Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 19 NOVEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 18 novembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Stratégies ministérielles de réforme. - Déclaration du Gouvernement et débat sur cette déclaration «...».
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
MM.
Jean-Pierre Brard,
Michel Bouvard,
Didier Migaud,
Gilbert Gantier,
André Chassaigne,
François Cornut-Gentille.
Clôture du débat.
M. le ministre.
2.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

STRATÉGIES MINISTÉRIELLES DE RÉFORME

Déclaration du Gouvernement et débat
sur cette déclaration

    M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les stratégies ministérielles de réforme et le débat sur cette déclaration.
    La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Didier Migaud. Nous pourrions attendre l'arrivée de nos collègues !
    M. le président. L'ordre du jour n'attend pas, monsieur Migaud.
    Vous avez la parole, monsieur le ministre.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le débat auquel nous allons nous livrer ce matin est sans précédent.
    M. Didier Migaud. Ah oui !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est la première fois, en effet, qu'un gouvernement discute de la réforme de l'Etat avec les élus de la nation,...
    M. Didier Migaud. Ils sont nombreux !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... en dehors des aspects qui peuvent être abordés dans le cadre du débat budgétaire. Je m'en réjouis car je pense que l'information, la participation, l'implication forte du Parlement...
    M. Didier Migaud. Oh la !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... sont nécessaires pour enclencher le mouvement de réforme dans les administrations.
    M. Didier Migaud. Restons modestes !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement désire clairement prendre appui sur les Assemblées pour entretenir le rythme de la réforme.
    M. Didier Migaud. C'est mal parti !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous avez un rôle éminent à tenir pour nous aider à maintenir ce cap.
    M. Didier Migaud. Ça se voit !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je souhaite que vous preniez toute votre part dans ce processus. Il n'y aura pas de grand soir de la réforme avec un grand « R »,...
    M. Didier Migaud. Nous sommes trop peu nombreux. Ce sera un petit matin !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... mais un mouvement continu, long, difficile, qu'il faudra périodiquement ranimer.
    Je crois à la réforme permanente, comprise, partagée et portée par les élus et les fonctionnaires qui doivent en être les premiers acteurs.
    Vous devez, mesdames, messieurs les parlementaires, en être les aiguillons. Vous pouvez en être les animateurs ou les initiateurs, mais nous partagerons avec vous les évaluations et la surveillance des objectifs.
    Si j'insiste autant sur la nécessité de travailler en commun à la réussite de la réforme, c'est que celle-ci entre maintenant dans une phase où elle commence à produire les premiers effets concrets que nous devons fortifier et prolonger. En effet, beaucoup a déjà été fait : la réforme des retraites, différée de gouvernement en gouvernement, est aujourd'hui votée ;...
    M. Didier Migaud. Mais pas financée !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... pour la sécurité de nos concitoyens, deux grandes administrations, police et gendarmerie, de cultures réputées si différentes, se sont rapprochées ; de grandes lois ont été tissées et votées ici même : la loi sur la sécurité intérieure et la loi de programmation sur la justice, la clarification tant attendue des trois niveaux de SMIC, le débat sur l'acte II de la décentralisation, la loi d'habilitation.
    M. Didier Migaud. Le démantèlement de l'Etat...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ces lois sont, parmi d'autres, autant de signes forts du changement en cours.
    Ces initiatives gouvernementales ont pu prendre corps grâce à la volonté réformatrice du Président de la République et au courage politique de Jean-Pierre Raffarin, pour qui gouverner est une responsabilité d'avenir.
    Ce changement, nous allons le poursuivre, avec le soutien résolu du Parlement. Avec vous !
    M. Didier Migaud. Ça se voit !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'année 2004 sera celle du sauvetage de notre système de sécurité sociale ; 2004 verra le vote de la loi sur le développement des responsabilités locales et la conclusion du débat sur l'école. Elle sera aussi l'année de la réforme effective de l'Etat.
    M. Didier Migaud. Tout est à craindre !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En conduisant avec vous ces réformes, nous visons trois objectifs : un Etat plus réactif et plus en phase avec les attentes des Français, en allégeant et en clarifiant ses structures et ses méthodes de travail ; un Etat plus efficace, mieux géré, modernisant ses services administratifs et réduisant ses coûts de fonctionnement ; un Etat moderne, respectueux du contribuable et de l'usager. Pour ce faire, nous voulons changer la culture de l'administration et tout en maintenant et en respectant la tradition française du service public, introduire dans la fonction publique la notion d'objectifs, de performance et de résultat.
    M. Didier Migaud. On ne vous avait pas attendus pour le faire !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Aucun secteur, aucun ministère n'est à l'écart de cet effort...
    M. Didier Migaud. C'est la loi !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... qui doit nous redonner rapidement les marges indispensables pour investir, pour stimuler la recherche, pour recréer de la richesse. Il n'y a pas de sanctuaire à l'abri de la réforme.
    M. Didier Migaud. Même la défense nationale ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La réforme doit s'appliquer de façon juste, mais ferme, à toutes les composantes de l'Etat.
    M. Didier Migaud. Y compris la défense nationale ?
    M. Jean-Yves Chamard. Mais oui !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Osons le dire dès maintenant : l'objectif du Gouvernement, à travers les politiques qui concourent à la réforme de l'Etat, est de dégager des gains de productivité substantiels dans les administrations.
    Je suis venu vous dire ici la ferme détermination du Premier ministre : ...
    M. Didier Migaud. Nous tremblons !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... tous les ministères, sans exception, doivent se donner comme objectif de parvenir à dégager des gains de productivité comparables à ceux que réalisent toutes les grandes organisations du secteur tertiaire.
    Je vous invite à vérifier chaque année que les ministères réalisent ces gains de productivité. C'est en effet le seul moyen de concilier nos deux objectifs primordiaux pour la législature.
    En premier lieu, nous voulons stabiliser les dépenses de l'Etat en volume jusqu'en 2007, notamment afin de ramener le niveau des déficits publics sous la barre des 3 % du PIB dès 2005.
    M. Didier Migaud. C'est mal parti !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En second lieu, nous voulons améliorer la qualité du service rendu à l'usager, pour répondre aux nouvelles demandes de nos concitoyens.
    Cet impératif de productivité, nous ne le visons pas pour satisfaire une préoccupation idéologique, mais parce que nous avons une vision précise de ce que doit être l'action publique dans les années à venir. Cette vision est fondée sur la conviction que dans une société responsable, le service public et le secteur privé doivent fonctionner en totale harmonie, dans le respect mutuel et en se soutenant, au lieu de s'ignorer et de s'opposer.
    Nous sommes face à de grands enjeux, qui dépassent très largement nos clivages politiques : humaniser la mondialisation, concilier l'économique et le social, l'économique et l'environnement. Cela nécessite des outils de régulation publique qui confortent les objectifs que nous nous assignons.
    La non-maîtrise de notre dette - 15 % du PIB en 1981, plus de 60 % en 2003 - alourdit le poids du passé et affecte une part de plus en plus importante de nos ressources à rembourser plutôt qu'à investir. Sans inversion de cette tendance, nous fragilisons notre avenir. Notre pays ne peut pas vivre à crédit.
    M. Didier Migaud. C'est pourtant ce que vous faites !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. De même, pour préserver nos outils de régulation sociale, pour surmonter une crise économique, pour conforter le pouvoir d'achat des ménages, nous devons impérativement apprendre à maîtriser la dépense publique.
    M. Jean-Yves Chamard. Eh oui !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Notre action humaniste, notre performance économique seront directement liées à notre capacité à dégager les moyens de nos ambitions.
    Mesdames et messieurs les députés, entendons-nous bien : il ne s'agit ni de privatiser, ni de brader, ni d'affaiblir le service public. Il s'agit au contraire, pour garantir son avenir, de lui apporter un surcroît de performance, de qualité et d'efficacité.
    Un pays comme la France a besoin d'un service public efficace, au service d'une économie performante et de politiques sociales qui « marchent ». Pour y parvenir, nous devons répondre aux défis de l'attractivité de la fonction publique et moderniser en permanence nos administrations, mais nous devons aussi, dans les deux années à venir, nous attaquer en priorité à la réduction des déficits publics.
    M. Didier Migaud. Vous les augmentez !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il est illusoire de vouloir à la fois répondre aux nombreux problèmes de notre société, garantir la cohésion sociale, assurer le développement durable de notre territoire et maintenir la compétitivité de nos entreprise, si nous ne sommes pas capables de contenir et de diminuer le déficit dans un délai très court.
    M. Didier Migaud. Alors, il faut que vous partiez ! Pour le moment, ce n'est pas concluant !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Aujourd'hui, ce qui compte, ce n'est pas de faire de l'idéologie au détriment du service public. C'est de faire en sorte que celui-ci soit réactif et en permanente adaptation.
    Nous ne pouvons accepter, nous, républicains, le clivage entre la bonne et la mauvaise école, le bon ou le mauvais hôpital. Ce clivage transforme les usagers du service public en consommateurs, ce qui est source d'inégalité profonde entre nos concitoyens.
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà qui est parler d'or ! Vous êtes un républicain non pratiquant.
    M. Didier Migaud. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il nous faut intégrer cette évolution et permettre à nos administrations de libérer leur énergie en gommant des procédures superflues, les structures inutiles et les habitudes routinières.
    Les plus dynamiques de nos administrations ont déjà amorcé, depuis quelques années, ce virage. Mais il est clair qu'une nouvelle étape doit être franchie afin que les résultats soient rapidement visibles.
    Notre volonté est forte, nos objectifs clairs, notre calendrier précis et notre méthode arrêtée. Elle s'articule autour de quatre chantiers ministériels et interministériels : un chantier structurel, la décentralisation et la réforme de l'administration territoriale ;...
    M. Didier Migaud. Le démantèlement de l'Etat...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... un chantier budgétaire, la nouvelle constitution financière issue de la loi organique sur les lois de finances ; un chantier managérial, la modernisation de la gestion des ressources humaines ; un chantier qualitatif enfin, la simplification des procédures et les politiques en faveur des usagers.
    La décentralisation est le premier pilier, avec la déconcentration, qui en est le complément indispensable. Comme l'a indiqué le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin dans son discours prononcé à Rouen, en conclusion des assises des libertés locales, la décentralisation, ce n'est pas l'affaiblissement de l'Etat...
    M. Didier Migaud. C'est du discours !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est le renforcement de l'Etat, allégé des missions qui peuvent être exercées plus efficacement au plus près du terrain et recentré sur les tâches qui ne peuvent être assumées que par lui.
    La stratégie du Gouvernement est bien évidemment d'exploiter le choc de la décentralisation pour faire bouger l'Etat.
    Un tel changement doit d'abord s'appliquer aux administrations centrales. Le transfert de certaines des missions qu'elles assumaient, ainsi que les simplifications qui sont menées par ailleurs sous l'impulsion d'Henri Plagnol, doivent entraîner une réduction du format des administrations centrales prises dans leur ensemble. Naturellement, il convient d'affiner l'analyse. Certains ministères sont plutôt sous-administrés au niveau central, tandis que d'autres ont une administration hypertrophiée. La question est donc à la fois de réduire la voilure et de mieux répartir les moyens. L'Etat central doit être moins paperassier et plus gestionnaire. Il doit s'attacher à produire de bonnes normes, à simplifier et à gérer au plus près du terrain.
    La réforme de l'Etat territorial est la seconde conséquence de la décentralisation, dont elle est le complément naturel. Le Gouvernement se prononcera dans les toutes prochaines semaines sur la recomposition des services déconcentrés du niveau régional autour de quelques grandes directions - sans doute pas plus de huit, alors qu'elles sont actuellement au nombre de vingt-quatre - sous l'autorité du préfet de région.
    Dans le même temps, la mutualisation des moyens sera organisée pour dégager les gains de productivité qui sont aujourd'hui perdus du fait de l'éparpillement des services de l'Etat.
    Territorialiser les politiques publiques est également une exigence pour la pertinence et l'efficacité de l'action publique.
    La Cour des comptes vient de publier un rapport particulier sur le rôle de la déconcentration des administrations dans la réforme de l'Etat. Sans nier les progrès indéniables de la déconcentration dans notre pays, elle conclut cependant à la nécessité d'aller plus loin, en particulier dans la gestion déconcentrée des ressources humaines et l'action interministérielle au plan local.
    Le Gouvernement a souhaité répondre à ces enjeux en mettant en chantier une réforme en profondeur de l'administration territoriale. D'une part, il adapte son organisation au nouveau cadre de la loi organique relative aux lois de finances qui va se traduire par une responsabilisation de chaque service sur la base d'objectifs de coût et de performance précis et quantifiés. D'autre part, tout en réaffirmant son attachement au principe de l'unité territoriale de l'Etat, le Gouvernement entend moderniser ses services territoriaux en simplifiant leur organisation et en les rendant plus opérationnels autour du préfet, dont l'unité de commandement doit désormais s'accompagner d'une plus grande collégialité dans la prise de décision.
    Les préfets seront dotés de véritables moyens d'action interministérielle grâce à un programme des interventions territoriales de l'Etat - qui sera l'un des programmes ministériels prévus par la LOLF - destiné à regrouper, quelle que soit leur origine, tous les crédits concourant au même but sur un territoire donné, dès lors que l'action revêt un intérêt majeur de nature interministérielle, comme l'eau en Bretagne, la réindustrialisation de la Lorraine ou le programme exceptionnel d'investissement en Corse.
    Nous avons également retenu la méthode expérimentale pour traiter la délicate question de la présence territoriale des services publics. J'ai engagé des expériences dans quatre départements : la Savoie, la Charente, la Corrèze et la Dordogne, en vue de redéfinir les modalités de l'offre des services publics dans les territoires. Nous avons voulu éviter deux écueils : le moratoire, solution commode à court terme mais intenable ensuite ; la réorganisation sectorielle par chaque administration de ses prestations de service public sans coordination avec les autres services publics.
    Avec ces expériences, nous affirmons notre volonté de voir émerger une vision politique locale au niveau des établissements publics de coopération intercommunale et des pays. Je rappelle que mon ministère a considérablement simplifié le fonctionnement des pays, en harmonie avec les initiatives de votre assemblée. Je veux notamment saluer la contribution très active du président Ollier et de la commission des affaires économiques.
    Deuxième pilier de la réforme de l'Etat : la LOLF. Elle assure la cohérence d'ensemble de la réforme et lui fournit l'outil indispensable en mettant de la lumière là où il y a opacité et en faisant apparaître une gestion orientée vers le résultat.
    La loi organique doit nous permettre de mettre en place de nouveaux outils concernant notamment le contrôle de gestion et la politique immobilière des administrations. Elle doit aussi permettre de gérer dans un cadre pluriannuel. Ce sont là des avancées importantes, mais il importe de ne pas inverser les priorités : la lecture, le suivi, le contrôle de l'argent public ne doivent pas neutraliser la nécessaire vision politique mais, au contraire, l'alimenter.
    De même, pour la pertinence des débats, il est nécessaire de posséder des statistiques fiables, des données précises et disponibles rapidement. Il serait utile, par exemple, de disposer d'informations sur l'action de l'Etat rapportée à un territoire donné. Dans ce domaine, une collaboration étroite avec le Parlement s'impose plus que jamais.
    La capacité d'analyse et d'expertise, la crédibilité des données fournies, la fiabilité des sources, la transparence des informations sont des éléments déterminants pour la réussite d'une réforme. Car les objectifs ne peuvent être pleinement partagés que si les diagnostics le sont également. Au-delà de la réforme, il y a l'esprit de la réforme, basé sur la confiance.
    Ce chantier, copiloté par le ministère du budget et de la réforme budgétaire et par le ministère de la réforme de l'Etat, est un chantier vital.
    Le calendrier est clair : les futurs programmes seront arrêtés cet hiver, dans les prochaines semaines ; les objectifs et les indicateurs qui leur donneront un contenu politique seront validés au printemps 2004. Ce calendrier nous oblige, il va mobiliser l'ensemble des ministères en 2004. L'administration sait ce qu'elle peut en attendre. Pendant des années, elle s'était plainte à juste titre du fait que les responsables politiques ne définissaient pas leurs objectifs et ne savaient pas reconnaître les résultats. Les responsables politiques ont fait leur travail, dans un esprit de consensus qui doit beaucoup aux efforts de M. Lambert et de M. Migaud. Je suis persuadé que les ministères sauront saisir cette opportunité.
    Cette réforme née au Parlement, il va de soi que le Parlement est appelé à en contrôler la mise en oeuvre. Avant les échéances de 2005, vous serez appelés à vous prononcer sur les programmes et sur les indicateurs, selon les modalités qui vous conviendront. Je vous l'ai dit en introduction : le Gouvernement tout entier considère que le Parlement doit être l'aiguillon de la réforme.
    M. Jean-Yves Chamard. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. De la même façon, puisque la LOLF introduit une culture du résultat, je propose que nous mettions en place ensemble une procédure de suivi des observations de la Cour des comptes, de façon que nos concitoyens n'aient plus l'impression que les gaspillages sont tolérés dans notre pays. L'Etat ne peut donner des leçons que s'il se les applique à lui-même.
    M. Pierre Lequiller. Bien sûr !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le troisième pilier de la réforme est celui du changement dans la gestion des ressources humaines. Ce vaste chantier de transformation que nous avons lancé vise à garantir l'attractivité, la réactivité et la capacité d'adaptation de la fonction publique.
    Nous avons ouvert une première phase concernant les recrutements, qui devront faire une plus grande place au recrutement professionnel et permettre l'entrée de profils plus variés dans l'administration. Des avancées en matière de formation initiale et continue seront réalisées pour accroître le niveau des agents. J'ai présenté le 22 octobre au conseil des ministres une communication sur l'encadrement supérieur qui va dans ce sens. La réforme de l'Ecole nationale d'administration, qui s'inscrit dans cette démarche, est une illustration parfaite de nos ambitions pour la fonction publique : professionnalisation, ouverture, orientation de la formation vers les préoccupations concrètes des citoyens et des entreprises, simplification des structures de l'école, sont autant de marques de notre volonté d'avancer sur la voie du changement.
    Nous voulons également adapter les règles de gestion dans le sens d'une plus grande souplesse. Un nouvel élan sera donné à la déconcentration de la gestion des personnels, afin de favoriser les effets de proximité. J'ai aussi engagé des travaux visant à une plus grande mobilité fonctionnelle et géographique des agents, y compris entre les trois fonctions publiques.
    Plus généralement, et c'est le fil conducteur de notre politique, l'introduction d'une culture de la performance est une priorité.
    La modernisation de notre service public passe par la définition d'objectifs d'amélioration de la qualité et par l'association des personnels à leur mise en oeuvre. J'ai l'intention de mieux reconnaître le mérite des bons agents en différenciant davantage les rythmes d'avancement. S'agissant du lien entre la performance et le salaire, je suis favorable à la création d'outils permettant la reconnaissance, au niveau du service, des résultats obtenus. Il pourrait s'agir soit de mécanismes d'intéressement, soit de retours financiers vers les services permettant, par exemple, d'améliorer les conditions de travail.
    En cohérence avec ce mouvement, je souhaite faire évoluer l'approche salariale pour la rendre plus cohérente avec les réalités économiques. Il me paraît impossible de raisonner en matière salariale comme par le passé, en ne retenant que la valeur du point en niveau et en glissement. Je considère que la politique salariale doit également intégrer les effets des mesures catégorielles et indemnitaires et qu'elle pourrait être mieux mise en relation avec la croissance.
    Je verrai dans quelques jours les organisations syndicales de fonctionnaires et je leur proposerai de se joindre à une conférence destinée à repenser l'approche de la politique salariale et des rémunérations. Je préconise que se tiennent à l'avenir des négociations annuelles, qui pourraient être obligatoires, à partir des travaux d'un observatoire des salaires de la fonction publique ouvert aux syndicats.
    Par-delà l'aspect salarial, je considère que c'est tout le système de la gestion des ressources humaines qui doit être repensé. Le plus souvent, les agents sont motivés, attachés au service public, pleinement désireux de faire sérieusement et efficacement leur travail au service des usagers. Mais le système dans lequel ils évoluent est paralysant. Les initiatives y sont fréquemment bridées, voire découragées.
    Je m'insurge contre une pratique qui veut que celui qui économise ne soit pas mieux vu que celui qui dépense,...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... une pratique dans laquelle la prise de risques est pénalisée par rapport à la gestion sans imagination, une pratique qui récompense la carrière tranquille et sans vagues par rapport à la carrière où l'on s'investit à fond dans le changement.
    Mme Henriette Martinez. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les fonctionnaires doivent être les acteurs de ce changement. La réforme ne se fera pas contre eux mais avec eux. Il doivent y trouver toute leur place pour être les moteurs de la modernisation.
    Je voudrais que ce changement fasse appel à la responsabilisation des fonctionnaires, à leur motivation, et qu'il repose sur la justice pour que les bons agents se sentent portés vers l'avant et non pas bloqués dans leur élan. Responsabilisation et confiance dans les hommes et les femmes qui font vivre le service public sont les deux forces sur lesquelles je compte m'appuyer.
    Je veux faire émerger les talents dormants qui existent dans les services. De nombreux fonctionnaires de tous grades sont à la recherche d'un engagement et souhaitent se mobiliser pour la cause du service public mais sont sous-employés ou mal employés. Je vais contacter tous mes collègues pour les inciter à repérer les agents en question et leur demander de les réaffecter dans des missions utiles pour la collectivité. L'accès à un poste de responsabilité doit être la reconnaissance d'une compétence et non d'une ancienneté ou de l'appartenance à un corps.
    Nous sommes en train d'évaluer les plans de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences que m'a remis chacun des ministres. Ces plans sont l'un des outils sur lesquels nous allons nous appuyer pour gérer, sur une base pluriannuelle, le flux de recrutement et les besoins en personnels des administrations. La formule doit être améliorée, mais les premières réunions que nous avons tenues sont prometteuses.
    Pour traduire en actes les transformations liées à la gestion des ressources humaines dans les fonctions publiques, un projet de loi est en préparation. Il portera sur les aspects indispensables à la modernisation des règles statutaires : ouverture à l'Europe, déontologie des circulations avec le secteur privé, adaptation des règles relatives aux contrats des non-titulaires, mobilité accrue entre les fonctions publiques après examen de tout ce qui peut la freiner, y compris l'opacité des rémunérations ou des primes. Le projet portera aussi sur les modifications que la décentralisation rend indispensables dans la fonction publique territoriale.
    J'entamerai dans quelques jours la consultation tant des associations d'élus que des syndicats de fonctionnaires. Mon intention est de présenter ce projet au conseil des ministres dès le début de 2004.
    Les mesures qui relèvent du règlement - fusion de corps, déconcentration de la gestion, allégement et simplification des règles de gestion - seront prises en parallèle, dans des délais rapprochés.
    Le quatrième domaine que je voudrais évoquer concerne les simplifications et les relations avec les usagers.
    Tout d'abord, la simplification des démarches et des procédures.
    Une première loi portant simplification du droit, promulguée le 2 juillet 2003, va donner lieu à 45 ordonnances, dont les deux tiers seront publiées d'ici au mois de février. De très nombreuses mesures intéressant directement la vie des Français et des élus locaux vont y figurer. Un second projet de loi est en cours d'élaboration. Il contiendra plus de 160 mesures, dont certaines très significatives comme la simplification du permis de construire, le rescrit social ou la simplification du droit du travail.
    Ce que j'appellerai « la révolution de la qualité dans les services » est l'autre axe de notre politique tournée vers l'usager.
    La qualité est aujourd'hui une exigence incontournable pour nos concitoyens, mais aussi pour une large majorité de fonctionnaires. Les « trophées de la qualité », récompensant les meilleures initiatives de modernisation de l'administration, que nous avons lancés avec Henri Plagnol, ont permis de mesurer le formidable potentiel de volonté de changement dans l'administration, une volonté guidée par des démarches qualité. Le 15 novembre, le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat a lancé la mise en place des chartes d'accueil dans les services déconcentrés. Ces chartes, auxquelles nous avons donné le beau nom de « chartes Marianne », tiendront compte pour la première fois des suggestions du public et donneront lieu à de véritables actions de formation à l'accueil. Une réflexion est par ailleurs en cours sur les processus de certification au sein de l'administration, en particulier par la définition d'un référentiel commun de qualité.
    Le développement de l'administration électronique est la troisième priorité de cette politique de l'accueil.
    Ce que l'on appelle « l'e-administration » correspond à une demande croissante des Françaises et des Français, qui lui font de plus en plus confiance ainsi qu'en témoignent des enquêtes convergentes. L'offre se renforce considérablement : on compte aujourd'hui 5 500 sites publics, soit une augmentation de 20 % en un an. Je signale que 85 % des formulaires administratifs sont en ligne, ce qui est un bon indicateur de la percée de l'administration électronique.
    Les progrès récents de notre pays sont d'ailleurs reconnus au niveau international : la France vient de se hisser à la septième place mondiale dans le classement que vient de publier l'ONU sur le développement de l'e-administration.
    Des orientations stratégiques pour les quatre années à venir vont être fixées à l'occasion d'un prochain comité interministériel pour la réforme de l'Etat consacré à ce sujet. De nombreux projets sont d'ores et déjà lancés : la mutualisation des grands projets et services, par le biais de plates-formes techniques d'interopérabilité, qui permettent des gains de productivité et financiers considérables. A titre d'exemple : le service de changement d'adresse, la dématérialisation d'un dossier unique de demande de subvention et de son instruction.
    Après avoir remis en perspective les grands chantiers interministériels des réformes que mène le Gouvernement pour conduire le changement dans l'Etat, j'en viens aux stratégies ministérielles de réforme - les SMR - qui sont la matière de notre débat.
    M. Didier Migaud. Enfin !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous pensons qu'il revient aux ministres d'être les premiers acteurs de la réforme en s'impliquant dans la gestion de leurs départements ministériels et en les engageant sur la voie du changement.
    M. Michel Bouvard. C'est nécessaire !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. C'est pourquoi, en application des orientations tracées par le Président de la République, Jacques Chirac, j'ai proposé, avec Henri Plagnol, au Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, que chacun des ministres élabore une stratégie de réforme servant de cadre aux transformations de son ministère sur une base pluriannuelle.
    Le Premier ministre s'implique personnellement dans ce processus.
    M. Didier Migaud. Aïe !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il a donné ses instructions aux ministres ; il a entrepris de simplifier l'organisation de ses propres services ; il reçoit lui-même les ministres pour examiner leurs projets de réformes structurelles.
    M. Didier Migaud. S'il s'implique trop, on va droit à l'échec !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. J'ai moi-même prévu, dans la SMR de mon ministère, d'alléger les structures de la DATAR pour qu'elle se consacre plus efficacement à sa double mission de boîte à idées pour le compte du Gouvernement et d'interlocuteur des territoires.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une boîte sans fond !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les SMR se traduisent par plusieurs innovations importantes. Leur principe repose sur un examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles. Toutes les réformes ministérielles ambitieuses qui ont abouti dans les grands Etats ont donné lieu à une revue générale des missions et des moyens. C'est pourquoi le choix a été fait de coupler l'exercice des SMR avec la préparation du budget pour 2004, mais aussi avec la mise en oeuvre de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.
    Deuxième constat : c'est la première fois qu'il est démandé aux ministres, avec les SMR, de fournir des engagements précis, concrets, mesurables sur plusieurs années. Cette volonté du Premier ministre de mener un dialogue approfondi avec ses ministres s'est traduite, en particulier, par les entretiens bilatéraux qu'il a eus avec chaque ministre durant les mois de mars et avril derniers sur le thème de la réforme de l'Etat. C'est dans le cadre de ces entretiens que les grandes orientations pour l'établissement de chacune des SMR ont pu être fixées.
    Leur principe repose sur un examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles. Notre administration a tendance à empiler les structures. Les missions évoluent, parce que les besoins du service public changent. Cela doit se traduire par des redéploiements ou par le recours à de nouveaux modes de gestion, certainement pas par la superposition des structures.
    C'est pourquoi nous avons posé à chaque ministre ces questions simples, qui ne doivent pas être des questions taboues : « Avez-vous identifié une mission ou un organisme qui ne présente plus un caractère stratégique pour le service public et qu'il faut supprimer ? », « Quelles sont les missions éloignées de votre "coeur de métier que vous comptez externaliser ? », « Quelles sont les missions qu'il est prévu de décentraliser aux collectivités territoriales ou de déléguer au secteur associatif, aux fédérations ou aux organismes publics ou parabublics ? »
    L'exercice ainsi mené a vocation à être complété et suivi - et d'abord par vous, mesdames et messieurs les parlementaires - année après année. Car, et c'est là la dernière innovation majeure, c'est la première fois qu'un travail prospectif concernant les structures et le fonctionnement de l'exécutif dans une perspective pluriannuelle est soumis à l'examen critique du Parlement.
    C'est la signification de notre débat d'aujourd'hui. Après plusieurs mois de préparation, les SMR ont été présentées devant les différents comités techniques ministériels, puis elles ont été transmises en septembre au Premier ministre.
    Elles ont ensuite été adressées aux deux assemblées parlementaires dont les commissions des finances ont procédé à l'audition d'une dizaine de ministres en tout.
    Quel bilan peut-on tirer de ce premier exercice qui s'est tenu dans des délais tendus, mais qui ont été pourtant respectés par l'ensemble des ministères ? Les auditions effectuées par votre commission des finances se sont révélées particulièrement propices à un débat de fond sur les objectifs et la stratégie de modernisation de chacune de ces administrations entre les ministres et les parlementaires.
    M. Didier Migaud. On n'a rien appris à cette occasion !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Elles ont notamment permis d'éclairer les options budgétaires à la lumière des orientations choisies en matière de réformes structurelles et dans la perspective des choix de leurs futures missions et programmes, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF.
    Bien sûr, les résultats sont variables selon les ministères. Certains d'entre eux - je pense en particulier à celui de l'équipement, de l'économie et des finances, de l'intérieur, de l'agriculture - ont profité de cet exercice pour définir une véritable stratégie de réforme, ambitieuse et déterminée. D'autres ministères, en revanche, doivent encore compléter leur approche du sujet. La réforme de l'Etat, ce ne sera jamais quinze ministères sur la même ligne de départ. Mais tous ceux que vous avez entendus vous ont présenté des pistes de réformes prometteuses.
    Je laisserai à Henri Plagnol le soin de détailler plus avant les enseignements à tirer de ces SMR, ainsi que les propositions de modernisation faites par les différents ministères.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous prenez des risques !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je prendrai simplement quelques exemples. L'éducation nationale s'est engagée très contrètement à améliorer le taux d'emploi de ses professeurs remplaçants, dont la faiblesse était justement critiquée par la Cour des comptes ; elle s'est engagée à rationaliser ses différents niveaux d'administration, entre l'administration centrale, le rectorat, l'inspection académique et l'établissement ; elle a pris des engagements pour contenir le coût croissant de l'organisation des concours.
    Le ministère des affaires sociales a pris des engagements pour simplifier le droit du travail, rénover le service public de l'emploi et tirer toutes les conséquences de la décentralisation au niveau central et déconcentré.
    Voilà des engagements concrets de réforme ! Ces engagements, mesdames et messieurs les députés, seront tenus par le Gouvernement. Vous en êtes et vous en serez les garants. Car ce qui compte, au-delà d'un palmarès des ministres auquel il ne m'appartient pas de procéder,...
    M. Didier Migaud. Ce serait vite fait !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... c'est que le mouvement soit lancé. Vous pouvez compter sur les efforts du Premier ministre, sur les efforts du ministre du budget, sur les miens et ceux d'Henri Plagnol, et sur les efforts de chacun des ministres, pour qu'il ne s'arrête pas.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le mouvement perpétuel !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais si vous pouvez compter sur nos efforts, nous, nous souhaitons compter sur votre implication. Encore une fois, au nom du Président de la République et au nom du Gouvernement, je vous redis notre souhait commun que le Parlement soit l'aiguillon de la réforme de l'Etat.
    M. Jean-Pierre Brard. On va vous piquer les fesses ! (Sourires.)
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement veut passer avec le Parlement un contrat de confiance sur la réforme de l'Etat. C'est pourquoi, en conclusion, il me semble important de prendre quelques engagements de méthode et de calendrier.
    Les engagements pris par chaque ministre devant la commission des finances seront - et je pense que votre commission sera d'accord - solennisés dans un document conjointement validé par le Parlement et par les ministères concernés.
    M. Michel Bouvard. Chiche !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Bonne proposition !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Parlement définira librement la façon dont il entend veiller au suivi de ces engagements.
    M. Didier Migaud. Heureusement ! Pourquoi ne le ferait-il pas librement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je ne verrai, pour ma part, que des avantages à ce que des députés soient individuellement chargés de missions en ce sens. Il me paraîtrait notamment utile que des députés et des sénateurs puissent actionner des audits externes pour vérifier l'application des SMR et recommander de nouvelles évolutions.
    M. Didier Migaud. Ils n'ont pas besoin de votre autorisation. Quelle conception particulière des relations entre le Gouvernement et le Parlement !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Une évolution des engagements pris dans les SMR 2003 sera réalisée au printemps 2004 et permettra ainsi de mesurer la portée des engagements pris au moment où les ministères seront convoqués chez le Premier ministre pour une seconde réunion de suivi de leurs réformes internes.
    Au-delà des engagements des ministres, et pour vous montrer que les projets sont bien lancés et pourront éclore en 2004, je prends les engagements suivants pour l'ensemble du Gouvernement.
    En janvier, à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de décentralisation, le Gouvernement vous fera part de ses choix en matière de réforme de l'administration territoriale.
    En février, un deuxième projet de loi d'habilitation visant à simplifier le droit par ordonnances...
    M. Didier Migaud. Par ordonnances ? Bravo pour le respect des droits du Parlement !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... sera délibéré en conseil des ministres pour être voté avant la fin de la session. A cette occasion, un bilan sera fait du premier projet de loi et j'espère pouvoir vous annoncer la publication de plus des deux tiers des ordonnances prévues.
    Avant mars 2004, un projet de loi sur les évolutions des fonctions publiques sera déposé au Parlement.
    En juin, je dresserai un premier bilan de l'important programme de fusion des corps et de déconcentration engagé.
    Enfin, je vous ai dit que le Parlement sera amené à délibérer des programmes et des objectifs de la LOLF avant l'été 2004.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas un engagement, c'est la loi !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je vous remercie par avance, mesdames et messieurs les députés, de vos remarques et de vos suggestions pour nous aider à faire avancer ce vaste chantier de la réforme. Henri Plagnol et moi sommes à votre disposition pour préciser des points particuliers après les interventions des différents orateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Mesdames, messieurs, je salue la volonté du ministre et je partage une grande partie de son optimisme.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça promet !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mais je veux cependant rester lucide compte tenu du poids des habitudes, des milliers de contraintes et de verrous existants. Ces verrous, monsieur le ministre, nous les avons d'ailleurs constatés, je dirai même subis, lors du débat budgétaire.
    Satisfaction d'abord et optimisme du fait que le Gouvernement a décidé d'organiser ce matin, pour la première fois, ce débat sur la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat - et vos propos sont significatifs.
    Satisfaction, aussi, du fait de la démarche initiée par la commission des finances, avec quelques collègues des autres commissions. Entre le 28 octobre et le 13 novembre, cinq ministres ont été entendus - Mme Michèle Alliot-Marie et MM. Luc Ferry, François Fillon, Hervé Gaymard et Francis Mer -, et ces auditions ont pu éclairer la commission des finances sur les perspectives de la réforme administrative de chacun des grands ministères.
    Optimisme, également, du fait de la mise en application de la LOLF - et le rapporteur général de la commission, comme Michel Bouvard et d'autres, aborderont sans doute, tout à l'heure, les aspects de cette réforme de l'Etat qui découlent de la LOLF ou qui lui sont liés, et qui dessinent des perspectives pour l'avenir.
    Pour ma part, je voudrais maintenant insister sur quelques points concrets, qui paraîtront peut-être d'une importance limitée, mais qui me semblent, au contraire, tout à fait symboliques des difficultés à résoudre pour vraiment avancer d'une manière concrète et pragmatique, et je proposerai certains rendez-vous pour l'an prochain. Je prendrai trois exemples touchant à la simplification des structures, des textes et des procédures, et à la mobilisation des hommes pour les mettre en oeuvre.
    Sur le plan, tout d'abord, des structures, l'administration est encore envahie d'organismes, de « conseils », de « hauts conseils », de « conseils supérieurs », d'« observatoires » et de « comités » dont on ne sait pas toujours très bien à quoi ils servent - ni même s'ils servent à quelque chose - et si leur coût est justifié.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je ne veux pas tomber dans un simplisme exagéré, mais il paraît improbable que les 1 200 instances consultatives ou délibératives placées auprès des ministres, recensées dans une annexe jaune au projet de loi de finances, soient toutes absolument nécessaires, et un certain nombre d'entre elles mériteraient sans doute d'être supprimées.
    Mais, pour en juger, il fallait disposer d'éléments fiables et complets. C'est pourquoi la commission des finances avait souhaité, dans le cadre du collectif budgétaire de juillet 2002, que le Gouvernement complète cette annexe par des informations significatives, telles que le coût de ces structures, le nombre de leurs membres et celui des réunions tenues depuis trois ans.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Pour la première année de collecte, il faut déplorer que les informations publiées en octobre dernier fassent apparaître un bilan particulièrement maigre. Pour plus de 90 % des diverses commissions recensées dans le document, ni le coût, ni le nombre de réunions, ni le nombre de membres ne sont indiqués.
    M. Michel Bouvard. Ça, c'est du concret !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. A l'automne prochain, nous reprendrons l'initiative, et nous verrons si nous avons avancé. Si tel n'est pas le cas, monsieur le ministre, il faudra sans doute en déduire que personne ne sait à quoi ces organismes servent, qui les compose ni combien ils coûtent. Et il conviendra alors d'envisager la suppression de toutes les structures qui se sont ainsi empilées sans logique, par strates historiques successives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Dans ce document, en effet, les réponses sont extraordinairement faibles : 5 % à 10 % seulement indiquent le nombre de membres qui les compose ou le nombre de réunions tenues.
    M. Didier Migaud. Certains organismes ne se réunissent peut-être même jamais !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Certainement.
    Dans le même ordre d'idées, n'était-il pas nécessaire de réexaminer la multiplication d'organismes différents, financés sur fonds publics, et qui concourent au même objet, quel que soit le niveau administratif de financement ? Pour prendre un seul exemple, qui a en partie été examiné par la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC, et auquel le Gouvernement a d'ores et déjà prévu d'apporter de premiers éléments de réponse, faut-il vraiment financer autant d'organismes et d'observatoires économiques de toute sorte, financés sur fonds publics ? L'exigence de pluralisme des expressions et des prévisions au plan économique ne peut pas tout justifier. Il faut garder des limites raisonnables.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Chacun d'entre nous, dans sa circonscription, reçoit en effet dans sa boîte aux lettres sept, huit, dix comptes rendus de conjoncture - ça va de la Banque de France à l'université, en passant par les chambres multiples, par les conseils généraux, par les conseils régionaux, et tout ça sur papier glacé.
    M. Michel Bouvard. Il faut tout mettre en ligne !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Or nous savons très bien que les sept huitièmes de ces documents vont à la corbeille. A quel coût ? Combien de personnes travaillent sur les mêmes dossiers ?
    Je souhaiterais, monsieur le ministre, c'est le deuxième rendez-vous que je vous donne, que l'INSEE, qui est un organisme de qualité,...
    M. Jean-Pierre Brard. Un organisme autoritaire et autiste !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... soit en mesure de remettre de l'ordre dans ce foisonnement.
    M. Jean-Pierre Brard. Il faudrait commencer par remettre de l'ordre dans l'INSEE !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Troisième rendez-vous, le salut en matière administrative a peu de probabilités de venir de l'intérieur. (« Oh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Car les structures administratives ont une forte tendance à « autojustifier » leur existence et leurs modalités d'action.
    Jeune ingénieur dans la fonction publique, j'avais ainsi fait des suggestions qui sont restées lettre morte. Puis, comme ministre de l'agriculture, j'ai eu beaucoup de mal à appliquer les mesures que je souhaitais prendre en la matière, compte tenu du poids des habitudes, des contraintes, et parfois du pouvoir syndical, auquel le pouvoir politique cède trop facilement sur des responsabilités qui sont les siennes.
    M. Jean-Pierre Brard. Commencez par l'autocritique avant la critique !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les missions d'audit privé doivent donc participer plus activement à cet effort de restructuration. Cela étant, les corps d'inspection générale des ministères sont composés d'hommes de grande qualité et d'expérience dont les compétences acquises tout au long de leur longue carrière administrative ne sont pas toujours bien employées. Ne serait-il pas souhaitable qu'une partie de ces corps d'inspection soit mise au service de la Cour des comptes et de nous-mêmes indirectement, via la Cour des comptes, pour assurer cette mission d'organisme ?
    Après la question de l'accumulation des structures administratives, je voudrais dire un mot de l'accumulation des textes. Si l'on ne peut rien faire à propos du stock existant, il faudrait au moins agir sur le flux des nouveaux textes d'autant que la marge de progression est très importante. Dans un certain nombre de ministères, la machine à créer de la complexité fonctionne encore à régime élevé.
    Ainsi, en matière fiscale, malgré les recommandations du Conseil des impôts, et quelques tentatives symboliques de la commission des finances, visant à diminuer le poids et le nombre des mesures fiscales dérogatoires - 418 -, certains ministères continuent à promouvoir de nouveaux dispositifs et à multiplier les niches fiscales. La cohérence de la baisse des impôts sur le revenu, c'est aussi la suppression de certaines de ces niches fiscales.
    M. Didier Migaud. Vous les avez renforcées, monsieur le président !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. De même, sur le plan réglementaire, je voudrais prendre un autre exemple concret : le décret du 24 octobre 2003 sur la gestion budgétaire, comptable et financière et la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux, compte 171 articles, sur 70 pages. J'aime mieux vous dire que lorsque les directeurs d'action sociale des départements ont reçu ce document pratiquement inapplicable et qui représente des milliers d'heures de travail pour les fonctionnaires des administrations départementales, il y a eu comme un découragement. Et le discours sur la simplification administrative s'en est trouvé remis en question.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous demande de revoir ce document et notamment ses conditions d'application.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je vous assure que, pour les personnels qui travaillent dans l'action sociale, la mission est pratiquement impossible à remplir.
    M. Michel Bouvard. C'est un excellent exemple !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Merci d'avance de l'effort que vous ferez en ce sens.
    De même, le texte sur la loi rurale qui doit venir prochainement en discussion devant le Parlement comporte 147 articles. Tous ces articles relèvent-ils du domaine législatif ?
    M. Gilbert Gantier. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Par ailleurs, l'adoption de ce texte ne devrait-elle pas être assortie de la suppression d'un certain nombre d'autres textes du code rural ou de textes législatifs ? Nous l'avons demandé au ministre de l'agriculture, qui nous a répondu positivement. Sinon, la multiplication des textes législatifs ne fera que complexifier un peu plus le droit et accroître les coûts.
    Je terminerai par la mobilisation des hommes. Vous en avez parlé, et nous vous en remercions. Leur faire confiance au niveau local, c'est d'abord entendre leurs suggestions. Celles-ci ne viendront pas en effet des administrations centrales. Il faut les attendre de ceux qui sont sur le terrain.
    Le premier exemple venant d'en haut, je continue à défendre, avec d'autres, ici, qu'il faudrait qu'une fois pour toutes les compétences de chaque ministère soient définitivement déterminées...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... pour éviter qu'à chaque changement de gouvernement des fonctionnaires ne soient ballottés d'un gouvernement à l'autre. Ce serait un moyen de leur rendre confiance. C'est d'ailleurs ainsi que procèdent nos voisins européens.
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut donner des récompenses, monsieur Méhaignerie !
    M. Didier Migaud. Au mérite !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Beaucoup d'autres suggestions en ce sens peuvent être faites. Nous avons une fonction publique et des fonctionnaires de qualité. Ils ont besoin de symboles forts. Le premier pourrait consister à donner aux directeurs la responsabilité totale. Or il savent bien aujourd'hui que, lorsqu'ils prennent des décisions, il n'auront pratiquement jamais raison face à d'autres structures qui représentent le personnel mais pas toujours nécessairement l'intérêt général.
    Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous avons des raisons d'être optimistes. Toutefois, si le cap est clair, si l'élan semble donné, certains ministères ne sont pas encore au rendez-vous. Les discours et les intentions vont dans le bon sens mais les résultats suivront-ils ? Ce qui s'est passé au cours de ces dix-huit derniers mois ne nous permet pas de donner une réponse définitive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Les stratégies ministérielles de réforme marquent un tournant dans la réforme de l'Etat. Comme vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le ministre, elles sont le fruit des réflexions et du dialogue conduits pendant près d'une année dans chacun des ministères.
    D'abord, le fait qu'il soit question des « stratégies » témoigne qu'il s'agit de fixer un cap, de faire la part entre l'essentiel, le coeur de l'action de l'Etat - qu'il convient donc de moderniser -, et ce qui peut être abandonné ou délégué à d'autres acteurs, publics ou privés, dans un souci de bien maîtriser la dépense publique.
    L'adjectif « ministérielles » indique ensuite qu'il a été demandé à chaque ministère, en complément des divers chantiers lancés au niveau interministériel, de se livrer à un exercice de vérité sur les changements entrepris ou à venir.
    Enfin, le mot « réforme » montre que le domaine couvert par cet exercice a été délibérément choisi vaste, allant de l'examen des missions à la modernisation de la gestion en passant par le développement de démarches qualité.
    Cela étant, je salue surtout le fait que le Parlement ait été placé au coeur de cette démarche ; notre séance de ce matin en témoigne. En effet, il a été demandé aux ministres de rendre compte de leurs réformes au Parlement, de prendre des engagements devant nous. Cela constitue un tournant dans le fonctionnement de nos institutions. Nous examinons donc avec la plus grande attention, en commission des finances, ces stratégies ministérielles de réforme, qui ont déjà donné lieu à cinq auditions concernant respectivement les ministères chargés de la défense, de l'éducation, des affaires sociales, de l'agriculture, de l'économie et des finances.
    Aujourd'hui, en présentant ces stratégies devant notre assemblée, le Gouvernement démontre l'attention qu'il porte à la réforme de l'Etat et prouve qu'il entend que nous, parlementaires, jouions un rôle éminent dans l'impulsion de la mise en oeuvre de ces stratégies.
    M. Didier Migaud. On n'a pas appris grand-chose !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. A nous donc, chers collègues, de saisir l'occasion qui nous est donnée de nous manifester concrètement auprès de chacun des ministres sur les différents aspects des réformes qu'ils nous présentent.
    A cet égard, il sera nécessaire d'adopter des méthodes de travail innovantes, pour lesquelles je vous propose cinq modalités concrètes d'action pour les prochains mois.
    Premièrement, nous devons effectuer un suivi au quotidien des engagements pris par les ministres. A ce propos, je tire un bilan positif de cette première phase, car les ministres ont joué le jeu. Ils ont fait preuve d'une certaine imagination alors qu'il ne leur était pas facile de proposer des réformes les concernant directement. Des cinq auditions auxquelles nous avons procédé, est ressorti le fait qu'il a souvent manqué deux éléments dans les engagements présentés : d'abord un chiffrage des économies attendues ;...
    M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... ensuite, des dates précises de réalisation des engagements.
    M. Michel Bouvard. Exact !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'en prends quelques exemples.
    Le ministère de la défense propose d'externaliser la gestion immobilière de la gendarmerie, la gestion de certains véhicules ou encore la formation initiale des pilotes d'hélicoptère. C'est très bien, mais nous ne savons pas quelles économies il attend de ces réformes ni quand elles seront effectives.
    Le ministère de l'éducation nationale promet de renforcer l'autonomie des établissements scolaires par des budgets globaux et par la déconcentration de certains actes de gestion des personnels, mais nous n'avons pas d'information précise sur les gains de productivité attendus ni sur les améliorations concrètes qu'il en résultera pour les agents et pour le service public de l'enseignement.
    Le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité annonce qu'il va rapprocher l'ensemble des acteurs du service public de l'emploi - ANPE, UNEDIC et ses propres services déconcentrés - mais, là encore, nous attendons un engagement sur le niveau des économies attendues de cette restructuration.
    Il devrait être possible d'identifier une quinzaine d'engagements concrets à réaliser dès 2004 par les différents ministères étudiés. A cet égard, j'ai relevé avec un grand intérêt, monsieur le ministre, votre proposition précise d'une publication solennelle et conjointe de l'état d'avancement de ces différents engagements. Nous suivons donc très attentivement au quotidien l'avancement de ces réformes.
    Deuxièmement, je souhaite que, dès le début de l'année prochaine, nous puissions procéder à de nouvelles auditions concernant d'autres ministères - je pense à ceux de l'intérieur, de la justice, de l'équipement - ainsi qu'à une autre série d'auditions pour les cinq ministères que nous avons déjà reçus. Ce n'est qu'à cette condition d'un suivi régulier et constant que nous obtiendrons en effet des améliorations tangibles de l'efficacité de l'Etat.
    Troisièmement, il est indispensable que l'Assemblée soit très étroitement associée aux choix qui seront opérés pour chacun des ministères, s'agissant de la nouvelle nomenclature budgétaire introduite par la loi organique.
    M. Michel Bouvard. Très, très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, si la préparation des missions et des programmes relève de l'exécutif, il me paraît essentiel que nous, parlementaires, puissions valider la maquette budgétaire avant qu'elle ne soit arrêtée définitivement. Michel Bouvard reviendra probablement dans un instant sur ce point essentiel. Nous allons vivre quelques semaines cruciales au début de l'année 2004, au cours desquelles nous devrons procéder à un examen systématique des nouvelles maquettes budgétaires des différents ministères.
    Par exemple, lorsque nous avons reçu Mme la ministre de la défense en commission des finances, nous nous sommes étonnés de l'absence d'un programme identifié pour la gendarmerie. Pourtant, il s'agit, en la matière, d'un enjeu essentiel dans la définition des missions et des programmes dont la mise en oeuvre nous permettra de mesurer la performance de l'Etat, donc d'apprécier le rythme de la réforme.
    Quatrièmement, nous devrons procéder au suivi de quelques chantiers qui sont non plus ministériels mais transversaux. Je vais évoquer rapidement sept d'entre eux, étant entendu qu'il faudrait que le suivi de chacun puisse être confié à un ou plusieurs députés volontaires qui ne seraient pas effrayés par l'énorme charge de travail que cela représentera.
    Le premier porte sur les missions et les structures de nos administrations centrales, car l'Etat n'a pas suffisamment consenti d'efforts pour réformer son back office. Ainsi que Pierre Méhaignerie l'a souligné, les doublons demeurent, sans parler des services maintenus en dépit de la décentralisation de compétences.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le deuxième chantier concerne les services déconcentrés de l'Etat, pour lesquels la décentralisation appelle des réformes radicales pouvant aller, dans certains cas, jusqu'à la suppression ou jusqu'à l'organisation, autour du préfet qui doit être le pivot de cette action, de tout un ensemble d'expertises et de conseils, d'une part, d'évaluations et de contrôles, d'autre part.
    Le troisième chantier est celui de la contractualisation, du contrôle de gestion et de la performance. En effet, ces thèmes, indispensables à la mise en place de la loi organique, ont été, jusqu'à présent, sous-estimés. Nous avons donc l'intention de regarder de très près : les quelques contrats d'objectifs et de moyens qui ont d'ores et déjà été conclus avec la direction du budget et qui sont très intéressants en termes de démarche ; la mise en place du contrôle de gestion dans les ministères ; les systèmes d'information qui existent pour mesurer les performances des services.
    Le quatrième chantier est constitué par la modernisation de la gestion des ressources humaines publiques. Il est capital, le diagnostic ayant été fait de l'archaïsme et de la rigidité de la situation actuelle. Beaucoup reste à faire.
    En la matière, il conviendra de suivre la gestion prévisionnelle par métier, la déconcentration des actes de gestion, la responsabilisation des cadres ou encore l'épanouissement des agents, sans oublier la question des mobilités, celle de l'aménagement du temps de travail et celle des rémunérations à la performance et au mérite. A ce propos, je veux souligner, messieurs les ministres, combien vous avez été efficaces en la matière au cours des derniers mois, puisqu'un certain nombre de notions taboues comme le mérite sont désormais banalisées. Nous pouvons enfin prendre à bras-le-corps la réforme du statut de 1946 et celle des rémunérations des agents publics. Plus que d'une réforme, il s'agit presque d'une petite révolution pour qui connaît l'administration, surtout quand, comme moi, on en est issu.
    Le cinquième chantier est la modernisation de la gestion de l'immobilier. Je ne m'étends pas sur ce sujet que chacun connaît.
    Le sixième chantier est relatif à la simplification et à la qualité du service. Si plusieurs administrations ont effectué des progrès notables au cours des dernières années sur des questions concrètes, d'autres sont restées en retrait. Cela est regrettable car, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il s'agit d'un chantier essentiel. C'est la traduction la plus visible et la plus sensible des effets de la réforme de l'Etat auprès de nos concitoyens. Ils nous attendent sur la simplification et l'amélioration de la qualité du service.
    Le septième chantier, enfin, est le suivi des expérimentations qui sont d'ores et déjà mises en place dans le cadre de la loi organique. Parce que nous devons cibler notre action et donner quelques coups de projecteurs, nous souhaitons, après réflexion, nous concentrer sur les expérimentations menées dans le domaine de l'éducation nationale, qui emploie plus de la moitié des fonctionnaires de l'Etat. Ainsi, certaines sont en cours dans les académies de Bordeaux et de Rennes s'agissant de l'enseignement scolaire. Nous suivrons parallèlement celles, très intéressantes, qui se déroulent dans l'enseignement agricole, car il semble que nous puissions en attendre beaucoup.
    Ces sept chantiers demanderont un investissement important de la part des députés. Ce n'est pas le travail qui va nous manquer, chers collègues.
    A cet égard, je tiens à souligner que nous sommes, nous, parlementaires, au coeur d'une mission absolument essentielle : celle de l'évaluation et du contrôle, qui doit être notre cinquième ligne d'action. Tous les collègues étrangers de démocraties modernes que nous recevons soulignent d'ailleurs que cela est devenu la première des priorités du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française, et sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mes chers collègues, cette mission ne concerne pas seulement les membres de la commission des finances. Bien au contraire, nous sommes tous collectivement intéressés. C'est pourquoi, en concluant ce propos, je souhaite formuler la proposition suivante.
    Sous la législature précédente, nous avons créé la mission d'évaluation et de contrôle, dont les travaux sont extrêmement intéressants. Cependant, nous avons constaté, au fil des années d'expérience, que son principal défaut était d'être cantonnée à la commission des finances. Il serait donc judicieux de l'ouvrir aux membres de toutes les commissions, de telle sorte qu'elle se concentre de la façon la plus efficace possible à l'audit des performances des administrations publiques, donc au suivi de la réforme de l'Etat. Il en va d'une meilleure utilisation des impôts des contribuables, l'enjeu consistant à leur rendre un service de meilleure qualité tout en faisant des économies. Nous sommes là au coeur de notre responsabilité de parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, premier orateur inscrit.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez déclaré que vous étiez un républicain, mais, après vous avoir entendu hier, dans une autre assemblée, tenir des propos qui n'étaient d'ailleurs pas dépourvus de sens, je me dis, à propos du sujet qui nous occupe aujourd'hui, que comme certains qui, bien qu'ayant la foi chevillée au corps, ne vont plus jamais ni à l'église, ni à la synagogue, ni à la mosquée ni au temple, vous êtes un républicain non pratiquant (Sourires), en tout cas, pas assez à mon goût. Cela étant nous aurons sans doute de nouveau ce débat dans les années qui viennent.
    Débattre des stratégies ministérielles de réforme dont on peut espérer qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une réforme globale de l'Etat suppose de savoir quelles missions et quelles finalités on assigne à l'Etat. Or la conception qu'en ont ce gouvernement et sa majorité de droite est celle d'un repli sur les missions régaliennes a minima : défense, police, justice. Si vos choix budgétaires témoignent de la réalité de ces priorités, cette approche était déjà esquissée dans le document publié en 2001 - Alternance 2002 : un projet pour l'opposition -, que la plupart de nos collègues de droite n'ont jamais lu. Ils ont eu tort.
    Je vous ai bien entendu affirmer, monsieur le ministre, que vous n'aviez pas une vision idéologique. Freud verrait certainement dans une telle déclaration des réminiscences de votre petite enfance, quand votre maman vous disait qu'il y avait des gros mots qu'il ne fallait jamais prononcer. Pourtant, idéologie n'est pas un gros mot. Ce terme vise le rassemblement d'un corpus d'idées qui donne du sens à un projet politique. Or vous en avez bien un et, si vous prétendez que vous n'avez pas de vision idéologique, c'est parce que vous sentez bien que, clairement affiché, votre projet politique est difficilement vendable. En réalité, vous développez votre action d'une façon très cohérente, et ceux qui disent que vous n'avez pas de politique se trompent complètement.
    Votre gouvernement comporte de nombreux idéologues, au nombre desquels vous figurez, monsieur Delevoye. Vous avez bien compris que, dans ma bouche, cela n'est pas un gros mot, ni une insulte, mais la reconnaissance de votre qualité intellectuelle et de l'existence d'un projet politique que nous combattons. En revanche, je reconnais que les ministres, hommes ou femmes, ne sont pas tous des idéologues. Chacun sait bien, en effet, que certains n'ont obtenu un portefeuille - je vois que M. Bouvard approuve -...
    M. Michel Bouvard. Pas du tout ! (Rires.)
    M. Jean-Pierre Brard. ... qu'au titre d'une récompense pour services rendus, notamment lors de l'élection du Président de la République ! (Sourires.)
    Il en va malheureusement ainsi sous la Ve République.
    J'en reviens au projet Alternance 2002, ce projet idéologique que vous avez réalisé en 2001 et qui a servi de vecteur à votre réflexion. On peut y lire : « Pour que l'Etat se recentre sur les missions qui fondent sa légitimité, nous demandons une réflexion en profondeur sur son périmètre d'intervention, l'ouverture progressive à la concurrence des grands services publics industriels et commerciaux, avec l'instauration d'instances de régulation indépendantes chargées de garantir le respect de l'intérêt général. »
    Tel est votre bréviaire, messieurs les ministres. Monsieur Plagnol, je constate que vous appréciez en connaisseur. (Sourires.) Il est vrai que vous avez du mérite à vous laisser pénétrer par de tels objectifs idéologiques, parce que, en fin de compte, vous êtes porteur d'une identité, celle de Saint-Maur, dont vous gardez les ponts ; mais ce n'est pas notre sujet aujourd'hui.
    Depuis un an et demi, messieurs les ministres, vous avez mis en oeuvre de manière rigoureuse une politique de démolition des acquis sociaux construits tout au long du xxe siècle, démolition entreprise au nom de la réhabilitation de la valeur travail, selon vous, de l'encouragement à la libre entreprise et de la déréglementation généralisée, par exemple en matière de droit du travail ou de services publics.
    Baissant les impôts des plus riches et les cotisations patronales, assurant de manière vigilante la liberté du renard libre dans le poulailler libre, l'Etat, tel que vous le reformatez, a une mission sociale qui tend à se limiter au registre compassionnel. Notre conception de l'Etat est tout autre. Nous voulons un Etat qui valorise et revivifie notre pacte républicain pour mieux mettre en pratique la liberté, l'égalité et la fraternité figurant dans notre devise nationale. Nous voulons un Etat garant de l'intérêt national contre les féodalités que vous défendez et que vous représentez, et dont la figure de proue emblématique est notre fameux baron - j'allais dire national, mais ce n'est pas le cas puisqu'il a plutôt sa filiation à Coblence qu'à la Convention de la République. Nous voulons un Etat qui garantisse la solidarité nationale au moyen de services publics renforcés et modernisés, financés par un impôt légitime car plus juste, tenant compte des facultés contributives de chacun.
    On ne peut prétendre réformer l'Etat sans se préoccuper de nos institutions nationales qui sont à bout de souffle et brident notre vie démocratique d'une manière de plus en plus insupportable, alors que grandit l'aspiration des citoyens à plus de démocratie participative et délibérative, à tous les échelons de la vie politique. Or nous assistons à un renforcement du pouvoir présidentiel accentuant le caractère de monarchie républicaine de nos institutions. Comme le faisait remarquer un observateur étranger, « la France est un curieux pays où le roi est élu au suffrage universel ».
    La Constitution de la Ve République a établi une dyarchie fondamentale puisque la formation du Gouvernement relève théoriquement à la fois du Président et de l'Assemblée nationale, les deux instances pouvant se prévaloir de leur élection au suffrage universel direct. On sait qu'en pratique c'était pour l'essentiel le dernier élu des deux qui imposait ses choix. L'inversion du calendrier électoral de l'année 2002 a eu pour conséquence de faire de la majorité de l'Assemblée, plus encore qu'auparavant, l'obligée du Président de la République...
    M. Michel Bouvard. C'est une réforme Jospin !
    M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait, mais, sur ce sujet, l'ancien Premier ministre pourrait certainement dire comme l'actuel l'a fait le 7 novembre dernier : « Je suis un honnête homme au sens de Paul Valéry, c'est-à-dire un homme qui est en accord avec la plupart des décisions qu'il prend. » Cela ne rassure d'ailleurs pas sur les décisions avec lesquelles M. Raffarin n'est pas d'accord et qu'il a néanmoins prises. (Sourires.)
    Je reviens à notre sujet. La majorité de l'Assemblée - le général de Gaulle qualifiait déjà ses membres de « godillots » - est l'obligée du Président de la République, et il n'est que de regarder ce qui s'est passé depuis le début de la législature pour voir qu'elle a marché au sifflet. Qu'on en juge par la réforme des retraites où l'UMP avait autorisé un seul de ses orateurs à prendre la parole. Vous en avez été le témoin, tout en étant acteur, monsieur le ministre. Des semaines durant, notre pauvre collègue Denis Jacquat a été à la peine alors que ses collègues étaient réduits au rôle de figurants compatissants pour la charge de travail qu'il devait assumer tout seul.
    Il est vrai qu'il en va un peu autrement depuis quelques semaines : pour des raisons électorales conjoncturelles, la majorité docile fait entendre, via l'UDF, une voix un peu différente. Mais on sait dans quelles proportions ! M. Bayrou n'a voulu intervenir que sur un deux millièmes de la loi de finances, ce qui en dit long sur la sincérité de ses rodomontades et de ses effets de manche dont nous allons avoir de nouveau cet après-midi un exemple lors du vote de la loi de finances. Cette situation ne contribue évidemment pas à la revalorisation institutionnelle du rôle du Parlement, toujours proclamée et promise, mais jamais concrétisée.
    M. Didier Migaud. Elle se fera par voie d'ordonnances !
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument ! Elles nous seront annoncées tout à l'heure par M. Delevoye.
    Ce serait pourtant un signe fort d'une véritable réforme de l'Etat. Cela supposerait également une profonde réforme du mode d'élection du Sénat. Il constitue en effet non seulement une entorse à la démocratie et un incroyable anachronisme mais surtout un frein aux réformes, comme on a pu le voir durant la précédente législature.
    Au lieu de ces réformes de fond, on nous présente une modification du régime de retraite des parlementaires issus de la fonction publique. Si cette disposition a pour objet d'interdire le cumul d'une indemnité parlementaire et d'une pension de la fonction publique, elle est tout à fait acceptable, notamment à la lumière de certains exemples récents. Mais on sent poindre derrière d'autres exigences de la part de certains de nos collègues de droite, allant jusqu'à la démission forcée des fonctionnaires exerçant un mandat électif. Nous voyons réapparaître le fantasme récurrent à droite de cet hémicycle : à savoir la traque obsessionnelle des supposés privilèges des fonctionnaires. Ce n'est évidemment pas ainsi que l'on revalorisera le statut des parlementaires. Il vaudrait beaucoup mieux chercher à améliorer les garanties des parlementaires issus du secteur privé afin d'assurer leur réinsertion professionnelle à l'issue du mandat.
    Bien évidemment, même si elle a été mise sous le boisseau, la question du non-cumul des mandats de parlementaire et d'exécutif local reste bien réelle.
    Plus globalement, une véritable réforme de l'Etat suppose un véritable statut des élus, en particulier de ceux des collectivités territoriales, permettant à toutes les catégories professionnelles et aux salariés du secteur privé de pouvoir s'impliquer dans les responsabilités électives sans subir de préjudice professionnel ou financier.
    Parallèlement, pour que les parlementaires aient les moyens de travailler - vous avez évoqué les droits du Parlement dans votre propos, monsieur le ministre, ce qui était tout à fait légitime -, il faudrait créer un statut des collaborateurs d'élus politiques, tant nationaux que locaux, pour sortir ces personnels de la précarité et reconnaître dans les textes leur utilité auprès des élus.
    Dans le cadre d'une réflexion globale sur la réforme de l'Etat, la loi organique relative aux lois de finances apparaît comme un levier mais elle est bien loin de constituer une panacée pour tous les maux de l'Etat. Avant de réformer le fonctionnement des ministères, n'aurait-il pas fallu se poser la question de l'organisation ministérielle, comme vient de le faire M. Méhaignerie ? Faut-il maintenir dans sa conception actuelle le ministre de l'agriculture pour complaire au lobby agricole, bien connu de M. Guillaume, au détriment des aspects sanitaires et environnementaux ? Certains ministères et certaines directions apparaissent comme des chasses gardées de tel ou tel grand corps de l'Etat. Cette organisation étatique aux connotations corporatistes et clientélistes conduit nécessairement à une gestion figée dans la conservation des positions et des avantages acquis. Les propos qui ont été tenus tout à l'heure montrent d'ailleurs qu'il peut y avoir un certain consensus sur ce point.
    L'enseignement dispensé à l'ENA, qui fournit une grande partie de l'encadrement supérieur de l'administration et bon nombre de ministres et de parlementaires, est à remettre en question. Une fois entré dans la « grande école », ce qui compte, c'est le classement de sortie - avec l'obsession de sortir dans la botte. Ce classement s'effectue forcément sur l'aptitude à perpétuer le système, donc sur la conformité du mode de raisonnement. En fait, le contenu de l'enseignement importe peu. Ce qui importe, c'est l'apparente capacité à résoudre un problème avec élégance. Peu importe que la solution soit inapplicable - le président Méhaignerie en a donné un bel exemple tout à l'heure. L'essentiel, c'est la beauté et la cohérence du raisonnement, quand bien même serait-il complètement déconnecté de la réalité.
    Contrairement à certains démagogues de droite, je ne propose pas la suppression de l'ENA. Nous avons besoin de hauts fonctionnaires bien formés, mais en phase avec la réalité. Il y a quelques progrès. Je vois arriver dans ma mairie quelques élèves énarques...
    M. le président. Monsieur Brard, je vais devoir vous demander de faire un discours plus synthétique que celui d'un énarque !
    M. Jean-Pierre Brard. Seriez-vous énarque, monsieur le président ?
    M. le président. Pas du tout !
    M. Jean-Pierre Brard. Alors, nous avons au moins un point commun !
    M. le président. Je suis d'une autre grande école, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Au moins, vous n'avez pas été contaminé par le virus que je dénonçais ! (Sourires.)
    Il est clair que cette formation n'est pas adaptée aux besoins d'aujourd'hui. La réforme de l'Etat ne saurait être un prétexte pour la remise en cause des statuts des fonctionnaires. Le vieux discours sur les rigidités du statut refait actuellement surface.
    Monsieur le président, comme vous m'y incitez, je vais m'orienter vers ma conclusion.
    Vous avez évoqué le mérite, monsieur le ministre. Vous aviez d'ailleurs déclaré le 22 octobre dernier que « L'introduction de la culture de la performance est une priorité » et insisté sur la nécessité de « responsabiliser les fonctionnaires ».
    Mais ce système lié au mérite existe déjà dans le statut. Le dispositif actuel de notation annuelle permet de faire avancer plus rapidement les fonctionnaires mieux notés et leur permet donc de gagner plus. L'attribution de principalats et les avancements de grades peuvent aussi permettre de donner un avantage aux agents qui travaillent mieux. Aujourd'hui, le système est dévoyé et tout le monde avance au même rythme, ce qui est effectivement peu encourageant pour ceux qui fournissent des efforts. Il faut donc appliquer les textes existants.
    Un enjeu majeur de ce débat sur les fonctionnaires est celui des effectifs. A bas la démagogie ! Que nos collègues de droite qui ne cessent de dire qu'il y a trop de fonctionnaires montent donc à la tribune et nous disent quels fonctionnaires de la justice, de la police, de l'éducation nationale ou de la santé il faut supprimer dans leur circonscription ! A ce moment-là, ils seront crédibles.
    M. Michel Bouvard. A la redevance télé, par exemple, il y en a trop !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bouvard, seriez-vous d'avis de supprimer tel postier à Bonneval ? Je cite cette ville au hasard...
    M. Michel Bouvard. Ah non ! Mais on peut supprimer des fonctionnaires dans les administrations centrales et au Commissariat général du Plan, par exemple !
    M. Jean-Pierre Brard. Et qu'on n'oppose pas les administrations centrales, qui, en volume, sont relativement réduites, aux administrations qui sont sur le terrain.
    M. Michel Bouvard. Elles sont plus coûteuses.
    M. Jean-Pierre Brard. Là encore, vous tenez un discours idéologique. Et vous êtes complètement schizophrènes, parce que, confrontés à la réalité, vous êtes incapables d'assurer le « service après-vente » de vos propositions.
    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il est nécessaire que ce débat se poursuive. Comme l'avait souligné la mission d'information de la commission des finances, la loi organique oblige les gestionnaires à s'engager sur des objectifs, à rendre compte de leurs résultats, en particulier devant le Parlement. Parmi ces critères d'évaluation des résultats, nous avions pointé l'efficacité socio-économique.
    M. le président. Monsieur Brard, il faut vraiment conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous faire plaisir, monsieur le président.
    M. le président. Je n'en doute pas.
    M. Jean-Pierre Brard. Une dernière citation et j'arrêterai là mon propos.
    L'efficacité socio-économique était définie de la manière suivante : « Ce critère appréhende l'impact final des actions sur l'environnement économique ou social. Il permet d'évaluer la pertinence de la politique et non la performance de sa mise en oeuvre. Il devra être mesuré à partir de données statistiques relatives à la gestion administrative - par exemple, le taux de déclarations fiscales et de paiements spontanés reçus à l'échéance pourrait être un indicateur de l'efficacité de l'action de la direction générale des impôts -, complétées par des enquêtes spécifiques - par exemple, les acquis des élèves à différents stades du cursus scolaire. »
    Ce ne sont là que quelques exemples, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mais ils montrent qu'il y a du pain sur la planche. Nous avons le devoir, les uns et les autres, d'améliorer la qualité des services publics et non pas de les démanteler en les réduisant aux fonctions régaliennes de base.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'exercice auquel nous nous livrons ce matin est novateur. C'est en effet la première fois que notre assemblée débat de la réforme de l'Etat à partir de documents préparés par chaque ministère, selon un cadre et des orientations communs. Cette initiative mérite d'être saluée. Elle montre la conviction réformatrice du Gouvernement.
    Je voudrais aborder ce débat en replaçant les stratégies ministérielles dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances. Certains feront observer que les deux démarches doivent être distinguées, que la loi organique n'est pas l'alpha et l'oméga de la réforme de l'État. Je reste au contraire persuadé qu'il serait dangereux de déconnecter les deux démarches, dont les liens sont évidents. Chaque volet des stratégies ministérielles de réforme, qu'il s'agisse du réexamen des missions de l'Etat, du développement des démarches qualité ou de la modernisation de la gestion des ressources humaines, doit avoir une traduction dans le nouveau cadre budgétaire qui nous sera proposé dans deux ans.
    Où en est la mise en oeuvre de la loi organique ? Le Gouvernement s'apprête à rendre des arbitrages décisifs. Une première maquette du futur budget de l'Etat sera arrêtée avant la fin de l'année.
    A partir des réponses aux questionnaires budgétaires, le Parlement dispose d'une esquisse de cette maquette et plusieurs rapporteurs spéciaux ou pour avis ont d'ores et déjà pris position à l'occasion de l'examen du budget pour 2004. La mission d'information de la commission des finances va, dans les semaines à venir, faire le point par ministère, afin d'émettre des propositions au début de 2004.
    Je voudrais aujourd'hui examiner les trois volets de la stratégie arrêtée par le Gouvernement, pour attirer votre attention, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les points qui, à mes yeux, constituent les principales difficultés de la réforme.
    La circulaire du Premier ministre demandait à chaque ministre de réexaminer les missions de son département et de vérifier l'adéquation des structures chargées de remplir ces missions. C'est le premier volet des stratégies de réforme.
    Les développements consacrés à ce premier volet souffrent, à mes yeux, d'un défaut général : les ministères sont encore trop réticents à modifier leur organisation administrative. Faute de vouloir ou de pouvoir faire bouger les organigrammes, les propositions émises ne touchent qu'aux structures périphériques, et les externalisations envisagées ne concernent que des tâches satellitaires. Or, la réforme de l'Etat suppose de passer en revue chacune des missions ministérielles et de modifier en conséquence les structures qui servent ces missions.
    Ce réexamen rejoint directement le chantier de la réforme budgétaire : la loi organique a en effet opté pour une budgétisation par finalité qui suppose des réorganisations administratives. Je tiens à souligner ce qui figure dans le récent rapport sur la déconcentration des administrations et la réforme de l'Etat produit par la Cour des comptes, à la page 76. On y indique que les administrations centrales n'ont pas réduit de manière significative le nombre de leurs directions, ce qui est tout à fait révélateur de la situation dans laquelle nous sommes.
    Je tiens à rappeler que la loi organique n'a pas été votée pour garantir l'autonomie budgétaire des structures en place, mais pour identifier et contrôler les politiques de l'Etat. Or, plusieurs orientations ne vont pas dans ce sens.
    J'en prendrai un premier exemple dans la façon dont le choix des missions interministérielles a été abordé. La création de missions interministérielles est une occasion de s'affranchir des découpages administratifs. Il s'agit, en effet, de faire figurer dans une même unité de vote des programmes qui concourent à une même politique, indépendamment des ministères concernés. Il faut que cet outil novateur ne reste pas lettre morte. Or, la manière dont le dossier de l'interministérialité est traité laisse craindre le contraire. Les missions interministérielles ont été interprétées, et parfois utilisées, comme un moyen d'asseoir la prééminence de telle administration sur telle autre. Il est temps de mettre fin à ces querelles de structures, et de donner le support interministériel qui s'impose à des politiques aussi importantes que la sécurité de nos concitoyens, comme le soulignait tout à l'heure le rapporteur général, l'effort en faveur de la recherche ou l'aide au développement, par exemple.
    S'agissant du découpage des programmes, plusieurs ministères proposent encore des programmes « fourre-tout » qui, certes, peuvent correspondre à l'organisation administrative en place, mais n'ont aucune cohérence et, par conséquent, aucune lisibilité politique. Afin de respecter l'organisation actuelle des responsabilités administratives, les ministères privilégient la recherche d'une globalisation maximale sur l'identification des politiques. Il faut certes globaliser l'autorisation de dépense - c'est la condition de la logique de responsabilisation qui fonde la loi organique - mais pas n'importe comment, ni à n'importe quel niveau.
    Plusieurs programmes sont manifestement surdimensionnés. Je ne prendrai que deux exemples, cités par les rapporteurs spéciaux. Peut-on sérieusement mélanger dans une seule autorisation parlementaire les crédits destinés aux mutations industrielles, à la politique énergétique, aux PME et à l'artisanat ? De même, est-il acceptable que l'essentiel des crédits du Premier ministre fasse l'objet d'un seul programme qui, sous l'intitulé pour le moins imprécis d'« action du Gouvernement », mêlerait des crédits aussi hétérogènes que les moyens alloués au Plan, aux instituts régionaux d'administration ou à l'indemnisation des victimes de spoliations ?
    Par rapport au schéma prévu par la loi organique, on assiste en fait à un mouvement de déplacement vers le bas de la structure budgétaire, que j'ai dénoncé à plusieurs reprises. Les services surdimensionnent leurs programmes afin de faire de l'action le véritable niveau d'identification des politiques et de pilotage du budget. Or la loi organique est très claire sur ce point : la répartition des crédits entre les actions ne fait pas partie de l'autorisation parlementaire, elle est laissée à la discrétion de l'exécutif.
    Peut-on accepter un schéma dans lequel le pilotage des politiques se ferait à un niveau infra-législatif ? Comment, dans de telles conditions, le Parlement pourrait-il ne serait-ce que suivre l'exécution du budget, notamment l'impact des mesures de régulation budgétaire ?
    J'en arrive au volet des stratégies ministérielles de réforme, que le Premier ministre a centré autour du développement de ce qu'il est convenu d'appeler les « démarches qualité ». Ce volet, à la différence des deux autres, a des implications directes sur la vie de nos citoyens. C'est donc un chantier capital, qui, là encore, rejoint les enjeux de la réforme du budget. Parmi les indicateurs qui seront associés aux futurs programmes figureront, en effet, des indicateurs de qualité du service rendu aux usagers.
    C'est indéniablement le chantier pour lequel les services sont les moins préparés. Les retards constatés dans la mise en place du dispositif de gestion par la performance sont inquiétants. On risque de se retrouver, dans deux ans, avec des programmes extrêmement globalisés, sans disposer, en contrepartie, des moyens d'en contrôler les résultats. Or, il est clair que le Parlement ne pourra pas élargir la souplesse de gestion des services sans obtenir des engagements de résultats précis et contrôlables.
    Certes, les services ne partent pas de rien, puisque les agrégats actuels contiennent d'ores et déjà des objectifs et des indicateurs. Il est néanmoins clair, comme le reconnaissent les ministères eux-mêmes, que la qualité de l'information actuellement transmise au Parlement est très inégale, et qu'on est encore loin des éléments de suivi requis par la loi organique.
    Les difficultés rencontrées par les ministères dans la définition de leurs programmes ont indéniablement retardé la définition des objectifs. Pourtant, les deux démarches doivent aller de pair. La plupart des ministères ont du mal à passer d'une simple mesure de l'activité administrative à une véritable évaluation de la performance. Pour les administrations disposant déjà d'indicateurs, toute la difficulté consiste à établir des rapprochements entres les objectifs, les résultats et les moyens. Les services devront également hiérarchiser l'information disponible, de manière à faire la distinction entre les objectifs stratégiques susceptibles de faire l'objet d'un engagement politique devant le Parlement et ceux qui relèvent davantage de la gestion interne.
    J'ajoute que, pour mettre en place une véritable gestion par la performance, l'Etat ne pourra pas faire l'économie d'une comptabilité analytique. Or, on ne peut qu'être inquiet devant le retard pris dans le développement de l'analyse des coûts. Il est clair que la comptabilité analytique n'est pas, pour le moment, la priorité des ministères, qui n'ont jamais intérêt à savoir ce que coûte leur action. Le processus de rénovation comptable est quasiment muet sur la comptabilité analytique, pourtant essentielle pour la mesure des résultats exigée par la loi organique - et peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles on n'est pas capable de nous dire quelles économies vont être réalisées.
    L'analyse des coûts est l'un des éléments sur lesquels le Parlement fera porter son appréciation lorsqu'il s'agira d'autoriser, par son vote, l'ouverture des crédits demandés dans le projet de loi de finances. La mesure du coût a vocation à devenir l'un des critères de la performance des administrations. Les gestionnaires doivent donc prendre le virage de la comptabilité analytique.
    Je conclurai cette intervention en évoquant la modernisation de la gestion des ressources humaines, qui est le dernier volet des stratégies de réforme, auquel les ministères ont consacré d'importants développements. Les pistes avancées consistent à relancer la gestion prévisionnelle des emplois et la déconcentration de la gestion du personnel. En outre, plusieurs propositions sont émises pour reconnaître le mérite, responsabiliser l'encadrement et instituer des mécanismes d'intéressement à la performance.
    Ces orientations vont dans le bon sens. Encore faut-il leur donner toute leur place dans la réforme des lois de finances, qui restent le cadre général d'autorisation et de gestion de l'emploi public. Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le nouveau dispositif de gestion des emplois publics issu de la loi organique soulève des interrogations auxquelles il n'a toujours pas été répondu et qui portent sur la capacité du futur système budgétaire à assurer la maîtrise des dépenses de rémunération, qui représentent plus de 40 % du budget de l'Etat. Notre incapacité à réduire les effectifs des administrations centrales et les imprécisions sur la connaissance même de ceux-ci, imprécisions soulignées dans le récent rapport de la Cour des comptes, soulèvent des interrogations de la même nature.
    La loi organique fait reposer la maîtrise des dépenses de personnel sur ce qu'il est convenu d'appeler la « fongibilité asymétrique » : pour ses coûts de personnel, chaque programme sera soumis à un plafond qui limitera les marges de manoeuvre du gestionnaire. L'efficacité du dispositif dépend du dégré de précision des programmes, puisqu'il y aura autant de plafonds que de programmes. Or, plusieurs ministères envisagent de recourir à un programme unique, ou de consacrer l'essentiel de leurs crédits de personnel dans un seul programme. On a là un risque de contournement du caractère asymétrique de la fongibilité, contraire à l'indispensable encadrement de la masse salariale.
    La définition du périmètre des futurs plafonds d'emploi soulève une difficulté du même ordre. Le Gouvernement a prévu de ne pas plafonner les emplois des opérateurs extérieurs à l'Etat, notamment d'agents des établissements publics, alors qu'ils sont souvent rémunérés sur des subventions de l'Etat et régis par le statut général de la fonction publique. Selon les évaluations de la Cour des comptes, ce sont ainsi 340 000 emplois qui continueront à échapper à l'autorisation parlementaire et au cadre défini par les lois de finances.
    J'observe en outre que les stratégies ministérielles de réforme n'accordent pas une attention suffisante à l'émergence des métiers, alors que la notion de métier figure dans la loi organique relative aux lois de finances. Cet outil doit permettre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sans remettre en cause le statut général de la fonction publique, de passer d'une gestion exclusivement statutaire à une gestion fonctionnelle. Une présentation des emplois par métier serait cohérente avec la structuration des dépenses par finalité. En outre, elle répondrait à la nécessité de simplifier l'emploi public par une réduction du nombre des unités de gestion. L'émergence des métiers doit donc faire partie du chantier de la réforme de l'Etat.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Eh oui !
    M. Michel Bouvard. Telles sont les observations...
    M. Jean-Pierre Brard. Dites plutôt les critiques !
    M. Michel Bouvard. ... que je souhaitais faire à ce stade d'un travail dont je mesure la difficulté, puisque plusieurs tentatives de réforme partielle ont échoué dans le passé, sous différents gouvernements, ainsi que le souligne à nouveau et à juste titre la Cour des comptes dans son rapport sur la concentration des administrations et la réforme de l'Etat, rapport qu'elle a remis ce mois-ci et qui revèle notamment que les réformes engagées en 1995 et en 1996 n'ont pas connu de suite durant la dernière législature.
    Cette action doit être conduite sans esprit polémique, mais au contraire dans un esprit de responsabilité, ce même esprit qui a conduit à l'adoption de la LOLF à l'unanimité de nos deux assemblées. La majorité, notamment l'UMP, a une responsabilité particulière dans la réussite de cette réforme, et il lui appartient de tenir un langage de vérité sur l'avancement de la réforme, d'être exigeante sur le respect des objectifs et sur la mise en oeuvre des pouvoirs nouveaux qui sont donnés au Parlement dans le cadre de la LOLF. C'est le discours que je continuerai pour ma part à tenir, car c'est le seul possible.
    Je ne m'étendrai pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la nécessité, soulignée par le rapporteur général, que les SMR puissent, dans les mois à venir, s'appuyer sur un calendrier précis et sur des propositions et des résultats chiffrés.
    En ce qui concerne, enfin, notre travail de parlementaire, je crois nécessaire d'organiser sur des bases nouvelles la collaboration entre la commission des finances et les autres commissions afin de faire de la réussite de cette réforme l'affaire de l'ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Quand M. Bouvard aime bien, il châtie à proportion ! (Sourires.)
    M. Michel Bouvard. Qui bene amat bene castigat ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. En écoutant Michel Bouvard, je me demandais s'il n'était pas en train de défendre une question préalable. En effet, en résumé, il vous demande, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi nous sommes là ce matin tant il vous reste de travail à accomplir pour que la réforme de l'Etat dont vous parlez puisse se traduire dans les faits.
    M. Michel Bouvard. Il faut que s'instaure un dialogue !
    M. Didier Migaud. Et encore faut-il que nous nous entendions sur le contenu de celle-ci.
    S'il fallait une preuve que chacun attend en fait très peu de ce débat que vous nous imposez ce matin, il n'y aurait qu'à regarder notre hémicycle, lequel est quasiment vide. Il est vrai que faire le choix d'un mardi matin, au moment même où les groupes politiques se réunissent pour traiter des questions inscrites à l'ordre du jour de la semaine, c'est peu croire au débat ou souhaiter l'expédier, voire avoir le désir de se servir de celui-ci pour faire des effets d'annonce.
    Michel Bouvard a parlé des SMR. Je mets chacun d'entre nous au défi d'aller en parler en dehors de cet hémicycle. De quoi il s'agit ? Il s'agit en fait des stratégies ministérielles de réforme. La commission des finances - et je l'en remercie - nous a invités à participer à un certain nombre de débats sur ce sujet avec des ministres. Ces débats furent passionnants, mais il faut avouer que nous n'avons appris grand-chose, en dehors du fait d'avoir entendu des ministres s'interroger pour savoir comment ils allaient pouvoir agir avec moins de crédits, puisque c'est ce à quoi conduit votre politique. L'exercice peut être intéressant mais on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une réforme fondamentale.
    Vous avez parlé, monsieur le ministre, d'un Etat plus réactif, plus en phase, plus efficace, mieux géré, moderne, respectueux du contribuable et de l'usager. Comment ne pas être d'accord avec de tels objectifs ? Bien sûr que l'Etat doit se réformer. Pourquoi serait-il la seule institution à ne pas s'adapter à l'évolution de nos sociétés ? Bien sûr qu'un certain nombre de métiers changent et qu'il faut pouvoir les adopter. Bien sûr que l'Etat doit être efficace, c'est une évidence. Il existe des marges de progression. Le discours sur la réforme de l'Etat ne me gêne donc pas, et j'y reviendrai tout à l'heure.
    Cela dit, j'aurais pratiquement pu prononcer l'intervention de Michel Bouvard, ce qui montre que nous pouvons nous mettre d'accord sur certains sujets.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous allez lui créer des ennuis ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. D'autant que c'est peut-être le seul gaulliste qui reste dans cette assemblée.
    Mme Henriette Martinez. Merci pour les autres !
    M. Didier Migaud. Je pense que c'est la vérité, madame la députée. En effet, la plupart d'entre vous êtes des libéraux ou des ultra-libéraux ne croyant pas à l'Etat ou souhaitant son démantèlement. Michel Bouvard, lui, croit en l'Etat.
    Mme Maryvonne Briot. Nous aussi !
    M. Didier Migaud. Il croit en la capacité d'agir de l'Etat, et nous aussi. Si nous sommes favorables à une réforme de l'Etat, c'est parce que nous voulons que l'Etat soit présent, qu'il joue son rôle. Nous souhaitons que l'Etat soit efficace. Plus on croit à la nécessité d'un Etat présent, plus on doit être attentif à son efficacité. C'est le simple bon sens.
    Nous avons un devoir de bonne utilisation de l'argent public. Nous gérons des deniers publics, nous avons l'obligation de les utiliser avec le maximum d'efficacité.
    De la même façon, le contrôle et l'évaluation s'imposent à nous. Or il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que nous n'avons pas la culture du contrôle et de l'évaluation. C'est un phénomène récent chez nous -, en tout cas, au niveau de l'Assemblée nationale, car le Sénat a peut-être davantage acquis cette culture que nous ne l'avons fait. Notre assemblée a encore bien des progrès à accomplir en ce domaine.
    A cet égard, il en va de même pour ce qui est de l'Etat. Je me souviens de l'indigence de certaines auditions auxquelles a procédé le groupe de travail sur l'évaluation des politiques publiques présidé par Laurent Fabius et dont j'étais le rapporteur.
    On voit bien que nous disposons de marges de progression. En disant cela, je n'adresse pas une critique à notre administration - elle est de qualité - mais à nous, les politiques, qui laissons trop souvent à d'autres le soin de décider.
    Bien sûr que la dépense publique doit être maîtrisée. C'est un objectif sur lequel nous pouvons nous retrouver. Encore faut-il trouver le bon équilibre entre la nécessaire réponse à apporter aux besoins collectifs de notre société et la capacité contributive de nos concitoyens ; or nous considérons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ne nous proposez pas un bon équilibre. Encore faut-il également que la politique fiscale soit juste ; or nous estimons que quand vous augmentez les impôts des uns pour baisser l'impôt sur le revenu, alors que cette baisse ne profite qu'à un petit nombre de nos concitoyens, votre politique fiscale est profondément injuste. Ce n'est pas en agissant ainsi que l'autorité de l'Etat sera restaurée et que les citoyens manifesteront de l'intérêt pour les politiques publiques.
    Nous avons mis en place des outils comme la LOLF, sur laquelle je reviendrai, et la mission d'évaluation et de contrôle. Eh bien, faisons vivre cette mission, soumettons-lui des sujets qui intéressent les parlementaires et nos concitoyens. Ne lui faisons pas traiter des sujets qui ne présentent strictement aucun intérêt ou qui ne concernent que des aspects mineurs dans l'organisation de notre Etat.
    Nous avions eu, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, l'audace de confier la coprésidence de cette mission à un membre de l'opposition. Mais peut-être aurions-nous dû aller plus loin en lui confiant la présidence - étant entendu que le rapporteur général reste dans ses fonctions. En effet, je crois beaucoup que l'opposition peut jouer un rôle essentiel en matière de contrôle. En ce domaine, nous avons beaucoup à apprendre des Britanniques,...
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. C'est vrai !
    M. Didier Migaud. ... qui confient la présidence de la commission de contrôle à un membre de l'opposition, ce qui garantit un contrôle correct.
    Je crois, monsieur le rapporteur général, que le fait de ne pas faire vivre suffisamment la mission d'évaluation et de contrôle depuis dix-huit mois ne va pas dans le sens de ce que vous souhaitez - et je crois à votre sincérité.
    Bien sûr qu'un suivi au quotidien des choses est nécessaire, mais admettons que nous ne faisons pas notre travail de député. Monsieur le rapport général, vous n'avez pas été en mesure de faire cette année le rapport sur l'application de la loi fiscale. De même, un très grand nombre de rapports qui auraient dû être faits sur le suivi de l'exécution des lois n'ont pas vu le jour. Or nous savons que l'une des fonctions essentielles des parlementaires est le contrôle, et nous n'avons pas besoin, monsieur le ministre, de votre autorisation pour l'exercer. Pour autant, nous ne contrôlons pas suffisamment l'action du Gouvernement, parce que, une fois de plus, ce n'est pas dans la culture de la Ve République. Il faudrait pouvoir rompre avec cette tradition, qui est mauvaise pour le fonctionnement d'une démocratie parlementaire.
    J'en viens à la LOLF. L'application de cette loi, même si elle n'est pas suffisante, est une condition nécessaire à la réforme de l'Etat. C'est même un préalable. Sur ce point, je suis totalement d'accord avec Michel Bouvard. Avant de parler de stratégies ministérielles de réforme, il faut déjà que chaque ministère s'interroge sur ses missions, ses programmes et ses objectifs.
    La LOLF met justement en place un changement de logique : d'une logique de moyens, on passe à une logique de résultats. Cette loi, que nous avons faite ensemble, introduit la notion d'efficacité au coeur de l'action de l'Etat. Pour autant, ne mettons pas la charrue avant les boeufs. J'ai bien vu que les ministres qui nous ont parlé de stratégies ministérielles de réforme se livraient à un exercice imposé. Qu'ils commencent donc - d'autres l'ont dit avant moi - par réfléchir, et le Premier ministre avec eux, sur l'organisation gouvernementale, sur les grandes fonctions de l'Etat qui doivent être prioritaires. Organisons le Gouvernement de façon telle que chaque ministère puisse remplir les missions qui lui sont dévolues, atteindre les objectifs qui lui sont fixés. C'est aussi cela qu'il faudrait faire, mais, malheureusement, ce n'est pas ce qui est fait.
    Quand on voit comment certains ministères occultent la question des missions, on peut éprouver des inquiétudes quant à l'application qui sera faite de cet outil qu'est la LOLF. Car ce n'est qu'un outil. Ensuite, c'est la volonté qui doit prendre le relais.
    Nous avons aujourd'hui tous les pouvoirs pour contrôler et évaluer. Les exerçons-nous ? Non ! Parce que la volonté manque. Certains collègues sont prompts à nous donner des leçons en la matière, mais ils ne sont pas toujours au rendez-vous quand il s'agit d'intervenir. Le fossé est grand entre le discours et la réalité.
    Nous devons avancer sur le sujet et nous attendons beaucoup, messieurs les ministres, de la présentation des missions et des programmes sur lesquels M. Lambert et vous-mêmes vous vous êtes engagés. Nous pourrons ainsi engager un vrai débat sur notre organisation et sur la meilleure façon d'être efficaces.
    Trop de ministères sont sous-administrés, voire pas gérés du tout. Trop de ministres n'ont aucune volonté réelle de peser sur les choix de leur ministère. Si les ministres étaient rémunérés au mérite ou aux résultats,...
    M. Jean-Pierre Brard. Cela ferait des économies.
    M. Didier Migaud. ... certains toucheraient des salaires négatifs.
    M. Jean-Pierre Brard. Des noms !
    M. Didier Migaud. Ainsi, le Premier ministre, qui nous a annoncé un objectif de croissance de 2,5 % par exemple, ne pourrait-on lui appliquer un coefficient d'abattement compte tenu que nous n'allons obtenir qu'une croissance de 0,2 % ?
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut instaurer la responsabilité pécuniaire personnelle des ministres. Il n'y aura plus de candidats pour être ministres !
    M. Didier Migaud. Ce serait peut-être une mesure intéressante à mettre en oeuvre, messieurs les ministres. Nous aimerions connaître votre opinion sur le sujet. Avant de vouloir appliquer certains principes à la fonction publique, commencez donc par étudier comment vous pourriez les appliquer à vous-mêmes ou à nous-mêmes.
    De même, n'attendons pas de miracles dans le domaine de la gestion. Des améliorations sont possibles et l'Etat peut être aussi efficace, voire plus efficace, sans dépenser nécessairement plus, je l'ai déjà dit et écrit. Mais tout n'est pas source d'économies. Ainsi, l'informatique entraîne le plus souvent dans un premier temps des dépenses supplémentaires.
    M. Michel Bouvard. Il faut aussi veiller à la combatibilité des systèmes !
    M. Didier Migaud. Je n'ai rien contre les externalisations. Encore faut-il être attentif à ce qu'elles n'aient pas d'effets pervers. On ne doit pas rester prisonniers de schémas préétablis ou idéologiques. Je rejoins en cela notre collègue Jean-Pierre Brard lorsqu'il vous reproche, messieurs les ministres, vos partis pris idéologiques. Certes, les partis pris font la différence entre la gauche et la droite, ou du moins entre des sensibilités et des convictions différentes sur le rôle de l'Etat. S'agissant du patrimoine immobilier de l'Etat, ou de la rémunération au mérite, il convient tout de même de faire attention à l'application de principes préétablis. A partir du moment où le travail est identique, il est normal que la rémunération le soit également alors qu'il serait tout à fait légitime de prendre davantage en compte la motivation et la qualité du travail dans les primes et le rythme d'avancement par exemple. Nous pouvons être totalement d'accord sur ce genre de sujets. En revanche, nous avons des désaccords de fond sur certains a priori idéologiques. Il en est ainsi de la dépense publique, que vous estimez par principe mauvaise, du nombre de fonctionnaires, à vos yeux toujours trop élevé, ou de la fonction publique, selon vous systématiquement inefficace et lourde. Je ne vois pas les choses de la même façon, même si, je l'ai dit tout à l'heure, des marges de progression existent.
    En fait, la question essentielle est celle du périmètre de l'Etat, Jean-Pierre Brard qui m'a précédé à la tribune l'a également relevé. Nous sommes pour un Etat présent, qui non seulement joue son rôle d'arbitre mais aussi pèse sur le cours des événements et corrige les inégalités au lieu de les favoriser.
    A cet égard, nous estimons que la décentralisation est lourde de menaces. Je regrette que vous ayez réussi à abîmer, aux yeux de nos concitoyens, cette belle idée qu'est la décentralisation et à la rendre impopulaire. Désormais, décentralisation rime avec augmentation de la fiscalité locale. Les Français ont bien compris que la décentralisation, pour vous, correspondait à un démantèlement organisé de l'Etat, à un désengagement de l'Etat. Les exemples sont nombreux. Aussi, en matière d'aménagement du territoire, dont Michel Bouvard pourrait parler savamment, nous assistons incontestablement à un retrait de l'Etat.
    L'Etat ne souhaite plus intervenir pour corriger certains déséquilibres par le biais des politiques publiques, l'emploi, par exemple, la recherche ou la santé, il suffit de penser à ce que vous nous préparez sur la sécurité sociale. Vous considérez que d'autres structures peuvent remplir ses rôles. Pour nous, cela correspond à un désengagement de l'Etat, voire à son démantèlement, et cela nous inquiète.
    D'ailleurs, à y regarder de près, nous constatons beaucoup de contradictions dans vos propos. Ainsi, vous mettez souvent en avant la proximité, mais les nombreuses suppressions qui sont envisagées ici ou là, si l'on en croit les rares documents qui nous ont été fournis à propos des stratégies ministérielles de réforme, vont complètement à l'encontre de votre discours. En fait, la réforme de l'Etat est synonyme de retrécissement du périmètre de l'Etat, avec tous les dangers que cela implique pour l'unité de la République et le principe d'égalité.
    Il ne doit pas y avoir non plus de question taboue. Puisque je vois dans l'hémicycle un certain nombre de spécialistes de la défense nationale, je voudrais dire un mot par exemple de l'augmentation déraisonnable de nos dépenses militaires. Pourquoi la MEC, avec la commission de la défense nationale, ne se saisit-elle pas de ce sujet ? Pourquoi, contrairement aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne, qui réactualisent en continu leur doctrine stratégique, continuons-nous à nous référer à des schémas anciens, qu'on n'a pratiquement pas le droit de discuter, et que, de toute façon, on ne connaît pas ? Notre approche est purement quantitative, alors qu'il faudrait repenser, dans le cadre d'une défense européenne, l'ensemble de notre doctrine stratégique et militaire. Tous les programmes contenus dans la loi de programmation militaire ont-ils toujours une justification ? Beaucoup se posent la question, y compris des militaires. Pourquoi les parlementaires n'auraient-il pas le droit de se poser la question ? Pourquoi les dépenses militaires seraient-elles sanctuarisées comme elles le sont dans le budget pour 2004 ? Là encore, les faits sont contraires à votre discours.
    En conclusion, je crois que si nous pouvons nous retrouver sur un certain nombre d'objectifs, nous avons une conception différente de l'Etat. Nous, nous voulons un Etat efficace, mais nous voulons aussi un Etat présent, un Etat qui puisse corriger des inégalités. Et nous pensons que vous proposez exactement le contraire.
    M. Jean-Pierre Brard et M. André Chassaigne. Très bien !
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Migaud, d'avoir respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Jean-Pierre Brard. Aujourd'hui, est-il à l'UMP ou à l'UDF ?
    M. Michel Bouvard. Apparenté UDF !
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme le Gouvernement, le groupe UDF fait de la réforme de l'Etat l'une de ses priorités. Il ne s'agit pas d'une nouvelle marotte politicienne, ni d'un débat de spécialistes, mais d'un exercice de rénovation nationale, que nous considérons comme fondamental, qui devrait permettre de créer une nouvelle organisation politique plus rationnelle, plus démocratique, plus humaine, plus efficace, plus proche des citoyens.
    Ces exigences fondent la nécessaire modernisation que nous réclament conjointement le monde économique, les collectivités locales, les membres de la fonction publique eux-mêmes et l'ensemble des usagers du service public. Elles sont au coeur du projet que nous souhaitons porter lors du débat sur la réforme de l'Etat, qui trouve aujourd'hui ses prémices. Pour les satisfaire, nous préconisons quatre axes principaux de réflexion : la concentration des actions publiques autour de la fonction d'Etat stratège, le renforcement du contrôle démocratique permettant l'instauration d'une nouvelle gouvernance, la rénovation de la fonction publique d'Etat, et la place du citoyen au coeur même de la réforme de l'Etat.
    Le concept d'Etat stratège est le fruit d'analyses émises par la commission du Plan, qui reposent sur une division globale et rigoureuse des tâches au sein de l'appareil d'Etat. Les actes de gestion et d'administration seront transférés intégralement aux services déconcentrés, l'Etat assurant ses missions régaliennes et stratégiques, ainsi qu'une fonction de péréquation. Cela doit permettre une plus grande efficacité des pouvoirs publics, les champs d'intervention de chacun étant redéfinis.
    Ce thème n'est pas qu'un slogan, il débouche sur des engagements précis.
    Engagement, en premier lieu, en faveur d'une réduction globale des coûts du service public. Le poids économique de ce secteur est considérable, expliquant le montant élevé des prélèvements obligatoires que nous ne cessons de dénoncer depuis des années. Ces financements contribuent évidemment à créer de la richesse en matière de transports, de sécurité, de santé, mais l'essentiel n'est pas là. Alors que l'économie privée a dû réduire ses coûts pour faire face à une concurrence mondialisée, thème à la mode aujourd'hui, l'Etat a abandonné la recherche des gains de productivité. Là est bien le sens profond de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 : il s'agit de substituer une logique de résultats à une logique de moyens.
    Quelles mesures concrètes doivent être prises pour réduire les coûts de production du service public ? Nous en suggérons deux : systématisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication et recours à la sous-traitance.
    Qu'a-t-il été fait dans le premier domaine ? On peut évidemment saluer l'action du ministère de la défense qui va unifier la gestion des réseaux informatiques au sein d'une direction unique. Cette mesure procède d'une volonté incontestable de rationalisation au sommet de l'appareil administratif en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cependant, le véritable enjeu se trouve dans la diffusion effective des nouveaux équipements à l'ensemble des personnels administratifs.
    La décentralisation doit ainsi impliquer une simplification des rapports entre les services centraux et déconcentrés, qui passe par la recherche constante de synergies dans lesquelles les nouvelles technologies doivent avoir leur place. Il faut donc aller plus loin, mettre en place des économies d'échelle, que ce soit pour l'achat d'équipements informatiques, par exemple, ou pour leur utilisation au sein des administrations.
    Seconde piste de réflexion, le recours à la sous-traitance et à l'externalisation de certains postes pour réduire les coûts et recentrer l'action de différents ministères sur leurs missions principales. Des initiatives ont été prises. Le ministère de la défense a ainsi annoncé des efforts en termes de transfert de son parc automobile et d'une partie de ses biens immobiliers au secteur concurrentiel. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a également décidé d'abandonner la production de produits d'assurance vie par 300 fonctionnaires du Trésor et externaliser le contrôle technique de son parc automobile lourd.
    De telles mesures sont bénéfiques, mais elles n'interviennent qu'à la marge. Le processus d'externalisation doit s'accélérer au ministère de la défense, par exemple par la cession d'actifs immobiliers, mais aussi dans beaucoup d'autres ministères, afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires et de réaliser des économies de gestion.
    Le deuxième engagement pour la mise en place d'un véritable Etat stratège doit être l'accroissement du rôle des administrations territoriales. La décentralisation est en effet au coeur du projet gouvernemental et il convient de s'en féliciter. Encore faut-il s'entendre sur les termes que recouvre la réforme engagée.
    Nous souhaitons une décentralisation franche et non pas une déconcentration. Certains transferts de compétences ont été réalisés. Ainsi, au sein du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, la gestion des 95 000 personnels techniciens, ouvriers et de services a été transférée. Je pense également à la décentralisation du RMI et de la formation professionnelle au niveau départemental. Les objectifs doivent cependant être poursuivis et il est ainsi beaucoup attendu en matière de transfert des compétences à des administrations territoriales de la future loi sur la décentralisation qui nous sera présentée en janvier 2004.
    Enfin, l'Etat stratège repose sur une recherche constante des synergies à travers la mutualisation des moyens administratifs dès qu'il est possible de le faire.
    Des progrès ont d'ores et déjà été accomplis dans ce domaine. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a mis en route plusieurs chantiers dans le cadre du projet « Bercy en mouvement », comme la création d'une agence des participations de l'Etat unifiant organiquement sa fonction d'actionnaire ou la fusion des deux directions chargées des relations avec les entreprises. Les réseaux locaux du Trésor public, de la douane, de la DGI et de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes seront également resserrés.
    D'autres ministères semblent en revanche en retard dans ce domaine. Il apparaît pourtant impératif de dégager au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, des synergies au sein des organismes de recherche - la DARES, la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, pourrait constituer le support de cette intégration. Il semble également urgent de clarifier les rapports existant en matière d'emploi entre l'UNEDIC et l'ANPE dans le cadre du débat que vous avez lancé, monsieur le ministre, sur le revenu minimum d'activité. Pour encadrer ce nouveau dispositif, le groupe UDF propose de créer un fonds national de péréquation destiné à harmoniser les politiques d'aide à l'emploi au niveau départemental. La péréquation est en effet une des fonctions fondamentales de l'Etat stratège.
    Nous souhaitons un engagement fort en faveur d'un Etat stratège, condition de toute réforme du service public, concentré sur ses missions régaliennes, stratégiques et de péréquation. Il n'est que temps. La mise en place de la loi organique relative aux lois de finances constitue une chance inestimable de réforme que les administrations doivent saisir.
    Encore faudrait-il que sa mise en oeuvre obéisse à des critères rationnels de désignation des missions et programmes, ce qui, malheureusement, ne semble pas être toujours le cas, comme l'illustre la stratégie de réforme ministérielle présentée par Mme Michèle Alliot-Marie. On reste en effet perplexe sur le bien-fondé de la décision de regrouper les attributions du ministère en une seule mission, d'autant que les sept programmes élaborés semblent grandement déséquilibrés sur le plan budgétaire. Ce ministère constitue pourtant un bon exemple des synergies qui doivent se créer entre les organes décisionnels. Sans doute faut-il aller plus loin dans la démarche d'intégration des forces de la police nationale et de la gendarmerie à la suite de la réforme positive engagée en ce sens par le ministère de l'intérieur.
    Ces quelques mesures sont porteuses d'espoir si elles sont considérées comme des étapes de la réforme de l'Etat. Mais elles sont également porteuses de déception si la logique de résultat mise en place depuis 2001 est davantage perçue comme un glissement sémantique que pour ce qu'elle devrait être : un virage idéologique et, surtout, méthodologique complet. C'est donc dans cette voie que doit être recherchée la nécessité d'un contrôle démocratique accru sur l'action des pouvoirs publics.
    Le contrôle démocratique est le deuxième axe de notre réflexion sur la réforme de l'Etat. Il ne consiste pas seulement en un renforcement du pouvoir du Parlement. Evidemment, la mise en place d'un véritable office parlementaire d'évaluation des politiques publiques nous paraît indispensable et, à cet égard, il est intéressant de souligner que rien ou presque n'a été fait depuis le début de la législature. Mais l'engagement pour davantage de démocratie nous semble indissociable d'un renforcement des prérogatives des représentants du peuple. Au-delà de l'accroissement nécessaire des pouvoirs de contrôle du Parlement, rappelons que la loi organique relative aux lois de finances étend les compétences de celui-ci sur le contrôle de l'exécution du budget et sur la démocratisation des politiques publiques, dont le corollaire est une meilleure information.
    Il s'agit ainsi de limiter l'inflation des textes législatifs et des textes réglementaires. Ainsi que je l'ai déploré très souvent à cette tribune, nous légiférons trop.
    M. Didier Migaud. Gantier à Matignon ! (Sourires.)
    M. Gilbert Gantier. Cette mesure figure de longue date parmi nos propositions. Il faut saluer la démarche de la loi d'habilitation tendant à simplifier le droit, adoptée à votre initiative, messieurs les ministres.
    Il convient également de développer les pratiques d'expérimentation en matière de politique publique. Le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a mis en place une mesure phare : l'expérimentation des nouvelles techniques financières dans les académies de Rennes et de Bordeaux. Cet effort nous paraît tout à fait louable, bien que l'on puisse présager que ses résultats ne pourront être utilisés que par les organes directionnels du ministère. Il serait à cet égard souhaitable que le Parlement soit plus amplement informé afin de pouvoir exprimer son opinion sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme et que ce procédé soit développé de manière constante par d'autres administrations et ministères.
    Enfin, plus de démocratie signifie aussi une meilleure maîtrise des outils de la comptabilité analytique. L'évaluation rationnelle des politiques publiques est en effet indispensable à la compréhension du système, et donc à la transparence. Cela passe par une mutualisation des organes chargés au sein de chaque ministère du secteur de prospection et d'évaluation des politiques publiques. Mais il est primordial à nos yeux de retenir l'aspect dynamique entraîné par la prise en compte, dans la gestion de l'Etat, des apports du management privé car la logique d'entreprise doit se mettre également au service de l'Etat.
    Le contrôle démocratique de l'action des services publics s'articule autour de deux axes majeurs : d'abord, plus de transparence des comptes et des missions de l'Etat à travers une rationalisation des politiques d'évaluation : ensuite, un accroissement des pouvoirs parlementaires. C'est un geste fort qui doit être engagé car il faut que l'Etat puisse rendre des comptes à chaque citoyen et que chaque citoyen puisse s'informer sur l'action des services publics, en premier lieu parce qu'elle le concerne individuellement en tant qu'usager et, en second lieu, parce qu'elle intéresse tout le monde collectivement en tant que citoyen et en tant que contribuable.
    J'en viens à la fonction publique.
    J'ai évoqué jusqu'à présent les grandes orientations que nous souhaitons voir se concrétiser dans le cadre de la réforme de l'Etat. Je vais maintenant m'interroger sur les hommes et sur les femmes qui entreprendront cette réforme, avant d'ébaucher les conséquences que celle-ci aura sur eux.
    Les agents de la fonction publique doivent être au coeur de la réforme. En effet, une bonne réforme de l'Etat devra intéresser au premier chef ses personnels. Les directeurs d'administration centrale auront donc un rôle important à jouer pour expliquer les différentes mesures qui seront prises dans un futur proche. Mais il convient au préalable de prendre en compte trois exigences majeures qui relèvent de la gestion des ressources humaines de l'Etat et sur lesquelles j'aimerais appeler votre attention : mobilité des personnels, regroupement par métiers et non plus par corps, rémunération au mérite. Telles sont les conditions d'une authentique gestion des compétences.
    La mobilité accrue des fonctionnaires doit s'opérer dans quatre directions : une mobilité horizontale entre différents ministères et fonctions publiques, une mobilité fonctionnelle entre fonctions opérationnelles et fonctions de réflexion une mobilité verticale entre les administrations centrales et les services déconcentrés, un passage simplifié entre le secteur public et le secteur privé, et réciproquement.
    Parallèlement à cette mesure, nous préconisons de renoncer à la division actuelle en corps au profit de regroupements par métiers, comme le fait la fonction publique territoriale. Dans ce contexte, il est nécessaire que la mission confiée à M. Yves-Thibault de Silguy puisse apporter rapidement des réponses claires aux interrogations qui se posent sur la future et indispensable réforme de l'ENA. Dans ce domaine comme pour ce qui concerne la mobilité des personnels, les motivations des ministères nous ont paru jusqu'à présent assez floues et les décisions concrètes, relativement rares.
    L'intérêt des ministres auditionnés semble s'être exclusivement porté, en matière de réforme du statut de la fonction publique, sur la question - importante, je le concède - de la rémunération des agents au mérite. Il est permis de se féliciter à cet égard des propositions constructives émises par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie dans le cadre du projet « Bercy en mouvement ».
    La distinction adoptée entre les mesures prises à l'intention des cadres dirigeants et celles intéressant les autres catégories de personnel nous semble cohérente. Pour les cadres dirigeants, la rémunération se basera sur une modulation individuelle des primes. Quant aux autres catégories de personnels, pour qui les primes ne représentent qu'une part minime de la rémunération, le vecteur sera l'accélération de l'avancement.
    La quatrième partie de mon propos concernera le citoyen.
    La quatrième exigence fondamentale que doit traduire tout projet de réforme de l'Etat - c'est peut-être sa dimension principale - est le nécessaire recentrage du citoyen au coeur même de l'action de l'Etat. En dernier ressort, c'est à cette aune que devront être jugées les stratégies ministérielles de réforme car l'action de l'Etat ne se déploie pas dans le vide : elle est destinée à aider les citoyens. Là encore, il convient de poser la question essentielle, qui éclipse toutes les autres : qu'est-ce que la réforme changera réellement dans la vie de nos concitoyens ? Pour y répondre, j'avancerai trois propositions : la réduction encadrée des délais de procédure, qu'il s'agisse des demandes dont l'administration est destinataire ou des paiements qu'elle doit effectuer, la mise en place d'un interlocuteur unique pour les impôts, et l'instauration d'un guichet unique transversal à plusieurs administrations.
    Bercy, on l'a dit, est quelque peu en avance sur ce dossier par rapport aux autres ministères. L'objectif prioritaire, au-delà de la recherche de gains de productivité, est de mettre l'ensemble du personnel du ministère au service des usagers autour de mesures phares comme la mise en place d'un interlocuteur unique pour les PME en matière d'impôt sur les sociétés, de taxes sur les salaires ou de TVA. Ces démarches vont dans le bon sens, mais elles ne vont pas assez loin. Ce n'est pas l'interlocuteur unique pour les PME que nous demandons, mais l'interlocuteur unique pour tous les usagers, entreprises ou contribuables.
    L'heure est à la réforme et pas aux demi-mesures ! Le train de la loi organique relative aux lois de finances ne doit pas partir sans nous. Pour que les choses changent dans la vie quotidienne des Français, et pas seulement dans les circulaires des administrations ou dans les rapports des commissions consultatives qui s'accumulent depuis trop longtemps, nous devons aller plus loin.
    Le « jaune budgétaire », que présente chaque année le Gouvernement au Parlement en annexe au projet de loi de finances, sur les « commissions consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres » est un cruel révélateur de nos dysfonctionnements institutionnels : il dresse, sur un total impressionnant de 208 pages, la liste de l'ensemble des commissions, d'instances, de réunions, j'en passe et des meilleures...
    On ne compte pas les organismes qui, bien que tombés en désuétude, figurent encore dans ce document.
    M. Michel Bouvard. Et qui ont peut-être encore du personnel !
    M. Gilbert Gantier. Il convient de mettre un peu d'ordre dans tout cela.
    Je conclurai mon propos par des considérations très pragmatiques et très concrètes.
    Il est temps de tenir un discours de vérité et de clarté à nos concitoyens. L'administration n'a d'existence, de justification qu'au regard du citoyen. Elle se doit de répondre à ses attentes. Il est nécessaire de repenser les axes de réflexion et d'établir un véritable rapport coût-efficacité au sein de l'administration. Or l'efficacité ne passe sûrement pas par un accroissement incessant du nombre des fonctionnaires.
    Le Gouvernement nous parle de remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Nous souscrivons pleinement à ce précepte, mais nous nous devons peut-être d'aller plus loin. A l'heure du « tout informatique », l'administration doit prendre en compte les évolutions technologiques inhérentes à son fonctionnement. Il y a plusieurs dizaines d'années, des fonctionnaires travaillaient manuellement, notamment sur les déclarations d'impôts. La saisie informatique a permis d'économiser un temps et un travail considérables en la matière.
    La France demeure celui des pays les plus industrialisés qui possède le ratio le plus élevé de fonctionnaires par rapport à la population active occupée. Alors qu'en France, les fonctionnaires représentent 29 % de la population active, ils n'en, représentent que 17 % aux Etats-Unis et - tenez-vous bien ! - 6 % au Japon.
    M. André Chassaigne. Quelles références !
    M. Gilbert Gantier. Nous avons 60 % de fonctionnaires de plus que la moyenne des pays de l'OCDE. En entrant dans les détails, on constate que, pour les administrations financières, les effectifs français sont proportionnellement deux fois plus élevés que les effectifs américains et trois fois plus que les effectifs japonais.
    J'ai rappelé plusieurs fois à cette tribune que le coût du prélèvement de l'impôt était deux fois plus élevé en France qu'en Suède, par exemple, ce qui est tout à fait inadmissible.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sans parler de la redevance audiovisuelle !
    M. Gilbert Gantier. Mes chers collègues, n'ayons pas peur des mots ! N'ayons pas peur d'appliquer des schémas du privé pour assurer le perfectionnement du public ! Il ne paraît pas déraisonnable d'employer des termes comme ceux de « rentabilité » ou de « productivité » au sein de la fonction publique.
    L'administration peut et doit être soumise à la productivité. C'est à ce prix qu'un véritable progrès économique, social et même politique sera possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, mesdames, messieurs, la réforme de l'Etat revient aujourd'hui à l'ordre du jour. Au-delà des justifications lancinantes et habituelles sur le sujet, le souci d'une meilleure « efficacité de la gestion publique » n'est que la manifestation d'une volonté bassement comptable de réaliser des coupes budgétaires arbitraires et infondées.
    C'est pourquoi, messieurs les ministres, votre réforme n'est en fait que l'expression du mépris de votre gouvernement et d'une partie de la haute fonction publique envers les fonctionnaires de proximité et les valeurs de service public dont ils sont porteurs.
    L'efficience épicière que vous appelez de vos voeux reste, en dépit des maquillages de votre discours, votre unique dessein. Votre seule volonté est de réduire les dépenses publiques, et donc la capacité des autorités à intervenir dans la sphère sociale. Convenez que cette ambition politique est bien courte, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous pourrions, certes, y voir une simple lubie technocratique, voire un « poujadisme des beaux quartiers », mais l'artifice du discours ne parvient pas à cacher les motivations idéologiques de porteurs d'eau du libéralisme qui ne croient plus en l'Etat.
    Quant à vos prétendues stratégies ministérielles de réforme, elles n'auraient de légitimité que si elles questionnaient la capacité de nos institutions et de nos administrations à relever un double défi.
    Il s'agit, d'abord, d'un défi démocratique. Comment peut-on aujourd'hui, avec la construction européenne et le développement de marchés globalisés, redonner sens à la notion de souveraineté populaire, et comment articuler celle-ci avec le développement de souverainetés locales ? Jamais cette question politique majeure n'a été posée dans les débats sur la décentralisation, pas plus que n'est évoquée dans le présent débat l'implication citoyenne des fonctionnaires, source première de qualité.
    Le second défi est celui de la République. Alors qu'il est manifeste que le message universel qu'elle porte depuis deux siècles s'essoufle, notamment parce que vos politiques tournent systématiquement le dos à ses valeurs, comment devons-nous réorganiser nos institutions pour leur redonner sens ? Comment revivifier le pacte républicain ?
    Face à ce redoutable défi, ce gouvernement, comme bien d'autres avant lui malheureusement, n'ouvre que la voie de la résignation.
    Résignation d'abord face à la crise de nos finances publiques. En effet, les seules réponses données - réduction des interventions publiques et remise en cause des services publics - ont pour unique conséquence d'aggraver encore davantage cette crise financière. Pourtant, le lien qui subsiste aujourd'hui entre les citoyens et l'Etat, entre les citoyens et la République est bien celui que constituent les services publics, ceux de l'éducation nationale, des transports, de la santé, de l'énergie et bien d'autres. C'est dans le service public que les valeurs d'égalité et de solidarité prennent encore sens ! C'est dans le service public que l'idée selon laquelle les questions d'intérêt général doivent faire l'objet de politiques publiques prend toute sa dimension ! En encourageant la disparition des services publics, vous faites perdre tout son sens à la notion de solidarité nationale et vous portez ainsi atteinte à la légitimité de l'impôt, aggravant de fait la crise de nos finances publiques.
    Votre politique est aussi celle de la résignation face à l'Europe.
    Votre réforme de l'Etat répond au même objectif que la nouvelle étape de la décentralisation et le projet de constitution européenne : détruire l'Etat-nation comme instance politique démocratique en mesure de résister à la déferlante néolibérale. Le couple Europe-régions est destiné à devenir le référent institutionnel attendu par le patronat et les marchés boursiers. Le partage des tâches est déjà défini entre ces deux lieux de pouvoirs : les institutions européennes capteront l'essentiel du pouvoir politique et économique ; les régions constitueront quant à elles le lieu d'enracinement et de gestion des politiques européennes, et elles seront sans pouvoir sur les questions essentielles. La fonction des régions consistera plutôt à reconstruire des identités factices, compatibles avec le fonctionnement de l'économie néolibérale et constituant l'ultime mode de socialisation de populations désorientées par la destruction des modes de solidarités nationales, tels que les services publics.
    Enfin, votre politique est aussi celle de la résignation face au marché.
    Toute votre recherche d'une plus grande efficience de la gestion publique ne traduit que la seule volonté d'étendre les modes de gestion libéraux à la sphère publique. Vous assimilez de fait la démocratie à une nouvelle marchandise. La puissance publique perd alors toute possibilité d'intervention sur le cours des choses.
    Les porteurs d'eau du libéralisme que vous êtes ouvrent ainsi les vannes d'une mondialisation libérale incontrôlée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Comme rapporteur pour avis du budget du Plan, j'ai pu constater l'absence de volonté politique en ce domaine : le marché étant omniscient et capable de s'autoréguler, il ne serait plus nécessaire que la collectivité prévoie ou cherche à anticiper les évolutions probables de notre économie et fixe les orientations souhaitables que celle-ci devrait prendre.
    Bien au contraire, la République a besoin d'un souffle politique nouveau. Ce n'est pas en adaptant ses modes d'intervention au marché, c'est-à-dire à un environnement politique et idéologique d'aliénation démocratique, que nous y parviendrons. Voilà pourquoi, messieurs les ministres, vos stratégies de réforme sont vouées à l'échec.
    M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, dernier orateur inscrit.
    M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de l'Etat est une nécessité. Le Président de la République en a fait une priorité de l'action publique et a encore récemment exprimé sa volonté de voir le sujet pris à bras-le-corps. Il nous incombe en effet à nous, ministres et parlementaires, d'agir pour que l'Etat auquel nous sommes tous attachés, à droite comme à gauche, soit un moteur de développement, de croissance et de solidarité.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. François Cornut-Gentille. La tâche est immense. Il est certain que cette matinée ne suffira pas à épuiser tous les aspects de la problématique. Ce premier débat est toutefois extrêmement positif. Il doit nous permettre de faire le point, et surtout, de prendre date pour d'autres rendez-vous afin d'enclencher un processus continu de réformes dans lequel le Parlement puisse jouer tout son rôle.
    Malgré les importants dossiers qu'il a dû traiter depuis dix-huit mois, le Gouvernement n'est pas resté inerte en matière de réforme de l'Etat. Traumatisé par l'échec de la réforme Sautter, Bercy s'est maintenant remis en mouvement. Jean-Paul Delevoye et Henri Plagnol ont mis en place les conditions de la modernisation de notre administration. Alain Lambert s'est personnellement impliqué dans la mise en oeuvre de la réforme budgétaire. La réforme de l'Etat commence à avoir des traductions concrètes dans certains ministères. Je pense à Michèle Alliot-Marie et à son engagement au ministère de la défense, à François Loos et à son travail sur les services en charge de promouvoir la France ou à Nicolas Sarkozy et au rapprochement très concret de la police et de la gendarmerie.
    De son côté, l'Assemblée nationale s'est également impliquée. La commission des finances, avec son président et son rapporteur général, est naturellement en pointe sur cette question. Certains ministres ont été récemment auditionnés pour présenter en détail leur stratégie de réforme ministérielle. Michel Bouvard, Charles de Courson, Didier Migaud et Jean-Pierre Brard suivent depuis près d'un an la mise en oeuvre de la LOLF dans les différents ministères. Leurs rapports ont déjà permis d'heureux ajustements des réformes en cours.
    Toutefois, ce tableau ne doit pas nous aveugler. Le risque d'enlisement est réel. Je devrais plutôt parler des risques d'enlisement. J'en relève plusieurs.
    D'abord, il faut éviter de considérer la réforme de l'Etat sous un angle exclusivement financier. Certes, la conjoncture économique nous oblige à rechercher des économies pour combler les déficits publics, mais la réforme de l'Etat ne peut se limiter à un débat sur les moyens budgétaires et sur les effectifs mis à la disposition de telle ou telle administration. Sur tous les rangs de notre assemblée, on s'accorde pour dénoncer la logique qui veut qu'un bon ministre soit celui qui a un budget en augmentation. Ne faisons pas le même raccourci qui voudrait qu'une bonne réforme s'évalue aux seules économies réalisées. Ces deux approches n'ont aucun sens. La réforme de l'Etat doit permettre des économies budgétaires. Ce n'est pas pour autant sa finalité. Si cela était, alors l'effet serait dévastateur : une telle logique est vouée à l'échec, car elle sanctionnerait paradoxalement les ministères les plus actifs. Celui qui ferait des efforts de rationalisation, des économies d'échelle, se verrait privé de moyens, tandis que celui qui refuserait de s'engager serait préservé. Quel ministre suicidaire accepterait une telle logique ? Pour encourager les efforts des ministres, il est donc indispensable de mettre en place un mécanisme vertueux, permettant à ceux qui dégagent des gains de productivité de pouvoir en redéployer une partie pour des mesures nouvelles.
    Par ailleurs, la réforme de l'Etat exige une vision globale et non parcellaire ; une vision gouvernementale et non ministérielle. Procéder à la réforme de l'Etat par ministères, voire par directions administratives, revient, pour user d'une image sportive, à faire jouer onze joueurs au sein d'une équipe de football sans leur donner de stratégie collective. La réforme de l'Etat, c'est exactement pareil. On réforme l'Etat, pas une somme d'administrations ou d'établissements publics. Il est crucial d'avoir une vision d'ensemble des services publics, de leurs missions et de leur utilité pour les Français.
    Définir les missions de l'Etat n'est pas une mince affaire. Cela dépasse largement la question de savoir si on doit maintenir telle sous-préfecture ou telle subdivision de l'équipement. Au printemps dernier, la mission d'information sur la LOLF a insisté fort justement sur la nécessité de réfléchir d'abord aux missions de l'Etat avant de définir les programmes. Ce rappel méthodologique a eu le mérite de clarifier la réflexion.
    Sur le plan administratif, enfin, le risque d'enlisement peut prendre bien des formes. C'est l'habillage des anciens services en programmes budgétaires. C'est le recours abusif à des programmes supports fourre-tout. C'est la définition d'indicateurs, qui peuvent mobiliser toute l'attention des services au détriment des améliorations concrètes.
    M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. François Cornut-Gentille. C'est la reconnaissance du mérite, excellente idée mais qui peut aussi être dévoyée comme le fut la notation. Que ce soit pour les indicateurs ou le mérite, l'esprit de responsabilité doit être privilégié. En effet, on ne peut se contenter de substituer de nouvelles procédures aux anciennes. La réforme de l'Etat vise à imposer de nouvelles pratiques pour répondre aux nouveaux besoins sociaux. Entre la révolution et l'attentisme, il faut trouver un juste milieu avec un souci permanent d'efficacité.
    Surtout, la réforme de l'Etat exige que l'on dépasse le travail technique et administratif pour en faire un véritable projet politique. Cela impose un double engagement que je vous propose de prendre, messieurs les ministres, mes chers collègues, engagement de l'Assemblée nationale et engagement des membres du Gouvernement pour réussir la réforme de l'Etat.
    Le faible nombre de députés participant au débat de ce matin démontre que la nécessité de la réforme de l'Etat n'est pas encore perçue, y compris au sein de notre assemblée. C'est un problème majeur sur lequel nous devons tous nous pencher. Une prise de conscience individuelle s'impose, mais cela va bien au-delà. Notre organisation de travail est sans doute à revoir.
    Nos fonctions de contrôle et d'évaluation doivent être privilégiées pour éviter que les grandes réformes écrites sur le papier n'accouchent de maigres résultats. L'exemple de la LOLF illustre parfaitement mon propos. Cette réforme, qui oblige à repenser l'organisation même de chaque ministère, donne de nouveaux pouvoirs au Parlement. Encore faut-il adapter nos méthodes de travail pour avoir la plénitude de ces pouvoirs. Je pense notamment à nos capacités d'expertise, à nos relations avec la Cour des Comptes, au suivi budgétaire et législatif. Je pense également à la validation par le Parlement des missions et programmes que doivent présenter les ministres dans les prochaines semaines. Certes, la commission des finances voit son rôle considérablement renforcé, mais la commission des finances, ce n'est pas l'Assemblée nationale. Des gestes significatifs d'ouverture ont été faits par Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, je tiens à le souligner. Mais ces gestes n'ont malheureusement pas reçu l'écho attendu au sein des autres commissions.
    Mes chers collègues, il est temps de prendre nos responsabilités dans la réforme budgétaire et la réforme de l'Etat. C'est pourquoi il serait souhaitable d'institutionnaliser les tentatives d'ouverture de la commission des finances en créant un office parlementaire de la réforme de l'Etat. Prolongeant le travail réalisé par la mission d'évaluation et de contrôle et par la mission d'information sur la LOLF, ce nouvel office parlementaire réunirait députés et sénateurs, de la majorité et de l'opposition, issus de toutes les commissions.
    Pourquoi un office ? Parce que la réforme de l'Etat ne se résume pas à la mise en oeuvre d'un seul texte. La réforme de l'Etat est un processus permanent et complexe. La société bouge ; ses besoins changent. L'Etat doit accompagner ce mouvement en évoluant sans cesse. Ainsi, les missions et les programmes que l'on définira l'année prochaine dans le cadre de la LOLF verront peut-être leur périmètre évoluer dès 2006. Certains disparaîtront, d'autres apparaîtront. Par ailleurs, la décentralisation impose de faire la chasse aux doublons de compétences, ruineux financièrement, inefficaces administrativement et incompréhensibles politiquement.
    Pour assurer la cohérence de cet ensemble sur la durée, l'Assemblée nationale doit s'appuyer sur une structure permanente, dotée d'outils d'expertise autonomes et munie d'une volonté politique sans faille. Tel doit être l'office parlementaire de la réforme de l'Etat, outil politique au service d'un véritable projet de société. A cet investissement parlementaire doit répondre un engagement des ministres, de tous les ministres, à accepter le dialogue politique avec le Parlement. Ce premier débat doit être un point de départ à partir duquel il est souhaitable d'instaurer, pour l'année à venir, un suivi permanent ainsi que quelques rendez-vous plus solennels pour acter les grandes étapes de la réforme de l'Etat. Grâce à la volonté du Président de la République et du Gouvernement, la réforme de l'Etat est aujourd'hui bien engagée, mais sa réussite suppose une plus forte mobilisation de notre assemblée et du Gouvernement, chacunrestant dans son rôle.
    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, certains déplorent que la France s'engage dans le processus de réforme de l'Etat avec retard par rapport à certains de ses partenaires. Il ne faut pas le regretter, car ce retard nous permet justement de disposer d'un premier bilan des réussites et des échecs des expériences étrangères. Le pragmatisme doit être de rigueur et nous inciter à dépasser nos traditionnels clivages idéologiques. Certes, il existe bien des différences entre la gauche et la droite sur la conception même de l'Etat, mais il y a aussi de réels points de consensus sur sa modernisation, ceux-là mêmes qui ont permis d'aboutir à la LOLF, votée à l'unanimité en 2001. L'alternance de 2002 n'a pas mis un terme à cette ambition. C'est dans cet esprit qu'il faut continuer à agir pour reconstruire ensemble un Etat fort et moderne, vecteur de progrès économique et social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Le débat est clos.
    La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je vais, au nom du Gouvernement, d'Henri Plagnol et de moi-même, répondre à l'ensemble des intervenants.
    M. le président de la commission des finances a parlé non seulement de satisfaction, mais aussi de lucidité. Je voudrais lui dire très clairement, ainsi qu'à chacun d'entre vous, qu'aucun doute n'est permis quant à la volonté du Premier ministre de s'appuyer sur la relation avec le Parlement pour faire bouger les choses. Le Livre jaune recense 1 200 instances consultatives, dont plus des trois quarts ont émergé depuis moins de quinze ans. On peut difficilement imaginer que l'Etat ne s'applique pas à lui-même les règles qu'il impose aux collectivités territoriales auxquelles on demande de n'accorder de subventions aux associations que lorsque celles-ci fournissent bilans, évaluations, compositions et résultats. Je suis favorable à ce que nous balayions ensemble la totalité des instances, afin de faire le tri entre celles qui ont une utilité et celles qui sont totalement inadaptées aux besoins actuels. Nous n'avons aucune raison de laisser exister des structures qui n'ont aucune utilité, ne répondent à aucun besoin. Cela relève d'un souci de clarté, de transparence et de respect à l'égard du contribuable. Nous n'avons à faire plaisir à personne. Ce qui est au coeur de notre réflexion, c'est l'efficacité de l'action publique. Si certains ministères ne répondent pas sur l'utilité des commissions consultatives, au nom de quoi accepterions-nous de continuer à les financer ? Le Premier ministre a été clair en la matière. Nous n'avons rien à craindre de la transparence. C'est l'opacité et la rétention d'information qui sont à l'origine de la suspicion à l'égard de l'Etat ou de l'administration. Au nom de quoi une institution, aussi noble soit-elle, se permettrait-elle de ne pas répondre à la représentation parlementaire lorsque celle-ci lui pose des questions sur sa composition, son travail et le budget dont elle dispose ?
    M. Michel Bouvard. On peut d'ailleurs aller les contrôler sur place !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. A cet égard, je suis prêt à tenir un discours de fermeté, car il serait intolérable de ne pas répondre à cette exigence.
    M. le président de la commission, M. le rapporteur général et d'autres parlementaires se sont interrogés sur la limitation de la MEC, son extension au-delà de la commission des finances et sur son rôle. Peut-être faut-il créer un office ou une mission d'évaluation. Je suis prêt à l'envisager. Toujours est-il que le Premier ministre est extrêmement attaché au rôle d'évaluation et de contrôle du Parlement, je vous le répète. Il a un calendrier, une volonté, et je souhaite vous donner totale satisfaction sur ce point.
    M. Méhaignerie a aussi dit que le salut de la réforme ne viendra pas de l'intérieur. Nous partageons son analyse. Généralement, les audits, les statistiques, les informations servent non pas à établir un diagnostic très clair, mais à justifier la pertinence du maintien des structures. Nous devons, dans ce pays, développer la culture de l'audit externe et davantage mobiliser les inspections générales et les corps d'audit privé.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous n'avons rien à craindre. Nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens de subir des contrôles, à caractère fiscal ou autre, de la part des administrations, et ne pas nous y soumettre nous-mêmes. Il faut, au contraire, nous réjouir du contrôle. De deux choses l'une : ou il aboutit à une conclusion positive et il nous confortera dans l'action que nous menons, ou il se traduit par une remise en cause et les administrations adapteront leur gestion pour en tenir compte. Sur ces points, monsieur le président de la commission, je suis extrêmement favorable à vos propositions.
    S'agissant de l'inflation normative et législative, je tiens à vous rappeler que le Premier ministre a envoyé une circulaire sur la nécessité de maîtriser l'inflation normative. L'exemple que vous avez donné parle de lui-même.
    Sur la mobilisation des hommes, vous avez été nombreux à vous interroger sur l'opportunité de faire correspondre dans le futur l'organisation du Gouvernement et celle de l'administration. Je n'irai pas aussi loin que vous, mais la notion de secrétaire général dans l'administration, par exemple, montre que l'on peut parfaitement imaginer des systèmes de coordination entre ministres ou secrétaires d'Etat. Ce sera donc à des procédures pratiques de gérer la cohérence en faisant coller la structure gouvernementale avec le corps administratif. Une directrice d'administration qui avait affaire à sept ministères, sept cabinets différents m'a fait part de ses problèmes. On peut parfaitement imaginer une cohérence ministérielle qui s'appuierait sur un corpus administratif redessiné par la réforme de l'Etat.
    M. le rapporteur général et plusieurs orateurs après lui ont demandé un suivi au quotidien. Je partage ce point de vue. La réforme de l'Etat est un processus permanent et continu. Si nous voulons éviter de nous retrouver tous les ans, lors d'un rendez-vous purement budgétaire au moment de l'examen de la loi de finances, donc de passer à côté de la nouvelle relation que le Premier ministre souhaite instaurer avec le Parlement, il faut afficher des objectifs qui se traduiront dans la loi de finances et faire en sorte que la modernisation de l'Etat, l'évolution des structures, des procédures, des moyens et des missions soit le résultat d'un partenariat étroit entre les parlementaires et les membres du Gouvernement.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous avez déploré l'absence de chiffrage économique et de date. Nous avons là un effort à faire en matière de comptabilité analytique, pour mieux chiffrer les économies attendues. Les estimations doivent être plus fiables dans les deux sens d'ailleurs. En effet, il arrive que, pour faire passer des réformes, on affiche un chiffrage extrêmement sympathique dont les fondements sont malheureusement quelquefois un peu fragiles. A d'autres moments, au contraire, on brandit des chiffrages extrêmement antipathiques pour justifier que la réforme ne puisse pas se faire. Autrement dit, nous avons intérêt à réfléchir aux statistiques, à leur fiabilité, à la rétention ou à la diffusion des informations et à nous assurer que nos critères de décision sont pertinents. Je suis d'accord pour afficher clairement les délais et le chiffrage des objectifs, à condition d'introduire aussi le droit à l'erreur. En effet, notre gestion administrative interdit le droit à l'erreur, alors que nous avons besoin de pouvoir analyser les prises de risque et les erreurs.
    J'en viens à la nouvelle nomenclature budgétaire et à la validation de la maquette budgétaire. Le Gouvernement n'est pas du tout opposé à ce que l'on puisse, avec leParlement, valider cette maquette budgétaire.
    Vous avez évoqué sept chantiers, monsieur le rapporteur général. Il faut que nous réfléchissions à la structure des administrations centrales, mais aussi à ce qui freine la mobilité. En prenant mes fonctions de ministre de la fonction publique, j'ai découvert avec surprise qu'il y avait des administrations nobles, et d'autres qui l'étaient moins : quand on veut faire une carrière importante, on va aux finances ; sinon, on va aux affaires sociales...
    Paradoxalement, les administrations centrales sont suradministrées alors que l'on manque de talents dans d'autres administrations, où l'on ne veut pas aller parce que cela ralentit la carrière, parce que les primes y sont moins importantes, etc.
    Nous avons donc intérêt à réfléchir à ce qui freine la mobilité des talents dans une fonction publique, dont chacun dit qu'elle est unique et égale, mais où chacun préserve son pré carré. Cela n'est plus du tout acceptable. L'Etat est-il unique, oui ou non ? Il faut que le débat soit clairement affiché. On ne peut pas, en tant que fonctionnaire, à la fois défendre la cause du service public et justifier le cloisonnement des carrières en essayant d'échapper à cette mobilité. Le talent doit être mis au bon endroit, au bon moment, et permettre la valorisation des compétences des fonctionnaires concernés.
    Sur les services déconcentrés, la contractualisation, la modernisation des ressources humaines, la gestion immobilière, nous sommes tout à fait d'accord. Sur le suivi des expérimentations, je pense que l'on a effectivement intérêt à mettre en place un accompagnement. Comme on l'a dit, il faudra aussi que nous nous interrogions sur la disponibilité des parlementaires face à cet exercice extrêmement difficile et contraignant.
    M. Jean-Pierre Brard s'est excusé, car il a une réunion en ce moment même avec le président de l'Assemblée, s'agissant des problèmes de laïcité. Lorsqu'il me reproche d'être une républicain non pratiquant, il me semble qu'il oublie - ce qui est regrettable, compte tenu de sa culture chrétienne - que des chrétiens non pratiquants ont quelquefois une foi davantage « chevillée au corps » que certains qui pratiquent, et que l'élévation de l'esprit ne nécessite pas la pratique d'un rituel. Cela étant, je comprends les difficultés de MM. Brard et Chassaigne. Etre communiste a parfois entraîné une pratique trop intensive, qui a pu fragiliser la foi. (Rires.)
    Je partage le point de vue de M. Brard selon lequel l'idéologie n'est pas un gros mot. Mais être prisonnier d'une idéologie, être enfermé dans des slogans ou dans des formules ou dans des programmes, me paraît relever d'une vision réductrice et, en tout cas, constituer un frein à la liberté de penser nécessaire à l'adaptation de nos structures, de nos pensées et de nos moyens à une société qui bouge à toute vitesse.
    Je suis encore d'accord avec M. Brard quand il dit souhaiter un Etat qui revalorise l'égalité et tienne compte du revenu de chacun. J'aurais souhaité qu'il nous fasse part de son sentiment sur le fait que les parlementaires ont tendance à proposer des niches fiscales qui échappent à l'impôt, ce qui risque de déresponsabiliser les citoyens.
    Souhaite-t-il vraiment que le service public soit financé par la totalité des citoyens en fonction de leurs revenus ? Car, aujourd'hui, la vision consumériste et la gratuité fiscale créent quelquefois un recul de la notion de devoir au profit de l'expression des droits. C'eût été un débat intéressant ; mais nous aurons évidemment l'occasion d'y revenir.
    M. Brard a critiqué le pouvoir présidentiel et « le roi élu au suffrage universel ». Il a parlé de majorité « godillot ». Je suis tout à fait surpris d'une telle analyse, qui révèle sans doute chez lui une certaine frustration due au fait que, au cours de son parcours politique, il a été amené à devoir épouser des thèses fabriquées par d'autres. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, nous ne pouvons que nous réjouir de la vigilance et de la contribution apportée par la majorité. Le Premier ministre agit à l'inverse de ce que dit M. Brard ; il souhaite mettre en place un partenariat avec les parlementaires pour faire bouger les choses.
    Ce que vous avez souhaité et qui n'a pas été réalisé, vous est donc aujourd'hui proposé. Saisissez donc l'occasion que vous offre le Premier ministre de réfléchir ensemble à la modernisation du service public.
    M. Brard a enfin évoqué l'ENA et la prise en compte d'un critère lié au mérite. Nous y reviendrons peut-être tout à l'heure.
    M. Michel Bouvard a très clairement indiqué qu'ilfallait associer les schémas ministériels de réforme et la LOLF. Il a mille fois raison ! Comme nous l'avons nous-même remarqué, la lecture budgétaire doit être la conséquence d'une vision politique aboutissant à concilier nos missions, nos procédures et nos moyens. Dans une entreprise, ce n'est pas le comptable qui gère l'entreprise. Il ne peut qu'alerter le dirigeant, qui fixe la stratégie que l'on traduit ensuite en termes de moyens, notamment budgétaires.
    La Cour des comptes indique dans son rapport que le nombre de directions de l'administration centrale n'a pas suffisamment baissé. Nous avons très clairement répondu au président Méhaignerie et à Gilles Carrez que nous souhaitions mettre en place un suivi des observations de la Cour des comptes. De fait, il n'est plus acceptable qu'aujourd'hui on laisse passer la publication du rapport de la Cour des comptes en faisant le gros dos jusqu'à l'année suivante. Nous devons être attentifs à ces observations. C'est un sujet sur lequel le Parlement est parfaitement en mesure de nous interpeller.
    Vous avez évoqué la fragilité des missions interministérielles. Je vous répondrai que Henri Plagnol et moi-même avons le souci de faire en sorte que la loi organique ne soit pas la verticalité absolue, en quelque sorte le « tuyau d'orgue absolu ». Nous souhaitons trouver ensemble le moyen de concilier verticalité et horizontalité avec la territorialisation des politiques publiques, tout en évitant que certaines administrations et certains ministères ne profitent de l'occasion pour s'assurer une certaine suprématie. La loi organique qui nous est proposée n'exclut pas le bon sens et la nécessaire efficacité fonctionnelle.
    Vous avez parlé de programmes « surdimensionnés ». Je suis plus réservé. Si vous visez là les programmes « fourre-tout » qui risquent de brouiller les pistes, vous avez mille fois raison. Mais vous savez aussi que la diversité des périmètres ministériels crée un déséquilibre entre les programmes, certains étant plus puissants que d'autres. Vouloir - comme M. Gantier le proposait - l'égalité budgétaire des programmes serait à mon avis une erreur. Nous devons admettre qu'il y ait des programmes différents. Ce qui ne nous dispense pas, bien au contraire, de veiller à ce qu'il y ait une formidable lisibilité entre la mission, le programme et l'application de celui-ci.
    Sur les SMR, vous avez parlé de comptabilité analytique. Vous rejoignez là l'observation de Gilles Carrez et vous avez tout à fait raison : mieux on saura lire et analyser les coûts, plus facilement on pourra mettre en place des politiques d'évaluation et d'adaptation. A l'inverse, si l'on tente de dissimuler la réalité d'un coût, on fausse le raisonnement.
    Nous devons être attentifs à ce genre de choses ; je pense notamment aux 340 000 emplois qui échappent à l'autorisation parlementaire et au cadre défini par la loi de finances. Nous devons regarder aussi bien la consolidation des comptes dans les collectivités territoriales que les périmètres de l'Etat.
    Monsieur Migaud, je comprends que vous suiviez ce débat avec « gourmandise » puisque vous avez été un des artisans de la loi organique. Reste que je me suis interrogé lorsque vous avez commenté l'ordre du jour. Je croyais que, pour un parlementaire, la semaine était découpée en séances - matinées et après-midi - d'égale qualité, et qu'il choisissait d'y participer en fonction de l'intérêt qu'il portait au débat prévu. Le Gouvernement, quant à lui, n'a pas à qualifier la matinée de bonne ou de mauvaise.
    M. Didier Migaud. Je ne suis pas maître de l'ordre du jour !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je me contenterai de signaler la formidable marque de confiance du groupe socialiste, dont vous êtes le seul représentant et le seul orateur. Cela prouve que vous savez exprimer la pensée politique de votre groupe, dont on peut mesurer l'unité, la cohérence et la grande fiabilité par presse interposée...
    Vous avez dit que nous étions d'accord sur la nécessité d'une réforme. En effet, et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les propos de M. Dominique Strauss-Kahn qui avait déclaré en son temps : « Si l'Etat moderne ne se réforme pas, il sera affaibli. » Je me souviens aussi de ceux de M. Fabius, pour lequel vous confessez une amitié que l'on peut comprendre : « La gauche peut perdre par la non-maîtrise de l'impôt. » Vous avez raison de dire que nous devons, les uns et les autres, maîtriser la dépense publique et faire en sorte de mettre en place un Etat plus réactif, plus efficace et plus moderne.
    Vous parlez des auditions « indigentes » auxquelles vous avez assisté, sous l'autorité de M. Fabius, sur la problématique des audits. C'est précisément pour cela que le Premier ministre propose aujourd'hui de renforcer les notions d'audit et de contrôle. D'indigentes, ces auditions deviendront intéressantes.
    M. Didier Migaud. Vous ne faites pas avancer le débat ! Il faudrait un peu plus de hauteur !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Vous avez remarqué avec raison qu'il arrive que les politiques démissionnent. Voilà pourquoi le Premier ministre souhaite mener, avec les parlementaires, la politique de la main tendue, en leur disant : « Venez vous associer à nous pour l'analyse, le contrôle, et pour placer la réforme de l'Etat au coeur de notre réflexion.
    Vous avez évoqué l'aspect juste ou injuste de la politique fiscale. J'aurais tendance un peu, comme M. Tony Blair, à m'interroger plutôt sur l'efficacité de la politique fiscale, par rapport à la relance de la croissance.
    M. Didier Migaud. Bravo !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Voussouhaitez faire vivre la MEC. Je ne peux que rendre hommage à votre habileté et à votre gymnastique intellectuelle. Lorsque vous êtes dans la majorité, vous faites en sorte que l'opposition n'y soit pas représentée.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. M. Bernard Derosier a demandé à siéger à l'Observatoire de l'emploi public. Sous votre gouvernement, vous n'aviez réservé qu'une place... à la majorité. Maintenant que vous êtes dans l'opposition, vous dites qu'il faut faire de la place à l'opposition.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai ! Dommage de réduire ainsi le débat à une caricature !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je suis de ceux qui pensent, comme vous, que nous devons assurer la transparence absolue des informations entre la majorité et l'opposition. Si nous voulons avoir un débat de grande qualité, vous devez disposer des informations vous permettant d'y apporter votre contribution.
    M. Didier Migaud. L'introduction était meilleure !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Faut-il instituer la rémunération au mérite des ministres ?
    M. Didier Migaud. C'était une plaisanterie !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Et la rémunération au mérite des parlementaires ?
    M. Didier Migaud. Si vous voulez !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ne tombons pas dans la caricature ! Ce qui fait la noblesse et la grandeur du mandat politique, c'est de pouvoir être soumis à la sanction politique des électeurs.
    M. Didier Migaud. Cela va venir !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'institution de la rémunération au mérite doit être au coeur de laresponsabilisation, de l'engagement et de l'évaluation. Il me paraît très important que les fonctionnaires soient les acteurs de la réforme, de la modernisation de celle-ci et soient intéressés aux résultats, - d'une façon collective ou d'une façon individuelle - pour la haute fonction publique.
    Vous remarquez enfin que les réformes coûtent cher au départ, notamment dans le domaine de l'informatique. Certes, et je m'adresse à vous, qui avez été, sous le précédent gouvernement, à l'origine du programme Accord : ne faudrait-il pas s'intéresser à la façon dont les administrations s'approprient l'outil informatique ? Elles peuvent en effet se connecter entre elles-mêmes ou éviter de le faire afin de préserver le périmètre de leur pouvoir. Nous avons donc intérêt à faire en sorte que l'informatique serve une vision globale et cohérente de l'Etat comme le demandait François Cornut-Gentille, et ne devienne pas le moyen de sectoriser, de cloisonner et de protéger certaines informations.
    Sur la décentralisation, vous vous dites inquiet. C'est Gaston Defferre qui a lancé la décentralisation et nous avons amélioré l'esprit dans lequel il l'avait fait. Nous confortons le contrat entre l'Etat et les collectivités locales. Et dans la Constitution, nous avons précisé la morale de ce contrat en y incluant les principes qui, paradoxalement, n'avaient pas été respectés par le gouvernement précédent.
    Monsieur Gantier, vous avez parlé d'un Etat stratège. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous : c'est un élément déterminant de la réforme de l'Etat. Les nouvelles technologies doivent nous permettre de connecter les pôles d'intelligence administrative, de développer l'accueil et d'adapter les structures.
    Différents ministères ont effectivement proposé de recourir à la sous-traitance. Nous y sommes tout à fait déterminés.
    Comme le Premier ministre ne cesse de le répéter, la réforme engagée passe par des étapes successives, qu'il conviendra d'évaluer ensemble. Il ne s'agit pas de l'éluder. Elle permet un virage, elle constitue un changement de culture et suppose une adaptation dont nous pourrons proposer à la population de vérifier l'évolution.
    Vous avez souhaité remettre le citoyen au coeur de l'Etat. Les « chartes qualité » initiées par Henri Plagnol vont en ce sens. Le secrétaire d'Etat va d'ailleurs se rendre tout à l'heure dans la région lyonnaise pour lancer l'expérience sur le numéro unique, destiné à faciliter l'accès du citoyen aux services publics.
    Monsieur Chassaigne, en parfait cycliste que vous êtes, vous évoquez les porteurs d'eau du libéralisme. Belle image, qui nous renvoie aux paysages du Puy-de-Dôme. Je croyais que les volcans s'étaient éteints, mais je m'aperçois que votre éruption linguistique est forte et que vous avez le sens de la formule, même si, quelquefois, dans les faits, certaines de vos propositions sont un peu refroidies. (Sourires.)
    En ce qui concerne les SMR, nous avons le souci de relever le défi démocratique et nous ne craignons nullement la souveraineté du citoyen. A contrario, c'est parce que l'on a trop souvent cultivé l'opacité, l'absence de résultats et imposé à celui-ci le poids de l'administration au lieu de mettre celle-ci à son service qu'il en vient à contester la qualité du service public. Défendre le service public impose au contraire que l'on réconcilie le citoyen et le contribuable avec l'administration publique par des indicateurs de performances et de résultats.
    On parle de pacte républicain. Mais comment nier que, du fait de la non-maîtrise de la dette, les prélèvements servent plus aujourd'hui à rembourser le banquier qu'à nourrir les administrations ainsi privées de moyens ? C'est le contraire de la défense du service public. On risque de le fragiliser si l'on n'entreprend pas la réduction de la dette, celle des déficits et si l'on ne s'engage pas vers la maîtrise des dépenses publiques. Il faut accomplir en somme le contraire de ce que vous avez fait !
    M. Didier Migaud. Quelle caricature !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le laisser-faire et le laisser-aller ont fait passer la dette de 15 % à plus de 60 %, ce qui a détourné les impôts de la modernisation du service public ; ceux-ci ont en effet été affectés au remboursement de la dette. Mais, à vos yeux, privilégier le présent et sacrifier l'avenir ne relèvent pas de la noble responsabilité du politique.
    M. Didier Migaud. C'est pourtant ce que vous faites !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Cornut-Gentille, vous avez parlé de pacte de confiance et de croissance et évoqué un risque d'enlisement. Vous avez raison : la réforme ne doit pas être uniquement financière, mais relever d'abord d'une vision politique.
    Nous souhaitons enclencher les mécanismes vertueux que vous avez cités. Une vision globale est nécessaire. L'engagement des ministres est important. Je rappelle d'ailleurs que le Premier ministre a écrit à chacun d'eux, qu'il les reçoit et les motive. Son engagement sera sans faille : il faut réconcilier l'usager et le contribuable avec le service public et une économie privée performante avec une administration efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour mouvement populaire.)

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 décembre 2003 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.
    La Conférence des présidents a également fixé le calendrier des séances d'initiative parlementaire et des séances de questions orales sans débat pour les mois de janvier à juin 2004.
    Ces documents seront annexés au compte rendu de la présente séance.
    En application de l'article 65-1 du règlement, la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité auraient lieu le mardi 25 novembre, après les questions au Gouvernement.
    Enfin, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de neuf projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du mardi 25 novembre.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique.
    Questions au Gouvernement.
    A dix-huit heures :
    Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2004, n° 1093.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1165, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.
    M. Jean Leonetti, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1209).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 18 novembre 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 18 novembre au vendredi 5 décembre 2003 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 18 novembre :
            Le matin, à 9 heures :
    Déclaration du Gouvernement sur les stratégies ministérielles de réforme et débat sur cette déclaration.
            L'après-midi, à 15 heures :
    Questions au Gouvernement.
            A 18 heures :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2004 (n°s 1093-1110 à 1115).
            Le soir, à 21 h 30 :
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n°s 1165-1209).
    Mercredi 19 novembre :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884-1216-1211).
    Jeudi 20 novembre :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884-1216-1211).
    Vendredi 21 novembre :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884-1216-1211).
    Mardi 25 novembre :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault et Daniel Vaillant tendant à créer un service civique pour tous les jeunes (n° 1199).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884-1216-1211).
    Discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (n° 1048).
    Discussion de la proposition de résolution européenne sur la diversité linguistique dans l'Union européenne (n°s 907-1020-902).
    Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (ensemble un échange de lettres) (n°s 756-954).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au raccordement du Grand-Duché de Luxembourg au TGV Est-européen (ensemble trois annexes) (n°s 650-980).
    Discussion du projet de loi autorisant la ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail n° 163 concernant le bien-être des gens de mer, en mer et dans les ports, n° 166 concernant le rapatriement des marins, n° 178 concernant l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer, n° 179 concernant le recrutement et le placement des gens de la mer, n° 180 concernant la durée du travail des gens de mer et les effectifs de navires, et du protocole relatif à la convention n° 147 concernant les normes minima à observer sur les navires marchands (n°s 453-759).
    (Ces trois derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud (n°s 945-1142).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) (n°s 947-1143).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions (ensemble un protocole) (n°s 648-1144).
    Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin (n°s 1146-1214).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) (n°s 948-1213).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerrannéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) (n°s 946-1212)
    (Ces six textes faisant l'objet d'une période d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.)
    Mercredi 26 novembre :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Eventuellement, discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;
    Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 1109).
    Jeudi 27 novembre :
            Le matin, à 9 h 30 :
    
Discussion de la proposition de loi de MM. Patrick Bloche et Jean-Marc Ayrault portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire (n° 1194).
    (Séance d'initiative parlementaire)
            L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 1109).
    Eventuellement, vendredi 28 novembre :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 1109).
    Mardi 2 décembre :
            Le matin, à 9 h 30 :
    Questions orales sans débat.
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Déclaration du Gouvernement sur les rapatriés et débat sur cette déclaration ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (n° 1152).
    Mercredi 3 décembre :
            L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 h 30 :
    Sous réserve de son dépôt,
discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003.
    Jeudi 4 décembre :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Sous réserve de son dépôt, suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).
    Vendredi 5 décembre :
            Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 h 30 :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).

Le 18 novembre 2003, à 16 h 30,
M. Thabo Mvuyewa Mbeki,
Président de la République d'Afrique du Sud,
sera reçu dans l'hémicycle
SÉANCES D'INITIATIVE PARLEMENTAIRE
ET SÉANCES DE QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
(janvier-juin 2004)

Mardi 6 janvier : questions orales sans débat.
Mardi 13 janvier : séance d'initiative parlementaire (groupe UDF), poursuivie le jeudi 15 janvier.
Mardi 20 janvier : questions orales sans débat.
Mardi 27 janvier : questions orales sans débat.
Mardi 3 février : questions orales sans débat.
Mardi 10 février : séance d'initiative parlementaire (groupe UMP), poursuivie le jeudi 12 février.
Mardi 24 février : questions orales sans débat.
Mardi 2 mars : séance d'initiative parlementaire (groupe CR), poursuivie le jeudi 4 mars.
Mardi 6 avril : questions orales sans débat.
Mardi 13 avril : séance d'initiative parlementaire (groupe UMP), poursuivie le jeudi 15 avril.
Mardi 27 avril : questions orales sans débat.
Mardi 4 mai : questions orales sans débat.
Mardi 11 mai : séance d'initiative parlementaire (groupe socialiste), poursuivie le jeudi 13 mai.
Mardi 18 mai : questions orales sans débat.
Mardi 25 mai : questions orales sans débat.
Mardi 1er juin : questions orales sans débat.
Mardi 8 juin : questions orales sans débat.
Mardi 15 juin : séance d'initiative parlementaire (groupe UMP), poursuivie le jeudi 17 juin.
Mardi 22 juin : questions orales sans débat.
Mardi 29 juin : questions orales sans débat.