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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 17 DÉCEMBRE 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 16 décembre 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

CONSTITUTION EUROPÉENNE «...»

MM. Guy Teissier, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

RELANCE DE LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE «...»

MM. Jean-Louis Bianco, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

PLAN « HÔPITAL 2007 » «...»

MM. Claude Leteurtre, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

HÔPITAUX «...»

Mme Muguette Jacquaint, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

IRAK «...»

MM. Roland Blum, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE «...»

MM. Olivier Dassault, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

POLITIQUE DE L'EMPLOI «...»

Mme Martine David, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

LUTTE CONTRE LES RÉSEAUX MAFIEUX EN CORSE «...»

MM. Christian Vanneste, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

RÉSEAUX D'ÉCOLES PRIMAIRES «...»

MM. Pierre Hellier, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

HÔPITAL PUBLIC «...»

MM. Jean-Marie Le Guen, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

IMMIGRATION CLANDESTINE «...»

MM. François Vannson, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

DROIT AU LOGEMENT ET HANDICAP «...»

MM. Jérôme Bignon, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

2.  Saisines pour avis d'une commission «...».
3.  Formation professionnelle et dialogue social. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

MM. Maxime Gremetz, le président.

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Avant l'article 34 «...»

Amendement n° 100 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Francis Vercamer, Alain Vidalies, Mme Martine Billard. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 101 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Mme Martine Billard, MM. Alain Vidalies, Francis Vercamer. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 101 rectifié.
Amendement n° 305 de M. Vercamer : MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.

Article 34 «...»

MM. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; Frédéric Dutoit, Alain Vidalies.
Amendements de suppression n°s 102 de M. Gremetz et 161 de Mme Billard : M. Maxime Gremetz, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Francis Vercamer. - Rejet par scrutin.
M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendement n° 215 de M. Vidalies : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 298 de Mme Billard, 216 de M. Vidalies et 103 de M. Gremetz : Mme Martine Billard, MM. Alain Vidalies, Frédéric Dutoit, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 301 de M. Meslot : MM. Damien Meslot, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 104 de M. Gremetz : MM. Frédéric Dutoit, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 105 de M. Gremetz : MM. Frédéric Dutoit, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 217 de M. Vidalies et 297 de Mme Billard : M. Gaëtan Gorce, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendements n°s 106 et 107 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 106 ; rejet de l'amendement n° 107.
Amendement n° 219 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 51 rectifié de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 137 de M. Vercamer : MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 52 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 220 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 53 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 218 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 108 de M. Gremetz : MM. Frédéric Dutoit, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 221 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 138 de M. Vercamer : MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 54 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 220 de M. Vidalies : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 223 de M. Vidalies : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 109 de M. Gremetz et 296 de Mme Billard : M. Maxime Gremetz, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 110 de M. Gremetz et 224 de M. Vidalies : MM. Maxime Gremetz, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 55 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 111 de M. Gremetz, 225 de M. Vidalies et 295 de Mme Billard : MM. Frédéric Dutoit, Alain Vidalies, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 56 de la commission : M. le rapporteur.
Amendement n° 57 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements n°s 56 et 57.
Amendement n° 139 de M. Vercamer : MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article 34 modifié.

Après l'article 34 «...»

Amendement n° 307 de M. Vercamer : MM. Francis Vercamer, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 351 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 140 de M. Vercamer et 204 corrigé de M. Morange : MM. Francis Vercamer, Bernard Depierre, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

CONSTITUTION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Guy Tessier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Guy Teissier. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Monsieur le Premier ministre, le sommet européen de Bruxelles, qui devait voir l'adoption de la première Constitution européenne, s'est conclu le week-end dernier par un échec. Le résultat est amer car il laisse le sentiment que l'Europe a manqué un rendez-vous majeur avec son histoire, même si la construction de l'Europe a déjà vécu, par le passé, des moments de crispation.
    Aujourd'hui, notre responsabilité d'Européens de la « vieille Europe » est de surmonter les blocages du moment et de dépasser l'intransigeance politique de l'Espagne et de la Pologne pour aller plus avant.
    Le devoir de la France est de maintenir le cap et d'assumer son rôle de nation-cadre en donnant l'impulsion nécessaire et les moyens à ceux qui le veulent de poursuivre l'aventure à leur rythme. Refuser cette stratégie, c'est prendre le risque d'enliser inutilement l'Europe ou, pis encore, de rendre l'idée européenne illisible, inaccessible aux populations.
    Les notions de « groupe pionnier » et de « coopération renforcée » évoquées par M. le Président de la République et défendues par nos amis allemands, britanniques et du Benelux sont à cet égard pertinentes et méritent d'être soutenues. Pour s'en convaincre, regardons les résultats obtenus en matière de défense européenne, tant sur le plan industriel que sur le plan institutionnel, dans le cadre des coopérations structurées, passées comme actuelles. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le Premier ministre, le dernier week-end, plus qu'une volonté politique, c'est le souffle de la légende et la puissance du mythe qui ont manqué. En un mot, il a manqué un militantisme, voire un patriotisme européen, pour élaborer et concrétiser une étape nouvelle de la construction de l'Europe élargie.
    Ma question sera donc simple : monsieur le Premier ministre, l'Europe à vingt-cinq, puis à trente-deux sera-t-elle un mythe ou une réalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président Teissier, gardez confiance dans notre projet européen ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Lequel ?
    M. le Premier ministre. Nous sommes fidèles au projet tel que le Président de la République l'avait défini en l'an 2000 devant le Bundestag. Oui à l'élargissement de l'Union, mais avec une Constitution !
    M. Christian Paul. On voit le résultat !
    M. le Premier ministre. Nous voulons une Constitution pour que notre projet européen ait toute la force de la stabilité nécessaire. Pour ce faire, la Convention, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, a fait en dix-huit mois un travail remarquable. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Même si, sur certains points, nous souhaitons des clarifications, nous considérons ce projet de Constitution est un bon projet constitutionnel. Nous pensons, avec un grand nombre de nos partenaires, qu'il s'agit là d'un travail équilibré, innovant, qui constitue acquis politique majeur.
    Nous ne voulons plus d'une Europe qui s'élargirait et qui ne serait gouvernée que par des marchandages. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Si l'on veut un jour imposer à la France des décisions, il faudra qu'elles aient une véritable légitimité politique.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. le Premier ministre. C'est pourquoi nous sommes restés fermes sur la règle de la double majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Oui, 60 % des peuples, oui, 50 % des Etats : voilà une vraie règle, qui est une règle européenne !
    Nous sommes confiants car nous pensons que, par la méthode des groupes pionniers et des coopérations renforcées, nous pourrons aller plus loin avec ceux qui veulent avancer. Et nous faisons confiance à la présidence irlandaise pour faire de nouveaux progrès, mais il n'est pas question pour nous de dénaturer le projet de Constitution.
    Nous voulons, certes, une Europe élargie, mais une Europe fondée sur un traité institutionnel capable de donner de la force à ses décisions, mais aussi capable de générer des pratiques plus démocratiques, dans l'intérêt des 450 millions de citoyens européens. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RELANCE DE LA CONSTRUCTION
EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Le dernier week-end, qui a vu se réunir le sommet européen à Bruxelles, a été un triste week-end pour l'Europe.
    La Conférence intergouvernementale a échoué. On dira que l'absence d'accord vaut mieux qu'un mauvais compromis, mais nul ne doute qu'il faille une Constitution à l'Europe, une bonne Constitution, une Constitution de progrès. Or la Conférence s'est achevée en queue-de-poisson sans même que soit fixé, pour l'avenir, un calendrier et une méthode.
    Naturellement, les responsabilités de cet échec sont partagées. On a cité l'intransigeance de l'Espagne et de la Pologne. Mais, mes chers collègues, ne payons-nous pas aussi, depuis des mois et des mois, l'absence d'initiative de la France, qui a laissé l'Europe en jachère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ne payons-nous pas l'attitude des gouvernements français et allemand sur le pacte de stabilité, qui a été perçue par beaucoup comme une arrogance insupportable ? (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Que les choses soient claires : nous sommes convaincus que le pacte de stabilité doit être réformé dans un sens plus favorable à l'emploi et à la croissance, mais certainement pas par un diktat du fait accompli, à la faveur duquel les mauvais élèves veulent s'affranchir des règles communes tout simplement parce qu'ils sont de mauvais élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Les mauvais élèves, c'est vous !
    M. Jean-Louis Bianco. Il est en tout cas impossible de rester sur l'échec du dernier sommet européen.
    Au-delà d'une nécessaire avant-garde ou d'un nécessaire groupe pionnier, nous devons organiser l'Europe pour qu'elle ne reste pas un nain politique.
    Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question sera simple : quelles initiatives comptez-vous prendre pour relancer à la fois la négociation et la construction européennes,...
    Un député du groupe socialiste. Aucune !
    M. Jean-Louis Bianco. ... pour que nous puissions, comme vous le disiez à l'instant, garder la confiance ?
    Permettez-moi d'ajouter que les représailles budgétaires à l'encontre de l'Espagne et de la Pologne, telles que vous les envisagez, seraient la pire manière de réagir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Pour une Europe des grands travaux, pour une Europe de la solidarité, pour une Europe de la recherche, nous avons besoin d'un budget qui ne se limite pas à 1 % du budget européen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Nicolin. Quel toupet !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, nous en conviendrons tous, le sommet de Bruxelles a été un rendez-vous manqué, mais l'esprit exigeant de l'Europe a été préservé et nous sommes tous déterminés à aboutir.
    L'Europe a déjà connu de tels revers : rappelons-nous l'épisode du chèque britannique, la difficile adoption du premier « paquet Delors » et les marathons agricoles ! L'Europe a toujours surmonté ses difficultés et continue d'avancer.
    La Conférence intergouvernementale reprendra sous la présidence irlandaise.
    Trois leçons s'imposent après le dernier Conseil européen.
    D'abord, il n'y a pas eu de divisions entre une « ancienne » et une « nouvelle » Europe. C'est une bonne nouvelle. Sur les grands sujets - votes au Conseil, composition de la Commission, champ de la majorité qualifiée -, on trouve, dans chaque camp, des anciens membres comme des nouveaux, des grands pays comme des petits. La vraie ligne de partage, c'est l'ambition que nous avons pour l'Europe.
    Ensuite, le moteur franco-allemand fonctionne depuis plus d'un an. La France et l'Allemagne sont à l'origine de toutes les percées européennes. Vous ne pouvez pas dire que la France n'ait pas pris d'initiative que ce soit sur l'agriculture, dans le contexte de l'élargissement, sur la Turquie, sur la défense européenne ou, et c'est sans doute l'un des grands aboutissements de nos travaux et de nos efforts, sur la non-profilération en Iran.
    De la même façon, sur les bases de la négociation institutionnelle, ce sont bien les propositions françaises et allemandes qui ont servi de référence pour les travaux de la Convention.
    Samedi dernier, à Bruxelles, la France et l'Allemagne ont clairement marqué, comme la majorité des membres, qu'elles ne voulaient pas d'une Europe au rabais. Vous ne pouvez pas dire que c'est l'égoïsme qui a présidé à notre position sur le pacte de stabilité : nous avons défendu les nécessités de la croissance ! C'est vrai pour la France, c'est vrai pour l'Allemagne, c'est vrai pour l'ensemble de l'Europe !
    Enfin, après les traités de Rome et de Maastricht, voici bien le temps de l'Europe élargie, dont il nous faut relever les nouveaux défis : ceux de l'hétérogénéité d'une Europe très diverse, les défis institutionnels pour prendre en compte le nombre accru des Etats et le défi politique que constitue le passage d'une Europe-espace à une Europe-puissance. (Exclamations sur bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre des affaires étrangères. Face à ces défis, il faut tout faire pour que l'Europe puisse se doter d'une Constitution. Nous voulons y parvenir en préservant la nécessaire flexibilité d'une Europe capable d'avancer en respectant les rythmes de chacun, et donc de travailler dans le cadre des coopérations renforcées.
    Tel est l'esprit de l'Europe que nous voulons défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PLAN « HÔPITAL 2007 »

    M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Claude Leteurtre. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de la santé et de l'hôpital public.
    M. François Hollande. Ah bon ? Il a dû l'oublier !
    M. Claude Leteurtre. Vous avez pris en charge une situation très difficile, longtemps masquée par la conscience professionnelle, le dévouement ainsi que la volonté de bien faire et d'assumer devoirs et responsabilités dont font preuve aussi bien les médecins que le personnel soignant et technique.
    Vous y avez apporté une réponse positive avec le plan « Hôpital 2007 ». Pourtant, on assiste aujourd'hui à une vague de protestations de la part du personnel et des praticiens hospitaliers, qui demandent le retrait de ce plan.
    Quelle en est la raison ?
    A mon sens, force est de reconnaître qu'une certaine précipitation dans la présentation de ce plan a laissé des questions de fond non résolues. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Deux points semblent particulièrement contestés.
    Le premier concerne la gouvernance à l'hôpital, c'est-à-dire la nouvelle organisation interne des soins et des pôles de décision. L'inquiétude est extrême sur le sujet. Le sentiment général est que, derrière les mots, se cache une logique essentiellement, voire uniquement financière (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors que la volonté de tous est de travailler avec plus d'efficacité.
    M. François Goulard. Vous devriez changer de camp !
    M. Claude Leteurtre. Le second point touche à la relance de la capacité d'investissement, qui est évidemment une bonne chose mais qui, décidée trop rapidement, risque de pénaliser l'hôpital public par rapport au secteur privé.
    C'est ainsi, par exemple, qu'existe dans le Calvados un projet de regroupement qui fait la part belle au privé et qui va fragiliser durablement l'hôpital de Lisieux, lequel joue depuis toujours un rôle de pivot dans ce secteur.
    M. le président. Mon cher collègue, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?
    M. Claude Leteurtre. Aussi, monsieur le ministre, le groupe UDF vous demande comment il est possible d'expliquer ces inquiétudes devant ce qui devait apparaître comme une planche de salut et qui est vécu comme une agression ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    D'autre part, envisagez-vous de revoir le plan « Hôpital 2007 », tant dans sa dimension de fonctionnement que dans sa dimension d'investissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Leteurtre, vous avez raison de souligner (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) que, et je veux le redire après vous, l'hôpital, c'est chaque année 10 millions d'appels au SAMU, 13 millions de patients qui se présentent aux urgences, 12 millions de personnes hospitalisées pendant 60 millions de journées, pour un budget de quelque 50 milliards d'euros. C'est cela, l'hôpital qui soigne ! C'est cela, l'hôpital qui remplit sa mission ! C'est cela, l'hôpital dont nous devons être fiers !
    Que de vie sauvées, que de guérisons obtenues grâce au dévouement de nos hospitaliers et des services de nos hôpitaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Cependant, il est vrai, monsieur le député, et vous avez à cet égard une deuxième fois raison, que l'hôpital est aujourd'hui à la peine car il est confronté à des difficultés de fonctionnement,...
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Avec les 35 heures !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... à une pénurie de personnel, à un équipement insuffisant et à des locaux souvent vétustes. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre, dès son discours de politique générale, a intégré le plan « Hôpital 2007 » dans les priorités du Gouvernement.
    Vous savez que ce plan est en cours de réalisation. La simplification administrative est en route.
    Quant à l'investissement, je ne peux pas vous laisser dire que le privé serait mieux traité ou que le public serait le parent pauvre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je vous citerai simplement quelques chiffres : sur les 6 milliards d'apport en capital, 360 millions sont pour le privé et 5,6 milliards pour le public.
    Qui ira dire après cela que nous sommes en train de favoriser le privé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Enfin, monsieur Leteurtre, ne croyez pas ce qui est écrit ici ou là ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je suis en négociation avec les partenaires dans leur ensemble. Ils veulent la réforme de la gouvernance hospitalière, laquelle n'est pas fondée sur une logique financière mais tend à remettre le malade au centre, à redonner du temps aux médecins, à les libérer des contraintes administratives.
    Voilà monsieur Leteurtre, ce qu'est le plan « Hôpital 2007 » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

HÔPITAUX

    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre de la santé, la compassion ne suffit pas ! (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Décidément, vous avez du mal à vous faire comprendre des médecins et du monde médical ! Vous avez la fâcheuse tendance soit à leur faire porter une responsabilité, soit à dédramatiser leurs propos ! Pourtant, l'hôpital va mal. Les effets de la canicule, les épidémies de bronchiolite et de grippe ont mis en évidence les défaillances du système, qui souffre d'un manque cruel de moyens pour assurer ses missions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    Mme Muguette Jacquaint. Cela ne peut plus durer !
    Médecins, praticiens hospitaliers, personnels soignants et non médicaux sont aujourd'hui dans la rue pour vous le rappeler,...
    M. Jean-Michel Fourgous. Les 35 heures !
    Mme Muguette Jacquaint. ... dans une démarche commune, sans précédent depuis plusieurs années.
    Ils dénoncent votre plan « Hôpital 2007 », qui va encore aggraver les problèmes en corsetant davantage les budgets, pour faire des hôpitaux des centres de profit avec la tarification à l'activité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ils s'inquiétent également de la prochaine réforme des pôles d'activité, qui va rationaliser davantage les soins. Combien faudra-t-il encore de drames sanitaires pour ne plus se satisfaire de déclarations médiatiques, en réponse à des situations de catastrophe, et pour débloquer enfin les moyens financiers et humains ?
    C'est un cri d'alarme que les hôpitaux et le personnel vous lancent. La santé publique et l'hôpital ne peuvent pas être placés sous le joug des coupes budgétaires ou des considérations comptables.
    M. le président. Mme Jacquaint, pouvez-vous poser votre question ?
    Mme Muguette Jacquaint. Je termine, monsieur le président.
    M. le président. Merci !
    Mme Muguette Jacquaint. La santé publique et l'hôpital ne peuvent pas, disais-je, être placés sous le joug des coupes budgétaires ou des considérations comptables car il y va de la santé et de la vie des gens.
    Monsieur le ministre de la santé, le Gouvernement va-t-il enfin ouvrir les yeux et donner les moyens à l'hôpital d'assurer sa mission au lieu de chercher, de plan en plan, à faire des économies sur la santé, comme avec votre plan « Hôpital 2007 » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Charles Cova. Ces propos sont scandaleux !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, il est vrai que l'hôpital est aujourd'hui « désenchanté », pour reprendre le titre du rapport parlementaire de René Couanau et de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il est vrai que l'hôpital subit aujourd'hui de plein fouet les inconséquences du passé. (« C'est la vérité ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ces inconséquences se traduisent par une vétusté de 70 % des bâtiments, par une pénurie de personnel et par des équipements notoirement insuffisants !
    M. Bernard Roman. Alors, assumez !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, j'ai répondu par avance à un certain nombre de points, mais je me permettrai de vous apporter quelques clarifications supplémentaires.
    Vous me parlez de groupes financiers.
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ce sont probablement eux qui fournissent les 50 milliards que la sécurité sociale consacre à l'hôpital !
    M. Maxime Gremetz. Non, ce sont les Français !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ce sont probablement les groupes financiers qui ont financé les 26 600 postes hospitaliers créés en 2002 et 2003 ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce sont probablement les groupes financiers qui ont financé le recrutement de 2 000 praticiens hospitaliers en 2003 ! Ce sont probablement les groupes financiers qui ont créé 10 400 postes pour l'année 2004, dont 3 200 pour assurer les 32 heures pour le personnel de nuit ! Enfin, c'est probablement grâce à la manne en provenance de groupes financiers que nous avons pu accorder 80 millions d'euros supplémentaires pour le temps de travail médical additionnel ! Voilà, madame la députée, le résultat de vos prétendus groupes financiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Démago !
    M. André Gerin. Merci à la Générale des eaux !

IRAK

    M. le président. La parole est à M. Roland Blum, pour le groupe de l'UMP.
    M. Roland Blum. Monsieur le ministre des affaires étrangères, Saddam Hussein a été arrêté dimanche dans la région de Tikrit par les forces armées américaines, ce qui met un terme, que l'on espère définitif, à la dictature.
    La communauté internationale s'est aussitôt réjouie de cette arrestation. (« C'est Sarko ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Le Président de la République a pour sa part déclaré que cette capture était un événement majeur, qui devrait contribuer à la démocratisation et à la stabilisation de l'Irak, et permettre aux Irakiens de retrouver la maîtrise de leur destin dans un Irak souverain.
    Cet événement est un symbole très fort et il faut espérer qu'il permettra à la communauté internationale d'impulser les efforts nécessaires pour ouvrir des perspectives d'évolution en Irak. Hier d'ailleurs, le Président de la République, puis vous-même, avez reçu une délégation du conseil de gouvernement transitoire irakien pour évoquer l'avenir de l'Irak.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment la France entend aider l'Irak à retrouver le chemin de la paix, de la démocratie et de la prospérité dans ce nouveau contexte ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, l'arrestation de Saddam Hussein est un événement majeur, comme l'a dit le Président de la République, pour l'Irak et pour son peuple. Il faut s'en réjouir. C'est une page noire de l'histoire de ce pays qui se tourne.
    Après le temps du deuil, le peuple irakien peut maintenant retrouver confiance en son avenir.
    Il lui revient de s'approprier le jugement dont Saddam Hussein doit faire l'objet désormais, dans le respect du droit et en toute impartialité. Mais ce n'est, bien sûr, qu'une étape, dans un contexte difficile où les défis restent nombreux.
    Le premier d'entre eux, c'est le retour à la stabilité. Il faut gagner la course de vitesse contre la violence, contre le terrorisme, dont la logique propre dépasse le seul cadre de l'Irak. Cela suppose la réconciliation politique, qui exige d'accélérer le transfert de souveraineté et de responsabilité, et d'associer aussi largement que possible à ce processus toutes les forces politiques qui renoncent à la violence.
    Le second défi, c'est la reconstruction. Pour la réussir, nous voyons bien que toute la communauté internationale doit se mobiliser autour des Nations unies, afin d'établir un Etat de droit et de ramener la prospérité dans des conditions de transparence satisfaisantes. La France prendra toute sa part à cet effort, comme le Président de la République et moi-même l'avons rappelé à la délégation irakienne, actuellement présente à Paris.
    Nous poursuivrons nos efforts, dans le domaine humanitaire, mais aussi dans les secteurs de l'éducation et de la santé. Des perspectives s'ouvrent également pour appuyer le processus politique, en apportant notre concours dans le domaine constitutionnel.
    Nous sommes prêts à envisager une annulation partielle de la dette irakienne, dans des conditions compatibles avec la capacité de financement de ce pays. Ceci devra se faire dans le cadre du Club de Paris, après un accord avec le Fonds monétaire international et une fois qu'un gouvernement souverain sera installé. Nos entreprises, enfin, ont montré leur disponibilité pour engager un partenariat actif avec l'Irak.
    Aujourd'hui, c'est bien une nouvelle chance qui s'offre à la communauté internationale d'oeuvrer, dans son ensemble, à la reconstruction de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE

    M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour l'UMP.
    M. Olivier Dassault. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez décidé de permettre à notre pays, comme il le mérite, de mettre en valeur les atouts qu'il possède : notamment une séduction à nulle autre pareille. En économie, cette séduction se nomme attractivité, c'est-à-dire non seulement la capacité d'une nation à attirer à elle, dans un environnement mondial en constante évolution, celles et ceux qui créent, qui entreprennent, qui innovent, qui investissent, mais aussi à retenir ses propres talents, à un moment de son histoire où ce ne sont pas seulement ceux qui ont réussi qui s'expatrient, mais aussi ceux qui veulent réussir.
    M. Edouard Courtial. Très bien !
    M. Olivier Dassault. En février dernier, à sa demande et à celle de M. Jacques Barrot, je remettais au Premier ministre un rapport consacré à ce sujet. Alerté par cette étude, il y a répondu dès le mois de juin par son discours à La Baule. D'autres réflexions, plus récentes, de mes collègues de « Génération entreprise », comme Sébastien Huyghe, ont permis notamment la mise en oeuvre, dès cette année, de mesures en faveur des cadres étrangers « impatriés » en France.
    Jeudi dernier, monsieur le ministre, vous avez participé au premier séminaire gouvernemental consacré à l'attractivité du territoire. Vous avez, ainsi, fait le choix de conforter l'image de la France, de renforcer la francophilie et de développer l'installation des entreprises étrangères, sans oublier, ni la recherche, en faveur de laquelle doivent se concentrer tous nos efforts, ni l'harmonisation fiscale à l'échelle européenne.
    Enfin, de même qu'il existe une politique de l'aménagement du territoire, que nul ne songe à contester, pourquoi n'existerait-il pas une politique de l'attractivité du territoire ? C'est le rayonnement de la France qui est en jeu, c'est notre excellence que nous devons défendre et promouvoir.
    Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner l'assurance que l'attractivité de la France sera désormais une préoccupation constante du Gouvernement, mise en oeuvre par une politique publique ambitieuse, et dotée des moyens nécessaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous avez tout dit dans votre question et, vous l'avez très bien dit. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman. C'est les copains ! On reste en famille !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Cela dit, vous avez raison de rappeler que dans notre monde de liberté, ceux qui ont envie de réussir ont le choix de l'endroit où ils veulent réussir, qu'ils soient français ou étrangers. Il est donc de notre intérêt bien compris à long terme de créer dans notre pays les conditions optimales pour que le plus grand nombre possible de personnes, françaises ou étrangères, aient envie d'y entreprendre, et d'y réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Une fois ce principe défini, l'objectif est de devenir aussi rapidement que possible, notamment en restaurant l'image de la France, qui a été flétrie, le pays le plus attractif d'Europe. Nous nous donnerons les moyens d'atteindre cet objectif, en agissant sur tous les leviers, par toute une série de mesures qui concerneront les hommes, les entreprises, la matière grise ou les conjoints,...
    M. Henri Emmanuelli. Les femmes, les femmes !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qui feront appel à la totalité des responsabilités ministérielles. Car, vous le savez, l'attractivité est un des objectifs majeurs du Gouvernement dans son ensemble, et non de mon seul ministère.
    Pour ce faire, nous aurons la simplicité d'écouter aussi les autres, c'est-à-dire le reste du monde, au sein du conseil stratégique de l'attractivité que le Premier ministre a décidé de mettre en place prochainement. Il aura pour mission, tenez-vous bien,... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) de se mettre à l'écoute des étrangers, pour apprendre d'eux quelle est l'image de notre pays à l'extérieur. Car l'image compte au moins autant que la réalité, et notre image a besoin d'être améliorée. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Henri Emmanuelli. Si c'est vous qui le dites !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous disposerons enfin d'un thermomètre pour la mesurer aussi objectivement que possible, et d'une façon continue, à savoir le guide de l'attractivité, qui réunira toute une série de paramètres. En les comparant à ceux d'une vingtaine de pays, il nous permettra de mesurer où nous en sommes, où nous allons et comment nous y allons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE DE L'EMPLOI

    M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.
    Mme Martine David. Monsieur le Premier ministre, vos discours d'autosatisfaction (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) répétés semaine après semaine ne changent rien à une réalité dramatique : le taux de chômage atteint en France 9,7 % de la population active, soit près de 2,7 millions de nos concitoyens.
    M. Lucien Degauchy. Nous payons votre politique !
    Mme Martine David. Les plans de licenciement se succèdent : après Métaleurop, Hewlett-Packard, Pechiney, Alcatel, Air Lib, Arcelor, Altadis, STMicroelectronics, c'est au tour de Rhodia d'annoncer un plan de licenciement de près de 600 personnes ; bien plus d'emplois encore sont en jeu si le plan de cession ou de restructuration annoncé est mis en oeuvre.
    Le département du Rhône est durement touché par ces licenciements, qui constituent un drame humain pour les employés et pour leurs familles, ainsi que pour les communes qui abritent ces sites industriels, comme Lyon, Décines, ou Saint-Fons. Votre politique est jugée très sévèrement par les Français, car elle conduit le pays dans une impasse. Vous détruisez systématiquement tous les dispositifs en faveur de l'emploi, et notamment ceux destinés aux jeunes.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Qu'avez-vous fait vous-mêmes ?
    Mme Martine David. A l'inverse, vous concédez sans contrepartie des avantages aussi injustes qu'inefficaces au patronat.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    Mme Martine David. Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de déculpabiliser le MEDEF ? Quand donnerez-vous des signes de soutien forts à l'emploi et aux salariés de ce pays ? Car contrairement à ce que vous annonciez ce matin à la presse vous n'ouvrez pas les portes du travail, mais celles du désespoir pour trop de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cela suffit, maintenant ! Ecoutez M. Falco !
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés...
    M. Bernard Roman. C'est le ministre de quoi ?
    M. le président. Monsieur Roman !
    M. Bernard Roman. Mais, enfin, c'est une question sur l'emploi !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, je voudrais excuser François Fillon qui, alité, ne peut pas répondre à votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Madame le député, une nouvelle direction a été nommée à la tête du groupe Rhodia. Elle a annoncé il y a quelques jours dans leurs grandes lignes des mesures de restructuration.
    Mme Martine David. C'est une catastrophe !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. La direction devra gérer les conséquences de son plan de restructuration dans le cadre des lois en vigueur. Dans cette phase, le rôle de l'Etat est de veiller à ce que Rhodia assume pleinement ses responsabilités à l'égard des bassins d'emploi et des salariés concernés. Le Gouvernement sera très attentif, dans le cas de Rhodia comme dans d'autres, au dialogue social dans l'entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. C'est une plaisanterie !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Mesdames et messieurs les députés, que ce soit M. le Premier ministre, M. Fillon ou moi-même qui répondions, nous assumons une approche du social différente de la vôtre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Albert Facon. Ça c'est clair !
    Mme Martine David. Allez donc dire ça aux salariés !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Vous, qui bénéficiiez d'une croissance exceptionnelle, vous avez fait du social dans les mots et à coups de communication. Nous, dans une croissance difficile, nous faisons du social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en prenant réellement en compte les problèmes des salariés, et surtout en finançant les réformes que nous proposons. Vous ne pouvez pas en dire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Martine David. Et le respect des salariés ?

LUTTE CONTRE LES RÉSEAUX MAFIEUX EN CORSE

    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.
    M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la sécurité est au coeur des valeurs républicaines. C'est la première liberté des citoyens, disait Montesquieu, et face à elle tous doivent être égaux. Il ne doit exister aucun privilège, qu'il soit de territoire ou d'aucune autre sorte.
    Depuis votre arrivée au Gouvernement, monsieur le ministre, vous avez montré tout l'intérêt que vous portez à cette magnifique région française qu'est la Corse ; mais vous avez tout autant montré votre volonté de lutter avec détermination contre les réseaux mafieux. C'est dans ce cadre que Charles Pieri a été interpellé dimanche en début d'après-midi, dans la région de Bastia, avant d'être placé en garde à vue. Hier, huit nouvelles arrestations ont eu lieu.
    Monsieur le ministre, quelle importance donnez-vous à ces événements dans le cadre de votre lutte contre le système mafieux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Julien Dray. Vous ne demandez pas l'avis de M. Falco ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et Falco ? Qu'est-ce qu'il en pense, Falco ?
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, cela fait maintenant trente ans que la Corse est victime de pratiques mafieuses : attentats, rackets, menaces en tous genres. Cela fait trente ans que nos compatriotes de l'île subissent cette situation.
    M. Albert Facon. Et tout a changé avec vous ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tous les gouvernements se sont trouvés confrontés à cette sinistre réalité, à tel point que nos précédesseurs avaient cru utile de charger M. Glavany de faire un rapport sur cette situation ; rapport qui a été d'autant plus brillant qu'il n'a été suivi d'aucun début de commencement de la moindre exécution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il y était pourtant indiqué tout ce qu'il fallait faire et qui n'avait pas été fait.
    Mme Martine David. Envoyez Falco !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Depuis plusieurs mois, la police et la justice ont engagé avec courage une action de fond.
    M. Bernard Roman. Mais encore ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si le juge Courroye a jugé nécessaire de procéder à l'interpellation de M. Pieri et de huit autres personnes, c'est qu'il estimait avoir à sa disposition des éléments qui justifiaient ces interpellations. Et tous les républicains qui sont ici devraient se réjouir de voir la police de la République mettre en oeuvre une interpellation demandée par un juge en toute indépendance.
    M. Jean-Christophe Cambadélis. Qu'est-ce que vous en savez ? Vous n'êtes pas garde des sceaux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Notre message, monsieur le député, est très simple : désormais, sur chaque centimètre du territoire national, chacun devra rendre compte de ses faits et de ses gestes...
    M. Julien Dray. Et Pinault ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... et c'est une bonne nouvelle pour les Corses, qui en ont plus qu'assez d'être pris en otage par une minorité qui ne représente pas le vrai visage de l'île. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉSEAUX D'ÉCOLES PRIMAIRES

    M. le président. La parole est à M. Pierre Hellier, pour le groupe de l'UMP.
    M. Pierre Hellier. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire,...
    M. Henri Emmanuelli. Et Falco ?
    M. Pierre Hellier. ... voici quelques semaines, vous avez présenté en conseil des ministres votre projet de développement des réseaux d'écoles primaires. Les petites écoles, notamment celles situées en zones rurales, sont en effet confrontées à des difficultés s'agissant de répondre aux exigences actuelles en matière de scolarité. Vous souhaitez donc revitaliser l'école rurale grâce à la mise en place d'un schéma territorial des écoles dans chaque académie. Ce projet, qui illustre l'implication du Gouvernement dans l'organisation de la scolarité et sa volonté d'assurer l'accès de tous les élèves à une même qualité d'enseignement, inquiète cependant les maires des petites communes quant à l'avenir de leurs écoles.
    Les communes rurales ont engagé des investissements importants dans la rénovation ou la construction de bâtiments destinés à accueillir les élèves dans de bonnes conditions. Or ces communes relèvent souvent de regroupements pédagogiques, et la notion de réseau aujourd'hui évoquée, qui est certainement une chance pour nos écoles, fait craindre à certains que l'on assiste à terme à un regroupement scolaire à l'échelon d'une communauté de communes ou d'un canton. Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer ces maires en leur apportant la garantie qu'aucune école rurale ne sera fermée du seul fait de son intégration dans un réseau d'écoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Dessallangre. La parole est à M. Falco !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je vous remercie de me permettre de préciser la volonté du Gouvernement en matière de réseaux d'écoles.
    Il est bien naturel que chaque commune souhaite avoir son école. Sauf que la réalité démographique et économique fait que ce n'est plus le cas aujourd'hui : seul un tiers des communes de France disposent d'une véritable école, avec des classes de tous niveaux, alors qu'un tiers n'ont plus d'école du tout.
    Nous avons pensé qu'il était nécessaire d'organiser un réseau scolaire qui permette à tous les élèves, notamment à ceux des milieux ruraux, de disposer de la même stabilité scolaire, des mêmes équipes pédagogiques, des mêmes avantages en matière d'équipements et d'intervenants que ceux dont bénéficient les élèves des villes les plus importantes.
    Vous avez bien fait de poser cette question qui préoccupe les élus. Bien entendu, le dispositif des réseaux reposera sur un principe d'intercommunalité. Or, celle-ci ne se décrète pas, elle se vote. En conséquence, c'est lorsque les élus manisfesteront leur volonté d'avoir un réseau que nous pourrons le mettre en place. Cela dit, la carte scolaire n'en sera pas pour autant modifiée. Nous ne fermerons pas d'écoles au motif qu'il y a des réseaux, bien au contraire, nous les maintiendrons partout où cela sera possible.
    Pour vous rassurer définitivement, je rappelle que le schéma territorial qui sera réalisé par l'inspecteur d'académie après un vaste dialogue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) vaudra engagement de l'Etat, dans le cadre d'un programme pluriannuel, de ne fermer aucune école rurale lorsque le réseau aura été décrété. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

HÔPITAL PUBLIC

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais d'abord dire mon étonnement de voir que le secrétaire d'Etat aux personnes âgées a si peu de dossiers sur son bureau qu'il s'occupe des dossiers du ministre de l'industrie et répond sur Rhodia. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais le Gouvernement est libre du choix des priorités qu'il accorde à chacun de ses ministres.
    M. le président. Monsieur Le Guen, posez votre question ! Ne tombez pas dans la provocation !
    M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd'hui, la très grande majorité des personnels et médecins hospitaliers organise une journée de mobilisation pour la défense de l'hôpital public. Cette démarche, exceptionnelle par son ampleur et sa diversité, traduit les inquiétudes de la communauté hospitalière devant les dangers de privatisation rampante de l'hôpital public (« Et la MNEF ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui ne dispose pas, malgré vos promesses, monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, des moyens nécessaires. Evidemment, ce mouvement s'adresse à vous. Il ne s'agit pas, comme sur d'autres dossiers, de se défausser. (Mêmes mouvements.) C'est bien de la politique actuelle que vous conduisez en matière d'hôpital public qu'il s'agit.
    M. Philippe Briand. Et la MNEF !
    M. Jean-Marie Le Guen. L'hôpital public doit se moderniser et se réformer. Pour cela, il faut établir les conditions de la confiance, énoncer clairement les objectifs, donner les moyens, ouvrir non seulement la concertation, mais aussi la négociation quand le statut des personnels est en jeu.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. A cause des 35 heures !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faut aussi écarter clairement la logique de privatisation, former et embaucher les personnels nécessaires, leur reconnaître les conditions de travail auxquelles ils ont droit. En matière hospitalière aussi, vous faites malheureusement l'unanimité contre votre politique. Monsieur le ministre, allez-vous reprendre le chemin du dialogue et la négociation (« Et la MNEF ! » sur la bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou plutôt attendre qu'un mouvement de grande ampleur ne vous y contraigne ? L'hôpital public et ses usagers s'en porteront mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Le Guen, sous la conduite du Premier ministre, le Gouvernement est un ! Votre remarque polémique n'est donc pas fondée. Le Gouvernement a été questionné. Il vous a répondu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous m'interrogez sur la modernisation de l'hôpital et, sans risque, je pourrais vous dire que vous avez raison. Nous avons eu de nombreux débats au cours desquels nous sommes tombés d'accord sur les grandes directions qu'il fallait prendre.
    M. Maxime Gremetz. Pas avec nous !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je ne vais donc pas vous répéter des vérités. En revanche, je veux corriger certaines de vos affirmations. Le dialogue a été constant. A peine arrivés aux responsabilités, nous avons engagé, avec l'ensemble des partenaires, une concertation de six mois pour aboutir à un accord quasiment unanime sur l'application de la réduction du temps de travail.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est pour cela qu'ils sont en grève !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous menons depuis quatre mois des concertations sur le statut des directeurs, des praticiens hospitaliers, sur le dialogue social à l'hôpital auquel le Gouvernement est attentif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Enfin, vous avez raison de dire qu'il faut écarter toute privatisation dans l'hôpital public. J'ai répondu à Mme Muguette Jacquaint tout à l'heure : tous les postes qui avaient été promis par nos prédécesseurs, dont nous respectons à la lettre les engagements, seront créés, soit 45 000 postes hospitaliers, dont 3 000 de praticiens. Nous le ferons et ce ne sera pas payé par de l'argent privé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

IMMIGRATION CLANDESTINE

    M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l'UMP.
    M. François Vannson. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la prévention et la lutte contre l'immigration clandestine sont des questions importantes pour les Français. Dès votre entrée au Gouvernement, vous avez pris ce problème à bras-le-corps avec les bons résultats que nous connaissons. L'adoption de la loi relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France nous donne enfin des outils juridiques pour maîtriser les flux migratoires. Nous connaissons aussi l'importance des politiques communautaires sur ce dossier. A cet égard, vous avez pris l'initiative de réunir vos homologues du G 5 à La Baule en octobre dernier.
    En outre, il faut favoriser les accords bilatéraux avec les pays d'origine des clandestins. C'est la misère qui conduit ces malheureux à fuir leur pays. Si la France est historiquement une terre d'immigration, elle ne peut néanmoins, pour reprendre les propos de Michel Rocard, « accueillir toute la misère du monde ». La France a, en effet, le devoir de permettre à ceux qui sont entrés légalement sur son territoire de s'intégrer dans notre société, et cela naturellement dans les meilleures conditions. Vous étiez à Dakar dimanche et lundi. Un accord a été passé avec le Sénégal et vous avez évoqué l'idée du co-développement pour endiguer l'immigration clandestine. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les détails de cet accord et nous indiquer si ce type de partenariat va se généraliser ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, la France est un pays généreux. La preuve, c'est que 46 000 Sénégalais vivent régulièrement sur notre territoire. Par ailleurs, sur les 37 000 demandes de visas déposées l'an passé par des Sénégalais, nous en avons satisfait 21 000, soit 56 %. Du point de vue de la générosité et de l'accueil, la France n'a donc aucune leçon à recevoir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Francis Vercamer. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il conviendrait que cela soit reconnu en France, comme ça l'est d'ailleurs fort honnêtement au Sénégal.
    Au début de l'année, nous avons été amenés à prendre la responsabilité d'organiser cinq vols de retour groupés pour des clandestins, parce que la situation était devenue inacceptable. Nous avons été amenés à rétablir les visas de transit et je veux rendre hommage au gouvernement sénégalais qui a pris des mesures très fortes à Dakar en interpellant 2 000 clandestins. Il est évident que s'il ne l'avait pas fait, nous aurions retrouvé ces personnes à Roissy. J'ai dit à mon homologue du Sénégal que les vols groupés étaient suspendus pour la simple raison qu'il n'y avait plus de clandestins en provenance du Sénégal dans la zone d'attente de Roissy, parce que les actions symboliques et fermes engagées avaient produit des résultats. Voilà la réalité ! Les Sénégalais sont d'ailleurs convenus que, comme la France était un pays généreux, elle pouvait être ferme et que l'ennemi de l'immigration régulière était l'immigration clandestine. Le gouvernement du Sénégal a dès lors accepté d'augmenter considérablement le nombre des visas consulaires de retour pour les clandestins qui n'ont pas de papiers dans notre pays.
    Voici la politique de la France : la générosité pour ceux qui demandent des papiers - nous devons leur donner, car l'immigration zéro n'a aucun sens - et la fermeté pour les autres car, qu'ils viennent du Sénégal ou d'autres pays, nous reconduirons chez eux les étrangers en situation de clandestinité. Cette politique a été comprise par les Français et les Sénégalais. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DROIT AU LOGEMENT ET HANDICAP

    M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe de l'UMP.
    M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, ma question s'adresse à Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli et auquel j'ai l'honneur d'appartenir, a remis très récemment au Président de la République son rapport annuel en présence de l'abbé Pierre. Ce rapport a pour titre : « Construire la responsabilité. » Deux thèmes ont guidé nos travaux pendant l'année 2003. Comment rendre opposable le droit au logement ? Comment prendre vraiment en compte les contraintes spécifiques des handicapés dans la politique du logement ?
    Le Haut Comité a formulé, sur ces deux importantes questions, des propositions précises et exhaustives. S'agissant du droit au logement, il convient à présent de transformer ce qui n'est qu'un objectif en obligation de résultat, le cas échéant sanctionnable judiciairement. S'agissant du logement des handicapés, nous devons venir en aide sans tarder aux deux millions de nos compatriotes handicapés qui ont du mal à accéder à leur logement ou qui s'y meuvent dans des conditions difficiles.
    Le Gouvernement a, je n'en doute pas, pris connaissance des conclusions et des propositions de ce rapport. Quelles mesures, monsieur le ministre, entendez-vous prendre pour mettre en oeuvre nos suggestions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député Jérôme Bignon, la remise au Président de la République du rapport annuel du Haut Comité pour le logement des plus défavorisés est un moment très fort de notre vie démocratique et de notre vie associative. Ce rapport est, chaque année, une source d'inspiration pour le Gouvernement, en particulier pour le ministre du logement. Nous apportons, actuellement, des réponses de trois ordres, centrées sur un droit au logement dit « opposable ».
    Le projet de loi présenté par M. Devedjian, déjà adopté en première lecture, prévoit par exemple de confier aux intercommunalités les outils nécessaires à la construction et à l'attribution des logements. Les élus locaux qui sont les plus proches de la réalité du terrain pourront s'assurer à la fois de la mixité et de l'organisation de leur territoire.
    Le deuxième projet de loi, que je me prépare à vous présenter en 2004, aura pour objet de lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil.
    Le troisième projet de loi vous sera présenté très prochainement par Marie-Thérèse Boisseau. Il aura pour objectif de donner une égalité des chances à toutes les personnes, qu'elles soient handicapées moteurs ou handicapée physiques. Il portera, notamment, sur l'accessibilité des logements et des établissements publics pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées.
    Mais la meilleure façon de lutter contre le manque de logements, c'est d'en construire, c'est de pousser l'offre de logements. C'est la raison pour laquelle le programme pour 2004 prévoit la réalisation de 80 000 logements sociaux de plus, chiffre qui je le souligne n'a jamais été atteint au cours de la dernière décennie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Vous voyez, monsieur le député, que le Gouvernement poursuit, lui aussi, les objectifs du Haut Comité pour le logement. Ce n'est pas, pour nous, un slogan incantatoire ; c'est un devoir sachez-le bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

SAISINES POUR AVIS D'UNE COMMISSION

    M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a décidé de se saisir pour avis :
    - du titre Ier et des articles 22 à 34, 36, 37 du titre II et des articles 49 à 52 du titre III du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n° 1218) ;
    - du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement (n° 992).

3

FORMATION PROFESSIONNELLE
ET DIALOGUE SOCIAL

Suite de la discussion, après déclaration
d'urgence, d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n°s 1233, 1273).

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Fondé sur l'article 58-2, je le précise.
    Je souhaite, monsieur le président, vous faire part d'un problème de conscience. Nous allons aborder dans quelques instants l'examen d'amendements essentiels relatifs au dialogue social et je tiens évidemment à y participer. En même temps, il se trouve que je réclame depuis des mois l'audition de M. Sarkozy devant la mission d'information puis la commission d'enquête sur la canicule, et c'est aujourd'hui même que M. Evin a choisi de le convoquer.
    C'est pour moi un cas de conscience car, en tant que membre de cette commission, j'ai dit et écrit qu'au-delà de la responsabilité collective du Gouvernement face au drame sanitaire et aux 15 500 décès de la canicule, le ministre de l'intérieur portait une responsabilité particulière. Alors qu'il disposait de toutes les informations et que, d'habitude, il réagit aussi vite que Zorro, là, on n'a vu personne !
    Comme il m'en veut de mes déclarations, je tenais à lui dire en face ce que je pense, car je n'aime pas dire les choses en l'absence des gens, et je ne voudrais pas qu'il puisse croire que je me dérobe.
    Je vous demande donc, monsieur le président, de faire preuve de compréhension et de m'accorder une suspension de séance de quinze minutes afin que je puisse faire un aller-retour à la commission d'enquête pour dire à M. Sarkozy ce que j'ai à lui dire.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce n'est pas d'un seul député que dépendent les débats !
    M. le président. Monsieur Gremetz, je comprends votre problème de conscience et je sais, vous connaissant, que, pour vous, la conscience n'est pas un vain mot. Je pourrais vous accorder une suspension de cinq minutes pour réunir votre groupe, mais je ne peux pas vous octroyer un quart d'heure pour vous permettre d'aller vous excuser auprès de M. le ministre de l'intérieur. Croyez-bien que vos excuses lui seront transmises et qu'il les comprendra. Vous êtes tiraillé entre deux grandes préoccupations et il est compréhensible que vous fassiez le choix de rester ici.

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Vendredi soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 100, portant article additionnel avant l'article 34.

Avant l'article 34

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du titre II :

« TITRE II

« DU DIALOGUE SOCIAL »

    M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 100, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 34, insérer l'article suivant :
    « Le deuxième alinéa de l'article L. 421-1 du code du travail est supprimé. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Avec le titre II, nous abordons les questions de fond concernant le dialogue social et les propositions que nous faisons pour y répondre.
    Lors de la discussion générale, nous avions engagé le débat sur la question majeure de la représentativité syndicale. La définition de la représentativité syndicale et les conditions de signature des accords sont en effet les fondements mêmes de la démocratie sociale. Nous en discutons depuis des mois et même des années avec les organisations syndicales, avec les juristes spécialisés, avec les inspecteurs du travail. Nous travaillons avec eux à la construction de rapports modernes et nouveaux en matière de dialogue social.
    Nos conclusions convergent : nous pensons qu'il faut actualiser la représentativité afin que le paysage syndical soit rénové à la lumière des mutations qui se sont produites. Le système actuel décourage toutes celles et tous ceux qui veulent une négociation collective vivante, au contenu plus riche, portée par des acteurs vraiment légitimes aux yeux des salariés et débouchant sur des accords eux aussi légitimes. De ce point de vue, nous constatons comme vous, monsieur le ministre, une sous-syndicalisation, un essoufflement du dialogue social, une absence de démocratie sociale. La France est le pays industrialisé où il y a le moins de personnes syndiquées et où leur nombre a le plus fortement baissé au cours du dernier quart du xxe siècle. Notre taux de syndicalisation est d'à peine 5 %.
    Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire d'avancer sur cette question et nous proposons de lier l'actualisation de la représentativité à l'introduction de l'accord majoritaire, au sens où l'accord est considéré comme conclu lorsqu'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentant la majorité des salariés. Nous partageons entièrement ce point de vue et préconisons d'actualiser régulièrement la notion de représentativité en fonction des résultats aux élections professionnelles.
    Nous proposons également de regrouper le même jour, pour chaque branche, toutes les élections des délégués du personnel ou des comités d'entreprise, ce qui devrait permettre de banaliser ces consultations et de donner une réelle représentativité aux élus.
    Nous partageons enfin la proposition émise par une confédération d'abaisser le seuil du nombre de salariés à partir duquel on peut ouvrir des élections de représentants du personnel dans une entreprise. Pour être plus précis, il s'agit d'organiser également des élections professionnelles dans les entreprises de moins de dix salariés. Dans ces entreprises, en effet, les salariés n'ont pas le droit de voter. Alors qu'ils représentent la majorité des salariés dans ce pays, on ne voit pas pourquoi ils ne peuvent pas peser dans les élections et conférer une représentativité aux organisations syndicales.
    Nous approuvons cette proposition et la soumettons à votre réflexion. Elle permettrait de redynamiser la démocratie à tous les niveaux, même dans de petites structures, et aurait aussi le mérite de régler le problème de la désignation de salariés non syndiqués et non mandatés pour négocier les accords d'entreprise, que l'on pourrait considérer, de ce fait, comme des accords « maison ».
    Nous proposons donc de franchir un pas supplémentaire vers la démocratie réelle dans l'entreprise. Alors seulement, nous pourrons parler de dialogue social et de démocratie sociale.
    Cet amendement, vous l'aurez compris, mes chers collègues, constitue un des éléments fondamentaux de la réforme que nous proposons. C'est pourquoi nous demanderons un scrutin public. Nous n'avons pas, croyez-moi, l'intention de faire durer le plaisir en déposant de telles demandes sur tous nos amendements. Mais nous le ferons pour les propositions qui nous paraissent essentielles.
    M. Frédéric Dutoit. Très bien !
    M. le président. Sur l'amendement n° 100, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L'amendement n° 100 n'a pas été examiné par la commission.
    Il tend à mettre en place des délégués du personnel dans toutes les entreprises, quand bien même elles n'auraient qu'un salarié. Chacun conviendra qu'une telle mesure est inapplicable. A titre personnel, j'émets donc un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette proposition n'est pas réaliste et M. Gremetz le sait bien. Il n'y a pas d'exemple dans le monde de pays où l'on soit descendu en dessous du seuil de dix salariés pour des élections de représentants du personnel.
    M. Maxime Gremetz. Il faut innover !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On n'imagine pas une élection dans une entreprise de quatre ou cinq personnes. Cela n'aurait pas de sens et je demande naturellement que l'amendement soit repoussé.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. M. Gremetz a évoqué une question de fond, celle de la représentativité, de la légitimité des délégués du personnel. Une question qui prend tout son sens quand on discute d'un texte sur le dialogue social dont l'ambition, aux dires de M. le ministre, est d'assurer le renouveau de la négociation collective.
    Comment redonner une certaine légitimité au monde syndical ? M. Gremetz, propose d'organiser le même jour l'ensemble des élections professionnelles.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Pas dans cet amendement !
    M. Alain Vidalies. Dans l'amendement n° 101.
    M. Francis Vercamer. En tout cas, il a bien expliqué que si les élections se déroulaient partout le même jour, cela permettrait de déterminer exactement le taux de représentativité de chaque organisation syndicale. Cette idée-là n'est pas à rejeter et il faudra certainement y revenir. La représentativité syndicale est essentielle au dialogue social. En effet, si les syndicats ne sont pas réellement représentatifs et légitimes, on risque de voir des coordinations se constituer pour combattre des décisions prises par accord majoritaire. Si la majorité n'est pas clairement établie, elle ne sera pas respectée et sera régulièrement contestée par des regroupements spontanés.
    Il reste, monsieur Gremetz, que faire élire un délégué dans chaque entreprise, même celles où il n'y a pas de salariés me paraît complètement inapplicable.
    M. Maxime Gremetz. S'il n'y a pas de salariés, il n'y a pas d'élection, cela va de soi !
    M. Francis Vercamer. Or c'est le cas de près de la moitié des entreprises, en particulier dans le commerce.
    Votre amendement n'est donc pas réaliste. Votre discours, en revanche, mérite d'être soutenu.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. La question soulevée par cet amendement est légitime et met en lumière l'une des insuffisances du texte que nous examinons. On ne peut pas prétendre débattre du dialogue social et ignorer la situation des millions de salariés qui travaillent dans les toutes petites entreprises et pour lesquels, jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons trouvé aucune réponse satisfaisante. Ils ressentent tous un sentiment d'exclusion en constatant que, quelles que soient les modalités proposées par les uns et les autres, cette dimension incontournable de la citoyenneté ne trouve pas, pour eux, de traduction concrète.
    La solution préconisée dans cet amendement n'est pas une bonne solution, dans la mesure où on ne peut évidemment pas organiser d'élections lorsqu'il y a un seul salarié. Mais l'important, pour notre collègue, était de poser la question de manière à élargir le débat à l'ensemble des salariés concernés. Les vraies réponses se trouvent plutôt du côté de l'institution de délégués de site, de formes d'organisation collective des petites entreprises permettant aux salariés de ne pas se trouver isolés. En réalité, si on faisait élire un délégué dès qu'il y aurait deux salariés, on sait très bien que le dialogue social ne serait pas toujours fructueux, car les rapports sociaux, à ce niveau d'effectifs, sont d'une autre nature. Par contre, que ces salariés puissent disposer, au niveau du bassin d'emploi, d'une véritable organisation collective, pour pouvoir être défendus mais aussi pour trouver des interlocuteurs dans le cadre du dialogue social, ce serait une avancée importante. L'intérêt de cet amendement est de mettre en évidence que tout ce champ n'est pas exploré par le texte.
    La question posée étant bonne, même si la réponse n'est pas satisfaisante en elle-même, je m'abstiendrai sur cet amendement.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Pour aller dans le même sens qu'Alain Vidalies, je regrette, en abordant le titre II, qu'il n'ait pas été prévu un temps de négociation pour trouver des solutions à des questions comme celle-ci. Votre texte, monsieur le ministre, autorisera des accords dérogatoires dans les entreprises de moins de dix salariés, mais comment ces accords pourraient-ils avoir un contenu qui ne soit pas dramatique, s'ils sont passés avec des salariés qui n'auront aucune formation en droit du travail et ne trouveront pas forcément d'appui auprès des confédérations syndicales ?
    Comment aider ces salariés à mieux comprendre les propositions qui leur sont faites et à choisir au mieux de leurs intérêts ? La question n'est pas résolue, mais je pense également qu'il faut plutôt s'orienter vers le droit des délégués syndicaux à intervenir dans les petites entreprises du bassin d'emploi dépourvues de représentant du personnel, que retenir une solution aussi difficile à mettre en oeuvre que celle de l'amendement n° 100.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas, mais pas du tout, pourquoi on aurait droit à une représentation dans une entreprise de cinquante salariés, et pas dans les très petites entreprises.
    D'abord, selon nous, leurs salariés, au lieu de voter seulement aux élections prud'homales, doivent pouvoir voter à chaque élection professionnelle.
    Ensuite, en quoi est-ce difficile de prévoir qu'il y ait un représentant du personnel, un élu, dans chacune des petites entreprises, alors qu'on nous a inventé les salariés mandatés ? Entre le salarié mandaté et le salarié élu, il y a une grande différence. L'élu, même s'il l'est par neuf salariés seulement, a une représentativité réelle. Le salarié mandaté, lui, est simplement désigné. Vous trouvez que c'est plus démocratique ? Moi, non.
    Je ne vois pas en quoi ce serait une révolution d'organiser des élections dans les petites entreprises. Vous me dites : agissons au niveau du bassin d'emploi. D'accord ! Mais cela ne change rien, il faudra faire les élections à ce niveau. En effet, si tel salarié veut être délégué de bassin, on ne va pas le lui interdire simplement parce qu'il travaille dans une entreprise de moins de dix salariés en lui expliquant qu'on va mandater quelqu'un pour négocier à sa place avec son patron. C'est une contradiction majeure.
    Moi, je rejoins cette grande confédération pour laquelle poser la question de la représentativité implique deux séries de mesures : modifier le texte de 1966, qui établit des critères de représentativité n'ayant plus aucune validité puisqu'ils laissent de côté des organisations syndicales représentant plusieurs millions de salariés, comme l'UNSA, la FSU, Sud et le Groupe des Dix ; traiter équitablement le personnel des entreprises de moins de dix salariés.
    Pour des élections permettant de mesurer la représentativité au niveau des branches, nous sommes d'accord.
    Restent les entreprises. Tous les salariés - c'est l'abc de la démocratie - doivent avoir les mêmes droits quels que soient les effectifs. Or, actuellement, ceux des entreprises de plus de cinquante salariés bénéficient d'une forte discrimination positive, mais ceux des entreprises de moins de dix salariés d'une discrimination qui n'est en rien positive et qui est même carrément négative et totalement injustifiable. Ça ne marche pas ! Si on veut que la démocratie fonctionne, que ces salariés s'intéressent à leur propre sort et recommencent à se syndicaliser, il faut qu'ils puissent participer à l'ensemble des élections. C'est le minimum. On ne peut plus se contenter de leur donner un droit de vote tous les cinq ans, pour les prud'homales. D'ailleurs, ils ne vont pas voter, parce qu'ils se disent qu'ils n'ont jamais vu une organisation syndicale.
    M. le président. M. Gremetz, vous aurez remarqué que, sur ce sujet important, j'ai laissé chacun s'exprimer longuement.
    M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 100.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   33
Nombre de suffrages exprimés   28
Majorité absolue   15
Pour l'adoption   4
Contre   24

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 101, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 34, insérer l'article suivant :
    « Une consultation des salariés afin d'apprécier la représentativité des organisations syndicales a lieu le même jour par branche professionnelle tous les 5 ans. Un décret précise les conditions de mise en oeuvre et de déroulement de cette journée de consultation.
    « Cette consultation à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 doit respecter les principes généraux du droit électoral. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, pour ne pas retarder les débats, je vous informe dès à présent que nous demanderons aussi un scrutin public sur cet amendement.
    M. le président. Sur l'amendement n° 101, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. Maxime Gremetz. Je suis conciliant, n'est-ce pas ? (Sourires.)
    M. le président. Vous êtes consciencieux, monsieur Gremetz. D'ailleurs, vous avez fait allusion à vos problèmes de conscience, tout à l'heure. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Je suis d'autant plus gentil que vous m'avez fait passer un bristol rédigé ainsi : « La commission d'enquête avec audition de M. Sarkozy a lieu demain à dix-huit heures. A toi, Jean Le Garrec ». (Rires.)
    M. le président. C'était entre nous, monsieur Gremetz ! Il était inutile de rendre ce mot public !
    M. Maxime Gremetz. C'est la transparence, monsieur le président ! Voilà pourquoi, en tout cas, je suis particulièrement gentil.
    L'amendement n° 101 est à nos yeux extrêmement important car il pose les fondements de notre conception du dialogue social. Je sais qu'il ne fait pas forcément l'unanimité mais il correspond à une attente forte du monde syndical. Notre conception de la démocratie sociale repose sur trois notions fondamentales : l'actualisation de la représentativité du paysage syndical, l'autonomie du niveau de négociation et le principe de l'accord majoritaire, respect du principe de faveur.
    Cet amendement constitue précisément le socle de l'édifice. En effet, notre pays souffre de l'essoufflement du syndicalisme, le système actuel décourageant toutes celles et tous ceux qui veulent une négociation collective vivante, au contenu plus riche, portée par des acteurs vraiment légitimes aux yeux des salariés, et donc susceptible de déboucher sur des accords plus légitimes que jamais. En conséquence, nous sommes convaincus qu'il est nécessaire d'avancer sur cette question et nous proposerons de lier l'actualisation de la représentativité à l'introduction de l'accord majoritaire, au sens d'organisation syndicale représentant la majorité des salariés - il faut toujours préciser ce qu'on entend par accord majoritaire. C'est un principe que nous portons, je le rappelle, depuis 1982.
    Il est donc proposé de sortir du statu quo de 1966 qui a gravé dans le marbre le système de représentativité syndicale. Cinq confédérations syndicales - CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC - ont été jugées représentatives en fonction de certains critères : indépendance politique, nombre de cotisants, répartition sur le territoire et « attitude patriotique pendant l'Occupation » !
    M. Dominique Tian. Il n'y aurait pas de communistes, alors !
    M. Maxime Gremetz. On est loin de la réalité d'aujourd'hui. Pourtant ces critères sont toujours en vigueur. Depuis, d'autres organisations syndicales se sont constituées, l'UNSA, - Union nationale des syndicats autonomes - et l'Union syndicale Groupe des Dix, entre autres. Mais chaque fois qu'une organisation autre que celles du « Club des cinq » veut s'implanter, il lui faut faire la preuve de sa représentativité. Petit à petit, les juges sont devenus les arbitres en la matière.
    Le système en vigueur, qui avait au moins le mérite d'instaurer la stabilité des acteurs du dialogue social, ne correspond plus à la réalité. En demandant des élections de représentativité dans les branches le même jour, nous voulons redonner une vraie légitimité au syndicalisme. Les syndicats seraient obligés de faire campagne, de développer leurs positions à grande échelle, de marquer leurs différences. Ce serait ensuite aux salariés de choisir ceux qu'ils estiment pouvoir le mieux représenter leurs intérêts.
    Le résultat du vote offrirait alors une légitimité incontestable aux vainqueurs, et par conséquent aux accords.
    Si les organisations syndicales sont les garantes des droits des salairés, et à ce titre habilitées à négocier avec les représentants des employeurs, il serait opportun de se pencher, à échéances régulières, sur leur représentativité réelle. La négociation collective ne peut simplement avoir comme unique repère une décision administrative prise il y a plus de trente-cinq ans, comme c'est le cas à propos des cinq organisations syndicales qualifiées de « plus représentatives ».
    Il serait logique, sans toucher à ce principe, de « prioriser » une lecture actualisée desdites informations, d'oeuvrer en faveur d'une meilleure connaissance du poids électoral de chaque organisation syndicale par des dispositifs appropriés au niveau des branches professionnelles, et au niveau interprofessionnel.
    Ces propositions nous paraissent favoriser un véritable pluralisme et un renforcement de la liberté syndicale fondée sur le libre choix. Vous l'aurez compris, nous ne sommes pas pour le monopole syndical. Nous ne sommes pas favorables à un syndicat unique.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Heureusement !
    M. Dominique Tian. L'URSS n'existe plus !
    M. Maxime Gremetz. Il y a pluralisme de fait, et il faut absolument le respecter. Mais encore faut-il qu'on puisse mesurer le poids de chaque organisation syndicale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Il est préférable, semble-t-il, de laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de mettre en place ou non une élection de représentativité dans la branche, et d'en prévoir les conditions.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette question est très importante. Pour préparer ce texte, je me suis appuyé sur la position commune. Or celle-ci, vous l'aurez constaté à sa lecture, n'a pas abordé le problème de l'élection de représentativité. Ainsi que je l'ai indiqué dans mon intervention en introduction à ce débat, j'ai pour ma part la conviction que cette élection de représentativité sera nécessaire. Plus nous irons vers l'application de la règle de l'accord majoritaire, plus la question de la vérification de la légitimité des organisations se posera. C'est la raison pour laquelle j'ai finalement décidé d'introduire le principe de l'élection de représentativité, mais en laissant ce choix aux branches professionnelles. C'est le seul chemin en effet que j'ai trouvé pour ne pas susciter le désaccord complet de la part des partenaires sociaux sur ce sujet.
    Encore une fois, je pense que c'est une étape. Ce texte ne fait que mettre en mouvement une dynamique qui devra aboutir un jour ou l'autre à la mise en place de ces élections de représentativité. Je n'ai pas réussi cependant à trouver le minimum d'accord pour les introduire comme M. Gremetz le souhaite dans son amendement.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Je soutiens l'amendement de M. Gremetz. Je lui proposerai néanmoins de préciser à la fin de la première phrase que cette élection a lieu « dans chaque entreprise ».
    Pourquoi aujourd'hui les élections prud'homales remportent-elles aussi peu de succès ? Certes, dans beaucoup d'entreprises, les salariés ne voient jamais un syndicat. Ils n'ont donc pas toujours conscience de l'importance que peuvent représenter ces élections, surtout tant qu'ils n'ont pas été confrontés au besoin d'aller aux prud'hommes.
    Cependant, cela s'explique aussi par le fait que les bureaux de vote sont souvent très éloignés des PME. Bien sûr, les élections ont lieu pendant les heures de travail mais les salariés de PME ne sont pas toujours prêts à dire à leur employeur qu'ils prendront trois heures - temps parfois nécessaire à un tel déplacement - pour aller voter.
    C'est pourquoi l'organisation d'élections le même jour dans toutes les branches et dans chaque entreprise donnerait enfin accès aux salariés à l'information diffusée par l'ensemble des syndicats et permettrait un choix en connaissance de cause. Nous aurions ainsi une meilleure idée de ce que représentent aujourd'hui les syndicats dans notre pays. Et cela pourrait déboucher sur leur renforcement. J'ai cru comprendre que, sur l'ensemble de ces bancs, nous étions d'accord pour dire que nous avions besoin de syndicats plus représentatifs des salariés de façon que les accords négociés soient plus près de l'unanimité. Voilà pourquoi, moi, je soutiens cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Le groupe socialiste a déposé un amendement presque identique. Il est donc favorable à l'organisation d'élections visant à renforcer la représentativité des syndicats. Sur ce point précis, j'aimerais toutefois revenir sur la question de la faiblesse des organisations syndicales dans notre pays qui est souvent présentée comme un fait acquis. Or il me paraît nécessaire de nuancer cette présentation.
    Ainsi, certains éléments de comparaison ne sont pas forcément déterminants, notamment quand il s'agit du nombre de syndiqués. N'oublions pas, par exemple, qu'il y a des pays où il faut être adhérent pour être indemnisé, lorsque la gestion de l'assurance chômage est confiée aux partenaires sociaux. Cela peut être le cas aussi avec les mutuelles. Ce sont des pays qui ont retenu un syndicalisme de services para-étatiques. Les chiffres concernant le nombre d'adhérents aux organisations syndicales doivent donc être lus avec beaucoup de précaution.
    De la même manière, personne ne remet en question des institutions aussi nobles que les chambres consulaires. Or le degré de participation aux élections pour la direction des chambres consulaires est tout à fait catastrophique. La légitimité des chambres de métiers et des chambres de commerce n'est pas remise en cause alors même que les professionnels libéraux ou les artisans ne votent pas en masse, c'est le moins qu'on puisse dire.
    Rappelons encore que les salariés votent lorsqu'il s'agit d'élire leurs représentants au comité d'entreprise ou aux prud'hommes.
    Il faut donc avoir une approche réaliste et mesurée de cette question. Surtout, il ne faut pas se fonder sur un état de défaillance collective des organisations syndicales pour justifier une nouvelle forme d'organisation de la représentativité, qui pourrait prévoir une absence de contrôle par les organisations syndicales ou la remise en cause de la hiérarchie des normes. Ce constat de défaillance ne doit pas servir de prétexte à de mauvaises initiatives. Il mérite d'être nuancé.
    Sur le fond, et j'y reviendrai lorsque je défendrai l'amendement du groupe socialiste, je pense que le choix majeur n'a pas été fait - M. le ministre s'en est expliqué -, celui de ne pas rester au milieu du gué et de décider que la démocratie sociale ne pouvait se décliner qu'à partir de la vérification de la représentativité et que celle-là ne pouvait que venir du vote des salariés.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Cette question, que M. Gremetz pose depuis le début du débat sur le dialogue social, est extrêmement importante. Le problème de la représentativité syndicale, de sa légitimité est en effet essentiel. Je dois d'ailleurs reconnaître que votre argumentation était assez séduisante, monsieur Gremetz. A la limite, on aurait pu imaginer un axe UDF-PC.
    M. Maxime Gremetz. Il n'y a rien de déshonorant !
    M. Francis Vercamer. Mais je suivrai finalement le ministre, dont les propos m'ont convaincu. Comme lui, j'ai rencontré des représentants des organisations syndicales et je me suis rendu compte qu'ils ne souhaitaient pas aller aussi loin que cela aujourd'hui. Certes, un jour le paysage syndical devra être modifié. Mais nous ne sommes pas encore prêts. Je m'en tiendrai donc à la proposition plus raisonnable de M. le ministre même si la vôtre, monsieur Gremetz, était fort séduisante.
    En conséquence, je ne voterai pas votre amendement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je vous indique tout d'abord que nous acceptons la précision que propose Mme Billard et qui vise à ajouter les termes « dans chaque entreprise » à la fin de la première phrase de notre amendement.
    M. Frédéric Dutoit. C'est l'axe PC-Verts !
    M. le président. L'amendement n° 101 est donc ainsi rectifié.
    M. Maxime Gremetz. Par ailleurs, monsieur Vercamer, certes, je comprends votre raisonnement. Moi qui suis un militant syndicaliste depuis très longtemps, je ne peux cependant que constater que cette question de la représentativité c'est comme l'Arlésienne : on en parle beaucoup depuis 1966 mais il ne se passe jamais rien, car ceux qui occupent déjà des positions veulent les préserver et disent non à ceux qui pourtant ont émergé à côté d'eux. Dès lors, que doit faire la représentation nationale ? Doit-elle se contenter d'attendre que toutes les organisations syndicales aujourd'hui représentatives se mettent d'accord, alors qu'elles ne le feront jamais, certaines - peut-être à courte vue - préférant défendre leur boutique et donc refuser toute modification des critères de représentativité ? Or ces derniers, surtout celui lui fait allusion à l'attitude patriotique pendant la Seconde Guerre mondiale, sont complètement dépassés. La représentation nationale va-t-elle accepter cette situation alors que dans cet hémicycle il n'est question que de mutations, de transformations, de progrès technologiques ?
    Je vous le dis très simplement, si nous n'avons pas le courage un jour de modifier ces critères sans qu'il s'agisse pour autant de juger si telle ou telle organisation correspond à ces critères, nous ne changerons jamais rien. Nous aurons beau parler de dialogue social et de la démocratie sociale, nous ne changerons jamais rien car il y aura toujours une ou deux organisations qui, ne voulant pas de concurrence, refuseront que l'on touche à leur « boutique ». C'est ce qui explique que de nombreuses organisations extérieures sont obligées, pour exister, de provoquer des mouvements plus durs que les autres. Elles se disent que c'est le seul moyen pour elles d'être reconnues.
    Disant cela, je cherche non pas à convaincre l'Assemblée mais à attirer son attention sur la responsabilité qu'elle a en la matière.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 101 rectifié.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :
    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nombre de votants   37
Nombre de suffrages exprimés   37
Majorité absolue   19
Pour l'adoption   11
Contre   26

    (L'Assemblée nationale n'a pas adopté.)
    M. Vercamer et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, ont présenté un amendement, n° 305, ainsi rédigé : avant l'article 34, insérer l'article suivant :
    « A compter de 2004, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, un rapport sur l'opportunité d'inscrire le droit à la négociation dans la Constitution. »
    M. Francis Vercamer. La parole est à M. Francis Vercamer.
    Après avoir écouté attentivement le ministre depuis le début de ce débat, je crois comprendre que le Gouvernement veut mettre le dialogue social au centre de ses préoccupations gouvernementales à la base du droit du travail.
    Cet amendement vise précisément à prévoir que le Gouvernement, à compter de 2004, déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l'opportunité d'inscrire le droit à la négociation dans la Constitution, en conformité d'ailleurs avec son article 2 qui proclame le principe de gouverner « par le peuple et pour le peuple ». Cela répond à la définition de la négociation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.
    Nous partageons tous, bien sûr, la volonté de favoriser la négociation collective. Le projet de loi y contribue d'ailleurs de façon évidente. Cependant, j'observe tout d'abord que cet amendement constitue quasiment une injonction au Gouvernement de procéder à une révision de la Constitution.
    Ensuite, fournir un rapport à compter de 2004 reviendrait à modifier les règles de la négociation collective avant qu'on ait pu juger des résultats de la réforme que nous étudions actuellement, voire avant même l'adaptation du projet de loi.
    Faut-il changer la Constitution pour favoriser la négociation collective ? Je ne le pense pas. Quel est exactement le sens du droit constitutionnel proposé par l'amendement ? Veut-on dire que seules les organisations syndicales pourraient négocier des accords ? Nous savons tous qu'elles ne sont pas, et de loin, présentes dans toutes les entreprises. Le législateur n'aurait-il plus son mot à dire dans l'élaboration du droit du travail ? S'il faut ainsi interpréter l'amendement, j'y suis profondément défavorable.
    En revanche, s'il ne s'agit que de favoriser la négociation collective et la prise en compte de ses résultats par les pouvoirs publics, je suis d'accord avec cet objectif, mais l'amendement, lui, est inutile. Le Gouvernement a en effet pris l'engagement de consulter les partenaires sociaux avant le dépôt de tout projet de loi. De plus, le texte qui nous est proposé donne à la négociation collective tous les outils nécessaires à son développement. Ce n'est donc pas en envisageant, comme on l'a trop souvent fait par le passé, un nouveau texte élaboré par l'Etat, fût-il de nature constitutionnelle, que l'on contribuera à donner une réalité au droit à la négociation collective.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement souscrit aux arguments du rapporteur. Sur le fond, il n'y a pas de désaccord entre nous : à travers cet amendement, M. Vercamer vise, conformément à la position commune du 16 juillet 2001, à inscrire dans le texte le plus important de notre droit un nouveau partage entre la loi et le contrat. Quant au principe, je n'ai pas d'objection, mais je suis plus réservé sur sa mise en oeuvre.    
    Premièrement, un tel objectif supposerait de mener une véritable réflexion sur la loi, le règlement, le contrat, c'est-à-dire sur l'ensemble de notre constitution.
    Deuxièmement, notre expérience du dialogue social - et en particulier d'un dialogue reposant sur l'accord majoritaire - ne nous donne aucune certitude sur notre capacité à faire fonctionner le pays en répartissant de façon totalement différente les rôles entre les partenaires sociaux et le législateur.
    Avec ce texte, j'ai fait le choix de l'expérimentation et de la construction d'une démarche. Mais s'il repose sur un engagement solennel, il ne constitue toutefois, sur bien des aspects, qu'un premier pas vers un dialogue social plus responsable et plus moderne. C'est seulement à l'issue d'une période de fonctionnement que d'autres réformes pourront venir et que l'on pourra aller aussi loi que le souhaiterait M. Vercamer.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Il s'agit effectivement d'un point essentiel, celui de la répartition des rôles entre le Parlement et les partenaires sociaux. En la matière, on pourrait souscrire à l'engagement solennel du Gouvernement de laisser plus d'espace à la négociation, à condition toutefois que les actes soient conformes aux déclarations, et que la confiance puisse régner entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.
    J'arrive d'une mission à l'étranger et je subis encore les effets du décalage horaire, mais pas suffisamment néanmoins pour ne pas observer autre décalage - qui, celui-là, est énorme - entre vos déclarations, monsieur le ministre, qui sont fort sympathiques et votre attitude sur deux points. Le premier est la mise en place du fameux jour férié sur lequel vous vous êtes exprimé avec beaucoup d'enthousiasme. Cette idée a-t-elle fait l'objet d'une consultation approfondie avec les partenaires sociaux ? Je n'en ai pas le sentiment, à vous écouter. Et il en est de même s'agissant de la caisse, plus ou moins autonome, chargée de gérer l'ensemble du dispositif.
    Deuxième exemple : la fin du projet de loi comprend des dispositions qui visent à déroger aux accords de branche, voire à la loi, afin de donner compétence aux accords d'entreprise en ramenant la négociation au niveau le plus décentralisé possible. Cette question a-t-elle réellement été discutée avec les partenaires sociaux ? Plus exactement, ont-ils donné leur assentiment ? Avez-vous obtenu un début de consensus sur ce sujet ?
    Ce débat repose sur une mystification. Vous nous avez présenté, la semaine dernière, la partie du texte consacrée à la formation professionnelle, transposition d'un accord engageant l'ensemble des partenaires sociaux. Mais ne nous dites pas que vous transposez aujourd'hui la position commune. Vous vous appuyez peut-être sur ce texte, mais pas sur ses signataires, qui tous sont hostiles aux dispositions que vous préconisez et l'ont exprimé avec une extrême fermeté.
    Sur cette question essentielle, il serait souhaitable de ne pas s'en tenir aux engagements, mais de faire en sorte qu'ils se concrétisent. A défaut, ce texte n'est malheureusement qu'une mystification sur un sujet qui aurait mérité beaucoup mieux, puisqu'il concerne l'avenir de notre démocratie.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Comme M. le rapporteur, je note que le ministre s'est engagé à passer par le dialogue social avant de légiférer. J'en prends acte, car j'ai, moi aussi, confiance dans ce gouvernement.
    Toutefois, celui-ci n'est pas éternel. Que se passera-t-il après ? Rappelons-nous les 35 heures : aucune négociation collective n'a précédé la loi. Rien ne nous dit que le gouvernement suivant respectera le même engagement, à moins qu'il ne soit inscrit dans la Constitution. Telle est la raison de mon amendement. Je fais confiance au gouvernement actuel, mais je n'avais pas confiance dans le gouvernement précédent qui pourrait revenir un jour.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 305.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 34

    M. le président. « Art. 34. - Il est inséré dans le code du travail, après l'article L. 132-2-1, un article L. 132-2-2 ainsi rédigé :
    « Art. L. 132-2-2. - I. - La validité d'un accord inter-professionnel est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de l'accord. L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord.
    « II. - Lorsqu'une convention de branche ou un accord collectif professionnel étendu, conclu conformément aux dispositions du I du présent article, le prévoit, la validité des conventions ou accords conclus dans le même champ d'application professionnel est subordonnée à leur signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés de la branche.
    « La convention ou l'accord, mentionné à l'alinéa précédent et conclu conformément aux dispositions du I du présent article, définit la règle selon laquelle cette majorité est appréciée en retenant les résultats :
    « a) soit d'une consultation des salariés concernés, organisée périodiquement, en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales de la branche ;
    « b) soit des dernières élections aux comités d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel.
    « La consultation prévue au a, à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7, doit respecter les principes généraux du droit électoral. Ses modalités et sa périodicité sont fixées par la convention ou l'accord de branche étendu mentionné au premier alinéa ci-dessus. Les contestations relatives à cette consultation relèvent de la compétence du juge judiciaire.
    « Dans le cas prévu au b, la convention ou l'accord de branche étendu fixe le mode de décompte des résultats des élections professionnelles.
    « Le renouvellement, la révision et la dénonciation de la convention ou de l'accord mentionné au premier alinéa sont soumis aux dispositions des articles L. 132-7 et L. 132-8.
    « A défaut de la conclusion de la convention ou de l'accord prévu au premier alinéa, la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est soumise aux conditions prévues au I du présent article.
    « III. - Une convention de branche ou un accord collectif professionnel conclu conformément aux dispositions du II du présent article, détermine les conditions de validité des conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement, en retenant l'une ou l'autre des modalités énumérées au 1° et 2° ci-après :
    « 1° Soit, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement est signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; si les organisations syndicales signataires ne satisfont pas à la condition de majorité, le texte peut être soumis, dans des conditions fixées par décret, à l'approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l'entreprise ou de l'établissement, à l'initiative des organisations syndicales de salariés signataires, à laquelle des organisations syndicales non signataires peuvent s'associer ;
    « 2° Soit, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement ne donne pas lieu à l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. L'opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la notification de cet accord.
    « Lorsque la convention ou l'accord n'intéresse qu'une catégorie professionnelle déterminée relevant d'un collège électoral défini à l'article L. 433-2, sa validité est subordonnée à la signature ou à l'absence d'opposition d'organisations syndicales représentatives ayant obtenu les voix d'au moins la moitié des suffrages exprimés dans ce collège.
    « En l'absence d'accord de branche tel que prévu au premier alinéa du présent III, la validité de la convention ou de l'accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa conclusion selon les modalités définies au 2° du présent III.
    « IV. - La partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord collectif en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.
    « V. - L'opposition est exprimée par écrit et motivée. Elle précise les points de désaccord. Elle est notifiée aux signataires.
    « Les textes frappés d'opposition et les textes n'ayant pas obtenu l'approbation de la majorité des salariés sont réputés non écrits. Les accords mentionnés au I, au II et au 2° du III présent article ne peuvent être déposés en application de l'article L. 132-10 qu'à l'expiration du délai d'opposition. »
    La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L'article 34 est certainement le plus significatif de ce titre II, lequel, on l'a bien vu, engage une démarche susceptible d'aboutir, à terme, à la rénovation d'un dialogue social qui en a besoin.
    Notre modèle de la régulation collective s'érode en effet en raison de facteurs structurels anciens, mais aussi de phénomènes plus récents.
    Première caractéristique, en France, l'appartenance à un syndicat ne fait bénéficier l'adhérent d'aucun avantage spécifique, à la différence de la Suède, par exemple. Il n'existe pas de syndicalisme de service et encore moins de règle selon laquelle un accord s'applique aux seuls mandants : c'est une des grandes causes de la faiblesse numérique des organisations syndicales françaises, vous en conviendrez, mes chers collègues.
    Deuxième caractéristique : la notion de « représentativité légale » des organisations syndicales est établie sur des critères qui remontent à la libération. Il s'agit d'une situation dont la responsabilité incombe à tous : le mouvement ouvrier, les organisations patronales et l'Etat.
    Troisième caractéristique : l'Etat, justement, a toujours eu une position ambiguë entre, d'une part, sa volonté de favoriser la négociation collective nationale et, d'autre part, celle de régler par voie législative les grandes questions sociales, un penchant que l'émiettement syndical n'a fait que renforcer : le pouvoir politique avait de bonnes raisons d'intervenir puisque les syndicats, déjà trop nombreux, étaient en outre capables, quoique minoritaires, de troubler le jeu social.
    Quatrième caractéristique - c'est un trait culturel français, maintes fois décrit - : la crise comme moyen privilégié de changement. Jacques Chaban-Delmas disait, d'ailleurs, en 1969, que « nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu'en faisant semblant de faire des révolutions ». C'est un travers qui conditionne largement le style de l'action collective dans notre pays.
    Sans souci de cogestion ou de codétermination, notre mode de régulation sociale se caractérise par un syndicalisme de résistance, et non un syndicalisme de proposition. Dans ce système, la prime va toujours aux non-signataires d'un accord. D'une certaine façon, le système justifie l'irresponsabilité, et permet même de jouer avec le respect d'un accord, puisque le gagnant sera, finalement, celui qui se sera opposé.
    Ajoutons que tous ces schémas propres à la France rencontrent aujourd'hui de nouvelles difficultés. Le contrat social implicite des Trente glorieuses a volé en éclats. L'individualisation des relations de travail, notamment, a beaucoup perturbé des organisations structurées pour la défense collective des travailleurs. Les syndicats qui, pendant longtemps, se sont appuyés sur les travailleurs qualifiés, ont peiné pour s'adapter et attirer d'autres catégories de salariés, comme les femmes ou les jeunes.
    Par ailleurs, ces transformations se sont inscrites dans un contexte de crise de légitimité des acteurs sociaux. De moins en moins de citoyens se sentent représentés par les structures traditionnelles. Les syndicats, tout comme les partis politiques, sont jugés sévèrement et considérés parfois comme des institutions réduites à leur appareil, ne générant plus de représentation. Bien sûr, le thème de l'institutionnalisation de la démocratie sociale est ancien et rebattu, et il n'explique pas tout !
    Nos organisations professionnelles sont aussi fragilisées par le profond mouvement d'individualisation et de « déliaison » avec le collectif qui affecte nos sociétés. Marcel Gauchet dirait que nous sommes dans une époque qui légitime deux diagnostics apparemment contradictoires : « La démocratie triomphe (...), mais dans le même temps où elle s'installe dans l'incontestable, on la découvre en proie à un profond malaise. Elle se voit frappée par un mouvement de désertion civique. »
    L'émergence de nouvelles organisations - syndicalisme radical, mouvement altermondialiste, Agir ensemble contre le chômage, Droit au logement, Act Up, Droits devant, et bien d'autres - constitue, d'une certaine manière, une réponse de terrain à ce problème. Mais ce renouvellement de la représentation n'est pas forcément adapté au monde du travail.
    Dans une société démocratique, les organisations professionnelles traditionnelles restent indispensables à l'équilibre des rapports sociaux et au respect des employés, mais aussi à l'évolution des entreprises. Toutes les parties prenantes sentent bien qu'il faut faire évoluer le panorama actuel, et vous l'avez bien senti, monsieur le ministre.
    Voilà pourquoi tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, ont signé la « position commune sur la négociation collective » qui charpente le texte que vous nous proposez aujourd'hui. Même si le changement fait peur, tous sont las d'être prisonniers d'un système qui a atteint ses limites.
    Enfin, le titre II de ce projet propose un équilibre harmonieux entre le maintien d'une hiérarchie des normes, la préservation de l'initiative au sein même de l'entreprise et la responsabilisation, à tous niveaux, de la représentation professionnelle. Ce texte repositionne l'Etat dans un rôle de régulateur, qui éclaire l'avenir et fixe un cadre législatif au monde social. Il ne compromet en rien la primauté de la loi, mais prévoit simplement une meilleure répartition des rôles entre les acteurs politiques et les acteurs sociaux. Il prend acte du fait que l'établissement des rapports sociaux n'échappe pas, lui non plus, à l'impératif de proximité. Il cherche à réarticuler le syndicalisme à sa base sociale par la recherche de nouvelles formes de légitimation, notamment par un renforcement du principe majoritaire.
    Le but, à l'évidence, est de favoriser un syndicalisme puissant et des relations contractuelles fortes et, sans doute, de quitter la culture de la seule protestation sociale pour la culture de la « coopération conflictuelle » -  pourquoi pas ? - prônée en son temps par Edmond Maire. C'est un changement, à mon sens, majeur.
    Et puis, vous l'avez dit, il ne sera pas interdit, d'ici à quelques années, de procéder à une évaluation de la réforme : impact sur le taux de syndicalisation, formes de manifestation du lien entre légitimité, réputation et pouvoir de négociation de l'organisation considérée...
    Telles sont, au début de l'examen de cet article 34 et du titre II, les pistes clés d'un avenir plus beau pour la négociation sociale. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, inscrit sur l'article.
    M. Frédéric Dutoit. J'avoue, monsieur le président de la commission, avoir d'abord été enchanté par vos propos au point de partager vos objectifs. Mais la fin m'a beaucoup déçu. Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec vous sur le fait que l'article 34 du projet de loi est l'un des plus importants du dispositif proposé. Il est essentiel, sinon capital, dans la visée de ses auteurs, qui se sont à mon avis inspirés des thèses les plus libérales du MEDEF - cela a d'ailleurs été dit, même par les leaders syndicaux habituellement les moins critiques.
    Cet article est la pierre angulaire d'un projet en trompe-l'oeil.
    Analyser cet article et ses retombées mérite un bref retour à la réalité d'aujourd'hui, dans laquelle il est admis que la signature de l'une des cinq grandes organisations est suffisante pour valider un accord. On nous présente d'ailleurs le projet de loi comme un progrès significatif à même de requalifier le dialogue social. Mais ce qui est à la marge d'un texte ne remplacera jamais le fond d'un écrit, de surcroît législatif.
    Ce projet est à la fois une tromperie et, avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, une malhonnêteté intellectuelle. A peine entrouverte, la porte d'éventuels accords majoritaires se referme. In fine, le projet consacre non pas une avancée démocratique dans le code du travail mais le droit d'opposition. Autrement dit, une majorité en voix est obligatoire pour conclure un accord, tandis qu'une majorité en nombre de syndicats peut le défaire, à l'abri du regard des salariés. Il y a, de fait, deux poids et deux mesures dans un même argumentaire.
    En l'état, le document est dangereux pour le dialogue social, et notamment pour l'expression démocratique des salariés puisque, à tout moment, une minorité est légalement autorisée à se prononcer définitivement en lieu et place d'une majorité. Au lieu de favoriser l'émergence d'une nouvelle ère de la démocratie sociale, au lieu de promouvoir une meilleure qualité du dialogue social, l'article 34 labellise le droit d'opposition dans un pays qui souffre déjà d'une grave faiblesse de la syndicalisation, une faiblesse pénalisante pour les salariés comme pour la vie de l'entreprise. Il décourage ainsi l'engagement citoyen des salariés et ce que l'on pourrait appeler la « loyauté sociale » de bien des employeurs. Dans le même temps, il encourage le dumping social. Tout cela est aux antipodes de la soi-disant - pour ne pas dire insincère - « modernisation de la démocratie sociale » annoncée dans le projet de loi.
    En matière de dialogue social, le Gouvernement fait semblant de proposer un pas en avant - eu égard à la législation actuellement en vigueur - et suggère, de manière explicite, d'en faire deux, sinon davantage, en arrière.
    Cette méthode pour le moins cavalière est révélatrice d'un réel manque d'ambition pour la négociation collective, d'un réel manque de respect pour le monde du travail, d'une totale soumission à une vision dogmatique du dialogue social. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire lorsque j'ai défendu la motion de renvoi en commission.
    Tout au long de la discussion à l'Assemblée nationale, les députés communistes et républicains opposeront des arguments et proposeront des amendements inspirés par une autre logique, fondée sur le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux de la négociation collective.
    C'est d'ailleurs l'essence d'une proposition de loi que nous avons déposée le 4 novembre dernier. Selon nous, le principe de l'accord majoritaire doit être inscrit noir sur blanc dans le code du travail ; la convention ou l'accord collectif de travail doivent être signés par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli, ensemble ou séparément, la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
    Dans notre esprit, cette proposition vise à promouvoir, sous le contrôle des salariés, des accords majoritaires au niveau interprofessionnel, au niveau des branches et au niveau des entreprises.
    Nous pensons qu'il est aberrant et antidémocratique qu'un accord signé par des partenaires sociaux minoritaires, voire ultraminoritaires, puisse, par exemple, engager l'ensemble des salariés, comme pour la réforme des retraites, ou toute une profession, comme pour la réforme du statut des personnels intermittents du spectacle.
    Aussi, si nous estimons qu'il n'est pas admissible de maintenir en l'état l'article L. 132-2 du code du travail, nous disons également qu'il n'est pas non plus admissible, dans une démocratie comme la nôtre, d'accepter la rédaction actuelle de l'article 34 du projet de loi. C'est le sens des amendements que le groupe des député-e-s communistes et républicains a déposés et s'apprête à défendre.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Nous sommes favorables, je l'ai dit en défendant l'exception d'irrecevabilité, à l'organisation d'élections de représentativité le même jour dans l'ensemble des entreprises et au principe de l'accord majoritaire compris comme l'accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant reçu la majorité des voix des salariés.
    Vous nous dites, monsieur le ministre, ne pas avoir de désaccord sur l'objectif final, mais vous avez considéré que les conditions n'étaient pas réunies pour franchir ce pas dès maintenant. Vous nous proposez donc de faire un pas puis, dans plusieurs années, de reconsidérer la question pour voir s'il est possible d'aller plus loin.
    Mais le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui constitue-t-il une première étape, susceptible d'être étendue demain à d'autres procédures, ou s'agit-il d'une voie sans issue ? Tel est le débat.
    Aujourd'hui, vous choisissez un système compliqué dans lequel la majorité s'entendra parfois, et dans des conditions qui seront rares à mettre en oeuvre, comme étant la majorité des voix des salariés lors d'un scrutin de représentativité, parfois comme celle du nombre des organisations syndicales représentatives, c'est-à-dire trois sur cinq, qui auront alors un droit d'opposition. En mettant en oeuvre ce système, dans le cadre de votre « petit pas », n'allez-vous pas, en définitive, semer la confusion et, surtout, vous mettre hors d'état de passer, le moment venu, à la mise en place d'un scrutin de représentativité et d'accord majoritaire ?
    J'en veux pour preuve les critiques qui sont faites, notamment par M. le président de la commission qui vient d'affirmer qu'il faut changer ce système décidément archaïque, puisque les critères de représentativité figurant dans le code datent de 1945 et l'arrêté, de 1966. Nous sommes d'accord sur ce constat. Mais en légitimant le droit d'opposition à partir du nombre des organisations syndicales représentatives sur la base de ces critères, d'une certaine façon, vous leur redonnez vie, vous leur conférez, grâce au vote que vous nous demandez aujourd'hui, une nouvelle légitimité.
    Voilà démontré qu'on aboutit à l'inverse : faute de franchir le pas de l'élection dans l'ensemble des entreprises, vous aboutirez à un résultat qui, en lui-même, va constituer, de notre point de vue, un obstacle majeur à la seconde phase que M. le ministre, au moins, appelle de ses voeux.
    Quand M. le rapporteur, s'exprimant sur l'amendement de M. Vercamer, nous a lu les propos suivants - le procès-verbal fera foi : « Cela signifie-t-il que seules peuvent signer les accords les organisations syndicales, alors qu'elles ne sont pas présentes dans toutes les entreprises ? », il s'est montré sans doute moins prudent que vous, monsieur le ministre, qui ne vous êtes nullement exprimé en ce sens. Ce choix de nature à semer la confusion pour l'avenir, et l'explication du rapporteur qui, en réalité, d'une certaine façon, remet en cause la légitimité des organisations syndicales...
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Mais non !
    M. Alain Vidalies. ... soulèvent une vraie difficulté.
    Sommes-nous les seuls à partager cette crainte ? Je montrerai que non, en terminant sur une citation de M. Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit du travail, dans un article publié vendredi dernier : « La loi permet, là aussi, que rien ne change, en donnant la possibilité aux accords de branche de choisir, pour les accords d'entreprise, entre accord majoritaire ou droit d'opposition. Gageons que les "petits syndicats choisiront systématiquement la deuxième solution. » Il termine ainsi - écoutez bien la phrase suivante qui énonce le constat que nous partageons : « Si le résultat est d'instituer le droit d'opposition à tous les niveaux, ce sera la caricature du système à la française. »
    Autrement dit : on n'aura rien fait d'autre que de relégitimer ce que l'on est censé combattre aujourd'hui !
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 102 et 161.
    L'amendement n° 102 est présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 161 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 34. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 102.
    M. Maxime Gremetz. Nous souhaitons, sans trop allonger le propos, revenir sur ce qui vient d'être dit et en particulier sur les conséquences de la rédaction de l'article 34, qui est l'article clef de votre réforme puisqu'il vient bousculer les règles de validité des accords.
    Pour justifier cette rédaction, monsieur le ministre, vous vous appuyez sur la position commune du 16 juillet 2001 qui, tout en cherchant à ouvrir de nouvelles voies en faveur d'une négociation collective rénovée, souffre du deal imposé par le patronat, à savoir un semblant d'accord majoritaire en contrepartie de l'explosion de la hiérarchie des normes.
    Or cette position dite « commune » ouvre la porte à deux problèmes, retranscrits dans votre projet.
    Il y a d'abord la notion d'accord majoritaire à propos de laquelle, monsieur le ministre, vous jouez fort bien sur les mots.
    Ce que nous entendons, nous, par accord majoritaire - et avec nous, deux organisations syndicales qui, à elles deux, sont majoritaires - c'est un accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentant la majorité des salariés qui se sont exprimés aux dernières élections. Autrement dit, il s'agit de syndicats majoritaires en voix.
    Ainsi CGT plus CFDT totalisent 57 % des voix, CGT plus FO, 50,5 %. Voilà une représentation majoritaire des salariés.
    Si nous transposions vos règles à cet hémicycle, chers collègues de la majorité, nous pourrions considérer que vous êtes minoritaires, que nous avons un droit d'opposition puisque nous sommes trois groupes contre un ! Belle démonstration, non ?
    Etes-vous d'accord avec cela ?
    Vous ne pouvez pas l'être ! Pourtant, c'est ce que vous voulez imposer aux salariés ! Ça ne peut pas marcher. Seriez-vous pour la dictature non pas du prolétariat mais de la bourgeoisie ? Pour qu'une minorité s'impose à une majorité ? Ce n'est pas très démocratique !
    Que constate-t-on ?
    L'article 34 consacre le droit d'opposition, certes par un accord majoritaire, mais en nombre de syndicats. C'est privilégier l'obstruction sur la construction, que, pour notre part, nous souhaitons.
    C'est donc le droit d'opposition qui prime. Cette préférence encourage ceux qui ne signent jamais mais récoltent tout de même le fruit des accords. Ce n'est pas un encouragement à la construction et à la négociation, mais à la paralysie ! Or c'est bien ce que craignent les organisations syndicales, et elles ont raison, car l'expérience le prouve : vous risquez de pousser à la paralysie plutôt que de favoriser la négociation collective, le dialogue social, donc la démocratie sociale.
    Mais plus regrettable encore, ce texte pérennise la problématique posée par l'ensemble des acteurs du monde syndical : la minorité peut-elle continuer à imposer la règle ?
    Avec cette rédaction, les problèmes posés aujourd'hui seront ceux de demain. En effet, aujourd'hui nous souffrons de l'accord minoritaire. Avec le "droit d'opposition, nous nous heurterons au même écueil. Certes, je le disais, c'est une majorité de syndicats qui s'opposent, mais ils ne représentent pas forcément la majorité des salariés. Or c'est malheureusement souvent le cas.
    Le type d'accord conclu dans la métallurgie - que je connais bien - et qui a contribué à alimenter le débat, se reproduira avec l'articulation que vous proposez : un accord avec trois syndicats qui ne représentent que 30 % des salariés peut faire obstacle à un accord souhaité par des organisations syndicales qui représentent la majorité des salariés ! Voilà une bien curieuse conception de la démocratie sociale.
    A cette conception, nous en opposons une autre, celle de l'accord majoritaire, au sens de la représentation de la majorité des salariés, conception que nous défendrons à l'occasion de l'examen des prochains amendements.
    Enfin, l'article 34 n'assure pas l'autonomie de négociation à chaque niveau de discussion. En effet, le niveau supérieur viendra définir les règles de validité du niveau inférieur. Autrement dit, chaque accord de branche va définir la façon dont on validera un accord au niveau des entreprises.
    Cet article, tel qu'il est rédigé, risque de sacraliser le droit d'opposition, de favoriser la division syndicale et d'enclencher une régression sociale sans précédent.
    A l'inverse, nous proposons de donner un élan plus démocratique aux relations sociales dans notre pays en débloquant la réflexion sur la représentativité et en assurant le véritable principe de l'accord majoritaire.
    Parce que cet article ne répond pas à ces préoccupations, nous en demandons la suppression et la réécriture totale. C'est ce à quoi tendent nos amendement successifs.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 161.
    Mme Martine Billard. L'article 34 est le point central du titre II. Il érige en système prétendument majoritaire le droit d'opposition à tous les niveaux. Or celui-ci est fondé sur le nombre de syndicats de salariés, bien évidemment.
    A ce propos, et puisqu'on a beaucoup mis en cause la représentativité des syndicats de salariés, je fais observer que, aux élections prud'homales de 2002, la participation pour le collège des employeurs a été de 26,64 %, et pour le collège des salariés de 32,66 %. Ce n'est brillant ni pour l'un ni pour l'autre mais, finalement, les salariés sont ceux qui votent le plus aux élections prud'homales et la représentativité des syndicats de chefs d'entreprise n'est pas meilleure que celle des syndicats de salariés !
    C'est dire combien il faut être prudent quand on parle des règles de représentativité.
    Cinq confédérations sont reconnues comme représentatives au niveau national. Beaucoup d'accords, ces derniers temps, notamment le fameux accord UNEDIC et celui sur l'intermittence, ont été signés par trois confédérations syndicales qui, à elles trois, représentent 41,9 % des salariés selon les résultats des prud'homales de 2002. Elles sont donc loin d'avoir obtenu la majorité des voix et, comme elles étaient trois sur cinq, cela excluait le droit d'opposition. Avec le droit d'opposition, on continuera à avoir des accords minoritaires qui s'imposeront à la majorité des salariés.
    Pour signer des accords de branche, ouvrant ou n'ouvrant pas la possibilité d'accords dérogatoires d'entreprise, il faut de toute façon une signature côté salarié et une signature côté patronal. Il faut donc qu'un syndicat patronal accepte de signer des accords de branche édictant qu'il n'y aura pas d'accords dérogatoires au niveau de l'entreprise. C'est peu crédible. On voit mal aujourd'hui pourquoi le MEDEF, qui est le syndicat patronal le plus puissant et qui se bat depuis des années pourfaire admettre la possibilité d'accords dérogatoires au niveau des entreprises, ne signerait pas des accords de branche prévoyant explicitement des accords dérogatoires, moins intéressants pour les salariés, au niveau des entreprises !
    D'ailleurs, vous l'avez dit en introduction de nos débats, monsieur le ministre, en indiquant que vous vouliez que les accords d'entreprise soient le niveau fondamental de la négociation sociale. Et l'article 34 ouvre effectivement cette possibilité. Quant à M. le rapporteur, sa langue a failli fourcher, il a presque parlé d'« avenir radieux ». Finalement, il n'a pas osé. Mais je crains, pour ma part, que ce ne soit le contraire d'un « avenir radieux » pour les salariés. Nous y reviendrons tout au long du titre II. Je crains même que, pour un certain nombre de petites entreprises, ce ne soit le désastre, car on va assister à un dumping social entre entreprises. Et celles qui auront le moins de capacité pour se battre sur le marché seront celles qui seront le plus en difficulté : voilà qui risque d'entraîner un peu plus de plans sociaux ! Comme si on n'en avait pas déjà suffisamment !
    M. le président. Sur les amendements identiques n°s 102 et 161, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements de suppression de l'article.
    Mais je profite de l'occasion, et puisque l'opposition souhaite introduire de façon systématique l'accord majoritaire, pour développer un peu cette question. En effet, la plupart des amendements du groupe des député-e-s communistes et républicains, du groupe socialiste, et des Verts sur l'article 34, vont dans ce sens. Il me semble utile de poser les termes du débat tout de suite, de façon à éviter les répétitions.
    A quoi sert l'article 34 ? Il renforce de façon inédite la légitimité des accords conclus par les syndicats. Jusqu'à présent, un syndicat représentatif pouvait signer seul, même s'il était minoritaire, un accord engageant l'ensemble des salariés.
    La mise en place, depuis 1982, d'accords dérogatoires et la nature des accords sur les 35 heures, qui comportent des clauses qui ne sont pas uniquement favorables aux salariés, ont miné le système de signature minoritaire. L'article 34 propose donc de faire du principe majoritaire la condition de droit commun à la validité d'un accord. Ce principe est décliné à tous les niveaux de négociation. Il peut prendre la forme d'un accord majoritaire, c'est-à-dire d'une majorité d'adhésion ou celle d'une opposition majoritaire.
    Nos collègues de l'opposition expliquent que tout cela serait insuffisant et qu'il faudrait passer immédiatement à l'accord majoritaire d'engagement pour tous les types d'accords. Je me permettrai d'abord de leur faire remarquer que les partenaires sociaux ne sont pas demandeurs d'un changement aussi brutal. Faudra-t-il aller plus loin ? Probablement. L'article 49 du projet de loi nous y invite d'ailleurs, puisqu'il prévoit un bilan des nouvelles règles de négociation collective en 2007. Ce bilan pourrait naturellement déboucher sur de nouvelles évolutions, cela a été dit tout à l'heure. Je voudrais cependant souligner le caractère majeur de l'étape que les partenaires sociaux s'apprêtent à franchir, et c'est donc très logiquement que la commission a rejeté les deux amendements de suppression de l'article 34, qui est le coeur du titre II du projet de loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement souhaite évidemment que vous repoussiez ces deux amendements qui priveraient d'un point fondamental le texte qui reprend de manière très stricte l'équilibre qui a été trouvé par les partenaires sociaux dans la position commune.
    Cet équilibre est beaucoup plus complexe, on peut d'ailleurs le lui reprocher, que l'image qui vient d'en être donnée à l'instant. C'est bien un choix qui est offert aux partenaires sociaux quant à la majorité d'opposition ou à la majorité d'adhésion. C'est seulement dans les branches que la majorité d'opposition pourra être une majorité en nombre d'organisations. Dans les entreprises, la majorité sera celle des organisations syndicales en nombre de salariés.
    Je profite de l'occasion, mais nous y reviendrons certainement, de dire à Mme Billard que son raisonnement sur le refus du patronat d'inclure dans les accords de branche l'impossibilité de déroger ne tient pas, dans la mesure où elle dit que s'il n'y pas d'accord du patronat, il n'y pas d'accord. Or, s'il n'y a pas d'accord, ce sont les accords anciens qui s'appliquent et, dans ce cas, le texte a bien prévu qu'il n'y a pas de possibilité de remettre en cause la hiérarchie des normes telles qu'elle résultait desdits acords.
    La position commune est complexe, elle a fait l'objet de nombreux débats. J'ai dit plusieurs fois que je présentais ce texte avec beaucoup d'humilité, en ayant le sentiment de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout de la logique qui me semble être la bonne pour l'avenir des relations sociales dans notre pays. Mais il n'y avait pas d'autres solutions pour avancer que de s'appuyer sur ce que les partenaires sociaux ont réussi, après bien des difficultés, à élaborer.
    Même si certains parlent de « petit pas », c'est tout de même la première fois depuis près de trente ans que seront modifiées de façon sensible les règles qui régissent la négociation des accords collectifs.
    Beaucoup de ceux qui ont une vision radicale de la réforme ne me semblent pas avoir été aussi imaginatifs ces dernières années.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. L'article 34 constitue l'un des deux piliers du texte, du moins de son titre II, le second étant la dérogation. Devant cette réécriture de la hiérarchie des normes, on peut cependant se poser des questions, notamment à propos de la représentativité : faut-il prendre en compte la majorité des organisations syndicales ou la majorité des suffrages exprimés au moment des scrutins ? J'observe que la position commune qui a été présentée en commission se retrouve en grande partie dans le texte du projet de loi. La position commune stipule bien « à cet effet, pour une période transitoire », de sorte que je suis plutôt enclin à me demander combien de temps elle durera, et quel délai le Gouvernement ou les partenaires sociaux s'accorderont pour négocier.
    Il est bien écrit, à la fin de cet article, que les interlocuteurs sociaux mettront à profit la période dont on parle pour déterminer les conditions qui leur paraîtraient les mieux adaptées en vue d'atteindre le double objectif de négociation collective et de légitimité des accords. Ainsi, le projet de loi concerne bien la période transitoire, c'est en tout cas ce que je comprends - et peut-être faudra-t-il modifier cela. Néanmoins, je reconnais, monsieur le ministre, que vous avez fidèlement traduit le texte de cette position commune.
    Le groupe UDF étant très attaché au principe majoritaire, il me paraît plus sain de déterminer des accords à la majorité qu'avec une seule organisation syndicale. Si l'on veut garantir la légitimité de ces accords et qu'ils ne soient pas majoritaires, il faut bien qu'une opposition puisse s'exprimer.
    Le texte précise assez bien le contexte et le groupe UDF ne votera pas les deux amendements.
    M. le président. Il est normal que je laisse du temps aux orateurs, car nous sommes au coeur du projet, mais il ne faudrait pas que les explications deviennent trop redondantes.
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Ce que je vais dire n'est pas redondant, car je veux répondre à M. le ministre.
    Dans une négociation, c'est donnant-donnant : en échange de la possibilité d'introduire la clause de dérogation, le patronat négociera des avancées sur d'autres points. Dans le cas contraire, il ne pourrait pas imposer sa volonté. D'ailleurs, le projet de loi prévoit que « le renouvellement, la révision et la dénonciation de la convention ou de l'accord mentionné au premier alinéa sont soumis aux dispositions des articles L. 132-7 et L. 132-8 », ce qui veut dire que les non-signataires auront le droit d'opposition à condition qu'ils aient recueilli les voix de plus de la moitié des électeurs inscrits lors des dernières élections.
    Ainsi, pour tout ce qui est révision, le droit d'opposition est encore plus restreint que pour le reste, et nous risquons d'avoir de drôles de surprises.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Arrêtons de parler de la position commune, qui n'a pas été signée par la CGT et qui est très contestée par des organisations syndicales qui l'avaient adoptée mais la remettent aujourd'hui en cause. Je peux, si vous le souhaitez, vous rappeler de nouveau toutes leurs prises de position, leur condamnation unanime de votre projet.
    Ces syndicats sont-ils donc fous, pour avoir signé une position commune et s'y opposer ensuite dès que vous la transcrivez dans la loi ? Bien sûr que non : c'est que, en vérité, il y a eu des modifications importantes depuis qu'ils ont signé la position commune.
    Qui demande le principe majoritaire ? La CGT et la CFDT - c'est-à-dire des syndicats majoritaires de salariés -, alors que l'UNSA, la FSU et le groupe des Dix, ultra-minoritaires. Et vous ne voulez pas en tenir compte ? C'est extrêmment bizarre.
    Vous dites que ce changement est le premier depuis des années. C'est vrai. Le problème, c'est que c'est pour revenir en arrière !
    Monsieur le ministre, il va falloir que l'on fasse toute la clarté sur cette question. Et j'ai ici des documents : je commence à sortir les bazookas parce qu'il vaut mieux qu'on se comprenne et qu'on parle franchement. Lors de votre audition devant la commission, vous avez déclaré : « Il n'y a pas d'effet rétroactif du nouveau dispositif et il n'est en conséquence pas possible de revenir, par exemple, sur les accords de réduction du temps de travail. » C'est formidable, monsieur Fillon !
    Mais, ce matin, je lis cette déclaration du Premier ministre : « S'agissant des 35 heures à proprement parler, nous avons déjà mis de la souplesse dans le dispositif pour les entreprises de moins de vingt salariés et les grandes entreprises ont négocié de la flexibilité ou certains avantages sociaux. De plus, nous mettons en place deux réformes très importantes : le droit individuel à la formation et la possibilité de déroger au niveau de l'entreprise aux dispositions sur la durée du travail fixées par accords de branche. »
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que ces propos vont dans le même sens que les vôtres. Dites-moi qui dit la vérité : vous ou plutôt M. le Premier ministre ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Toujours le Premier ministre ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Ah non, vous ne pouvez pas tenir ce langage ! Monsieur le président, j'insiste beaucoup pour que M. le ministre nous réponde. Je voudrais savoir.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gremetz, le Premier ministre a toujours raison et je vais vous le démontrer. (Sourires.)
    Lorsque nous disons que ce texte ouvrira la possibilité d'accords dérogatoires sur le temps de travail, c'est naturellement dans la mesure où il y aura eu un accord des branches pour renégocier les accords existants. Quand je dis, devant la commission, qu'il n'y a pas d'effet rétroactif, c'est parce que, naturellement, il n'y en a pas sur les accords qui ont été signés. Si ceux qui ont signé des accords de branche sur le temps de travail ne veulent pas revenir dessus, il ne sera pas possible de le faire.
    M. Maxime Gremetz. Extra !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est pour l'avenir que nous ouvrons cette possibilité, et c'est tout à fait conforme à l'esprit du texte.
    M. Maxime Gremetz. Vraiment, je suis admiratif !
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Restons-en là !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix par un seul vote les amendements n°s 102 et 161.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   30
Nombre de suffrages exprimés   30
Majorité absolue   16
Pour l'adoption   11
Contre   19

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, encore sous le coup de mon admiration débordante, je demande une suspension de séance. (Rires.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 215, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 34 :
    « La validité d'un accord interprofessionnel, de branche ou d'entreprise est subordonnée à sa signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés. Cette majorité est appréciée en retenant les résultats d'une consultation de représentativité organisée tous les cinq ans par branche professionnelle. Cette consultation à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 doit respecter les principes généraux du droit électoral. Le délai de cinq ans entre deux scrutins de représentativité peut être modifié par un accord répondant aux exigences de validité déterminées par le présent article. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement tend à substituer au dispositif présenté par le Gouvernement un dispositif qui s'appuie sur l'accord majoritaire. Nous ne voulons pas, dans ce débat, nous contenter de contester ce que propose le Gouvernement et d'adopter une logique complémentaire, qui apporterait des nuances ou anticiperait sur des évolutions, mais nous souhaitons, comme l'a très bien dit Alain Vidalies, nous situer dans une logique différente.
    Une grande question est posée à notre démocratie sociale : dans quelle mesure pourra-t-on sortir de la situation d'aujourd'hui, où, pour des raisons historiques, l'Etat a été amené à se substituer aux partenaires sociaux pour que des avancées sociales puissent intervenir. La faiblesse du dialogue social et, d'abord, des organisations syndicales, avait créé cette situation. C'est la loi qui devait faire progresser les choses.
    Cette situation est devenue intenable, notamment parce qu'une grande complexité règne aujourd'hui dans le domaine social. Il est souhaitable, à cet égard, que le droit social puisse s'adapter le mieux possible aux situations concrètes auxquelles il est confronté.
    Mais si l'on veut favoriser une telle évolution, si l'on veut que la loi puisse laisser plus de champ aux partenaires sociaux et à la négociation sociale, il faut des garanties équivalentes à celles que la loi pouvait apporter à ceux qui négocient, en tout cas à ceux qui sont représentés par ceux qui négocient. D'où l'idée qu'une telle évolution ne peut intervenir que s'il y a accord majoritaire.
    Monsieur le ministre, vous employez souvent le mot de « contrat », qui fait penser à des relations entre individus. Je préfère, quant à moi, les mots « convention » ou « accord », car nous discutons de relations collectives. Si l'on veut donner plus de place à la négociation collective, elle doit avoir une légitimité suffisante, et donc s'appuyer sur la notion d'accord majoritaire, c'est-à-dire que la majorité des salariés doivent être engagés par les décisions prises. Or, ce n'est malheureusement pas dans ce sens que vous allez, puisque vous vous en tenez - et c'est le deuxième élément sur lequel le débat de fond doit s'engager - à l'idée que le droit d'opposition pourrait y pourvoir et, pour y parvenir, vous faites, si j'ose dire, une pirouette juridique qui consiste à inventer le concept tout à fait amusant de « majorité d'opposition », qui lie ces deux termes pour nous expliquer que, au fond, il s'agirait bien d'une majorité, mais qui s'exprimerait par la négative.
    Quelle est l'exigence ? De même qu'il faut faire évaluer les rapports entre l'Etat et les partenaires sociaux, entre la loi et la convention collective, nous devons envisager ou favoriser une évolution du paysage syndical qui permette à ceux des partenaires sociaux qui le souhaitent - et ils sont de plus en plus nombreux - de s'engager, de prendre leurs responsabilités. On ne prend pas ses responsabilités lorsque l'on ne fait que s'opposer. Nous en savons quelque chose, nous qui sommes dans l'opposition, ne pouvons donc prendre d'engagements et devons nous contenter de commenter, de contester ou de proposer, sans pouvoir faire aboutir nos propositions. On ne s'engage de manière offensive que lorsque l'on est en mesure d'apposer sa signature au bas d'un accord. Privilégier la majorité d'opposition, comme vous l'avez inventée, au détriment d'une majorité d'engagement, c'est ne pas favoriser une évolution du paysage syndical qui est aujourd'hui indispensable et, d'ailleurs, souhaitée par de nombreuses grandes organisations.
    Vous avez finalement choisi de rester au milieu du gué, si je puis dire. Mais je ne suis même pas sûr que vous y soyez vraiment car, comme l'a très bien expliqué Alain Vidalies, le choix que vous faites en faveur du droit d'opposition risque de figer la situation pour longtemps car il consacre, en fait, une situation que nous connaissons aujourd'hui.
    Nous ne pouvons pas accepter ce que j'ai appelé tout à l'heure une mystification : on laisse miroiter la perspective de l'accord majoritaire, mais on le conditionne à l'accord des syndicats minoritaires. Autrement dit, c'est par un accord de branche qui n'aurait pas suscité l'opposition des syndicats minoritaires que l'on pourrait mettre en place l'accord majoritaire. On donne aux syndicats minoritaires une sorte de droit de veto à la mise en place de l'accord majoritaire. On peut supposer, comme cela a été dit par de nombreux orateurs dans cet hémicycle et par de nombreux juristes, que les syndicats minoritaires ne couperont pas la branche sur laquelle ils sont assis et qu'ils ne prendront pas le risque d'appliquer un dispositif qui se retournera nécessairement contre eux.
    Nous nous acheminons donc non pas vers la reconnaissance de l'accord majoritaire, mais nous resterons dans un système dominé par l'opposition, par l'idée d'une majorité d'opposition, comme vous le dites, qui ne répond pas une vocation positive de la négociation sociale.
    On peut même se demander si le dispositif que vous proposez ne vise pas, eu égard à sa timidité, à masquer une évolution beaucoup plus profonde, sur laquelle nous reviendrons dans la deuxième partie du débat et qui tendrait, au-delà du concept de majorité d'opposition ambigu et paradoxal, à bouleverser par le biais d'accords d'entreprise dérogeant aux accords de branche la hiérarchie des normes. Il s'agirait, pour le coup, d'une véritable révolution juridique dans la mesure où c'est l'ensemble de l'équilibre de la négociation collective qui serait subrepticement remis en question au dernier moment, à la limite sans que les partenaires sociaux en soient avertis, ce qui n'était en tout cas pas prévu dans les textes qui leur ont été présentés dans un premier temps.
    On peut se demander si la locomotive que vous mettez en avant ne cache pas un train de régression sociale beaucoup plus lourd, beaucoup plus préoccupant, à l'encontre de tout ce que nous avons connu dans notre négociation collective et notre droit social. C'est aussi cela que nous voulons dénoncer.
    Nous pensons qu'il était plus simple d'aller carrément au but : l'accord majoritaire, c'est simple et clair, c'est une délégation donnée aux partenaires sociaux fondée sur les critères de légitimité et de représentativité, qui sont incontestables.
    Nous refusons évidemment les dérogations accordées dans des conditions extrêmement contestables dans le cadre d'un droit d'opposition au niveau de l'entreprise.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 298, 216 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 298, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le I du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :
    « I. - La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à sa signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés. Cette majorité s'évalue par agrégation au niveau national des résultats des dernières élections aux comités d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Un décret fixe les conditions de calcul et de périodicité de cet agrégat. »
    L'amendement n° 216, présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le I du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :
    « I. - Un accord interprofessionnel est réputé valide lorsqu'il est signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections prud'homales. »
    L'amendement n° 103, présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Après les mots : "subordonnée à, rédiger ainsi la fin du I du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail : "la signature d'une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés en ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. »
    La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 298.
    Mme Martine Billard. On pourrait presque considérer qu'il s'agit d'un amendement de repli puisque M. le ministre nous a expliqué que les conditions d'une introduction réelle du fait majoritaire n'étaient pas réunies.
    Cet amendement reprend une disposition prévue, au niveau des branches, au b du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement n° 216.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement procède du même esprit.
    Lors de la discussion du projet de loi tendant à modifier la loi de modernisation sociale, vous avez fait remarquer, monsieur le ministre, et avec raison, que nos propositions relatives à l'accord majoritaire au niveau de la branche ne pouvaient être mises en oeuvre faute de critères de mesure de la représentativité au niveau de la branche.
    Nous proposons de prendre comme référence, dans un premier temps, alors même que les scrutins ne sont pas de même nature, je vous le concède, les résultats des dernières élections prud'homales.
    Cette référence serait aisée à avoir puisque ces élections ont lieu dans l'ensemble des entreprises du pays et tous les salariés peuvent y participer.
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l'amendement n° 103.
    M. Frédéric Dutoit. Les relations sociales, tout particulièrement les négociations entre les partenaires sociaux, méritent d'être actualisées au regard d'une double exigence, celle d'un saut qualitatif de l'expression citoyenne et celle de sa reconnaissance à tous les niveaux de négociation. Aussi convient-il d'adapter le code du travail aux réalités d'aujourd'hui de manière prospective.
    C'est le sens de notre amendement, qui reprend l'esprit d'une proposition de loi que nous avons récemment déposée.
    Cet amendement vise donc à inscrire dans notre législation sociale le principe de l'accord majoritaire au niveau interprofessionnel, au niveau des branches professionnelles et au niveau de l'entreprise, entendant ainsi contribuer à donner un nouvel élan à la démocratie sociale.
    Nous estimons par ailleurs que l'expression « organisations syndicales de salariés » lors des élections professionnelles doit être, pour être valorisée et encouragée, accompagnée de la reconnaissance du principe majoritaire.
    A quoi bon voter, à quoi bon donner son point de vue, exprimer ses préférences syndicales si le code du travail autorise une ou des organisations syndicales minoritaires à passer outre les choix majoritaires des salariés ?
    Il n'est plus admissible qu'un accord signé par des partenaires sociaux minoritaires, voire ultra-minoritaires, puisse, par exemple, engager l'ensemble du monde du travail, comme dans le cas de la réforme des retraites, ou toute une profession, comme dans celui de la réforme du statut des personnels intermittents du spectacle.
    Par-delà les points de vue divergents qui ont été exprimés jusque dans les hémicycles de l'Assemblée nationale et du Sénat, il n'est plus concevable, selon nous, de maintenir les règles en vigueur de négociation et de validation. Nous avons manifesté cette préoccupation depuis 1982 et encore plus récemment sans avoir jamais obtenu satisfaction. Nous nous réjouissons tout de même que, sur certains bancs, nous arrivions enfin à nous rassembler sur cette question.
    Il est proposé de favoriser une réelle démocratisation de la négociation collective qui doit s'inspirer du même principe majoritaire prévalant actuellement dans la vie politique française, principe récemment renforcé pour faciliter, selon ses partisans, l'émergence de majorités, notamment lors des futures élections régionales. Or pourquoi ce qui serait légitime pour des élections à caractère politique ne le serait-il pas pour les accords sociaux ? Il y a urgence, nous semble-t-il, à dépoussiérer certaines données.
    Notre amendement est destiné à rendre opérationnelle une nouvelle ambition du dialogue social, qui interpelle à la fois le législateur et les partenaires sociaux. Nous posons donc les fondements d'un vrai principe majoritaire, différent de celui du Gouvernement, qui en a détourné la conception en se rapportant à la position dite commune.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces trois amendements, qui visent à forcer la signature d'accords majoritaires au niveau interprofessionnel. Mais les partenaires sociaux n'y sont pas prêts, comme le montre la rédaction de la position commune.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements pour les raisons que vient d'indiquer le rapporteur.
    Ces amendements ignorent l'équilibre souhaité par les signataires de la position commune : majorité en nombre, d'organisations au niveau interprofessionnel, majorité soit en nombre soit en voix au niveau des branches, à leur choix, et accord majoritaire en voix au niveau des entreprises. Cet équilibre sage et, à ce stade, pragmatique doit être maintenu.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Meslot a présenté un amendement, n° 301, ainsi rédigé :
    « I. - Dans la première phrase du I du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "d'un accord interprofessionnel, insérer les mots : "d'une convention de branche ou d'un accord collectif professionnel.
    « II. - En conséquence, supprimer le II de cet article.
    « III. - En conséquence, dans le premier alinéa du III de cet article, supprimer les mots : "conclu conformément aux dispositions du II du présent article. »
    La parole est à M. Damien Meslot.
    M. Damien Meslot. Cet amendement vise à revenir à la proposition émise par les partenaires sociaux dans la position commune arrêtée le 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective et qui prévoyait qu'un accord de branche ne pourrait désormais entrer en vigueur que dans la mesure où la majorité des organisations syndicales représentatives n'auraient pas fait usage de leur droit d'opposition.
    La possibilité de soumettre la validité d'un accord de branche au fait majoritaire, prévue au II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail serait donc supprimée. En revanche, l'expérimentation du fait majoritaire pour la signature d'accords d'entreprise ou d'établissement lorsqu'un accord de branche le prévoit, conformément au III de ce texte, serait maintenue, comme le souhaitent les partenaires sociaux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.
    M. Meslot propose de n'appliquer l'accord majoritaire qu'au niveau de la négociation d'entreprise et de recourir au droit d'opposition à tous les autres niveaux de négociation. Ce faisant, il s'appuie sur le texte de la position commune.
    Je tiens tout d'abord à dire que sa lecture de la position commune est parfaitement juste. En effet, les partenaires sociaux n'ont prévu de recourir à l'accord majoritaire qu'au niveau de l'entreprise.
    Il s'agit de l'un des rares points sur lesquels le projet de loi, monsieur le ministre, va plus loin que le texte des partenaires sociaux. Pourquoi ? Parce qu'il a semblé intéressant, non pas de forcer les partenaires sociaux, mais de leur permettre, uniquement s'ils le souhaitent, d'appliquer au niveau de la branche la règle de la majorité d'adhésion.
    Le Gouvernement propose donc aux partenaires sociaux d'aller éventuellement plus loin dans la mise en oeuvre du principe majoritaire. La commission a pleinement souscrit à cette idée et a donc rejeté l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne peux pas être favorable à l'amendement de M. Meslot car, même s'il s'inspire d'une lecture très stricte de la position commune, il ne permettrait pas au texte que je vous propose de nous faire faire le pas en avant que nous souhaitons vers un dialogue social plus mûr et plus responsable. Le choix du Gouvernement ne traduit pas une audace exagérée par rapport à la position commune. L'accord initial décidant l'élection de représentativité sera conclu selon les règles du droit d'opposition majoritaire en nombre d'organisations. Je veux croire que la logique de la démocratie sociale conduira à un tel choix en toute liberté.
    En conséquence, je souhaite que M. Meslot accepte de retirer son amendement.
    M. Damien Meslot. Je maintiens l'amendement !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 301.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 104, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du I du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, subsituer aux mots : "de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives, les mots : "d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant receuilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections prud'homales. »
    Cet amendement continue de décliner les mêmes propositions.
    M. Frédéric Dutoit. Il s'agit d'un amendement de repli...
    M. le président. Eh oui !
    M. Frédéric Dutoit. Permettez-moi tout de même d'en dire quelques mots.
    M. le président. Je vous en prie.
    M. Frédéric Dutoit. En ce domaine, on avait anticipé les positions de la majorité. C'est d'autant plus regrettable que, monsieur le ministre, vous vous retranchez derrière une position commune qui mérite d'être commentée avec lucidité. Je voudrais donc développer quelque peu mon propos.
    Vous n'étiez pas dispensé de mesurer l'impact de la position commune. En fait, vous vous inscrivez dans la frilosité démocratique qui a caractérisé pas mal de vos prédécesseurs. Pourtant, depuis au moins cinq ans, la question revient avec insistance, ce qui ne vous donne aucune circonstance atténuante.
    Vous ne faites que renouveler les problématiques d'aujourd'hui. En d'autres termes, vous ne réglez rien. Nous en avons d'ailleurs fait la démonstration en consacrant le droit d'opposition, vous maintenez la règle selon laquelle c'est la minorité qui fait la loi.
    Affirmer que votre dispositif inspiré de la position commune du 16 juillet 2001 fait faire un pas vers l'accord majoritaire est donc un déni de vérité - j'ajouterai même que c'est un déni de justice.
    Trois syndicats ultraminoritaires seulement peuvent bloquer un accord signé par deux syndicats représentant la majorité des salariés. Où est l'avancée démocratique ?
    Puisque vous avez refusé notre amendement inscrivant le principe majoritaire en voix, nous proposons, par un amendement de repli, de rendre plus démocratique le droit d'opposition. Nous proposons que ce droit d'opposition ne puisse s'exercer que par une ou des organisations syndicales représentant la majorité des salariés. Ce faisant, nous restons fidèles à notre principe selon lequel ce sont les syndicats qui représentent la majorité des salariés qui engagent les salariés dans un accord.
    En préférant le statu quo tout en faisant croire que l'on change la donne, on en restera à une stratégie de blocage et les accords types que l'on rencontre dans la métallurgie, par exemple, deviendront légion.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement, et le débat a déjà eu lieu.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 105, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du I du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, substituer aux mots : "de quinze jours, les mots : "d'un mois. »
    La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. « La force obligatoire de convention ou de l'accord peut être totalement ou partiellement mise en échec par des événements aussi divers que l'exercice de droit d'opposition » : cette définition est issue du précis Dalloz écrit par Jean Pelissier et ses collaborateurs, tous professeurs reconnus de droit du travail et références incontestables.
    A la lumière de cette définition, le droit d'opposition est bien assimilé à un « échec ». Par conséquent, monsieur le ministre, vous faites primer l'opposition à un accord sur la construction d'un accord. Ceci confirme notre analyse précédemment exposée sur la notion de la primauté du droit d'opposition.
    Si nous avons défendu, depuis le début de nos débats, l'importance que revêt à nos yeux le principe majoritaire au sens de la représentativité de la majorité des salariés, nous ne déconsidérons pas pour autant le droit d'opposition. Toutefois, celui-ci se destine à faire échec à une négociation et conséquemment à un accord. Pour cela, il convient d'assurer les conditions d'une bonne motivation de l'opposition.
    Aujourd'hui, et votre texte ne remet pas en cause ce principe, ce droit doit être manifesté dans un délai de quinze jours au niveau de la branche. Ce délai, même s'il est établi de longue date, n'en demeure pas moins immuable.
    Il semble que le droit d'opposition soit une démarche importante, reflétant un engagement certain. On peut même imaginer qu'il fasse au préalable l'objet d'une concertation des salariés.
    Ainsi, une ou plusieurs organisations syndicales conduites à exprimer ce droit d'opposition pourraient ressentir le désir de consulter les autres salariés et d'organiser une sorte de référendum. Cela ne peut pas s'organiser en quinze jours pour une branche ou en huit jours pour une entreprise, comme nous le verrons dans la suite de notre discussion.
    Le souci de démocratie sociale impose donc que le temps du débat soit privilégié par rapport à des accords structurants. La démocratie sociale invite à impliquer davantage les salariés sur les enjeux des accords.
    Soucieux de l'information, du débat et de la confrontation en la matière, nous proposons en conséquence d'allonger le délai ouvrant droit à l'opposition.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement. Le délai de quinze jours prévu pour l'exercice du droit d'opposition à un accord interprofessionnel est celui figurant dans le code du travail, au III de l'article L. 132-7.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 217 et 297, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 217, présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :
    « II. - La validité d'une convention de branche ou d'un accord collectif professionnel est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections de représentativité de la branche.
    « Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, une consultation des salariés concernés est organisée en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales de la branche.
    « La consultation prévue au précédent alinéa, à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7, doit respecter les principes généraux du droit électoral. »
    L'amendement n° 297, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :
    « II. - La validité d'une convention de branche ou d'un accord collectif professionnel étendu est subordonnée à la signature d'une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés. Cette majorité s'évalue par agrégation, au niveau de la branche ou du champ territorial ou professionnel couvert par l'accord, des résultats des dernières élections aux comités d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Un décret fixe les conditions de calcul et de périodicité de cet agrégat. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 217.
    M. Gaëtan Gorce. Je veux simplement faire deux remarques.
    Je veux dire d'abord que le raisonnement que nous tenons sur la nécessité d'un accord majoritaire est d'autant plus pertinent en ce qui concerne le niveau de la branche, que c'est justement ce niveau qui va être remis en cause dans le reste du texte. Or c'est à nos yeux l'échelon normal de la négociation collective.
    J'observe ensuite qu'à chacune de nos propositions, le ministre se retranche derrière la position commune, sauf quand il y déroge lui-même. Or, comme je l'ai dit tout à l'heure, on ne peut plus prétendre que cette position commune est le support de ce texte, contesté aujourd'hui par l'ensemble des signataires de cette déclaration. Cette position commune, ça devient un peu, si j'ose dire, le Kama-Sutra du dialogue social aujourd'hui. (Exclamations sur tous les bancs.) On peut l'interpréter de mille façons... (Murmures.) C'est un peu ce que font le Gouvernement et certains députés de la majorité. Optons donc, monsieur le ministre, pour des positions plus classiques, si vous le permettez, et choisissons clairement l'accord majoritaire. C'est ce que nous proposons à travers cet amendement.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 297.
    Mme Martine Billard. Je suis un peu étonnée qu'on nous explique qu'au niveau des entreprises, l'accord doit être réellement majoritaire, c'est-à-dire signé par des syndicats majoritaires en voix, mais qu'au niveau supérieur, en l'occurrence celui de la branche, il n'est plus besoin d'une telle majorité, et qu'on peut se contenter d'une opposition en nombre, ce qui risque d'être le cas le plus fréquent.
    Cela ne remet pas en cause la validité des accords actuels, c'est vrai. Mais d'abord certaines conventions de branche sont dénoncées, depuis des années, par le patronat - je pense notamment à la convention collective du commerce de centre-ville -, or, aujourd'hui, une négociation peut reprendre sur d'autres bases. Et puis il est possible de réviser des conventions par le biais d'avenants. Et ne seront admises à cette négociation que les organisations syndicales qui ont signé les derniers avenants aux conventions. Des organisations minoritaires peuvent donc tout à fait introduire des dérogations, et, dans ce cas, il n'y a pas de majorité qui tienne puisque, par la suite, il ne peut s'exercer qu'un droit d'opposition.
    Monsieur le ministre, soit la démocratie s'applique partout, et donc aussi au niveau des branches, soit vous ne nous proposez qu'une démocratie tronquée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements, qui tentent de forcer l'accord majoritaire au niveau des branches.
    Mme Martine Billard. C'est un scandale ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas un crime !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, on ne peut nier que le Kama-Sutra a ses charmes. En tout cas, les partenaires sociaux y ont manifestement succombé, et le Gouvernement entend bien les suivre. (Sourires.)
    Entendons-nous bien sur la position commune. Quand je parle de la position commune, je fais référence à six mois de travaux que j'ai conduits avec les partenaires sociaux.
    M. Maxime Gremetz. Mais vous en avez modifié le résultat !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je sais bien ce que, dans le secret des négociations, les partenaires sociaux m'ont confié, les yeux dans les yeux.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas ce qu'ils disent !
    M. Gaëtan Gorce. Quelle atmosphère !
    Mme Nadine Morano. C'est chaud !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je sais jusqu'où nous pouvons aller pour avancer sur cette question. Je sais aussi quelles sont les limites de cette discussion.
    S'agissant de la validité des accords professionnels, nous avons entendu ouvrir aux partenaires sociaux la faculté de prévoir, au niveau de la branche, une modalité d'accord majoritaire dans laquelle la majorité représentée par les organisations syndicales signataires se dégage, soit d'une consultation spécifique, soit des résultats des élections professionnelles. Nous sommes allés ainsi au-delà même de la position commune pour ouvrir le champ de la négociation au niveau de la branche à la définition même des modalités de l'accord majoritaire.
    A défaut d'un tel accord, le principe retenu est celui de la position commune, c'est-à-dire l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales. Il va sans dire, madame Billard, qu'on peut toujours trouver ces dispositions insuffisantes, mesurées à l'aune d'un étalon de démocratie. Du moins est-ce beaucoup mieux que ce qui existe aujourd'hui.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 106 et 107, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 106, présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :
    « La validité d'une convention de branche ou d'un accord collectif professionnel étendu, la validité d'un accord ou d'une convention dans le même champ d'application professionnel est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés exprimés aux dernières élections au niveau de la branche. »
    L'amendement n° 107, présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après le mot : "salariés, insérer les mots : "exprimés aux dernières élections. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 106.
    M. Maxime Gremetz. Je trouve que nous avons un ministre remarquable...
    M. le président. Ça lui fait plaisir que vous lui disiez cela ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Vraiment remarquable : on lui démontre que les organisations signataires de la position commune ne sont pas d'accord avec ce texte, déclarations de ces organisations syndicales à l'appui, qui, après avoir vu le texte, disent que ça n'a plus rien à voir, et il n'en tient aucun compte. Qu'est-ce qu'on peut faire ?
    Idem pour les accords dérogatoires : d'un côté le ministre nous affirme en commission qu'il ne sera pas possible de revenir, par exemple, sur les accords de réduction du temps de travail. Or voilà ce que le Premier ministre dit ce matin :
    « Nous mettons en place deux réformes très importantes concernant les 35 heures, qui donneront la possibilité de déroger, au niveau de l'entreprise, aux dispositions sur la durée du travail fixées par accord de branche. » Et le ministre de nous dire : « Vous voyez bien qu'il n'y a pas de contradiction », quand c'est exactement le contraire ! La différence, c'est que M. Fillon n'avait pas osé tout dire à la commission : il s'est contenté de dire que, comme ces dispositions n'avaient pas d'effet rétroactif, on ne remettait pas en cause, les 35 heures. Mais le Premier ministre poursuit, à l'intention de ces messieurs du MEDEF : « Ne vous inquiétez pas, vous allez pouvoir remettre en cause les 35 heures, puisque ça va vous permettre de déroger, au niveau de l'entreprise, aux dispositions sur la durée du travail fixées par accord de branche. » Voilà qui est clair, net et précis, et ce n'est pas tout à fait la même chose ! Alors quand j'entends M. le ministre parler d'une cohérence parfaite, je trouve que j'ai affaire à des dialecticiens encore meilleurs que nous. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils n'ont pas été marxistes, mais...
    M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je défends donc l'amendement, avec l'espoir que nous aurons des réponses précises, et non contradictoires. Certes, la contradiction fait avancer d'ordinaire, mais quand un Premier ministre contredit son ministre des affaires sociales, là, ce n'est plus une contradiction qui fait avancer.
    Cet amendement, qui est la conséquence de ceux qui ont été précédemment défendus, est à double détente, si j'ose dire. En effet, il s'agit, tout d'abord, de prévoir une autonomie de négociation à chaque niveau : c'est-à-dire que le niveau supérieur ne décide pas des conditions de négociation au niveau inférieur, et a fortiori des conditions de validation de l'accord inférieur. En clair il s'agit d'empêcher qu'un accord majoritaire au niveau de la branche, signé par trois organisations minoritaires contre deux majoritaires, décide comment ça se passera, dans telle ou telle entreprise.
Il s'agit d'assurer que les conditions de validité d'un accord de niveau supérieur ne préjuge pas des conditions de négociation et de validité de l'accord de niveau inférieur. En l'occurrence, il s'agit de prévoir que le niveau de négociation sera la branche, c'est-à-dire que l'accord interprofessionnel ne préjuge pas des conditions de négociation et de validité de l'accord au niveau de la branche.
    Ajoutez à cela que vous faites primer le droit d'opposition, on l'a dit, au niveau de la branche. Or, le Gouvernement ne peut justifier cet écart - encore qu'il peut justifier n'importe quoi, on vient de le voir - par rapport à la position commune qui, elle-même, admettait une entorse grave à la règle de l'accord majoritaire en acceptant de subordonner la validité des accords de branche à leur signature par des organisations syndicales majoritaires en nombre. Eh oui ! Ils ont accepté ça !
    En effet, une telle possibilité est elle-même conditionnée par la conclusion d'un acccord de branche. A défaut d'un tel accord, sera appliquée la règle selon laquelle l'accord est valable si une majorité d'organisations syndicales ne s'y oppose pas. Sans vouloir jouer les voyants, on peut parier que le droit d'opposition va devenir la règle et l'accord majoritaire, c'est-à-dire signé par les organisations syndicales représentant la majorité des salariés, la rare et précieuse exception - car ce qui est rare est précieux, vous le savez ! Cette règle qui favorise ceux qui ne signent jamais et récoltent quand même le fruit des accords n'est pas un encouragement à l'initiative mais à la paralysie.
    Ainsi, votre texte ne consacre pas l'accord majoritaire au sens d'accord signé par les syndicats ayant la majorité des voix aux élections professionnelles. Il prévoit qu'au niveau interprofessionnel, comme à celui de la branche, un accord pourra être minoritaire si une majorité de syndicats ne s'y oppose pas mais cette majorité sera mesurée, non pas en voix, mais en nombre d'organisations. Curieuse démocratie, qui permettra dans toute branche à trois syndicats, mêmes minoritaires, de s'opposer à la volonté de deux autres ! Nous avons déjà dénoncé cet écueil, mais on a beau insister, vous persistez dans cet erreur. Vous n'avez pas l'air d'entendre, ou plutôt vous ne voulez pas entendre et vous ne voulez pas bouger. Et ainsi, la minorité pourra continuer à faire la règle, monsieur le ministre.
    Certes, comme je l'ai dit, une branche sera libre d'organiser, pour légitimer ses accords, une élection de représentativité. Elle pourra aussi permettre aux entreprises qui relèvent d'elle de fonder leurs accords sur la proposition de syndicats majoritaires aux élections professionnelles. Mais cette ouverture risque de n'être que virtuelle puisqu'elle est conditionnée au feu vert d'une majorité - en nombre de voix ! - de syndicats de la branche.
    Pour corriger ces effets pernicieux de votre texte, nous vous proposons l'adoption de cet amendement pour qu'enfin on y voie clair et qu'on progresse véritablement. A cet effet, nous demandons un scrutin public.
    M. le président. Sur l'amendement n° 106, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Pourriez-vous, dans la foulée, présenter l'amendement n° 107, monsieur Gremetz ? C'est un amendement de repli ?
    M. Maxime Gremetz. Non, c'est un amendement de précision, puisqu'il stipule que c'est bien la majorité des suffrages exprimés, et non des inscrits, qui détermine le caractère majoritaire de l'organisation syndicale. Je vous rappelle qu'on a déjà voulu nous faire le coup de la majorité des 10 % des inscrits, au lieu des 10 % des suffrages exprimés, en matière d'élections politiques.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 106 et 107 ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Pour ce qui est de l'amendement n° 106, monsieur Gremetz, je vous renvoie à l'argumentation que j'ai déjà développée à propos des deux précédents. Quant au n° 107, il n'y a pas de raison de faire figurer dans la loi les modalités de calcul de la condition de majorité, qui devront faire l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux.
    La commission a donc rejeté les amendements n°s 106 et 107.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, quand vous dites qu'il n'y pas lieu de préciser dans la loi les modalités d'élection, il ne s'agit pas de ça. Je vous rappelle qu'il y a eu une proposition de loi qui a fait couler beaucoup d'encre - n'est-ce pas, monsieur Vercamer ? - visant à modifier une règle électorale. Il s'agissait - et de l'aveu même de certains dirigeants de droite, ce n'était pas tout à fait insignifiant - de remplacer la condition de 10 % des suffrages exprimés par celle de 10 % des inscrits. Ne banalisons pas ce point. Ce n'est pas aux partenaires sociaux, mais à la loi, qu'il revient de déterminer quelle est la règle en ce domaine.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boitiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 106.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   30
Nombre de suffrages exprimés   30
Majorité absolue   16
Pour l'adoption   9
Contre   21

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 219, ainsi libellé :
    « Après le mot : "définit, rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail : "les conditions selon lesquelles la majorité des suffrages exprimés par les salariés est appréciée en retenant les résultats : .»
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nous sommes en désaccord sur bien des points, mais je voudrais toute spécialement attirer votre attention sur notre opposition. Il ne nous semble pas très utile d'ajouter de l'obscurité à une rédaction qui me paraît incomplète ou, en tout cas, qui peut susciter des difficultés importantes.
    Comme vous le savez, le droit du travail a la particularité d'inventer des concepts spécifiques. S'agissant des dispositions du code du travail qui régissent le droit d'opposition, la majorité n'est pas la majorité par rapport aux suffrages exprimés, mais la majorité par rapport aux inscrits.
    Or, en ce qui concerne l'accord de méthode au niveau de la branche, votre projet de loi, dans l'état actuel de sa rédaction, ouvre deux possibilités aux négociateurs, mais sans préciser si cette majorité se calcule par rapport aux inscrits ou par rapport aux suffrages exprimés. La difficulté, c'est que si ce point n'est pas précisé, il risque de devenir matière à discussion entre les partenaires sociaux au niveau de la définition de l'accord de méthode. Première difficulté.
    Deuxième difficulté, il se peut très bien - car comme on sait, dans les négociations, des compromis de tous ordres peuvent intervenir - qu'on arrive avec des solutions différentes. Aujourd'hui on a un texte qui se propose être un accord de méthode, qui se décline précisément, mais on peut demain aboutir à une confusion, avec des accords de méthode qui préciseraient tantôt qu'il s'agit des suffrages exprimés, tantôt qu'il s'agit des suffrages par rapport aux inscrits, puisque rien ne l'interdit pour l'instant.
    En réalité, on est vraiment là, même si la déclaration des partenaires sociaux ne le précisait pas, dans le domaine du législateur. Il n'est pas utile de laisser ce vide juridique, ou du moins cet espace à l'interprétation. Cet amendement affirme la nécessité de dispositions législatives claires sur ce point.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Défavorable.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il a souhaité laisser aux partenaires sociaux la plus grande liberté d'appréciation.
    M. Alain Vidalies. Même sur ce point-là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'entends bien vos arguments, monsieur Vidalies, mais il nous a semblé important de préserver cette liberté.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 51 rectifié, ainsi rédigé :
    « A la fin de la dernière phrase du cinquième alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, substituer aux mots : "juge judiciaire les mots : "tribunal de grande instance. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que c'est le tribunal de grande instance qui est compétent en cas de contestation des élections de représentativité de la branche.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vercamer a présenté un amendement, n° 137, ainsi rédigé :
    « Après le cinquième alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, insérer l'alinéa suivant :
    « La participation des salariés aux consultations et élections sus-visées est obligatoire. »
    La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Cet amendement peut paraître anodin, mais il est extrêmement important, car il vise à rendre obligatoire la participation des salariés aux élections de représentativité. Je reconnais que cela pourrait être considéré comme de la provocation, comme un combat contre la démocratie. Néanmoins, je le dis depuis le début de cette séance, il me paraît important que les organisations syndicales soient représentatives et légitimées par un vote. Il faut donc pousser les salariés à aller voter. Mais ce qui est sous-jacent, dans cet amendement, c'est qu'un employeur ne pourra plus empêcher ou dissuader à un salarié d'aller voter. Si le vote devient légalement obligatoire, l'inspection du travail pourra intervenir pour faire cesser d'éventuelles pressions de l'employeur sur le salarié. Voilà en quoi cet amendement est important.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Le souci de M. Vercamer d'augmenter la participation aux élections professionnelles est louable et nous le partageons. Pour autant, la commission a considéré que la liberté de vote impliquait également la liberté de ne pas voter. A quoi servirait d'ailleurs une obligation dont le non-respect n'est pas assori d'une sanction ? A moins, cher collègue, que vous imaginiez des sanctions pénales !
    M. Francis Vercamer. En aucune façon !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je comprends la motivation de l'auteur de l'amendement, mais, à mon avis, la proposition qu'il nous fait ne résoudra pas le problème. Et puis cela me gêne beaucoup que l'on mette en cause la liberté de vote. On peut bien décréter que le droit de vote est obligatoire, cela ne fera pas voter les gens qui n'en ont pas envie ! D'un côté, on nous interdit beaucoup de l'autre, on nous oblige à faire. Il n'y aura bientôt plus de place dans notre vie pour la créativité, les inventions, les fantasmes !
    Certes, la question se pose, mais on aurait pu la résoudre avec un amendement dont nous avons discuté tout à l'heure et qui visait à faire en sorte que les élections soient organisées dans toutes les entreprises. Là je serais d'accord. Ça, ce serait une mesure démocratique ! Vous savez comme moi comment sont organisées les élections. Dans l'entreprise où je travaillais, le taux de participation aux élections prud'homales est de 80 % alors qu'il est minable dans les petites entreprises où il faut se déplacer pour aller voter, donc avoir du temps, avoir l'autorisation. Plus les bureaux de vote sont éloignés, plus cela gêne la participation aux élections. C'est un problème que les organisations syndicales posent en permanence. Il y a là un effort à faire et il faut que les employeurs fassent preuve de bonne volonté. En effet, combien de fois ai-je dû intervenir - comme vous tous sans doute - parce que des entreprises ne voulaient pas permettre à leurs salariés d'aller voter ! C'est un problème. Il y va de la participation citoyenne des salariés.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'avant-dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer un alinéa inutile dès lors qu'il ne fait que renvoyer au droit commun en matière de renouvellement, de révision et de dénonciation des conventions et accords collectifs.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 220, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement s'inscrit dans la logique qui est la nôtre s'agissant de la référence au scrutin de représentativité, puis à l'accord majoritaire en fonction du vote des salariés. Il tend donc à supprimer une disposition traduisant la règle de l'opposition majoritaire des organisations syndicales.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Il faut que la conclusion d'un accord de méthode au niveau de la branche reste une faculté. C'est d'ailleurs ce que les partenaires sociaux ont souhaité dans la position commune.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 53, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "de l'accord, insérer le mot : "étendu. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 218, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :
    « III. - La validité d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans l'entreprise ou l'établissement concerné aux élections de représentativité organisées dans la branche. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement répond à la même logique que le précédent, cette fois au niveau de l'accord d'entreprise.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 218.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présente un amendement, n° 108, ainsi rédigé :
    « Substituer aux trois premiers alinéas du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail l'alinéa suivant :
    « La validité d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Si les organisations syndicales signataires ne satisfont pas à la condition de majorité, le texte peut être soumis, dans des conditions fixées par décret, à l'approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l'entreprise ou de l'établissement, à l'initiative des organisations syndicales de salariés signataires, à laquelle des organisations syndicales non signataires peuvent s'associer. »
    La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. S'agissant de l'entrée en vigueur des accords d'entreprise, la position commune prévoit deux possibilités entre lesquelles les négociateurs des accords de branche devront choisir : soit la signature par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu au moins 50 % des votants lors des dernières élections au comité d'entreprise ou des délégués du personnel ; soit l'absence d'opposition d'organisations syndicales non signataires ayant recueilli au moins 50 % des votants. En l'absence d'accord de branche, la « position commune » laisse le choix entre les deux formules.
    Si le projet de loi reprend les deux options, en revanche il impose la seconde formule en l'absence d'accord de branche. Un accord d'entreprise sera donc valide dès lors que la ou les organisations syndicales ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles n'auront pas fait opposition. En clair, il suffira que le texte soit signé par un syndicat minoritaire et que les autres s'abstiennent de prendre position pour que l'opposition du syndicat majoritaire soit vouée à l'échec. Sur la base des données comptabilisées par le ministère du travail s'agissant des résultats aux dernières élections au comité d'entreprise, on peut penser que cette règle prétendument majoritaire sera plus virtuelle que réelle.
    A supposer que les résultats des élections au comité d'entreprise soient, dans une entreprise, identiques aux moyennes constatées aux dernières élections, on voit bien que la seule opposition des deux premiers syndicats - CFDT et CGT - sera insuffisante pour faire échec à un accord signé par les trois autres. Cette rédaction suscite les mêmes critiques que pour les niveaux précédents. C'est pourquoi, dans un souci de cohérence, nous proposons de privilégier l'accord majoritaire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement pour les mêmes raisons que précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 221, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "accord collectif professionnel, insérer le mot : "étendu. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. M. le rapporteur vient de proposer un amendement tendant à préciser, à juste titre d'ailleurs, que l'accord de méthode était un accord étendu. Cet amendement relève de la même démarche s'agissant, cette fois, du contenu de la convention de branche ou de l'accord collectif et des modalités d'organisation du dialogue social au niveau de l'entreprise. Il me semble utile de préciser qu'il s'agit d'un accord étendu, afin d'éviter des interprétations disparates s'agissant de l'opposabilité de cet accord dans les entreprises qu'il visera. C'est donc un amendement utile et cohérent avec les propositions du rapporteur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. M. Vidalies propose de faire d'un accord un accord étendu, mais la ressemblance avec l'amendement n° 53 de la commission s'arrête là. En effet, ce dernier visait à bien distinguer deux catégories d'accords, alors que celui de M. Vidalies tend à faire disparaître l'une de ces deux catégories et à contraindre les branches à conclure des accords majoritaires.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Vercamer a présenté un amendement, n° 138, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le 1° du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "suffrages exprimés, insérer les mots : "représentant 33 % des inscrits.
    « II. - En conséquence, procéder à la même insertion dans la première phrase du 2° du III de cet article. »
    La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à préciser que la majorité des suffrages exprimés doit représenter au moins 33 % des inscrits. L'amendement propose de n'appliquer cette disposition que dans l'entreprise, et non dans la branche, parce que dans l'entreprise les élections sont plus fréquentes - délégués du personnel, membres du comité d'entreprise - et que la participation est généralement plus élevée.
    Il me paraît néanmoins important que, lorsqu'un accord d'entreprise est conclu, il puisse y avoir dans l'entreprise, à l'instar de la minorité de blocage qui s'applique aux actionnaires, un moyen d'exprimer l'opposition. Toujours est-il que j'ai voulu établir une parité entre l'accord majoritaire et l'opposition majoritaire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Il semble préférable de s'en tenir à un pourcentage des suffrages exprimés. Si l'on imposait un pourcentage d'inscrits, cela rendrait très difficile l'obtention d'une majorité.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Cette proposition est contradictoire. M. Vercamer nous a dit tout à l'heure qu'il fallait rendre le vote obligatoire pour obtenir une participation importante et il nous dit maintenant que, dans la mesure où la participation aux élections professionnelles peut être faible, il convient d'ajouter une condition supplémentaire de représentativité qu'il fixe à 33 % des inscrits. Je suis tellement d'accord que je propose qu'avant d'appliquer une telle règle aux salariés, nous l'inscrivions d'abord dans notre Constitution pour nous l'appliquer à nous-mêmes ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, ce texte aura pour effet de faire apparaître des majorités qui s'exprimeront soit en nombre de voix, soit en nombre d'organisations, c'est-à-dire que la notion majoritaire se déclinera selon deux concepts différents. Au niveau de l'entreprise, le texte précise que la majorité sera calculée par rapport au nombre de suffrages exprimés, mais pour ce qui est de l'accord de méthode, lorsque je vous demande de préciser que le calcul se fera bien aussi par rapport au nombre de suffrages exprimés, vous me répondez que ce sera peut-être le cas, mais qu'on pourra aussi retenir une autre solution, à savoir par rapport au nombre d'inscrits, comme c'est déjà le cas aujourd'hui. C'est une source de confusion. Monsieur le ministre, il faut être clair - et je me réfère à la réponse que vous m'avez faite tout à l'heure à propos de l'amendement n° 219. Bien que je n'aie pas soulevé ce moyen dans l'exception d'irrecevabilité, je tiens à dire que, lorsqu'il s'agit de définir un mode de scrutin destiné à valider des accords et à créer des sources du droit, on ne peut créer une inégalité entre les salariés en appliquant deux méthodes différentes. Ce serait aller contre le principe d'égalité, qui a valeur constitutionnelle.
    M. Gaëtan Gorce. Très bien observé !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 54, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le 1° du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "moitié des suffrages exprimés, substituer au mot : "aux, les mots : "au premier tour des.
    « II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans la première phrase du 2° du III de cet article. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 222, ainsi rédigé :
    « Compléter le I° du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail par l'alinéa suivant :
    « Participent à la consultation prévue à l'alinéa ci-dessus les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du code du travail. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du code du travail. La consultation a lieu pendant le temps de travail. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à reprendre, pour la consultation directe des salariés, le dispositif prévu par l'article 19 de la loi Aubry II qui n'a pas été remis en cause à ce jour. Cela permettrait un parallélisme des formes dans le code du travail.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Celui-ci reprend effectivement les dispositions de la loi Aubry II, mais la commission a jugé plus protecteur de renvoyer au décret le soin de fixer les conditions de la consultation des salariés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 223, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 2° du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise à établir le principe de l'accord majoritaire au niveau de l'entreprise, d'autant plus que des dérogations pourront intervenir. Je profite de l'occasion pour souligner une lacune du texte s'agissant de l'exercice du droit d'opposition lorsque l'accord est signé dans le cadre de l'entreprise. On peut imaginer en effet qu'aucune organisation syndicale n'obtienne de voix aux élections ou qu'il y ait carence dans l'organisation des élections à l'intérieur de l'entreprise. Dans ce cas, aucune organisation ne bénéficierait d'une majorité de voix à ces élections. Dans le cas où l'accord est majoritaire, cela ne posera pas de problème, car le recours au référendum est possible, mais dans le cas où l'accord est minoritaire, ou supposé comme tel, les organisations n'auront aucun moyen d'exercer leur droit d'opposition. En effet, on ne pourra pas mesurer leur représentativité réelle puisque les élections n'auront pas été organisées et elles n'auront obtenu aucune voix. Il faudrait donc introduire une précision dans ces dispositions. Nous voulions déposer un amendement dans ce sens, mais nous n'avons malheureusement pas eu le temps de faire. Il serait souhaitable de préciser que, dans ce cas, un vote doit être organisé dans l'entreprise pour que l'accord soit validé. Nous proposons cette précision pour améliorer le texte du Gouvernement, ce qui est notre souci depuis le début, vous l'aurez noté.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, car il force l'accord majoritaire au niveau de l'entreprise, ce qui ne va pas dans le sens du texte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne suis pas favorable à cet amendement. En revanche, je suis intéressé par les observations de M. Gorce. Nous allons voir s'il est possible de répondre favorablement à sa demande dans les heures qui viennent.
    M. le président. C'est une précision importante.
    Je mets aux voix l'amendement n° 223.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 109 et 296.
    L'amendement n° 109 est présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 296 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans la dernière phrase du 2° du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, substituer au nombre : "huit le nombre : "quinze. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 109.
    M. Maxime Gremetz. Nous avons défendu la même argumentation au niveau de la branche.
    Nous avons fait observer que le droit d'opposition caractérisait davantage l'échec d'une situation et constituait un obstacle à une démarche constructive. Nous avons également développé l'idée selon laquelle ce droit se traduit par une responsabilité qui engage les salariés. Il convient donc de prévoir la consultation de ceux-ci avant que cette opposition ne se manifeste.
    Au niveau de l'entreprise, le délai d'opposition est de huit jours. Nous proposons de le doubler. Il faut avoir le temps d'examiner le contenu de l'accord et de consulter les salariés, pour que la décision la plus juste soit prise.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 296.
    Mme Martine Billard. Il est probable que les accords d'entreprise vont se multiplier. Mais il se trouve que, dans les petites entreprises, la représentation syndicale est moins organisée et que les délais de réaction sont plus longs que dans les grandes entreprises. Si on veut que ce droit d'opposition s'applique vraiment et ne se réduise pas à une clause de style, il faut donner du temps aux organisations syndicales.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements. Il n'y a pas de raison de modifier la durée du délai d'opposition, actuellement fixé à huit jours par l'article L. 132-26 du code du travail.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est d'autant moins nécessaire que l'opposition n'est que l'expression formalisée d'un rejet de l'accord par les parties, avis qu'elles ont déjà exprimé lors des négociations. Il ne devrait pas y avoir de difficulté à l'exprimer dans ce délai de huit jours.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas que, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi destiné, prétend-on, à favoriser le dialogue social, on décide d'en rester à ce qui existe aujourd'hui ! Si on veut favoriser ce dialogue social et faciliter la conclusion d'accords constructifs entre l'employeur et les organisations syndicales, il faut se donner du temps pour examiner le contenu des accords proposés, pour organiser un vrai débat et pour que les salariés puissent donner leur opinion. Sinon, on va continuer le « vieux syndicalisme » : les organisations syndicales négocient à la place des salariés, sans leur demander leur avis ; elles signent et... point à la ligne.
    Le délai de quinze jours que nous proposons me paraît tout à fait justifié, surtout lorsque le travail est organisé en équipes. Un délai de huit jours ne permettra pas la concertation.
    Vous êtes de vieux rébarbatifs ! Vous ne vivez pas avec votre temps, et vous ne prenez pas le temps nécessaire. (Sourires.)
    Mme le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. L'article 132-26 précise que l'opposition est exprimée par écrit est motivée. Mais les organisations syndicales ne diposeront que de huit jours. Dans une grande entreprise, étant donné le nombre de délégués syndicaux, de délégués du personnel et les décharges horaires pour les délégations, cela ne posera sans doute pas de difficulté. Dans une petite entreprise, où il y a peu de délégués et peu d'heures de délégation, il n'en sera pas de même. Songez au temps nécessaire pour prendre contact avec la fédération de branche, pour des mettre d'accord, etc. En définitive, on introduit ici une inégalité entre les PME et les grandes entreprises, et ce au détriment - une fois de plus - des PME.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 109 et 296.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 110 et 224.
    L'amendement n° 110 est présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint, et les membres du groupe communiste et républicain ; l'amendement n° 224 est présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans l'avant-dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, supprimer les mots : "ou à l'absence d'opposition. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 110.
    M. Maxime Gremetz. En fait de créativité et d'innovation, je trouve que vous et votre majorité, monsieur le ministre, faites du sur-place et apportez la preuve de votre immobilisme... Franchement, je n'arrive pas à comprendre ! Vous ne cherchez même pas à faire illusion. Vous parlez beaucoup, certes. Pour ce qui est des mots, vous vous y entendez : « accord majoritaire », « renouveau du dialogue social », « démocratie sociale »... Mais vous refusez un amendement comme celui qui vient d'être rejeté, alors qu'il ne coûte absolument rien. J'y insiste. Il ne vise qu'à donner aux salariés la possibilité d'être consultés, de se faire une opinion, de réfléchir, etc., donc à favoriser la citoyenneté. Dire non à cela, c'est vraiment au-dessous de tout !
    L'amendement n° 110, quant à lui, est un amendement de cohérence avec ceux qui ont été défendus précédemment et qui illustrent notre conception du dialogue social, s'agissant des conditions de validité d'un accord, à quelque niveau que ce soit.
    L'avant-dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail prévoit les modalités de validité de l'accord, lorsque celui-ci ne concerne qu'une catégorie professionnelle. Le projet de loi offre l'alternative entre une validation par un accord majoritaire - tel que vous le concevez - ou une validation par droit d'opposition.
    Fidèles au principe de la primauté de l'accord majoritaire sur le droit d'opposition, nous proposons de ne pas retenir cette deuxième option.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 224.
    M. Alain Vidalies. Nous nous inscrivons dans la même logique que précédemment. Nous ne sommes pas favorables au droit d'opposition, y compris lorsqu'il s'agit, comme c'est le cas ici, d'accords qui ne concernent qu'une partie du personnel. Les mêmes règles doivent présider à l'organisation des nouvelles normes juridiques. Nous proposons donc la suppression de cette possibilité de légitimation des accords.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Dans la même logique, la commission a rejeté ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 110 et 224.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 55, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, substituer aux mots : "d'accord de branche, les mots : "de convention ou d'accord étendu. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 111, 225 et 295.
    L'amendement n° 111 est présenté par M. Gremetz, M. Dutoit, Mme Jacquaint, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 225 est présenté par MM. Vidalies, Gorce, Christian Paul et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 295 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, substituer à la référence : "2°, la référence : "1°. »
    La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l'amendement n° 111.
    M. Frédéric Dutoit. Cet amendement tend à faire primer le principe de l'accord majoritaire, plutôt que celui d'opposition, pour valider l'accord d'entreprise en cas d'absence d'accord de branche venant préciser les conditions de cette validation.
    En faisant jouer par défaut, dans ce cas, le droit d'opposition, le texte ajoute à la position commune.
    Un accord d'entreprise sera donc valide, dès lors que la ou les organisations syndicales ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles n'auront pas fait opposition. Il suffira que le texte soit signé par un syndicat minoritaire et que les autres s'abstiennent de prendre position pour que l'opposition du syndicat majoritaire soit vouée à l'échec !
    Sur la base de données, comptabilisées par le ministère du travail lui-même, relatives aux résultats des dernières élections aux comités d'entreprise, on peut penser que cette règle prétendument majoritaire sera plus virtuelle que réelle.
    Ce procédé favorise le « moins-disant social ». Nous proposons donc que ce soit l'accord majoritaire qui prime, car il correspond à une démarche plus constructive en matière de dialogue social et de négociation collective.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 225.
    M. Alain Vidalies. Je ferai une observation de forme et une observation de fond.
    Nous examinons ici une disposition de votre texte qui ne respecte pas la déclaration commune, expression derrière laquelle vous vous abritez depuis le début et que vous avez utilisée lors d'une question d'actualité en déclarant : « La déclaration commune, toute la déclaration commune, rien que la déclaration commune. »
    Je concède qu'elle n'est pas rédigée dans des termes si « express » que sa mise en forme juridique soit si simple. Reste que vous avez choisi à la place des partenaires sociaux la méthode de validation par absence d'opposition. Vous ne pouvez pas nous dire que la formule choisie résulte de la volonté des partenaires sociaux.
    Vous pouvez peut-être nous dire que ceux-ci n'auront pas été suffisamment explicites et que vous avez dû interpréter ou trancher entre deux possibilités qu'ils avaient laissé ouvertes. Mais ce n'est pas eux qui ont choisi. Il fallait soit poursuivre les négociations avec eux, soit laisser une alternative si vous vouliez être fidèles aux principes que vous avez affirmés. Manifestement, ce n'est pas le cas.
    Vous avez fait un choix et ce choix n'est pas neutre. Il est même lourd de conséquences : en l'absence d'accord de méthode au niveau de la branche, avec ce texte qui, dans son ensemble, renforce l'importance des accords d'entreprise, la validation des accords au niveau de l'entreprise devient une question majeure.
    Ce n'est pas anodin. On renforce le rôle des accords d'entreprise. Mais, dans le même temps, la « légitimation » de ces accords ne se fait pas sur la base du principe majoritaire, à partir du vote des salariés - la règle s'applique même sans accord de méthode le précisant. On en revient quasiment au droit actuel, avec toutes ses lacunes, la primauté étant donnée au nombre des organisations.
    Nous le verrons dans la suite du débat, cela aura des conséquences d'autant plus importantes que vous avez décidé de valoriser ou de mettre au même niveau l'accord d'entreprise et l'accord de branche.
    Cette partie du débat est très importante. Premièrement, vous n'êtes pas fidèles à la déclaration commune, deuxièmement, vous faites un choix lourd de conséquences en retenant ce mode de validation des accords d'entreprise.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 295.
    Mme Martine Billard. Le dernier alinéa du III me semble en effet particulièrement grave.
    Mais restons dans le monde des PME, que je connais bien, pour y avoir travaillé longtemps - en tant que salariée, pas en tant que chef d'entreprise ! Dans ces PME, il peut y avoir un seul syndicat, qui est minoritaire : par exemple, au premier tour des élections professionnelles, ce syndicat n'obtient pas la majorité des voix au deuxième tour, il présente des candidats, tout comme le personnel, qui présente des listes, indépendamment du syndicat. On va donc pouvoir se retrouver dans des situations où un syndicat minoritaire pourra signer des accords d'entreprise. Mais il ne sera pas possible d'utiliser le droit d'opposition, s'il est le seul présent dans l'entreprise. Des accords seront ainsi signés de façon totalement minoritaire, contre l'avis des salariés qui ne pourront rien faire !
    C'est dramatique, d'autant que cela pourra engendrer des situations de conflit bien plus dures. Ce n'est donc pas une bonne disposition : elle ne fait pas avancer le dialogue social en entreprise et elle risque de radicaliser les positions en présence.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable. Je ne crois pas trahir la position commune en faisant le choix qui vous est proposé ici, et qu'il fallait bien faire. Comme M. Vidalies l'a lui-même noté, les partenaires sociaux n'avaient pas choisi. De fait, nous avons rencontré des difficultés lorsqu'il s'est agi d'interpréter certains des passages de la position commune, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils étaient ambigus.
    En l'occurrence, la loi se devait de choisir. Pour que le système fonctionne, il faut qu'un dispositif soit prévu en absence d'accord.
    Nous avons donc choisi celui du droit d'opposition, qui n'est ni une invention des partenaires sociaux, ni une invention de ce gouvernement, mais une disposition qui remonte aux lois Auroux, en 1982, et qui a d'ailleurs été renforcée lors de l'actualisation de ces textes en 1992.
    Contrairement à ce que vient de dire Mme Billard, cette disposition permet bien à la majorité des salariés représentés par les organisations syndicales de s'exprimer, même si c'est en opposition.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 111, 225 et 295.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Anciaux, rapporteur, et M. Vercamer ont présenté un amendement, n° 56, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa du V du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "d'opposition, insérer le mot : "majoritaire. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est un amendement de précision, tout comme l'amendement n° 57, d'ailleurs, que je peux présenter en même temps.
    M. le président. Soit. M. Anciaux, rapporteur, a en effet présenté un amendement, n° 57, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début de la dernière phrase du dernier alinéa du V du texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail : "Les accords mentionnés au I, les conventions et accords étendus mentionnés au premier alinéa du II, les conventions et accords mentionnés au dernier alinéa du II et aux troisième et quatrième alinéas du III ne peuvent... (Le reste sans changement.) »
    Poursuivez, monsieur le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vercamer a présenté un amendement, n° 139, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 132-2-2 du code du travail par le paragraphe suivant :
    « VI. - L'opposition majoritaire ne fait pas obstacle à l'application unilatérale par l'employeur des mesures dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à la conclusion d'un accord collectif. »
    La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Pour conclure un accord, il faut que les deux parties s'entendent et qu'il y ait des contreparties. Mon amendement propose que, si les deux parties ne sont pas d'accord, l'employeur puisse tout de même mettre en oeuvre unilatéralement des mesures ne dérogeant pas à une norme de niveau supérieur. Supposons une discussion sur l'augmentation de salaire, qui n'aboutit pas. Il ne faudrait pas que la justice interdise à l'employeur d'augmenter les salaires sous prétexte qu'il n'y a pas eu d'accord ! (Rires.) Il faut donc permettre à l'employeur d'appliquer unilatéralement les dispositions qui ne sont subordonnées à la conclusion d'un accord collectif.
    M. Maxime Gremetz. L'utopie vous fait vivre !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Elle l'a jugé inutile, car l'employeur peut d'ores et déjà s'engager de façon unilatérale dans des conditions déterminées par la jurisprudence. Toutefois, il me semblerait utile que le ministre nous confirme ce point.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le projet de loi vise à instituer de nouvelles marges d'autonomie entre les branches et les accords d'entreprise. A ce titre, la voie de la négociation d'entreprise est largement ouverte et repose sur la responsabilité des partenaires sociaux.
    Ce principe ne doit pas faire obstacle à la liberté laissée aux employeurs d'appliquer, en cas d'opposition majoritaire à un accord au sein d'une entreprise, les dispositions qui ne dérogent pas à un accord collectif de niveau supérieur ou qui ne requièrent pas la négociation d'un accord.
    Monsieur Vercamer, inscrire dans la loi un principe général selon lequel il serait toujours possible pour l'employeur d'intervenir unilatéralement en cas d'opposition ne constituerait pas un signe positif pour le développement de la négociation collective, auquel tend ce projet de loi.
    Monsieur le rapporteur, je vous confirme que ce texte n'empêche en rien l'employeur de s'engager de façon unilatérale.
    Compte tenu de ces précisions, je demande à M. Vercamer de retirer cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 139 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 34, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 34, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 34

    M. le président. M. Vercamer et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 307, ainsi rédigé :
    « Après l'article 34, insérer l'article suivant :
    « I. - L'article 199 quater C du code général des impôts est ainsi modifié :
    « 1° Dans le premier alinéa, les mots : "une réduction sont remplacés par les mots : "un crédit ;
    « 2° En conséquence, les mots : "la réduction sont remplacés par les mots : "le crédit dans les deuxième, troisième, avant-dernier et dernier alinéas ;
    « 3° Après le deuxième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Si le montant de l'impôt dû est inférieur au crédit d'impôt, il n'est pas procédé à restitution. »
    « II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 1001 du code général des impôts. »
    La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Toujours dans l'optique de donner plus de représentativité et de légitimité aux organisations syndicales, notre amendement tend à remplacer la réduction d'impôt sur les cotisations syndicales par un crédit d'impôt qui inciterait peut-être davantage le salarié à cotiser sinon à participer à l'action des organisations syndicales.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. M. Vercamer propose de remplacer une réduction d'impôt par un crédit d'impôt, mais le 3° du I de son amendement le prive de tout effet concret. C'est pourquoi la commission l'a repoussé.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je comprends bien l'intention de M. Vercamer et je veux qu'il sache que nous devrons aborder ce point à l'occasion d'un texte plus global sur la réforme du financement des organisations syndicales. On ne pourra pas éluder bien longtemps la question. Nous avons d'ailleurs commencé à l'aborder avec les partenaires sociaux eux-mêmes. Leurs réflexions et les nôtres n'étaient pas suffisamment avancées pour pouvoir aboutir à l'occasion de ce projet, mais nous allons poursuivre la discussion au début de 2004 pour essayer de vous faire des propositions dans les mois qui viennent.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Je remercie M. le ministre de ces informations. Si un prochain texte vient préciser les conditions de cotisation, je retire bien entendu mon amendement.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Merci, monsieur Vercamer.
    M. le président. L'amendement n° 307 est retiré.
    M. Anciaux, rapporteur, a présenté un amendement, n° 351, ainsi libellé :
    « Après l'article 34, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 132-5 du code du travail, il est inséré un article L. 132-5-1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 132-5-1. - La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de concours d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. Cet amendement vise à régler la question du rattachement conventionnel d'une entreprise exerçant plusieurs activités économiques.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 140 et 204 corrigé.
    L'amendement n° 140 est présenté par M. Vercamer ; l'amendement n° 204 corrigé est présenté par M. Morange et M. Depierre.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après l'article 34, insérer l'article suivant :
    « Le dernier alinéa de l'article L. 132-11 du code du travail est supprimé. »
    La parole est à M. Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 140.
    M. Francis Vercamer. Le dernier alinéa de l'article L. 132-11 du code du travail incorpore d'office aux conventions collectives les avenants à ces conventions, mais aussi les accords collectifs postérieurs ayant le même champ. Comme le projet prévoit de donner un peu d'autonomie aux accords de branche et d'entreprise, je propose de supprimer cet alinéa.
    M. le président. L'amendement n° 204 corrigé est-il défendu ?
    M. Bernard Depierre. Mêmes arguments.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur. La commission avait rejeté ces amendements, pour pouvoir s'assurer au préalable qu'ils étaient cohérents avec l'article 39. Il semble, après expertise, que ce soit le cas. A titre personnel, j'émets donc un avis plutôt favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement accepte cet amendement qui permet une plus grande souplesse dans l'organisation conventionnelle souhaitée par les partenaires sociaux.
    Cet alinéa du code du travail était en effet difficilement applicable, au nom même de la liberté contractuelle. Il n'a d'ailleurs plus beaucoup de sens depuis qu'en 1992 le législateur a explicitement prévu que seuls les signataires d'un accord pouvaient le modifier. Sa suppression ne menace pas l'unité et la cohérence conventionnelles. Comme je viens de vous le dire, seuls les signataires d'un accord peuvent le modifier par voie d'avenant, celui-ci s'incorporant alors à l'accord modifié.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Je m'interroge sur la portée de cet amendement qui abroge des dispositions du code du travail aux termes desquelles, « lorsqu'un accord professionnel a le même champ d'application territorial et professionnel qu'une convention de branche, il s'incorpore à ladite convention, dont il constitue un avenant ou une annexe ».
    Ce n'est évidemment pas une simple question de forme. Si le législateur supprime des dispositions qui se trouvent dans le code du travail depuis fort longtemps et n'ont jamais été remises en question, c'est bien que sa décision a un sens. Il ne suffit pas de considérer qu'elles sont obsolètes et cela n'a d'ailleurs pas été dit. Il me semble que nous franchissons un peu rapidement une étape supplémentaire, qui aboutira en fait à renforcer l'autonomie des accords d'entreprise par rapport aux accords de branche et contribuera à une atomisation supplémentaire du droit des conventions collectives.
    Je pense que cet amendement n'a rien d'anodin et mériterait quelques explications supplémentaires. A tout le moins, j'aurai attiré l'attention de notre assemblée sur les conséquences de la suppression de cet alinéa.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 140 et 204 corrigé.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1233, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :
    M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1273).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix neuf heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 16 décembre 2003
SCRUTIN (n° 413)


sur l'amendement n° 100 de M. Gremetz avant l'article 34 du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (représentation du personnel dans toutes les entreprises).

Nombre de votants

33


Nombre de suffrages exprimés

28


Majorité absolue

15


Pour l'adoption

4


Contre

24

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 22 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Abstentions : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Abstention : 1. - Mme Martine Billard.

SCRUTIN (n° 414)


sur l'amendement n° 101 rectifié de M. Gremetz avant l'article 34 du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (consultation quinquennale des salariés afin d'apprécier la représentativité des organisations syndicales).

Nombre de votants

37


Nombre de suffrages exprimés

37


Majorité absolue

19


Pour l'adoption

11


Contre

26

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 24 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.

SCRUTIN (n° 415)


sur les amendements n° 102 de M. Gremetz et n° 161 de Mme Billard tendant à supprimer l'article 34 (article L. 132-2-2 du code du travail) du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (règles de conclusion des accord collectifs).

Nombre de votants

30


Nombre de suffrages exprimés

30


Majorité absolue

16


Pour l'adoption

11


Contre

19

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Pour : 2. - Mme Béatrice Pavy et M. Daniel Poulou.
    Contre : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du Règlement de l'Assemblée nationale)

    Mme Béatrice Pavy et M. Daniel Poulou qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 416)


sur l'amendement n° 106 de M. Gremetz à l'article 34 (article L. 132-2-2 du code du travail) du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (représentativité des organisations syndicales de salariés signataires d'une convention ou d'un accord collectif de travail).

Nombre de votants

30


Nombre de suffrages exprimés

30


Majorité absolue

16


Pour l'adoption

9


Contre

21

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe UMP (364) :
    Contre : 19 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).