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Première séance du vendredi 7 novembre 2003

54e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2004
DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093, 1110).

BUDGETS ANNEXES DE LA LÉGION D'HONNEUR ET DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Je suis heureux, au nom de l'Assemblée, de saluer la présence, aux côtés de M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, du général Douin, grand chancelier de la Légion d'honneur, et du colonel Le Bastard, secrétaire général de l'ordre de la Libération, suppléant le général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la Libération.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, monsieur le grand chancelier de la Légion d'honneur, monsieur le secrétaire général l'ordre de la Libération, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération. Je vous dirai quelques mots rapides de l'évolution des crédits, en vous renvoyant, pour davantage de précisions, à mon rapport écrit. Je concentrerai mes propos sur l'avenir des deux budgets annexes.

Les crédits de l'ordre de la Légion d'honneur sont en baisse de 4,1 %. Cette baisse entraîne une diminution de la subvention inscrite, au profit du budget annexe, sur les crédits de la justice, les recettes propres de l'ordre augmentant de 1,1 %.

L'évolution du budget de la Légion d'honneur s'explique principalement par la baisse des crédits de paiement afférents aux opérations en capital, destinées aux travaux de rénovation du palais de Salm et des maisons d'éducation. Une part importante des autorisations de programme demandées pour 2004 sera en effet couverte sur les exercices ultérieurs.

Les dépenses de rémunération et de fonctionnement de la grande chancellerie augmentent modérément, essentiellement sous l'effet de la revalorisation du point de la fonction publique. Par ailleurs, depuis plusieurs années, les crédits destinés aux traitements versés aux membres des ordres nationaux et des médaillés militaires ne sont pas intégralement consommés. Le projet de loi de finances prévoit donc de les ajuster.

S'agissant de l'ordre de la Libération, les crédits progressent de 6,4 %. Cette hausse s'explique par l'ouverture de moyens nouveaux en faveur des dépenses de matériel et d'entretien immobilier de la chancellerie. Pour le reste, les crédits sont stables.

Les crédits ouverts en 2003 pour les secours aux compagnons de la Libération et aux médaillés de la Résistance sont reconduits en 2004 pour les mêmes montants tandis que les crédits de rémunération progressent sous l'effet de la revalorisation de la valeur du point d'indice.

Je voudrais maintenant évoquer, pour la énième fois, l'avenir des deux budgets annexes.

On s'interroge depuis un certain temps sur l'opportunité, sur le caractère constitutionnel de ces deux budgets annexes et je voudrais faire rapidement le point avec vous.

Les budgets des ordres nationaux doivent s'adapter aux nouvelles dispositions régissant les lois de finances. En adoptant la loi organique du 1er août 2001, le Parlement a en effet lancé une profonde modification du cadre de présentation et du vote du budget de l'Etat. Il a notamment défini les conditions de recours à un budget annexe de manière à interdire, à compter du projet de budget pour 2006, le maintien ou la création de « faux » budgets annexes.

La loi du 1er août 2001 devrait donc entraîner la suppression des budgets annexes non conformes à la définition organique. Sa promulgation a suscité un débat sur la possibilité de maintenir ou de supprimer les budgets annexes créés pour les ordres nationaux.

On ne peut sérieusement soutenir que l'ordre de la Légion d'honneur comme l'ordre de la Libération fournissent des prestations de services pouvant donner lieu au paiement de redevances. Mais la situation des deux ordres n'est pas tout à fait la même.

En ce qui concerne l'ordre de la Libération, la loi du 26 mai 1999 a créé, en vue de succéder au Conseil national de l'ordre de la Libération, un Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » qui, sous la forme d'un établissement public à caractère administratif financé par une subvention inscrite au budget de l'Etat, sera chargé de veiller à la sauvegarde de l'ordre. Cet établissement verra le jour lorsque le Conseil de l'ordre de la Libération ne pourra plus réunir quinze membres. Cependant, le Conseil de l'ordre de la Libération a déjà pris les devants et, à compter du 1er janvier 2005, un établissement public administratif transitoire sera mis en place. On peut donc considérer le problème comme résolu.

En revanche, le sort du budget annexe de la Légion d'honneur n'est pas encore tout à fait réglé. Trois solutions sont envisagées : le maintien du budget annexe, son intégration au budget général sous la forme d'un programme spécifique, ou la création d'un établissement public.

En fait, l'intégration dans le budget général de l'Etat ne semble pas correspondre à la nécessité de maintenir une identité de l'ordre de la Légion d'honneur et une distanciation par rapport au mécanisme en place. Quant à la solution du budget annexe, je l'ai dit, elle ne correspond à rien puisqu'il n'y a aucune prestation qui pourrait justifier le versement d'une redevance. La mise en place d'un établissement public spécifique d'ordre administratif faisant à son tour l'objet d'un budget annexe semble plus conforme à l'histoire et à la particularité juridique de l'ordre de la Légion d'honneur.

Au terme de cette réflexion, je vous suggère, mes chers collègues, de retenir une construction institutionnelle de cette nature et, dans cette perspective, je vous invite, me conformant à la tradition, à émettre un vote favorable aux crédits tant de l'ordre de la Légion d'honneur et que de l'ordre de la Libération.

M. Pierre Cardo. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l'examen des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération, aussi formel soit-il, revêt à notre sens une importance considérable : il est la manifestation de la reconnaissance de l'Etat à l'égard tant de ces institutions que de ceux qu'elles honorent, et la présence aujourd'hui du grand chancelier de la Légion d'honneur et du secrétaire général représentant le chancelier de l'ordre de la Libération me permet une nouvelle fois de leur manifester directement ce respect. Permettez-moi d'y associer en outre le général Simon, qui nous a quittés cette année et qui fut le digne représentant des héros de la Libération.

Les ressources du budget annexe de la Légion d'honneur sont constituées par les recettes propres de la Légion d'honneur ainsi que par la subvention versée par le ministère de la justice.

En 2004, ce budget annexe atteindra 17,89 millions d'euros en recettes et en dépenses, soit une diminution de crédits de 4,12 % par rapport à l'exercice précédent.

Les recettes propres, d'un total de 1,43 million d'euros, soit une augmentation de 1,11 %, sont constituées principalement par la perception des droits de chancellerie, des pensions et trousseaux des élèves des maisons d'éducation.

Parallèlement, la subvention budgétaire qui vous est proposée s'élève à 16,47 millions d'euros, soit une diminution de 4,55 % par rapport à l'année précédente, laquelle résulte essentiellement de la diminution des crédits de paiement afférents aux opérations en capital des maisons d'éducation.

En ce qui concerne les dépenses, les dotations de fonctionnement qui assurent le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services ainsi que l'action sociale menée par la grande chancellerie sont portées à 16,80 millions d'euros, soit une légère augmentation de 0,18 %. Sur ce total, 1,09 million d'euros est destiné à régler les traitements des 112 903 membres du premier ordre national et des médaillés militaires.

Il vous est par ailleurs proposé d'accorder à l'ordre de la Libération un budget annexe de 678 727 euros, soit une hausse de 6,44 % par rapport au budget de l'année 2003. Cette évolution, au-delà de la revalorisation de 0,70 % des rémunérations publiques, est justifiée essentiellement par l'acquisition d'un véhicule de service et par celle d'un logiciel de comptabilité, dans l'objectif de la transformation du budget annexe en établissement public.

Les crédits affectés au fonctionnement de l'administration centrale de la grande chancellerie et des maisons d'éducation représentent 15,75 millions d'euros, consacrés pour plus des trois quarts aux charges de personnel.

La grande chancellerie assure avec constance un secours aux membres des ordres nationaux ou à leurs familles ; un budget de 52 730 euros est reconduit cette année dans cet objectif. L'ordre de la Libération consacrera à cette mission 62 352 euros pour l'année 2004.

Les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite et les concessions de la médaille militaire constituent la mission première de la grande chancellerie. Elles ont en 2002 concerné 13 600 citoyens français, hommes et femmes, civils et militaires, de tous statuts et de toutes conditions sociales et professionnelles. Cinq cents décorations ont été concédées à des ressortissants étrangers, soit à la faveur des promotions annuelles présentées par le ministère des affaires étrangères, soit à l'occasion de voyages officiels du Président de la République à l'étranger ou de visites de chefs d'Etat à Paris.

Cela s'inscrit dans la politique de déflation et de rigueur voulue par le général de Gaulle et assurée avec autorité et constance par les grands maîtres de la Légion d'honneur successifs, destinée à conforter le prestige de notre premier ordre national tout en l'ouvrant, à la faveur du temps de paix, à certaines activités de caractère civil, relevant notamment du domaine de l'enseignement, de la recherche et de la technologie, du commerce extérieur, de la formation professionnelle, de la santé, de la solidarité nationale.

Le décret du Président de la République du 14 février 2003, qui fixe les contingents de croix de la Légion d'honneur et du Mérite pour la période 2003-2005, poursuit cet effort en faveur des activités civiles, consolidant ainsi l'universalité des ordres nationaux, afin qu'ils restituent d'année en année une image fidèle de la société française.

De son côté, l'ordre de la Libération compte 117 membres, dont il ne restera un jour que les cinq communes qui, par la bravoure de leurs habitants, contribuèrent à la libération de la France. A ce chiffre s'ajoutent les quelque 5 000 médaillés de la Résistance française survivants. L'avenir de l'ordre sera assuré par la création d'un conseil national des communes « Compagnons de la Libération », établissement public administratif qui verra le jour lorsque le temps ne permettra plus de réunir le Conseil de l'ordre. Un établissement public administratif à caractère transitoire devrait être créé à compter du 1er janvier 2005, ce qui entraînera de facto la disparition du présent budget annexe.

C'est l'occasion pour moi de répondre ici aux interrogations de votre rapporteur sur la conformité du budget annexe de la Légion d'honneur à la loi organique du 1er août 2001. Il semble en effet que le statut actuel ne puisse être pérennisé, mais, comme pour tout cas particulier, il est bien délicat de trancher. Depuis 1829, l'ordre de la Légion d'honneur, personne morale, fait l'objet d'un budget annexe, qui présente la particularité de bénéficier d'une autonomie de trésorerie.

La chancellerie s'engage à mettre en œuvre, en accord avec le ministère du budget, la solution la plus acceptable, tant dans le respect de l'institution que de celui de la loi, dans le souci de maintenir un lien clairement individualisé avec la représentation nationale et cette autonomie budgétaire à laquelle l'ordre est attaché.

Mais revenons au contenu même des budgets qui vous sont aujourd'hui soumis.

Les dépenses en capital prévues en 2004 au titre du budget annexe de la Légion d'honneur représentent 1,46 million d'euros en autorisations de programme et 1 million en crédits de paiement. Ce dernier est essentiellement consacré cette année à l'entretien des bâtiments de la grande chancellerie et de ses maisons d'éducation.

A travers ses deux maisons d'éducation de Saint-Denis et de Saint-Germain-en-Laye, la grande chancellerie de la Légion d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de 1 000 élèves, filles, petites-filles et arrière-petites-filles de membres des deux ordres. Selon une habitude bien établie, les résultats obtenus aux examens à la fin de l'année scolaire 2002-2003 par les élèves des maisons d'éducation ont été excellents : 93,39 % des élèves ont obtenu le brevet des collèges, 96,50 % le baccalauréat et 85 % ont obtenu un BTS. Ces résultats, fondés non sur la sélection des meilleures, mais sur la qualité de l'éducation et de l'enseignement dispensés, sont le meilleur gage de la pérennité de ces institutions.

Le prestige de nos ordres nationaux appelle la célébration de leur histoire. L'année 2002 a vu celle du bicentenaire de l'ordre de la Légion d'honneur et du cent cinquantième anniversaire de la médaille militaire. La fin de l'année 2003 verra la commémoration, plus discrète, du quarantième anniversaire de l'ordre national du Mérite, en attendant qu'en 2004 soient rappelées solennellement les premières remises d'insignes par Napoléon aux Invalides, le 15 juillet 1804, et au camp de Boulogne, le 16 août 1804.

Il était et il reste important que ces anniversaires soient célébrés. Mais, tout en assurant pleinement son devoir de mémoire, l'ordre de la Légion d'honneur se veut aussi une institution moderne, ouverte aux évolutions de la société de son temps, soucieuse d'utiliser au mieux les fonds publics qui lui sont confiés, de moderniser sa gestion, de s'assurer une ouverture internationale.

C'est sans doute la plus belle leçon que nous ait donnée la célébration du bicentenaire de l'ordre que celle de la vigueur maintenue, après deux siècles d'existence, d'une des plus anciennes institutions républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le grand chancelier de la Légion d'honneur, monsieur le secrétaire général de l'ordre de la Libération, mes chers collègues, plus de deux cents ans après sa création, la Légion d'honneur reste la plus élevée et la plus enviée des décorations nationales. Elle demeure une des grandes œuvres de Napoléon Bonaparte, qui, aujourd'hui, à l'instar du code civil, du Conseil d'Etat ou encore des grandes écoles, contribuent à la grandeur et au rayonnement de notre pays.

La Légion d'honneur comme l'ordre national du Mérite permettent en effet à la nation d'honorer toutes celles et tous ceux qui se sont distingués par leur talent ou leurs mérites éminents au service du rayonnement de la France ou de l'intérêt de la collectivité nationale. Je souhaiterais à titre personnel que notre monde politique s'attache à ce que ces critères soient les seuls qui conditionnent l'attribution de ces distinctions, afin qu'elles conservent leur caractère exceptionnel et qu'elles ne soient pas simplement une marque de complément de notabilisation.

Le projet de budget de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite leur permettra d'assumer leurs fonctions essentielles, notamment la gestion et la conservation du patrimoine immobilier, celle des nominations et promotions, ainsi que la responsabilité des maisons d'éducations.

En effet, ce budget atteindra en 2004, 17,89 millions d'euros en 2004. S'il accuse une baisse de 4,12 % par rapport à l'année dernière, c'est en raison de la diminution de la subvention inscrite sur les crédits de la justice. Cette subvention, qui représente plus de 90 % des ressources, passe en effet de 17,2 à 16,5 millions d'euros, soit une diminution de 4,55 % par rapport à 2003, et un retour au niveau de 2002. Quant aux recettes propres, elles augmentent de 1,1 % pour atteindre 1,42 million d'euros en 2004. Cet accroissement s'explique par une légère augmentation des prix de la pension et du trousseau des élèves. En revanche, les droits de chancellerie restent stables depuis leur majoration de 10 % en 1998.

En ce qui concerne les dépenses, dans la mesure où le budget annexe de la Légion d'honneur est présenté en équilibre, elles connaissent une diminution symétrique à celle des recettes, soit 4,12 %, pour atteindre 17,89 millions d'euros.

A ce titre, ce sont les dépenses en capital, et en particulier les crédits de paiement, qui diminuent, en raison notamment du ralentissement du programme de rénovation des maisons d'éducation. Ce dernier avait été une des priorités du budget précédent, qui lui avait consacré plus de 800 000 euros. Cette priorité était légitime au regard de la mission éminente des maisons d'éducation : assurer, comme l'a souligné M. le secrétaire d'Etat, l'éducation d'un millier de filles, de petites-filles et depuis peu d'arrière-petites-filles de membres français de l'ordre. Les deux maisons d'éducation que comptent notre pays, celles de Saint-Denis et celle des Loges, sises dans notre département, monsieur le secrétaire d'Etat, se distinguent par des taux de réussite scolaire extrêmement élevés, que vous avez rappelés. Ces résultats sont fondés, non sur un recrutement élitiste, mais sur le travail d'équipes pédagogiques compétentes et motivés, dotées de moyens adaptés.

En revanche, les autorisations de programme augmentent cette année de près de 11 %. Elles sont destinées essentiellement à financer les opérations prévues à la grande chancellerie, qu'il s'agisse de la restauration du musée national de la Légion d'honneur ou de celle du palais de Salm.

Les dépenses de fonctionnement, quant à elles, restent stables, excepté les dépenses de personnel qui augmentent de 2,6 % par rapport à la dotation ouverte en 2003. Cette progression s'explique notamment par une revalorisation du point de la fonction publique et non par une augmentation du nombre d'emplois budgétaires.

Les contingents de décorations ont fait l'objet d'une gestion exemplaire, qui a visé non seulement à maîtriser le nombre des nominations et des promotions, conformément aux souhaits du général de Gaulle, mais également à renforcer le caractère universel de leur attribution, selon le vœu du Président de la République.

D'une part en effet, ces distinctions ont été davantage ouvertes à certaines activités de caractère civil, comme l'enseignement, la recherche, la santé ou la solidarité nationale. D'autre part, les femmes représentent désormais un quart des décorés de la Légion d'honneur et un tiers des récipiendaires de l'ordre national du Mérite. Et j'espère que leur nombre progressera encore.

En ce qui concerne le budget de l'ordre de la Libération, sa dotation est cette année en hausse de 6,4 %, alors qu'elle avait diminué de 17,5 % l'an dernier du fait de la non-reconduction des crédits ouverts en 2002 pour la réfection des locaux de la chancellerie.

A propos de cet ordre, je tiens à saluer l'initiative identique des deux gouvernements précédents tendant à transformer le Conseil national de l'ordre de la Libération en Conseil national des communes « Compagnons de la Libération », établissement public financé par une subvention inscrite au budget de l'Etat. Ce dispositif, que nous avons adopté à l'unanimité en 1999, permettra d'assurer la pérennité de l'esprit de l'ordre de la Libération, qui est appelé à perdre la totalité de ses membres.

En revanche, il nous faudra trouver d'ici à deux ans une solution pour la grande chancellerie, dans la mesure où l'avenir du budget annexe de l'ordre de la Légion d'honneur semble compromis car contraire à la loi organique du 1er août 2001. A ce titre, il est indispensable solution pour la grande chancellerie, dans la mesure où de dégager une solution qui préserve la particularité de la grande chancellerie ainsi que le caractère régalien de la Légion d'honneur et le lien constitutionnel qui la relie au chef de l'Etat.

Pour l'heure, le projet de budget annexe qui nous est présenté permettra à l'ordre d'assumer les missions qui sont les siennes depuis sa fondation, et de s'adapter à l'évolution de notre société. C'est pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP le votera.

BUDGET ANNEXE DE LA LÉGION D'HONNEUR

M. le président. J'appelle les crédits du budget annexe de la Légion d'honneur :

« Crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés : 17 555 789 euros. »

« Crédits ouverts à l'article 49 au titre des mesures nouvelles :

    « Autorisations de programme inscrites au paragraphe I : 1 460 000 euros ;

    « Crédits inscrits au paragraphe II : 338 500 euros. »

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 49 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)

BUDGET ANNEXE DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le président. J'appelle les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération :

« Crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés : 640 627 euros. »

« Crédits ouverts à l'article 49 au titre des mesures nouvelles :

    « Autorisations de programme inscrites au paragraphe I : 0 euro ;

    « Crédits inscrits au paragraphe II : 38 100 euros. »

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 49 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE

M. le président. Nous abordons la discussion des crédits du ministère des affaires étrangères.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires étrangères et la francophonie. Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous êtes un ministre qui se préoccupe de son administration. Organisation, évaluation, maîtrise des dépenses publiques, autant de sujets auxquels vous n'êtes pas indifférent. Vous avez impulsé une action de réforme, au travers d'expérimentations, au travers du plan d'action stratégique 2004-2007 orchestré, élaboré, coordonné par un comité de pilotage placé sous la responsabilité du secrétaire général du Quai d'Orsay, et au travers de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure.

Les parlementaires que nous sommes ont un réel besoin d'action, notamment dans l'amélioration des performances de l'économie et du modèle administratif. Or, d'une façon générale, il existe parfois un décalage entre la vigueur des propos ministériels et le rythme de mise en application des réformes. Dans le cas du ministère des affaires étrangères, la volonté du ministre est claire et permanente depuis dix-huit mois. Il n'y a ni changement de cap ni rupture de rythme mais, sur le terrain, notamment dans le réseau ou à propos de l'évolution de la LOLF, il y a parfois plus de timidité. De même, si les expérimentations affichent une bonne volonté certaine, elles manquent parfois singulièrement d'ambition.

Le budget est indissociable de la réforme. Sans une réforme de structure, donc sans redéploiements, une réelle maîtrise des coûts se solderait par un affaiblissement du rayonnement de la France à l'étranger. A cet égard, 2004 est une année charnière. Si l'objectif de maîtrise des coûts est parfaitement atteint, au-delà même des instructions du Premier ministre, si le ministère des affaires étrangères est, à mon sens, « vertueux », et beaucoup plus que d'autres, l'objectif de réforme des structures reste à atteindre, au plan interne comme au niveau interministériel.

J'évoquerai d'abord le projet de budget proprement dit.

Les crédits prévus au projet de budget du ministère des affaires étrangères s'élèvent à 4,22 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,52 %. Cette évolution fait suite à la très forte hausse de 13,34 %, enregistrée en 2003 et principalement due à la budgétisation des crédits du FED et à un salutaire exercice de sincérité budgétaire. Le budget total du ministère des affaires étrangères représente 1,52 % du budget général de l'Etat, c'est-à-dire qu'il revient à son niveau des années quatre-vingt-dix. Hors FED, il en représente 1,32 %.

Vous le savez, les affaires étrangères n'ont pas le monopole de l'action extérieure de la France : selon une vision comptable, le ministère représente 44 % de cette action. Toutefois, avec 2 milliards d'euros, vos crédits représentent 63 % de l'ensemble de l'APD.

Il s'agit d'un projet de budget de rigueur, qui affiche des priorités.

Avant de l'examiner en détail, je tiens à souligner que la maîtrise des dépenses a aussi été obtenue en 2003 par des mesures de gel budgétaire plus ou moins bien acceptées, à hauteur de 250 millions d'euros, soit 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. En revanche, vous avez bénéficié, monsieur le ministre, d'un effet de change favorable, ce qui n'a pas toujours été le cas les années précédentes, correspondant à 56 millions d'euros. Cependant, nous n'éviterons pas, semble-t-il, une ouverture de crédits supplémentaires pour le FED lors du collectif de fin d'année.

La rigueur est concrétisée par un certain nombre de mesures dans le budget du ministère.

La première consiste dans la réduction des effectifs et du train de vie. Les crédits de rémunérations et de fonctionnement diminuent de 2,37 %, passant de 1,54 milliard à 1,50 milliard d'euros, soit 35,6 % du total des crédits du ministère, contre 37,4 % en 2003 et 41,2 % en 2002. Davantage de moyens sont donc consacrés à l'action plutôt qu'à la rémunération ou au fonctionnement. Cela permet de dégager plus de moyens pour les interventions.

La réduction des effectifs et des dépenses de personnel est tout aussi significative. Les effectifs budgétaires diminueront de cent seize postes, soit 46 % des départs en retraite non remplacés, ce qui correspond à l'objectif d'un fonctionnaire du deux. Les effectifs totaux sont de 9 293 agents si l'on s'en tient au périmètre strict des emplois.

Les crédits de rémunérations passent de 773 à 740 millions d'euros, diminution obtenue par la baisse du nombre d'emplois et par la réforme des indemnités de résidence. Celle-ci permet d'économiser 28 millions d'euros, dont 20 millions d'euros seront consacrés aux économies et 8 millions d'euros à un redéploiement vers les administrations centrales et les recrutements de personnels locaux, ce dont il convient de se féliciter.

La rigueur budgétaire se traduit en outre par une forte maîtrise des moyens de fonctionnement. Ils sont stables, passant de 316 à 315,2 millions d'euros. Un effort est porté sur les réceptions et les voyages, dont les crédits suscitent toujours l'attention. Ce poste qui, l'an dernier, avait beaucoup augmenté en raison de la tenue d'un G8, diminue cette année de plusieurs millions d'euros.

Il convient également de noter une rationalisation des crédits de fonctionnement du réseau, pour 5,4 millions d'euros, qui ne sont pas aujourd'hui affectés.

Les crédits de fonctionnement comportent un élément un peu original : 3,7 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à un intéressement aux résultats de l'activité des services de visas lorsque le niveau des recettes dépassera celui de 2002.

Les crédits de fonctionnement des institutions culturelles à l'étranger, et elles sont nombreuses, sont stables, à 51 millions d'euros, avec deux mouvements contraires mais qui concourent au même objectif : d'un côté, une rationalisation du réseau qui se traduit par une baisse de 2,4 millions d'euros et, de l'autre côté, une revalorisation de la rémunération des recrutés locaux, à hauteur de 2 millions d'euros. Je rappelle que plus on augmente les rémunérations des recrutés locaux, plus on diminue les rémunérations des expatriés, ce qui aboutit à une économie.

A noter enfin le ralentissement des investissements immobiliers : les crédits de paiement diminuent de 10 % pour s'établir à 42 millions d'euros, et les autorisations de programme diminuent également. C'est donc un cercle vertueux qui s'engage avec aussi le gel d'un certain nombre de grands chantiers et peut-être une vision plus rationnelle des investissements immobiliers sur l'ensemble de notre réseau.

Au-delà des mesures de rigueur, on observe des stabilisations, y compris de crédits, et cela a fait débat, qui auraient, dans une période budgétaire plus faste, mérité d'être augmentés. Vous les avez stabilisés, et c'est bien.

C'est le cas des contributions de la France : les contributions obligatoires s'élèvent à 679 millions d'euros dont plus de 50 % sont réservés au système onusien. Quant aux contributions volontaires, on note un effort très marqué en faveur du fonds multilatéral unique pour la francophonie avec 10 millions d'euros supplémentaires, ce qui correspond à 49 % de l'ensemble des crédits volontaires.

L'audiovisuel est stabilisé à 165 millions d'euros, ce qui représente un effort substantiel pour le ministère des affaires étrangères : il s'agit de près de 10 % de ses crédits d'intervention. On remarquera qu'il n'y a pas, cette année, de traduction budgétaire du projet de chaîne française d'information internationale...

M. François Loncle. Il n'y en aura jamais !

M. Eric Woerth, rapporteur spécial, pour les affaires étrangères et la francophonie. Si, cher collègue !

Celui-ci pourrait, bon an, mal an, exiger 70 millions d'euros par an, ce qui nécessiterait des redéploiements dans les crédits de l'audiovisuel.

L'agence pour l'enseignement français à l'étranger, dont nous avions beaucoup débattu l'année dernière, scolarise 160 000 élèves, dont 43 % de jeunes Français et 10 % de boursiers. Les crédits de l'AEFE, d'un montant de 332 millions d'euros, enregistrent une baisse de 6 millions d'euros. Cette baisse n'est pas imputable à des éléments affectant le fonctionnement direct de l'agence. C'est l'effet de change et la réforme des indemnités des expatriés qui sont en cause. Bref, je pense que la capacité opérationnelle de l'AEFE n'en sera pas affectée. Mais son fonds de roulement se réduit maintenant à peu de chose.

Un certain nombre d'autres investissements de politique internationale sont stabilisés.

Après de longues années de diminution, les crédits de la coopération militaire et de défense connaissent une stabilisation et restent à 93,5 millions d'euros, avec la volonté de changer aussi dans ce domaine.

Parallèlement à la rigueur et aux stabilisations d'un certain nombre de crédits, des moyens supplémentaires sont affectés à des priorités, financées par des économies à hauteur d'environ 100 millions d'euros : 80 millions d'euros en diminution de crédits et 20 millions d'euros si on joue sur l'absence de revalorisation des crédits et sur l'inflation, soit une somme significative qui permettra de dégager des marges de manœuvre. Vous pouvez ainsi consolider les instruments d'aide au développement. Ainsi, je le rappelle, le fonds européen de développement, qui pesait 218 millions d'euros en 2002 et 496 millions d'euros en 2003, pèsera 565 millions d'euros en 2004. La progressivité est donc extrêmement importante.

Notons aussi la forte progression des crédits d'investissement de la coopération. Nous nous situons dans la droite ligne des autorisations de programme ouvertes en 2003. Les crédits de paiement augmentent de 25 % pour le fonds de solidarité prioritaire, qui s'établit à 140 millions d'euros, et de 15 % pour les dons de l'agence française de développement.

Parallèlement, on observe une nouvelle hausse des concours financiers avec 159 millions d'euros, soit une augmentation de près de 30 % ; une augmentation de l'aide budgétaire d'urgence ; une augmentation de l'ajustement structurel et des C2D, les contrats de désendettement-développement - il s'agit plutôt d'ajustement structurel au regard de la consommation des crédits que de contrats de développement.

On assiste aussi à un renforcement de la place de la francophonie au sein de la coopération culturelle et technique et donc des moyens supplémentaires réservés au rayonnement de la francophonie dans le monde.

S'agissant du financement de la réforme de l'asile, l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés voient leurs crédits augmenter de 34 %, avec 10 millions d'euros ; de plus, 196 agents supplémentaires sont prévus. Ce n'est jamais assez, mais l'effort est suffisamment méritoire pour être souligné, et cela en cohérence avec les annonces du Gouvernement en la matière.

Pour la sécurité des Français à l'étranger, on note une petite amélioration avec quelque 2 millions d'euros supplémentaires.

Du point de vue budgétaire, le ministère des affaires étrangères est un ministère plutôt vertueux, car peu dépensier. Des réformes sont aujourd'hui dans les cartons. Si on veut rendre la dépense plus efficace, si on veut consacrer plus de moyens à l'action extérieure de la France, il faut évidemment continuer à réformer et à redéployer, mais des marges de manœuvres peuvent exister.

Dans la perspective de la loi organique relative à la loi de finances, vous menez une expérimentation limitée à cinq pays où une enveloppe globale de moyens - moyens de fonctionnement et de personnel - est attribuée pour l'ambassade et les postes consulaires. Cette expérimentation apparaît en réalité assez marginale. Elle se confond déjà avec des expérimentations qui ont été menées ici ou là. Elle n'est peut-être tout à fait à la hauteur des attentes. Une expérimentation, c'est d'abord une rupture et en l'occurrence celle-ci est un peu timide.

La structuration de la LOLF est source de désaccords assez profonds entre le ministère des affaires étrangères et Bercy. Vous appelez de vos vœux une mission d'action extérieure de la France, monsieur le ministre, alors que l'action regroupant l'aide publique au développement a la préférence de Bercy. Mon sentiment est qu'il faut tout faire pour aboutir à une mission d'action extérieure de la France, à une globalisation des crédits correspondant aux capacités de la France à développer sa politique à l'extérieur.

Au-delà se pose le problème des programmes. Il existe plusieurs versions d'organisation des programmes relevant de la LOLF. La dernière version n'appelle pas de satisfecit particulier de notre part, et nous espérons qu'elle pourra évoluer. Le premier programme est plutôt un programme fourre-tout ; le deuxième correspond en gros au périmètre de la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement ; le troisième est un programme de support. Nous sommes donc très en deçà de l'esprit et de l'ambition de la loi organique.

S'agissant de la préfiguration des plafonds d'emploi, même si elle est plus satisfaisante qu'auparavant, elle ne concerne pas l'ensemble des emplois relevant du ministère des affaires étrangères.

Quant à la réorganisation des services extérieurs du ministère, il faut rationaliser les réseaux, surtout les réseaux culturels et les réseaux consulaires qui aujourd'hui peuvent parfaitement l'être, notamment grâce aux moyens modernes de communication. Nous pouvons compter sur votre volonté dans ce domaine et saluer les actions en profondeur qui sont menées.

Il faut aussi créer les conditions d'une réelle interministérialité. Je sais que vous l'appelez de vos vœux. C'est difficile, particulièrement en France, où tout est souvent un peu complexe. Il est nécessaire que les budgets « pays » soient interministériels pour éviter des îlots de richesse.

Mener des expérimentations de budgets « pays », de budgets LOLF, c'est bien, mais il faut, je le répète, que ces budgets soient interministériels. Consulter ou informer un ambassadeur sur les budgets pilotés par les autres ministères n'est pas suffisant.

Ce partage doit conduire à des économies d'échelle, ce qui a déjà été obtenu par des rapprochements ponctuels. On peut essayer de fixer un objectif, probablement de 10 % sur l'ensemble des moyens hors intervention des moyens de fonctionnement, globalisés, interministériels, consacrés au fonctionnement des réseaux. Cela aboutirait à une économie de 160 millions d'euros, sur plusieurs années, et vous permettrait de mieux redéployer vos crédits, monsieur le ministre.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Woerth.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial, pour les affaires étrangères et la francophonie. Les efforts consentis par le ministère sont importants et méritent d'être soulignés. Il conviendrait en 2004 de ne pas céder à la facilité - je pense à Bercy - et de préserver certaines dépenses de toute mesure de régulation. A cet égard, je pense tout particulièrement aux crédits destinés à la formation des personnels, à l'équipement informatique et à l'entretien du patrimoine. Ces mesures sont des sources d'économies futures. Or elles sont toujours touchées en premier par les mesures de gel, ce qui est une erreur.

L'influence politique de la France dans le monde est-elle directement liée au volume des crédits accordés au ministère des affaires étrangères ? Certes non. Beaucoup d'autres facteurs interviennent, et vous le savez mieux que personne.

Cependant, les choix stratégiques portant à long terme, sur le réseau dans sa partie plus politique que consulaire ou culturelle, sur l'ensemble des actions de renforcement de la francophonie ou encore sur l'aide au développement, dépendent beaucoup des moyens qui leur sont consacrés.

Si, dans un environnement économique et financier extrêmement contraint, on ne peut décemment plaider pour une augmentation des crédits, l'effort doit alors puissamment porter sur la réforme des structures et cela au-delà même du ministère des affaires étrangères. La clé d'un renforcement cohérent des moyens consacrés à l'action extérieure de la France passe par le renforcement de l'interministérialité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Messieurs les ministres, après un examen approfondi du projet de budget, je tiens à dire très clairement que vous avez réussi, dans un contexte budgétaire très contraint, à dégager les moyens d'action permettant de faire face à nos responsabilités et à nos légitimes ambitions sur la scène internationale.

Nous pouvons l'affirmer et le démontrer car la baisse des crédits du titre III ne se fait pas détriment du service. Tous les postes seront pourvus : efforts de redéploiement, économie sur le système des primes, augmentation des recrutés locaux, économies sur le fonctionnement courant et le train de vie, plus grande efficacité et rationalité de notre organisation. Tout cela permet des gains substantiels qui n'affectent pas notre capacité opérationnelle.

Je tiens à le dire à l'intention de ceux qui auraient une lecture superficielle de ce budget et qui, à la vision du titre III, concluraient que les moyens d'action diminuent, car il n'en est rien. Notre capacité opérationnelle reste intacte.

Je tiens à le dire aussi à l'intention de ceux qui auraient oublié que cet effort de rationalisation n'est pas nouveau puisqu'il est engagé depuis environ une dizaine d'années. Il est clair qu'on ne pourra éternellement le poursuivre. Mais en tout état de cause, ce budget permet de faire face à nos responsabilités.

C'est de surcroît un budget qui permet de tenir les engagements pris devant l'opinion française et internationale. L'aide publique au développement connaît une hausse de 9,5 %, après un creux en 2000 et 2001. Elle passera en 2004 de 0,32 % à 0,43 % du PIB. M. le ministre Wiltzer sait que la partie de l'effort qui nous reste à faire pour arriver à 0,50 % en fin de législature sera paradoxalement la plus difficile. Mais nous sommes en très bonne voie pour tenir cet engagement.

La coopération multilatérale représente une part importante, mais la coopération bilatérale n'est pas négligée. Elle représentait 62 % de notre aide en 2001 et elle en représentera 72 % en 2004.

J'entends dire que les remises de dettes ne correspondraient pas à un effort financier et budgétaire de la France ou qu'elles ne donneraient pas de disponibilités nouvelles pour des actions sur le terrain. Si c'est le cas, pourquoi ne pas avoir agi plus tôt ? Pourquoi avoir attendu pour faire ces remises de dettes et mettre en place le contrat désendettement-développement qui a été initié l'an dernier ?

En réalité, ce sont bien des moyens nouveaux qui sont donnés aux pays en développement. Ceux-ci, au lieu de rembourser des annuités de dettes, investissent ces moyens dans des programmes de lutte contre la pauvreté.

Ce budget finance aussi les autres priorités annoncées : crédits pour la sécurité de nos expatriés, aide sociale, francophonie, engagements pris à Beyrouth par le Président de la République, crédits nouveaux pour accompagner la réforme de l'asile. L'asile est aujourd'hui totalement placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et les dossiers qui étaient autrefois traités par le ministère de l'intérieur dans le cadre de l'asile territorial seront maintenant instruits dans le cadre d'une procédure d'asile conventionnelle et subsidiaire par l'OFPRA, l'office français de protection des réfugiés et apatrides, d'où l'augmentation des moyens et, nous l'espérons, la résorption des délais d'instruction.

Sous l'impulsion de Renaud Muselier, on a assisté à une redynamisation, qui n'est pas passée inaperçue, de l'action humanitaire d'urgence de la France à l'étranger. Nouveaux partenariats avec les ONG, les entreprises, les collectivités territoriales, cohérence et efficacité des outils publics d'intervention : tout cela fait que cette action contribue de manière forte à l'image de notre pays dans le monde en lui permettant de répondre présent parmi les premiers pour assister des pays confrontés à une catastrophe humanitaire.

Enfin, la baisse continue, depuis bien des années, des contributions volontaires à l'ONU et de la coopération militaire est stoppée.

Il faudra dès que possible - en 2005 peut-être - remonter le niveau de ces crédits. C'est nécessaire pour permettre la montée en puissance des partenariats en Afrique, pour la sécurité de ce continent. C'est aussi nécessaire pour exercer à l' ONU toute notre influence au sein des organes spécialisés.

Ce budget est bon parce qu'il prépare l'avenir.

Il s'inscrit dans le « plan d'action stratégique Affaires étrangères 2007 » et dans une perspective de modernisation de nos outils, de formation des personnels, d'adaptation à la nouvelle donne géopolitique et donc aux nouvelles missions de notre diplomatie.

Il prépare ainsi le ministère des affaires étrangères à soutenir avantageusement la comparaison avec les autres réseaux de l'Etat à l'étranger, dans une vision d'ensemble de l'action extérieure de l'Etat.

Cependant, nous sommes nombreux ici, et sur tous les bancs, à espérer, monsieur le ministre, que le ministère des affaires étrangères puisse retirer les dividendes de sa vertu budgétaire...

M. Jacques Myard. C'est de la flagellation !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères.... et ne soit pas prioritairement la cible, comme il est de tradition, et comme cela a été particulièrement le cas en 2003, des régulations budgétaires.

En 2003, les régulations ont concerné 250 millions d'euros, soit 15 % des dépenses qui n'ont pas un caractère obligatoire. C'est la partie efficace du budget qui est amputée

L'année 2003 a certes été celle où l'écart entre la croissance prévue par les instituts de conjoncture et la réalité a été le plus fort. On peut donc s'attendre à ce que ne se reproduise pas une régulation de cette ampleur.

Nous pouvons espérer que l'exercice 2004 sera moins difficile. Mais, si régulation il y a, ne devrait-elle pas frapper prioritairement les grands ministères dépensiers qui n'ont pas fait les mêmes efforts de rationalisation que le ministère des affaires étrangères ?

On parle aujourd'hui de 3 milliards d'euros d'économies nouvelles à trouver dans le budget de l'Etat. C'est moins de 1 % du budget total de l'Etat. Il serait inacceptable que le ministère des affaires étrangères, compte tenu des efforts déjà engagés, soit sollicité de manière déraisonnable.

Ce budget s'inscrit enfin dans la perspective d'une vision globale de l'action extérieure de l'Etat, qu'il s'agit, dans son ensemble, de rendre plus rationnelle.

Rappelons que les crédits du ministère ne représentent que 44 % des dépenses consacrées à l'action extérieure de l'Etat.

Il nous faut donc soutenir, dans le cadre de la LOLF, ainsi que Eric Woerth l'a souligné, la constitution d'une mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. Jean-Claude Lefort. Que fait le Premier ministre ?

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Elle se heurte actuellement à un certain nombre d'oppositions.

Bercy serait disposé à créer un programme APD, mais refuse de constituer un programme isolant les dépenses de la DREE, c'est-à-dire des missions économiques à l'étranger, qui sont pourtant officiellement des services des ambassades.

Certes, l'interministérialité progresse sur le terrain, puisque vous avez signé avec Francis Mer le 10 juin une convention portant sur le renforcement de la coopération entre le ministère de l'économie et le ministère des affaires étrangères. Ce n'est pas la LOLF qui réglera les problèmes de terrain car il y a tout un travail concret à faire dans les postes. Mais nous devons poursuivre la réflexion, pour aboutir à la constitution d'une mission extérieure interministérielle « Action extérieure de l'Etat ».

Pour autant, si le ministère veut réussir à convaincre les autres ministères de respecter l'esprit de la LOLF, il faut qu'il soit lui-même exemplaire sur la définition de ses propres programmes. Je partage les réflexions faites par M. Eric Woerth sur ce sujet.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit, lors de la réunion de la commission des finances, que vous étiez disponible pour poursuivre la réflexion sur cette question. Je pense que nous devons trouver une autre solution que celle qui est actuellement dans les cartons et qui ne nous met pas « dans les clous » de l'esprit de la LOLF et qui peut nous exposer à des critiques. Ce serait dommageable car le ministère a fait beaucoup d'efforts pour se placer dans l'esprit de la réforme.

Nous avons bien noté votre disponibilité et votre ouverture sur cette question. Je pense que nous pouvons ensemble aboutir à une présentation qui nous permettra ultérieurement d'être en capacité d'assumer un programme interministériel concernant l'action extérieure de l'Etat.

Ce ne sont pas seulement les commissaires des affaires étrangères qui sont pour cette formule. M. Michel Bouvard, qui préside la mission relative à la réforme du budget de l'Etat, au sein de la commission des finances, souligne dans son rapport d'étape publié en juillet 2003, que les ministères dans leur ensemble ont tendance à avoir des programmes « fourre-tout » pour le personnel. Il dénonce cette pratique, qui n'est pas propre au projet actuel du ministre des affaires étrangères.

Il indique que les programmes interministériels ne seront pas très nombreux car il faut pouvoir isoler dans un programme un volume de dépenses suffisant. Mais certains programmes doivent s'imposer en termes d'efficacité : la sécurité intérieure, l'action extérieure de l'Etat et l'aide publique au développement, la recherche.

Il y a peu de programmes interministériels, mais celui consacré à l'action extérieure pourrait être porté par l'ensemble des parlementaires. Il correspond à la fois à l'esprit de la LOLF et à une capacité d'isoler des programmes significatifs au sein des différents ministères.

Il faut que tous les interlocuteurs comprennent que la LOLF n'a pas pour objectif de casser les outils existants. Il ne s'agit pas de retirer tel ou tel crédit à la gestion de tel ou tel service. Mais il s'agit d'avoir une présentation, un contrôle, un suivi budgétaires qui permettent, dans la transparence, de regarder tous les programmes qui concourent à l'action extérieure.

Je pense que nous devrions, grâce à un dernier effort, aboutir, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre, à la constitution d'une mission interministérielle d'action extérieure.

En conclusion, ce budget 2004 témoigne de la volonté de réforme du ministère et de sa capacité à s'adapter à la nouvelle donne internationale.

Il prend toute sa part de la nécessaire rigueur budgétaire mais permet, grâce aux redéploiements internes et aux efforts sensibles consentis sur les dépenses courantes, de financer les priorités et de tenir les engagements annoncés.

Dans un contexte économique difficile, il est, je le pense sincèrement, le meilleur budget possible.

C'est enfin un budget qui est placé au service d'une politique qui a retrouvé toute sa force et toute sa lisibilité sur la scène internationale.

Sous l'impulsion du Président de la République, et grâce à votre action, monsieur le ministre, chacun sait aujourd'hui combien notre pays apporte de réflexions, de propositions et d'efforts pour construire une régulation de la mondialisation.

Une régulation politique, qui s'appuie sur le respect de la légalité internationale et une réforme de l'ONU, et qui a montré, ce qui n'a pas été suffisamment souligné, l'Iran signant le protocole additionnel du traité de non-prolifération, qu'elle pouvait aboutir à des résultats concrets. Il vaut mieux avoir ce type de démarche que d'être dans un rapport de forces, où d'ailleurs les forces ne pourront pas s'aligner indéfiniment, quelle que soit la puissance de ceux qui les détiennent.

M. Jacques Myard. C'est vrai !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Bravo donc pour cette réussite diplomatique !

Il est dommage que les succès de cette nature soient moins médiatisés que les échecs qui donnent lieu à des catastrophes. Mais la prévention, l'action intelligente ne font pas très longtemps la une des médias.

Voilà un succès remarquable, qui s'appuie sur notre conviction que l'ordre mondial international doit reposer sur le respect de la légalité et le dialogue ouvert, franc et loyal.

Une régulation économique, telle que Jacques Chirac l'a plaidée au G8, où il s'est fait le défenseur d'un monde plus équilibré, d'une mondialisation au service de l'homme.

Il est vrai que c'est la France qui aujourd'hui porte le plus fort, le plus haut dans le monde cette vision d'une organisation de notre planète porteuse de plus d'espérances pour chacun. C'est une ambition forte, une ambition extrêmement motivante pour nous tous. Il importe de le souligner.

C'est aussi une action pour la paix et la solidarité entre les peuples, qui se manifeste dans notre aide au développement, comme dans l'engagement de nos soldats aux côtés des Africains pour la stabilité d'un continent où se jouera de plus en plus, dans les prochaines décennies, une part importante de l'avenir de l'Europe.

Pour toutes ces raisons, je vous recommande, mes chers collègues, d'adopter les crédits des affaires étrangères pour 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les affaires étrangères.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la commission de la défense a fait porter son examen des crédits des affaires étrangères sur trois éléments : les cotisations françaises à l'ONU, les dépenses relatives à l'Europe de la défense, et enfin les crédits de la coopération militaire.

La commission de la défense a estimé, une nouvelle fois, que les crédits alloués pour les deux premiers points étaient suffisants. En effet, cette année comme les précédentes, la France aura tenu à assurer la solidité financière de l'ONU, aussi bien par ses cotisations au budget ordinaire qu'au budget des opérations de maintien de la paix, montrant ainsi sa volonté de voir l'organisation internationale être le lieu principal des règlements des crises internationales contre les tentatives unilatérales.

La politique menée en matière de sécurité et de défense européenne mérite, également que les crédits qui y sont consacrés soient approuvés. Avec les opérations Concordia en Macédoine, mais surtout Artémis au Congo, l'Union européenne a montré une première capacité à gérer de vraies crises ouvertes. Le récent Conseil européen de Bruxelles a conclu, à l'unanimité des Etats membres de l'Union, à la nécessité d'une politique étrangère et de défense commune. Si la création d'un état-major européen permanent pour conduire la gestion opérationnelle des crises fait encore débat, l'idée d'une force militaire de l'Union européenne distincte de l'OTAN commence à s'affirmer.

Mais cette année, plus encore que l'an dernier, c'est sur la situation de la coopération militaire et de défense que je voudrais consacrer ma présentation.

En 2003, les crédits de la coopération militaire étaient passés pour la première fois sous les 100 millions d'euros pour se situer à 93,5 millions d'euros. J'avais exposé que cette évolution budgétaire était en contradiction avec la politique du ministère des affaires étrangères lui-même.

Dès lors qu'en Afrique la volonté de la France n'est pas forcément d'intervenir directement dans la durée lorsqu'il y a une crise, mais de faire en sorte que les interventions pour le maintien de la paix soient d'abord le fait des pays africains eux-mêmes, il paraissait logique que la France travaille à ce que les forces de ces pays soient aussi opérationnelles que possible.

Or l'ampleur de la contraction des crédits de la direction de la coopération militaire et de défense allait désormais clairement contre cette politique.

Le projet de budget pour 2004 ne traduit aucune amélioration. Les crédits de la DCMD sont simplement maintenus. Ce maintien n'est malheureusement qu'apparent : en effet, la DCMD termine l'année 2003 avec 11,7 millions d'euros de dettes envers le ministère de la défense, à qui elle doit rembourser la rémunération de personnels détachés. Une part de ces 11 millions d'euros correspond par exemple aux opérations de formation de l'armée afghane, que la France assure avec les Américains. Nous sommes face à une diminution de fait de plus de 12 % des crédits de la coopération militaire.

Qui plus est, tirant sans doute les conclusions de l'impossibilité pour la DCMD d'amorcer une coopération de défense du niveau et du volume requis hors d'Afrique, le conseil de défense qui s'est tenu en mai dernier est revenu sur la réorientation géographique instituée par le conseil de défense de 1998, lequel avait confié la coopération de défense au ministère des affaires étrangères. La DCMD est désormais invitée à se recentrer sur le domaine habituel de l'ex-coopération militaire du ministère de la coopération : l'Afrique. Le reste de la coopération militaire, considéré en fonction du type d'opérations mené soit comme de la coopération opérationnelle, soit comme de l'assistance aux exportations, est laissé aux armées.

Celles-ci prennent du reste leurs responsabilités. Ainsi, l'état-major des armées indique que 200 postes d'officiers vont être ouverts au sein des état-majors multilatéraux, notamment européens, à ces fins. Ces postes, qui s'ajoutent aux 477 postes des armées à l'étranger remplaceront sans doute avantageusement en Europe les vingt postes de coopérants militaires permanents dans les pays d'Europe centrale et orientale qui vont être supprimés dans l'année qui vient, alors que la DCMD a eu tant de mal à les ouvrir.

Il n'est du reste pas certain que ce transfert de responsabilités suffise à sauver la conduite de la coopération militaire avec l'Afrique, depuis le ministère des affaires étrangères. Le nombre de poste de coopérants militaires, qui était en 2002 de 390, va passer à 349 en 2004.

L'état des dotations de matériels affectées au programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, le programme RECAMP, dont le financement incombe à votre ministère, est critique et le prochain exercice n'est pas financé.

Des programmes d'équipement de certains pays avec des dons de matériels français anciens, d'habitude rénovés sur les crédits de la DCMD, vont s'interrompre. Ils vont être remplacés par des prêts de matériels anciens des armées, remis en état aux frais de celles-ci.

Hors d'Afrique, la coopération, à quelques éléments près, sera désormais conduite par le ministère de la défense : la décision a, de fait, été prise.

En Afrique, par l'intermédiaire des attachés de défense et des forces prépositionnées pour les actions civilo-militaires, le ministère de la défense renforce sa position.

Dans ce véritable naufrage de la coopération militaire au ministère des affaires étrangères, un élément positif d'organisation apparaît cependant. A la suite d'un conseil de défense au premier semestre de cette année, il a été décidé de créer un dispositif de pilotage de la coopération militaire et de défense commun aux ministères des affaires étrangères et de la défense.

En revanche, les capacités de contrôle par le Parlement des actions de coopérations militaires effectuées par les deux ministères s'amenuisent. En effet, le ministère de la défense ne dispose pas de crédits identifiés directement affectés à la coopération.

Monsieur le ministre, en diminuant les crédits de la coopération militaire vous vous privez d'un outil indispensable à la conduite de la politique extérieure de la France par votre ministère. Si le dispositif de coopération militaire y gagne aujourd'hui en cohérence, il va falloir en tirer les conséquences sur le plan budgétaire. L'année 2004 devra donc être pour vous celle des choix.

Malgré ce constat alarmant, la commission de la défense nationale et des forces armées a adopté l'ensemble de vos crédits.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la coopération et le développement.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la coopération et le développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l'an dernier, j'élargirai mon propos à l'ensemble de l'aide publique au développement, sans me cantonner aux stricts crédits de la coopération, dont mon collègue Eric Woerth assure déjà le contrôle.

II s'agit d'un champ à la fois plus restreint que les crédits de la coopération - de nombreuses actions de coopération n'ont pas pour destinataires des pays en voie de développement - et beaucoup plus large : les crédits de coopération ne représentent même pas la moitié de l'aide publique au développement au sens ou l'entend le Comité d'aide au développement de l'OCDE, enceinte faisant autorité en ce domaine.

A Monterrey, la communauté internationale s'est fixé des objectifs ambitieux en termes de réduction de la pauvreté. Pour cela, un développement de l'aide publique au développement est indispensable. Celle-ci a fortement régressé depuis le début des années quatre-vingt-dix, la confiance aveugle dans le marché qui animait alors les principales organisations internationales les empêchant d'intégrer cette dimension, de même que les théories économiques qui les inspiraient étaient incapables de penser le rôle de l'Etat et sa spécificité en tant qu'acteur économique, dans leur modèle économique.

Or, aujourd'hui, il est évident que la seule intégration au marché international - la globalisation financière, comme l'on dit - ne saurait suffire à assurer le développement des pays les plus pauvres. Au contraire, elle semble freiner ce développement. L'aide publique au développement est donc indispensable pour accompagner, corriger et diriger ce développement, de même que l'Etat est indispensable pour réguler et dynamiser l'activité économique d'un pays. Certaines infrastructures, certaines dépenses ne trouveront pas de financement dans le marché et il convient donc de leur trouver un financement public.

Défendre l'aide publique au développement, c'est donc militer pour un modèle de développement plus équilibré, qui ne se réduit pas au respect des sacro-saints fondamentaux économiques.

La France, forte d'une puissante expérience en ce domaine, a décidé de prendre part à ce renouveau de l'aide publique au développement, après presque dix ans de chute de l'effort d'APD exprimé en pourcentage du PIB. Le Président de la République a annoncé un objectif ambitieux de 0,5 % du PIB - contre 0,32 % en 2000 - consacré à l'APD d'ici à la fin de la législature.

A cet égard, nous semblons en bonne voie aujourd'hui puisque ce taux devrait atteindre 0,41 % en 2003 et 0,43 % en 2004. J'aimerais me réjouir de cette progression, mais une analyse plus fine en révèle les faiblesses. En effet, l'essentiel de cette progression est imputable à la montée en puissance des annulations de dette accordées par la France au titre de l'initiative « Pays pauvres très endettées » - la PPTE, comme disent les spécialistes - : 1,1 milliard d'euros d'annulations en 2002, 1,9 milliard d'euros en 2003 et 2,05 milliards d'euros en 2004.

Pour autant, au moment de la mise en place de ce dispositif, le gouvernement français s'est engagé sur un principe d'additionnalité, qui veut que les annulations de dette viennent en sus des efforts faits par chaque pays en faveur du développement. Le Gouvernement ne saurait dès lors se contenter d'une augmentation mécanique des décaissements au titre des annulations de dette en l'accompagnant d'une baisse du niveau d'intervention des instruments bilatéraux d'aide publique au développement.

En outre, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2005, quand la plupart des pays auront franchi toutes les étapes du processus PPTE, leur montant va rapidement diminuer, risquant d'entraîner dans leur chute le montant global de l'APD si les autres supports ne progressent pas rapidement pour prendre le relais.

Quels sont ces autres supports ? Il s'agit des outils classiques de l'aide publique au développement que sont le Fonds de solidarité prioritaire, l'Agence française de développement ou bien les crédits d'intervention gérés par la DGCID.

Malheureusement, ces supports ne bénéficient pas à ce jour de crédits leur permettant de faire face. Ils ont d'abord été très durement touchés par la régulation budgétaire, et ce malgré leur caractère « prioritaire ». Les gels ont aussi bien touché les crédits initiaux que les crédits reportés de 2002 sur 2003, rendant la gestion 2003 catastrophique.

La DGCID a été obligée de revoir à la baisse l'ensemble de ses opérations : les bourses de longue durée, l'assistance technique ou encore les subventions et commandes aux opérateurs.

Le FSP est passé à deux doigts de la cessation de paiement cet été et l'AFD connaît aujourd'hui une situation de trésorerie difficile. Pour ces deux supports, une ouverture de crédits de paiement en loi de finances rectificative est indispensable. Cela est-il prévu ?

Qu'en est-il dans le projet de loi de finances dont nous débattons aujourd'hui ?

Les crédits d'intervention au mieux stagnent et parfois régressent.

Le chapitre 42-15, qui finance la coopération culturelle, scientifique et technique du ministère des affaires étrangères, baisse de 2,92 %, pour s'établir à 514,59 millions d'euros. Les articles les plus affectés par cette baisse sont ceux relevant, en totalité ou en majeure partie, de l'APD :

Moins 10,6 millions d'euros pour l'appui aux organismes concourant à des actions de coopération ;

Moins 7,3 millions d'euros pour l'appui local aux projets de coopération ;

Moins 6,5 millions d'euros de crédits concernant le transfert de savoir-faire.

En revanche, je me félicite de l'augmentation de la dotation inscrite à l'article 20 « Bourses, échange et formation ». Elle passe de 114 à 120 millions d'euros, soit une augmentation de 5 %.

Les crédits de la coopération décentralisée inscrits au chapitre 42-13 baissent de 9 %.

Et s'agissant du soutien aux organisations de solidarité internationale, les OSI, le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit qu'une dérisoire augmentation de 3 500 euros sur l'article 10 du chapitre 42-15, soit une dotation de 7 306 193 euros. Avec les reports de charge prévisibles de 2003 sur 2004 et les gels encore plus prévisibles, les axes de cofinancement en faveur des OSI devraient être significativement réduits en 2004.

Les subventions d'investissement par contre augmentent, ce dont je me réjouis. Le ministère des affaires étrangères semble avoir abandonné la politique d'affichage consistant à ouvrir des autorisations de programme en masse sans que les crédits de paiement suivent.

Les crédits de paiement inscrits au projet de loi de finances pour 2004 augmentent donc de 118 millions d'euros. Les crédits du Fonds européen de développement progressent de 69 millions d'euros.

Deux questions se posent. En 2002 et en 2003, la dotation initiale a été insuffisante pour couvrir les appels à contribution, obligeant la France à payer des indemnités de retard. La prévision est-elle plus précise cette année ? Par ailleurs, où en est-on s'agissant de la budgétisation du FED ?

Ce sont 21 millions d'euros supplémentaires qui sont affectés à l'Agence française de développement et les crédits du Fonds de solidarité prioritaire passent de 112 à 140 millions d'euros, soit une progression de 25 %. C'est la progression la plus forte enregistrée depuis très longtemps et on ne peut que se féliciter de ce retournement de tendance, même si l'on est encore loin des niveaux de 1995, avec 200 millions d'euros !

Reste à éviter deux écueils, qui expliquent mon scepticisme quant à ce projet de loi de finances :

Un report de charges trop important de 2003 sur 2004, les crédits de paiement supplémentaires ne servant alors qu' à apurer la mauvaise gestion de 2003 ;

Un nouveau gel des crédits pour cause de régulation budgétaire, l'année 2003 ayant montré que, malgré son statut de « priorité du Gouvernement », l'aide publique au développement n'était nullement à l'abri des gels et annulations de crédits.

Je serai donc, sans doute comme tous mes collègues, particulièrement attentif à l'exécution de votre budget, messieurs les ministres, afin que vos paroles se transforment en actes concrets. Ma crainte est que les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement ne servent encore une fois de variable d'ajustement budgétaire, comme en 2003, mettant à mal toutes les belles promesses.

Dernier point que je souhaiterais aborder : la mise en œuvre de la loi organique. Il est aujourd'hui très difficile pour un parlementaire, et a fortiori pour un citoyen, d'avoir une vision claire de l'effort de la nation en faveur des pays en voie de développement. L'aide au développement mise en œuvre par la France souffre toujours d'un manque de lisibilité et de transparence. D'ailleurs, cet outil de transparence qu'est le jaune « Coopération avec les pays en voie de développement » n'a toujours pas été refondu, contrairement à la décision du CICID du 14 février 2002. Quelles sont les raisons de ce retard ?

La mise en œuvre de la LOLF est également une occasion unique de rétablir une certaine lisibilité dans ce domaine. Or l'architecture que vous nous proposez aujourd'hui est très insatisfaisante au regard de l'aide publique au développement. Ses crédits sont en effet disséminés entre les trois programmes prévus, sans aucune logique.

Cela est d'autant plus étonnant que vous aviez précisément envisagé une telle nomenclature dans votre plan d'action stratégique « Affaires étrangères 2007 ». Trois programmes étaient alors prévus : action de la France en Europe et dans le monde ; un réseau au service de l'Etat et des citoyens ; solidarité à l'égard des pays en développement.

Cette architecture me semble beaucoup plus rationnelle et, surtout, de nature à permettre une identification claire des crédits consacrés à l'APD au sein du ministère. Il est très regrettable qu'elle ait été abandonnée. C'est pourquoi la commission des finances a adopté l'observation suivante :

« La commission des finances, de l'économie générale et du Plan, constatant le caractère insuffisant de la nouvelle architecture budgétaire du ministère des affaires étrangères telle qu'elle est prévue aujourd'hui, souhaite que soit mis en place un programme "aide publique au développement". »

Précisons que la constitution d'un programme APD au sein du ministère des affaires étrangères ne préjuge en rien de l'éventuelle constitution d'une mission interministérielle pour laquelle deux projets s'affrontent : une mission interministérielle « APD » ou bien une mission plus vaste « Action extérieure de la France ».

Je conclurai en précisant que la commission des finances a, contre mon avis, ce qui est bien regrettable (Sourires), adopté les crédits de la coopération et du développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement.

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la coopération et le développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le contexte international montre l'importance des problèmes des pays du Sud. L'échec, à Cancun, du sommet de l'OMC a mis plus que jamais en relief l'urgence d'une politique d'aide extérieure à l'égard de ces pays. Nul citoyen ne peut se désintéresser du Sud, notamment de l'Afrique. La situation mondiale a changé la donne et les crises récentes ont rappelé à toutes les puissances que les voix des pays du Sud comptaient sur la scène internationale et que les échanges politiques, économiques et culturels avec ces pays étaient essentiels.

Il faut que l'aide publique au développement, la coopération multilatérale, mais aussi bilatérale, soient des éléments essentiels de la politique extérieure de la France, qui doit s'efforcer de faire partager cette vision à ses partenaires européens.

Pour l'exercice 2004, les lignes budgétaires consacrées à cette action semblent prometteuses si aucun gel budgétaire n'intervient. En effet, dans un contexte de forte rigueur budgétaire, le budget du ministère des affaires étrangères augmente de 2,61 % et l'aide publique au développement, qui mobilise 46 % du budget, y est considérée comme une priorité. C'est en effet l'augmentation de l'APD qui explique cette hausse globale. Hors crédits dédiés à l'APD, le budget est présenté en baisse de 1,26 %.

Parmi les membres du G8, la France demeurera donc le premier contributeur d'aide publique au développement. Ainsi, malgré les critiques acerbes de la Commission européenne sur son déficit budgétaire, la France s'efforce de respecter son engagement d'atteindre un niveau d'APD de 0,7 % du PIB dans les années à venir, comme le Président de la République en a pris l'engagement.

Je voudrais insister sur un point : la France serait-elle pénalisée parce qu'elle souhaite accroître son aide aux pays pauvres, très endettés, conformément aux engagements des pays développés de la communauté internationale ?

Le seul effort de remise de la dette des pays les plus pauvres consenti par la France s'intègre au pourcentage du déficit budgétaire de 3,6 % du PIB prévu pour l'exercice 2004. En atteignant près de 2 milliards d'euros, dont près de 1,5 milliard pour les seules remises de dettes aux pays les plus pauvres, ces aides représentent près du quart des 9 milliards d'euros de l'excès de déficit que la Commission européenne reproche à la France.

Pour résumer, c'est pour suivre les recommandations de l'Union européenne en matière d'aide aux plus pauvres, à travers l'APD, que nous subissons ses reproches !

Le gel des crédits sur les exercices 2002 et 2003 a gêné considérablement les actions de coopération extérieure de l'Etat et particulièrement celles engagées au titre de l'APD bilatérale, la seule qui soit directement perçue par les populations et les Etats concernés comme venant de la France. Ce gel a obligé la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement, à procéder à un abattement de 18 % sur ses crédits et à revoir l'ensemble de sa programmation.

De même, la baisse de 10 %, prévue dans l'exercice 2003 et due à la régulation budgétaire, des crédits consacrés au volontariat associatif a gêné l'action des associations. Pour 2004, il faut absolument éviter la brutalité de ces pratiques et surtout maintenir l'APD bilatérale à son niveau initialement prévu dans le budget pour 2004, faute de quoi la plus grande partie de l'aide publique française au développement transiterait par le fonds européen de développement, sans visibilité spécifique sur le terrain ni possibilité d'influer sur les décisions, alors que le besoin d'une aide provenant de France est exprimé dans toute l'Afrique et au-delà.

A cet égard, la DGCID s'est consacrée à l'animation de la politique de coopération et d'aide au développement en s'attachant à moderniser aussi les instruments, les méthodes et les procédures.

Dans le cadre de l'action réformatrice menée par le ministre des affaires étrangères, la DGCID devrait pouvoir mieux organiser ses relations avec les autres directions et notamment les directions politiques. Elle aura pour tâche de restructurer le réseau des centres culturels et de mieux le coordonner avec celui des alliances françaises pour supprimer les doublons. De même, il lui faudra s'adapter à la gestion de contrats d'objectifs, ce qui pose le problème de la co-tutelle des ministères des affaires étrangères et de l'économie sur l'AFD, l'Agence française de développement, qui génère des difficultés d'exécution des programmes sur place.

Par ailleurs, il est regrettable que la France ne figure dans aucune des principales institutions du système des Nations unies parmi les dix principaux contributeurs, en raison de la faiblesse de ses contributions. En 2004, les crédits affectés aux organisations du système des Nations unies seront, au mieux, reconduits à l'identique. Au sein de l'aide multilatérale, qui représente à peine 10 % depuis quelques années, l'arbitrage s'est fait en faveur de l'aide européenne, conduisant à une perte d'influence de la France dans les organisations du système des Nations unies. Il est essentiel que des choix clairs soient opérés. Mieux vaudrait mener une politique qui revalorise la France au sein d'organisations comme comme la FAO, ONUSIDA ou le PNUD.

Il est plus que jamais nécessaire que soient développées des actions de coopération vis-à-vis des pays pauvres les plus endettés. A cet égard, on peut s'interroger sur la dimension de la zone de solidarité prioritaire et sur le volume de l'aide publique au développement consacré à cette zone. N'y a-t-il pas un risque d'éparpillement de l'aide bilatérale, de saupoudrage inefficace, en termes de visibilité ? De même, ne faut-il pas consacrer les crédits affectés à la coopération et à l'aide publique au développement à des domaines ciblés dans lesquels l'expertise française est unanimement reconnue, comme la santé, l'aide humanitaire d'urgence, l'aide alimentaire, l'appui au développement institutionnel ?

Ainsi convient-il d'accroître le rôle de la France dans la lutte contre les pandémies. Au niveau bilatéral, les moyens mis en œuvre par la France dans la lutte contre le sida sont importants. D'autres orateurs en parleront probablement ce matin.

De même, les engagements pris par la France au plan multilatéral pour lutter contre cette pandémie sont importants, comme le montrent les engagements pris par le Président de la République de tripler la contribution française au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

L'action humanitaire est une composante importante de la politique étrangère de la France. C'est un domaine où la compétence française est unanimement reconnue : que l'on songe aux actions menées lors du tremblement de terre en Algérie, à celles engagées dans de nombreux pays d'Afrique. Il conviendrait de renforcer les moyens de cette action à travers le fonds d'aide humanitaire d'urgence.

La présence de la France face aux besoins conjoncturels et structurels d'aide alimentaire est importante. Là encore, l'éclatement des structures, l'absence de concertation entre elles nuisent à leur action sur le terrain, d'autant qu'il convient d'améliorer la productivité et la qualité de production des pays du Sud pour qu'ils parviennent à l'autosuffisance alimentaire.

L'appui aux institutions africaines, et notamment au NEPAD, a été jugé prioritaire, à juste titre, dans ce budget, et les avancées obtenues à Evian lors de la réunion du G8 en juin 2003 en sont la démonstration. Cette politique nous permet de développer notre apport aux nouvelles institutions qui, en renforçant l'Etat de droit, sont si nécessaires au développement des pays africains. C'est ainsi que, depuis l'origine, la France soutient l'OHADA, l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, qui permet d'assurer une certaine sécurité juridique aux investisseurs.

Privilégier le co-développement, qui a le mérite de faire du migrant un opérateur potentiel du développement, est un choix judicieux, que vous traduisez par des aides spécifiques. Ce processus valorise les compétences des migrants. Des systèmes d'aide à la création d'activités économiques dans leur pays d'origine sont progressivement mis en place. Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous informiez du fonctionnement du comité de suivi, sur lequel vous vous étiez engagé l'an dernier.

Dans ce cadre, nous avons proposé à nouveau la création d'un livret d'épargne-développement, qui a donné lieu, à votre initiative, à un débat dans cet hémicycle. Celui-ci permet aux migrants d'utiliser leur épargne à des projets de développement chez eux, dans leur village, tout en sécurisant les transferts de fonds dans leur pays d'origine.

On ne peut que saluer les efforts du Gouvernement pour accroître la part de l'aide publique. Ils répondent au vif intérêt que portent les populations des pays en développement et leurs gouvernements à la politique française de coopération. En témoigne l'accueil très chaleureux reçu par le Président de la République lors de son récent voyage au Niger et au Mali.

La France suscite des attentes qui ne doivent en rien être déçues. Il n'est pas concevable que de nouveaux gels budgétaires paralysent les actions de coopération bilatérale et que la baisse inquiétante de l'assistance technique vienne briser l'impulsion donnée par le Président de la République et contredire ainsi l'influence et la parole de la France.

Il ne s'agit pas de mener une politique d'assistance mais d'instaurer un partenariat avec les pays en développement en mettant en place de nouvelles pratiques. Utiliser au mieux les crédits et les compétences de la France est plus que jamais nécessaire. Il n'est pas acceptable que des concurrences inutiles entre ministères, voire des doublons, obèrent l'efficacité de notre coopération bilatérale.

Pour conclure, je dirai qu'il est plus que jamais nécessaire que l'aide extérieure de la France soit harmonisée dans sa quasi-totalité par un seul ministère, celui des affaires étrangères, pour être visible, utile, efficace et transparente, aussi bien vis-à-vis de l'Union européenne que de ses partenaires du Sud. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à se prononcer sur les crédits inscrits au budget du ministère des affaires étrangères, et notamment sur ceux destinés aux relations culturelles internationales et à la francophonie.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, je commencerai par vous présenter mon analyse des crédits proposés avant de vous dire quelques mots sur les relations complexes qu'entretiennent la francophonie et la construction européenne.

Un budget est toujours, pour un ministre - solidarité gouvernementale oblige - un bon budget : moyens maintenus, action recentrée, etc... Je ne me livrerai donc pas à la réfutation de tel ou tel chiffre et je vous renvoie au rapport pour une analyse précise des évolutions budgétaires.

Je tiens cependant à vous livrer les réflexions que m'inspire ce budget et qui m'ont conduit à proposer son rejet en commission.

Les moyens pérennes du ministère, titres III et IV, sont, en euros courants, en légère diminution. Cette diminution est particulièrement nette pour les crédits de personnels : avec 116 suppressions d'emplois prévues pour 2004, il s'agit là d'un véritable plan social.

Cette baisse des effectifs n'est pas compensée par le recrutement local, sous-payé, assujetti à des règles de droit social moins protectrices que celles applicables sur le territoire français. Les recrutés locaux ne peuvent, en outre, offrir le même service que les expatriés.

On le voit très bien avec la dégradation de la qualité de la délivrance des visas, sans même évoquer les risques que l'on encourt en pratiquant une telle sous-traitance.

Au plan social, à la sous-traitance, il faut ajouter la restructuration, ce que l'on appelle pudiquement la rationalisation du réseau.

De fait, les crédits destinés aux actions de coopération peuvent toujours être maintenus, dès lors qu'il y a moins de personnels pour les gérer, comment imaginer qu'elles pourront être mises en œuvre ? Peut-être imagine-t-on que la présence de la France à l'étranger peut être assurée en restant à Paris !

Je dois cependant, par honnêteté, reconnaître que ce projet de budget comporte des mesures positives : augmentation de la dotation du FMU de 10 millions d'euros, mesure du même montant destinée aux étudiants boursiers des pays francophones.

Ces mesures doivent malheureusement être remises en perspective. Par exemple, s'agissant des bourses, la dotation prévue pour 2004 retrouve à peine son niveau de 1991, après une longue décrue de l'ordre de 25 % et un rétablissement progressif depuis 1998. Par ailleurs, le financement de ces mesures par redéploiement interne réduit les actions dans d'autres domaines contribuant à l'action francophone. Je pense à la baisse des crédits de l'AEFE par exemple. Au total, les dépenses en faveur de la francophonie ne progresseront en 2004 que de 0,37 % en euros courants. Je vous renvoie au fascicule budgétaire jaune pour vérifier ces chiffres.

Autant dire, que si la francophonie est une priorité politique, elle n'est pas devenue une priorité budgétaire.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Je ne suis pas d'accord avec vous !

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Cette pratique du redéploiement interne entache l'ensemble des actions du ministère.

Pour financer l'augmentation réelle de l'aide publique au développement, le ministère a dû faire des coupes sombres partout ailleurs.

Il n'y a pas de ce point de vue d'exception culturelle. Y a-t-il même une ambition culturelle ? On peut en douter au vu de la gestion du dossier capital de la chaîne internationale d'information française.

On ne peut que partager la volonté affichée par le Président de la République et le Premier ministre de soutenir la langue française et la diversité culturelle, la volonté de ne pas leur appliquer les lois du marché. Encore faut-il que ces affirmations débouchent sur des actions volontaristes.

La défense de la diversité culturelle dans le monde passe par le renforcement et la diversité des moyens d'information d'expression francophone.

Or il semble que la chaîne internationale d'information française, telle qu'elle ressort des conclusions du rapport rédigé par M. Bernard Brochand, sera un organe partial.

Les conditions de sa création suscitent la colère des membres du Parlement et plus particulièrement des membres malmenés de la mission d'information commune sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale : les conclusions précises et argumentées de cette mission préconisaient un partenariat équilibré entre le service public et le secteur privé.

Or le choix du Gouvernement a été très différent.

Donner la part belle à la chaîne TF1 n'est pas une garantie quant à la défense de la francophonie dans le monde.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les affaires étrangères, et M. Jean-Claude Lefort. Oh non !

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Au vu de ces éléments, vous comprendrez pourquoi j'ai proposé le rejet de ces crédits, et je regrette que la commission ne m'ait pas suivi sur ce point.

Il est pourtant nécessaire de mettre en œuvre un véritable effort, y compris budgétaire, en faveur de l'action culturelle, et particulièrement de la francophonie, lorsque l'on considère le défi que la construction européenne constitue aujourd'hui pour la défense de la langue française.

L'année 2004 constitue une année cruciale pour la relation entre le processus de construction européenne et la francophonie.

L'Union européenne a posé le principe d'égalité des langues officielles et de travail. Le régime linguistique de celle-ci consacre un multilinguisme protecteur qui permet à chaque citoyen d'écrire à une institution ou à un organe de l'Union dans l'une des langues officielles et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue.

L'Europe doit revendiquer son identité et affirmer sa personnalité sans arrogance et sans complexe ; elle doit illustrer des valeurs qui lui sont chères : la pluralité et la solidarité.

En ce sens, l'Europe est une chance pour les valeurs de la francophonie.

Cet équilibre est cependant menacé par les bouleversements linguistiques qui se dessinent avec l'élargissement à dix nouveaux Etats. En effet, le nombre de langues officielles va passer de onze à vingt et plus, posant ainsi l'urgence d'une adaptation du régime linguistique des institutions. Or, au fil du temps, les pratiques qui se sont développées ont rendu certaines langues « plus égales » que d'autres.

Il faut reconnaître que la construction européenne est désormais menacée par un double péril : celui de s'effondrer si elle respecte un plurilinguisme intégral à tous les niveaux avec, à terme, une trentaine de langues et celui de voir triompher la pratique hypocrite actuelle qui tend à toujours plus imposer une langue unique transformée en un sabir appauvri.

Les négociations actuellement en cours, tant sur la révision du régime linguistique du Conseil que sur la modification du statut des fonctionnaires européens, devront permettre d'aboutir à la définition de critères objectifs et transparents.

Alors que l'avenir du français dans le monde se joue désormais en Europe - bien que se soit en Afrique qu'il soit le plus parlé -, la démonstration politique doit être apportée que le pluralisme linguistique n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé. C'est pourquoi il est urgent d'engager les réformes appropriées afin d'assurer le bon fonctionnement des institutions, tout en garantissant le respect d'une tradition plurilingue qui peut aussi permettre à l'Union de s'exprimer d'une autre voix dans le monde.

II faut établir des principes clairs conciliant le droit pour chacun de s'exprimer et de recevoir toute information de l'Union dans sa langue nationale, avec, néanmoins, une limitation à un nombre raisonnable, pour les seules réunions techniques, de langues de travail cibles des traductions et interprétations.

La diversité et le pluralisme linguistiques ne sont pas un obstacle à la circulation des hommes, des idées et des marchandises ou services. Le respect des langues, à l'inverse, est la dernière chance pour l'Europe de se rapprocher des citoyens, objectif toujours affiché, presque jamais mis en pratique.

L'Union européenne doit renoncer à privilégier la langue d'un seul groupe.

Il faut intégrer le « droit à la diversité culturelle » parmi les droits fondamentaux garantis par les instruments juridiques européens et, demain, par la Constitution européenne - même si on n'approuve pas son contenu actuel, ce qui est mon cas.

Ce droit est d'autant plus fondamental que chaque langue porte des concepts et valeurs propres. De ce point de vue, l'impact de la francophonie dans les prises de position sur la scène internationale, notamment au sein des organisations internationales, est important.

Une langue, c'est aussi l'attachement partagé à certaines valeurs. La France doit aujourd'hui, notamment au travers de la défense de la francophonie, mener une action résolue en faveur de la diversité linguistique.

Cela passe d'abord par un ancrage dans les textes, la pratique et les esprits du fait que la langue n'est pas un bien régi par les lois de l'offre et de la demande.

Il appartient ensuite à la France, aux autres Etats membres soucieux de préserver la diversité culturelle, mais également aux institutions communautaires, de dénoncer les violations du principe de diversité linguistique.

Enfin, il appartient à la France d'ouvrir la voie, par une politique ambitieuse et ouverte de soutien à la langue française, de mettre en oeuvre les moyens pour non seulement préserver, mais également promouvoir la diversité linguistique, richesse essentielle de notre continent.

Plusieurs évolutions pourraient favoriser une telle politique. Par exemple, l'examen des candidatures aux concours communautaires émanant des ressortissants des futurs Etats montre que le français ne vient qu'en troisième position après l'anglais et l'allemand : en conséquence, il faut, par le biais de la stratégie de pré-adhésion et des jumelages, promouvoir auprès d'eux la pratique du français.

L'effort de coopération linguistique et d'enseignement du français doit porter sur les pays d'Europe centrale et orientale (y compris la Roumanie et la Bulgarie), Chypre et Malte. De ce point de vue, la décroissance de la part de cette zone dans la répartition des crédits de bourses ou dans l'attribution de postes d'expatriés doit être stoppée.

L'apprentissage d'une seconde langue étrangère n'étant obligatoire que dans sept Etats sur quinze, il faut obtenir la mise en œuvre rapide d'un tel enseignement obligatoire dans l'ensemble des Etats actuels et futurs, notamment par un soutien au plan d'action adopté par la Commission en juin dernier.

Il convient également que la France intervienne systématiquement auprès des institutions ou organes et agences communautaires lorsqu'elle constate des violations du principe d'égalité des langues ou du régime linguistique propre à l'institution, l'agence ou l'organe concerné.

Il serait souhaitable de promouvoir auprès de nos partenaires les plus réceptifs à la question -Allemagne, Espagne et Italie notamment - un réflexe de défense du plurilinguisme.

Enfin, il faut réfléchir à la création d'une Agence européenne de la diversité linguistique. Celle-ci aurait une mission de veille et d'alerte sur le modèle du médiateur européen ainsi qu'une mission de réflexion et de proposition.

Dans cet esprit de défense de la diversité linguistique, il convient de soutenir deux actions fortes de notre assemblée : d'une part, il faudrait que la proposition de résolution sur la diversité linguistique adoptée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 9 juillet dernier, sur proposition de la délégation pour l'Union européenne, soit enfin inscrite à l'ordre du jour...

M. Michel Herbillon. Ce sera le cas, rassurez-vous !

M. Jean-Claude Lefort. Qu'en savez vous ?

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. D'autre part, il nous faudra soutenir la proposition de résolution de mon ami Jacques Brunhes tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international, à proposer des mesures pour les améliorer et, le cas échéant, les réorienter - ce dont je ne doute pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger et ceux participant au développement de la langue française et de la francophonie sont en stagnation : 1,10 milliard d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement consacrés à l'action culturelle extérieure pour 2004, contre 1,11 milliard en 2003 ; 0,8 milliard d'euros pour le développement de la langue française et de la francophonie en 2004, soit la même somme que l'an passé.

Les crédits du ministère ont été durement touchés par la régulation. A titre d'exemple, le plan de relance de la francophonie, qui avait pourtant été annoncé par le chef de l'Etat à Beyrouth, a été quasiment suspendu cette année. Il y a de forts risques que cette pratique soit reconduite pour 2004, ce qui poserait la question de la sincérité des lois de finances et du sens de la procédure budgétaire devant les assemblées parlementaires.

Je souhaiterais aborder les trois points suivants : les moyens consacrés au réseau culturel et scientifique ; ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ; enfin, ceux de l'audiovisuel extérieur.

Le réseau scientifique et culturel français se caractérise par sa densité, puisqu'il comporte à l'heure actuelle 26 établissements de recherche, 151 établissements culturels et 296 alliances françaises. Or de nombreux centres n'atteignent pas la taille critique nécessaire pour être les vitrines de la culture française qu'ils devraient être, pas plus qu'ils n'ont les moyens de mettre en œuvre une politique de coopération culturelle cohérente et visible.

Dans le cadre de la préparation de la discussion budgétaire, j'ai effectué une mission en Israël et dans les territoires palestiniens, où j'ai rencontré les responsables des différents centres culturels. Le constat du manque de moyens est malheureusement criant. Faute d'une politique immobilière avisée de l'Etat - et cela ne date pas d'aujourd'hui -, certains centres acquittent des loyers prohibitifs qui grèvent jusqu'à un tiers de leur budget de fonctionnement. La tentation pourrait être grande, dans un contexte budgétaire difficile, d'opérer une rationalisation brutale de ce réseau. Cela nuirait gravement au rayonnement de notre pays et contribuerait à l'accélération du reflux de la pratique du français et de l'intérêt que suscite notre culture à l'étranger. Il convient donc d'agir au cas par cas, en regroupant les moyens et en tenant compte à chaque fois du contexte local. L'ouverture de centres franco-allemands, comme cela est envisagé à Ramallah, constitue une autre voie qui présente le double avantage de mettre en commun les moyens et d'avoir un impact symbolique fort.

Je rappelle que notre réseau culturel et scientifique coûte 70 millions d'euros par an au contribuable, ce qui est peu. Il s'agit en effet d'un investissement à long terme, tout à fait complémentaire de l'action diplomatique classique et de notre influence économique. Vous êtes d'ailleurs, monsieur le ministre, convaincu de l'importance de l'action culturelle extérieure pour notre politique étrangère, puisque vous avez annoncé en mai dernier, lors de votre visite en Israël, que la France entendait bâtir d'ici 2006 un nouvel institut culturel à Tel-Aviv. J'espère que vous pourrez joindre le geste à la parole et que les arbitrages budgétaires ont bien été rendus en ce sens. Je vous remercie de bien vouloir en informer les parlementaires.

J'en viens à la situation financière de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Je rappelle que, l'an dernier, l'Assemblée nationale comme le Sénat se sont émus de la situation particulièrement délicate de l'AEFE, qui a en charge près de 160 000 élèves, dont 43 % de nationalité française. L'inquiétude des parlementaires avait quelques raisons d'être : l'Agence a pu fonctionner sans fermer d'établissement cette année pour deux raisons totalement conjoncturelles, le taux de change particulièrement favorable de l'euro et l'arrêt des cours dans les établissements de Côte d'Ivoire suite aux événements.

Il est regrettable que l'Etat s'en tienne à une logique de gestion à court terme et qu'il ne restitue pas à l'Agence une part des efforts importants qu'elle consent pour diminuer ses coûts de fonctionnement. Celle-ci a ainsi dû autofinancer l'amélioration du régime indemnitaire des enseignants résidents. Une telle situation se répercute sur les familles, qui acquittent année après année des droits de scolarité de plus en plus élevés.

Un rapport adopté par le Conseil économique et social le 29 octobre dernier en votre présence, monsieur le ministre, fait état des mêmes préoccupations et propose des pistes de réforme. Le Conseil suggère ainsi de partager la tutelle de l'Agence avec le ministère de l'éducation nationale. Cela s'explique sans doute par le souci de desserrer l'étau budgétaire dans lequel se trouve l'AEFE en faisant appel au soutien financier du ministère doté du premier budget de l'Etat ; mais il serait pour le moins contestable de réviser le statut de l'AEFE pour cette seule raison.

La mise en place de mécanismes contractuels pluriannuels entre l'Agence et les établissements constitue en revanche une voie plus intéressante. Encore faut-il que l'Agence elle-même bénéficie d'une plus grande prévisibilité de ses recettes. Pour cette raison, la mise en place d'un contrat pluriannuel entre l'AEFE et l'Etat pourrait lui permettre d'agir dans la durée. Il s'agit d'une condition indispensable pour conforter notre réseau d'enseignement à l'étranger, qui est appelé à évoluer dans les années à venir, notamment par le développement du bac européen ou des bacs binationaux, qui doivent faciliter les passerelles entre les systèmes d'enseignement.

Je terminerai par la situation de l'audiovisuel extérieur.

Le premier constat qui s'impose est le suivant : malgré les annonces gouvernementales sur la création, d'ici à la fin 2004, d'une chaîne d'information internationale, aucun moyen nouveau n'est inscrit dans le présent budget. Les crédits de l'audiovisuel extérieur sont reconduits à l'identique sans tenir compte de l'inflation - soit 165 millions d'euros - et la totalité de la redevance a d'ores et déjà été affectée aux opérateurs audiovisuels lors du vote du budget de la communication le 23 octobre dernier.

Dans ces conditions, il est permis de douter que la future chaîne voie effectivement le jour, à moins qu'elle ne soit exclusivement financée par des redéploiements au sein du secteur audiovisuel. Le rapport remis au Premier ministre le 29 septembre dernier mentionne d'ailleurs plusieurs propositions en ce sens, et je tenais à souligner ici leur caractère irréaliste.

L'une des hypothèses avancées est celle de la création d'un pôle francophone regroupant TV 5 et RFO, ce qui est pour le moins surprenant, puisque le ministre de la culture et de la communication et la ministre de l'outre-mer ont récemment annoncé leur intention d'intégrer RFO au sein du groupe France Télévisions. Cette idée a par ailleurs provoqué la plus vive émotion des pays actionnaires de la chaîne - la Suisse, la Belgique et le Canada -, qui se sont étonnés d'être assimilés à nos collectivités territoriales d'outre-mer, au seul motif que l'on y parle aussi le français !

Autre piste, la transformation d'Arte en chaîne culturelle européenne et la suppression de sa rédaction, dont les moyens seraient réaffectés à de nouvelles chaînes. Un tel scénario ne tient aucun compte du statut international d'Arte, chaîne de qualité, emblématique de la relation franco-allemande.

Le statut de la future chaîne est un autre sujet d'interrogation. Le schéma envisagé est celui d'une société détenue à 50 % par TF1 et 50 % par France Télévisions, mais financée à 100 % par l'Etat, à hauteur de 70 millions d'euros par an. Une telle chaîne aurait le double mérite d'être suffisamment publique pour être financée par le contribuable mais suffisamment privée pour ne pas être diffusée en France et échapper à tout contrôle du CSA ou de la Cour des comptes !

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Nous sommes tout à fait d'accord.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Un tel montage est juridiquement critiquable à double titre : les règles de notre droit public imposent que les missions d'intérêt général financées sur fonds publics soient exercées par des personnes publiques et le droit communautaire n'admet pas que l'Etat subventionne des sociétés privées exerçant une activité concurrentielle. Ce schéma sous-estime par ailleurs la difficulté de faire travailler ensemble deux opérateurs concurrents sur le marché national, qui disposeraient chacun d'un pouvoir de blocage sur toutes les décisions stratégiques intéressant la nouvelle société, y compris la nomination du PDG et du chef de la rédaction.

Enfin, il laisse de côté les seuls opérateurs ayant une véritable connaissance du public international, TV 5, CFI et RFI, pour citer ceux qui relèvent du ministère des affaires étrangères, ainsi qu'Euronews, Arte France ou l'AFP.

Quant à l'argument selon lequel un groupe privé serait plus crédible car plus indépendant, il est tout simplement désobligeant pour les journalistes du service public. Il ne résiste d'ailleurs pas à l'analyse des faits : qui oserait prétendre que la chaîne d'information internationale de la BBC, qui est publique, est moins indépendante que sa concurrente américaine, pourtant totalement privée, CNN, dont on connaît l'objectivité très relative ?

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales, et M. Jean-Claude Lefort. Effectivement !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. On peut regretter que le Gouvernement n'ait donné aucune suite aux propositions précises établies par la mission d'information commune créée au sein de notre Assemblée et qui ont été adoptées à l'unanimité de ses membres, dont certains sont présents ici, le 14 mai dernier.

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. A quoi sert le Parlement ?

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Les propositions de la mission, qui rejoignent les conclusions du rapport dont vous aviez, monsieur le ministre, chargé M. Philippe Baudillon, visent à créer un vaste partenariat public-privé, fédérant les compétences de tous les opérateurs publics existants autour d'un actionnaire de référence, France Télévisions, tout en permettant aux opérateurs privés qui le souhaitent de contribuer à la nouvelle chaîne sur la base du volontariat.

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. Très bon exemple.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. Cette voie semble être, à l'heure actuelle, écartée par le Gouvernement.

Je note toutefois qu'en l'absence de crédits pour financer la chaîne d'information internationale, le ministère des affaires étrangères a fait le choix d'augmenter de 1,5 % les crédits de TV 5. Ce choix est d'autant plus judicieux que TV 5 a considérablement développé sa production d'informations propres et que sa couverture du conflit irakien a été tout à fait exemplaire, malgré des moyens modestes. Je tenais, pour ma part, à soutenir une telle orientation.

Mais, faute de moyens nouveaux pour l'action audiovisuelle extérieure, le ministère est contraint de redéployer des crédits, ce qui a d'ailleurs conduit à la décision de fermer CFI-TV. Cette fermeture, monsieur le ministre, suscite de légitimes inquiétudes des personnels. Ils redoutent en effet qu'elle ne conduise à un recul de la présence francophone sur les réseaux câblés et MMDS africains. Ils craignent également qu'à terme l'activité de banque de programmes, essentielle à notre politique de coopération audiovisuelle, ne soit remise en cause. Il est dommage que l'intégration de cet opérateur au sein de la future chaîne d'information continue ne soit pas envisagée, car elle aurait facilité son recentrage sur l'activité de banque de programmes et aurait permis d'utiliser pleinement les compétences acquises par les personnels de CFI.

J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez répondre à mes questions, car il est permis de douter qu'en dépit des annonces faites, la future chaîne d'information internationale puisse débuter ses programmes l'année prochaine.

En dépit de ces réserves, dont j'ai fait part à la commission des affaires étrangères, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. A titre personnel, je suis tenté d'émettre un avis malgré tout favorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie et les relations culturelles internationales. « Malgré tout », assurément !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord saluer les contributions de vos commissions et de vos rapporteurs. Ils ont fourni un travail de fond attentif sur les missions et les moyens de notre diplomatie.

Vos rapporteurs, en particulier M. Woerth et M. Cazenave, s'accordent à souligner les efforts de rigueur du ministère des affaires étrangères dans un contexte économique difficile. Ils relèvent également le respect des priorités assignées par le Président de la République, notamment l'aide publique au développement et la réforme du droit d'asile. Ils observent enfin notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat. Je les remercie de soutenir ainsi les orientations du projet de budget pour 2004, marqué par la rigueur mais aussi par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.

Avant de vous présenter les grandes lignes du projet de budget, je crois utile d'esquisser devant vous le contexte international dans lequel il s'inscrit. Des grandes tendances du monde se dégagent en effet les priorités qui doivent guider notre action.

Combien d'évolutions et combien de révolutions depuis quinze ans avec la fin de l'affrontement Est-Ouest et la mondialisation ? D'un monde fondé sur l'équilibre global entre l'Est et l'Ouest, où les répercussions locales de la rivalité majeure étaient sous contrôle, nous sommes passés à un monde où les déséquilibres locaux peuvent avoir des conséquences globales qu'on risque de ne plus pouvoir contrôler. On le voit chaque jour : toutes les plaies du monde - misère, injustices ou sentiment de rejet - déchaînent des violences que l'absence de mécanismes de régulation ne permet plus d'endiguer et que le terrorisme cherche à fédérer, un terrorisme dont les méthodes entraînent une véritable révolution de la puissance, puisque la seule force des armes ne peut suffire à le contrer.

Dans ce monde bouleversé, la France veut marquer une triple exigence : une exigence d'unité de la communauté internationale d'abord. Dans un univers marqué par la globalité et l'interdépendance, les défis ne sont plus à la mesure d'un seul pays. Ce monde nouveau exige un nouvel ordre fondé sur les principes de responsabilité collective et de légitimité.

La deuxième exigence est celle de la sécurité : notre temps est celui de la violence et des épreuves. Face au terrorisme, nous devons mobiliser tous les moyens disponibles aux côtés de tous les pays qui se battent. Pour éradiquer un phénomène qui exploite les humiliations et les inquiétudes, profitant de toutes les opportunités d'un univers global, il nous faut entendre et comprendre les peuples et traiter les conflits qui menacent à tout moment de dégénérer selon des principes de justice, de respect des identités et de solidarité.

Le troisième message de la France, c'est l'exigence de solidarité. Aujourd'hui, les peuples n'acceptent plus une mondialisation qui entretient les écarts de développement, met en péril notre patrimoine naturel et multiplie les zones de non droit, tout en diffusant à une échelle jamais atteinte les images de la prospérité et de la modernité sous le regard de ceux qui en sont privés.

Sur la base de ces principes, notre pays s'engage fortement et dans la durée. Il a multiplié les propositions pour bâtir une nouvelle architecture mondiale : réforme du Conseil de sécurité, gouvernance économique de la planète et nouveaux instruments pour lutter contre la prolifération, protéger l'environnement, garantir les droits de l'homme et promouvoir la diversité culturelle. Il pèse de tout son poids en faveur d'une mondialisation mieux maîtrisée, comme l'ont montré les sommets de Monterrey et Johannesburg, ainsi que le G8 d'Evian. Il est en initiative permanente afin de contribuer au règlement des crises, n'hésitant pas à s'engager sur le terrain comme en Côte d'Ivoire, dans les Balkans ou en Afghanistan.

Dans ce domaine, un sentiment d'urgence doit nous guider. En Irak, il existe un véritable défi sécuritaire. Des soldats de la coalition tombent, les organisations internationales hésitent et la population se décourage. Et si l'escalade de la violence à laquelle on assiste conduisait à une perte de contrôle ? Dans un tel contexte, comment ne pas voir que le vide politique est un obstacle rédhibitoire au rétablissement de la sécurité ? Aussi la France préconise-t-elle un changement d'approche : rétablir la souveraineté irakienne et instaurer un gouvernement provisoire. De cette situation nouvelle pourrait naître une dynamique d'implication de la communauté internationale et régionale. Tout ceci se passe - il convient de le rappeler - aux portes de l'Europe. Comment pourrions-nous rester sourds aux appels de la responsabilité ?

Les mêmes raisons nous imposent d'être actifs au Proche-Orient. Ce conflit est au cœur des frustrations, non seulement de la région, mais également du monde arabo-musulman tout entier. Du règlement de cette crise dépend celui de beaucoup d'autres. Les deux parties, sortant de la logique des préalables, doivent entendre la voix des peuples et lancer des gestes forts qui rétablissent la confiance. Un cadre de règlement - la feuille de route - existe, mais il nous manque un mécanisme pour y rentrer. Là aussi, nous avons un devoir collectif d'action.

Dans ces régions qui souffrent, la voix de la France est attendue et entendue. Mais elle portera beaucoup plus loin si l'Europe en amplifie l'écho. Pôle de stabilité et de prospérité, berceau des valeurs universelles, riche de sa diversité, trait d'union entre les cultures et les religions, l'Europe a vocation à devenir un des piliers du monde nouveau.

Je veux donc affirmer ici devant vous la grande ambition européenne de la France. Dans quelques mois, après tant d'années de divisions artificielles, notre continent aura accompli le grand tournant du retour à l'unité. La nouvelle Europe à vingt-cinq, qui préfigure elle-même l'Union à trente, deviendra un grand espace de liberté et de sécurité, de stabilité et, nous l'espérons, de croissance. Cette Europe élargie sera dotée non seulement d'un nouveau cadre institutionnel, mais même d'un véritable pacte entre Etats et citoyens que nous devons à la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing. Elle disposera des moyens d'être plus efficace et plus démocratique et d'affirmer sa présence sur la scène internationale.

Cela implique non seulement de maintenir l'élan de la coopération franco-allemande, qui demeure le moteur irremplaçable de l'Union, mais d'être également ouvert à tous les autres partenaires disposés à aller de l'avant. Tous ne veulent ou ne peuvent pas aller au même rythme, mais l'important est que rien n'entrave ceux qui souhaitent s'engager.

Voilà quel est le contexte international et européen dans lequel s'inscrivent l'exécution du budget voté pour 2003 et le projet de loi de finances pour 2004. Tous vos rapporteurs l'ont souligné : l'exécution du budget en 2003 a été particulièrement difficile. Non seulement la régulation budgétaire a été massive, puisque les annulations et gels ont amputé de 15 % les crédits hors rémunérations et engagements internationaux, mais elle a en outre affecté les crédits de reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires dans le cadre de la régulation budgétaire en 2002.

Cette régulation à répétition a remis en cause, au moment où bien des opérations étaient déjà lancées, plusieurs de nos programmations, notamment en matière immobilière et, bien entendu, en termes d'aide publique au développement et de coopération. M. Godfrain, M. Cazenave, M. Emmanuelli ou encore M. Rochebloine s'en sont fait justement l'écho. Vous avez eu raison de le dire, messieurs les rapporteurs, des pays amis, des organisations de solidarité internationales, le fonds de solidarité prioritaire et notre assistance technique ont fait les frais d'une régulation sans précédent.

Il en va de même pour l'Institut français de Tel Aviv que cite M. Rochebloine. Mais sachez que la décision prise en mai dernier de le refonder, en l'installant sur un nouveau site, n'est en aucun cas remise en cause. L'objectif est d'inscrire ce projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V pour un coût évalué à l'heure actuelle à 5 millions d'euros environ.

C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir. Dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le Président de la République et le Gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour la soustraire aux aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui est remis en cause face à nos partenaires étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous m'interrogez sur l'avenir de l'exécution budgétaire. Si le budget que je vous soumets aujourd'hui est exécuté tel que vous voudrez bien le voter, alors, oui nous aurons un appareil diplomatique, consulaire et de coopération à la hauteur de nos ambitions et des responsabilités particulières qu'a la France dans le monde. J'ai d'ailleurs déclaré la même chose l'année dernière, à cette même tribune : le budget 2003 était, au moment de son adoption par le Parlement, un budget réaliste et adapté à nos besoins, s'il avait pu être exécuté tel que vous l'aviez voté.

Mon ministère a donc pris toute sa part dans l'action de rigueur entreprise par le Gouvernement cette année : nos actions de rationalisation, les baisses consenties en termes d'emplois et de crédits de fonctionnement, l'exercice d'adaptation de nos réseaux dans le monde... Autant de gages de bonne volonté qui doivent être mis dans la balance des contributions à l'effort général d'économies.

Cet effort, mesdames et messieurs les députés, vous le constatez à nouveau dans ce projet de budget. Avec 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.

Vos rapporteurs ont rappelé les postes sur lesquels va porter l'effort.

Premièrement, les effectifs sont à nouveau réduits de 116 emplois, soit un taux de non-renouvellement de 46 % des départs à la retraite. Avec une réduction quasi ininterrompue du nombre d'emplois en moins de dix ans, les affaires étrangères ont donc apporté leur contribution à l'œuvre collective visant à réduire les effectifs de l'Etat.

Deuxièmement, la réforme des indemnités de résidence, va corriger les incohérences géographiques constatées, mais se solder par une économie de 20 millions d'euros. Une partie de ces économies - 8 millions d'euros exactement - pourra être recyclée pour augmenter les primes des agents du ministère en poste à l'administration centrale.

Troisièmement, les frais de fonctionnement de l'administration centrale et de nos réseaux à l'étranger vont également baisser de 2 % par rapport à 2003, et les crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme. Ces crédits, ce sont des missions sur le terrain ou pour représenter la France dans les instances internationales, ou encore des équipements de sécurité pour nos postes ou pour nos écoles.

A propos de ces crédits de fonctionnement, Eric Woerth signale qu'il a visité des postes diplomatiques où se côtoient la splendeur et la misère et se dit choqué par l'inégalité des moyens qu'il constate entre administrations présentes à l'étranger. Je suis bien d'accord avec lui : j'y reviendrai en évoquant la réforme de l'action extérieure de l'Etat.

Voilà pour le contexte, mesdames et messieurs les députés. Certaines dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées mais seulement reconduites, ce qui n'était pas acquis a priori.

II s'agit en premier lieu des contributions volontaires, hors Francophonie, aux organismes internationaux, contributions qui, comme le signalent MM. Cazenave, Godfrain et Emmanuelli, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein des organisations internationales.

Vous avez raison, monsieur Godfrain, il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires.

Non, cet écart entre le discours et les contributions ne démontre pas le faible intérêt de la France à l'égard des organisations internationales, monsieur Dutoit. Je suis convaincu qu'à moyen terme, la hausse continue de notre aide publique au développement profitera à ces contributions qui, je le rappelle, constituent à plus de 90 % de l'aide publique au développement.

Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel, stables, permettront à RFI et TV5, dont je salue le développement récent et le travail, d'assurer leurs missions.

Je ne crois pas trahir les convictions de M. Rochebloine et des parlementaires qui ont travaillé au sein de la mission d'information en disant que nous appelons de tous nos vœux une chaîne d'information internationale tant il est évident aujourd'hui que des images françaises - indépendantes bien entendu - doivent être présentes dans la couverture des grands événements internationaux. Des propositions sont faites. Elles doivent être précisées d'ici à la fin de l'année pour avoir une idée claire du projet et de ses coût. Des pistes de financement ont été ouvertes. Elles nécessitent là encore d'être soigneusement analysées.

La coopération militaire et de défense est, elle aussi, insuffisamment dotée. L'érosion continue depuis 1998 des dotations de ce chapitre a cependant été stoppée, je ne crois pas que l'on puisse évoquer, comme le fait François Lamy, un « véritable naufrage de la coopération militaire et de défense au ministère des affaires étrangères ». La récente création d'un comité d'orientation stratégique, commun aux ministères des affaires étrangères et de la défense, et que je réunirai très prochainement, devrait donner une impulsion à cette coopération.

Enfin, les crédits de l'aide alimentaire sont eux aussi reconduits, mais nous savons tous qu'ils resteront bien en deçà des besoins.

Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel. C'est-à-dire les priorités sur lesquelles je voudrais maintenant revenir. Dans la période budgétaire que nous traversons, nous devons trouver un juste équilibre entre la nécessaire solidarité gouvernementale et le respect de nos engagements internationaux.

Lorsque nous sommes contraints d'interrompre nos financements, c'est la parole de la France qui est en cause. Cela a été fort justement souligné par MM. Godefrain, Rochebloine, Cazenave et Emmanuelli, qui ont estimé, entre autres, que l'état de cessation de paiements dans lequel s'est trouvé le FSP en 2003 à cause du gel budgétaire était inacceptable.

Il est essentiel dans ce contexte de bien marquer quelles sont nos priorités.

Tout d'abord, la poursuite de notre effort en faveur de l'aide au développement tel que voulu par le Président de la République. C'est là la priorité majeure de ce budget.

Pierre-André Wiltzer vous exposera dans un instant notre politique dans ce domaine comme dans celui de la francophonie. Je souhaite seulement réaffirmer ici que l'engagement du Président de la République de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici à la fin de son mandat sera tenu.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Et cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes, comme ont pu le craindre MM. Godfrain et Emmanuelli.

La volonté du Gouvernement est bien de mettre un terme à la baisse ininterrompue de notre aide bilatérale en relançant notamment notre effort en direction du continent africain.

Ce budget reflète ensuite le rôle privilégié de la francophonie institutionnelle dans le rayonnement culturel et intellectuel de la France, ainsi que notre volonté de lui permettre de tenir un rôle de plus en plus politique.

Les crédits alloués au Fonds multilatéral unique vont donc augmenter de 10 millions d'euros et les synergies entre notre coopération et les interventions des institutions de la francophonie seront davantage exploitées.

L'objectif est d'inscrire le projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.

Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'OFPRA et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit une croissance de 35 % environ par rapport à 2003. Cela permettra de prolonger les renforts mis à la disposition de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides et de la Commission de recours des réfugiés à la fin 2002, et de créer prés de 200 nouveaux emplois.

Ces efforts n'auront pas été vains. D'ici à la fin de l'année, l'OFPRA aura ramené le délai de traitement des demandes de dix à quatre mois et devrait atteindre l'objectif de deux mois assigné par le Président de la République avant l'été prochain.

Pour le reste de nos missions, les efforts de rationalisation vont se traduire par des économies qui seront recyclées là où il y a urgence. Ainsi, l'AEFE, qui, il y a un an, se trouvait dans une situation délicate avec un fonds de roulement presque réduit à néant, a pu dégager des marges grâce à une gestion rigoureuse. Ces marges seront réinvesties sur les priorités de l'Agence.

Au total, le ministère réalise un important effort d'adaptation, que je veux traduire aussi dans la réforme de l'action extérieure de l'Etat.

La stratégie ministérielle de réforme que je vais soumettre au Premier ministre à l'issue d'une vaste consultation de l'ensemble des agents de mon ministère veut donner toute sa cohérence à l'action extérieure de l'Etat.

Cette ambition passe par trois étapes.

Une étape politique et parlementaire d'abord, car il nous faut donner toute sa cohérence interministérielle à notre politique étrangère.

Il faut pour cela rassembler tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle « action extérieure » qui vous assure enfin, mesdames et messieurs les députés, la vision consolidée des actions que mène la France en dehors de ses frontières et la plus grande maîtrise des crédits qu'elle y consacre.

Henri Emmanuelli a critiqué la présentation du jaune budgétaire : il a raison, car ce n'est qu'un document d'information quand ce devrait être un document de décision.

Quand je défends devant vous les crédits de mon ministère, il ne s'agit que de 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Il manque tout le reste et nous voyons bien dès lors que la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas de faire dans la clarté les choix nécessaires. N'est-ce pas là que résident les disparités et redondances que toutes vos missions à l'étranger, dont celle, récente, d'Eric Woerth à Madrid, décrivent avec constance ?

C'est donc l'approbation par le Parlement de tous les aspects de notre politique étrangère qui en assurera la mise en cohérence. A défaut, chaque administration poursuivra ses objectifs propres sans aucune vision d'ensemble.

En appui à cette démarche interministérielle, j'entends conduire une réforme en profondeur du ministère des affaires étrangères.

Il s'agira d'abord de renforcer sa capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout son rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat - CIMEE - pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel et d'intervention consacrés à l'action extérieure.

II s'agit ensuite de mieux valoriser les compétences et de motiver les agents des affaires étrangères. Comment ? En favorisant la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une très forte impulsion à l'exigence d'évaluation : elle sera généralisée à tous les niveaux, et d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à « 360 degrés ». Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargé de proposer, sur la base des évaluations, des choix en toute transparence.

Il faut enfin rénover les méthodes et les outils du ministère. D'une part, en réorganisant l'administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques. D'autre part, en développant parallèlement une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.

Enfin, cette réforme trouvera sa pleine traduction dans les postes à travers le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche commencent déjà à se mettre en place : conférences d'orientation budgétaire autour de la pratique des « budgets pays », globalisation des crédits au profit du chef de poste, création de services administratifs unifiés... Il s'agit ainsi d'encourager l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion partagée des crédits de l'action extérieure.

Un mot sur la LOLF, puisque plusieurs d'entre vous, notamment M. Woerth et M. Cazenave, ont émis des réserves sur le schéma actuellement retenu par mon ministère.

Dans leur état actuel, nos trois programmes - « rayonnement et influence de la France », « coopération et action culturelle », « réseaux et services publics à l'étranger » - répondent à trois exigences.

Tout d'abord, la cohérence politique. Les programmes correspondent en effet aux trois grands métiers du ministère : diplomatie, culture et coopération, affaires consulaires.

Ensuite, la cohérence fonctionnelle. Ce schéma est en effet conçu pour être immédiatement opérationnel, sans nécessiter une réorganisation totale du ministère.

Enfin, la cohérence budgétaire, en permettant une utilisation large et pertinente de la fongibilité des crédits.

Le programme « influence et rayonnement » recouvre les activités diplomatiques au sens classique : directions politique et géographique, communication, relations avec les organisations internationales, coopération militaire.

Le programme « coopération et action culturelle » comprend les activités liées à notre politique de coopération et de développement. L'aide publique au développement en est certes une partie essentielle mais elle ne saurait résumer toute notre politique de coopération. Aujourd'hui, notre partenariat avec des pays comme l'Inde, le Nigeria, la Bolivie ou encore l'Indonésie se nourrit d'une diversité d'actions qui touchent aussi bien la recherche agronomique que les échanges universitaires ou la promotion de l'Etat de droit.

Le programme « réseaux et services publics à l'étranger », enfin, regroupe les activités du réseau consulaire et celles qui s'y rattachent, telles que l'enseignement à travers l'AEFE et le droit d'asile avec l'OFPRA, ainsi que la fonction d'administration et de soutien.

La répartition des personnels expatriés entre les trois programmes sera réalisée au plus tard en 2007, au terme de l'effort en cours de restructuration du réseau. Il y a donc bien une répartition des crédits par objectif et finalité.

Cette présentation de programme est un choix parmi d'autres possibles. S'il est par nature évolutif, je le crois néanmoins cohérent avec les missions du ministère et en phase avec la logique de la mission interministérielle que je propose.

Au-delà de ces mesures, et de toutes les propositions de modernisation de notre stratégie ministérielle de réforme, les réseaux diplomatique, consulaire et culturel vont être réaménagés d'ici à 2007, dans le but de dégager les marges de financement de la réforme. Je l'ai dit à votre commission des affaires étrangères, il faut être imaginatif et agir sur tous les leviers en cumulant par exemple, là où c'est possible, les fonctions culturelles et consulaires ou en recourant en Europe aux administrations locales.

Sur tous ces sujets, je vous ai entendus, messieurs les rapporteurs. Je sais tout l'intérêt que vous portez à ces évolutions.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, au-delà des efforts demandés à mon ministère, je veux dessiner le chemin d'une réforme ambitieuse et novatrice. Et permettre ainsi au Quai d'Orsay de prendre toute sa part dans le chantier prioritaire de la réforme de l'Etat.

La LOLF, « nouvelle Constitution financière de l'Etat », nous offre une opportunité exceptionnelle de changer les mentalités, de moderniser nos outils et de réussir ainsi l'adaptation nécessaire de notre organisation, à Paris comme à l'étranger. Pour avancer dans cette voie, votre soutien est indispensable. J'ai donc l'honneur de soumettre ce projet de budget à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j'aurais voulu que la discussion budgétaire sur les moyens de la coopération, de l'aide au développement et de la francophonie soit l'occasion de vous faire une présentation détaillée de notre politique. Mais les contraintes de temps me conduisent à n'y consacrer que quelques mots pour pouvoir répondre aussi précisément que possible aux observations de MM. les rapporteurs, auxquels je souhaite rendre hommage pour la qualité de leurs travaux.

L'action internationale de la France dans ces domaines est inspirée par une idée-force rappelée par Dominique de Villepin : faire prévaloir une autre conception de la mondialisation que celle qui résulterait des seuls rapports de force. Cette autre mondialisation pour laquelle notre pays plaide sans relâche sur le plan international, nous y travaillons principalement dans deux directions : d'une part, combler le fossé entre les pays pauvres et les pays riches, qui tend à se creuser en particulier en Afrique, avec notre politique de développement ; d'autre part, garantir le respect de l'identité des peuples, c'est-à-dire de leurs cultures et de leurs langues. C'est l'objet central de la politique de francophonie que nous menons avec nos partenaires autour du thème de la diversité culturelle.

En ce qui concerne l'aide au développement qui est une priorité du Gouvernement, je ne serai pas long puisque le ministre des affaires étrangères vient de vous en parler. Je tiens néanmoins à souligner à la suite des rapporteurs que le projet de budget pour 2004 s'inscrit clairement dans la perspective fixée par le Président de la République et mise en œuvre par le Gouvernement : atteindre en 2007 un effort d'aide publique au développement représentant 0,5 % de notre produit intérieur brut. Je me réjouis, tout comme M. Emmanuelli, de constater que cet objectif fait l'objet d'un consensus.

Après la chute qu'elle a connue dans la période précédente, notre aide publique au développement a engagé sa remontée : nos efforts se chiffraient à 0,32 % du produit intérieur brut en 2001, 0,38 % en 2002. Ils seront de 0,40 % d'après les estimations actuelles en 2003 et notre objectif pour l'année prochaine est de 0,43 %.

Nous sommes nombreux à souhaiter que la tendance s'accélère, mais, par rapport à d'autres, la France n'a pas à rougir de l'effort qu'elle accomplit. Ainsi, la moyenne de l'aide publique au développement des pays membres du G7, qui sont les pays les plus riches du monde, s'établit en 2002 à 0,19 %...

M. Jean-Claude Lefort. Forcément, à cause des Etats-Unis !

M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Elle est de 0,12 % aux Etats-Unis. Quant aux pays de l'OCDE, la moyenne de leurs contributions se montait à 0,23 %. Si l'on veut poursuivre la comparaison, le chiffre est de 0,34 % pour l'Union européenne. Nous sommes donc en tête et nous avons bien l'intention de continuer, voire de prendre de l'avance.

En la matière, deux priorités ont été choisies : le renforcement de notre aide bilatérale et le renforcement de l'aide à nos partenaires africains - parce que l'Afrique, qui est déjà le continent le plus pauvre, continue de s'appauvrir.

L'aide bilatérale représentait en 2001 62 % de notre aide globale. Ce pourcentage montera à 72 % dans le projet de budget pour 2004. La part de l'Afrique, 72 % en 2002, devrait également augmenter en 2003 et 2004.

A propos de l'exécution de la loi de finances initiale pour 2003, les rapporteurs ont relevé à juste titre les difficultés rencontrées par notre politique de coopération et d'aide au développement après les régulations budgétaires subies au cours de l'année. Je partage évidemment le sentiment de M. de Villepin à ce sujet et je n'y reviens pas. Comme lui, je souhaite que ces mesures qui ont été exceptionnellement rigoureuses ne soient pas reconduites.

Pour aller dans le sens des remarques de M. Cazenave, il convient toutefois par précaution d'anticiper de mauvaises surprises. Dans cette perspective, la programmation de nos actions pour 2004 a été élaborée de façon encore plus stricte.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Il est exact, comme l'ont souligné M. Godfrain et M. Emmanuelli, que les difficultés que nous avons traversées en 2003 risquent d'entraîner des reports de charges sur 2004, sous réserve, je tiens à le mentionner, de ce qui pourra être obtenu dans le cadre du collectif de fin d'année. En toute hypothèse, ces reports resteront sensiblement inférieurs à l'augmentation des crédits qui vous est proposée dans le projet de loi de finances.

A propos de l'aide publique au développement et du traitement de la dette, l'essentiel de l'intensification de notre effort d'aide au développement tient, actuellement et sans doute encore pour l'exercice qui suivra, aux opérations d'allégement de dette, en particulier dans le cadre de l'initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés, dite « PPTE », et de son complément bilatéral français, les contrats de désendettement-développement. En effet, le traitement de la dette qui n'avait contribué à notre effort d'aide globale qu'à hauteur de 470 millions d'euros en 2001, dépassera 2 milliards d'euros en 2004. Il devrait être sans doute comparable, voire supérieur, en 2005 avant de connaître un infléchissement.

L'importance de cette action résulte d'une situation dénoncée depuis longtemps et que ceux qui suivent les problèmes du sous-développement connaissent bien : les pays les plus pauvres ne pourront pas décoller tant qu'ils seront soumis au poids écrasant de leur dette. La ramener à un niveau supportable est d'ailleurs l'un des objectifs du Millénaire pour le développement, qui a fait l'objet d'une déclaration internationale en septembre 2000 dans le cadre des Nations unies, et les résultats sont tangibles. Même s'il n'apporte pas la réponse à tous les problèmes du sous-développement, l'allégement du fardeau de la dette permet, comme l'a souligné M. Emmanuelli, une augmentation des dépenses de lutte contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires. Il s'agit donc bien d'aide au développement, et non pas d'un simple jeu d'écritures ou d'une aide en trompe-l'œil comme je l'ai entendu dire à plusieurs reprises. C'est pourquoi ce volet du dispositif me semble devoir être considéré comme un instrument efficace de l'aide au développement.

Pour autant, les autres dimensions de notre politique de coopération ne sont pas oubliées. Les crédits de coopération du ministère des affaires étrangères sont en augmentation de 141 millions d'euros dans le projet de budget pour 2004, soit une progression de 9,5 %, reflétant ainsi la priorité qui lui est accordée malgré la rigueur.

De plus, les allégements de dette ne seront pas éternels. Dès 2005, et surtout au cours des années suivantes, cette composante de notre aide va décroître et sera remplacée par le renforcement de nos autres actions de coopération afin d'atteindre la cible de 0,50 % du PIB en 2007. Même si la question ne se pose pas encore, il convient d'anticiper le futur reflux des annulations de dette. Une réflexion est déjà engagée à ce sujet, et des propositions seront faites prochainement.

La progression des crédits de coopération a été concentrée sur quelques instruments prioritaires clairement identifiés.

Le Fonds européen de développement d'abord. La réforme de cette institution, bien qu'encore imparfaite - elle continue à susciter sur certains points des critiques justifiées - montre ses premiers résultats, avec en particulier une accélération des décaissements. Les crédits proposés sont en conséquence en augmentation de près de 14 %.

De même, l'Agence française de développement voit ses crédits de paiement affectés aux dons croître de plus de 15 % : 158 millions d'euros contre 137 millions en 2003. Ceux du Fonds de solidarité prioritaire qui est l'instrument de l'aide au développement géré directement par le ministère, progressent de 25 %. Comme l'a remarqué M. Woerth, cette augmentation, qui va de pair avec une réduction de 10 % des autorisations de programme qui étaient « surdotées », permet de rétablir un meilleur équilibre entre les deux.

Les concours financiers augmentent de 29 % sous l'effet conjugué des contrats de désendettement-développement et des aides budgétaires.

Enfin, le plan de relance de la francophonie, annoncé à Beyrouth par le Président de la République, est pris en compte dans le projet de budget, comme l'ont noté MM. Woerth, Cazenave, Rochebloine et Dutoit, sous forme d'une contribution de 10 millions d'euros au Fonds multilatéral unique et d'une dotation équivalente au chapitre 42-15 « Coopération culturelle et technique ». La priorité accordée à cet instrument de rayonnement culturel et d'influence est donc clairement affirmée.

En revanche, d'autres domaines demeurent placés sous contrainte financière, comme l'ont relevé plusieurs de vos rapporteurs, en particulier Eric Woerth.

Ainsi, il est regrettable que les crédits de coopération culturelle et technique du chapitre 42-15 soient en baisse de 3 % par rapport au budget initial de 2003. Ils restent cependant supérieurs à ceux qui sont été effectivement disponibles cette année du fait des mesures de régulation. C'est donc la garantie que les pays bénéficiaires ne verront pas de nouvelle diminution de l'aide qu'ils ont reçue en 2003.

Nous aurions également souhaité augmenter d'autres lignes budgétaires, par exemple les contributions volontaires au système des Nations unies. Plusieurs rapporteurs ont fait observer à juste titre que notre présence est insuffisante sur ce terrain compte tenu de la dynamique de notre politique. Il en est de même pour l'aide alimentaire, le soutien aux organisations de solidarité internationale, comme l'a noté M. Godfrain, la coopération militaire, la coopération décentralisée.

Sur ce dernier point, la présentation de M. Emmanuelli était quelque peu noircie par rapport à la réalité. Il fait état d'une baisse des crédits de 9 % sur un an. Mais son calcul est fait à partir non pas de la loi de finances initiale mais des budgets qui ont été abondés par la réserve parlementaire.

En fait, les crédits du ministère sont reconduits à l'identique, par rapport au projet de loi de finances initial de l'an dernier.

D'autres sujets évoqués par MM. les rapporteurs auraient appelé des réponses et des commentaires de ma part, notamment le codéveloppement, auquel M. Godfrain est particulièrement attaché, et qui fait partie des nouveaux instruments de développement que nous sommes en train de mettre en œuvre, à la suite du débat qui s'est déroulé ici même il y a quelques mois, à son initiative. Je ne pourrai, faute de temps, répondre à cette tribune, mais je me tiens à la disposition de MM. les rapporteurs pour leur fournir toutes les explications complémentaires qu'ils sont en droit d'attendre.

Telles sont, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, les observations que je voulais vous présenter brièvement. En conclusion, je voudrais remercier MM. les rapporteurs pour leurs travaux, qui nourriront la réflexion du Gouvernement, et conforteront sa détermination dans la conduite de la politique de coopération et de francophonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Henri Sicre, premier orateur inscrit.

M. Henri Sicre. Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tous les ans à la même date nous procédons à l'examen de la politique étrangère de la France. Au-delà des discours et des intentions, ambitieuses ou généreuses, affichées par le Président de la République, le Gouvernement et les ministres concernés, le budget constitue une redoutable épreuve de vérité. Son évolution et sa consistance peuvent donner à croire, ou au contraire inciter à douter de la parole de notre pays au plan international.

Le rappel à l'ordre financier que vient d'adresser la Commission européenne à la France est venu étouffer les cris de gargouille imprudemment lancés tous azimuts par notre diplomatie depuis un peu plus d'un an. La France serait « en sursis pour trois semaines », selon les commentaires publiés ces jours derniers. Des sanctions pourraient être adoptées par un prochain Conseil européen. Selon d'autres propos, plus accommodants, ce sont de simples recommandations qui pourraient vous être adressées. Cette perspective appelle deux commentaires, ne préjugeant en rien de ce qui peut être dit sur le fond.

Premièrement, qu'il s'agisse de sanctions ou de recommandations, c'est bel et bien la crédibilité extérieure de la France qui est ainsi gravement exposée. Notre pays étant suspecté de mauvaise gestion par l'Europe, son discours extérieur s'en trouve fragilisé.

Ma deuxième remarque renvoie à nos débats de ce jour. Quelle est la portée réelle de nos échanges et des votes qui vont être émis sur la loi de finances 2004 ? Le ministre compétent, M. Francis Mer, aurait signalé lundi dernier à ses collègues européens qu'il allait « essayer de trouver un chemin crédible » pour réduire le déficit public. Comment faut-il entendre cette information ? Elle signifie qu'il a obtenu de la part de l'Europe, en contrepartie de cette promesse, de pouvoir terminer tranquillement l'examen du budget, qui sera ensuite corrigé par le Gouvernement. Si je comprends bien, et je ne crois pas être le seul sur les bancs de cet hémicycle, nous discutons une loi de finances fictive, apparente, et finalement trompeuse. Je vous renvoie aux propos tenus par notre rapporteur Richard Cazenave, qui, avec une rude franchise, a reconnu que 15 % des engagements non obligatoires du budget 2003 votés par notre assemblée n'ont pas été tenus. Ceci est un mauvais coup porté à la représentation nationale et à nos institutions démocratiques.

L'inquiétude du groupe socialiste est d'autant plus forte que le « bleu » qui nous avait été communiqué, à supposer qu'il ait un contenu plus effectif que celui voté l'année précédente, est déjà « en trompe l'œil », pour reprendre la formule employée par un grand quotidien du soir.

Le nerf de notre lisibilité extérieure, les personnels en poste à l'étranger, les interventions publiques, ont été particulièrement et injustement sollicités. Alors que le ministère consomme à peine plus de 1 % du budget de l'Etat, les affaires étrangères ont, cette année encore, perdu des agents - 116 pour être précis. Ce recul affecte plus particulièrement les fonctionnaires en poste à l'étranger. La baisse de crédits affectés aux rémunérations des personnels en poste à l'étranger, quelles que soient leurs fonctions, diplomatiques, consulaires ou culturelles, a été particulièrement lourde, comme nous l'indique le titre III du document budgétaire. Tout aussi préoccupant, pour le présent comme pour l'avenir, les crédits du titre IV, interventions publiques, ont eux aussi subi une forte compression. En clair, pour ceux qui ne sont pas familiers de la nomenclature budgétaire, cela signifie une réduction des moyens mis à disposition de la société civile. Les associations de solidarité internationale et les collectivités recevront moins d'argent, ainsi que les structures assurant leur coordination avec les administrations publiques. Le Haut Conseil de la coopération internationale, instrument imaginé et mis en place durant la législature précédente par le gouvernement de Lionel Jospin, et particulièrement apprécié par les ONG, voit son enveloppe fondre de plus de 4 %, après avoir déjà été mis au pas de façon cavalière l'année dernière.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial, pour les affaires étrangères et la francophonie. Il ne sert à rien !

M. Henri Sicre. L'humanitaire et le social ont été, eux aussi, largement mis à contribution. Les rubriques négatives se succèdent de ligne en ligne, particulièrement au titre III et au titre IV : « Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel », « Mission de l'adoption internationale », « Maison des Français à l'étranger », « Emploi et formation professionnelle des Français à l'étranger », « Transfert de savoir-faire ».

Seul l'OFPRA, l'Office français des réfugiés et apatrides, échappe à cette Berezina. Mais l'OFPRA est-il encore sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ? Il est permis de se poser la question. Monsieur le ministre, allez-vous conserver la responsabilité de cet organisme de protection des droits de l'homme ? Allez vous résister aux ambitions de ceux ou, pour être plus précis, de celui qui voudrait en faire une antenne de la préfecture de police ?

M. Jacques Myard. Allons ! C'est scandaleux !

M. Henri Sicre. En effet, je note avec une certaine préoccupation que les crédits d'assistance aux réfugiés étrangers ne suivent pas la montée en puissance parallèle de ceux accordés à l'OFPRA.

Ce recentrage de votre ministère, ce repliement, interpelle d'autant plus que la France est immergée dans un contexte économique, commercial, diplomatique, culturel et social de plus en plus mondialisé. La bataille est rude et exigeante, même si elle garde pour l'essentiel une dynamique intergouvernementale pacifique. Ministère de souveraineté, les affaires étrangères sont en première ligne, et auraient mérité d'être traitées en conséquence.

II suffit en cet automne 2003 de regarder au-delà de notre hexagone pour mesurer l'ampleur des défis auxquels la France est confrontée. Le Proche et le Moyen-Orient, zones d'intérêt stratégique majeur, restent des foyers d'instabilité aux évolutions imprévisibles. La crise irakienne, imprudemment accélérée par les Etats-Unis, garde un fort potentiel d'incertitude. Les autorités israéliennes ont tiré un trait inacceptable sur les perspectives de paix ouvertes à Oslo et Madrid il y a douze ans. L'Afrique, cette année encore, a connu une série de drames humanitaires et politiques, au Congo-Kinshasa, au Liberia et en Côte d'Ivoire. Ils paralysent son développement et alimentent les trafics internationaux illicites. Le système des Nations unies, cruellement affecté par la mort d'un diplomate remarquable à Bagdad, a été gravement déstabilisé par la politique unilatérale du gouvernement républicain des Etats-Unis. Il a par ailleurs révélé d'autres limites en septembre dernier à Cancun, la conférence ministérielle de l'OMC s'étant achevée sur un constat d'échec. Le Brésil, qui a cristallisé un groupe de pays émergents au cours de cette conférence, a pris depuis quelques mois une dimension internationale méritant une attention spéciale - autre chose, en tout cas, qu'une opération furtive ayant légitimement justifié une demande d'excuses publiques. L'Europe enfin, nous sollicite de toute part en cette fin d'année : élargissement, conférence intergouvernementale, interpellation de la France par la Commission - et peut-être bientôt par le Conseil - pour son non-respect du pacte de stabilité.

Telles sont, monsieur le ministre, les échéances et l'horizon qui s'offrent à nous. Le recours à la formule bien frappée à l'égard des nouveaux pays membres de l'Union européenne, comme les annonces faites aux peuples du Sud, et ce qui pourrait être regardé comme un nouvel épisode des aventures de Tintin au Brésil (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ne sauraient faire illusion. Si l'intendance n'est pas au rendez-vous, en particulier dans ce ministère dont vous avez la charge, la voix de la France sera de moins en moins audible.

Il est vrai que le régime minceur imposé au Quai d'Orsay reflète l'incapacité croissante de notre pays à rayonner économiquement, donc politiquement et culturellement, depuis votre retour aux affaires. Les socialistes regrettent cette dégradation de l'image et de la position internationale de notre pays. Le tournant conservateur imposé par le Gouvernement depuis plus d'un an a un coût de plus en plus insupportable. Le « moins d'Etat, moins d'impôts » exalté par vos amis politiques mène tout droit à une impasse.

M. Jacques Myard. Cela n'a rien à voir !

M. Henri Sicre. C'est une impasse humainement dramatique pour les plus défavorisés de nos concitoyens, contraints comme en 1995 à se serrer la ceinture. C'est aussi une impasse pour la France, qui perd la bataille de la mondialisation, faute de croissance économique, et faute d'un instrument diplomatique doté des moyens nécessaires.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères. Que ne faut-il pas entendre !

M. Henri Sicre. La France et sa politique étrangère sont aujourd'hui en cale sèche. Le groupe socialiste le déplore. Il ne pourra, bien évidemment, voter le budget que vous lui proposez, qui n'est qu'un document budgétaire fictif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).

Affaires étrangères, coopération et francophonie (suite)

Affaires étrangères et francophonie :

M. Eric Woerth, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 1 du rapport n° 1110) ;

Affaires étrangères :

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome II de l'avis n° 1113) ;

M. François Lamy, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (tome I de l'avis n° 1114) ;

Coopération et développement :

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 3 du rapport n° 1110) ;

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome III de l'avis n° 1113) ;

Francophonie et relations culturelles internationales :

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome I de l'avis n° 1111) ;

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome IV de l'avis n° 1113).

Enseignement supérieur

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 31 du rapport n° 1110) ;

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IX de l'avis n° 1111) ;

    Déclaration du Gouvernement sur la consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en application de l'article 72-4 de la Constitution et débat sur cette déclaration.

      A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

      Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      JEAN PINCHOT