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Troisième séance du vendredi 7 novembre 2003

56e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

CONSULTATION DES ÉLECTEURS DE GUADELOUPE, DE MARTINIQUE, DE SAINT-MARTIN ET DE SAINT-BARTHÉLEMY

Déclaration du Gouvernement et débat sur cette déclaration

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy en application de l'article 72-4 de la Constitution et le débat sur cette déclaration.

La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, messieurs les députés, par quatre décrets signés le 29 octobre 2003 et publiés au Journal officiel du lendemain, le Président de la République a, sur proposition du Gouvernement, décidé d'organiser le 7 décembre 2003 une consultation des électeurs de la Martinique, de la Guadeloupe, de l'île de Saint-Martin et de l'île de Saint-Barthélémy.

En Martinique et en Guadeloupe, la question posée aux électeurs porte sur la création, dans ces deux régions monodépartementales, d'une collectivité territoriale unique demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire par l'identité législative avec possibilités d'adaptation, et se substituant au département et à la région.

A Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, la question porte sur la création d'une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.

Ces consultations sont organisées sur le fondement de l'article 72-4 de la Constitution pour Saint-Barthélémy et Saint-Martin, et sur celui de l'article 73 de la Constitution -qui renvoie d'ailleurs à l'article 72-4 - pour la Martinique et la Guadeloupe.

Le Gouvernement est tenu, en application de ce même article 72-4, de faire une déclaration, suivie d'un débat, devant les deux assemblées du Parlement, lorsque la consultation est organisée sur sa proposition et qu'elle porte sur le changement de régime législatif - tel le passage d'une collectivité du régime de l'article 73 vers le régime de l'article 74. Le Conseil d'Etat a considéré que, lorsqu'est envisagée, dans le cadre de l'article 73, la création d'une collectivité nouvelle se substituant au département et à la région, le Gouvernement doit également faire une déclaration au Parlement. Nous nous sommes rangés à cet avis.

Mes propos porteront d'abord sur le nouveau cadre constitutionnel des collectivités françaises d'outre-mer ; ensuite, sur la démarche qu'a suivie le Gouvernement, saisi par les élus locaux de propositions d'évolutions institutionnelles ou statutaires ; enfin, sur les suites qu'il conviendra de donner aux consultations du 7 décembre 2003.

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a profondément rénové le cadre constitutionnel de la France d'outre-mer.

Elle a consacré solennellement l'appartenance des collectivités ultra-marines à la République en les mentionnant nominativement à l'article 72-3 de la Constitution. Dans le même temps, elle a réunifié juridiquement le peuple français en abolissant la distinction entre le peuple français et les « peuples d'outre-mer ». Désormais, seule une révision de la Constitution peut conduire à ce qu'une collectivité ultra-marine sorte de l'ensemble français et ce, quel que soit son statut. C'est dire que, régie par l'article 73 ou par l'article 74, les collectivités situées outre-mer bénéficient du même degré de protection constitutionnelle : le temps où l'article 74 était une sorte « d'antichambre de l'indépendance » pour les territoires d'outre-mer est bel et bien révolu.

Je note, d'ailleurs, que les courants indépendantistes sont inexistants dans plusieurs collectivités régies par l'article 74 - Mayotte, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon - ou qui pourraient l'être demain - Saint-Martin et Saint-Barthélémy - alors qu'ils possèdent une audience électorale non négligeable dans certains départements d'outre-mer comme la Martinique et la Guyane.

C'est dire que la puissance du sentiment séparatiste n'est pas nécessairement proportionnelle au degré d'autonomie d'une collectivité !

Je le réaffirme donc ici avec force : l'article 73 et l'article 74 sont sans incidence sur l'appartenance à la République des collectivités qu'ils régissent et le passage de l'un vers l'autre n'emporte sur ce point aucune espèce de conséquence.

Ainsi sécurisé, le débat institutionnel et statutaire peut librement s'exercer, sous réserve que les changements les plus fondamentaux recueillent l'accord des électeurs. C'est ainsi que le passage du régime de l'article 73 vers l'article 74 ou, dans les régions monodépartementales d'outre-mer, l'institution d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, doivent être autorisés par les électeurs. Sans cette autorisation, les pouvoirs publics ne peuvent agir plus avant, et une loi qui irait à l'encontre de la volonté populaire serait inconstitutionnelle. C'est donc bien davantage qu'un simple avis qui est ici recherché. C'est bien désormais un véritable consentement qui doit s'exprimer dans le cadre d'un scrutin satisfaisant à l'exigence de clarté et de loyauté.

Enfin, les collectivités qui composent l'outre-mer français ne peuvent désormais être soumises qu'à deux types de régime législatif.

Dans le cadre de l'article 73, les lois et règlements sont applicables de plein droit : c'est le régime de l'identité législative. Mais ils peuvent faire l'objet d'adaptations aux « caractéristiques et contraintes » des départements et régions d'outre-mer. Ces adaptations peuvent résulter de la loi ou du décret, comme c'est déjà le cas depuis 1946, ou encore être définies localement, mais dans les conditions que la loi organique devra encadrer et sur habilitation au cas par cas par le législateur. Dans un nombre limité de matières, pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités peuvent en outre adopter des actes réglementaires dans le domaine de la loi : mais cet aménagement partiel et encadré du principe d'identité législative ne doit naturellement pas avoir pour effet d'en dénaturer la portée. A titre d'exemple, des domaines comme les transports terrestres, l'environnement, l'urbanisme ou l'aménagement du territoire pourraient être concernés par cette procédure.

Dans le cadre de l'article 74, en revanche, ce pouvoir de réglementer dans le domaine de la loi peut concerner toutes les matières autres que régaliennes. En outre, c'est la loi organique qui, en fixant les conditions dans lesquelles s'appliquent les lois et règlements, détermine le plus ou moins grand degré de spécialité législative, laquelle peut ainsi osciller entre la quasi-assimilation - c'est le cas de Saint-Pierre et Miquelon - ou la très large autonomie - comme la Polynésie française - avec des situations intermédiaires, telle Mayotte où la spécialité s'applique aux deux tiers des textes environ.

Ainsi, on le voit, les deux régimes législatifs institués par les articles 73 et 74 révisés permettent d'envisager, pour l'outre-mer, toutes les solutions institutionnelles et statutaires, pourvu que soient respectés les principes de la République : les matières dites « régaliennes » - justice, police, défense, affaires étrangères, état des personnes, etc.- demeurent toujours de la compétence de l'État.

Les deux régimes législatifs, dotés de la même force constitutionnelle, sont également estimables : on n'est pas moins Français parce que l'on vit dans une collectivité régie par l'article 74. Nos concitoyens de ces collectivités d'outre-mer ont su donner, par le passé, au même titre que ceux des départements d'outre-mer, des preuves de leur attachement à la Nation !

Naturellement, les autres dispositions du titre XII de la Constitution ont vocation à s'appliquer aux collectivités régies par les articles 73 et 74 : l'appartenance à l'outre-mer n'implique en aucune façon une quelconque distanciation par rapport aux règles constitutionnelles communes à l'ensemble des collectivités territoriales de la République. Les collectivités situées outre-mer peuvent bénéficier d'attributions supplémentaires par rapport à celles de la métropole ; elles ne sauraient, en revanche, voir les droits de leurs habitants restreints et les principes de l'État républicain ne sauraient y être de moindre force qu'en métropole.

C'est dans ce cadre constitutionnel rénové, sécurisé et clarifié que sont organisées les quatre consultations populaires qui font l'objet de la présente déclaration.

Contrairement à ce que prétendent un peu hâtivement certains commentateurs manifestement mal informés, ces consultations sont l'aboutissement de longs débats, tant localement qu'au sein du Parlement.

Je rappelle d'abord que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n'a pas été adoptée subrepticement : l'outre-mer y occupe tout de même un peu plus de la moitié du texte ! Les débats qui ont précédé l'adoption de la révision n'ont rien dissimulé des intentions du constituant, qui a mis en œuvre les engagements du Président de la République, dont les positions sur ce sujet ont été précisées dès le discours de Madiana, à la Martinique, le 11 mars 2000.

En Martinique comme en Guadeloupe, la question de la collectivité unique et de l'assemblée unique est ancienne : elle apparaît en 1982, alors que le Gouvernement et le Parlement de l'époque veulent mettre en place des conseils régionaux élus au suffrage universel : le caractère monodépartemental des régions d'outre-mer est regardé par de larges secteurs de l'opinion comme devant conduire, dans un souci de simplification, à la création soit d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, soit à la mise en place d'une assemblée délibérante commune aux deux collectivités. Le Conseil constitutionnel, on le sait, a censuré une première tentative d'assemblée unique dans sa décision du 2 décembre 1982, pour des raisons principalement liées au mode de scrutin retenu pour cette assemblée, qui dénaturait par trop l'institution départementale.

Le législateur a alors décidé, par la loi du 31 décembre 1982 d'instituer un conseil régional distinct du conseil général : ces conseils régionaux d'outre-mer furent élus pour la première fois en février 1983.

Depuis cette date, la coexistence sur le même territoire de deux assemblées délibérantes dotées de la même légitimité démocratique, qui n'a pas d'équivalent connu dans les démocraties contemporaines, n'a jamais cessé d'être débattu.

Par ailleurs, l'article 73 dans sa rédaction initiale était regardé comme trop contraignant eu égard aux nécessités de l'adaptation des normes aux spécificités locales : là encore, le débat sur la dévolution aux collectivités régies par l'article 73 d'un pouvoir normatif, jugé nécessaire à l'exercice effectif de nouvelles compétences, est ancien et récurrent.

Quant à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, le débat statutaire y est également ancien. On se souvient qu'en 1996 l'Assemblée nationale avait, sur la proposition du président Pierre Mazeaud, adopté pour ces deux îles une organisation particulière qui préfigurait à bien des égards le dispositif qui sera soumis aux électeurs le 7 décembre. Cette tentative n'a pu être menée à son terme.

Voici, très brièvement résumés, les termes du débat. Ils ont d'ailleurs été largement développés, à l'occasion des discussions au Parlement sur la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, par de nombreux orateurs au sein des deux Assemblées, et les rapporteurs du texte, MM. Garrec et Clément, présidents des deux commissions des lois, s'en sont fait l'écho de manière très complète dans leur rapport écrit.

C'est dire que l'on peut difficilement reprocher au Gouvernement je ne sais quelle « aventure » en ce domaine : les observateurs attentifs de l'outre-mer et de l'organisation territoriale de la République ne sauraient être surpris par sa démarche.

Ce reproche est d'autant moins fondé que le rôle du Gouvernement, sur ces questions, s'est limité à préparer et à mener une révision de la Constitution, sans idée préconçue sur les évolutions institutionnelles ou statutaires ultérieures. Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement et le Parlement, qui a adopté la révision constitutionnelle, ont tracé un cadre dans lequel les évolutions peuvent être proposées au choix des électeurs. Le Gouvernement n'est pas, en l'espèce, porteur d'un quelconque projet : il n'a fait que proposer au Chef de l'État, gardien de l'intégrité du territoire national et du respect de la Constitution, de soumettre au vote populaire des réformes préparées et mûries localement, et dont il a vérifié qu'elles étaient bien conformes à la Constitution. Il ne prend position ni en faveur du « oui », ni en faveur du « non ».

Ces réformes, sur le détail desquelles je reviendrai dans quelques instants, s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la Constitution révisée et ne comportent donc aucun danger d'affaiblissement du lien entre l'outre-mer et la République.

Elles sont le résultat d'un large accord entre les forces politiques locales les plus représentatives, bien au-delà du traditionnel clivage droite-gauche, et au sein des assemblées locales.

C'est en effet une condition à laquelle le Gouvernement attache la plus grande importance : il n'entre pas dans ses intentions d'utiliser la procédure de consultation populaire de l'article 72-4 de la Constitution pour arbitrer des compétitions politiques locales. Le recours au vote populaire doit permettre de trancher une question concrète, à partir de propositions établies et discutées. La consultation populaire n'est pas un sondage. Elle n'est pas non plus un « questionnaire à choix multiples ». Dès lors qu'elle a valeur décisionnelle, elle doit porter sur un projet qui se trouve en débat, et sur un seul. Ainsi en dispose la Constitution. Le Gouvernement n'a donc aucunement l'intention d'organiser une consultation populaire sur une question qui ne fait l'objet d'aucune demande locale : ainsi, comme aucun projet de ce type n'a vu le jour à la Réunion, il n'y aura pas de consultation sur ce thème ; de même, le passage vers le régime de l'article 74 n'étant demandé ni en Martinique, ni en Guadeloupe, les électeurs n'en seront pas saisis.

Ce sont donc bien les propositions des élus locaux et elles seules qui ont conduit le Gouvernement à proposer au chef de l'État d'organiser ces consultations.

En Martinique et en Guadeloupe, les élus départementaux et régionaux ont adopté, postérieurement à la loi constitutionnelle, des résolutions sur l'évolution institutionnelle : ces orientations ont été synthétisées sous la forme d'un document d'orientation.

Les élus de la Guadeloupe se sont prononcés à une très large majorité.

En Martinique, le président du conseil général et le président du conseil régional, dûment mandatés à cette fin par une commission spécialement désignée par les deux assemblées, ont approuvé le document.

A Saint-Barthélémy et à Saint-Martin, les deux conseils municipaux ont chacun approuvé à l'unanimité le document d'orientation propre à chaque île.

Chacun de ces documents d'orientation est visé par le décret qui décide de consulter les électeurs dans la collectivité concernée.

Je vais maintenant procéder à la lecture de ces quatre documents, qui figureront ainsi au compte rendu officiel de votre séance. En effet, s'ils ne possèdent pas de force juridique propre, ces documents d'orientation inspireront nécessairement les réformes qui suivront les consultations, si le « oui » l'emporte. Ils constituent en quelque sorte la « feuille de route » du Gouvernement pour l'élaboration des futurs textes législatifs nécessaires à la mise en œuvre de la volonté populaire.

Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Martinique :

« Conformément aux dispositions de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, les orientations suivantes en matière d'évolution institutionnelle sont soumises aux électeurs de la Martinique :

« 1. La Martinique constituera, sur le fondement des articles 72 (alinéa 1er) et 73 de la Constitution, une collectivité territoriale nouvelle se substituant au département et à la région de la Martinique.

« Elle demeurera donc soumise au principe de l'identité législative, adaptée le cas échéant à ses caractéristiques et contraintes, et au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne.

« 2. La nouvelle collectivité exercera les compétences actuellement dévolues au département et à la région. Elle a en outre vocation à exercer des compétences nouvelles, qu'il s'agisse de celles qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois de décentralisation, ou des compétences normatives prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution.

« Les nouveaux domaines de compétences pourront notamment comprendre l'aménagement du territoire, l'urbanisme, l'environnement, l'énergie, les transports terrestres et maritimes, le logement et l'habitat, la culture et le sport et la coopération régionale.

« 3. La nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée délibérante unique de 75 membres dont l'élection se fera dans une circonscription électorale unique au scrutin proportionnel, avec une prime majoritaire de 4 sièges pour la liste arrivée en tête, les 71 sièges restants étant répartis entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés. Le principe de parité entre les femmes et les hommes sera appliqué.

« L'organe exécutif de la collectivité sera élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.

« Trois conseils consultatifs, le conseil des communes, le conseil économique et social et le conseil pour l'éducation et la culture, bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition. »

Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Guadeloupe :

« Conformément aux dispositions de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, les orientations suivantes en matière d'évolution institutionnelle sont soumises aux électeurs de la Guadeloupe :

« 1. Régime constitutionnel et législatif : la Guadeloupe constituera, sur le fondement des articles 72 (alinéa 1er) et 73 de la Constitution, une collectivité territoriale nouvelle se substituant au département et à la région de la Guadeloupe.

« Elle demeurera donc soumise au principe de l'identité législative, adaptée le cas échéant à ses caractéristiques et contraintes, et au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne.

« 2. Compétences : la nouvelle collectivité exercera les compétences actuellement dévolues au département et à la région. Elle a en outre vocation à exercer les compétences normatives prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution, et les compétences nouvelles qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois de décentralisation.

« 3. Institutions : la nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée délibérante unique de 70 membres dont l'élection se fera dans le cadre d'une circonscription électorale correspondant à l'ensemble de la Guadeloupe. Cette élection se fera au scrutin proportionnel avec une prime majoritaire de 4 sièges, les sièges restants étant répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. En outre, chaque île bénéficiera d'une représentation spécifique, au scrutin uninominal quand un siège sera à pourvoir, et à la représentation proportionnelle au-delà. Le principe de parité entre hommes et femmes sera appliqué.

« L'organe exécutif de la collectivité sera élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.

« Les deux conseils consultatifs, le conseil économique et social et le conseil pour l'éducation et la culture, seront maintenus et bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition renforcées. »

Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de l'île de Saint-Martin :

« 1. Saint-Martin constituera, sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, une collectivité d'outre-mer de la République ; cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à la commune de Saint-Martin, ainsi que, pour le territoire concerné, au département et à la région de la Guadeloupe.

« A Saint-Martin, les lois et règlements s'appliqueront de plein droit dans les matières qui demeureront de la compétence de l'Etat, sous réserve des mesures d'adaptation nécessitées par l'organisation particulière de la collectivité.

« Saint-Martin demeurera soumise au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne.

« 2. La nouvelle collectivité exercera les compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions, ainsi que les compétences qui pourront être transférées ultérieurement à ces collectivités dans le cadre des futures lois de décentralisation. La collectivité pourra prendre des mesures relevant du domaine de la loi en matière fiscale, à l'exception des prélèvements sociaux. Elle pourra en outre adapter les lois et règlements en matière d'urbanisme, de logement, de domanialité publique et d'enseignement. Elle aura vocation à exercer ultérieurement des compétences nouvelles, dans le cadre et les limites prévues à l'article 74 de la Constitution.

« 3. La nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée délibérante élue pour cinq ans dont l'élection se fera dans une circonscription unique. Cette élection se fera au scrutin proportionnel, avec une prime majoritaire. Le principe de parité entre les femmes et les hommes sera appliqué.

« L'organe exécutif collégial de la collectivité sera élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.

« Deux conseils consultatifs, le conseil économique et social et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition. »

Enfin, je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de l'île de Saint-Barthélémy :

« Dans le cadre de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, et pour tenir compte de la situation et de l'histoire particulières de l'île de Saint-Barthélémy, telles qu'elles résultent notamment du traité franco-suédois du 10 août 1877, il est proposé aux électeurs de l'île de Saint-Barthélémy d'approuver les orientations statutaires ci-après :

« 1. Saint-Barthélémy constituera, sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, une collectivité d'outre-mer de la République ; cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à la commune de Saint-Barthélémy et, sur le territoire concerné, au département et à la région de la Guadeloupe.

« A Saint-Barthélémy, les lois et règlements s'appliqueront de plein droit dans les matières qui demeureront de la compétence de l'Etat, sous réserve des mesures d'adaptation nécessitées par l'organisation particulière de la collectivité d'outre-mer

« 2. La nouvelle collectivité d'outre-mer exercera les compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions et celles qui pourront leur être transférées ultérieurement dans le cadre des futures lois de décentralisation. Elle exercera en outre les compétences dans les domaines suivants :

« a) Fiscalité, sans préjudice de l'établissement d'une convention fiscale avec l'Etat qui déterminera la notion de résident ; régime douanier ; réglementation des prix ;

« b) Urbanisme, aménagement, construction et logement ; cadastre ; domanialité publique ; circulation et sécurité routières ; voirie ; gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires ; droit de l'eau ; énergie ; tourisme ; environnement ; sport ; culture ;

« c) Action sanitaire et sociale ; organisation et gestion des établissements de soins ; du centre de secours, des établissements hospitaliers, des établissements d'enseignement primaire et secondaire ainsi que de la formation professionnelle ; transport scolaire ;

« d) Postes et télécommunication ;

« e) Accès au travail des étrangers.

« Dans les matières qui relèveront de sa compétence, la collectivité pourra prendre des mesures dans le domaine de la loi ; en outre, dans certaines matières qui demeureront à titre principal de la compétence de l'Etat, la collectivité pourra être habilitée à adapter les lois et les règlements.

« 3. La nouvelle collectivité d'outre-mer sera administrée par une assemblée délibérante élue pour cinq ans selon les modalités actuellement prévues pour l'élection du conseil municipal.

« 4. Le président de l'assemblée délibérante, élu par cette dernière parmi ses membres pour la durée du mandat, soit cinq ans, sera l'organe exécutif de la collectivité d'outre-mer ; il sera assisté par une commission exécutive élue pour la même durée par l'assemblée délibérante, à la représentation proportionnelle de ses membres ; le président et la commission exécutive seront responsables devant l'assemblée délibérante.

« 5. Un conseil économique, social et culturel bénéficiera de compétences d'initiative et de proposition ; il sera obligatoirement consulté sur les projets d'actes et de délibérations de la collectivité d'outre-mer à caractère économique, social ou culturel. »

C'est donc éclairés par ces documents d'orientation que les électeurs se prononceront le 7 décembre prochain.

J'en viens maintenant aux conséquences des consultations. J'évoquerai d'abord l'hypothèse d'une victoire du « non ».

Dans ce cas, la décision des électeurs empêche que soit poursuivie - ou même entamée - une procédure d'évolution dans le sens rejeté par la population, faute de l'autorisation du corps électoral requise par la Constitution.

Le Gouvernement ne proposera donc au Parlement aucun texte qui irait à l'encontre de la volonté populaire. Cela implique que la Martinique ou la Guadeloupe demeureront des régions mono-départementales, et qu'elles pourront toujours revendiquer l'exercice des compétences nouvelles que l'article 73 de la Constitution a prévues - sous réserve de l'adoption préalable d'une loi organique pour en encadrer l'usage.

Pour Saint-Martin et pour Saint-Barthélémy, le « non » aura pour conséquence de maintenir ces îles dans le droit commun de l'article 73. Demeurées dépendances de la Guadeloupe, les habitants de ces îles ne pourront plus invoquer des tolérances, des coutumes et des usages, notamment en matière fiscale, pour se dérober au droit commun, puisqu'ils auront refusé une évolution leur accordant l'autonomie dans ce domaine.

J'évoque maintenant l'hypothèse d'une victoire du « oui ».

Dans ce cas, sans y être tenu juridiquement, le Gouvernement aura l'obligation politique et morale de préparer un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire qui comporteront des dispositions nécessaires à l'organisation des nouvelles collectivités. Ces textes seront bien sûr préparés en pleine concertation avec les élus. Mais c'est en définitive le Parlement qui décidera ou non d'adopter ces projets.

Ces collectivités seront naturellement soumises au respect des règles et principes posés par le titre XII de la Constitution. Elles seront dotées d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct, dont procédera un organe exécutif collégial qui sera responsable devant l'assemblée. Dans toutes les collectivités, des conseils consultatifs aux attributions étendues seront mis en place. Le référendum local et le droit de pétition seront institués.

De manière générale, le Gouvernement veillera, dans la préparation de ces projets de loi, à organiser le fonctionnement des nouvelles collectivités dans la transparence et la démocratie interne. Il s'agit, sans doute, d'une exigence qui doit prévaloir dans toutes les collectivités territoriales de la République, mais qui revêt une acuité toute particulière dans des collectivités qui bénéficieront de compétences sans équivalent en métropole.

Bien évidemment, l'institution préfectorale sera maintenue dans les collectivités nouvelles : comment pourrait-il en être autrement ? Le représentant de l'État conservera les prérogatives que lui attribue la Constitution, notamment en matière de contrôle de légalité.

Toujours dans l'hypothèse où le « oui » l'emporterait, les collectivités ainsi créées en Martinique et en Guadeloupe seront dotées d'une organisation institutionnelle particulière. Pour autant, elles demeureront régies par l'article 73 et donc par le principe de l'identité législative. C'est donc abusivement que l'on prétend ici ou là que la suppression du département et son remplacement par une collectivité territoriale nouvelle auraient des conséquences sur l'état du droit applicable. Car en aucun cas, les droits qui résultent de la départementalisation ne pourront être remis en cause. Il convient en effet de ne pas accorder à l'adjectif « départemental » plus de portée qu'il n'en a réellement.

S'agissant plus particulièrement de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, les compétences normatives accordées à ces collectivités, en particulier dans le domaine fiscal, ne remettront pas en cause celles que l'État conservera en matière de procédure pénale, de droit pénal, mais aussi de droit commercial, monétaire et financier : en aucun cas, les compétences nouvelles accordées aux deux collectivités ne pourront avoir pour effet de permettre la création de « paradis fiscaux » ou de « centres off shore ».

Le pouvoir fiscal ainsi dévolu aux collectivités devra en tout état de cause s'exercer dans le cadre de conventions avec l'État, afin d'éviter tout phénomène d'évasion fiscale.

La réforme institutionnelle n'aura pas non plus d'incidences sur le statut européen de la Martinique et de la Guadeloupe, et notamment sur leur qualité de « région ultra-périphérique », au sens de l'article 299-2 du traité de Rome modifié par le traité d'Amsterdam.

En effet, du point de vue des institutions de Bruxelles, c'est l'application effective du droit communautaire qui importe : il revient à chacun des États membres de veiller au respect de leurs obligations en la matière par leurs entités territoriales. L'organisation interne des États membres relève de leur souveraineté. Le projet de traité constitutionnel devrait d'ailleurs réaffirmer ce principe. Son article 5-1 dispose en effet que « l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale ».

De même, si l'article 299-2 du traité de Rome évoque les « départements français d'outre-mer », il ne peut s'agir que d'une référence géographique aux quatre départements ainsi dénommés à la date de la signature du traité et non pas d'une référence juridique ou statutaire.

Toute autre interprétation priverait la France de sa souveraineté en matière d'organisation territoriale, en allant jusqu'à lui interdire de changer la dénomination de l'une de ses collectivités.

Pour conclure, je voudrais, devant la représentation nationale, souligner deux points essentiels.

C'est la première fois dans l'histoire que les électeurs des Antilles sont appelés à se prononcer sur l'évolution de leurs institutions dans le cadre de la République. Ni la départementalisation en 1946, ni la création des conseils régionaux en 1982 n'ont été soumises au suffrage populaire.

Ces scrutins sont l'illustration parfaite d'une démocratie locale effective et vivante. Ils ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale. Ils permettent seulement aux citoyens concernés d'autoriser des évolutions locales ou de s'y opposer.

Enfin, je tiens, une fois encore à écarter de la façon la plus solennelle, les insinuations selon lesquelles l'évolution institutionnelle locale serait un premier pas vers la séparation d'avec la République. Quels que soient les résultats de ces scrutins, les liens entre la métropole et l'outre-mer ne seront ni amoindris, ni distendus. Aucun gouvernement n'a œuvré plus que celui-ci pour réaffirmer l'appartenance pleine et entière de l'outre-mer à la République, sous la haute autorité du Chef de l'État et avec le concours du Parlement, comme en témoigne la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.

Je souhaite que nos compatriotes des Antilles participent nombreux, sans crainte et sans arrière-pensée, à ces consultations dont l'enjeu strictement local les concerne très directement.

A l'issue de ces scrutins, il n'y aura ni vainqueur, ni vaincu. Seule la démocratie triomphera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs, je voudrais, à la demande de notre collègue Joël Beaugendre, signaler la présence dans les tribunes de M. Fleming, maire de Saint-Martin, et de M. Magras, maire de Saint-Barthémy, à qui je souhaite la bienvenue. (Applaudissements sur tous les bancs.)

La parole à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les habitants de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy seront amenés à se prononcer par référendum, le 7 décembre prochain, sur l'évolution du statut de leurs îles.

Cette consultation portera, en ce qui concerne la Guadeloupe et la Martinique, sur le passage de deux départements et deux régions à deux collectivités uniques. Concernant Saint-Martin et Saint-Barthélémy, il sera demandé aux électeurs de choisir entre le maintien de leur statut de commune de Guadeloupe ou la mutation en collectivité d'outre-mer.

Cette consultation découle de la loi d'orientation votée en 2000 et de la loi du 28 mars 2003 qui a rénové le cadre constitutionnel de l'outre-mer. La loi d'orientation a admis les évolutions statutaires réclamées par les élus locaux, qui y voient une condition du développement de leur région.

Depuis 1946, date à laquelle ces anciennes colonies sont devenues des départements, la Guadeloupe et la Martinique ont certes connu des avancées sur le plan social, sanitaire, scolaire, universitaire, etc., mais l'échec de la départementalisation est patent dans la sphère économique.

Le chevauchement des compétences de deux exécutifs dans les régions monodépartementales a entraîné de nombreux dysfonctionnements. Les positions opposées et souvent inconciliables prises par les deux assemblées ont maintes fois paralysé l'action publique locale et renforcé l'interventionnisme de l'Etat.

Cette évolution institutionnelle peut être l'occasion de faire émerger un cadre juridique nouveau, qui permettrait de réorganiser les rapports entre les deux DOM, la France et l'Union européenne.

Ces départements d'outre-mer ont besoin d'un programme dynamique contre le malaise, le chômage, l'absence d'horizon, la perte des repères fondamentaux et le doute identitaire. La mise en œuvre d'un tel programme suppose que soient mieux définis les termes de l'appartenance des DOM à la République.

Le processus instauré par la loi d'orientation permet des évolutions éminemment démocratiques : mise en place du congrès des élus départementaux et régionaux, lieu légal de débats, de concertation et d'élaboration démocratique des propositions institutionnelles qui facilitera l'émergence de larges accords autour d'un projet ; saisine du Gouvernement ; consultation de la population par référendum sur les propositions.

Le référendum proposé s'inscrit dans cette procédure d'évolution institutionnelle. Le congrès de Guadeloupe et celui de Martinique ont approuvé à une très large majorité le projet d'une nouvelle collectivité territoriale se substituant à la région et au département dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.

Les élus concernés attendent légitimement l'organisation de la consultation populaire prévue par la loi d'orientation.

Le groupe communiste, en conformité avec sa position exprimée lors de la loi d'orientation, appuie ce processus que les forces progressistes des Antilles jugent positif et propre à ouvrir la voie à plus de responsabilités pour leurs peuples. Nous approuvons donc l'organisation de ces référendums qui permettra à ces peuples, pour la première fois, de s'exprimer sur l'organisation politique de leurs régions.

Cependant, il est impératif que soient garanties les conditions nécessaires au déroulement démocratique de la campagne et des opérations de vote, comme ce fut le cas en Corse. La loi du 10 juin 2003 a organisé matériellement cette consultation : répartition du temps de parole, réglementation de la propagande, création d'une commission de contrôle de la consultation composée de magistrats. Nous espérons que ces conditions seront respectées.

Mais l'évolution institutionnelle, dont l'objectif reste la création des conditions pour le développement et le bien-être des populations, ne peut évacuer la question essentielle des moyens économiques de ce développement. L'Etat ne peut se décharger de sa responsabilité dans ce domaine.

Il est donc regrettable qu'au regard de tels enjeux, le Gouvernement n'accompagne pas cette évolution institutionnelle de décisions économiques et sociales fortes et indispensables.

La loi de programmation de juin dernier s'est contentée d'améliorer, à la marge, le dispositif de la loi d'orientation. Et le budget pour 2004 est l'un des plus catastrophiques que l'outre-mer ait connu.

La situation des Antilles est pourtant très préoccupante. La Guadeloupe et la Martinique subissent de plein fouet la politique du Premier ministre. Les conséquences des mesures antisociales prises depuis quinze mois y seront terriblement amplifiées, car ce sont des territoires de grande pauvreté. Le basculement dans le RMI, que ces collectivités sans grandes ressources auront à gérer, et le fait que des milliers de citoyens supplémentaires soient privés de l'ASS seront un vrai cataclysme.

A l'heure où l'Union européenne est appelée à s'élargir et où l'aide aux régions ultra-périphériques pèsera moins dans le budget communautaire, la Guadeloupe et la Martinique ont besoin d'un grand effort en leur faveur de la part de la République française.

Toute évolution institutionnelle, aussi positive soit-elle, qui ne s'inscrit pas dans une politique de développement ambitieuse, est par là même fragilisée. Le Gouvernement prend donc une grande responsabilité en passant à côté du véritable défi que représente le développement des départements d'outre-mer.

M. Philippe Edmond-Mariette. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.

M. Alfred Almont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, avant toute chose, saluer la détermination de notre gouvernement à mener à bien la décentralisation, cette réforme majeure dont il a fait un objectif prioritaire, dans le droit fil des engagements du Président de la République, pour développer ce que M. le Premier ministre nomme la « République des proximités ».

Il faut se réjouir que le calendrier arrêté pour mettre en œuvre cet important chantier soit tenu, car il était temps de poursuivre, pour le mener à son terme, ce grand mouvement de décentralisation entrepris en 1982, dont nous voyons bien qu'il s'est arrêté au milieu du gué. Le moment est largement venu, en effet, de rapprocher concrètement l'Etat du citoyen, afin que les problèmes soient traités avec davantage d'efficacité, dans un souci de la simplification des circuits de décision, au plus près du terrain et par la collectivité la mieux appropriée.

Aujourd'hui, la République apporte la preuve - et nous nous en réjouissons - qu'elle entend s'épanouir dans le respect des identités régionales. Et à cet égard, madame la ministre, je vous remercie pour ce nouveau débat qui nous est proposé.

S'agissant de l'outre-mer, et plus particulièrement de la Martinique, la loi constitutionnelle de décentralisation du 28 mars 2003 a permis de refondre le cadre institutionnel qui lui est propre, afin de le simplifier et de l'assouplir pour répondre aux besoins spécifiques de chaque collectivité. La Constitution ainsi révisée ne fait que répondre à nos demandes récurrentes, mais se conforme aussi, tout simplement, à la rédaction originelle de l'article 73 de la Constitution de la VRépublique qui, depuis 1958, dispose que « le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ».

L'institution du département en 1946 répondait, nous le savons, à une logique de nivellement. Il a fallu attendre l'intervention en 1982 des lois de régionalisation qui ont donné, au plan national, le coup d'envoi de la décentralisation pour engager outre-mer le processus d'adaptation. Chez nous, certains les dénonçaient déjà comme des voies de nature à conduire les départements d'outre-mer vers l'autonomie, voire l'indépendance. Vingt ans plus tard, force est de constater qu'il n'en fut rien ! D'autres, en revanche, attendaient de ces lois qu'elles apportent un correctif à la départementalisation.

La difficulté est qu'elles ont consisté à instituer une juxtaposition, sur un territoire de surcroît exigu, d'une région et d'un département, et à mettre en place une région monodépartementale, institution singulière et par ailleurs bien étrange. Pourtant, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, la nécessité d'une Assemblée unique avait été ressentie dès 1982, mais le Conseil constitutionnel jugea que son institution n'était pas conforme à la Constitution dans la mesure où le mode de scrutin retenu alors par le projet du Gouvernement n'était pas identique au mode de scrutin départemental de droit commun qui demeurait en vigueur dans la métropole.

A l'évidence, et l'expérience le démontre à souhait, le département-région n'est pas un modèle de réussite, tant il est vrai que des conflits de compétences n'ont pas manqué de se faire jour dans des domaines aussi importants que ceux du logement, de la politique touristique, des infrastructures routières, des transports, de la pêche, et j'en passe, ce qui a donné lieu dans la plupart des cas à des politiques redondantes, voire contradictoires.

Le 13 décembre 2000, une loi d'orientation pour l'outre-mer, votée à l'initiative du Gouvernement pour répondre à la demande d'approfondissement de la décentralisation, entreprenait d'ouvrir de nouveau le champ de l'évolution institutionnelle. Si elle a eu le mérite d'engager le dialogue sur cet important sujet, elle n'a malheureusement pas réussi, comme nous le savons, à assurer la voie susceptible de permettre une telle évolution, car elle s'est limitée à proposer une méthode, celle qui a consisté à instituer un Congrès composé des élus régionaux et départementaux, appelés à proposer les réformes prenant en compte les particularités locales, sans pour autant avoir la garantie constitutionnelle de les voir aboutir.

Il était donc indispensable de procéder à la révision préalable du titre XII de la Constitution, ce que vous avez fait en y inscrivant les régions et en codifiant les adaptations nécessaires. Vous avez organisé le cadre institutionnel avant toute chose, vous avez invité les élus du Congrès à proposer un document d'orientation et vous avez élargi le débat pour faire en sorte de laisser aux seules populations le soin de décider.

Ainsi, grâce à la révision de la Constitution intervenue le 28 mars 2003, il nous est possible de mettre en œuvre une nouvelle étape de notre évolution au sein de la République, dans la sécurité de nos institutions.

Désormais, nous pouvons mieux faire, comme d'ailleurs il est souhaitable, et c'est pourquoi il importe maintenant de saisir l'occasion que nous offre cette constitution révisée, car elle est incontestablement de nature à favoriser l'évolution nécessaire de nos institutions et de leurs compétences pour servir un autre développement : là est le véritable enjeu. Ce serait avoir la vue courte que d'arrêter comme postulat que la réforme des institutions est une fin en soi et, à terme, synonyme de largage des départements d'outre-mer par la République. Il est indéniable qu'elle ne consiste qu'à améliorer la décentralisation dans un souci de simplification et d'adaptation. Les nouveaux articles 72 et 73 de la Constitution visent bel et bien à promouvoir la responsabilité locale, à mettre en œuvre une nouvelle distribution des pouvoirs, qui marque une avancée significative de la décentralisation et qui donne plus de vitalité à la démocratie, à rompre avec le principe de l'uniformité des règles qui s'appliquent aux régions et, au bout du compte, à améliorer l'efficacité des politiques publiques outre-mer. En clair, il s'agit désormais, sans compromettre l'unité juridique de la République, de procurer aux collectivités d'outre-mer à la fois les capacités et les moyens de jouer un rôle d'adulte qui leur permette de maîtriser les difficultés structurelles inhérentes notamment à l'éloignement et d'être économiquement plus fortes : là est l'essentiel !

Il faut en priorité, dans la sécurité mais aussi dans la responsabilité, favoriser un développement économique et social sain et durable, assis sur l'activité et débouchant sur l'emploi. Car il n'est plus possible, dans le cadre actuel, de s'attaquer aux racines d'un mal-développement dont les effets dépassent maintenant dans nos régions le seuil du supportable. On ne peut admettre plus longtemps un taux de chômage aussi extravagant, favorisant par ailleurs l'exclusion ; un PIB aussi faible ; un taux de couverture aussi bas, comme si nous étions incapables de produire pour exporter et réduire nos importations ; une croissance économique qui ne repose pratiquement que sur une politique de transferts sociaux, qui sont certes ceux de la solidarité nationale mais qui ne servent pas vraiment à notre développement, et qui nous valent d'ailleurs de plus en plus d'être traités d'« assistés ».

Nous voici enfin à l'heure des vrais choix en ce qui concerne le vieux « débat statutaire ». Sur le fond, la rédaction des articles 73 et 74 est vraiment de nature à clarifier le débat et à permettre des choix sans ambiguïté.

Après les travaux des élus en Congrès, cette réforme constitue une avancée considérable pour l'outre-mer, car la légitimité populaire est consacrée dans la Constitution par l'obligation de consulter les populations locales préalablement à toute évolution, et le cadre institutionnel est assoupli pour simplifier les circuits de décision et garantir, je le répète, l'efficacité de l'action publique.

Les institutions, madame la ministre, ont un impact parce qu'elles ont une logique. A la logique d'uniformisation et de centralisation qui est celle du régime départemental se substitue maintenant une logique d'adaptation, grâce à un cadre constitutionnel rénové, sécurisé, clarifié et assoupli, puisque la Constitution distingue enfin plus clairement deux grands régimes législatifs pour l'outre-mer : celui de l'identité législative de l'article 73, et celui de la spécialité législative et d'autonomie de l'article 74.

L'occasion nous est dès lors donnée d'en finir avec le vieux débat statutaire pour ouvrir enfin le vrai débat, celui du développement économique et social. La Martinique avait besoin de stabilité pour assurer ce développement.

Alors, madame la ministre, vous ne serez pas surprise que je vous dise ma totale satisfaction s'agissant des possibilités que nous offre désormais la Constitution en matière d'évolution institutionnelle pour agir notre développement dans la responsabilité et la sécurité. Ecartant toute assimilation géométrique, elle met en œuvre, dans le cadre de l'article 73, une évolution souple, intelligente et réaliste, avec une logique d'adaptation afin de tenir compte d'irréductibles particularités.

Je suis dès lors assuré que nous sommes dans la bonne direction, animés que nous sommes par la passion de nos régions, de nos pays, de nos territoires, à l'opposé de ces pessimistes qui osent encore afficher des réticences, voire des résistances, à l'endroit de ce qu'il faut considérer comme une réforme fondamentale, et qui, paradoxalement, sont soutenus ici par une partie de la représentation nationale qui n'a guère montré d'intérêt, au cours de ces derniers mois, pour nos régions d'outre-mer. On a pu notamment le constater lorsqu'elles se sont abstenues, madame la ministre, à l'occasion du vote du projet de loi de programme.

Après que nous aurons répondu clairement le 7 décembre prochain à la question très précise qui nous est posée, il nous appartiendra d'assumer nos responsabilités en définissant nos attentes en termes de prérogatives et d'adaptation et en étant naturellement vigilant au moment où seront débattues les lois à mettre en œuvre pour assurer ces nécessaires évolutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Almont, vous avez presque doublé votre temps de parole, démontrant que mon autorité est bien moindre que celle du président Debré... (Rires)

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Constitution révisée fait obligation au Gouvernement de faire une déclaration devant le Parlement lorsque, à l'instar de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, une collectivité souhaite changer de régime législatif.

Je remercie le Gouvernement d'avoir élargi le débat à la Guadeloupe continentale et à la Martinique. J'émets néanmoins deux regrets.

Le premier est que la Guyane n'est pas concernée par ce débat, ce qui prouve que le Gouvernement n'est pas neutre dans cette affaire. Il n'est pas juste de dire, comme vous l'avez fait ce matin au Sénat, madame la ministre, que les élus guyanais ne vous ont pas saisie de propositions. C'est leur faire injure. C'est à une forte majorité, à 62 % dans leur Congrès du 4 novembre, qu'ils ont souhaité une consultation du peuple guyanais. Prouvez donc que vous êtes impartiale et que votre collègue Léon Bertrand peut savoir transcender ses intérêts (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.).

Le second est qu'un tel débat, si important pour l'avenir de nos sociétés, se déroule un vendredi soir, dans l'indifférence quasi générale de la métropole, ce qui justifie ô combien les observations sévères de François Bayrou sur le processus et le procédé (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), fustigeant brusquerie et insuffisances. J'en profite d'ailleurs pour rappeler que M. Bayrou est un élu de la République et qu'il a parfaitement le droit de s'intéresser à toute partie du territoire national. Il est indigne de lui faire un mauvais procès.

Madame la ministre, vous avez très justement déclaré : « à problème local, réponse locale ». Sur la base de ce précepte, que je fais mien, ma position sur la situation guadeloupéenne qui doit affronter trois scrutins - en Guadeloupe continentale, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin -, sera parfaitement « située », adaptée et très claire.

J'ai, depuis longtemps, appelé de mes vœux, avec ferveur et, je crois pouvoir le dire, avec ardeur, une évolution statutaire des îles du Nord. Devenu, depuis, leur député, ma conviction s'est renforcée. Je me permets donc d'adresser mes plus vives félicitations aux élus de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui ont su trouver un consensus global et présenter au Gouvernement un document d'orientation conforme à leurs aspirations.

Saint-Barthélemy et Saint-Martin évoluent dans un environnement international, économique, social et culturel fort différent du « continent », comme on dit chez nous, et se trouvent adossées à une histoire singulière qui explique, s'il en était besoin, la volonté farouche et réitérée de leurs élus d'assumer leurs responsabilités et d'adopter le régime de l'autonomie de l'article 74.

Cette évolution, si elle est acceptée par les populations intéressées, doit être accompagnée par l'Etat, notamment en ce qui concerne le contrôle de l'immigration, problème récurrent et lancinant à Saint-Martin. Il en est de même pour la formation et l'assistance technique, notamment en matière d'administration des collectivités. Il me plaît de dire, ou plutôt de redire, que dans le traitement de cette affaire, le Gouvernement a été d'une parfaite correction et a pu accorder aux élus la concertation et l'écoute qu'ils méritaient. J'accorde donc mon entier soutien à cette démarche et souhaite que les populations de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin accompagnent le mouvement.

J'aurais tant aimé, madame la ministre, que la Guadeloupe continentale ait pu recevoir le même traitement et la même considération. Hélas !

Le 11 octobre dernier, au congrès de Basse-Terre, les socialistes de la Guadeloupe se sont abstenus, pour ne pas bloquer le processus et pour montrer qu'ils souhaitaient voir la population s'exprimer par référendum et trancher ce débat jusqu'ici par trop confus. Les socialistes n'ont aucun mal à rappeler qu'ils sont les initiateurs de la décentralisation solidaire et qu'ils ont porté sur les fonts baptismaux le principe de l'Assemblée unique, combattue en son temps, et farouchement, par une droite hostile et rétrograde, où l'on rencontrait ceux-là mêmes qui se transforment aujourd'hui en gardiens sourcilleux de la bien-pensance « UMPérisée », en « maîtres à fouet » intellectuels et politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Malgré notre inclination décentralisatrice, nous ne pouvons approuver le projet du Gouvernement. Car il s'agit bien d'un projet gouvernemental, quelles que soient les dénégations tactiques émises ici ou là par des éminences ministérielles. A ce propos, il est tout à fait cocasse d'entendre le Gouvernement s'épuiser à dire qu'il est neutre quand le moindre observateur comprend qu'il recherche, au passage, une vaine et improbable approbation plébiscitaire de la politique conduite par M. Raffarin. Mesdames et messieurs, nous ne pouvons agréer un tel projet, dans lequel nous avons du mal à reconnaître notre héritage et notre legs.

Ce projet pèche par sa méthode et ses manquements, et il nous inquiète par ses possibles dérives.

Parlons tout d'abord de la méthode employée.

Pressé d'obtenir des résultats, le Gouvernement n'a pas hésité à traiter à la hussarde les demandes formulées depuis belle lurette par les élus locaux. Le projet guadeloupéen, fruit de longues concertations et synthétisé dans la résolution du Congrès du 17 décembre 2001, comportait autant de mesures relevant du régime législatif de l'article 73 que de celui de l'article 74.

Je regrette qu'en guise de dialogue et de concertation, le Gouvernement n'ait privilégié qu'une seule voie, celle de l'exécutif régional qui avalisait les projets concoctés à Paris et était chargé de les faire avaler par la population guadeloupéenne. En aucun cas, ce semblant de concertation n'était de nature à emporter l'adhésion de tous. Bien au contraire, il créait ipso facto la division. Tout démocrate devrait s'en offusquer.

Le Gouvernement s'est montré partial dans cette affaire, choisissant par ailleurs un calendrier resserré épousant parfaitement le calendrier personnel d'un de ses relais locaux. Par ailleurs, il est proprement consternant d'observer que, à la différence du traitement réservé à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à nos amis de la Martinique, le Gouvernement n'a pas daigné accorder une séance de travail aux élus et partis politiques guadeloupéens, se contentant de s'adresser aux seuls exécutifs locaux. Pis, et c'est symptomatique de la désinvolture avec laquelle cette affaire a été expédiée, la lettre de la fédération socialiste demandant, très courtoisement, un entretien pour évoquer des points qui faisaient encore dissensus, n'a même pas reçu un simple accusé de réception de la ministre de l'outre-mer.

Enfin, il est de curieuse politique de demander aux gens d'aller voter pour quelque chose qu'ils ignorent. Là aussi, le Gouvernement a obstinément refusé d'entrouvrir la moindre petite fenêtre sur le contenu de la future loi organique. Dans cette affaire, on a volontairement cultivé l'ignorance : votez et on fera le reste ! Chez moi, pour qualifier de tels procédés, on a coutume de dire que l'on nous mène kon bèf yo ka menné labatwa, ou que l'on tente de nous faire achté chat an sak. Cette démarche qui consiste à faire confiance à son mentor et à s'y livrer aveuglément n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, une démarche démocratique. La prudence commande donc de réfuter, de récuser et de refuser.

Enfin, est-ce déraisonnable de rejeter un projet institutionnel qui ne s'accompagne d'aucun plan de développement économique, social et culturel pour notre pays ? Cela est de nature à nourrir tous les soupçons et tous les fantasmes « cartiéristes » de largage de ces îles considérées par d'aucuns comme des danseuses, vivant au crochet de la République, comme l'a dit l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing.

Mais notre position s'explique aussi par les manquements et les insuffisances lovés au cœur de ce texte.

C'est ainsi que le mode de scrutin choisi par le Congrès est proprement inacceptable en raison du mode de sélection des candidats qu'il impose. Si la proportionnelle est nécessaire pour prendre en compte la diversité des courants d'opinion, il a cet énorme défaut de donner un véritable monopole aux états-majors des partis et à leur chef. Avec un tel scrutin, c'est l'institution de la « partitocratie hégémonique » et avec l'assemblée unique « la monocratie plébiscitaire » que l'on tente d'accréditer.

M. Jean-Jacques Hyest, de l'UMP, s'inquiétait ce matin au Sénat de voir ce mode de scrutin étendu aux départements de métropole. C'est bon pour l'outre-mer mais ce n'est certainement pas bon pour l'Hexagone, disait-il. Nous ne pouvons nous résoudre à voir le scrutin uninominal se cantonner à La Désirade et aux Saintes ni nous accommoder de l'absence de représentation de nos communes.

M. Alfred Almont. Ce n'est pas la même situation !

M. Victorin Lurel. Nous appelions de nos vœux un mode de scrutin mixte, mélangeant harmonieusement scrutin proportionnel et scrutin majoritaire, plus équilibré et plus équitable. Un tel scrutin, proposé par le doyen Vedel dans son fameux rapport de 1992, est nettement plus démocratique et tout aussi efficace. A la faveur d'une simple réforme administrative, consistant en la fusion du département et de la région, essentiellement pour des motifs de modernisation managériale, l'on propose de faire disparaître une liberté fondamentale, celle pour chacun de se présenter librement à une élection et d'accéder également aux fonctions électives.

Ce projet est donc liberticide et brime inutilement l'aspiration des citoyens à s'intéresser à la chose publique.

Les socialistes combattent depuis toujours pour les libertés individuelles et publiques et pour l'émancipation humaine. Aucune réforme ne doit brimer la liberté. En l'état, nous la combattrons.

Mais ce projet nous inquiète également par ses possibles dérives. Est-il illégitime d'évoquer les nécessaires contre-pouvoirs à instaurer pour un exercice équilibré du pouvoir en région insulaire où l'on concentre précisément les mêmes pouvoirs au sein d'une seule assemblée et donc dans les mains d'une seule et même personne, proclamée deus ex machina du pays ? Est-ce un progrès que de passer du divers à l'unique, du pluriel au singulier, du multiple à l'un ? Qui peut prétendre que cette translation constitue un saut qualitatif ? Est-ce infamant de reconnaître que la cohabitation entre notre style de gouvernance et la monocratie institutionnelle peut être un mélange détonant et attentatoire à une bonne vivacité démocratique ?

II n'est pas sain que les conflits de compétences entre la région et le département doivent nécessairement aboutir à leur disparition, ce que la nouvelle loi sur les responsabilités locales est chargée précisément de clarifier.

Le conflit, c'est la vie et je vous dirai, dans un truisme, que la compétition et l'émulation valent mieux que l'exercice solitaire et non concurrencé du pouvoir unique.

La Corse, qui compte 260 000 habitants, 360 communes, deux départements et une assemblée territoriale n'a pas estimé qu'il s'agissait d'une aberration juridique sur une même terre et a donc souhaité garder ses institutions.

C'est précisément le projet qui consiste à dire aux Guadeloupéens que désormais un plus un ne fera plus deux mais un qui est une aberration parfaitement contraire au principe de synergie.

La concentration et la fusion devraient être un plus. Pour cela, il eût fallu incorporer dans le projet des contre-pouvoirs externes, en termes de liberté de la presse, d'égalité d'accès pour les différentes sensibilités aux médias publics et privés ; en termes de fonctionnement régulier et transparent du marché pour un égal accès aux marchés publics afin d'éviter de passer sous les Fourches caudines d'un donneur d'ordres unique devenu tout puissant ; en termes de liberté reconnue à la justice pour enquêter et investiguer librement sur les actes de l'exécutif et des autorités locales ; en termes de statut de la minorité pour éviter l'hégémonie d'une majorité tyrannique.

Bref, le journaliste, l'entrepreneur et le juge doivent être les ferments d'une démocratie saine, sûre et sereine.

Nous exigeons ces checks and balances, comme disent les Américains, pouvoirs tout à la fois compensateurs, compensatoires et conjuratoires de toute tentation antidémocratique. Foin de tout cela dans le projet.

Comment ne pas s'interroger sur le devenir de la fonction publique locale qui, avec près de 3 000 agents dans cette assemblée, sera nécessairement touchée par un plan social qui n'osera pas dire son nom et qui ne sera rien d'autre qu'un plan de licenciement des contractuels et de gel des concours pour longtemps. Il n'y a pas de fusion sans plan social.

Est-ce réactionnaire que de répondre à ces préoccupations ? Seul l'Etat pouvait le faire ; il ne l'a pas fait.

Aura-t-on le courage de dire à nos frères et à nos sœurs de l'émigration qu'avec une telle assemblée ventripotente et dotée d'un effectif pléthorique et surnuméraire, ils n'auront plus grande chance de bénéficier d'une mutation pour rentrer au pays ?

Chers collègues, vous qui êtes pour le oui sans nuance, souffrez que je vous rappelle une réalité un peu cruelle : la Guadeloupe est la dernière région d'Europe, la deux cent onzième, malgré son dynamisme entrepreneurial et sa créativité. Une telle situation nécessitait, avant toute réforme institutionnelle, un plan de rattrapage et de mise à niveau, un plan exceptionnel d'investissements, notamment en équipements publics, à l'image du PEI de 2 milliards d'euros sur quinze ans obtenu par nos amis de Corse.

M. Joël Beaugendre. Qui l'a voté ?

M. Victorin Lurel. La loi de programme n'est que pichenettes et mesurettes.

Enfin, est-ce pinaillage de souligner que la liberté ne peut s'assumer qu'armée de moyens ? En Guadeloupe, dix-neuf communes sur trente-quatre ne dégagent aucune épargne, se voient refuser tout emprunt par les banques et seront donc, comme aujourd'hui, bien obligées de se livrer, tels des bourgeois de Calais, au Léviathan ainsi créé. En l'absence d'une remise à plat de leur situation, une tutelle de plomb ligotera les collectivités. C'est la vérité.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Lurel.

M. Victorin Lurel. Pour conclure, je répondrai à mes amis de gauche en Guadeloupe qui s'apprêtent à dire « oui » et qui se répandent depuis le 11 octobre en anathèmes et en attaques ad hominem contre les socialistes et contre moi-même qu'ils se trompent s'ils croient que l'assemblée unique serait l'horizon indépassable de l'histoire guadeloupéenne et la nouvelle frontière de notre ambition collective, qu'il est consternant de voir se réduire la volonté démiurgique qui les animait à simplement accompagner aujourd'hui M. Raffarin dans la néantisation de nos peuples et l'oblitération de leur identité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).

M. Alfred Almont. Quel sectarisme !

M. Victorin Lurel. Non, l'assemblée unique n'arrêtera pas notre déperdition, notre extériorité, notre auto-dénigrement, notre « exotisation », notre hétéronomie, ne jugulera ni le chômage ni la dépendance, ni la dérade du présent.

M. le président. Monsieur Lurel !

M. Victorin Lurel. Toi mon frère et ma sœur de gauche, arrête de croire à cette transfiguration métamorphique du réel, à ce mythe du grand soir institutionnel paré aux couleurs du progrès, à ce fétichisme de la gestion instrumentale qui allumerait le soleil des consciences.

Pour faire sonner l'heure de nous-mêmes au beffroi de notre pays, pour être les forgerons et les alchimistes de notre histoire, il faut absolument refuser les faux projets.

Vous aurez observé, mes chers collègues, que dans les trois versions possibles du non, je n'ai utilisé ni la peur du largage, ni le reniement d'une certaine gauche qui adore aujourd'hui ce qu'elle abhorrait hier, à savoir l'assimilation. J'ai mis l'accent, tout au contraire, sur tous les défauts d'un mauvais projet du Gouvernement qui nourrit des arrière-pensées.

La Guadeloupe dira non à ce projet. L'accepter, c'est repartir pour cinquante ans au moins sur de fausses bases et sur des frustrations. Le refuser, c'est peut-être pour toi, camarade, garder une plaie ouverte et purulente, mais c'est aussi conserver la chance de la cicatrisation et de la guérison dans des délais compatibles avec ton impatience.

Non, décidément non, la Guadeloupe continentale dira non à ce mauvais texte, sans vision, sans âme et sans moyens.

M. le président. Je demande aux orateurs de respecter les temps de parole qui ont été répartis par les groupes.

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Eric Jalton, qui n'a pas pu se déplacer, tient à s'excuser et à faire savoir qu'il est pour le oui aux réformes proposées pour la Guadeloupe. Voilà ma mission d'information accomplie.

Comme en Guadeloupe, la parole sera donnée au peuple martiniquais le dimanche 7 décembre 2003.

M. Alfred Almont. Très bien !

M. Alfred Marie-Jeanne. C'est une première qu'il faut avoir l'honnêteté de saluer, quelle que soit sa portée et quelles que soient par ailleurs nos options ou appréciations personnelles.

Car - faut-il le rappeler ?- c'est Paris qui toujours proposait, Paris qui toujours imposait, Paris qui toujours disposait. Hélas ! c'était la continuité du refus de voir les institutions évoluer, même un tantinet, quel que soit le gouvernement en place.

Le droit le plus élémentaire d'initier, d'amender, voire d'adapter, sans parler de légiférer, nous était littéralement dénié. L'histoire était maintenue en panne chez nous. Cette situation qui a trop duré, ne peut plus perdurer.

La France, pour améliorer la bonne gouvernance générale, n'est-elle pas devenue, par la force des choses, une République décentralisée ? Dans un monde qui mue tous les jours, ce serait donc un non-sens que de laisser, à 7 000 kilomètres d'ici, le système totalement inchangé.

Comme à l'accoutumée, les semeurs de peur reprennent du service à grand fracas.

Ce qui est déplorable dans leur comportement, c'est que l'esprit critique est transformé en machine à effrayer, plutôt qu'en moyen de penser. Ne sachant pas construire, ils ne font que démolir. Pour eux, l'intérêt particulier passe avant l'intérêt général du pays.

M. Joël Beaugendre. Bravo !

M. Alfred Marie-Jeanne. Qu'ils sachent, et ils le savent tous, que la réforme ne prévoit pas l'abolition des acquis, ni même des privilèges.

Qu'ils sachent, et ils le savent tous, que la consultation n'est pas un référendum d'autodétermination sur un quelconque statut.

Qu'ils sachent, et ils le savent tous, que l'agencement institutionnel retenu va permettre de coller un peu mieux à la réalité martiniquaise.

Qu'ils sachent, et ils le savent tous, que l'essentiel est de réparer une hérésie juridique, en remplaçant deux collectivités qui agissaient en concurrence, dans le cadre d'un champ territorial identique très étroit, par une seule dotée des mêmes attributs, et des mêmes moyens.

Tout ce qui se divise, s'éparpille et se paralyse. L'objectif est donc de rassembler pour mieux solutionner.

L'objectif est aussi de rationaliser les choix en éliminant les doublons inutiles et les gaspillages des deniers publics.

M. Alfred Almont. Eh oui !

M. Alfred Marie-Jeanne. L'objectif est de s'impliquer davantage dans le développement durable et solidaire.

L'objectif est de garantir, avec le mode de scrutin à la proportionnelle, n'en déplaise à certains, les principes de parité, de pluralisme et d'alternance.

A ceux qui préconisent le saucissonnage territorial, qu'il me soit permis de leur rappeler qu'en vingt ans, il y a eu en Martinique quatre présidents de région et qu'en trente-trois ans il n'y a eu que deux présidents du conseil général dont le dernier est encore en exercice. Qui dit mieux ?

En fait, la Déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999, signée par les présidents des régions de Guadeloupe, de Guyane, et de Martinique, tous trois venant d'horizons politiques différents, préfigurait la démarche actuelle.

Ayant été l'un des initiateurs de cette déclaration, ayant participé à l'élaboration du Projet Martinique et ayant cosigné le document d'orientation à soumettre aux électeurs, j'appelle solennellement à voter oui.

Il faut que les électeurs parlent enfin. Quant à moi, plagiant Federico Garcia Lorca, je dirais que j'ai soif d'un souffle nouveau qui troublerait les eaux dormantes. Comme Frantz Fanon, « je dois me rappeler à tout instant que le véritable saut consiste à introduire l'invention de l'existence. » C'est ce à quoi je m'applique, quelles que soient la modestie du saut et les difficultés à surmonter.

Maintenant la parole est au peuple pou dézankayé péyi-a, pour désenclaver le pays. (Applaudissements sur divers bancs)

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant très longtemps, Mayotte fut l'une des rares collectivités d'outre- mer à être consultée sur son statut institutionnel.

La dernière consultation remonte à juillet 2000, à la suite de l'accord que le Gouvernement avait signé six mois auparavant avec les principales forces politiques de l'île.

Depuis, les choses ont évolué, puisque, le 7 décembre prochain, ce sont nos compatriotes des départements des Antilles - la Guadeloupe et la Martinique - et ceux des îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui prendront en main le choix de leur destin dans la France avec une différence notable : ces consultations s'inscrivent dans un cadre institutionnel bien défini et mieux sécurisé, celui de la République et de la France.

Cette consultation procède surtout d'une volonté et d'une capacité des élus de ces collectivités - de sensibilités différentes, comme nous l'avons encore entendu tout à l'heure à la tribune - de transcender leurs clivages lorsque l'intérêt général est en cause.

Je ne vous cache pas que les Mahorais, mes chers amis des Antilles, auraient souhaité être à votre place, pour pouvoir se concerter et proposer un cadre juridique au Gouvernement, afin que celui-ci, à son tour, le soumette au référendum. Je tiens à vous dire combien je suis fier de ce que vous avez fait, à vous témoigner l'amitié des Mahorais et à vous exprimer tout notre intérêt pour votre action.

Ensemble, les élus de chaque île ont conçu leur projet.

Ainsi, les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy deviendraient une collectivité d'outre-mer sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, soumise au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne, avec des compétences exercées par la commune, le département et la région, en y ajoutant des matières relevant de la loi, notamment dans le domaine fiscal.

Pour sa part, la Guadeloupe deviendrait une collectivité sui generis, en application des articles 72 et 73 de la Constitution, qui se substituerait au département et à la région, et serait soumise au principe de l'identité législative. Elle aurait, en sus des compétences dévolues à ces deux collectivités, des compétences normatives prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution.

Enfin, la Martinique aurait une organisation administrative semblable à celle de la Guadeloupe, exerçant globalement les mêmes prérogatives, avec une extension de son champ de compétences dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'environnement, de l'énergie, des transports terrestres et maritimes, du logement et de l'habitat, de la culture et du sport, de la coopération régionale.

Cette lecture rapide des orientations souhaitées par nos compatriotes antillais fait apparaître qu'il n'y a pas un outre-mer, mais des outre-mers, et que les statuts uniformes ont vécu. Chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte vers un statut sur mesure.

Ces phrases prémonitoires du débat qui nous réunit ce soir sont tirées du discours que M. le Président de la République a prononcé au Palais des Congrès de Madiana le 11 mars 2000. Elles s'inscrivent dans le prolongement de la conception gaulliste du peuple souverain, qui affirme le droit inaliénable de nos populations ultramarines à choisir librement l'organisation administrative qu'elles souhaitent au sein de la République.

C'est cette lecture que les Mahorais rappellent depuis un demi-siècle à la communauté internationale et que la France a adoptée avec l'inscription de l'ensemble des collectivités d'outre-mer dans la Constitution.

Oui, madame la ministre, les Mahorais sont heureux de constater que la liberté est enfin reconnue à chaque territoire de faire son choix dans la France.

C'est pourquoi, sans s'immiscer dans le fond du débat qui doit mobiliser nos compatriotes antillais - lesquels seront seuls à choisir, comme nous l'avons été nous-mêmes -, les Mahorais sont particulièrement intéressés par ces évolutions qui viennent consacrer leur combat des cinquante dernières années.

Mais, vous le savez aussi, Mayotte est régie par la loi du 11 juillet 2001 qui, sur bien des points, nécessitera plus qu'un toilettage : une mise en conformité avec la nouvelle norme constitutionnelle.

A titre d'exemple, la future loi organique pour Mayotte aura à préciser les modalités de la consultation de la population pour passer de l'article 74 à l'article 73 de la Constitution. Elle devra par ailleurs canaliser les règles de répartition des compétences, le calendrier de rattrapage en matière sociale ainsi que les délais de transfert desdites compétences avec les ressources correspondantes.

Madame la ministre, vous avez pris le parti de l'outre-mer. La consultation que vous organisez dans nos départements des Antilles répond à la volonté des élus de ces collectivités. Comme vous le disiez si bien, il reviendra aux populations intéressées de trancher sur leur statut. C'est là la source même du gaullisme.

Comme vous, nous sommes d'accord avec le Président de la République lorsqu'il déclarait au Palais des Congrès de Madiana, en Martinique : « Dans le monde nouveau dans lequel nous entrons, le succès appartiendra à ceux qui feront preuve de la plus forte réactivité, de la meilleure capacité d'adaptation aux changements. Il faut pour cela de très larges délégations de compétences aux autorités décentralisées, ce qui correspond, de surcroît, aux exigences de l'efficacité et aux exigences de la démocratie. Parce que vos départements sont géographiquement très éloignés des centres de décisions nationaux, parce que les problèmes que vous rencontrez sont très spécifiques par rapport à ceux du reste du pays, parce que vous évoluez dans un environnement international particulier, tout cela justifie une politique très ambitieuse de transfert de responsabilités ».

C'est ce que vous faites, madame la ministre, au nom du Gouvernement. Je tiens donc à vous apporter le soutien sans faille du groupe de l'UMP à l'entreprise dans laquelle vous vous engagez au profit de nos départements des Antilles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Au risque de vous surprendre, madame la ministre, mes premiers mots seront pour saluer le travail que vous avez effectué depuis l'adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars dernier. Avec la parution du décret présidentiel organisant la consultation référendaire du 7 décembre prochain, le chantier de l'évolution institutionnelle pour la Martinique et la Guadeloupe vient, incontestablement, de franchir une étape décisive.

Je m'empresse, toutefois, de préciser que cette civilité, ce devoir de courtoisie que je me fais de reconnaître le travail accompli, ne saurait cautionner les mesures anti-sociales prises par ce même gouvernement depuis plus de dix-huit mois.

Néanmoins nous ne sommes pas réunis ici aujourd'hui pour juger de l'ensemble de l'action gouvernementale, mais pour débattre d'un projet tant attendu, qui va engager le destin de nos régions.

En effet, mes chers collègues, que de chemin parcouru depuis l'échec, en 1982, du projet d'assemblée unique, et que de combats menés pour que nos départements puissent s'engager sur le chemin de la modernisation institutionnelle et de la responsabilisation de nos élus !

Une rapide rétrospective nous permet d'apprécier ce chemin.

Il a fallu le 19 mars 1996 et les célébrations du cinquantenaire de la départementalisation, pour que les prises de position publiques confirment l'essoufflement de nos institutions et dénoncent les travers de la région monodépartementale.

Il a fallu le retour de la gauche au pouvoir, en 1997, et le rapport Lise-Tamaya pour que l'Etat s'ouvre à l'idée de « l'approfondissement de la décentralisation pour l'outre-mer ».

Il a fallu, le 13 décembre 2000, l'adoption de la loi d'orientation pour l'outre-mer, dite loi Paul, pour permettre aux élus départementaux et régionaux de se réunir en congrès.

Il a fallu aussi le 4 mars 2002 pour que ce même congrès vote, à l'issue de longs débats et à une très forte majorité, les résolutions proposant, notamment, la création d'une nouvelle collectivité se substituant à la région et au département, et celle d'une assemblée unique, sans pour autant remettre en cause les droits acquis et l'appartenance à la République française dans le cadre de l'Union européenne.

Il a fallu, le 28 mars 2003, la promulgation de la loi constitutionnelle réformant la Constitution et, plus spécifiquement, pour nos régions d'outre-mer, ses articles 72, 73 et 74.

Mes chers collègues, il aura fallu attendre toutes ces années pour que, le 7 décembre 2003, les Martiniquaises et Martiniquais soient enfin consultés sur le projet d'évolution des institutions de leur territoire. En tant que représentant de la population martiniquaise, je me félicite de l'aboutissement d'une démarche qui aura duré plus de vingt ans.

Après cette brève rétrospective historique sur le chemin parcouru il nous reste à considérer le chemin restant à parcourir.

Il s'agira de savoir, le 7 décembre, si nous voulons que la Martinique décide de son avenir. Elle a, certes, connu des progrès indéniables dans de nombreux domaines, comme la culture, la santé, les infrastructures ou l'éducation, mais force est de constater que la situation économique s'est aggravée, que le chômage s'est accru, que les jeunes sont en perte de repères, et que la Martinique présente les symptômes d'une société bloquée.

La fracture sociale est tangible. Ne croyant plus en sa jeunesse notre société risque de perdre toute perspective. Il convient donc de redonner espoir à tous ceux que l'avenir inquiète.

Le dimanche 7 décembre le oui que chaque Martiniquaise et chaque Martiniquais donnera à la Martinique sera une preuve de sa responsabilité.

Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : la consultation du 7 décembre dépasse le simple enjeu politique et institutionnel. Il s'agit d'un enjeu de société, car le moment est venu de mettre enfin notre pays sur le chemin de la modernité et de nous tourner vers l'avenir, avec la pleine conscience d'assumer, au sein de la République française et dans l'Europe, notre histoire et notre identité citoyenne.

C'est pourquoi les élus progressistes, dont je suis, ne sauraient se contenter d'un oui en demi-teinte ou d'une abstention victorieuse. Pour ma part, j'appelle de tous mes vœux la victoire massive du oui à cette consultation du 7 décembre. Ainsi, je m'attellerai à ma tâche, madame la ministre, mais votre gouvernement doit offrir, outre l'horizon politique et institutionnel que nous souhaitons, un horizon social et économique participant d'une logique de développement pour notre pays.

Il ne faudrait pas que cette consultation soit l'occasion de transferts de compétences, et de déficits.

Le 7 décembre, chacun devra choisir son camp : celui des immobilistes ou celui des évolutionnistes. Pour ma part, j'ai l'intime conviction que les Martiniquaises et les Martiniquais ont déjà compris que leur avenir est entre leurs mains et qu'il passe inévitablement par le oui : un oui au développement, un oui à la responsabilité, en un mot, un oui à la Martinique !

M. Philippe Edmond-Mariette. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre.

M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2003 doit être marquée du sceau de la démocratie et de la proximité. C'est un tournant radical qui attend l'outre-mer.

Le débat de ce vendredi 7 novembre 2003 est historique. Il constitue la première application de l'article 72-4 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui rend obligatoire la consultation des électeurs d'une collectivité ou d'une partie de collectivité située outre-mer, avant tout changement de statut.

Le 7 décembre 2003, les électeurs de la Guadeloupe et de la Martinique se prononceront en toute liberté pour la simplification du cadre institutionnel de la gestion locale en supprimant le labyrinthe administratif dans lequel ils se perdent quotidiennement. Cette consultation est d'autant plus justifiée qu'il est nécessaire de rompre avec l'enchevêtrement des compétences des deux assemblées locales. Elle est l'occasion d'un véritable sursaut démocratique local. Nous ne devons sous aucun prétexte manquer ce rendez-vous.

Depuis vingt ans, nous débattons de la décentralisation dans notre département. Depuis vingt ans, nous voulons optimiser la décentralisation de la gestion locale pour pouvoir mieux assumer nos particularités.

Contrairement au gouvernement Mauroy qui, par la loi, a tenté d'imposer à nos populations, en 1982, une assemblée unique, celui de M. Raffarin, soucieux de donner une légitimité nouvelle à la décentralisation, nous laisse nous exprimer en toute sérénité.

Je refuse de semer ou de laisser semer le doute et le désordre en outre-mer, à l'image de certains qui ont oublié ou n'ont rien compris. Ceux qui, en 1982, revendiquaient la paternité de l'assemblée unique, vantant ses bienfaits parce qu' « elle favorisait l'expression du droit à la différence » et parce que « la base du scrutin proportionnel aurait porté à la direction des affaires ceux qui sont véritablement majoritaires », tentent aujourd'hui de s'opposer à une évolution capitale. Ne serait-ce pas une régression ?

D'autres, déjà en campagne électorale, font croire à mes compatriotes qu'on ne leur a rien expliqué ou que quelque chose se prépare en catimini à Paris. Refusent-ils d'avouer que, en mars 2003, ils n'étaient peut-être pas avec nous, députés de l'outre-mer, sur ces bancs, pour examiner l'important volet consacré à nos régions ? Je rappelle donc que, au cours de ce débat, nous avions évoqué l'importance du référendum et de la consultation des électeurs de l'outre-mer.

Oui, au mois de mars 2003, la Constitution a été profondément modifiée pour permettre à mes compatriotes de décider de leur sort. Dois-je rappeler le large consensus entre la gauche et la droite autour de ce sursaut démocratique, contrairement à ce que certains tentent de faire croire par pure démagogie partisane ?

Dois-je rappeler aussi les spécificités de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, les revendications de leurs maires, ici présents, et des élus qui, depuis de nombreuses années, veulent consolider la gestion locale pour relancer le développement et palier efficacement les difficultés économiques de leurs communes ?

Dois-je rappeler encore, après M. Marie-Jeanne, l'existence de la déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999, par laquelle des élus locaux se sont efforcés de faire entendre leur volonté de rompre avec l'assistanat ? Cette déclaration a été confirmée à plusieurs reprises, tout récemment encore, le 11 octobre 2003, dans une résolution adoptée par la grande majorité des élus de la Guadeloupe. En fixant le cadre de la nouvelle gestion locale, elle a permis une avancée significative de la gestion décentralisée des affaires de notre archipel.

Mesdames, messieurs, il n'est plus temps de céder aux sirènes de la démagogie, car notre avenir est en jeu. La modernité est à nos portes. Nous, élus responsables, nous l'avons voulue, car nous savons que les Guadeloupéens sont capables de relever le défi qui leur est proposé. C'est ce que nous nous efforcerons de leur faire comprendre.

Permettez-moi, pour terminer, madame la ministre, de vous exprimer, ainsi qu'à M. le Président de la République et au Gouvernement, toute la gratitude de nos populations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le président, qu'il me soit permis, tout d'abord, de remercier le groupe communiste et son président, M. Bocquet, qui a eu l'élégance démocratique, que je sais reconnaître et que je n'oublierai pas, de permettre à M. Alfred Marie-Jeanne et à moi-même, députés de la Martinique, de disposer chacun, en tant que non-inscrits, non de cinq minutes, mais de dix minutes de temps de parole.

Le 28 mars 2003, le Congrès, réuni à Versailles, modifiait la Constitution. La majorité des parlementaires convenait qu'il fallait mettre un terme à la prééminence de Paris dans tous les secteurs. Ce constat, si vrai pour la France de l'Hexagone, l'est plus encore pour celles des régions éloignées de la métropole de sept mille ou huit mille kilomètres, voire davantage.

Tous, nous convenons de la nécessité du changement, car il faut mettre un terme à l'arrogance et à la démarche paternaliste de quelques hauts fonctionnaires qui, passant au-dessus des préfets, sont en relation directe avec leur administration, précèdent parfois les élus que nous sommes et nous placent devant le fait accompli.

Pourtant, nos voix s'opposent, car des lectures différentes de la consultation se sont fait jour. Pourquoi ? Peut-être, madame la ministre, parce que la politique recèle une part de mystère, nourrie par les femmes et les hommes qui la font, et que, comme le disait un auteur célèbre, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».

Cela dit, nous sommes tous dans l'obligation de reconnaître que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré la décentralisation. Cependant, bien avant cette modification, la question institutionnelle était évoquée dans nos îles, en Martinique, en Guadeloupe ainsi qu'en Guyane.

Dans la ligne du rapport Lise-Tamaya et de la déclaration de Basse-Terre, les congrès des élus de ces trois régions ont réclamé que soit revue l'organisation politique de nos régions monodépartementales. Avant d'être un projet du Gouvernement, la consultation organisée le 7 décembre prochain était donc appelée de ses vœux par la majorité de la classe politique ultra-marine.

M. Joël Beaugendre. C'est vrai !

M. Philippe Edmond-Mariette. En effet le constat local l'imposait car la dualité des deux assemblées est vite apparue comme un obstacle à l'efficacité, cette gémellité entraînant confusion et dilution des responsabilités. Or l'idée force de la décentralisation est précisément de clarifier les compétences pour mettre fin à la cogestion des politiques publiques. Prenons quelques exemples.

David, chômeur depuis trois ans, vient d'hériter d'un terrain de trois hectares à la suite du décès de père et il veut se consacrer à l'agriculture. Pour cela il faut faire venir l'eau car le terrain est aride, puisqu'il se trouve dans le sud de la Martinique. Il se tourne alors vers le conseil général. L'affaire est bien lancée, mais il ne peut, à lui seul, semer et récolter. Il va donc solliciter le concours de son frère et de son cousin, eux aussi au chômage. Or ceux-ci doivent suivre une formation. Mais alors, c'est à la région qu'il doit s'adresser, car c'est elle qui est chargée de la formation et de la création d'entreprises.

Quant aux marchés publics, vous l'avez rappelé, madame la ministre, si nous appliquons la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI, à la lettre, cela entraînera la mort économique de plus de 80 % des entrepreneurs martiniquais, alors que, longtemps, ces derniers ont assumé, à leurs risques et périls, une responsabilité publique.

Dans le domaine du BTP, nos entreprises locales sont condamnées à être les sous-traitantes de grosses sociétés qui viennent chez nous et qui ne leur laissent que de faibles parts de bénéfices.

M. Joël Beaugendre. Absolument !

M. Philippe Edmond-Mariette. Ni la loi Paul ni la loi de programmation ne leur permettront d'obtenir des crédits des banquiers.

Mon dernier exemple concerne la culture et l'identité, qui forment le socle fondamental de nos sociétés. Or le centre martiniquais d'action culturelle - le CMAC - attend depuis deux mois un directeur parce que le ministre de la culture s'est opposé au choix du conseil d'administration, entériné par le président du conseil général, autorité de tutelle.

Il est donc indispensable de mettre un terme à ces errements. La coexistence des deux assemblées brouille le message, entraîne une surenchère politique et conduit nos populations à déplorer légitimement la dispersion et l'inefficacité. Tout cela se traduit par des termes simples, répétés à l'envi : « Nos politiques sont incompétents, nous n'avons plus confiance en eux ».

Il faut que cessent les atermoiements et les petits calculs nourris par la seule ambition d'être élu. L'élection n'est pas une fin en soi ; au contraire, elle doit être un commencement.

Par ailleurs il faut faire litière des critiques portées contre la consultation du 7 décembre prochain.

Certains prétendent ainsi qu'elle nous ferait perdre des droits acquis.

Cela est faux : toutes les garanties constitutionnelles existent. La Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy resteront, si le oui l'emporte, dans la République française. Les lois votées dans l'hémicycle seront applicables et la Constitution rénovée leur offrira un droit à l'expérimentation, même s'il conviendra d'opérer des distinctions selon que les collectivités concernées relèveront de l'article 73 ou de l'article 74.

Pour d'autres nous sortirions de l'Europe et nous perdrions notre statut de région ultra-périphérique.

Cela est également faux. En effet, dans l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, « département français » n'est qu'un vocable générique qui précède la mention de Madère, des Canaries et des Acores.

M. Joël Beaugendre. Très bien !

M. Philippe Edmond-Mariette. Mieux, l'article 3-330 du projet de Constitution européenne dispose : « Compte tenu de la situation économique, sociale et structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion, des Acores, de Madère et des Iles Canaries... »

Voilà la meilleure réponse à ceux qui prétendent que nous perdrions notre statut de région ultra-périphérique. D'ailleurs, la Constitution française révisée en mars 2003 a déjà consacré ce principe en citant nominalement les quatre départements d'outre-mer. En outre, la récente conférence des RUP, tenue à la Martinique, sous la présidence du député Alfred Marie-Jeanne, apporte un démenti fort à cette critique stérile.

Nous entendons également affirmer qu'il s'agirait d'un pas vers l'article 74, d'un glissement vers l'indépendance.

A cet égard, madame la ministre, lors d'une émission télévisée à la Martinique, vous avez rappelé que la Polynésie, bien que placée sous le régime de l'article 74, n'hébergeait aucun parti indépendantiste sur son territoire. J'ajoute que, dans tous les cas, obligation est faite par la loi de consulter, au préalable, la population. C'est elle qui, en l'espèce, sera le seul juge et le seul maître de son destin.

Il paraît aussi que la disparition du département créerait des inégalités, à notre détriment.

Là encore, rien n'est plus faux. Avancer cet argument revient à oublier le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi.

M. Alfred Almont. Très bien !

M. Philippe Edmond-Mariette. Les droits sociaux seront maintenus ; les lois et règlements seront applicables demain de la même manière qu'hier et aujourd'hui, mais égalité ne se confond pas obligatoirement avec uniformité.

D'aucuns soulignent que nous n'avons pas le projet de loi organique pour la Martinique et la Guadeloupe.

Cela est exact, mais nous avons un double engagement solennel, moral et politique, du Gouvernement et du chef de l'Etat, et nous pouvons nous appuyer sur les travaux de nos congrès qui constituent un socle inviolable de principes : une collectivité unique, dotée d'une assemblée délibérante conduite par une commission permanente avec, à sa tête, un président ; un exécutif unique et collégial, mené par un président ; des conseils consultatifs ; des compétences générales, fruits de la fusion des deux conseils, des compétences issues des lois de décentralisation et des compétences résultant de la mise en œuvre du droit à l'expérimentation.

Enfin, le mode de scrutin retenu ferait problème.

Il s'agit d'un vieux débat, mais quel serait le mode de scrutin idéal ? Est-il possible d'introduire, dans la proportionnelle, une part de représentation des élus des cantons ? Ce débat est si vieux que, pendant que nous nous disputions sur cette mixité en Martinique, la Guadeloupe adoptait en congrès la proportionnelle intégrale.

Pour ma part, je suis ouvert à toutes les propositions et nous pourrions en discuter lors de l'élaboration du projet de loi organique.

Ayant rejeté toutes ces critiques, permettez-moi, madame la ministre, de vous faire part de mon étonnement à la lecture de l'article 6 du décret du 4 novembre 2003.

Le texte indique que sont habilités à participer à la campagne les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher trois élus au moins parmi les parlementaires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Cette mesure constitue, à mes yeux, une atteinte grave au droit d'expression des minorités et à la pluralité des opinions, car certains groupes nourrissent le débat et apportent leur pierre à la construction de la nouvelle Martinique. D'ailleurs les services du Premier ministre ont privilégié une autre approche pour établir la liste des partis ou groupements politiques ayant vocation à recevoir l'aide publique pour 2003-2004. On y retrouve : le Mouvement populaire franciscain, avec un maire et deux conseillers généraux, le PALIMA, avec un conseiller général, le CNCP et le MODEMAS, avec un maire - celui de Sainte-Anne qui a d'ailleurs reçu ici même le ruban de l'écologie des mains de Mme la ministre Roselyne Bachelot - et un conseiller général.

II faut donc corriger cette erreur de rédaction. Encore une fois, on ne peut pas tout décider de Paris sans nous avoir préalablement consultés.

En conclusion, pour indispensable qu'elle soit, cette réforme de simplification administrative et de réorganisation de notre gestion politique ne constitue aucunement une fin en soi. Au lendemain de l'installation des nouvelles assemblées tout sera à poursuivre, beaucoup de chantiers devront être entrepris, singulièrement dans le cadre du développement économique.

Nous avons besoin de l'avènement de ce nouvel outil pour mieux renforcer le cadre démocratique de notre société. Nous pourrons ainsi fixer l'ordre de nos priorités.

Alors, faisons taire nos peurs, nos petites lâchetés, fondées sur l'égoïsme et sur notre soif de paraître, qui cache notre honte de lire nos mérites aux seuls yeux des maîtres d'hier, des riches possédants d'aujourd'hui ou, tout simplement, du pouvoir politique parisien.

Nous devons prendre et occuper toute notre place dans la République, nous asseoir à la table du conseil d'administration de la holding France, peut-être en associés minoritaires, mais détenteurs d'un compte courant créditeur de la richesse apportée depuis de très nombreuses années à la nation française.

En conséquence, nous répondrons oui à la consultation, portés par l'idée que nous devons être nous-mêmes, ni nombril du monde, ni seulement îles de consommation, ni îles de la tentation des dérives extrêmes, mais simplement comptables du devenir de nos enfants.

Je souhaite, madame la ministre, avec beaucoup d'autres, que le oui l'emporte dans les quatre scrutins et, surtout, que la Martinique et la Guadeloupe deviennent désormais des DROM, des départements-régions d'outre-mer.

Laissons voter nos concitoyens, ils savent bien ce qu'ils veulent. Ne nous arrêtons pas aux critiques, il y en aura toujours ; ainsi va la vie démocratique. Et rappelez-vous, madame la ministre, qu'en politique la critique est un impôt, non prélevé par Berçy, qui taxe le mérite au profit des envieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Louis-Joseph Manscour. Très bien !

M. le président. Nous l'attendions en début de débat, nous l'avons à la fin.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la ministre, il y a quelques semaines, le groupe UDF approuvait votre budget, c'est-à-dire l'orientation de la politique du Gouvernement pour 2004 concernant les collectivités, départements et territoires d'outre-mer.

Ce soir, malheureusement, nous ne pouvons pas exprimer le même avis. Alors que nous débattons du bouleversement de certaines institutions de la République française - pas d'une association, pas d'un groupement intercommunal, mais de départements, de régions, excusez du peu ! - nous étions en droit d'imaginer une séance solennelle, un vrai débat contradictoire, un vote, comme il s'en produit parfois dans les Parlements. Eh bien, non, rien de tout cela n'a prévalu.

Tout ce que le Gouvernement concède à notre assemblée, c'est une simple déclaration suivie d'un débat, de plus un vendredi soir, ce qui explique mon retard, monsieur le président. Le choix est vraiment idéal, d'autant que tout paraît déjà bouclé : le décret de convocation des électeurs est publié, les questions sont déjà arrêtées.

Franchement, madame la ministre, le sujet aurait mérité plus de considération qu'une déclaration programmée il y a moins d'une semaine, réunissant en tout et pour tout, alors que la nation tout entière est concernée, neuf députés, sur cinq cent soixante-dix-sept ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Joël Beaugendre. Tous les élus directement concernés sont là !

M. Mansour Kamardine. Et combien étions-nous pour examiner le budget de l'intérieur et le budget des affaires étrangères ?

M. le président. Monsieur Kamardine !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si nous parvenons à intéresser, à travers nous, la France entière, ce débat aura été une réussite. Je me souviens cependant que, il y a quelques semaines, à l'occasion de l'examen du budget de l'outre-mer, les députés des DOM-TOM, dont vous êtes, monsieur Kamardine, se réjouissaient que nous ne nous réunissions plus nuitamment, à la va-vite, pour parler des départements et territoires d'outre-mer. Pour une fois, en effet, les élus de ces collectivités n'étaient pas les seuls présents. Ce soir, nous sommes deux à ne pas être des parlemntaires d'outre-mer, et c'est triste parce que, pour le coup, je n'accepterai pas qu'on nous fasse le procès inverse.

Je fais partie, vous aussi sans doute, cher collègue métropolitain, de ceux qui sont très attachés à ces départements et territoires et qui considérent que, même si nous n'en sommes pas les élus directs, nous avons le droit et le devoir, en tant que représentants de la nation, de nous y intéresser.

M. Victorin Lurel. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je regrette que, quelques semaines après cette avancée que nous devions à votre requête et à la volonté du président de l'Assemblée nationale, nous nous retrouvions, ce soir, si peu nombreux.

En outre, le temps imparti empêche qu'un débat démocratique, digne de ce nom, s'engage et laisse une impression désagréable d'un passage en force, en catimini. On me rétorquera peut-être que le décalage horaire permet qu'il soit retransmis en direct.

M. Victorin Lurel. Même pas !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je conçois que cela soit important, en particulier pour un référendum. En revanche, pour nos collègues parlementaires, c'est désolant. Bien sûr, ils n'ont pas vocation à dire depuis Paris ce qui est bon pour l'outre-mer mais ils ont tout de même le droit, du moins tant qu'on considérera que ces départements sont français, de s'interroger et de débattre avec l'ensemble de nos concitoyens.

La faible mobilisation de ce soir révèle certainement un manque d'intérêt. Elle prouve surtout qu'on s'est précipité puisque, en moins d'un mois, cette réforme aura l'objet d'un conseil des ministres, de deux décrets, d'un débat très court devant chaque assemblée et d'une consultation moins d'un mois plus tard. Ce n'est même pas le temps que l'on donne, lors des élections générales, pour déposer les candidatures, enregistrer des professions de foi et procéder à deux tours de scrutin. Un mois, un misérable mois, et encore, certains semblent trouver que ce délai est trop long.

M. Mansour Kamardine. Parce qu'il n'y a pas besoin de toutes ces formalités.

M. Joël Beaugendre. Cela n'a rien à voir. Il n'y a ni profession de foi ni candidats pour un référendum !

M. Victorin Lurel. Si, il faudra des professions de foi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n'y a donc pas de débat. C'est d'ailleurs sans doute ce qui vous intéresse monsieur Beaugendre.

M. Joël Beaugendre. Comment pouvez-vous dire ça ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Permettez-moi de vous rappeler qu'avant un référendum, les parlementaires, les élus locaux, les associations doivent pouvoir se prononcer pour ou contre. Il faut que chacun puisse faire valoir sa position, que les citoyens s'approprient le débat.

M. Victorin Lurel. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Aujourd'hui, tout semble verrouillé. On peut légitimement s'interroger sur cette manière de procéder qui consiste à supprimer en quatre semaines les institutions territoriales françaises aux Antilles sans que l'on sache précisément ce qui les remplacera. Je ne pense pas que cette méthode soit digne d'un grand pays démocratique tel que la France.

M. Victorin Lurel. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je suis obsédé par la continuité territoriale mais j'aimerais prendre l'exemple de la Corse.

Avant de proposer une réforme institutionnelle aux Corses, le ministre de l'intérieur s'est accordé plusieurs mois : il a effectué plusieurs déplacements dans l'île, il a organisé des débats, il a informé l'Assemblée nationale et la population française sur ce qu'il envisageait, il a essayé de discuter avec tous les partenaires. Rien de comparable avec ce qui nous est proposé aujourd'hui.

M. Victorin Lurel. Absolument !

M. Joël Beaugendre. Le débat sur la Corse a eu lieu un vendredi soir !

M. Mansour Kamardine. Avec le même nombre de députés, le même jour de la semaine, à la même heure !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il serait certainement intéressant de faire un sondage, chers collègues, pour savoir combien de parlementaires sont au courant de ce que nous sommes en train de discuter ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette façon de faire est irrespectueuse envers les Antillais qui devront répondre à une question sans rien savoir de l'avenir qu'on leur prépare.

M. Joël Beaugendre. Oh !

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle est également irrespectueuse envers les métropolitains qui ignorent tout de ce qui se prépare outre-mer, alors qu'ils devraient avoir, eux aussi, la possibilité de s'exprimer.

M. Victorin Lurel. Absolument !

M. Mansour Kamardine. Là, vous avez raison !

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, elle est irrespectueuse envers le Parlement qui, une fois de plus, est mis devant le fait accompli. Madame la ministre, ayant la chance d'être un élu parlementaire, je ne me résoudrai jamais à accepter que le Parlement devienne une chambre d'enregistrement.

Mais revenons à la genèse de cette consultation. Trop d'incohérence et de disparités entre les DOM-TOM nous amènent à poser quelques questions.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a inscrit dans la Constitution la reconnaissance institutionnelle des collectivités d'outre-mer, tout en leur donnant la possibilité de procéder à des modifications de régime. Bien entendu, le consentement des électeurs se révèle dès lors nécessaire par référendum.

Par ailleurs, des habilitations spécifiques législatives peuvent être décidées dans le cadre de la décentralisation et du principe de l'expérimentation. Le groupe UDF ne peut être que favorable à ces statuts dérogatoires, à condition qu'ils ne remettent pas en cause les grands principes républicains.

En outre, nous constatons que la Guyane, terre d'élection de votre collègue, Léon Bertrand, madame la ministre, a refusé ce principe et il n'y est donc pas organisé de référendum.

M. Victorin Lurel. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nos collègues élus guyanais, parlementaires ou non, seraient-ils à ce point aveugles qu'ils refuseraient la modernité que l'on nous vante ?

M. Victorin Lurel. En effet !

M. Jean-Christophe Lagarde. A tout le moins, le sujet mérite qu'on en débatte et qu'on prenne le temps de s'interroger, de s'attarder, de discuter avec l'ensemble de la société concernée.

Autre exemple, la Réunion n'est pas concernée non plus, non pas parce que les élus auraient refusé, mais parce que Jean-Paul Virapoullé, dans sa grande sagesse, a réussi à faire adopter, lors du débat sur la réforme de la Constitution, un amendement qui a permis d'exclure la Réunion de ce processus.

Mme la ministre de l'outre-mer. Pas du tout !

M. Joël Beaugendre. Il y a eu débat !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vos collègues de la Réunion seraient-ils si peu sages, si peu avisés qu'ils ne verraient pas le grand bénéfice, si évident qu'il ne mérite aucun débat, que procure l'unicité des statuts territoriaux ?

Je vous fais d'ailleurs observer, madame la ministre, que, peu de temps avant l'installation du Gouvernement actuel, M. Lionel Jospin demandait, exigeait même, une région et deux départements à la Réunion. Il avait d'ailleurs été approuvé par les élus locaux de l'UMP ! Tout le monde était pour ! Seule l'UDF, représentée à l'époque, je le concède, par Jean-Paul Virapoullé, était contre. Ce n'est que grâce à la mobilisation des citoyens que ces élus, dont vous nous avez parlé et qui ne sont pas toujours les seuls détenteurs de la légitimité républicaine, du moins de la volonté du peuple,...

M. Victorin Lurel. Ils ont même supprimé le peuple !

M. Joël Beaugendre. C'est le peuple qui va trancher !

M. Jean-Christophe Lagarde.... ont été désavoués par les électeurs. Même le Gouvernement de Lionel Jospin, dont on ne peut pas dire qu'il a été un exemple en matière d'écoute des citoyens, a dû reculer devant la volonté des citoyens.

M. Joël Beaugendre. Le peuple va trancher !

M. Jean-Christophe Lagarde. Seules deux collectivités, celles des Antilles, seront soumises à ce référendum.

Mme la ministre de l'outre-mer. Mais non ! Quatre !

M. Joël Beaugendre. Et cela viendra pour les autres !

M. Mansour Kamardine. Mayotte attend !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas penser que ce référendum qui, aux yeux de certains, constitue les prémisses d'une autonomie déguisée, voire d'une évolution plus inquiétante, donne le signal du délaissement de certains de nos territoires.

Les positions ou les intérêts stratégiques des collectivités, qu'il s'agisse de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy, peuvent laisser penser aux habitants des Antilles que certains territoires sont plus importants que d'autres. Pourquoi les autres territoires se sont-ils méfiés de cette autonomie que vous réclamez aujourd'hui tant et plus ?

M. Joël Beaugendre. Nous ne réclamons pas l'autonomie !

M. Jean-Christophe Lagarde. Aux yeux de l'UDF, les Antillais ne valent pas moins que les Guyanais ou les Réunionnais.

L'avenir de nos concitoyens d'outre-mer ne doit pas se réduire à des considérations utilitaires. On commence à se poser des questions dans les régions concernées et il m'appartient aussi de vous faire part de ces inquiétudes qui commencent à apparaître, non seulement en Guadeloupe ou en Martinique, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, mais également dans ce que vous appelez, madame la ministre, le cinquième DOM, c'est-à-dire chez les originaires de ces départements d'outre-mer qui résident en métropole. Vous savez en effet aussi bien que nous combien les Antillais sont attachés à la République française. Selon un sondage effectué en 2001, 92 % des Martiniquais souhaitent que la Martinique reste un département français. Ne les laissons pas dans le doute en acceptant que soit organisée une consultation dont on cache l'objectif réel ou alors consultons les franchement sur ce point.

Je ne vous cache pas que le fait de constater, comme en Corse d'ailleurs, que les indépendantistes représentent dans ces territoires la seule force politique unanime à approuver le projet de référendum, ne laisse pas d'inquiéter l'UDF sur ses conséquences et sur ses objectifs réels.

Je crois également que la façon dont a été préparé ce référendum au niveau local, de même que la réunion du congrès qui a décidé d'adopter cette voie référendaire, sont discutables du point de vue démocratique, notamment en ce qui concerne la Guadeloupe. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Mansour Kamardine. C'est insultant !

M. Alfred Almont. Quel mépris pour les Guadeloupéens !

M. Joël Beaugendre. Il faut respecter les Guadeloupéens !

M. Jean-Christophe Lagarde. Le paroxysme de cette situation, préparé par un manque d'information, a été atteint lors du passage au vote final. Un tel enjeu aurait mérité la mise en place d'une procédure démocratique de votation, conforme aux valeurs républicaines. Il aurait fallu un vote à bulletin secret et non par assis et levé, mode que nous n'osons plus pratiquer dans cette assemblée où, même si le règlement le prévoit, il est tombé en désuétude.

M. Joël Beaugendre. Bien, maître ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour poser aux citoyens une question d'une telle importance, un vote classique aurait été la garantie d'une décision démocratique.

Surtout - et, sur ce point, vous avez raison, monsieur Edmond-Mariette, bien que vous soyez favorable à ce référendum - comment justifier qu'on interdise à certaines formations politiques de participer à la campagne référendaire,...

M. Mansour Kamardine. Ah bon ?

M. Jean-Christophe Lagarde... alors même que l'on a accepté le principe d'une définition spécifique à ces départements du caractère politiquement représentatif, par exemple en ce qui concerne le financement des partis. Puisque, jusqu'à preuve du contraire, nous vivons en République, on ne saurait accorder aux seuls partis ayant des parlementaires le droit de s'exprimer.

M. Victorin Lurel. Parfaitement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est extrêmement choquant qu'on ait refusé à des partis localement reconnus et représentatifs le droit de participer à la campagne référendaire, d'autant que cela renforce l'impression de verrouillage.

Ces événements symbolisent parfaitement l'esprit de cette réforme : un manque de clarté, des questions obscures posées aux électeurs, une information sans substance et une réelle impression de verrouillage, pour ne pas dire de tractations internes, qui reflètent parfaitement la situation portée à notre connaissance ce soir.

Permettez-moi d'ajouter, madame la ministre, que je me fais aussi le porte-parole de nos collègues du groupe de l'Union centriste du Sénat...

M. Joël Beaugendre. Nous ne sommes pas au Sénat !

M. Mansour Kamardine. Nous sommes à l'Assemblée !

M. Jean-Christophe Lagarde.... qui ont été traités ce matin de façon indigne.

Il n'est pas nécessaire d'être antillais pour s'intéresser à de telles questions qui intéressent l'ensemble de la République française. Or vous avez insinué que nos collègues de l'Union centriste n'étaient pas compétents en des matières qui relèvent pourtant de la Constitution française. Je vous cite : « Le clivage s'est plutôt installé entre ceux qui connaissent et qui aiment le terrain et la Constitution, et les autres. Si le groupe de l'Union centriste comprenait des parlementaires antillais, votre approche serait certainement différente. »

M. Victorin Lurel. Et voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pardonnez-moi, madame la ministre, de vous dire que respecter les membres du Parlement est la moindre des choses quand on appartient au Gouvernement. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Victorin Laurel. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes, nous parlementaires, habilités à légiférer pour l'ensemble du territoire national. Mais si vous considérez qu'il ne s'agit plus du territoire national, alors vous avez raison de nous disqualifier pour discuter de l'évolution que vous proposez.

Nous avons, madame, été extrêmement choqués de ces propos, et le président de ce groupe, Michel Mercier, a écrit au Premier ministre pour lui signifier que les conditions du débat démocratique n'étaient pas réunies lorsqu'on mettait en cause la qualité de législateur, ne serait-ce que d'un seul des parlementaires de la République. Puisque vous en appelez à la Constitution, faut-il vous rappeler son article 24, selon lequel le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République ?

Au Parlement, madame la ministre, on ne représente pas sa circonscription ou son département ; on représente la nation tout entière.

M. Victorin Lurel. Quelle leçon !

M. Jean-Christophe Lagarde. Or la nation n'est pas constituée par la France métropolitaine, d'une part, et par les départements et territoires d'outre-mer, d'autre part. Chacun des députés et des sénateurs a toute légitimité, conférée par sa seule élection, à s'exprimer sur tous les sujets qui intéressent le Parlement. Quoi qu'on en puisse penser, quoi que vous ayez pu dire vous-même ce matin, l'UDF compte des élus outre-mer et, en métropole, certains de nos élus représentent ce que vous avez appelé le cinquième DOM, soit plus d'un million de Français originaires de ces départements et qui vivent aujourd'hui en métropole. Eux aussi ont donc une opinion et le droit de s'exprimer sur le sujet.

En outre cette question revêt une importance qui dépasse le cadre géographique des Caraïbes.

J'ajoute que l'indignation que vous avez exprimée ce matin à l'égard de notre famille politique parce qu'elle s'exprime en faveur du non, paraît paradoxale, alors même que le Gouvernement nous explique que tout suffrage est appréciable, qu'il soit en faveur du oui ou du non.

M. Victorin Lurel. Eh oui ! Quelle hypocrisie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Lurel, laissez terminer l'orateur.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela signifie, soit que vous acceptez toute forme d'opposition, soit que les intentions réelles du Gouvernement ne sont pas celles qui sont annoncées, et que ceux qui ont pris parti pour le non seraient à clouer au pilori parce que vous tenez absolument au oui. En ce cas il vaudrait mieux le dire clairement.

Quant à ceux qui nous opposent notre vote favorable à la révision constitutionnelle, je tiens à leur préciser que l'UDF ne renie absolument pas ce choix en appelant à voter contre ce référendum. Nous restons au contraire cohérents et fidèles à notre ligne politique, car nous avions, tout au long des débats, demandé une plus grande clarté et une plus grande simplification.

M. Victorin Lurel. La question est sibylline et obscure !

M. le président. Monsieur Lurel !

M. Jean-Christophe Lagarde. Or, ainsi que je l'ai déjà souligné, la question qui sera soumise au vote des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ne remplit aucune de ces conditions. A l'obscurité de la question, s'ajoute l'obscurité quant à ce que sera la future collectivité. Et les Antillais ne sont pas davantage au courant que les autres.

M. Victorin Lurel. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne laisserons pas sans rien dire, comme le soulignait François Bayrou - et, monsieur Lurel, je suis ici le seul habilité à parler au nom de François Bayrou -...

M. le président. Ecoutez, monsieur Lurel ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde.... la démocratie et la République prendre des allures de capharnaüm.

M. le président. Vous avez entendu, monsieur Lurel : c'est une marque déposée ! (Rires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Merci, monsieur le président, de reconnaître cette marque très estimable !

Qu'on nous parle franchement, ainsi qu'aux Guadeloupéens et aux Martiniquais. Respectons les électeurs et cessons de leur faire croire encore une fois que ces questions institutionnelles sont l'apanage des élus. S'il est incontestable que ces derniers sont compétents en la matière, les électeurs ne cessent pas de l'être pendant la durée du mandat de leurs élus.

Comme l'a précisé notre collègue Nicolas About ce matin même au Sénat, si une évolution était souhaitable, nous aurions dû en débattre, madame la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. On ne fait que ça !

M. Mansour Kamardine. C'est ce que nous faisons ce soir !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela ne devait pas se faire à n'importe quel prix et dans n'importe quelles conditions. Rayer d'un trait de plume les conseils généraux et régionaux par la volonté des électeurs semble n'être qu'une formalité, au vu des méthodes employées.

M. Joël Beaugendre. C'est la démocratie !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous prétendez que nous en débattons ce soir. Mais qu'allons-nous découvrir, qu'allons-nous mettre en place ? Une collectivité ex nihilo ? Une super-collectivité ? Appeler aux urnes les électeurs pour leur demander s'ils veulent qu'on supprime le conseil régional et le conseil général, afin de les remplacer par une collectivité dont nous ne connaissons ni les contours, ni les compétences, ni l'organisation...

M. Victorin Lurel. Ni les moyens !

M. Joël Beaugendre. Quelle démagogie !

M. Jean-Christophe Lagarde.... montre à quel point la précipitation dans laquelle se déroule se débat est mauvaise conseillère.

Nous nous interrogeons d'autant plus que, si aucun mode de scrutin n'est absolument irréprochable, monsieur Edmond-Mariette, celui qu'on nous propose est exactement celui qui a été dénoncé par le Gouvernement pour les élections régionales en métropole ! Il était alors accusé d'empêcher toute bonne gestion par absence de véritables majorités, et désigné comme fauteur d'incompétence, d'immobilisme.

M. Victorin Lurel. Et sa modification a été votée !

M. Alfred Marie-Jeanne. Il y a Le Pen !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez les indépendantistes à la place de Le Pen, cher ami.

M. Alfred Marie-Jeanne. Je ne vous permets pas !

M. le président. Monsieur Marie-Jeanne !

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est cela qu'on souhaite imposer ?

De plus, si la proportionnelle intégrale, qui ne laisse à un citoyen n'appartenant pas à un parti politique aucune chance d'être élu, suscite de telles inquiétudes, c'est qu'elle donne tout pouvoir aux partis, aux notables, c'est-à-dire à celles et à ceux qui ont les moyens de contrôler le système politique, et interdit l'émergence de nouveaux courants, de femmes ou d'hommes nouveaux.

M. Philippe Edmond-Mariette. C'est faux ! J'en suis la preuve !

M. Joël Beaugendre. Quelle belle leçon !

M. le président. Il serait temps de conclure, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous nous interrogeons d'autant plus que, à en croire des rumeurs persistantes et apparemment fondées, la prime majoritaire que vous accorderiez serait très dérisoire, aux alentours de 10 %, ce qui ne permettra pas de dégager des majorités. Dès lors deux remarques s'imposent.

Premièrement, nous savons tous que la proportionnelle intégrale fait souvent le jeu des extrêmes et des démagogues. Or, dans ces territoires, les démagogues, pour ne pas dire les extrémistes, sont bien souvent les indépendantistes.

M. Joël Beaugendre. Oh !

M. Alfred Marie-Jeanne. Cela suffit !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cette règle vaut pour la métropole comme pour l'outre-mer.

Deuxièmement, l'éparpillement des votes risque d'être tel que les majorités artificielles seront inévitablement soumises aux pressions de mouvements extrémistes ou indépendantistes. C'est sans doute la raison pour laquelle les indépendantistes sont à ce point favorables au référendum. Il y a un véritable risque de mettre en place un système dans lequel seuls le désordre et le chaos régneront. Ce n'est pas l'image que nous souhaitons donner de la République.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le Président !

M. Jean-Christophe Lagarde. L'UDF a toujours revendiqué un mode de scrutin assurant la représentation à la fois des hommes et des territoires. Votre système, s'il était mis en place, aurait pour seule conséquence la représentation des mouvements politiques, jusqu'aux moins légitimes.

Vous comprendrez donc, madame la ministre, que, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, nous nous opposerons à la suppression des collectivités existantes.

M. Joël Beaugendre. Et avec quoi ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne sacrifierons pas l'existant, malgré ses imperfections, aux aléas de l'inconnu, surtout pas dans de telles conditions. Il s'agit d'un changement de statut et non d'une simple réforme administrative. Ayons le courage de l'affirmer. Ayons le courage d'ouvrir les yeux sur ce qui ressemble fortement à la première pierre d'une autonomie masquée.

M. Victorin Lurel. Très bien !

M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le président, pourquoi M. Lagarde a-t-il eu la parole alors qu'il n'était pas présent au moment où il aurait dû être appelé ?

M. le président. Il est vrai, monsieur Edmond-Mariette, que, selon la coutume, lorsqu'un orateur est absent au moment où il doit intervenir, son tour passe. Néanmoins, s'agissant d'un tel débat, il aurait été à mon avis préjudiciable que l'UDF soit privé de son temps de parole et que seul M. Lurel soit amené à soutenir les positions de François Bayrou à cette tribune. (Sourires.)

C'est la raison pour laquelle j'ai permis à M. Lagarde d'intervenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Merci !

M. le président. Et le fait que nous soyons des élus du même département n'a eu aucune incidence sur ma décision. (Sourires.)

M. Mansour Kamardine. Un peu tout de même ! (Sourires.)

M. Joël Beaugendre. Il n'a même pas été présent pour écouter les autres intervenants !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'outre-mer. Bien que je ne veuille pas prolonger trop longtemps ce débat, je tiens à revenir sur quelques contrevérités ou erreurs exprimées par certains orateurs. J'ai en effet entendu des propos qui m'ont paru tellement extravagants que je me demande si un débat sur la révision constitutionnelle a bien eu lieu dans cet hémicycle.

Je dois d'abord rappeler que ce n'est pas la loi d'orientation défendue par mon prédécesseur qui a organisé le recours à la consultation. La LOOM se contentait de poser un principe dépourvu en lui-même d'effets juridiques.

M. Mansour Kamardine. Très bien !

Mme la ministre de l'outre-mer. En tout état de cause une révision de la Constitution était nécessaire pour donner aux consultations du 7 décembre prochain un effet décisionnel.

M. Victorin Lurel. Pourquoi alors vos amis ont-ils soumis ce texte à la censure du Conseil constitutionnel ?

M. le président. Monsieur Lurel, vous n'avez pas la parole.

Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lurel vous pourriez m'écouter quelques instants.

M. Victorin Lurel. Je vous écoute attentivement !

M. le président. Monsieur Lurel, taisez-vous !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je veux ensuite apporter quelques précisions sur les opérations de vote en elles-mêmes.

Elles seront bien sûr organisées selon les règles habituellement applicables à toutes les consultations de ce type. A cet égard je vous invite à prendre connaissance des quatre décrets du 4 novembre 2003, publiés au Journal officiel du 5 novembre.

Concernant la campagne électorale, je peux rassurer M. Edmond-Mariette : nous avons repris les règles qui ont été suivies dans le cas de Mayotte et dans celui de la Corse. Il est vrai qu'elles n'autorisaient pas des partis ne comptant pas d'autres élus que des maires à participer à la campagne. Toutefois rien n'interdit à des élus de petits partis de se regrouper dans le cadre d'un mouvement politique créé en vue du référendum. Ne voyez donc pas dans la disposition visée la volonté d'exclure les petits partis. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ailleurs toutes les mesures de nature à assurer le pluralisme de cette campagne ont été prévues, ce qui répond également à une préoccupation exprimée par M. Lagarde. Ainsi les partis politiques pourront adresser aux électeurs des documents de campagne et des moyens audiovisuels seront mis à leur disposition pour cette consultation.

M. Jean-Christophe Lagarde. Écoutez bien, monsieur Beaugendre !

Mme la ministre de l'outre-mer. J'ai entendu la longue déclaration de M. Lurel. Je crois qu'il s'est trompé d'hémicycle et de débat. En effet je n'ai pas à me mêler de la façon dont les élus se sont mis d'accord pour approuver un document d'orientation.

Il est vrai que des procédures différentes ont été suivies à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, en Martinique et en Guadeloupe, mais ce n'est pas l'affaire du Gouvernement. Chacun s'organise comme il le veut pour s'entendre sur un document. L'essentiel, pour moi, est de constater qu'il existe. Il ne doit pas y avoir de confusion. Comme je l'ai rappelé à maintes reprises, le Gouvernement n'a pas de projet en la matière. Il se borne à prendre en considération celui élaboré par les élus, en vérifiant que toutes ses dispositions sont conformes à la Constitution.

M. Victorin Lurel. Il y a eu manipulation !

Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lurel, j'ai envie de vous dire que toutes les critiques que je vous ai entendu formuler ce soir, ce n'est pas au Gouvernement qu'il convient de les adresser, mais à vos compatriotes élus de Guadeloupe avec lesquels, visiblement, vous n'êtes pas d'accord. Vous avez eu une instance pour exprimer votre point de vue mais, manifestement, il n'est pas majoritaire.

M. Mansour Kamardine. Très bien !

Mme la ministre de l'outre-mer. S'agissant de la Guyane, je ne peux évidemment pas accepter les arguments qui ont été employés. J'observe la même procédure pour tout le monde car, je le répète, le Gouvernement n'a pas de projet d'évolution institutionnelle ou statutaire pour l'outre-mer.

M. Victorin Lurel Et la Guyane ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Sa seule tâche a été de préparer et de faire adopter une révision de la Constitution pour donner des marges de manœuvre, des possibilités d'évolution aux collectivités qui le souhaitent.

M. Mansour Kamardine. Très bien !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je suis d'ailleurs désolée de constater que je ne suis toujours pas saisie d'un document concernant la Guyane, mais la délégation d'élus guyanais que je recevrai lundi prochain devrait m'en présenter un.

A ce propos, je rappelle que j'ai écrit, au mois de mars 2003, aux élus de Guyane pour leur faire part de ma position sur un document qui m'avait été remis à l'issue des assises des libertés locales en Guyane et qui posait d'énormes problèmes constitutionnels. J'ai alors envoyé une longue lettre à chacun des présidents des deux assemblées locales de Guyane, mais je n'ai jamais obtenu de réaction à mes observations. Il semble que le débat n'a pas eu lieu sur place, ou alors il n'a pu être conclu positivement. Je sais, seulement depuis quelques jours, qu'un document d'orientation a été adopté par le congrès de Guyane. Vous comprendrez donc que je réserve mes commentaires sur ce document aux élus de Guyane que je recevrai lundi prochain.

Ainsi que je l'ai fait pour la Guadeloupe et pour la Martinique, j'examinerai si l'évolution qui me sera proposée fait l'objet d'un large accord des élus et, surtout, si le contenu du document présenté ne pose pas de problèmes juridiques au regard de la Constitution. Mon mandat est seulement de vérifier la conformité à la Constitution des propositions avancées. Il n'est surtout pas de porter un jugement sur le fond, puisque cela relève de la responsabilité des élus. Nous devons la respecter totalement.

Monsieur Lagarde, j'ai été un peu navrée en entendant vos déclarations. D'abord, vous avez complètement déformé mes propos. J'observe d'ailleurs que vous n'avez pas entendu ma déclaration puisque vous n'étiez pas dans l'hémicycle.

M. Jean-Christophe Lagarde. J'ai repris ce que vous avez dit au Sénat !

Mme la ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement n'organise pas de bouleversement, il fait son devoir, il ne consent pas, il n'octroie pas, il respecte la Constitution !

Je me demande d'ailleurs si vous avez vraiment pris connaissance de ce texte constitutionnel, puisque vous parlez encore des DOM-TOM. Dois-je vous rappeler que les TOM n'existent plus dans la Constitution, depuis qu'elle a été révisée ?

M. Mansour Kamardine. Eh oui !

M. Philippe Edmond-Mariette. Très juste !

Mme la ministre de l'outre-mer. Vous parlez d'un débat soudain, comme si toutes ces évolutions n'avaient pas été proposées par des élus.

Quant aux propos que j'ai tenus au Sénat, ils n'étaient en rien dirigés contre le groupe de l'Union centriste.

M. Victorin Lurel. Ce n'est pas évident !

Mme la ministre de l'outre-mer. Ils constituaient uniquement un rappel. Quand j'entends quelqu'un attaquer les élus d'outre-mer...

M. Jean-Christophe Lagarde. Personne n'a attaqué les élus d'outre-mer ! C'est vous qui ne respectez pas les élus !

Mme la ministre de l'outre-mer.... en disant qu'ils ne sont pas fondés à présenter le projet qu'ils proposent, il m'appartient de rappeler que chacun doit respecter leur volonté.

Par ailleurs, je vous ai entendu dire que vous alliez voter pour le non. Je vous rappelle que, en l'occurrence, vous n'avez pas le droit de vote (Sourires) et que seuls nos compatriotes d'outre-mer sont appelés à participer à ces consultations.

M. Mansour Kamardine. Très bien !

Mme la ministre de l'outre-mer. Ils voteront comme ils le souhaitent. Je le répète, qu'ils votent oui ou qu'ils votent non, leur choix sera le bon. Le Gouvernement ne prend pas position sur cette question qui concerne les élus locaux, qui est une affaire locale et qui appelle une réponse locale.

M. Joël Beaugendre. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ferons campagne, ne vous déplaise !

M. le président. Monsieur Lagarde, ne me faites pas regretter de vous avoir donné la parole !

Mme la ministre de l'outre-mer. J'ai également relevé que vous établissiez régulièrement un parallèle avec la Corse. Je dois donc vous rappeler que nous sommes dans un schéma différent.

Alors que, pour la Corse, le Gouvernement avait un projet, il n'en a pas pour l'outre-mer. Sa seule tâche, je le répète, était de modifier la Constitution et cela a été fait, conformément aux engagements pris par le Président de la République.

M. Jean-Christophe Lagarde. Qu'est-ce que cela change ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Je veux aussi corriger une erreur que vous avez commise. En effet, je suis désolée de devoir vous rappeler que l'amendement de M. Virapoullé ne visait en aucune façon les évolutions institutionnelles. Il ne concernait que l'exercice du pouvoir réglementaire dans le domaine de la loi tel que prévu à l'article 73. Il ne portait absolument pas sur cette question.

Là encore, nous respectons la volonté des élus.

M. Victorin Lurel. Et celle du peuple ?

M. le président. Monsieur Lurel !

M. Victorin Lurel. On ne peut pas tout accepter sans réagir ! Je demanderai la parole !

Mme la ministre de l'outre-mer. Puisqu'aucune demande locale n'a été formulée à la Réunion, il n'y a pas de consultation. Si aucune consultation n'est pour l'instant prévue en Guyane, cela tient tout simplement au fait que les élus locaux n'ont pas abouti à un accord sur un projet d'évolution.

Je le répète : nous ne proposons rien. Nous attendons les propositions des élus et le travail qu'ils fournissent à cet égard mérite notre respect.

En définitive nous devons nous féliciter de l'organisation de ces quatre consultations. Cela constitue une étape historique, car, pour la première fois la parole aura été donnée aux élus d'outre-mer.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est le peuple d'outre-mer qu'il faut consulter, pas les élus !

M. Mansour Kamardine. "Les populations", pas "le peuple"!

Mme la ministre de l'outre-mer. Je vais une nouvelle fois vous rappeler les termes de la Constitution, monsieur Lagarde.

Telle qu'elle a été révisée, en effet, elle a réunifié le peuple français. Il n'y a plus de peuples d'outre-mer, mais des populations qui sont intégrées dans le peuple français.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce ne sont pas les élus qui vont voter mais les populations !

M. Mansour Kamardine. Lisez la Constitution !

Mme la ministre de l'outre-mer. Je me borne à rappeler la Constitution. Mon rôle, ici, est de veiller à son respect.

M. Victorin Lurel. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

Mme la ministre de l'outre-mer. C'est l'honneur des élus d'outre-mer d'avoir préparé des projets d'évolution. C'est à leur honneur de vouloir les soumettre à l'approbation des populations, au vote de leurs électeurs. Cela correspond à un fonctionnement démocratique tout à fait normal.

C'est aussi l'honneur de ce Gouvernement d'avoir donné la parole à nos concitoyens d'outre-mer. Je crois qu'ils doivent pouvoir choisir eux-mêmes ce qu'ils souhaitent.

M. Victorin Lurel. Qu'allez-vous répondre à ceux qui veulent voter non ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Quel que soit leur choix, qu'ils votent oui ou qu'ils votent non, il sera le bon. Je ne veux, en aucun cas, laisser supposer que le Gouvernement pourrait exercer une quelconque influence sur ce scrutin.

Ma seule volonté, je le répète, est que la parole soit donnée aux électeurs de l'outre-mer. Je souhaite qu'ils puissent la prendre, pour s'exprimer en toute liberté et dans la sérénité.

M. Victorin Lurel. Rappel au règlement !

Mme la ministre de l'outre-mer. Les projets soumis à leurs votes proposent en effet des solutions qui, de toute façon, ne comportent aucun risque, n'exposent à aucune aventure puisqu'elles sont conformes à la Constitution que vous avez ratifiée. Nous nous situons uniquement dans ce cadre constitutionnel que personne, aujourd'hui, ne doit se sentir autorisé à contester.

Enfin, je tiens à rappeler, après plusieurs d'entre vous, que ces évolutions, qu'elles soient décidées ou pas, selon le vœu des populations concernées, ne sauraient être une fin en soi. N'oublions pas qu'il convient d'accompagner l'outre-mer économiquement et socialement.

M. Joël Beaugendre. Très bien !

Mme la ministre de l'outre-mer. Naturellement, quand on ne vote pas non plus la loi de programme, on est peut-être un peu insensible à cette problématique. Pourtant cette loi de programme qui couvre une période de quinze ans, même si elle n'a pas été votée par certains, a été promulguée et elle est entrée en vigueur.

M. Victorin Lurel. Rappel au règlement !

Mme la ministre de l'outre-mer. Or elle a également pour objet d'accompagner économiquement et socialement l'ensemble de nos collectivités d'outre-mer qui méritent la solidarité de la République.

M. Victorin Lurel. Et le respect des élus ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Elle tend notamment à faire en sorte que le lien entre la métropole et l'outre-mer non seulement ne se distende pas mais, au contraire, se renforce. Tel est l'objet de la politique que nous menons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Edmond-Mariette. Très bien !

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Le débat est terminé, monsieur Lurel.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il en a le droit, monsieur le président !

M. Victorin Lurel. Madame la ministre a insulté des membres de la représentation nationale. Ce n'est pas digne d'un membre du Gouvernement !

M. le président. Nous avons terminé le débat sur la déclaration du Gouvernement faite en application de l'article 72-4 de la Constitution.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mercredi 12 novembre 2003, à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093 :

M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1110).

Logement :

M. François Scellier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 21 du rapport n° 1110).

Logement et urbanisme :

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome IX de l'avis n° 1112).

Santé, famille et personnes handicapées ; articles 81 et 82

Santé et personnes handicapées :

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 38 du rapport n° 1110).

Santé :

M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome n°XI de l'avis n° 1111).

Personnes handicapées :

Mme Chantal Bourragué, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome n°XII de l'avis n° 1111.)

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      JEAN PINCHOT