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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 20 NOVEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 19 novembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et création du revenu minimum d'activité. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : Mmes Hélène Mignon, Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances ; MM. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

Rappel au règlement «...»

M. Augustin Bonrepaux, le président de la commission.

Reprise de la discussion «...»

Mme Nadine Morano, MM Alain Vidalies, Rodolphe Thomas. - Rejet de la question préalable.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

Mme
Martine Carillon-Couvreur,
MM.
Rodolphe Thomas,
Maxime Gremetz,
Mmes
Nadine Morano,
Danièle Hoffman-Rispal,
M.
Francis Vercamer,
Mme
Martine Billard,
MM.
Christian Estrosi,
Alain Vidalies.

Rappel au règlement «...»

M. Maxime Gremetz.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt de projets de loi «...».
3.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
4.  Dépôt de rapports «...».
5.  Dépôt de rapports d'information «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

DÉCENTRALISATION EN MATIÈRE DE REVENU MINIMUM D'INSERTION ET CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884, 1216).

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, ce n'est que tardivement par rapport à d'autres pays que le revenu minimum a été instauré en France. Pourtant, dès 1980, un rapport officiel présenté par M. Oheix avait osé parler de la nouvelle pauvreté.
    La montée du chômage de longue durée, les restrictions d'indemnisation de ce chômage, les évolutions du cadre familial : autant de facteurs de déstabilisation pour certains de nos concitoyens qui n'étaient pas forcément considérés comme fragiles au départ, mais qui se trouvaient entraînés dans la spirale de l'exclusion. C'est sûrement le rapport du père Joseph Wresinski intitulé « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », discuté et approuvé par le Conseil économique et social les 10 et 11 février 1987, qui amena, par le constat qui y était fait, le gouvernement de Michel Rocard à légiférer enfin. Ainsi se terminait une période d'initiatives certes intéressantes, mais limitées dans le temps et dans l'espace : plans d'urgence, plans précarité-pauvreté pour l'hiver, expériences de revenu minimum dans certaines agglomérations.
    Des contrats passés avec quelques collectivités territoriales avaient permis l'insertion de quelques milliers de personnes. Mais le phénomène s'amplifiait. Les bénévoles et les associations caritatives tirèrent la sonnette d'alarme et les expériences précédentes servirent de base à une réflexion globale et à des propositions.
    Le gouvernement de Michel Rocard a entendu, écouté et mis en place le texte relatif au RMI, qui fut promulgué en décembre 1988.
    Le RMI pose le double principe du droit au revenu : à caractère subsidiaire et complémentaire, il venait compléter l'ensemble des autres revenus individuels. Mais sans son deuxième volet, qui est celui de l'insertion, il n'aurait été rien d'autre que de l'assistanat. Or ce n'était la volonté ni du Gouvernement, ni du législateur, ni des acteurs de terrain.
    Si des oppositions assez fortes se sont manifestées, à l'époque, contre l'association « Revenu minimum et insertion », les débats n'ont pas manqué pour évoquer le « I » de RMI et tenter de savoir ce qui se profilait derrière. Certains déclaraient, je m'en souviens encore, qu'« hors du travail, point de salut ». Pour d'autres, il ne s'agissait pas tant de dire : « tout travail mérite salaire » que : « toute solidarité nationale doit être remboursée ». Pour les associations et les travailleurs sociaux qui, sur le terrain, rencontraient jour après jour nos concitoyens plongés dans le désarroi le plus grand, d'autres priorités s'imposaient : des problèmes de logement, des problèmes familiaux, des troubles psychiques ou des atteintes physiques.
    Ces mêmes priorités, ces mêmes analyses et l'aggravation de la situation nous ont conduits en 1998 à voter la loi de lutte contre les exclusions, résultat d'une grande concertation avec les associations, marquée par une grande qualité d'écoute. De même, trois ans après le vote de cette loi, nous avons fait le point, avec ces mêmes associations, pour améliorer les réponses à apporter à cette population - c'était, par exemple, l'objet du programme TRACE et de la bourse à l'emploi.
    Depuis cette époque, je garde un profond respect pour tous ces bénévoles, ces professionnels qui connaissent les méfaits de la pauvreté et de l'exclusion, dans les quartiers défavorisés comme en milieu rural, et apportent leur soutien à ceux qui ont recours à la solidarité nationale et dont on veut faire croire qu'ils recherchent et se complaisent dans l'assistanat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, si vous aviez engagé une réelle concertation avec ces associations, vous n'auriez pas présenté ce texte de loi. D'ailleurs, elles vous en demandent le report. Ce texte, en effet, ne correspond pas à une ambition sociale à la hauteur des enjeux. Il ne permet pas l'articulation nécessaire entre l'exclusion, l'activité, l'insertion et l'emploi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Entendant hier votre réponse à notre collègue Philippe Martin, j'ai compris combien votre détermination à mettre en application ce texte de loi dès le 1er janvier 2004 était forte, voire implacable ; le président de la commission des affaires sociales l'a d'ailleurs confirmé tout à l'heure.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En effet !
    Mme Hélène Mignon. Pensez-vous vraiment que ce texte prenne d'abord en compte l'intérêt des plus exclus, ou pensez-vous plutôt, à quelques mois d'échéances électorales, gagner des électeurs ? Je n'ose le croire, mais le risque d'entretenir le sentiment répandu que les RMIstes ne seraient que des fainéants subventionnés, alors que d'autres travaillent et sont rémunérés au seul SMIC, n'en est pas moins réel.
    Votre politique est dangereuse. On a le sentiment qu'elle culpabilise les sans-emploi. Vos décisions politiques scandaleuses tendent à accréditer l'idée qu'il existe un chômage volontaire et que, pour le diminuer, il suffirait de pousser les gens au travail. Il faut arrêter de dénigrer ce public en difficulté, de le culpabiliser, et d'imaginer que les chômeurs ou les bénéficiaires du RMI sont dans cette situation parce qu'ils l'ont choisi.
    Mme Elisabeth Guigou. C'est évident !
    Mme Hélène Mignon. Ne dressons pas le reste de la population contre eux.
    M. Patrick Roy. Il faut retirer le texte !
    Mme Hélène Mignon. Ce fantasme sur le chômage volontaire est totalement contredit par des études, entre autres celles de l'INSEE. On y assure qu'un tiers de ceux qui ont repris un emploi n'y ont aucun intérêt financier, tandis que 12 % estiment même y perdre.
    Malgré le contexte actuel de chômage et de précarisation aggravée dans lequel vous avez une large part de responsabilité, le travail n'est pas déprécié et il demeure heureusement encore source de dignité et d'utilité sociale.
    Permettez-moi de citer, monsieur le ministre, le témoignage d'un RMIste : « Ce qu'on veut d'abord, c'est travailler pour pouvoir vivre et élever sa famille grâce à l'argent qu'on gagne. Travailler, ça change tout ! Dans la tête, ça va bien, ça donne du dynamisme, on sert à quelque chose, on se sait utile, responsable, ça fait un équilibre, une hygiène de vie ! » Je doute que le RMA corresponde à ce que pense cette personne.
    Monsieur le minsitre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pourquoi ?
    Mme Hélène Mignon. Le Secours catholique, dans son rapport statistique, note que la pauvreté est fortement ancrée sur l'ensemble du territoire. Les chômeurs sans droit et sans emploi sont déjà en hausse constante aujourd'hui. Qu'en sera-t-il, dans les mois qui viennent, avec les restrictions d'indemnisation et la réforme de l'ASS que vouz avez annoncée, malgré un report en juillet 2004 ?
    En 1989, au moment de la mise en place du RMI, on avait estimé à 300 ou 400 000 le nombre d'allocataires potentiels. Ils sont actuellement plus d'un million en France métropolitaine. Nul d'entre nous ne peut s'en réjouir. Si l'on tient compte de la prise en charge, non seulement des bénéficiaires, mais aussi des ayants droit, on peut considérer que ce sont quelque deux millions de personnes qui doivent leur survie à l'attribution de cette allocation. Et si l'on tient compte des difficultés économiques rencontrées dans les départements d'outre-mer, c'est finalement 10 % de la population totale qui en appelle à la solidarité nationale. Or, monsieur le ministre, cette solidarité nationale, ne sera plus au rendez-vous quand votre majorité aura accepté de vous apporter sa caution.
    L'impôt sur la fortune devait permettre de faire face aux dépenses engendrées par la création du RMI. Aujourd'hui, vous transférez cette dépense aux départements, en leur attribuant une partie de la TIPP. La fiscalité locale, notoirement injuste, sera sans soute appelée à augmenter. Dans les faits, votre Gouvernement risque de créer des difficultés financières aux collectivités locales. Or je ne résiste pas à rappeler tout ce que vous avez pu dire sur l'APA et sur ses conséquences dans nos départements. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les conseils généraux sont inquiets, vous le savez. Certains présidents d'assemblée départementale s'exprimeront ici et mieux que je ne saurais le faire. Ils s'en expliqueront. Mais permettez-moi de dire que votre réforme du RMI commence mal. Le pari est risqué, voire intenable pour les départements pauvres. Y aura-t-il péréquation ? Ne confondons pas décentralisation et désengagement budgétaire de l'Etat.
    La loi initiale date de 1988. Elle ne concerne pas des bâtiments, lycées ou collèges, mais des hommes et des femmes dont nous souhaitons tous la réinsertion. En quinze ans, la société a évolué, les contraintes économiques ne sont plus les mêmes. Des outils d'aide à l'insertion ont été créés et ont fait leur preuve. Les acteurs se sont professionnalisés. Il faut sûrement mieux et davantage faire appel à eux.
    Les structures de l'insertion par l'activité économique sont pour beaucoup un passage obligé. Encore faudrait-il, monsieur le ministre, que leur rôle et leur savoir-faire trouvent une traduction budgétaire. Ce n'est pas le cas, hélas ! de la loi de finances qui vient d'être adoptée. L'insertion a été insuffisamment prise en considération.
    Alors, remettons tout à plat, faisons un bilan département par département, sachons reconnaître les échecs et les réussites qui peuvent servir de modèle ! La professionnalisation des intervenants au sein des structures d'insertion devrait le permettre. Les services de l'Etat présents sur le territoire peuvent aussi nous donner leur appréciation.
    Certains départements ont eu la volonté de mettre en place les outils nécessaires pour répondre aux demandes d'insertion, ou de faire des propositions adaptées aux besoins de chacun ; d'autres, pour des raisons diverses - structure économique du département, aménagement du territoire, présence plus faible d'associations porteuses de projet, ou regard méfiant vis-à-vis des bénéficiaires du RMI -, n'ont pas pris les mesures qui s'imposaient. Des crédits prévus à cet effet ont été sous-consommés.
    Souvenons-nous que le contrat d'insertion n'était pas exclusivement tourné vers l'emploi et que la résolution de problèmes sociaux ou de santé, primant souvent sur cette recherche d'emploi, n'était pas forcément officialisée par la signature d'un contrat. Tout est parfois tellement difficile, avec ces personnes ! On avance à pas comptés vers des solutions.
    Mme Elisabeth Guigou. Très bien ! Il fallait le rappeler !
    Mme Hélène Mignon. La misère casse les personnes. Oui, le « I » de RMI s'étend au-delà de l'insertion par le travail, et il faut que cela perdure.
    Si l'on s'en réfère aux enquêtes effectuées lors de l'évaluation de la loi de 1988 par l'INSEE, la DREES et l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, on se rend compte qu'une partie des bénéficiaires, très proches de l'emploi ne passaient que quelques semaines dans le dispositif - ce que vous avez d'ailleurs indiqué, monsieur le ministre : certains entrent et sortent de façon régulière - et menaient des recherches actives sans faire appel à un travailleur social, donc sans contrat d'insertion. D'autres, parfois proches de l'âge de la retraite, sont en attente d'une autre prestation. Mais n'oublions pas ceux qui sont complètement désocialisés, repliés sur eux-mêmes et auxquels nous devons aussi le droit à la dignité. Aussi les lacunes que présente déjà le dispositif actuel devraient-elles faire l'objet d'une réflexion avant même qu'on envisage sa décentralisation.
    Votre précipitation ne permettra pas de répondre aux graves difficultés rencontrées au quotidien par des familles de bénéficiaires du RMI du fait, par exemple, de la non-individualisation de celui-ci, sur laquelle il nous faudrait réfléchir rapidement.
    Vous connaissez certainement ce témoignage d'une mère de famille souvent cité par un président d'association, et vous en avez sûrement entendu de similaires dans vos permanences, mes chers collègues : « Si on a le RMI on ne sait rien de demain. J'ai un fils de vingt et un ans diplômé bac + 2. Il a trouvé un boulot comme animateur de centre aéré, payé 22 euros par mercredi. Le RMI chute pour nous du fait de son boulot : il passe de 609 à 507 euros. Le loyer reste le même mais les APL ont chuté de 102 euros à cause du quotient familial modifié parce que mon fils a atteint vingt et un ans. Depuis que mon fils travaille les mercredis, il est radié des ASSEDIC, et quand il a voulu s'inscrire, on lui a dit : "Mais vous travaillez maintenant ! Je n'ai pas le coeur de lui dire : "Tu as travaillé, je prends l'argent, et toi tu ressembles à un misérable auprès de tes amis qui ont étudié avec toi. Il n'est pas compté à ma charge, mais il est bel et bien à ma charge ! »
    Il nous faut nous interroger sur le fait qu'un bénéficiaire du RMI sur deux s'y trouve depuis au moins trois ans. C'est à partir de ce constat que le sénateur Sellier, dans son rapport, a prescrit la décentralisation du RMI, afin d'en simplifier l'imbrication administrative. Si celle-ci est réelle, je ne suis pas sûre qu'elle soit seule à l'origine des dysfonctionnements auxquels on prétend s'attaquer. Si la départementalisation du RMI peut être perçue comme une bonne chose par certaines collectivités locales, qui voient d'un bon oeil de ne plus avoir de comptes à rendre aux représentants de l'Etat, et par les associations qui y voient l'intérêt de la proximité et de la simplification, elle présente toutefois des risques pour le volet « insertion » dans lequel le département est d'ores et déjà impliqué. Mais je n'aborde pas les problèmes financiers, puisque certains de mes collègues le feront tout à l'heure.
    Le RMI est un bon dispositif très imparfaitement appliqué mais nous ne nous sommes pas tous, loin s'en faut, fortement mobilisés pour lutter contre les exclusions et l'engagement réciproque de la collectivité et des bénéficiaires dans le contrat d'insertion n'a pas toujours été le souci premier des travailleurs sociaux qui faisaient face à l'urgence. L'échec du RMI - l'expression ne me plaît pas - est donc dû en partie, des rapports d'évaluation le démontrent, à une mauvaise mobilisation des acteurs. C'est ici qu'il faut accentuer nos efforts.
    Les conditions de la décentralisation du RMI préconisées par le Gouvernement dans le texte que nous étudions aujourd'hui sont incontestablement de nature à susciter l'inquiétude. Même si les montants et les conditions restent fixés au plan national, la décentralisation peut aboutir à remettre en cause l'égalité de traitement, avec la possibilité ouverte à chaque département de choisir ses pauvres. Avec votre philosophie, nous entrons dans une ère de soupçon envers ceux qui ne sont pas dans la norme.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Allons, madame Mignon !
    Mme Hélène Mignon. Je peux dire ce que je pense, monsieur le président de la commission. Et remarquez que je vous ai écouté en silence tout à l'heure !
    Les départements auront-ils à distinguer les bons pauvres des mauvais pauvres, les vrais chômeurs des faux chômeurs, ceux qui méritent notre attention et ceux qui doivent assumer leur situation ?
    Chaque département a la possibilité de suspendre le versement de l'allocation pour non-respect des engagements prévus dans le contrat d'insertion « sans motif légitime ». Cette décision me semble trop subjective, donc dangeureuse. Il serait intéressant de définir exactement ce qu'est le motif légitime.
    Nous savons combien il faut donner du temps à certains bénéficiaires pour qu'ils réussissent leur insertion et leur réinsertion. Ils sont souvent psychologiquement, familialement, socialement fragiles. Selon le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, 200 000 allocataires du RMI sont dans l'incapacité psychologique et physique d'assurer un emploi. Ne faisons pas planer sur eux une menace de rupture de contrat qui va encore les inquiéter.
    Nous ne pouvons pas faire comme si nous ignorions que les allocataires du RMI sont deux fois plus touchés par des problèmes de santé que la population dans son ensemble.
    Avec le Secours catholique, nous sommes aussi en droit de nous poser la question non résolue à l'heure actuelle : quand on est isolé de sa famille, la garde d'enfant peut amener à refuser un stage, une formation, une insertion proposés.
    M. Jean Le Garrec. C'est vrai !
    Mme Hélène Mignon. Doit-on considérer que c'est l'allocataire qui rompt le contrat ? Le problème des déplacements, surtout en zone rurale, est un facteur aggravant de la précarité.
    Mme Elisabeth Guigou. Bien sûr !
    Mme Nadine Morano. Qu'avez-vous fait pour y remédier ?
    Mme Hélène Mignon. Vous êtes là depuis un an : on peut commencer à faire votre bilan.
    Mme Hélène Mignon. Le caractère unilatéral de la sanction est particulièrement choquant, alors que les obligations devraient être réciproques pour concrétiser le devoir de la collectivité de fournir un emploi.
    La suppression de l'obligation d'inscription des dépenses d'insertion dans les budgets des départements - ils avaient jusqu'à présent l'obligation de dépenser au moins 17 % des sommes consacrées par l'Etat en matière d'insertion - est symptomatique de l'idéologie implicite du texte du Gouvernement, qui fait peser obligations et sanctions sur les seuls bénéficiaires du RMI.
    Mme Elisabeth Guigou. C'est parfaitement scandaleux !
    Mme Hélène Mignon. L'immense majorité des RMIstes souhaitent travailler mais sont victimes de la pénurie d'emplois. C'est bien la première raison de leurs difficultés à retrouver un travail.
    En outre, plus on est dans ce cadre depuis longtemps, plus il est difficile d'en sortir. A cet égard, monsieur le ministre, je m'interroge sur une de vos récentes déclarations, dans laquelle vous affirmez vouloir réduire de 100 000 le nombre d'offres d'emplois non satisfaites d'ici à fin 2004. Vous en conviendrez, le rapprochement avec les 100 000 RMA prévus est évident.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous délirez !
    Mme Hélène Mignon. Je vous pose simplement la question, monsieur le ministre, et j'espère que la réponse me rassurera.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a pas de réponse possible !
    Mme Hélène Mignon. Ce n'est pas si sûr ! Quoi qu'il en soit, je suis prête à entendre vos explications.
    Si votre ambition est en effet d'opérer un simple glissement des contrats d'insertion RMA sur ces offres d'emplois, vous prouverez encore que vous ne maîtrisez pas la question de l'insertion et vous vous exposerez à de fortes déconvenues. Quelle est donc cette idée qui consiste à penser qu'un chômeur, s'il tient à travailler, doit être prêt à accepter n'importe quel emploi ? Un échec sur son nouveau poste de travail, dans le cadre du RMA, sera catastrophique.
    M. Jean Le Garrec et Mme Elisabeth Guigou. Eh oui !
    Mme Hélène Mignon. Il ne repartira pas à la case départ, le regard que portera sur lui-même le bénéficiaire « passager » du RMA sera lourd et handicapant pour lui et les siens. Un espoir de plus sera déçu.
    M. Jean Le Garrec et Mme Elisabeth Guigou. Malheureusement !
    Mme Hélène Mignon. D'autre part, si l'on parle d'emploi ou de retour à l'emploi, on ne peut pas faire l'impasse sur le débat relatif aux licenciements et aux patrons voyous.
    Mme Elisabeth Guigou. Bien sûr !
    Mme Hélène Mignon. Qu'en est-il de la loi de modernisation sociale et du fameux amendement « Michelin » qui prévoyait justement un mécanisme de limitation de ces licenciements ? Pourquoi l'avoir mis en sommeil, monsieur le ministre, si l'emploi vous préoccupe tellement ?
    M. Patrick Roy. Pourquoi ?
    Mme Hélène Mignon. Le gouvernement actuel abandonne toute politique active pour l'emploi. Le secteur privé et marchand est certes créateur d'emplois, et heureusement, mais il y a d'autres chemins à découvrir. Quelles sanctions pourrait-on envisager pour les départements qui ne rempliraient pas leurs obligations ou qui radieraient trop facilement les bénéficiaires ?
    M. Patrick Roy. Bonne question !
    Mme Hélène Mignon. Oui, un RMI territorialement différencié risque de voir le jour, malgré l'encadrement prévu. On peut soupçonner qu'en la matière un clivage apparaîtra sur le territoire national entre départements qui, déjà, consacrent plus au RMI qu'ils n'y sont contraints et départements enclins à diminuer la dépense d'insertion, peut-être pour des motifs idéologiques...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Méfiez-vous des chiffres ! Soyez très prudente sur ce point !
    Mme Hélène Mignon. ... ou plus simplement pour dissuader de nouveaux bénéficiaires, comme cela s'était vu avec la PSD. Cela passe par des stratégies restrictives dans l'attribution de la prestation, avec par exemple l'allongement de la phase d'instruction du dossier, la multiplication des formalités administratives, le contrat d'insertion qui dépasse les capacités des allocataires ou encore les menaces de suspension pour non-présentation à un entretien.
    Les inégalités constatées en matière d'insertion selon les départements varieraient de 30 à 80 % et pourraient donc être amenées à croître. Mais pourquoi 30 % ? Pourquoi 80 % ? Les premiers sont-ils des départements économiquement défavorisés ? Quelle est la qualité de l'insertion chez ceux qui affichent 80 % ? Il apparaît ainsi que votre texte n'apporte pas suffisamment de garanties quant à une péréquation entre les départements et ne réaffirme pas assez fortement le rôle de garant de l'Etat.
    Au termes de la future loi, le président du conseil général est autonome en matière d'organisation territoriale de l'insertion. Il élabore seul le programme départemental d'insertion. Il peut ainsi supprimer les commissions locales d'insertion prévues par la loi actuelle pour laisser à ses services l'entière responsabilité du contrôle et du suivi des bénéficiaires. Les CLI n'auront plus nécessairement à valider les contrats d'insertion ; les associations et le secteur de l'insertion pourront très bien ne pas être désignés par l'autorité départementale pour en faire partie lorsqu'elles existeront. Elles pourront être conduites à se prononcer sur d'éventuelles décisions de suppression de l'allocation, mais comment pourront-elles juger du bien-fondé de ces décisions ?
    La définition du contrat d'insertion a été amenuisée par le projet de loi, puisque l'accent est essentiellement mis sur les activités et les stages destinés à améliorer les compétences professionnelles et l'insertion en milieu de travail. Où est le bilan de compétences ? Quelle place donne-t-on à l'autonomie sociale et à la socialisation ? Ne considère-t-on plus le logement décent comme indispensable à la réinsertion ? Qu'en est-il de l'accès aux soins et à la santé ? Comment considérera-t-on des projets culturels par rapport à la réinsertion ? Autant de questions, monsieur le ministre, que nous sommes en droit de nous poser et de vous poser.
    Mme Elisabeth Guigou. Et qui montrent que ce projet de loi est mal ficelé.
    Mme Hélène Mignon. Pour nous, le premier acte de la décentralisation libérale est en train de se jouer sous la forme d'un traitement différencié des bénéficiaires de l'insertion. Qui validera les contrats d'insertion ? Quelles en seront les règles générales ? Qui sera à même de régler un contentieux sur la non-ouverture des droits ou l'arrêt de l'allocation ? Les demandeurs du RMI, en cas de difficulté, pourront-ils demander l'aide des associations concernées ?
    Votre projet, monsieur le ministre, laisse subsister trop de zones d'ombre. Ceux qui font partie du monde de l'exclusion sont aussi des hommes et des femmes. Ils ont droit à notre respect. Nous avons tous rencontré dans nos permanences de ces gens qui se déclaraient contre le principe du RMI et qui, à un moment de leur vie, en devenaient à leur tour allocataires. Le destin ne les avait pas épargnés.
    Le projet de loi rend chaque département seul responsable de l'attribution de l'allocation et des dispositifs d'insertion. Confier la décision de l'attribution du RMI aux seuls départements constitue une rupture dans la logique des minima sociaux financés par l'Etat au nom de la solidarité nationale. Cette prestation traduit pourtant un droit inscrit dans le Préambule de la Constitution.
    Malheureusement, votre projet de loi ne s'arrête pas là et envisage - que dis-je ? - entérine la création du revenu minimum d'activité. Le projet de loi de finances que vous nous avez soumis consacrait déjà l'existence de ce RMA, et peu importe que la représentation nationale n'en ait pas encore débattu : vous vous êtes déjà acquitté de cette contrainte parlementaire en essayant de faire passer en force son application pour le 1er janvier 2004. Des circulaires sont arrivées dans les départements dès le début du mois de novembre.
    M. Patrick Roy. C'est stupéfiant !
    Mme Hélène Mignon. Quel est donc l'objectif de votre projet de RMA ? Même si vous vous en défendez, il répond à une logique libérale et institue - je n'aime pas le mot, monsieur le ministre, et vous non plus, mais on est fondé à l'employer - le workfare à la française, sur lequel on est en droit de s'interroger. Instaure-t-il l'obligation de travail contre une prestation sociale et cette obligation serait-elle désormais ouverte au secteur marchand ? En clair, le RMIste devrait-il travailler gratuitement ou presque pour rembourser son RMI ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est incroyable !
    Mme Hélène Mignon. Comme la décentralisation du RMI, la création du RMA est animée par une idéologie qui vise à remettre en cause ce que vous désignez comme l'inactivité subventionnée. Ce même état d'esprit avait déjà animé vos amis puisque plusieurs projets similaires au RMA avaient été imaginés, telle la proposition sénatoriale de Philippe Marini et Alain Lambert, en 2000. Leur raisonnement consistait à lier le nombre important de personnes restant sans emploi au coût du travail, trop élevé pour l'employeur potentiel au regard de la capacité de ce public à créer des richesses. Pour eux, il faudrait laisser le marché du travail suivre son cours et le salaire se fixer en fonction de l'offre et de la demande, en prévoyant un complément social versé par l'Etat si ce salaire est jugé insuffisant, par exemple inférieur au SMIC. C'est le même mécanisme qu'on retrouve dans le RMA.
    Pour votre gouvernement, si insertion il y a, elle doit impérativement passer par un retour forcé à l'emploi dans le secteur marchand. Peu vous importe que le parcours vers la réinsertion passe souvent par d'autres étapes. Des structures d'insertion existent, je les connais bien. C'est même à elles que je confierais le suivi du RMA dans l'entreprise.
    Ce revenu minimum d'activité, destiné à l'allocataire du RMI inscrit depuis au minimum deux ans, lui permetrait de bénéficier d'un prétendu contrat de travail de 20 heures hebdomadaires. Rémunéré sur la base du SMIC horaire, le nouveau travailleur pauvre...
    Mme Nadine Morano. C'est un terme inacceptable !
    Mme Hélène Mignon. ... permettra à son employeur d'être remboursé de l'équivalent du RMI qui lui était versé auparavant.
    Mme Nadine Morano. N'importe quoi !
    Mme Hélène Mignon. Je sais lire ! J'ai appris à l'école !
    L'employeur n'aura à payer que 130 euros, soit 1,6 euro de l'heure, plus les charges sociales pour l'employeur du secteur marchand. A cet égard, on a vraiment de quoi être inquiet, car les charges sociales ne sont prévues que sur la base de la différence entre le SMIC et le RMI. L'assiette de cotisations sociales que vous prévoyez est donc dérogatoire au code du travail et son étroitesse implique qu'il faudra au bénéficiaire du RMA au moins trois fois plus de temps pour ouvrir ses droits qu'à un autre salarié. Nous trouvons que c'est scandaleux.
    Mme Elisabeth Guigou. Voilà !
    Mme Hélène Mignon. De surcroît, le salaire proposé dans le cadre de votre RMA - version 20 heures par semaine - ne dépasse pas les 500 euros net, c'est-à-dire qu'il reste même inférieur au seuil de pauvreté.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le SMIC.
    Mme Hélène Mignon. Oui, mais un demi-SMIC. Les pauvres sans travail deviendraient-ils des travailleurs pauvres ?
    Alors que la logique qui sous-tend votre texte est d'encourager les RMIstes à exercer une activité professionnelle au moyen d'un dispositif a priori incitatif le mécanisme actuel est tout de même plus intéressant, puisque le bénéficiaire du RMI qui trouve un emploi de 20 heures hebdomadaires au SMIC conserve pendant le premier trimestre le bénéfice de l'intégralité du RMI et n'en est privé ensuite que de façon dégressive.
    M. Patrick Roy. Donc, on régresse !
    Mme Hélène Mignon. On aurait pu imaginer que les entreprises soient invitées à proposer des contrats à temps plein, mais elles n'y auront aucun intérêt puisque la subvention versée est la même que le contrat soit à temps partiel ou à temps plein.
    Autre grave défaut de votre texte : l'absence de contrat de travail puisque, si un allocataire bénéficie d'une mesure d'accès à l'emploi par le RMA, l'employeur ou le prestataire doit adresser une attestation trimestrielle au référent. Ce document témoigne de l'effectivité de l'action, et c'est lui qui tient lieu de contrat d'insertion.
    Le RMA risque de ne pas intéresser les employeurs, déjà peu attirés par le public concerné. Ils n'en ont ni le temps, ni la vocation, ni le savoir-faire pour l'accompagnement social : beaucoup me l'ont dit et répété.
    M. Patrick Roy. Ce n'est pas leur métier.
    Mme Hélène Mignon. En revanche, ce sous-contrat, qui déroge au code du travail, sera source d'abus dans certains secteurs qui font habituellement appel à une main-d'oeuvre peu qualifiée : je pense, entre autres, aux entreprises de nettoyage. Ne risque-t-il pas, par un effet pervers, d'entraîner la suppression d'un CDD pour embaucher un RMA, donc de pousser ceux qui sont actuellement au travail vers le chômage ?
    Selon les termes d'une représentante d'un mouvement national de chômeurs, « pour une fois, on peut le dire franchement, avec le RMA, ce sont les employeurs qui deviennent des assistés ! »
    M. Patrick Roy. Eh oui !
    Mme Elisabeth Guigou. Très juste !
    Mme Hélène Mignon. Qui plus est, l'article 35 du projet de loi soulève tout de même quelques questions, dans la mesure où il semblerait que le versement du RMI ne soit pas la seule facilité consentie aux employeurs.
    Votre projet présente le risque de voir se créer au sein des entreprises des « secteurs RMA », où se succéderont de nombreux candidats malheureux à un emploi fixe qui n'y trouveront pas forcément leur place. En effet, aucune limitation de recours au RMA n'est prévue dans votre texte, et une fois les dix-huit mois du premier contrat d'insertion écoulés, l'entreprise pourra embaucher d'autres personnes sur le même poste avec le même sous-contrat,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il y a des conventions avec le département.
    Mme Hélène Mignon. ... sachant qu'aucune incitation à l'embauche n'est prévue à l'échéance.
    Pour revenir au manque d'enthousiasme évidemment prévisible des entreprises qui ne seront pas concernées par cet effet d'aubaine, celles qui emploient du personnel qualifié, l'absence de disposition concernant précisément l'accompagnement du bénéficiaire du RMA traduit le véritable mépris - il n'y a pas d'autre mot - que vous éprouvez pour les politiques d'insertion. Il aurait au moins fallu doubler le RMA d'une convention exigeante pour maintenir un accompagnement social actif...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est ce qui est prévu !
    Mme Hélène Mignon. ... et surtout le confier à d'autres intervenants que l'employeur. Les garanties qui entourent le tutorat, le suivi individualisé, la formation, sont insuffisantes et vous vous contentez d'une disposition non contraignante qui renvoie à la convention entre le département et l'employeur. C'est d'ailleurs ce que je viens de vous entendre répéter.
    L'absence de précisions, conjuguée à la suppression de l'obligation faite aux départements de consacrer une partie de leur budget RMI aux dépenses d'insertion, laisse présager un très mauvais traitement de l'insertion par certains départements.
    Par ailleurs, plusieurs questions concernant le référent restent en suspens. Quelle sera sa qualification ? De combien de personnes devra-t-il s'occuper ? Comment s'assurer d'une bonne entente, si j'ose dire, entre le référent et la personne accompagnée ? Le référent suivra-t-il le bénéficiaire du RMA quand il sera en entreprise ? Pour avoir du sens, l'accompagnement ne doit pas s'arrêter à la porte de l'entreprise ; il doit au contraire y entrer de plain-pied pour que soient déterminés des profils de poste et des possibilités de progression professionnelle.
    Pour souligner l'importance de ce volet, permettez-moi de vous rapporter le témoignage d'un jeune suivi par un tuteur en entreprise : « J'ai fait un stage avec un tuteur. Mais vous savez ce que ça fait un tuteur ? Eh bien, il vous met un chef avec vous et vous dit de voir avec lui. C'est tout ce que fait un tuteur dans une entreprise. Et des fois, le chef, il dit : « Ah ! c'est toujours sur moi que ça tombe ! » J'en ai marre de m'occuper des gens comme ça. Je vais lui donner quelque chose à faire et puis après il se débrouille ! » C'est un exemple que je donne, j'espère qu'il est rare, mais il fallait vous en faire part.
    M. Patrick Roy. C'est ce qui risque d'arriver !
    Mme Hélène Mignon. L'accompagnement doit donc vraiment être assuré par des professionnels.
    Si le RMA ne doit pas être imposé à l'allocataire du RMI mais simplement proposé, il n'est pas exclu que, dans certains départements peu enclins à favoriser l'insertion des plus exclus, le RMI soit suspendu ou supprimé pour les allocataires qui refuseraient le contrat proposé, et ce sans contrôle de l'Etat ni recours possible. En effet, non seulement le projet subordonne le droit à l'allocation du RMI à la mise en oeuvre du contrat d'insertion, mais il prévoit également qu'en cas de non-respect de l'action d'insertion stipulée dans le contrat sans motif légitime, le versement de l'allocation peut être suspendu pour l'allocataire et pour sa famille. On peut donc craindre que le refus d'un contrat d'insertion RMA soit considéré comme un motif non légitime et entraîne la suppression du RMI, d'autant que les critères d'évaluation de la réalisation du contrat d'insertion ne sont pas précisés, ce qui ne manquera pas, là non plus, d'entraîner de criantes inégalités territoriales d'interprétation.
    La mise en place du RMA risque de stigmatiser davantage les RMIstes qui n'en bénéficieront pas, tant l'insertion professionnelle peut-être un objectif lointain pour certains. Votre projet ne les prend pas en compte, monsieur le ministre, et ne leur apporte pas de réponse.
    Plus globalement, les caractéristiques générales des politiques d'insertion sont complètement ignorées. Votre ambition n'est que de justifier les dépenses liées au RMI, non de lui donner un sens. Il n'est donc pas étonnant que votre projet ne prévoie pas de moyens nouveaux pour encourager des politiques plus larges de lutte contre la pauvreté : je parle de créations d'emplois, de droit au logement, d'accès aux soins, toutes questions qui ne font pas l'objet de vos priorités, comme on a pu le constater lors du vote du budget.
    Par aillleurs, il est regrettable que la mise en oeuvre du « contrat unique d'insertion » initialement prévu ne soit plus à l'ordre du jour. Je crois qu'il faudra que nous y réfléchissions ensemble. Vous aviez pourtant vous-même annoncé cette mesure à plusieurs reprises, et elle correspond à une demande très forte des associations spécialisées, sachant que l'éclatement des dispositifs d'insertion n'est pas de nature à simplifier les repères pour le public concerné. Il s'y perd déjà et le RMA ne fera qu'ajouter à la confusion. Un contrat unique d'insertion, englobant les dispositifs des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés, permettrait de proposer un ensemble plus lisible et cohérent de réponses aux personnes ayant de grandes difficultés à envisager le retour à l'emploi.
    Votre analyse de « l'échec du RMI », pour reprendre votre expression, est idéologique mais fausse. Votre projet s'en trouve compliqué, inutile et dangereux. Votre politique ne vise qu'à culpabiliser les sans-emploi. Pour vous, la cause est entendue : les Français doivent se remettre au travail.
    Mme Nadine Morano. Ça c'est vrai !
    Mme Hélène Mignon. Ils le veulent. « L'avenir de la France n'est pas un immense parc de loisirs », déclarait le Premier ministre cet été. « On ne peut pas indemniser le chômage indéfiniment », ajoutiez-vous il y a peu.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Michel Rocard le disait avant moi !
    Mme Hélène Mignon. Au-delà de ces déclarations fracassantes, vos décisions politiques prouvent que vous estimez qu'il existe un chômage volontaire et que, pour le diminuer, il suffit de pousser les gens au travail. Votre projet de loi est clair, vous vous adressez à ceux qui « choisissent la voie de l'insertion », en sous-entendant que certains ne veulent pas s'insérer.
    Nous ne vous laisserons pas, monsieur le ministre, nous enfermer dans la caricature qui voudrait qu'en prenant en compte les plus fragiles de nos concitoyens, nous serions les défenseurs de l'assistanat ! Bien entendu, le retour au travail du plus grand nombre est souhaitable, mais il faut en même temps apporter les moyens d'une réinsertion sociale à ceux qui sont le plus exclus et les aider à trouver une place dans notre société. Dans ce texte de loi, c'est une logique économique et budgétaire qui l'emporte sur une logique sociale, et nous le regrettons profondément.
    M. Bernard Derosier. Très bien !
    Mme Hélène Mignon. Ce projet de loi a été préparé dans la précipitation, sans aucune concertation avec les représentants du public directement concerné par vos mesures de régression. Monsieur le ministre, les associations vous ont demandé à plusieurs reprises le report de ce débat afin que vous preniez le temps de les entendre sur le sujet et teniez compte de leurs observations fondées sur l'expérience que vous n'avez pas a priori. Vous n'avez pas voulu les entendre. Vous avez donné une explication cet après-midi, ils la jugeront.
    La grande majorité des présidents de conseils généraux, pourtant directement concernés par votre projet, vous ont fait savoir qu'il n'était pas possible d'appliquer ce texte au 1er janvier 2004, c'est-à-dire dans six semaines. Vous n'avez pas voulu les entendre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais non !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !
    Mme Hélène Mignon. Le conseil d'administration de la caisse nationale des allocations familiales a adopté un avis négatif sur votre texte. Vous n'avez pas voulu l'entendre.
    La représentation nationale n'a pas encore été consultée sur ce texte, puisque nous démarrons juste son examen. Ses amendements n'ont pas encore été mis au vote, mais vous êtes passé en force en intégrant cette loi pas encore votée dans votre projet de loi de finances. Les députés vous avaient signalé cette incohérence. Vous n'avez pas voulu les entendre. Ce qui ne vous empêche pas non plus de continuer à mettre la charrue avant les boeufs puisque, je le disais tout à l'heure, vous avez déjà adressé des circulaires aux préfets de départements.
    M. Patrick Roy. Nous voulons des explications !
    Mme Hélène Mignon. La philosophie qui anime ce projet de loi vous conduit à faire de mauvais choix et à proposer ce sous-contrat aux droits dégradés. Cette remise en cause profonde et injuste de notre solidarité nationale méritait mieux que cet empressement. Notre cohésion sociale aussi.
    Les élus socialistes pensent qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce texte de régression sociale. Aussi, j'appelle mes collègues à voter cette question préalable. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Roy. Voilà un beau discours de vérité !
    M. Hervé Novelli. Il était plutôt poussif !
    M. Jean-Marie Geveaux. Cela manquait de conviction !
    Mme Elisabeth Guigou. Non, elle a parlé d'or !
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vous parlez, madame Mignon, avec beaucoup de précision car vous connaissez bien le sujet de l'insertion. Permettez-moi cependant de revenir sur certains points de votre propos. Ainsi, lorsque vous parlez de précipitation dans la réforme, je me dois de vous rappeler que le RMI existe depuis quinze ans maintenant et que tous les rapports d'évaluation critique ont mis en évidence ses imperfections, ce semi-échec évoqué par le ministre. Je parle, bien entendu, des rapports de la Cour des comptes de l'IGAS, de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, de la DREES. Dès lors, il semble primordial de tenter d'y remédier. A vous entendre, on croirait qu'il s'agit de supprimer le RMI. Mais il n'en est rien puisque ce texte vise bien au contraire à faire vivre ce dispositif en lui donnant une orientation nouvelle, que vous critiquez précisément. Pourtant, ce point n'a sans doute pas retenu votre attention, pour 22 % des allocataires, le RMI n'a pas été une solution. La preuve en est qu'on parle de RMIstes. On a fait de ces hommes et de ces femmes, une catégorie à part. Et le retour à l'emploi reste problématique pour eux.
    Mme Elisabeth Guigou. Que faites-vous pour remédier à la situation ?
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Proposer un dispositif accompagné et aidé qui permette, sur un temps partiel, de retrouver le chemin de l'emploi : tel est l'esprit de cette réforme et du RMA.
    Vous dites, par ailleurs, que bon nombre des crédits n'ont pas été totalement consommés. Cela montre qu'il faut revisiter la question du copilotage qui a été pointée comme l'une des sources principales de dysfonctionnement. Faisons confiance aux départements pour agir en faveur de l'insertion - c'est un domaine d'expertise qu'on leur reconnaît aujourd'hui. Et donnons-leur les moyens nécessaires.
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, donnez des moyens !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. S'agissant de la suppression de l'obligation d'inscrire des dépenses en faveur de l'insertion - les fameux 17 % -, la discussion aura lieu ici.
    Mme Elisabeth Guigou. Ah !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Ce point a d'ailleurs été amendé dans les deux commissions.
    M. Augustin Bonrepaux. En commission des finances, il n'y a pas eu grand-chose !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Cela montre, là encore, que le débat est utile.
    Vous avez par ailleurs évoqué la suppression des CLI. Or, il n'en est nullement question dans le texte. Il est simplement prévu que les présidents de conseils généraux pourront en nommer les membres.
    Enfin, remettre en cause le RMA au motif qu'en fait, on doute de l'entreprise et de sa capacité d'insertion suppose qu'on s'interroge aussi sur l'apprentissage, sur l'alternance, sur les ateliers protégés.
    Mme Hélène Mignon et Mme Elisabeth Guigou. Non ! Ce n'est pas pareil !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Or, tous ces dispositifs ont fait leurs preuves et ont montré qu'on pouvait, par l'entreprise, surtout quand elle est petite et à taille humaine, favoriser l'insertion et le retour à l'emploi.
    Mme Nadine Morano. Très juste !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Dans ces conditions, madame, je ne peux imaginer une seule seconde que nous renoncions au débat et que nous puissons donc adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'intervention de Mme Mignon était émaillée d'une série d'affirmations qui sont très éloignées de la réalité de ce texte. Je vais en reprendre quelques-unes.
    Ce texte serait proposé au Parlement avec précipitation.
    M. Augustin Bonrepaux. Bien sûr ! Il n'est pas encore voté et il faut l'appliquer au 1er janvier ! Ce n'est pas de la précipitation ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, écoutez le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela va faire sourire ! Ce texte a été voté par le Sénat au mois de juillet.
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'est pas encore définitivement voté ! Il n'est pas promulgé ! Ce n'est pas de la précipitation ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez le ministre s'exprimer !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Bonrepaux, il n'y a aucune précipitation. Laissez-moi vous répondre ! Vous vous conduisez comme un voyou ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le président, je n'ai pas l'intention de polémiquer avec un groupe qui s'exprime de cette manière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Derosier. Voyou vous-même !
    M. le président. Monsieur Derosier, le débat n'exclut pas le calme et la courtoisie.
    M. Bernard Derosier. On ne traite pas un député de voyou ! C'est scandaleux, monsieur le président ! Inadmissible !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mes chers collègues, nous sommes au début d'un débat qui comporte une très grande dimension humaine...
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... et qui prolonge celui que nous avions eu en 1988 et que M. Le Garrec a bien voulu citer tout à l'heure. Il a effectivement rappelé les conditions dans lesquelles s'était instaurée la discussion, les incertitudes qui pesaient alors. Et ce soir, compte tenu de ces éléments, je vous demande de respecter le ministre.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais je le respecte ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Non ! Mes chers collègues, il faut que chacun respecte l'autre pour que ce débat, attendu par ceux de nos concitoyens qui vivent dans des conditions difficiles, puisse se dérouler dans la sérénité afin que nous échangions nos idées.
    M. Hervé Novelli. M. Bonrepaux en est incapable !
    M. Bernard Derosier. Dites cela au ministre Fillon !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Chacun a le droit de penser ce qu'il veut. Mais, monsieur Bonrepaux, vous n'avez pas à interpeller le ministre comme vous l'avez fait et à lui couper la parole ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

    M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux pour un rappel au règlement.
    M. Augustin Bonrepaux. Je n'ai fait que dire à M. le ministre que ce texte est discuté dans la précipitation, parce que les conseils généraux sont informés seulement depuis quinze jours des dispositions et des directives de l'État en la matière, et qu'on leur demande de prévoir les crédits pour le 5 janvier alors que les budgets ne seront pas votés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Estrosi. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
    La parole est à M. le président de la commission.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Bonrepaux, j'apprécie que vous soyez revenu à plus de sérénité. Je vous rappellerai simplement qu'en 1988, le texte instituant le RMI a été adopté le 15 décembre pour être appliqué au 1er janvier. Par ailleurs, ce projet a été voté au Sénat en mai 2003, il y a donc plusieurs mois déjà.
    M. Bernard Derosier. L'Assemblée ne sert donc à rien ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je connais le rôle de l'Assemblée, tout comme vous. Il est prépondérant. Mais vous ne pouvez pas dire que ce texte n'a pas déjà été examiné.
    Mes chers collègues, je vous invite de nouveau à retrouver cette sérénité qui est nécessaire, si l'on veut que le débat ait la qualité que souhaitent tous nos concitoyens, et notamment ceux qui vivent dans des conditions difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Nadine Morano pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    Mme Nadine Morano. Le groupe de l'Union pour un mouvement populaire votera contre cette question préalable présentée par Mme Mignon. En dépit de la qualité des débats que nous avons eus au sein de la commission des affaires sociales, nous ne pouvons que constater que l'opposition utilise la même stratégie que lors du débat sur les retraites.
    Vous vous contentez, chers collègues, d'essayer de démonter un dispositif, alors que vous faites le même constat que nous à propos du RMI. Sans doute auriez-vous aimé mettre en place ce dispositif...
    M. Patrick Roy. Ah non, alors !
    Mme Elisabeth Guigou. Surtout pas !
    Mme Nadine Morano. Mais vous ne l'avez pas fait. Et vous vous contentez de critiquer, sans rien proposer.
    M. Jean Le Garrec. C'est faux ! J'ai fait des propositions !
    Mme Nadine Morano. Alors qu'un million de personnes sont au RMI, ne faudrait-il pas qu'ensemble nous travaillions à les sortir de la précarité ? Ne faudrait-il pas qu'ensemble nous remettions ces personnes fragilisées, ces accidentés de la vie, sur le chemin de l'emploi ? Le sujet ne vous paraît-il pas suffisamment préoccupant ?
    Vous l'avez dit : nous n'avons pas la même philosophie. Dix-huit mois après notre retour aux affaires, nous prenons, pour notre part, à bras-le-corps ce problème des personnes qui restent sur le bord de la route, en menant une politique de l'emploi dynamique.
    Mme Hélène Mignon. Non, vous ne le faites pas : vous croyez le faire !
    Mme Nadine Morano. Le Gouvernement s'est assigné comme devoir de répondre à ces personnes les plus fragilisées et il a prévu pour cela le RMA car dans RMI, le « I » d'insertion n'a pas fonctionné. Le RMA est un outil complémentaire qui rendra à ces personnes une vraie activité. Il est du devoir du Gouvernement, soutenu par la majorité,...
    M. Alain Vidalies. Laquelle ? Vous parlez de Mme Boutin ?
    Mme Nadine Morano. ... d'arriver à ce dispositif qui ramènera les plus fragilisés vers l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je me réjouis que le calme soit revenu.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Moi, j'ai toujours été très calme !
    M. Alain Vidalies. Mais à mes yeux, rien ne justifie qu'un ministre puisse traiter un député, président de conseil général, de voyou. Et je pense que vous-même, le moment venu, vous ferez le nécessaire pour que cet incident ne prenne pas d'autre dimension.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est moi qui ai été insulté !
    M. Alain Vidalies. Dans ce débat, vous cherchez par tous les moyens à nous présenter comme des gens hostiles à un travail qui aurait été préparé et qui n'entraînerait aucune réaction. Or celles-ci, qui viennent de tous bords - de syndicalistes, de personnalités politiques, y compris dans votre camp -, sont fort nombreuses et mettent en évidence cette impréparation. Toutes les questions qui aujourd'hui s'accumulent, prouvent que nous allons débattre d'un sujet qui est loin de faire l'unanimité et qui soulève même beaucoup plus de difficultés que vous ne voulez bien le reconnaître.
    La dernière réaction est très récente - j'ai ici une dépêche de l'AFP - et elle émane du président de la CFTC, M. Voisin. Voici ce qu'il a déclaré : « Ce projet qui consiste à laisser les gens dans la précarité est scandaleux. Donner aux entreprises des salariés qui ne leur coûtent rien, c'est suicidaire. »
    Tout cela montre bien qu'alors que s'engage le débat, ce projet est loin d'être vécu sereinement par les responsables syndicaux ou associatifs.
    D'ailleurs, vous avez tous, mes chers collègues, une présentation singulière des choses. Le ministre a ainsi indiqué dans son propos : « Nous ne proposons pas de modifier la philosophie du RMI. » Et il a ensuite décliné sa démonstration. Mais quelques instants plus tard, le président de la commission a précisé : « La montée en charge du RMA devrait diminuer les besoins d'insertion. »
    Tiens donc ! Voilà un aveu qui éclaire singulièrement la démarche que vous nous proposez ! M. le président de la commission vient de nous expliquer en fait que la suppression de l'obligation d'affecter 17 % des crédits à l'insertion était une astuce qui permettait de faire "avaler aux présidents de conseils généraux un transfert de charges qui ne compenserait pas ce que le département allait débourser.
    Prenons d'ailleurs le cas des bénéficiaires de l'ASS qui vont être transférés au RMI. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'on prendrait le compte administratif 2004 pour pallier cette difficulté. Mais il en est une autre beaucoup plus complexe. En effet, le RMI étant une allocation différentielle, un pourcentage non négligeable de bénéficiaires ne perçoit qu'un tiers du montant de ce revenu.
    Mme Elisabeth Guigou. Très juste !
    M. Alain Vidalies. Or la somme que le département devra verser à l'entreprise lorsque ces personnes bénéficieront du RMA, sera équivalente au montant d'un RMI intégral et non pas à celle qu'il consacre aujourd'hui au paiement du RMI et que vous allez compenser. La charge du nouveau dispositif incombera donc largement aux départements. Voilà pourquoi d'ailleurs vous créez le RMA en même temps que vous transférez le RMI aux conseils généraux. Il s'agit d'éviter qu'ils fassent le constat cruel que ce transfert de charges va bien au-delà de ce que vous avez annoncé.
    Et puis, que dire de ces mesures au regard des engagements internationnaux de la France, de la convention de l'OIT ? Le RMI étant la seule ressource des allocataires, dès lors que le législateur leur pose comme alternative le travail ou la suppression de tout revenu, je ne suis pas sûr qu'on soit très loin des définitions données ou retenues pour le travail forcé. Cette interrogation est en tout cas parfaitement légitime.
    M. Hervé Novelli. C'est caricatural !
    M. Alain Vidalies. Pour l'heure, vous n'avez répondu à aucune de nos questions, et le débat qui s'engage est assez surréaliste.
    Pour terminer, je rappellerai que ce n'est pas parce que nous avons créé le RMI, qu'il y a aujourd'hui plusieurs millions de chômeurs dans notre pays. C'est au contraire parce que notre société a connu à partir de 1973 une très forte montée du chômage, qui a débouché sur un phénomène d'exclusion, qu'il a fallu créer, comme dans d'autres pays, ce que nous avons appelé le RMI. Mais le RMI n'est pas responsable du chômage ! Il ne suffit pas de stigmatiser les bénéficiaires du RMI et de dire qu'il faut envoyer ses bénéficiaires travailler pour régler la question. (Prostestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Gest. Personne n'a dit cela ! Hors sujet !
    Mme Nadine Morano. Nous travaillons pour améliorer leur sort !
    M. Alain Vidalies. Les choses ne sont pas aussi simples que cela. Certes, nous aurions pu accepter les mesures relatives à l'insertion professionnelle car il y a là une piste intéressante, mais il aurait fallu pour cela adopter une autre méthode de concertation. Il aurait fallu parvenir, puisque vous avez souvent ce mot à la bouche, à une vraie négociation. Il aurait fallu que les partenaires sociaux - car c'est leur rôle - s'emparent de cette question pour aboutir à une véritable insertion dans l'entreprise. Une insertion qui ne donne lieu à aucun abus et qui soit synonyme de réussite pour les bénéficiaires.
    Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous pensons qu'il faut voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à  M. Rodolphe Thomas.
    M. Rodolphe Thomas. Le groupe UDF ne votera pas, bien sûr, la question préalable défendue par Mme Mignon.
    Le projet qui nous est soumis est indispensable à la mise en oeuvre d'une véritable réinsertion sociale et professionnelle. Nous ne cessons de le répéter depuis des jours, voire des semaines. C'est pour cela que le groupe UDF s'attachera à l'humaniser et à le responsabiliser.
    Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, vous n'avez pas le monopole de la solidarité républicaine ! Le Gouvernement l'a suffisamment montré. Nous sommes tous ici pour trouver les moyens de la promouvoir.
    Mme Nadine Morano. Très bien !
    M. Rodolphe Thomas. Et elle passe aussi par la mise en place d'un revenu minimum d'activité que, quoi qu'en disent les syndicats et les associations de réinsertion, beaucoup de gens attendent. Les associations devront être accompagnées - et elles attendent un message fort du Gouvernement - mais il est important que nous puissions travailler avec elles.
    J'entends toujours parler de la fermeture de Metaleurop. Permettez-moi de rappeler qu'il y a trois ans, sous votre gouvernement, 3 000 emplois ont été balayés dans mon département, avec la fermeture de Moulinex, qui était notre fleuron national. Vous avez tendance à avoir la mémoire courte.
    Mme Nadine Morano. Vous avez raison de le rappeler !
    M. Jean Le Garrec. On ne l'a pas nié !
    M. Rodolphe Thomas. Oui, il faut réhabiliter le travail. Cela passe aussi par le revenu minimum d'activité. Il faut donner la possibilité à la fois aux bénéficiaires de ce nouveau dispositif et aux entreprises, notamment commerciales et artisanales, de s'insérer dans cette politique d'insertion sociale et professionnelle. Le projet de loi de M. Fillon répondra à cet objectif.
    Cela étant, les entreprises seront présentes à condition qu'il y ait une volonté politique de développement économique dans notre pays. Sans cela, les bénéficiaires du RMA ne pourront s'inscrire dans cette dynamique.
    C'est à nous - et le Gouvernement s'y engage - d'avoir la volonté de développer le tissu économique de nos entreprises pour, par la suite, créer de l'emploi, encore de l'emploi, toujours de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'exclusion sociale, hélas, ne date pas d'aujourd'hui. Pourtant, les sociétés démocratiques devraient en avoir fini avec elle. Tous les hommes naissent libres et égaux en droits.
    La réalité nous montre, d'abord, que les formes anciennes d'exclusion sont loin d'avoir disparu comme le montrent les multiples discriminations ou vexations dont sont victimes, par exemple, les gens du voyage, les personnes de confession israélite, les personnes issues de l'immigration ou les homosexuels, ensuite, et surtout, qu'à ces formes traditionnelles s'en sont ajoutées d'autres, le plus souvent liées au chômage.
    Depuis plus de quinze ans, notre société tente de répondre à la situation complexe de celles et ceux qui n'ont jamais connu d'autre condition que celle d'exclus. Sortir de la misère totale, quand l'illettrisme, l'absence de logement décent, une santé précaire et l'isolement se sont conjugués durant une longue période de la vie, demande à la personne qu'on invite à s'insérer un effort quasi insurmontable. C'est la construction d'une personnalité qu'appelle l'insertion, ce qui va bien au-delà du simple retour à l'emploi.
    En cela, la loi de 1988, votée à l'initiative du gouvernement de Michel Rocard, qui instaurait le revenu minimum d'insertion, suivie, dix ans plus tard, sous le gouvernement de Lionel Jospin, de la loi de lutte contre les exclusions, répondait à ce défi de notre société. Il ne s'agissait pas de soulager la misère, il s'agissait d'intervenir sur ses causes et de reconnaître chez les exclus la dignité de la personne humaine.
    Cela suppose des modalités d'insertion diverses, mises en oeuvre dans le respect des personnes qui, seul, peut leur permettre de rester membres à part entière de la société, et leur éviter de devenir des assistés. Cette préoccupation de la nation est marquée par un long processus de construction de dispositifs d'insertion qu'il faut sans cesse adapter en fonction de la réalité.
    Mais le projet que vous nous présentez aujourd'hui n'a pas pour objet d'améliorer les dispositifs existants. Force est de constater qu'il traduit, une fois encore, le recul de la solidarité nationale.
    Il est profondément injuste et dangereux de laisser croire que les personnes touchées par l'exclusion et bénéficiaires du RMI se complaisent dans leur situation et profitent des mesures d'aide.
    Au risque d'en surprendre beaucoup, je ferai trois mises au point.
    Premièrement, le RMI n'est pas un luxe et le revenu qu'il procure est d'un montant très insuffisant pour vivre décemment. Contrairement à ce que l'on entend souvent, l'écart entre le SMIC et le RMI s'est considérablement accru depuis quinze ans.
    Deuxièmement, le RMI n'est pas une rente et il procure des revenus imprévisibles. Son mode de calcul différentiel, avec une logique familiale et des conséquences en chaîne sur d'autres allocations, est, en effet, particulièrement complexe.
    Troisièmement, le RMI n'est pas un dispositif pour les plus « paresseux » mais, dans des conditions de grande précarité matérielle, d'isolement et en l'absence d'accompagnement adapté, il est très difficile de retrouver un emploi stable. L'aspiration au travail des allocataires du RMI est généralement très forte. On peut en juger par les risques qu'ils prennent parfois en acceptant des emplois précaires, aux conditions de travail pénibles, pour un gain financier minime, voire nul.
    Monsieur le ministre, attention aux propos qui stigmatisent les plus fragiles de notre société !
    Pourtant, l'adaptation du RMI à l'évolution de notre société est nécessaire.
    Mais le projet que vous nous présentez aujourd'hui dans la précipitation et sans concertation constitue à la fois la création d'une nouvelle catégorie de main-d'oeuvre à très bon marché et la relégation définitive d'une grande partie des bénéficiaires du RMI à la marge de notre société.
    Vous le savez, et cela vient d'être dit, le bénéficiaire du revenu minimum d'activité sera particulièrement désavantagé par rapport à un salarié de droit commun et même par rapport au bénéficiaire d'un contrat emploi-solidarité, dispositif que vous supprimerez prochainement. Son salaire demeurera inférieur au seuil de pauvreté pour un travail à mi-temps. Ce revenu ne sera pas intégralement assujetti au versement des cotisations sociales, retardant d'autant l'ouverture des droits pour le chômage et la retraite. Le droit à la formation n'existe pas. La référence à une durée maximale du temps de travail n'est pas précisée et l'employeur n'a aucun intérêt à privilégier un contrat de travail à temps complet, puisque le montant de la subvention versée est le même pour un contrat à temps partiel et à temps complet.
    Nous savons tous aujourd'hui que l'insertion des personnes en difficulté s'inscrit dans un parcours, qu'elle suppose un accompagnement, des étapes, des référents de qualité. Elle implique aussi des actions en faveur de l'accès au logement, à la santé et à l'éducation. Dans votre projet, vous ne l'évoquez à aucun moment.
    Certes, il vous serait difficile de rappeler l'action publique sur ces domaines alors même que vous diminuez, pour la deuxième année consécutive, les crédits nécessaires à une véritable politique de solidarité nationale dans les domaines que je viens de citer, à savoir le logement, la santé et l'éducation.
    En refusant d'aligner le salaire de ces contrats sur les conventions collectives des employeurs, en écartant le principe que toute heure travaillée doit apporter un supplément de revenu, en repoussant toute possibilité de formations adaptées, vous offrez au secteur marchand, à la veille de Noël, le plus beau des cadeaux : une main-d'oeuvre à très bas prix, des subventions pour l'embaucher et une docilité assurée de la part de ces employés car, à la moindre revendication qu'ils pourraient formuler, ils courent le risque de voir leur contrat dénoncé, entraînant de fait la suspension de la dernière allocation qui leur reste pour survivre.
    Au-delà du développement de cette main-d'oeuvre à bon marché, vous favorisez par votre projet de loi la relégation définitive d'une grande partie des bénéficiaires du RMI à la marge de notre société. En effet, il est demandé aux allocataires de remplir des obligations dont la mention leur sera faite lors de la signature du contrat. Par ce contrat, vous engagez le chômeur à trouver un emploi. Mais comment peut-il honorer les termes de ce contrat lorsque l'emploi fait défaut ?
    Je prendrai l'exemple de mon département, la Nièvre. Depuis dix-huit mois, les plans sociaux se succèdent et les services publics se retirent, entraînant d'importantes suppressions de postes et des situations dramatiques pour les familles concernées. Imaginez, dès lors, des personnes bénéficiaires du RMI signant un contrat par lequel elles s'engagent à trouver un travail dans un bassin d'emploi fortement touché par la crise ! Elles ne pourront y arriver, et la logique de votre projet de loi veut qu'elles soient alors exclues de ce dispositif.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais où avez-vous vu ça ?
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le ministre, nous sommes favorables à tout ce qui peut améliorer et conforter l'insertion par l'emploi et les conditions pour y parvenir. Car, lorsque l'on fait progresser ces questions, c'est la France qui avance.
    Or, votre projet apporte moins de droits et ne réforme pas les faiblesses du RMI. C'est donc un recul que vous nous imposez au moment où la France a besoin d'avancer.
    Au fond, votre projet s'inscrit dans le modèle de société que vous nous dessinez et où « il y a celles et ceux qui voyagent en première classe, celles et ceux qui voyagent en seconde, celles et ceux qui voyagent debout. Mais il y a aussi celles et ceux qui, n'ayant pas de place du tout, sont jetés sur le ballast. » (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ces mots, écrits il y a quinze ans dans le cadre de la préparation de la loi sur le RMI, vont prendre dès demain tout leur sens : de par l'application de votre loi, un grand nombre de Français vont connaître de très près le ballast, c'est-à-dire l'exclusion la plus totale.
    Enfin, votre projet constitue une nouvelle étape dans le démantèlement de la législation du le travail.
    Aujourd'hui, vous expérimentez sur les personnes fragilisées - car c'est plus facile - un nouveau cadre où la déréglementation s'impose en tant que « règle ». Nous sommes enclins à penser que, demain, vous étendrez ce cadre à l'ensemble des salariés.
    Nous avons entendu les associations et les institutions qui accompagnent au quotidien toutes celles et ceux qui sont touchés durement par les aléas de la vie et nous partageons leur inquiétude. Je veux redire ici tout le respect que je leur porte pour la noblesse de la tâche qu'elles accomplissent.
    M. Maurice Giro. Ça ne coûte pas cher !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Elles auraient mérité que leurs propositions soient pour la plupart retenues.
    Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, monsieur le ministre, de différer votre projet et de consacrer les efforts de l'Etat au renforcement des moyens de lutte contre les exclusions et à la mise en oeuvre d'une réelle politique publique en faveur de l'emploi, à l'image de ce qui avait été réalisé sous le gouvernement de Lionel Jospin,...
    M. Edouard Landrain. Tu parles !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Avec le succès que l'on sait !
    M. Alain Gest. Il y avait longtemps qu'on n'avait pas entendu parler de lui !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. ... pour garantir la cohésion sociale qui, elle, reste un objectif prioritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.
    M. Rodolphe Thomas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons plus accepter qu'au xxie siècle des familles entières soient paupérisées et privées d'emploi. Il faut proposer à toutes ces personnes fragilisées et éloignées de l'emploi des solutions.
    Créé en 1988, le RMI n'est plus adapté à la recherche d'une activité professionnelle, surtout après de nombreuses années passées sans emploi. Comme chacun le sait, dans la majorité des cas, le « I » de RMI ne fonctionne plus. Pourtant c'était tout l'intérêt de ce dispositif : allouer une aide à des personnes éloignées du travail pour qu'elles puissent sortir de l'exclusion.
    Aujourd'hui, rien au sein même du dispositif du RMI ne permet aux allocataires de se réinsérer rapidement dans le monde du travail. En effet, ces contrats d'insertion ont un effet temporaire, qui consiste essentiellement à favoriser l'accès aux emplois aidés du type contrat emploi solidarité. Ils n'augmentent pas significativement les chances des allocataires de regagner la vie active.
    Nous devons donc relancer l'insertion de ces allocataires que le marché de l'emploi n'intègre plus. Considérés à tort - j'insiste sur ce point - comme peu productifs et attractifs, les allocataires du RMI se trouvent dans une impasse. Pourtant leur employabilité est fort différente d'une personne à l'autre ! Les bénéficiaires du RMI sont loin de constituer un ensemble homogène.
    Le dispositif du RMA que vous nous proposez aujourd'hui doit être, j'insiste, une politique incitative permettant un retour effectif et durable à l'emploi. Le RMA vise des personnes qui ne peuvent accéder à l'emploi dans les conditions ordinaires du marché du travail et pour lesquelles un temps d'adaptation est nécessaire, mais surtout - et nous ne le rappellerons jamais assez - le nouveau dispositif n'a pas vocation à concerner l'ensemble des bénéficiaires du RMI ! Par ailleurs, comme vous l'avez annoncé, les 100 000 contrats programmés pour 2004 doivent aussi absorber les allocataires de l'ASS.
    Le Sénat a parfaitement pris en compte cette diversité en proposant de moduler la durée de travail d'un bénéficiaire du RMA en fonction de ses capacités, de ses attentes et, bien sûr, de son projet professionnel.
    Le dispositif RMA est ainsi plus fexible. Il s'adapte à la diversité des publics des bénéficiaires du RMI et aux besoins des bénéficiaires du RMA. Les chances d'insertion s'en trouvent nettement accrues, et c'est une excellente chose.
    Par ailleurs, pour un bénéficiaire d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité - CI-RMA -, n'oublions pas l'impact psychologique que peut constituer le bénéfice d'un vrai revenu du travail, et non plus d'une allocation. Bénéficier du revenu de son travail, cela signifie, pour une population trop longtemps laissée au bord de la route, retrouver sa dignité.
    Le RMA doit s'inscrire dans le cadre d'un vrai contrat de travail. Un bénéficiaire du RMA doit avoir les mêmes droits que tout autre salarié, notamment en matière de protection sociale. Ce point est crucial ! C'est d'ailleurs l'une des principales revendications des acteurs de terrain que j'ai rencontrés lors d'auditions ou lors des rencontres que j'ai pu avoir avec des délégations de manifestants !
    Votre projet ne met pas suffisamment l'accent sur la reconnaissance sociale du bénéficiaire du RMA. Pourtant, c'est dans cette reconnaissance que, à mes yeux, doit se trouver le fondement même du RMA.
    Vous l'avez compris, l'UDF souhaite humaniser le dispositif RMA en le calquant au plus près des besoins. Car ce sont d'hommes et de femmes que nous parlons aujourd'hui !
    En tant qu'élu local, j'ai, comme nous tous, une expérience de ce sujet. J'insiste, mes chers collègues, sur l'importance de ce débat. Le choix que nous avons à faire aujourd'hui aura un impact considérable sur des personnes souvent isolées, désocialisées et qui cumulent les difficultés.
    La réflexion que nous menons doit s'inscrire dans un cadre plus large. Prenons en compte les besoins et attentes des bénéficiaires, qu'il s'agisse de protection sociale, de formation, d'accompagnement, d'actions personnalisées ou de temps de travail. Ces points sont cruciaux si l'on veut inscrire ce dispositif dans un véritable processus incitatif de retour à l'emploi, à la fois attrayant pour les employeurs et, il ne faut pas l'oublier, pour les bénéficiaires.
    J'ai déposé des amendements pour tenir compte de ces attentes. Je pense tout particulièrement à celui qui propose une incitation à l'embauche sous contrat à durée indéterminée des personnes ayant au préalable contracté un CI-RMA.
    Seule une politique d'insertion pérenne, notamment dans le secteur marchand, pourra permettre aux employeurs d'intégrer ces publics, en contrepartie d'une réelle valeur ajoutée au travail.
    Comme vous le rappeliez à juste titre, monsieur le ministre, le secteur des entreprises est la meilleure voie pour rendre pérennes les emplois de demain. Les contrats jeunes en entreprise, qui ont été votés l'année dernière, en sont un remarquable exemple. En effet, les entreprises restent les plus à même de transmettre ce qui constitue leur valeur et leur savoir-faire : responsabilité du travail, et travail bien fait !
    Aussi, il nous faut améliorer le texte sur ce point en créant, pour les bénéficiaires du RMA, une externalisation durable du dispositif, notamment dans le secteur marchand. Et cela ne peut se concevoir - ne nous voilons pas la face - que par des aides incitatives à l'embauche sous contrat à durée indéterminée d'un bénéficiaire du RMA. Le groupe UDF et moi-même avons présenté un amendement en ce sens.
    Votre politique à destination du secteur marchand doit, monsieur le ministre, être soutenue et complétée dans le cadre du RMA. Les entreprises doivent pouvoir bénéficier, au même titre que le secteur non marchand, d'exonérations de charges sociales pour l'embauche d'un allocataire du RMI sous contrat insertion - revenu minimum d'activité, tout comme elles doivent être incitées à pérenniser les emplois qu'elles auront créés.
    Nous ne voulons pas d'un cadeau fait aux entreprises pour embaucher de la main-d'oeuvre « bon marché », comme nous l'entendons ici et là, mais d'une incitation à employer durablement des personnes professionnellement et parfois socialement exclues.
    En l'état actuel du texte, les personnes qui ne seront pas embauchés en fin de contrat RMA retourneront directement au RMI. Le secteur marchand est un secteur porteur d'avenir, mais il est avant tout un secteur concurrentiel. Les entreprises seront donc moins à même d'embaucher et d'intégrer des allocataires du RMI qui, pour certains, auront besoin d'un laps de temps suffisamment long pour se réadapter aux contraintes liées à un travail. Nous devons donc les y inciter.
    Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de ne pas retomber dans l'écueil des expériences passées, notamment celle des emplois jeunes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour lesquels aucun dispositif de sortie et aucune formation réellement valorisante n'avaient été mis en place.
    Les bénéficiaires du RMA ont besoin que l'on multiplie leurs chances de réussite à un accès durable à l'emploi, et cela passe aussi par des actions de formation qualifiante. Il faut rappeler que les faibles niveaux de formation et de qualification constituent les plus fortes barrières pour accéder à un emploi ou à une formation qualifiante.
    Chacun doit tenir son rôle pour répondre aux multiples exigences d'une politique d'insertion réussie : l'employeur, acteur direct de l'emploi et de la formation, les services sociaux en charge de l'accompagnement, les collectivités territoriales, qui doivent initier des politiques d'insertion pragmatiques, mais aussi, bien sûr, les associations et entreprises d'insertion, lieux privilégiés de socialisation !
    Ces structures d'insertion permettent de retisser le lien social, d'encadrer et de sécuriser toutes ces personnes en difficulté, souvent désocialisées. Elles travaillent suffisamment en amont de l'exclusion, en menant une véritable politique d'insertion sociale, préalable nécessaire à une politique d'insertion professionnelle efficace.
    Ce parcours d'insertion pour le bénéficiaire d'un contrat d'insertion - revenu minimum d'activité est double : il doit combiner une insertion professionnelle et une insertion sociale. C'est pourquoi le groupe UDF a décidé de donner toute leur place, dans ce dispositif, aux associations intermédiaires et entreprises d'insertion qui effectuent sur le terrain, nous le savons tous ici, un travail remarquable en direction des personnes les plus fragilisées.
    Pour finir, je tenais à aborder un sujet très controversé : l'obligation dévolue aux départements de consacrer à l'insertion un crédit annuel au moins égal à 17 % des allocations de RMI versées l'année précédente dans le département. La décentralisation ne doit pas avoir de conséquences négatives sur les minima sociaux. Elle ne doit ni augmenter la précarité de ceux qui se trouvent déjà dans des situations incertaines ni engendrer des disparités dans le versement des minima sociaux.
    En conclusion, monsieur le ministre, le groupe UDF salue votre volonté de favoriser l'emploi et de relancer de la politique d'insertion par des mesures incitatives. Nous devons croire en chaque potentiel humain, à la capacité de chacun à surmonter les handicaps de la vie, pour enfin retrouver une dignité et un rôle à jouer dans notre société.
    Deux points restent à éclaircir : la date d'application du projet ainsi que les moyens humains et financiers qui seront associés à la décentralisation du RMI et à la création du RMA. Notre vote dépendra par conséquent du sort qui sera réservé à nos principaux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous avons appris qu'allait être soumis au Parlement un projet de loi de décentralisation du revenu minimum d'insertion et de création du revenu minimum d'activité préparé à la hâte, sans réelle concertation avec celles et ceux qui connaissent le mieux les réalités de l'exclusion - je veux parler, vous l'avez deviné, des associations de lutte contre l'exclusion, des travailleurs sociaux et des universitaires -, nous nous sommes montrés très sceptiques.
    S'il est indéniable que le « I » du RMI n'a pas fonctionné, s'il est de notre responsabilité en tant qu'élus de tout mettre en oeuvre pour apporter des réponses au problème de l'exclusion économique et sociale des plus fragiles de nos concitoyennes et concitoyens, nous ne pouvions pas pour autant faire abstraction du fait que cette initiative gouvernementale intervient après la remise en cause des 35 heures, le refus de pérenniser les emplois de dizaines de milliers de jeunes, l'abrogation des mesures anti-licenciement inscrites dans la loi de modernisation sociale, la suppression de postes d'assistants d'éducation et le dynamitage du système de retraite par répartition.
    De fait, au regard des quarante et un articles du projet de loi initial, amendé à la marge par le Sénat en première lecture, force est de constater que nos inquiétudes se sont révélées tout à fait fondées que nous avions même sous-estimé le danger.
    Ce qui nous est proposé avec le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, c'est tout simplement du jamais vu dans la régression sociale !
    Le problème qui nous est posé par ce projet de loi est absolument inédit.
    Nous savons bien que, depuis longtemps, le MEDEF se bat pour avoir des CES dans le secteur marchand. Il n'a jamais réussi. Aujourd'hui, le RMA lui apporte une réponse encore plus satisfaisante. Il faut rappeler des vérités que certains cherchent à estomper.
    Ainsi, pour vingt heures au SMIC pendant dix-huit mois, renouvelables tous les six mois, l'employeur chargé de verser la totalité du RMA au bénéficiaire, soit 545 euros nets par mois, percevra une aide du département équivalente au montant du RMI pour une personne isolée, diminué du forfait logement, soit 362,30 euros. Le différentiel à la charge de l'employeur s'établira donc à 183 euros, et c'est uniquement sur cette base que seront calculées les cotisations sociales. Il faut le faire ! C'est vraiment du jamais vu dans ce pays.
    Il s'agit là d'un aspect très choquant : pour la première fois, une allocation à la personne sera versée à l'employeur. Selon nous, cette formule ne sera d'ailleurs pas sans soulever des problèmes de constitutionnalité.
    Quoi qu'il en soit, ce revenu mixte entre une prestation sociale et un salaire fait les affaires de l'employeur, qui peut disposer d'une salarié vingt heures minimum par semaine, en assumant seulement 47 % du coût dans le secteur marchand, et 37 % - l'Etat montre l'exemple - dans le secteur non marchand. On devine aisément l'effet d'aubaine que constituerait un tel allégement du coût du travail, en particulier dans les secteurs de la grande distribution, du nettoyage ou encore de la restauration, qui ont massivement recours à une main-d'oeuvre peu qualifiée. Demain, il vaudra mieux embaucher quatre salariés sur la base d'un contrat d'insertion RMA qu'un salarié à temps plein au SMIC horaire sur la base d'un CDI ou même d'un CDD.
    Derrière le RMA, se renforce une logique que l'on peut qualifier soit d'assouplissement, comme M. Seillière, soit de flexibilisation à outrance du droit du travail, comme les syndicats, les associations et moi-même.
    Aujourd'hui, combien de salariés savent que, selon le code du travail, le recours au contrat à durée déterminée a uniquement pour objet de répondre à une surcharge de travail exceptionnelle ou au remplacement d'une employée en congé de maternité ? Peu d'entre eux, sans doute, puisque, dans les faits, cette forme de contrat est utilisée comme un mode normal de gestion des ressources humaines de l'entreprise. Bravo les DRH !
    Le RMA, tel que vous l'avez conçu, monsieur le ministre, ne fait rien d'autre que d'ajouter de la précarité à la précarité ! C'est encore plus clair lorsque l'on se place du côté du bénéficiaire du RMA. Jamais un contrat n'a été aussi atypique, pour ne pas dire plus. Il ne constitue ni un contrat de travail ni un contrat aidé. Le signataire de ce contrat n'est même pas considéré comme un salarié, et la somme qui lui est versée est qualifiée de revenu, et en aucun cas de salaire. Vrai ou pas ?
    Le gain résultant du RMA sera tout juste supérieur à 1 000 francs mensuels. Vous pouvez essayer de me démontrer le contraire ! J'espère bien qu'on va en débattre car ce sont les vraies questions !
    On sait que reprendre une activité ne vaut réellement la chandelle que si c'est pour en finir avec l'enchaînement des situations instables de précarité qui empêchent toute projection dans l'avenir, toute construction de son devenir et de celui de sa famille. Cela ne vaut la peine que si et seulement si le surplus de revenu escompté est à même de couvrir les frais de transport, d'habillement, de garde des enfants qu'entraîne l'exercice d'un emploi. Le RMA n'a même pas l'ambition d'être incitatif au niveau économique.
    Il n'est même pas proposé au bénéficiaire du RMA une couverture sociale totale comparable à celle d'un salarié à temps partiel travaillant dans les mêmes conditions. Est-il acceptable que ses droits à l'assurance chômage, à l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse soient à ce point rognés ? Cela en devient indécent et insultant pour la dignité de ces hommes et de ces femmes !
    Je ne donnerai qu'un seul exemple, particulièrement parlant : un an de RMA permettra la validation d'un seul trimestre de retraite. Les salariés à mi-temps, eux, peuvent valider quatre trimestres par an. Trouvez-vous ça concevable ?
    Autre élément particulièrement choquant du dispositif : la récupération sur succession, pourtant absente du RMI.
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais non !
    M. Maxime Gremetz. Je sais bien, mais un décret non publié peut être publié à tout moment, n'est-ce pas monsieur le ministre ? Nous avons de pleines caisses de lois dont le décret n'a pas été publié. Vu les intentions qui sont les vôtres, il faut faire attention ! Le décret est pris dans un bureau, sans débat au Parlement !
    Le RMA, tel qu'il est proposé par le Gouvernement, est en définitive un OVNI totalement dérogatoire au droit commun.
    Dès lors, nous rejetons fort logiquement l'idée selon laquelle le RMA serait un outil de lutte contre l'exclusion. Il demeure un contrat précaire d'une durée de six mois reconductible deux fois, ce qui, au passage, constitue une nouvelle entorse au droit commun, et rien ne garantit qu'au sortir de ce dispositif le bénéficiaire se verra proposer un emploi stable et gratifiant. C'est bizarre !
    M. Patrick Roy. C'est bien le problème !
    M. Maxime Gremetz. Il y en a plein, de problèmes, et cela concerne tout le droit du travail et le droit des salariés.
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Lorsque nous ouvrons le dictionnaire, monsieur le ministre, nous ne lisons sans doute pas la même définition du mot « insertion ».
    Selon le sociologue Patrick Werquin, un emploi stable « possède un ensemble de caractères parmi les suivants : stabilité, durabilité, unicité de l'employeur, plein temps, rémunération au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance, protection sociale, bonne cohérence entre la formation reçue et l'activité exercée ». Ce n'est pas très révolutionnaire ! Sans conteste, le RMA ne possède quasiment aucune de ces caractéristiques.
    Pour nous, député-e-s communistes et républicains, qui avons auditionné de nombreuse associations de lutte contre l'exclusion, insertion ne saurait rimer ni avec chômage ni avec contrats de dix-huit mois maximum sans perspective de lendemain.
    De surcroît, compte tenu de l'état actuel du marché de l'emploi, il est fort à craindre que le RMA concerne un public tout à fait différent que le public visé a priori, c'est-à-dire un public très éloigné de l'emploi.
    Derrière les chiffres officiels du chômage, qui tutoient la barre symbolique des 10 %, mais qui, surtout, sont largement minorés en raison de manipulations statistiques successives, se cache la réalité de l'explosion de l'emploi précaire. De 1982 à 2000, selon les enquêtes emploi de l'INSEE, dont vous disposez comme moi, le nombre de salariés ayant un statut précaire a été multiplié par trois, passant de 700 000 à plus de deux millions, sans compter tous les contrats aidés, qui sont aussi des contrats précaires. Au cours de cette période, le nombre de contrats d'intérim a été multiplié par 3,2 tandis que le nombre de stages et de contrats aidés a été multiplié par 5,4.
    On peut observer, comme l'a fait le sociologue Serge Paugam, que la précarité de l'emploi est un facteur qui explique le recours à l'assistance. Les salariés sont, en effet, conduits à s'adresser de façon épisodique aux services d'action sociale pour obtenir des aides financières, en raison de la faiblesse et de l'irrégularité de leurs revenus.
    Or, niant la pertinence de tous les travaux menés sur les questions de la précarité et de l'exclusion, du haut de vos préjugés, qui témoignent de votre profonde méconnaissance de ces questions (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous prétendez l'inverse. Ce serait le trop-plein d'assistance qui expliquerait le taux de chômage. Si l'on vous suit, c'est l'assistance qui crée l'assistance. Or tous les travaux montrent et démontrent que ce sont les emplois précaires et misérables qui créent l'assistance.
    Au-delà de cette question de fond, au regard de la multiplication du nombre de parcours précaires, on peut surtout redouter que les employeurs saisissent l'opportunité du RMA pour embaucher les salariés les plus employables, c'est-à-dire celles et ceux qui ont le plus d'expérience professionnelle, qui sont les plus diplômés, ou encore qui sont considérés aptes à supporter les cadences de travail. On pense en particulier à ceux qui, après des CDD de trois mois, se retrouvent au RMI. Aujourd'hui, 32 % des personnes qui s'inscrivent à l'ANPE le font au motif que leur CDD est arrivé à son terme. C'est un chiffre officiel et indiscutable. Il n'en faut pas plus pour saisir les ambiguïtés fondamentales de votre projet de création des RMA. Le risque est grand que nombre de CDD à temps partiel se voient, au final, remplacés par d'un RMA, bien moins coûteux pour les employeurs. Et ceux qui ont un CDD depuis des années, au mépris de la loi, on les embauchera en RMA.
    Si ce scénario se réalisait, ce sont les moins exclus des exclus qui seraient concernés par le dispositif. La lutte contre l'exclusion ne serait plus qu'un prétexte pour porter une nouvelle fois atteinte au droit du travail et, plus généralement, à la notion d'ordre public social.
    Définitivement, tous les moyens ne sont pas bons, même s'il s'agit de défendre de grandes causes telle que la lutte contre l'exclusion. Dès lors, au diapason de toutes les associations de lutte contre l'exclusion, associations seules à même de porter la parole des exclus qui n'osent plus dire leur souffrance, victimes de la conspiration du silence et rangés au rang de parias sommés d'intérioriser un sentiment de culpabilité, nous avons réagi conformément à nos valeurs et à une certaine idée du respect de la personne humaine.
    Compte tenu du rapport de force et faute de pouvoir empêcher la mise en oeuvre de ce véritable sous-contr«at de travail, nous avons entrepris de déposer une série d'amendements susceptibles d'en réduire autant que possible la nocivité.
    Ces amendements répondent à deux types de considérations.
    D'abord, nous entendons faire en sorte que les signataires d'un RMA soient considérés et traités comme les autres salariés dans des conditions aussi proches que possible de celles garanties par le droit commun. Ainsi, nous avons essayé d'oeuvrer pour que les droits sociaux des bénéficiaires soient identiques à ceux accordés aux autres salariés à temps partiel. Nous avons souhaité que ces salariés disposent d'un droit à la formation, conformément à l'accord signé par l'ensemble des organisations syndicales et patronales le 20 septembre dernier. Nous avons veillé à ce que soit mis en place un dispositif de sortie vers l'emploi stable, afin que les bénéficiaires du RMA puissent poursuivre leur démarche d'insertion.
    Par ailleurs, nos amendements visent, dans la mesure du possible, à moraliser le dispositif et, partant, à limiter l'effet d'aubaine. Nous réaffirmons notre volonté que soient interdit le recours à un RMA lorsque l'employeur a procédé à un licenciement pour motif économique au cours de l'année précédente. Il est indispensable que soit prohibée l'embauche d'un RMA pour occuper un poste résultant de la rupture d'un contat à durée déterminée. De même, afin d'éviter la succession de salariés sur un même poste, nous souhaitons que soit observé un délai de carence de trois mois entre l'embauche de deux salariés en RMA. Enfin, nous avons voulu que le nombre de RMA ne dépasse pas 5 % de l'effectif total de l'entreprise.
    A ce stade de mon exposé, il me faut parler de la qualité des travaux de la commission des affaires culturelles la semaine dernière. M. le président de la commission a d'ailleurs salué leur hauteur de vues. Je me dois de souligner l'implication de la rapporteure, Mme Christine Boutin. Nous avons co-signé certains de ses amendements, tandis que certaines de nos propositions étaient adoptées, voire améliorées. Durant deux jours, tous les commissaires, en dépit des divergences politiques qui les opposent, ont adopté une démarche résolument constructive. Le texte voté par la commission est très différent de celui déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale, c'est vrai. J'ai entendu que M. Estrosi en voulait à Mme la rapporteure. Mais nous allons la défendre ! (Rires.)
    M. Michel Voisin. Quelle classe !
    M. Maxime Gremetz. Le caractère primordial des mesures d'insertion sociale étroitement liées au retour à l'emploi a été réaffirmé. L'obligation de l'inscription de crédits d'insertion équivalant à 17 % des sommes versées par les départements au titre du RMI a été rétablie.
    M. Christian Estrosi. Crédits que vous ne consommez jamais dans les départements communistes !
    M. Maxime Gremetz. Les caractéristiques du contrat d'insertion ont été précisées dans un sens respectueux de la dignité des bénéficiaires.
    M. Maxime Gremetz. Vous avez été battu en commission. Soumettez-vous à l'avis majoritaire !
    L'avis conforme de la commission locale d'insertion, en cas de suspension du RMI pour non-respect des clauses d'insertion, sera requis. Le recours à exercer contre une décision de suspension pour ces motifs sera suspensif. Le droit de recours sera ouvert aux associations. Vous ne supportez pas cela, mais vous n'aurez pas tous les pouvoirs !
    M. Christian Estrosi. C'est vous qui êtes anti-social, parce que vous ne faites pas d'insertion ! Ne donnez donc pas de leçons à ceux qui en font !
    M. Maxime Gremetz. Les principes d'un délai de carence entre les deux contrats d'insertion RMA et de leur contingentement ont été adoptés. La protection sociale des bénéficiaires a été alignée sur le droit commun et c'est la chose la plus importante.
    M. le président. Monsieur Gremetz, il va falloir vous acheminer vers votre conclusion.
    M. Maxime Gremetz. Le bénéficiaire du RMA se voit accorder la qualité de bénéficiaire du RMI, ce qui est un filet de sécurité très important contre les effets dramatiques d'une rupture sèche du RMA.
    M. Michel Voisin. C'est nouveau ! Avant, il n'y avait pas de parachute !
    M. Maxime Gremetz. C'est quelque chose de très nouveau. Mais, avec vous, tout ce qui est nouveau nous tire vers le bas ! C'est extraordinaire !
    Mme Nadine Morano. Mais non !
    M. Michel Voisin. N'importe quoi !
    M. le président. Monsieur Voisin, laissez M. Gremetz se diriger vers sa conclusion !
    M. Maxime Gremetz. Vous voyez, on m'interrompt sans cesse. C'est insupportable ! Quand ils seront calmés, je parlerai !
    M. le président. Monsieur Gremetz, je décompte ces interruptions de votre temps de parole. Vous pouvez compter sur mon sens de l'équité.
    M. Maxime Gremetz. Nous avons de longues nuits devant nous, mesdames et messieurs. Gardons nos forces.
    M. Michel Voisin. Et notre calme !
    M. Maxime Gremetz. Nous n'en sommes qu'au début. C'est une mise en jambes.
    En outre, en commission, conformément à nos voeux, des garanties ont été apportées au volet décentralisation du RMI. Des amendements ont été ainsi adoptés afin, d'une part, d'assurer une compensation financière intégrale et, d'autre part, de repousser l'entrée en vigueur de la décentralisation du RMI aux départements, n'en déplaise à M. Estrosi.
    M. Michel Voisin. Ce n'est pas mieux ?
    M. Maxime Gremetz. Ces amendements méritent d'être adoptés et je ne doute pas qu'ils le seront. D'ailleurs, le projet de loi initial du Gouvernement constitue la pire campagne de promotion de l'acte II de la décentralisation version Raffarin. S'il n'était pas modifié, il est certain que les inégalités entre départements en seraient sévèrement accrues. Parmi les grands perdants figureraient soit les bénéficiaires du RMI, soit les contribuables locaux, et très certainement les deux. Il serait possible de s'attarder longuement sur ce dispositif pour en démontrer le caractère inique et inadapté.
    M. Michel Voisin. Inadapté ?
    Mme Nadine Morano. Inique ?
    M. Maxime Gremetz. Inadapté et inique. Vous pouvez continuer : j'adore le débat.
    Sans entrer dans le détail, l'exemple des mesures avancées en matière de compensation financière des charges transférées aux départements est éloquent. A vrai dire, le dispositif proposé par l'article 3 de ce projet et complété par l'article 40 du projet de loi de finances pour 2004 est proprement inconstitutionnel.
    Monsieur le ministre, comprenons-nous réellement la même chose lorsque nous lisons l'article 72-2 de la Constitution, introduit à l'occasion de la révision constitutionnelle du 28 mars dernier ? Je ne le crois pas. Cet article dispose en effet que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »
    M. Michel Voisin. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas ce qu'il y a dans le RMA. Le constat est accablant. Au terme de votre projet, monsieur le ministre, les transferts financiers sont sciemment sous-évalués. La question de la péréquation et, partant, de l'égalité territoriale est dramatiquement occultée. Enfin, le principe d'expérimentation est mystérieusement méconnu.
    Ainsi, la commission des finances du Sénat a observé que l'instauration du RMA entraînera mécaniquement un surcoût pour les départements provisoirement estimé à 14 millions d'euros dès la première année. De même, la contre-réforme de l'allocation de solidarité spécifique entraînera non seulement une augmentation des souffrances sociales, mais encore un basculement de dizaines de milliers de personnes - 130 000  en tout - dans le dispositif RMI, sans que la compensation financière ait été prévue au bénéfice des départements.
    Par ailleurs, ce texte ne prévoit pas non plus la compensation de la traditionnelle majoration dite « prime de Noël ». Si son existence n'est pas remise en cause - ce qu'on ne saurait imaginer -, le coût restera à la charge des départements.
    En outre, les dépenses administratives liées à la gestion du RMI par les DDASS et les caisses sociales, chiffrées à 193 millions d'euros par Mme Nicole Prud'homme, présidente de la CNAF, ne sont actuellement pas remboursées par l'Etat, et il est à craindre qu'il en soit encore ainsi demain.
    Enfin, dans un contexte que le Premier ministre a qualifié de « récessif » et où l'évolution des dépenses engagées au titre du RMI est préoccupante, une multitude de questions se posent quant au choix de transférer une portion du produit de la TIPP, étant donné que l'assiette de cette taxe est l'une des moins « dynamiques ».
    Ces remarques suffisent amplement à montrer à quel point ce projet de loi constitue un parfait contre-exemple de ce que pourrait être une décentralisation à l'écoute des préoccupations des Français et, partant, à justifier l'adoption des amendements présentés par la commission.
    M. le président. Monsieur Gremetz...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est une motion de procédure ? Il y en a pour une heure et demie ?
    M. Maxime Gremetz. Au final, monsieur le président,...
    M. le président. Au final !
    M. Maxime Gremetz. ... même si, à nos yeux,...
    M. le président. Ce n'est pas une exception d'irrecevabilité, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Pas du tout, je respecte mon temps de parole !
    M. le président. Vous l'avez dépassé de 30 %, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !
    M. le président. Et j'ai décompté les interventions de M. Voisin. Veuillez conclure.
    M. Maxime Gremetz. Au final, même si, à nos yeux, il est encore possible de renforcer les droits des bénéficiaires du RMA sur un certain nombre de points, les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont manifestement tout fait pour rendre le texte moins mauvais en s'employant à conjuguer sens de la responsabilité et humanité. Faut-il, pour autant, tempérer notre opposition au projet gouvernemental ? Nous ne le croyons pas, je l'ai précisé en commission. En effet, rien ne garantit - c'est le moins que l'on puisse dire, et je suis très modéré - que le ministre et le Gouvernement, soutenus et pressés par le MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, et Mme Nadine Morano. Et Liliane Bettencourt ?
    M. Maxime Gremetz. ... suivront la commission, bien au contraire !
    De surcroît, même amendé, ce projet de loi ne répond pas au souci de lutte contre l'exclusion qui nous anime tous. Il réussit l'exploit de faire l'unanimité contre lui parmi les associations de lutte contre l'exclusion, les travailleurs sociaux et les universitaires.
    Comme l'a dit en commission notre collègue Denis Jacquat, « le texte est loin d'être parfait ; il est même décevant en ce qu'il est décliné ni comme il était voulu ni comme il était prévu. » Ecoutez M. Jacquat, c'est un spécialiste en la matière. Les députés communistes et républicains vont plus loin, même s'ils sont conscients du fait que le I du RMI ne fonctionne pas convenablement...
    M. Michel Voisin. Le A fonctionnera !
    M. Maxime Gremetz. ... ils posent la question de l'opportunité d'un tel texte qui concentre tous les défauts et ne peut servir qu'à faire bénéficier les employeurs d'effets d'aubaine au détriment des intérêts des exclus et, plus largement, de la collectivité. Au demeurant, les salariés titulaires d'un RMA seront indubitablement pénalisés au regard des dispositions en vigueur de la loi du 29 juillet 1998, dite loi d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion. Cette loi permet déjà le cumul, pour une période donnée, du RMI et d'un salaire. A ma connaissance, elle n'est pas encore abrogée, monsieur le ministre.
    M. le président. Monsieur Gremetz, ce n'est plus un final !
    M. Maxime Gremetz. C'est un final dynamique ! Cette loi a prévu de favoriser la reprise d'une activité professionnelle par le cumul possible des minima sociaux et d'un revenu d'activité, afin d'aider les personnes les plus en difficulté à faire face aux dépenses induites par le retour à l'emploi. L'évaluation des effets de cette loi est absente du dossier fourni par le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; elle est également absente du rapport. Il n'est surtout nulle part fait mention de la demande exprimée par les associations d'un contrat unique d'insertion qui romprait avec une multiplicité de statuts n'ayant pour seul et unique horizon que la « flexibilisation » du droit du travail.
    Je tiens cependant à préciser, pour conclure, que notre opposition à ce projet est clairement constructive : elle n'entend pas mettre un point final à nos travaux. Elle appelle la reprise d'un travail de fond, en concertation avec les associations, les travailleurs sociaux, les départements et les organismes instructeurs, afin de déterminer des réponses pertinentes à apporter à l'exclusion, des réponses susceptibles de comprendre réellement et pleinement les difficultés rencontrées par nos concitoyennes et nos concitoyens.
    C'est dans la droite ligne de cette démarche que nous défendrons demain la motion de renvoi en commission.
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous avez dépassé de 50 % votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Non !
    M. Michel Voisin. Monsieur Gremetz, nous ne sommes pas sur le même méridien !
    M. Maxime Gremetz. C'est M. Voisin qui m'ennuie toujours !
    M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano.
    Mme Nadine Morano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis dix-huit mois, le Gouvernement a su prendre à bras-le-corps les deux préoccupations principales des Français, les deux dossiers que nos prédécesseurs nous ont laissés en héritage : l'insécurité, qui est en passe d'être vaincue par la politique offensive du Gouvernement, et l'emploi, qui, dans un contexte économique difficile, appelle la politique volontaire, déterminée que vous venez d'engager, monsieur le ministre.
    L'emploi dépend d'abord de la compétitivité de nos entreprises, que nous avons voulu favoriser en assouplissant les 35 heures dans un esprit conciliant l'efficacité économique et les garanties données aux salariés...
    M. Patrick Roy. Plan social sur plan social !
    Mme Nadine Morano. ... et que nous avons renforcée par une politique ambitieuse d'allégements des charges.
    L'emploi dépend aussi d'une politique cohérente qui cible clairement ses objectifs.
    M. Patrick Roy. Le chômage !
    Mme Nadine Morano. Elle vise d'abord les jeunes, à travers les contrats d'entreprises, dont le 100 000e vient d'être signé. C'est un succès et je comprends que cela dérange l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Elle concerne ensuite les plus modestes, à travers l'augmentation de la prime pour l'emploi et l'harmonisation par le haut des six différents niveaux de SMIC, issus de l'application de la loi sur les 35 heures,...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !
    Mme Nadine Morano. ... qui assurera un treizième mois à plus de 1 million de personnes ayant des revenus modestes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je comprends que cela vous dérange aussi !
    M. Didier Migaud. C'est une escroquerie de dire cela ! Vous savez que ce n'est pas vrai !
    Mme Nadine Morano. Enfin, cette politique s'occupe de ceux qui connaissent le plus de difficultés, avec la relance des CIE, dont le nombre sera augmenté de moitié en 2004.
    Mes chers collègues, la politique pour l'emploi est un choix de société.
    M. Maxime Gremetz. Ah oui !
    Mme Nadine Morano. Ce choix place le travail, le droit au travail et l'accès au travail au coeur de notre action. Le travail est une valeur fondatrice de notre pacte social.
    M. Maxime Gremetz. Oui ! Et il faut en donner aux millions de chômeurs !
    Mme Nadine Morano. Ce simple constat devrait nous réunir, mais le travail a, hélas, été fortement décrédibilisé par l'application dogmatique des 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et sacrifié à la vision électoraliste à court terme du précédent gouvernement qui a gaspillé les fruits de la croissance pour financer sa prétendue bonne conscience sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Didier Migaud. Le disque est rayé !
    M. Maxime Gremetz. C'est toujours le même refrain ! Il faut innover !
    Mme Nadine Morano. Dans un pays où l'ambition personnelle et professionnelle était découragée, nous entendons les demandes récurrentes des Français qui veulent privilégier le travail par rapport à l'assistanat.
    Conformément aux engagements du Président de la République,...
    M. Didier Migaud. Oh, là, là !
    Mme Nadine Morano. ... vous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, une réforme d'ampleur qui place les personnes en difficulté au coeur de nos préoccupations et de notre action, afin de les aider à emprunter, par un accompagnement personnalisé, le difficile chemin du retour à l'emploi.
    M. Patrick Roy. Baratin !
    Mme Nadine Morano. Aussi, permettez-moi, d'une part, de saluer l'excellent travail de Christine Boutin, rapporteure de ce texte, qui, au-delà de ses qualités humanistes, reconnues par tous, a su susciter et enrichir le débat,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai ! Bravo !
    Mme Nadine Morano. ... preuve, s'il en était besoin, de la grande diversité des élus de l'UMP.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas un godillot !
    M. Maxime Gremetz. Elle est bonne, mais déjà un peu politicienne !
    Mme Nadine Morano. D'autre part, monsieur le ministre, vos qualités d'écoute et votre esprit d'ouverture, ont permis à la représentation nationale d'enrichir ce texte.
    Ce projet a une triple ambition : faire du revenu minimum un véritable outil d'insertion ; par la décentralisation, gagner en proximité et en efficacité ; par le RMA, aider au retour à l'emploi durable.
    Chacun s'accorde à dire que le RMI ne remplit pas sa mission d'accompagnement vers l'emploi. Ce qui était conçu comme une prestation temporaire est malheureusement devenu, pour plus du tiers des allocataires enserrés dans le dispositif depuis plus de trois ans, un revenu permanent d'existence.
    Votre projet, portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA, répond à ce constat, puisqu'il contribue à favoriser la réinsertion plutôt que le maintien dans l'exclusion.
    Vous rappelez un récent sondage, selon lequel 67 % des personnes interrogées se prononcent pour un soutien dégressif aux chômeurs en fin de droits.
    Mme Martine Billard. C'est le nombre de Français qui veulent la démission de Raffarin !
    Mme Nadine Morano. Cela ne signifie nullement que notre pacte social doit être remis en cause. Nos concitoyens ont tout simplement compris qu'il était inacceptable de laisser indéfiniment une personne en marge de la société.
    M. Maxime Gremetz. C'est pour ça que si peu de Français soutiennent Raffarin !
    Mme Nadine Morano. La solidarité nationale est vaine lorsqu'elle confine à l'ostracisme. Sous de fallacieux prétextes de défense de l'intérêt des allocataires de minima sociaux, certains refusent tout changement et rejettent le processus décentralisateur qu'ils ont eux-mêmes engagé vingt ans auparavant.
    M. Didier Migaud. C'est le démantèlement de l'Etat !
    Mme Nadine Morano. Pourtant, l'intérêt réel des allocataires du RMI ne se trouve certainement pas dans le maintien du statu quo.
    Nous ne pouvons pas succomber à la tentation de l'immobilisme, qui serait nécessairement coupable, tant nous savons, sur tous ces bancs d'ailleurs, que le dispositif actuel ne répond pas aux besoins d'insertion des bénéficiaires du RMI.
    Le groupe UMP, pour sa part, est convaincu que, lorsque près de deux millions de nos concitoyens sont en difficulté,...
    Un député du groupe socialiste. Six millions !
    Mme Nadine Morano. ... notre devoir est de tout mettre en oeuvre pour améliorer leur quotidien et leur redonner confiance en l'avenir.
    M. Patrick Roy. Plans sociaux sur plans sociaux !
    Mme Nadine Morano. Le RMI, vous le savez bien, a parfois été décrit comme une trappe à inactivité, ce qui a trop souvent stigmatisé ses bénéficiaires. Ce projet de loi apporte des solutions concrètes pour que notre société ne laisse plus personne sur le bord de la route.
    La décentralisation du RMI apportera plus de cohérence et de proximité au dispositif d'insertion. Dans le même temps, la création du RMA répondra aux attentes de nombreux bénéficiaires du RMI en quête de réinsertion sociale, pour rompre enfin la spirale de l'exclusion.
    Mes chers collègues, depuis 1988, les adaptations successives du dispositif ne sont jamais parvenues à conférer au RMI une efficacité réelle en termes d'insertion. Alors que, en 1996, 21 % des contrats aidés étaient signés par des allocataires du RMI, ce ratio est tombé à 13 % en 2001. Cette dégradation est une preuve irréfragable des insuffisances des politiques publiques en ce domaine.
    Le texte soumis à notre examen se fonde sur un diagnostic largement partagé - ayez au moins l'honnêteté de le reconnaître, mesdames, messieurs de l'opposition -, fruit d'une réelle concertation qui a duré plus de six mois, et il faut vous en rendre hommage, monsieur le ministre. L'ensemble des critiques exprimées, tant par les acteurs que par les observateurs, ont été prises en considération dans une démarche cohérente et efficace.
    Car notre deuxième ambition s'inscrit dans la continuité de la révision constitutionnelle que nous avons adoptée en mars dernier : donner plus d'efficacité par la proximité.
    Le « maquis » du copilotage, dans lequel nombre d'allocataires se sont perdus, est en grande partie responsable de l'inefficacité du volet insertion du RMI, comme le souligne un rapport de l'ODAS de 2003. Le projet de loi opère une clarification salutaire en confiant l'ensemble des compétences en matière de décisions individuelles au président du conseil général.
    Certains s'inquiètent de cette « concentration » des pouvoirs.
    M. Patrick Roy. Et ils ont raison !
    Mme Nadine Morano. Le groupe UMP, quant à lui, y voit une marque de confiance (« C'est vrai ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de responsabilisation, ainsi qu'une juste reconnaissance de la qualité du travail de proximité accompli par les exécutifs départementaux en matière sociale depuis le début des années 80.
    M. Patrick Roy. Ça fera des impôts en plus !
    Mme Nadine Morano. L'hypocrisie des opposants au projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - et je les ai bien écoutés - consiste à défendre un système prétendument intangible, alors que nous savons, comme eux, que le RMI est un échec partiel.
    M. Didier Migaud. Et les présidents de conseils généraux à majorité de droite qui ont demandé un report, ils sont tous hypocrites ?
    Mme Nadine Morano. L'efficacité du dispositif passe par une redéfinition claire du rôle de chaque organisme. Depuis le président du conseil général, jusqu'à l'allocataire du RMI, chacun aura un rôle essentiel dans la concrétisation de l'objectif prioritaire du RMI : l'insertion durable des bénéficiaires.
    Les critiques exprimées par la Cour des comptes sur l'engorgement administratif des CLI - et vous les avez relevées, monsieur le ministre - ont été entendues, puisque les commissions locales d'insertion verront leur activité recentrée sur l'animation de l'offre locale d'insertion, alors que la charge de l'enregistrement des contrats individuels sera transférée aux conseil généraux.
    Sur ce point, la commission a examiné un amendement de Mme la rapporteure tendant à soumettre la décision de suspension du versement de l'allocation de RMI à un avis conforme de la CLI.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. On verra !
    Mme Nadine Morano. Une telle disposition me semble, ainsi que pour la majorité des membres de l'UMP, contraire à l'esprit du texte car elle contredit la décentralisation en confiant à un organisme nommé un véritable pouvoir décisionnel. Nous aurons l'occasion d'en débattre ultérieurement lors de l'examen des articles.
    M. Alain Vidalies. Oui, car ce n'est pas clair !
    Mme Nadine Morano. La création d'un référent, compétent pour la mise en oeuvre des différents aspects sociaux, éducatifs, sanitaires et économiques du contrat d'insertion, permettra à l'allocataire du RMI d'avoir un interlocuteur unique pour l'assister efficacement et de façon personnalisée dans son retour à la vie active. Je vous rappelle que le public concerné est un public très fragilisé, qui a besoin d'un accompagnement très spécialisé.
    Quand deux tiers des allocataires restent dans le dispositif plus d'une année après y être entrés, il n'est plus possible de s'appuyer sur les contrats aidés traditionnels, qui sont manifestement inadaptés aux besoins spécifiques des allocataires du RMI de longue durée, prisonniers d'une intolérable spirale de l'exclusion.
    Mes chers collègues, notre ambition est aussi de concrétiser, pour les plus fragilisés, leur droit à la dignité par le retour au travail.
    Le RMA est le chaînon manquant entre l'assistanat total et le salariat. C'est une innovation sans précédent pour les bénéficiaires du RMI de longue durée. Il s'agit d'un contrat accompagné, adapté et incitatif.
    M. Maxime Gremetz. Paroles ! Paroles !
    Mme Nadine Morano. Le CI-RMA se fonde sur un constat simple : les publics en difficulté ne sont pas une population homogène. L'erreur des précédentes politiques sociales aura été de concevoir des contrats aidés identiques pour tous les allocataires de minima sociaux. Le CI-RMA rompt avec cette tradition et ne s'adresse qu'à une catégorie particulière de bénéficiaires du RMI.
    Certains allocataires sont suffisamment proches de l'emploi pour en retrouver un, seul ou avec l'assistance de l'ANPE - un tiers des allocataires sort du dispositif moins d'un an après y être entré. Pour d'autres, le retour à un emploi ordinaire s'avère illusoire au regard de leur situation personnelle - handicap, incapacité professionnelle, entre autres. Il existe enfin une catégorie intermédiaire pour laquelle rien n'était prévu jusqu'à présent : le CI-RMA s'adresse à eux, c'est-à-dire à ceux qui sont éloignés de l'emploi et qui ont besoin d'une aide progressive dans leur retour à la vie active, synonyme de resocialisation.
    Les anciens bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité pourront également être signataire d'unCI-RMA sans condition de durée, et le groupe UMP se réjouit de l'engagement pris par M. le ministre de réexaminer la base de la compensation financière à la fin de l'année 2004,...
    M. Didier Migaud. Réexaminer ? Cela ne veut pas dire grand-chose !
    Mme Nadine Morano. ... pour tenir compte d'une éventuelle augmentation du nombre des allocataires résultant de la réforme de l'ASS.
    Le Gouvernement n'a prévu aucun mécanisme coercitif pour obliger l'allocataire du RMI à accepter un CI-RMA.
    M. Maxime Gremetz. Mais le conseil général pourra décider de lui supprimer le RMI !
    Mme Nadine Morano. En ce domaine, la contrainte paraît inutile, voire dangereuse, car la réinsertion n'est envisageable qu'avec une volonté et une motivation sans faille de la part de l'allocataire.
    Le projet de loi comporte de nombreuses incitations à la reprise d'activité. Ainsi, le signataire d'un CI-RMA bénéficiera d'un véritable contrat de travail à temps partiel. A ce propos, je voudrais citer Jean-Baptiste de Foucauld, président d'une association d'insertion,...
    M. Patrick Roy. Qui est d'ailleurs contre ce projet !
    Mme Nadine Morano. ... qui, en 1988, lors de l'examen du projet de loi créant le RMI, a écrit dans Le Monde : « Ce n'est pas la même chose d'accomplir vingt heures de travail par semaine en contrepartie d'une allocation et sous un statut mal défini, que d'être employé vingt heures, par cette même association, mais en bénéficiant d'un contrat qui confère des droits et des devoirs normalement reconnus par la collectivité. »
    M. Maxime Gremetz. S'il y a contrat, il y a salaire !
    M. Alain Vidalies. Et voilà !
    Mme Nadine Morano. L'obtention d'un contrat de travail est une étape essentielle dans la resocialisation.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas un scoop !
    Mme Nadine Morano. De même, ce contrat prévoira des actions d'accompagnement renforcé en termes d'emploi, de formation professionnelle, et surtout de suivi individualisé.
    M. Alain Vidalies. Pour être original, c'est original !
    Mme Nadine Morano. Enfin, les droits connexes au RMI, tels que la couverture maladie universelle, les aides au transport et les réductions tarifaires, seront maintenus pour le signataire et sa famille.
    L'attractivité du CI-RMA dépend notamment du gain procuré par la reprise d'activité. L'élargissement de l'assiette des cotisations sociales aurait un effet indésirable et désincitatif puisque la rémunération nette du bénéficiaire serait fortement réduite. Il est préférable de considérer que la rémunération n'est pas un salaire, mais bien un revenu, afin de conserver l'attractivité du dispositif. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Le RMA est un contrat aidé original en ce qu'il sera mis en oeuvre de manière identique dans le secteur privé et dans le secteur public. Il est facile de multiplier les emplois aidés à la charge des collectivités, très facile, mais c'est le secteur marchand qui est porteur d'emplois durables.
    Monsieur Gremetz, vous avez stigmatisé les employeurs. Or ce sont de véritables créateurs d'emplois dans le secteur marchand. Reconnaissez-leur au moins cette grande qualité !
    M. Maxime Gremetz. Voilà ! Nous y sommes !
    M. Christian Estrosi. Bravo, madame Morano !
    Mme Nadine Morano. Certains, comme M. Gremetz, parlent d'un effet d'aubaine. C'est oublier que le CI-RMA est un engagement réciproque entre l'employeur et le salarié, dont le conseil général est garant. En contrepartie de ses obligations en termes de tutorat, de formation professionnelle et de suivi individualisé, l'employeur bénéficiera d'un allégement de charges qui prendra la forme d'une aide départementale.
    C'est pour mettre en oeuvre cette ambition - plus d'efficacité et plus de cohérence au service de la dignité des plus fragilisés - que nous avons choisi d'agir vite,...
    M. Maxime Gremetz. Et mal !
    Mme Nadine Morano. ... dès le 1er janvier 2004. En effet, pour nous, il est intolérable de laisser des personnes sur le bord de la route dans un pays tel que la France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) N'est-ce-pas, monsieur Gremetz, vous qui représentez le parti communiste ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le groupe UMP soutient votre projet de loi, monsieur le ministre, car il contient les principes d'une véritable politique de l'emploi : du réalisme, de la volonté, des outils, mais aussi du coeur.
    Mme Nadine Morano. L'efficacité d'une politique sociale ne se mesure pas au nombre de personnes aidées mais au nombre de personnes qui n'ont plus besoin d'être assistées.
    M. Maxime Gremetz. Absolument ! Mais avec vous, le chômage, ça y va !
    Mme Nadine Morano. Tel est l'enjeu de ce projet de loi, que nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Merci, madame Morano, d'avoir respecté votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Elle ne l'a pas respecté !
    M. le président. Si, monsieur Gremetz, à la seconde près !
    M. Maxime Gremetz. Vous n'êtes pas obligé de le faire remarquer !
    M. le président. Au contraire, c'est mon rôle !
    La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le ministre, quinze ans après sa création par le gouvernement de Michel Rocard, vous nous proposez aujourd'hui de confier la gestion du RMI aux départements. Je fais partie de celles et ceux qui croient à l'idée de décentralisation. Cependant votre projet appelle un certain nombre de remarques, car les conditions de mise en oeuvre de cette décentralisation ne sont pas satisfaisantes.
    En effet, dans quel cadre peut-on confier aux collectivités locales la lutte contre l'exclusion et la politique d'insertion, afin qu'il n'en résulte pas des effets pervers remettant en cause la solidarité nationale ? La réponse à cette question est essentielle, quand on sait que le texte adopté par le Sénat supprime l'obligation pour les conseils généraux de consacrer 17 % des crédits aux actions d'insertion. Or l'expérience nous montre que si certains départements - et ils sont nombreux - ont fait preuve de dynamisme, d'imagination et de créativitié, d'autres n'ont pratiquement pas consommé les crédits d'insertion inscrits à leur budget.
    M. Patrick Roy. Eh oui !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. A cet égard, votre projet de décentralisation envoie un signal très négatif, car, en alignant la loi sur le comportement des départements les moins dynamiques, il n'encourage plus les départements à mener des politiques volontaristes. Cela marque un véritable retour en arrière au détriment de l'essentiel, c'est-à-dire les processus de réinsertion des individus eux-mêmes.
    Si les allocataires du RMI ne doivent pas être les victimes de cette évolution, les collectivités locales n'ont pas non plus à faire les frais de la décentralisation. Les inquiétudes exprimées à ce sujet sont grandes, comme le montre un document émanant de sénateurs proches la majorité, et sont largement justifiées, puisque les transferts de ressources prévus correspondent à un nombre de bénéficiaires qui devrait malheureusement s'accroître rapidement dans les mois qui viennent. L'ASS étant rendue plus restrictive, dans un contexte d'accroissement du chômage, le nombre d'allocataires du RMI à la charge des départements augmentera inévitablement.
    J'ai bien entendu parlé d'un réexamen de la compensation financière. Mais sur quelle base se fera-t-il ?
    Dans mon département, 10 000 à 15 000 personnes supplémentaires pourraient percevoir le RMI en 2004, entraînant un surcoût de l'ordre de 50 à 70 millions d'euros à la charge de Paris.
    Les conditions sont réunies pour provoquer une augmentation importante des dépenses des départements, sans que les dotations consentis par l'Etat n'évoluent parallèlement. Cela aurait au moins pu justifier, comme le réclament un certain nombre de sénateurs, un report du dispositif, au lieu de la « précipitation » actuelle motivée par des raisons strictement budgétaires.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non, par la lutte contre la précarité !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. J'en viendrai maintenant à la création de revenu minimum d'activité. Pour nous, et pour moi qui est passée ma vie dans le secteur marchand, il est évident que l'emploi est au coeur d'une insertion durable des individus. Toutefois, il me semble que votre gouvernement effectue un raccourci trompeur et dangereux : il privilégie une approche démagogique, martelant à l'opinion l'idée que l'on serait au RMI par « choix », et qu'il suffirait de « remettre au travail » les allocataires de ce qui n'est, rappelons-le, qu'un revenu de survie.
    Pour avoir siégé pendant six ans, un lundi par mois et pratiquement durant huit heures chaque fois, dans une commission d'insertion qui « faisait son boulot » en recevant les allocations en difficuté et en cherchant avec eux le meilleur moyen de les réinsérer, je sais à quel point les parcours de ces derniers sont très divers. Beaucoup ont connu une vraie carrière professionnelle avant de subir une longue période de chômage, et, dans la plupart des cas, les difficultés quotidiennes qu'ils rencontrent ne sont pas liées à la seule question de l'emploi.
    Or la mise en place du RMA résume la notion d'insertion au simple exercice d'une activité. Vous semblez oublier que l'insertion est un processus souvent long et difficile. Pour renouer avec l'emploi, recouvrer des droits essentiels est souvent un préalable nécessaire. En ne focalisant votre action que sur la seule activité économique,...
    Mme Christine Boutin. rapporteure. Ce n'est pas vrai !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. ... vous négligez - cela a été dit par Mme Mignon - des aspects fondamentaux de l'insertion, comme le logement, la santé et toutes les questions sociales.
    M. le président. Il faut conclure, madame Hoffman-Rispal.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Encore une minute, monsieur le président.
    Ce processus d'insertion se heurtera à un obstacle supplémentaire lorsque la personne titulaire d'un contrat RMA connaîtra, pour une raison ou pour une autre, un échec dans son retour à l'activité, éventualité qui n'est d'ailleurs pas prévue dans le texte. Ce sera pour la personne concernée une épreuve de plus, qui fragilisera en définitive son insertion.
    Le retour vers le travail salarié est pour beaucoup de personnes en situation d'exclusion un aboutissement. Créer un RMA réservé aux allocataires du RMI les plus anciens et donc souvent les plus fragilisés socialement, c'est, ainsi que cela a déjà été dit, mettre la charrue avant les boeufs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à  M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons est extrêmement sensible puisque il s'agit d'exprimer notre solidarité à toute une frange de population laissée pour compte en tentant de lui redonner un avenir et de faire en sorte qu'elle reprenne confiance dans notre société.
    Le projet de loi affiche deux ambitions : la décentralisation et l'insertion et professionnelle. Ce sont autant de préoccupations majeures de l'UDF. Reste que ce texte suscite quelques inquiétudes.
    Inquiétude d'abord quant à la décentralisation.
    Décentraliser ne doit pas être l'occasion pour l'Etat de se décharger financièrement sur les départements afin de réaliser un certain nombre d'économies. Décentraliser, c'est faire logiquement de la « proximité ajoutée » et efficace. Pour autant, il faut que les transferts de charge soient intégralement compensés selon une évaluation précise et annuelle, et surtout sans oublier la nouvelle charge induite par l'inexorable flux des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, qui va, si j'ose dire, arriver sur le « marché » de l'insertion.
    Il nous faut également veiller à ne pas augmenter la fracture départementale entre les collectivités riches et pauvres.
    M. Maxime Gremetz. Oui !
    M. Francis Vercamer. A cette fin, nous devons soit rétablir l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget au minimum 17 % des sommes consacrées l'année précédente au financement du RMI et des actions d'insertion - disposition supprimée par le Sénat -, soit mettre en place un système de péréquation permettant à la solidarité nationale de s'exercer encore harmonieusement sur l'ensemble du territoire afin d'éviter le risque d'un traitement inégalitaire et arbitraire des allocataires pour des raisons purement géographiques.
    Inquiétude également quant à l'insertion.
    Si le RMI a bien servi de filet de protection, la moitié des allocataires se sont pris les pieds dans ses mailles et n'ont pas bénéficié de contrats d'insertion.
    Une rumeur dévastatrice laisserait entendre que celui qui n'est pas en contrat d'insertion ne veut pas travailler.
    M. Maxime Gremetz. Voilà !
    M. Francis Vercamer. Vous avez d'ailleurs démenti cette rumeur, monsieur le ministre. Du reste, il n'est pas possible d'entendre ou de comprendre ce type de discours surréaliste ne tenant pas compte des disparités géographiques ou humaines. Il est encore moins toléré quand on vient, comme moi, d'une agglomération qui a perdu plus de 1 500 emplois depuis janvier !
    M. Maxime Gremetz. Exactement !
    M. Francis Vercamer. Lorsque l'on vit dans la précarité depuis des années, quand on est sous-qualifié, comment décrocher un emploi, même précaire, alors que les chômeurs dits « récents » n'en trouvent pas ? Cela tient de l'exploit.
    Osons dire clairement que l'insertion a connu un échec, non seulement parce que les moyens accordés pour l'accompagnement ont été dérisoires, mais aussi et surtout parce que le marché de l'emploi a changé, voire périclité.
    La conclusion s'impose : il faut développer des moyens humains et financiers à la mesure de l'ambition affichée, faute de quoi nous courons, une fois encore, à l'échec. Seule une évaluation régulière et personnalisée de l'allocataire, par un référent unique, peut permettre une orientation adaptée et souple et un cheminement vers l'emploi durable.
    Inquiétude enfin quant à la création du RMA.
    Nous regrettons que le projet de loi n'ait pas proposé une refonte totale de notre système d'insertion en créant un dispositif unique. On continue d'empiler et de multiplier des dispositifs qui vont forcément se télescoper et alourdir le droit du travail, lequel est déjà complexe.
    Chaque dispositif présente des contraintes et des avantages différents, et l'on peut craindre qu'employeurs potentiels ou allocataires aillent - si je puis dire - « faire leur marché » et choisissent le plus « rentable ». Ces dispositifs sont souvent rigides, tant pour les horaires que pour les publics visés. Or la création d'un mécanisme unique, d'un guichet social unique et d'une enveloppe financière unique, apporterait la souplesse nécessaire à des parcours d'insertion personnalisés et redonnerait une véritable chance à chaque allocataire. Le groupe UDF a déposé un amendement en ce sens.
    Par ailleurs, le RMA ne doit pas être un moyen de plus de dégonfler artificiellement les chiffres du chômage, mais un véritable tremplin vers l'emploi durable. Ce ne sont pas les chiffres que l'on vise, mais bien l'efficacité ; on ne traite pas de chiffres mais d'hommes et de femmes.
    Je donnerai un simple exemple : la durée préalable à l'accès au RMA. Pourquoi ne pas autoriser un accès immédiat ? Dès lors que la personne correspond à l'offre, pourquoi la faire attendre encore dans les couloirs de l'exclusion ? Je suis certain, monsieur le ministre, que ce n'est pas pour gagner du temps, mais chacun sait que plus le temps passe, plus la réinsertion est longue, ardue et coûteuse.
    Ce contrat étant attractif financièrement, il incite à la reprise d'activité. Mais - je l'ai déjà dit lors de l'examen du budget - ne confondons pas politique d'insertion et politique de l'emploi. Une politique de l'emploi doit inciter l'entreprise à embaucher, notamment en allégeant ses charges ou le coût du travail, pour favoriser la création d'un maximum d'emplois. Une politique d'insertion tend à faire accéder des personnes en situation de précarité aux emplois créés et à les y maintenir durablement, notamment par le biais de formations qualifiantes et d'un accompagnement social.
    Or, à la lecture du texte, on peut craindre, dans la pratique, une déviation du RMA, son utilisation pour recruter en entreprise des personnes dont l'employabilité ne justifie pas, en réalité, le recours à ce dispositif.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. Francis Vercamer. Contre ce qui pourrait constituer un tel abus du système, le texte ne semble pas contenir de véritable garde-fou.
    De même, certains allocataires risquent de continuer leur longue marche de contrats précaires en contrats précaires,...
    M. Maxime Gremetz. En effet !
    M. Francis Vercamer. ... le texte permettant à certaines entreprises d'officialiser une espèce de valse permanente de personnels à bas prix.
    M. Maxime Gremetz. Et ce n'est pas moi qui lui ai écrit son discours ! (Sourires.)
    M. Francis Vercamer. Certainement pas, monsieur Gremetz.
    En fait, pour l'UDF, le RMA doit être un véritable contrat de travail, avec un véritable salaire et la protection sociale indispensable, faute de quoi il sera considéré comme un contrat au rabais de plus, incapable de réduire la fracture sociale. Ne tombons pas dans le même piège que pour le dispositif emplois-jeunes, qui a laissé pour compte, cinq ans après, des milliers de jeunes. Ne reproduisons pas les erreurs que nous reprochions, naguère, à l'ancienne majorité.
    Le groupe UDF propose de déjouer l'« effet kleenex » par une pérennisation en fin de contrat RMA, compensée par une incitation fiscale attractive. Bien sûr, cette contrainte peut être considérée comme un frein pour les entrepreneurs. Mais rappelons que nous ne parlons que de 50 000 postes marchands ouverts, pour un public concerné dont les effectifs sont malheureusement bien plus larges. A minima, faisons en sorte, monsieur le ministre, que ces postes ouverts garantissent des contrats RMA de qualité.
    Laisser le texte en l'état serait aussi, humainement, prendre le risque grave de voir des bénéficiaires produire dix-huit mois d'efforts pour se retrouver, à la sortie, sur le pavé. Après avoir retrouvé l'espoir, ils seraient « cassés à vie », comme le dit ma collègue Anne-Marie Comparini, et même irrécupérables, car on peut craindre que beaucoup d'entre eux, écoeurés, ne se tournent définitivement vers d'autres modes de vie...
    Par contre, réinsérer une personne que les aléas de la vie ont conduite de l'ASSEDIC à l'ASS, puis du RMI au RMA, ce n'est pas seulement lui proposer un emploi précaire, c'est lui adresser, psychologiquement, un signe fort d'espoir, un signe de confiance que la société place en elle. Et cette confiance, qui lui permettra de se construire un avenir, elle ne la retrouvera qu'avec un contrat pérenne.
    Monsieur le ministre, le groupe UDF a toujours considéré que rapprocher le pouvoir des citoyens était le meilleur gage de l'efficacité, à condition de leur garantir l'égalité. C'est plus particulièrement vrai dans le domaine de la solidarité nationale. Le groupe UDF a toujours considéré - comme beaucoup d'entre vous, je n'en doute pas - que l'insertion sociale était une priorité pour une République fraternelle, surtout dans une conjoncture économique comme celle que notre pays subit actuellement. Aussi le groupe UDF compte-t-il sur vous pour accepter ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, quinze ans de RMI ont rendu possibles des améliorations fondées sur l'expérience et les remarques des associations, mais il reste beaucoup à faire, c'est indéniable. L'ensemble des associations de lutte contre l'exclusion et de réinsertion sociale se sont coordonnées pour faire des propositions, mais vous avez malheureusement refusé de vous appuyer sur elles pour élaborer votre projet de loi.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
    Mme Martine Billard. Or, suite à l'évolution du chômage et à l'apparition de nouveaux types d'emplois, le législateur a été amené à créer des dispositifs pour essayer de répondre à l'arrivée de nouveaux publics dans le RMI : jeunes et moins jeunes ; personnes éloignées de l'emploi et personnes proches de l'emploi ; personnes nécessitant une formation et personnes nécessitant un accompagnement social. C'est ainsi qu'ont été créés les CES, les CEC, les CIE, les chantiers d'insertion, le dispositif TRACE et tant d'autres. Au fil des années, ces dispositifs ont été empilés les uns sur les autres, avec les effets habituels de seuil et d'exclusion, faute de faire entrer tout le monde dans les cases.
    C'est pourquoi il aurait fallu approfondir l'idée du contrat unique d'insertion proposé par les collectifs associatifs de lutte contre l'exclusion, au lieu de quoi vous ajoutez de nouveaux dispositifs : le CIVIS, dont nous avons déjà discuté, et, aujourd'hui, le RMA. Serait-il si déshonorant d'améliorer des dispositifs existants, l'intéressement, par exemple, qui nécessitait réellement une amélioration ? Est-il toujours nécessaire, pour chaque nouveau gouvernement, de faire table rase de l'existant ?
    Monsieur le ministre, vous avez beaucoup insisté sur le RMI comme revenu d'assistance, évoqué ceux qui s'installeraient dans l'assistanat ; vous avez même parlé de « tradition d'assistanat ». Comment pouvez-vous imaginer qu'on puisse s'installer volontairement dans une survie à 411,70 euros par mois ? Comment pouvez-vous ne pas comprendre pourquoi des personnes perdent toute énergie pour rechercher du travail lorsqu'elles doivent courir d'un guichet à l'autre ou répéter toujours la même histoire personnelle afin de quémander quelques droits ? Toujours les mêmes angoisses : comment payer le loyer à la fin du mois ? comment payer l'électricité ? comment échapper à l'accumulation des dettes ? comment faire pour ne pas se retrouver à la rue ? comment éviter de se faire retirer ses enfants par la DDASS ? C'est cela, le quotidien de nombreux allocataires du RMI : l'espoir, toujours, de s'en sortir ; la déception, trop souvent liée aux refus d'embauche ou de formation qu'ils se voient opposer.
    Alors oui, il arrive un moment où les personnes perdent courage. Surtout lorsque le chômage augmente, car elles savent que les embauches sont alors réservées à ceux qui sont le plus proches de l'emploi. Et les allocataires actuels vont être rejoints par les « recalculés » des ASSEDIC, comme on dit aujourd'hui, qui subissent l'application rétroactive de la convention UNEDIC de décembre 2002, par les intermittents du spectacle, qui vont aussi se retrouver poussés vers le RMI, et par tous les chômeurs sortant de l'ASS courant 2004.
    Alors oui, il faut ouvrir la voie du retour à l'emploi ! Mais pour cela, il faut qu'il y ait de l'emploi. Oui au droit au travail, mais vous en avez une vision restrictive car lorsqu'il s'agit de renforcer les droits des salariés face aux licenciements, notamment boursiers, toute tentative législative de limiter le droit de licenciement est refusée, au nom de la liberté des entreprises.
    Ce projet de loi décentralise le RMI sans répondre aux situations dénoncées régulièrement par les associations de chômeurs et de lutte contre l'exclusion : le nombre de jeunes de moins de vingt-cinq ans à la rue est en augmentation ; le retour des femmes à l'emploi, après l'aide pour parent isolé, est bien difficile, quand les propositions se résument souvent à des contrats de travail avec horaires atypiques, incompatibles avec la garde d'enfants en bas âge. Cette décentralisation se fera à marche forcée, en concentrant dans les mains des présidents de conseil général la plupart des prérogatives et en limitant la participation des intervenants sociaux et des associations de lutte contre l'exclusion : il s'agit, en fait, d'une décentralisation-concentration. Et les départements devront avancer les fonds au moins jusqu'à l'automne 2005 pour les dépenses supplémentaires entraînées par le passage de l'ASS au RMI.
    Le RMA, pour sa part, va permettre d'offrir une main-d'oeuvre précaire et bon marché aux entreprises du secteur marchand. Il s'agit, ni plus ni moins, d'un mauvais CES pour le secteur privé, enfermant tout autant la majorité des personnes concernées dans des contrats sans espoir, pour la même durée de dix-huit mois, avec une protection sociale « immédiate », avez-vous dit, mais que je qualifierai, pour ma part, de « dérogatoires au droit commun », et un maintien des gens dans l'assistance à la sortie du dispositif, puisqu'ils n'auront pas cumulé de droits à la protection sociale.
    Le plus sage aurait été de retirer ce texte, ainsi que vous le demandaient les associations, qui sont tout sauf irresponsables, comme ATD Quart-monde, la FNARS, Aux captifs la libération ou d'autres, auditionnées par Mme la rapporteure. Devant votre refus, pour éviter le pire aux personnes qui seront soumises à ces nouvelles dispositions, il ne nous reste qu'à essayer de faire adopter les amendements que je défendrai au nom des députés Verts. Malheureusement, un certain nombre d'améliorations préconisées y compris par notre rapporteure et votées en commission ont été écartées au nom de l'article 40. Vous ne semblez pas vouloir les reprendre à votre compte et, c'est assez inquiétant, vous semblez même vouloir en refuser d'autres.
    Le Gouvernement est décidément plus prompt à reprendre à son compte les exonérations de cotisations patronales que les mesures intéressant les plus pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de 1988 sur le RMI était-elle une mauvaise loi ? La réponse est non. Est-elle allée au bout de son ambition ? La réponse, hélas ! est aussi non. Et, à entendre chacun des orateurs qui se sont exprimés ce soir, j'ai le sentiment que le « I » de RMI, pour tout le monde, est l'objectif qui n'a pu être atteint. On pourrait d'ailleurs se demander s'il ne faudrait pas plutôt parler de « RNI », « revenu de non-insertion »...
    De même, les loi Defferre de décentralisation de 1982 étaient-elles de bonnes lois ? Personnellement, je le dis clairement, si j'avais été député à l'époque, je les aurais votées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. C'est ce que vous dites maintenant !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais la droite avait voté contre !
    M. Christian Estrosi. Et je considère que, grâce à elles, notre pays a fait énormément de progrès.
    M. Jean-Yves Cousin. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi. Pour autant, les lois Defferre étaient-elles parfaites ? Elles ont montré leurs limites, notamment en matière de transferts de charges vers les collectivités, puiqu'elles ont conduit à une hausse de la fiscalité locale, devenue insupportable pour nos concitoyens dans certains départements, certaines régions, certaines communes.
    Vingt ans sans évolution se sont écoulés pour les lois de décentralisation de M. Defferre, et près de quinze ans pour la loi qui créait le RMI. Mais, avec votre texte, monsieur le ministre, qui constitue la première pierre de l'acte II de la décentralisation, nous accomplissons enfin un grand pas en avant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    D'une part, nous donnons de vrais moyens pour l'insertion et le retour à l'activité des plus faibles, des plus malheureux, des plus démunis de nos concitoyens, et, d'autre part, grâce à la loi constitutionnelle que nous avons votée au Congrès, à Versailles, au printemps dernier, les conseils généraux et autres collectivités disposeront désormais des moyens financiers, matériels et humains nécessaires pour pouvoir faire face à ces charges nouvelles. Voilà le pas important que nous sommes en train de franchir ensemble ce soir.
    Et, sincèrement, je ne comprends pas pourquoi celles et ceux qui sont à l'origine des lois de décentralisation de 1982 ou de la loi de 1988 sur le RMI, dont je reconnais la qualité,...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'auriez pas voté les lois Defferre !
    M. Christian Estrosi. ... stigmatisent cette nouvelle étape avec autant de force et d'énergie. Pourquoi n'avez-vous pas agi, depuis vingt ans, alors que la fiscalité locale ne cessait de grossir ? Prenons une référence récente : il y a deux ans, dans cet hémicycle, vous présentiez l'APA - que, sur le fond je ne conteste pas, car il était nécessaire d'apporter des solutions aux problèmes de nos anciens -, mais sans jamais prévoir les compensations nécessaires pour les collectivités.
    M. Francis Vercamer. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi. Je pourrais en dire autant pour les SDIS. Aujourd'hui, nous engageons le même type de démarche, mais en garantissant aux collectivités les transferts de moyens nécessaires.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est faux ! Lisez les rapports !
    M. Maxime Gremetz. Il le sait bien que c'est faux !
    M. Christian Estrosi. Nous consacrons le principe constitutionnel de transfert de compétences et de moyens assortis.
    Franchement, vous n'avez cessé de parler, ce soir, des risques financiers pour les conseils généraux.
    M. Augustin Bonrepaux. Bien sûr ! Dans les Alpes-Maritimes, vous avez les moyens !
    M. Christian Estrosi. Mais parlons-en tranquillement et calmement, monsieur Bonrepaux : quels risques financiers ?
    M. Augustin Bonrepaux. Dans les Alpes-Maritimes, aucun risque !
    M. Christian Estrosi. Le Gouvernement nous apporte des garanties que vous n'avez jamais prévues pour l'APA, les SDIS ou les mesures de la loi de démocratie de proximité...
    M. Augustin Bonrepaux. Quelles garanties ?
    M. Didier Migaud. Un examen, ce n'est pas une garantie !
    M. Christian Estrosi. ... pour le revenu minimum d'insertion, nous seront transférés des moyens financiers, matériels et humains correspondant au compte administratif 2003.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Calculé sur la base de 2003, cela ne suffira pas ! Lisez les rapports !
    M. Christian Estrosi. Vous demandez ce qui va se passer, avec l'ASS, pour l'UNEDIC.
    M. Maxime Gremetz. Bonne question !
    M. Christian Estrosi. Mais le Gouvernement a justement prévu des clauses de revoyure, notamment à mi-année 2004, en juillet, par exemple, et en fin d'année 2004. Il nous a déjà laissé entendre qu'il allait apporter des précisions dans ce domaine. Dès lors qu'il nous garantit que le compte administratif 2004, qui sera voté au printemps 2005 par la plupart des conseils généraux, sera la référence, quels risques financiers les conseils généraux supportent-ils ?
    M. Augustin Bonrepaux. Ils sont décrits dans le rapport !
    M. Christian Estrosi. Il n'y a plus le moindre risque financier.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous en reparlerons, monsieur Estrosi !
    M. Christian Estrosi. Vous devriez, au contraire, vous engager avec détermination et volontarisme dans cette direction.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'est le résultat du travail de la commission !
    M. Maxime Gremetz. Certains gens de droite ne comprennent vraiment rien !
    M. Christian Estrosi. D'ailleurs, je note que ceux qui, ce soir, sont intervenus avec le plus d'énergie contre ce dispositif, dirigent des départements communistes, comme la Seine-Saint-Denis, départements dans lesquels les taux de signatures de contrats d'insertion sont les plus faibles de France.
    M. Maxime Gremetz. Evidemment, dans les Alpes-Maritimes, il y a beaucoup de sous et peu de RMIstes !
    M. Christian Estrosi. Moi, je n'ai pas à rougir, je suis serein, car je préside le conseil général d'un département où le taux de contrats d'insertion signés atteint 75 % - je remercie d'ailleurs M. Le Garrec de m'avoir rendu hommage, à cet égard, tout à l'heure -, alors que la moyenne nationale est seulement de 48 %.
    Mme Nadine Morano. Dans mon département, en Meurthe-et-Moselle, c'est 30 %...
    M. Christian Estrosi. N'hésitons pas, je vous le dis, à être volontaires ! Pourquoi reculer d'un an alors que les démunis attendent de nous les réponses les plus rapides possible et que, dès le 1er janvier, avec volontarisme, nous pouvons régler tant de difficultés sociales ?
    M. Maxime Gremetz. Il a plein de fric, lui !
    Mme Nadine Morano. C'est surtout qu'il sait le gérer !
    M. Christian Estrosi. Pour faire encore référence à 1982, d'ailleurs, pouvez-vous me dire, mes chers collègues, qui êtes à l'origine, pour beaucoup d'entre vous - et je vous en rends hommage -, des lois de décentralisation de 1982, si les dépenses sociales des départements en faveur des plus démunis, depuis 1982, ont faibli ou progressé ? Je constate simplement que, grâce aux lois de 1982, sans transferts de moyens conséquents dans le domaine des personnes âgées, de la protection de l'enfance ou de la prévention spécialisée, les dépenses des départements en faveur de l'action sociale n'ont cessé d'augmenter. Il est donc démontré que, lorsqu'on a décentralisé, lorsqu'on a fait confiance aux acteurs locaux, les résultats ont été favorables aux plus démunis.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Et alors ?
    M. Maxime Gremetz. Les impôts augmentent toujours pour les mêmes !
    M. Christian Estrosi. Sur les 17 %, là aussi, pourquoi être frileux ? On fait confiance, oui ou non ?
    Mme Nadine Morano. Exactement !
    M. Christian Estrosi. Dès lors que l'on décentralise - et vous êtes les premiers décentralisateurs, encore une fois, je n'hésite pas à vous rendre cet hommage -, faisons confiance jusqu'au bout aux conseils généraux ! Ne pénalisons pas ceux qui, justement, parce qu'ils seront plus performants, verront les crédits gelés à cause d'un seuil ! Là encore, je suis très à l'aise, puisque, dans les Alpes-Maritimes, j'inscris 14 millions d'euros en faveur de l'insertion, c'est-à-dire 20 % du budget, alors que les 17 % ne représenteraient que 12 millions d'euros. Voilà de quoi répondre à ceux qui prétendent que les présidents de conseil général ne sont pas favorables à cette réforme.
    M. Augustin Bonrepaux. La majorité d'entre eux ne le sont pas, en effet !
    M. Christian Estrosi. Moi, je vous le dis, j'y suis très favorable.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous, peut-être !
    M. Didier Migaud. Mais vous êtes minoritaire !
    M. Christian Estrosi. Pourquoi y suis-je favorable ? Parce que, avec l'anticipation sur mon budget 2004 et l'organisation de mes services, je sais déjà que les 20 % que je place aujourd'hui sur l'insertion glisseront sur le retour à l'activité, c'est-à-dire que je vais forcément réduire ma participation au bénéfice du seul RMI pour la réorienter vers le RMA. Par conséquent, geler les crédits sur une base de 17 % serait complètement stérile, puisque la loi nous fait obligation de les reporter sur le budget suivant : cela priverait de nombreuses personnes d'un retour à l'activité. D'ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport de 2001, s'était déclarée inquiète de la grande difficulté rencontrée par un certain nombre de départements pour consommer les crédits inscrits en matière d'insertion, qui subissaient un report d'une année sur l'autre.
    Madame la rapporteure, vous avez souhaité lier la suspension du RMI par le président du conseil général à un avis conforme, et non plus motivé, de la commission locale d'insertion. Est-ce que, pour vous, le président de conseil général est une sorte de tyran qui, selon son humeur, s'amuse à suspendre des allocations à des RMIstes dans le besoin pour satisfaire une envie cruelle ?
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Caricature ! Tout ce qui est excessif est insignifiant !
    M. Christian Estrosi. Revenons à la réalité ! Redonnons au président de conseil général le rôle qui doit être le sien dans le pilotage du RMI et laissons aux CLI - Mme Morano avait raison d'insister sur ce point - compétence pour évaluer les besoins locaux et proposer d'améliorer l'offre d'insertion.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. On en reparlera !
    M. Christian Estrosi. Insertion professionnelle, mais insertion sociale aussi. Le projet de loi est résolument tourné vers l'insertion professionnelle, et je m'en réjouis. Dans mon département, plus de 40 % des crédits d'insertion, c'est-à-dire 5,6 millions d'euros, sont consacrés à des actions d'insertion professionnelle. J'entends des élus de l'opposition dire : « Avec ce projet de loi, vous n'allez faire que de l'insertion professionnelle. » Mais c'est faux ! Les sénateurs ont complété le texte sur ce point et Mme la rapporteure a également apporté des précisions importantes, afin de prévoir que les contrats d'insertion proposés pourront comporter des prestations d'accompagnement social.
    M. Maxime Gremetz. Après avoir démonté Mme la rapporteure, il essaie de se rattraper ! C'est formidable !
    M. Christian Estrosi. Chez moi, des mères isolées et exclues bénéficient d'actions de mobilisation spécifiques et les personnes le plus en difficulté sont suivies de près par des mesures d'accompagnement social renforcé. Je suis d'ailleurs très fier du combat que je mène contre l'illettrisme, qui me permet de réinsérer un grand nombre d'hommes et de femmes accidentés de la vie, trop longtemps écartés d'un retour vers l'insertion.
    Ces actions en faveur de l'insertion sociale, elles existent dans de nombreux autres départements. Dès lors, pourquoi croire que nous allons, par cette réforme, ne nous intéresser qu'à l'insertion professionnelle ? C'est une contre-vérité sans fondement ! En matière d'insertion professionnelle, il va de soi que la création du RMA s'annonce comme un formidable outil pour les départements.
    M. Maxime Gremetz. Ah ?
    M. Christian Estrosi. Jusqu'à présent, les conseils généraux travaillaient plutôt dans le cadre de contrats aidés type CES ou CEC,...
    Mme Martine Billard. Mais c'est pareil !
    M. Maxime Gremetz. C'est le monde à l'envers !
    M. Christian Estrosi. ... c'est-à-dire dans le cadre du secteur dit non marchand. Aujourd'hui, nous allons pouvoir mobiliser le secteur marchand avec l'emploi d'allocataires par des employeurs privés grâce au « contrat insertion-RMA ». Les acteurs de l'insertion sociale vont encourager l'emploi d'allocataires du RMI en contrat insertion-RMA, notamment dans le secteur marchand. Le but, mes chers collègues, ce n'est pas, comme j'ai pu l'entendre, de permettre aux méchants patrons d'employer presque gratuitement des miséreux.
    M. Maxime Gremetz. Ils se trompent ! Pour le baron Seillière, c'est interdit !
    M. Christian Estrosi. C'est, au contraire, de permettre aux bannis, aux exclus, aux malheureux, de sortir définitivement du système RMI grâce à l'insertion par le travail et au retour à la dignité.
    M. Maxime Gremetz. C'est le monde à l'envers !
    M. Christian Estrosi. Dans un premier temps, la sortie du RMI se fera par la formidable opportunité que représente le RMA pour ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi et, dans un deuxième temps, ces personnes passeront du RMA à un emploi durable. C'est l'objectif de cette réforme et c'est celui que devra se fixer chaque département. C'est pourquoi il me paraît primordial de conserver un délai d'ancienneté pour qu'un allocataire du RMI puisse prétendre à un RMA. Le RMA doit, en effet, être destiné aux plus éloignés du marché du travail, et non à ceux qui peuvent entreprendre des démarches autonomes de recherche d'un emploi, par exemple.
    Les entreprises doivent jouer un rôle majeur dans le dispositif du RMA, car elles peuvent offrir aux plus démunis la possibilité de s'en sortir et de se réintégrer. Monsieur le ministre, vous l'avez dit vous-même, il faut avant tout encourager le secteur marchand, seul secteur créateur d'emplois véritablement durables.
    M. Maxime Gremetz. C'est lui qui licencie !
    M. Christian Estrosi. Pourquoi se méfier toujours des entreprises ?
    M. Maxime Gremetz. Et les plans de licenciement économique ?
    M. Christian Estrosi. Monsieur Gremetz, soyez respectueux !
    M. Maxime Gremetz. Alors, qu'il ne ne dise pas de telles contrevérités !
    M. Christian Estrosi. Dans mon département, j'ai conclu de formidables partenariats avec le monde de l'entreprise dans un ensemble de domaines ! Je peux vous parler du monde du handicap ! Des entreprises recrutent des handicapés dans des proportions importantes, et elles le font avec enthousiasme ! Elles le font en leur donnant une dignité de citoyens ! D'autres recrutent des sapeurs-pompiers volontaires pour nos SDIS. Pourtant, nous savons que cela leur coûte !
    M. Maxime Gremetz. Il dit n'importe quoi !
    M. Christian Estrosi. C'est un acte civique de leur part pour ne prendre que ce secteur du bénévolat. Pourquoi voudriez-vous qu'elles ne s'engagent pas avec volontarisme dans cette direction ? Nous devons, nous aussi, être justes avec les entreprises. Pourquoi votre texte, monsieur le ministre, ne prévoirait-il une exonération totale de charges que pour les administrations ou les secteurs non marchands ?
    M. Maxime Gremetz. C'est un altermondialiste ! Il vit dans un autre monde ! (Sourires.)
    M. Christian Estrosi. Je proposerai un amendement pour que les entreprises du secteur marchand soient totalement exonérées de charges, au même titre que celles du secteur non marchand.
    M. Francis Vercamer et M. Rodolphe Thomas. Très bien !
    M. Christian Estrosi. Faites-nous confiance ! Si le Gouvernement transfère des compétences aux départements, c'est parce qu'il estime qu'elles seront exercées plus efficacement à un niveau de plus grande proximité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, avec ce projet de loi portant décentralisation du RMI et création d'un revenu minimum d'activité, adopté le 28 mai dernier au Sénat, le Gouvernement nous demande, une nouvelle fois, de porter un mauvais coup aux relations du travail en France. En effet, tout indique que l'objectif poursuivi par les éléments les plus libéraux de la majorité sera atteint si le Parlement ne modifie pas ce projet en profondeur.
    Sous prétexte de lutter contre l'exclusion d'une part croissante de la population, que vous avez d'ailleurs vous-même largement accrue en supprimant le bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité pour des centaines de milliers de chômeurs, vous vous apprêtez à créer une espèce de monstre juridique qui n'aura d'autre conséquence que de soumettre les personnes les plus fragiles à un régime radicalement différent de celui des autres salariés. Curieuse conception de la lutte contre l'exclusion qui conduit ce gouvernement à substituer aux exclus du travail des exclus dans le travail ! Tout est fait, dans votre prétendu contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, pour stigmatiser les publics qui souffrent déjà quotidiennement de la précarité de leur situation.
    Vous auriez pu renforcer les dispositifs existants ; vous avez préféré les mettre à mal. Vous auriez pu faire le choix d'une politique économique visant clairement à réduire le chômage ; vous avez préféré accroître indéfiniment les revenus des plus aisés. Vous auriez pu, enfin, tout mettre en oeuvre pour sécuriser des gens qui ont été jetés par la crise et par votre politique dans les filets de l'assistance. Tout ce que vous êtes capable de leur proposer, faisant ainsi écho aux préjugés médiocres que font circuler vos spécialistes en démagogie de la France d'en bas, c'est un non-choix entre une misère complète et un travail au rabais, quasiment gratuit pour l'employeur.
    Outre le fait que votre projet de loi ne prévoit pas la moindre action concrète du suivi des RMIstes, laissant cette faculté à l'appréciation discrétionnaire des conseils généraux, vous fournissez aux frais du contribuable une main-d'oeuvre gratuite à des secteurs économiques qui sont friands de toutes les formules de précarité déjà permises par notre droit du travail. Aubaine pour les RMIstes ou aubaine pour les employeurs ? A cette question le revenu minimum d'activité répond hélas ! avec la plus grande clarté : exonération totale de cotisation employeur pour tous les organismes du secteur non marchand, paiement des trois quarts du salaire net pour les autres, voire possibilité, pour les départements qui en auraient les moyens, de payer à l'employeur la totalité du salaire du travailleur embauché sous contrat RMA. Il conviendrait d'ailleurs sur ce point, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez la portée réelle de l'extraordinaire rédaction proposée pour l'article L. 322-4-15-9 du code du travail, qui semble permettre la prise en charge par la collectivité départementale de la totalité du salaire, y compris dans le secteur marchand.
    Enfermé dans vos certitudes, vous précipitant sur des solutions miracles, vous n'avez pas daigné écouter ceux qui, sur le terrain de la lutte contre l'exclusion, vous avaient pourtant prévenu qu'il n'y a rien de pire, pour une personne durement touchée par le chômage et la pauvreté, que de se retrouver dans une situation d'inégalité flagrante avec ses autres collègues de travail. Sur ce point, j'espère sincèrement qu'une partie de votre majorité aura la capacité de vous convaincre, monsieur le ministre, de corriger ce qui dans ce texte, aggrave les inégalités dans l'emploi. Des amendements visant à rétablir certains éléments fondamentaux du droit du travail ont été adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Avouons qu'il est sidérant d'être obligé d'en passer par là pour obtenir la confirmation que la conclusion d'un contrat de travail doit donner lieu au paiement d'un salaire ! Plus avisés que leurs collègues du Sénat, les députés membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée ont donc eu le mérite de rétablir ces principes élémentaires.
    Monsieur le ministre, votre texte est inacceptable, parce qu'il stigmatise les plus pauvres...
    Mme Nadine Morano. Ce n'est pas vrai !
    M. Alain Vidalies. ... parce que vous amorcez par ce biais, en catimini, un désengagement de l'Etat, doublé d'une vaste décentralisation de la politique de l'emploi que révèle en la matière la baisse drastique des crédits de votre ministère. Ce texte est inacceptable, enfin, parce que concomitamment à vos projets de démantèlement du dialogue social, vous vous livrez à une course à la précarité qui va aggraver les inégalités au travail et fournir une main-d'oeuvre au rabais à des employeurs parfois peu scrupuleux. Si vous souhaitez réellement lutter contre l'exclusion, offrez à ces publics le minimum de sécurité que la reprise d'un travail exige ! Au lieu de les montrer du doigt, permettez-leur, en harmonie avec les autres salariés, de franchir les obstacles qui les séparent d'une vie professionnelle normale !
    Monsieur le ministre, il est inquiétant de vous entendre faire référence à un conflit latent entre les salariés pauvres et les pauvres privés de salaire. Ce n'est pas une politique digne de la France. Vous parlez souvent de concertation et de négociation pour vous en exonérer aussitôt. L'insertion professionnelle aurait pu être un objectif partagé. La réussite de cette démarche supposait, en priorité, une négociation entre les partenaires sociaux pour définir les conditions d'accueil des bénéficiaires du RMI dans l'entreprise. Le Gouvernement n'a pris aucune initiative en ce sens. Sur ce dossier, comme sur beaucoup d'autres, il y a une fracture - j'allais dire : une fracture sociale - entre ses discours et ses actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour exprimer symboliquement notre solidarité avec Mme Boutin qui a dit : « J'espère faire comprendre qu'à l'UMP, il y a des gens qui ont une préoccupation sociale, même s'ils sont minoritaires », et qui s'est fait traiter d'« irresponsable ».
    M. le président. Dans ces conditions, je vais lever la séance.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
    Ce projet de loi, n° 1233, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. le Premier ministre un projet de loi de finances rectificative pour 2003.
    Ce projet de loi, n° 1234, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de MM. Guy Lengagne et Didier Quentin, rapporteurs de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, une proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions, notamment pénales, en cas d'infractions de pollution (COM [2003] 92 final/document E 2244), et sur la proposition de décision-cadre du Conseil visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires (COM 227 final/document E 2291), déposée en application de l'article 151-1 du règlement.
    Cette proposition de résolution, n° 1240, est renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. Daniel Vaillant un rapport n° 1235, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, Daniel Vaillant et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à créer un service civique pour tous les jeunes (n° 1199).
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. Jean-Luc Warsmann un rapport, n° 1236, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 1109).
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. Hervé de Charette un rapport, n° 1241, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (n° 1048).
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de Mme Arlette Grosskost un rapport, n° 1242, fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, sur la proposition de résolution (n° 1159) de M. Marc Laffineur, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (COM [2002] 711 final/E 2176).
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un rapport, n° 1243, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la proposition de résolution de M. Daniel Garrigue, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne (n° 1161), sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (COM [2003] 397 final/E 2365).

5

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de Mme Marcelle Ramonet un rapport d'information, n° 1237, déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les activités agricoles et la protection de l'environnement.
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. Thierry Mariani un rapport d'information, n° 1238, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur la politique européenne d'immigration.
    J'ai reçu, le 19 novembre 2003, de M. Pierre Lequiller et plusieurs de ses collègues, un rapport d'information, n° 1239, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution du 16 octobre au 17 novembre 2003, n°s E 2402, E 2404, E 2407 à E 2413, E 2416, E 2417, E 2423, E 2427, E 2428, E 2434 et E 2439, et sur les textes n°s E 1774, E 2221, E 2224-7, E 2236, E 2244, E 2291, E 2391, E 2394 et E 2395.

6

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 884, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité :
    Mme Christine Boutin, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1216) ;
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1211).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le jeudi 20 novembre 2003, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communication du 19 novembre 2003

N° E 2441. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël concernant les mesures de libéralisation réciproques et le remplacement des protocoles n° 1 et n° 2 de l'accord d'association CE/Israël (COM [2003] 619 final).
N° E 2442. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 73/239/CEE, 85/611/CEE, 91/675/CEE, 93/6/CEE et 94/19/CE du Conseil ainsi que les directives 2000/12/CE, 2000/83/CE et 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil afin d'organiser selon une nouvelle structure les comités compétents en matière de services financiers (COM  659 final).
N° E 2443. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et de Panama, d'autre part (COM [2003] 677 final).