incontestablement une réorientation de la politique publique de formation vers le secteur marchand. Ainsi la part du budget consacrée à l'insertion professionnelle dans le secteur productif qui, avant 2001, était inférieure à 50 %, passe, sous ce Gouvernement, à 66 %, soit près des deux tiers. C'est vraiment un signe de changement de nature à redonner courage à tous ceux qui travaillent dans le monde de l'entreprise.

Le Gouvernement rompt ainsi avec la politique d'échec de nos prédécesseurs. Je ne citerai que les emplois-jeunes, parfait exemple de cynisme économique, de démagogie politique et, surtout, d'archaïsme culturel. Cette malheureuse expérience, non seulement a hypothéqué l'avenir professionnel de toute une génération, mais encore, a alourdi l'impôt des Français. Or à chaque fois qu'on alourdit l'impôt des Français, on abaisse le niveau de vie des Français, et vous connaissez la position de notre pays dans l'Union européenne.

Gouverner, c'est donc faire des choix responsables. En l'occurrence, nous avions le choix entre deux possibilités : soit stimuler la création d'emplois générateurs de recettes dans l'entreprise, soit créer de l'emploi public et, par ricochet, de l'impôt supplémentaire, comme nos collègues socialistes aiment à le faire. La vraie priorité réside, à l'évidence, dans le premier choix. C'est une priorité sociale pour une véritable insertion. C'est aussi une priorité économique, afin de sortir d'une spirale d'échec.

C'est pourtant élémentaire. L'emploi marchand ne coûte pas mais, au contraire, rapporte à l'État qui perçoit des cotisations sociales...

M. Maxime Gremetz. Voilà qui est nouveau !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial. ...et équilibre ainsi les comptes de la nation.

M. Maxime Gremetz. Et les 140 milliards d'exonérations ?

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial. Il est bon de faire un peu de pédagogie car il y avait quelques déficits culturels dans cette enceinte.

M. Maxime Gremetz. C'est formidable !

M. Bernard Schreiner. M. Gremetz se réveille !

M. Daniel Poulou. Oui, Maxime est réveillé !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial. Il est durable, car il répond à de vrais besoins. Lui seul est capable d'assurer la promotion sociale et individuelle.

Avec ce projet de budget pour 2004, le Gouvernement affirme ainsi clairement sa volonté d'un redéploiement stratégique des crédits vers les secteurs où les besoins de formation sont les plus forts et les gisements d'emplois les plus riches. À la réaction, nous préférons l'anticipation. Nous affirmons aussi notre volonté de transition d'un État gestionnaire vers un État stratège.

C'est donc un projet de budget équilibré et réaliste, qui s'inscrit dans le cadre d'une politique plus stratégique en faveur de la formation professionnelle.

Cette politique s'articule autour de quatre axes prioritaires : la transformation du processus d'apprentissage, qui vient consacrer la compétence et l'expérience, avec l'inscription de plusieurs mesures nouvelles en faveur de la validation des acquis de l'expérience ; l'accès à des qualifications favorisant l'insertion professionnelle. Le ministre l'a rappelé tout à l'heure, je ne redonnerai pas les chiffres. Au total, l'évolution du nombre des contrats est proche de 10 %, soit un taux de progression significatif, qui révèle la priorité donnée à l'alternance. Le Gouvernement s'appuie également sur une stratégie de revalorisation et de simplification, qui doit d'ailleurs être intensifiée.

Il engagera d'abord une réforme de l'apprentissage, afin de rendre cette filière plus attractive. Des propositions concrètes sont formulées, issues de la consultation menée par M. Renaud Dutreil, qu'il convient d'ailleurs de féliciter, accompagné sur le terrain par les députés. Je vous rappelle que, à la surprise générale, le taux de réponse au questionnaire que nous avons adressé à tous les acteurs de l'apprentissage a été très élevé. Cela montre bien que lorsqu'on respecte les règles de concertation et de la prise en considération de tous les acteurs, on obtient un très bon taux de participation. J'en salue par avance les orientations qui seront présentées d'ici quelques jours et qui visent à améliorer les conditions de l'apprentissage, de l'apprenti, de sa famille, à simplifier le système ou encore, à valoriser le tutorat et le transfert de compétence.

Le Gouvernement s'attachera également à simplifier le contrat de qualification, grâce à la mise en œuvre du contrat de professionnalisation issu de l'accord interprofessionnel que j'évoquais tout à l'heure.

L'enjeu de ces deux réformes est de taille, puisqu'il s'agit de réduire le fossé culturel qui se creuse entre l'école et une éducation nationale souvent un peu isolée, et l'entreprise, et de donner une image d'excellence à cette filière.

M. le président. Monsieur Fourgous, il faut conclure, s'il vous plaît.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis. L'alternance doit, en effet, retrouver ses lettres de noblesse. C'est la seule voie qui sacralise l'expérience et l'échange de compétences.

Accompagner l'adaptation des politiques de formation, les nouvelles dispositions de cet accord répondent à un constat largement partagé. Vous le savez, il existe une inégalité d'accès à la formation entre les hommes et les femmes, entre les catégories socioprofessionnelles favorisées et celles qui le sont moins, entre les grandes et les petites entreprises. Cet accord résout en partie ces problèmes.

Pour conclure, monsieur le ministre, compte tenu de cet investissement sur les compétences des hommes et des femmes de France, nous vous invitons à dresser une véritable cartographie des compétences dont le pays a besoin pour conquérir les marchés dans lesquels il sera opérationnel.

Bien entendu, mes chers collègues, je vous invite à adopter les crédits de la formation professionnelle pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle.

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle. Je n'ai pas l'intention de me livrer à une analyse détaillée des crédits budgétaires consacrés à la formation professionnelle et de l'effort de la nation en faveur de celle-ci, dans la mesure où cet exercice a déjà été amplement réalisé par le rapport de la commission des finances.

Dans le projet de budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre, je vois d'abord la confirmation de ce que l'État, malgré les difficultés actuelles, ne se dérobe pas à sa propre part de responsabilité dans l'obligation nationale qu'est la formation professionnelle.

Nous savons tous que le projet de loi de finances pour 2004 s'inscrit dans un contexte particulier lié aux contraintes induites par le ralentissement de la croissance. Fort heureusement, le présent budget conserve les moyens réellement consacrés à la formation professionnelle en 2003. Ce sont des moyens stabilisés au service d'ambitions maintenues.

On sait bien que, chaque année, l'examen du projet de loi de finances fait l'objet, entre les différents orateurs, de querelles de chiffres, de batailles de décimales, d'affrontements de pourcentages, laissant finalement derrière lui une victime : la clarté.

Alors, soyons clairs. Les crédits pour la formation professionnelle sont en baisse par rapport à 2003, quelle que soit la présentation qu'on puisse en faire. Mais nous savons bien que les crédits inscrits en loi de finances initiale sont souvent loin de correspondre aux crédits effectivement ouverts.

C'est ainsi que l'exercice 2002 s'était soldé par 281 millions d'euros d'annulations. C'est bien pour cela que l'on peut dire que les crédits sont stables car ils correspondent à des objectifs comparables à ceux de l'année précédente et, donc, que les moyens sont préservés. Sans oublier que les crédits inscrits au budget ne représentent pas la totalité ni même une part prépondérante des efforts de la nation en matière de formation professionnelle.

Moyens stabilisés donc, mais aussi répartition interne sensiblement modifiée, compte tenu de la montée en charge de nouveaux acteurs : poids croissant des régions à travers les lois de décentralisation, entraînant transfert de compétences et ajustement de la dotation générale de décentralisation, et aussi rôle croissant de l'UNEDIC.

Mais le rôle financier de 1' État demeure essentiel. On ne peut que regretter qu'il ne dispose pas d'une instance lui permettant d'avoir une réelle vision d'ensemble.

On peut regretter aussi que, sous la précédente législature, un article 154 de la loi dite de modernisation sociale, présenté en dernière lecture, ait subrepticement supprimé la commission nationale des comptes de la formation professionnelle. Peut-être, monsieur le ministre, convient-il de rétablir cette instance pour lui confier une mission qui semble aujourd'hui essentielle: l'évaluation de la régularité et de l'efficacité de la dépense de la formation professionnelle. Mais nous y reviendrons un peu plus loin.

Pour l'instant, force est de constater que la discussion sur les crédits de la formation professionnelle intervient dans un contexte particulier et inédit, celui de la réforme de la formation professionnelle.

Vous avez réussi, monsieur le ministre, à conclure un accord national interprofessionnel sur la réforme de la formation professionnelle, accord signé par tous les partenaires sociaux, accord historique, et cela en dépit de moult pythies et autres mauvais augures qui n'auraient parié un kopeck sur une issue positive. Je vous dis tout simplement : « Bravo ! ». Vous avez marqué un essai, monsieur le ministre, et nous voulons vous aider à le transformer.

Cet accord est une illustration exemplaire des vertus, mais aussi des difficultés du dialogue social. Le partage des rôles entre pouvoirs publics et partenaires sociaux en matière de formation professionnelle s'est révélé beaucoup plus complexe que ne le laissait escompter l'accord fondateur de 1971. Mais il a permis le rétablissement d'un dialogue social grippé par des années d'interventionnisme étatique.

De plus, l'ampleur des droits ainsi créés et les nouveaux espaces de formation dégagés sont de bon augure. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre lors de la discussion d'un projet de loi que vous préparez.

Je ne rappellerai pas tous les dispositifs que cet accord permettra d'améliorer. Je me limiterai à évoquer brièvement le droit à la formation tout au long de la vie.

Le sujet me tient trop à cœur, et depuis longtemps, pour je ne résiste pas à l'envie de rappeler ce que je disais, à cette tribune, il y a un an. « C'est dans le contrat de travail que se trouvent les ressources nouvelles que l'on peut imaginer de mettre en œuvre dans la perspective d'un progrès durable de création d'emploi. Faire de la formation une responsabilité partagée du contrat de travail, en instaurant l'obligation de former et de se former, remettrait conjointement entreprises et salariés sur le chemin d'une obligation nationale tout de même un peu perdue de vue. Cette philosophie suggère qu'à l'intérieur d'un système individuel gérant cette responsabilité partagée de former et de se former, on ouvre la possibilité de promouvoir enfin le développement organisé de la formation tout au long de la vie, par des « droits de tirage formation » inscrits au sein même du contrat de travail, cumulables et transférables d'une entreprise à l'autre. »

Permettez-moi de rappeler, à présent, qu'un droit à la formation tout au long de la vie exige des solutions institutionnelles. Actuellement, sa gestion se heurterait à de nombreux problèmes :

La multiplicité excessive de structures de concertation, vieilles pour certaines d'entre elles de plus de trente ans ;

L'atomisation institutionnelle de la collecte et de la gestion de l'argent de la formation ;

L'atomisation de l'offre de formation ;

La multiplicité des sources de financement, alors que les partenaires sociaux n'ont pas souhaité toucher aux circuits actuels dont on sait combien ils sont complexes, voire opaques. J'y reviendrai.

Si l'on veut réellement ouvrir un droit « tout au long de la vie », peut-on faire l'impasse sur les périodes de chômage pratiquement inévitables auxquelles, par ailleurs, on invite tout un chacun à se préparer ?

La proximité et la continuité chronologiques, donc réglementaires et institutionnelles, s'imposent dans la mise en œuvre effective du droit individuel à la formation.

Permettez-moi à cet égard de vous livrer quelques réflexions en amont du projet de loi.

Je constate que si l'accord national interprofessionnel, ANI, aborde la réforme sous l'angle des fînanceurs et des bénéficiaires de la formation, il ne dit mot des circuits de collecte ou des dispensateurs de formation.

Prenons, par exemple, le droit individuel à la formation, DIF. Ouvert en l'état aux bénéficiaires de CDI, peut-il vraiment continuer d'ignorer les titulaires de CDD lequel est une forme de travail suffisamment répandue pour qu'un droit comparable lui soit enfin reconnu et attaché ?

La qualification, ainsi rendue possible, deviendrait alors le gage d'une flexibilité de qualité, donc de stabilisation professionnelle.

Cela suppose donc une continuité et une cohérence de gestion qui se heurtent à l'organisation actuelle de la collecte et de sa redistribution.

Le droit individuel à la formation est ouvert tout au long de la vie. Il est, de plus, confronté à l'évolution constante des formes d'emploi. Cela implique une transférabilité très souple, qui suppose une continuité et une cohérence de gestion que ne permet pas l'organisation de la collecte et de sa redistribution, telles qu'elles ont été préservées jusqu'à ce jour.

En situation de licenciement , la transférabilité du droit individuel à la formation doit prendre en compte le fait que ces situations se résolvent rarement sans un passage plus ou moins long par la case chômage.

La vocation même d'un droit individuel à la formation « tout au long de la vie » implique la recherche d'une pérennité qui va jusqu'à une compatibilité avec les temps et les régimes de recherche d'emploi.

Tout au long de cette chaîne fonctionnelle, susceptible de prendre en charge le salarié devenu demandeur d'emploi, on voit bien la part qu'auront à assumer les partenaires de droit privé. Cela conduit logiquement à la question de l'opportunité préalable de pourvoir à l'ouverture, voire au partage officiel des responsabilités en matière de placement.

Il faut donc veiller à garantir la bonne fin de l'emploi de la collecte et, puisqu'il s'agit d'argent collectif, soumettre son emploi à des règles de contrôle inscrites dans les textes. Il s'agit aussi de prémunir la gestion des moyens financiers correspondants contre le type de dérives relevées par le rapport d'avril 2000 du service central de prévention de la corruption dont les constats sont malheureusement demeurés sans réponse à ce jour. Monsieur le ministre, voici ce rapport ! (M.Ueberschlag montre le rapport à l'Assemblée.)

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Vous suivez les habitudes de M. Gremetz ? (Sourires .)

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis. J'ai montré ce rapport à Mme Aubry, en vain. Je l'ai soumis à Mme Guigou, sans plus de succès. Or elle aurait dû en avoir connaissance puisque ce service est placé auprès de ceux du garde des sceaux. Le rapport de 2000 est révélateur de ce qui se passe en matière de formation professionnelle. Ne parle-t-il pas de « détournement de subventions, d'enrichissement personnel des dirigeants, d'emplois fictifs...

M. Jacques Desallangre. Ça nous rappelle quelque chose.

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis. ... d'interposition de sociétés écrans qui rendent tout contrôle impossible ? Vous le voyez, monsieur le ministre, cet accord national interprofessionnel a ouvert un chantier qui est loin d'être clos.

Trop d'argent public depuis le début des années 80, se volatilise à travers les crédits d'aide à l'emploi et à la formation professionnelle. Le système est opaque, coûteux, inégalitaire. C'est un véritable gâchis, quand on pense à l'importance des sommes en jeu : 22 milliards d'euros, presque la moitié du budget de l'éducation nationale, quatre fois le budget de l'agriculture ou de la justice, dix fois le budget de la culture, trente-six fois le budget de la jeunesse et des sports !

Des dérives importantes ont été dénoncées, jusque dans l'utilisation des cofinancements communautaires.

Ainsi, le rapport note que le système de financement de la formation professionnelle, en dehors de sa gestion paritaire, ne répond plus aux objectifs de mutualisation des fonds et d'adéquation entre ressources et besoins. Il faut le réformer. A cette fin, je propose :

De supprimer le lien entre les activités de collecte et d'allocation de fonds dont le non-cumul avait d'ailleurs été organisé par la loi du 20 décembre 1993 ;

De préserver la compétence des partenaires sociaux sur l'allocation des ressources mutualisées par le biais d'organisme réellement paritaires ;

De confier la collecte éparpillée des fonds assimilés à une cotisation ou à une contribution sociale à un collecteur unique - les URSSAF, par exemple - au profit d'un EPIC chargé de gérer la péréquation des ressources.

Un tel système dégagerait des économies d'échelle, garantirait l'efficacité de la collecte et de son utilisation et permettrait un contrôle réel. Je sais que cela ne fera pas plaisir à tout le monde.

Il suppose néanmoins une réflexion sur le financement des organisations d'employeurs et de salariés, financement qui pourrait, selon nous, passer par un financement public inspiré de celui des partis politiques, ce qui conduirait enfin à un assainissement du système actuel.

Toutefois, aucune réforme, si courageuse ou historique soit-elle, ne saurait se passer de la nécessité de contrôle du dispositif.

La question du contrôle des fonds de la formation professionnelle est majeure, en raison de l'importance de fonds collectés et du nombre d'acteurs intéressés. Il faut donc organiser un contrôle pédagogique, un contrôle financier, un contrôle de légalité et un contrôle de régularité, même s'il existe un contrôle administratif et financier de l'Etat par le truchement du groupe national de contrôle.

A ce propos, on note l'absence de rapport public des activités de ce groupe alors que le service central de la prévention de la corruption parlait de détournements et de montages frauduleux !

Quant à la Commission des comptes de la formation professionnelle, créée en 1995, elle a disparu début 2002, juste avant les élections, sans s'être vraiment manifestée, comme si on craignait qu'elle ne « mette son nez quelque part », comme si son activité pouvait gêner.

Force est de constater la dilution du contrôle, alors que la décentralisation et la délégation des crédits alloués aux conseils régionaux se fait sans contrôle de l'Etat, au nom de la libre administration des collectivités locales. 

La validation des acquis de l'expérience - qui mobilise 22 millions d'euros et que vous avez doté de moyens supplémentaires, monsieur le ministre -, se met en place sans véritable contrôle.

En résumé, la fréquence des contrôle est de l'ordre d'une fois tous les trente ans pour une entreprise, de vingt-trois ans pour un organisme de formation et de trente-six ans pour un organisme d'accueil.

Telles sont, monsieur le ministre, chers collègues, les observations que je tenais à faire dans la perspective de la future réforme de la formation professionnelle et dans le cadre de l'examen des crédit de la formation professionnelle.

Ce budget est à la hauteur des besoins actuels de la formation professionnelle. A ceux qui critiquent la légère baisse des crédits, je dis qu'un budget ne se juge pas uniquement sur la progression des dépenses,...

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Très juste !

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis. ... sur son augmentation par rapport à l'année précédente, mais sur la réponse qu'il apporte aux objectifs fixés.

M. Jacques Desallangre. C'est le nouveau leitmotiv du Gouvernement !

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis. Ce n'est pas parce qu'un budget est en hausse qu'il est un bon budget.

M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas parce qu'il baisse qu'il est bon !

M. Maxime Gremetz. Parce qu'il baisse, c'est un bon budget !

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis. Un bon budget est un budget qui répond aux besoins et qui incite à une mobilisation pour un meilleur emploi de ses crédits. C'est le cas de votre budget, monsieur le ministre, aussi j'invite l'Assemblée à le voter.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Les budgets ne sont bons que s'ils baissent ! Quelle dialectique ! Même moi, je n'oserais pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, avec 32,3 milliards d'euros, le budget du travail constitue le deuxième budget civil du pays. C'est dire son importance dans les actions de solidarité de l'Etat mais aussi dans la politique économique du Gouvernement. Ce budget est également caractérisé par l'importance des crédits d'intervention par rapport aux crédits de fonctionnement. Ces derniers, y compris, le personnel ceux concernant le personnel ne représentant que 1,5 % de la masse totale.

Les crédits pour 2004 marquent une forte progression par rapport à 2003 - où ils ne s'élevaient qu'à 15,7 milliards d'euros - du fait de l'intégration dans le budget du FOREC, que j'avais appelé de mes vœux dans mon précédent rapport. Ils permettent ainsi une lisibilité de la totalité des crédits en faveur de l'emploi dans un souci de transparence budgétaire et d'efficacité de l'action publique, conforme à l'esprit et à la lettre de la loi organique sur les lois de finances.

Deux évolutions favorables caractérisent le projet de budget : l'accroissement de l'effort en faveur de l'emploi d'une part et la réorientation des politiques en fonction de critère d'efficacité renforcés d'autre part. La stratégie consistant à favoriser l'emploi durable dans les entreprises plutôt que de multiplier les emplois précaires, publics ou para publics, paraît en effet préférable.

Cette réorientation des politiques de l'emploi se traduit par l'augmentation relative du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand dont le coût est par ailleurs inférieur pour la collectivité à celui des emplois précaires dans la fonction publique ou assimilée. La volonté du Gouvernement, vous l'avez souligné, monsieur le ministre, de promouvoir les créations d'entreprises a pour conséquence une hausse de l'effort en faveur du dispositif EDEN - encouragement au développement d'entreprises nouvelles ; le nombre de bénéficiaires prévus pour 2004 s'élève à 13 000, pour 9 000 en loi de finances initiale pour 2003.

La contrepartie est la réduction du nombre des contrats aidés dans le secteur non marchand : emplois jeunes, dont le dispositif s'éteint progressivement conformément à la limite de cinq ans fixée sous la précédente législature ; contrats emploi solidarité et contrats emploi consolidés.

Au total, pour 2004, les aides à la formation et à l'emploi marchand sont devenues nettement prédominantes par rapport aux aides à l'emploi non marchand. En 2002, cette proportion était de 50% ; elle a été augmentée à 60% en 2003, pour être finalement portée à 66% en 2004.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale. Très bien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Votre rapporteur approuve cette évolution et souhaite que ce mouvement se poursuive afin de réorienter progressivement la plus grande partie des crédits vers des aides à l'emploi durable dans le monde de l'entreprise.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale. Très bien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Nous sommes aujourd'hui contraints de tirer un bilan négatif du primat qui fut accordé de fait dans le passé à la logique de l'assistance au détriment de la logique de l'emploi. L'échec préoccupant du volet insertion du revenu minimum d'insertion en témoigne. Partant de ce constat, le Gouvernement a décidé la décentralisation du dispositif et la mise en place d'un revenu minimum d'activité visant à augmenter les chances de renouer avec l'activité pour les personnes qui rencontrent de réelles difficultés d'insertion.

Avant de revenir sur le détail de ces dispositifs, je vais exposer brièvement les évolutions globales des crédits du ministère vous renvoyant à mon rapport écrit pour de plus amples informations.

Les dépenses de gestion de la politique de l'emploi enregistreront en 2004 une progression limitée à 1,3 %. L'augmentation des dépenses de personnel sera contenue : plus 3,1%. Le ministère contribue à la réduction des effectifs dans la fonction publique en supprimant soixante et onze postes, soit la moitié des postes libérés par les départs en retraites.

Les dépenses de fonctionnement - services centraux et déconcentrés - resteront quasi constantes en 2004 : plus 0,24%

S'agissant des établissements concourant au service public de l'emploi, le projet de loi de finances pour 2004 maintient leurs capacités d'action. La contribution de l'Etat au fonctionnement et à l'équipement de l'ANPE s'élèvera à 1  192,63 millions d' euros en 2004, soit une augmentation de la dotation de 0,1 % par rapport à 2003. Je rappelle toutefois que les crédits de personnel et de fonctionnement de l'ANPE se sont accrus de 58 % depuis 1994 ; ils représentaient alors 744, 02 millions d'euros. La contribution de l'Etat au fonctionnement et à l'équipement de l'AFPA, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, s'élèvera à 768,98 millions d'euros en 2004, soit une augmentation de 1,7% par rapport à 2003.

Les dépenses relatives aux actions en faveur des publics prioritaires enregistrent une nette diminution par rapport à 2003 : ils baissent de 11,5 % et de 9,1 % à structure constante, pour tenir compte du transfert au ministère de l'intérieur du financement des adjoints de sécurité.

Les crédits consacrés à la promotion de l'emploi et aux adaptations économiques connaissent, à l'inverse, une progression significative, passant de 1,05 milliard d'euros en 2003 à 18,38 milliards d'euros. Cette progression résulte principalement de la réintégration au sein du budget du coût des allégements de charges sociales, antérieurement portées par le FOREC.

Les crédits correspondant au financement du retrait d'activité et à la participation de l'Etat aux dépenses de chômage s'accroissent également, de 0,6 %. Cela s'explique avant tout par la participation de l'Etat au financement de l'indemnisation du chômage.

La subvention accordée au fonds de solidarité progresse de 9,1 %, ce qui reflète l'augmentation du nombre de bénéficiaires des allocations de solidarité en 2004, en dépit de la révision des conditions de versement de l'allocation spécifique de solidarité.

Il faut répéter ici que l'ASS n'est pas supprimée, contrairement à ce que prétendent certains...

M. Maxime Gremetz. Ils ne sont pas là !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. ...mais simplement modifiée.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale. C'est vrai !

M. Jacques Desallangre. C'est une modification drastique !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Je rappelle que l'ASS est accordée aux demandeurs d'emploi en fin de droits lorsque trois conditions sont remplies : la personne doit rechercher activement un emploi ; la durée antérieure d'activité doit correspondre à cinq ans d'activité salariée dans les dix ans précédant la fin du dernier contrat de travail ; le niveau des ressources n'excède pas un plafond déterminé. On estime à 400 000 le nombre de personnes percevant aujourd'hui cette allocation.

Trois mesures ont été décidées par le Gouvernement. La durée de versement de l'ASS est limitée à trois ans pour les bénéficiaires actuels et à deux ans pour les nouveaux entrants, à l'exception de ceux qui ont plus de cinquante-cinq ans, pour prendre en compte la situation particulière des demandeurs d'emploi les plus âgés ; la majoration de 40 % accordée aux allocataires âgés de plus de cinquante-cinq ans est supprimée, mais uniquement pour les nouveaux entrants ; la réforme du plafond de ressources pour les couples, qui ne concernait jusqu'à présent que les personnes entrées dans le dispositif après 1997, est généralisée.

Il convient de saluer les différentes mesures prises en matière d'intéressement et de motivation. En effet, le cumul de l'ASS avec des revenus d'activité sera facilité. En outre, il est prévu de maintenir le droit à l'ASS pour les personnes retrouvant un emploi pour une brève période. Enfin, au moment de l'attribution de l'allocation, la prise en compte des charges sera réalisée de manière plus favorable pour les personnes concernées.

Je souhaite maintenant évoquer les travaux préparatoires à l'application de la loi organique relative aux lois de finances. Je me suis particulièrement intéressé à l'expérimentation de globalisation des crédits menée en région Centre, et le rapporteur général, Gilles Carrez, mes collègues de la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances et moi-même nous sommes rendus sur place.

Un contrat triennal passé entre le ministère et les services de la région définit les priorités d'action et les résultats à atteindre, assortis d'indicateurs. Cette contractualisation a trouvé sa traduction budgétaire dans la création d'un chapitre dédié qui regroupe les moyens de rémunération et de fonctionnement alloués à la région. Dans le budget pour 2003, l'expérimentation a été étendue à une partie des crédits d'intervention. Ainsi la région Centre a-t-elle été chargée de mettre en œuvre à titre expérimental le programme « accès à l'emploi ».

La détermination définitive des enveloppes de fonctionnement allouées à chaque service donne lieu à une véritable procédure contradictoire et s'appuie sur des critères partagés, notamment sous forme de ratios. Cette expérience doit être saluée, car elle permet une mise en œuvre concrète de la fongibilité budgétaire. Les crédits disponibles apparus en gestion 2002 sur l'article regroupant les crédits de rémunération ont été requalifiés en crédits de fonctionnement, pour un montant total de 669 857 euros. Cela se justifie notamment parce que le nombre des postes vacants est supérieur aux hypothèses retenues pour l'élaboration du budget prévisionnel. Après un an d'expérimentation, il apparaît que la mise en œuvre de la fongibilité asymétrique ne s'est pas traduite par une augmentation des dépenses de fonctionnement pour les services. L'analyse des ratios annuels de fonctionnement des services déconcentrés montre en effet que la structure des dépenses de fonctionnement en région Centre ne diffère pas sensiblement de celle des autres régions et que la dépense moyenne par agent en 2002 y est même inférieure à la moyenne nationale. Il s'agit là, monsieur le ministre, d'une situation exemplaire.

Je suis également revenu, dans mon rapport, sur la future structure des programmes de la mission « travail ». D'après les informations fournies par votre ministère, les cinq programmes prévus concernent le développement de l'emploi ; l'accès et le retour à l'emploi ; l'accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques ; l'amélioration de la qualité de l'emploi ; la gestion et l'évaluation des politiques d'emploi et du travail.

Si, dans l'ensemble, le découpage de ces programmes est pertinent pour le travail, et si, pour la solidarité, je partage les observations très justes de Marie-Anne Montchamp, je souhaite toutefois exprimer deux préoccupations. L'existence d'un programme de support, qui regrouperait l'ensemble des dépenses de personnel, de fonctionnement et une partie des dépenses d'investissement, pose problème. Certes, ces dépenses ne représentent qu'une très faible part des dépenses totales du ministère. Mais l'existence même d'un programme de support ne respecte pas l'esprit de la loi organique.

Comme nous vous interrogions, monsieur le ministre, lors de votre audition en commission, sur les stratégies ministérielles de réforme, vous avez reconnu que le regroupement des personnels dans ce programme soulevait des difficultés et vous vous êtes déclaré sensible au souhait que la commission des finances a formulé à cet égard. Une solution pourrait consister à ventiler certains crédits relatifs à la rémunération des personnels, tels que les contrôleurs et inspecteurs du travail, sous le programme dédié à l'amélioration de la qualité de l'emploi. Je vous remercie de confirmer cette possibilité qui irait dans le sens d'une meilleure lisibilité du coût des politiques publiques et montrerait que l'un des membres éminents de l'exécutif soutient la mise en œuvre de cette réforme.

Deuxième préoccupation : il serait opportun que les actions relatives à la lutte contre le travail clandestin apparaissent clairement au sein de l'un des programmes proposés. En effet, cette question, dont je sais qu'elle retient votre attention et qui nécessite que soit menée une action conjointe avec le ministère de finances, mérite d'être traitée avec la plus grande détermination.

J'en viens à l'action en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi. Le nombre de personnes qui, en 2004, pourront bénéficier de contrats aidés est loin d'être négligeable : 110 000 nouveaux entrants pour le dispositif contrat jeune en entreprise ; 50 000 pour le dispositif du RMA marchand ; 170 000 pour les contrats emploi solidarité ; 15 000 pour les contrats emploi consolidé.

Revenons quelques instants sur les contrats jeunes en entreprise. Le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage des jeunes une de ses priorités. Depuis un an, en effet, celui-ci a augmenté deux fois plus vite que le chômage moyen. Cette situation affecte en particulier les jeunes les moins qualifiés, pour lesquels le taux de chômage atteint 33 %, alors que les bénéficiaires des emplois jeunes étaient le plus souvent de jeunes diplômés - et même très diplômés.

Les crédits inscrits au titre des contrats jeunes en entreprise s'élèvent à 416,14 millions d'euros pour assurer la montée en charge du dispositif, soit une augmentation de 216,14 millions d'euros.

Autre outil de lutte contre le chômage, les contrats initiative emploi visent à faciliter l'insertion professionnelle durable et directe dans le secteur marchand. Vous avez, monsieur le ministre, rappelé l'analyse de la DARES qui démontre la pertinence de ce choix.

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit l'inscription de 47 millions d'euros au titre de l'article 32 du chapitre 44-70, correspondant au stock de conventions signées avant le 1er janvier 2002, et de 474,70 millions d'euros, pour le fonctionnement des aides forfaitaires.

Lors de la séance de questions au Gouvernement du 21 octobre 2003, vous avez, monsieur le ministre, annoncé que, sur la suggestion de quelques-uns de nos collègues, notamment des présidents Méhaignerie et Barrot, le Gouvernement envisageait d'accroître cet effort pour accompagner le dispositif de sortie de l'ASS. Quatre-vingt mille contrats étaient prévus pour 2004. Conformément à votre engagement, vous proposez, par amendement, d'en porter le nombre à 110 000, par redéploiement.

Quant à la mise en place du contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, elle constitue une des innovations de ce budget. Son premier volet porte sur la mise en œuvre d'un projet social ou humanitaire dans les associations. D'après les crédits inscrits, 3 000 jeunes bénéficieront d'un CIVIS en 2003 et 8 000 en 2004. A partir de 2006, le nombre de jeunes signataires de CIVIS « association » devrait atteindre 25 000.

Deux autres volets sont prévus. Les régions pourront conclure avec les jeunes des contrats pour les accompagner de manière responsabilisée vers l'emploi. Ce CIVIS « accompagnement vers l'emploi » concernera 60 000 jeunes en 2004 et 120 000 dans deux ans. Les régions pourront les aider à accomplir un projet de création ou de reprise d'une activité non salariée : il s'agit du volet CIVIS « création d'entreprise » pour 2 500 jeunes créateurs en 2004 et 5 000 dans deux ans.

Dans les deux cas, la durée du contrat ne pourra dépasser deux ans et les jeunes majeurs pourront bénéficier d'une allocation financière pendant les périodes durant lesquelles ils ne percevront pas d'autres revenus.

Un amendement du Gouvernement - qui n'a malheureusement pas été déposé en temps et en heure pour permettre à la commission des finances de l'examiner - a pour objet de préciser le régime juridique de ces contrats.

Je souhaite enfin dire quelques mots sur l'action en faveur des travailleurs handicapés, sachant que le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Dominique Tian, a développé ce thème dans son rapport écrit, dont je partage l'analyse. Au-delà du soutien aux emplois existants dans les ateliers protégés, les crédits pour 2004 permettront de concourir au financement de 500 emplois nouveaux et contribueront à moderniser ces structures.

Enfin, l'ambitieuse politique d'allégement des charges sociales est intégrée dans le budget de l'emploi. Le FOREC a aujourd'hui pour mission de compenser pour le régime de base de la sécurité sociale les pertes de cotisations liées aux allégements de charges sur les bas salaires et à la réduction du temps de travail.

La réintégration des divers dispositifs d'exonérations de charges sociales patronales dans le budget du ministère de l'emploi, à hauteur de 17,1 milliards d'euros en 2004, présente deux avantages. D'une part, il sera désormais possible de retracer, dans le budget de l'emploi, la réalité des moyens consacrés par l'Etat dans ce domaine. L'ensemble des exonérations sociales patronales apparaîtra ainsi dans les lignes du « bleu » budgétaire. D'autre part, nous rendrons plus lisibles les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

Je ne rappellerai pas, pour l'avoir fait dans la discussion générale sur la loi de finances, le caractère baroque du FOREC et l'absence totale de lien entre les recettes qui lui étaient affectées et les dépenses.

Pour 2004, les crédits mobilisés pour les exonérations des zones de revitalisation rurale et urbaine s'élèvent à 27,05 millions d'euros, pour tenir compte du ralentissement des effectifs exonérés depuis 2002, du fait de la mise en place du nouvel allégement général sur les bas et moyens salaires qui rend ce dispositif moins attractif.

Quant aux exonérations de cotisations sociales dans les zones franches urbaines, la dotation prévue pour 2004 est en augmentation et passe à 294,94 millions d'euros en application de la loi de finances rectificative de 2002 et de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Je passe sur les exonérations de charges sociales dans les départements d'outre-mer et vous renvoie au rapport écrit.

D'une manière générale, je crois qu'il faut plaider pour un effort important de simplification des dispositifs d'allégements de charges sociales, qui, aujourd'hui, s'enchevêtrent et se cumulent de manière peu lisible. Il faudrait aboutir à terme à un dispositif simple regroupant la plupart des trente-six mécanismes que l'on dénombre à l'heure actuelle. Pour être réellement efficace, ce barème de droit commun applicable à l'ensemble des entreprises devrait être axé sur les bas salaires. D'ailleurs, la réforme des allégements de cotisations sociales patronales que vous avez mise en œuvre, monsieur le ministre, porte à juste titre sur les rémunérations inférieures à 1,7 fois le SMIC.

L'ensemble de ces éléments me conduit à vous demander, au nom de la commission des finances, d'émettre un vote favorable sur les crédits de l'emploi pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2004 sera incontestablement marquée par un changement de cap : priorité est enfin donnée à la création d'emplois dans le secteur marchand.

Ce budget comporte également des mesures de transparence, dont la plus importante est sans doute la réintégration dans le budget de l'Etat des charges couvertes jusqu'à présent par le FOREC, comme vient de l'exposer avec beaucoup de justesse et de talent Michel Bouvard.

Au total, les crédits de la section Travail s'élèvent à plus de 32 milliards d'euros.

L'année 2003 étant l'année européenne du handicap, j'ai souhaité, en tant que rapporteur pour avis, braquer le projecteur sur l'efficacité des politiques d'insertion professionnelle des personnes handicapées.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. On dénombre 219 000 personnes handicapées inscrites à l'ANPE. Ce chiffre, en progression constante, ne peut que nous interpeller et nous attrister. C'est pourquoi, après avoir procédé à la présentation générale des crédits, je concentrerai mon intervention sur cette question.

Le budget du travail que le Gouvernement a préparé pour 2004 a pour objectif de donner la priorité au retour à l'emploi. Il marque ainsi une rupture avec la logique d'assistance. Il s'agit désormais, comme on l'a dit, de préférer les allégements de charges aux aides budgétaires, de réorienter massivement les interventions vers la formation et l'emploi dans l'entreprise, d'optimiser les dépenses d'indemnisation et de favoriser une réinsertion durable sur le marché de l'emploi.

Revenons un instant sur le RMI : le constat de sa dérive et de son échec en termes d'insertion n'est plus à faire. La moitié seulement des RMIstes sont en possession d'un contrat d'insertion en cours de validité. Les personnes touchant le RMI depuis plus de deux ans, soit un demi-million de personnes, constituent la principale cible du RMA. Dans une optique d'insertion progressive, il s'agit d'associer au bénéfice d'une allocation de RMI l'exercice d'une activité salariée à temps partiel, assortie d'un volet d'accompagnement personnalisé qui constituera la première étape d'un retour à l'emploi.

Les titulaires de l'ASS dont les droits à indemnisation arrivent à échéance pourront avoir immédiatement accès au RMA.

Le Gouvernement a par ailleurs décidé de réformer l'ASS. Il est prévu que la durée du versement soit désormais plafonnée à trois ans pour les actuels bénéficiaires et à deux ans pour les futurs allocataires, sauf s'ils sont âgés de plus de cinquante-cinq ans.

La réforme en cours en Allemagne va beaucoup plus loin et elle est beaucoup plus brutale.

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas une référence !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Elle est pourtant conduite par un gouvernement de gauche.

L'ensemble de ces mesures vise à rendre le dispositif plus incitatif en matière de retour à l'emploi. Le retour ne doit pas être freiné par la crainte de perdre immédiatement le bénéfice des allocations sociales ; pour autant, les allocataires ne doivent pas en être dissuadés par la perspective de bénéficier d'allocations sans limitation de durée.

Permettez-moi de souligner également la réussite des contrats jeunes en entreprise : 100 000 contrats ont déjà été signés, dont 50 % concernent des entreprises de moins de dix salariés.

Dans un autre domaine, le CIVIS constitue une réponse au réel problème que représente le non-accès des jeunes au RMI. Notons que le soutien apporté est conditionné à une démarche personnelle d'insertion professionnelle.

Le contrat initiative emploi - CIE - a été relancé et réorienté vers les personnes les plus éloignées de l'emploi, tels les bénéficiaires de minima sociaux, les travailleurs handicapés ou les anciens détenus. Il vise à insérer ces personnes dans l'emploi du secteur marchand. On a constaté en 2002 une progression du nombre des bénéficiaires de plus de cinquante ans et des bénéficiaires handicapés. Le CIE sera rendu encore plus attractif par un versement trimestriel, et non plus annuel, des primes aux employeurs, par un raccourcissement des conditions d'ancienneté et par la durée de l'aide, qui passe de deux ans à cinq ans pour certaines catégories de demandeurs d'emploi.

Comme le précisait hier le ministre François Fillon, répondant aux questions d'actualité, « la vérité est que, depuis des années, notre pays fait moins bien en matière d'emploi que la plupart des pays européens ». Ce budget est la traduction concrète de sa volonté de résoudre les problèmes structurels de notre économie.

Je souhaite maintenant faire le point sur le difficile problème de l'insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ouvert.

Rappelons tout d'abord que plus de 107 000 personnes handicapées travaillent en milieu protégé, 350 000 sont salariées en milieu ouvert et 17 000 sont enregistrées en tant que travailleur indépendant.

Cependant, cette population reste mal identifiée. Il conviendrait en premier lieu d'adopter un mode unique de comparaison entre le public et le privé, fiable et normalisé. C'est là une des principales préconisations du Conseil économique et social, que votre rapporteur approuve pleinement.

L'obligation d'emploi n'est pas respectée. Le taux atteint 4,1 % dans le secteur privé, mais 37 % des entreprises de notre pays n'accueillent - ou ne déclarent - aucune personne handicapée dans leur effectif, préférant une sanction financière en versant une contribution au profit de l'AGEFIPH.

Il faut en revanche noter un élément positif : les entreprises de moins de vingt salariés, qui ne sont pourtant pas soumises à l'obligation légale, recrutent très souvent des handicapés. Ainsi, 40 % des stagiaires de l'AFPA handicapés ayant trouvé un emploi six mois après leur sortie de stage l'ont obtenu dans une petite entreprise.

Les statistiques de la fonction publique ne sont pas cohérentes avec celles du secteur privé, puisqu'elles recensent des personnes physiques et non des « unités de compte ». De plus, il est particulièrement choquant de constater que l'éducation nationale, qui représente la moitié de l'effectif des fonctionnaires de l'Etat, refuse de répondre aux questionnaires - j'ai moi-même essuyé un refus pour mon propre questionnaire -, ce qui ôte toute crédibilité au taux global d'emploi affiché pour l'Etat.

En ce qui concerne la fonction publique hospitalière et les collectivités locales, nous sommes également très loin du taux de 6 %.

La conséquence est un chômage élevé des personnes handicapées.

Fin août 2003, d'après des données transmises par l'ANPE, on comptait 218 473 handicapés demandeurs d'emploi, soit un taux de chômage de 26 %. Ce nombre a malheureusement augmenté de 7,8 % depuis août 2002, contre 5,2 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, ce qui atteste la plus grande fragilité de l'emploi des personnes handicapées en période de mauvaise conjoncture. Sur les huit premiers mois de l'année 2003, la durée moyenne du chômage des travailleurs handicapés ayant retrouvé un emploi a été de onze mois, contre huit mois pour l'ensemble des chômeurs,

Face à cette situation, votre rapporteur vous soumet plusieurs propositions.

Il convient tout d'abord de mieux connaître la population handicapée et d'évaluer les politiques. Il importe, en particulier, que soit mis au point un système de calcul identique pour le secteur privé et pour le secteur public. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées - CNPH - paraît le mieux placé pour piloter une telle démarche.

Il faut ensuite imposer une obligation effective d'emploi dans l'administration. Une loi pourrait utilement prévoir des sanctions financières, même aux dépens de l'Etat, de la fonction publique hospitalière et des collectivités locales. Le produit de ces sanctions pourrait être géré par des fonds dédiés dotés de la personnalité morale. Cette proposition est du reste soutenue par le Conseil économique et social.

Pour les collectivités locales, il me paraît utile que la loi prévoie la présentation annuelle, à l'occasion d'une séance publique, d'un rapport indiquant le taux d'emploi des handicapés et présentant, si le taux requis n'est pas atteint, la façon dont ces collectivités comptent atteindre l'objectif légal. Il faut noter, à ce propos, que les collectivités confient peu de travaux au secteur protégé, qui en a pourtant grandement besoin.

Par ailleurs, il convient de développer des démarches positives vis-à-vis du secteur privé et de repenser le rôle de l'ANPE, et surtout de l'AGEFIPH, dont le fonctionnement a été critiqué par la Cour des comptes. Sanctionner peut être utile, mais il est bien préférable de créer des emplois.

Enfin, il faut élargir les perspectives offertes aux travailleurs handicapés en développant les passerelles entre milieu protégé et milieu ordinaire, en valorisant le travail par une rémunération supérieure aux allocations de remplacement et en prévoyant des réformes pour l'orientation et la recherche d'emploi - il s'agit notamment de mieux préciser le rôle et la mission des COTOREP.

Seize ans après la promulgation de la loi de 1987, dont le but premier était de favoriser le recrutement par les entreprises et les administrations de personnes en situation de handicap, on dépasse encore difficilement un taux de 4 %, notamment au sein de l'administration et des collectivités locales, lesquelles ne remplissent pas leurs obligations légales et ne sont pas sanctionnées, contrairement aux entreprises.

Une volonté politique forte est nécessaire et s'exprimera, nous n'en doutons, pas dans le nouveau texte qui réformera la loi d'orientation de 1975.

J'en reviens au budget du travail : c'est un très bon budget. La commission des affaires sociales l'a approuvé et je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, premier orateur inscrit.

M. Francis Vercamer. Affaires sociales, travail, solidarité : trois termes qui soulignent, monsieur le ministre, l'étendue de vos attributions, mais également trois termes qui résonnent aujourd'hui, chez nos concitoyens, comme autant d'espoirs de réponses à des situations personnelles souvent difficiles : l'exclusion, le chômage, le sentiment d'être durablement tenu à l'écart de la société du travail, et même de la société tout court. Député de l'agglomération roubaisienne, je puis vous dire que je sais de quoi je parle actuellement.

C'est peu de dire que l'année 2003 a été marquée par une très faible croissance. Dans ce contexte, ce budget doit être celui des choix : choix pour l'emploi, mais également pour la solidarité. On ne gagne pas la bataille de l'emploi sans dispositif de solidarité à l'égard de ceux que les hasards de la vie n'ont pas ménagé. De même, on ne gagne pas la bataille de la solidarité si celle-ci ne tend pas à redonner à chacun une place dans la société, notamment par le travail. Notre responsabilité est de savoir faire ces choix.

En écoutant votre intervention, monsieur le ministre, je me demandais s'il y avait une fatalité à l'hémiplégie des politiques de l'emploi dans notre pays.

M. Gaëtan Gorce. Avec vous, c'est de la tétraplégie !

M. Francis Vercamer. En effet, quand la gauche est au pouvoir, tout se passe comme si l'emploi public devait être privilégié aux dépens de l'emploi en entreprise. Quand la droite revient, à l'inverse, on favorise l'emploi en entreprise, tout en contestant l'utilité des contrats aidés dans le secteur non marchand.

En vérité, pour l'UDF, il n'y a pas de politique de l'emploi plus efficace que celle qui fait du retour à l'emploi sa priorité, quels que soient les dispositifs mis en œuvre.

Mon argumentation s'articulera autour de sept points.

Tout d'abord, parmi les choix que vous effectuez pour 2004 figure la baisse des charges sociales, notamment sur les bas salaires. L'efficacité de ce type de mesure n'est plus à démontrer...

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Francis Vercamer. ...et la progression du montant de ces allégements doit être saluée.

Nous regrettons néanmoins que cet effort voie ses effets neutralisés pour partie par la hausse du coût du travail née de l'harmonisation des six SMIC différents qui coexistaient jusqu'alors. Vous avez hérité en 2002, il est vrai, d'un casse-tête, consécutif à la réduction couperet du temps de travail.

Pour notre part, nous proposons depuis plusieurs années la création d'emplois francs, dans un dispositif de réductions de charges sociales patronales à 10 % du salaire brut pour une durée de cinq ans et pour toutes les entreprises, quels que soient l'âge, le niveau de qualification et le salaire de la personne embauchée.

Deuxième point : votre budget confirme la priorité donnée dès l'année dernière aux contrats aidés dans le secteur marchand, avec l'objectif clair de favoriser le retour rapide à l'emploi.

Ce retour est possible pour les personnes qui ont traversé une période de chômage relativement brève : elles ont su garder des habitudes de travail, une expérience professionnelle, un savoir-faire, qu'elles vont pouvoir « vendre », si je puis dire, sur le marché de l'emploi. A l'évidence, les contrats aidés dans le secteur non marchand ne peuvent constituer, pour ces personnes, un débouché naturel, et il faut tout faire pour favoriser leur embauche en entreprise : c'est là tout l'intérêt d'une baisse significative des charges sociales ou des contrats initiative emploi ou des emplois jeunes en entreprise.

Cependant, cette politique mériterait d'être davantage ciblée sur des publics spécifiques, en favorisant par exemple l'embauche de chômeurs récents, et d'être circonscrite géographiquement aux bassins d'emploi les plus touchés par la désindustrialisation.

Mon troisième point concerne le secteur non marchand. Alors que notre pays évolue dans un contexte récessif, il est impératif de ne pas condamner les emplois aidés dans ce secteur. Ceux-ci constituent en effet un sas de réinsertion indispensable, qui permet le retour à l'emploi de tout un public de chômeurs de longue durée, très éloigné de l'emploi. Cet éloignement ne résulte pas, bien entendu, d'un choix délibéré.

Il faut se réadapter aux horaires de travail, s'engager dans une formation, surmonter les traumatismes qui peuvent naître de la dispersion de la famille, de l'insalubrité d'un logement, d'une santé précaire. Il est clair que devant ces situations complexes, une collectivité locale ou une association peut, plus qu'une entreprise, intégrer certaines contraintes et jouer un rôle réel dans un parcours de réinsertion.

Mon quatrième point, monsieur le ministre, est consacré à l'insertion. Une politique de l'insertion ne peut se résumer aux seules aides à l'emploi. Dans le contexte économique actuel, l'insertion constitue un enjeu majeur.

Par ma voix, l'UDF réaffirme son désaccord avec la réforme de l'ASS - l'allocation perçue par les chômeurs en fin de droits.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. C'est déjà bien d'employer le mot « réforme » !

M. Francis Vercamer. La logique même de cette réforme nous échappe,...

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis. Hypocrite !

M. Francis Vercamer. ...à la fois pour des raisons pragmatiques et pour des raisons symboliques.

Raisons pragmatiques, d'abord : les 50 000 entrées au RMA prévues pour 2004 dans le secteur non marchand ne suffiront pas pour faire face aux besoins d'insertion créés par les 130 000 sorties d'ASS que devrait entraîner votre réforme, d'autant que le dispositif risque d'être fort peu attractif pour le secteur marchand. Ces 130 000 personnes s'ajouteraient aux 1 090 000 RMIstes actuels, soit un total de 1 220 000 bénéficiaires du RMI et bénéficiaires potentiels du RMA. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, quand bien même on ajouterait les 50 000 RMA du secteur marchand.

Raisons symboliques, ensuite : nous ne pensons pas qu'une réduction de la durée de l'ASS soit un moteur suffisant pour retrouver un emploi, et ne pensons pas davantage que l'effort d'économie doive peser sur les personnes les plus fragilisées devant l'emploi.

Alléger la facture sociale n'aide pas à réduire la fracture sociale.

Notre conviction est que l'Etat peut difficilement réaliser des économies sur l'insertion des publics en difficulté. Nous restons persuadés que cette réforme est socialement injuste : aussi le groupe UDF vous soumettra-t-il, à l'issue de la discussion générale, un amendement ayant pour objectif de maintenir l'ASS en l'état.

Améliorer les parcours d'insertion, c'est procéder à une meilleure évaluation des différentes étapes qui les jalonnent et renforcer les moyens de l'accompagnement. Telles sont les vraies conditions pour obtenir de meilleurs résultats.

Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, qu'à l'inquiétude née de la réforme de l'ASS s'ajoute le vent de panique qui s'empare actuellement de nombreux bénéficiaires du PARE. Les modifications des conditions d'indemnisation, décidées par les partenaires sociaux dans la convention du 27 décembre 2002, s'appliquent en effet de manière rétroactive aux personnes ayant opté pour un PARE avant cette date.

Ainsi,  370 000 personnes sortiraient prématurément du dispositif, au 31 décembre prochain. Quelles dispositions comptez-vous prendre, dès l'année prochaine, pour corriger les effets de cette situation ?

Enfin, sera débattu dans les semaines qui viennent votre projet de loi sur la décentralisation aux départements du RMI et la création du RMA. Nous saluons cette création, même si subsistent bien des interrogations. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen de ce projet de loi.

Si les départements peuvent être l'échelon approprié pour la mise en œuvre du volet insertion, l'Etat ne peut se détourner de la solidarité nationale, et doit s'assurer du financement pérenne de cette nouvelle compétence décentralisé

Cinquième point : la réforme du régime des retraites. Nous regrettons que votre budget ne dégage pas les moyens d'un véritable plan d'ensemble pour l'emploi des salariés âgés de plus de cinquante ans.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Cinquante ans, ce n'est pas âgé !

M. Francis Vercamer. Nous attendons des incitations fiscales pour le travail à temps partiel, le développement de la prévention en matière de santé au travail, des efforts de formation professionnelle ciblés sur les plus de quarante-cinq ans, l'accompagnement des chômeurs âgés. Bref, nous attendons une prise de conscience commune du problème et une mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés.

Pourquoi ne pas développer l'expérimentation dans ce domaine afin d'encourager de nouvelles initiatives, en prenant comme site pilote les régions où les plans sociaux n'ont pas manqué de fragiliser une population de salariés âgés de plus de cinquante ans ?

Sixième point : vous me permettrez de saluer la création du CIVIS.

M. Jacques Desallangre. Ah !

M. Francis Vercamer. Toutefois, nous nous demandons si les 8 000 entrées prévues en 2004 pour le volet « projet social ou humanitaire » assureront la « continuité parfaite » avec les sorties du dispositif « emplois - jeunes ».

Enfin, septième point et pour conclure, je souhaite émettre deux remarques sur le volet solidarité de votre budget.

Un débat sur la situations des harkis est prévu à l'Assemblée nationale. Au-delà des polémiques actuelles, il doit permettre de déterminer les moyens par lesquels notre nation exprimera une fois pour toutes, sa reconnaissance envers la communauté des harkis.

Malgré l'allocation de reconnaissance, leur attente reste forte. S'en tenir au registre du débat serait une erreur, si celui-ci devait nous exonérer de solder le passé. Il faut prendre des mesures concrètes pour l'indemnisation significative de la première génération et l'accompagnement de la deuxième.

Par ailleurs, l'exclusion par le travail est une réalité qui ne doit pas cacher les autres formes d'exclusion, lesquelles trouvent leur origine dans le quartier, la religion, le sexe, ou la couleur de peau. Au mois de janvier, vous aviez annoncé la création d'une autorité indépendante, à laquelle vous pensiez conférer, sur le modèle belge, des moyens d'investigation.

Vous connaissez, monsieur le ministre, l'exaspération de toute une génération de jeunes issus de l'immigration, qui se sentiront d'autant plus fiers d'être Français, que notre pays leur donnera les moyens de réaliser leurs projets personnels et professionnels. Or votre budget reste trop silencieux sur ce sujet. Nous attendons de vous un calendrier et des engagements précis.

Telles sont monsieur le ministre, nos interrogations sur votre budget. Certaines mesures vont dans les bon sens. Toutefois, sur le volet travail, les incertitudes sur l'insertion sont trop nombreuses.

Dès lors, et dans la logique de notre vote sur la première partie de la loi de finances, de l'adoption ou du rejet de notre unique amendement, dépendra notre soutien ou notre rejet de votre budget.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le Président, monsieur le ministre, mesdames les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera sur un sujet grave, celui de l'emploi.

Votre budget pour 2004 est dans la continuité, je vous l'accorde, de celui que vous avez présenté l'an dernier. Toutefois, il est encore plus inquiétant au regard de la dégradation de l'emploi depuis votre arrivée, ce qui assombrit un peu plus l'avenir.

Alors que le chômage flirte avec les 10 % vous ne faites rien pour enrayer la spirale, au contraire vous en accélérez dangereusement le mouvement si l'on se réfère au taux de chômage chez les jeunes : sur 25 300 demandeurs d'emplois supplémentaires au mois de septembre, 20 600 ont moins de 25 ans !

Votre budget joue contre l'emploi, et l'augmentation des crédits ne saurait masquer les choix qui sont faits, ou plus exactement qui ne sont pas faits.

En matière de formation, on ne perçoit aucun effort. Je sais bien qu'un bon budget et un budget en baisse, le rapporteur spécial l'a dit...

M. Jean Ueberschlag, rapporteur spécial. Je n'applique pas la même dialectique que vous !

M. Maxime Gremetz Vous faites de grands discours sur la formation professionnelle , vous obtenez même un accord historique avec les organisations syndicales, mais le budget ne suit pas, en passant de près de 5 milliards à 4 milliards et demi d'euros.

De même, les primes d'apprentissage diminuent de 50 millions, ce qui laisse présager une baisse de 12 % des contrats d'apprentissage, à moins qu'il ne revienne aux régions de combler les lacunes. Ces chiffres sont indiscutables, ils figurent dans votre budget. Vous le connaissez puisque c'est le vôtre. (Sourires.)

Parallèlement aux coupes claires opérées sur la formation, les attaques contre les chômeurs s'amplifient : baisse de 20 % des crédits d'aide à la création d'entreprise pour les personnes privées d'emplois.

On parle de favoriser l'insertion des jeunes chômeurs, mais les bourses pour l'emploi, qui permettaient à ces jeunes de survivre entre deux emplois ou formations, disparaissent progressivement du budget, passant de 25 millions à 4 millions. Vous pouvez vérifier les chiffres !

Les dotations des programmes en faveur des chômeurs longue durée chutent de 181 à 107 millions. Comme vous le dites, monsieur le rapporteur spécial, c'est un très bon budget puisqu'il baisse.

S'y ajoutent la suppression de l'ASS et l'agrément donné à l'accord UNEDIC. Mais j'y reviendrai.

Nous aurions préféré un renforcement de l'aide aux régions pour les actions de formation continue, à l'AFPA pour la construction de nouveaux centres ouverts aux chômeurs, aux jeunes en particulier. Nous aurions préféré que des bourses soient octroyées pour l'emploi des dix-huit - vingt-cinq ans par exemple.

Je n'oublie pas non plus la baisse de 11 % des crédits pour les publics prioritaires. Il s'agit des contrats emplois consolidés - CEC -, des contrats emploi solidarité - CES -, du programme TRACE - trajectoire d'accès à l'emploi -, des stages individuels et collectifs à destination des chômeurs.

La précédente majorité s'efforçait de mener une politique de l'emploi en direction des publics en difficulté, de redonner de l'espoir par l'aide nationale et par l'insertion par l'emploi. Aujourd'hui, vous battez en brèche tous ces acquis, pour vous limiter au revenu minimum d'activité, le RMA, sur lequel il y aura bien des choses à dire. Ce projet n'est pas bon et il doit être retiré - les organisations syndicales sont unanimes pour le dire, et Mme la rapporteure l'a également dit. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Elle n'a jamais dit cela !

M. Maxime Gremetz. Si absolument !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Elle a dit que des délais sont nécessaires!

M. Maxime Gremetz. Elle a même proposé une suspension !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. La rapporteure n'a pas dit cela !

M. Maxime Gremetz. Vous ne lisez pas toute la presse mais seulement celle qui vous intéresse.

Tout ce qui peut favoriser l'emploi, l'insertion des plus éloignés du marché du travail, le soutien aux chômeurs est sacrifié. En revanche, les cadeaux au patronat sont les objectifs prioritaires de ce budget. Qu'on en juge !

Vous accentuez la politique de baisse des dépenses de salaires engagés depuis vingt ans. Les primes des contrats initiatives emplois - CIE - augmentent de 132 millions, soit une hausse de 39 %, et les aides aux entreprises pour l'embauche de jeunes vont coûter cette année le double, soit 216 millions.

Nous sommes dans une situation folle, le patronat se désengage complètement du financement de l'emploi ! On le voit avec le RMA : l'entreprise ne paiera plus que 2 400 francs par mois pour avoir un bon employé, et ce sans verser de cotisations sociales. Vous ne parviendrez pas, monsieur le ministre, à me prouver le contraire.

Il revient aux départements de payer. Il n'y a plus de responsabilité sociale de l'entreprise. Vous entrez volontairement dans ce cercle vicieux. Il n'est pas étonnant qu'ensuite vous n'assuriez plus la solidarité nationale à l'égard de ceux qui restent au bord de la route.

Votre budget n'est consacré qu'aux faveurs consenties au MEDEF. Sur un budget de 32 milliards d'euros, 18 milliards sont destinés à compenser des exonérations de cotisations sociales patronales auxquelles il faudrait ajouter 4 milliards d'exonérations fiscales ou d'aides publiques directes. Voilà le résultat d'une grande politique d'allégement des charges. C'est un échec pour l'emploi, toutes les études le montrent, y compris celles publiées dans la revue d'analyse d'études économiques. Ce n'est pas parce qu'on baisse les charges que les entreprises créent de l'emploi. Bien au contraire !

Ce n'est pas l'argent qui manque aux entreprises. Elles font des profits considérables. Et une de mes fiches montre que les patrons français sont les mieux payés d'Europe !

M. Jacques Desallangre. Ils sont très bien payés ! 

M. Maxime Gremetz. N'interprétez pas mal mes propos : il faut évidemment soutenir la création d'emplois mais les exonérations sont une perversité. Il existe d'autres moyens pour stimuler l'emploi, comme la réorientation du crédit.

Par ailleurs, quel contrôle avez-vous de ces aides ? Quel impact sur l'emploi peuvent avoir ces exonérations, quand on voit que, malgré la multiplication des allégements, le chômage progresse encore dramatiquement ? La première mesure que vous avez prise a été de supprimer une disposition figurant dans une loi que nous avions fait voter sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics. On comprend pourquoi !

Si l'on prend en compte toutes les personnes inscrites à l'ANPE, l'augmentation du chômage est de 1,7 % . Nous avons atteint près de 2 millions et demi de chômeurs. C'est énorme !

Plus inquiétant encore, les inscriptions à l'ANPE progressent plus vite que les sorties du chômage : 7,2% contre 4,2% La casse programmée de l'ANPE au profit d'agences d'intérim ou de conseil risque de ne rien arranger.

Ces questions doivent trouver des réponses, car nos concitoyens ne peuvent continuer de payer ces exonérations par le biais des différentes mesures prises dans le budget, comme dans la loi de financement de la sécurité sociale. On les met toujours plus à contribution et on rogne leurs droits.

On discute beaucoup du coût des 35 heures. Parlons-en ! Jamais acceptée par le MEDEF, combattue par l'opposition de l'époque - c'est-à-dire vous -, cette avancée sociale est la cible de la majorité actuelle qui lui fait endosser tous les maux de notre société Elle cherche à masquer les effets dramatiques de sa politique en direction des salariés, des chômeurs et des précaires.

Mais personne ne s'interroge sur les exonérations en tout genre, sur l'attitude du patronat et sur sa part de responsabilité dans la dégradation de la situation sociale de dizaines de milliers de personnes. En effet, il ne faut pas oublier trop vite la multiplication des « cadeaux aux patrons » dont bénéficient les entreprises pour aider à la création d'emplois. Or personne ne demande qu'un bilan soit dressé. Je le ferai à l'occasion de la mission d'information sur les 35 heures.

Nous estimons nécessaire de faire toute la lumière sur l'utilisation des fonds publics et sur l'efficacité tous les dispositifs d'exonération accordées aux entreprises. Cette exigence est d'autant plus fondée qu'elle s'appuie sur un constat établi par la commission d'enquête parlementaire sur les pratiques de certains grands groupes nationaux et multinationaux.

M. le président. Je vous invite à conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le rapport de cette commission montre que personne ne contrôle vraiment les circuits de distribution de ces milliards, en dépit de tous les abus relevés. Il souligne que ces aides sont très prisées lorsqu'elles servent, non à l'emploi et à la formation des salariés, mais plutôt à des opérations de restructuration ou d'allégement de la masse salariale; bref, lorsqu'il s'agit de licencier ou de comprimer les salaires.

Il est donc impératif, monsieur le ministre, que les aides publiques, sous toutes leurs formes, ...

M. le président. Concluez, monsieur Gremetz, vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Maxime Gremetz. Les rapporteurs ont dépassé leur temps de parole et vous ne les avez pas interrompus.

M. le président. Monsieur Gremetz, je vous prie de bien vouloir conclure, sinon je serai obligé de couper votre micro.

M. Maxime Gremetz. Je vais conclure, mais ne vous étonnez pas si je reviens plus tard, et plus longuement, sur ce que je n'ai pas pu dire maintenant.

M. le président. Pas de menaces, je vous en prie. Concluez maintenant.

M. Maxime Gremetz. J'ai terminé, monsieur le président, mais, croyez-moi, la discussion des amendements sera interminable !

M. le président. Nous avons l'habitude !

M. Maxime Gremetz. Si vous êtes habitué tant mieux !

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, depuis mai 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'est courageusement engagé à rénover notre pacte social, à soutenir l'économie et l'emploi.

M. Jacques Desallangre. Avec quels résultats !

M. Bernard Perrut. Nombre de vos efforts, mesdames, monsieur les ministres, ont porté leurs fruits,...

M. Jacques Desallangre. Des fruits vénéneux !

M. Bernard Perrut.... permettant d'atténuer la dégradation de la situation de l'emploi, qui suscite chez chacun d'entre nous des inquiétudes légitimes.

Le Gouvernement a compris que l'angle d'attaque contre le chômage passait par la création d'emplois dans le secteur marchand, mais certainement pas, comme cela a été le cas dans le passé, par le seul traitement social du chômage, qui apparaît plutôt comme un palliatif.

Loin de l'idéologie qui a prévalu sous l'ancienne législature et dont nous continuons à payer la facture, celle des 35 heures évidemment, le projet de loi de finances pour 2004 a pour ambition de réhabiliter la valeur travail. L'étude annuelle de l'INSEE fait apparaître que les 35 heures ont accru les inégalités. Il arrive malheureusement que certaines lois soient en décalage avec le temps...

M. Maxime Gremetz. C'est vous qui avez du retard !

M. Bernard Perrut.... et desservent l'intérêt général. Il en est ainsi de la loi Aubry, qui témoigne d'une erreur de méthode, d'une erreur économique et d'une erreur sociale !(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. )

M. Jacques Desallangre. Ce sont des mots !

M. Bernard Perrut. Vous faites un choix stratégique, monsieur le ministre. Nous ne pouvons que le soutenir. Vous prônez la restauration de la valeur travail et nous nous opposons avec vous au slogan de nos collègues : « Travaillez moins, gagnez autant et tout ira mieux ! »

M. Maxime Gremetz. Avec ce gouvernement c'est plutôt la valeur chômage qui monte !

M. Bernard Perrut. Plusieurs pistes inspirées de cette philosophie pragmatique que vous défendez sont tracées dans ce budget que nous discutons aujourd'hui. Vous voulez créer les conditions d'une mobilisation pour l'emploi grâce à une politique offensive s'appuyant sur un constat évident : ce sont les entreprises qui créent l'emploi dans notre pays !

M. Maxime Gremetz. Ce sont les travailleurs qui produisent les richesses !

M. le président. Monsieur Gremetz, laissez parler M. Perrut !

M. Bernard Perrut. Votre politique d'ensemble vise justement à promouvoir les entreprises. Selon une récente étude de l'INSEE, le nombre des créations d'entreprises a d'ailleurs progressé de près de 10 % au cours du dernier trimestre. On l'a vu avec les mesures de simplification destinées à faciliter la transmission d'entreprises ou à permettre à des salariés de devenir entrepreneurs, l'emploi est une priorité nationale qui mobilise l'ensemble du Gouvernement.

L'effort engagé l'année dernière est reconduit et, avec clarté, vous intégrez dans le budget de l'Etat, après la suppression du FOREC, le coût des allégements de charges sociales. La part consacrée à ces exonérations correspond à 17 milliards d'euros en 2004 sur un budget total de 32,5 milliards, soit plus de la moitié des crédits.

Cette montée en puissance de la baisse des cotisations sociales s'accompagne, dans l'intérêt des salariés, d'une hausse du SMIC sans précédent depuis plus de vingt ans, monsieur Gremetz. Il est de notre devoir, monsieur le ministre, de sortir nos concitoyens en difficulté de la marginalité et de l'assistance et, par conséquent, de soutenir la première étape qu'est le retour à l'emploi.

La mise en place du revenu minimum d'activité s'inscrit pleinement dans le cadre d'une nouvelle politique de l'emploi, car le RMI a montré ses limites : seulement 50 % des RMIstes disposent d'un contrat d'insertion. Désormais, dans le cadre d'un contrat de travail d'un nouveau type - il faudra bien le définir juridiquement, monsieur le ministre -, le salaire associera l'aide sociale et le fruit d'un travail. Voilà le premier jalon d'un véritable retour à un emploi stable.

Le dispositif s'appliquera aussi bien au secteur marchand qu'au secteur non marchand, et 50 000 à 60 000 contrats RMA pourraient être signés dès la première année d'application. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les titulaires de l'ASS dont les droits arrivent à échéance pourront bénéficier du RMA et vous avez expliqué tout à l'heure les raisons de cette évolution que certains n'ont peut-être pas encore comprise et qu'ils critiquent un peu hâtivement. Nous discuterons prochainement du projet de loi sur le RMI et le RMA et je ne doute pas que nous le ferons dans un esprit d'ouverture et de concertation. Il est souhaitable que l'accent soit plus particulièrement mis sur le suivi personnalisé, voire sur la formation des « RMAstes » (Murmures sur divers bancs), afin de favoriser une réinsertion durable.

En direction des chômeurs de longue durée, vous proposez la relance des contrats initiative-emploi. En outre, le fait de porter à 110 000, soit 30 000 CIE supplémentaires, le nombre d'entrées va dans le bon sens. Les chômeurs de longue durée pourront profiter concrètement des efforts de redynamisation que vous avez décidé de faire, et vous avez vous-même souligné les effets bénéfiques du CIE.

Avec cette aide accrue en faveur de l'emploi dans le secteur marchand, nous sommes loin de l'illusion de l'assistanat préjudiciable aux personnes intéressées. Voilà pourquoi il est essentiel que 66 % du total des aides à l'emploi et à la formation dans le projet de loi de finances pour 2004 soient ainsi dirigés vers les entreprises. On ne peut que s'en réjouir.

Je voudrais maintenant parler des jeunes. On ne peut que s'inquiéter de la hausse du chômage qui frappe surtout les jeunes et qui est liée en partie à la sortie de tous ces dispositifs artificiels qui ont été mis en place. Toutefois, des résultats encourageants peuvent d'ores et déjà être enregistrés : 100 000 contrats jeunes en entreprise ont été signés depuis leur lancement en 2002 et 250 000 sont prévus d'ici à 2006. Il y a un an, à cette même tribune, au mois de juillet, en tant que rapporteur de ce projet, je soulignais la nécessité d'aborder ce dispositif court, lisible et simple proposant aux jeunes autre chose que l'assistanat non seulement avec confiance, mais aussi avec humilité, car cette mesure a ses limites et reste perfectible.

Aujourd'hui, je suis pleinement rassuré, car le Gouvernement ne reste pas les bras croisés face à la situation de l'emploi des jeunes les moins qualifiés .Au total 470 000 contrats aidés dans le secteur marchand seront proposés. Le CIVIS vient compléter le dispositif et s'adresse aux jeunes encore éloignés du monde de l'entreprise. Fondée sur la signature d'un contrat entre le jeune et la collectivité, la démarche d'insertion repose sur un accompagnement renforcé vers l'emploi, un soutien à la création d'entreprise ou la possibilité de travailler dans une association. Moyen de responsabilisation, il permet de mettre en œuvre un projet d'utilité sociale défini personnellement par le jeune. Il permet aussi à des projets autonomes de se concrétiser en ce qu'il motive leurs auteurs. La gestion fortement décentralisée du dispositif permettra une mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés, et ce sont près de 120 000 jeunes et de 7 500 jeunes créateurs d'entreprises qui bénéficieront du dispositif dans les deux ans qui viennent.

Au-delà du CIVIS, du CIE et du RMA, je note la reconduction pour 2004 du programme TRACE qui permet un accompagnement renforcé en faveur des jeunes et je voudrais saluer l'action menée sur le terrain, dans nos villes, par les missions locales et les PAIO.

J'évoquais il y a un instant les jeunes, mais la politique de l'emploi passe également par des actions en faveur des salariés expérimentés et des seniors. Conformément à ce qui a été décidé à l'occasion de la réforme des retraites, le dispositif des préretraites doit être revu : le taux d'emploi des plus de cinquante-cinq ans est, dans notre pays, l'un des plus faibles d'Europe. Cela est regrettable puisque les salariés expérimentés ne peuvent contribuer comme ils le voudraient au dynamisme de notre économie. Alors que l'Union européenne s'est fixé comme objectif d'atteindre un taux d'emploi des seniors âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans de 50 % en 2010, l'expérience des travailleurs âgés mérite d'être valorisée dans la mesure où la diminution du nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail est inévitable.

M. Maxime Gremetz. Cela fait dix minutes qu'il parle !

M. Bernard Perrut. Mais dans le même temps, monsieur Gremetz, on doit se féliciter que, dès 2004, les personnes ayant commencé à travailler très tôt puissent bénéficier de la retraite anticipée - 500 000 personnes seront concernées d'ici à 2008. Nous devons ce progrès social unique en Europe à ce gouvernement, il faut le rappeler.

M. Maxime Gremetz. Les dix minutes sont écoulées !

M. le président. Monsieur, Gremetz, ça suffit ! Laissez parler M. Perrut !

M. Bernard Perrut. J'en viens à la formation professionnelle. La formation est au cœur de notre système économique, dont elle garantit l'efficacité. La compétence humaine, les possibilités d'adaptation et de reconversion sont fondamentales. Il faut par conséquent se réjouir de l'accord interprofessionnel sur l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle intervenu le 20 septembre dernier. Les partenaires sociaux ont tenu compte des réalités qui les concernent, au plus près du terrain et des entreprises. Evénement rare, toutes les organisations ont souscrit à l'accord. Voilà, monsieur le ministre, une belle réussite de l'initiative que vous avez lancée en direction des partenaires sociaux. La rénovation de notre démocratie sociale est en marche. Cet accord peut être qualifié d'historique.

Je voudrais aussi insister sur l'apprentissage. Les mesures présentées par Renaud Dutreil semblent positives et vont permettre de nous mobiliser en faveur de l'apprentissage. En 2004, 373 000 contrats en alternance seront ouverts, ce qui traduit un effort significatif dans ce domaine.

M. Maxime Gremetz. Cela fait près d'un quart d'heure qu'il parle !

M. Bernard Perrut. Ce budget s'inscrit dans une logique de priorité absolue donnée au retour à l'emploi. C'est l'honneur du Gouvernement de faire preuve d'audace et de faire des choix clairs pour l'avenir, suivant en cela la méthode de travail inaugurée en juin 2002. Ecoute, dialogue et concertation sont vos maîtres mots, monsieur le ministre.

Tous les acteurs sont mobilisés : les services de l'Etat, les acteurs économiques, les parlementaires, les collectivités locales. Il faut aussi saluer l'initiative du monde de l'entreprise et son opération « l'entreprise voit jeune » visant à mieux intégrer les jeunes dans la vie active.

Il est fondamental que l'économie française redevienne dynamique. Cela suppose qu'elle se libère de tous les carcans structurels et psychologiques qui ont trop longtemps brimé le marché de l'emploi dans notre pays.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Perrut .

M. Bernard Perrut. La France n'est plus l'ilôt de stabilité qu'elle était par le passé, lorsque les données de l'emploi étaient intangibles. L'emploi est au cœur de la politique gouvernementale et relève de notre responsabilité collective. La grandeur d'une société se mesure par la place qu'elle donne à chacun pour s'épanouir. Les difficultés ne doivent pas nous faire reculer. Il faut au contraire que chaque difficulté rencontrée soit pour nous l'occasion d'un nouveau progrès !

Comme le disait Georges Bernanos, « on ne subit pas l'avenir, on le fait ». Les propositions que vous faites, monsieur le ministre, vont dans le sens de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz . Cette intervention était tellement intéressante que l'on ne regrette pas qu'elle ait duré quinze minutes !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Vous avez coutume, monsieur le ministre, de nous inviter à ne pas perdre de vue les conséquences du 21 avril 2002, une date encore bien présente dans nos mémoires. Vous insistez également sur l'exigence d'intégration républicaine et sur le souci que nous devons garder à l'esprit de réduire la fracture civique et la fracture sociale. Vous avez raison, mais la question est de savoir quelles sont les réponses à apporter.

Notre conviction - et vous pouvez la partager - est que ce problème ne trouvera de solution que si nous parvenons à résoudre la question lancinante du chômage. C'est en effet le chômage qui mine l'ensemble de notre société depuis maintenant une trentaine d'années - avec quelques périodes de rémission, dont les années 1997 à 2002.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. A 2000, vous voulez dire !

M. Gaëtan Gorce. C'est la vérité, monsieur le rapporteur, vous le savez bien. De 1997 à 2001, si vous le voulez.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Début 2001, alors !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Cela ne peut pas se saucissonner !

M. Gaëtan Gorce. Comparons les chiffres ! Nous dresserons un bilan dans cinq ans, et nous verrons bien pour qui il se montrera favorable.

C'est le chômage qui remet en cause notre système d'intégration. L'autre jour, monsieur le ministre, répondant de manière assez dure à l'un de vos partenaires de la majorité, M. Bayrou, vous avez affirmé que les caricatures nourrissaient les extrémismes. Il en est de même, je crois, des décalages entre la réalité et le discours.

Or, en matière d'emploi et de lutte contre le chômage, je crains que l'écart entre le discours du Gouvernement et la réalité constatée soit si considérable qu'il produise de pareils résultats. On a laissé penser que des initiatives seraient prises et qu'un espoir était possible, mais la réalité telle que nous la connaissons, c'est une aggravation continue, forte, presque spectaculaire du chômage.

Si l'on regarde de près la situation depuis près d'une année, à quoi assiste-t-on, sinon à une dégradation qui ne fait que s'accélérer ? Vous affirmez que celle-ci a commencé en 2001, ce qui est vrai. Mais le rythme de croisière qu'elle atteint aujourd'hui ne peut que nous préoccuper : 25 000 chômeurs en plus au mois de septembre, et peut-être 160 000 ou 170 000 de plus depuis un an. Cela signifie une augmentation de plus de 8 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, et autant pour les chômeurs de longue durée. La dégradation de la situation de l'emploi est générale.

Face à ce défi, on pourrait naturellement s'attendre à ce que le Gouvernement déclare la mobilisation générale, « mette les moyens », et fasse preuve d'une véritable volonté. Malheureusement - et on le constate si l'on regarde ce budget -, votre discours, qui se veut, pardonnez-moi, un peu ronflant, cache des moyens en berne.

Nous avons assisté l'an dernier, alors que le chômage augmentait, à une première baisse - de l'ordre de 6 % - des crédits du ministère du travail. Cette année, à structure constante, si nous retirons le transfert des allégements venant du FOREC sur le budget de l'emploi, nous sommes dans une situation de baisse. Et même en prenant en compte l'ensemble des mouvements entre différents budgets, nous observons une quasi stagnation. Un tel choix est-il à la hauteur des enjeux que vous évoquez ?

Il est vrai que l'effort se porte un peu plus vers les allégements, mais à ce sujet, il ne faut pas nous tenir un double langage, monsieur le ministre : soit ces allégements sont utiles pour l'économie, et dans ce cas on ne peut que se réjouir des dispositifs que nous avions commencé à mettre en place, notamment ceux que vous qualifiez d'allégements Aubry ; soit ils pèsent sur notre budget, ainsi que vous le dénoncez assez souvent, au point de menacer notre croissance et de nous condamner au déficit et au non-respect du pacte de stabilité, et dans ce cas, il faut tenter de les réduire, et agir en vue non de leur progression, mais de leur stabilisation. Choisissez entre ces deux discours si vous voulez être compris. Nous voulons pouvoir compter sur votre honnêteté intellectuelle, qui est grande - mais je voudrais pouvoir le vérifier une fois de plus.

Caractérisé par le décalage entre les moyens et le discours, ce budget laisse une faible part à celles et ceux qui sont les plus touchés par le chômage : les moyens destinés aux publics les plus en difficulté sont en effet réduits. C'est vrai pour les chômeurs de longue durée, puisque l'on voit diminuer les crédits mobilisés pour les stages d'insertion, pour les CIF individuels ou collectifs - ils subissent près de 40 % de réduction -, mais également pour les titulaires des CES et des CEC. S'agissant de ces derniers, il faudrait regarder de près les chiffres que vous affichez. Les données méritent en effet d'être comparées soit à la loi de finances initiale, soit aux corrections que vous avez introduites pendant l'année. En tout état de cause, la comparaison avec les moyens mobilisés en 2003 laisse apparaître un retrait pour l'exercice 2004.

Ce budget a donc la dent dure pour les plus faibles ...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Oh non !

M. Gaëtan Gorce. ...et traduit une forte tentation de masquer les reculs budgétaires derrière un nouveau discours, que nous avons commencé à entendre l'an dernier, sur le développement de l'emploi marchand.

On prétend réduire les moyens sur les emplois non marchands - les CES, les CEC, les emplois jeunes, toutes ces mesures qui, au fond, se révèleraient négatives pour notre société - afin de « mettre le paquet » sur les dispositifs encourageant l'entrée dans l'entreprise.

M. Hervé Novelli. Le vrai emploi !

M. Gaëtan Gorce. Je voudrais dénoncer la double hypocrisie de ce discours.

D'abord parce que les moyens n'y sont pas. Si je calcule les sommes « économisées », entre guillemets, qu'il s'agisse des CES et des CEC, des mesures en faveur des publics en difficulté, des emplois - jeunes - plus d'un milliard d'euros -, et les compare avec les sommes que vous consacrez à ces nouveaux emplois miracles, qu'il s'agisse des CIVIS ou des contrats jeunes en entreprise , l'écart est négatif de 700 millions d'euros.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Parce qu'ils coûtent moins cher ! C'est de la bonne gestion ! Plus d'emplois pour moins de sous !

M. Gaëtan Gorce. Autrement dit, vous dissimulez sous un habillage idéologique la réduction drastique des crédits pour l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est pourquoi je dénonçais votre hypocrisie. Je comprends que cela puisse irriter la majorité car certaines réalités sont parfois difficiles à assumer, surtout quand il faut passer au vote.

M. Hervé Novelli. Oh non, cela nous fait rire, surtout venant des socialistes !

M. Gaëtan Gorce. Je suis socialiste, et j'en suis fier, que voulez-vous. Nous sommes là pour tenir le rôle de l'opposition, en attendant mieux.

Mais l'hypocrisie se déploie également sur un deuxième terrain. Comment dire à celles et à ceux qui sont privés d'emplois - notamment les plus en difficulté - que la solution va résider dans le retour à l'emploi marchand dans l'entreprise, ...

M. Hervé Novelli. Ce n'est pas ce qui a été dit !

M. Gaëtan Gorce. ...comme si d'ailleurs ils ne fournissaient pas, jusqu'alors, les efforts nécessaires pour y revenir, alors que l'on sait justement que l'emploi marchand diminue : 90 000 emplois en moins en 2003. Vous dites à ceux qui sont en difficulté : faites un effort, rentrez plus vite et plus hardiment dans l'entreprise au moment précis où celle-ci commence à refermer ses portes. Nous ne pouvons pas accepter cette hypocrisie, et nous devons la dénoncer.

Mme Nadine Morano. Avez-vous vraiment écouté le discours du ministre ?

M. Gaëtan Gorce. Mais ce qui nous pose également problème - et vous voyez , monsieur le ministre, que j'ai malheureusement quelques arguments à vous opposer -, ...

M. Hervé Novelli. Oh, bien légers !

M. Gaëtan Gorce. ...c'est aussi la manière dont cette politique est conduite. On peut en effet la qualifier de « politique du yo-yo », ...

M. Hervé Novelli. Non, Yoyo, c'était Jospin ! (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. ...tant on en saisit peu la cohérence et la continuité.

Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des CES. Dans un premier temps, vous nous avez annoncé qu'ils relevaient de cette catégorie très discutable que constituent les emplois aidés non marchands. Vous nous en avez donc proposé 80 000 à l'occasion de la loi de finances pour 2003.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Vous vous trompez, il s'agissait des CIE !

M. Gaëtan Gorce. Mais sous la pression du terrain et de l'opposition, qui s'est exprimée régulièrement sur le sujet, vous en avez rajouté pour arriver, semble-t-il, à un nombre de 240 000 pour l'exercice 2003.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Ce sont les CIE ! Vous mélangez tout !

M. Gaëtan Gorce. Nous reparlerons des CIE si vous le voulez, monsieur Bouvard. La durée de notre débat est très courte, mais nous pourrons les évoquer.

Aujourd'hui, le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, prévoit 170 000 contrats CES. Autrement dit, tout en affirmant vouloir faire un effort supplémentaire en ce domaine, vous en réduisez le nombre, en dépit des conséquences que cela va provoquer sur le terrain.

M. Christian Paul. C'est dramatique !

M. Hervé Novelli. Quelle vision figée !

M. Gaëtan Gorce. J'ajoute, s'agissant de la manière dont vous avez financé les CES supplémentaires sur l'exercice 2003, que la commission des affaires sociales n'a jamais eu le moindre élément d'information sur la manière dont les choses se sont passées.

M. Christian Paul. La commission n'existe plus !

Mme Nadine Morano. Il faut y venir, monsieur Paul !

M. Gaëtan Gorce. Voilà pour le rôle du Parlement dans l'action politique !

Je pourrais également prendre l'exemple du CIE : c'est la même politique du yo-yo qui s'applique. Vous avez annoncé un effort nouveau envers les CIE, mais il a fallu attendre juillet 2003 pour que vous vous rendiez compte de leur efficacité. Ils sont pourtant votre invention, car issus d'une promesse du candidat Chirac faite en 1995.

M. Maxime Gremetz. Promesse tenue, notons-le !

M. Gaëtan Gorce. Jusqu'en juillet 2003, et même dans ce budget, le nombre de CIE a été moins élevé que dans le budget de 2001. Celui-ci en finançait 90 000 ; aujourd'hui, vous en prévoyez 80 000, et vous allez d'ailleurs compléter le financement sur le dos des bénéficiaires de l'ASS. Voilà la réalité !

De cette politique du yo-yo, les signes sont visibles : vous faites des annonces ; elles sont contredites par la réalité ; vous faites de nouvelles annonces, à nouveau contredites, et les moyens budgétaires ne suivent pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est d'autant plus préoccupant, monsieur le ministre, que celles et ceux qui sont concernés par ces dispositifs font partie des publics les plus en difficulté, les moins privilégiés. Qui bénéficie des CES aujourd'hui ? Les femmes, pour les deux tiers, mais également beaucoup de jeunes. Ce sont les premières victimes de vos reculs.

Au total, si l'on devait regarder d'un peu plus près votre budget, on pourrait dire qu'une fois de plus, il n'a pas véritablement la tête de l'emploi.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Le mot est facile !

M. Gaëtan Gorce. Et si l'on voulait tenter de décrire son véritable visage, on noterait d'abord des yeux cernés provoqués par la montée du chômage ; puis la calvitie précoce dont il est victime, liée à la chute préoccupante des crédits ; la dent dure, ensuite, qu'il montre à l'égard des publics en difficulté ; enfin le menton fuyant, trahissant votre absence de volonté politique sur ces différents sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Au total, vu de droite, l'emploi ne présente pas son meilleur profil !

Mme Nadine Morano. Quelle caricature !

M. Gaëtan Gorce. En ce qui nous concerne, nous n'en avions d'ailleurs aucun doute.

Mais le plus consternant de l'affaire, au-delà de cette description physionomique, c'est de voir l'effet paradoxal produit par ce budget, qui atteint le résultat inverse de celui pour lequel il est conçu.

Nous pourrions attendre d'un budget du travail et de l'emploi qu'il aide à créer de l'emploi.

Mme Nadine Morano. Il le favorise !

M. Gaëtan Gorce. Or il produit l'effet contraire, et ce sont vos services eux-mêmes, monsieur le ministre, qui nous le révèlent. La DARES a en effet mesuré les conséquences des mesures que vous avez prises depuis un an, notamment celles relatives aux emplois non aidés. Près de 60 000 emplois seront ainsi supprimés sur l'exercice 2003, et on peut en attendre autant en 2004.

Autrement dit, si on mesure la contribution nette de votre budget à l'emploi, celle-ci se révèle négative. Sans compter les conséquences des mesures que vous avez prises...

M. le président. Monsieur Gorce, votre temps de parole est écoulé.

M. Gaëtan Gorce. J'ai presque fini, monsieur le président.

La croissance nationale est inférieure de 0,33 % par rapport à la croissance européenne, alors que nous avions en permanence au moins un demi-point d'avance au cours des années précédentes. Quelles sont les conséquences directes de ce décrochage sur l'emploi ? Si on l'applique aux 15 millions de salariés que compte le secteur privé, on peut considérer que l'économie française s'est vue priver, grosso modo, de 50 000 emplois supplémentaires.

En outre, la conséquence de votre décision de stopper l'application des 35 heures - M. Novelli est présent, qui pourrait en discuter -, ...

M. Hervé Novelli. Pas de provocation !

M. Gaëtan Gorce. ...est que nous ne bénéficierons pas en 2003 des 60 000 emplois gagnés en 2002.

En conclusion, je dirai que les 170 000 chômeurs supplémentaires que compte ce pays depuis que vous êtes aux responsabilités vous sont imputables en totalité. A l'occasion d'une séance de questions au Gouvernement, je me suis demandé, un mercredi, combien de « chômeurs Raffarin et Fillon » seraient provoqués par la suppression des emplois Aubry.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Des emplois Aubry ? C'était moins évident pendant la dernière année de la précédente législature !

M. Gaëtan Gorce. Eh bien, nous commençons malheureusement à entrevoir la réponse, et elle n'est pas rassurante pour notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nadine Morano. Quel moulin à paroles !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Maxime Gremetz. Nous allons chronométrer les temps de parole car on applique ici deux poids, deux mesures !

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, j'apprends à l'instant avec plaisir, au moment de monter à cette tribune, que le tribunal de commerce de Montpellier vient de décider la reprise par un groupe italien de la compagnie Air littoral et de 70 % de son personnel. Un accord sera conclu pour cinq ans. Il n'y aura donc pas de démantèlement. Cela signifie, monsieur le ministre, que nous allons devoir travailler rapidement sur le plan de reclassement des 300 employés demeurant dans l'incertitude. Bien évidemment, des perspectives sont ouvertes du côté d'Air France. Nous les avons abordées hier avec le président Spinetta. Je sais que votre ministère ne peut rester déconnecté de cette question, et c'est pourquoi je l'évoque en préambule.

Peut-on, monsieur le ministre, aborder le budget des affaires sociales sans rappeler les problèmes sociaux rencontrés par un certain nombre de rapatriés, en particulier ceux concernés par l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 ?

Sans anticiper sur le débat que nous aurons ici même dans quelques semaines au sujet des événements de la guerre d'Algérie et de leurs conséquences humaines, je souhaiterais d'ores et déjà que des mesures urgentes de justice sociale puissent être prises en faveur des 21000 rapatriés d'Algérie et des 7500 rapatriés du Maroc et de la Tunisie qui sont entrés dans le champ d'application de l'article 46 des lois de 1970 et de 1978.

Chaque dossier, c'est avant tout une famille et son histoire. Les personnes concernées ont dû subir un exode forcé, abandonnant absolument tout, laissant derrière eux leur terre, leur patrie devenue hostile.

L'article 46 est ressenti par nos compatriotes comme une injustice qu'il convient aujourd'hui de réparer ou à tout le moins d'atténuer. Et la seule façon pour l'Etat de la corriger, dans la dignité et dans l'honneur républicains, consiste à restituer aux familles les sommes prélevées en vertu de cette disposition.

De la même façon, je souhaite vous faire part de mon inquiétude concernant l'avenir des épouses et des veuves de harkis. Elles ont droit, dans la durée, à une sécurité matérielle.

Je sais que notre collègue Michel Diefenbacher a, sur ce sujet, comme sur tout ce qui concernait sa mission, réfléchi et apporté des solutions qui alimenteront notre futur débat et sur lesquelles le Gouvernement aura à se prononcer.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Il a remis un excellent rapport !

M. Jean-Pierre Grand. Et il est d'actualité.

Il n'est pas trop tôt pour envisager de poursuivre l'effort budgétaire de solidarité envers les harkis.

J'ai pour ma part le sentiment qu'il conviendrait, toujours dans un esprit de justice, que l'Etat soit particulièrement attentif aux mesures financières qu'il prendra, je n'en doute pas, en leur faveur.

Une majoration de la rente garantira, pour les années à venir, un minimum vital pour les épouses de harkis et donc la sécurité matérielle dont je vous parlais à l'instant. Cela me semble une mesure de justice incontournable.

Avant de conclure sur ce sujet, monsieur le ministre, je voudrais également plaider l'urgence qu'il y a à clôturer définitivement l'étude des quelques centaines de dossiers d'aménagement de dettes de « réinstallés » - sauf erreur, leur nombre s'élève à 853 - actuellement en cours d'instruction devant la commission.

Au-delà du problème des rapatriés, je souhaite également évoquer la situation des handicapés et des personnes âgées.

En ce qui concerne les handicapés, il n'est pas rare actuellement de les voir renvoyés dans leur foyer au moment de leur majorité, faute de place en établissement spécialisé. Chacun peut imaginer le désarroi des familles face à une telle situation.

Le même problème se pose envers les travailleurs handicapés, notamment mentaux, lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite. Les structures pour personnes âgées ne sont pas adaptées à leurs besoins.

La volonté de création de structures adaptées, largement exprimée par les collectivités locales, se heurte fréquemment aux dispositions du schéma gérontologique qui ne concerne habituellement que les personnes âgées.

L'espérance de vie des personnes handicapées mentales - et je pense en particulier à celles et ceux qui travaillent dans les CAT - a considérablement augmenté ces dernières années. Leur suivi médical, leur socialisation évidente et le mode de vie dont ils bénéficient grâce à leur emploi et aux activités qu'ils exercent participent très certainement à ce phénomène. On ne peut que s'en féliciter.

Monsieur le ministre, je rencontre de nombreux parents, souvent très âgés, qui veulent être assurés que, demain, lorsqu'ils auront quitté cette terre, ces travailleurs handicapés mentaux retraités, qui restent pour eux leur enfant à préserver, connaîtront la quiétude et la sécurité dans un établissement adapté.

Il devient donc urgent de favoriser la création d'établissements adaptés pour handicapés adultes en augmentant notamment l'attribution de subventions d'investissement.

J'appelle également votre attention sur un problème que nous, les maires, connaissons particulièrement bien dans le cadre de la prise en charge de la dépendance : celui du recrutement de personnels qualifiés. Nous nous heurtons là à de réelles difficultés que nous vous demandons de nous aider à surmonter grâce à des mesures attractives.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que ces points que je viens d'aborder sont au cœur de vos préoccupations. Pour ma part, je vous confirme mon soutien et mon vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Madame la ministre, monsieur le ministre, deux chiffres pour commencer : moins 0,2 % et plus 7,5 %. Le premier correspond à l'évolution de la richesse nationale depuis que vous gouvernez et le second à l'évolution du nombre de chômeurs pendant cette même période. Bien sûr, nous souhaiterions que ces chiffres soient inversés. Mais hélas ! votre gestion et celle de l'ensemble du gouvernement n'ont qu'un seul leitmotiv en guise de politique sociale : alléger toujours plus les cotisations sociales patronales. Vous avez beau crier haut et fort que vous n'êtes pas responsable de la conjoncture mondiale et de ces Français qui, selon vous, rechignent à travailler, le contraste n'en demeure pas moins saisissant avec la période précédente où le PIB progressait et le chômage reculait.

En un an, ce sont 150 000 personnes supplémentaires qui se retrouvent sans emploi, notamment à la suite de nombreux plans sociaux. Face à cette situation que vous ne semblez nullement maîtriser, il ne vous reste plus qu'à procéder, selon la méthode favorite des gouvernements de droite, au changement du mode de calcul. Pour enrayer la montée du chômage, allez-vous, comme MM Balladur et Juppé, supprimer - statistiquement, bien sûr - les chômeurs ? Vous avez d'ailleurs commencé à le faire avec le transfert de certains bénéficiaires de l'ASS vers le RMI.

Votre gouvernement a entamé également un processus de sape psychologique et de culpabilisation. Vous tentez ainsi de nous faire croire que les Français sont les moins travailleurs en Europe - ce qui est faux - et que les chômeurs sont dans cette situation de leur propre volonté. Eh bien, allez donc dire dans le blanc des yeux à un ex-salarié de Wolber, de Danone ou d'Alstom ou de l'une des nombreuses entreprises ayant licencié leurs salariés pour de prétendus motifs économique que s'il est au chômage, c'est sa faute ! Osez le faire et alors peut-être que vos propos conceptuels sur le rejet du travail par les Français seront confrontés au principe de réalité.

Dans le même temps, votre budget, qui est censé refléter l'effort du Gouvernement en faveur de la création d'emplois et des situations humaines difficiles, lui, régresse à périmètre constant. C'est ainsi que 700 millions d'euros sont économisés sur le dos des publics prioritaires, dont 476 millions d'euros pour les publics en difficulté d'insertion - l'amputation des crédits des CES et de l'ASS a été évoquée. Et de façon concomitante, vous inscrivez 18 milliards d'euros en faveur des allégements de cotisations pour les employeurs.

Seul un artifice comptable vous permet d'afficher un budget en hausse. Mais cette manipulation des lignes budgétaires ne trompera personne. C'est uniquement le transfert sur votre budget des 16,5 milliards d'euros d'allégements de cotisations patronale qui permet cet effet d'optique.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Où est la manipulation ? Il n'y a qu'un souci de transparence  au contraire!

M. Jacques Desallangre. Néanmoins, cette budgétisation des allégements de charges sociales consenties aux patrons présente un avantage indéniable. Elle nous permet d'en débattre. Peut-être allons-nous pouvoir les examiner enfin à l'aune de leur efficacité et de leur utilité sociale. La mode est à l'évaluation des politiques publiques ce qui n'est pas en soi une mauvaise chose. Mais dans les faits, cette évaluation est dirigée contre les populations les plus faibles.

Eh bien, pour une fois, utilisons cette méthode critique à l'égard des multiples et volumineuses exonérations dont bénéficient les employeurs. Cherchons à savoir ce qu'ils font de ces milliards que l'Etat, c'est-à-dire les citoyens, leur donne généreusement.

Permettez-moi un rapide calcul, un peu sommaire peut-être, mais qui a le mérite d'illustrer les volumes financiers dont nous parlons : 18 milliards d'euros, cela représente directement 1,2 million d'emplois au SMIC- charges comprises, c'est-à-dire la moitié du nombre de personnes actuellement au chômage. Les mesures d'allégements de charges sociales, si elles étaient socialement utiles, devraient au moins représenter le double, le triple, voire plus de ces 1,2 million d'emplois, sinon autant les embaucher directement avec les 18 milliards.

Je vous demande donc solennellement, monsieur le ministre, de vous engager à présenter dans les six mois à la représentation nationale un rapport d'évaluation de l'utilité sociale, en termes d'emploi, des 18 milliards que l'Etat donne aux employeurs. A défaut d'un travail sérieux et honnête sur l'emploi de ces 18 milliards d'euros, je proposerai la constitution d'une commission d'enquête parlementaire.

Et ne m'objectez pas, monsieur le ministre, que j'ai voté ces allégements de charges en adoptant la loi sur les 35 heures car, déjà à l'époque, j'avais refusé de voter la deuxième loi considérant que les allégements de charges consentis aux patrons ne faisaient plus l'objet d'une réelle contrepartie. En effet, l'employeur pouvait déjà bénéficier des allégements sans pour autant procéder à des embauches. Cela me paraissait inacceptable. Vos ajustements législatifs contre les 35 heures n'ont fait qu'accroître ce déséquilibre.

Monsieur le ministre, vous ne me ferez pas pleurer sur la situation des grands groupes qui captent plus de 80 % des aides de l'Etat et rémunèrent leurs patrons à des niveaux extraordinaires. L'un d'entre eux, qui a plombé son entreprise, est ainsi parti avec 330 années de SMIC.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. C'est effectivement scandaleux !

M. Jacques Desallangre. Dans ma circonscription, personne ne peut évaluer ce que cela représente.

Ces grands groupes versent aussi largement des dividendes aux actionnaires et, dans le même temps, licencient à tour de bras.

Vous allez me trouver obstiné, monsieur le ministre, mais en politique l'opiniâtreté est une vertu. Je vais donc revenir rapidement sur l'affaire Michelin. Au-delà des questions budgétaires, rien, en termes d'emploi, ne pourrait remplacer une réforme du droit du licenciement afin que, demain, les entreprises cessent effectivement de licencier pour raisons économiques alors qu'elles réalisent des bénéfices. En assurant juridiquement la prévention des licenciements massifs, on apporte une réelle réponse politique à la baisse du chômage sans avoir à gaspiller 18 milliards d'euros dont l'efficacité sociale reste à démontrer.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Madame la ministre, monsieur le ministre, c'est un bien mauvais budget du travail que vous nous présentez en cette période de hausse continue du chômage. Il souffre, en effet, d'un manque patent de moyens, du fait de la politique fiscale inconsidérée du Gouvernement qui, en faisant des cadeaux aux plus aisés des Français, réduit ses marges de manœuvre. Il souffre aussi de choix idéologiques qui se reflètent dans la répartition même des crédits.

La politique ruineuse- et non ambitieuse- d'exonération de cotisations sociales grève le budget du travail. Et ces exonérations qui doivent être compensées sont, elles aussi, des charges pour le budget de l'Etat.

Monsieur le ministre, vous ne semblez connaître que deux secteurs : le secteur marchand, qui serait le seul à proposer de « vrais emplois », et le secteur public. Vous oubliez totalement le tiers secteur associatif que vous réduisez à la roue de secours des emplois aidés pour les personnes considérées comme « non rentables » pour les entreprises. Dans cette logique, vous avez décidé de ne pas reconduire les emplois - jeunes , dispositif qu'il fallait au contraire renforcer et améliorer.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. C'est vous qui avez voté la fin du dispositif à cinq ans !

Mme Martine Billard. Pourtant, aujourd'hui, le monde associatif emploie autant de salariés que l'artisanat. C'est un secteur qui pourrait être en expansion si vous n'étiez pas en train de lui couper tous ses moyens.

Les aides sans contreparties et indifférenciées, accordées au secteur marchand, ne font pas une bonne politique de l'emploi comme le montre la limite actuelle du programme des contrats jeunes. Alors que ce dispositif est en place depuis plus d'un an, le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a enregistré une progression de 8,2 % en un an. Il montre aussi, comme je l'avais souligné lors du débat sur cette question qu'il profite principalement aux jeunes munis d'un CAP ou d'un BEP, et non aux jeunes sans réelles qualifications, tout en favorisant des effets d'aubaine et de substitution.

Quant au programme CIVIS, sa version tournée vers l'emploi d'utilité sociale semble plus restrictive que les emplois-jeunes, avec notamment l'exclusion de l'environnement dans la définition.

En ce qui concerne la formation professionnelle, le financement de la décentralisation pose problème. Les moyens d'intervention de l'Etat en faveur des contrats d'apprentissage ou de qualification baissent de 500 millions d'euros mais les transferts aux régions ne s'élèvent qu'à 437 millions. Où est passée la différence ?

De manière générale, alors que vous n'arrêtez pas de claironner l'importance de la formation professionnelle, vous réduisez les moyens plublic et les obligations des entreprises comme dans le cas des contrats-jeunes.

S'agissant du traitement social du chômage, vous réduisez les droits à l'ASS en durée et en montant. Et contrairement à ce qui est souvent annoncé, les chômeurs privés d'ASS ne passeront pas tous directement au RMI, puisque cette allocation n'est pas un droit individuel et prend au contraire en compte tous les revenus du foyer. Quant aux plus de cinquante-cinq ans, ils se voient supprimer la majoration de 40 %.

Comme, en parallèle, les préretraites sont pratiquement vouées à la disparition, il ne fait décidément pas bon se retrouver au chômage dans notre pays, passé les cinquante-cinq ans.

L'assouplissement des conditions d'entrée dans le dispositif des contrats initiative-emploi favorise encore une fois le secteur marchand au détriment du tiers secteur associatif puisque le nombre de contrats consolidés est en forte baisse. Dans le même temps, vous asséchez littéralement un autre dispositif prévu pour les chômeurs de longue durée ou au RMI : les SIFE, les stages d'insertion et de formation à l'emploi.

Alors que vous dites vouloir favoriser l'insertion par l'économie, vous réduisez considérablement les crédits du dispositif des chèques conseils, qui permettent précisément aux chômeurs d'être entourés s'ils se lancent dans la création d'entreprise.

Décidément tout le traitement du chômage et la mise en place du RMA n'ont qu'un objectif : fournir une main-d'œuvre précarisée et bon marché aux entreprises sans garantie de formation pour rebondir à l'avenir.

Comment ne pas dénoncer cette casse humaine impliquée par une telle politique ? Comment ne pas s'étonner de ce qui va se passer ? Le mouvement des chômeurs en fin de droit va en effet grandissant. J'imagine que vous êtes tous assaillis par des électeurs qui viennent vous dire que leurs allocations Assedic sont réduites ou qu'ils n'ont plus droit à une formation ou encore qu'ils n'auront pas droit à l'ASS, et qui se demandent ce qu'ils vont devenir.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. S'ils sortent des Assedic, ils ont droit à l'ASS !

Mme Martine Billard. Oui, il faut créer de l'emploi, mais pas n'importe lequel. Or, aujourd'hui, vous ne proposez de créer que des emplois précaires. Vous allez remplacer les emplois CES par des emplois du même type. Certes, ce sera dans le secteur marchand. Mais quelle garantie auront les titulaires d'un RMA d'avoir un emploi stable à l'issue des dix-huit mois de bénéfice du RMA ? Elles n'en auront pas plus qu'avec les CES dans le secteur associatif.

Vous avez une vision totalement idéologique du travail dans notre pays. Pour vous, en dehors des entreprises, point de salut. Bien sûr, l'entreprise est importante mais il y a aussi de l'emploi dans le secteur public et dans le secteur associatif. C'est d'ailleurs souvent ce dernier qui vient au secours de la politique de l'Etat. Qui, aujourd'hui, crée de l'emploi pour satisfaire les besoins en matière d'aide à domicile pour les personnes âgées ou de garde d'enfants, sinon le secteur associatif ? Or, vous êtes en train d'assécher les possibilités d'emploi dans le secteur associatif et de pousser ainsi un peu plus de gens au chômage, aux Assedic, puis à l'ASS puis, surtout, au RMI.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. Je vous accorde une suspension de séance d'une minute.

M. Maxime Gremetz. Vous vous moquez de nous ! C'est de l'irrespect !

M. le président. N'inversez pas les rôles, monsieur Gremetz !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du chapitre solidarité du présent budget me permet d'intervenir sur un sujet qui m'est cher : la politique en faveur des personnes âgées.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Georges Colombier. J'ai pris note avec satisfaction de l'engagement du Gouvernement de relancer cette politique dans le cadre du plan en cours de préparation. Je suis également heureux de constater l'intérêt gouvernemental porté à la rénovation des établissements médico-sociaux, dont 60 % accueillent des personnes âgées, et je me réjouis de l'importante progression des crédits.

L'attention portée aux personnes âgées me donne l'occasion de souligner l'importance de ce que la mission d'information sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, excellemment présidée par notre ami Denis Jacquat, a considéré comme un des points cruciaux du problème du vieillissement de notre société. Il s'agit du traitement, par notre société, du problème des personnes âgées, donc de la lutte contre l'isolement social et du renforcement de la solidarité à l'égard de nos anciens. Notre mission d'information a d'ailleurs dressé un constat édifiant de cet isolement, et l'un des participants avait soulevé le problème en le présentant ainsi : nous savons que les personnes âgées et les enfants en bas âge sont vulnérables de façon quasiment équivalente aux fortes chaleurs, or la surmortalité estivale a touché uniquement les personnes âgée ; si les efforts de notre société vers les personnes âgées avaient été de la même intensité que ceux fournis pour les enfants, il aurait été possible d'éviter en partie ce désastre. Ce constat doit nous faire tous réfléchir, il montre toute l'étendue du travail restant à accomplir.

Ce problème de perception de la personne âgée par la société a été traité en partie par la mission d'information, qui a préconisé plusieurs pistes, dont celle de visites régulières à domicile par des bénévoles associatifs. Ce genre d'initiatives permettrait de recenser les personnes âgées en difficulté qui devraient être surveillées en priorité lors de crises météorologiques comme celle de cet été par exemple, ou même en cas de crise épidémiologique, telle une éventuelle vague de grippe.

Dans cette optique, les structures associatives d'aide à domicile, mais surtout les associations et fédérations de personnes âgées, ont toute leur place et peuvent jouer un rôle de catalyseur des initiatives en organisant des visites à domicile, devenant ainsi un maillon à part entière de la chaîne de prévention et de solidarité que nous souhaitons voir mettre en place.

Ces associations doivent être reconnues à leur juste valeur. En effet, comme le dit un dirigeant de la fédération des Aînés Ruraux de mon .département, « là où ces associations existent, les personnes âgées ne doivent pas mourir ignorées. » Nous savons tous qu'il est impossible de surveiller en permanence les personnes âgées en difficulté alors que nous n'arrivons même pas à les recenser précisément. Je suis persuadé qu'au niveau local, les personnes les mieux informées demeurent les bénévoles associatifs et j'espère sincèrement que le plan à venir saura prendre en considération le rôle des associations.

Je poursuivrai mon propos en évoquant le rôle important des associations d'aide à domicile pour personnes âgées, les ADPA en ville et les ADMR en milieu rural. La fédération des ADMR a d'ailleurs récemment fait plusieurs propositions très constructives dans le cadre du plan vieillissement et solidarité à venir.

En ce qui concerne le développement des solidarités, je ne serais pas complet si je ne mentionnais le rôle des bénévoles au sein des 3 200 associations locales ADMR. Acteurs de la société civile, ils contribuent à la rupture de l'isolement, au maintien et à la restauration du lien social. Ils ont également une fonction de détection et de prévention grâce à leur action quotidienne sur le terrain auprès des personnes âgées. Il convient de soutenir et de reconnaître le bénévolat, au moyen d'actions de formation et d'accompagnement des bénévoles dans leur rôle, y compris par le financement de postes salariés d'accompagnement de proximité.

Je terminerai mon propos sur l'anticipation et l'indispensable action au niveau local,...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Très juste !

M. Georges Colombier. ... en évoquant un sujet qui est particulièrement important à mes yeux et qui, je le souhaite, ne laissera pas indifférent le Gouvernement : je veux parler de l'instauration de plans locaux de solidarité.

Ces plans, nécessairement élaborés à l'échelle locale, donc par les maires ou les présidents d'établissement public de coopération intercommunale, devront être mis en œuvre par un opérateur à l'échelon du bassin qui pourrait être, selon moi, le centre local de coordination et d'information gérontologique - le CLIC.

Il s'agira notamment de diffuser des messages de prévention, de répertorier par avance les personnes les plus fragiles, de déterminer dans leur entourage les personnes susceptibles de constituer les réseaux locaux de solidarité, de recenser les lieux frais utilisables en cas de canicule. Il s'agira aussi, éventuellement, de prévoir les conditions d'une meilleure coopération entre les professions de santé et les travailleurs sociaux, en précisant les possibilités pour les premiers de prescrire l'intervention des seconds quand ils sont confrontés à des situations le justifiant. Les plans locaux devront être articulés avec les plans nationaux et régionaux de prévention des risques sanitaires environnementaux prévus dans la loi relative à la politique de santé publique.

J'espère que mon intervention concourra à démontrer que la notion de solidarité intergénérationnelle n'est pas un vain mot, mais qu'elle représente au niveau local une force associative et organisationnelle non négligeable, sur laquelle nous savons pouvoir nous appuyer. Les réseaux de solidarité doivent être aidés et développés, car ce sont eux qui, souvent, effectuent le travail ingrat de prévention et de détection, et qui connaissent mieux que quiconque la problématique du vieillissement.

Enfin, les acteurs de ces réseaux, bénévoles ou non, doivent bénéficier d'une solide formation afin d'avoir une efficacité optimale. Je souhaite, monsieur le ministre, madame la ministre, que le Gouvernement ne manque pas de les écouter et de les soutenir lors de l'élaboration du plan sur le vieillissement. En tout cas, je sais pouvoir compter sur vous.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Les observateurs s'interrogent encore, mais je le crains plus pour très longtemps . Il s'agit de savoir, monsieur le ministre, si la politique que vous menez au sein du Gouvernement est plutôt social, ou plutôt libérale. Quand on examine, comme nous le faisons ce soir, le budget du travail, et plus particulièrement les crédits affectés à la formation professionnelle, je crois que la question ne se pose plus. L'image n'est pas brouillée, elle est au contraire très claire, et le verdict est implacable.

Il y a, monsieur le ministre, dans la partie des crédits consacrés à la formation professionnelle dans le budget de votre ministère pour 2004, comme une image de déjà-vu, mais en pire. Depuis un an, en effet, nous soulignons l'inquiétude des syndicats et des organismes gérant la formation professionnelle de centaines de milliers de salariés, et l'absence de moyens face aux défis que notre pays doit relever en matière de formation professionnelle. Nous exprimons leur souci, et donc le nôtre, de ne pas voir prise en compte dans votre budget l'anticipation de la décentralisation de la formation professionnelle. Nous manifestons aussi notre préoccupation devant le sort que vous réservez aux emplois aidés destinés aux publics les plus fragiles et les plus éloignés de l'emploi. En effet, le retour à l'emploi de centaines de milliers de personnes victimes des licenciements et de la précarité des conditions de vie et de travail dans notre pays, comme l'insertion des jeunes, doivent être des priorités absolues.

Cette année, j'ai à nouveau le regret - ce pourrait être stimulant d'un certain point de vue, mais c'est plutôt désolant - de prendre le Gouvernement en flagrant délit d'incapacité à assumer ces priorités.

Monsieur le ministre, vous ne donnez pas les moyens à la politique que vous prétendez conduire. S'agissant de l'emploi, de la revalorisation du travail, de la décentralisation, de la formation professionnelle, vous conduisez à vue, et à courte vue. Et quand tous les feux sont au rouge, vous continuez à appliquer des choix ravageurs dans le budget consacré à la formation professionnelle, qui se traduisent par l'effondrement des contrats de qualification, mais aussi par un net recul de l'ensemble des dispositifs d'insertion par l'emploi, en particulier l'emploi non marchand.

Devant la représentation nationale, je tiens ce soir à expliquer ce qu'il est permis, mes chers collègues, de qualifier de véritable contrefaçon budgétaire. Une mystification de plus dans l'action de ce Gouvernement. J'en donnerai simplement quatre exemples, mais la liste pourrait être beaucoup plus longue.

Premièrement, l'insertion par l'emploi, l'insertion par la formation et la qualification, étaient une de vos priorités affichées pour sortir les jeunes chômeurs ou des personnes peu qualifiées de la précarité. Or vous consacrez plus de la moitié des crédits de l'emploi aux allégements de charges sociales en faveur des entreprises, alors que l'autre partie du budget est en diminution. Cette baisse conduit, notamment, à la diminution des emplois aidés pour les publics les plus éloignés de l'emploi. Il a été abondamment question ce soir des contrats emploi-solidarité, je n'y reviendrai pas. Mais je souligne, une fois de plus, le caractère absolument dramatique, dans nos départements, des conditions de mise en œuvre des contrats emploi-solidarité et des contrats emploi consolidé.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Cela fait cinq ans que le nombre de CES diminue ; il diminuait déjà de votre temps !

M. Christian Paul. Sur ce point, le durcissement des critères, la réduction de la durée et la diminution des budgets mettent réellement en difficulté chacun des acteurs, à commencer par vos propres représentants sur le terrain.

L'employeur, lui, est désormais exonéré de charges, mais ces emplois aidés pourront-ils être pérennisés, dès lors que vous préférez consacrer les moyens de l'Etat pour permettre aux entreprises de percevoir une prime à la rotation de la main d'œuvre peu qualifiée à prix réduit ? De ce fait, vous donnez de la main droite aux entreprises ce que vous prenez de la main gauche aux demandeurs d'emploi et de formation, qui sont d'ailleurs parfois les mêmes.

Vos choix, concernant cette seule priorité, sont déjà aux antipodes des besoins en matière de formation. C'est vrai aussi de la politique de l'information professionnelle qui nous est présentée : vous informez les entreprises de leurs nouveaux abaissements de charges, et votre politique s'arrête là.

Vous avez par ailleurs, je tiens à le souligner, annoncer la disparition progressive du programme emplois-jeunes, et vous compromettez l'avenir du programme TRACE en laissant ses crédits inchangés, en ne faisant aucune prévision pour 2003 et 2004, alors que 90 000 demandes nouvelles ont été enregistrées en 2002.

Deuxièmement, la réforme de l'apprentissage . Vous l'annoncez mais, dans le même temps, vous réduisez au passage les crédits relatifs à l'apprentissage dans la dotation que vous transférez aux régions. Vous augmentez de 5 000 le nombre des contrats d'apprentissage, qui passeront de 230 000 en 2003 à 235 000 en 2004, mais c'est insuffisant puisque votre ministère prévoit un besoin de 240 000 emplois.

Troisièmement, un autre objectif prioritaire devait apparaître dans ce budget : la décentralisation de la formation professionnelle. Les crédits de la formation professionnelle, qui avaient d'ailleurs déjà baissé en 2003, diminue à nouveau, et je pense en particulier au budget de l'AFPA.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Vous devriez lire le rapport de la MEC, il est très instructif ! La commission des finances peut vous en fournir un exemplaire !

M. Christian Paul. Je tiens à insister sur ce point, parce que là aussi une inquiétude est en train de naître ; peut-être tenterez-vous de la dissiper ce soir. Cela dit, vous réduisez les crédits de l'AFPA, via la décentralisation. A cet égard, j'ai été très intéressé par la lecture des débats au Sénat sur la décentralisation de la formation professionnelle : M. Devedjian a déclaré devant la Haute assemblée que l'AFPA n `est pas un service public. Dès lors, monsieur le ministre, comment envisagez-vous la péréquation entre les régions des ressources consacrées au fonctionnement de l'AFPA ? Comment concevez-vous la mission de service public de ce que nous appelons l'école de la deuxième chance ? Dites-nous ce soir ce que va devenir ce service public qui assure une deuxième chance par la formation professionnelle, dès lors que nous ne savons plus quels seront, dans un cadre décentralisé, les moyens d'un pilotage national, ni même quelles seront encore les missions du service public.

Je crains que votre budget n'augure mal de ce que sera demain cette politique. Comment entendez-vous assurer l'égalité d'accès à la formation professionnelle entre les régions ? En Corse, par exemple, aucun crédit ne sera affecté à la ligne décentralisée.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. La Corse est une de vos grandes réussites politiques !

Mme Catherine Génisson. Sans doute vaudrait-il mieux que vous restiez discret sur ce sujet !

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, sauf à reconnaître devant la représentation nationale que la formation qualifiante n'est plus un service public, il faut que vous nous expliquiez selon quelles modalités seront gérés les fonds déconcentrés et quelle mission vous allez confier aux 12 000 agents de l'AFPA.

Nous craignons, après l'annonce de la suppression du monopole de l'ANPE pour l'orientation en matière d'emploi et de formation, qu'en étant mise en situation de concurrence avec d'autres entreprises de formation offrant des prestations marchandes, l'AFPA ne soit soumise au bon vouloir des régions. Ce sera une régression car cette association prend en charge depuis longtemps un vrai service public qui assure un accompagnement social des stagiaires. Diminuer notamment les crédits qui leur sont consacrés me paraît aller à l'encontre de ce que doit être la politique de l'Etat.

Quatrième exemple sur lequel je voudrais également insister : les programmes d'insertion et de requalification des chômeurs de longue durée. Leurs crédits se réduisent comme peau de chagrin, avec une baisse de près de 40 %. Concrètement, les stages d'insertion et de formation à l'emploi enregistrent une chute brutale, de même que les stages d'accès à l'entreprise.

Se pose donc, monsieur le ministre, un problème de cohérence d'ensemble de la politique du Gouvernement. Il est ô combien significatif que ce soit dans ce contexte que vous choisissiez de supprimer l'ASS pour les chômeurs en fin de droits.

Après la signature de l'accord national interprofessionnel sur la formation, on pouvait s'attendre à un autre budget et à une autre politique mais le Gouvernement n'y consacre pas les ressources nécessaires. Faut-il rappeler que cet accord englobe notamment l'accès pour tous à la validation des acquis de l'expérience, la mobilisation des salariés des entreprises sur l'emploi et la formation, le bilan de compétences à mi-carrière et le passeport formation, c'est-à-dire l'accompagnement véritable de la formation individuelle, mais aussi la création de nouveaux leviers pour l'emploi avec la mise en place du contrat de professionnalisation en alternance ciblé sur le public prioritaire, sans compter l'obligation de démarrer un certain nombre de négociations de branche ? Des centaines de milliers de salariés sont concernés et vous passez à côté de l'enjeu !

Dans la conjoncture que nous connaissons, et malgré l'annonce d'une possible reprise économique, votre budget n'est à la hauteur ni des besoins actuels, ni des besoins à venir. C'est le budget d'une France pauvre que vous présentez. Pourtant, l'ampleur des défis internationaux fait de l'innovation en matière de formation professionnelle un enjeu essentiel.

Alors que les licenciements s'accélèrent, vous subventionnez des entreprises qui détruisent des emplois et ne dégagez pas les moyens nécessaires pour répondre aux besoins de reconversion ou d'insertion par la formation professionnelle.

Pour la deuxième année consécutive, vous ne demandez ni plus ni moins aux salariés contribuables que de subventionner leur propre emploi. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Une nouvelle fois, le budget de l'emploi et de la formation professionnelle s'inscrit à contre-emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, en cette année dédiée à l'Algérie, je centrerai mon propos sur un sujet d'actualité évoqué rapidement par Jean-Pierre Grand, celui relatif aux rapatriés et aux harkis. C'est un dossier chargé d'émotion car il est difficile en la matière d'en rester aux données comptables tant, derrière le devoir de compensation, le poids du souvenir nous rappelle le travail de mémoire et la réhabilitation morale et matérielle qui restent à ce jour inachevés.

Ce n'est pas faire offense au Gouvernement que de vous dire, madame et monsieur les ministres, que le groupe UMP considère le budget consacré aux rapatriés comme un budget d'attente. Si tel n'était pas le cas, il manquerait l'essentiel et il aurait été inutile de demander à notre collègue Michel Diefenbacher un rapport sur ce sujet.

Parmi les priorités qui se dégagent, la première me paraît concerner les exilés politiques. La loi de 1982 portant amnistie totale des faits et gestes concernant la guerre d'Algérie a constitué une avancée considérable pour les militaires, les fonctionnaires et les autres agents de l'Etat. Mais élaboré dans la hâte, ce texte omettait, hélas ! les personnes exilées issues du secteur privé, tels les commerçants, artisans, employés et professions libérales. Des pourparlers furent engagés pour corriger cette injustice par voie d'amendement. On approcha si près du but qu'une certaine année, on alla jusqu'à demander aux intéressés leur relevé d'identité bancaire pour leur virer leur dû mais ils l'attendent toujours. Depuis, ils sont allés d'espérance en désillusion.

Dans ce domaine comme dans d'autres, il faut corriger les lacunes du passé. Une loi de finances rectificative pourrait-elle satisfaire leur revendication en prévoyant de leur verser une allocation forfaitaire pour compenser la perte de pouvoir d'achat qu'ils ont subie pendant les mois où ils ont été empêchés de travailler ?

La seconde exigence à laquelle il faut répondre provient des « réinstallés ». Jean-Pierre Grand a rappelé que quelques centaines de dossiers sont en attente d'examen. Il faudrait aller vite pour permettre à ceux des rapatriés qui sont éligibles de toucher les aides de l'Etat. Leur créance serait ainsi apurée alors qu'avec le temps ils se sont aux yeux de certains transformés lentement mais sûrement en quémandeurs. Je pense en particulier à ceux qui sont déjà passés en CODAIR, les commissions départementales d'aide aux rapatriés installés, et qui doivent se présenter devant la commission nationale, la CONAIR ; ils devraient être prioritaires. Des cas très épineux risquent de se poser si certains dossiers sont rejetés, mettant ainsi les candidats en grande difficulté.

Troisième priorité, les retraites des médecins. Je crois savoir que des mesures réglementaires sont en cours de finalisation mais je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez en nous confirmant que l'Etat est prêt à assumer la part qui lui revient.

Enfin, la question de l'indemnisation reste particulièrement délicate. Personne n'a la solution. Les sommes à mobiliser seraient considérables, le chiffre de 10 milliards d'euros, validé par la Commission nationale consultative des rapatriés en 2002, a été avancé mais il se pourrait qu'il soit dépassé. Ces derniers aspirent, et on les comprend, à ce qu'il se passe enfin quelque chose bien que le dossier soit très complexe. Même si l'arbitrage n'est pas rendu, le silence n'est pas de mise. Comme nous savons qu'une année ne suffira pas, il faut ébaucher un dispositif qui correspondrait à l'échéancier que les intéressés réclament dans le cadre d'une ultime loi d'indemnisation.

Quant à la communauté des harkis, qui est en train de sortir de l'oubli grâce à des ouvrages ou à des œuvres audiovisuelles, comment ne pas souhaiter à ceux qui sont arrivés au moment des événements, ainsi qu'à leurs femmes ou à leurs veuves, d'achever leur vie dans de meilleures conditions que celles que nous leur avons offertes jusqu'à présent ? S'ils peuvent bénéficier depuis le 1er janvier dernier d'une allocation de reconnaissance indexée sur le coût de la vie, ce n'est pas suffisant. Il nous faut mettre en place un crédit en capital pour finir de les indemniser de ce qu'ils possédaient en Algérie.

Pour leurs enfants, la première préoccupation demeure l'emploi et le logement. Nous ne devons pas hésiter à les faire bénéficier d'une discrimination positive.

Monsieur le président, vous qui connaissez bien le sujet, je compte sur votre indulgence si je dépasse de quelques instants mon temps de parole afin de prendre date pour le débat qui doit être consacré à cette communauté au mois de décembre. Je tiens également à me faire l'écho de la fierté qu'elle éprouve d'avoir affronté les transformations du monde, des mentalités et des frontières, aux conséquences parfois tragiques.

L'accord donné au maire de Marseille pour réaliser le mémorial national doit aller au-delà du simple geste symbolique pour faire de ce monument un vrai lieu de mémoire sur les bords de la Méditerranée.

Peut-être faudra-t-il également un jour que, dans ce travail de mémoire, la France reconnaisse certaines de ses erreurs, parmi lesquelles les événements de la rue d'Isly.

Oui, plus de quarante ans après leur retour, les rapatriés, qu'on ne devrait plus appeler ainsi, ont encore besoin de la solidarité nationale, monsieur le ministre. Il faudrait une bonne fois pour toutes répondre à leur attente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Maxime Gremetz. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 que je vais vous lire...

M. le président. C'est inutile, monsieur Gremetz, tout le monde le connaît.

M. Maxime Gremetz. Mais non, monsieur le président, c'est pourquoi je tiens à le lire.

Selon cet article, « Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention. »

J'observe, monsieur le président, que vous êtes à l'image de votre politique, c'est-à-dire dur pour les uns et très large pour les autres, au moins en ce qui concerne les temps de parole.

M. le président. Je tiens à votre disposition les temps de parole de chacun.

M. Maxime Gremetz. Ne m'interrompez pas, monsieur le président, j'ai la parole.

M. le président. Ne me donnez pas de leçon, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vous non plus, monsieur le président.

Quand l'un de nos collègues a parlé près de quinze minutes au lieu de dix, nous nous sommes contentés de le faire remarquer. Et ça vient de se reproduire. Mais quand il s'agit de M. Desallangre ou de moi-même, vous invoquez le règlement ! Ce n'est pas une façon de faire. Et le président de l'Assemblée nationale, tel que je le connais, n'apprécierait sûrement pas cette façon de faire !

Si l'on veut être extrêmement rigoureux pour les uns, il faut l'être aussi pour les autres.

M. le président. Je tiens à votre disposition les temps de parole de chacun et vous verrez que ma rigueur s'applique à tout le monde.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, loin de se stabiliser, la courbe du chômage continue de grimper au risque d'atteindre bientôt les 10 %. Les dernières statistiques fournies par le Secours catholique, et vous y avez fait allusion, monsieur le ministre, apportent la preuve que la pauvreté progresse toujours et que les familles pauvres sont encore plus pauvres.

Et c'est ce moment précis que choisit le Gouvernement pour se désengager brutalement de la solidarité nationale et de son action à destination des publics dits « prioritaires ». Il prévoit en effet dans le même budget de réduire de près de 9 % les crédits affectés au logement, de saborder l'aide médicale d'État, de démanteler la CMU, de limiter la durée du versement de l'allocation spécifique de solidarité et enfin de transférer le RMI aux départements. Pour affirmer votre résolution à faire aboutir rapidement ce dernier projet, les DDASS et les CAF prépareraient déjà sa mise en application avant même que la représentation nationale ne se soit définitivement prononcée, et alors que les associations intéressées vous demandent son retrait.

Votre budget annonce le désengagement brutal de l'Etat des politiques d'insertion dans l'emploi que vous videz de leur substance.

Vous déclarez haut et fort, et l'on vous croit, monsieur le ministre, vouloir réhabiliter le travail tandis que, sur les bancs de l'opposition, nous n'aurions d'autre projet qu'une civilisation de loisirs. Nous avons opté pour les 35 heures et la réduction du temps de travail. Ce choix, je le revendique car il s'agissait de préserver et de créer des emplois en instaurant le partage du travail. Les travaux de la mission d'information mise en place il y a quelques jours ne manqueront pas d'en apporter la preuve.

Nous souhaitons tous parvenir à une société de plein emploi, donner un travail à ceux qui n'en ont pas et empêcher les licenciements. Alors, pourquoi donc avoir mis en sommeil l'article s'y rapportant dans la loi de modernisation sociale ?

Divers dispositifs ont été mis en place à l'intention de ceux qui pour des raisons diverses restent sans emploi de façon prolongée. Nombreux ont été ceux à qui ils ont permis de garder la tête hors de l'eau ou à qui ils ont évité d'être aspirés par la spirale de l'exclusion.

Il ne s'agit pas d'assistance, monsieur le ministre, mais de solidarité. Or, les CES, les CEC et le programme TRACE, alors qu'ils ont répondu à un vrai besoin et fait leurs preuves depuis des années, font les frais de vos choix renforcés tant que la situation économique ne s'améliore pas, sont drastiquement réduits. Ces programmes ont politiques. Ces dispositifs, qui devraient être améliorés et pourtant été conçus, non pas pour favoriser l'assistanat, mais pour permettre la réinsertion d'abord sociale avant d'envisager le retour au travail, éventuellement dans le secteur marchand.

Le budget consacré aux publics prioritaires régresse de 11,6 %. Ce chiffre parle de lui-même et affiche clairement vos priorités.

C'est ainsi que sont sacrifiés les CES et les CEC. Ne me répondez pas que la dotation pour 2004 pour les contrats emploi solidarité augmente de 94 %, comme annoncé dans les documents budgétaires, car en réalité cette augmentation masque les erreurs de prévisions de l'an dernier : alors qu'il était initialement prévu de financer 80 000 CES, ce sont finalement 240 000 CES, dont vous avez dû débloquer le financement, qui ont été signés en 2003.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Cela fait cinq ans que les CES diminuent ! Mais quand vous étiez au gouvernement, vous ne disiez rien !

Mme Hélène Mignon. Je pense d'ailleurs que vous renouvelez votre erreur d'appréciation en n'en prévoyant que 170 000 pour 2004. Le même traitement est réservé aux CEC, dont la dotation baisse de 15 %.

Ces baisses injustifiées à mes yeux sont regrettables, d'autant plus que le projet de contrat unique d'insertion, qui remplacerait les CES et les CEC en les améliorant, et répondrait à une forte attente, ne semble plus être à l'ordre du jour.

Quant au programme TRACE, dont le bilan est plus que satisfaisant, comme l'ont confirmé des études récentes, il est malheureusement lui aussi victime de vos coupes budgétaires, puisque la dotation pour les bourses d'accès à l'emploi est réduite de plus de 20 millions d'euros et ne représente plus que 4,3 millions d'euros.

L'an dernier, monsieur le ministre, en réponse à ma question, vous m'aviez indiqué que le CIVIS prendrait la place du programme TRACE, mais je ne pense pas que le public touché par le CIVIS soit le même que celui du programme TRACE. Par ailleurs, je vous signale que des associations, avec lesquelles je me suis entretenue aujourd'hui, s'interrogent sur la garantie des ressources qui pourraient figurer dans le programme que vous nous présentez.

Monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure affirmé à cette tribune que le RMA assimilé à un travail valait mieux que l'assistance. Curieuse conception du travail. Faut-il voir, dans votre réflexion, du mépris à l'égard des allocataires du RMI, ou une méconnaissance des difficultés de ces hommes et de ces femmes ? Peut-être les deux. Vous savez qu'il y a eu, voilà deux ou trois ans, une diminution du nombre de bénéficiaires du RMI, parce que ceux qui étaient proches de l'emploi ont pu reprendre une activité économique à ce moment. Tous les autres ont des difficultés, non seulement à retrouver un emploi, mais à s'insérer dans la société. Il est certain que retrouver du travail directement, sans passer par la case « RMI », est encore la meilleure des solutions.

Tous les bénéficiaires du RMI ne sont pas, comme certains voudraient le faire croire, des paresseux et des tricheurs - il semble que le pourcentage d'abus soit limité à 1 % environ. Mais que leur offre-t-on avec le RMA ? Des possibilités de cumul contrats aidés - emplois marchands leur étaient déjà offertes. Si vous nous aviez annoncé aujourd'hui la possibilité pour les structures d'insertion par l'économie d'intervenir auprès de 100 000 personnes relevant du RMI, nous vous aurions sans doute demandé un engagement formel, mais nous n'aurions pas hésité à reconnaître le caractère très positif de cette mesure. Sans le passage par ces structures, dont les intervenants ont affiné au cours des années les méthodes de prise en charge de ces hommes et de ces femmes dans leur globalité, il n'y aura pas, sauf exception, de vrai retour à l'emploi.

Comment revenir brutalement dans l'entreprise quand on est sorti du circuit social depuis des mois, voire des années ? Comment se considérer comme un vrai salarié à temps partiel, quand le contrat de travail n'est qu'une attestation de l'employeur, quand le bulletin de salaire est d'un type nouveau ? Bien sûr, le bénéficiaire du RMA sera rémunéré sur la base horaire du SMIC - 20 heures par semaine - mais la plus grande partie de son salaire proviendra du RMI, qui transitera tout simplement par l'entreprise, le différentiel étant seul soumis aux cotisations retraites et chômage. De plus, s'il est prévu que le RMA ne soit pas imposé à l'allocataire du RMI, mais proposé, il n'est pas exclu non plus que dans certains départements peu enclins à favoriser l'insertion des plus exclus, le RMI soit suspendu ou supprimé pour les allocataires qui refuseraient le contrat proposé, sans contrôle de l'État, ni recours possible.

Il vous faudra davantage d'arguments, monsieur le ministre, pour nous convaincre de l'opportunité d'un tel sous-contrat dérogatoire au code du travail. Mais nous ne manquerons pas d'en débattre lors de la discussion de ce texte.

Sur le volet santé, j'ai lu avec attention le rapport de Madame Montchamp, en particulier le passage sur l'AME.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis, et M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Un excellent rapport !

Mme Hélène Mignon. À ce sujet, monsieur le ministre, j'aimerais rectifier une information que vous avez donnée en réponse à une question de Mme Lacuey. Je vous signale que l'AME ne date pas de l'an 2000. En réalité, c'est une vieille dame centenaire !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Mais elle a subi un sérieux lifting !

Mme Hélène Mignon. Il est vrai qu'avec la mise en place de la CMU, le dispositif AME ne s'adresse plus qu'à une partie de ceux qui y avaient précédemment recours. Dans son rapport, Madame Montchamp qui présente les chiffres des dépenses s'y rapportant pour 2000, 2001, 2002, 2003, parle de dérive budgétaire forte pour 2003.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Elle a raison !

Mme Hélène Mignon. Il serait bon, monsieur le ministre, que la représentation nationale soit précisément informée. Il ne s'agit pas forcément d'une dérive budgétaire nécessitant un autre dispositif, et remettant en cause l'architecture même de l'AME. En réalité, les montants cités intègrent des frais dus à des pathologies graves, notamment celles nécessitant la prise de médicaments coûteux tels que les antirétroviraux. Or, en raison de leur état de santé, et en référence à l'ordonnance de 1945, ces personnes devraient être régularisées et bénéficier de la CMU.

Comme vous le savez, des retards importants de facturation ont dû être imputés à l'année 2003 en raison des contraintes ou d'habitudes administratives.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Il y avait beaucoup de retards de factures dans les années précédentes !

Mme Hélène Mignon. Un article du Figaro du 27 octobre dernier a pu semer le trouble en citant des exemples de prise en charge concernant des personnes non résidantes, comme le roi d'Afghanistan ou un footballeur étranger. En réalité, il s'agit de dépenses de santé décidées au cas par cas par le ministère à titre humanitaire. Ces décisions discrétionnaires réservées aux non-résidents concernent en général des soins très coûteux, et il revient à l'État de fixer son enveloppe.

Cette prise en charge n'a rien à voir avec le dispositif AME qui concerne des personnes résidant en France, certes en situation irrégulière, mais aussi et surtout en situation de grande pauvreté. L'ensemble des dispositions envisagées pour rendre inopérant le dispositif de l'AME ne peut aboutir qu'à la réouverture massive de structures médicales humanitaires afin d'accueillir les personnes qui sont aujourd'hui intégrées dans le système de soins. En effet, non content de promettre à nouveau le ticket modérateur pour les bénéficiaires de l'AME, vous allez également restreindre l'offre de soins courants, ainsi que l'ouverture des droits. Les associations s'attendaient, comme elles nous l'ont fait remarquer, à être consultées sur ce sujet, et elles ne comprennent pas vos décisions. Mme Versini, interrogée récemment à ce sujet dans une émission, n'a pas apporté de réponse.

Votre budget, je le dis très franchement, est irresponsable en matière de santé publique. Vos décisions concernant la CMU et l'AME ont peut-être, à vos yeux, une vertu comptable magique, mais in fine elles coûteront cher sur le plan financier et humain. Les pathologies seront aggravées et laisseront des séquelles, car les personnes concernées remettront à plus tard - trop tard - leur demande de soins.

Votre gouvernement n'hésite pas à s'afficher comme le défenseur de la « préoccupation sociale », tradition de la République. Soyons sérieux. Le budget que vous nous présentez ce soir est le budget du mépris.

Mépris de la réalité vécue au quotidien par les familles en situation de grande détresse, alors qu'elles attendent beaucoup de votre politique.

Mépris des publics dits « prioritaires », à l'égard desquels vos choix politiques ne font que renforcer la suspicion.

En décalage complet avec le discours du Président de la République, votre budget révèle cruellement l'absence de cohérence dans votre politique de lutte contre les exclusions. Quel dommage, monsieur le ministre, de vouloir réaliser des économies sur ce budget ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. À titre d'information, je vous signale que, vérification faite, le dépassement de temps de parole de M. Kert était identique à celui de M. Gremetz.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :

M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110) ;

Affaires sociales, travail et solidarité, égalité professionnelle ; article 80 :

- Solidarité :

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 4 du rapport n° 1110) ;

- Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome II de l'avis n° 1111) ;

- Formation professionnelle :

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 5 du rapport n° 1110) ;

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome III de l'avis n° 1111) ;

- Travail :

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 6 du rapport n° 1110) ;

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IV de l'avis n° 1111).

A vingt une heure trente, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      JEAN PINCHOT