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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 13 DÉCEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du vendredi 12 décembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON

1.  Formation professionnelle et dialogue social. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

Mme
Elisabeth Guigou,
M.
Claude Gaillard,
Mmes
Marie-Hélène des Esgaulx,
Chantal Brunel.

Rappel au règlement «...»

M. Maxime Gremetz, Mme la présidente.

Reprise de la discussion «...»

MM.
Jean Ueberschlag,
Hervé Novelli,
Mme
Martine Billard.
Clôture de la discussion générale.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Maxime Gremetz.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Frédéric Dutoit, Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Jean-Yves Hugon, Alain Vidalies, Maxime Gremetz, Pierre Morange, vice-président de la commission des affaires culturelles. - Rejet par scrutin.
M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM. le rapporteur, Maxime Gremetz.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 246 de M. Christian Paul : MM. Christian Paul, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er «...»

M. Frédéric Dutoit.
Amendement n° 247 rectifié de M. Christian Paul. - Rejet.
Adoption de l'article 1er.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

FORMATION PROFESSIONNELLE
ET DIALOGUE SOCIAL

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233, 1273).

Discussion générale (suite)

    Mme la présidente. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à Mme Elisabeth Guigou.
    Mme Elisabeth Guigou. Madame la présidente, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, chers collègues, le projet de loi que nous examinons part de deux grandes idées qui pourraient révolutionner notre droit du travail et l'adapter à l'évolution de notre société. La première est la formation des salariés, parce que la très haute qualification des Français est une condition à la fois de l'égalité des chances et de la compétitivité économique. Les deux principaux candidats à l'élection présidentielle de 2002 avaient d'ailleurs pris l'engagement d'assurer la formation tout au long de la vie. La seconde grande idée est le dialogue social, parce que la démocratie sociale conforte la démocratie politique. Nous avons beaucoup échangé hier soir sur ces deux questions. Nous nous sommes également engagés sur la nécessité de développer le dialogue social pour faire face à la désyndicalisation et au fait que la France est l'un des pays européens où le contrat social tient une place très mineure, et même trop mineure, par rapport à la loi.
    Dans les deux cas, votre projet de loi, monsieur le ministre, se fonde sur des accords conclus entre les partenaires sociaux qui méritent d'être salués : celui du 23 septembre 2003 relatif à la formation professionnelle, qui a fait l'unanimité des organisations syndicales représentatives des salariés et du patronat, et la position commune du 16 juillet 2001 sur « les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective ». S'il ne s'agit que d'une position commune et non d'un accord, c'est parce que le texte recelait encore quelques points nécessitant une clarification. Je le sais pour avoir reçu les syndicats après la signature.
    Votre texte mérite donc une attention toute particulière. Le droit social ne se construit pas seulement sur la loi mais doit être également nourri par la négociation collective. Nous sommes donc d'accord sur l'importance des enjeux pour notre société.
    Mais les proclamations d'intention ne suffisent pas. Il faut ensuite étudier le contenu des textes car, souvent, comme le disent nos amis allemands, le diable se cache dans les détails.
    Or je suis absolument consternée, monsieur le ministre, de ce que vous avez fait de ces deux accords.
    D'abord, contrairement à ce que vous nous avez dit lors des questions d'actualité et encore hier, votre projet de loi ne transcrit pas la totalité des accords conclus entre les partenaires sociaux. Vous faites, dans ceux-ci, le tri qui vous arrange. Si, au moins, vos oublis étaient compensés par des progrès supplémentaires par rapport à ces textes, on pourrait le comprendre. Malheureusement, ce n'est pas le cas.
    Votre projet de loi traduit une bien étrange conception du rapport entre la loi et le contrat ! De façon systématique, vous ne retenez des accords signés par les partenaires sociaux que les dispositions qui minorent le rôle de la loi. Le rôle du législateur devrait être au contraire d'enrichir le texte signé entre les organisations représentatives du monde du travail et du monde patronal, qui tient forcément du compromis. Non seulement le législateur doit avoir son idée, mais encore il doit, à partir des positions communes des partenaires sociaux, apporter un plus par rapport au texte initial, surtout sur des sujets aussi importants, qui engagent l'avenir. Au lieu de cela, vous vous servez de la légitimité que confère au texte l'accord des partenaires sociaux pour faire passer une loi suiveuse, une loi patronale, une loi finalement régressive.
    Je vais donner quelques exemples de ce que j'avance car il importe d'être précis.
    Je parlerai, tout d'abord, de la réforme de la formation professionnelle, premier volet de ce projet de loi.
    Assurer la formation tout au long de la vie est un enjeu crucial pour notre pays.
    C'est d'abord un défi de justice sociale : chacun et chacune doit pouvoir progresser dans son parcours professionnel, rattraper, s'il le souhaite, son retard de qualification, et maîtriser les évolutions de son métier liées aux progrès techniques.
    C'est aussi un défi économique. La France a, en effet, un intérêt crucial à élever le niveau de formation de ses travailleurs puisque, dans la concurrence internationale, elle se positionne principalement sur des marchés à haute valeur ajoutée exigeant des emplois très qualifiés. Favoriser la mobilité - ascensionnelle - des travailleurs exige en effet que nous mettions en place un système de formation continue. C'est un investissement amplement rentable pour la nation en termes de cohésion sociale comme de compétitivité économique.
    La formation est la meilleure garantie contre le chômage : 35 % des personnes qui ont arrêté l'école à seize ans passent plus de deux ans au chômage contre moins de 15 % pour celles qui ont poursuivi leurs études jusqu'à vingt et un ans. Donner à chacun les moyens de se former à tout moment de sa vie active est, j'y insiste, un enjeu majeur de justice sociale et de compétitivité économique. Les lois de 1971 ont doté notre pays d'un dispostif de formation professionnelle à partir déjà de négociations professionnelles et syndicales. Ce cadre, maintenant plus que trentenaire, est à rénover. En effet, ce sont les personnes les mieux formées qui ont le plus profité des formations : entre une femme peu qualifiée d'une PME et un homme cadre d'une grande entreprise, l'accès à la formation varie de un à quarante. Le système actuel est également insuffisamment développé : seulement 5 % des Français bénéficient d'un congé individuel de formation durant leur vie active.
    C'est pourquoi, sur la base du livre blanc de 1999, le gouvernement Jospin avait soutenu l'initiative des partenaires sociaux d'ouvrir les négociations pour renforcer le droit de tous les salariés à la formation continue. Pendant que les partenaires sociaux négociaient, le Gouvernement n'est pas resté passif. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a consacré la validation des acquis de l'expérience, la VAE, préalable nécessaire à toute reprise de formation au cours de la vie active.
    L'accord interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux le 20 septembre dernier doit être salué comme un grand progrès social. Il ouvre de nouvelles perspectives pour la formation tout au long de la vie, notamment grâce au droit individuel à la formation, mais aussi grâce au droit à la formation qualifiante différée. Malheureusement, vous ne retenez pas toutes les dispositions de l'accord. Par ailleurs, vous n'améliorez en rien cette réforme, alors que l'Etat et les régions devraient accompagner l'effort des partenaires sociaux.
    Vous réalisez une transcription lacunaire de l'accord du 22 septembre 2003 en enlevant du texte plusieurs mesures qui, pourtant, allaient dans le bon sens.
    Premier exemple : l'accord du 20 septembre 2003 prévoyait, en son article 12, en plus du droit individuel à la formation de vingt heures par an pour chaque salarié, le droit à la formation qualifiante ou diplômante différée, d'une durée d'un an - dans le cadre du congé individuel de formation - principalement pour les salariés ayant quitté le système éducatif sans qualification. Je trouve vraiment dommage que le présent projet de loi ait supprimé purement et simplement cette disposition. Ce faisant, vous trahissez totalement l'esprit et l'équilibre du texte adopté par les partenaires sociaux.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quel mensonge !
    Mme Elisabeth Guigou. Ce n'est pas un mensonge, monsieur le ministre, c'est une appréciation. En tant que députée d'un groupe politique à l'Assemblée nationale, j'ai le droit de dire ce que je pense du texte que vous nous présentez.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous n'êtes pas obligée de travestir la vérité, surtout après avoir été au gouvernement !
    Mme Elisabeth Guigou. Acceptez mon point de vue, vous répondrez ensuite.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ça, c'est sûr !
    Mme Elisabeth Guigou. Comment pouvez-vous baptiser « formation tout au long de la vie » un droit de formation a minima de seulement vingt heures par an ?
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce que vous n'avez jamais fait !
    Mme Elisabeth Guigou. Vingt heures par an ne peuvent permettre à des salariés que de se « maintenir à flot » face aux évolutions, notamment technologiques, de leur métier. Pour certains salariés, c'est suffisant.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il fallait le faire !
    Mme Elisabeth Guigou. Mais les personnes qui n'ont pas ou peu bénéficié de formation initiale ne pourront jamais rattraper leur déficit de qualification en vingt heures.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. En tout cas, pas grâce à vous !
    Mme Elisabeth Guigou. Il faut donc offrir aussi une possibilité de formation plus complète à ces personnes. Evidemment, cela nécessiterait l'engagement de l'Etat. La formation de vingt heures par an est financée par les partenaires sociaux. Elle est comprise dans l'accord. Pour aller plus loin, il faudrait que l'Etat s'engage. Or vous ne le faites pas.
    La durée de formation doit être suffisament longue - nous l'estimons à deux ans - et inversement proportionnelle à la durée de formation initiale. L'Etat garantirait ainsi une formation, initiale et continue, pour tous ceux qui n'ont pu acquérir un diplôme. Tout le monde aurait droit à une deuxième chance professionnelle.
    M. Jean-Pierre Gorges. Il fallait le faire !
    Mme Elisabeth Guigou. Nous l'aurions fait !
    M. Jean-Pierre Gorges. Mais vous ne l'avez pas fait !
    Mme Elisabeth Guigou. Mais vous ne vous en donnez malheureusement pas les moyens.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous n'avez même pas posé les prémices d'une telle réforme et vous n'avez même pas réussi à mettre les partenaires d'accord !
    Mme Elisabeth Guigou. C'est vous qui êtes aux responsabilités. Ce sont vos propositions que nous jugeons aujourd'hui.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Nous, nous jugeons vos manquements.
    M. Jean-Pierre Gorges. Vous n'avez pas beaucoup d'amour propre, madame Guigou !
    Mme Elisabeth Guigou. En ne retranscrivant pas l'article 12 de l'accord des partenaires sociaux, monsieur le ministre, vous refusez cette deuxième chance professionnelle.
    Autre régression par rapport à l'accord du 20 septembre 2003 : vous avez restreint les possibilités de transfert des droits à la formation accumulés par le travailleur lorsqu'il change d'entreprise. Vous transformez les heures non utilisées en bilan de compétences, en VAE. C'est limiter la possibilité pour les salariés d'exercer leur droit à la formation indépendamment de leur appartenance à une entreprise donnée. Parce qu'un salarié change aujourd'hui beaucoup plus souvent de travail que par le passé, les heures de formation auxquelles il a droit doivent être « portables », « transférables ». Autrement, il est à craindre que l'utilisation du droit individuel à la formation ne soit très faible.
    Ce projet de loi amoindrit donc considérablement, en l'état, la portée de l'accord interprofessionnel et c'est bien dommage.
    Par ailleurs, aucune amélioration n'est apportée par le projet de loi. Je considère, mais sans doute avons-nous une vue différente sur le rôle de la loi et de l'Etat, que le législateur a sa propre responsabilité. Il me semble que, sur un sujet aussi important, il convient que l'Etat enrichisse l'accord des partenaires sociaux et permette d'aller plus loin vers un vrai droit à la formation tout au long de la vie. L'Etat et les régions en ont les moyens financiers et les institutions, pourvu, bien sûr, que la volonté politique soit là.
    Tout d'abord, vous auriez pu améliorer certaines caractéristiques du contrat de professionnalisation. Il en a été beaucoup question hier. Ce contrat unique, qui remplace les multiples contrats existants, est en soi une bonne idée puisqu'il introduit une simplification. Il figure d'ailleurs, il faut le saluer, dans l'accord des partenaires sociaux.
    M. Jean-Pierre Gorges. Clientélisme !
    Mme Elisabeth Guigou. Mais, si l'on regarde de plus près les caractéristiques de ce nouveau contrat, on s'aperçoit qu'il recèle des dispositions inquiétantes.
    Le projet de loi indique que la durée du contrat de professionnalisation est de six à douze mois. Elle pourra certes aller jusqu'à vingt-quatre mois, mais dans des cas extrêmement limités.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que tout jeune qui voudra suivre une formation en alternance de deux ans pourra le faire ? Je n'en suis pas persuadée. Nous proposons d'étendre systématiquement cette durée à deux ans, à l'instar des actuels contrats de qualification. Si, dans les faits, les contrats de professionnalisation se limitent à une année, il est à craindre que les acquis de la formation ne soient pas vraiment consolidés, surtout pour les jeunes issus du système scolaire sans qualification.
    Un autre aspect essentiel de ce nouveau contrat nous semble insuffisant : le projet de loi prévoit que 15 % au minimum de la durée totale du contrat seront consacrés à la formation, contre 25 % actuellement dans la plupart des contrats d'alternance. Sacrifier ainsi la formation au profit du travail dans l'entreprise revient à déséquilibrer totalement les contrats d'alternance. C'est donner aux entreprises une main-d'oeuvre peu chère, sans contrepartie en termes de formation du jeune ou du chômeur. Nous avons déposé un amendement visant à réhausser le seuil de temps consacré à la formation à hauteur de 25 % de la durée du contrat. C'est là une condition pour que le contrat de professionnalisation soit véritablement formateur.
    Deuxième exemple d'amélioration possible de l'accord du 22 septembre dernier : il aurait été bon d'instituer une plus grande égalité des salariés devant le droit individuel à la formation nouvellement créé. Pour nous, socialistes, les salariés en contrat à durée déterminée ont tout autant droit à la formation que les salariés en contrat à durée indéterminée. Nous considérons qu'il faut garantir une réelle universalité du droit individuel à la formation.
    Nous regrettons, par conséquent, que vous ne vous donniez pas, dans ce projet de loi, les moyens de cette grande ambition qu'est la formation tout au long de la vie. Pourquoi, d'ailleurs, les universités, les lycées, l'AFPA ne sont-ils pas associés à cette formation ? Vous me répondrez peut-être que cela relève de votre collègue de l'éducation nationale. Je trouve qu'il eût été bienvenu de la part du Gouvernement de présenter un dispositif aussi cohérent et développé que possible.
    M. Jean Ueberschlag. Quel culot !
    Mme Elisabeth Guigou. J'en viens à la réforme du dialogue social, autre sujet d'une importance cruciale. Si je considère que le premier volet souffre d'insuffisances dommageables et regrettables, je trouve ce deuxième volet carrément dangereux.
    Nous savons que pour conduire avec succès le changement de nos sociétés et faire face aux enjeux économiques et sociaux de l'internationalisation des échanges et de l'ouverture des économies, il nous faut développer la voie de la démocratie sociale. C'est elle qui forge un accord de volontés entre tous les acteurs, par-delà les clivages et les oppositions d'intérêts, d'ailleurs légitimes. C'est elle qui permet de garantir la bonne application des accords. Elle est, vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le ministre, au coeur du modèle social européen, qui veut prolonger la démocratie politique en démocratie sociale.
    Nous connaissons les limites et les faiblesses de notre système de négociation collective. Nous ne sommes pas au clair sur les champs respectifs de la loi et du contrat. Nous avons besoin de clarification. Nous avons un faible taux de syndicalisation et, dans les petites entreprises, souvent pas de syndicat du tout. Nous avons donc des vides dans la représentation des salariés. Des réponses ont été proposées et mises en oeuvre. Vous en avez vous-même retenu certaines. Je crois que c'est une bonne chose.
    Partant de la position commune des partenaires sociaux, le présent texte offre une esquisse d'accord majoritaire, que j'estime encore insuffisante. Pour que prévale véritablement le principe de l'accord majoritaire, que nous soutenons, comme vous je crois, il faut aller au bout de cette réforme et proposer une véritable mesure de la représentativité des syndicats, en ne tenant pas seulement compte du nombre de syndicats pour évaluer la majorité, mais aussi du nombre de voix que chacun a recueillies. Il faut, par conséquent, se donner les moyens de mesurer régulièrement cette représentativité, par des élections spécifiques.
    Mais il y a plus grave. Vous supprimez le « principe de faveur », clé de voûte de notre droit du travail. Il en a été abondamment question hier soir, je ne reviendrai donc pas sur sa définition. C'est grave parce que des questions essentielles, comme le treizième mois, l'évolution des conditions de sécurité, les primes d'ancienneté ou les indemnités de licenciement, risquent désormais d'être négociées entreprise par entreprise et de pouvoir faire l'objet d'accords moins favorables que les accords de branche.
    M. Jean-Pierre Gorges. C'est bien !
    Mme Elisabeth Guigou. Ce n'est pas notre avis et c'est ce qui fait la différence entre nous ! C'est votre droit de le penser mais, pour notre part, nous ne considérons pas que c'est une bonne chose.
    Cette généralisation des accords dérogatoires aura pour conséquence de supprimer toute hiérarchie entre les normes du droit social et de compromettre, définitivement, je le crains, toute politique de branche. C'est la porte ouverte à un « détricotage » par le bas du droit du travail. Nous savons en effet que, souvent, les conditions d'équité et d'équilibre de la négociation ne sont pas réunies, hélas ! dans les entreprises, en particulier lorsque pèse la menace de délocalisations et de fermetures de sites. Face au faible taux de syndicalisation, à la crise du militantisme, à la technicité croissante des sujets à traiter et donc à leur moindre visibilité, les négociateurs doivent se professionnaliser et disposer de temps afin de défendre au mieux les intérêts des salariés.
    J'observe d'ailleurs qu'une partie du patronat est elle-même circonspecte au sujet de cette réforme : beaucoup de patrons de PME préfèrent, en effet, comme ce fut le cas lors de la mise en place de la RTT, déléguer les négociations à la branche professionnelle plutôt que d'assumer la charge directe de ces négociations, coûteuses en temps, en argent et en savoir-faire, mais aussi parce que certaines ont à coeur d'assurer un niveau élevé de dialogue social et de protection des salariés dans leur entreprise.
    Mme la présidente. Je vous demande de conclure, ma chère collègue.
    Mme Elisabeth Guigou. Ce projet de loi traite de deux sujets majeurs pour le droit social français, mais l'occasion est malheureusement gâchée de faire de cette réforme une grande avancée sociale.
    Votre réforme de la formation professionnelle, monsieur le ministre, manque d'ambition, et celle du dialogue social est, malheureusement, dangereuse pour notre droit social. Votre projet déséquilibre l'ensemble des négociations collectives et met en péril ce que l'on appelle depuis toujours « l'ordre public social ».
    Mme Chantal Brunel. Mais non !
    Mme la présidente. La parole est à M. Claude Gaillard.
    M. Claude Gaillard. Permettez-moi pour commencer, madame Guigou, de vous dire combien je regrette votre critique systématique et excessive. Rien de ce que nous faisons ne trouve grâce à vos yeux, alors que la France traverse un moment si particulier. J'aurais aimé, de votre part, quelques notes un peu plus positives. Cela vous aurait permis de contribuer plus activement au redressement de notre pays.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !
    M. Claude Gaillard. A vous, monsieur le ministre, je dis tout de go que votre projet de loi va dans le sens d'une évolution nécessaire pour notre pays, celle du dialogue social.
    Après les critiques entendues ce matin et hier soir, il me semble nécessaire de procéder à quelques rappels historiques. La moindre des choses est de reconnaître les vertus de la démarche soutenue par le gouvernement actuel en la replaçant dans un contexte historique.
    Rappelons-nous - ce n'est pas si loin - la loi dite de « modernisation sociale », qui, tout en affirmant son caractère résolument modernisateur, poussait à son paroxysme les travers des politiques passées, notamment l'absence de concertation avec les partenaires sociaux. De même, les lois Aubry, en faisant croire qu'il était possible de créer des emplois en légiférant à un degré de complexité inégalé, ont entretenu la confusion sur le cadre et la capacité d'action du Gouvernement.
    Si l'on se réfère à la Constitution de 1958, notamment à l'article 34, où il est dit que le législateur « détermine les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale », force est de constater que beaucoup ont oublié qu'il s'agissait de principes fondamentaux, et non de n'importe quelles dispositions touchant de près ou de loin au domaine social. La mise en oeuvre de ces principes fondamentaux devrait, en effet, relever de la négociation collective : la loi doit fixer le cadre de l'action et non pas agir par elle-même.
    Votre démarche, monsieur le ministre, sert clairement cette orientation résolument moderniste, tout en manifestant votre attachement à une lecture rigoureuse de nos textes institutionnels.
    Le projet de loi présenté aujourd'hui s'inscrit parfaitement dans cette démarche, et il est inutile de rappeler que ce texte s'appuye sur deux accords : celui de septembre dernier sur la formation professionnelle et celui de juillet 2001 sur la négociation sociale. L'intérêt de cette réforme tient autant à son fond qu'à sa forme, à ses dispositions propres qu'à la démarche qui la sous-tend. Il s'agit, en effet, de rénover le système de formation professionnelle élaboré au début des années 70 et de modifier les règles posées par la loi de 1950 sur la négociation collective. Le caractère résolument modernisateur de ce projet de loi, monsieur le ministre, est évident, et je constate qu'il dérange les conservateurs - qui se trouvent, d'ailleurs, plutôt sur ma gauche.
    Le Gouvernement prend « l'engagement solennel de renvoyer à la négociation » avant toute réforme de nature législative relative au droit du travail. On reconnaît, dans cette démarche, l'influence de l'expérience communautaire ; je pense à l'article 138 du traité d'Amsterdam qui prévoit une délégation aux partenaires sociaux, limitée dans son objet et dans la durée par le législateur, celui-ci pouvant reprendre dans un cadre législatif l'accord né de la négociation collective. On y reconnaît aussi votre volonté, monsieur le ministre, de marcher sur les deux jambes de la démocratie : le politique et le social.
    Ce projet de loi, élaboré par les acteurs sociaux, proposé par le Gouvernement, puis, je l'espère, voté par les assemblées, rassemble ces deux notions, qu'il est artificiel de vouloir opposer. Comme le soulignait le Président de la République, le 6 janvier 2000 : « La démocratie politique ne progressera pas en faisant reculer la démocratie sociale. C'est, au contraire, en lui faisant toute sa place et en s'appuyant sur les acteurs de la vie économique et sociale qu'elle pourra se fortifier, se moderniser et rester unie à la réalité vivante de notre pays. »
    Le titre Ier de ce projet de loi, monsieur le ministre, est la concrétisation du titre II. Oui, pour les questions sociales, il est légitime que le législateur laisse le temps de la négociation aux partenaires sociaux. Ensuite, si un bon accord a pu être trouvé, le législateur peut - et doit - le transposer. Avec la formation professionnelle, sujet négocié pendant trois ans par les partenaires sociaux, nous concrétisons cette volonté de faire confiance aux résultats du dialogue social. C'est un pari que vous osez et que nous osons, tout en affirmant qu'il ne s'agit en aucun cas de s'en désintéresser. C'est un pari gagnant-gagnant, puisque l'ensemble des partenaires sociaux ont signé cet accord, qui a, d'ailleurs, été qualifié d'« historique ». Peut-être pourrions-nous, pour notre part, réfléchir à la rénovation du rôle du Parlement pour nous adapter à cette évolution.
    Je dirai quelques mots sur la formation professionnelle. C'est une innovation sur le fond. Sans rentrer dans les détails, qui ont été présentés plusieurs fois, j'aimerais montrer que ce projet de loi et, par là même, l'accord national interprofessionnel répondent à la double exigence de se projeter vers l'avenir en adaptant notre système de formation à une économie en mutation, et d'assurer la solidarité, en se concentrant sur les salariés ayant le plus besoin de formation professionnelle.
    Le projet reprend largement l'accord signé, qu'il s'agisse de la reconnaissance d'un droit individuel à la formation, DIF, qui est une innovation majeure, ou du co-investissement, c'est-à-dire le partage du temps de formation entre le temps de travail et le temps libre, autre innovation que consacre ce système, innovation louable car elle implique à la fois le salarié et l'employeur.
    Le système actuel comporte un certain nombre de défauts. Si la France consacre près de 22 milliards d'euros à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, soit environ 1,5 % du PIB, la traduction concrète n'est pas à la hauteur des espérances nées avec l'accord de 1970 et la loi de 1971. La formation professionnelle doit être conçue comme un système de solidarité ayant vocation à aider ceux qui en ont le plus besoin. Or force est de constater que le système actuel fonctionne à rebours : ceux qui disposent le plus de formation professionnelle sont les salariés des grandes entreprises, les salariés les plus qualifiés, les hommes, donc ceux qui sont considérés comme favorisés. Aujourd'hui, le taux d'accès à la formation dans les très petites entreprises est beaucoup trop faible. La moitié des cadres a suivi une formation entre 1999 et 2000 contre un cinquième des ouvriers qualifiés et un huitième des ouvriers non qualifiés.
    Il est donc nécessaire de s'intéresser aux plus fragiles et de les aider, non pas de les assister selon la conception de la solidarité que l'on a sur certains bancs de cette assemblée, mais de leur donner les outils pour prendre en marche l'ascenseur social. Nous sommes face à une véritable urgence de formation. Jusqu'à maintenant, la formation professionnelle était inversement proportionnelle aux besoins réels. Alors qu'elle devrait réduire les écarts issus de la formation initiale, elle les accroît. Avec ce projet de loi, la formation pourra et devra remplir sa fonction résolument correctrice en s'occupant d'abord des plus défavorisés. C'est tout le concept du « droit à la seconde chance » que vous êtes en train de concrétiser.
    On a souvent séparé la formation professionnelle et la politique de l'emploi. Ce n'est qu'en 1997 qu'il y a eu fusion entre la délégation à l'emploi et la délégation à la formation professionnelle. La formation professionnelle contribue à l'élaboration d'une véritable assurance emploi. Oui, si elle passe du stade du slogan et du concept à celui de la réalité, la formation tout au long de la vie peut devenir une sorte d'assurance emploi permettant de lutter efficacement contre le chômage. C'est également un moyen, dans un contexte d'allongement de la durée d'activité, de lutter contre l'éviction des seniors du marché du travail.
    Le monde économique d'aujourd'hui, nous le savons tous, impose le changement et requiert l'adaptation, surtout dans les épisodes toujours difficiles de restructuration industrielle où il faut savoir rebondir. La formation tout au long de la vie peut utilement servir de tremplin. Le monde économique d'aujourd'hui offre probablement une carrière professionnelle, mais plus sûrement plusieurs emplois, plusieurs métiers. D'où la nécessité de formations parfois plus courtes, certainement plus opérationnelles, et de toute façon plus nombreuses.
    La France est un pays encore trop « théorique » où le diplôme est considéré comme un sésame. Sans diplôme, les portes de la promotion sociale ne s'ouvrent pas facilement. Il faut savoir assouplir ce modèle, notamment par le biais de la validation des acquis de l'expérience.
    A côté de cette « formation-assurance », il y a la « formation-adéquation ». Alors qu'il y a beaucoup trop de chômage, certains secteurs ont des difficultés à recruter. Voilà pourquoi il faut travailler sur cette adéquation. Des formations opérationnelles peuvent aider à résoudre ce paradoxe.
    Le financement de la formation a été augmenté et rénové, cela a été dit, notamment pour les entreprises de moins de dix salariés, puisque leur effort passe de 0,25 à 0,55 % de la masse salariale. Je rends hommage à leurs représentants de s'être engagés dans cette voie.
    Cette réforme s'inscrit aussi dans un contexte global. Ce texte n'est pas indépendant des autres dossiers que le Gouvernement a portés : la réforme des retraites, la question de l'emploi des seniors, la concrétisation de la validation des acquis de l'expérience, le débat sur l'éducation et le transfert de compétences aux régions. C'est cet ensemble qu'il s'agit de coordonner au service de l'emploi.
    Cela dit, monsieur le ministre, je pense qu'il faudrait dissiper quelques inquiétudes légitimes. Mme Guigou les a évoquées, mais dans un contexte tellement critique qu'elles s'en sont trouvées affaiblies.
    Avec ce projet de loi, nous assumons un choix prioritaire : élever le niveau global de la formation professionnelle et la rendre la plus adaptée aux besoins. D'où le droit individuel à la formation et le contrat de professionnalisation. Tout en maintenant cette priorité, sachons valoriser d'autres types de formation.
    A ce titre, on peut éprouver des inquiétudes dont je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, pour que vous me répondiez.
    La première a trait à la prédominance des branches sur l'interprofessionnel. L'accord et le projet de loi font passer le système à une formation par métier, notamment au niveau du financement. Ce système est positif - je le reconnais - s'il permet de rendre les qualifications des personnes plus opérationnelles et assure, de ce fait, une adéquation rapide et efficace entre l'offre et la demande de travail. Toutefois, il ne doit en aucun cas être verrouillé. Actuellement, 35 % des contributions reçues par les OPCA « alternance » de branche doivent être reversées aux organismes paritaires interprofessionnels. Demain, ce mécanisme de reversement interne n'existera plus. Nous nous réjouissons de la simplification des circuits de péréquation, mais il ne faudrait pas, ce faisant, priver les formations interprofessionnelles des financements adéquats, sachant que, en outre, les organismes collecteurs pourront désormais financer librement les centres de formation d'apprentis.
    Cette « transférabilité » vers l'apprentissage ne doit pas créer de déséquilibre entre la filière métier et la filière interprofessionnelle. Ce serait, en effet, excessif à un moment où la tertiarisation de l'économie requiert des compétences transversales. A nous, aux partenaires sociaux et aux acteurs au quotidien de la formation professionnelle, d'assurer l'équilibre approprié entre les formations de branche et les formations interprofessionnelles.
    L'autre inquiétude, relayée jusqu'à nous par des acteurs de la formation professionnelle, concerne une hypothétique remise en cause de la formation diplômante pour les jeunes. Le contrat de qualification connaît un grand succès, même s'il ne concerne qu'un nombre assez réduit de bénéficiaires comparé à l'ampleur des besoins non satisfaits. Avec le contrat de professionnalisation, est prise en compte la nécessité de retrouver des cursus fondés sur les préoccupations des partenaires sociaux.
    Pour les jeunes, il faut s'assurer que le contrat de professionnalisation permette également d'aboutir à un diplôme par une formation plus longue. Je sais que c'est votre intention, mais je souhaite que vous nous le confirmiez. Il convient de trouver un compromis entre la formation courte professionnalisante, qui permet de mettre en adéquation un jeune demandeur et un emploi, et la formation diplômante. Je vous remercie par avance des précisions supplémentaires que vous nous donnerez sur ce point.
    Pour ce qui est du volet dialogue social, il s'agissait de s'adapter à un contexte sociétal nouveau. Depuis vingt ans, en effet, les relations sociales ont évolué dans le sens d'une plus grande complexité et d'une plus grande souplesse. L'action politique doit désormais tenir compte des réalités du terrain pour des raisons d'efficience économique et de justice sociale. Dans ce cadre, la démocratie sociale est apparue comme la meilleure réponse.
    S'agissant du principe de faveur, longuement évoqué hier soir, je voudrais illustrer par un exemple la nécessité à la fois de mener des négociations nationales et de laisser un peu de liberté au niveau local.
    Il y a quelques années, dans l'entreprise où j'exerçais des fonctions de délégué du personnel, les difficultés du moment risquaient de nous contraindre à licencier, et en tout état de cause à ne pas pouvoir suivre l'évolution du coût de la vie - l'inflation était alors à plus de 10 %. Nous avons décidé, ensemble, de plafonner le salaire des cadres afin de pouvoir augmenter les bas salaires, ce qui nous paraissait nécessaire, et surtout d'éviter un licenciement. Compte tenu de la maturité des relations sociales dans l'entreprise, je souhaite que l'on puisse avoir cette liberté d'action, afin de faire passer en priorité ce qui paraît essentiel dans un lieu et à un moment donnés. Naturellement, il faut des garde-fous, mais nous devons considérer les partenaires sociaux comme des gens adultes et responsables et cesser de penser que les relations sociales dans l'entreprise sont celles du xixe siècle ! Les choses ont évolué, et je ne peux que m'en réjouir.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Très bien !
    M. Claude Gaillard. Telle est bien la réalité ! Oui, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Tout rigidifier, tout codifier, n'aboutit qu'aux licenciements. Et c'est la pire des injustices !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, et M. Pierre Morange, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Exactement !
    M. Claude Gaillard. S'ils sont adultes et peuvent prendre des responsabilités, laissons-leur un peu de liberté pour travailler dans ce sens,...
    M. Maxime Gremetz. C'est ça ! Laissons faire les patrons !
    M. Claude Gaillard. ... de telle façon que les territoires trouvent en leur sein une partie de la réponse.
    J'ai bien noté, monsieur le ministre, que c'était une étape. Hier soir, j'ai entendu certains regretter...
    M. Maxime Gremetz. Pas « certains » !

    M. Claude Gaillard. ... que rien n'ait été obtenu depuis 1982, pendant une vingtaine d'années où la gauche était au pouvoir les trois quarts du temps.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas un OVNI, c'est identifié !
    M. Claude Gaillard. Vous montez les escaliers sans jamais reculer, vers une meilleure représentativité. Je salue ce premier pas. C'est comme quand on marche en montagne : quand on part trop vite, on recule plus. Il faut partir lentement mais ne jamais reculer. C'est ce que vous faites. Vous avez nos encouragements et notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui la discussion d'un projet de loi qui devrait faire date dans l'histoire du droit du travail et des relations sociales dans notre pays. Il repose en grande partie sur l'accord historique signé par l'ensemble des organisations syndicales le 20 septembre 2003, dont l'objectif est de rénover en profondeur notre système de formation professionnelle.
    Il convient à cet égard de saluer la philosophie générale qui anime ce projet. Pendant trop longtemps, les relations entre les partenaires sociaux et l'Etat ont été marquées, dans notre pays, par une logique d'affrontement et de rapport de force, une logique qui a sans doute largement contribué à retarder l'adaptation de notre droit du travail aux nécessaires évolutions de nos économies modernes. Il était temps de réinstaurer les bases de notre démocratie sociale en faisant en sorte que la loi ne précède pas la négociation.
    S'agissant de la formation professionnelle tout au long de la vie, sujet sur lequel j'ai constitué un groupe de travail et rédigé un rapport au sein de ma formation politique, le constat d'une inadéquation du dispositif aux enjeux est largement partagé, enjeux qu'il est sans doute nécessaire de préciser. Ils sont de trois ordres.
    D'abord, l'évolution démographique. Selon l'INSEE, entre 2000 et 2005, il y aura environ 485 000 départs à la retraite. Entre 2005 et 2010, ils seront 650 000. Très prochainement, les départs massifs à la retraite vont produire des pénuries de personnels qualifiés. On peut dès aujourd'hui s'inquiéter des risques que font courir ces départs aux entreprises : pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, pression sur la masse salariale, perte de la mémoire de l'entreprise et de ses savoir-faire.
    Ensuite, le niveau de qualification moyen demandé par les entreprises va continuer de s'élever. Les vraies difficultés liées aux inadaptations massives des compétences devraient débuter en 2005. La faiblesse des qualifications dans le secteur tertiaire semble particulièrement inquiétante.
    Enfin, l'illettrisme touche aujourd'hui une assez large partie des élèves, de 10 à 15 % selon les critères retenus, ce qui fait qu'un grand nombre d'entre eux sortent du système scolaire sans aucune qualification.
    Il est temps de prendre en compte ces risques en développant une véritable formation tout au long de la vie. L'éducation et la formation tout au long de la vie impliquent une augmentation de l'investissement dans les ressources humaines et les connaissances, la promotion de l'acquisition des compétences de base et l'accroissement des possibilités de formules de formation novatrices et plus flexibles. L'objectif est de permettre à tous les individus, quel que soit leur âge, d'accéder librement à des possibilités de formation de grande qualité et à toute une gamme d'expériences éducatives, formelles et informelles. Le système éducatif et la formation professionnelle ont un rôle essentiel à jouer pour concrétiser ce projet. Cependant, en l'état actuel, la formation tout au long de la vie n'est pas une réalité en France. J'ai identifié quatre lacunes majeures qui expliquent ce retard.
    Première lacune, les formations initiale et continue sont extrêmement séparées. La formation tout au long de la vie devrait comprendre à la fois la formation donnée dans le système éducatif et celle du système de formation professionnelle, mais la séparation en deux axes - formation initiale/formation professionnelle -, structurés par des systèmes disposant d'une forte identité, ne facilite pas la continuité entre ces deux types de formation.
    Deuxième lacune, la formation des seniors est encore limitée et celle des retraités marginale. Renforcer le taux d'activité des plus de cinquante ans est un défi pour la France, qui enregistre l'âge de cessation d'activité le plus précoce d'Europe et le taux d'activité des plus de cinquante-quatre ans parmi les plus faibles de l'Union européenne : 37 %. La solution à ce problème réside certes dans les politiques d'emploi mais également et à titre principal dans la formation, qui ne doit pas s'arrêter au-delà de quarante-cinq ans, comme c'est trop souvent le cas.
    Troisième lacune, la formation est encore trop peu conçue dans une logique d'employabilité. Une partie seulement des formations dispensées accroissent réellement les possibilités d'insertion sur le marché du travail. Quel que soit le dispositif, l'accompagnement reste limité, sauf dans le dispositif TRACE, réservé aux chômeurs de longue durée.
    Quatrième lacune, la centralisation de la formation reste trop forte. Fort heureusement, en vertu de la loi de décentralisation, la région va devenir le chef de file de la formation professionnelle. C'est le niveau pertinent pour collecter les besoins de formation et organiser la réponse rapide et précise à ces besoins. Plus large que les bassins d'emploi, elle englobe plusieurs types d'activités et de situations sur le marché de l'emploi - chômage, pénuries, délocalisations - sans pour autant conduire à une centralisation excessive.
    Votre projet de loi, monsieur le ministre, répond donc à une impérieuse nécessité et s'inscrit d'ailleurs dans le cadre de la recommandation sur l'éducation tout au long de la vie adoptée par le comité des ministres de l'Union européenne le 15 mai 2002 qui, rappelant que l'édification en Europe d'une « société du savoir et de la communication » est un défi majeur dans le contexte de la mondialisation, a invité les gouvernements des Etats membres à prendre des mesures permettant à chaque individu d'acquérir ou d'actualiser ses connaissances, ses capacités et ses compétences aux différents stades de la vie.
    Ce projet de loi transpose l'accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, signé le 20 septembre par l'ensemble des organisations patronales et syndicales représentatives au plan national. Il jette les bases d'une formation professionnelle tout au long de la vie pour les salariés, en créant notamment un droit individuel à la formation, ainsi que des contrats et des périodes de professionnalisation. Il établit de nouvelles modalités de financement de la formation professionnelle par les entreprises et favorise la mise en oeuvre de politiques de branches. Enfin, il rénove les modalités d'articulation entre la formation professionnelle et le temps de travail.
    Le groupe de travail que j'ai animé a souhaité présenter un certain nombre de propositions pour enrichir à l'avenir ce dispositif. Je les soumets à votre réflexion ainsi qu'à celle de la représentation nationale.
    Nous proposons tout d'abord la création d'un chèque-formation régional pour améliorer l'insertion sur le marché du travail des jeunes sortis du système éducatif sans qualification. Le chèque-formation est un dispositif qui s'ajouterait à celui du DIF. Tous les jeunes sortis du système éducatif disposeraient d'un capital de départ vers la formation tout au long de la vie. Ce capital varierait en fonction du niveau atteint à la sortie du système scolaire. A titre d'exemple, il pourrait être de 100 heures pour un jeune sorti avec le niveau I, de 200 heures pour un jeune sorti avec le niveau II, et jusqu'à 1 600 heures au niveau V. Il serait individuel et garanti collectivement. Ce capital pourrait être accru chaque année dans des conditions à déterminer.
    Nous proposons ensuite la création d'un guichet régional unique d'accueil, d'information et d'orientation des personnes qui souhaitent se former, quels que soient leur âge et leur situation : chômeurs, femmes en reprise d'activité, jeunes sans qualification, salariés licenciés, salariés en activité... Ce guichet, implanté au niveau régional, permettrait de regrouper les acteurs très dispersés actuellement : l'Etat, en charge de l'orientation scolaire et universitaire et de l'orientation des publics demandeurs d'emploi ; les chambres consulaires, relevant de la tutelle de l'Etat et des milieux professionnels ; les partenaires sociaux pour les demandeurs d'emploi.
    Nous proposons aussi la création d'un dispositif régional de crise traitant l'ensemble des questions d'emploi et de formation. Le dispositif devrait fonctionnner en lien avec le guichet unique d'orientation. Il créerait des structures plus légères de reclassement, comme celles qui existent dans certaines régions telles que la Lorraine ou la région PACA.
    Nous proposons que soit assurée la transparence des fonds de la formation professionnnelle continue par la mention dans la loi du principe de transparence dans le fonctionnement des OPCA et des FONGECIF, et d'égalité de traitement des entreprises, des salariés et des prestataires de formation.
    Nous proposons que les salariés soient mieux informés sur leurs droits grâce à une vaste campagne d'information, relayée à la fois par le ministère des affaires sociales et celui de l'éducation nationale.
    Nous proposons que soit mis sur pied un programme intégré de formation pour les retraités en reprise d'activité. Il est nécessaire qu'au niveau régional soient recensées toutes les formations destinées aux retraités et qu'elles fassent l'objet d'une évaluation pour éviter les redondances et les formations inefficaces. Il est nécessaire également d'ouvrir aux retraités, dans des conditions de financement à aménager, les formations initiale et continue pouvant mener à une véritable acquisition de compétences.
    Je pense également qu'il faudrait prévoir un dispositif de transition pour les formations dispensées dans le cadre de l'alternance.
    Le projet de loi prévoit que soient supprimés les contrats de qualification au profit des contrats de professionnalisation. Inspirée par le souci de rationaliser les formations en alternance, l'application immédiate d'une telle mesure pose cependant trois problèmes : le risque d'une brutale rupture de l'orientation des jeunes ; le risque d'un chômage accru chez les jeunes ; et une impossibilité à reconvertir, d'ici à juin prochain, des formateurs et des personnels qui assuraient jusqu'à présent les formations des jeunes en contrat de qualification. Je propose donc que soit reportée la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif pour permettre l'adaptation des organismes et des publics à la nouvelle mesure. Pour cela, il est nécessaire que les dispositions relatives au contrat de professionnalisation ne prennent effet qu'à la rentrée 2004-2005 et que soient prévues les modalités de transformation des formations en alternance.
    Dernier point, il serait nécessaire de faciliter et de réduire le coût du remplacement des salariés absents car c'est, pour les petites et moyennes entreprises, l'un des freins bien connus à la formation des salariés, avec la désorganisation de la production occasionnée par leur départ.
    Il faut envisager toutes les solutions pour faciliter le départ en formation du salarié : les expériences menées au sein des groupements d'employeurs peuvent servir de base ; des aides du conseil régional peuvent venir réduire le coût du travail du salarié remplaçant ; enfin, il doit être possible de passer avec les entreprises de travail temporaire, dans les branches où ces entreprises peuvent intervenir, des conventions visant à réduirer le coût de leurs prestations.
    En conclusion, monsieur le ministre, j'ai souhaité ouvrir quelques perspectives, présenter des propositions, tracer des pistes d'amélioration en matière de qualité des formations, de simplification et de transparence du système. Les partenaires sociaux ont négocié et conclu un accord remarquable. Ce résultat devait être respecté, il l'est dans ce projet de loi. Ce dossier est porteur de grandes espérances. Il ouvre la voie à la modernisation de notre appareil de formation, il constitue une réforme profonde permettant à la formation professionnelle de s'engager dans une adaptation aux besoins de l'économie et aux aspirations des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme ChantalBrunel.
    Mme Chantal Brunel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner à nouveau, à la suite de mes collègues, l'importance de l'accord interprofessionnnel sur la formation professionnelle qui a été signé par l'ensemble des partenaires sociaux et qui se retrouve aujourd'hui dans notre texte.
    Ce texte a un grand mérite, il offre une formation professionnelle pour tous sans aucune distinction. Il s'agit d'une réelle avancée car chacun sait que ceux qui en bénéficient le plus souvent sont en général des hommes travaillant dans des entreprises d'une certaine taille.
    Ce texte qui instaure un droit à la formation pour tous sera déterminant pour l'accès à la parité des femmes dans le monde professionnel. Par le biais du droit individuel à la formation, il va les aider dans leur carrière au sein de l'entreprise et contribuera, je l'espère, à restreindre l'écart de salaire qui existe trop souvent entre un homme et une femme dans un même emploi.
    Cet accord instaure également un droit à la formation tout au long de la vie, ce qui correspond à une nécessité. Chacun sait que ceux qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail devront faire preuve de souplesse et d'adaptation tout au long de leur carrière. Rares sont les salariés qui pourront rester au même poste, au sein de la même entreprise, pendant toute leur vie active. Notre pays, dans l'économie mondiale, ne pourra jamais lutter à armes égales avec les pays à bas coûts salariaux. C'est la raison pour laquelle il nous faut nous battre sur le terrain de la connaissance, de la compétence, de l'avantage technologique, de l'innovation et de la créativité. La formation tout au long d'une vie devient alors un enjeu essentiel pour l'avenir de notre pays, pour nos emplois. Nos jeunes et nos adultes doivent apprendre à apprendre.
    Le fait que le droit individuel à la formation soit transférable en cas de licenciement ou de démission, permettant ainsi l'accès pendant la durée de préavis à un bilan de compétences, à une formation ou à une validation des acquis de l'expérience, est une avancée importante et bienvenue. Les chances de retrouver rapidement un emploi se voient ainsi renforcées.
    Le remplacement du contrat de qualification par le contrat de professionnalisation suscite un certain nombre d'interrogations, comme l'a d'ailleurs souligné Marie-Hélène des Esgaulx. Le système de l'alternance aujourd'hui semble efficace. Il permet à des jeunes, souvent de condition modeste, d'obtenir un diplôme en deux ans puis un emploi.
    Il faudra aussi un jour, monsieur le ministre, mettre à plat la collecte et l'utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle.
    M. Jean Ueberschlag. Très bien !
    Mme Chantal Brunel. Il faudra ne retenir que les formations qui sont vraiment qualifiantes et qui correspondent au réel marché de l'emploi.
    Ce texte va également apporter plus de souplesse aux contrats d'apprentissage, ce qui est une bonne chose car il faut impérativement augmenter le nombre d'apprentis. Pour ne citer qu'un exemple, dans la région Ile-de-France, le nombre d'apprentis depuis six ans stagne à 60 000. Tout ce qui favorise l'apprentissage est un plus. Nous avons beaucoup de retard par rapport à nos voisins dans ce domaine.
    Quant à la réforme du dialogue social, elle répond aussi à un besoin important. Nos règles de négociation collective, qui datent de plus de trente ans, vont évoluer grâce à votre texte, afin de favoriser une culture du compromis, nettement plus présente chez nos partenaires européens.
    Nous sommes tous conscients qu'il est nécessaire d'avoir des syndicats plus représentatifs, plus responsables, mais il est aussi important de permettre les accords d'entreprise, éventuellement dérogeant aux accords de branche, pour mieux prendre en compte la spécificité de chaque entreprise, comme l'a dit Claude Gaillard à l'instant.
    Une entreprise, il faut s'en souvenir, est comme un être vivant qui a ses respirations. Elle doit s'adapter aux conditions spécifiques de son marché, aux exigences de ses clients. Il est sûr que les 35 heures, qui sont un grand acquis social, devraient pouvoir être complétées par une ouverture large, facile et pas trop coûteuse aux heures supplémentaires. Vous pouvez compter sur mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je vous ai rappelé hier que le règlement permettait de voter séparément sur deux parties d'un projet. Vous m'avez reproché en réponse de critiquer le texte signé par toutes les organisations syndicales sur le droit individuel à la formation.
    Vous savez bien que ce projet est le résultat d'un compromis entre le MEDEF et les organisations syndicales et qu'il est donc perfectible. Nous ferons donc des propositions, mon ami Frédéric Dutoit y reviendra plus précisément, pour l'améliorer.
    Vous considérez que ce n'est pas la peine d'avoir un vote séparé, puisque nous examinerons chaque partie séparément. Cela ne me paraît pas normal qu'il n'y ait qu'un seul vote pour l'ensemble du texte. Aux termes de l'article 63 du règlement, on peut demander un vote séparé.
    Je vous le redis très clairement : même si nous présentons des amendements, nous voulons voter le premier texte sur le droit individuel à la formation, parce que les organisations syndicales unanimes l'ont voté et que c'est un accord historique. Mais nous voulons en même temps pouvoir voter contre un très mauvais texte que rejettent l'ensemble des organisations syndicales. C'est pourquoi je propose qu'on ne s'en tienne pas à la réponse du ministre. Hier, il a hésité, mais il a eu tout le temps de réfléchir cette nuit et il va pouvoir nous dire que c'est réglé. Mais, s'il reste sur sa position, je propose qu'on soumette cette proposition à l'Assemblée nationale, qui est souveraine.
    Mme la présidente. La présidence sera informée de votre demande, qui sera étudiée en conférence des présidents et en réunion de bureau, la semaine prochaine. Mais je ne pense pas que le règlement nous permette d'accéder à votre demande.
    M. Maxime Gremetz. Peut-être M. le ministre n'a pas de réponse à nous donner pour l'instant, mais je pose la question maintenant pour qu'on puisse l'étudier pour la suite.

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Ueberschlag.
    M. Jean Ueberschlag. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à parler aujourd'hui de la première partie de ce texte de loi, celle qui concerne la formation professionnelle, et je dirai tout simplement : enfin une loi !
    On a rappelé que, depuis la grande loi de 1971 sur la formation professionnelle, aucune réforme significative de la formation professionnelle n'a été mise en place. Diverses mesures ont été votées par-ci par-là, conduisant à un empilement, et le dispositif est devenu opaque, illisible et bien compliqué.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Tout à fait !
    M. Jean Ueberschlag. J'ouvre une parenthèse pour dire que le seul dispositif qui ait vraiment fait avancer la formation professionnelle est la loi sur l'apprentissage, qui a été votée par le Parlement à l'initiative de Philippe Séguin et qui a ouvert l'apprentissage à des niveaux supérieurs, qui n'y avaient pas droit.
    M. Maxime Gremetz. C'est vrai !
    M. Jean Ueberschlag. C'est la seule avancée significative qu'a connue la formation professionnelle.
    En 1993, notre assemblée a estimé nécessaire de constituer une commission d'enquête parlementaire chargée d'étudier l'utilisation des fonds de la formation professionnelle - monsieur le rapporteur, vous en faisiez partie, je m'en souviens. J'ai eu le privilège de présider cette commission d'enquête, qui a effectué un travail extraordinaire. Malheureusement, encore une fois, je dois constater que ses conclusions n'ont pas fait l'objet de beaucoup de transcriptions législatives ou d'initiatives, qu'elles soient parlementaires ou gouvernementales.
    Je ne résiste pas à la tentation de rappeler les conclusions de cette commission d'enquête. Je sais bien que certaines choses vont sans dire, mais cela va sans doute mieux en les disant. Il y a dix ans, cette commission considérait ainsi que « le système de formation professionnelle fondé sur la loi de 1971 (...) semble aujourd'hui avoir atteint ses limites. En négligeant l'exercice d'un véritable contrôle sur les fonds recueillis, en émiettant à l'infini les mesures conjoncturelles, en différant les remises en cause globales, la gestion de la formation professionnelle a manifestement favorisé un gaspillage de ressources. Malgré son intérêt essentiel perçu par tous, ce "système s'est enfermé dans des habitudes et n'a pas suffisamment assumé les conséquences de la crise.
    « La confusion des buts assignés à la formation professionnelle, l'opacité des circuits de financement, les défaillances de l'Etat dans le contrôle des organismes de collecte et de formation, l'absence d'exigences suffisantes quant à la qualité des formations dispensées sont autant de symptômes du dysfonctionnement que les partenaires sociaux et l'Etat ne peuvent ignorer plus longtemps.
    « Une loi générale sur la formation professionnelle devient nécessaire, donnant une impulsion comparable à ce que fut à son époque la loi de 1971. Il incombe aux partenaires sociaux de s'accorder à redéfinir les finalités de la formation professionnelle, à déterminer en fonction de ces choix les priorités auxquelles doit s'attacher l'effort de financement des entreprises et de l'Etat.
    « La collecte ne doit pas être l'apanage d'organismes foisonnant et concurrents, selon les modalités qui, naturellement, les poussent à une gestion pour le moins contestables (...) Le législateur doit désormais porter son effort sur la nécessité de garantir une qualité des formations et une restructuration de ce secteur professionnel en imposant un agrément minimum indispensable aux dispensateurs de formation.
    « Ayant laissé ce champ d'action aux partenaires sociaux, l'Etat, quant à lui, verra son autorité et son crédit restaurés lorsqu'il sera en mesure d'assumer un contrôle effectif des organes de collecte et des organismes de formation. (...) Progressivement, la région doit trouver les compétences que lui reconnaissent les lois. »
    Le rapport de la commission d'enquête citait ensuite les prévisions d'un expert, M. Alvin Toffler : « Nous risquons de connaître une société où tout le monde passera par le chômage. Tout le monde devra redevenir étudiant sans cesse. Nous allons nous apercevoir que l'on ne peut plus séparer formation et travail. »
    Et le rapport concluait : « La formation ne doit plus rester la chasse gardée de quelques-uns, le champ clos d'intérêts où elle est quelquefois sacrifiée à la facilité de gains financiers à court terme, mais être l'affaire de tous, salariés, entreprises, partenaires sociaux et pouvoirs publics. »
    Je crois qu'il n'était pas inutile de nous remettre ces considérations en mémoire. Après cette commission d'enquête, une loi quinquennale a essayé d'apporter quelques réponses. Mais nombre de décrets d'application de cette loi quinquennale, votée il y a déjà dix ans, ne sont toujours pas parus.
    Je ne ferai pas de commentaires supplémentaires et dirai simplement que je me réjouis que nous ayons enfin, aujourd'hui, à discuter d'une loi. Le chantier est ouvert et ne sera pas clos de sitôt, mais nous n'allons pas faire la fine bouche et nous vous remercions, monsieur le ministre, de nous avoir permis, aujourd'hui, de nous attaquer à ce problème, qui nous préoccupe depuis si longtemps.
    La formation professionnelle met en oeuvre des intérêts et des enjeux considérables, financiers, économiques et humains.
    En ce qui concerne les enjeux humains, il faut remarquer que la formation professionnelle, initialement conçue pour assurer la promotion sociale, s'est peu à peu éloignée de cet objectif. Le concept de promotion sociale est tombé en désuétude, a été oublié.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. C'est vrai !
    M. Jean Ueberschlag. Oubliée également la notion de deuxième chance préconisée à l'époque par François Mitterrand - rendons à César ce qui est à César.
    M. Jean-Pierre Gorges. César...
    M. Claude Gaillard. César, c'est vite dit !
    M. Jean Ueberschlag. Aujourd'hui que la notion de formation tout au long de la vie a été remise au goût du jour par le Président de la République actuel, M. Chirac, aujourd'hui que nous allons nous prononcer et discuter sur un droit individuel à la formation, comment ne serions-nous pas heureux de voir que, peut-être, à travers ce dispositif, la notion de promotion sociale va connaître un regain d'intérêt et reprendre la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre ?
    A côté de ces enjeux humains, les enjeux économiques sont liés au constat qu'il existe, en matière de formation, un hiatus entre un nombre de chômeurs considérable et un nombre considérable d'emplois non pourvus. La formation n'est-elle pas à même d'apporter une réponse à ce constat un peu paradoxal ?
    La formation devra également, qu'on le veuille ou non, apporter une réponse à ce qu'on appelle déjà « le choc des générations ». On s'attend à ce que, d'ici à un an ou deux, avec le départ à la retraite de la génération des « baby-boomers », il y ait un déficit de 400 000 postes de travail. Certains préconisent d'ouvrir très largement les vannes à l'immigration.
    M. Frédéric Dutoit. Qui dit cela ?
    M. Jean Ueberschlag. Ne commettons pas l'erreur que nous avons faite il y a trente ou quarante ans, au moment des Trente Glorieuses : nous devrions plutôt nous efforcer de trouver une solution à travers la formation professionnelle, en lui donnant les moyens de nous éviter le recours massif à l'immigration.
    Nous devons également faire face à la nouvelle situation induite par la mondialisation ou, plus exactement, par les délocalisations. Comment ne pas se rendre compte que, à travers la destruction d'emplois qu'elles entraînent, les moyens mis à disposition de la formation professionnelle vont fatalement baisser, puisqu'ils dépendent des masses salariales ? C'est évident, nous sommes obligés de dégager des moyens nouveaux pour créer de nouveaux emplois et faire face à cette situation. C'est pourquoi je suis de ceux qui, depuis longtemps, préconisent une liaison intime entre les notions d'emploi et de formation. J'ai d'ailleurs eu l'occasion, monsieur le ministre, de vous le dire dans le cadre de la discussion budgétaire : il faudra un jour réformer le livre IX du code du travail.
    Le contrat de travail doit devenir le « contrat de travail formation », l'entreprise ayant l'obligation de former, et le salarié celle de se former.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Tout à fait !
    M. Jean Ueberschlag. Quant aux enjeux - ou aux intérêts - financiers, vous connaissez tous les sommes colossales que mobilise la formation professionnelle : 22 milliards d'euros. Je ne rappellerai pas la part que cela représente dans le budget : ces sommes ne doivent pas nous dispenser d'une gestion plus rigoureuse. Nombreux sont les constats dressés sur l'utilisation des fonds de la formation professionnelle : la Cour des comptes, l'IGAS, le service central de la prévention de la corruption ont publié des rapports à ce sujet. Une récente publication du MEDEF ne considérait-elle pas comme anormal qu'à peine 40 % des salariés bénéficient d'une formation et, surtout, qu'à peine un tiers de l'argent collecté pour la formation aille à des actions de formations. Il y a donc de l'argent gaspillé. Récemment encore, un hebdomadaire national - L'Express, pour ne pas le citer - a consacré une étude intéressante, qui mettait le doigt là où cela fait mal.
    Je ne reviendrai pas sur la discussion budgétaire que nous avons eue, mais rappellerai quelques évidences sur l'inadéquation entre les ressources et les besoins. J'avais fait, à l'époque, des propositions dans le cadre de la construction à quatre niveaux de la formation professionnelle. Notre texte de loi se préoccupe des contributeurs à la formation et des bénéficiaires de la formation, alors que la collecte et les organismes de formation ne sont pas évoqués. C'est là que le bât blesse. On ne peut pas, aujourd'hui, essayer de mettre en place un droit individuel à la formation transférable. La « transférabilité » d'entreprise à entreprise et la « transférabilité » géographique ne sont possibles que si l'on organise une collecte différente. C'est pourquoi j'ai proposé de la recentrer en la confiant à un organisme unique, et non, par exemple, à l'URSSAF, qui collecte bien d'autres cotisations sociales. Cela permettrait également un meilleur contrôle de ces fonds. Le droit individuel à la formation est une notion qui suppose logiquement une organisation, un « guichet unique formation » qui collecte et mutualise les ressources nécessaires à ce droit.
    On n'éludera pas le problème de la réforme de la collecte. Nous comptons aujourd'hui, en France, des milliers de collecteurs. La taxe d'apprentissage, par exemple, est un impôt collecté par des centaines de collecteurs. C'est un peu comme si l'on confiait la collecte de l'impôt sur le revenu à la Ligue des contribuables. Aujourd'hui, situation un peu paradoxale, ce sont les entreprises qui collectent leurs propres contributions.
    J'espère, monsieur le ministre, que la discussion nous permettra d'enrichir ce projet de loi avec l'adoption de plusieurs amendements. Je sais que vous êtes ouvert à la discussion, à l'argumentation qui sera la nôtre, notamment en ce qui concerne le contrôle des comptes de la formation professionnelle.
    J'ai, pour ma part, déposé un amendement qui nous permettra de rétablir la commission nationale de contrôle des comptes de la formation professionnelle qui avait été créée en 1996, qui ne s'est réunie qu'une seule fois et jamais entre 1997 et 2002. Un article de la récente loi de modernisation sociale l'a dissoute subrepticement. Il ne serait pas inutile que nous rétablissions des organismes de ce type. J'attends donc avec impatience la discussion des articles.
    Monsieur le ministre, ce texte de loi vient compléter l'accord national interprofessionnel : certains dispositifs, qui ne figurent pas dans l'accord, y sont repris, et nous voudrions vous en remercier. Ainsi, nous vous félicitons du progrès que représente, à l'article 9, l'ouverture du droit individuel à la formation pour les salariés sous contrat à durée déterminée.
    Nous sommes heureux d'être à vos côtés pour faire avancer ce grand dossier de la formation professionnelle, qui est essentiel pour les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Cher collègue, je vous félicite quant à moi d'avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole.
    La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez aujourd'hui revêt une importance extrême. Dès son titre - « Formation professionnelle tout au long de la vie et dialogue social » -, il désigne les deux principaux champs d'action que vous envisagez d'explorer afin d'en modifier les règles.
    Permettez-moi d'emblée de regretter les conditions dans lesquelles se déroule son examen : surcharge de travail et rapidité de la présentation se conjuguent pour ajouter au sentiment que, quand il s'agit du champ social, la représentation parlementaire se meut dans un théâtre d'ombres. Vous en conviendrez, l'exemple de ce matin est assez éclairant. Votre projet, monsieur le ministre, mérite mieux que cela. Aussi, dans le temps qui m'est imparti, je ne traiterai que du titre II, relatif au dialogue social.
    Je saluerai d'abord la profonde volonté de réforme dont il est imprégné. Vous reconnaîtrez volontiers, monsieur le ministre, que le mérite est au moins partagé, car il n'est pas sorti des chapeaux des hauts fonctionnaires du ministère du travail, mais est, pour une large part, issu d'une position commune signée le 16 juillet 2001 par une majorité de partenaires sociaux.
    Votre texte est constitué par une série de pas dans la bonne direction, qui font de la négociation collective une source de droit possible. Vous le reconnaissez en quelque sorte dans le préambule du titre II en prenant l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail.
    Nous touchons là au coeur d'un débat qui empoisonne la régulation sociale depuis des années : la primauté de la loi votée au Parlement sur le contrat, c'est-à-dire sur la négociation. Cette primauté est certainement source de beaucoup de retards, d'archaïsmes, voire de contresens dans le domaine social, et votre proposition de déplacer le curseur de la loi vers le contrat va dans le bon sens.
    Cette sorte de décentralisation sociale est bonne, et je salue cette volonté qui fait remonter les normes sociales du bas vers le haut, des accords d'entreprise vers des accords de branche, des accords professionnels vers des accords interprofessionnels. Car, dans une société moderne, la régulation s'opère du bas vers le haut et non du haut vers le bas. Permettez-moi de regretter, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas été encore plus loin, et que vous ayez renoncé à une réforme plus ambitieuse, voire constitutionnelle, qui eût consisté à fixer ce qui restera du domaine de l'expression parlementaire par rapport à ce qui doit être du domaine de la négociation pour, finalement, faire du contrat une source de droit.
    Ainsi, bien que vous ne le souhaitiez pas, vous continuez à faire du Parlement un théâtre d'ombres dans le champ social. Le parlementaire est réduit à trois rôles aussi insatisfaisants les uns que les autres lorsqu'il traite de certains problèmes sociaux.
    Le premier de ces rôles est celui d'une simple chambre d'enregistrement, dans le souci de ne pas mettre à mal des accords collectifs - c'est le fameux « vote et tais-toi », qui nie le droit constitutionnel d'amendement.
    Deuxième rôle possible, celui de trublion de l'ordre social si, en utilisant ce même droit d'amendement, il remet en cause un accord négocié collectivement.
    Troisième rôle, enfin - et c'est le pire -, celui de l'apprenti sorcier, rôle qu'il joue en adoptant une loi dénuée de toute réalité économique, et vous avez bien compris que je ne parle pas uniquement des 35 heures.
    Deuxième manque : le maintien du statu quo en matière de représentativité syndicale, qui limite singulièrement la portée du projet. Si nous souhaitons, monsieur le ministre, que la négociation collective puisse s'imposer peu à peu comme une expression du droit et remplace, dans de nombreux cas, la loi votée par le Parlement, il faut donner ses chances à une véritable démocratie sociale et faire en sorte que la représentativité des acteurs syndicaux soit assurée. Il y a là une responsabilité historique à laquelle nous ne pourrons pas longtemps nous dérober, tout comme nous ne pourrons pas faire longtemps l'économie de la réforme constitutionnelle que j'évoquais tout à l'heure pour limiter le recours à la loi par rapport au recours aux contrats collectifs.
    Je saluerai néanmoins, monsieur le ministre, votre volonté réformatrice. Toutefois, l'excès de prudence peut parfois conduire à maintenir un statu quo qui n'est pas, qui n'est plus souhaitable aujourd'hui. En effet, selon moi, on ne risque rien à donner plus de capacités aux acteurs de la société civile, notamment dans le champ social,...
    M. Frédéric Dutoit. Ce n'est pas l'objet de la loi !
    M. Hervé Novelli. ... on ne risque rien à leur faire confiance. On se donne simplement des chances supplémentaires pour doter notre pays d'un droit social moderne, émanant principalement d'acteurs sociaux et syndicaux libres et responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi bicéphale. Vous profitez de la présentation d'un volet sur la formation professionnelle, qui transcrit l'accord national interprofessionnel de septembre dernier, pour présenter un autre volet que vous baptisez « dialogue social » et qui fait pourtant l'unanimité contre lui parmi les confédérations syndicales de salariés.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais non !
    Mme Martine Billard. Vous jouez sur la confusion des termes et vous dupez ainsi l'opinion. Loin d'instaurer le « dialogue social », vous ouvrez la porte à une grande « braderie sociale ».
    En ce qui concerne le volet sur la formation professionelle, je serai brève, puisque je ne dispose que de cinq minutes de temps de parole, mais je tiens toutefois à signaler que le texte dénature l'accord signé sur trois points importants : le droit individuel à la formation n'est plus prévu comme pouvant s'exercer en totalité sur le temps de travail ; le montant de l'allocation formation n'est plus versé au salarié mais à l'organisme de formation ; le développement des compétences des salariés n'ouvre des possibilités de reconnaissance de la qualification par l'employeur qu'à condition qu'une partie de la formation se déroule hors du temps de travail.
    De plus, toujours en dehors de tout accord syndical, l'article 30 augmente discrètement la durée journalière du travail de sept à huit heures pour les apprentis et les salariés de moins de dix-huit ans.
    Venons-en à la partie que vous avez intitulée « dialogue social » et qui devrait plutôt s'appeler « monologue du MEDEF ». (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Ueberschlag. C'est nul !
    Mme Martine Billard. Actuellement, les confédérations syndicales sont jugées représentatives en vertu d'un arrêté interministériel de 1966 qui a figé la représentation syndicale telle qu'elle était à cette époque. Une seule organisation syndicale, même minoritaire, peut signer un accord valable ensuite pour l'ensemble d'une branche dès lors que trois autres confédérations ne s'y opposent pas. En termes de démocratie, il y a mieux.
    Imaginez de transposer un tel système aux partis politiques qui étaient représentatifs en 1966 : seuls nos collègues communistes pourraient siéger dans cet hémicycle !
    M. Frédéric Dutoit. Ce serait une bonne chose !
    Mme Martine Billard. Et pour s'opposer aux lois qu'ils voteraient, il faudrait qu'au moins trois autres partis parmi ceux qui existaient à l'époque - FGDS, Centre démocrate, UD Ve, Républicains indépendants - se mettent d'accord. Vous me rétorquerez que c'est ridicule.
    M. Jean-Pierre Gorges. Oui !
    M. Hervé Novelli. En effet, c'est ridicule !
    Mme Martine Billard. C'est pourtant la situation vécue par le syndicalisme, puisque seules comptent les cinq confédérations reconnues en 1966, et ce en dépit des scores qu'elles obtiennent aux élections et de l'apparition d'autres confédérations, comme l'UNSA et le G-10 solidaires.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Pourquoi n'avez-vous rien fait pour changer cela ?
    Mme Martine Billard. Il apparaît donc nécessaire de revoir les règles applicables en la matière dans un sens nettement plus démocratique. En effet, cette situation figée ne favorise pas le renforcement du pouvoir syndical et la capacité de négociation.
    Or ce texte non seulement ne va rien améliorer, mais il risque de figer un peu plus. Mais après tout, votre souhait n'est-il pas uniquement de favoriser les accords d'entreprise dérogatoires ?
    Vous proposez à certains syndicats de choisir entre le risque de se faire hara-kiri en acceptant dans les branches le principe de la signature des organisations syndicales représentant la majorité des salariés ou le maintien du statu quo. N'oublions pas que, pour modifier ces accords, il faut deux parties : salariés et patronat. Gageons que le statu quo risque de perdurer longtemps.
    Si l'on souhaite réellement instaurer une démocratie sociale, il faut prévoir des dispositifs permettant aux salariés des branches de définir la représentativité syndicale par leur vote. C'est la seule démocratie possible. Or cela ne fait pas l'affaire de tout le monde. Imaginez que l'idée vienne aux salariés de donner la majorité à des syndicats qui ne sont pas disposés à signer des accords de branche par trop déséquilibrés - par exemple, dans l'intermittence, des syndicats majoritaires en voix dans la branche n'auraient pas forcément accepté de signer l'accord.
    Vous prétendez introduire le fait majoritaire, mais l'article 34 n'est qu'un leurre. En effet, vous privilégiez à chaque niveau de la négociation collective le droit d'opposition fondé sur le principe de la division syndicale plutôt que l'accord positif sur un texte qui rassemble les organisations de salariés majoritaires. La possibilité d'un véritable accord majoritaire est conditionnée par toute une chaîne d'accords préalables impliquant la non-opposition de trois des cinq confédérations représentatives en 1966, quelle que soit leur réelle représentatitivé aujourd'hui. De surcoît, chacun de ces accords doit recevoir l'agrément des employeurs qui n'y ont pas forcément intérêt. J'ajoute que la participation des patrons aux élections prud'homales n'est pas brillante, elle est même inférieure à celle des salariés. Bref, on peut craindre que le principe majoritaire ait peu de chances de s'imposer.
    Ce texte se traduit par peu d'avancées significatives en termes de démocratie sociale, mais par une régression historique en termes de droits des salariés.
    Certes, le code du travail n'est pas touché - il n'aurait plus manqué que cela ! Toutefois, la majorité des salariés ignorent que tous les droits qu'ils détiennent proviennent, pour l'immense majorité d'entre eux, de conventions collectives et non du code du travail. L'atterrissage risque donc d'être particulièrement brutal.
    Prenons le cas des fameux jours fériés : si le code du travail en prévoit onze par an, il prévoit que seul le 1er mai est chômé et payé. Le régime de tous les autres jours fériés relève des conventions. Par conséquent, tout le débat sur la suppression d'un jour férié - en l'occurrence le lundi de Pentecôte - risque d'être bien désuet, étant donné les possibilités qu'il y aura à terme de pouvoir déroger aux paiements des jours fériés.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non, parce qu'il y aura une loi !
    Mme Martine Billard. Qu'il s'agisse de la grille salariale, des indemnités de licenciement, du paiement des heures supplémentaires, du travail de nuit, des congés pour mariage ou pour décès, tous ces points relèvent actuellement des conventions. Or, demain, des accords d'entreprise pourront être moins favorables que l'accord de branche, mais, en plus, un accord d'établissement pourra être moins favorable que ceux des autres établissements d'une même entreprise.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, madame Billard.
    Mme Martine Billard. Je conclus, madame la présidente.
    Vous nous programmez donc un véritable dumping social, monsieur le ministre.
    Il faut également espérer que l'amendement à l'article 37 déposé par le président du groupe UMP et qui vise à supprimer toute la protection sociale complémentaire des domaines pour lesquels les dérogations d'entreprises moins favorables sont pour l'instant exclues, ne sera pas adopté, car vraiment cela commencerait à faire beaucoup.
    Monsieur le ministre, ce projet de loi va aggraver les inégalités des droits des salariés entre entreprises et territoires.
    Le MEDEF demandait la fin des 35 heures : vous avez commencé à les remettre en cause !
    Il demandait plus d'exonérations de cotisations sociales : vous les leur avez données !
    Il demandait la possibilité d'accords d'entreprise dérogatoires : vous les lui accordez !
    Il demande des CDD de cinq ans, des contrats de mission, des licenciements plus faciles, la restriction des pouvoirs de l'inspection du travail : gageons que d'ici à un an ou deux, vous lui accorderez cela aussi !
    M. Jean Ueberschlag. Les syndicats ont tout de même signé !
    Mme Martine Billard. Il est particulièrement amer, dans ces conditions, de vous entendre vous référer au 21 avril 2002, alors que ce sont précisément de telles lois de destruction sociale,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ça, c'était avant !
    Mme Martine Billard. ... d'introduction d'inégalités entre l'ensemble des citoyens qui engendrent la désespérance et qui créent les situations comme celle que nous avons vécue le 21 avril 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur pour la qualité et la rigueur de son travail, ainsi que les parlementaires qui se sont exprimés et auxquels je vais tenter de répondre.
    D'abord, je répondrai à M. Lefort - mais ma réponse vaudra pour d'autres intervenants - qu'on ne peut pas dire, comme il l'a fait, que ce texte corresponde à celui que souhaite le MEDEF. S'il ne m'appartient pas, bien entendu, de faire ici le compte rendu des concertations que j'ai, durant près de trois mois, menées en amont de ce projet de loi, je demande toutefois à la représentation nationale de prendre de la distance avec toutes les déclarations et les interprétations reprises ici ou là. Ce projet de loi est bien un compromis équilibré, transposant au mieux la position commune sur la négociation collective. Pour en avoir longuement parlé avec les uns et les autres, je sais mieux que quiconque que le texte comporte de nombreux éléments qui ne plaisent pas aux uns ou aux autres. Chacun y trouve à redire, ce qui explique les déclarations dont vous vous prévalez.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La réalité objective quant à l'appréciation d'ensemble est différente. Tout le monde sait que ce texte trace le chemin possible d'une vraie réforme ambitieuse, mais réaliste, monsieur Novelli. Elle consacre à la fois une renaissance de la négociation d'entreprise et la mise en oeuvre du principe majoritaire.
    M. Lefort conteste que l'absence d'opposition majoritaire soit un mécanisme d'approbation majoritaire. Même si, comme lui, je préfère l'adhésion majoritaire - et je souhaite que les branches retiennent cette option dans de nombreux cas -, il est tout à fait important de bien mesurer le progrès que constitue le mécanisme du droit d'opposition. Pourquoi ? Parce que l'accord, même minoritaire au regard de la représentativité de ses signataires, devient majoritaire par une décision des non-signataires de l'accepter tacitement.
    M. Maxime Gremetz. Cela va bloquer !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vais prendre comme exemple le même que celui qu'a cité M. Lefort : les indemnités de licenciement. Dans ce cas, il faut en premier lieu qu'un accord de branche décide de revenir sur les accords antérieurs et qu'il soit majoritaire, selon les règles de la loi nouvelle. Croyez-vous qu'une révision à la baisse puisse être acceptée par trois organisations sur cinq ? Et imaginons ce qui pourrait se passer au niveau de l'entreprise : s'il n'y a pas eu de nouvel accord de branche en ce domaine, eh bien, rien ne sera changé par rapport à la situation existante, puisque la valeur hiérarchique des accords antérieurs est maintenue.
    Si l'on se place maintenant dans l'hypothèse improbable où un accord de branche est conclu en cette matière, en laissant aux accords d'entreprise une faculté de dérogation, encore faudrait-il imaginer que les délégués syndicaux représentant une majorité de salariés acceptent une révision à la baisse des indemnités en cas de licenciement.
    On mesure donc la succession de décisions que les partenaires sociaux, à tous les niveaux, devraient assumer. Au moins peut-on imaginer que cela n'irait pas sans de très substantielles contreparties.
    Enfin, en dernière analyse, rien de tout cela ne pourrait naturellement remettre en cause le minimum légal.
    Donc, rien n'autorise M. Lefort à prétendre qu'on détricote le code du travail, qui reste une référence commune. Et rien ne peut lui faire dire que ces mécanismes nouveaux de la négociation collective déboucheront sur un droit social au rabais. La vérité, c'est que chacun des acteurs de la négociation sera placé face à de vraies responsabilités et qu'aucun ne pourra désormais échapper aux choix concrets qu'impose la gestion des relations sociales dans les entreprises et dans les branches.
    M. Depierre a parfaitement exposé la philosophie générale du texte et a souligné le pragmatisme qui inspire le Gouvernement. Il a eu raison d'indiquer que la formation doit désormais, dans notre économie moderne, être considérée comme un investissement et non comme une obligation. Il a également eu raison de mettre l'accent sur l'insuffisante adéquation entre l'offre d'emploi et la demande d'emploi. Cette inadéquation, il faut la faire reculer, ce qui implique de mobiliser le service public de l'emploi, de personnaliser l'appui aux chômeurs, d'offrir à chaque salarié la possibilité d'une meilleure « employabilité », c'est-à-dire la capacité à maîtriser sa vie professionnelle, qui sera soumise de façon croissante à des changements de rythmes et d'orientations.
    Je voudrais faire deux observations sur votre intervention, monsieur Paul. D'abord, vous avez évoqué les « coquineries » dont la CFDT se plaindrait.
    M. Christian Paul. Les autres syndicats aussi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si l'on se réfère à l'article de presse qui mentionne cette déclaration, celle-ci concernerait l'évolution de la rédaction de l'article 33 du projet de loi. Or celle-ci ne fait que reprendre une formule suggérée par le Conseil d'Etat, qui est traditionnelle en droit et selon laquelle la loi s'applique à la date de sa publication. Toutefois, je ne manifeste aucune réticence à ce que l'amendement de la commission tendant à prévoir une date d'effet rétroactive au 1er janvier 2002 soit adopté.
    M. Christian Paul. Nous sommes sur le bon chemin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La deuxième observation que je vous ferai, monsieur Paul, porte sur ce que vous avez dit à propos de la formation qualifiante différée - et mon observation s'adresse également à d'autres intervenants. Il est faux de prétendre que l'accord prévoyait un droit à une telle formation. Il se bornait en fait à prescrire l'examen de la question. Et pour cause, puisque les partenaires sociaux ne pouvaient stipuler pour le compte de l'Etat...
    M. Christian Paul. Qui, lui, ne stipule rien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et pour le compte des régions. Nous devrons donc donner corps à cette idée avec nos partenaires. L'Etat s'y engage. Les moyens de l'éducation nationale seront également mobilisés. C'est le sens du III de l'article 4 du projet, sur lequel nous reviendrons.
    M. Christian Paul. Une coquille vide !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je m'attacherai pour ma part à ce que l'Etat garantisse des formations qualifiantes aux chômeurs non indemnisés et que la coordination avec les régions et l'UNEDIC assure à tous les chômeurs des formations qualifiantes.
    Enfin, le renforcement des moyens en faveur du CIF permettra de répondre aux demandes des salariés.
    M. Christian Paul. Qui finance, monsieur le ministre ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En ce qui concerne l'égalité d'accès à la formation, il est paradoxal d'entendre la critique du parti socialiste, alors que précisément l'accord - et par suite la loi -, en créant le droit individuel à la formation, constitue une avancée majeure et que ce droit est le même pour tous. C'est un gage d'égalité qui corrigera la réalité d'aujourd'hui, où les cadres et les salariés des grandes entreprises sont favorisés.
    Il est remarquable que le parti socialiste se préoccupe soudainement dans son discours de la formation et de l'égalité d'accès à la formation, alors que ce thème, pourtant essentiel pour tous les Français, n'a fait l'objet d'aucune attention de la part des gouvernements précédents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    S'agissant de l'AFPA, vous ignorez manifestement, monsieur Paul, l'opportunité qu'offre la décentralisation aux centres de formation implantés en région.
    M. Christian Paul. Pour ceux qui survivront !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le grand service public de la formation ne doit pas nécessairement être figé ni forcement centralisé.
    M. Hervé Novelli. Surtout pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'objectif du Gouvernement est d'améliorer l'efficacité du système de formation, en particulier au bénéfice des personnes éloignées de l'emploi.
    Dans ce contexte, l'AFPA et les professionnels qui y travaillent ont un rôle essentiel à jouer : réussir l'établissement de relations contractuelles entre les régions et l'AFPA est un gage de succès dans la construction de l'avenir de l'AFPA. Celle-ci doit rester une association nationale tripartite et ses personnels doivent garder leur statut. Toutefois, elle doit pouvoir répondre efficacement à la commande des régions, dans le cadre d'un schéma régional de la formation.
    La commande publique à l'AFPA sera donc décentralisée, mais pas dans n'importe quelles conditions : les conventions, qui seront conclues région par région, devront permettre de garantir des objectifs de qualité dans les formations dispensées et de satisfaire des publics prioritaires, dont les salariés sans emploi.
    M. Christian Paul. C'est l'improvisation la plus totale !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Vercamer a évoqué la négociation de branche en s'interrogeant sur la place qu'elle aura à l'avenir. Je voudrais lui dire que le projet de loi conforte la branche dans son rôle de pivot de la négociation collective. Ce n'est en effet que dans la mesure où les branches l'accepteront que l'accord d'entreprise pourra se développer.
    Plus précisément, je note que la branche aura la responsabilité exclusive de domaines essentiels qui fondent son existence, tels que les minima salariaux, les classifications et les dispositifs de formation ou de prévoyance mutualisée.
    Elle pourra décider d'ajouter de nouveaux points à cette liste, au cas par cas et au fur et à mesure des accords conclus. Elle continuera de jouer le rôle fédérateur qui est le sien, en offrant aux PME qui ne souhaitent pas traiter certains sujets à leur niveau par la négociation collective une référence complète d'accords s'appliquant au niveau supérieur. Elle aura pour mission de valider, dans le cadre d'une commission paritaire de branche, les accords d'entreprise conclus avec les élus du personnel. Elle déterminera les modalités dans lesquelles ces accords seront conclus. Elle choisira entre majorité d'adhésion et droit d'opposition pour tous les accords d'entreprise. Elle décidera de l'opportunité et des modalités d'une élection de représentativité.
    Enfin, la négociation de branche pourra elle-même exercer son autonomie par rapport à l'accord interprofessionnel, dans la mesure où celui-ci ne l'aura pas exclue.
    C'est dire que les branches verront leur existence confortée par ce texte, et que le dialogue social en sortira renforcé.
    M. Gaillard a eu raison de parler de l'urgence de la formation. Il a justement placé en perspective la relance d'une vraie politique de la formation au soutien de ce qui est notre objectif à tous, l'emploi. Sur les formations diplômantes, je partage son souci, exprimé d'ailleurs par plusieurs orateurs, que le contrat de professionnalisation permette bien de les soutenir et de les financer. Je souligne que le seuil de six mois est un minimum. Les branches pourront négocier des durées plus longues, susceptibles de couvrir des formations en alternance pouvant conduire à des diplômes tels que le BTS, par exemple. Un amendement adopté par votre commission lève d'ailleurs toute ambiguïté à ce sujet.
    Nous partageons au moins avec Mme Guigou l'analyse selon laquelle il s'agit d'enjeux essentiels pour notre démocratie sociale. Pour le reste, nous divergeons, notamment sur la formation professionnelle. Mme Guigou ose dire que le texte ne reprend pas les termes de l'accord conclu à l'unanimité par les partenaires.
    M. Hervé Novelli. Quel toupet !
    M. Christian Paul. Il en laisse beaucoup de côté !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle semble avoir oublié comment on élabore ce type de texte. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle avait reçu mandat de transposer l'accord, en liaison avec les partenaires sociaux, comme il est d'usage - et ce n'est pas seulement un usage. Le Conseil national de la formation professionnelle, où siègent les partenaires sociaux, a été saisi et a participé activement à la rédaction de ce texte. Tous les participants - et je tiens à votre disposition, madame Guigou, le procès-verbal de cette réunion - ont donné acte de la qualité du travail de transposition. Celle-ci ne reprend évidemment que ce qui est législatif, et si certains éléments de l'accord ne figurent pas dans le texte, c'est parce qu'il ne s'agit pas de normes législatives. C'est le cas, par exemple, du bilan de compétences ou du tutorat : en ces matières, il faudra des circulaires, et surtout d'autres accords entre les partenaires sociaux, qui ont déjà d'ailleurs commencé à travailler sur ces sujets.
    Mme Elisabeth Guigou. Ce n'est pas la qualité du travail des services que je mets en cause, monsieur le ministre, mais votre volonté politique.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur la transférabilité, les partenaires sociaux n'ont pas voulu aller au-delà de ce qu'il y a dans le texte.
    M. Christian Paul. Mais vous n'en faites pas la moitié, monsieur le ministre.
    M. Hervé Novelli. Et vous, vous n'avez rien fait.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Est ouverte à tout salarié qui quitte son entreprise la possibilité d'utiliser ses droits à la formation dans le cadre du préavis. C'est une première étape importante, et je dois vous dire que le Gouvernement a dû user de toute son influence auprès des partenaires sociaux pour qu'elle soit franchie.
    Vous avez illustré dans le passé, madame Guigou, votre conception du rôle de la loi en matière sociale. Certes on laisse les partenaires sociaux discuter, comme vous l'avez fait en 2001, mais on ne soutient guère leur volonté d'aboutir, puisque l'on affiche d'emblée que la loi ira à sa guise, faisant fi du cadre que pourraient définir les partenaires sociaux. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que la négociation ait échoué en 2001. En fait, pour le parti socialiste, la loi reste l'alpha et l'oméga des relations sociales.
    Mme Elisabeth Guigou. Je vous ai dit le contraire.
    M. Christian Paul. Caricature !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'observe qu'en Europe, madame Guigou, ce n'est pas nécessairement là où la loi en matière sociale est la plus développée que les droits des salariés en matière de formation sont les plus avancés.
    M. Hervé Novelli. Tout à fait.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement souhaite, lui, que le dialogue social puisse se développer en confiance et que la loi n'outrepasse pas son rôle, mais laisse l'accord et la convention conquérir un espace.
    Mme Elisabeth Guigou. Nous aussi.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les lois bavardes et envahissantes ne sont pas les plus lisibles ni les plus efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Supprimons la loi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais peut-être faut-il voir finalement dans les discours que nous avons entendus quelque chose qui ressemble à du dépit. Le parti socialiste constate en effet que, sur deux sujets dont la gauche nous parle abondamment depuis des années, avec beaucoup de compétence, c'est notre gouvernement qui met en mouvement la réforme.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Tout à fait.
    M. Alain Vidalies. Oui, mais en marche arrière.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On peut naturellement formuler beaucoup de critiques à l'égard de ces textes, ne serait-ce que parce qu'ils sont le résultat de compromis qui ont été élaborés par les partenaires sociaux, et que les compromis sont toujours sujets à critiques. Mais elles seraient mieux venues si ceux qui les formulaient faisaient preuve d'un peu plus d'humilité. Si vous reconnaissiez à cette tribune que vous n'avez pas eu le courage d'avancer sur de tels sujets, faute sans doute de disposer d'une majorité suffisamment soudée...
    M. Christian Paul. Et suffisamment soumise au MEDEF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... alors oui, vos critiques, je les entendrais. Mais ces critiques arrogantes,...
    M. Alain Vidalies. Il est vrai que vous êtes expert en matière d'arrogance !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... venues d'hommes et de femmes qui pendant dix-sept ans ont gouverné notre pays en se satisfaisant de ces règles, je ne les accepte pas ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Paul. Vous n'êtes pas ici à un meeting de l'UMP, mais à l'Assemblée nationale.
    M. Alain Vidalies. Eh oui !
    M. Hervé Novelli. Vous feriez mieux de vous taire, messieurs de l'opposition !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et ce ne sont pas les cris qui émanent de vos bancs, surtout lorsqu'ils viennent d'hommes et de femmes qui ont exercé de hautes responsabilités, qui me feront changer d'avis.
    M. Alain Vidalies. A part le MEDEF, personne ne peut vous faire changer d'avis, même pas les partenaires sociaux.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame des Esgaulx, je suis, comme vous, sensible à la question de la coordination des actions et des travaux des intervenants publics, à travers des dispositifs tels que le guichet unique d'orientation ou la cellule de crise. C'est pourquoi je souhaite rénover les instances nationales de concertation entre l'Etat, les régions et les partenaires sociaux.
    Vous avez également, madame, avec M. Ueberschlag, évoqué la question de la transparence des mécanismes financiers. Le projet de loi prévoit des améliorations significatives en la matière, notamment une simplification du mécanisme de fongibilité. Il renforce également la possibilité concrète de contrôle. C'est un point sur lequel nous devrons tous ensemble, pouvoirs publics et partenaires sociaux, proposer des avancées supplémentaires dans les prochaines années.
    Je suis convaincu, tout autant que vous, madame des Esgaulx, que le remplacement des salariés absents en raison de leur départ en formation est une vraie difficulté. Elle est traitée, dans le texte, de deux façons : il prévoit, dans son article 6, le soutien public à l'embauche d'un remplaçant, il met en place, ensuite, des mécanismes de coresponsabilité. En effet, pour que l'entreprise consente au départ d'un salarié, il est absolument nécessaire qu'une partie de son temps de formation soit décomptée hors contingent pour le calcul des heures supplémentaires. A cet égard, l'accord, et la loi par la suite, devront lever tous les blocages diagnostiqués depuis longtemps, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.
    M. Ueberschlag a eu raison d'évoquer, avec d'autres, un enjeu particulier du texte : la formation des salariés en deuxième partie de carrière. Si nous ne savons pas offrir aux seniors les moyens de faire évoluer leurs compétences, le choc démographique nous prendra au dépourvu d'ici quelques années. Les périodes de professionnalisation pour les plus de quarante-cinq ans, prévues par les textes, constituent une première réponse à ce besoin.
    Enfin, vous reconnaîtrez avec moi, monsieur Novelli, qu'il est un peu prématuré d'inscrire dans la Constitution, comme nous y invitait la « position commune », une nouvelle répartition entre la loi et le contrat. Au moment même où beaucoup s'interrogent, jusqu'au sein des entreprises, sur les risques que représente le pas que nous faisons vers l'accord majoritaire, il est nécessaire de laisser passer un peu de temps pour vérifier que tout fonctionne, voire pour améliorer, après un premier bilan, le texte qui vous est aujourd'hui proposé, avant de figer dans notre Constitution une nouvelle répartition entre la loi et les conventions.
    La question du rôle du Parlement va naturellement se poser. Ceci devra nous conduire à réfléchir à d'autres façons de travailler en associant en amont le législateur à la réflexion engagée entre les partenaires sociaux et l'Etat.
    M. Maxime Gremetz. Et si on supprimait le Parlement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si nous voulons qu'à l'avenir un très grand nombre d'accords sociaux soient transcrits par le Parlement, il faudra faire évoluer nos règles sur ces sujets. L'audace, monsieur Novelli, se mesure d'abord à la capacité réelle de faire changer la société sans provoquer des blocages qui, finalement, conduisent le plus souvent à des reculs.
    Ma conviction, c'est que ces deux textes vont constituer un progrès considérable, dans le domaine de la formation professionnelle, avec la mise en oeuvre d'un nouveau droit pour les salariés et, dans le domaine du dialogue social, avec la multiplication des débats dans les entreprises et la marche vers l'accord majoritaire. J'espère simplement que cette marche ne sera pas interrompue et qu'elle connaîtra d'autres étapes...
    M. Alain Vidalies. En marche arrière !
    M. Christian Paul. C'est la marche de l'écrevisse !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est vrai qu'en matière de marche arrière, vous êtes de grands spécialistes. Votre spécialité, à vrai dire, c'est l'immobilisme : vous n'avez rien fait sur ces questions, vous n'avez pris aucune espèce d'initiative ! Vous n'avez donc aucun droit de critiquer aujourd'hui ceux qui ont le courage d'avancer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Vous avez tous entendu M. le ministre : il a lui-même, à l'instant, parlé de deux textes, et il a parfaitement raison. Alors pourquoi n'a-t-il pas répondu à ma question ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai répondu !
    M. Maxime Gremetz. Comme j'ai de la suite dans les idées, monsieur le ministre, je répète ma question : oui ou non, le Gouvernement a-t-il réfléchi à un vote séparé sur les deux textes ? La question reste posée, le Parlement est saisi...
    Mme la présidente. Vous reposerez la question tout à l'heure.
    M. Maxime Gremetz. Puisque M. le ministre dit lui-même qu'il s'agissait de deux textes, il devrait aller au bout de sa démarche : on devrait voter séparément ces deux textes, dont, vous le savez bien, l'un est approuvé, et l'autre condamné par toutes les organisations syndicales.

Motion de renvoi en commission

    Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, il me revient de défendre, au nom des député-e-s communistes et républicains, une motion de renvoi en commission devant la représentation nationale. Cette procédure me paraît tout à fait opportune, et même légitimée par l'intitulé même du projet de loi qui tente, habilement certes, de confondre la matière de deux textes - j'ai moi aussi entendu M. le ministre - qui auraient amplement mérité un examen séparé.
    J'avoue d'ailleurs que je ne comprends toujours pas l'entêtement gouvernemental à présenter dans un document législatif unique deux projets distincts. A moins qu'il n'y ait, derrière le libellé officiel, une arrière-pensée inavouable, ou que le Gouvernement ne campe tout simplement sur une position jusqu'au-boutiste et dogmatique, comme il l'a fait pour le dossier des retraites ou celui du régime d'indemnisation spécifique des intermittents du spectacle.
    Le volet du projet consacré à la formation professionnelle tout au long de la vie est potentiellement une avancée sociale majeure, saluée comme telle par l'ensemble des grandes organisations syndicales ; mais il mérite, du point de vue des députés communistes et républicains, d'être réellement débattu et amélioré. Pourquoi ne pas inviter les parlementaires, ici à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, à se pencher exclusivement sur ce grand dossier de la douzième législature ? Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas nous convier à nous prononcer clairement, après avoir enrichi votre projet, sur ce grand dossier ?
    Je pense très sincèrement que le Gouvernement aurait dû présenter à la représentation nationale un projet de loi consacré exclusivement à la formation professionnelle tout au long de la vie. Les organisations syndicales mentionnées il y a quelques instant sont en effet unanimement opposées à votre projet relatif au dialogue social. Pourquoi alors ne pas prendre le temps d'une approche moins radicale, plus ouverte, d'un dossier en mal de vie avant même de naître ? Pourquoi ne pas prendre le temps d'un vrai dialogue social, quand on prétend justement légiférer sur le dialogue social ?
    Enfin, pourquoi emprunter la procédure d'urgence là où la sagesse impose de prendre du recul ? Pourquoi vouloir en quelques jours tirer un trait sur des décennies de dialogue social ? Pourquoi cette précipitation gouvernementale et d'aussi brefs échanges à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ? Pourquoi promouvoir un retour en arrière, alors que la société française appelle de ses voeux un bond en avant qualitatif ?
    Permettez-moi ici d'argumenter brièvement mes interrogations et d'ouvrir quelques pistes de réflexion. Je suis intimement persuadé que toutes les idées n'ont pas été exprimées, que tous les points de vue n'ont pas été entendus, qu'ils n'ont pas même été écoutés. C'est un manque qu'il convient de combler.
    Le Gouvernement affirme vouloir transcrire par son projet l'accord interprofessionnel signé par l'ensemble des partenaires sociaux. En réalité, son texte est fondé sur une lecture pour le moins orientée de cet accord, ce qui n'est pas très honnête intellectuellement.
    Le principe d'une formation professionnelle tout au long de la vie, en faveur duquel les parlementaires communistes se sont prononcés depuis déjà longtemps, représente une réelle avancée, pour le salarié comme pour l'entreprise. Il n'empêche qu'en l'état le projet manque d'ambition et soulève bien des inquiétudes, comme me l'ont confirmé, tant à Marseille et qu'à Paris, des syndicalistes de toutes sensibilités, et même des chefs d'entreprise, très méfiants devant la mainmise de l'aile la plus libérale du MEDEF sur la rédaction du projet de loi.
    On a l'impression que derrière une avancée sociale majeure se cache la simple intention d'augmenter encore l'employabilité des salariés et de faciliter leur adaptation à la seule évolution de leur poste de travail. C'est indispensable, mais c'est très nettement insuffisant. Certes, cela favorise une meilleure pérennité de l'emploi in situ, ce qui, par les temps qui courent, est une denrée rare. Favoriser la stabilité de l'emploi, c'est toujours bon à prendre dans cette France des licenciements. Mais - car il y a un mais -...
    M. Maxime Gremetz. Un gros !
    M. Frédéric Dutoit. ... n'est-ce pas une vision à tout le moins restrictive que de ne voir dans la formation professionnelle qu'un facteur de meilleure rentabilité pour le chef d'entreprise, de meilleure compétitivité pour l'entreprise ? N'est-il pas dangereux de privilégier la formation des salariés en dehors de leur temps de travail, en partie à leurs frais ?
    Je retiendrai cette phrase de Condorcet : « En continuant l'instruction pendant toute la durée de la vie, on empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s'effacer promptement de la mémoire : on retiendra dans les esprits une activité utile (...). On pourra montrer enfin l'art de s'instruire par soi-même. » Par ses absences, le projet gouvernemental est toujours éloigné de ce message de bon sens délivré il y a plus de deux siècles. La culture et l'ouverture à l'autre doivent être appréciées comme des éléments constitutifs de la formation de l'individu car elles participent de l'épanouissement de l'être humain dans la société, dans l'entreprise et en dehors.
    Je ne reviendrai pas ici sur les arguments avancés hier soir par mon ami Jean-Claude Lefort. Je souhaite toutefoir appeler l'attention sur des préoccupations que je suppose partagées par bien des députés, par-delà les clivages politiques. Je pense au devenir de la formation en alternance en général, et à la suppression des contrats de qualification en particulier qui interpellent les professionnels de la formation, les jeunes en formation, les jeunes qui, dans quelques mois, quitteront le système scolaire. Je pense à la faiblesse du seuil de formation, abaissé à 15 % de la durée totale d'un contrat dit de professionnalisation.
    Je précise que la durée d'un contrat de ce type est en réel décalage avec les besoins en formation, aux antipodes d'une formation qualifiante et diplômante. De plus, il conviendra de veiller particulièrement à ce que l'apprentissage, qui est un enseignement initial, ne remplace pas la formation continue.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. C'est vrai !
    M. Frédéric Dutoit. Je suis heureux de voir que ces propos sont unanimement partagés...
    Il y a en l'état trop d'insuffisances dans le projet gouvernemental pour « booster » réellement la formation professionnelle. L'accord national interprofessionnel de septembre mérite une rédaction plus audacieuse, anticipant sur la législation qui sera en vigueur demain, vraisemblablement à compter du 1er juillet 2004 : en un mot comme en cent, une rédaction plus conforme à l'esprit plus généreux de l'accord historique des partenaires sociaux. Au nom de quel principe la législation française se placerait-elle délibérément en retrait ?
    Si l'Assemblée nationale désapprouve ma proposition de renvoyer le texte en commission, je présenterai et défendrai, avec les députés de mon groupe, des amendements qui viseront à optimiser les chances de réussite sociale et économique de la future loi.
    J'aurais aimé m'en tenir à cette avancée sociale, même imparfaitement rédigée. Mais le Gouvernement a préféré intégrer un volet « dialogue social » dans le texte sur la formation professionnelle. Peut-être espère-t-il, avec la première partie de son projet de loi, mieux faire accepter la seconde ?
    M. Maxime Gremetz. Il a tort !
    M. Frédéric Dutoit. La ficelle est toutefois un peu grosse. Avalera des couleuvres qui voudra : pas moi, pas nous, pas la grande majorité des salariés. Je le répète, un renvoi en commission serait un moindre mal.
    Sans chercher à vous offenser, monsieur le ministre, votre projet de loi, dans sa partie consacrée au dialogue social, est inique et aux antipodes de son propre intitulé. Il n'a de moderne que son titre trompeur. C'est une véritable mascarade, une parodie de modernisation de la démocratie sociale !
    Le Gouvernement prétend « respecter un accord conclu par les partenaires sociaux » en mettant en oeuvre sa « transposition législative » et ainsi « relancer le dialogue social », selon les propres termes de l'exposé des motifs du projet de loi, et selon les propos que vous venez encore de prononcer, monsieur le ministre.
    Autrement dit, tout est bien huilé, tout est déjà réglé avec les partenaires sociaux : les députés n'ont plus qu'à voter un texte déjà validé par ces derniers. Mais de qui se moque-t-on ? Des partenaires sociaux ? Des parlementaires ? J'ai le sentiment qu'on se moque et des partenaires sociaux et des parlementaires, c'est-à-dire qu'on se fiche un peu de l'avis des Français.
    Toutes les confédérations syndicales sont opposées à la version actuelle du projet, contrairement à vos dires, réitérés à cette tribune, monsieur le ministre. Même les moins critiques haussent le ton et tirent la sonnette d'alarme contre ce projet, qu'elles présentent unanimement comme un projet inféodé aux thèses les plus libérales du MEDEF.
    Pourquoi donc ne pas prendre le temps d'un nouveau tour de table ? Pourquoi ne pas entamer non seulement de nouvelles discussions, comme vous nous le promettez régulièrement, mais de véritables négociations visant à aboutir à un accord réel et à un partage sur ce projet ? Pourquoi se précipiter tout droit dans le mur du refus ?
    Les syndicats de salariés et une immense majorité de salariés sont favorables au maintien du principe de faveur dans la négociation collective, alors que le texte gouvernemental prévoit l'inverse : il dispose que l'accord d'entreprise pourra, à quelques exceptions près, déroger à l'accord de branche.
    M. Maxime Gremetz. Absolument !
    M. Frédéric Dutoit. C'est une incitation à la généralisation de l'accord dérogatoire, une destructuration de la législation sociale.
    M. Maxime Gremetz. Que nous avons combattues !
    M. Frédéric Dutoit. Tous les partenaires sociaux partagent cette opinion. Nous savons tous ici que plus de neuf salariés sur dix sont, dans la France d'aujourd'hui, couverts par un accord de branche, lequel représente un plancher de droits en dessous duquel personne ne peut descendre. Un accord d'entreprise ne peut aujourd'hui déroger à cette règle fondamentale de notre législation sociale.
    Même avec ses imperfections, le système actuel est un gage d'efficacité, d'équité et d'harmonisation nationale. Est-ce une nouvelle conception de la décentralisation, qui viserait à exclure toute possibilité d'acquis sociaux au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel ?
    Dans les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries, les personnels sont rarement représentés : plus d'un salarié sur deux est concerné par cette carence. Vous répondrez que les syndicats n'ont qu'à faire leur travail ! Certes ! Mais, vous le savez, dans ces PME, les salariés ont du mal à trouver le chemin de la lutte et à se mettre en rapport avec leurs collègues de travail d'autres entreprises. L'éloignement et la vie moderne divisent plus facilement qu'ils ne rassemblent.
    Cette faible représentation placera des millions de salariés dans les plus grandes difficultés pour défendre leurs droits face aux chefs d'entreprise qui tenteront de négocier sur place des accords dérogatoires, à l'abri du regard des organisations syndicales.
    M. Maxime Gremetz. En effet !
    M. Frédéric Dutoit. Malheureusement, si la version actuelle du texte n'est pas modifiée, la démarche préconisée par le Gouvernement sera mise en oeuvre. N'est-ce pas une façon d'encourager la non-syndicalisation des salariés, dans un pays où le taux de syndicalisation est déjà extrêmement faible ? Ce n'est pas bon non plus pour le dialogue social.
    N'est-ce pas une manière de favoriser le face-à-face individuel entre le salarié et le chef d'entreprise, notamment dans les petites entreprises où les syndicats sont très peu présents, à l'exception du « syndicat maison » qui n'a pas pour vocation première de défendre les salariés ?
    Le projet gouvernemental est dangereux pour le dialogue social et pour l'avenir de la négociation collective, qui perdra en grande partie sa raison d'être. A quoi bon négocier un accord de branche si un accord d'entreprise peut revenir dessus dans un sens moins avantageux pour les salariés ?
    Le texte gouvernemental est très clair, même si son vocabulaire est choisi. Une phrase essentielle de l'exposé des motifs permet d'en juger : « Sans remettre en cause le principe de faveur entre les différents niveaux de négociation, ni les prescriptions impératives du code du travail, le projet vise à instituer de nouvelles marges d'autonomie dans les rapports entre les accords d'entreprise et les accords de branches ou interprofessionnels. » C'est comme une histoire qui commence bien et qui finit mal...
    N'ayons pas peur des mots : avec le projet de loi sur le dialogue social, la négociation peut devenir, en France, un instrument de régression sociale. Si le texte gouvernemental n'évolue pas dans un sens contraire, il est clair que le socle des droits sociaux, qui constitue l'un des fondements du statut salarial, sera négociable à la baisse dans l'entreprise.
    Le Gouvernement parle volontiers de « principe majoritaire » dans la négociation collective. Mais il dépouille de son sens ce qui aurait pu être considéré comme une avancée : il privilégie le droit d'opposition dans les négociations interprofessionnelles et les négociations de branche ; il encourage implicitement l'attente syndicale, l'hypocrisie et la paralysie, une majorité d'organisations syndicales pouvant toujours s'opposer à un accord signé par un ou deux syndicats représentatifs de plus de la moitié des salariés.
    Je persiste à penser - même si je sais que trois centrales syndicales sur les cinq jugées représentatives ne partagent pas mon point de vue - qu'il n'est pas admissible aujourd'hui, dans une démocratie comme la nôtre, qu'un accord signé par des partenaires sociaux minoritaires puisse engager toute une profession, voire l'ensemble du monde du travail ! D'ailleurs, avec les député-e-s communistes et républicains, j'ai déposé une proposition de loi très explicite pour y remédier.
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    M. Frédéric Dutoit. Je persiste à penser que les mêmes prérogatives accordées par le droit d'opposition à des organisations syndicales non représentatives d'une majorité de salariés demeurent un obstacle à l'émergence d'une vraie modernisation de la démocratie sociale.
    Je persiste à penser qu'une minorité ne doit plus pouvoir décider de tout, pour tous, une fois pour toutes !
    Il serait opportun de prendre le temps de la réflexion au lieu de légiférer brutalement, objectivement sans raison apparente - sinon inavouable -, dans un sens qui n'apporte rien de bien nouveau à la négociation collective, laquelle a besoin d'être repensée et requalifiée.
    Malheureusement, ce n'est pas la voie qu'il nous est proposé d'emprunter aujourd'hui. Très sincèrement, monsieur le ministre, je le regrette.
    L'empressement du Gouvernement cache peut-être un « deal » qu'il avait passé avec le MEDEF, échangeant une lecture rabougrie et partisane du principe majoritaire dans la négociation collective contre la disparition du principe de faveur dans la même négociation collective. Une nouvelle fois, bien sûr, sur le dos des salariés !
    Comme je l'ai dit il y a quelques semaines, avec mon ami Maxime Gremetz, à la presse parisienne et, pour ce qui me concerne, à la presse marseillaise, le Premier ministre et ses ministres, qui ont toujours l'expression « dialogue social » à la bouche, seraient bien inspirés de ne conserver que la partie « formation professionnelle tout au long de la vie » de leur projet de loi, et de présenter, après une vraie concertation actualisée et un débat contradictoire et transparent, un nouveau texte relatif à la démocratie sociale.
    Il convient de prendre le temps - sans en perdre, bien évidemment - pour donner une nouvelle place, une vraie place au dialogue social dans la société française. Je le répète, monsieur le ministre : discourir ou discuter n'est ni négocier ni travailler. Même s'il y a des manques aujourd'hui, il y a urgence à ne rien précipiter et à ne pas conduire la négociation collective dans l'impasse.
    Ce projet de loi soulève plus de problèmes qu'il n'en résout. Un syndicat comme la CFE-CGC a ainsi déjà annoncé - exemple révélateur d'un profond malaise - qu'il ne signera plus aucun accord de branche dès que l'actuel projet de loi entrera en vigueur.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bolcheviques ! (Sourires.)
    M. Frédéric Dutoit. Je n'ai pas cité la CGT !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je parlais de la CGC ! (Rires.)
    M. Frédéric Dutoit. Ne serait-il pas raisonnable d'arrêter de jeter de l'huile sur le feu ? N'est-ce pas la grandeur des hommes politiques que d'accepter de revoir un dossier très mal accepté par l'opinion publique ?
    L'esprit de ce propos n'est pas de demander au Gouvernement de se désavouer, mais simplement d'attirer son attention, à la veille d'une décision qui, en l'état, pourrait avoir des conséquences dramatiques pour des millions de salariés et désastreuses pour la qualité du dialogue social.
    Je le dis comme je le pense, au risque de surprendre : il est essentiel d'écouter les avis, les idées et les propositions formulés par les partenaires sociaux et les salariés, de manière à favoriser, directement et sereinement, l'émergence d'une démocratie sociale de meilleure qualité et d'un dialogue social plus efficace, dans l'intérêt partagé des salariés et de l'entreprise.
    J'estime qu'une bonne négociation est avantageuse et pour les salariés et pour l'activité des entreprises, comme elle l'est pour la croissance économique de notre pays.
    Les député-e-s communistes et républicains plus efficaces n'acceptent pas que, à la veille des fêtes de Noël, on brade une nouvelle fois des acquis sociaux majeurs en modifiant de manière fondamentale la hiérarchie des normes. L'actualité estompe d'ailleurs quelque peu ce débat, qui relève pourtant d'un vrai choix de société, en déplaçant l'attention sur d'autres textes.
    Je m'élève solennellement contre ce qui se prépare dans ce haut lieu de la République : un retour cinquante années en arrière. A mes yeux, un droit est un droit, un acquis est un acquis. On ne peut pas faire coexister autant de règles que d'entreprises pour changer partout la donne.
    Dans le même temps, je pense qu'il serait judicieux de profiter d'un nouveau délai de réflexion pour dépoussiérer les fonds de tiroir en invitant la représentation nationale et l'ensemble des partenaires sociaux à actualiser quelques données majeures du dialogue social.
    Par exemple, on ne peut pas se pencher sur la représentativité des organisations syndicales sans donner convenablement la parole aux salariés. La faiblesse de la syndicalisation ne les empêche pas d'exprimer leurs préférences syndicales, de se choisir des défenseurs comme bon leur semble. Je m'associe volontiers à l'idée d'élections professionnelles organisées le même jour sur tous les lieux de travail. Je n'oublie pas qu'un salarié sur deux n'a ni délégué du personnel ni comité d'entreprise.
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    M. Frédéric Dutoit. Dans ma propre circonscription - les quartiers nord de Marseille -, les industries traditionnelles de main-d'oeuvre ont disparu et elles sont remplacées - je me bats pour cela comme maire d'arrondissement et comme député - grâce aux efforts des services locaux, mais surtout grâce à la création d'une zone franche, par de très nombreuses nouvelles entreprises totalisant un nombre important de salariés. Même si je n'approuve pas le principe de la zone franche, je me félicite que le chômage ait beaucoup plus diminué dans ces quartiers que sur l'ensemble de l'agglomération marseillaise.
    M. Maxime Gremetz. On se bat !
    M. Frédéric Dutoit. Si les dispositions prises par les pouvoirs publics ont certainement leur part dans ce succès, il faut aussi prendre la mesure de la dynamique et de la force de mobilisation des partenaires sociaux, des syndicats et, surtout, des salariés, des hommes et des femmes qui vivent dans ces arrondissements. Parmi eux, les nouveaux salariés sont nombreux et ils n'ont pas toujours la possibilité de se faire représenter par une organisation syndicale, comme c'est le cas dans les grandes entreprises. C'est une profonde inégalité au sein même du monde du travail. D'où la nécessité absolue de trouver une formule qui permette à ces salariés d'être représentés, ou au moins d'exprimer leurs points de vue et leurs choix sur les questions concernant l'entreprise et la branche, ainsi que sur les sujets interprofessionnels. Pourquoi ne pas leur offrir la possibilité de participer à des élections professionnelles, ce qui permettrait de mesurer l'« influence » ou, plus exactement, la représentativité réelle de chaque organisation syndicale ? Ce serait là une mesure d'efficacité pour le dialogue social, mais aussi une mesure d'équité. Les salariés des petites et moyennes entreprises ont droit autant que les autres à la dignité.
    M. Maxime Gremetz. Très juste !
    M. Frédéric Dutoit. J'invite les députés à réfléchir à ce sujet, car il n'y a pas, selon moi, de solution toute faite, écrite dans un livre. Si c'est ainsi que doit se comprendre, monsieur le ministre, votre idée que tout ne doit pas forcément se faire par la loi, nous pourrons trouver un terrain d'entente. Ce qui manque actuellement, c'est une ambition politique de restituer la parole aux salariés citoyens, de placer l'action publique et les relations sociales sous leur contrôle. Le 21 avril et l'évolution de la société traduisent leur forte aspiration à participer aux choix qui les concernent dans l'entreprise et en dehors, et à trouver de nouvelles formes de démocratie.
    Ce sujet mérite de ne pas être bâclé, mais d'être discuté librement dans la plus totale transparence, de l'entreprise à l'Assemblée nationale.
    Je considère par ailleurs que la négociation collective ne peut avoir pour unique repère des décisions administratives prises il y a des décennies, à l'instar de la reconnaissance, en 1966, des cinq organisations syndicales dites « les plus représentatives ». Il serait logique, sans toucher bien évidemment à ce principe, d'actualiser la lecture de la notion de représentativité au niveau national des organisations syndicales, en oeuvrant pour une meilleure connaissance du poids électoral de chacune d'elles.
    On le voit, bien des questionnements alimentent l'examen du projet de loi gouvernemental et demeurent sans réponse, sans même, la plupart du temps, l'ébauche de pistes de réflexion innovantes.
    Ne serait-il pas normal que soient pleinement reconnues des organisations syndicales qui n'existaient pas toutes il y a trente-sept ans mais qui sont très actives dans la France d'aujourd'hui ? Peut-on parler de « modernisation de la démocratie sociale » sans prendre en compte cette réalité ?
    Si les organisations syndicales doivent demeurer les pivots et les garants du dialogue social, une réflexion mériterait, à mon sens, d'être enfin engagée sur les nouvelles formes d'expression et de regroupement des salariés, à travers des structures qu'ils jugent parfois plus souples que les syndicats traditionnels.
    Pourquoi ne pas intégrer dans la réflexion d'ensemble cette réalité qui traverse le mouvement social ? Cette problématique contemporaine - ô combien ! - et certainement d'avenir ne peut se satisfaire d'une brève discussion parlementaire qui, de surcroît, mélange deux dossiers que je propose, une dernière fois, de traiter séparément et différemment. Peut-être nous faut-il, à vous et à nous, monsieur le ministre, un peu de temps pour faire en sorte que tous les salariés qui veulent s'exprimer dans la diversité de leur représentativité syndicale puissent le faire et, surtout, soient reconnus officiellement.
    Il y a là des chantiers importants et, contrairement à ce que vous avez annoncé tout à l'heure, ils sont bel et bien devant nous. Rien ne doit être figé. Alors, pourquoi avoir déclaré l'urgence, comme chaque fois qu'un problème se pose à vous ? Quelle lubie vous a pris, surtout à la veille de Noël et alors que l'actualité nous propose bien d'autres sujets de préoccupation ?
    Si vous êtes un homme de dialogue,...
    M. Pierre Morange, vice-président de la commission. C'est le cas !
    M. Frédéric Dutoit. ... respectez le dialogue social et la négociation avec les salariés et leurs représentants syndicaux. Donnez aussi à la représentation nationale le temps de dialoguer. Ce serait de bon aloi dans la mesure où nous pourrions contribuer ensemble - opposition et majorité - à améliorer les textes proposés.
    J'estime, monsieur le ministre, que la modernisation de la démocratie sociale ne peut franchir une nouvelle étape sans le concours des partenaires sociaux, notamment des organisations syndicales. D'autant, je le répète et vous l'avez vous-même reconnu à la tribune, qu'il y a là deux textes en un, qui n'on rien à voir l'un avec l'autre, même si « tout est en tout ». Maxime Gremetz vous a transmis notre demande de voter distinctement sur ces deux textes.
    Le renvoi en commission me semblerait, une position de sagesse face à toutes ces incertitudes et ces insuffisances de préparation. Je ne doute pas, d'ailleurs, que, pour faire respecter la parole de l'Etat et la volonté du Gouvernement - au moins affichée, même si je ne suis pas convaincu de sa sincérité - d'engager le dialogue social, l'Assemblée nationale acceptera de voter avec le groupe communiste ce renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Dutoit a évoqué des questions importantes et son intervention était élégante et courtoise, mais je n'y ai rien trouvé qui justifie le renvoi en commission.
    La commission a tenu quatre réunions et produit un rapport que je crois parfaitement étayé. M. Vidalies nous en a d'ailleurs lu quelques passages. Elle a examiné près de trois cents amendements et en a adopté une centaine. Elle a entendu des juristes, l'ensemble des organisations de salariés, y compris celles qui ne sont pas représentatives au plan national, et l'ensemble des organisations patronales. Le temps de la concertation est achevé. Le temps de la décision est venu. Je ne suis donc pas favorable au renvoi en commission demandé par le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. C'est très décevant !
    Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Yves Hugon, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Yves Hugon. Monsieur Dutoit, j'ai écouté vos arguments avec attention et je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'ils ne m'ont pas convaincu. Comme le rapporteur vient de le souligner, le travail en commission a été particulièrement riche et a permis d'adopter de très nombreux amendements qui améliorent notablement le texte.
    Monsieur le ministre, je devais prendre la parole dans la discussion générale sur le volet apprentissage du projet, mais un retard de train m'en a empêché.
    M. Maxime Gremetz. Encore une grève ?
    M. Jean-Yves Hugon. Non, il s'agissait d'un accident.
    M. Maxime Gremetz. Vous voyez, le service minimum n'aurait servi à rien !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous en prie.
    M. Jean-Yves Hugon. J'aurais voulu saluer les souplesses que vous introduisez dans la législation en matière d'apprentissage.
    M. Christian Paul. L'allongement de la durée du travail pour les apprentis ?
    M. Jean-Yves Hugon. J'en citerai trois : la mise en place de dérogations limitées à la limite d'âge de vingt-cinq ans pour l'entrée en apprentissage ; le retour à huit heures, contre sept actuellement, de la durée journalière du travail applicable aux apprentis et aux jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans, ce qui leur permettra de suivre les horaires de l'entreprise ;...
    M. Christian Paul. Gros progrès social !
    M. Jean-Yves Hugon. ... l'assouplissement de la règle relative à la date de conclusion des contrats d'apprentissage, ce qui me semble une réelle avancée.
    Il faut maintenant engager la discussion des articles, qui vous donnera, chers collègues de l'opposition, la possibilité de défendre largement vos amendements. Le groupe UMP votera donc contre le renvoi en commission.
    M. Maxime Gremetz. Quel scoop !
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous nous avez pris à partie en disant que nous n'avions jamais rien fait. Vous avez ensuite affirmé que vous étiez en train de mettre la France en mouvement. C'est vrai : vous voulez supprimer les dispositions protectrices que nous avions mises en oeuvre dans la loi de modernisation sociale, ce qui vous vaut d'être interpellés régulièrement lors des questions d'actualité, et pas seulement sur nos bancs. Pourtant, cette loi ne remettait pas en cause le fonctionnement de notre économie, mais organisait un cadre strict qui préservait les intérêts des salariés. Votre décision d'en suspendre l'application intervient à un moment où notre pays connaît des difficultés économiques particulières. Vous avez aussi remis en cause la loi sur les 35 heures, imaginé le RMA, et vous êtes maintenant en train d'organiser, sous prétexte de simplification, une réforme du code du travail qui s'annonce déjà comme un bouleversement.
    Alors oui, je partage votre constat : vous mettez la France en mouvement. Mais c'est une conception du mouvement que je vous abandonne ! Car vous ne connaissez qu'une seule direction : la marche arrière.
    Quant au renvoi en commission, y a-t-il jamais eu un texte pour lequel cette demande ait été plus justifiée ? Vous appréciez, monsieur le rapporteur, que je vous aie cité et je le refais volontiers. Pourquoi vouloir passer à la discussion des articles alors que vous vous interrogez vous-même, dans votre rapport, sur la rédaction du projet en multipliant les points d'interrogation ? J'attends toujours des explications sur les problèmes d'ordre technique ou juridique que j'ai posés hier en défendant l'exception d'irrecevabilité. Avouez que la situation est extravagante puisque votre analyse confirme les moyens que j'ai soulevés.
    M. Christian Paul. Du jamais vu !
    M. Alain Vidalies. Mais vous ne nous répondez pas. Silence absolu ! Cela figure pourtant dans le rapport. Passe encore que l'on reçoive avec un haussement d'épaules les observations venues de tel ou tel banc, mais je vous demande des explications sur vos écrits !
    Pour votre part, monsieur le ministre, vous nous avez répondu d'une manière que l'on peut qualifier de succincte, en jugeant qu'il s'agissait d'une question de forme. Acceptons cet argument : je suis bien disposé ce matin. Mais s'il ne s'agit que d'une question de forme, allons la régler en commission ! Nous ne pouvons tout de même pas engager la discussion alors que le rapport affirme que le texte est mal rédigé et qu'il convient de réécrire un des principaux articles arrêtant des dispositions permanentes. Quand va-t-on le réécrire et où va-t-on le réécrire, si ce n'est en commission ?
    M. Jean Ueberschlag. Calmez-vous, monsieur Vidalies !
    M. Alain Vidalies. Le ministre lui-même admet que le texte est mal rédigé. Si les conditions du renvoi en commission ne sont pas remplies, quand le seront-elles ? Nous sommes tous d'accord pour constater que la rédaction doit être revue. Une telle unanimité est rare. A l'Assemblée d'en tirer les conséquences en votant le renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. Ce renvoi en commission, très argumenté, mérite d'être pris en considération. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez rire, cela ne se passe pas comme ça, à l'UMP. En général, quand vous n'êtes pas d'accord, vous vous taisez. Un orateur est désigné pour parler au nom du groupe et les autres dorment. C'est votre façon de procéder. Moi, j'ai quelque chose à dire après l'intervention de M. Dutoit.
    M. Jean Ueberschlag. On ne sait toujours pas quoi !
    M. Maxime Gremetz. Je trouve que cette motion était très bien argumentée. Le renvoi en commission s'impose mais ce n'est pas le travail de la commission qui est en cause, je le sais pour y avoir participé. Le problème vient du texte lui-même. On ne peut rien construire, en effet, à partir d'un texte mal écrit. Sans bonnes fondations, on ne peut pas faire une belle et solide maison. Mon frangin, qui était maçon, m'expliquait toujours ça. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! on ne pose pas le toit avant d'avoir creusé des fondations solides. Sinon, l'édifice s'écroule, surtout s'il y a des risques d'infiltrations.
    M. Christian Cabal. Revenons-en au sujet !
    M. Maxime Gremetz. Par ailleurs, réfléchissez un peu à l'image que vous donnez du Gouvernement. « Nous allons vers une grande réforme du dialogue social et de la démocratie sociale », avez-vous dit. Quelle formidable déclamation ! Mais, comme entrée en matière, le projet qui a été présenté au conseil des ministres n'est pas celui qui a été soumis aux organisations syndicales et les derniers arbitrages rendus ne leur ont pas été davantage transmis. Quel dialogue social ! Quelle démocratie sociale !
    Comme le disaient plusieurs juristes éminents, quand les organisations syndicales, qui sont au coeur même du dialogue social et de la démocratie sociale, font savoir qu'elles ne veulent pas entendre parler de votre texte, il faut au moins les écouter un peu. Sinon, elles ne vous croiront plus quand vous leur expliquerez que, pour vous, les partenaires sociaux sont essentiels, que vous voulez favoriser le dialogue social et permettre aux organisations syndicales de donner leur opinion, de faire des propositions, etc. Aujourd'hui, elles ont compris que tout cela n'était que du vent puisque dès le début de la discussion vous avez agi à l'inverse de vos propos. De fait, toutes les organisations syndicales vous ont dit : « Nous ne sommes pas d'accord ! » Et vous leur avez répondu : « Peu importe, le Gouvernement, avec sa majorité à la botte, fera comme il voudra ! Il passera en force ! » Voilà la réalité !
    Donc, si vous voulez montrer que vous souhaitez établir un vrai dialogue social, il faut voter cette motion de renvoi en commission. Cela nous permettra de réécrire ce texte en tenant compte du rapport et des observations formulées, et de procéder à de nouvelles auditions. Certes, monsieur le rapporteur, il y a eu des auditions. Mais, après avoir entendu les sept ou huit organisations syndicales les plus représentatives vous dire qu'elles n'étaient pas d'accord, vous n'avez en rien modifié le texte. Comme on dit chez moi : « Cause toujours, je n'en ferai qu'à ma tête ! »
    Grâce à ce renvoi en commission, qui permettra de consulter à nouveau les organisations syndicales, nous pourrons parvenir à un bon texte. Voilà pourquoi je soutiens résolument cette motion de renvoi. Et j'invite chacun à réfléchir à la position qu'il va adopter. D'ailleurs, compte tenu de l'importance de ce vote, je vais demander un scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ainsi, les choses seront claires.
    M. Christian Cabal. Pas de menaces !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas une menace, puisque j'ai annoncé la couleur. Je dis simplement que je demande un scrutin public pour que chacun prenne ses responsabilités. Le sujet est trop grave.
    Mme la présidente. Transmettez-moi votre demande, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Faudra-t-il le faire à chaque fois, madame la présidente ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Pour l'heure, je vous demande de m'adresser votre demande pour que les choses soient claires.
    M. Maxime Gremetz. On m'avait dit que ce n'était pas nécessaire.
    Mme la présidente. Il n'y aura pas de difficultés ensuite.
    M. Maxime Gremetz. C'est une question de tactique (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou plutôt de technique !
    Mme la présidente. Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Pierre Morange, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Pierre Morange, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J'informe l'Assemblée que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales se réunira à quatorze heures quarante-cinq pour examiner, en application de l'article 91 du règlement, les amendements au projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social.
    M. Christian Paul. Cela montre qu'il faut voter la motion de renvoi en commission !
    M. Maxime Gremetz. C'est déjà un début de renvoi en commission.
    Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin, qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission de M. Bocquet.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je vais vous laisser quelques instants pour regagner vos places.
    Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.
    Mme la présidente. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   40
Nombre de suffrages exprimés   40
Majorité absolue   21
Pour l'adoption   10
Contre   30

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Compte tenu de l'attitude de M. le ministre ce matin, qui n'est pas disposé à répondre à nos questions,...
    M. Christian Paul. C'est vrai, il n'a pas répondu à Mme Billard, par exemple.
    Mme Martine Billard. C'est systématique !
    M. Maxime Gremetz. Je ne peux pas croire que ce soit par misogynie ! (Sourires.) Il n'a pas daigné non plus répondre sur la motion de renvoi en commission. Et malgré toutes nos questions, nous ne savons toujours pas si nous allons ou non avoir un vote par division.
    Si la majorité et le Gouvernement pensent que c'est avec une attitude pareille qu'on va aller plus vite dans la discussion du projet, ils se trompent lourdement. C'est l'inverse qui va se produire. Le sujet est extrêmement grave et je ne souhaite pas faire traîner les choses, cela étant, on s'y résignera s'il le faut, pour obtenir des réponses. Je ne laisserai pas traiter la représentation nationale par le mépris. Madame la présidente, c'est pour cela que nous demandons une suspension de séance.
    Mme la présidente. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue pour cinq minutes.
    (La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Je voudrais répondre à M. Vidalies à propos de l'article 38 et du rapport dont il fait état depuis hier soir.
    M. Christian Paul. Très célèbre rapport !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Je vous laisse juge, monsieur Paul.
    Le Gouvernement a bien lu le rapport : il présentera un amendement cet après-midi que nous examinerons en commission à quatorze heures quarante-cinq. Vous voyez donc qu'il est utile, dans les rapports, d'expliquer certains points et de susciter d'éventuelles informations supplémentaires !
    M. Christian Paul. C'est surtout la question de M. Vidalies qui a suscité des informations supplémentaires ! Remercions-le !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Par ailleurs, monsieur Gremetz, j'ai effectivement eu l'occasion d'auditionner l'ensemble des organisations syndicales et, au-delà, les sections non représentatives.
    M. Christian Paul. Un quart d'heure à chaque fois !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Toutes n'étaient pas totalement hostiles au projet, comme vous vous plaisez à le dire...
    M. Alain Vidalies. Mais globalement hostiles tout de même !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Simplement, elles faisaient - et c'est bien normal - des remarques, des suggestions et des critiques.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je voudrais préciser certains points, monsieur le rapporteur, afin qu'il n'y ait pas d'équivoque. Vous avez auditionné toutes les organisations syndicales, y compris celles dont la représentativité n'est pas reconnue aujourd'hui, et c'est très bien.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Merci !
    M. Maxime Gremetz. Seulement, il y a une différence entre ce qui se dit dans une audition et ce qui ressort de l'analyse du texte par les directions de ces confédérations. J'ai ici leurs conclusions. Je les tiens à votre disposition et, si le renvoi en commission avait été voté, j'aurais pu vous le montrer. Toutes les organisations syndicales représentatives ont fait savoir, via leur direction, qu'elles condamnaient - et pas simplement qu'elles n'étaient pas d'accord - ce projet. Elles le considèrent gravissime, notamment du fait qu'il remet en cause, de façon détournée, le principe de faveur en vertu duquel l'accord - de branche ou d'entreprise - le plus favorable aux salariés doit prévaloir. C'est une règle du droit du travail. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi on parle de faveur, et je n'aime pas cette expression.

Discussion des articles

    Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
    Je vous indique que les articles 51 et 52 ont été retirés par le Gouvernement.

Avant l'article 1er

    Mme la président. Je donne lecture de l'intitulé du titre Ier du projet de loi :

« TITRE Ier

« DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
TOUT AU LONG DE LA VIE »

    MM. Christian Paul, Gorce, Vidalies et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 246, ainsi libellé ;
    « Rédiger ainsi l'intitulé du titre Ier :
    « De la formation tout au long de la vie professionnelle. »
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai ensemble les amendements n°s 246 et 247 rectifié, qui tendent à redonner au titre Ier du projet de loi et au livre IX du code du travail un intitulé qui ait réellement un sens.
    Nous proposons pour le titre Ier du texte que nous examinons aujourd'hui l'intitulé suivant : « De la formation tout au long de la vie professionnelle », et ce pour deux raisons. D'abord, c'est bien de la vie professionnelle qu'il s'agit et non de la formation initiale ou d'accès au savoir pouvant intervenir au-delà de la vie professionnelle. C'est pourquoi il nous paraît intéressant de préciser « formation tout au long de la vie professionnelle ». Ensuite, nous ne précisons pas « formation professionnelle » parce que la formation ne se limite pas à la formation professionnelle.
    Par ce nouvel intitulé, le groupe socialiste souhaite montrer clairement l'ambition qui l'anime dans l'élaboration et l'examen de ce texte. Nous aurons l'occasion de déplorer par ailleurs l'approche quelque peu restreinte et étriquée de la formation professionnelle dans ce texte. Elle nous paraît en effet répondre avant tout aux objectifs du patronat.
    Quant à l'amendement n° 247 rectifié, il tend à rédiger ainsi l'intitulé du livre IX du code du travail proposé par l'article 1er du projet de loi : « De la formation tout au long de la vie dans le cadre de l'éducation permanente et de la formation professionnelle continue ».
    Je rappelle que le livre IX du code du travail s'intitule actuellement : « De la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente ». Nous vous invitons, par l'amendement n° 247 rectifié - et je pense qu'un certain nombre d'entre vous ne seront pas insensibles à cette référence à la loi de 1970 et aux fondations mêmes de la formation professionnelle - à conserver dans la loi cette idée d'« éducation permanente » et à redonner ainsi tout son sens à la loi dont vous souhaitez l'adoption.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 246, il est précisé : « La formation tout au long de la vie ne se limite pas à la formation professionnelle. » Or l'objet du texte se limite, lui, à la formation professionnelle.
    M. Christian Paul. C'est bien ce que je reproche au texte !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Il ne faut donc pas tout mélanger. La formulation utilisée par l'Union européenne est : « formation tout au long de la vie ». C'est celle qui est reprise dans le texte. L'amendement n° 246 est donc repoussé par la commission.
    Quant à l'amendement n° 247 rectifié, il n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis personnellement défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
    Tout d'abord, le texte comporte quelques dispositions relatives à la formation initiale, puisqu'il s'agit de l'apprentissage. Ensuite, nous avons repris l'expression « formation tout au long de la vie », qui est celle utilisée dans tous les textes européens. Je souhaite donc le maintien de l'intitulé du projet.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 246.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    Mme la présidente. Je donne lecture de l'article 1er :

Chapitre Ier
Dispositions générales

    « Art. 1er. - L'intitulé du livre IX du code du travail est ainsi rédigé : "De la formation professionnelle continue dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie. »
    La parole est à M. Frédéric Dutoit, inscrit sur l'article.
    M. Frédéric Dutoit. Je souhaiterais rappeler quelques principes fondateurs qui ont guidé notre législation sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui.
    Le terme « formation professionnelle » regroupe à la fois la formation des adultes et celle des jeunes. La « formation professionnelle continue » est constituée par l'ensemble des dispositifs de formation s'adressant au public sorti du système scolaire, par opposition à la formation initiale, qui repose sur le système éducatif public et privé.
    Déjà en 1791, le rapport Condorcet sur l'instruction publique émettait l'idée selon laquelle l'éducation ne peut s'arrêter à la sortie de l'école et doit pouvoir se prolonger tout au long de la vie. Ce discours est étonnamment moderne car il met l'accent sur le thème de « l'éducation des adultes » et se prolongera, deux siècles plus tard, par les débats sur « l'éducation permanente » ou « la formation tout au long de la vie ».
    La construction de notre système de formation professionnelle continue s'inscrit donc dans une longue tradition. Il est fondé sur un contrat social de base, héritage du Siècle des Lumières, qui liait développement des personnes, progrès techniques et développement économique.
    Ces trois dimensions sont donc indissociables et nous espérons qu'elles guideront l'ensemble de nos débats.
    Mme la présidente. MM. Christian Paul, Gorce, Vidalies et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 247 rectifié, ainsi libellé :
    « Après les mots : "De la, rédiger ainsi la fin de l'article 1er : "formation tout au long de la vie dans le cadre de l'éducation permanente et de la formation professionnelle continue. »
    Cet amendement a été défendu.
    La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
    Je mets aux voix l'amendement n° 247 rectifié.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
    (L'article 1er est adopté.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1233, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1273).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du vendredi 12 décembre 2003
SCRUTIN (n° 409)


sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Bocquet, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Nombre de votants

40


Nombre de suffrages exprimés

40


Majorité absolue

21


Pour l'adoption

10


Contre

30

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 30 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : Mme Hélène Mignon (présidente de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.