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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 21 NOVEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 20 novembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Saisine pour avis d'une commission «...».
2.  Décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et création du revenu minimum d'activité. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Bernard Derosier,
Alain Gest,
Mme
Marie-Renée Oget,
MM.
Yves Boisseau,
Georges Colombier,
Patrick Roy,
Augustin Bonrepaux,
Mme
Huguette Bello,
MM.
Gaëtan Gorce,
Pascal Terrasse.
Clôture de la discussion générale.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : Mmes Muguette Jacquaint, Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles ; Mme Nadine Morano, MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, Rodolphe Thomas. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 208 de Mme Mignon : Mmes Hélène Mignon, la rapporteure, MM. le ministre, Jean Le Garrec. - Rejet.

Article 1er «...»

Mmes Muguette Jacquaint, Martine Billard, M. Augustin Bonrepaux.
Amendement de suppression n° 97 de Mme Billard : Mmes Martine Billard, la rapporteure, M. le ministre. - Rejet.
Amendement n° 98 de Mme Billard : Mmes Martine Billard, la rapporteure, M. le ministre. - Rejet.
Amendement n° 134 de Mme Mignon : Mmes Martine Carrillon-Couvreur, la rapporteure, M. le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 1er.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

    M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n° 1234).

2

DÉCENTRALISATION EN MATIÈRE DE REVENU MINIMUM D'INSERTION ET CRÉATION DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n°s 884, 1216).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Bernard Derosier.
    M. Bernard Derosier. Vitesse et précipitation ne sont pas les références d'une bonne politique. Au-delà des valeurs de fond que vous remettez en question, c'est d'abord sur un problème de forme que je vous interroge, monsieur le ministre : pensez-vous raisonnablement qu'une loi qui va mettre en oeuvre un tel dispositif administratif, qui doit faire l'objet de deux lectures dans chacune des assemblées, qui sera soumise au Conseil constitutionnel comme Jean Le Garrec l'a annoncé, et qui ne sera donc promulguée que dans la deuxième quinzaine de décembre au plus tôt, pourra entrer en application le 1er janvier 2004 ? A moins que - peut-être en saura-t-on davantage dans les moments qui vont suivre - l'Assemblée se prépare à voter conforme le texte adopté par le Sénat ! Je n'ose y croire...
    Contrairement à ce que vous affirmiez avant-hier, en réponse à notre collègue Phillipe Martin, les présidents de conseils généraux ne souhaitent pas s'engager le plus vite possible. Ils ont été nombreux à vous écrire, à écrire au Premier ministre. Parmi eux, quinze sénateurs, présidents de conseils généraux, appartenant à votre majorité se sont ainsi adressés à vous : « Nous comptons sur votre pragmatisme et votre connaissance des collectivités pour réexaminer cette date d'application qui nous semble trop rapprochée pour mettre en oeuvre dans chaque département un dispositif fiable et efficace. » Le collectif national Alerte, qui regroupe la plupart des associations concernées, a agi de même.
    Je ne vois, dans ce projet de loi, qu'un moyen de « dégraisser » le budget de l'État sur le dos des collectivités territoriales.
    Certes, transférer correspond à l'esprit même des lois de décentralisation votées en 1982 contre l'avis de la majorité d'aujourd'hui. Mais cessez de galvauder le terme de « décentralisation » quand votre objectif n'est que la recherche d'économies pour financer les 30 % de baisse d'impôts sur les revenus promis par le Président de la République !
    L'improvisation et l'à-peu-près caractérisent ce projet de loi, qui suscite beaucoup d'interrogations, même dans votre propre camp. Celles-ci portent, notamment, sur la compensation financière de ce transfert qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'est pas assurée dans les meilleures conditions de transparence et d'équité !
    Quant à la création du RMA, c'est un cadeau de Noël avant l'heure pour le MEDEF ! Par souci d'économies, on brade le droit du travail en créant un « sous-contrat » pour ceux que l'on considère comme des « sous-citoyens ». (Murmures sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. On ne peut pas dire ça !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non !
    M. Alain Gest. Ce qui est excessif est dérisoire !
    M. Bernard Derosier. Cela illustre bien le peu de considération du Gouvernement pour l'autonomie des collectivités territoriales, en l'occurrence les départements et son peu de considération, voire un certain mépris, envers la représentation nationale, quand il adresse aux préfets, sous votre signature et celles de vos collègues de l'intérieur et du budget, le 30 octobre dernier, des instructions par voie de circulaire pour la mise en oeuvre de ce projet de loi... qui n'est pas encore voté !
    Cette circulaire, que vous devez connaître, monsieur le ministre, précise : « La loi de décentralisation du revenu minimum d'insertion et de création du revenu minimum d'activité entrera en vigueur le 1er janvier 2004. » On n'écrit même pas « devrait entrer en vigueur » mais « entrera » en vigueur, comme si le fait était acquis. C'est inacceptable, convenez-en ! Comment une simple circulaire peut-elle faire si peu de cas du Parlement ? J'écouterai avec attention votre réponse.
    Ce projet de loi cache d'autres intentions que la recherche de la « remise à l'emploi » des allocataires du RMI. Derrière une vision « libérale simpliste », le Gouvernement veut réaliser des économies sur le dos des collectivités territoriales et alléger les chiffres du chômage.
    Quinze ans après la mise en oeuvre du RMI et cinq ans après la loi de lutte contre les exclusions, nous assistons à un grave retour en arrière social inspiré par le workfare anglo-saxon, même si vous vous en défendez. D'ailleurs, vous le faites avec trop de force pour qu'il n'y ait pas là-dedans une part de réalité.
    Au traitement social du chômage, le Gouvernement a donc préféré la réduction de la durée des allocations. Les signaux d'alarme ont été nombreux : la diminution des crédits d'insertion - de 20 % dans le département du Nord, notre président de séance pourrait en témoigner avec moi -,...
    M. Gabriel Biancheri. Il est neutre, le président !
    M. Bernard Derosier. ... et la réduction drastique de l'enveloppe des contrats aidés, privant ainsi de débouchés les allocataires du revenu minimum ; la réforme de la réduction du temps d'indemnisation des demandeurs d'emploi, dont Jean Le Garrec a parlé : en 2004, 180 000 d'entre eux seront touchés. Certains pourront percevoir l'allocation spécifique de solidarité, d'autres basculeront directement dans le RMI ; enfin, la limitation à deux ans du versement de l'allocation spécifique de solidarité, jusqu'ici versée aussi longtemps que le demandeur en fin de droits recherchait un emploi.
    Ces mesures, vous le savez, vont précipiter des dizaines de milliers de personnes supplémentaires dans le RMI.
    Vous avez évoqué hier votre intention de reconsidérer les conséquences de la suppression de l'ASS sur le coût du RMI pour les départements. Mais y aura-t-il effet rétroactif pour l'exercice antérieur ?
    L'expérience récente de la mise en oeuvre de l'APA et le désengagement financier de l'Etat, alors que le gouvernement précédent avait promis de reconsidérer la situation dans les départements, a contraint certains conseils généraux à augmenter la pression fiscale locale qui est, c'est bien connu, la plus injuste.
    Prenons l'exemple de mon département, qui compte actuellement 63 000 allocataires du RMI, pour lesquels le conseil général a inscrit une somme de 43 millions d'euros en 2003 au titre des crédits d'insertion. L'Etat devrait lui transférer 275 millions d'euros. Or, avec la mise en oeuvre de la réforme, les besoins estimés en matière d'allocations sont de l'ordre de 290 millions d'euros, hors impact de l'ASS et de la création du RMA.
    De plus, l'impact de la réduction de la durée de l'indemnisation de l'ASS a été estimé, pour le département du Nord, à 29 millions d'euros et 16 millions d'euros pour la mise en oeuvre du RMA, soit une charge non financée de 60 millions d'euros.
    Encore une fois, comme pour l'APA, le compte n'y est pas. Monsieur le ministre, qui compensera cette augmentation ? Les départements ne peuvent, comme l'Etat l'a fait pour l'APA, recourir à l'emprunt pour des dépenses de fonctionnement.
    Par ailleurs, la circulaire ministérielle que j'ai citée tout à l'heure indique que les départements verseront, à terme échu, à compter de janvier 2004, les allocations RMI aux CAF, ce qui met à la charge des départements l'échéance de l'allocation RMI du mois de décembre 2003, ainsi que la prime de Noël, et ce sans compensation financière. Cette circulaire précise que : « Les recettes correspondantes feront l'objet d'un premier versement aux départements avant le 20 janvier 2004. » Mais on y lit aussi, un peu plus loin, que les départements, qui seront compétents, devront financer l'allocation le 5 janvier 2004.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est cela, la précipitation !
    M. Bernard Derosier. Que se passera-t-il donc entre le 5 janvier et le 20 janvier, sinon que les départements devront faire la trésorerie de l'Etat ? Cela représente, pour mon département, 23 millions d'euros, soit 150 millions de francs. De qui se moque-t-on, monsieur le ministre ?
    M. Augustin Bonrepaux. Des départements !
    M. Bernard Derosier. Le RMI constitue une allocation de vie, qui profite également aux ayants droit de l'allocataire, et l'on ne peut prendre le risque d'une rupture dans son versement. C'est toute une procédure financière qu'il s'agit de mettre en oeuvre entre les départements, les CAF, la MSA, et cela ne s'improvise pas entre Noël et le nouvel an.
    A la différence de ce qui s'est passé lors de sa création, en 1988 ou lors de la mise en place de l'APA, le transfert du RMI ne peut s'inscrire dans une logique de montée en charge graduelle du nombre de dossiers à traiter. Ce sera un défi très lourd à relever que d'assurer du jour au lendemain la continuité des versements aux allocataires. Une fois la loi éventuellement adoptée, nous devrons attendre la parution des décrets d'application, indispensables à la mise en oeuvre du transfert.
    Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous demande de reporter l'application de cette réforme au 1er janvier 2005. Il y va de la crédibilité de votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Gest.
    M. Alain Gest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous avons engagé la discussion présente une multitude de motifs d'intérêt.
    Il marque tout d'abord le souci du Gouvernement et de sa majorité de remédier aux carences du dispositif RMI dans le domaine de l'insertion.
    Il est ensuite le premier acte des transferts de compétences, dont la loi sur les responsabilités locales constituera le temps fort.
    Il est encore l'expression de la volonté de tout mettre en oeuvre pour contribuer à redonner leur dignité à nos compatriotes les plus fragilisés.
    Et j'ajouterai, même si cet aspect peut paraître subsidiaire par rapport à l'objectif précédent, qu'il concrétise un engagement - un de plus - pris par le Président de la République et par la majorité l'an passé. Ce n'est pas rien, tant cette attitude nous paraît contribuer à restaurer la confiance entre les citoyens et leur représentation nationale.
    Le texte voté en juillet par le Sénat, assorti des précisions qui vous avez bien voulu présenter, monsieur le ministre, comporte bien des motifs de satisfaction.
    En premier lieu, il ne remet pas en cause ce principe : assurer un revenu minimum à chacune et à chacun de nos concitoyens. Cela a été dit à plusieurs reprises, mais je me joins volontiers aux orateurs précédents sur ce point. Il est de notre devoir d'organiser la solidarité nationale autour de ceux de nos compatriotes qui en ont le plus besoin. Mais quel que puisse être le succès du futur contrat d'insertion RMA, nous savons tous que l'état de marginalisation dans lequel se trouvent certains allocataires du RMI nécessitera que soit maintenu un accompagnement social, préalable indispensable à tout espoir de réinsertion.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Absolument !
    M. Alain Gest. Ce texte le permet, et ce n'est pas la moindre de ses qualités.
    Deuxième motif de satisfaction : la décision de franchir un pas décisif dans le domaine de la décentralisation en confiant l'intégralité du dispositif aux conseils généraux.
    En ma qualité de président du conseil général de la Somme, je ne peux que confirmer, monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus hier : la dualité de direction a dilué les responsabilités et, dans le domaine du RMI comme dans bien d'autres, ce système bicéphale s'est révélé inefficace. De surcroît, la multiplication des interlocuteurs était de nature à rendre le dispositif illisible. Les départements, qui assument depuis vingt ans de nombreuses compétences sociales, qui ont su mettre en place l'APA dans les conditions d'imprévoyance imputables au précédent gouvernement, ont fait la preuve de leur capacité à prendre en compte les publics en difficulté, notamment grâce à la proximité de leurs élus et de leurs services déconcentrés. Ils sauront relever ce nouveau défi.
    Troisième motif de satisfaction : la création du revenu minimum d'activité, c'est-à-dire la reconnaissance du fait que l'exercice d'une activité constitue la meilleure chance de réinsertion durable. Président d'une association d'insertion depuis douze ans, j'ai pu vérifier que le meilleur taux d'insertion professionnelle des allocataires du RMI concernait ceux à qui nous avions pu confier une activité d'intérêt public, fût-ce à l'aide d'un contrat emploi-solidarité.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très bien !
    M. Alain Gest. Ce n'était pas la panacée, mais c'était déjà cela, tout simplement parce qu'ils avaient pu reprendre les habitudes simples du travail : se lever tôt le matin, respecter des horaires, se repositionner dans le cadre de relations hiérarchiques... Cette remobilisation est évidemment très bénéfique pour la personne concernée. Pour l'UMP, l'efficacité d'une politique sociale ne se mesure pas au nombre des personnes assistées, mais à celui des personnes qui retrouvent un emploi, de préférence un emploi qui produit de la richesse et qui a de réelles perspectives d'avenir.
    M. Gabriel Biancheri. Tout à fait !
    M. Alain Gest. Le nouveau contrat d'insertion RMA participe ainsi de l'entreprise salutaire de réhabilitation de la valeur travail qui est le fil conducteur de toute la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dont certains s'acharnent à nier la lisibilité.
    Quatrième motif de satisfaction : les garanties financières que vous avez commencé à donner aux conseils généraux, monsieur le ministre, sur la réalité des transferts. Le dispositif de compensation fondé sur l'examen des comptes administratifs des départements, le principe de la prime de Noël, qui mérite toutefois d'être encore précisé, et la recette venant des taxes qui seront transférées aux départements, permettent d'envisager la mise en oeuvre du RMA dans des conditions de nature à rassurer ceux qui tentent d'assimiler toute nouvelle décentralisation à un surcroît de fiscalité locale, voire à un désengagement de l'Etat.
    Nos collègues de l'opposition ont martelé cet argument hier, à tort bien entendu, mais il est vrai qu'ils ont des difficultés à imaginer qu'il puisse en être autrement, car ils ont en mémoire les pratiques des gouvernements qu'ils soutenaient, tant en 1982, avec l'absence de transfert de moyens financiers et humains en ce qui concerne notamment les lycées et les collèges, qu'en 2001, avec la catastrophique approche budgétaire de l'APA. J'ajoute que nos collègues socialistes et communistes font semblant d'oublier la garantie financière supplémentaire que constitue la réforme constitutionnelle votée voilà quelques mois. Leurs erreurs d'hier ont tellement nui à la crédibilité de la décentralisation que nous nous devons, mes chers collègues, d'être beaucoup plus prévoyants.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. C'est vrai !
    M. Gabriel Biancheri. Exactement !
    M. Alain Gest. Pour toutes ces raisons, le député que je suis devrait se montrer pleinement satisfait. Cependant, monsieur le ministre, trois aspects du débat que nous avons engagé hier provoquent chez moi de l'agacement, voire de la colère.
    Premièrement, le manque de confiance dans les élus locaux que l'on a vu se manifester, sur divers bancs de cette assemblée, dans les interventions de certaines et de certains de nos collègues. Je pense tout d'abord à la critique à peine voilée d'un risque de manque de transparence et de légitimité des décisions que prendraient les présidents des conseils généraux en lieu et place des préfets,...
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Scandaleux !
    M. Alain Gest. ... s'agissant des éventuelles suspensions de RMI, au point d'en envisager le contrôle par les CLI ou de les faire dépendre de la volonté de recours d'associations.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Tout de même...
    M. Alain Gest. Dans le même ordre d'idées, ce manque de confiance se traduit par le maintien de l'obligation légale de consacrer au moins l'équivalent de 17 % des dépenses du RMI à des actions d'insertion, contrairement au vote du Sénat et à l'avis très majoritaire, mes chers collègues socialistes, de l'Assemblée des départements de France. Comme mon collègue des Alpes-Maritimes l'a rappelé hier soir, ainsi que de très nombreux présidents de conseil général pour ce qui les concerne, je puis vous assurer que, dans mon département, nous consacrons largement plus à l'insertion que les 17 % imposés, que ces crédits sont inscrits, en toute transparence, dans les budgets départementaux et qu'ils se retrouvent, en toute transparence, dans l'élaboration des plans départementaux d'insertion. Tout manquement à ce souci de solidarité peut donc être facilement dénoncé.
    N'oubliez pas que l'objectif de la création du RMA est de réduire progressivement le nombre d'allocataires du RMI. Les départements doivent donc pouvoir adapter librement les crédits qu'ils consacrent aux actions d'insertion en fonction de leurs résultats en matière de RMA. C'est pourquoi, madame la rapporteure, je propose de maintenir le texte présenté par le Sénat et d'en faire le bilan prévu à l'article 40 bis nouveau du projet. S'il s'avérait, en 2006, que les départements aient manifesté une évidente mauvaise volonté, le rétablissement de l'obligation de 17 % pourrait alors être envisagé.
    Enfin, l'absence de confiance envers les élus départementaux se manifeste encore lorsque certains - comme M. Derosier à l'instant - proposent de repousser la mise en oeuvre de la loi et affirment que la majorité des présidents de conseils généraux est favorable à cette solution.
    M. Augustin Bonrepaux. Ils ont été nombreux à l'écrire !
    M. Alain Gest. Je m'inscris en faux, monsieur Bonrepaux. Vous ne siégez que très épisodiquement à l'ADF et, par conséquent, vous ne pouvez pas savoir que vos collègues socialistes ne sont pas tous hostiles, lorsque nous discutons tranquillement entre nous, à la mise en place de ce dispositif, même dès janvier 2004.
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi y a-t-il urgence ? Pour sauver les finances de l'Etat ?
    M. Alain Gest. Connaissant M. Derosier et le sachant capable de prendre ses responsabilités en tant que président de conseil général comme en tant que parlementaire, je ne doute pas que, dans le département du Nord, tout comme chez moi, les discussions sont engagées depuis plusieurs mois avec la CAF, et que l'on a commencé dans les services à réfléchir à la création du RMA.
    Alors, mes chers collègues, ceux qui prétendent qu'ils croient à la décentralisation ont aujourd'hui l'occasion de le prouver. Je leur dis chiche ! Faisons enfin confiance aux acteurs locaux !
    Deuxième raison de cet agacement ou de cette colère : la suspicion de certains, ici, à l'égard des entreprises. Jusqu'alors toutes nos politiques d'insertion avaient laissé les entreprises à leur porte. Nos collègues socialistes et communistes ont reconnu l'échec du « I » de RMI. M. Le Garrec nous a même très honnêtement confié hier s'être intéressé depuis l'origine à l'insertion en collaboration avec les associations, sans résultat probant. Je ne lui en fais pas grief, car c'est très compliqué. Nos collègues craignent tous une augmentation du nombre d'allocataires, mais ils nous proposent le statu quo. Alors je me demande si, quand ils parlent de l'effet d'aubaine, ils ne pensent pas en réalité à celui que constituerait pour eux le maintien du statu quo, qui leur permettrait de continuer à prêcher contre une très hypothétique politique antisociale du Gouvernement. De la même façon, quand M. Le Garrec nous déclare, la bouche en coeur, que notre texte, faute de faire reculer l'exclusion, nourrit le terreau pour la montée des extrêmes,...
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est tout le contraire !
    M. Alain Gest. ... je lui réponds forcément, comme je ne peux pas le suspecter de le souhaiter, qu'il ferait bien de participer au mouvement que nous engageons derrière vous, monsieur le ministre.
    Pire, nos collègues mettent en accusation les milliers de petits chefs d'entreprise en les assimilant à quelques patrons indélicats, et ils n'ont pas de mots assez durs pour condamner la grande nouveauté du RMA, qui est pourtant un véritable parcours de retour à l'emploi, surtout grâce à l'ouverture au monde de l'entreprise. Parce qu'il s'agit d'insérer des personnes en difficulté, le système doit nécessairement être attractif pour les entreprises, d'où ce contrat que certains ont qualifié d'« atypique ».
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'est le cas.
    M. Alain Gest. Parce que nous ne voulons pas que l'allocataire se retrouve en situation d'échec à l'issue de la période de RMA - comme cela a été si souvent le cas avec les contrats aidés auprès des collectivités locales, sans pour autant susciter la moindre réprobation - et parce que nous voulons vraiment réussir, il convient d'imaginer un système style CIE, qui incite l'entreprise à transformer, à l'échéance, le RMA en contrat à durée indéterminée.
    Je terminerai en m'adressant à vous, monsieur le ministre. Ne laissez pas dénaturer l'esprit et la portée de votre réforme à la fois solidaire et pragmatique, efficace et généreuse, par des responsables administratifs jaloux de leurs prérogatives qui, depuis quelques semaines, s'évertuent subrepticement à supprimer des postes dans les services du RMI financés jusqu'alors par l'Etat.
    M. Gabriel Biancheri. Exact !
    M. Alain Gest. Dans mon département, sur treize postes, huit ne sont plus pourvus pour cause de mutation ou de non-remplacement d'agents en congé de maternité ou de longue maladie. Si l'on voulait faire échouer ce projet pour des raisons financières, on ne s'y prendrait pas autrement. Je sais que vous êtes conscient de ce dysfonctionnement et que vous envisagez d'y remédier, mais je souhaite que vous puissiez nous rassurer définitivement sur ce point.
    Mes chers collègues, en optant pour l'activité plutôt que pour l'assistance, nous avons fait le choix d'un surcroît de dignité et d'utilité sociale pour nos compatriotes, le choix de la réconciliation des Français. Le projet de loi qui nous est proposé apporte un véritable espoir à nos concitoyens que les aléas de la vie n'ont pas ménagés. Si les départements savent faire preuve de créativité et d'originalité pour mobiliser les entreprises, c'est à des dizaines de milliers de Français que nous mettrons le pied à l'étrier.
    Ainsi, après la revalorisation du SMIC, après l'accès anticipé à la retraite des salariés ayant commencé à travailler très jeunes, nous aurons oeuvré pour un nouveau progrès social grâce à un texte que je n'hésite pas à considérer comme populaire, si l'on en juge par l'accueil qu'il a reçu dans les quartiers populaires l'an dernier, pendant la campagne électorale, et par les sondages qui ont été mentionnés hier. Alors, monsieur le ministre, une fois que nous aurons achevé de mettre en oeuvre toutes ces mesures, nous pourrons dire ensemble : « D'aucuns en avaient parlé, nous l'avons fait ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget.
    Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le ministre, le chômage, chacun le sait, atteint aujourd'hui des niveaux historiques, et votre gouvernement bat chaque jour un triste record que personne ne lui envie. Un an et demi après votre retour au pouvoir, vous êtes ainsi parvenus à faire reculer la France, qui figurait parmi les premiers Etats européens, au rang de bon dernier de la classe.
    M. Gabriel Biancheri. Quelle outrecuidance !
    Mme Marie-Renée Oget. Vous tentez de faire croire aux chômeurs qu'ils disposeront demain d'un revenu minimum d'activité. Cela suppose avant tout que cette activité existe. Par conséquent, votre démarche visant à créer un RMA serait plus crédible si votre gouvernement et votre majorité ne s'étaient pas distingués depuis dix-huit mois par la suppression des emplois-jeunes, la réduction drastique du nombre de CES et de CEC et, aujourd'hui, par le quasi-abandon des dispositifs d'insertion destinés aux personnes en grande difficulté face à l'emploi. Cela au profit d'un hypothétique dispositif qui laisse sceptiques l'ensemble des associations du secteur de la solidarité et de l'insertion, dont vous avez choisi d'ignorer les critiques.
    Vous préférez donner à nos concitoyens l'illusion qu'une nouvelle chance va leur être offerte face au chômage, alors même que vous supprimez l'allocation spécifique de solidarité pour des centaines de milliers de sans-emploi...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas vrai !
    Mme Marie-Renée Oget. ... et que vous réduisez la durée et le montant de l'indemnisation du chômage. Même les critiques venant de votre propre majorité ne suffisent pas à vous convaincre, y compris lorsque Mme la rapporteure demande d'ajourner l'entrée en vigueur du dispositif. Nous, députés de l'opposition, avons donc décidé de soutenir de manière constructive un nombre non négligeable d'amendements, tout en refusant la logique d'un texte qui n'est qu'une mystification supplémentaire de votre gouvernement.
    Ainsi, votre projet de loi défend l'idée d'inciter les chômeurs à retrouver du travail : quelle bonne intention ! Si ce n'est, toutefois, qu'elle traduit une vision bien précise de la société, une vision stigmatisant les chômeurs comme des feignants qu'il s'agirait de remettre au travail. Du même coup, la suppression de l'ASS conduit à faire basculer l'indemnisation des chômeurs en fin de droits sur le RMI, dont la gestion est désormais confiée aux départements. Vous ne dites mot, d'ailleurs, de tous ces anciens allocataires de l'ASS qui seront exclus du bénéfice du RMI et qui, du même coup, ne pourront pas non plus prétendre au RMA.
    Vous n'êtes pas à un recul social près. Ainsi, face au déficit croissant des finances de l'Etat, fruit de votre gestion, vous envisagez de faire peser sur les départements le financement du RMI. Dans les départements, surtout les plus pauvres, les élus de droite comme de gauche tirent la sonnette d'alarme, comme l'a rappelé Bernard Derosier. Mais rien n'y fait. En pareille situation, M. le Premier ministre aurait pu nous gratifier d'une nouvelle maxime appropriée aux circonstances, du genre : « Le texte est vide, mais la note est salée. »
    Mais trêve de plaisanteries, car votre gestion catastrophique des finances publiques aura de lourdes incidences sur la fiscalité locale, sur le montant des impôts. Seuls les plus aisés continueront de bénéficier de vos cadeaux fiscaux en cette période de coupes budgétaires drastiques.
    Enfin, votre dispositif de retour à l'emploi fondé sur le RMA a tout d'une fausse bonne solution. Sans expérimentation ni évaluation crédible, vous décidez de faire l'impasse sur les programmes d'insertion qui, jusqu'à présent, englobaient non seulement l'emploi mais aussi le logement, la santé, la prévention du surendettement, l'éducation des enfants et bien d'autres sujets encore. Or, comme le soulignent les associations d'insertion, le seul accès à l'emploi ne suffit pas pour mettre les personnes concernées à l'abri de la précarité, surtout lorsque les employeurs déclarent dans leur majorité ne pas être prêts à recruter et à former des publics trop précarisés en proie à des difficultés d'insertion. Toute incitation en ce sens risque donc de s'avérer vaine en matière de retour à l'emploi et catastrophique sur le plan de l'insertion, concept oublié de votre dispositif.
    Mais sur ce point, votre imagination n'est pas en reste : le projet de loi prévoit que le coût d'un emploi RMA pour les entreprises sera équivalent à un tiers du SMIC. Ce dispositif pèsera sur les départements. Il enclenchera aussi une mécanique implacable dont chacun devine les effets : les bas salaires seront d'autant plus tirés vers le bas que les employeurs seront, de fait, incités à remplacer les emplois au SMIC par des contrats à moindre coût, limités à vingt heures par semaine.
    M. Patrick Roy. Bien sûr !
    Mme Marie-Renée Oget. Là aussi, vous aurez la responsabilité d'avoir précipité dans une plus grande précarité des personnes à la situation déjà difficile en massifiant le phénomène, jusque-là relativement marginal, des travailleurs vivant en dessous du seuil de pauvreté.
    Il est donc à craindre, monsieur le ministre, que votre réforme du RMI-RMA ne soit pas nulle d'effets, ce qui aurait été un moindre mal. Au contraire, il nous semble qu'elle ouvre la voie à une aggravation de la situation sociale, dont les conséquences se feront voir sous peu si ce texte est adopté. Un ajournement de son entrée en vigueur serait donc un geste de sagesse de votre part, et son retrait une preuve de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Boisseau.
    M. Yves Boisseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis hier, à plusieurs reprises, le nombre d'allocataires du RMI nous a été rappelé : plus d'un million de personnes dont la moitié seulement ont un projet d'insertion ; encore ce projet est-il souvent trop éloigné des besoins de l'économie pour aboutir à une insertion professionnelle. Ceux d'entre nous qui ont été ou qui sont membres de commissions locales d'insertion connaissent bien ce problème.
    Comment expliquer cette montée en puissance du nombre de RMIstes ? Les causes sont multiples, mais je voudrais en évoquer une qui me semble importante : l'évolution de la nature des emplois. Depuis deux à trois décennies, l'activité économique a vu diminuer progressivement le nombre de métiers à faible qualification : manoeuvres et ouvriers spécialisés de nos usines, ouvriers agricoles, employés à de petites tâches ont baissé en nombre, voire quasiment disparu du paysage des métiers.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'est vrai !
    M. Yves Boisseau. Cela sous l'effet des progrès technologiques, d'une amélioration de la productivité par la mécanisation, des conséquences des restructurations et délocalisations, d'une comparaison des coûts homme-machine, souvent favorable à la machine.
    Cette évolution a contribué dans un premier temps à nourrir les fichiers de l'ANPE. Puis, ces hommes et ces femmes, qui n'avaient pas eu la chance de suivre une formation ou dont l'expérience professionnelle n'était pas suffisante, ont eu de la peine à retrouver un emploi qui leur convienne. Pour autant, il n'est ni envisageable, ni souhaitable de recréer des postes à faible qualification, surtout quand les conditions de travail sont difficiles.
    Alors, que faire pour aider ces publics en difficulté ?
    Il faut développer la formation, répondent certains. Or nous recevons tous, dans nos permanences, des hommes et des femmes qui refusent les formations trop théoriques qu'on leur propose, ces fameux « stages parking », comme on les appelait, qui ne débouchent pas sur une intégration professionnelle. D'autres, qui ne se sentent plus capables de retourner sur les bancs d'une école, nous demandent tout simplement du travail, « dans n'importe quoi » ajoutent-ils parfois. Quelle formule terrible !
    La deuxième réponse consisterait à orienter ces publics en difficulté vers une association intermédiaire, une entreprise d'insertion. Je voudrais ici saluer le formidable travail qui est accompli par les responsables de ces institutions, mais qui n'est souvent qu'une première étape de remise en bon état de santé physique et morale. En outre, leur périmètre d'action professionnelle est limité ainsi que les critères qui permettent d'y accéder.
    C'est pourquoi l'idée d'une nouvelle solution, telle que le RMA, est bonne dans son principe. En phase avec la nouvelle étape de décentralisation, ce projet mise sur la proximité, dont les acteurs de l'insertion sociale savent combien elle est nécessaire. Les procédures d'accompagnement de l'allocataire seront facilitées par cette proximité.
    Mais le point le plus important est l'élargissement du champ d'application au secteur marchand et au secteur non marchand, à deux exceptions près. Le retour à la dignité que permet le travail n'est contesté par personne. Les conditions de ce retour telles qu'elles sont prévues dans le projet de RMA, en particulier la durée du contrat, sont adaptées aux publics concernés.
    Toutefois, on reproche à ce dispositif de prévoir un accompagnement insuffisant en entreprise. Un orateur précédent a même cité l'exemple d'un tuteur insuffisant et d'un patron quasiment indélicat.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'était excessif !
    M. Yves Boisseau. Mais nous pourrions citer beaucoup d'exemples inverses.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Bien sûr !
    M. Yves Boisseau. C'est faire un procès d'intention aux employeurs que de croire qu'ils n'auront pas à coeur, dans leur majorité, de favoriser cette nouvelle forme d'insertion.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Bien sûr !
    M. Yves Boisseau. D'ailleurs, cette formation par la pratique n'existe-t-elle pas déjà avec l'apprentissage ?
    Certains voient dans les conditions financières faites aux employeurs un avantage exorbitant. Mais comment nier la nécessité d'une compensation pour ceux qui auront à employer un personnel dont on sait bien qu'il nécessite du temps supplémentaire et dont l'employabilité n'est pas totale ? Enfin, l'intérêt des postes proposés dépendra de la vigilance qu'exerceront les conseils généraux dans le cadre des conventions passées.
    Le nombre de postes proposés sera-t-il élevé ? Les offres d'emploi dans des métiers adaptés aux publics concernés seront-elles suffisantes ? Peut-être. Mais il est important que la priorité soit donnée à ceux dont les besoins sont les plus criants. Il faut en effet éviter un phénomène de décalage. Les postes de RMA devront donc aller aux plus démunis. C'est la raison pour laquelle, après avoir souhaité la suppression de l'exigence de deux ans de présence au RMI, je souhaite qu'une telle condition soit maintenue, probablement en en réduisant la durée.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !
    M. Yves Boisseau. Les autres conditions d'accès au RMA ont été largement évoquées par les orateurs précédents. Je ne m'y attarderai donc pas. Je rappellerai simplement que les droits garantis au titre du RMI, notamment la CMU et la CMU complémentaire, sont maintenus, ce qui signifie bien qu'il ne s'agit pas d'une insertion purement professionnelle.
    Il n'est pas agréable d'être chômeur ou RMIste. Mais après quinze ans d'existence, le dispositif d'insertion qu'est le RMI doit être complété. Nous sommes ici nombreux à penser qu'une politique vigoureuse de croissance doit permettre le retour à l'emploi des demandeurs les moins en difficulté. Pour les autres, qui forment cette trop longue cohorte de RMIstes, le projet de RMA est un bon projet, que je soutiendrai, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.
    M. Georges Colombier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, le projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA me donne l'occasion de m'exprimer, avec le coeur, face aux ravages de la précarité et de la pauvreté dans notre société. J'évoquerai ensuite, plus concrètement, deux points qu'il me semble nécessaire d'éclaircir : l'avenir des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique lorsqu'ils sont mariés, et la date d'entrée en vigueur de cette réforme.
    Nous rencontrons tous, sur le terrain, des allocataires du revenu minimum d'insertion. Ces personnes, qui vivent souvent avec 362 euros par mois, ne demandent qu'une chose, même si ce n'est pas le cas de toutes : sortir de la misère et de la précarité et s'insérer dans la société. Personne ne peut vivre décemment avec 362 euros par mois, ni se contenter d'une telle somme. Les représentants d'un pays civilisé et prospère comme le nôtre ne doivent pas détourner négligemment le regard lorsqu'ils croisent les exclus de notre société.
    Le RMI permet à des milliers de personnes de ne pas être complètement démunies. Malgré tous ses défauts, il faut au moins lui reconnaître cet avantage. Mais, après quinze années d'existence, cette allocation doit s'adapter à une réalité sociale douloureuse : certaines personnes ne peuvent pas reprendre immédiatement une activité professionnelle classique, même si, dans certains cas, elles le souhaitent vraiment.
    C'est d'ailleurs pour permettre l'insertion des demandeurs d'emploi les plus en difficulté que le RMI avait été créé. Hélas, ce système n'est plus adapté à la recherche d'une activité professionnelle et les chiffres le montrent durement : seuls 48 % en moyenne des allocataires du RMI bénéficient d'un contrat d'insertion, qui souvent d'ailleurs comporte des carences.
    La décentralisation de la gestion du RMI vise à assurer une plus grande efficacité du dispositif, puisqu'il sera intégralement géré au plus près du terrain - et non pas supprimé, comme j'ai eu l'occasion de l'entendre. Quant à la création du revenu minimum d'activité, je l'appelle de mes voeux depuis longtemps. Il représentait, selon moi, le chaînon manquant du dispositif, une sorte de palier de décompression vers l'insertion complète dans le monde du travail.
    Un maximum de garanties permettant de sécuriser le dispositif pour les futurs bénéficiaires ont été prises et même renforcées grâce aux amendements discutés en commission. L'ouverture au secteur privé est un changement de cap important par rapport à ce qui se pratiquait auparavant et nous ne pouvons que nous en réjouir. A ceux qui prédisent un cadeau aux entreprises, je réponds qu'il n'est pas facile pour une société marchande d'intégrer une personne au RMI depuis deux ans, même si elle est motivée. Cela demande, de la part des chefs d'entreprise dont l'activité est durement touchée par une conjoncture économique particulièrement difficile, un encadrement, un accompagnement social et une volonté citoyenne encore plus marqués.
    Certains regrettent l'absence d'un système de cotisation d'assurance chômage, qui aurait pu permettre aux bénéficiaires du RMA d'espérer un léger complément de revenu à la fin de leur contrat, plutôt que de retomber brusquement dans le RMI. Ces remarques sont louables, car un tel système pourrait rendre plus attractif l'accès au RMA. Cependant, le but du dispositif dont nous débattons actuellement est précisément de remettre au travail les personnes qui en sont le plus éloignées sans les stigmatiser. Il paraît donc plus logique de pousser les allocataires du RMA à trouver un emploi stable plutôt que de les laisser retomber dans un RMI amélioré.
    M. Alain Gest. Très bien !
    M. Georges Colombier. Par ailleurs, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des chômeurs en fin de droits qui perçoivent l'allocation spécifique de solidarité et dont le conjoint exerce une activité professionnelle. En effet, l'orsqu'ils perdront, dans certains cas, le droit à l'ASS, ils ne pourront pas prétendre au RMI et encore moins au RMA, et verront les revenus du ménage amputés d'un seul coup du montant brut de l'ASS sans aucune compensation. Or, dans la même situation, un couple non marié pourrait bénéficier du RMI et du RMA. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous accorderez une attention toute particulière à ce problème juridique qui pourrait plonger certains ménages dans de réelles difficultés.
    Enfin, s'agissant de la date d'entrée en application du nouveau dispositif, je comprends parfaitement l'impérieuse nécessité de créer le RMA le plus rapidement possible, car cette mesure répond à un besoin primordial de notre société, mais il paraît difficile de promulguer ce texte dans des délais aussi brefs. On peut penser que des difficultés d'adaptation comparables à celles que les conseils généraux ont rencontré lors de l'entrée en vigueur de l'APA voient le jour dans certains départements, pénalisant les allocataires. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous précisiez de nouveau la solution retenue pour assurer la continuité du RMI, puisqu'il semble nécessaire de mettre en place le nouveau dispositif dès le 1er janvier 2004. Ainsi, les inquiétudes de certains conseils généraux, dont celui de l'Isère, pourront être dissipées.
    Pour conclure, je me félicite de cette loi dont les dispositions contribueront à redonner espoir et dignité aux personnes les plus démunies de notre pays en facilitant l'insertion par le travail des allocataires du RMI. Je suis également heureux de constater que cette loi confie aux élus locaux de réelles responsabilités, puisqu'ils deviennent les véritables acteurs de l'action sociale au plus près du terrain. Si le transfert de charges prévu dans la loi est effectif et que tous les moyens financiers sont donnés aux départements pour aider les plus pauvres de nos concitoyens - ce dont je ne doute pas -, alors nous pourrons dire que nous avons fait un pas décisif en matière d'insertion et de décentralisation et que le travail est reconnu en tant que valeur à part entière de la dignité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.
    M. Patrick Roy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, voilà une mauvaise loi de plus !
    M. Alain Gest. Ça commence mal !
    M. Patrick Roy. Ça commence très bien ! Je pense que mes collègues de gauche se sentent inspirés par ce bon début.
    M. Alain Gest. Vous pouvez encore vous reprendre !
    M. Patrick Roy. Voilà une mauvaise loi de plus, injuste et totalement démagogique.
    M. Yves Boisseau. C'est un connaisseur qui parle !
    M. Patrick Roy. Ce projet de loi n'est pas un projet pour la France ; c'est d'abord un message clair lancé à votre électorat le plus conservateur.
    Votre propos est simpliste. Il évacue le drame du chômage de masse que notre pays connaît depuis plus de vingt-cinq ans et qui aujourd'hui a bien souvent cassé les bénéficiaires du RMI, détruisant leur avenir personnel et familial. Cette vision simpliste, alors que notre pays connaît un niveau record d'insécurité sociale, est un outrage pour tous ces Français victimes de l'arrogance du profit et du « toujours plus ».
    Caviar pour les uns, conserves pour les autres !
    M. Gabriel Biancheri. C'est la lutte des classes !
    M. Patrick Roy. Si votre vision est simpliste et électoraliste, elle est aussi hâtive et secrète. Comment, en effet, un texte qui a trait à une question de première envergure nationale a-t-il pu être écrit dans cette incroyable précipitation ?
    M. Alain Gest. Cela fait six mois qu'il a été voté par le Sénat !
    M. Patrick Roy. Pourquoi avoir préféré le secret des ministères au dialogue avec les structures associatives qui connaissent la réalité du terrain ? Tout à l'heure, vous me direz que c'est faux...
    M. Alain Gest. Non ! On l'a déjà dit !
    M. Patrick Roy. ... mais vous savez très bien que le Gouvernement a méprisé ce dialogue !
    Le résultat, nous le voyons aujourd'hui : sur un sujet de société aussi important, votre texte est rejeté par tous ceux qui connaissent la réalité du terrain.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous, on ne la connaît pas ?
    M. Patrick Roy. Ne laissons pas le secret des ministères attiser les flammes de la misère !
    M. Alain Gest. Comme c'est beau !
    M. Patrick Roy. Enfin, alors que nous sommes déjà fin novembre, comment pouvez-vous maintenir une application au 1er janvier 2004 ? Le Gouvernement est-il irresponsable ou est-il sourd aux appels au secours des acteurs de l'insertion et aux remarques des présidents des conseils généraux, comme l'a si bien dit, il y a quelques instants, Bernard Derosier ?
    M. Alain Gest. Tout le monde peut se tromper !
    M. Patrick Roy. En tout cas, c'est le moins qu'on puisse dire, le Gouvernement n'est vraiment pas sourd à ses amis du MEDEF. Il leur fait même un cadeau impérial !
    La majorité a eu beau minimiser, en commission, l'aubaine que sera le RMA pour l'employeur, la vérité va renverser, quand elle sera connue, les plus incrédules : jamais les employeurs n'auront eu une main-d'oeuvre à si bon marché ! Le MEDEF a toujours souhaité bénéficier des CES, eh bien il va avoir beaucoup mieux !
    Le MEDEF en avait rêvé, le Gouvernement l'a fait !
    Et qu'on ne me dise pas qu'il s'agit là d'une aubaine partagée, car pour moins de deux euros de l'heure, non seulement le bénéficiaire du RMA va devoir s'engager dans une voie qui ne lui assure aucun avenir, mais il devra également faire face à de nouvelles charges - transport, tenue vestimentaire, garde d'enfants -, sur lesquelles vous restez évidemment bien silencieux.
    Quelle stupéfaction, pour le bénéficiaire du RMA, quand il apprendra que ce contrat balaie nos règles sociales collectives. Pour un véritable salarié, cela a été dit à plusieurs reprises, un an de travail, c'est un an de cotisations sur la retraite ; pour un bénéficiaire du RMA, un an de RMA, c'est un trimestre de cotisations sur la retraite ! C'est à peine croyable !
    M. Alain Gest. Et dix ans de RMI, c'est quoi ?
    M. Patrick Roy. Quelle aubaine, par contre, pour l'employeur qui, après avoir utilisé le bénéficiaire du RMA pendant dix-huit mois, pourra le rejeter, le laisser repartir vers son angoisse, encore plus découragé par son espoir brisé, et utiliser tout à fait librement un autre bénéficiaire du RMA ! Pendant ce temps, les éventuelles embauches, même précaires, resteront à la porte de l'entreprise. Un contrat RMA, ce sera d'abord et surtout un CDI ou un CDD en moins.
    Le RMA ne construit pas d'avenir, il n'est que l'illusion de l'été indien.
    A moins que vous sortiez de votre poche, monsieur le ministre, l'obligation, pour les employeurs, d'offrir un vrai contrat, donc une vraie vie, digne et fière, aux bénéficiaires du RMA à l'issue de leur contrat.
    Enfin, nous connaissions déjà, dans ce pays, le refrain des fonctionnaires privilégiés ; vous y avez, en juin et juillet derniers, ajouté celui des retraités trop prospères. Voilà que, grâce à vous, monsieur le ministre, nous allons connaître un nouveau privilégié : le smicard en CDI.
    Malheureusement, la critique négative que nous avons à adresser à ce texte bâclé et secret ne s'arrête pas là.
    En effet, ce projet de loi représente non seulement un terrible camouflet pour les professionnels de l'insertion, mais aussi un renoncement de l'Etat. Car, pour le Gouvernement, l'insertion, c'est : « courage, fuyons » !
    Ainsi, vous voulez vous décharger sur l'employeur de la mission du parcours d'insertion, pourtant essentielle à la réussite du contrat. Or, elle demande une compétence tout à fait particulière, car on ne s'adresse pas aux populations les plus fragiles sans un savoir-faire issu de l'expérience.
    Vingt-cinq ans de chômage de masse ont abouti à une casse sociale, à une casse humaine exceptionnelles. Les repères de la vie ont été brisés. Les employeurs ont souvent des qualités techniques, économiques. Mais croyez-vous qu'ils soient formés pour l'insertion ? Nous pensons que non.
    Le suivi individuel, l'accompagnement ou l'accueil du bénéficiaire ne sont que très vaguement évoqués dans votre texte ! Vous savez pourtant que, dans le domaine de l'insertion par l'activité économique, ces actions personnalisées sont des éléments incontournables de la réussite de l'insertion dans l'emploi.
    Le RMA ne sera pas un contrat d'emploi, il sera un constat de désarroi !
    Et puis, monsieur le ministre, si vous n'aviez pas imaginé ce projet dans le secret du ministère, si vous n'aviez pas été aveuglé par votre idéologie conservatrice (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est le comble !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. On dérape ! On part dans le décor !
    M. Patrick Roy. ... si vous aviez écouté, ne serait-ce qu'un peu, ceux qui travaillent dans le champ de l'insertion et qui connaissent la réalité, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) vous auriez su qu'il fallait aller vers la simplification des dispositifs d'emplois aidés. Au lieu de cela, vous en remettez une couche de plus. Vous noyez un peu plus le poisson. Vous serez médaillé de la lourdeur administrative. Pourquoi ne pas écouter les argumentaires ? Pourquoi ne pas tout refondre en un seul dispositif ?
    Monsieur le ministre, moins d'un Français sur cinq a voté pour votre politique en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Gest. Et pour la vôtre ?
    M. Patrick Roy. Je ne le conteste pas. Je sais lire les chiffres.
    M. Alain Gest. Il faut savoir les analyser aussi !
    M. Jean-Pierre Gorges. Vous, vous avez été éliminés au premier tour !
    M. Patrick Roy. Pour nous, c'est encore moins, mais pour vous, c'est moins d'un sur cinq, et il a fallu, pour que la démocratie reste sauve, qu'au deuxième tour, la gauche fasse le choix de la patrie plutôt que du parti.
    M. Alain Gest. Aïe, aïe, aïe !
    M. Patrick Roy. J'aime bien vous le rappeler, messieurs. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Aujourd'hui, pour redonner enfin du sens à la démocratie et à la politique,...
    M. Alain Gest. ... il faut tenir nos engagements !
    M. Patrick Roy. ... il nous faut apporter des réponses à la vraie vie.
    La vraie vie, ce n'est pas celle des salons feutrés ou des voitures aux vitres teintées ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est indigne d'un député !
    M. Patrick Roy. La vraie vie, c'est, par exemple, la vie très difficile des femmes isolées dans ce pays et, plus précisément, de celles qui ont charge de famille, et qui sont aujourd'hui au RMI. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quelles mesures prenez-vous pour toutes ces femmes courageuses ? Aucune !
    M. le président. Monsieur Roy, il faut conclure !
    Mme Arlette Franco. Cela vaudrait mieux, effectivement !
    M. Patrick Roy. Alors, monsieur le ministre ? Négligence ? Incompétence ? Ou conséquence de ce travail en secret ?...
    Je vais conclure. Malgré les efforts de Mme la rapporteure, qui s'est vraiment impliquée sur ce texte...
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, et Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. C'est vrai !
    M. Patrick Roy. ... et a essayé de corriger ce mauvais texte - je reconnais d'ailleurs que j'ai été, quelque part, bluffé -, votre projet est une catastrophe !
    Pis encore, à quoi sert l'Assemblée nationale ?
    Ma question est grave ! On peut effectivement se demander à quoi nous servons après avoir découvert qu'avec deux de vos collègues du Gouvernement, vous avez envoyé aux préfets de France, dès le 31 octobre, une note très précise sur les dispositions que nous commençons à peine à débattre ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Mais nous allons les voter !
    M. Alain Gest. C'est ce que l'on appelle avoir le sens de l'anticipation !
    Mme Hélène Mignon. Le Gouvernement se fout de nous, et de vous par la même occasion, messieurs de la droite !
    M. Patrick Roy. Avec votre texte, avec ce mauvais scénario, pour tous ceux qui souffrent, l'avenir ne sera pas un long fleuve tranquille...
    Pis encore, comme aurait pu le dire Bernie Bonvoisin, avec ce texte antisocial, les RMIstes risquent de perdre leur sang-froid ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'est l'occasion du RMI !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos aux aspects financiers des transferts prévus.
    « Pourquoi proposons-nous de reporter la mise en oeuvre de ce dispositif au 1er janvier 2005 ? Tout simplement parce qu'il est indispensable d'opérer une évaluation exacte du coût du RMI dont les départements devraient assumer le financement dès l'an prochain. Il ne faut pas faire cette réforme dans la précipitation. »
    M. Gabriel Biancheri. Comme pour l'APA ?
    M. Augustin Bonrepaux. C'est ce qu'écrivent seize présidents de conseils généraux de vos amis ! C'est ce que vous disent également les présidents des conseils généraux de gauche. Comment pouvez-vous affirmer après cela, monsieur le ministre, qu'une majorité de présidents de conseils généraux y est favorable ? Pourquoi une telle contrevérité ?
    M. Alain Gest. Mais c'est la vérité !
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi niez-vous qu'il y a précipitation, monsieur le ministre, et pourquoi perdez-vous votre sang-froid quand nous en apportons les preuves ?
    M. Patrick Roy. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ne pas suivre les recommandations de Mme Boutin, qui a proposé dans son excellent rapport, avec force arguments à l'appui, le report de la réforme à 2005 ?
    En effet, alors que c'est seulement le 31 octobre que vous avez, monsieur le ministre, donné des instructions à vos services, vous demandez aux conseils généraux d'être prêts le 5 janvier à...
    M. Jean-Pierre Gorges. ... huit heures ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. ... verser le RMI du mois de décembre ! L'Etat est-il à ce point en difficulté qu'il ne puisse régler cette facture ? Est-ce pour cela que vous ne pouvez même pas compenser cette charge pour les départements avant la fin du mois de janvier ? Est-ce pour cela que vous demandez aux départements d'assurer la trésorerie de l'Etat ? Comment feront-ils, puisqu'ils n'auront pas voté leur budget ? Avec quels fonds paieront-ils, puisque vous ne transférerez les crédits de l'Etat qu'à la fin de janvier ?
    Pourquoi faire si vite, si c'est pour faire aussi mal ?
    Nous demandons une évaluation du nombre exact de bénéficiaires au 31 décembre, de ceux qui ne pourront plus toucher l'ASS à partir de 2004, de ceux qui ont perdu leurs droits aux indemnités à l'ASSEDIC du fait de la remise en cause des modalités du PARE par ce gouvernement ainsi que du coût de l'indexation et de la gestion. Je pense en particulier aux personnels de la DASS. Le coût des autres personnels, en particulier de ceux de l'ANPE, seront-ils compris dans la compensation ?
    L'évolution du nombre de bénéficiaires au fil des années nous inquiète car - il ne faut pas se voiler la face - compte tenu de la politique de l'emploi menée par l'actuel gouvernement, on s'achemine irrémédiablement vers une précarisation.
    Il faut aussi évaluer le coût du passage du RMI au RMA, qui va générer une charge supplémentaire pour les départements. Il me suffira, pour le prouver, de citer l'excellent rapport de Mme Boutin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Gest. Encore ?
    M. Augustin Bonrepaux. Ecoutez, si les commissions des finances et des affaires sociales font du bon travail, il me semble normal de les citer - et de ne pas en rire !
    Mme Boutin écrit dans son rapport « La conclusion, par un allocataire d'un contrat RMA aura pour conséquence la substitution, à une allocation de RMI qui constitue un revenu différentiel, d'un versement forfaitaire égal au plafond du RMI dont peut bénéficier une personne isolée diminué du "forfait aides au logement. »
    Un chiffrage de ce surcoût réalisé par l'administration à la demande du Sénat aboutissait pour 2004 à 14 millions d'euros. Un peu plus loin, elle explique que « l'existence d'un surcoût mécanique immédiat de probablement quelques dizaines de millions d'euros n'est pas contestable ».
    Le travail de la commission des finances doit être pris en compte par notre assemblée : la conjonction de la réforme de l'ASS, celle de l'assurance chômage et du surcoût du RMA va entraîner une augmentation de charges pour les départements.
    La compensation de ces transferts pose un autre problème. Le Gouvernement prévoit l'attribution d'une part du produit de la TIPP et non de l'ensemble de la taxe. Vous nous assurez, monsieur le ministre, que ce produit transféré sera révisé en 2005 pour être à la hauteur des charges transférées. Mais quel engagement précis pouvez-vous prendre et inscrire dans la loi, qu'il en sera bien ainsi ? Aujourd'hui rien n'est garanti.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Le ministre a déjà répondu !
    M. Augustin Bonrepaux. Qui plus est, ce réexamen ne garantit pas l'avenir, car le coût du RMI va s'aggraver chaque année, et ce pour au moins trois raisons.
    La première est que le RMI évolue chaque année - et on peut s'en réjouir - au moins au rythme de l'inflation...
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Cela veut dire qu'il n'y a rien à faire !
    M. Augustin Bonrepaux. ... ce qui représente une augmentation de 1,5 à 2 %.
    Deuxièmement, les frais de personnel évoluent chaque année d'au moins 3 % en fonction du GVT. Seront-ils - je repose la question - également transférés aux départements ?
    Enfin, comme vient de le montrer le rapport que je vous ai cité, le passage du RMI au RMA entraînera automatiquement un surcoût pour les départements, qui a pu être chiffré entre 15 % et 20 %.
    Quelle compensation est prévue par rapport à cette dépense évolutive ? Elle restera figée au niveau de 2003, au mieux de 2004, s'il y a bien réévaluation. Les départements sont donc traités de façon inégalitaire par rapport à la région, ce qui est en totale contradiction avec la garantie d'autonomie financière de la Constitution. En effet, les régions pourront faire évoluer le taux de TIPP, tandis que les départements ne le pourront pas. Sur ce point également, les rapports de vos commissions sont éclairants. Dans celui de Mme Montchamp, il est proposé une simulation du coût pour les départements d'une décentralisation du RMI en 1993. Le nombre de RMIstes a certes augmenté depuis 1993, mais le rapport montre bien que la compensation par la TIPP restera figée et que son produit n'est pas évolutif.
    Même si l'on peut espérer que le nombre de RMIstes reste limité, il est indiscutable que la charge, elle, va augmenter. Je vous invite à étudier le rapport de Mme Montchamp, comme celui de Mme Boutin d'ailleurs, qui démontre la même chose. Les courbes qui y figurent sont tout à fait éclairantes car elles montrent que la progression du RMI est extrêmement élevée alors que la consommation de carburant routier reste étale. Un autre élément mis en avant dans les deux rapports est qu'il faudra bien respecter le protocole de Kyoto, ce qui signifie que la consommation de carburant ne progressera pas. Vous n'allez pas augmenter chaque année les taux de la TIPP, surtout après les déboires que vous avez connus cette année. Le produit de cette taxe n'augmentera donc pas. L'accroissement des charges va donc se traduire par un surcoût pour les départements, et donc par un alourdissement des impôts locaux, qui frappera les départements les plus modestes et les catégories les plus modestes de nos concitoyens.
    Vous parlez de péréquation monsieur le ministre et une ligne est prévue à cet effet dans la loi de finances mais ce n'est qu'un affichage puisqu'en réalité les communes les plus pauvres connaîtront une dégradation, voire une régression, de leur situation. Il suffit là encore de lire le rapport de Mme Montchamp, pour s'en convaincre.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, il faut conclure !
    M. Augustin Bonrepaux. Je vais conclure, monsieur le président, mais les points que je soulève sont extrêmement importants. Nous n'avons pas suffisamment mis en évidence le travail de nos commissions. Leurs rapports montrent que le taux de RMIstes est très variable d'un département à l'autre. Il est très élevé dans les départements du sud, qui sont parmi les plus pauvres, et dans certains départements industriels alors qu'il est faible dans d'autres, comme l'Ain ou l'Ille-et-Vilaine. Or, vous ne prévoyez rien pour compenser les charges transférées. Surtout vous ne prévoyez pas une réelle péréquation qui permette d'aider davantage les départements les plus pauvres, pour qui l'aggravation de la charge pèsera le plus lourd.
    Le véritable problème est là. Avec ce désengagement de l'Etat, vous remplacez une solidarité nationale, garante de l'égalité républicaine, par une solidarité localisée au niveau de chaque département.
    M. Gabriel Biancheri. Eh bien oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Elle sera aléatoire, fixée en fonction des moyens et de la volonté politique de chaque département, et donc inégalitaire. C'est pourquoi nous sommes opposés à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.
    Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que nulle part ailleurs sans doute, l'attention portée à ce texte est grande à la Réunion. Les raisons en sont, d'abord que le RMI symbolise l'application du principe républicain de l'égalité dans les départements d'outre-mer, ensuite, que les Réunionnais ont dû attendre plus de dix ans pour voir, en 2002, le montant de cette prestation aligné sur celui qui est servi en métropole et, enfin, qu'avec près de 68 000 allocataires, le RMI concerne déjà, si on intègre les familles des bénéficiaires, presque le quart de la population.
    Or, nous avons constaté avec inquiétude que le texte ne prenait pas en compte les particularités des départements d'outre-mer et que l'on semblait découvrir seulement au fur et à mesure de son examen.
    Il en est ainsi, par exemple, du financement destiné à compenser le transfert de la gestion du RMI au conseil général. L'incertitude qui entoure les modalités du transfert des ressources n'est pas rassurante. Déjà décentralisée dans les départements d'outre-mer, la TIPP ne saurait être retenue comme nouvelle recette. Quant au potentiel fiscal, sa faiblesse ne laisse guère envisager de grandes marges de manoeuvre. Vous avez reconnu, monsieur le ministre, lors du débat au Sénat, qu'il était nécessaire de trouver d'autres solutions. Pourrions-nous en savoir un peu plus aujourd'hui ?
    Nombre d'élus de la Réunion, parmi lesquels le président du conseil général lui-même, s'interrogent sur les conséquences financières de la décentralisation du RMI. D'ores et déjà, le transfert du montant des allocations versées au titre du RMI, qui représente plus de six fois celui de la fiscalité directe, entraînerait une augmentation de plus de 70 % du budget de fonctionnement du département ! Comment faire face, dans des conditions acceptables, d'ici au 1er janvier 2004, à un tel changement d'échelle ?
    En ne prévoyant ni une réévaluation de la compensation, ni un mécanisme de péréquation entre les départements, le Gouvernement veut ignorer l'augmentation du nombre des allocataires, inévitable à la Réunion, en raison d'un marché du travail où les créations d'emplois, quoique élevées, demeurent insuffisantes par rapport à la croissance de la population active. De même, le Gouvernement oublie un peu vite les effets de sa réforme de l'allocation de solidarité spécifique et, de façon plus générale, les conséquences sur l'emploi de sa politique ultralibérale.
    Faute de ressources suffisantes, c'est le droit au RMI lui-même qui risque d'être remis en cause. En effet, si le nombre d'allocataires augmente alors que les crédits transférés restent les mêmes, comment fera le conseil général ? Faudra-t-il éliminer des allocataires, arbitrer entre les dossiers de demande ?
    M. Patrick Roy. Très bon argument !
    Mme Huguette Bello. De plus, doit-on comprendre que le montant du RMI est condamné à ne jamais plus augmenter ? Je sais parfaitement que vous n'opposerez pas à l'enfer du RMI le paradis du RMA. Ce dispositif qui consiste à payer les entreprises pour qu'elles embauchent...
    M. Daniel Spagnou. C'est bien, ça !
    Mme Huguette Bello. ... s'inscrit finalement dans une logique d'allégement du coût du travail. Cependant, jamais le pourcentage de l'aide accordée aux employeurs n'a été aussi élevé. Jamais non plus les droits des salariés n'auront été bafoués à ce point.
    Que dire de l'assiette prévue pour les cotisations pour la retraite et l'assurance-chômage ? Serait-ce la version légale du travail au noir ?
    En tout cas, il est choquant que les pauvres n'aient plus à choisir qu'entre la souffrance de ne pas pouvoir travailler et l'humiliation de n'être embauchés que pour des contrats quasiment gratuits ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muguette Jacquaint. Elle a raison !
    M. Patrick Roy. Très bien ! Le travail doit être payé !
    Mme Nadine Morano. Le dispositif est justifié. Il faut remettre les Réunionnais au travail !
    Mme Huguette Bello. C'est moi qui suis élue à la Réunion, ce n'est pas vous ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La mise en place d'un nouveau dispositif doté de caractéristiques aussi régressives oblige à s'interroger sur la place qu'il occupera par rapport au dispositif existant. Est-il appelé, par exemple, à se substituer au contrat d'emploi-solidarité ou au contrat d'accès à l'emploi qui offre de meilleures garanties aux salariés ? Croyez-vous, monsieur le ministre, que l'application du RMA soit vraiment nécessaire à la Réunion...
    M. Jean-Pierre Gorges. Oui. Plus à la Réunion qu'ailleurs !
    Mme Nadine Morano. Oui. Au travail !
    Mme Huguette Bello. ... où les lois d'orientation puis de programmes pour l'outre-mer ont déjà créé plusieurs dispositifs pour les allocataires du RMI ?
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est un mauvais calcul, ça !
    Mme Huguette Bello. Incertitude sur le financement du transfert du RMI,...
    Mme Nadine Morano. Au travail !
    M. Alain Gest. Plus encore qu'ailleurs !
    Mme Huguette Bello. C'est moi qui suis élue à la Réunion, pas vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Incertitude sur le financement du transfert du RMI, et absence de réflexion sur l'articulation du RMA avec les dispositifs existants : les deux volets de votre réforme ne sont ni l'un ni l'autre applicables en l'état à la Réunion.
    M. Pascal Terrasse. L'UMP n'aime pas la Réunion. Elle n'aime pas les DOM-TOM ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Huguette Bello. C'est pourquoi il est nécessaire, comme le demande la grande majorité des élus de notre département, de différer l'application de ce texte à la Réunion.
    Mme Nadine Morano. Plus qu'ailleurs, il faut travailler !
    Mme Huguette Bello. Réformer les moyens d'existence des plus modestes et des plus fragiles demande un peu plus de rigueur et d'attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est le travail qui vous fait peur !
    M. Pascal Terrasse. Encore faut-il le payer, le travail !
    Mme Arlette Franco. C'est ce que nous faisons !
    M. Jean-Pierre Gorges. Vous avez un poil dans la main !
    Mme Huguette Bello. Dites tout de suite que les Français sont des paresseux !
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Votre projet, monsieur le ministre, est présenté comme un outil destiné à ramener vers l'emploi celles et ceux qui en sont le plus éloignés. Sur une telle ambition, qui pourrait naturellement vous critiquer ? Mais lorsque l'on examine d'un peu plus près vos intentions, on s'aperçoit qu'elles sont moins louables, et lorsque l'on essaie de juger au vu des moyens que vous mettez en place, on s'aperçoit que l'écart est malheureusement grand entre le discours et le résultat attendu.
    Mme Huguette Bello. Tout à fait !
    M. Gaëtan Gorce. Depuis dix-huit mois, monsieur le ministre, vous n'avez de cesse de nous parler de réhabiliter la valeur travail. Telle serait, à vous entendre, votre intention. Nous sommes tous d'accord :...
    M. Alain Gest. Pas sûr !
    M. Gaëtan Gorce. ... la valeur travail est un élément central, fondamental même de notre pacte social. Cela a été dit hier et nous pouvons le répéter. Mais la valeur travail est-elle à ce point aujourd'hui abîmée, abandonnée, oubliée qu'il faille la réhabiliter ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est vous qui l'avez oubliée !
    M. Gaëtan Gorce. Si vous vous plaisez tant à employer ce terme, c'est parce que votre discours masque bien d'autres intentions, nettement moins louables.
    Pour commencer, vous usez manifestement de cette référence pour remettre en cause les avancées et les acquis de la précédente législature : c'est en premier lieu la réduction du temps de travail que vous avez en tête, comme si en créant 300 000 emplois...
    Mme Nadine Morano. Combien en avez-vous détruits ?
    M. Alain Gest. Calculez le solde !
    M. Gaëtan Gorce. ... à travers la réduction du temps de travail, en faisant en sorte que les salariés bénéficiant de cette réduction puissent récupérer de leur travail, nous avions mis en cause la valeur travail elle-même ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gaëtan Gorce. Mes chers collègues, si vous pouviez garder votre sang-froid lorsque nous nous exprimons, cela permettrait un débat plus calme et plus serein. Maintenant, si mes arguments vous gênent, je suis ravi d'obtenir un tel résultat.
    M. le président. Je vous prie de poursuivre, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. En utilisant cette référence, vous cherchez également à masquer votre échec sur le terrain de l'emploi. Vous parlez sans cesse de travail, mais regardons ce qui en est la base, autrement dit l'occupation d'un emploi : que constatons-nous depuis maintenant dix-huit mois ? Plus de 150 000 chômeurs supplémentaires...
    M. Alain Gest. Depuis vingt-quatre mois au moins !
    M. Gaëtan Gorce. ... et une dégradation constante du marché de l'emploi.
    M. Jean-Pierre Gorges. Comme durant la période précédente !
    M. Gaëtan Gorce. On ne peut prétendre réhabiliter le travail, monsieur le ministre, lorsque l'on débilite l'emploi. La première condition pour valoriser le travail, c'est précisément de mener une politique active de l'emploi.
    Enfin, votre discours vise tout simplement à culpabiliser les Français par rapport à leurs droits sociaux de toujours comme à ceux qui leur ont été reconnus par la loi ou par la négociation sociale au cours des dernières années. A preuve, la remise en cause d'un jour férié,...
    Mme Nadine Morano. Il s'agit de solidarité !
    M. Patrick Roy. Solidarité ? Du vol, oui !
    M. Gaëtan Gorce. ... la discussion engagée sur la réduction du temps de travail et plus généralement tous les commentaires que vous-même comme votre majorité apportez sur ce projet, selon lesquels il s'agirait de remettre au travail une partie de celles et ceux qui ne voudraient pas travailler.
    M. Daniel Spagnou. Qui ne travaillent pas !
    M. Gaëtan Gorce. Je vous ai encore entendu à la radio ce matin faire ce distingo entre celles et ceux qui veulent travailler, qui veulent revenir au travail, et les autres qui, par paresse, par défaut moral, rechigneraient à s'engager sur la voie du travail,...
    Mme Nadine Morano. Mais bien sûr !
    M. Gaëtan Gorce. ... alors même que l'attente, on le sait bien, de celles et ceux qui sont exclus de l'emploi, c'est d'y revenir, au prix de tous les efforts nécessaires.
    Mme Nadine Morano. Et il faut les y aider !
    M. Gaëtan Gorce. Mais cela passe par plusieurs conditions que vous ne remplissez pas. La première, c'est que l'on puisse occuper de bons emplois, autrement dit que l'on lutte contre la précarité - ce qui ne fait pas partie des soucis de ce gouvernement.
    M. Jean-Pierre Gorges. Qu'avez-vous fait, vous ?
    M. Gaëtan Gorce. Une autre condition, c'est que l'on puisse bénéficier de bons salaires - ce qui n'est malheureusement pas davantage le souci de ce gouvernement si j'en juge par l'évolution du pouvoir d'achat des salariés. La dégradation des conditions de travail, la stagnation des salaires constituent un facteur de démotivation pour les salariés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), autrement plus grave que les conséquences qu'entraînerait, à vous entendre, la réduction du temps de travail.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Et la revalorisation du SMIC ?
    M. Gaëtan Gorce. Cette référence permanente à la valeur du travail vise tout simplement à masquer les réductions budgétaires auxquelles vous procédez. Car si vous mettez en avant des dispositifs comme le RMA ou le CIVIS, vous passez sous silence le fait que l'engagement financier correspondant de l'Etat - en fait, ce sont les conseils généraux que vous allez faire payer - est en nette réduction.
    M. Gabriel Biancheri. Quel aveu d'impuissance !
    M. Jean-Pierre Gorges. Bonrepaux lui-même a dit que cela allait coûter plus cher !
    M. Gaëtan Gorce. Je le disais à cette tribune il y quelques jours en parlant du budget de l'emploi : votre budget a diminué l'an dernier ; cette année, au mieux, il stagne, mais en se réduisant pour les publics les plus en difficulté. Et c'est cette réalité-là que cette assemblée doit percevoir derrière vos propositions.
    Mais revenons sur les moyens que vous voulez mobiliser au service de cette politique. Nous sommes parfaitement en accord...
    M. Alain Gest. Avec vous-mêmes !
    M. Gaëtan Gorce. ... sur le fait que le RMI, pour ce qui touche à son volet insertion, n'a pas atteint tout son objectif et qu'il est de notre responsabilité, aux uns et aux autres, de mobiliser des moyens supplémentaires et d'être plus efficaces pour ramener les plus exclus vers le travail.
    M. Daniel Spagnou. Voilà !
    M. Gaëtan Gorce. Nous en sommes d'accord.
    Mme Nadine Morano. Tout cela, ce sont des mots ! Proposez !
    M. Gaëtan Gorce. Encore faut-il ne pas commettre un défaut de cohérence et un défaut d'appréciation. Défaut de cohérence : comment s'articuleront ces dispositifs entre eux, entre les acteurs de la politique pour l'emploi - l'Etat, les régions pour l'emploi des jeunes, les départements désormais pour l'emploi des exclus ?
    Mme Nadine Morano. Quelle confusion ! L'incohérence, c'est vous !
    M. Gaëtan Gorce. Comment s'articulent-ils avec ceux qui existent déjà - les CES dans le secteur non marchand, les CIE dans le secteur privé ? Pourquoi ne pas utiliser ces outils, plutôt que de créer un nouvel instrument dont la nature hybride, mi-contrat de travail, mi-contrat de quelque chose, mi-salaire, mi-simple allocation,...
    M. Alain Gest. Vous dites vous-même que les précédents dispositifs n'ont pas marché !
    M. Gaëtan Gorce. ... montre bien que l'objectif d'insertion que vous poursuivez ne sera pas atteint ?
    Mme Nadine Morano. Mais proposez quelque chose !
    M. Gaëtan Gorce. Défaut de cohérence, disais-je ; plus grave encore, la mise en place de ce schéma procède d'une erreur d'appréciation. Vous considérez que la seule façon de lutter contre l'exclusion et de ramener les plus en difficulté vers l'emploi...
    Mme Nadine Morano. C'est le but !
    M. Gaëtan Gorce. ... c'est encore d'utiliser des outils de précarité et de fragilité sociale.
    Mme Nadine Morano. Non, c'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. Dans tous les pays où l'on a engagé une action d'activation, comme l'ont dit, des dépenses de l'emploi, celle-ci a reposé sur un système d'allocations chômage conforté, sur une couverture sociale renforcée. Vous nous dites que nous devons lutter contre la fracture entre les salariés et ceux qui bénéficient d'allocations, les premiers regardant les seconds de travers, doutant du bien-fondé ou de la légitimité de ces allocations. Vous ne répondrez pas à cette question en vous contenant de stigmatiser...
    M. Alain Gest. C'est vous qui stigmatisez les entreprises !
    M. Gaëtan Gorce. ... ou en mettant en place de nouveaux outils spécifiques, mais bien en impliquant les partenaires sociaux, en faisant en sorte que les dispositifs proposés relèvent le plus possible du droit commun, en jouant sur la négociation et la concertation. Ce n'est malheureusement pas ce que vous faites. Nous présenterons durant le débat des amendements qui permettront de corriger cette dérive.
    M. le président. Monsieur Gorce, il faut conclure.
    M. Gaëtan Gorce. J'en termine, monsieur le président.
    Si nous partagions la volonté exprimée sur tous les bancs de mener une véritable politique d'insertion professionnelle en direction des populations les plus en difficultés,...
    M. Jean-Pierre Gorges. Au fait, c'est quoi, votre proposition ? Il n'y en a pas !
    M. Gaëtan Gorce. ... celle-ci aurait dû s'appuyer sur des outils beaucoup plus cohérents, et pour une part sur l'arsenal existant que nous pouvions adapter. Cela supposait, à l'évidence, l'implication des partenaires sociaux et appelait de ce fait une plus large concertation qui aurait permis d'éviter les polémiques et de mener une politique véritablement conforme à l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, dernier orateur inscrit.
    M. Patrick Roy. Le dernier sera le meilleur !
    M. Jean-Pierre Gorges. Enfin un modéré !
    M. Alain Gest. Peut-être allons-nous avoir une bonne surprise ?
    M. Pascal Terrasse. En m'écoutant ? Certainement ! (Sourires.)
    Monsieur le ministre, si les lois sont, dit-on, mal comprises de nos concitoyens, il en est au moins une qui échappe à la règle, celle qui a créé le RMI. En effet, notre pays, comme d'ailleurs tous les pays européens, s'était indigné de voir un nombre croissant de personnes plongées dans la très grande précarité. A un moment donné, il a fallu se rendre à l'évidence et répondre à ce besoin. Nombre de personnalités avaient appelé à agir, à l'exemple de l'abbé Pierre et de toutes celles et tous ceux qui s'interrogeaient sur l'insertion, sur la grande pauvreté. Et Michel Rocard, à l'époque, avait trouvé la bonne idée.
    M. Jean-Pierre Gorges. Comme pour les retraites !
    M. Pascal Terrasse. Alors que vous aviez, en 1986, mes chers collègues de la majorité, supprimé l'impôt sur les grandes fortunes, pour des raisons idéologiques et très libérales,...
    M. Alain Gest. Par souci d'efficacité économique !
    M. Pascal Terrasse. C'est votre choix, c'est votre clientèle !
    ... Michel Rocard avait institué l'impôt de solidarité sur les fortunes afin de pouvoir aider les plus pauvres parmi les plus pauvres. Et les Français avaient fort bien compris que l'on prenne à ceux qui ont beaucoup d'argent pour aider les plus démunis, pour restaurer un équilibre entre ceux qui ont largement les moyens et ceux qui n'en ont aucun. Or, à regarder de près votre projet, force est de se rendre compte que ce pacte républicain est aujourd'hui très largement rompu.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous y allez carrément !
    M. Pascal Terrasse. Evidemment, bien des questions se posent. Au fond, que propose le Gouvernement ? Il constate qu'il y a des personnes en grande difficulté, qui s'insèrent mal dans la société, que les départements auraient péché en matière d'insertion et qu'il faudrait trouver des solutions. Rien là que de très louable, monsieur le ministre. Mais il est une difficulté que vous ne pouvez méconnaître, vous qui avez été membre de la commission des finances, puis des affaires sociales : comment sera organisé le financement ?
    M. Jean-Pierre Gorges. Bonrepaux nous a déjà servi la chanson !
    M. Pascal Terrasse. Certes, mais c'est important ! Sans être schizophrène, je vais essayer de rappeler ce que le Premier ministre, votre Premier ministre,...
    M. Alain Gest. C'est celui de la France !
    M. Pascal Terrasse. ... le Premier ministre de la France nous déclarait lui-même il y a quelques semaines : « Il y a des personnes âgées dépendantes, vieillissantes et il faut que la solidarité nationale joue », disait-il, en gros. Evidemment ! Sur le principe, il avait raison. Mais lorsqu'il s'agit des précaires, plus question de solidarité nationale ! Pour les RMIstes, comme par hasard, c'est la solidarité départementale qui doit jouer ! Et c'est cela qui pose problème !
    M. Jean-Pierre Gorges. Vous n'avez pas lu le texte !
    M. Pascal Terrasse. Du reste, lisez le rapport de Mme Boutin. Il est très intéressant ! (« C'est déjà fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Notre collègue s'appuie sur un rapport de l'IGAS auquel elle fait constamment référence. Mais qu'en conclut-elle ? Que l'IGAS a raison, mais qu'il faut malgré tout confier la gestion du dispositif aux départements !
    Je sais ce qu'il en est, pour avoir moi-même siégé dans la majorité : je sens bien que, au fond, Mme Boutin n'est pas convaincue par ce qu'elle nous présente - je ne suis d'ailleurs pas sûr que le ministre des affaires sociales le soit lui-même. Reconnaissons, entre nous, que le transfert du RMI aux départements n'est qu'une affaire d'équilibre financier, pour répondre aux exigences européennes.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Non !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Vous êtes sûr de ce que vous dites ?
    M. Pascal Terrasse. Oui, parce que c'est cela la réalité. J'ai lu attentivement ce rapport. Peut être moins que les présidents de conseils généraux, sénateurs UMP. Qu'en disent-ils ?
    M. Jean-Pierre Gorges. Il sont minoritaires !
    M. Alain Gest. Ils sont seize !
    M. Daniel Spagnou. Seize sur soixante et un !
    M. Pascal Terrasse. Oui, il y en a seize, mais si l'on rajoute tous les socialistes, les communistes, les UDF...
    M. Jean-Pierre Gorges. Il y en a encore, des communistes ?
    M. Pascal Terrasse. Oui, il y a des présidents de conseils généraux communistes.
    Mme Muguette Jacquaint. Ne vous en déplaise !
    M. Pascal Terrasse. Au total, près de 60 % des présidents de conseils généraux, quelle que soit leur appartenance politique, trouvent ce projet ahurissant sur le plan du financement. Il va falloir expliquer cela, l'année prochaine, quand vous verrez le nombre de RMIstes augmenter. Parce que cela aussi, c'est une réalité. Je vous invite d'ailleurs à prendre contact avec vos préfets, dès demain, en rentrant chez vous, pour leur demander communication de l'évolution du RMI ces mois derniers. Vous allez voir ! La réalité, c'est que le RMI va augmenter, et que ses financement vont devoir suivre le mouvement, comme l'a souligné Augustin Bonrepaux.
    M. Alain Gest. Il ne faut donc rien changer ?
    M. Daniel Spagnou. Il ne faut donc rien faire ?
    M. Pascal Terrasse. Bien sûr qu'on peut faire des choses, et Gaëtan Gorce l'a rappelé à juste titre.
    M. Daniel Spagnou et M. Jean-Pierre Gorges. Mais quoi ?
    M. Pascal Terrasse. Je vais y venir, si vous me laissez parler.
    M. Daniel Spagnou. Attention, votre temps de parole est limité !
    M. Pascal Terrasse. Ne vous énervez pas. Je sais que la période est difficile pour vous, mais gardez votre calme.
    Mme Nadine Morano. On est calme, mais on travaille !
    M. Pascal Terrasse. Je vais poser quelques questions très simples à M. Fillon.
    M. le président. Vous allez devoir les poser rapidement, monsieur Terrasse, car votre temps de parole est écoulé.
    M. Daniel Spagnou et M. Jean-Pierre Gorges. Et vos propositions ?
    M. Pascal Terrasse. La première, sur la prime de Noël, monsieur le ministre. Qui va financer la prime de Noël ?
    M. Gabriel Biancheri. Nous, comme d'habitude !
    M. Pascal Terrasse. Dites à notre collègue de la Drôme qu'il se trompe, monsieur le ministre, et conseillez-lui de lire le rapport. En réalité, les présidents de conseils généraux auront à payer en 2004 deux primes de Noël : celle de 2003, que le Gouvernement leur transfère, et celle de 2004, en fin d'année. Oui, nous allons payer deux primes de Noël.
    M. Jean-Pierre Gorges. Mentir est un vilain défaut !
    M. Pascal Terrasse. J'attends vos explications sur ce point, monsieur le ministre.
    Concernant l'ASS, je ne reviendrai pas sur les arguments fort bien développés par la quasi-totalité des groupes de cette assemblée. Au total, et compte tenu par ailleurs du système différentiel qui s'applique au RMI - comme l'explique le rapport de Mme Boutin -, tout cela se traduira pour les conseils généraux par des coûts faramineux.
    Je vous souhaite bon courage, chers collègues, lorsque vous allez expliquer dans vos circonscriptions, au moment des cantonales et des régionales, que le RMI ne sera plus payé par les grandes fortunes...
    M. Gabriel Biancheri. Il n'y en a plus, de grandes fortunes !
    M. Pascal Terrasse. ... mais bien par les impôts locaux, taxe d'habitation, taxe foncière sur le bâti, taxe professionnelle !
    Mme Nadine Morano. Les conseils généraux gèrent très bien leurs budgets !
    M. Pascal Terrasse. Vous irez leur expliquer, quand ils verront leurs impôts locaux augmenter de 10, voire de 20 % !
    Mme Nadine Morano. C'est faux !
    M. Pascal Terrasse. Ce changement ne va pas passer inaperçu !
    M. le président. Monsieur Terrasse, il faut conclure.
    M. Pascal Terrasse. Sur le fond, nous sommes d'accord. Sur la forme, et je conclus, monsieur le président...
    M. Jean-Pierre Gorges. Et vos propositions ?
    M. Daniel Spagnou. Il n'y en a pas eu !
    M. Alain Gest. Il n'a jamais le temps de les faire !
    M. Pascal Terrasse. Nous aurons l'occasion d'en débattre tout au long des articles.
    Mme Nadine Morano. C'est comme pour les retraites, vous ne proposez rien !
    M. Pascal Terrasse. En tout cas, nous aurons beaucoup de choses à dire tout au long de ce débat, et nous vous démontrerons que vous avez tort. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'espère, monsieur le président, que les arguments que je vais présenter à l'Assemblée conduiront Mme Jacquaint à renoncer à sa motion de procédure. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muguette Jacquaint. Ça non, monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, je voudrais exprimer d'abord tous mes remerciements à vos deux rapporteures, et en premier lieu à Christine Boutin pour la qualité de son intervention que tout le monde a soulignée...
    M. Pascal Terrasse. Et de son rapport !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et pour la force de son engagement. Nous sommes en accord sur trois points majeurs : nous pensons tous les deux qu'il ne faut surtout pas stigmatiser les allocataires du RMI. Nous pensons aussi qu'il ne faut pas pour autant faire preuve de naïveté : il existe des abus inacceptables et qui jettent une ombre sur tous les allocataires du RMI.
    Mme Hélène Mignon. Cela ne concerne que 1 % d'entre eux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes enfin d'accord sur le fait qu'il faut nous garder de tout préjugé : la sphère économique peut jouer un rôle en matière d'insertion sociale.
    M. Alain Gest. Parfaitement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur les amendements, nous aurons, chère Christine Boutin, l'occasion de nous expliquer en toute liberté et de croiser nos arguments et nos objectifs.
    M. Pascal Terrasse. Divergences !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai également été impressionné par la précision du travail qu'a réalisé Mme Marie-Anne Montchamp pour le compte de la commission des finances.
    M. Alain Gest. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Là encore, je me plais à souligner deux points d'accord majeurs entre les positions du Gouvernement et son intervention. D'abord sur la nécessité de la proximité au service de la solidarité : le centralisme n'est pas, les résultats de la lutte contre l'exclusion depuis des années le prouvent, un gage de générosité et d'efficacité. Ensuite, sur le courage dont il faut faire preuve au service de la solidarité.
    M. Augustin Bonrepaux. Le courage, ce n'est pas d'avancer des arguments financiers !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui, le changement au service du progrès social est plus fructueux que l'immobilisme.
    Je voudrais répondre maintenant aux principales questions posées au cours de ce débat sans pour autant entrer dans une polémique qui, je l'avoue, m'a déçu. On m'avait rapporté que les débats en commission avaient été d'une très grande richesse et donné lieu à des échanges permettant d'espérer la construction en commun d'un projet au service de l'intérêt général. Mais lorsqu'on entend que le projet du Gouvernement s'apparente au travail obligatoire, au travail forcé, ou même qu'il serait contraire aux conventions de l'Organisation internationale du travail, on ne peut que déplorer la distance, en termes de qualité, entre les débats en commission et les interventions en séance publique.
    M. Dominique Tian. Effectivement, et c'est un scandale !
    M. Jean-Marc Roubaud. C'est même diffamatoire !
    M. Alain Gest. Insupportable !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La première série de questions qui a dominé les interventions de tous les orateurs se rapporte à la compensation financière aux départements et je voudrais très directement apporter ici une réponse.
    L'article 3 du texte renvoie très clairement à la loi de finances pour une stricte application des règles constitutionnelles. Un amendement au projet de loi de finances 2004 à l'article 40 de la première partie sera donc proposé au Sénat et soutenu par le Gouvernement dans les tout prochains jours pour la mise en place d'un dispositif très précis. Celui-ci est d'abord fondé sur une évaluation en première analyse sur la base de la dépense 2003 et sur une correction définitive au vu des comptes de 2004 dans une loi de finances pour 2005 afin de tenir compte des effets de la réforme de l'ASS et de la création du revenu minimum d'activité.
    La compensation des dépenses 2004 engendrées par la décentralisation et la réforme de l'ASS sera donc garantie à 100 %, comme je m'y suis engagé.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Bravo !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Afin que les choses soient à cet égard parfaitement claires, un amendement va venir compléter l'article 3 du projet de loi dont nous discutons. Il établira le principe de ce dispositif et renverra, comme il est nécessaire en droit, à un article de la loi de finances. Je vous donne d'ores et déjà lecture de cet amendement qui sera déposé par le Gouvernement.
    « Sont insérés un deuxième et un troisième alinéas ainsi rédigés : "Au titre de l'année 2004, la compensation prévue au premier alinéa est calculée sur la base des dépenses engendrées par le paiement du revenu minimum d'insertion en 2003. Au titre des années suivantes, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des comptes administratifs des départements pour 2004, dans la loi de finances suivant l'établissement desdits comptes. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'est une belle avancée, monsieur le ministre !
    M. Alain Gest. Il faut savoir le reconnaître !
    M. Augustin Bonrepaux. Heureusement que l'opposition a fait son travail ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Christine Boutin, rapporteure. La commission aussi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je pense que si nous avions bénéficié des mêmes garanties dans le passé, à l'occasion des transferts de compétences qui ont été confiées aux collectivités locales, les choses auraient été très largement différentes.
    Toujours sur l'aspect financier, j'évoquerai maintenant les problèmes de trésorerie. Au début de l'année 2004, les mécanismes que nous mettons en oeuvre sont extrêmement clairs. Dès le versement du 5 janvier, le RMI sera versé pour le compte des départements. Les versements de TIPP aux départements n'intervenant qu'au cours du mois de janvier, il reviendra aux caisses d'allocations familiales d'assurer l'avance de trésorerie pour quelques jours.
    M. Pascal Terrasse. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est l'une des indications données par la circulaire du 31 octobre, évoquée à de nombreuses reprises, et dont l'utilité est naturellement de mettre l'administration en situation de garantir la continuité du service aux allocataires du RMI, en bonne intelligence avec les services du département.
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi verser le 5 janvier, alors ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A partir de février 2004, la trésorerie sera assurée par des versements de TIPP qui auront lieu chaque quinzaine.
    S'agissant du choix de la TIPP parmi toutes les solutions possibles - je ne reviendrai pas sur le sujet qui dépasse largement le cadre de notre discussion -, je ferai remarquer que c'est une solution en tout cas plus dynamique que la formule fondée sur la taxe professionnelle.
    M. Gabriel Biancheri. Ah oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Car, sur la taxe professionnelle, les ressources des collectivités locales sont désormais...
    M. Gabriel Biancheri. Bloquées !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... figées, pour toujours, sur la base de l'année à laquelle le transfert a été effectué.
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai ! (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On peut comparer les effets de ces deux solutions sur les comptes de nos collectivités locales.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est la DGF, et elle évolue chaque année. Assez de contrevérités !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est inacceptable !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour ce qui est de la prime de Noël, il n'y a aucun projet de transfert aux départements. Et répondant à une question de Mme Boutin, j'ai affirmé que si d'aventure le Gouvernement décidait de proposer ce transfert, naturellement, il devrait le compenser.
    M. Jean Le Garrec et M. Pascal Terrasse. Très bien !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous en prenons acte !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'Etat financera, en 2003, la prime de Noël, mais à la différence de ce qui s'est fait dans le passé, ce sera sur le budget de l'Etat et non sur celui de la sécurité sociale. (« Et voilà ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    On a posé à plusieurs reprises la question de la prise en charge des dépenses de gestion des caisses d'allocations familiales par les départements. J'ai souhaité, et la rédaction du présent texte en tient compte, que l'instruction et la gestion du RMI soient assurées par les CAF et les MSA comme un service rendu gratuitement aux départements, comme il l'était rendu à l'Etat. On peut s'interroger sur cette disposition et Mme Boutin a émis le voeu que le service soit rémunéré aux CAF. Mais on ne peut pas tout vouloir. Si le service avait dû être rémunéré aux CAF, les départements auraient dû avoir la liberté de choisir cet opérateur ou un autre.
    M. Alain Gest. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. D'accord !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En parfaite cohérence avec les souhaits du mouvement familial et des caisses d'allocations familiales, nous avons voulu préserver l'unité de gestion du dispositif. Mais en échange, naturellement, il faut que les CAF rendent ce service aux départements comme elles le rendaient à l'Etat, c'est-à-dire gratuitement,...
    M. Alain Gest. C'est juste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... à moins que ceux-ci ne souhaitent un service différent qui justifierait des conventions particulières.
    M. Gabriel Biancheri. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. A propos des transferts de personnel, j'ai bien noté qu'il y avait des résistances dans l'administration. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué, dans mon propos introductif, qu'un amendement du Gouvernement lèverait toute ambiguïté sur ce sujet.
    Mme Christine Boutin, rapporteure, et Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La « mise à disposition » - en effet, en vertu des lois de décentralisation, il y a une période de transition pendant laquelle ces personnels doivent être mis à disposition avant que la question de leur intégration soit posée - sera de droit.
    J'en viens maintenant à quelques autres questions posées par divers orateurs.
    Quel est l'intérêt financier du revenu minimum d'activité pour le bénéficiaire ? Est-il légitime d'espérer, de son point de vue, un succès de RMA ? La réponse est clairement non, si l'on retient, comme certains le souhaitent, l'ensemble de la rémunération pour l'assiette des cotisations.
    M. Alain Gest. Evidemment !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En effet, le différentiel de rémunération par rapport au RMI est réduit de 200 euros à 123 euros par mois. L'intéressé y perdrait donc l'équivalent de plus de 500 francs par mois. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que l'assiette de cotisations soit limitée au surplus versé par l'employeur. Bien sûr, les droits correspondants sont réduits pour l'assurance chômage et l'assurance vieillesse.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Eh oui !
    M. Patrick Roy. C'est un aveu !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je rappelle que l'intéressé bénéficie tout de même, d'une couverture maladie, maternité, accidents du travail gratuite. J'estime normal qu'il y ait une gradation entre le revenu minimum d'insertion qui, je vous le rappelle, n'ouvre aucun droit...
    Mme Martine Billard. Cela n'a rien à voir !
    Mme Hélène Mignon. C'est une allocation !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si vous étiez si soucieux d'ouvrir ces droits, pourquoi n'avez-vous pas prévu un dispositif équivalent pour les allocataires du revenu minimum d'insertion ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Terrasse. C'est toute la différente entre une allocation et une prestation !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'estime normale, disais-je une gradation entre le RMI et le RMA, lequel représentera un réel progrès puisqu'il permet d'acquérir deux trimestres au titre des régimes de retraite à vingt heures par semaine,...
    M. Gabriel Biancheri. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et l'emploi salarié, qui est l'étape que l'on souhaite définitive, avec ses droits pleins.
    Je le répète, cette gradation n'est pas illégitime alors que, sur le plan de la rémunération nette, on en reste, par hypothèse, au niveau du SMIC, sauf naturellement situation plus favorable.
    Le RMA présente-t-il des risques d'effet d'aubaine pour les employeurs ?
    M. Patrick Roy. Oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je rappelle que les personnes concernées sont très loin de l'emploi, après une période souvent longue de chômage et plus de dix-huit mois de RMI. C'est pourquoi pour ma part, mesdames et messieurs les députés, je crains moins un effet d'aubaine qu'une insuffisante mobilisation des entreprises !
    M. Jean Le Garrec. C'est un risque, en effet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais je compte sur la constitution des réseaux unissant les élus locaux et les employeurs dans chaque département pour faire avec vous le pari de la réussite du RMA. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. C'est très important !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Par ailleurs, l'exonération de cotisations sociales patronales est limitée au secteur non marchand. Certains, comme M. Estrosi, l'ont regretté - et je ne suis pas loin de penser comme eux que l'absence de limitation aurait servi la réussite du projet - mais le choix du Gouvernement a été précisément d'éviter toute ambiguïté quant à l'existence d'un supposé « cadeau » fait à qui que ce soit.
    Le département enfin - beaucoup d'orateurs l'ont oublié - conclura une convention avec le chef d'entreprise qui obligera à un suivi individuel, permettra au département d'apprécier périodiquement la situation du bénéficiaire et la manière dont il est accompagné dans l'entreprise. Toute insuffisance devra être sanctionnée par le département.
    La question a été posée, notamment par M. Vercamer, de savoir pourquoi l'accès au RMA n'était pas possible d'emblée, dès l'accès au RMI. Hors le cas où l'intéressé était précédemment bénéficiaire de l'ASS, qui sera traité par voie d'amendement, il n'est pas logique, me semble-t-il, de supprimer l'exigence, pour accéder au RMI, d'une durée minimale de revenu minimum d'insertion, même si l'on peut naturellement discuter de l'importance de cette durée.
    Il y a plusieurs raisons à cela. Je l'ai indiqué hier : un tiers de RMIstes sortent d'eux-mêmes du RMI pour retourner à l'emploi au cours de la première année. En l'absence de durée minimale, on pourrait imaginer une perversion du système conduisant vers le RMI en vue de bénéficier d'un accès au RMA. Enfin, tout le dispositif du RMA est mis en place pour aider ceux qui sont le plus loin de l'emploi et n'accèdent même plus aux autres mécanismes d'insertion, comme les CES ou les CIE. Supprimer toute condition de durée risquerait de faire du RMA une occasion manquée pour les plus défavorisés.
    Plusieurs orateurs de gauche ont laissé entendre qu'une menace de rupture du contrat planait, par exemple, sur les RMIstes qui seraient dans l'incapacité de travailler. Cette menace n'existe que dans leur imagination mais en aucun cas dans le texte qui vous est soumis. Je vous rappelle que les droits d'accès au RMI ne sont pas modifiés et que le RMA n'est pas obligatoire. C'est une option offerte aux allocataires du RMI, qui ont la possibilité de la refuser sans que cela entraîne aucune conséquence sur le versement de l'allocation.
    Un orateur a évoqué le risque de voir le RMI se territorialiser ou de voir s'instaurer des niveaux ou des conditions d'accès différents selon les endroits. Ce risque n'existe pas : le RMI est encadré par des dispositions législatives, celles de la loi de 1988.
    De même les questions de l'accès aux soins et de l'accès au logement ne sont pas traitées dans ce texte parce qu'elles le sont dans le texte de 1988, qui n'est pas abrogé, que je sache !
    M. Maxime Gremetz. Ah ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a aucune modification dans ce domaine.
    Madame Bello, vous avez posé une question très importante sur la situation outre-mer à laquelle je suis évidemment extrêmement attentif. Il n'y aura aucune incertitude quant au financement. S'il est vrai que la TIPP d'outre-mer est déjà transférée aux régions d'outre-mer, c'est donc sur l'enveloppe de la TIPP métropolitaine que sera prélevée la ressource nécessaire à la compensation pour l'outre-mer, sur les bases que j'ai évoquées tout à l'heure, c'est-à-dire garantissant un transfert de ressources équivalent à 100 % de la dépense qui sera réalisée par les départements d'outre-mer.
    Enfin, je voudrais rappeler à M. Gorce, qui s'est un peu emballé dans sa démonstration, que les chiffres lui donnent totalement tort sur un point au moins : le pouvoir d'achat des salariés. Le chiffre qui vient d'être publié sur ce sujet montre qu'il a augmenté de 2,5 % au cours de l'année passée. La hausse du SMIC, en vertu de la loi qui garantit une hausse de 11,4 % du SMIC horaire en valeur en trois ans, n'y est pas pour rien.
    M. Pascal Terrasse. Pas pour tout le monde !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour la moitié, et pour les autres, c'est 6 % en moyenne.
    M. Pascal Terrasse. Alors, dites la vérité !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La vérité, mesdames, messieurs les députés, c'est que le Gouvernement soutient plus la rémunération du travail que cela n'avait été fait depuis longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Et ce ne sont pas les 35 heures qui ont été un succès à cet égard parce qu'elles ont pesé lourdement, vous le savez bien, sur le pouvoir d'achat des salariés !
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas ce qu'ils disent !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, à travers ce débat se pose, au fond, une question essentielle pour notre société, celle de savoir quelle solidarité nous voulons envers les plus démunis.
    Ces dernières années, les politiques de lutte contre l'exclusion et de solidarité en faveur des plus démunis ont affirmé, souvent avec la plus grande solennité, la priorité de l'accès aux droits, la primauté de l'objectif d'insertion et le refus de l'assistance. Or, on constate aujourd'hui un décalage de plus en plus grand entre l'affirmation de ces principes et leur effectivité.
    M. Gabriel Biancheri. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. De la même façon, l'objectif d'insertion assigné aux politiques de lutte contre l'exclusion n'a pas donné les résultats attendus. Telle était pourtant l'ambition du revenu minimum d'insertion, il y a quinze ans. Il s'agissait de rompre, enfin, avec le processus d'exclusion et d'assistance. Or, comme chacun l'a reconnu, aujourd'hui, un allocataire sur dix est encore présent dans le dispositif après dix années de versement de l'allocation.
    Mme Nadine Morano. Scandaleux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette situation est inacceptable pour tous et, d'ailleurs, elle est dénoncée par tous. Elle est surtout refusée par les personnes en situation d'exclusion qui n'attendent pas uniquement une assistance, aussi bienveillante soit-elle, mais bien une reconnaissance de leur utilité sociale.
    La démultiplication des politiques d'assistance, d'aide et d'action sociale ciblées, spécifiques, prioritaires ne nous a-t-elle pas éloignés des véritables aspirations des plus démunis de nos concitoyens ? Ceux-ci attendent que nous les aidions à retrouver le chemin de l'activité et de l'emploi qui est celui de la dignité également retrouvée.
    Ces constats, nous les partageons avec les associations en contact avec les personnes en difficulté. Nous les partageons également avec les élus locaux qui sont les premiers interpellés par ces situations douloureuses. Ces constats établis et partagés, nous devons collectivement réinventer une véritable politique de solidarité qui rompe avec les logiques d'assistance.
    Je sais bien qu'il s'agit d'un défi ambitieux et difficile, mais tel est l'objectif que le Gouvernement poursuit. C'est tout le sens des mesures que j'ai proposées dans le domaine de l'emploi et de la solidarité, avec le CIVIS, le contrat jeune en entreprise, l'intégration des étrangers accueillis sur notre territoire national, la consolidation des dispositifs d'hébergement et de réinsertion sociale, et les mesures de simplification pour l'accès aux droits.
    C'est aussi le sens du projet de décentralisation du RMI et de création du RMA qui, en misant sur la proximité et en offrant un outil nouveau de retour à l'activité pour ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi, nous rapprochent de cet objectif commun.
    Il est temps, je crois, de donner une nouvelle chance d'insertion et d'accès à l'emploi à ceux qui sont exclus du monde du travail...
    M. Maxime Gremetz. En licenciant ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et qui aspirent à l'autonomie et à la dignité personnelle, et à retrouver toute leur place au sein de la collectivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon propos par le rappel de deux chiffres. Depuis que vous avez pris les rênes du pouvoir, la richesse nationale a régressé de 0,2 %, et le nombre de chômeurs - en particulier des jeunes - a progressé de 7 %.
    Depuis plus d'un an, la situation s'est dégradée de façon accélérée. La croissance du chômage semble, d'ailleurs, prendre maintenant un rythme de croisière : le nombre de chômeurs a augmenté de 25 000 en septembre, soit 160 000, et peut-être même 170 000 de plus depuis votre arrivée au pouvoir. Pour les moins de vingt-cinq ans, l'augmentation est de 8 %, comme pour les chômeurs de longue durée. On pouvait s'attendre, devant ces chiffres catastrophiques, à une réaction de votre part, et à des mesures bien plus appropriées pour lutter contre le chômage.
    Mais, si le discours, monsieur le ministre, est bien tourné et les images bien trouvées, si donc le flacon est bien présenté, le contenu n'en reste pas moins très dangereux.
    M. Maxime Gremetz. C'est de l'éther de glycol !
    Mme Muguette Jacquaint. Il creuse le décalage entre les actes et les paroles. Je ne peux m'empêcher de penser au Président de la République en visite à Valenciennes, déclarant, la main sur le coeur, dans cette région Nord - Pas-de-Calais si touchée : « Il est inacceptable qu'en France, les gens n'aient plus droit au travail, n'aient plus droit au logement, soient de plus en plus en situation de précarité et de plus en plus pauvres. »
    Mettons en parallèle quelques éléments : les cadeaux fiscaux que contient la loi de finances pour 2004 avec la baisse uniforme de 3 % des taux d'imposition à l'impôt sur le revenu, l'allègement de l'impôt sur les grandes fortunes, l'augmentation du plafond de la déduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, la déduction fiscale - jusqu'à 23 000 euros par an - pour favoriser la retraite par capitalisation,...
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous mélangez tout !
    Mme Muguette Jacquaint. ... la baisse des charges des entreprises sur les bas salaires,...
    Mme Nadine Morano. C'est plutôt bien, ça !
    Mme Muguette Jacquaint. ... le report illimité des déficits des entreprises déductibles des bénéfices imposés au titre de l'impôt sur les sociétés.
    De l'autre côté, que trouve-t-on ? La réduction de l'indemnisation des chômeurs au titre de l'ASS, la hausse de la TIPP sur le gazole, l'augmentation dérisoire de la prime pour l'emploi - dix euros par an et par bénéficiaire -, l'augmentation du forfait hospitalier, par exemple. Oui, la fracture sociale se creuse un peu plus chaque jour, allant jusqu'à la rupture, en poussant toujours un peu plus de gens au bord du précipice.
    Prenez la mesure, monsieur le ministre, de la gravité des situations que continue de vivre une part importante de la population. En effet, quatre millions de personnes se trouvent sous le seuil de pauvreté soit, pour un adulte, 557 euros par mois. Plus de trois millions de personnes sont aujourd'hui mal logés, ou sans logement.
    Nous n'avons pas besoin d'abroger la loi sur le logement : quand on voit que le budget du logement diminue de 8,5 %, on est en droit de s'inquiéter. D'ailleurs, les chiffres sont déjà là. Combien de RMIstes, combien de ces personnes que je viens de citer, vont pouvoir se loger dans de telles conditions, puisque de toute manière on ne construit plus de logements répondant à leurs besoins ?
    Aujourd'hui, 14 % de la population renonce à des soins pour une raison financière, et ce pourcentage monte à 23 % pour les catégories de bas revenus - moins de 750 euros -, voire à 30 % chez les chômeurs. Observez-vous, monsieur le ministre, qu'aujourd'hui on vit de plus en plus mal dans notre pays ?
    Et que dire encore de ces deux réalités inacceptables qui règnent en France : la persistance de la pauvreté en l'absence de travail et la précarisation galopante de l'emploi, qui ne protège plus de la pauvreté ?
    Dans ce contexte social extrêmement inquiétant, la politique du Gouvernement n'apporte rien de rassurant. Et de ce point de vue, la création d'un contrat insertion - RMA n'améliorera malheureusement pas cette situation, bien au contraire. Après avoir été pauvres sans travail, les allocataires du RMI deviendront des travailleurs pauvres. Après la remise en cause des 35 heures, la suspension-abrogation des lois anti-licenciements boursiers, de la loi de modernisation sociale, après l'arrêt des emplois-jeunes, la suppression des 20 000 postes d'assistants d'éducation, voilà le RMA qui accélère un peu plus la flexibilité du travail, qui contribue à la dégradation du marché du travail et des conditions des emplois les plus précarisés.

    Oui, vous fabriquez une nouvelle pièce d'une machine à exclure. Sur les retraites, M. Raffarin pouvait rêver, en Margaret Thatcher. Avec le RMA, il fait également du working poor une figure normale du salariat.
    Ce projet de loi portant sur la décentralisation du RMI et la création d'un revenu minimum d'activité crée un contrat dérogeant au droit du travail. Le contrat d'insertion revenu minimum d'activité, qui contraint les bénéficiaires à accepter un emploi au rabais, permet aux entreprises de recruter des allocataires vingt heures par semaine, pour le tiers du coût du SMIC. Vous affirmez vouloir ainsi favoriser l'insertion des allocataires du RMI en incitant les entreprises à les recruter, mais ces mesures vont surtout provoquer, et vous le savez, un effet d'aubaine destructeur d'emplois bien payés et durables. D'ailleurs, une association de chômeurs a ainsi caractérisé votre projet : « Cinq RMA pour le prix d'un SMIC. Il faudrait être fou pour dépenser plus ! » Je crois que tout est dit : le calcul ne souffre d'aucune ambiguïté pour les employeurs, qui vont bénéficier d'un allégement du coût du travail sans précédent : 327 euros par mois, soit 4,3 euros de l'heure. C'est Noël avant l'heure !
    Plus grave encore, vous faites entrer dans le code du travail le mi-temps payé la moitié d'un SMIC comme une nouvelle norme d'emploi. Des garanties s'imposent donc face au risque de voir des emplois déjà précaires être remplacés par des emplois encore plus précaires...
    M. Rodolphe Thomas. Mais non !
    Mme Muguette Jacquaint. ... et largement subventionnés, qui auront du mal à rejoindre le droit commun compte tenu de l'écart considérable qui existe entre les coûts de ces deux types d'emploi. Les entreprises susceptibles de recruter des RMIstes sont en effet celles qui recourent déjà massivement aux emplois à bas salaires via le temps partiel, et de courte durée. C'est le cas de l'hôtellerie, de la restauration, des services à la personne, d'une partie de la grande distribution. Les autres entreprises, qui misent sur des relations durables avec leurs salariés et recrutent sur des critères d'expérience et de qualification, ne changeront pas leurs pratiques, et je les en félicite.
    La surprime que le Gouvernement compte verser avec l'adoption du projet de loi RMA, c'est-à-dire l'équivalent de l'allocation versée à un allocataire vivant seul, soit 362 euros par mois, ne servira donc qu'à encourager les entreprises, alléchées par l'aubaine financière, à prendre des RMIstes à la place de ceux qu'elles embauchaient sur des contrats de droit commun, à temps partiel, en intérim ou en saisonnier.

    Le risque est donc évident que les entreprises attendent que les salariés déjà en contrat précaire - de type CDD, contrat aidé, intérim - basculent dans le RMI pour mieux les rattraper en CI-RMA, afin qu'ils coûtent moins cher. Cela va entraîner une plus grande précarité.
    Dans les faits, cette réforme ne fait qu'accélérer et alimenter, comme je viens de le dire, la précarité des catégories déjà les plus précarisées : travailleurs faiblement diplômés percevant des bas salaires, notamment les femmes. Aux Etats-Unis, c'est déjà une réalité. Cela en fait peut-être rêver certains pour la France.
    Laissez-moi vous compter cette histoire américaine : la réforme dite du workfare, qui oblige les bénéficiaires de l'aide sociale à travailler pour un salaire de misère s'ils veulent conserver leurs prestations, a été mise en oeuvre. Cette mesure est totalement dogmatique. Elle répond aux préjugés véhiculés par une majorité de l'opinion publique : « Les pauvres, en fin de compte, n'ont que ce qu'ils méritent, car ils refusent de travailler », ou encore : « Les personnes vivant d'allocations sont des fainéants, des assistés », par opposition à la classe moyenne laborieuse. Pour certains, le workfare est la réintroduction - je parle toujours des Etats-Unis - d'un esclavage moderne. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Absolument !
    M. Rodolphe Thomas. Ne mélangez pas tout !
    Mme Muguette Jacquaint. Eh oui, cela ne fait pas plaisir ! Mais il faut savoir, par exemple, que l'hôpital public de la ville de New York voulait restructurer ses services en renvoyant plusieurs centaines d'employés à temps plein et, dans le même temps, conserver 1 000 employés sous le régime du workfare, payés trois à quatre fois moins !
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    M. Rodolphe Thomas. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis !
    Mme Muguette Jacquaint. C'est le système libéral, capitaliste. Que cela vous plaise ou pas, c'est une réalité.
    M. Jean-Pierre Gorges. Oh, le méchant capitalisme ! Mais c'est le seul système qui vous donne du travail et à manger, madame !
    Mme Muguette Jacquaint. J'essaie de croire que ce n'est pas exactement votre projet de loi, monsieur le ministre, mais il y a de quoi avoir des doutes, car il y ressemble étrangement, à long terme.
    Au-delà de la déstabilisation du marché du travail et de l'attaque majeure contre le SMIC, le RMA va contribuer à détériorer la situation des premiers concernés, les RMIstes. Il n'y a guère d'espoir, en effet, que ces derniers continuent à décrocher par eux-mêmes un emploi quand une entreprise peut les embaucher pour le tiers du coût du SMIC.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Arrêtez de nous faire pleurer !
    Mme Muguette Jacquaint. Pour eux, cela signifie une perte d'autonomie dans le choix de l'emploi, mais aussi une perte financière.
    J'entends sur les bancs de la droite : « arrêtez de nous faire pleurer ». Vous semblez ignorer, monsieur, après les chiffres que je viens de rappeler, que dans cette France « moderne », comme vous dites, il y a des gens qui souffrent, et il y a des gens qui pleurent.
    M. Christian Jeanjean. Nous le savons aussi bien que vous !
    Mme Muguette Jacquaint. Je vous demande de les respecter.
    La loi actuelle prévoit que les allocataires peuvent accumuler pendant quatre à six mois leur revenu et leur allocation. Actuellement, en décrochant un mi-temps, ils peuvent donc percevoir jusqu'à 860 euros. Avec le RMA, ils ne toucheront que 550 euros. Ce montant représente précisément, je vous le rappelle, celui du seuil de pauvreté pour une personne seule.
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est de votre faute !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous les installez donc durablement dans la précarité.
    En outre, il est prévu que les cotisations versées au titre des allocations chômage et de la retraite ne soient assises que sur le complément salarial versé par l'employeur pour obtenir la moitié d'un SMIC mensuel, soit moins de 300 euros. Autrement dit, en travaillant un an, un RMIste ne validerait qu'un trimestre de retraite. N'est-ce pas là, monsieur le ministre, institutionnaliser un sous-salariat, c'est-à-dire un contrat de travail avec les obligations mais sans les droits ? Par rapport aux autres dispositifs de contrats aidés, c'est le moins coûteux pour l'employeur, mais aussi celui qui offre le moins de droits pour le salarié.
    Si nous mettons cela en parallèle avec le projet de loi de réforme du dialogue social et le principe de l'accord dérogatoire, nous pouvons être inquiets devant cette architecture du projet social : un monde du travail où la loi du plus fort serait la règle, un monde sans foi ni loi, un monde du travail où l'ordre public social n'est plus respecté ; en définitive, un monde du travail sans obligation pour l'employeur. Mais surtout vous entérinez une logique bien dangereuse, et qui ne date pas d'hier, celle où l'employeur est dédouané de toute responsabilité en matière d'emploi.
    Au final, entre toutes les aides, on peut se demander qui est le plus assisté : l'employeur, qui en demande toujours plus, ou l'allocataire qui bénéficie d'un soutien de la solidarité nationale ?
    Avec ce projet de loi, j'ai eu l'occasion de le dire, c'est le monde à l'envers : vous favorisez l'assistanat des employeurs. Le MEDEF est un assisté en puissance, et cela au moyen de la solidarité nationale, c'est-à-dire de l'argent des contribuables.
    M. Maxime Gremetz. On ne donne qu'aux riches !
    Mme Muguette Jacquaint. L'employeur n'est pas seulement bénéficiaire des exonérations de cotisations sociales, il se voit également verser le RMI, ce qui est assez exceptionnel ! Une allocation de solidarité nationale va être versée aux employeurs en contrepartie de l'embauche d'une personne. Et par qui faisons-nous payer la solidarité nationale ? Là encore, par les contribuables. Cette disposition est vraiment à la limite de la morale, pour ne pas dire de notre Constitution. Comment une aide versée au titre de la solidarité nationale, répondant à une situation sociale bien définie et créée dans le respect du préambule de notre constitution, peut être ainsi travestie pour servir les intérêts de ceux à qui l'on donne toujours plus, c'est-à-dire les intérêts patronaux ?
    Le RMA ne serait donc pas un salaire mais une contrepartie dégradée d'un travail imposé, même si vous vous en défendez, monsieur le ministre. Remettant par ailleurs en cause le droit à la solidarité, il vise d'abord à contraindre les allocataires du RMI à « s'activer » en prenant n'importe quel travail, de préférence précaire. Ce faisant, vous substituez au contrat à durée indéterminée un contrat qui va un peu plus loin encore dans le sens de l'exclusion, et une exclusion à durée indéterminée. Certes, vous vous gardez de parler d'obligation de contrepartie imposée, mais à plusieurs reprises, quelques propos sont venus faire porter le soupçon de la responsabilité de l'échec du volet d'insertion du RMI sur les allocataires. N'avons-nous pas entendu que le RMIste est un paresseux,...
    Mme Nadine Morano. Ça suffit ! Vous savez très bien que nous n'avons jamais dit ça !
    Mme Muguette Jacquaint. ... se contentant de l'allocation, voire un tricheur qui ne déclare pas tout ? Il est tellement usé qu'il serait en partie improductif. Dans tous les cas, c'est bien de sa faute s'il se retrouve exclu du marché du travail, volontairement ou non.
    Pourtant, toutes les études sérieuses faites à partir d'enquêtes menées sur des échantillons d'allocataires ont maintes fois montré que le chômage est d'abord lié à la pénurie d'emplois et à la précarité du marché du travail.
    Ainsi, après les malades qui consomment trop de médicaments, les médecins qui prescrivent trop ou les fonctionnaires qui sont trop nombreux, c'est au tour des allocataires du RMI d'être livrés à la vindicte populaire.
    A entendre la majorité, ici comme au Sénat, les bénéficiaires du RMI ne seraient pas dans l'incapacité de travailler. A ce titre, ils n'auraient pas droit à la solidarité nationale, ils ne pourraient pas même prétendre pouvoir bénéficier d'un effort particulier d'insertion sociale. Mieux, ce serait des personnes qui profiteraient de la solidarité pour s'installer dans l'inactivité. Pourtant, 80 % des bénéficiaires de l'allocation RMI reconnaissent se sentir mieux après avoir retrouvé un emploi. Quel mépris vous leur portez, alors que l'enjeu est de redonner un statut social aux individus. Ces futurs RMAstes n'y auront même pas droit.
    La vie de plus d'un million de personnes mérite une autre approche. Pensez-vous possible de se complaire dans une situation où l'on ignore comment on nourrira ses enfants dès la deuxième semaine du mois, où l'on ne sait si on disposera encore d'un logement le mois prochain, où on n'arrive pas à briser les chaînes d'un marché du travail de plus en plus inhumain, où on se demande si on pourra se soigner, élever ses enfants dans de bonnes conditions ? Nous fêtions hier la journée des droits de l'enfant.
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    Mme Muguette Jacquaint. Certains sont nés sous une bien mauvaise étoile, il faut l'avouer. Prenons garde que cette étoile ne s'éteigne pas totalement.
    Monsieur le ministre, la vision qu'a votre gouvernement de ces pauvres gens est malheureusement conforme à l'idéologie libérale, selon laquelle il faut en finir avec l'assistanat et conditionner le bénéfice d'allocations - qui, je le rappelle, relèvent de la solidarité nationale - à une activité, même payée une misère. Mais c'est une vision d'un autre temps, d'un âge bien ancien où les gens étaient taillables et corvéables à merci, au service de quelque seigneur !
    Le projet de loi repose sur un présupposé détestable, largement répandu, concernant les conditions de création du RMI. Celui-ci est avant tout un revenu minimum auquel a été ajouté un dispositif destiné à aider les personnes concernées à s'en sortir, sous réserve que des moyens conséquents soient mobilisés. Il ne s'agit pas d'un salaire de complaisance, mais bien d'un revenu minimum pour vivre, voire pour survivre, qui est versé au titre de la solidarité. Et c'est bien là l'honneur de cette allocation, malgré les critiques qui ont pu lui être portées lors de sa création et la médisance persistante de la majorité.
    Le RMIste est tributaire de la situation économique générale et de l'évolution du marché du travail. Ceux qui ont du mal à sortir du RMI sont d'ailleurs souvent positionnés sur le segment précaire du marché du travail, face à des employeurs qui embauchent à temps partiel ou pour un travail saisonnier.
    La création du RMA, si l'Assemblée nationale l'adopte après le Sénat, entérinera ces phénomènes en dégradant un peu plus la situation des allocataires, en leur retirant le peu de droits que la loi de 1988 leur avait octroyés. Désormais, seul l'allocataire sera tenu de respecter le contrat d'insertion, la collectivité n'étant plus tenue à la réciprocité.
    De plus, les conseils généraux auront tout pouvoir pour nommer les représentants aux commissions locales d'insertion et agréeront seuls le contrat d'insertion, sans contrepartie puisque aucune modalité véritable d'évaluation de leurs pratiques n'est prévue. La suppression des crédits obligatoires d'insertion signe l'arrêt de mort de la politique d'insertion en tant que politique publique.
    Outre qu'il ignore une certaine réalité sociale, et qu'il fait fi de la parole des premiers concernés, - les allocataires du RMI et leur famille -, ce projet, loin de réduire leurs difficultés, aboutira en fait à aggraver la situation de tous les salariés. Dès lors, votre discours, monsieur le ministre, sur la valeur du travail et sur la fracture sociale, comme celui de M. le Président de la République, que j'ai cité, sonnent faux. Surtout, il est indécent de culpabiliser les plus pauvres, les plus exclus,...
    Mme Nadine Morano. Oh ! Ce n'est pas acceptable !
    Mme Muguette Jacquaint. ... alors que le chômage s'envole, et que les plans de licenciement se multiplient parce que les bénéfices des entreprises doivent s'accroître encore et encore pour rassasier l'appétit des actionnaires. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Du MEDEF !
    Mme Nadine Morano. Et de Liliane Bettencourt ?
    Mme Muguette Jacquaint. Le vice-président du MEDEF, M. Guillaume Sarkozy, va jusqu'à se vanter de délocaliser !
    M. Maxime Gremetz. Et dire qu'il est chez moi, en Picardie !
    Mme Muguette Jacquaint. Oui, pour trouver toujours mieux, il faut délocaliser et licencier ! Que pensent-ils donc de la valeur du travail, les dirigeants de Metaleurop, d'Alstom, de Lu, de Flodor, de Pechiney ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Vous mélangez tout !
    Mme Muguette Jacquaint. Si vous voulez que je vous en jette encore en pâture, je peux continuer, la liste est longue !
    Mme Nadine Morano. La faute à qui ?
    M. Maxime Gremetz. J'ai une liste moi aussi !
    M. Christian Jeanjean. Il y en a beaucoup chez vous !
    Mme Muguette Jacquaint. Cela montrera où sont les véritables responsables, que vous soutenez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Restez-en donc au RMA !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes terribles ! Dès que vous voyez une femme, vous ne pouvez pas la laisser tranquille ! C'est comme avec Mme Boutin ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muguette Jacquaint. Enfin, votre projet témoigne de la défiance à l'égard de la Constitution.
    M. Maxime Gremetz. Arrête-toi, Muguette, pour les laisser parler ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

    M. le président. Laissez poursuivre Mme Jacquaint, mes chers collègues.
    M. Maxime Gremetz. On a tout le temps !
    M. le président. Monsieur Gremetz ! Mme Jacquaint a seule la parole.
    Mme Muguette Jacquaint. Nos collègues de la majorité peuvent m'interrompre parce que c'est bien là le drame, et je pourrais allonger la liste des entreprises qui licencient.
    M. Maxime Gremetz. Absolument !
    Mme Muguette Jacquaint. Ce projet de loi manifeste une défiance à l'égard de la Constitution. Le contrat d'insertion - revenu minimum d'activité, le CI-RMA -, crée un précédent dangereux et inacceptable. Au nom de quoi les bénéficiaires du RMI seraient-ils cantonnés à un sous-contrat, y compris dans le secteur marchand, et privés d'une partie des droits de la protection sociale qui s'attache indissolublement au contrat de travail ?
    Enfin, vous annoncez que les ex-bénéficiaires de l'ASS pourront signer un CI-RMA, mais ceux qui n'auront pas droit au RMI ne pourront pas le faire. Peut-être pourrez-vous me rassurer sur ce point, monsieur le ministre, à défaut de le faire sur l'ensemble de ce texte.
    Votre projet provoquera des inégalités sociales, terribles, sans précédent. On sent bien que le Gouvernement est préoccupé par des considérations idéologiques et d'économies budgétaires, qui sont défavorables aux bénéficiaires du RMI et qui mettent en péril l'insertion de ce public. En vous désengageant, vous cherchez à vous débarrasser du problème du RMI sur les départements. Vous espérez ainsi « casser le thermomètre de la pauvreté ». Mais vous connaissez le risque d'un tel transfert. Si le montant de l'allocation reste réglementé sur le plan national, un risque existe que le transfert n'aboutisse à faire dépendre ce dernier des politiques de chaque département, avec les inégalités que cela entraînerait entre les départements dits riches et les départements pauvres. Un président de conseil général pourrait décider quasiment seul de suspendre l'allocation, avec le risque que le dispositif national ne glisse progressivement vers une aide strictement départementale.
    La décentralisation implique aussi bien des transferts vers les départements de personnels de l'Etat - vous vous y êtes engagé - et des services sociaux, que des transferts financiers.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Le ministre a déjà répondu !
    Mme Muguette Jacquaint. Je note à cet égard l'imprécision du projet sur les conditions financières du transfert, notamment sur le devenir de la prime de Noël et l'attribution d'éventuels coups de pouce, et sur le devenir des personnels de l'Etat chargés de la prestation dans les directions départementales des affaires sanitaires et sociales - les DDASS - transférés aux départements.
    Le transfert comporte, lui aussi, certains risques. D'abord un appauvrissement du contenu des contrats d'insertion. En effet, la seule attestation de l'employeur ne saurait avoir valeur de contrat d'insertion, sachant qu'un employeur ne mobilisera pas autour de la personne l'ensemble des mesures d'accompagnement dont elle pourrait avoir besoin.
    Des risques existent également quant à l'éviction des plus démunis qui seront sanctionnés par l'inscription d'office, mesure uniquement orientée vers l'emploi, inadaptée à leur situation.
    Toutes ces remarques militent pour qu'un tel dispositif ne soit pas transféré aux départements dans les conditions prévues jusqu'à présent par le texte. Une compensation intégrale doit venir assurer la pérennité du dispositif RMI. Vous avez dit que ce serait le cas, monsieur le ministre, mais vous ne m'empêcherez pas d'être inquiète car un amendement qui visait justement à établir une compensation intégrale est tombé sous le coup de l'article 40 en commission.
    Nous avons en mémoire le triste exemple de la prestation spécifique dépendance. Avec autant d'applications qu'il y a de départements, elle avait, au bout du compte, restreint le nombre de bénéficiaires et permis aux départements de faire de substantielles économies. Il ne faut pas reproduire ces mêmes erreurs, monsieur le ministre. On ne peut accepter une loi qui érige le principe de non-égalité entre ses bénéficiaires en valeur du vivre-ensemble.
    Parce qu'il contribue à fragiliser un peu plus l'emploi, à dégrader la condition des chômeurs, à produire, à nouveau, un sous-prolétariat, bref, à affaiblir et à exclure ceux qu'il entend insérer,...
    Mme Nadine Morano. Oh !
    Mme Muguette Jacquaint. ... ce projet de loi ne va pas dans le bon sens.
    Rejeté par l'ensemble des associations, il ne peut être maintenu en l'état, il doit être combattu à la mesure de l'attaque qu'il représente.
    Les travaux menés en commission ont été riches et je tiens à saluer le travail d'analyse de Mme la rapporteure avec qui nous avons beaucoup de points de convergence sur ce texte, en particulier sur les valeurs de solidarité et de lutte contre la pauvreté.
    M. Maxime Gremetz. Oui, bravo !
    Mme Muguette Jacquaint. Nous avons comblé beaucoup de lacunes mais d'autres demeurent, qui mériteraient un examen approfondi : les effets d'aubaine subsistent pour une part, les moyens pour l'insertion restent timides et insuffisants, certaines garanties manquent.
    Il nous apparaît donc légitime de continuer le travail en commission afin de poursuivre notre réflexion et - pourquoi pas ? - d'améliorer encore ce texte. Voilà pourquoi je demande son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Madame Jacquaint, je vous ai écoutée avec attention. Je pense que certains de vos arguments auraient eu davantage leur place dans une exception d'irrecevabilité que dans la défense d'un renvoi en commission. Mais je voudrais répondre rapidement à quelques points que vous avez soulevés.
    D'abord, je voudrais dire devant l'Assemblée nationale que le souci que vous avez exprimé s'agissant de la pauvreté est partagé sur tous les bancs.
    M. Jean-Yves Cousin. Tout à fait !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. La pauvreté touche à l'équilibre de notre société, et chacun d'entre nous ne peut qu'en être préoccupé. Les réponses à y apporter peuvent être différentes, mais le souci existe bel et bien sur tous les bancs. Il n'est pas réservé à une certaine partie de l'hémicycle.
    M. Alain Gest. Absolument !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. En ce qui concerne le RMA, vous avez été nombreux à souligner les interrogations que nous avons pu poser en commission des affaires sociales. A l'évidence, à l'issue de la discussion générale mais également des différentes motions de procédures, et en particulier de la vôtre, madame Jacquaint, nous avons une approche différente du revenu minimum d'activité. Vous, vous n'y croyez pas ; nous, nous y croyons. Nous, nous pensons que le travail est une chance nouvelle qui est offerte à un certain nombre de personnes qui se trouvent aujourd'hui au RMI.
    Mme Nadine Morano. Très bien !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Elles pourront ainsi redonner un sens à leur vie, retrouver l'espérance et la dignité par le travail.
    M. Maxime Gremetz. Evidemment !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous, vous vous demandez si la proposition du Gouvernement va dans ce sens. Certes, madame Jacquaint, certaines questions méritent encore d'êtres précisées. Mais vous, vous stigmatisez le revenu minimum d'activité, alors que nous, nous pensons que le revenu minimum d'activité est une chance.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce que je stigmatise, c'est la précarité, la pauvreté !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Je suis triste, madame Jacquaint, que vous laissiez entendre - peut-être est-ce une maladresse de langage ou peut-être ai-je mal compris - que certains, sur ces bancs, pensent que les personnes allocataires du RMI sont des fainéants, des paresseux, des gens qui utilisent le système. Je n'ai entendu personne, ici, tenir de tels propos.
    M. Alain Gest. Très bien !
    Mme Muguette Jacquaint. Malheureusement si !
    M. Maxime Gremetz. C'est même en permanence !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Nous pensons tous, ici, que ces personnes existent mais qu'elles sont minoritaires. Je vous remercie, madame Jacquaint, de me donner l'occasion de dire solennellement aux allocataires du RMI que la totalité des membres de l'Assemblée nationale ne considère pas que les allocataires du RMI sont, dans leur grande majorité, des gens qui utilisent le système.
    M. Maxime Gremetz. Si, il y en a, mais ils n'osent pas le dire ici !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Il faut arrêter de stigmatiser cette population.
    M. Alain Gest. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Justement !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Je souhaiterais d'ailleurs que vous n'appeliez pas les allocataires du RMI des RMIstes, tout comme j'appelle l'attention de tous sur la nécessité de ne pas utiliser, quand la loi instituant le RMA sera votée, le terme de « RMAstes ».
    M. Maxime Gremetz. Dites-le à la droite !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Il ne s'agit pas de stigmatiser ces populations, mais au contraire de reconnaître leur dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Maxime Gremetz. Heureusement que vous êtes là pour leur rappeler certaines choses, madame Boutin.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous avez ensuite évoqué le processus d'intéressement. Ce processus qui nous semble très intéressant ne concerne pas, vous le savez bien, les candidats du RMA mais ceux qui en sortiront. Et il me semble avoir entendu M. le ministre indiquer qu'une réflexion était engagée sur ce point. Peut-être des avancées seront-elles obtenues au cours du débat.
    Vous avez aussi laissé entendre, madame Jacquaint, pardonnez-moi de vous le dire, que le Gouvernement et la majorité qui le soutient remettaient en cause, d'une certaine façon, la solidarité nationale.
    Mme Muguette Jacquaint. Qui est responsable de la solidarité nationale ?
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Je vous le dis fermement, madame Jacquaint, l'application de la solidarité nationale est le souci constant de ceux qui soutiennent ce gouvernement.
    M. Alain Gest. Absolument !
    M. Maxime Gremetz. Supprimer un jour férié, c'est de la solidarité ? On n'a pas la même conception de la solidarité, alors !
    Mme Muguette Jacquaint. Baisser les impôts des plus riches, c'est de la solidarité ?
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Le RMA, je le répète, est une chance supplémentaire que nous donnons aux allocataires du RMI, même si nous savons que, pour certains d'entre eux, le retour au travail sera très lent.
    A propos du montant du RMA, je veux apporter une précision. Le montant que vous avez annoncé plusieurs fois - vous n'êtes d'ailleurs pas la seule - correspond à un travail à temps partiel, à mi-temps, très exactement. Il faut comparer ce qui est comparable.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est la précarité que nous dénonçons !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. C'est une question de précision.
    M. Alain Gest. Et d'honnêteté !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Sur les transferts de personnel et la compensation financière, je note avec satisfaction que le ministre nous a donné des réponses fortes et claires.
    M. Alain Gest. Et excellentes !
    Mme Nadine Morano. Très bien !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Et je ne puis m'empêcher de penser, madame Jacquaint, que les travaux de la commission ont pu aider le ministre des affaires sociales à obtenir cet arbitrage favorable.
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Vous avez été très assidue en commission - vous avez d'ailleurs salué la qualité de ses débats -,...
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    Mme Muguette Jacquaint. L'un n'empêche pas l'autre !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. ... et votre démonstration a bien montré que ses travaux avaient permis de faire avancer notre réflexion.
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Je ne doute pas que cette discussion dans l'hémicycle permettra encore de lever un certain nombre d'incertitudes. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je suis défavorable au renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Nadine Morano, pour le groupe UMP.
    Mme Nadine Morano. Madame Jacquaint, vous nous avez reproché de vouloir « casser le thermomètre de la pauvreté ». C'est ce que nous souhaitons faire exaxctement !
    Mme Muguette Jacquaint. Personne ne croit à ce que vous dites ! Il n'y a qu'à regarder les sondages !
    Mme Nadine Morano. Comme je l'ai dit hier soir, dans le cadre général de la politique cohérente que nous menons en matière d'emploi, il est de notre devoir de nous occuper des personnes les plus fragilisées et les plus gravement atteintes par les accidents de la vie.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Arrêtez !
    Mme Nadine Morano. Tel est notre devoir.
    M. Maxime Gremetz. Les exonérations d'impôt sur les grandes fortunes, ça va bien ! Les baisses d'impôts sur le revenu des plus riches, ça va bien !
    Mme Nadine Morano. Je vous ai bien écoutée et je constate que vous faites un amalgame. Il n'est pas question, pour nous, de remettre en cause le RMI, qui aide à retrouver la voie de la dignité. Mais une personne en difficulté ne retrouve vraiment sa dignité - vous faites d'ailleurs la même analyse - que lorsqu'elle retrouve un emploi.
    M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! Avec les plans de licenciement, vous mettez les salariés dehors !
    Mme Nadine Morano. Monsieur Gremetz, vous avez souhaité que les femmes puissent s'exprimer sereinement ! Alors laissez-moi parler, maintenant !
    M. le président. Monsieur Gremetz, Mme Jacquaint vient de s'exprimer ! C'est au tour de Mme Morano !
    M. Maxime Gremetz. Pardonnez-moi, madame Morano, mais vous me bouleversez !
    Mme Nadine Morano. Les titulaires du RMI ne forment pas une population homogène. Plus de 10 % d'entre eux, vous le savez, sont concernés depuis plus de dix ans, et on ne peut pas les laisser sur le bord de la route. Créer le revenu minimum d'activité, c'est leur permettre d'obtenir un contrat de travail qui consacre leur retour dans l'entreprise.
    M. Maxime Gremetz. Un CDD !
    Mme Muguette Jacquaint. Cela n'a rien d'un contrat ! Vous allez fabriquer des RMIstes assistés !
    Mme Nadine Morano. Ce contrat de travail les fera entrer dans le secteur privé ou, je l'admets, dans le secteur public, et il s'agira d'un contrat accompagné, je le rappelle, qui offrira à chaque bénéficiaire une aide personnalisée.
    Vous aussi, vous avez constaté que l'insertion ne marchait pas, parce que les compétences étaient diluées entre l'Etat et le département.
    Mme Hélène Mignon. Non ! Cela ne marchait pas, faute de volonté !
    Mme Nadine Morano. Il était donc nécessaire de redonner une cohérence au dispositif. Le ministre, à cet égard, vient de nous apporter des précisions de nature, je crois, à rassurer tout le monde.
    M. Maxime Gremetz. Mais vous défendiez le contraire en commission ! Vous êtes une suiviste !
    Mme Nadine Morano. Et je ne peux pas vous laisser stigmatiser les RMIstes, comme vous les avez appelés, que je qualifierai plutôt, comme Mme la rapporteure, de personnes bénéficiaires de RMI. Pour notre part, nous voulons non pas les stigmatiser mais les aider,...
    M. Maxime Gremetz. C'est un virage sur l'aile ! Et vous nous traitez d'irresponsables !
    Mme Muguette Jacquaint. Il aurait fallu nous écouter un peu plus !
    Mme Nadine Morano. ... et, dix-huit mois après notre retour aux affaires, nous avons pris le problème à bras-le-corps.
    Je ne laisserai pas non plus stigmatiser le Président de la République, qui se montre fidèle à ses engagements. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à l'initiative du ministre des affaires sociales, nous avons mis si rapidement en place une passerelle susceptible de ramener les personnes fragilisées vers l'emploi : le RMA.
    Quant au renvoi en commission, madame Jacquaint, soyons sincères : les débats en commission ont été de très bonne qualité et les trois séances se sont très bien passées.
    M. Maxime Gremetz. En commission, vous avez été battue sur tous les points !
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous aurez la parole dans un instant !
    Mme Nadine Morano. Nous voulons ramener au travail un maximum de personnes.
    M. Jean-Marc Roubaud. Alors que l'opposition veut garder les chômeurs !
    Mme Nadine Morano. Quarante-trois amendements ont été adoptés et seront rediscutés dans l'hémicycle, en présence de tous. Dix-sept autres amendements, de la majorité comme de l'opposition, ont été adoptés au cours de la réunion prévue par l'article 88 du règlement et treize d'entre eux ont été cosignés par l'opposition.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas la droite qui a aidé Flodor, Whirlpool et les autres patrons voyous ?
    Mme Nadine Morano. Eu égard à la qualité du travail accompli en commission, que vous avez reconnue vous-même, madame Jacquaint, le groupe UMP votera contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. On s'en doutait ! Encore un virage sur l'aile !
    M. le président. Monsieur Gremetz, maintenant, c'est à vous d'expliquer votre vote, même si vous avez déjà largement entamé votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Madame Morano, en commission, vous vous êtes faite la porte-parole du Gouvernement, mais vous avez été battue à chaque fois, tout le monde doit le savoir !
    Mme Muguette Jacquaint. C'est ça sa dignité ?
    M. Maxime Gremetz. Le projet gouvernemental était merveilleux, selon vous, mais des amendements importants ont heureusement été adoptés contre votre avis et celui de certains de vos amis. Je parle sous le contrôle, bien sûr, des commissaires des affaires sociales.
    Mme Martine Billard. Absolument !
    Mme Nadine Morano. L'examen en commission est une étape, le débat en séance plénière en est une autre !
    M. Maxime Gremetz. Voilà que vous vous déclarez satisfaite que nous ayons été entendus. Ne jouez pas à ça !
    Mme Muguette Jacquaint. Ne jouez pas les vierges effarouchées !
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes trop jeune pour être déjà si politicienne. (Sourires.)
    M. Alain Gest. Vous faites du racisme anti-jeunes !
    M. Maxime Gremetz. Cela ne me semble pas bon du tout pour l'avenir.
    J'ai entendu des propos insupportables. On nous dit qu'il ne faut pas stigmatiser les RMIstes...
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Les allocataires du RMI !
    M. Maxime Gremetz. ... et les chômeurs. Mais, dans vos circonscriptions, vous ne faites que cela, mesdames, messieurs les députés de la majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Nadine Morano. C'est faux !
    M. Alain Gest. C'est de la diffamation !
    M. Maxime Gremetz. Pas du tout ! Monsieur le ministre, j'ai lu une interview de vous dans Les Echos, ce matin.
    M. Franck Gilard. C'est bien de lire Les Echos. Vous devez y apprendre plein de choses.
    M. Maxime Gremetz. Vous y affirmez que les Françaises et les Français demandent plus de rigueur vis-à-vis des chômeurs.
    Mme Nadine Morano. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. Vous laissez entendre par là que les chômeurs sont dans cette situation parce qu'ils le veulent bien,...
    Mme Muguette Jacquaint. Exactement !
    M. Maxime Gremetz. ... alors que vous multipliez les licenciements, que les patrons voyous font ce qu'ils veulent dans ce pays et que vous ne bougez pas. Vous savez ce qui se passe chez Flodor, Whirlpool, Magneti Marelli, Metaleurop, etc. !
    M. Alain Suguenot. C'est la politique que vous avez menée qui est à l'origine de tout cela !
    Mme Nadine Morano. Cessez de stigmatiser les entreprises, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Et vous prétendez lutter contre la pauvreté et pour la dignité au travail ? Nous, nous voulons qu'il n'y ait pas de chômeurs, nous nous battons pour que chacun ait droit, comme le prévoit la Constitution, à un travail, régit par un statut conforme au code du travail. Les gens ne demandent pas d'assistanat, mais du travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Franck Gilard et M. Alain Suguenot. Vous n'êtes pas crédible !
    M. Dominique Tian. On dirait Besancenot !
    M. Maxime Gremetz. Ne vous fatiguez pas ! Vous n'avez pas assez de voix pour me faire taire !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous n'avez jamais rien fait !
    M. Maxime Gremetz. On nous parle de 100 000 contrats insertion - RMA. Mais pour qui, monsieur le ministre ? Pour ces millions de jeunes à la recherche d'un emploi ? L'avenir que vous leur proposez, c'est le RMA ?
    M. Franck Gilard. Nous avons créé les contrats jeunes !
    Mme Nadine Morano. Oui ! Et 100 000 ont déjà été signés ! Et vous, monsieur Gremetz, qu'avez-vous fait pour les jeunes ?
    M. Maxime Gremetz. Vous faites comme si, dans ce monde, il n'y avait pas de chômage, il n'y avait pas de précaires - en commission, j'ai donné tous les chiffres, fiches à l'appui, contrairement à vous, qui ne dites que des généralités.
    Mme Nadine Morano. Non !
    M. Maxime Gremetz. Vous dites tellement de contrevérités que vous préférez ne pas citer l'INSEE ou le ministère du travail ! C'est plus facile ! Mais certaines sources sont incontestables, et vous pouvez les vérifier. Des millions de précaires sont utilisés illégalement, sous contrats de trois ou six mois, sur des emplois permanents, en attendant d'être remis au RMI ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muguette Jacquaint. C'est comme cela que la droite agit contre le chômage !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. En cinq ans, qu'avez-vous fait ?
    M. Maxime Gremetz. Vous pouvez toujours vociférer et gesticuler !
    M. le président. Monsieur Gremetz, ces interruptions sont à l'image des vôtres !
    M. Maxime Gremetz. D'accord, mais décomptez-les de mon temps de parole, monsieur le président ! Comme ils parlent autant que moi, j'ai le droit d'intervenir aussi longtemps que je veux !
    M. Christian Jeanjean. Il fallait agir quand vous étiez au pouvoir ! Mais vous n'avez rien fait !
    M. Maxime Gremetz. C'est un peu facile !
    M. Alain Gest. C'est la réalité !
    M. Maxime Gremetz. Pardonnez-moi, mais je n'ai jamais été au pouvoir.
    M. Alain Gest et M. Maurice Giro. Mais M. Gayssot l'a été !
    M. Maxime Gremetz. En fait, le MEDEF...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas moi qui parle : c'est le baron Seillière - excusez du peu !
    Mme Nadine Morano. Parlez plutôt des entreprises, pas du MEDEF !
    M. Maxime Gremetz. Et que dit-il ? Que ce Gouvernement est formidable car il met en oeuvre deux réformes merveilleuses : celles des retraites et celle de l'assurance maladie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour une mouvement populaire.)
    Le RMA est une réforme merveilleuse de plus. Du côté du dialogue social aussi, c'est merveilleux, car M. Fillon a été obligé d'obtempérer, et l'arbitrage s'est soldé par la remise en cause de tout le socle de la législation sociale, au nom d'accords majoritaires mais acquis dans des conditions jugées absolument inacceptables par tous les syndicats.
    M. Franck Gilard. C'est du sous-Besancenot !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et cela n'a rien à voir avec le débat !
    M. Maxime Gremetz. C'est cela que vous appelez la solidarité ? C'est cela que vous appelez la dignité ? C'est cela que vous appelez le droit du travail ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous ne laisserons pas passer ces mesures en l'état, et c'est pourquoi nous soutenons la motion de renvoi en commission. Madame la rapporteure, restez fidèle à la démarche que vous avez engagée, même si, je sais, vous êtes obligée de composer.
    Mme Chantal Bourragué. C'est vous qui composez !
    M. Maxime Gremetz. Mieux vaut composer que se décomposer. Notre rapporteure, elle, n'est pas décomposée ; elle fait des efforts et ce n'est pas facile, avec des gens qui ne comprennent rien ou qui - c'était dans un journal d'hier - la traitent d'irresponsable. De la part de membres du même groupe politique, cela ne doit pas faire plaisir...
    En tout cas, on peut compter sur nous pour défendre les amendements tendant à limiter les effets désastreux de cette loi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Nous allons discuter.
    M. Maxime Gremetz. Laissez-moi parler, messieurs de la majorité ! Il n'y a qu'un président ! Je sais bien qu'Estrosi veut être le roitelet de son département, pour distribuer avec les pleins pouvoirs des RMI et des RMA ! Il n'a pas beaucoup de RMIstes, mais il a des sous ! Ce n'est pas loin du clientélisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Jeanjean. Pas d'attaques personnelles !
    Mme Nadine Morano. En matière d'insertion, les Alpes-Maritimes sont exemplaires !
    M. le président. Veuillez laisser parler M. Gremetz. Et vous, monsieur Gremetz, il est temps de conclure.
    M. Alain Gest. Ah ça oui ! On a compris !
    M. Maxime Gremetz. Mais ils veulent vous remplacer, monsieur le président.
    M. le président. Ne vous en faites pas pour moi. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Voilà un président qui ne se laisse pas impressionner. Avec une telle rapporteure et un tel président, le débat va être formidable, croyez-moi, samedi matin, le texte que nous adopterons sera excellent !

    En attendant, nous voterons, évidemment, la formidable motion de renvoi en commission présentée par Mme Muguette Jacquaint. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Quand j'entends ça, j'applaudis !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Je ferai quelques observations avant d'aborder le fond du sujet.
    Les précisions que vous avez apportées tout à l'heure, monsieur le ministre, sur le financement et les conditions de la décentralisation, ont été utiles. Elles signifient aussi que les interpellations de l'opposition à ce sujet, en particulier celles de mon éminent collègue Augustin Bonrepaux, - qui l'a fait avec son tempérament -, étaient parfaitement justifiées et ne méritaient pas la réaction que vous avez eue hier. Votre réaction d'aujourd'hui était bien meilleure puisque vous avez répondu sur le fond en apportant des précisions qui manquaient dans le texte.
    M. Dominique Tian. Voilà le maître d'école qui distribue les bons points !
    M. Gaëtan Gorce. Cela prouve l'utilité des motions que présente l'opposition, au moins en ce qu'elles permettent de faire progresser la compréhension de votre projet.
    Mais ce qui me frappe, monsieur le ministre, à travers votre réponse à Muguette Jacquaint, c'est le décalage entre le discours et les actes, qu'on retrouve, d'ailleurs, dans tous les éléments de votre politique. Vos déclarations sont toujours très spectaculaires - la lutte contre le chômage serait l'une de vos priorités et le retour à l'emploi ne constituerait plus une difficulté - mais, lorsque l'on regarde les moyens mis en oeuvre, on a le sentiment que vous utilisez une toute petite échelle pour gravir un gratte-ciel.
    Mme Nadine Morano. Le gratte-ciel, c'est vous qui l'avez construit !
    M. Gaëtan Gorce. Le problème, c'est que ceux qui vont grimper sur cette petite échelle ont peu de chances d'arriver au sommet.
    A l'inverse de ce que vous tentez de faire croire, il ne s'agit pas, aujourd'hui, de déterminer s'il faut renouveler les outils de l'insertion pour les personnes en difficulté, mais de savoir si les outils que vous proposez sont adaptés à vos objectifs, au-delà du discours idéologique, stigmatisant, comme cela a été dit, les demandeurs d'emploi ou la valeur du travail.
    M. Alain Gest. La réponse est oui ! Les outils proposés sont adaptés !
    M. Gaëtan Gorce. Or nous ne voyons pas comment vous pouvez prétendre insérer dans le monde du travail celles et ceux qui en sont éloignés depuis un, voire deux ans, par le biais d'un contrat à temps partiel dont les caractéristiques juridiques sont plus que discutables et dont le financement est hybride et critiquable, je le répète à mon tour.
    M. Jean-Marc Roubaud. Et les emplois-jeunes, c'était mieux ?
    M. Gaëtan Gorce. Pour les dispositifs concernant les associations ou les collectivités locales, on peut imaginer toutes sortes de mécanismes. A l'inverse, lorsqu'il s'agit d'insertion durable en entreprise, la logique impose de s'appuyer sur les outils existants, quitte à les adapter.
    Vous n'avez pas répondu, par exemple, à notre question sur la possibilité d'utiliser ou d'adapter le CIE, qui, présentant les caractéristiques d'un contrat de travail, aurait l'avantage de la stabilité - mais, naturellement, il ne serait pas adapté au public en grande difficulté, et il faudra aborder ce sujet par étapes. D'autres outils efficaces existent déjà, comme les associations ou les entreprises de travail temporaire oeuvrant dans le champ de l'insertion par l'économique.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Il y a des amendements à ce sujet.
    M. Gaëtan Gorce. Voilà pourquoi, pardonnez-moi de vous le dire, présenter votre RMA comme une solution d'insertion dans l'entreprise pour les chômeurs de longue durée est un leurre. Je pense, au demeurant, que vous en êtes conscient, mais vous en profitez pour diffuser un discours politique et idéologique.
    Mme Nadine Morano. Mais que proposez-vous ?
    M. Gaëtan Gorce. Pour éviter cette coupure entre les exclus et les autres, il aurait fallu associer les partenaires sociaux à votre démarche - j'insiste sur ce point - et faire en sorte que la mise en place de ces contrats puisse être soit négociée dans les branches, soit, du moins, discutée avec le Gouvernement au niveau interprofessionnel. Ainsi, on aurait pu évaluer si le dispositif est bien adapté à l'objectif. A travers les syndicats de salariés et le patronat, c'est-à-dire les acteurs de l'entreprise, ceux que vous appelez « les exclus », ceux qui sont laissés au bord du chemin, auraient été réintégrés dans la discussion, et, au-delà, dans la société du travail.
    Mme Nadine Morano. Mais que ne l'avez-vous fait en cinq ans !
    M. Gaëtan Gorce. En refusant toute concertation - c'est la réalité, il faut le dire, les associations s'en sont toutes plaintes -, vous avez manifestement pris le problème par le mauvais bout. Résultat : l'efficacité de l'outil proposé est discutable et les conséquences sont difficiles à mesurer.
    Nous voterons la motion de renvoi en commission présentée par Mme Jacquaint, car il nous paraît - Mme la rapporteure elle-même l'a d'ailleurs dit à de nombreuses reprises - que cette affaire est mal ficelée, inaboutie,...
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Le travail de la commission a changé la donne.
    M. Gaëtan Gorce. ... et qu'elle ne sert, en réalité, qu'à alimenter un discours politique et idéologique. En parlant du travail, vous cherchez à vous défausser de votre échec en matière d'emploi. Faites davantage pour l'emploi et vous ferez davantage pour le travail !
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe UDF.
    M. Rodolphe Thomas. Il est douze heures trente, mes chers collègues, et il est désormais grand temps d'entrer dans le vif du sujet en abordant l'examen des amendements. Tout a été dit depuis quelques jours. Nous connaissons votre position, mesdames messieurs de l'opposition. Notre vision diffère complètement de la vôtre sur la nature des revenus minimum d'activité, sur la signification de l'insertion par l'économie.
    M. Alain Gest. L'opposition ne veut surtout rien changer !
    M. Rodolphe Thomas. Vous vous opposez pour vous opposer, sans rien proposer de constructif. Passons donc aux amendements.
    Mme Nadine Morano. Très bien !
    M. Rodolphe Thomas. Humanisons et responsabilisons ce projet de loi. Allons de l'avant, et nous verrons bien par la suite s'il aboutit à des résultats concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante.)
    M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture du libellé du titre Ier :
    « Titre Ier
    « Décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion. »
    Mme Mignon, M. Le Garrec, M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 208, ainsi rédigé.
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 30 juin 2004 un rapport sur l'ensemble des dispositifs d'insertion menés au niveau national et au niveau local. Ce rapport présentera les effets de ces dispositifs sur l'insertion des personnes connaissant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, mais aussi d'accès à la santé, au logement et à la formation. Ce rapport fera également le point sur les démarches que doivent remplir les personnes bénéficiaires de ces dispositifs dans leur parcours d'insertion et sur les moyens nécessaires au renforcement du rôle des associations de lutte contre l'exclusion. »
    La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, nous pensons que l'objectif d'insertion visé par le « I » du RMI n'a pas été parfaitement rempli dans de nombreux départements. Il serait intéressant de disposer d'un rapport sur l'ensemble des dispositifs d'insertion menés au niveau national et au niveau local, qu'il s'agisse du contrat emploi solidarité, du contrat emploi consolidé, du CIVIS ou du CIE. Tous ces dispositifs doivent être examinés, afin que nous puissions mener une politique plus cohérente, tout en sachant que l'insertion ne se limite pas à l'accès à l'emploi.
    Nous souhaitons une démarche beaucoup plus globale, prenant en compte toutes les dimensions de la vie quotidienne comme le logement, la santé, l'éducation, qui n'ont pas fait forcément l'objet d'un contrat.
    Nous aimerions aussi qu'une réflexion soit menée sur les démarches que doivent effectuer les personnes concernées, comme l'ont souligné un certain nombre de nos collègues.
    Si cette réflexion nous semble importante, c'est d'abord pour que les départements puissent apprécier la façon dont ils pourront travailler, dans le cas où ce texte serait retenu, mais c'est aussi pour faire progresser l'idée d'un « contrat unique d'insertion » que M. le ministre a l'intention de reprendre à son compte dans les mois qui viennent.
    Le but n'est pas d'empiler les paperasses mais d'agir plus efficacement en direction de cette population.
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 208.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. La commission n'a pas examiné cet amendement. Mais, comme Mme Mignon le sait fort bien, de nombreux rapports sont prévus à la fin de ce texte et nous aurons l'occasion d'en discuter. Le projet de loi prévoit déjà d'étudier les conditions de financement du dispositif envisagé. Enfin, vous avez évoqué le rapport du Conseil économique et social relatif au contrat unique qui, si j'en crois les propos du ministre, pourrait faire l'objet d'un examen ultérieur.
    Avis défavorable, donc.
    M. le président La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    Jean Le Garrrec. Je voudrais formuler quelques remarques.
    La première est assez générale et porte sur la nécessité de ne pas stigmatiser les intéressés. Je ne doute pas un instant de votre bonne volonté, madame la rapporteure mais je note certains dérapages de langage, qui sont extrêmement dangereux.
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. Quand j'entends parler de réhabiliter le travail, je suis extrêmement prudent. Le ministre a évoqué hier un sondage qui le préoccupe et qui me préoccupe également beaucoup. On le sait, quand les situations sont difficiles, ceux qui sont juste au-dessus de l'eau, qui travaillent parfois dur pour le SMIC ou un peu plus, ont tendance à désigner ceux qui sont un peu en dessous de l'eau comme des coupables. Ce n'est pas nouveau dans l'histoire des civilisations ni dans celle de la France. La volonté de l'Assemblée nationale doit donc être très forte : faisons attention au langage que nous employons.
    Deuxième remarque : vous n'êtes pas d'accord pour réaliser ce travail d'exploration. Je pense que vous avez tort. Celui-ci pourrait d'ailleurs être effectué par la commission.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Pourquoi pas ?
    M. Jean Le Garrec. Il m'est arrivé de demander la création d'une mission d'étude pour faire le point sur l'ensemble des situations. Car nous en avons besoin. J'ai besoin de savoir ce que donnent les programmes « pré-TRACE », TRACE ou CIVIS. Une idée plus précise de leurs résultats permettrait de nous guider afin d'aller plus loin et de soutenir plus avant ceux qui réalisent ce travail extraordinairement important.
    Madame la rapporteure, pendant tout votre discours, vous avez lié insertion sociale et insertion professionnelle. Je suis d'accord avec vous : c'est la clé de la démarche. C'est d'ailleurs la raison fondamentale qui nous fait douter de l'efficacité du RMA.
    Il y a des rapports, il y a des études, regroupons-les ! Faisons ce travail d'exploration. Si le Gouvernement ne peut pas le faire, que la commission en prenne l'initiative comme elle a su le faire en d'autres temps. Cela nous permettra d'y voir plus clair dans une situation extrêmement complexe, mais aussi d'amorcer une réflexion plus poussée sur ce que l'on a appelé le contrat unique, une question d'ailleurs évoquée par le ministre lui-même devant l'ensemble des structures concernées.
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. J'entends bien ce que vient de dire M. Le Garrec. J'y suis sensible, et nous avons tous la même préoccupation. Cela dit, il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi que la commission des affaires sociales va engager une telle réflexion. Mais nous pourrons le suggérer à notre président qui, je le pense, y sera favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - L'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
    « Art. L. 262-2. - Le revenu minimum d'insertion varie dans des conditions fixées par voie réglementaire selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge. Son montant est fixé par décret et révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint, inscrite sur l'article.
    Mme Muguette Jacquaint. L'article 1er est l'occasion pour moi de revenir sur des questions de fond.
    Cet article a pour objet d'inscrire dans la loi le principe d'une revalorisation du RMI une fois par an au lieu de deux fois. En 1988, en effet, la loi, soucieuse de garantir le pouvoir d'achat d'une allocation destinée aux plus démunis, avait prévu une revalorisation bisannuelle du RMI par exception aux règles applicables à l'ensemble des prestations et minima sociaux. Dans la pratique, cette règle n'a pas été appliquée et, depuis l'origine, le montant du RMI a toujours été, comme les autres minima sociaux, revalorisé une fois par an. Dans un souci de « sécurisation juridique », il nous est proposé ici d'aligner la loi sur la pratique.
    Cette révision annuelle s'effectuerait, comme c'est déjà le cas, par décret « en fonction de l'évolution des prix ». On doit toutefois noter que cette formulation est moins précise que celle retenue pour les revalorisations applicables aux principales prestations sociales, puisqu'elle ne permettrait de ne prendre en compte qu'une partie de l'évolution de l'indice des prix.
    Nous proposons, pour notre part, que cette revalorisation se fasse de façon plus avantageuse pour ces personnes, parmi les plus démunies, que sont les allocataires du RMI. Le RMI serait ainsi indexé sur l'évolution du SMIC. On sait bien que la progression des salaires est, sur une année, supérieure à celle des prix.
    Mais au-delà de la revalorisation, qui constitue une mesure de justice sociale, je voudrais dire quelques mots sur notre philosophie du RMI. Je serai très brève puisque j'ai eu l'occasion, lors de mon intervention sur le renvoi en commission, de m'exprimer sur la question.
    Monsieur le ministre, il ne s'agit pas là de stigmatiser les personnes qui bénéficient du RMI ou celles qui reçoivent une allocation de chômage. Mais si aujourd'hui, dans le pays, ces bénéficiaires du RMI ou d'une allocation chômage sont considérés comme trop assistés, c'est qu'il a tout de même bien fallu que certains dans leurs dires et leurs écrits aient dénoncé le prétendu avantage dont ils bénéficieraient.
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Personne n'a dit ça. C'est insupportable !
    Mme Muguette Jacquaint. La description que j'ai faite de la situation des chômeurs et des bénéficiaires du RMI montre que c'est tout à fait le contraite. Et s'il arrive que l'on puisse juger ainsi de telles situations, c'est parce que, effectivement, la politique des bas salaires menée dans ce pays depuis des années a abouti à ce que ceux qui ont un petit peu plus et qui travaillent sont incités à faire de telles remarques. Tout le monde dit que la solidarité nationale, c'est important, mais on voit bien que, depuis quelques mois, cette solidarité est toujours financée par les mêmes, qui sont les seuls à faire un effort. Personne ne me contredira. Je l'ai fait remarquer tout à l'heure, quand on diminue l'impôt sur les grandes fortunes et l'impôt sur les plus hauts revenus, on peut toujours appeler cela de la « solidarité nationale ». Il n'en est pas moins vrai que ceux qui la financent appartiennent aux catégories moyennes de ce pays.
    Votre nouveau dispositif s'inscrit totalement dans la logique selon laquelle l'adversaire de l'emploi serait le coût du travail, que, depuis des années, on cherche à faire diminuer. On le voit avec la nouvelle convention UNEDIC, l'institution du PARE ou la réforme de l'ASS, qui réduisent des allocations au prétexte qu'elles dissuaderaient du retour à l'emploi et qui poussent les chômeurs vers des sous-emplois sous-payés.
    M. le président. Il faut conclure, madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Je termine, monsieur le président, en soulignant après Mme la rapporteure que, pour ceux qui restent allocataires du RMI, et ils sont nombreux, il serait important, si nous voulons agir contre la pauvreté, qu'une revalorisation ait lieu. On nous dit que le RMI permet de vivre ; je persiste à penser qu'il permet tout juste de survivre.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. A propos de l'article 1er, je persiste à regretter que ce projet de loi ne soit pas l'occasion d'engager des réformes plus profondes sur certains aspects du RMI critiqués par l'ensemble des associations et des acteurs qui travaillent dans le champ de l'exclusion et de l'insertion. D'ailleurs, je m'étonne que Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion ne soit pas présente parmi nous. Son regard sur la question aurait été intéressant.
    Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Au lendemain de la guerre, les constituants jugeaient normal de prévoir pour tous des moyens convenables d'existence, où ils ne voyaient pas de l'assistanat, comme on l'entend trop souvent dire maintenant.
    En ce qui concerne le dispositif du RMI, il y avait bien d'autres choses à faire que de supprimer la revalorisation deux fois dans l'année. Par exemple, on n'a toujours pas réglé le problème des jeunes de moins de vingt-cinq ans qui se retrouvent à la rue. Certains d'entre eux peuvent certes bénéfier des dispositifs destinés aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, mais d'autres, malheureusement, sont déjà tellement « cassés » qu'ils ont d'abord besoin d'une étape d'accompagnement social, avant même de pouvoir entrer dans ces dispositifs. La question n'est pas abordée et je le regrette, car les associations vont devoir continuer à gérer au jour le jour, avec des bouts de ficelle, l'aide qu'elles apportent à ces jeunes sans ressources. Il n'est pas question, bien sûr, d'accorder systématiquement un revenu à tous les jeunes, mais ne pas essayer de trouver des solutions aux cas les plus préoccupants me semble une lacune de cette modification du RMI.
    Deuxièmement, le mode de calcul de l'allocation aurait pu être revu. Actuellement, il tient compte de la composition du foyer, du nombre de personnes à charge, de l'ensemble des ressources perçues par ailleurs. Cette complication peut être un facteur de non-acceptation des dispositifs de retour au travail. En effet, les allocataires ne peuvent pas savoir à l'avance les prestations qu'ils vont garder, celles qu'ils vont perdre et celles qu'ils auront en plus s'ils entrent dans tel dispositif. Il aurait donc été intéressant de profiter de cette loi pour toiletter le mode de calcul du RMI, de façon à permettre aux allocataires d'y voir plus clair sur ce qui les attend et de les aider ainsi à entreprendre des démarches qui leur font peur. N'oublions pas qu'ils souffrent d'une insécurité totale, à la fois sociale et financière. Tout être humain a peur de l'inconnu mais, en situation de fragilité, la peur est encore plus forte. Je regrette donc très sincèrement que rien ne soit prévu à cet égard.
    Sur la modification proposée à l'article 1er, Mme la rapporteure expliquait très bien, dans son commentaire, que la question du rattrapage de l'inflation ne s'était pas tellement posée jusqu'ici, mais que cela pouvait arriver. Or je pense que nous n'allons pas réformer cette loi tous les ans, ni même tous les trois ou cinq ans, et qu'elle va durer quelque temps - au moins la partie RMI, car j'espère bien qu'on pourra revenir le plus vite possible sur la seconde partie. C'est pourquoi j'estime qu'il serait préférable de maintenir la formule existante, quitte à l'amender pour prévoir qu'en dessous d'un certain écart, il n'y ait pas deux modifications en cours d'année. Il aurait été souhaitable de trouver une solution de ce type, plutôt que de supprimer définitivement la possibilité de deux réajustements en cours d'année car, pour les personnes qui sont au RMI, une différence de quelques dizaines d'euros pendant quelques mois, c'est fondamental.
    M. le président. La parole est M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous avons obtenu un certain nombre de réponses du ministre, ce qui montre que nous avions raison d'insister, en commission des finances, quand a été voté l'article 40 du projet de loi de finances. Mais on n'a pas voulu nous écouter et on a cherché à nous démontrer que la compensation était exacte. Or, depuis quelque temps, des inquiétudes s'étaient manifestées : j'en veux pour preuve la lettre adressée au chef du Gouvernement par les présidents de conseils généraux.
    De même, l'excellent travail de Mme Boutin a fait prendre conscience du fait qu'il y avait quand même un problème dans l'évaluation des coûts pour l'année 2004. Je prends acte de l'avancée du Gouvernement en la matière.
    Vous nous dites également, monsieur le ministre, que la prime de Noël restera nationale, donc inscrite au budget de l'Etat. Là encore, je vous en donne acte, car il serait extrêmement dangereux qu'elle puisse dépendre de la richesse des départements. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à m'être préoccupé de cette question, qui avait aussi suscité quelque inquiétude chez les deux rapporteurs.
    Malheureusement, tous les autres problèmes restent entiers.
    Au sujet de la compensation, par exemple, l'amendement qui nous est proposé précise que « la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des comptes administratifs des départements pour 2004 dans la loi de finances suivant l'établissement desdits comptes ». Cela veut dire que les augmentations ultérieures resteront à la charge des départements. Va-t-on compenser aussi les surcoûts de 2004 et de 2005, monsieur le ministre, puisque cette correction interviendra au mieux dans la loi de finances rectificatives pour 2005 ou la loi de finances initiale pour 2006 ?
    Quant au personnel transféré, s'agira-t-il seulement du personnel de la DDASS, ou bien également du personnel de l'ANPE qui travaille pour le RMI et représente à peu près la moitié de l'effectif ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non !
    M. Augustin Bonrepaux. Pour l'Ariège, cela représente la moitié : 3,8 équivalents temps plein pour la DDASS et 3 pour l'ANPE.
    M. Pascal Terrasse. C'est un président de conseil général qui parle ! Il connaît le dossier !
    M. Augustin Bonrepaux. La discussion est donc ouverte. Il faut nous dire exactement quels personnels seront transférés.
    Passons à la compensation du RMA. Mme Boutin a bien démontré dans son rapport que le RMA allait avoir un coût supplémentaire par rapport au RMI. Comment ce surcoût va-t-il être compensé, monsieur le ministre, sachant que l'on arrête les comptes en 2005 ? Si vous voulez que cette réforme réussisse, la décision est entre vos mains. En effet, si le RMA entraîne une surcharge pour les départements, ils n'auront aucun intérêt à souscrire des contrats. Le coût de ce moyen de réinsertion doit être calculé et compensé équitablement.
    M. Pascal Terrasse. C'est le bon sens.
    M. Augustin Bonrepaux. Mme Boutin le chiffre à plusieurs dizaines de millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable, surtout pour les départements où il y a beaucoup de RMIstes et qui sont souvent en difficulté.
    Enfin, la compensation par la TIPP est clairement insuffisante et quand vous nous dites, monsieur le ministre, que son montant évoluera, je suis obligé de vous répondre que vous n'avez pas de bonnes informations...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je connais les chiffres de mon département !
    M. Augustin Bonrepaux. ... ou qu'à tout le moins vous n'avez pas consulté les rapports de la commission des finances sur la précédente loi de règlement et sur la loi de finances pour 2004, ni même les rapports de Mme Montchamp et de Mme Boutin sur votre projet.
    Celui de Mme Montchamp, en particulier, est éclairant. Je vous ai déjà fait voir ce tableau qui montre que la progression du RMI est loin d'être compensée par celle de la TIPP. La TIPP reste stable. Donc, vous ne pouvez pas comparer son évolution à la progression de la DGF attribuée en compensation de la réduction de la taxe professionnelle.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
    M. Augustin Bonrepaux. La DGF a progressé chaque année de plus de 1,5 %...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vais vous montrer les comptes de ma commune !
    M. Augustin Bonrepaux. Et moi, je vous montrerai la progression de la DGF et nous comparerons.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous comparerons !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, veuillez conclure.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous dire que le Gouvernement ne va pas respecter le protocole de Kyoto et qu'il ne fera pas tous ses efforts pour réduire l'effet de serre, ou alors il ne faut pas inscrire dans la Constitution une mention en faveur de l'écologie. Il y aura nécessairement limitation des émissions nocives et donc de la consommation de carburant. A moins que vous ne nous annonciez, et ce serait rassurant, que la taxe sur les carburants sera augmentée chaque année.
    M. Pascal Terrasse. Voilà la vérité !
    M. Augustin Bonrepaux. Allez-vous le faire ? A ce moment-là. il est clair que le produit augmentera.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous devez conclure !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, beaucoup d'orateurs ont dépassé leur temps de parole et j'ai encore une question très importante à poser.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, les interventions sur les articles sont limitées à cinq minutes, que vous avez déjà largement dépassées.
    M. Augustin Bonrepaux. Je constate en effet, monsieur le ministre, que la péréquation n'est pas prise en compte dans votre projet. Le rapport de Mme Montchamp montre que le nombre de personnes concernées par le RMI peut aller de 1,5 à 7 % de la population selon les départements. C'est dans les départements où ce taux est le plus fort que le surcoût du RMA va être le plus élevé. C'est pour ces départements-là qu'une péréquation est nécessaire, parce qu'ils sont en grande difficulté, à cause des crises industrielles, comme le Nord et le Pas-de-Calais, ou en raison de leurs faibles ressources pour des départements du sud de la France comme les Pyrénées-Orientales, l'Ariège, l'Aude, l'Hérault, le Gard, les Bouches-du-Rhône. Quelle péréquation avez-vous prévue ? Nous n'avons pas encore obtenu de réponse. Il faut pourtant que nous sachions comment ils pourront supporter ces nouvelles charges.
    M. Pascal Terrasse. Très bien !
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 97, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 1er. »
    Puis-je considérer, madame Billard, que vous avez défendu cet amendement ?
    Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Quelques mots en préambule à la discussion des articles. Le projet de loi comporte deux volets : la décentralisation du RMI et la création du RMA. Rien n'est remis en cause dans les conditions d'attribution du RMI et dans son fonctionnement. La volonté qui inspire le texte n'est pas de changer le RMI mais d'en décentraliser la gestion. La décentralisation est son unique objet, de l'article 1er jusqu'à l'article 35, portant création du RMA. Je le précise d'emblée pour pouvoir aller plus vite lorsque je m'exprimerai sur un certain nombre d'amendements.
    En ce qui concerne l'amendement n° 97, je rappelle que l'article 1er tend seulement à consacrer dans la loi la pratique selon laquelle le RMI est revalorisé une fois par an. Malgré la règle posée par la loi de 1988, c'est cette pratique qui a toujours été suivie quels que soient les gouvernements. Cette réévaluation simplement annuelle n'a pas empêché des coups de pouce qui ont permis au RMI de gagner environ 6 % de pouvoir d'achat depuis l'origine. La commission a donc rejeté cet amendement de suppression.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 98, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du texte proposé pour l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, après le mot : "insertion, insérer les mots : "est un droit individuel dont le montant. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Ce que je reproche à ce texte, madame la rapporteure, c'est justement qu'il n'a pas pour objet de changer le RMI, mais seulement ou principalement de le décentraliser. Je déplore que l'on ne profite pas de ce projet de loi sur le RMI pour lui apporter les améliorations dont quinze ans d'expérience ont montré la nécessité. Pour la partie réglementaire, le dispositif a été amélioré au cours des ans. Par exemple, l'intéressement a été introduit par un premier décret puis renforcé par un second. Pourquoi ne pas en faire autant pour la partie législative ?
    Dans cet esprit, notre amendement n° 98 vise à préciser que le RMI est un droit individuel. Il ne change rien au calcul du montant...
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Ah si !
    Mme Martine Billard. ... puisque la phrase concernant le montant reste inchangée. Alors qu'il s'agit d'une allocation de survie, le RMI est un des rares droits attachés à l'ensemble du foyer et non à la personne. Qu'on prenne en compte l'ensemble des revenus du foyer est une chose. Mais finalement, le RMI est un droit familial à l'heure actuelle. C'est cela que je voudrais modifier.
    Dans son rapport, Mme Boutin souligne que c'est un des points évoqués par les associations. Car la même question se pose également pour le RMA. Supposons que les deux membres d'un même foyer d'allocataires du RMI souhaitent bénéficier d'un RMA : est-ce qu'il s'agit d'un droit individuel justifiant que chacun des deux y ait accès ou d'un droit familial supposant qu'un seul RMA soit attribué au foyer ? La réponse a été que chaque personne a droit à un RMA.
    C'est donc bien que, dans les faits, le RMI est un droit individuel. Il serait important d'avancer en l'écrivant dans la loi, d'abord pour les femmes, afin qu'elles n'aient plus la sensation de dépendre de leur mari, ce qui correspond encore souvent à la réalité, mais aussi pour les enfants. Actuellement, lorsqu'un enfant domicilié chez ses parents a un travail, il est considéré comme faisant partie du foyer fiscal et ses revenus sont pris en compte en déduction dans le calcul du RMI, ce qui introduit entre l'enfant et ses parents une dépendance réciproque malsaine. Cela ne permet pas au jeune de prendre son indépendance, de voler de ses propres ailes, et cela introduit au sein de la famille des sentiments de culpabilité.
    C'est pourquoi il nous faut avancer dans ce domaine. Comme je ne voulais pas me voir opposer l'article 40, je n'ai pas modifié le mode de calcul, car cela aurait créé des charges supplémentaires. Je souhaite simplement que l'on reconnaisse la notion de droit individuel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    Mme Christine Boutin, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement.
    Nous comprenons bien votre préoccupation, madame Billard, nous en avons discuté en commission. Il est vrai qu'il faudra, un jour, réfléchir à l'individualisation du RMI, qui va dans le sens du revenu d'existence auquel j'ai fait allusion lors de mon intervention. Mais aujourd'hui, ce n'est pas possible, car une telle mesure aurait des conséquences financières très importantes.
    Je précise, par ailleurs, que l'attribution du RMA à une personne n'empêche pas celle du RMI aux autres membres de la famille.
    Le RMA n'a donc pas de conséquences directes sur l'allocation de survie qu'est le RMI.
    Enfin, l'individualisation du RMI me semble être une demande légitime, mais elle devrait être comprise dans une réforme d'ensemble du dispositif. Or, ce n'est pas l'objectif du projet de loi, puisque celui-ci vise à décentraliser le RMI.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je suis une nouvelle fois du même avis que Mme la rapporteure.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Mignon, M. Le Garrec, M. Gorce et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 134, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du texte proposé pour l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, substituer au mot : "une le mot : "deux. »
        La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il est important de prévoir la revalorisation du RMI, notamment en fonction de l'inflation, afin de garantir ce revenu. En effet, les personnes en situation précaire ont, plus que les autres, besoin de maintenir leur revenu en fonction de l'évolution des prix, pour que celle-ci ne les pénalise pas encore davantage. Il s'agit bien d'un revenu minimum. Nous demandons donc que soient prévues deux révisions du barème par an.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    Mme Christine Boutin, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées pour rejeter l'amendement n° 97.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 884, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité :
    Mme Christine Boutin, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1216 );
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis au nom de la commision des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1211).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT