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Première séance du mercredi 7 avril 2004

188e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.

PROGRAMME EUROPÉEN D'AIDE AUX PLUS DÉMUNIS

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Il y a un mois, l'abbé Pierre et plusieurs associations caritatives comme les Restos du cœur, le Secours populaire ou le Secours catholique lançaient un cri d'alarme à propos de l'explosion de précarité et de misère que connaît aujourd'hui notre pays. Celle-ci s'est en particulier traduite par une affluence sans précédent dans les banques alimentaires et les épiceries sociales. Ces mêmes associations révélaient qu'en France, plusieurs millions d'enfants souffraient de malnutrition et vivaient en dessous du seuil de pauvreté.

Or l'on vient d'apprendre que le programme d'aide aux plus démunis de l'Union européenne, plus communément appelé « accès aux frigos européens », prendrait fin en 2005. Faut-il rappeler que ce plan constitue un soutien vital pour 2,6 millions de personnes défavorisées en France, 34 millions dans l'Europe des Quinze et concernera 110 millions d'Européens dans celle des Ving-cinq, dès le 1er mai 2004 ?

Comment dès lors justifier une telle décision, illustration concrète des ravages que cause l'application aveugle des dogmes libéraux de la construction européenne ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)

Mme la ministre a-t-elle l'intention de faire entendre la voix de la France pour exiger, comme le réclament les associations caritatives, que l'arrêt des distributions des produits alimentaires soit compensé financièrement afin de permettre à l'ensemble de ces associations, que je salue ici avec force, de poursuivre une action humanitaire toujours plus urgente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la députée, vous avez raison de rendre hommage au travail des associations caritatives en matière alimentaire. C'est un sujet que M. Borloo, Mme Haigneré, M. Jacob et moi-même suivons de près.

Au niveau national, notre ministère a passé une convention avec la Fédération française des banques alimentaires, au renouvellement de laquelle nous travaillons. Dans le cadre de cette collaboration, se pose un problème au niveau européen que vous venez d'évoquer, c'est celui de la sécurité européenne des aliments distribués, qu'il s'agisse des aliments transformés - date limite de consommation pour les produits frais comme les yaourts ou date limite d'utilisation optimale pour les conserves - ou d'autres produits comme le lait, puisque nous consacrons une partie de nos quotas laitiers à l'aide aux banques alimentaires.

Si nous menons ce travail avec les associations pour améliorer la sécurité sanitaire des aliments, c'est que nous considérons, madame Jacquaint, qu'il n'y a pas de sécurité sanitaire alimentaire à deux vitesses. Les populations, souvent fragilisées, auxquelles l'aide est destinée doivent être protégées.

S'agissant de l'échelon européen, j'ai bien pris note de vos propos. Avec Mme Haigneré, nous sommes d'ores et déjà intervenus auprès de l'Union européenne à propos de la date butoir de 2005. La solution qui s'impose doit concilier la mise à disposition d'un maximum de produits alimentaires pour ceux qui en ont besoin avec une sécurité sanitaire optimale des aliments. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Christian Philip, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Philip. Monsieur le ministre des affaires étrangères, quelques jours après le dernier Conseil européen, à l'heure où des changements de gouvernement interviennent en Espagne et en Pologne, pourriez-vous nous indiquer comment se présente pour la France la problématique de l'adoption de la Constitution européenne ?

Un accord serait conclu avant la fin du mois de juin, paraît-il. Mais n'importerait-il pas que celui-ci intervienne avant les élections européennes du 13 juin ? Cela permettrait en effet de mobiliser les électeurs et aussi d'éviter que certains ne cherchent à faire peur en prétendant que le système européen sera modifié, de manière délibérée, juste après les élections.

Pour notre pays, quels sont les principaux points en discussion ? Outre la question des modalités du vote à la majorité qualifiée, quelle est notre position, par exemple, sur la composition de la Commission ou sur les matières nécessitant un vote à l'unanimité ?

Quelles démarches la France entend-elle conduire pour faciliter un compromis ? En ce domaine, permettez-moi de citer le travail accompli ces dernières semaines par la délégation à l'Union européenne de notre assemblée dont plusieurs membres, à l'initiative du président de cette délégation, se sont rendus dans différents Etats de l'Union pour s'entretenir directement avec leurs collègues, constatant une volonté commune d'aboutir, et d'aboutir rapidement.

Enfin, monsieur le ministre, n'est-il pas important de mobiliser l'opinion publique sans attendre l'accord du mois de juin de manière à faire comprendre les enjeux que représente pour nous tous l'adoption de cette constitution ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, voilà le petit livre blanc dont vous parlez !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah !

M. le ministre des affaires étrangères. Cette constitution européenne...

M. Jean Glavany. Ce n'est qu'un projet !

M. le ministre des affaires étrangères. ...à laquelle nous avons, les uns et les autres, beaucoup travaillé, en particulier pour vous représenter, Pierre Lequiller et Jacques Floch.

Qu'y-a-t-il dans ce texte que tous les Français devraient prendre le temps de lire, tout comme les parlementaires, s'ils ne l'ont pas déjà fait ?

M. Jacques Desallangre. Vous avez raison, monsieur le ministre, qu'ils le lisent ! Ils auraient déjà dû mieux lire le traité de Maastricht !

M. le ministre des affaires étrangères. C'est d'abord un texte que l'on peut lire car il est lisible ce qui n'est pas toujours le cas des textes européens. On y trouve, mesdames, messieurs les députés, les valeurs, les principes qui nous réunissent, tout comme les politiques que nous voulons mener ensemble, par exemple, la politique agricole, la politique régionale, la politique de l'environnement ou encore la politique de préservation des services publics.

Permettez-moi de dire, monsieur Philip, que cette constitution n'est ni de droite ni de gauche. (Exclamations sur divers bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Elle est supranationale et libérale !

M. le ministre des affaires étrangères. Elle donne à l'Union européenne le projet d'être une communauté d'Etats-nations qui veulent partager un destin et qui leur permettra de fonctionner ensemble bientôt à vingt-cinq, puis à vingt-sept, au lieu d'être à quinze.

Nous souhaitons que ce texte soit approuvé le plus tôt possible,...

M. Jacques Myard. Le plus tard possible !

M. le ministre des affaires étrangères. ...au plus tard le 25 juin, toute la diplomatie française est mobilisée à cet effet. Sur tous les différents points que vous avez évoqués, je pense qu'un accord est possible.

Après quoi, l'autre défi que nous avons à relever ensemble, c'est d'en parler avec les Français, qu'il y ait une consultation populaire ou une consultation parlementaire.

M. Jacques Desallangre. Il faut un référendum !

M. le ministre des affaires étrangères. Pour cela, il y a une occasion que je vous invite à ne pas manquer, et le Gouvernement ne la manquera pas, ce sont les élections européennes. Elles permettront d'expliquer en quoi ce petit livre blanc est important pour le bon fonctionnement de l'Union et pour la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

BUDGET EUROPÉEN

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y a quelques semaines, quand vous étiez encore commissaire européen, vous avez à plusieurs reprises demandé publiquement que le budget européen soit nettement augmenté.

En effet, une forte augmentation de ce budget est nécessaire à la fois pour continuer à financer l'agriculture, les aides aux régions, dans les nouveaux pays adhérents, bien sûr, mais aussi dans des pays comme le nôtre où des territoires ruraux et des quartiers urbains en difficulté ont besoin des fonds européens.

Mais il faut aussi que l'Europe finance de nouvelles politiques : les grands travaux d'infrastructures, créateurs d'emplois et de cohésion sociale entre Etats membres ; la politique industrielle, indispensable pour faire face aux délocalisations ; la recherche, domaine où l'Europe est très en retard et voit fuir ses chercheurs vers les Etats-Unis ; la lutte contre le terrorisme et toutes les formes de criminalité internationale qui demande la création d'une police européenne des frontières.

Or, hier, le ministre des finances a rappelé la position de M. Chirac qui est de maintenir le budget à son niveau actuel. Une telle position ne peut évidemment pas permettre de financer à la fois les politiques traditionnelles - agriculture et fonds d'aide aux régions qui représentent près de 80 % du budget de l'Union -, et qui devront être en outre étendues aux nouveaux pays membres, et les politiques nouvelles où l'Europe doit s'affirmer si elle veut rester l'une des premières puissances industrielles du monde, se protéger des nouvelles menaces internationales et aider les pays pauvres à se développer.

Monsieur le ministre, resterez-vous fidèle à vos convictions ou bien céderez-vous à M. Chirac et M. Sarkozy ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui ou non, allez-vous, au nom de la France, demander une augmentation du budget européen pour réussir l'élargissement et rendre l'Union européenne plus solidaire et plus forte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


M. Nicolas Sarkozy,
ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voici l'heure de vérité ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Hier, les socialistes stigmatisaient les déficits de la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), réclamaient un audit, s'alarmaient des déficits.

Mme Martine David. C'est vous qui avez perdu !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aujourd'hui, vous venez me dire, madame Guigou qu'il faut dépenser davantage ! Cela s'appelle de l'incohérence. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Le problème de l'incohérence, c'est qu'elle finit toujours par se voir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La situation est simple. Comment la Commission peut-elle, s'adressant aux Etats membres, dire : « Soyez vertueux chez vous, dépensez moins, réduisez vos déficits », et, dans le même temps nous demander s'agissant de son budget, de dépenser davantage ? C'est une incohérence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La France n'a qu'une seule position : celle qui consiste à demander le maintien à 1 % du PIB de notre contribution au budget de la Commission européenne. (« Barnier ! Barnier ! sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, conduisez-vous correctement !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà la seule position possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'image que vous donnez est ridicule comme l'est votre argumentation ! (« Barnier ! Barnier ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande un peu de calme.

ADHÉSION DE LA TURQUIE A L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rudy Salles. Monsieur le Premier ministre, l'UDF s'est toujours opposée à la candidature européenne d'un Etat extérieur à l'Europe par sa géographie et par son histoire. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

En revanche, le Président de la République et les gouvernements qu'il a nommés, de droite comme de gauche, ont, de longue date, pris fait et cause pour l'adhésion de la Turquie à l'Union.

C'est dans une large mesure à l'initiative de la France que le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement a proclamé à quatorze reprises, au cours de ces sept dernières années, la vocation de la Turquie à intégrer l'Union, sans autre condition que le respect des critères dits de Copenhague applicables aux élargissements en cours.

Nous avons pris connaissance, il y a quelques jours, de l'évolution de l'UMP sur la question turque. Le Gouvernement considère-t-il ce changement de cap de l'UMP comme une péripétie politique, qui ne modifierait pas la position de la France ? Ou envisage-t-il au contraire de suivre sa majorité et de procéder à un virage à 180 degrés de sa politique turque ?

J'espère que vous n'attendez pas le rapport de la Commission pour vous prononcer. Vous savez que celle-ci en fin d'année n'examinera pas le fond, mais traitera uniquement de la question de l'ouverture des négociations en vue de l'adhésion.

Vous avez et nous avons tous sur ce dossier un devoir de franchise et de clarté à l'égard de nos concitoyens qui vont élire, dans quelques semaines, leurs députés européens.

Une question de principe vous est posée : « Suffit-il que la Turquie respecte les critères traditionnels d'adhésion pour devenir membre à part entière de l'Union européenne ? » Ou bien, comme nous le croyons, sa position géographique hors de l'Europe devrait-elle l'empêcher d'adhérer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères. (« Sarkozy ! Sarkozy ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, je suis ému de la popularité un peu suspecte dont je bénéficie sur les bancs du groupe socialiste. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Salles, je rappellerai un point d'histoire et un point d'actualité.

M. Jean Dionis du Séjour. N'oubliez pas la géographie !

M. le ministre des affaires étrangères. L'histoire a débuté en 1963. C'est à ce moment là que le dialogue a été noué avec la Turquie.

M. Henri Emmanuelli. Cela remonte en fait à Louis XIV !

M. le ministre des affaires étrangères. En 1963, le général de Gaulle présidait la France, le chancelier allemand s'appelait Konrad Adenauer. Ce jour-là a été ouverte la perspective d'une adhésion de la Turquie à la Communauté européenne. Jamais, depuis ce jour, cette perspective n'a été cassée par personne. Elle a même été confirmée à Helsinki, en 1999, par un Conseil européen, auquel ont participé le Président de la République et le premier ministre de l'époque, Lionel Jospin.

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut un référendum !

M. le ministre des affaires étrangères. Voilà pour l'histoire !

J'en viens à l'actualité. A aucun moment, nous n'avons parlé d'une adhésion de la Turquie à court terme. Ceux qui prétendent le contraire ne disent pas la vérité.

Il s'agit simplement, monsieur Salles, mais ce n'est pas négligeable, d'un rapport que la Commission, comme c'est son rôle, doit nous proposer, à la fin de cette année. Il nous indiquera si et quand la Turquie peut commencer des négociations d'adhésion, sans préciser d'ailleurs combien de temps dureront ces négociations pour un pays qui, comme les autres, devra, en toute hypothèse, respecter tous les critères démocratiques, politiques et sociaux que tout pays désireux d'entrer dans l'Union doit respecter.

M. François Loncle. Quelle est votre position ?

M. le ministre des affaires étrangères. Le gouvernement français continuera à avoir une attitude équitable, exigeante et vigilante, pour que l'Union fonctionne avec des pays qui entrent en respectant tous les critères du cahier des charges, et continue de vivre en s'adaptant au monde incertain qui l'entoure. (Applaudissement sur de nombreu bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE DE SÉCURITÉ

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre de l'intérieur, il y a deux ans, l'insécurité était considérée par les Françaises et les Français comme leur première préoccupation. Grâce à l'action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et de son ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), toute la mesure du problème a été prise en redonnant les moyens, la confiance et la considération à nos forces de police et de gendarmerie, en créant les groupements d'intervention qui ont rassemblé les forces de sécurité de notre pays, ainsi que les forces du fisc et les forces des magistrats, en réorganisant l'ensemble de notre procédure pénale avec la loi de sécurité intérieure, en s'attaquant à tous les phénomènes de société, depuis la mendicité agressive jusqu'à l'occupation des halls d'immeuble, en passant par les mineurs délinquants, les parents qui manquent au devoir d'éducation des enfants, la prostitution, la traite des êtres humains. L'insécurité a été endiguée (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe socialiste) alors qu'elle avait progressé en moyenne, entre 1997 et 2002, de 16 % dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle a chuté, depuis, de 9 %. Pour le seul mois de mars dernier, elle a encore baissé de 2,4 %.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. Christian Estrosi. Merci, monsieur le ministre Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre de l'intérieur, dès les premières heures de votre prise de fonctions, vous avez affiché sur le terrain votre volonté d'être proche des policiers, proche des gendarmes, à l'écoute des Français, déterminé à poursuivre votre action dans cette direction. Nous vous faisons confiance.

Pouvez-vous nous indiquer votre méthode et vos objectifs ? Sachez qu' il y a ici une majorité d'hommes et de femmes qui se sont engagés contre les « braillards mondains » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour dire définitivement dans ce pays que les droits de l'homme, ce sont d'abord les droits des victimes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous avez raison, monsieur Estrosi, Nicolas Sarkozy a obtenu des résultats remarquables (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) à la tête du ministère de l'intérieur.

Vous avez rappelé la baisse des faits de délinquance et cité le chiffre pour le mois de mars. Je voudrais souligner également l'augmentation, particulièrement significative, au cours du dernier mois, de 8 % des faits élucidés. C'est un bon indicateur d'activité des services. C'est un bon indicateur de réussite des enquêtes et c'est un bon indicateur de réponse aux victimes.

Je veux m'inscrire dans la continuité de l'action (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour réaffirmer l'autorité de l'Etat, au service de nos concitoyens, avec une double exigence de fermeté et de justice, sans laquelle il n'y a pas de politique de sécurité efficace.

M. Patrick Lemasle. Cela va changer !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai sur tout le territoire, en particulier dans les quartiers sensibles, où il faut faire pleinement appliquer la loi républicaine. En ce domaine, ma détermination est totale.

Il importe aussi de moderniser les forces de l'ordre, en adaptant leurs carrières et leurs statuts à leurs missions. Je sais combien vous suivez attentivement l'ensemble de ces questions.

Pour inscrire cette politique dans la durée et mieux protéger les Français, je souhaite développer le chantier de la prévention. Il faut aller aux sources mêmes de la délinquance et de l'insécurité. Il faut faire face aux risques de toute nature : terroristes, sanitaires, industriels, environnementaux.

M. François Hollande. Et sociaux !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est pourquoi le projet de loi de modernisation de la sécurité civile doit être adopté le plus rapidement possible.

Je veux agir dans un esprit de coopération avec tous les partenaires concernés par les réformes que j'entends poursuivre. J'ai commencé à recevoir les syndicats de police. Dès vendredi, j'irai à Dijon, à la rencontre des policiers et des gendarmes (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste pour mettre en place une politique d'évaluation des performances, confiée, sous mon contrôle direct, au préfet de région.

J'irai aussi à la rencontre des pompiers professionnels et volontaires, civils et militaires, pour entendre leurs préoccupations.

Une coopération s'impose avec les autres ministères : avec Dominique Perben, car policiers, gendarmes et magistrats forment les maillons d'une même chaîne pénale, mais aussi avec Jean-Louis Borloo dans le domaine de la cohésion sociale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et avec François Fillon pour l'éducation.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et Raffarin ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est la condition d'une action rapide, économe et efficace de notre Etat républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VENTE D'ACTIFS DÉTENUS PAR L'ETAT

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe UMP.

M. Dominique Dord. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. même dans les années de croissance, notre pays a pris l'habitude de dépenser plus qu'il ne gagne.

La France vit à crédit. Ses déficits se creusent. Nous arrivons au résultat peu glorieux de consacrer toujours plus de nos moyens au remboursement de nos emprunts.

En 2003, probablement pour la première fois depuis des décennies, l'Etat a réussi à stopper le niveau de progression de ses dépenses. (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Chirac ! Chirac !

M. Dominique Dord. En 2004, la croissance, qui devrait être meilleure, nous réservera - si nous savons résister aux sirènes qui appellent à toujours plus de dépenses - des marges de manœuvre. Néanmoins, chacun d'entre nous sait bien que si nous voulons régler vite le problème de nos déficits publics, il faut aller au-delà.

M. Christian Bataille. Démission !

M. Dominique Dord. C'est dans ce contexte que le Premier ministre, lundi, dans sa déclaration de politique générale, a dit son intention de voir accélérer le processus de cession par l'Etat de ses actifs dans un certain nombre de sociétés publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez hier, monsieur le ministre d'Etat, confirmé cette direction.

Pouvez-vous nous donner d'ores et déjà quelques éléments de méthode et, si possible, un exemple d'une entreprise publique qui pourrait s'engager dans ce processus ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


M. Nicolas Sarkozy,
ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Dord, vendre des actifs pour désendetter un pays, c'est un acte de saine et de bonne gestion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire . - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. C'est vendre les bijoux de famille ! Ce que, du reste, vous avez toujours fait !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Céder des actifs pour permettre de recapitaliser des entreprises publiques auxquelles l'Etat n'a pas donné les moyens de leur développement, c'est un acte de bonne gestion et de justice témoignant d'une ambition industrielle.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien.

M. Henri Emmanuelli. C'est n'importe quoi !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est la politique qui sera conduite. Aussi, l'ouverture du capital de la SNECMA sera réalisée avant l'été et ce, en direction de tous les Français au lieu d'être réservée aux institutionnels habitués des traditionnelles parties de Monopoly car nous voulons mettre en œuvre un véritable capitalisme populaire ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) De ce point de vue, cette cession est un acte politique fort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ajoute que nous devons penser à tous les salariés des entreprises publiques : ils ont le droit de participer au développement de leur entreprise, de profiter de ses fruits et d'en devenir actionnaires. C'est là une politique économique efficace et une politique sociale juste ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs de l'Union pour la démocratie française.)

FINANCES PUBLIQUES

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Depuis deux ans, monsieur le Premier ministre, vous imputez systématiquement aux socialistes les mauvais résultats de votre politique.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. A juste raison !

M. Didier Migaud. Ce mensonge est indigne. (« Non » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dès votre arrivée au pouvoir, vous avez commandé un audit des finances publiques.

M. Georges Tron. Vous avez ruiné la France !

M. Didier Migaud. Dans son hypothèse la plus pessimiste, celui-ci a établi le déficit public à 2,6 % du PIB. Depuis 2002, ce déficit a explosé et la situation de nos finances publiques n'a cessé de se dégrader, comme celle d'ailleurs des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce sont vos propres « factures », pour reprendre votre expression, qui arrivent sur votre bureau et que vous devez acquitter. En réalité, Raffarin III devrait s'en prendre à Raffarin II, comme l'a, du reste, fait le Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. C'est Chirac qui l'a dit !

M. Didier Migaud. Les Français ont sanctionné votre politique injuste et inefficace. En tant que Premier ministre, vous devez assumer vos responsabilités : partir ou changer de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez choisi un nouveau ministre chargé des finances qui a déjà exercé ces responsabilités de 1993 à 1995. Il avait alors réduit l'impôt des plus aisés et augmenté les taxes sur les carburants et la CSG. En dépit de ces hausses, la dette publique avait explosé de 20 % et le déficit n'avait pas été réduit...

M. Francis Delattre. Et le déficit de Bérégovoy ?

M. Didier Migaud. ...au point que M. Juppé avait, en 1995, qualifié ce bilan de « calamiteux ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Cova. Vous ne manquez pas d'air !

M. Francis Delattre. Quel culot !

M. Didier Migaud. Aujourd'hui, votre nouveau ministre de l'économie et des finances pourrait, monsieur le Premier ministre, vous retourner ce compliment !

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Didier Migaud. Vous avez, du bout des lèvres, reconnu des erreurs. Aurez-vous le courage ou tout simplement l'honnêteté de reconnaître que votre gestion des finances publiques fait partie de ces erreurs ?

M. Georges Tron. Et la vôtre ?

M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, au lieu de polémiquer, répondez à ces trois questions simples.

Accepterez-vous un audit indépendant des finances publiques, comme François Hollande et Jean-Marc Ayrault vous l'ont demandé ? Vous n'avez toujours pas répondu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Demanderez-vous à votre nouveau ministre des finances de poursuivre la politique fiscale injuste et inefficace que vous menez depuis deux ans ou renoncerez-vous à vos promesses fiscales démagogiques et irresponsables que vos successeurs auront à assumer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, après avoir déjà étouffé la croissance nationale, alors que la croissance mondiale est, contrairement à ce que vous affirmez, très dynamique (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), confirmerez-vous un plan d'austérité de 4 milliards d'euros, lequel aura des effets fortement récessifs ?

Si vous ne répondez pas vous-même, monsieur le Premier ministre, à ces questions, vous prouverez que vos jours à Matignon sont déjà comptés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. Scandaleux !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Didier Migaud, vous ne voulez pas de polémique, soit. Je vous prends au mot et m'en tiendrai aux chiffres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis quand, monsieur Migaud, vous qui suivez attentivement ces questions, le déficit des comptes publics existe-t-il dans notre pays, toutes administrations confondues ?

La première date, monsieur Migaud, vous rappellera peut-être quelque chose : 1981 ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis 1981, et je suis, monsieur Migaud à votre disposition, si les chiffres que je vais donner ne sont pas les bons (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste), depuis 1981 donc, soit depuis vingt-quatre ans, jamais le budget de la France n'a été équilibré ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Depuis vingt-quatre ans, le budget de la France est en déséquilibre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste . - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Durant ces vingt-quatre ans, les socialistes ont gouverné quinze ans et M. Migaud vient nous donner des leçons ! (Vifs applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec un tel résultat, vous feriez mieux de vous taire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire . - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Carton rouge !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'histoire budgétaire de la France a connu deux périodes où la dette a explosé. Entre 1981-1986, la dette de la France a augmenté de dix points de PIB : c'était sous le premier septennat de François Mitterrand ! (Vifs applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors qu'on n'avait jamais vu une telle augmentation, la dette a, encore, entre 1988 et 1992, explosé de quinze points de PIB. (Mêmes mouvements.) Les socialistes ont réussi à battre leur propre record ! (Mêmes mouvements.)

La vérité, monsieur Migaud, c'est que votre intervention est une tartufferie !

M. Julien Dray. Ce n'est pas de la polémique, ça ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et en 1993, et je vous rappelle un dernier souvenir, monsieur Migaud, Pierre Bérégovoy - paix à son âme - nous avait laissé un budget prétendument en déficit de 140 milliards de francs. L'audit du procureur général près la Cour des comptes, M. Raynaud, a montré que vous aviez menti. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Le déficit de la France s'élevait en effet à 343 milliards ! (Mêmes mouvements.)

Je sais, monsieur Migaud, ce qu'il me reste désormais à faire : le contraire de ce que vous et vos amis avez fait à la France ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et continuent d'applaudir. - Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste.)

KOSOVO

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe UMP.

M. Yves Fromion. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense.

Au cours du mois de mars, le Kosovo a connu une nouvelle flambée de violence qui a fait de nombreuses victimes, une vingtaine de morts et près de mille blessés.

Je voudrais tout d'abord rendre hommage, et je pense pouvoir y associer tous nos collègues, aux soldats français qui ont tenté de rétablir le calme dans le pays, ce qui leur a coûté douze blessés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française ainsi que sur divers bancs du groupe socialiste.)

La France a immédiatement réagi en renforçant ses unités sur le terrain. Vous-même, madame la ministre, vous êtes allée sur place la semaine dernière. Je souhaiterais que vous nous fassiez part de votre sentiment sur la situation.

Je souhaiterais aussi vous demander, madame la ministre, alors que la France va prendre le commandement de la KFOR à l'automne prochain, comment vous voyez évoluer ces territoires à un moment où ils connaîtront des circonstances politiques difficiles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Le Kosovo se trouve à mille kilomètres de nos frontières, soit bien près.

Les événements des 17 et 18 mars ont pris tout le monde de court, y compris l'ensemble des services de renseignement.

Ces événements n'étaient, apparemment, pas prémédités. Toutefois, la simultanéité des agressions sur l'ensemble du territoire est inquiétante.

J'ai constaté sur place que ces événements ont créé une véritable rupture dans la perspective de sortie de crise et ont ranimé la défiance entre les communautés.

L'intervention rapide et forte de la KFOR a certainement permis que le sang ne coule pas davantage et de rétablir un minimum de sécurité. Pour autant, la situation reste extrêmement tendue.

Les militaires français qui ont eu à déplorer douze blessés dans leurs rangs, ont eu une attitude exemplaire, saluée à la fois par les autorités militaires internationales et les autorités civiles. Ils ont contribué à faire en sorte que la situation ne s'aggrave pas.

C'est dans ce contexte rendu encore plus préoccupant par la tenue d'élections le 23 octobre, que la France prendra au mois de septembre le commandement de la KFOR. Les élections sont toujours une période très sensible dans ces pays. Nous devrons être extrêmement vigilants sur le plan miliaire, mais il est évident que l'action militaire doit également s'accompagner d'une action diplomatique de la communauté internationale et de la France. Il est essentiel aussi qu'une forte pression soit exercée sur les extrémistes de tous bords. Il est indispensable par ailleurs que la mise en œuvre du processus devant aboutir au nouveau statut soit menée sans délai et avec détermination. Enfin, un effort particulier est indispensable pour le développement économique de ce pays. En effet, si les jeunes n'étaient pas, à 80 %, chômeurs, ils ne seraient sans doute pas aussi facilement manipulables par les groupes extrémistes.

M. Pascal Clément. Très bien.

Mme la ministre de la défense. En tout état de cause, monsieur le député, la sécurité et la stabilité des Balkans sont essentielles à celles de l'Europe. La France prendra toute sa part pour les garantir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

EGALITÉ PROFESSIONNELLE HOMMES-FEMMES

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe UMP.

Mme Geneviève Levy. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

L'année dernière, le Président de la République soulignant que la mixité est une force de transformation et de rénovation de notre société, avait fixé un objectif d'égalité entre les hommes et les femmes, enjeu économique car l'égalité professionnelle est facteur de croissance et d'efficacité.

Dès lors, une politique volontariste devait être mise en œuvre. Vous avez, vous-même, madame la ministre, appelé au dialogue social sur ce sujet. C'est dans ce contexte, qu'un accord national interprofessionnel en faveur de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sera officiellement formalisé et signé ce soir à l'unanimité par l'ensemble des partenaires sociaux.

Pouvez-vous nous préciser en quoi cet accord favorisera la mixité et l'égalité professionnelle dans le monde du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Oui, madame la députée, l'économie moderne a besoin de toutes les forces et de tous les talents !

Si l'égalité professionnelle est d'abord la réponse à l'exigence de justice sociale, elle est aussi, et de plus en plus, facteur de croissance et de dynamisme économiques. C'est avec les partenaires sociaux que nous sommes entrés dans la culture du changement. L'accord auquel vous faites référence est extrêmement important. C'est d'abord la victoire du dialogue social. C'est aussi l'affirmation que progresser sur l'égalité, c'est favoriser l'emploi et agir sur les leviers principaux du changement.

Mme Huguette Bello et Mme Chantal Robin-Rodrigo. Combien y a-t-il de femmes au gouvernement ?

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. L'égalité professionnelle était jusqu'à présent un droit proclamé, mais qui n'avait pas de traduction concrète pour les millions de femmes françaises au travail.

Aujourd'hui, nous entrons dans la concrétisation de l'égalité en agissant sur les leviers de la modernité : mixité des emplois, décloisonnement social et éducatif dont notre société a besoin,...

Mme Huguette Bello. Comme au gouvernement ?

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. ...revalorisation des carrières et des salaires, prise en compte de la maternité considérée non plus comme un handicap sur le plan professionnel, mais comme un épanouissement, une chance et un enrichissement pour tous, et singulièrement lorsqu'on est une femme et que l'on veut faire carrière dans l'entreprise.

Cet accord sera complété par des mesures spécifiques qui figureront dans la loi de mobilisation pour l'emploi afin d'accompagner ce changement social. Nous entrerons ainsi dans une ère nouvelle d'égalité professionnelle concrète entre les femmes et les hommes, nécessaire à la démocratie comme à l'économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)


STATUT D'EDF-GDF

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, la journée d'hier fut en quelque sorte celle du déminage des sujets délicats. Votre ministre de l'économie a ainsi expliqué, sur le ton de « Circulez, il n'y a rien à voir », peut-être par nostalgie pour ses anciennes fonctions (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qu'EDF ne serait pas privatisée et que ses personnels ne changeraient pas de statut.

Il s'agit d'une question grave...

M. Édouard Landrain. Alors, ne prenez pas ce ton !

M. François Brottes. ....qui mérite autre chose que la polémique, le mensonge et l'excitation (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comme vient encore de les pratiquer M. Sarkozy répondant à Didier Migaud, qui demandait un audit, demande qui reste sans réponse. Pourtant, c'est un outil bien utile puisqu'il permet d'établir la vérité, notamment que le premier déficit budgétaire sur le plan national date de 1975, alors que M. Jacques Chirac était premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Il ne faut pas l'oublier !

M. François Brottes. S'agissant d'EDF, non, nous n'avons jamais signé l'ouverture totale du marché de l'électricité à la concurrence. Au contraire, Lionel Jospin avait obtenu que les ménages ne soient pas concernés. C'est bien le gouvernement Raffarin II qui, non seulement n'a pas défendu ce garde-fou, mais a demandé à Mme Fontaine de faire du zèle au niveau européen pour qu'en acceptant la déréglementation totale et rapide du marché de l'électricité, la France apparaisse comme un bon élève du libéralisme débridé.

En rappelant à tous que l'ouverture à la concurrence n'impose, ni mécaniquement, ni juridiquement la privatisation, les Français doivent savoir que le marché de l'électricité n'a rien à voir avec la vente de savonnettes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. N'importe quoi !

M. François Brottes. Il en va de l'indépendance énergétique nationale, de la sécurité des installations de production, notamment des barrages et des centrales nucléaires, de l'égalité des tarifs sur l'ensemble du territoire, d'un coût de l'énergie compatible avec les revenus des plus modestes, car l'énergie est indispensable à la vie,...

M. Jean Leonetti. Débranchez-le !

M. François Brottes. ...du maintien du professionnalisme des agents qui aujourd'hui garantissent la qualité et la continuité du service, de la régularité des investissements lourds pour garantir la pérennité des installations, y compris pour les énergies renouvelables,...

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

M. François Brottes. ...de l'avenir de la planète, compte tenu de l'impact de ce marché sur la qualité de l'environnement.

M. le président. Monsieur Brottes, posez votre question, s'il vous plaît !

M. François Brottes. J'y viens, monsieur le président.

M. le président. Il ne faut pas y venir, mais y arriver !

M. François Brottes. Monsieur le président, je pense que vous serez d'accord avec moi : on ne vend pas à la Bourse l'indépendance énergétique nationale et la sécurité des installations nucléaires.

Monsieur le Premier ministre, en marchandant tout ou partie d'EDF par idéologie ou pour boucher les trous du déficit, allez-vous abandonner aux intérêts privés une entreprise publique d'une telle envergure, incontestablement stratégique pour le pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faut donc faire là aussi un travail pédagogique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

La première transposition d'une directive ouvrant à la concurrence le marché français de l'énergie date de février 2000. Sans polémiquer, on peut rappeler que le premier ministre était alors Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Et alors ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La deuxième ouverture à la concurrence a eu lieu en mars 2002, lors du sommet de Barcelone. La décision prise vise à porter l'ouverture à la concurrence du marché français de l'énergie de 30 % à 70 %. Qui était alors premier ministre ? Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Si ça ne lui plaisait pas, il ne fallait pas qu'il se gêne mais qu'il se lève et dise : je n'en veux pas ! Il ne l'a pas fait. C'est la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mieux, lors du sommet de Barcelone, Lionel Jospin ne se contente pas d'accepter l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie pour tous les professionnels, il accepte qu'une date soit fixée pour discuter de l'ouverture à la concurrence du marché des particuliers. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. C'est faux !

Mme Martine David. Mensonge !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors que vous avez choisi la concurrence à trois reprises, vous venez maintenant nous demander de ne pas donner à EDF les moyens de son développement.

Le statut des agents d'EDF-GDF ne sera modifié, ni aujourd'hui, ni demain, ni de près, ni de loin.

M. François Hollande. Ce n'est pas le sujet !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je leur demande de croire en la parole du Gouvernement de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et non dans la parole de ceux qui les ont laissé tomber hier et qui voudraient faire croire aujourd'hui qu'ils sont leurs défenseurs. Il y a des limites à l'hypocrisie et au mensonge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

EDF-GDF ne sera pas privatisée, ni aujourd'hui, ni demain pour une raison simple : le Gouvernement de la France veut que l'Etat conserve la majorité du capital de cette grande entreprise.

M. François Hollande. Il l'a dit !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous en débattrons d'ailleurs puisque la loi fixera un seuil minimum qui est actuellement de 51 %. Le Gouvernement est tout à fait prêt à discuter avec le Parlement pour relever ou non ce seuil. Voilà la vérité. Il n'est pas utile de polémiquer quand il s'agit de l'emploi de 140 000 électriciens et gaziers. Cela compte plus pour moi que vos vociférations ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Julien Dray. C'est une privatisation rampante !

LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Gilbert Meyer, pour le groupe UMP.

M. Gilbert Meyer. Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, un grand nombre de nos concitoyens sont confrontés à un problème majeur pour eux et leurs familles, celui du logement. Les difficultés sont multiples pour trouver un logement décent, notamment pour ceux qui vivent en ville.

Face à cette crise qui dure depuis de nombreuses années, le Gouvernement a pris, au cours des vingt derniers mois, de nombreuses mesures visant à simplifier le droit de l'urbanisme, à relancer l'investissement locatif privé, à soutenir la production de logements locatifs sociaux ou encore à encourager l'accession sociale à la propriété. Il s'est également fixé des objectifs précis en matière de construction de logements.

Ces initiatives ne manquent pas de porter leurs fruits. Aujourd'hui, certains indicateurs sont positifs, je pense en particulier à la forte augmentation du nombre de permis de construire.

Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous indiquer les résultats réels de ces évolutions au cours des derniers mois et nous préciser si elles correspondent à la promotion du logement social voulue par le Gouvernement ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le député, chacun sait que le logement connaît aujourd'hui une crise grave dont s'est fait l'écho, à juste titre, la fondation Abbé Pierre. Ce sont les ménages les plus pauvres qui sont touchés, mais aussi les ménages à revenus modestes et ceux dont les revenus sont moyens et qui n'arrivent plus à trouver un logement décent et à un prix abordable dans nos agglomérations.

Les chiffres sont éloquents. A la fin de l'année 2001, le nombre de permis de construire était de 353 000, contre 390 000 au début de 2004, soit une augmentation de 12 % entre le gouvernement Jospin et le gouvernement Raffarin.

50 000 logements sociaux en moyenne ont été construits sous le gouvernement Jospin. Au début de 2004, nous en étions à 58 000 logements sociaux. Mon objectif pour la fin 2004 est de 75 000 à 80 000 logements sociaux. Nous aurons ainsi augmenté le nombre de logements sociaux de 25 % par rapport au gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais nous devons aller plus vite et plus loin.

M. Marcel Dehoux. On verra !

M. le secrétaire d'Etat au logement. Monsieur Dehoux, le sujet est suffisamment grave pour que nous nous mobilisions ensemble sur cette question.

Le Premier ministre a indiqué qu'il souhaitait donner un contenu effectif au droit au logement. La construction de logements sociaux est la priorité des priorités. Nous sommes d'ailleurs ouverts à toutes les propositions qui viendront des présidents de conseil régional, si j'en crois les promesses électorales qui ont été faites pendant la dernière campagne électorale.

Nous voulons également éradiquer l'habitat insalubre en amplifiant le plan de Jean-Louis Borloo sur la rénovation urbaine...

M. Julien Dray. Il n'y a pas un rond chez Borloo !

M. le secrétaire d'Etat au logement. ...et donner un contenu à l'accession sociale à la petite propriété. C'est tout le sens du grand plan pour la cohésion sociale que Jean-Louis Borloo présentera avant l'été : utiliser tous les outils, faire jouer tous les leviers, mobiliser toutes les énergies, non à coups de subventions budgétaires, mais avec des dispositifs innovants. Voilà comment nous rétablirons l'égalité des chances dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Philippe de Villiers, député non inscrit.

M. Philippe de Villiers. Monsieur le Premier ministre, je n'ai pas été satisfait par la réponse de M. Barnier à la question de M. Rudy Salles. C'est pourquoi, je souhaite que ce soit bien vous qui me répondiez et non M. Sarkozy (Murmures sur divers bancs), dont le talent est toutefois immense.

Le processus d'entrée de la Turquie dans l'Union européenne a été enclenché en décembre 1999, au Conseil européen d'Helsinki, par Jacques Chirac et Lionel Jospin, en conférant à la Turquie le statut d'Etat candidat. Ce processus de négociations sera poursuivi, nous dit-on, en octobre, avec une recommandation de la Commission puis une décision du Conseil européen qui fixera la date d'ouverture des négociations. Après, les choses seront irréversibles.

Je voudrais me faire le porte-parole de très nombreux Français qui considèrent que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est un non-sens géopolitique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, je vous poserai trois questions.

Premièrement, est-ce sur la consigne personnelle du Président de la République que les députés européens de l'UMP ont voté le 11 mars dernier pour que la langue turque soit acceptée comme langue officielle de l'Union européenne ?

Deuxièmement, M. Michel Barnier, votre commissaire européen aux affaires étrangères (Murmures sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)... C'est un lapsus ?

M. le président. Poursuivez, monsieur de Villiers ! On sait que vous ne faites pas souvent des lapsus...

M. Philippe de Villiers. Ça doit être un lapsus.

M. Barnier, le ministre des affaires étrangères du gouvernement de la France, a déclaré le 26 novembre 2002 : « Pour la Turquie, une promesse a été faite. Elle peut devenir un pont entre l'immense continent asiatique et l'Europe. Voilà pourquoi je suis favorable à une adhésion future de la Turquie ».

M. Jacques Floch. Très bien !

M. Philippe de Villiers. Troisièmement, il semble, et ce point de vue est partagé par nombre de Français, que ce sujet grave doive être tranché par le peuple français consulté par référendum. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous favorable à ce référendum ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, tout en ayant beaucoup de respect pour votre fonction et pour votre personne, je n'ai pas trouvé correct votre faux lapsus. Ce n'est pas convenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si vous voulez que nous discutions sérieusement, franchement, sans artifice, de cette question qui le mérite, je vous demande de me respecter dans ma fonction de ministre français des affaires étrangères.

Premièrement, les langues officielles de l'Union européenne sont celles des quinze pays membres et seront demain celles des Vingt-cinq et seulement celles-là.

Deuxièmement, je rappellerai l'histoire et l'actualité. Le processus d'une éventuelle adhésion de la Turquie ne date pas de 1999, mais a été confirmé en 1999 au cours d'un Conseil européen auquel ont participé le Président de la République et le premier ministre de l'époque, Lionel Jospin. Ce processus a été engagé en 1963 et j'ai dit tout à l'heure, en faisant attention à ce que je disais, que les deux chefs d'Etat des deux principaux pays de l'Union étaient à l'époque le général de Gaulle et le chancelier chrétien-démocrate allemand Konrad Adenauer. Déjà à cette époque ces hommes d'Etat européens pensaient à autre chose qu'aux seuls intérêts nationaux et ne regardaient pas derrière eux. Ils ne vivaient pas tournés vers le xixe ou le xviiie siècle, mais tenaient compte de la géopolitique, mot que vous avez employé

M. Maurice Leroy. N'oubliez pas la géographie !

M. le ministre des affaires étrangères. Ce n'est donc pas par hasard qu'ils ont voulu engager un dialogue avec ce grand pays qui est à la charnière, en effet, entre deux continents. Depuis 1963, cette perspective n'a jamais été interrompue.

Je confirme qu'il n'est pas question d'une entrée de la Turquie à moyen ou à court terme dans les circonstances actuelles. Les critères sont connus. Quand on veut adhérer à l'Union européenne, il faut respecter un cahier des charges extrêmement précis qui touche à la fois aux conditions politiques - droits de l'homme, démocratie - et aux conditions économiques et sociales. Pour l'instant, je constate que la Turquie ne respecte pas ce cahier des charges, même si elle s'y prépare.

M. Jean Dionis du Séjour. Un référendum !

M. le ministre des affaires étrangères. Il reviendra à la Commission, comme c'est son rôle, de proposer d'engager des négociations d'adhésion. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Monsieur de Villiers, quand vous dites, comme vous allez le répéter dans les prochaines semaines, que la Turquie entrera dans l'Union européenne demain ou après-demain, ce n'est pas la vérité.

M. Philippe de Villiers. Un référendum !

M. le ministre des affaires étrangères. Je vous recommande d'aborder ce débat en ayant le souci de la vérité et de la sincérité. C'est en tout cas de cette manière que je suis prêt à débattre avec vous et avec tous ceux qui le voudront. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Au titre de l'article 58 alinéa 1er.

Monsieur le président, rarement Premier ministre ne se sera déjugé avec une telle désinvolture. Dans son discours de politique générale, il y a deux jours, M. Raffarin promettait le dialogue, l'écoute, la négociation. Il en appelait même à l'union nationale sur les réformes d'intérêt général. Nous l'avons pris au mot et lui avons demandé de suspendre l'adoption du texte portant transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales, en attendant notamment la table ronde avec les nouveaux présidents de région et l'examen du projet de loi organique sur le volet financier de la réforme. Or, ce matin, en conférence des présidents, nous avons appris la réponse du Premier ministre. Elle est simple : il impose sans discussion le vote de son projet la semaine prochaine. Les promesses de Raffarin III, il faut malheureusement le constater, c'est trois fois rien !

M. Hervé de Charette. C'est un mauvais jeu de mots !

M. Jean-Marc Ayrault. Pitoyable provocation ! M. Raffarin s'assoit sur le vote des électeurs qui ont donné à la gauche une victoire massive dans vingt-trois des vingt-cinq régions de notre pays. Il fait passer à la va-vite un projet de loi dépourvu de toute garantie financière pour les collectivités et qui est à ce titre contesté par tous, jusque sur les bancs de sa majorité, comme l'atteste la dernière réunion de groupe UMP dont nous avons eu des échos, y compris au sein de la conférence des présidents. M. Raffarin gouverne seul contre tous !

Il s'agit là d'une véritable fuite en avant, ahurissante et gravissime pour le fonctionnement de nos institutions ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il traduit le mépris de M. Raffarin pour le suffrage universel mais aussi pour les droits de l'opposition. Il contredit la volonté affichée dans son texte d'affranchir les collectivités de la tutelle de l'Etat. Il impose par la force une décentralisation bâclée et inégalitaire qui va placer les collectivités locales devant le dilemme impossible de renoncer à leurs compétences ou d'augmenter la pression fiscale sur leurs administrés. Il conduit à une véritable fracture entre l'Etat et les collectivités locales, mais aussi les citoyens.

Le respect de la volonté exprimée le 28 mars par le peuple français commande de surseoir à l'adoption du texte. Il est encore temps de nous écouter ! Respecter cette volonté oblige en tout cas à ouvrir un véritable dialogue avec les nouvelles majorités régionales mais aussi avec le Parlement sur les compétences et les financements octroyés aux collectivités locales. Tant que ces conditions ne seront pas remplies, le dialogue nécessaire entre le Gouvernement et les nouveaux exécutifs régionaux ou départementaux sera quasiment rendu impossible. En tout cas, les socialistes ne veulent pas se prêter à une mascarade.

Un dernier point, monsieur le président, sur lequel j'insiste avec solennité et en pesant mes mots. Je demande que l'opposition soit respectée. François Hollande l'a dit dans son intervention lundi après-midi mais j'ai l'impression que vous n'écoutez plus. Quoi que nous fassions, quoi que dise le peuple français, vous ne nous respectez pas !

M. Jean-Michel Fourgous. C'est vous qui étiez irrespectueux il y a une demi-heure !

M. Jean-Marc Ayrault. Une fois de plus, nous avons assisté aux insultes du ministre de l'intérieur devenu ministre des finances. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous demandons au Premier ministre de le calmer un peu et, surtout, de l'empêcher de continuer d'asséner des contrevérités et des mensonges. Nous vous demandons simplement, si vous voulez que le climat dans cet hémicycle soit digne...

M. Jean-Michel Fourgous. C'est vous qui étiez indignes il y a une demi-heure !

M. le président. Monsieur Fourgous !

M. Jean-Marc Ayrault. ...de ceux que nous représentons tous ici, de répondre à nos questions. Quand nous demandons si vous êtes pour un audit des finances publiques, y a-t-il vraiment de quoi s'énerver, comme l'a fait le ministre des finances ? Qu'y a-t-il d'insultant à solliciter une réponse ? Nous demandons, au nom de tous ceux que nous représentons, vous comme nous, que la démocratie fonctionne dans cette assemblée et que l'opposition soit respectée pleinement dans ses prérogatives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, nous avons appris ce matin, à la conférence des présidents, que le vote sur le projet de décentralisation n'était reporté que de huit jours !

La laborieuse contrition du Président de la République et du Premier ministre à l'issue des calamiteuses élections régionales et cantonales...

M. François Hollande. Pour la droite seulement ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Brunhes. ...a fait long feu. Ce n'est pas seulement aberrant après les discours qu'ils ont prononcés, c'est aussi un symbole fort - or, en politique, les symboles comptent - de la volonté du Gouvernement de poursuivre dans la voie qui a été sanctionnée dans les urnes ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est, je l'ai dit ce matin en conférence des présidents, un véritable coup de force politique qu'aucune argutie de procédure ne peut justifier. Le Gouvernement étant maître de l'ordre du jour, il peut retirer ce vote quand il le veut. Sa décision est cynique et délibérée. Elle témoigne d'un mépris inquiétant à l'égard des électeurs...

M. Pascal Terrasse. C'est vrai ! Ils sont méprisants.

M. Jacques Brunhes. Le Gouvernement qui, en quelques jours, a déjà perdu toute crédibilité témoigne de sa volonté de poursuivre comme si de rien n'était. Je le dis solennellement, c'est préoccupant pour le pays, pour la démocratie, et même, monsieur le président, pour la vie parlementaire !

Que le Gouvernement fasse preuve d'un peu de bon sens, monsieur le ministre délégué aux relations du travail ! Qu'il laisse du temps pour le dialogue, pour la concertation et le débat ! Qu'il retire de l'ordre du jour de la semaine prochaine le vote sur la loi dite de décentralisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Permettez-moi de dire deux mots, monsieur Ayrault, monsieur Brunhes, même si je ne suis pas membre du Gouvernement.

M. Michel Delebarre. Je sens que c'est pour bientôt ! (Rires.)

M. le président. Vous savez ce que je pense...

M. Michel Delebarre. Du Gouvernement ?

M. le président. ...de ce texte. Mais la question a été discutée longuement ce matin, lors de la conférence des présidents.

D'abord, je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Ayrault et monsieur Brunhes, qu'on ne respecte pas l'opposition. Dans cette enceinte, je fais le maximum pour que vous puissiez vous exprimer et je continuerai à le faire.

M. Jean Glavany. Ce n'est pas vous qui êtes en cause !

M. Michel Delebarre. Vous êtes notre dernier rempart !

M. le président. Je préfère le rappeler.

Ensuite, s'agissant de l'ordre du jour prioritaire, c'est le Gouvernement qui décide. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ai pris acte de vos rappels au règlement. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ? ...Non.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je voudrais dissiper un malentendu. C'est au Premier ministre et aux membres du Gouvernement que ma demande s'adressait. On a encore vu cet après-midi la manière dont l'opposition était traitée. Il est hors de question de mettre en cause la présidence de l'Assemblée que vous exercez, tout le monde le sait, avec une impartialité que je salue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je tenais à vous le dire.

Cela étant, compte tenu des questions que mon collègue Brunhes et moi-même avons posées, je ne peux pas comprendre que le Gouvernement ne réponde pas. C'est une question grave, une question de confiance. Je vous demande donc, monsieur le président, une suspension de séance, le temps nécessaire pour que le Premier ministre vienne s'expliquer devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. -Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Ayrault, j'ai l'intention d'informer personnellement le Premier ministre de ces deux rappels au règlement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour un quart d'heure.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Comme je vous l'ai indiqué avant la suspension de séance, j'ai informé le Gouvernement de la teneur des rappels au règlement de M. Ayrault et de M. Brunhes.

Vous comprendrez aisément que je ne puis, en l'état, que confirmer les indications que je vous ai précédemment données sur les prérogatives du Gouvernement en matière de fixation de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je ne peux faire aucun autre commentaire.

M. André Vallini. C'est dommage !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, si je vous ai bien compris, ni le ministre présent en séance, ni le Premier ministre, ni le ministre des relations avec le Parlement ne veulent répondre aux questions que nous avons posées. Elles demeurent néanmoins. Je prends acte de ce refus de s'expliquer devant la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je suis obligé de le constater. Je le regrette. Ce refus, je le répète, n'ôtera rien à notre détermination à faire respecter l'expression des Français, que nous défendons ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen. Tout de même !

    3

FORMATION PROFESSIONNELLE ET DIALOGUE SOCIAL

Explications de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (n° 1457).

La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, auquel je souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Catherine Génisson. Pas nous !

M. le président. Il pourra constater que l'ambiance n'y est pas la même qu'au Sénat.

M. Alain Néri et M. Michel Delebarre. Ça le réveillera.

M. Henri Emmanuelli. Avez-vous une réponse à nous donner, monsieur le ministre ?

M. le président. Monsieur Emmanuelli, seul le ministre a la parole.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil. J'ai pris note des deux rappels au règlement et je transmettrai naturellement au Premier ministre les observations que j'ai entendues.

M. Alain Néri. Et naturellement, vous n'avez pas de réponse !

(M. Rudy Salles remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de rappeler, au moment où vous allez adopter, du moins je l'espère, ...

M. Henri Emmanuelli. Il n'y a pas grand risque !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ... un texte qui doit contribuer au renouveau du dialogue social et de la négociation collective dans notre pays, qu'il répond aux engagements pris par le Président de la République.

M. Henri Emmanuelli et M. Julien Dray. Lesquels ? Ils changent sans cesse !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ce texte permettra, ce qui est essentiel, le développement de la formation tout au long de la vie.

M. Julien Dray. Jacques Chirac devrait se l'appliquer à lui-même !

Mme Maryse Joissains-Masini. Vous n'avez aucun respect pour le Président de la République.

M. le ministre délégué aux relations du travail. J'insiste bien : la formation tout au long de la vie.

Mesdames et messieurs les députés, vous comprendrez que j'ai, en cet instant, une pensée pour François Fillon qui a effectué un travail remarquable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Julien Dray. Ayons une pensée émue pour les Pays de la Loire.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ce projet, porté par lui, constitue en effet une étape décisive après des années de conservatisme et de blocage devant tout changement des règles de la négociation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre et M. Gilbert Biessy. Au profit de qui ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. De colloque en colloque, chacun, quelle que soit sa sensibilité, s'accordait à reconnaître que l'évolution était indispensable. C'est néanmoins le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin...

M. Alain Néri. Lequel ? Le I, le II ou le III ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. ... qui a pris l'initiative de faire bouger les choses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, l'a rappelé : il s'agit de consolider notre pacte social.

M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai.

M. Gilbert Biessy. Vous n'osez pas dire la vérité !

Mme Maryse Joissains-Masini. Mais si !

M. le ministre délégué aux relations du travail. J'aurai l'occasion de remercier le rapporteur dans quelques instants. J'ai pris connaissance de ses travaux.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Oui, ce texte, mesdames et messieurs les députés, s'inscrit dans une démarche qui vise à consolider et à renforcer la démocratie sociale dans notre pays.

M. Jacques Desallangre. Comment osez-vous dire une chose pareille !

Mme Maryse Joissains-Masini. Nous faisons ce que vous n'avez pas su faire.

M. le ministre délégué aux relations du travail. En instaurant le principe de l'accord majoritaire et en renforçant le degré d'autonomie des différents niveaux de négociation, nous donnons aux partenaires sociaux une légitimité et un rôle accrus. Nous leur faisons confiance pour assumer leurs responsabilités à tous les niveaux de la négociation.

M. Jean Glavany. Les Français, eux, ne vous font plus confiance.

M. Maxime Gremetz. M. Larcher aurait-il perdu son train de sénateur ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Pour autant, mesdames et messieurs les députés, nous ne remettons pas en cause le rôle de la loi et la prééminence de la démocratie politique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. C'est l'effet du résultat des élections régionales ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Certains, je le sais pour avoir relu les débats, ont critiqué les propositions du Gouvernement, oubliant sans doute qu'elles s'appuyaient sur la position commune signée en juillet 2001.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Profonde erreur !

M. Henri Emmanuelli. C'est faux.

M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous en sommes tenus à l'équilibre retenu par les partenaires sociaux eux-mêmes. (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. C'est faux !

M. Jean Glavany. Et la fracture sociale ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est également la raison pour laquelle ce texte est une étape nécessaire pour ouvrir la voie non seulement à une évolution des relations collectives dans notre pays, mais également à la reconnaissance de l'accord majoritaire, sans pour autant corseter les sensibilités des représentations sociales dans toute leur diversité.

M. Henri Emmanuelli. Ah, voilà !

M. le ministre délégué aux relations du travail. J'en viens à la formation tout au long de la vie. Il n'est pas facile pour le législateur de transcrire un accord des partenaires sociaux. Le texte qui est soumis à votre vote s'est attaché à suivre la lettre de l'accord interprofessionnel.

Mme Élisabeth Guigou, M. Henri Emmanuelli et Mme Martine Billard. C'est faux !

M. Maxime Gremetz. Que faites-vous des dérogations ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ce qui n'a pas empêché le Parlement d'y apporter des améliorations utiles, ou les précisions nécessaires.

M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai.

Mme Maryse Joissains-Masini. Si !

M. Jean-Michel Fourgous. Vous le savez bien, monsieur Emmanuelli.

Mme Maryse Joissains-Masini. Quelle arrogance !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, le groupe socialiste pourra s'exprimer lors des explications de vote.

M. le ministre délégué aux relations du travail. La loi offrira à tous les salariés de nouvelles possibilités de formation. Elle leur reconnaît ce droit individuel. Mais le plus novateur et le plus intéressant est que ce droit individuel sera régulé de façon collective, par le biais d'accord de branches ou d'entreprises ou par celui de la consultation du comité d'entreprise.

La refonte du dispositif de formation en alternance et sa simplification doivent offrir de nouvelles possibilités aux jeunes. Parallèlement les salariés, en seconde partie de carrière, pourront également bénéficier de périodes de professionnalisation.

Cette loi constitue un ensemble : c'est, en quelque sorte, une boîte à outils qui est donnée aux entreprises, aux jeunes et aux salariés pour développer la formation professionnelle, qui est la meilleure assurance contre le chômage. Elle veille donc à assurer la cohésion sociale dont, hier, ici même, Jean-Louis Borloo a rappelé la nécessité.

M. Jean-Marc Ayrault. Pourquoi n'est-il pas ici ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je conclurai en reprenant à mon compte les mots utilisés par François Fillon devant vous en janvier dernier.

M. Henri Emmanuelli. Vous parlez du président des Pays de la Loire ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. « Rien ne peut, mesdames et messieurs les députés, réduire la portée d'une idée simple et forte : après des décennies de statu quo et d'hésitations, la rénovation de notre démocratie sociale est désormais en marche. »

Je peux vous assurer que c'est bien cette rénovation de la démocratie sociale et du dialogue social que nous entendons poursuivre dans les semaines à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première partie du projet de loi visant à la transposition législative de l'accord sur la formation professionnelle, signé par toutes les organisations syndicales, aurait mérité de recevoir l'approbation unanime de l'Assemblée nationale.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !

M. Alain Vidalies. Mais, en raison d'une médiocre manœuvre politicienne, vous avez décidé de vous servir de cet accord comme d'un leurre visant à camoufler l'un des plus mauvais coups portés à notre législation sociale.

Vous prétendez nous présenter un texte sur le dialogue social alors qu'il suscite l'hostilité déterminée de toutes les organisations syndicales.

M. Jean Glavany. C'est exact !

M. Alain Vidalies. Ainsi, la CGC parle d'une loi scélérate, FO d'une loi de régression sociale, la CFDT d'une mesure libérale, la CGT d'une perspective scandaleuse et la CFTC d'un cataclysme.

M. Henri Emmanuelli. Vous avez oublié de le dire, monsieur le ministre !

M. Jean Glavany. Bonjour la cohésion sociale !

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, il n'y a plus que vous pour invoquer l'accord de l'ensemble des organisations syndicales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vos propositions sur la réforme du dialogue social paraissent bien dérisoires au regard de l'abandon du principe de faveur, de la remise en cause de la hiérarchie des normes entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche et de l'extension de toutes les dérogations au niveau de l'entreprise.

Vous n'avez même pas tenu compte des demandes de l'Union professionnelle artisanale et de la CAPEB - Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment -, qui représentent pourtant 800 000 entreprises artisanales et qui se sont opposées à la remise en cause de la prééminence de la branche professionnelle.

Dans quelques mois, voire quelques semaines seulement, les Françaises et les Français seront confrontés aux conséquences pratiques du texte qui est voté aujourd'hui.

Ils s'apercevront alors qu'il sera possible de remettre en cause le paiement du treizième mois ou de telle indemnité particulière sans que l'accord de branche, comme aujourd'hui, les protège contre un chantage au licenciement permettant la signature d'un accord d'entreprise dérogatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Élisabeth Guigou. Voilà la vérité !

M. Henri Emmanuelli. Elle fait sourire le ministre !

M. Alain Vidalies. Ils s'apercevront alors que les règles de la concurrence, dans une même branche professionnelle, seront en permanence faussées par la pratique du moins-disant social qui obligera toutes les entreprises à s'aligner par le bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ils s'apercevront alors que vous avez ajouté, après la consultation des organisations syndicales, une disposition supplémentaire permettant des dérogations au code du travail au niveau de l'entreprise, alors que, jusqu'à présent, cette possibilité était limitée à un accord de branche. Il s'agit pourtant de domaines essentiels, tels que les conditions d'utilisation de l'emploi précaire ou les modalités de calcul du temps de travail.

Comme cela s'est déjà produit pour la réforme de l'allocation de solidarité spécifique ou pour la modification des durées d'indemnisation des chômeurs, vous aurez, demain, rendez-vous avec les millions de Français victimes du vote d'aujourd'hui.

Enfin, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas prétendre que, sur la question de la démocratie sociale, ce projet de loi marque une véritable avancée, alors qu'en refusant l'organisation d'une véritable élection de représentativité, vous avez dans le même temps renoncé à l'application du principe majoritaire.

Dès lors, votre texte s'inscrit davantage dans la généralisation du droit d'opposition, c'est-à-dire d'une démarche négative, que dans la valorisation de la volonté majoritaire des salariés.

Je veux rappeler ici que les socialistes sont favorables à l'organisation d'une élection de représentativité et à l'application de l'accord majoritaire à tous les niveaux.

Le Président de la République et le Premier ministre ont fait semblant d'exprimer à nouveau une préoccupation sociale à la suite de la sanction électorale du 28 mars.

M. Jean Glavany. Tu parles !

M. Alain Vidalies. L'illusion n'aura duré que deux jours, puisque le premier vote sous ce nouveau gouvernement marquera au contraire une très grande continuité avec la politique que vous conduisez depuis deux ans et que les Français ont très largement rejetée.

Le message du vote d'aujourd'hui, c'est bien que, sur la question sociale, rien ne change et que les Français, ont beau manifester ou voter, ils ne sont, de toute façon, jamais entendus par cette majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Besson. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. II y a loin des mots à la réalité. Et c'est une sorte de provocation supplémentaire que d'inaugurer un ministère de la cohésion sociale par le vote d'une loi d'atomisation du droit du travail.

M. Pascal Terrasse. C'est une honte !

M. Jérôme Lambert. Exactement !

M. Alain Vidalies. Sur cette question, comme sur toutes les autres, les Français comprendront bien vite qu'en dépit des engagements pris, il n'y a rien à attendre de la part d'un exécutif à bout de souffle.

M. Henri Emmanuelli. Mercenaires du MEDEF !

M. Alain Vidalies. Vous avez décidé de maintenir le cap de la régression sociale ; pour leur part, les socialistes maintiendront celui d'une opposition résolue, en votant contre le projet qui nous est soumis aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy. Ce n'est pas un scoop !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, au terme de notre débat sur le projet de loi relatif au dialogue social et à la formation professionnelle, le groupe UDF reste doublement inquiet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) : d'abord, parce que l'avancée sociale incontestable que représente le droit individuel à la formation risque d'être effacée par les interrogations liées à la mise en œuvre du contrat de professionnalisation ; ensuite, parce le droit à la dérogation, s'il est mal encadré, pourrait bouleverser la hiérarchie des normes sociales.

Dans la ligne de l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003, ce texte reconnaît à chaque salarié un droit à la formation tout au long de sa vie professionnelle.

La formation reste la condition d'un projet professionnel réussi, et cette reconnaissance marque une étape considérable, tout à fait dans l'esprit du compte épargne temps formation, proposé par Hervé Morin et l'UDF, il y a deux ans.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Francis Vercamer. Pour autant, nous aurions aimé que les inquiétudes des professionnels de la formation, notamment quant aux volumes d'heures consacrées aux formations dans le cadre du contrat de professionnalisation, soient clairement levées. Ce n'est pas le cas actuellement, et nous le regrettons.

Au-delà des principes, force est de constater que le texte issu de la CMP apporte nombre d'améliorations qui méritent d'être soulignées : l'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans les négociations triennales sur la formation professionnelle, l'ouverture de l'apprentissage aux personnes handicapées âgées de 26 à 30 ans, l'inscription, parmi les objectifs de la formation professionnelle, du retour à l'emploi des personnes - en général des femmes - qui ont cessé de travailler pour s'occuper de leur famille, ou encore l'information des salariés en CDD sur leurs droits à formation.

Par ailleurs, le groupe UDF avait demandé des dispositions volontaristes en matière de transparence du financement de la formation professionnelle. De telles mesures ont été prises avec la création du Conseil national de la formation professionnelle, chargé de traiter de toutes les questions de formation et d'apprentissage. C'est une bonne chose.

En ce qui concerne le dialogue social, nous sommes globalement favorables au principe de l'accord majoritaire - pour autant qu'il ne porte pas atteinte au pluralisme syndical -, car nous pensons qu'il obligera les partenaires sociaux à privilégier la responsabilité.

En revanche, nous confirmons nos réserves quant à la possibilité de déroger par un accord de branche ou d'entreprise à une règle supérieure plus favorable. Cette disposition porte en germe un bouleversement de la hiérarchie des normes qui va fragiliser la situation des salariés et créer des distorsions de concurrence entre entreprises.

Nous regrettons enfin que l'examen de ce texte n'ait pas été l'occasion d'élever la négociation collective au rang d'échelle normative à part entière, comme le souhaitaient les partenaires sociaux. L'UDF pense qu'il est nécessaire d'inscrire le droit à la négociation dans la Constitution, afin de préciser le rôle de l'Etat et d'asseoir la sphère d'autonomie des partenaires sociaux.

Si nous sommes sceptiques sur les modalités de relance du dialogue social, nous approuvons en revanche la partie du texte consacrée à la formation professionnelle, qui a fait l'objet d'améliorations sensibles en CMP. C'est donc son attachement à ce volet du projet de loi qui fonde le groupe UDF à approuver le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Vous jouez en cet instant, monsieur le ministre, le dernier acte d'une sinistre pièce, d'un bien mauvais goût pour les salariés de notre pays, et plus généralement pour notre développement social et économique.

En effet, le texte issu de la CMP et soutenu par votre diabolique tandem UMP-UDF est, sans surprise, fidèle aux engagements pris par le Premier ministre et le Président de la République à l'égard du MEDEF. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Si c'était à l'égard des gens, cela se saurait : ils vous auraient témoigné leur reconnaissance !

C'est bien à une loi attentatoire aux droits des salariés et à leur protection sociale que vous donnez naissance, dans le droit-fil de votre œuvre de régression sociale si sévèrement sanctionnée dimanche dernier.

Comme le dit le baron Seillière (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : « C'est formidable : nous avions un Sarkozy, Guillaume, vice-président du MEDEF ; aujourd'hui, nous en avons deux, avec Nicolas à l'économie et aux finances. Nous sommes les maîtres ! »

Cette loi se situe dans la continuité d'une politique de casse sociale que les Françaises et les Français vous ont pourtant demandé de stopper : acharnement contre les 35 heures, démolition du système des retraites, manipulation des chiffres du chômage avec la radiation de plus de 260 000 inscrits, diminution des allocations de chômage, instauration du RMA, réduction de l'AME, remise en cause des droits des intermittents du spectacle (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs), attaques et provocations à l'égard des chercheurs et du monde de l'éducation...

A cela viennent s'ajouter vos projets sur l'assouplissement des licenciements, préconisé par le rapport de Virville, la remise en cause de notre sécurité sociale et la suppression d'un jour férié - mesure que nous aurons à examiner très prochainement.

Vous vous dites tenants du dialogue social, mais vous vous posez en contre-exemples. C'est ainsi que votre projet relatif à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées fait l'unanimité contre lui, en raison d'une absence de concertation et d'un choix unilatéral. Même refus sans réserve pour le présent projet de loi, que seul le MEDEF approuve.

Pourtant, comme nous l'avons dit, nous aurions pu nous féliciter qu'un gouvernement s'engage à donner un nouveau souffle au dialogue social dans notre pays et à le moderniser vraiment.

M. Christian Cabal. C'est ce que nous avons fait !

M. Édouard Landrain. Vous avez toutes les raisons d'être content !

M. Maxime Gremetz. Malheureusement, votre tentative constitue une régression.

Aussi cette réforme reste-t-elle à faire, et notre proposition de loi posant le principe de l'accord majoritaire demeure d'actualité : vous vous êtes bornés, pour votre part, à généraliser le droit d'opposition. En réalité, votre réforme fourvoie le principe même de l'accord majoritaire et ouvre grand les vannes des accords dérogatoires, laissant ainsi la place à l'atomisation de notre code du travail. Non seulement vous autorisez que l'on revienne sur l'ensemble des accords existants, mais vous instituez une nouvelle règle : autant de droits que d'entreprises !

C'est un recul sans précédent, une réforme structurante gravissime pour notre pays et qui ouvre l'ère du moins-disant social.

La partie relative à la formation professionnelle ne saurait atténuer ces inquiétudes. Nous reconnaissons que l'équilibre qui a été trouvé correspond mieux à l'esprit et à la lettre de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, mais la représentation nationale aurait pu être autorisée à aller plus loin, afin que soit octroyé à chaque salarié un véritable plan de formation professionnelle tout au long de la vie ouvrant la porte à une authentique sécurité sociale professionnelle.

Par conséquent, nous voterons résolument contre ce projet dans son ensemble, car vous ne nous permettez pas de dissocier les deux réformes.

C'est à la lumière de ces nouvelles règles sociales, nous le savons bien, que se concluront les prochains accords collectifs sur les règles de licenciement, sur la durée du travail ou sur les risques professionnels, par exemple. Les salariés de ce pays doivent donc s'attendre à un présent douloureux.

Ce texte de régression sociale quasiment sans précédent doit être rejeté avec une vigueur égale à celle du coup qu'il porte au monde du travail. Nous en saisirons le Conseil Constitutionnel, ainsi que nous l'avons proposé à nos partenaires de gauche.

Une réforme moderne de la démocratie sociale reste à réaliser, donnant plus de droits aux salariés et à leurs représentants. C'était le sens de nos propositions, que nous continuerons à défendre.

Mes chers collègues, les 21 et 28 mars derniers, les salariés ont utilisé leur bulletin de vote comme un moyen d'action efficace. Aujourd'hui, nombre d'entre eux sont dans la rue.

M. Jean Marsaudon. C'est la révolution ?

M. Maxime Gremetz. Le mouvement syndical et social, encouragé par votre défaite, est déterminé à obtenir dans l'union et dans l'action l'arrêt de tous vos mauvais coups (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et l'adoption des réformes résolument progressistes qui sont si nécessaires pour le monde du travail et pour le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Delebarre. Très bien, président Gremetz !

M. le président. La parole est à M. Bernard Depierre, pour le groupe UMP.

M. Bernard Depierre. Oserai-je dire, monsieur le ministre, que le vote sur ce projet de loi arrive à point nommé ? Le texte, en effet, propose une nouvelle démarche politique. De fait, la négociation collective est à la fois nécessaire pour la France et attendue des Français.

M. Henri Emmanuelli. Attendue, c'est le mot !

M. Bernard Depierre. Le projet comprend deux grandes réformes, l'une relative à la formation professionnelle et l'autre à la rénovation des règles de la négociation collective.

Sur le premier point, le groupe UMP se félicite de l'avancée que constitue la formation tout au long de la vie, mesure directement et fidèlement inspirée de l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003. Face aux insuffisances du système de formation professionnelle actuel et au défi que représentent les évolutions tant démographiques qu'économiques, cette réforme pose les bases d'une véritable évolution culturelle qui doit transformer la logique des entreprises et des employés en matière de formation.

D'un côté, les entreprises ne doivent plus considérer la formation comme une obligation légale et une charge financière imposée par le législateur, mais comme un investissement dans la qualification des salariés. De l'autre, les employés ne doivent plus « subir » les formations qui leur sont proposées, mais bien comprendre qu'elles leur permettront de se reconvertir plus facilement.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté le principe d'une information annuelle obligatoire des salariés sur leurs droits acquis à formation - lesquels droits sont transférables lorsque le salarié change d'entreprise. Le Sénat a ensuite amélioré l'accès à la formation des mères de famille, des travailleurs confrontés à l'illettrisme et des personnes handicapées, et instauré un « titre formation » pour financer les frais supportés par l'employeur dans la mise en œuvre du droit individuel à la formation.

La création de ce droit facilitera la reconversion des salariés, améliorera la compétitivité de nos entreprises et permettra de remédier à la situation paradoxale qui veut qu'un si grand nombre de chômeurs ne parviennent pas à trouver du travail alors que beaucoup d'entreprises, de leur côté, recherchent en vain les salariés capables d'exercer les métiers dont elles ont besoin.

Monsieur le ministre, le Gouvernement s'était engagé à s'inspirer des propositions des partenaires sociaux : il a tenu sa promesse. Mais vous avez souhaité que cette consultation ne soit pas une simple démarche conjoncturelle. Aussi avez-vous décidé de l'inscrire dans les relations sociales de notre pays : c'est l'objet du deuxième volet de ce texte.

J'en rappelle rapidement les axes : modifier les règles de conclusion des accords collectifs afin d'en renforcer la légitimité ; offrir une plus grande autonomie au droit négocié ; favoriser le développement du dialogue social à tous les niveaux.

L'introduction de la règle de l'accord majoritaire pour la validation des accords conférera à ceux-ci une plus grande légitimité. Je rappelle, à cet égard, que le gouvernement socialiste n'a strictement rien fait dans ce domaine pendant cinq ans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ses représentants sont donc mal placés aujourd'hui pour nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Loin de constituer une remise en cause de notre édifice social, comme parfois l'opposition l'insinue, la possibilité de déroger par un accord d'entreprise aux accords de branche permettra de trouver des solutions grâce à la prise en compte directe des spécificités et des besoins de chaque entreprise.

M. Gilles Cocquempot. Allez donc !

M. Bernard Depierre. Bien entendu, cet assouplissement reste strictement encadré par la loi et par les contrats de travail.

A l'heure où tous les efforts sont tournés vers l'emploi, il faut se féliciter de l'amendement, adopté à l'initiative des députés du groupe UMP, qui prolonge de deux ans la possibilité pour les entreprises de moins de vingt salariés de n'imputer les heures travaillées sur le contingent d'heures supplémentaires qu'à partir de la trente-sixième heure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. C'est donc cela, pour vous, le progrès social ? Bravo !

M. Bernard Depierre. Il faut enfin saluer les dispositions introduites par le Sénat sur la participation et l'épargne salariale. Afin de ne pas entraver la diffusion des plans d'épargne entreprise, la commission mixte paritaire a préféré cependant limiter le champ de cette obligation aux seules entreprises dotées d'une représentation syndicale et salariale.

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.

M. Bernard Depierre. Pour le groupe UMP, ce projet constitue la première étape d'une démarche progressive pour développer la négociation collective. (« Aïe ! aïe ! aïe ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jérôme Lambert. La première étape, c'est le 28 mars ! Il y en aura d'autres après !

M. Bernard Depierre. Les partenaires sociaux devront s'approprier le nouveau dispositif et le faire vivre en prenant les responsabilités que la loi leur confie. Le statu quo aurait été la pire des politiques.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Depierre. Ouvrons-nous avec confiance à l'avenir, car c'est bien de confiance qu'il s'agit !

Par son vote, le groupe UMP encourage le Gouvernement...

M. Albert Facon. Il en a bien besoin !

M. Bernard Depierre. ...dans cette pratique renouvelée de la négociation collective et témoigne également de sa confiance dans la démocratie sociale et dans ses acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Je vous laisse quelques instants pour regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 502

              Nombre de suffrages exprimés 502

              Majorité absolue 252

        Pour l'adoption 339

        Contre 163

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-neuf heures.)

M. le président. La séance est reprise.

    4

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 15 avril inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte-rendu.

La conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux responsabilités locales, auraient lieu le mercredi 14 avril, après les questions au Gouvernement, l'orateur de chaque groupe disposant de dix minutes.

Elle a pris acte du retrait de l'ordre du jour de demain du projet autorisant la ratification de la décision du Conseil relative à une modification de l'article 10-2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.

    5

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la politique de santé publique (n°s 1364, 1473).

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, pouvions-nous souhaiter meilleur jour que la journée mondiale de la santé pour que la représentation nationale débatte de la politique de santé publique ?

Dans un monde troublé par la rapidité des évolutions économiques, sociales et politiques, nos concitoyens ont besoin de savoir que leur bien le plus précieux, leur santé, sera efficacement protégé. Mondialisation, délocalisations, terrorisme, phénomènes migratoires incontrôlés : l'actualité est lourde de menaces et d'inquiétudes. Pollution, morts violentes, risques climatiques, sida, asthme, cancer, dépression, légionellose : c'est la vie quotidienne de la population qui est atteinte. Déficit de l'assurance maladie, urgences hospitalières saturées, qualité des soins menacée, diminution du nombre de médecins, difficultés de recrutement des infirmières : nos compatriotes s'interrogent. Pourront-ils continuer d'être soignés ? Pourront-ils continuer d'être soulagés, accompagnés, alors que le vieillissement de la population crée de nouveaux besoins et que le progrès médical est de plus en plus coûteux ?

Il nous faut répondre à ces préoccupations de façon volontariste, claire, organisée. Notre pays fait un effort considérable pour la médecine, pour la santé : plus de 150 milliards d'euros, soit 10 % de la richesse produite, sont consacrés à soulager la souffrance, la maladie et les conséquences des accidents.

Depuis 1946, la République reconnaît à la santé une valeur constitutionnelle. Ainsi l'a voulu le mouvement issu de la Résistance, incarné par le général de Gaulle. « La nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et au vieux travailleur, la protection de la santé. » Ce principe est plus que jamais d'actualité. Il repose sur des valeurs qui font partie du patrimoine social de notre pays, du socle de notre vie commune, de notre identité nationale. Ces valeurs sont celles de la devise de la République ; mais elles impliquent aussi la solidarité sociale, l'accessibilité aux soins, le refus des discriminations. Ces valeurs, nous les partageons tous ici, j'en suis sûr.

Pourtant, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en dépit de ces valeurs, en dépit des efforts que la nation consent pour la protection de la santé, nous ne pouvons pas être satisfaits de la situation sanitaire de notre pays.

Bien sûr, nous devons garder raison : on est en meilleure santé en France et on y est mieux soigné que dans bien des pays de cette planète. Néanmoins regardons-y de plus près : si nous sommes bons en médecine curative et individuelle - quand nous sommes malades, nous allons chez le chirurgien et nous sommes bien soignés - mais nous ne sommes pas bons en médecine préventive et communautaire. C'est le sujet qui nous intéresse aujourd'hui : la santé publique.

Tans que nous ne mènerons pas une politique de santé publique au plus haut niveau de l'Etat, il n'y aura pas de culture de santé publique dans ce pays. Est-il normal que la surmortalité des hommes jeunes nous enlève sept années d'espérance de vie par rapport à la Suède ? Est-il acceptable qu'entre les ouvriers et les cadres le différentiel d'espérance de vie soit de six années et demie ? Pouvons-nous nous satisfaire d'un différentiel de six années d'espérance de vie entre le département le plus favorisé et le département le moins favorisé ? Que penser des écarts importants entre la métropole et l'outre-mer ? Comment accepter que le taux de prématurité soit plus élevé d'un quart chez les agriculteurs, commerçants et artisans par rapport à la moyenne nationale ? Allons-nous nous satisfaire de rester parmi les plus grands consommateurs d'alcool du monde ? Allons-nous tolérer qu'une proportion importante de notre jeunesse devienne obèse, qu'elle continue de mourir prématurément de cancers, de maladies cardio-vasculaires, de suicides - je pense en particulier aux adolescents - et d'accidents de la circulation ?

Comme citoyen et, peut-être davantage encore, comme médecin, ces constats me bouleversent. Comme ministre chargé de la santé et de la protection sociale, ils fondent ma motivation à agir avec une détermination absolue.

Comment faire vivre concrètement les principes auxquels nous tenons ? Une partie de la réponse tient, certes, dans la modernisation de nos hôpitaux, de notre médecine de ville et de notre assurance maladie. Cependant une autre partie de la réponse réside dans notre capacité à organiser la prévention, à maîtriser les risques au niveau de la population. Tel est l'objet du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Alors que l'on est bien soigné en France, la prévention organisée reste faible. L'exemple des programmes de dépistage du cancer illustre le constat désolant que je viens de faire : il n'y a pas suffisamment de culture de santé publique aujourd'hui.

Depuis la grande loi hygiéniste de 1902, notre système de santé a été organisé par strates successives : loi sur l'assurance maladie, loi hospitalière, loi de sécurité sanitaire, loi sur les droits des malades - qui est une bonne loi -, etc. La loi relative à la politique de santé publique vise non pas à bouleverser cette architecture, mais à lui donner plus de force et de cohérence. Elle va doter notre pays d'un cadre permettant d'organiser les programmes de dépistages et d'éducation pour la santé.

Je me souviens il y a dix ans, avenue de Ségur, avoir demandé aux chaînes publiques de développer l'éducation pour la santé. On a essayé, sur France 3, pendant quelques minutes, par-ci par-là, et puis plus rien. L'éducation pour la santé dans notre pays est vraiment, aujourd'hui encore, à l'état embryonnaire.

Ce texte permettra de doter notre pays d'un cadre de nature à permettre le développement des programmes de dépistage, de la santé environnementale, de la lutte contre les épidémies, de la prévention des conséquences de la violence sur la santé des personnes, à améliorer la qualité de vie des malades et, surtout, la réponse aux crises de sécurité sanitaire.

Il s'agit de s'organiser pour que l'ensemble de la population, y compris les personnes les plus fragiles au plan social, bénéficient des progrès de la science et de la médecine. Il faut aussi améliorer nos capacités d'anticipation en matière de risques sanitaires. Pour cela, ce projet définit un principe et présente une méthode.

Le principe est d'instituer l'Etat comme le garant de la santé publique. Cela ne signifie pas que l'on va étatiser le système de santé. Cela signifie seulement que l'on va développer la santé publique. Je comprends que certaines générations de médecins, dont certains siègent d'ailleurs dans cet hémicycle, n'aient pas la culture de la santé publique, car cela est nouveau.

L'Etat doit être le garant de la santé publique, ce qui veut dire qu'il sera le pilote de ce secteur. Cela passe par une clarification du rôle des acteurs, car, actuellement, entre l'Etat, les agences, les observatoires régionaux de santé, l'assurance maladie et les unions régionales des caisses d'assurance maladie, les collectivités, les établissements de santé, les ARH, les professionnels libéraux et leurs unions régionales des médecins libéraux, les entreprises, les associations, je ne sais pas qui fait quoi. En revanche je sais que, lorsqu'il y a une crise sanitaire, au journal télévisé du soir on montre du doigt l'Etat. Et que ce soit l'opposition qui devienne majorité, ou la majorité qui devienne opposition, sur tous les bancs de cette assemblée, le ministre de la santé, le Gouvernement et le Premier ministre, c'est-à-dire l'Etat, sont également montrés du doigt.

Puisqu'il en est ainsi, il faut que l'Etat développe une politique de santé publique, qu'il en soit le responsable et le pilote, pour qu'il y ait un pilote dans l'avion.

Quels en seront les objectifs ?

Le drame sanitaire et humain provoqué par la canicule de l'été dernier illustre jusqu'à la caricature les cloisonnements de notre système de santé entre les soins et la santé publique, entre le terrain et le niveau national, entre le médical et le social, entre les soins de ville et l'hôpital, etc. Pour prévenir les hyperthermies, les déshydratations, il faut être en mesure d'intervenir à domicile, dans les établissements de santé et médico-sociaux, dans les réseaux gériatriques, dans les lieux d'hébergement des personnes en perte d'autonomie. Cela n'est faisable qu'à une seule condition : avoir soigneusement préparé le rôle des intervenants, à savoir les pompiers, le SAMU, les urgentistes, les médecins, les infirmières, les pharmaciens, les travailleurs sociaux, les associations, la sécurité civile, les médias. Le rôle de chacun doit être défini avant la crise sanitaire et ce aux différents niveaux : national, régional, départemental, municipal.

Le 21 septembre 2001, à Toulouse, à dix heures quinze - Gérard Bapt s'en souviendra -, nous étions face à un drame sanitaire. Nous avons mesuré l'absence de réflexion de la part de l'Etat en amont, sans laquelle on ne peut efficacement parer au plus pressé. Les crises sanitaires environnementales ou industrielles, les épidémies sont des événements majeurs auxquels il faut se préparer.

Pour coordonner un ensemble aussi complexe, il est indispensable d'avoir un chef d'orchestre. Cela ne peut être que l'Etat dont la mission fondatrice est d'assurer la sécurité des personnes. Ne nous y trompons pas : un Etat garant n'est pas un Etat gérant qui aurait le monopole des actions de santé publique. Il revient, certes, à l'Etat d'impulser, de coordonner, d'animer, d'évaluer la politique de santé publique, mais celle-ci n'a de réelle chance de succès que si la mobilisation de tous les acteurs est totale et organisée. Ce qui manque le plus actuellement, c'est une organisation cohérente permettant une meilleure utilisation des ressources disponibles. Pour préparer notre pays à faire face à une pandémie grippale, comme nous y incite fermement l'Organisation mondiale de la santé, à prévenir la surmortalité des canicules, nul autre que l'Etat ne peut donner l'impulsion.

La méthode repose sur la définition d'objectifs de santé et la réalisation de programmes pour les atteindre. Pour que chaque acteur puisse situer son rôle, comprendre le sens de son action et juger de sa justesse, il doit pouvoir se référer à une série d'objectifs explicites.

Fixer au système de santé publique des objectifs sur cinq ans, telle est la grande innovation de ce projet. Je tiens, ici, à remercier mon prédécesseur, Jean-François Mattei, d'avoir élaboré ce premier grand projet de loi de santé publique car ce n'était pas évident. Il est pourtant essentiel de développer une politique de santé publique. S'il est probablement nécessaire d'apporter des améliorations à ce texte, le Gouvernement ne veut pas perdre une minute pour instaurer une telle politique. Il faut passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. La vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé. C'est cette correspondance entre les moyens et les résultats que nous souhaitons organiser.

Le projet de loi que je vous propose au nom du Gouvernement, présente quatre grandes caractéristiques.

D'abord, il clarifie les responsabilités en confiant un rôle premier à l'Etat en matière de santé publique.

Ensuite, il détermine cinq priorités claires : le cancer, l'amélioration de la santé environnementale, y compris la santé au travail, la prévention des conséquences sanitaires de la violence et des comportements à risques, une meilleure prise en charge des maladies rares, l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladie chronique.

Pour pouvoir périodiquement évaluer les progrès accomplis, des objectifs et des indicateurs sont annexés au texte de loi. En première lecture, certains, sur les bancs de cette assemblée, ont déploré que le rapport annexé comporte trop d'objectifs.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Ou pas assez !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pour ma part, j'aurais plutôt réduit le nombre d'objectifs parce que conduire une politique exige que l'on fasse des choix. Toutefois il est vrai aussi que, pour une première fois, on ne pouvait pas passer sous silence certains sujets majeurs.

Il faut surtout comprendre la logique : ces objectifs ne forment pas un programme d'action. Il s'agit d'un tableau de bord, d'un ensemble de traceurs dont le Gouvernement vous rendra compte dans cinq ans ; ils permettront à tous de juger des progrès accomplis et des améliorations à apporter. Les soixante-dix problèmes de santé retenus dans ce tableau de bord représentent la diversité des facteurs de risque et des pathologies présents dans notre population. Ils ne constituent pas pour autant, j'y insiste, des priorités.

La troisième caractéristique du texte est d'organiser l'action de santé publique au niveau régional sous l'autorité du préfet, qui aura la responsabilité du plan régional de santé publique. C'est, en effet, au niveau régional qu'il est pertinent d'organiser l'intervention des différents acteurs et de définir précisément les politiques à mener.

Enfin, le projet organise les indispensables partenariats pour que les acteurs de terrain trouvent une vraie place dans la mise en œuvre de programmes de santé efficaces. A côté de l'Etat, des agences et de l'assurance maladie, il existe une multitude de structures plus ou moins bien financées : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail. Il faut créer une synergie impliquant, si elles le souhaitent, les collectivités territoriales, faute de quoi nous continuerons de gaspiller nos ressources et nos compétences, et notre retard en matière de santé publique ne sera jamais rattrapé.

Sans revenir sur l'architecture générale du projet, qui n'a pas été modifiée par la discussion sénatoriale, je voudrais insister sur les outils concrets que ce texte va permettre de mobiliser.

D'abord - et cela me donne l'occasion de saluer l'école de Rennes et le travail remarquable qu'elle accomplit -, il prévoit la création d'une grande école de santé publique qui formera les professionnels dont les secteurs public et privé ont besoin.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne suis pas certain que le ministre des finances vous accordera les moyens de mettre en place une structure supplémentaire !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il appréciera !

Ensuite, la consultation périodique de prévention permettra d'offrir des services préventifs personnalisés à tous les âges de la vie. De nouvelles mesures sont prévues pour garantir la qualité des eaux d'alimentation, éradiquer le saturnisme et maîtriser le risque de légionellose, dont nous avons subi une des plus grandes épidémies jamais observées, laquelle a emporté treize personnes dans le Pas-de-Calais. D'autres dispositions améliorent la protection des droits des personnes participant à des recherches biomédicales et étendent la formation continue à tous les professionnels de santé.

Le Sénat a fait évoluer les cinq titres de ce projet de loi. Avant de vous en faire part, je veux, tout en rendant une nouvelle fois hommage au travail de mon prédécesseur, saluer celui du Parlement qui a permis de faire progresser ce projet. Je tiens à souligner votre contribution, notamment celle de votre commission des affaires sociales, qui a bénéficié de l'investissement personnel du président Dubernard, également rapporteur de ce projet de loi.

Le titre Ier est relatif à la politique de santé publique. Il définit son périmètre, clarifie les responsabilités, simplifie les instances qui y sont impliquées. Le Sénat a souhaité que figure explicitement dans ce texte la protection des populations fragilisées comme objectif prioritaire. C'est une bonne chose. Il a aussi prévu que la conférence régionale de santé élira son président et que les organismes d'assurance complémentaire y seront représentés. Il a, en outre, précisé que le conseil régional pourra définir des objectifs et des programmes de santé particuliers en lien avec ceux de l'Etat. Enfin, le mécanisme de représentation des associations d'usagers et de malades est précisé au travers d'une procédure d'agrément par une commission nationale pluraliste. Cette disposition a été définie après consultation de ces mêmes associations.

Je veux souligner ici solennellement l'importance que j'attache à la participation du monde associatif à la politique de santé publique. C'est un partenaire incontournable qui trouvera en moi un interlocuteur actif.

Le titre II concerne les outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Le Sénat a souhaité retirer de ses missions l'éducation thérapeutique. Nous en rediscuterons, de même que nous examinerons une proposition du sénateur Plasait qui donne enfin droit de cité à la politique de réduction des risques de transmission des maladies infectieuses chez les usagers de drogues. A mes yeux, il s'agit d'un grand progrès.

S'agissant des situations d'urgence sanitaire, le Sénat a apporté des précisions utiles, notamment en matière d'indemnisation. Le chapitre IV de ce titre introduit des précisions sur les modalités d'investissement et d'intervention des établissements de santé et médico-sociaux ou des groupements de coopération sanitaire.

Le titre III traite des plans de santé publique nationaux autour desquels s'organiseront les cinq priorités que le Gouvernement assigne à son action. C'est dans ce titre qu'il est fait référence aux indicateurs figurant dans le rapport annexé. Le Sénat en a ajouté quatre dont nous débattrons. Il a aussi souhaité restreindre la publicité pour des aliments pouvant nuire à la santé des jeunes. L'intention est louable, mais il faut revoir les modalités d'application envisagées. Cela vaut aussi pour les dispositions relatives à la publicité pour le tabac.

En ce qui concerne les bouilleurs de cru, le Sénat a renoncé à la prolongation pour cinq ans du régime fiscal dérogatoire.

M. François Vannson. Mais nous sommes là !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il me semble que la protection de la santé doit primer dans ce domaine. Ne diabolisons pas l'alcool mais ne le banalisons pas non plus.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous pouvez compter sur l'opposition, monsieur le ministre, et vous en aurez besoin !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le chapitre relatif à la santé environnementale a bénéficié de précisions techniques utiles. En particulier, le renforcement des mesures relatives aux rayonnements non ionisants et à la lutte contre la légionellose est bienvenu.

Les dispositions du titre IV ont trait à la recherche et à la formation en santé. La nécessité d'une école des hautes études en santé publique est comprise de tous et - je m'en félicite - ses missions ont été précisées. Par ailleurs, le projet de loi actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales, en lien avec la transposition de la directive de 2001 relative aux essais cliniques de médicaments. Cela est particulièrement attendu par les chercheurs et les industriels. Nous devons garantir les droits des personnes participant à ces recherches en favorisant les innovations dont bénéficieront ceux qui souffrent en silence. Je vous rappelle que le projet de loi remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre recherche sans et avec bénéfice individuel direct. C'est bien en termes de bilan bénéfice-risque qu'il faut raisonner dans tous les cas.

Il organise également la participation à la recherche des personnes en difficulté pour exprimer leur consentement. Le Sénat a précisé les modalités d'accès des associations au protocole, mais il conviendra de procéder à quelques ajustements.

En dernier lieu, ce titre simplifie le dispositif de formation médicale continue. En effet la formation médicale continue des médecins, comme d'ailleurs celle des autres professionnels de santé, est l'une des conditions du succès de la politique de qualité des soins et de l'évolution des pratiques médicales que je souhaite enraciner au cœur de notre système de santé.

Le titre V, enfin, comporte des dispositions diverses mais importantes relatives à l'exercice de la profession de sage-femme ainsi qu'aux modalités de leur formation. Le Sénat en a introduit certaines concernant les conseillers en génétique, qui seront amenés à rendre des services de plus en plus importants à mesure que la science progressera. Il a aussi adopté de nouvelles mesures relatives à l'indemnisation des affections iatrogènes et des contaminations par le VIH, à l'hémovigilance, au transport des personnes hospitalisées d'office, à l'exercice des pharmaciens d'officine et des techniciens de laboratoire. Il a, enfin, proposé de conduire des expérimentations dans le domaine des compétences des professionnels de santé, ce qui pourrait être une voie utile pour faire face à la pénurie prévisible des professions de santé, notamment en zone rurale.

Mesdames, messieurs les députés, notre pays a besoin de cette loi pour résoudre des problèmes concrets. Elle nous permettra de franchir une étape importante dans l'histoire quelque peu chaotique, il faut bien l'avouer, de la santé publique dans notre pays. Tous les cinq ans, vous aurez la possibilité de juger de la performance des programmes de santé au regard de l'état sanitaire de notre pays.

Ce texte garantit au pays que la protection, l'amélioration et la promotion de la santé sont au cœur des préoccupations du Gouvernement et constitueront le fil directeur de la réforme de l'assurance maladie. Il est impossible d'assurer la sauvegarde du système d'assurance maladie sans un pilotage de la santé publique au plus haut niveau de l'Etat. La seule solution pour la sauvegarder est de sans cesse accroître la qualité de notre système de santé et d'éviter les dérives et les abus. La seule solution, c'est de n'avoir qu'un souci : le malade, donc la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en guise d'introduction, permettez-moi de souhaiter la bienvenue au nouveau ministre de la santé et de la protection sociale : je sais qu'il a l'expérience, le courage et l'énergie nécessaires pour poursuivre les réformes dont notre système de santé a besoin. C'est ce qu'avait commencé à faire M. Mattei, auquel je veux aujourd'hui rendre hommage, en préparant ce projet de loi relatif à la politique de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je suis personnellement très attaché à ce projet. Il constitue en effet, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le premier texte législatif d'ensemble, depuis la loi de 1902, à aborder de manière cohérente et exclusive, dans une perspective pluriannuelle, le thème de la santé publique.

L'Assemblée nationale, vous l'avez également souligné, a tenu pleinement son rôle : elle a apporté au texte des améliorations significatives en ce qui concerne l'organisation tant nationale que régionale, notamment en réintroduisant la conférence nationale de santé et la conférence régionale. Elle a par ailleurs séparé, au sein du groupement régional de santé publique, les décideurs et les financeurs des opérateurs et des autres acteurs, qui trouvent toute leur place au sein de la conférence régionale de santé.

Ces modifications sont le résultat, je me dois de le rappeler, d'un travail intense de la commission, qui a procédé à un nombre extraordinairement élevé d'auditions. Je remercie tous les membres de la commission pour leur travail et, tout particulièrement, Mme Billard, M. Le Guen et M. Evin, dont la contribution constructive a été prise en compte.

Le présent projet de loi relatif à la politique de santé publique a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 14 octobre 2003. Il a ensuite été transmis au Sénat, qui l'a voté le 19 janvier dernier.

Sur les 125 articles du projet, 102 restent en discussion pour cette deuxième lecture par l'Assemblée nationale, soit quatre cinquièmes du texte.

Le Sénat a supprimé sept articles, dont le contrôle médical et de prévention pendant la scolarité, la mention dans la loi du comité national consultatif du cancer et des mesures de dépistage du cancer en faveur des populations les moins sensibles aux politiques de prévention, la demande d'un rapport sur l'opportunité de mentionner l'intoxication au plomb dans le carnet de santé et une disposition relative au transfert d'officines.

Le Sénat a, par ailleurs, modifié cinquante articles. Parmi les changements les plus significatifs, on peut citer : l'exclusion des entreprises funéraires des organismes tenus à l'obligation de signalement des menaces imminentes pour la santé de la population ; la prise en charge par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogène et des infections nosocomiales - l'ONIAM - de la réparation des dommages liés aux mesures prises en cas d'urgence sanitaire ; la possibilité pour les sociétés d'économie mixte locale - les SEML - dédiées à l'investissement sanitaire, d'intervenir auprès des établissements de santé privés ; l'introduction d'objectifs supplémentaires dans le rapport d'objectifs de santé publique annexé au projet ; l'inclusion des inspecteurs du travail dans les autorités chargées de faire respecter les dispositions de la loi Evin ; la réglementation de l'usage du titre de psychothérapeute ; la prise en compte, dans le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement, des effets sanitaires liés à l'environnement dans le milieu de travail ; l'amélioration des moyens d'accès de l'Institut national de veille sanitaire - l'INVS - aux informations sanitaires concernant les entreprises ; dans le cadre de la lutte contre le saturnisme, le rétablissement de l'incitation à la visite médicale en cas d'enquête environnementale positive ; la définition plus précise de la nature des travaux nécessaires pour supprimer le risque constaté de plomb et le renforcement de l'indépendance des professionnels qui réalisent un constat de risque d'exposition au plomb ; l'élargissement du public pouvant bénéficier des formations dispensées par l'Ecole des hautes études en santé publique ; en matière de recherche biomédicale, la limitation du droit de communication des protocoles aux demandes non abusives présentées par les associations agréées de malades et d'usagers ; la représentation du ministre chargé de l'enseignement supérieur au sein du comité de coordination de la formation médicale continue.

Le Sénat a introduit quarante-cinq articles additionnels, le plus souvent à l'initiative du Gouvernement. Beaucoup de ces ajouts n'ont pas un lien direct avec la santé publique et conduisent à un alourdissement du texte qui est un peu regrettable.

Les principaux articles additionnels portent les dispositions suivantes : mise en place de la procédure d'agrément des associations de malades et d'usagers du système de santé ; obligation pour les firmes pharmaceutiques de signaler à l'AFSSAPS les risques de rupture de stock sur un produit de santé ; réglementation relative à la publicité télévisuelle en faveur de produits alimentaires dans les programmes destinés à la jeunesse et étiquetage plus précis des produits alimentaires d'origine industrielle ; réglementation de la publicité en ligne pour le tabac, prohibition renforcée de la publicité et de la propagande pour le tabac ou une marque de produits de tabac et alourdissement des sanctions financières en cas d'infraction à la loi Evin ; suppression de dispositions favorables aux bouilleurs de cru ; institution du contrôle des valeurs limites d'exposition aux champs électromagnétiques et amélioration de l'information des maires sur l'installation des stations radioélectriques ; renforcement de la prévention et de la gestion du risque de prolifération de légionelles dans les tours aéroréfrigérantes, non soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement - vous y avez fait allusion, monsieur le ministre - ; ...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout à fait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, rapporteur. ...généralisation de l'obligation de formation continue à d'autres professionnels de santé ; modernisation du dispositif de formation pharmaceutique continue - souhaitée par la profession - ; accroissement des compétences des sages-femmes ; création de la profession de conseiller en génétique ; élargissement des compétences de l'ONIAM ; modernisation de la notion d'hémovigilance ; extension des actions du Fonds de promotion et d'information sur les médicaments en direction du grand public ; création d'une nouvelle section H au sein du Conseil de l'ordre des pharmaciens pour les praticiens hospitaliers ; assouplissement de l'interdiction de publicité auprès du public pour les médicaments faisant l'objet d'un déremboursement ; possibilité de transferts de compétences de professionnels médicaux au bénéfice d'auxiliaires médicaux ; prolongation de l'activité des praticiens hospitaliers au-delà de la limite d'âge.

Dans l'ensemble, la rédaction du projet issue des travaux du Sénat est apparue globalement satisfaisante aux membres de la commission. Cependant, outre des modifications d'ordre rédactionnel, la commission a adopté et accepté un certain nombre d'amendements dont les principaux sont les suivants.

L'un vise à recentrer les missions du Haut conseil de la santé publique sur la stratégie et la prospective, la gestion des crises étant assurée par les agences. C'est exactement ce que vous avez préconisé dans votre discours introductif, monsieur le ministre.

S'agissant du rapport d'objectifs de santé publique, la commission propose de revenir aux cent objectifs de santé publique mentionnés dans le projet initial. En effet, quel que soit leur intérêt, il convient d'éviter une inflation du nombre d'objectifs contenus dans le rapport annexé qui n'a pas, je le rappelle, de valeur juridique. Je sais néanmoins que la maîtrise de la progression de la résistance aux antibiotiques ou la réduction du contenu en sel des aliments sont des objectifs d'une particulière importance. La commission a trouvé une solution élégante au cours de la réunion qu'elle a tenue en application de l'article 88.

Elle propose, par ailleurs, de rétablir dans la loi la mention selon laquelle les mesures de dépistage du cancer devront comprendre un programme spécifique destiné aux populations les moins sensibles aux programmes prévus.

Un autre amendement vise à mentionner que la conduite des psychothérapies exige une formation théorique et pratique en psychopathologie ou une formation reconnue par les associations de psychanalystes. Cet amendement précise les conditions d'inscription sur la liste départementale ainsi que les catégories de psychologues dispensées d'inscription sur cette liste.

S'agissant des recherches biomédicales, plusieurs amendements ont été adoptés à l'initiative de Pierre-Louis Fagniez dont je tiens à saluer le travail.

La commission propose ainsi d'instituer une procédure d'appel, auprès d'un autre comité désigné par le ministre, pour les projets de recherche ayant reçu un avis défavorable du comité de protection des personnes. Il a par ailleurs été proposé de mieux encadrer les conditions de communication des protocoles de recherche aux associations de malades et d'usagers du système de recherche.

Enfin, la commission a souhaité faciliter la réalisation des recherches portant sur l'évaluation des soins courants qui doivent être mieux distingués de l'expérimentation des produits ou de thérapeutiques nouvelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

      M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

      Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1364, relatif à la politique de santé publique :

      M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1473).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot