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Première séance du mardi 13 avril 2004

193e séance de la session ordinaire 2003-2004


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PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

DÉBAT SUR UNE POLITIQUE DE GESTION DURABLE DES DÉCHETS MÉNAGERS ET ASSIMILÉS

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur une politique de gestion durable des déchets ménagers et assimilés.

L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe UMP, la parole est au premier orateur de ce groupe, M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. M. le ministre de l'écologie et du développement durable, mes chers collègues, les dix années qui viennent de s'écouler ont vu véritablement le renouveau de la politique française de gestion des déchets, avec deux textes essentiels qui ont rythmé cette décennie : tout d'abord, bien sûr, la loi du 13 juillet 1992, mais aussi la loi Barnier du 5 févier 1995.

Quelques chiffres illustrent cette véritable transformation de notre paysage au cours de ces dernières années.


Nous sommes tous ici compétents et spécialistes de ce domaine, mais il ne me paraît pas inutile de rappeler, par exemple, qu'en 1983, un Français sur mille triait ses déchets ménagers. A la fin de 2003, 92 % de nos concitoyens sont inscrits dans une démarche de collecte sélective et de tri.

Deuxième chiffre, le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et de la redevance a doublé entre 1990 et 2000, et il dépasse aujourd'hui les 3 milliards d'euros.

Troisième chiffre, les tonnages mis en décharge sont restés stables, et représentent aujourd'hui encore 50 % des ordures ménagères.

La situation est donc contrastée. C'est pourquoi, face à une question qui constitue pour les collectivités locales un véritable défi technique, financier, mais aussi culturel, le groupe UMP a souhaité que cette matinée soit consacrée à un débat sur ce thème. Ce débat se situe en complément des travaux qui ont été conduits par notre collègue Emile Blessig au titre de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'aménagement du territoire, comme de ceux qui viennent d'être rendus publics par l'instance d'évaluation du Plan et de ceux qui ont été conduits par le Conseil national des déchets. Je souhaite que ce débat contribue à la définition d'une politique novatrice dans ce domaine.

Mon propos sera articulé en deux points. Tout d'abord, l'analyse de la situation actuelle mérite d'être affinée par rapport à des incompréhensions ou des méconnaissances de la réalité.

Je vous propose ici quelques coups de projecteur. Les quantités de plastique utilisées pour les emballages ménagers ont été - et cela, on ne le sait pas assez - stabilisées depuis quelques années. Pour la première fois, en 2003, elles ont baissé, quand bien même le nombre unitaire d'emballages en plastique continue, lui, d'augmenter. Cela s'explique, par exemple, par le fait que les grandes bouteilles d'eau minérale en plastique, qui pesaient 50 grammes il y a quelques années, ne pèsent plus aujourd'hui que 25 grammes grâce à un effort de réduction à la source.

Autre exemple, le coût de gestion des ordures ménagères a certes augmenté, mais toute une série de normes environnementales imposent à présent une qualité du tri, une qualité de la mise en décharge. Je pense au décret du 9 septembre 1997. Je pense aux normes environnementales relatives au traitement des fumées de dioxine. C'est une réalité. Au 31 décembre 2005, ce sera une nécessité pour les NOx. Tout cela a un coût, dont la contrepartie est une meilleure qualité du tri. N'oublions pas non plus l'effet des 35 heures, qui se sont traduites, hélas, par une augmentation de 11 % du coût du tri dans nos usines de tri et de traitement des déchets ménagers.

Troisième exemple, les filières dédiées se sont progressivement organisées. Les pneumatiques ont fait l'objet d'un décret en décembre 2002, les VHU - véhicules hors d'usage - en août 2003, les produits phytosanitaires en octobre 2003. Nous attendons, monsieur le ministre, des décrets sur les fameux D3E, les déchets d'équipement électrique et électronique. La négociation est en cours, ainsi que la concertation entre l'Association des maires de France et votre ministère. Nous attendons également des décrets d'application relatifs aux COUNA. La loi de finances rectificative pour 2003 a défini les principes du financement de ces fameux courriers non adressés : 40 kilos par boîte et par an. Nous attendons aujourd'hui un décret d'application qui permettra l'entrée en vigueur de ce dispositif au 1er janvier 2005.

Quatrième point, grâce à l'ADEME, grâce aux professionnels des déchets - je pense en particulier à la FNADE, la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement - et aux organismes agréés comme Eco-Emballages, nous connaissons aujourd'hui les techniques pertinentes, nous savons ce qu'il faut faire et ne pas faire. Nous connaissons aussi le coût des filières. Dans ce registre, l'ADEME a effectué un travail considérable. Nous connaissons également les conditions d'association, de nécessaire adaptation des filières afin de permettre leur pertinence.

Mais vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens acceptent de moins en moins le traitement des déchets près de chez eux. Nous connaissions tous le fameux syndrome NIMBY, « Not in my backyard » : pas à côté de chez moi. Il y a maintenant le syndrome NIMEY, qui est moins connu mais qui est amusant, « Not in my election year » : pas au cours de mon année électorale. Il y a aussi le BANANA, « Build absolutely nothing anytime near anything » : ne construisez absolument rien qui soit près de quoi que ce soit, et à aucun moment. Ces syndromes se développent à un moment où le problème de la saturation de nos installations devient sévère : le rapport du Commissariat général au Plan, dans le cadre de l'instance d'évaluation, annonce cette saturation à l'horizon 2010.

Face à cela, quels sont les axes qui pourront permettre de donner un nouvel élan à la politique française des déchets ? Qu'ils appartiennent au groupe UMP ou à d'autres groupes, tous les orateurs inscrits, qui sont tous compétents et ont une expérience de terrain, évoqueront les points de réforme auxquels ils sont attachés. Pour ma part, je voudrais insister, en ce qui concerne le financement de la gestion des ordures ménagères, sur quatre points.

En premier lieu, il nous faut améliorer les outils de financement que sont la taxe et la redevance. Nous savons tous que la taxe est injuste, car sans le moindre rapport avec la quantité de déchets produits. Nous savons tous que la redevance est difficile à mettre en œuvre pour les zones urbaines et l'habitat collectif.

Il nous faut donc réformer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, en la recentrant sur les immeubles où sont produits les déchets. Il convient de supprimer les assujettissements à cette taxe qui sont incompréhensibles pour nos concitoyens, je pense aux garages, aux parkings, ou encore, pour les communes, aux châteaux d'eau. Il nous faut mixer l'assiette de la taxe avec des éléments variables, tels que le nombre d'habitants par foyer.

Il nous faut aussi associer dans la redevance, comme en matière d'impôt, une part fixe et une part variable, en fonction, là encore, du nombre d'habitants au sein de chaque foyer.

Il importe, et c'est mon deuxième point, de rendre plus de liberté aux communes pour le choix de l'outil de financement. Vous savez, monsieur le ministre, que les articles 84 et 85 de la loi Chevènement uniformisent l'outil de financement à l'intérieur du périmètre de l'organisme - le syndicat, par exemple - qui assure au moins la collecte. Cette uniformisation est factice : le taux peut être uniformisé, par exemple, pour la taxe alors que les bases ne le sont pas. Cette disposition a été mal appréhendée à l'époque. Et d'ailleurs, à cinq reprises, sous deux gouvernements différents, le report de sa généralisation a été décidé. Ne serait-il pas préférable, monsieur le ministre, de laisser à chaque collectivité locale, hors EPCI exerçant cette compétence, le libre choix entre la taxe, la redevance ou le budget général ?

En troisième lieu, il nous faut organiser la transparence de la gestion des ordures ménagères. Je crois que nous serons amenés, dans les années qui viennent, à prévoir un budget annexe, équilibré en dépenses et recettes, avec une notice déchet par ménage précisant le coût total du service, en ventilant la collecte, le traitement, l'usage des déchetteries, et en précisant l'impact des aides, celles de l'ADEME, celles du département, celles de la région, ainsi que l'impact des recettes que sont les ventes d'énergie, en cas de cogénération, ou de matériaux. Il nous faudra également préciser dans cette notice la contribution des sociétés agréées.

Il faut aussi assurer une meilleure diffusion du rapport du maire. Il est prévu auprès des conseils consultatifs des services publics locaux dans les villes de plus de 80 000 habitants. Il me paraîtrait légitime qu'il soit communiqué et débattu au sein des conseils de quartier prévus par la loi du 20 février 2002.

Il nous faut, et c'est mon dernier point, organiser un retour financier au profit des communes qui accueillent sur leur territoire une installation de traitement ou de stockage. C'est important, monsieur le ministre, parce que nous sommes à l'heure actuelle dans une situation de vide juridique. La loi Barnier avait prévu une aide de cinq francs par tonne pour ces communes. Or, au 1er juillet 2002, le dispositif a totalement disparu. Seule l'ADEME maintient une aide provisoire, pour les seules installations nouvelles. Les installations anciennes ont le sentiment d'avoir été grugées. Et si l'on veut combattre le syndrome NIMBY que j'évoquais tout à l'heure, il faut absolument assurer le retour au profit des communes d'accueil d'un financement qui contribue à compenser certains inconvénients. C'est la raison pour laquelle il serait nécessaire de retrouver un dispositif de financement qui intègre une péréquation sur l'ensemble du territoire national au profit des communes dont le territoire accueille des installations, à partir du moment où celles-ci sont aux normes, qu'il s'agisse de normes de stockage ou de normes de traitement, et à partir du moment où ces installations sont d'intérêt général.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des dix années qui viennent de s'écouler, nous avons construit un modèle français de gestion des ordures ménagères. Il est partenarial et non dual, comme le système allemand. Il met en synergie les collectivités locales et les partenaires industriels. Il est économe par rapport au système d'outre-Rhin. En fonction de l'évolution des produits, des pratiques, des techniques, il nous faut parvenir à sa nécessaire adaptation aux réalités de ce jour. C'est un défi que nous allons relever ensemble. C'est là l'ambition de notre assemblée. Et, ce matin, tous les intervenants, qui sont tous impliqués dans ce domaine, apporteront leur pierre à l'édifice afin de relever ce défi essentiel pour l'avenir de notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Launay. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gestion des déchets ménagers est au cœur de la problématique du développement durable. C'est aujourd'hui un enjeu majeur pour garantir aux générations présentes et futures un environnement de qualité. Je pense qu'il y a urgence à réagir. Nous sommes à la croisée des chemins. Incontestablement, depuis la loi du 13 juillet 1992, nous avons progressé dans la gestion des déchets ménagers. Leur collecte est désormais généralisée ; les décharges sauvages ont quasiment disparu ; le recyclage et le traitement biologique ont fortement progressé, même si les deux voies privilégiées de traitement des déchets demeurent la mise en décharge et l'incinération. Le développement des filières dédiées - je pense aux huiles usagées, aux déchets d'emballages ménagers et aux piles et accumulateurs usagés - constitue également une avancée incontestable. Tout cela est vrai. Mais ce n'est pas suffisant.

Car malgré ces améliorations, nous sommes loin d'avoir relevé le défi d'une gestion durable des déchets ménagers. Il y a urgence, je le répète, et il nous reste encore beaucoup à faire.

Tout d'abord, nous constatons l'échec de la réduction à la source : le Commissariat général au Plan vient de publier une étude qui fait ressortir une croissance continue du volume des déchets à collecter. Elle a été de l'ordre de 1,85 % par an - près de 2 % - entre 1993 et 2000. Et l'émission totale de déchets ménagers est estimée à plus de 450 kilos par habitant et par an.

Dans le même temps se pose la question de la pénurie des capacités de traitement. Toujours selon cette source, aux environs de 2010, les trois quarts des départements devraient être bloqués et conduits à rechercher des exutoires extérieurs de plus en plus éloignés pour leurs déchets.

A cet égard, il semble, et c'est un vrai problème, monsieur le ministre, que les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers n'aient pas su remplir correctement leur rôle, alors qu'ils auraient pu constituer un instrument utile et efficace pour mettre en place une programmation indispensable à moyen terme. Or, aujourd'hui, il est d'autant plus difficile de faire face à cette pénurie de capacités de traitement que la création de nouvelles installations est de plus en plus contestée par nos concitoyens, qui craignent pour leur environnement et pour leur santé. Si Michel Raison était là, il nous parlerait des centres d'enfouissement technique, et de la distance de ces centres par rapport aux habitations.


Enfin, nous nous heurtons à un véritable problème de financement du service public des déchets ménagers. M. Pélissard vient d'aborder le problème. Il est très compétent dans ce domaine et je salue l'action qu'il conduit.

Le premier enjeu consiste donc à faire face à la forte augmentation du coût de gestion des déchets ménagers - il n'y a donc pas que la méthode - qui a progressé de plus de 50 % de 1992 à 2001. Cela va-t-il continuer ? Cette progression est, en effet, supérieure à celle de la population, à celle de l'activité économique et à celle des quantités à collecter et à traiter. La gestion des déchets constitue aujourd'hui le deuxième poste de dépenses d'investissement en matière de protection de l'environnement. Cette évolution est liée à la croissance du volume de déchets à collecter et à traiter et aux investissements requis pour respecter l'échéance du 1er juillet 2002, date à laquelle ne pouvaient être théoriquement mis en décharge que les seuls « déchets ultimes ».

Le second enjeu consiste à clarifier et améliorer le mode de financement du service public des déchets ménagers. Profitons, monsieur le ministre, de l'élan des lois de décentralisation, donc des responsabilités nouvelles confiées aux collectivités territoriales, pour aborder et clarifier le problème du financement du service public des déchets ménagers qui se caractérise par la coexistence de plusieurs dispositifs qui nuisent à la clarté du système. Le financement par le budget général des communes est rarement utilisé. Le recouvrement de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est très coûteux pour les communes. Enfin, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est le plus souvent utilisée, mais son assiette, fondée sur le foncier bâti, est totalement déconnectée du volume de déchets produits par chaque ménage. M. Pélissard vient de l'expliquer. Cela doit-il continuer ainsi ?

M. François-Michel Gonnot et M. Franck Gilard. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous vous disons non, monsieur le ministre ! Il faut régler ce problème, car c'est totalement anormal.

Le mode de financement actuel est, en outre, difficile à concilier avec le recours croissant à des intercommunalités dans la collecte des ordures ménagères qui nécessite une harmonisation entre collectivités locales parfois délicate à mettre en œuvre. Voilà encore une autre difficulté à régler, et nous sommes un certain nombre à en avoir fait l'expérience. Dans un souci d'efficacité, le Gouvernement et le Parlement doivent donc passer à l'action pour prendre rapidement les mesures nécessaires afin que la gestion des déchets ménagers soit davantage tournée vers le développement durable - ce n'est pas le cas aujourd'hui - ce qui suppose de trouver les moyens d'avoir un service économiquement viable, équitablement financé dans un environnement préservé.

La première piste à privilégier consiste, selon moi, à promouvoir la prévention à la source, ce qui passe tout d'abord par l'information et l'éducation des Français. Chacun est responsable, les producteurs, comme les consommateurs. Les premiers doivent se tourner vers l'écoconception, en privilégiant, par exemple, les emballages recyclables. Les citoyens doivent devenir des « écocitoyens », conscients des conséquences de leurs choix de consommation. Nous devons nous donner les moyens de relever ce défi national. Il faut commencer à l'école, en sensibilisant les enfants. Des actions simples permettraient de progresser dans ce sens, dans une logique partenariale : les chambres de commerce et d'industrie et les fédérations professionnelles ont incontestablement un rôle de sensibilisation à jouer auprès des entreprises et notamment des plus petites ; la grande distribution pourrait promouvoir les produits les plus écologiques ; des démarches de certification permettraient d'informer plus complètement les consommateurs. Chacun doit y participer.

Le succès des filières dédiées doit aussi inciter a développer des démarches analogues dans d'autres domaines. Il est, à cet égard, extrêmement positif qu'ait été décidée la création de telles filières pour les pneumatiques usagés, les véhicules hors d'usage, ou encore les déchets des équipements électriques et électroniques. Il nous faut indiscutablement poursuivre dans cette voie.

Il me semble, par ailleurs, indispensable de ne pas commettre l'erreur de choisir un seul mode de traitement. Il faut évidemment promouvoir la valorisation des déchets ménagers, que ce soit par recyclage ou récupération d'énergie. Mais ces choix doivent être économiquement viables et l'on ne peut faire abstraction de leur coût qui aura à être supporté par les collectivités. Il faut donc se garder de tout choix idéologique en la matière.

Il faut aussi trouver un mode de financement équitable et incitatif. Plusieurs voies sont ouvertes : on pourrait adapter l'assiette de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour tenir compte à la fois du volume de déchets par ménage et de la capacité contributive de chacun. On peut également envisager d'encourager financièrement l'implantation d'installations de stockage ou de traitement afin d'en améliorer l'acceptation par les communes d'accueil. Je sais que c'est une voie délicate, puisque le Gouvernement a révisé le système d'aides de l'ADEME - vous l'avez évoqué, monsieur Pélissard - qui ne concerne plus, désormais, les investissements dans de nouvelles capacités de traitement. Mais, faute d'un système de financement adapté, la pénurie risque de s'aggraver. Les plans départementaux d'élimination des déchets doivent être réactivés. Je suis, comme vous, je le pense, monsieur le ministre, déçu par ce qui s'est passé. Ceux-ci doivent mieux intégrer les contraintes de moyen terme et les collectivités locales doivent davantage se les approprier. Sur ce point, le choix qui a été fait, dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, de confier leur élaboration non plus au préfet, mais aux conseils généraux, en y associant les collectivités qui exercent la compétence d'élimination et de traitement des déchets, va dans le bon sens.

Enfin, il nous faut réfléchir aux moyens d'améliorer l'acceptabilité des installations de stockage et d'élimination des déchets par les populations locales. Il est incontestable que les exemples d'incinérateurs ou d'installations non conformes, heureusement rares,...

M. Yves Cochet. Pas si rares !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...ont aggravé les réticences que l'on constate actuellement. Il faut être plus sévère dans ce cadre, car, malheureusement, ces contre-exemples créent des difficultés presque insurmontables. Il nous faut donc faire œuvre de pédagogie et de concertation, car un maire ne pourra jamais aller à rencontre des craintes de ses administrés. C'est un enjeu de démocratie locale. Des lieux de débat et d'information sont alors indispensables. Le fonctionnement des CLIS - comités locaux d'information et de suivi - auxquels participent les élus locaux n'est malheureusement pas satisfaisant, car trop opaque. Il faut donc les réformer, afin d'assurer la publicité des informations sur les installations de stockage et de traitement. Pourquoi ne pas y associer, par exemple, les exploitants et des représentants des riverains sur le modèle de ce qui existe dans le domaine aéroportuaire, comme le montre l'excellent rapport de M. François-Michel Gonnot dont il serait bon de nous inspirer lorsque nous aborderons la phase de la concertation et la consultation ? Cette mécanique plus transparente serait ainsi mieux acceptée. Il vous revient, monsieur le ministre, de nous y aider.

Nous sommes aujourd'hui au milieu du gué : la loi de 1992 a incontestablement permis de faire évoluer les mentalités, mais les enjeux sont pressants. A nous de savoir tirer profit des exigences croissantes de nos concitoyens en matière de développement durable pour forger une nouvelle politique de gestion des déchets ménagers. Equité et pérennité du financement, programmation à moyen terme, démocratie locale : c'est sur ces trois piliers que nous pourrons élaborer une politique pragmatique et ambitieuse. Cette politique est nécessaire. Je souhaite, monsieur le ministre, que ce débat contribue à la rendre encore plus compréhensible pour nos concitoyens et surtout pour le Gouvernement. Je me réjouis donc de l'initiative du groupe UMP d'organiser ce débat. Monsieur le ministre, vous êtes très crédible dans ce domaine. Votre longue expérience prouve que vous vous êtes déjà investi dans ce genre de réflexions. Nous attendons donc beaucoup de vous. Il y a urgence. Notre majorité, soucieuse du développement durable, doit faire preuve d'audace, mais aussi de pragmatisme et de fermeté pour mettre en œuvre cette politique nécessaire à l'élimination des déchets. Nous vous faisons donc confiance. Je souhaite que ce débat puisse rapidement se traduire par des mesures réglementaires et législatives qui devraient nous permettre très rapidement de rassurer les Français et les convaincre de notre détermination en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Gantier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire.

M. Émile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en novembre 2003, la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a rendu un rapport intitulé Déchets : état d'urgence. Analysant l'évolution de la question des déchets depuis la loi de 1992, elle y notait un certain nombre de progrès malheureusement neutralisés par la persistance de certains problèmes et l'apparition de difficultés nouvelles.

Les difficultés rencontrées et la limite des solutions actuelles peuvent être caractérisées par les phénomènes suivants.

Notons, en premier lieu, l'absence de maîtrise des déchets et l'augmentation persistance de la quantité de déchets produits. En effet, la croissance économique et le développement du niveau de vie s'accompagnent toujours, en France, d'une augmentation à un rythme comparable de la production de déchets, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays. Je prendrai l'exemple du département du Bas-Rhin dont je suis l'élu. Des chiffres récents me permettent, en effet, d'analyser précisément le phénomène. En 2002, la collecte annuelle par habitant est de 535 kilos, en hausse de 1,4 % par rapport à l'année précédente, le plan départemental d'élimination des déchets ménagers ne prévoyant qu'une augmentation de 0,35 % par an dans le même département. Il est également intéressant de noter que, selon les établissements publics communaux, les quantités collectées varient de 375 à 741 kilos par habitant.

Deuxième élément d'inquiétude qui a déjà été évoqué : le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères a progressé de 120 % entre 1990 et 2000 et son taux de 44 %. Nous savons tous qu'à l'heure actuelle, une des limites de l'action politique est la pression fiscale locale. Par conséquent, et je rejoins les propos des orateurs précédents, ce point doit impérativement être traité.

On observe, en troisième lieu, la saturation accélérée des capacités de traitement des centres techniques d'enfouissement et des centrales d'incinération. Nombre de départements connaîtront une saturation d'ici à 2010 et cinquante d'entre eux rencontreront dans moins de deux ans des difficultés majeures en matière de centres techniques d'enfouissement. Quelle réponse allons-nous apporter ?

Quatrième point : le syndrome NIMBY. Il a déjà été évoqué. Je n'y reviens pas.

Face à ces difficultés, les progrès réels en matière de maîtrise des déchets, de valorisation et de meilleure élimination sont neutralisés et le raisonnement linéaire selon lequel il faut plus de moyens financiers pour davantage d'efficacité a atteint ses limites.

Quelles sont les solutions que peut nous offrir ce débat ?

Pour notre délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, les solutions pourraient s'organiser autour de trois thèmes : restaurer la confiance des citoyens, ce qui est un enjeu de démocratie locale, trouver des formes de financement incitatives et responsabiliser les acteurs de la filière des déchets.

Pour obtenir demain l'implantation d'installations de stockage ou de traitement des déchets, il faudra impérativement former, informer, jouer la transparence et dédramatiser. Cela suppose l'introduction d'une dose de démocratie participative dans l'élaboration des décisions et dans la gestion des différentes installations. Certains pays, comme l'Allemagne, l'ont parfaitement compris. Les modes d'organisation des filières, d'instruction, de débat public et de contrôle du fonctionnement des installations doivent prendre en compte la révolution de l'accès et du partage de l'information, d'où la nécessité d'introduire une démocratie participative au niveau local.

M. Léonce Deprez. C'est vrai !

M. Émile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Les plans départementaux d'éliminations des déchets ménagers, dans leurs conception actuelle, sont un échec technocratique, le transfert aux département de l'élaboration de ces plans dans le cadre de la décentralisation représente pour ces derniers un défi majeur en la matière.

Il convient également de trouver des formes de financement incitatives. Il est important de mettre au point une forme de contribution des citoyens plus juste et plus responsabilisante, qui prenne en compte la nature du service rendu : tri, périodicité de la collecte, poids des déchets éliminés.

Il faudrait également favoriser financièrement l'implantation des installations de stockage et de traitement. C'est une question d'urgence face aux risques de saturation. C'est aussi une question d'aménagement du territoire et de solidarité financière par la prise en compte du service rendu par le territoire d'accueil. Actuellement, il n'existe plus d'instrument spécifique compensant les nuisances auxquelles sont confrontés les territoires d'accueil de ces installations. Quant à la contrepartie financière, le moins que l'on puisse dire, c'est quelle est opaque.

M. Léonce Deprez. Très juste !

M. Émile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Elle l'est d'autant plus qu'elle est, en général, liée à la commune d'implantation alors que les effets collatéraux sont ressentis sur un territoire beaucoup plus large. Il y a, là, un véritable problème de solidarité et d'aménagement du territoire.

S'agissant de la responsabilisation des acteurs de la filière des déchets, industriels, distributeurs et consommateurs doivent être conscients qu'ils constituent les maillons d'une même chaîne. Recyclage et valorisation énergétique doivent présenter un intérêt économique et ne plus être simplement considérés comme une charge financière.


Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur l'existence de solutions plus globales, plus ambitieuses et innovantes qui ont été mises en œuvre dans certains pays, autour du concept « zéro déchet ».

En effet, à travers le monde, de plus en plus de gouvernements, de collectivités et d'entreprises considèrent les déchets comme des ressources valables, pouvant alimenter d'autres industries, créer des opportunités viables, offrir de nouveaux emplois durables, protéger efficacement leur environnement et surtout réduire considérablement la mise en décharge et l'incinération.

La méthode et l'expression « zéro déchet » s'inspirent du concept économique de gestion intégrale de la qualité, c'est-à-dire d'idées comme le « zéro défaut », qui se sont montrées extrêmement efficaces en matière économique. L'objectif « zéro déchet » fédère autour d'un même concept tous les acteurs concernés, collectivités, citoyens et entreprises, offrant notamment à chacun une vision claire de son rôle dans la chaîne des initiatives mises en œuvre pour atteindre les objectifs visés.

Les collectivités fixent le cap et les objectifs, encouragent et soutiennent le développement des filières de valorisation, assurent la formation des citoyens et fixent les règles du jeu.

Les industriels concentrent leurs efforts sur l'« écoconception », une approche multicritères des problèmes d'environnement - eau, air, sol, bruit, déchets, énergie - couvrant l'ensemble du cycle de vie des produits, de l'extraction des matières premières jusqu'au traitement en fin de vie.

Les citoyens jouent un rôle central, notamment par un tri à la source de meilleure qualité, qui accroît et régularise les approvisionnements en ressources des nouvelles filières de valorisation.

Tout cela, mes chers collègues, peut vous paraître un peu théorique, je le conçois.

M. Léonce Deprez. Ah oui !

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. Emile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Pourtant, en 1996, la capitale de l'Australie, Canberra, s'était fixée pour objectif « zéro déchet en 2010 » : en six ans, ses déchets annuels, qui atteignaient 440 000 tonnes, ont déjà été réduits de 40 %, le recyclage a progressé de 80 %, 51 % des déchets ont été détournés des décharges et des incinérateurs, et plus de 200 emplois directs ont été créés.

Au Canada, Toronto vient d'achever son plan « 60 % de diversion des déchets en 2006 », dans une perspective « zéro déchet en 2010 ».

A Ottawa, à Halifax, en Californie, mais aussi en Grande-Bretagne, en Allemagne ou au Danemark, des procédures du même type ont été mises en place.

Nous devons, dans ce débat, évoquer l'ensemble des solutions, abandonner notre raisonnement linéaire, car ce qui réussit dans d'autres pays mérite au moins d'être étudié ici !

M. Gérard Voisin. Absolument !

M. Emile Blessig, président de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire. Permettez-moi par conséquent de vous signaler que, les 13 et 14 mai 2004, se tiendra, à l'Assemblée nationale, un congrès international sur le thème : « Les politiques "zéro déchets" dans le monde, utopie ou réalité ? ». Une quinzaine d'experts internationaux ayant appliqué ces démarches seront présents ; leurs témoignages et leurs analyses seront très utiles à tous ceux qui s'intéressent à la question des déchets.

Et je convie celles et ceux qui ne pourraient se libérer ces jours-là à une séance de travail de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, qui sera consacrée à ce thème, le 12 mai au matin, et à laquelle participeront plusieurs de ces spécialistes.

Je crois, mes chers collègues, qu'un tel débat n'a de sens que s'il approfondit la réflexion et ouvre les perspectives. C'est ce que, au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, avec le soutien de mes collègues, j'ai essayé de faire à cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Dans la discussion, la parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Si je me félicite qu'un débat sur la gestion durable des déchets ménagers ait été inscrit à l'ordre du jour, je ne puis que regretter, monsieur le ministre, que nous n'en ayons été informés qu'en milieu de semaine dernière. De la même façon, nous aurions peut-être souhaité avoir un peu plus de temps pour préparer le débat très important de jeudi prochain sur l'énergie.

M. François-Michel Gonnot. Nous y réfléchissons toute l'année !

M. Maurice Giro et M. Gérard Voisin. Cela fait vingt ans que nous y réfléchissons !

M. Jacques Pélissard. Et nous réfléchissons vite !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Mais il est parfois nécessaire d'approfondir la réflexion !

Notre collègue Jacques Pélissard a expliqué que, depuis les années quatre-vingt, nous avions progressé sur la question des déchets, et c'est vrai, mais je rejoins plutôt M. Ollier pour constater que, sur plusieurs points, nous sommes en panne. La quantité de déchets ménagers produits augmente constamment, les orateurs précédents l'ont dit, et le Commissariat général du Plan prévoit même, dans un rapport de septembre dernier, que les départements, si nous n'intervenons pas très vite, crouleront sous les déchets en 2010.

Les collectivités, depuis les lois de 1992 et de 1995, ont mis en place des formules de tri sélectif pour permettre le recyclage. Elles ont lancé des campagnes d'information pour inciter à une consommation citoyenne. Malheureusement, on s'aperçoit, sur le terrain, que ces campagnes ne fonctionnent pas aussi bien qu'on pourrait le croire.

Je suis toujours surprise que les teinturiers rendent chaque vêtement nettoyé avec un portemanteau métallique : un client peut ainsi ressortir avec un, deux, trois, dix portemanteaux, qu'il sera obligé de mettre à la poubelle et qui viendront alimenter les déchets ménagers. On ne peut éviter d'aborder ce problème.

M. François-Michel Gonnot. Absolument ! Il faut cesser de telles pratiques !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Le ministère de l'écologie et du développement durable a lancé deux opérations, « stop pub » et « sacs de caisse ».

Mais on aura beau faire, si les incitations financières ne suivent pas, on ne parviendra à rien. Ainsi, la campagne « stop pub » n'a ni objectif clair ni moyens spécifiques. J'estime, pour ma part, qu'il est indispensable d'inciter et d'obliger les industriels à s'y impliquer bien plus.

Pour ce qui concerne l'opération « sacs de caisse », si vous allez régulièrement faire vos courses dans la grande distribution, vous pouvez vous rendre compte de la difficulté : samedi matin, à Niort, la commune où je vis, je suis allée faire les courses au supermarché, et la caissière a réparti les neuf produits que j'avais achetés dans quatre sacs plastiques différents, soit deux produits par sac !

M. François-Michel Gonnot. C'est un scandale !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Et c'est vrai ! Cela vous concerne aussi !

M. Gérard Voisin. Bien sûr ! Avec la grande distribution, c'est le problème !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Si vous voulez laisser les sacs, tout le monde râle et la caissière vous regarde en coin car vous faites traîner le passage aux caisses. Il faudra donc aussi se pencher sur ce problème.

Trier et recycler les déchets ménagers, c'est bien, mais les populations ont de plus en plus de mal à accepter un équipement de traitement des déchets résiduels à proximité de chez eux, que ce soit une usine d'incinération ou un centre d'enfouissement, et les orateurs qui m'ont précédée à cette tribune l'ont également fait remarquer.

En outre, les ménages ne sont pas récompensés puisque le coût qui leur est facturé a augmenté, et dans des proportions très importantes, à tel point que, dans des communes comme la mienne, les gens ne veulent plus faire l'effort de trier, n'admettant pas de voir les coûts augmenter autant, même si c'était prévu, même si on les avait avertis. Je pense par conséquent, moi aussi, qu'il est indispensable de revoir la fiscalité en profondeur. La taxe est injuste. Quant à la redevance, elle pourrait être améliorée pour récompenser ceux qui font l'effort de trier.

Pour améliorer la gestion des ordures ménagères, mon collègue Ollier l'a dit, il faut aussi envisager d'obliger les collectivités, sans doute à travers les plans départementaux, à assurer la collecte au moins une fois par semaine, ce qui n'est pas le cas partout.

M. le président. Il vous faut conclure, ma chère collègue.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je vais conclure, monsieur le président.

Le plus important, je crois, est de redonner des moyens à l'ADEME,...

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis d'accord !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...qui a été amputée d'une partie de ses crédits. On a l'impression que vous bradez l'expertise de l'Agence en matière d'ordures ménagères, au risque de voir, demain, le privé proposer une offre clés en main globale, de la collecte au traitement. Nos concitoyens n'auront alors plus rien à dire sur le sujet, alors que chacun ici déclare que leur participation active est indispensable. Si vous ne redonnez pas à l'ADEME les sommes qui lui sont nécessaires pour traiter les déchets ménagers,...

M. Jacques Pélissard. L'ADEME ne traite pas les déchets !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...le privé s'emparera de tout ce pan de la gestion publique.

Il faut donc agir vite, monsieur le ministre, revoir la fiscalité et travailler avec les chambres consulaires pour faire en sorte que les artisans, les commerçants et la grande distribution accomplissent eux aussi un effort permanent dans ce domaine.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gestion des déchets est une des questions les plus préoccupantes auxquelles nos sociétés de consommation doivent faire face et devront continuer à faire face.

Le constat est sans appel et, pour bien mesurer l'ampleur de ce problème collectif, il convient de rappeler quelques chiffres : la France produit un kilo d'ordures ménagères par jour et par habitant, soit 1,5 tonne par an pour une famille de quatre personnes ; la croissance des déchets ménagers est de l'ordre de 1 % chaque année, ce qui revient presque à un doublement de leur volume en un quart de siècle.

A l'ère du « packaging », la société de consommation est en effet trop gourmande en emballages : celui d'un téléphone portable représente vingt-cinq fois le volume du produit ; celui d'un yaourt « saveur d'autrefois » en pot de grès est deux fois plus lourd le produit lui-même - 210 grammes pour 140 grammes de yaourt. Il n'y a plus guère que les rouleaux de printemps où tout peut encore se manger ! (Sourires.)

C'est encore pire pour les produits « minidoses » que l'on trouve désormais sur tous les rayons des grandes surfaces, du café à la soupe, en passant par les nettoyants. Dans le cas du café en « minidose », on consomme dix fois plus d'emballage qu'avec un paquet de 250 grammes, comme l'a montré une étude approfondie de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie comparant produits emballés et produits consommés.

Ce qui paraît simplifier la vie et les habitudes du consommateur, à savoir l'individualisation et l'apparente purification de nos pratiques de consommation, est donc source d'une pollution secrète qui prolifère de manière exponentielle et anarchique, et que l'on a d'autant plus de mal à admettre qu'elle est synonyme d'une certaine richesse et d'une amélioration du niveau de vie.

Le premier obstacle à une bonne gestion de nos déchets, c'est l'oubli psychologique dans lequel on veut tenir ce qui est voué, par nature, à la déchéance et à l'altération. Pour être tout à fait précis, il faudrait évoquer, dans cette longue histoire du déni ou de l'occultation du déchet, le refus fondateur du philosophe Platon de considérer, dans le Parménide, traité d'ontologie, « une idée de la crasse », qui ne manquerait pas, selon l'analyse de François Dagognet, dans son livre Des détritus, des déchets, de l'abject, de « corrompre l'empyrée, de noircir l'ensemble éthéré du Royaume des Idées, défini à la fois par sa luminosité, sa pureté, sa fixité ».


De ces détritus que les philosophes ont bannis du registre conceptuel, de ces ordures dont les consommateurs se débarrassent en toute hâte et pêle-mêle dans leurs poubelles et parfois, hélas ! dans des décharges sauvages, c'est aux élus politiques qu'incombe la difficile gestion pour l'ensemble de la communauté. C'est peu de dire que la gestion des déchets ménagers est devenue le cauchemar des élus, pris souvent entre le besoin d'augmenter les taxes d'enlèvement ou de construire une déchetterie, avec l'inévitable impopularité qu'impliquent l'une et l'autre de ces décisions.

Ce débat parlementaire, dont je salue l'initiative, permettra, je l'espère, de leur rendre hommage mais surtout de leur rendre service en mobilisant les moyens de l'Etat et l'ingéniosité du Parlement et de la nouvelle équipe ministérielle pour lutter contre les égoïsmes de la prolifération, et proposer une législation qui saura mobiliser les citoyens, comme les industriels ont pu l'être dans la gestion de leurs propres déchets.

Le premier enjeu est la prise de conscience chez les Français de l'ampleur du problème.

Il faut bien reconnaître que nos concitoyens sont de bonne volonté en essayant de trier, mais on pourrait davantage encore leur faciliter la tâche. Ainsi, le symbole sur les emballages recyclables indique uniquement que la taxe a été versée par le fabricant à éco-emballage. Il serait sans doute plus facile que ce symbole, ou un autre repère, signifie que cet emballage est recyclé et qu'il doit être en conséquence mis dans la poubelle de tri. Car dans le débat qui nous occupe, il m'apparaît beaucoup plus important de faciliter le geste de tri que de savoir si le fabricant s'est acquitté de la taxe sur son produit.

En amont, il convient d'inciter les fabricants à plus de retenue dans la présentation de leurs produits : on le constate notamment avec les aliments et friandises pour les enfants, l'attrait du produit et sa vente dépendent beaucoup, beaucoup trop, de sa présentation et de son emballage. Sans que notre environnement et les emballages ne deviennent pour autant austères, ne peut-on être plus astucieux, en évitant les artifices de présentation qui, en quelques instants, viennent grossir nos poubelles ?

Enfin, dans la mesure où les sacs plastiques sont surtout utilisés en grande surface pour le transport de la caisse à la voiture et de la voiture à la cuisine, ne peut-on limiter leur emploi ou tout au moins les réutiliser, comme le font déjà certaines grandes surfaces, pour éviter qu'ils terminent à la poubelle ? Pourquoi ne pas prendre exemple sur l'Irlande qui a décrété une taxe de 15 centimes d'euros par sac jetable ? En quelques mois, 90 % de ces sacs ont ainsi été supprimés.

Le premier levier à actionner, c'est celui de la responsabilisation générale des citoyens, l'écocitoyenneté, qui nous fera prendre conscience que le développement durable conditionne au plus haut point la qualité de notre environnement.

Deuxième problème à prendre en compte : l'installation des déchetteries.

D'un côté, il y a les décharges saturées dont beaucoup n'ont pas été mises aux normes comme l'exigeait pourtant la loi de 1992 et, de l'autre, il y a des populations et des élus qui opposent à la nécessité d'en créer de nouvelles le syndrome dénommé par quelques humoristes NIMBY - not in my backyard - ce qui signifie clairement : « où vous voulez, mais pas chez moi ! ».

Le problème majeur de la mise en décharge reste que les filières de valorisation n'existent généralement pas après le dépôt. La moitié des encombrants sont incinérés, alors qu'il serait nécessaire d'accentuer la part de l'incinération avec récupération d'énergie ainsi que la valorisation de la matière, comme le note très justement notre collègue Emile Blessig dans l'excellent rapport de la délégation à l'aménagement du territoire. Permettez-moi de traduire ce retard général par l'évocation des chiffres pour l'Ile-de-France : en 2003, selon l'Observatoire régional des déchets, seulement 1 % des déchets, soit 100 000 tonnes, ont été méthanisés et 2 % des ordures ménagères résiduelles compostées. On brûle encore 4 millions de tonnes de déchets par an, c'est-à-dire 50 % de la masse totale des déchets franciliens, le reste étant enfoui.

La priorité devrait donc être donnée à la mise en place de collectes spécialisées des déchets valorisables, sur le modèle des déchets verts, en adoptant un dispositif national d'organisation de la valorisation des déchets industriels et commerciaux. Il faut, en effet, organiser sur l'ensemble de notre territoire une véritable gestion combinée et coordonnée des déchets ménagers et des déchets des entreprises.

Il nous faut également encourager l'éco-efficience : recycler et minimiser les atteintes à l'environnement en aval est indispensable mais ne dispense pas de rechercher des stratégies industrielles globales améliorant l'écobilan sur l'ensemble du cycle de production, de consommation et de recyclage. Cette démarche, parfois qualifiée d'écoconception, repose en fait sur la diffusion chez les dirigeants d'entreprises d'une nouvelle culture intégrant tout le cycle de production et les principes du développement durable.

Enfin, le groupe UDF souscrit entièrement aux propositions du rapport de la délégation à l'aménagement du territoire : il convient de contraindre par la loi le secteur de la grande distribution à s'impliquer davantage dans la récupération des déchets en renouant avec la pratique ancienne de la « consigne » pour certains produits très polluants.

Par ailleurs, j'espère que, sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, un plan d'action volontariste pourra être élaboré : il s'agit de la résorption des déchets flottants sur les rivières d'Ile-de-France, qui devrait permettre de reconquérir la qualité des eaux franciliennes. Nous en avions fait une priorité dans notre projet pour les élections régionales, car les actions des bénévoles pour dépolluer les berges de nos fleuves, et particulièrement de la Seine, ne suffisent plus pour en préserver le déjà si fragile écosystème.

Enfin, pour l'ensemble des filières, il nous faut mieux inscrire le rôle des différents acteurs dans une logique de planification territoriale afin de réconcilier aménagement du territoire et gestion des déchets. On constate, en effet, sur le terrain, l'insuffisance des plans départementaux d'élimination des déchets mis en place par la loi de 1992. De l'aveu des élus locaux, ces plans sont virtuels, trop éloignés des communes et de la logique de l'intercommunalité, qui semble pourtant la plus appropriée pour gérer efficacement, sur une zone d'habitation, les déchets ménagers. En Ile-de-France, l'échec a été particulièrement marqué, compte tenu du refus des départements de la grande couronne d'accepter les déchets de Paris et de la petite couronne faute d'une contrepartie financière suffisante, qu'il faudra bien se résoudre à proposer. Il convient donc de réaffirmer le rôle des municipalités et des syndicats intercommunaux et de renforcer leurs moyens propres, qu'ils délèguent bien souvent au secteur privé sans bénéficier toujours de moindres coûts.

Par ailleurs, les élus locaux s'inquiètent unanimement des modes de financement inadaptés aux réalités de terrain. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne tient pas compte de la consommation effective des foyers. Quant à la redevance, mieux adaptée au principe « pollueur-payeur », elle rencontre des difficultés de mise en œuvre notamment pour les établissements publics de coopération intercommunale qui ne disposent pas de fiscalité propre et qui ne peuvent donc avoir accès aux fichiers fiscaux.

Les élus s'interrogent également, à propos du calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, sur une actualisation des valeurs locatives cadastrales, qui n'ont jamais été révisées depuis 1970 et qui n'ont plus aucun rapport avec les réalités du terrain.

Il serait bon également de trouver les justes compensations financières pour les communes qui accueillent des installations de stockage et de traitement des déchets comme l'a suggéré notre collègue Philippe Folliot, lors de la présentation devant la délégation du rapport sur les déchets.

Toutes ces questions sont désormais posées. Il est urgent d'y apporter des réponses, en retenant les solutions les plus pragmatiques et les plus efficaces. Rien ne sert de décréter l'état d'urgence si l'on ne donne pas les outils nécessaires aux élus pour assurer, dans les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité, ce service indispensable à la qualité de notre environnement. Mais la victoire viendra lorsque les citoyens assumeront leur propre rôle en agissant sur leur consommation, de l'achat à la poubelle. Pour y parvenir, il faudra faire preuve d'encore plus de pédagogie et avoir moins peur des tabous sur l'existence et le devenir de nos détritus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, - je suis heureux de me trouver en face de vous, passé de Bourges à Paris - mes chers collègues, sur la couverture d'un rapport de notre collègue Emile Blessig, on peut lire « Déchets : état d'urgence ». Au-delà du choc des mots, il faut bien admettre que nous sommes devant un problème d'importance et l'Etat ne s'en tirera pas par le vote d'une loi rejetant sur les collectivités locales l'addition financière des mesures à prendre.

Notre pays produit toujours plus de déchets et on note une proportionnalité parfaite entre la croissance économique et l'augmentation des déchets ménagers. Dans le même temps, nous sommes à la veille d'une saturation de nos capacités d'élimination. Certes, cela a de quoi nous inquiéter, mais le plus inquiétant réside plutôt dans le choix thérapeutique esquissé.

Notre pays se verrait contraint d'ouvrir, dans les plus brefs délais, de nouvelles unités d'incinération. Pourtant, la France est, d'ores et déjà, le pays qui a le plus recours à ce traitement en Europe. Selon le discours officiel, les risques inhérents à ce processus de traitement des déchets sont minimes : les installations les plus modernes respecteraient les normes européennes et offriraient des garanties d'innocuité. Mais une série d'études scientifiques ne cessent de battre en brèche ces affirmations.

De multiples problèmes de santé ont été associés au fait de vivre à proximité d'un incinérateur ou de travailler dans une des installations. Parmi ces problèmes, on trouve des cancers aussi bien chez les enfants que chez les adultes, des impacts nocifs sur le système respiratoire, des maladies du cœur, des effets sur le système immunitaire, des allergies amplifiées et des anomalies congénitales.

Si les incinérateurs de type ancien sont les premiers visés, il n'en reste pas moins que les plus modernes continuent d'émettre de nombreuses substances toxiques dans l'atmosphère et dans les résidus divers, dont certaines non identifiées. Tout cela justifie pour le moins le respect du principe de précaution.

Pour couronner le tout, il s'avère que les contrôles sont insuffisants : « Il est de notoriété publique que les effectifs des contrôleurs des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement sont insuffisants, altérant ainsi la crédibilité du contrôle de l'Etat. », écrit notre collègue Blessig dans son rapport. Cela ne l'empêche pas pour autant d'affirmer, dans un même mouvement, que notre pays a besoin, à court terme, de nouveaux incinérateurs et que la situation budgétaire actuelle interdit une amélioration quantitative des contrôles.

Ce raisonnement n'est pas acceptable, lorsque l'on sait que la situation budgétaire n'a pas empêché le Gouvernement de réduire l'impôt sur le revenu de 2,6 milliards d'euros via le collectif de l'été 2002, de 3,5 milliards en loi de finances initiale pour 2003 et encore de 1,8 milliard en loi de finances initiale pour 2004, le tout essentiellement au bénéfice des plus nantis, avec les résultats que l'on sait sur le chômage et la précarité de l'emploi.

Le premier souci doit bien être celui des conséquences sanitaires et environnementales. Mais il y en a d'autres, notamment le caractère résolument antiéconomique et archaïque du recours à l'incinération.

Antiéconomique, tout d'abord, puisque les usines d'incinération figurent parmi les ouvrages publics les plus coûteux. Ces installations, rapidement obsolètes, mais néanmoins destinées à vivre pendant deux ou trois décennies, nécessitent la mobilisation d'investissements qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros.


De ce fait, leur durée de vie et de rentabilisation corsète les politiques publiques à moyen terme. Les ressources colossales consacrées à l'incinération sont des ressources perdues pour le soutien au développement des filières de valorisation.

Archaïque, ensuite, car la logique de traitement des déchets, fondée sur le couple usine d'incinération-décharge, véhicule une représentation complètement dépassée de ce qu'est un déchet.

« Nous devons nous plier au principe déchets égalent ressources », comme l'a rappelé notre collègue Émile Blessig, « et éradiquer totalement la notion de déchet de notre production industrielle », déclare l'éminent spécialiste Paul Hawken.

Cette vision des choses peut sembler radicale. Elle a en tout cas le mérite de pointer le fait que le déchet est une ressource. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, qu'en droit, on distingue « déchet brut » et « déchet ultime ».

Malgré tout, si l'on souhaite susciter une prise de conscience du fait que l'essentiel du contenu d'une poubelle n'est pas composé de déchets, mais plutôt de matières premières ou de sources d'énergie, nous nous devons d'appeler à une espèce de révolution culturelle.

Certes, cela ne peut se faire du jour au lendemain, mais rien n'empêche, dès à présent, de procéder au stockage des déchets ultimes dans le respect du principe de réversibilité et de se livrer à un effort de recherche soutenu en matière de revalorisation.

En tout état de cause, le recours à l'incinération doit être exceptionnel...

M. Yves Cochet. Absolument !

M. Jean-Claude Sandrier. ...et faire l'objet d'un contrôle strict et transparent, car ce mode de traitement n'est que le reflet d'une absence de prise en compte sérieuse du problème des déchets pendant un certain nombre d'années.

Aussi, au regard des observations précédentes, il s'avère que réduction à la source, collecte sélective et recyclage constituent le cœur de toute politique responsable en matière de gestion des déchets ménagers. Les piliers de cette politique ont déjà été définis. Il suffît de se référer au Plan national de l'environnement de 1990.

Ce plan national reposait sur trois axes principaux : réduire les déchets d'emballage à la source ; favoriser le recyclage ; diminuer le transport des déchets.

La loi du 13 juillet 1992 fut la traduction législative de ce plan national de l'environnement.

Près de douze ans après la promulgation de ce texte, force est de constater que l'objectif d'interdire la mise en décharge des déchets bruts au 1er juillet 2002 n'a pas été atteint. De même, les moyens financiers et juridiques n'ont jamais été mobilisés pour que le programme de réduction des déchets à la source, sans conteste la partie la plus fondamentale de la loi, soit mis en œuvre à grande échelle. On note, certes, une évolution positive, mais le compte n'y est pas.

Inciter au mieux à la réduction à la source, au moins à la promotion du recyclage, présente une multitude d'avantages et doit constituer la préoccupation prioritaire.

Tout d'abord, cela revient à développer une nouvelle filière économique qui constitue un gisement d'emplois non négligeable. Il a été calculé - peut-être cela reste-t-il à vérifier - que 100 000 trieurs génèrent la création de trente emplois directs. Ensuite, et les deux choses sont intimement liées, cela entraîne une réduction tout à la fois des dépenses et de la dépendance énergétiques.

Les statistiques disponibles ne laissent pas de doute : la valorisation des déchets ménagers n'est pas un gadget. L'utilisation du verre recyclé engendre 30 % d'économies d'énergie. On gagne une année de la consommation en énergie de trois personnes dès qu'une tonne d'aluminium est recyclée. Et, pour une tonne de papier carton recyclée, 2,5 tonnes de bois sont épargnées. Les exemples sont légion.

Créations d'emplois, économies d'énergie : les avantages sont tels que l'effort consenti, en particulier par les acteurs économiques, doit enfin se montrer à la hauteur de l'enjeu.

Ainsi, à ce niveau, nous n'avons plus le choix et nous devons renforcer les mécanismes incitatifs, y compris en augmentant très significativement les taxes pesant sur les producteurs d'emballages. Le principe pollueur-payeur, s'il est aujourd'hui à la mode, n'est trop souvent évoqué que pour enrober les discours. Nous sommes, dans ce domaine et par rapport à nos principaux partenaires européens, en dessous de tout. La taxe sur les suremballages est dix fois plus élevée en Allemagne que chez nous et cinq fois plus en Grande-Bretagne. L'effort prioritaire doit porter sur ce point.

Cela demande du courage ? Sans doute ! Mais j'entends ici beaucoup de discours expliquant que le Gouvernement en a à revendre ! Alors, qu'il passe aux actes !

L'objectif de cette taxation est de parvenir au mieux à la réduction sensible et rapide de la quantité de suremballages et au moins à la fabrication d'emballages intégralement composés de matières recyclables.

La responsabilisation des producteurs de déchets est une exigence forte exprimée par les député-e-s communistes et républicains. Certains diront que cela coûte cher - c'est sans doute vrai -, mais utilisons le produit d'une taxe multipliée comme en Allemagne et en Grande-Bretagne pour financer les investissements nécessaires à la recherche en matière de traitement des ordures ménagères. Contrôlons la gestion des grands groupes et les prix qu'ils imposent sur un marché devenu quasiment captif. On s'apercevra alors que l'on pourra alléger fortement les coûts pour les collectivités locales et les contribuables.

A ce stade, peut-être plus qu'à tout autre, apparaît le fait que nous avons à faire un véritable choix de société. Sommes-nous prêts à prendre des mesures financières fortes contre ceux qui abusent, aux deux bouts de la chaîne des déchets, d'un laxisme de plus en plus inacceptable à l'égard des plus grandes sociétés de ce pays ? Sommes-nous prêts à la mise en œuvre d'une politique publique de gestion des déchets digne de ce nom ?

Si oui, quelle sera l'architecture financière adaptée à cette politique ?

Pour répondre à cette question, il importe de se pencher sur les modalités de financement actuelles du service public local de la collecte et du traitement des déchets absolument inadaptées à leur objet. Je pense que tout le monde est d'accord sur ce point.

Les communes et leurs groupements disposent de trois modalités de mise à contribution de leurs administrés. La plupart ont opté pour celle présentant la plus grande sécurité financière, à savoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. La TEOM est ainsi acquittée par 80 % de la population française. Pourtant, elle est sévèrement critiquée. Assise sur le revenu cadastral retenu pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties, son montant est fonction de la valeur locative de l'habitation et non du volume des déchets produits par ses occupants. En conséquence, la TEOM n'incite pas les usagers à réduire le volume de leurs déchets. En ce sens, toute augmentation intempestive du montant acquitté tend à exacerber les mécontentements de nos compatriotes.

En outre, cette taxe rencontre une critique d'ordre social, dans la mesure où le montant prélevé est indépendant des revenus perçus par celui qui la paie. Elle est dépourvue de tout caractère progressif et redistributif, et donc, profondément injuste.

Par ailleurs, on relèvera que certains locaux d'activités professionnelles sont exonérés de la taxe, ce qui est contraire à l'objectif de responsabilisation des acteurs.

Dans le cadre du groupe de travail relatif au financement du service d'élimination des déchets ménagers dont nous espérons qu'il sera pérennisé par M. le ministre de l'économie et des finances, les député-e-s du groupe communiste et républicain ont avancé des propositions visant à conjuguer les impératifs de solidarité et de responsabilité. A notre avis, seul un mode de prélèvement basé pour partie sur une logique d'imposition progressive, c'est-à-dire déconnectée de la quantité de déchets produite, mais conforme à notre préoccupation de justice fiscale, et, pour la partie restante, sur une logique pollueur-payeur, c'est-à-dire liée à la quantité de déchets produite et permettant d'introduire une incitation au recyclage, via l'introduction d'une prime au tri, répondrait à cette double préoccupation de solidarité et de responsabilité.

Avant de conclure, je me dois de réaffirmer l'attachement des député-e-s communistes et républicains à la maîtrise publique de la gestion des déchets ménagers. Rien ne serait pire, face aux défis actuels, que de s'en remettre aveuglément aux grands groupes privés, que ce soit Vivendi, Suez, la Lyonnaise des Eaux et Bouygues qui règnent sur un marché, lui aussi, largement faussé.

Afin de permettre la réappropriation de la maîtrise publique sur le secteur des déchets en concertation avec des usagers bien informés, nous proposons, sur la base de la possibilité offerte par l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, de jouer la carte du département, voire de l'interdépartementalité. C'est à ce prix, nous semble-t-il, qu'il sera demain possible de reconquérir des marges de manœuvre pour gérer avec le concours et au service des citoyens, et non au bénéfice de dividendes perçus par des actionnaires à mille lieues de toute préoccupation environnementale ou sociale.

Voilà pourquoi, au-delà du débat de ce jour, nous appelons de nos vœux un réexamen rapide de la loi du 13 juillet 1992 qui nous permettra de revenir en détail sur nos propositions.

M. Yves Cochet et M. Marcel Dehoux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'attendais que la représentante du groupe socialiste fasse un panégyrique, qui aurait été légitime, pour une fois, de la loi de 1992. Mais il n'en a rien été. Pourtant, cette loi, bien qu'un peu utopique, est une bonne loi, que personne, aujourd'hui, ne veut remettre fondamentalement en cause. Mais, quatorze ans après, il est nécessaire de la « toiletter ».

Son bilan est en effet très contrasté. Elle compte, certes, des aspects positifs : les Français trient enfin les déchets, même si des progrès considérables restent à faire pour les déchets industriels. L'intercommunalité a permis à notre pays de prendre en charge le traitement et la valorisation des déchets, qui souffraient d'un gros retard.

En revanche, la loi de 1992 comporte plusieurs points noirs qui ont été rappelés ce matin. La France n'a pas prévu une capacité de traitement suffisante, la réduction à la source est un échec, il n'y a pas de filière de valorisation organique des déchets et le coût de la collecte, qui a augmenté de plus de 50 % en douze ans, est un des plus élevés d'Europe. Même si le service est à la hauteur du coût, nous devons mener une réflexion sur ce point.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question, au nom du groupe UMP. Votre prédécesseur, Mme Roselyne Bachelot, avait annoncé l'examen d'un projet de loi avant la fin 2004 prenant en compte les quatorze années d'application de la loi de 1992 afin de remédier à ses lacunes. Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions ? Y aura-t-il une « loi Lepeltier » ? Si oui, comment envisagez-vous de « toiletter » la loi de 1992 ? Comment prévoyez-vous de tenir compte de l'expérience des élus locaux ? Permettez-moi de présenter quelques pistes.

S'agissant du financement, chacun s'accorde à dire qu'il faut revoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Par ailleurs, les périmètres administratifs sont-ils pertinents ? Rappelons que la loi de 1992 avait retenu le périmètre du département pour les schémas départementaux, avec pilotage par le préfet. Or ce cadre ne tient pas compte de l'importation des déchets : 30 % du total dans ma circonscription de l'Oise, en provenance de la région d'Ile-de-France. Sur ce point, la loi ne prévoit rien et l'on continue à exporter les déchets. Les bassins d'activité ne seraient-ils pas un cadre plus pertinent ?

Nous devrons également revoir les procédures. Désormais, les installations classées et les centres de traitement de déchets font l'objet d'un rejet unanime. Alors que nous venons d'inscrire le principe de précaution dans la Constitution, mieux vaut associer aux décisions les riverains, souvent opposés aux installations nouvelles, et rendre du pouvoir aux élus pour qu'ils expliquent, voire qu'ils imposent, les installations nécessaires.


Il va aussi falloir choisir : la loi de 1992 avait interdit l'enfouissement, supprimant les décharges à partir de 2002, mais nous savons bien qu'ici ou là, il continue de s'en installer, même si elles sont rebaptisées centres d'enfouissement technique. De même, nous devons savoir si nous voulons ou non des incinérateurs, dont le coût a été rappelé tout à l'heure. Un certain nombre de projets sont en cours de développement à travers le territoire : doivent-ils être poursuivis ? Doit-on les considérer comme des solutions valables ? Faut-il, par exemple, classer la valorisation thermique des déchets en énergie propre ? La production d'énergie à partir de déchets est en effet un facteur de diminution des gaz à effet de serre par économie de combustible fossile. C'est également vrai de la biomasse, considérée comme une énergie renouvelable et qui bénéficie à ce titre de certains dispositifs favorables. Pourquoi donc considérer l'incinération des déchets ménagers comme une industrie polluante, comme cela semble être le cas au vu des projets de taxe sur le CO2 qui pourrait frapper les incinérateurs ?

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Il faudrait également encourager fiscalement le choix de modes de transport propres.

Autant de problèmes, autant de pistes sur lesquels de nombreux élus attendent des réponses. C'est d'ailleurs tout l'intérêt du débat de ce matin, monsieur le ministre : nous serons heureux de vous entendre à leur sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Dehoux.

M. Marcel Dehoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour l'environnement, la collecte des déchets ménagers n'a pas de prix, mais elle a un coût pour les collectivités, donc pour les citoyennes et les citoyens. Vous connaissez les chiffres, mes chers collègues, vous qui êtes souvent élus locaux : dans les huit dernières années, c'est un investissement de 6 milliards d'euros qui a été consenti pour réaliser des équipements. C'est d'ailleurs l'un des postes les plus importants dans le budget des collectivités.

Le coût du traitement des déchets a doublé pendant la dernière décennie en raison des contraintes réglementaires plus importantes, du développement de services nouveaux et de la croissance du volume des rejets. Celui-ci approche en effet aujourd'hui les 400 kilos par habitant et par an.

Je voudrais évoquer les moyens que les communes - et, de plus en plus, les communautés de communes et d'agglomération - mettent en œuvre dans ce domaine et finalement vous demander, monsieur le ministre - mais je pense que la réponse sera positive -, s'il ne serait pas utile de clarifier ce financement.

Un postulat s'impose : à moins de présenter la preuve du contraire, ce qui serait d'ailleurs une bonne nouvelle, l'Etat, impécunieux, ne peut pas mettre un euro de plus dans la gestion des déchets. Il en est de même des conseils généraux et régionaux, qui ignorent déjà comment financer tout ce que l'Etat leur lègue par les lois de décentralisation. Reste le « cochon de payant », c'est-à-dire la collectivité locale et donc le contribuable de base. Mais la question se pose alors : comment être le plus impartial possible ?

Dans très peu de collectivités - ma circonscription en compte une -, les élus ont tenté de faire payer au kilogramme rejeté, ...

M. Jacques Pélissard. C'est une erreur !

M. Marcel Dehoux. ...grâce à un système de prépaiement sur les conteneurs, qui se présente sous la forme d'une petite pastille munie d'un code barre, à acheter à la mairie ou au siège de la communauté de communes. C'est peu concluant, il faut bien l'admettre.

M. Jacques Pélissard. En effet !

M. Marcel Dehoux. Une grande part - 30 % - des citoyens n'achètent rien et se débrouillent pour contourner le système : décharges sauvages, déchets brûlés dans les cheminées ou déposés dans la poubelle du voisin... leur imagination est infinie. Bref, cela ne fonctionne pas.

D'autres collectivités ont mis en place une redevance basée sur la composition familiale. Un tel système, qui part d'un bon sentiment, est toutefois épouvantable à gérer, en raison, par exemple, des changements réguliers qui affectent la composition des foyers, du problème des étudiants, rarement présents au domicile, ou du turn over important observé dans les logements. Tout cela entraîne une gestion administrative très lourde et est la source de nombreux contentieux.

La solution la plus couramment retenue - à 80 %, me semble-t-il - est la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, mais celle-ci, vous le savez bien, exonère un certain nombre de producteurs de déchets - les bureaux, par exemple. En outre, l'estimation de la valeur locative, sur laquelle elle est adossée, date de 1971. On nous en promet d'ailleurs la refonte depuis plus d'une décennie. Enfin, il n'y a que très peu de relations entre la valeur locative et la production de déchets. Un seul exemple : une personne âgée occupant une grande habitation paiera plus qu'une famille logée dans un F4.

Reste une autre possibilité, celle qu'appliquent très peu de collectivités mais qui recueille, par défaut, ma préférence : l'intégration dans le budget général de la collectivité.

J'ai toujours craint les attaques portées contre l'unicité budgétaire. Il me paraît en effet que le service au public du ramassage des déchets est un service public au même titre que le fonctionnement des écoles, des stades, des théâtres, des piscines, et qu'il ne faut pas « saucissonner » les utilisateurs entre gros, moyens ou petits consommateurs.

Il est vrai que tout le monde paie dans un tel système : les propriétaires via la taxe foncière sur la propriété bâtie, les agriculteurs par le biais de la taxe foncière sur la propriété non bâtie, les habitants avec la taxe d'habitation et les entreprises par la taxe professionnelle. Mais en y regardant de plus près, tout le monde utilise ce service. De plus, la base étant plus large, la charge devient évidemment moins lourde.

Ce balayage rapide de la situation actuelle le montre : aucun système n'est parfait. J'ai - comme vous, sûrement, monsieur le ministre - assisté à moult colloques. Mais je n'ai jamais trouvé la solution idéale au problème du financement. Je considère simplement, comme nombre de mes collègues, que la part assumée par les fournisseurs de déchets - grandes surfaces, industries agroalimentaires et publicitaires - est encore trop faible. De même, le recyclage, notamment du verre consigné et des sacs d'emballage, me paraît encore insuffisant. Il y a matière, dans les deux cas, à réduire la facture payée par les collectivités, et donc par les contribuables. Mais puisque le groupe dont vous êtes issu a souhaité l'inscription de ce débat à l'ordre du jour, nous avons hâte, monsieur le ministre, d'apprendre quelle est votre doctrine s'agissant du financement de la gestion des déchets. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd'hui est considérable. Aussi ai-je choisi, faute de pouvoir tout aborder, de limiter mon intervention à quelques propositions sur le financement de la politique des déchets.

Le coût du service public local de gestion des déchets augmente rapidement, en raison des nouvelles exigences de la politique des déchets. Il ne s'agit pas ici de contester ces dernières, mais bien de proposer quelques améliorations destinées à rendre le financement plus juste et plus efficace.

De nouvelles formes de financement sont apparues ces dernières années : la taxe à la mise en décharge, la vente des sous-produits de la valorisation des déchets, l'intégration du coût de retraitement de ces derniers dans le prix du produit, etc.

Ces nouveaux financements - je les confonds sous cette appellation pour plus de facilité - représentent aujourd'hui, en moyenne, 15 % du coût total de la collecte et du traitement. On peut estimer qu'ils couvriront à terme, dans le meilleur des cas, un tiers de ce coût total. Autrement dit, deux tiers resteront à la charge du contribuable au travers de différentes taxes et redevances déjà évoquées ce matin : la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, les quatre taxes locales classiques, la redevance spéciale et la redevance sur les campings.

Ces modes de financement n'ont pas évolué depuis quinze ans, alors même que la gestion des déchets s'est profondément transformée. Cette situation est, selon les lieux, inefficace ou injuste, voire, souvent, les deux en même temps. Aussi est-il temps, pour faire face aux enjeux de la politique des déchets, de réformer son financement.

Une telle réforme doit se fixer trois objectifs.

Premièrement, il faut adapter les modes de financement aux objectifs en matière de politique des déchets. Les plus répandus d'entre eux - la taxe et le budget - n'ont en effet aucun rapport avec le volume des déchets produits, ni même avec leur mode de traitement. On se prive ainsi d'un puissant levier sur les comportements, ce qui est inefficace, et on déconnecte le financement de la politique des déchets des objectifs poursuivis, ce qui est incohérent.

Deuxièmement, nous devons rendre plus transparents le coût et la gestion des déchets. On ne peut pas demander aux Français toujours plus d'efforts en matière de gestion des déchets - effort financier, qui croît avec l'augmentation des coûts, effort personnel, gestes civiques que constituent le tri ou les choix en matière de consommation - sans proposer le moindre retour d'information. Dans le cas contraire, les gestes manquent de sens et la motivation se tarit.

Troisièmement, il faut garantir la justice et la solidarité dans l'accès au service, dans la répartition des coûts, mais aussi dans la participation de tous à une politique dont les objectifs doivent être partagés. Certains de nos concitoyens ne trieront pas éternellement en sachant que leurs voisins ne le font pas. Nous débattrons prochainement du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement. La politique des déchets me semble être un champ d'expérimentation et de développement privilégié des exigences rappelées à l'article 2 de la charte : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».

Dans certaines situations, ces trois objectifs peuvent se révéler contradictoires. Notre système doit avoir assez de souplesse - c'est cette qualité majeure que nous devons rechercher en l'adaptant - pour donner aux élus la possibilité de concilier harmonieusement toutes ces exigences.

Voici donc venu le temps des propositions. Nombre de celles que j'avais envisagé de vous livrer ce matin rejoignent celles faites tout à l'heure par notre collègue Jacques Pélissard. Je me bornerai donc à les esquisser rapidement.

Il s'agit d'abord d'étendre, lorsque cela est possible, le financement par le producteur.

M. Yves Cochet. Vieux serpent de mer !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous avons tous, ce matin, défendu cette idée. Nous avons commencé avec les courriers non adressés. Il faut poursuivre dans cette voie.

Il s'agit aussi de maintenir le choix entre taxe d'enlèvement des ordures ménagères, redevance d'enlèvement des ordures ménagères et budget, et de le rendre aux communes qui l'ont perdu en raison de leur intégration dans un EPCI.

Les sommes en jeu sont en effet considérables, et il revient aux élus locaux d'assumer la responsabilité de ces choix, sans avoir à subir en ces matières des décisions prises ailleurs.

Il faut enfin réformer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères en supprimant les exonérations bénéficiant à l'Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics, une mesure de bonne gestion autant que de justice.

La taxe devrait ainsi être étendue à tous les producteurs de déchets collectés par le service public, y compris ceux qui ne sont pas soumis à l'impôt foncier bâti, quel que soit le propriétaire. Cela s'entend en particulier pour des habitations mobiles qui occuperaient des terrains non constructibles, et donc non soumis à la taxe sur le foncier bâti.

Il faut aussi moduler le montant de la taxe en fonction du nombre d'habitants. Par exemple, une part fixe serait assise sur le foncier bâti, et une part sur le nombre d'occupants, qui est fortement corrélé avec le volume de déchets produits.

Il convient également de prendre en compte - mais de façon transparente - les exonérations pour motifs sociaux. Ce rôle peut être dévolu aux CCAS.

Enfin, il faut rendre obligatoire le budget annexe ou la comptabilité spécifique aux déchets.

Dernier objectif : faciliter l'usage de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Sur ce point aussi, notre collègue Jacques Pélissard a donné tout à l'heure différentes pistes sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Finalement, au travers de ces propositions, il s'agit de retenir le meilleur de chaque système de financement et d'en associer les avantages, d'une part pour en améliorer l'acceptabilité et d'autre part pour réduire l'impact écologique de la politique de gestion des déchets.

Dans le même esprit, il nous paraîtrait utile d'introduire une phase de transition lors du passage de l'un à l'autre mode de financement.

Monsieur le ministre, après quinze ans qui ont vu évoluer profondément notre politique de gestion des déchets, mais pas du tout notre mode de financement de cette politique, il est temps d'adapter ce dernier. Nous vous faisons confiance pour poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis douze ans, la loi de 1992 a profondément modifié le paysage de la gestion des déchets en France. Nous sommes passés à un traitement multifilières : récupération, tri sélectif, recyclage, compostage, incinération, enfouissement légal, le tout combiné. La collecte sélective, notamment des emballages, est devenue très majoritaire, puisqu'il y avait à la fin de l'année dernière 55 millions de trieurs en France. La collecte en mélange a donc beaucoup régressé.

Des outils ont été développés : plans départementaux, systèmes de financement de la valorisation des emballages, taux réduit de TVA pour la valorisation, redevance spéciale pour les déchets des artisans et commerçants. Mais il faut encore faire plus et mieux. Dans quelle direction ?


Je ferai seulement trois remarques puisque je n'ai pas beaucoup de temps.

La première concerne les limites de la réglementation actuelle. La loi de 1992 était audacieuse et nécessaire, mais elle montre ses limites : il y a une inflation des coûts ; la prévention et la réduction des déchets à la source, cela ne marche pas bien, c'est le moins qu'on puisse dire ; il y a un manque d'ambition sur les déchets organiques - on en a peu parlé - et le système global de traitement présente de nombreuses incohérences.

Dans une autre vie, j'avais demandé aux préfets d'engager l'élaboration de la deuxième génération des plans départementaux d'élimination des déchets, notamment en mettant l'accent sur la prévention, la collecte séparative et la valorisation de matières. Nous avions proposé des mesures fiscales d'accompagnement dans le cadre du projet de loi de finances, comme le taux réduit de TVA sur ces opérations. Force est de constater que, depuis deux ans, ce programme en trois volets est au point mort. M. Ollier s'est demandé ce qui avait été fait. Pas grand-chose en effet. Je crois donc qu'il faut demander aux préfets d'être plus actifs.

Deuxième point, il faut réduire l'incinération, M. Sandrier en a parlé excellemment. C'est important, bien entendu, pour la qualité de l'air. Auparavant, on disait qu'on allait tout brûler. Les fumées, les odeurs, les pollutions, les risques pour la santé, on s'en fichait. Désormais, la pollution n'est plus libre et gratuite. Il faut donc agir sur le long terme, et seule la réduction de l'incinération est susceptible de garantir une réduction des émissions toxiques, notamment de dioxine, comme l'ont montré des études toxicologiques.

Troisième et dernier point, peut-être le plus important. On parle beaucoup d'une réduction des déchets à la source. Il faut être actif dans ce domaine et faire progresser l'idée selon laquelle le producteur de l'emballage est responsable de son produit en fin de vie. Cela doit devenir la règle. La course au marketing et au packaging doit être réduite dans la mesure où cette publicité transforme en milliards d'euros volatils des tonnes de déchets. Il est nécessaire de développer l'écoconception des emballages et d'alléger les quantités de matières utilisées. Entre 1997 et 2002, nous avions lancé un vaste programme dit de « verdissement » des administrations, notamment des administrations d'Etat... M. Pélissard a l'air de douter de son efficacité, mais il faut continuer...

M. Jacques Pélissard. Je doute de l'efficacité qu'il a eue dans le passé !

M. Yves Cochet. Il faut le reprendre alors. C'est à vous de le faire puisque vous êtes majoritaires !

Il faut étendre ce verdissement de nos pratiques, qu'on pourrait appeler l'écoresponsabilité, aux collectivités locales - certaines communes agissent d'ailleurs ainsi, sous l'impulsion des « écomaires » - et même aux particuliers.

Pour terminer, je voudrais évoquer la réduction des déchets à la source. Il y a en effet une contradiction. On explique qu'il faut réduire le volume des emballages par différentes mesures, y compris fiscales éventuellement, mais ça se heurte à notre volonté d'avoir des normes environnementales et de santé humaine élevées, donc des emballages fiables pour la santé et pour l'environnement. Depuis une quinzaine d'années, en raison de la mondialisation, le trajet d'un produit ou d'un bien vendu dans un supermarché s'est considérablement allongé. Le trajet moyen est aujourd'hui de 2000 kilomètres. Certains vont beaucoup plus loin. On voit même des athlètes américains buvant de l'eau d'Evian, importée de France. De telles aberrations, il y en a plein !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est meilleur pour la santé que le coca-cola !

M. Yves Cochet. On ne peut pas, d'un côté, imposer des normes environnementales et sanitaires élevées, pour des produits qui vont se balader sur des milliers de kilomètres, et, d'un autre côté, expliquer qu'il faut moins d'emballages et de suremballages. Il y a là une contradiction qui est due à la mondialisation. Cela dit, dans un avenir assez proche, le nombre de kilomètres risque de se réduire vu le coût probable des matières énergétiques nécessaires pour le transport.

M. Jean Launay et M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la lutte contre l'effet de serre, la politique de traitement des déchets est un des fondements de notre stratégie de développement durable. En effet, la finalité de la politique des déchets se donne comme ambitions de préserver les ressources naturelles pour les générations futures, de préserver l'environnement, de créer des activités économiques et de l'emploi, et de faire participer nos concitoyens à une action collective mobilisatrice, synonyme de responsabilité.

Eu égard au nombre considérable d'enjeux liés aux déchets, je n'évoquerai ici que trois points.

Premier point, taxe ou redevance ? Telle est la question qu'il nous faut résoudre avant le 1er janvier 2006, les structures intercommunales devant financer à cette date la gestion des déchets par une ressource locale unique. L'unification du financement interviendra trois ans après l'échéance initialement fixée, la loi de finances de 2003 ayant accordé un délai de réflexion aux collectivités. Il nous faudra alors trancher entre la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.

La taxe est un impôt local calculé par rapport à la taxe foncière, elle-même fondée sur la valeur locative des habitations. A supposer que cette base soit correctement appréciée, la taxe traduit alors le niveau social des habitants plus que le coût de la gestion de leurs déchets, mais elle n'a aucun lien avec le service rendu. Le seul avantage, c'est qu'elle est gérée les services fiscaux, ce qui garantit la recette.

La redevance, quant à elle, appliquée essentiellement, pour l'instant, dans le monde rural, tend vers le coût réel du service rendu, objectif méritant, mais malaisé à concrétiser. La collectivité doit identifier les producteurs de déchets, ce qu'accomplit plus aisément une petite commune. Elle doit aussi définir un indicateur représentatif du coût de la prestation. Elle nécessite l'utilisation d'un fichier à jour tenant compte du nombre de personnes vivant dans chaque foyer.

La plupart des collectivités confient aux services fiscaux la gestion de la redevance. Face à un mauvais payeur, toutefois, c'est elles qui subissent la perte de recette et la lourdeur d'une procédure judiciaire, un risque dont elles seraient préservées si le receveur municipal était habilité à engager un recours à tiers détenteur.

Dès lors, il est nécessaire de rendre la redevance plus facile à gérer, éventuellement par les services du Trésor public. Rénovée, la redevance pourrait convenir, car elle fait plus appel au principe de responsabilité.

Le deuxième point que j'aborderai ce matin est l'impérieuse nécessité de renforcer les actions pour la réduction des déchets à la source : réduction de la quantité de déchets produite et diminution également de la toxicité des déchets produits. La prévention concerne de nombreux acteurs : particuliers, industriels, distribution, administrations. Tous, à leur niveau, peuvent agir.

Chaque citoyen peut, par des actions concrètes et simples, œuvrer au quotidien pour limiter la croissance inexorable de la quantité de déchets que nous produisons. C'est un enjeu majeur de la gestion des déchets, et donc de la protection de notre environnement.

Des actions ont déjà lieu : la réduction de la distribution des sacs de caisse dans les commerces ou, action significative, l'adoption, dans le cadre de l'examen de la loi de finances rectificatives pour 2003, d'un amendement tendant à ce que le recyclage des catalogues et imprimés publicitaires qui arrivent dans nos boîtes aux lettres n'incombe plus uniquement aux collectivités locales mais aussi aux organismes qui sont financièrement à l'origine de ces imprimés.

M. Jacques Pélissard. Très bon amendement !

M. Philippe Rouault. Excellent amendement ! (Sourires.)

La responsabilité de chacun est au cœur des actions de réduction des déchets à la source. Nous attendons d'autres signes, monsieur le ministre, même si nous savons que ces efforts ne suffiront pas à régler la question.

Le troisième point que je veux évoquer est le choix des filières de traitement.

Il est temps de revoir les modalités de destination des déchets que sont la mise en décharge, le tri sélectif suivi d'un recyclage, l'incinération, d'autant que la loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement avait fixé au 1er juillet 2002 l'interdiction du stockage en décharge des déchets non ultimes, soit un délai de dix ans à compter de sa promulgation. Ce délai n'a pas été respecté.

A court et à moyen terme, l'ouverture de nouveaux centres d'enfouissement et d'incinération devient une question préoccupante. En effet, il a été estimé que plus de soixante-quinze départements se trouveraient d'ici à cinq ou dix ans en situation de pénurie potentielle.

Le retard dans la prise de décision mais surtout la montée en puissance des intérêts particuliers, des oppositions à tout nouveau projet d'intérêt général sont les principales explications de ce constat, constat qui en appelle à la responsabilité des pouvoirs publics. Ces derniers doivent réagir le plus rapidement possible.

Naturellement, la solution qui doit être privilégiée, après la réduction à la source, est le tri sélectif des déchets, en intégrant bien évidemment l'ensemble des coûts de transports et énergétiques, tri et recyclage compris.

Il convient donc de favoriser le recyclage à condition que l'écobilan ne soit pas négatif au regard de l'incinération.

Je profite également de ce débat pour évoquer la question des boues de stations d'épuration et, plus généralement, des déchets organiques. Ces déchets, dont une large part est d'origine domestique, ont différentes destinations : valorisation agricole, incinération, mise en décharge.

Cette dernière solution est à proscrire. Il convient davantage de développer les filières de recyclage des boues urbaines, d'autant que l'augmentation du parc de stations d'épuration va entraîner un accroissement des quantités de boues, qui seront multipliées par deux d'ici à 2010.

Ainsi, il faut à mon sens revenir sur des choix d'incinération faits précédemment et opérer une réorientation des boues vers des filières de valorisation agricole quand leurs caractéristiques le permettent, afin de rendre disponibles de nouvelles capacités d'incinération pour les déchets ménagers, et, pourquoi pas, de résorber sur le très long terme certaines décharges de produits bruts. Vaste chantier !

Il est dès lors tout à fait indispensable, au vu de l'intérêt que représentent les boues, de développer les filières innovantes de valorisation agronomique.

La gestion des déchets ménagers et assimilés est de la responsabilité de notre génération. Quel regard porteront sur nous les générations futures si nous leur laissons nos stocks de décharges avec des millions de mètres cubes de déchets qui sont autant de problèmes à retardement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

(M. Eric Raoult remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La parole est à M. Franck Gilard.

M. Franck Gilard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le service public d'élimination des déchets ménagers et assimilés est arrivé aujourd'hui à un tournant de son histoire.

Nombre de rapports et d'études ont alimenté la réflexion des acteurs de terrain, des professionnels et des parlementaires que nous sommes. C'est ainsi que le Conseil national des déchets, que préside avec distinction notre estimé collègue Jacques Pélissard, a travaillé depuis plus d'un an avec des personnalités acteurs de la gestion des déchets. La commission parlementaire sur l'aménagement et le développement durable du territoire, présidée par notre collègue Emile Blessig, a également réalisé un excellent rapport sur ce thème. La synthèse de ces travaux devrait vraisemblablement constituer le socle d'un nouveau texte annoncé pour 2004.

Chacun d'entre nous, selon sa sensibilité et son expérience, considère que le bilan de la dernière décennie est un succès ou un échec.

Pour ma part, je pense qu'il est contrasté, avec des succès remarquables et des échecs qui le sont tout autant et desquels nous devons tirer tous les enseignements utiles pour préparer l'avenir.

Je tiens cependant à saluer l'engagement de tous les acteurs qui ont été les protagonistes de cette période et sans lesquels nos déchets seraient encore déversés sans ménagement.

Au-delà de la pure évaluation du dispositif législatif, nous avons tous pu constater que la collecte et le traitement de nos déchets sont générateurs d'iniquité :

Iniquité financière, tout d'abord, entre le coût des déchets ruraux et celui des déchets urbains, même si tout le monde s'accorde à constater que le service a globalement plus que doublé depuis dix ans ;

Iniquité fiscale, ensuite, dans le sens où la TEOM est perçue dans plus de 56 % des communes correspondant à 80 % de la population du pays et dont l'assiette est basée sur une valeur locative déconnectée de la production de déchets et de la capacité contributive des habitants ;

Iniquité territoriale, enfin, dans la mesure où les communes rurales produisent moins de déchets que les communes urbaines mais voient souvent la création d'exutoires sur leurs territoires.

La gestion des exutoires est d'ailleurs un véritable enjeu d'aménagement du territoire, monsieur le ministre, et les mécanismes de financement prévus par les services du ministère de l'environnement restent très en deçà de ce qui peut être espéré pour être réellement incitatif.

La pertinence du secteur d'intervention est de nouveau posée car, au-delà de nos problématiques locales et des oppositions de principe de certains, il est indispensable de réfléchir aujourd'hui à la création de nouveaux exutoires compte tenu des délais incompressibles liés aux autorisations administratives, à la construction et à l'indispensable concertation avec les habitants.

II est temps de réfléchir à un échelon plus pertinent de décision à l'instar des propositions émises par le ministère pour ce qui concerne les départements. La loi sur la décentralisation permettra l'expérimentation, ce qui pourrait être un formidable laboratoire pour ce sujet aussi central.

Un dernier point mérite aussi d'être souligné aujourd'hui. Il est temps de rétablir l'équité entre les citoyens pour ce qui a trait à la communication sur les déchets.


Je crois fondamentalement que l'on peut arriver à convaincre nos administrés et à lutter contre le syndrome nimby à la condition essentielle de respecter la transparence.

Transparence sur les coûts, transparence sur le service rendu, transparence sur les installations et les processus de traitement des ordures ménagères doivent être exigées au niveau de nos syndicats, de nos régies, de nos concessions. L'on ne peut aujourd'hui s'arrêter à la seule publication des rapports de nos assemblées délibérantes. Certes, me direz-vous, cette transparence a un coût. Mais que pèse un euro ou deux en plus sur la facture pour contrer un reportage en prime time sur la dioxine, forcément tueuse, d'une usine d'incinération, reportage qui ruinera nos projets dans l'opinion publique ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est exact !

M. Franck Gilard. Ce débat permet de mieux appréhender les conséquences de la loi de 1992. Gageons que celle qui sera déposée dans les mois à venir prendra en compte les observations des spécialistes afin d'éviter le renouvellement d'erreurs préjudiciables à l'environnement et, au final, au citoyen contribuable.

Il paraît prématuré d'avancer des solutions définitives pour baliser un débat qui ne fait que s'ouvrir. En effet, nous devons fixer le cadre législatif et réglementaire permettant de répondre aux attentes des citoyens contribuables, des opérateurs et des socioprofessionnels.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de nouveaux cadres concrets pour régler durablement des problèmes récurrents. Pour ce faire, il nous faudra relever quatre défis.

Premier défi, la gestion durable des traitements des déchets doit concilier la protection de l'environnement, le développement économique et les préoccupations sociales - c'est un truisme.

Le deuxième défi passe par la maîtrise des coûts, tant pour la collecte que pour les différentes filières de traitement.

Troisième défi, nous devons définir un périmètre pertinent du service public d'élimination des déchets, en fixant plus précisément ce qui relève du service public et ce qui relève de l'activité industrielle et commerciale.

Enfin, quatrième défi, nous devons prévoir des solutions pérennes et adaptées pour la collecte et la valorisation des produits en fin de vie. C'est un sujet complémentaire du traitement de la filière déchets à l'exemple des pneus usagés non recyclables, les PUNR, des déchets électriques, les D3E, et électroniques en fin de vie et des véhicules hors d'usage.

Monsieur le ministre, la tâche qui s'ouvre devant nous est incontestablement immense. La manière dont nous la résoudrons, en concertation avec les professionnels, sera révélatrice de notre capacité à répondre très concrètement à un problème central et quotidien de la vie en société.

Il s'agit donc d'un enjeu environnemental majeur, et je ne doute pas que vous saurez vous en saisir avec énergie, efficacité et bonheur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la question des déchets ménagers et assimilés revient aujourd'hui à l'ordre du jour de notre assemblée, c'est bien parce que la plupart des objectifs affichés dans la loi du 13 juillet 1992, complétée par celle du 2 février 1995, n'ont pas été atteints et que la situation est même à certains égards plus inquiétante.

M. Jean Launay. Ce n'est pas vrai ! Il ne faut pas exagérer !

M. Michel Piron. Qu'il s'agisse, en effet, de la maîtrise des volumes produits - ils ont presque doublé en dix ans -, de leur valorisation - l'insuffisance du recyclage et de la production d'énergie est patente -, du coût de leur gestion - la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ont plus que doublé entre 1990 et 2000 -, tout ou presque justifiait cette discussion, nos interrogations et requiert nos propositions.

S'agissant des volumes, est-il besoin de rappeler l'avertissement du Commissariat général du Plan ? Un département sur quatre pourrait connaître une pénurie de capacités de stockage dans les deux ans, un département sur deux, dans les deux à quatre ans.

Or l'urgence de nouvelles installations se heurte un peu partout à des rejets émanant de populations généralement plus sensibilisées que responsabilisées et confortées par des procédures dont la lourdeur et la complexité tendent à abolir toute hiérarchie entre droit d'information, de concertation et mode de décision.

S'agissant de la valorisation des mêmes déchets, si notre retard dans la récupération énergétique a été souligné par la DATAR, en connaît-on précisément les raisons ? De très nombreuses approches comparant recyclage et récupération d'énergie s'arrêtent généralement à la présentation de leurs coûts, sans prendre en compte la valorisation des sous-produits.

De quelles études dispose-t-on, monsieur le ministre, pour établir un bilan économique et écologique exhaustif - tri, collecte, éventuelle transformation et valorisation - des différentes solutions ?

La croissance des coûts obère fortement la maîtrise de la fiscalité locale : selon des sources DGI-DGCL, entre 1999 et 2003, la TEOM a progressé de 17 % et la REOM de 70 %. Aura-t-il fallu qu'ils atteignent un tel poids - ici l'équivalent d'une demie taxe d'habitation, là, le double - pour émouvoir les spécialistes de l'assiette, ce dont témoignent, sur ce thème, les réponses en forme de variations à de nombreuses questions écrites ?

Il est vrai, les grands principes dussent-ils en souffrir, qu'une taxe ne soulève pas les mêmes protestations à 50 euros et à 300 euros. La question de l'assiette ne saurait manquer de poser celle de l'équilibre entre mutualisation - notamment celle des coûts fixes - et responsabilisation - celle des volumes. La taxe, facile à recouvrer, ne répond en rien au premier objectif, celui de la mutualisation. La redevance, lourde à gérer, ne répond qu'au second, celui de la responsabilisation. Peut-on envisager une fiscalité ou une parafiscalité intégrant ces deux points, qui nous rendrait à la fois solidaires et responsables, solidaires parce que responsables, responsables parce que solidaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ouvrir ce débat revient à faire le bilan de la loi du 13 juillet 1992 et à tracer des perspectives en vue d'une orientation durable de nos comportements dans le domaine de la gestion des déchets ménagers. Domaine complexe car, plus qu'aucun autre, il mêle les comportements individuels de chacun d'entre nous à l'attitude collective que nous devrions avoir face à cet enjeu.

La loi du 13 juillet 1992 a considérablement modifié les pratiques de gestion des déchets. Douze ans après sa promulgation, nous pouvons identifier les changements qui ont été opérés et en mesurer l'impact. Nous pouvons ainsi affirmer que l'objectif de modernisation des pratiques et des techniques que le législateur avait fixé au travers de ce texte a globalement été atteint, même si des différences sensibles existent entre les territoires.

Mais sur les territoires les plus performants, nous avons assisté à une véritable révolution dans plusieurs domaines, Permettez-moi, pour illustrer mon propos, de faire référence à un département que je connais mieux que d'autres : le Lot. Le conseil général, nouvellement présidé par le sénateur Gérard Miquel, auteur par ailleurs, en 1998, d'un rapport de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques sur les différentes techniques de traitement et de recyclage, a très vite réfléchi et agi autour de ce texte de loi de 1992, en liaison avec les syndicats de collecte.

La loi a eu un impact sur l'organisation territoriale et l'aménagement du territoire. Elle a obligé les élus à engager une réflexion pour définir le périmètre d'étude et de gestion. Il a fallu se poser de nombreuses questions : quel est le périmètre pertinent pour gérer la collecte, les collectes sélectives et le tri, le traitement final ? Quelle responsabilité laisser respectivement aux communes, aux syndicats intercommunaux, à un syndicat départemental ?


Les réponses à ces questions ont, certes, été dictées par les enjeux et les problématiques locaux, mais aussi et surtout par la recherche de l'optimum économique que permettraient des économies d'échelle.

Cette réflexion a, en outre, permis de réfléchir globalement à l'aménagement du territoire, en abordant la question du positionnement géographique des outils en fonction des dessertes routières, des bassins de vie et des enjeux économiques locaux.

Dans le Lot, pour trente et un cantons, quinze structures intercommunales sont chargées de la collecte et un syndicat départemental construit et gère l'ensemble des équipements de traitement. Le département compte aujourd'hui deux centres de tri - le troisième ouvrira au mois de juin -, trois plates-formes de compostage, deux centres d'enfouissement technique de classe 2 et comptera une vingtaine de déchetteries à très court terme.

La loi a eu aussi un impact environnemental. Les plans départementaux ont bien souvent entraîné l'abandon des technologies anciennement utilisées au profit de nouvelles filières de tri, de recyclage et de valorisation.

Qu'il s'agisse des collectes sélectives et du recyclage des emballages et des papiers, du compostage ou de la valorisation énergétique, le résultat final est globalement très positif d'un point de vue environnemental. Cette démarche permet de réaliser des économies de matières premières et d'énergie et de préserver ainsi nos ressources naturelles - à tout le moins, de maîtriser les nuisances sur l'environnement.

Dans le Lot, plus de 30 % des déchets sont recyclés et près de 20 % sont valorisés sous forme de compost. Deux cent onze décharges sauvages sur deux cent vingt-quatre ont été résorbées et en grande partie réhabilitées ; les deux CET de classe 2 encore en activité ont été mis aux normes environnementales, les biogaz et lixiviats étant désormais récupérés et traités.

La loi a eu, en outre, un impact social et culturel. La nouvelle gestion des déchets a indéniablement eu un effet positif sur la création de nouveaux emplois. Elle impose aux habitants de s'impliquer activement, en particulier dans le tri des déchets, et s'inscrit pleinement dans la participation citoyenne - l'« éco-citoyenneté ».

Il reste encore des marges de progression pour améliorer le geste de tri. Cette intelligence du geste rejoindrait alors la considération due aux agents travaillant sur les chaînes de nos centres de tri.

Dans le Lot, ce sont aujourd'hui cent trente emplois nouveaux qui ont été créés en cinq ans, dont quatre-vingt d'opérateurs sur les deux centres de tri, vingt d'agents de réseau des déchetteries et vingt emplois administratifs ou d'encadrement. D'ici à la fin de l'année, une quarantaine d'emplois supplémentaires devraient être créés avec la mise en service du troisième centre de tri.

La loi a eu, enfin, un impact sur les coûts ou le financement du service. Il faut bien admettre, en effet, que la modernisation de la gestion des déchets a été suivie, le plus souvent, d'une augmentation des coûts.

A cet égard, la collecte sélective pèse davantage sur les budgets des petites collectivités, qui ont dû organiser des tournées supplémentaires, alors que des collectivités plus grandes ont pu substituer des tournées de collecte sélective à certaines tournées ordinaires.

Dans le Lot, la mise en place du réseau des déchetteries a généré un coût supplémentaire de 10 euros par habitant et par an ; le coût du traitement de la fraction non valorisable des déchets, qui inclut le transport, le traitement proprement dit et la gestion des quais de transfert, est aujourd'hui de 76 euros par tonne.

Cependant, la loi de 1992 a eu pour effet positif d'appliquer à certains produits, comme les emballages et les pneus, l'internalisation des coûts. Le coût d'élimination du produit devenu déchet est ainsi inclus dans le prix d'achat, ce qui permet, d'une certaine manière, de responsabiliser les industriels, même si le coût reste, en fin de compte, supporté par le consommateur-contribuable.

Le processus de développement durable a donc déjà touché le domaine de la gestion des déchets ménagers, même si les aspects positifs que je viens d'évoquer, en particulier sur le plan social et environnemental, peuvent être encore largement améliorés dans l'avenir.

Le développement du recyclage devrait y contribuer. Il faut inciter les industriels à utiliser des matières premières secondaires issues de la récupération et à fabriquer des produits recyclables - en effet, de nombreux emballages ne sont pas recyclables : si les PET, PEHD ou le PVC le sont, certains polymères de plastique, comme le polypropylène, ne le sont pas.

Il faut surtout - la question n'est pas nouvelle, mais il ne me semble pas que nous ayons beaucoup progressé - inciter les industriels à réduire à la source les quantités de déchets ! En admettant même que les emballages soient adaptés aux centres de tri, avons-nous une véritable volonté politique d'imposer dans ce domaine des mesures visant à réduire le poids, la quantité et le volume des emballages ?

Réduire la production des déchets, tant en quantité qu'en potentiel de pollution, est un enjeu, et j'espère que cela ne restera pas un vœu pieux. Le déchet dont on se débarrasse le plus facilement, c'est celui qui n'existe pas !

Nous pouvons et devons développer demain l'internalisation des coûts d'élimination des déchets. Cette responsabilisation du producteur est une mesure de prévention, qui s'applique déjà aux emballages et qu'il convient de développer pour des produits tels que les appareils électroménagers et informatiques et les films plastiques agricoles. C'est là une nécessité pour être en mesure d'appliquer le principe « pollueur-payeur », qui fait supporter au pollueur les coûts de la prévention et du contrôle de la pollution. De plus en plus, désormais, le « pollueur » n'est plus tant perçu comme la personne physique ou morale qui produit un déchet que comme celle qui produit et met sur le marché un bien qui deviendra un jour un déchet.

Cette internalisation des coûts constitue donc en elle-même une évolution dans le financement de la gestion des déchets, qui était jusqu'à présent à la seule charge des collectivités locales.

Il nous faut aussi poursuivre la réflexion sur l'organisation territoriale. Les plans départementaux mis en place par la loi de 1992 ont pu entraîner certaines rigidités dans l'organisation de l'élimination des déchets, qui ne sont pas toujours conformes au bon sens et à l'efficacité.

Il convient de tenir compte de l'importance des gisements de déchets et des choix relatifs aux techniques d'élimination. Nous devons faciliter, au plan législatif, la coopération entre les départements, pour éviter, par exemple que deux syndicats départementaux désireux de partager leurs moyens soient contraints de fusionner en créant une nouvelle structure ou de contractualiser en se pliant à l'obligation de mise en concurrence prévue par le code des marchés publics, qui est une procédure complexe.

Les moyens financiers doivent être justement répartis, ce qui suppose des remaniements profonds. Il conviendrait sans doute d'augmenter le montant de la TGAP pour la mise en décharge et de le doubler en cas de mise en décharge illégale. Notre collègue Pélissard pourrait mieux que moi rappeler les préconisations de l'AMF en la matière : moduler la taxe selon que les déchets sont, ou non, de la nature ultime ; la minorer pour les installations publiques ou privées respectant la norme ISO 14001 ; ...

M. Jacques Pélissard. C'est déjà le cas.

M. Jean Launay. ... la majorer pour les déchets produits dans les installations qui ne seraient pas aux normes et l'élargir à toutes les décharges publiques.

Quant à l'ADEME, ce n'est pas faire injure à cet organisme que de constater ses difficultés et sa faible influence sur les financements obtenus par les collectivités. Ne serait-il pas souhaitable de clarifier et simplifier cette situation ? On pourrait revenir à des dotations d'Etat - par l'intermédiaire, par exemple, de la DGE - modulées en fonction de la situation des collectivités locales attributaires, introduisant enfin ainsi un début de péréquation !

Il faut envisager de telles solutions pour les zones rurales, soumises à une « double peine » : l'étendue des territoires génère des coûts de transport plus élevés et, reposant sur une population moins nombreuse, les coûts de collecte par habitant y sont plus élevés. A l'intérieur même du département du Lot, le rapport est du simple au double entre le coût de la collecte en zone urbaine et celui de la collecte en zone rurale.

Quant à la taxe et à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères - la REOM et la TEOM -, il faut déjà commencer par en changer le nom : le développement durable en matière de gestion des déchets ne se réduit pas à l'enlèvement des poubelles devant la porte du citoyen-consommateur-contribuable ! Trier, recycler et traiter sont précisément les notions fondamentales du développement durable, celui qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

Dans le cas de la redevance, le choix de l'assiette et du taux appartient aux collectivités, mais nous savons tous les difficultés qu'elles rencontrent pour l'appliquer en zone urbaine. La TEOM, quant à elle, pose la question de la pertinence de notre fiscalité locale. Comment, en effet, ne pas avoir conscience non seulement de la nécessaire modernisation de l'assiette de la taxe foncière sur le bâti, mais aussi de l'injustice d'une taxation qui ne tient pas compte des volumes de déchets produits ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de la moitié de nos départements ont besoin de nouveaux centres d'enfouissement et/ou d'incinération. Le recours à de nouvelles installations demeure indispensable tant que la réduction des déchets à la source n'aura pas progressé, malgré l'augmentation du recyclage et l'internalisation progressive des coûts. Le développement durable, en la matière, ne peut s'accommoder du syndrome nimby.

La transparence doit accompagner la pédagogie. Même si les installations de stockage et de traitement ne sont presque plus polluantes, les citoyens l'ignorent, faute d'information et de débat. Ce n'est qu'en les associant plus et mieux à cette politique que le concept même de développement durable s'imposera pleinement.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la collecte et le traitement des déchets sont devenus l'une des préoccupations majeures de notre société de consommation. Toutefois, les différents modes de traitement ne passionnent que quelques spécialistes et certains mouvements politiques - qui oublient à l'occasion qu'ils sont aussi des consommateurs -, alors que nos concitoyens sont plus préoccupés par la localisation des sites de traitement, qu'ils craignent de voir installer à proximité de leur habitation.

La loi préélectorale de 1992 a, par ailleurs, souffert d'un manque de réalisme et, douze ans plus tard, le bilan n'est pas très positif ni les perspectives très encourageantes.

M. Jean Launay. Il ne faut pas charrier !

M. Yves Simon. Les emballages et les matériaux qui les composent sont de plus en plus sophistiqués et leur recyclage est souvent très complexe. Le tri engendre des coûts très élevés, peu compatibles avec le prix de rachat des matières premières qui en sont issues. Là comme ailleurs, on a oublié de dire au consommateur qu'il paierait l'essentiel de la facture.

Afin de sensibiliser l'amont de la filière, il semblerait souhaitable de majorer de façon significative la taxe sur les emballages, en particulier pour ceux d'entre eux qui sont le plus difficilement recyclables.

Le coût de la collecte et du traitement devient une réelle préoccupation des usagers, le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères étant calculé sur la base du foncier bâti.

Je siège parmi les administrateurs d'un syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères - un SICTOM - créé en 1977, qui collecte les déchets de 90 000 habitants, répartis sur 136 communes rurales. Les volumes collectés sont de 35 000 tonnes de déchets ménagers - soit environ 400 kilos par habitant -, 4 300 tonnes de déchets industriels, 5 200 tonnes de déchets hospitaliers et 7 000 tonnes d'autres déchets, comprenant notamment des farines animales.

L'usine d'incinération a nécessité un investissement de 4,7 millions d'euros en 1982, puis de 9 millions d'euros - soit le double - pour sa mise aux normes en 1997, et il faudra encore dépenser 24 millions d'euros d'ici à la fin de 2005, soit cinq fois le prix de construction.

Toutes les communes sont équipées de points-tri, le territoire est émaillé de déchetteries et la périodicité de la collecte est définie au choix des communes. Ce SICTOM vend 75 000 mégawatts à une entreprise d'équarrissage et recycle 6 000 tonnes de déchets avec le soutien d'Ecoemballage. 9 000 tonnes de mâchefer sont cédées aux communes et au département et 1 200 tonnes de déchets ultimes sont mises en décharge de classe 1. Le SICTOM emploie cent salariés, et l'exploitant de l'usine trente-cinq.

Cependant, deux questions se posent pour l'avenir.

D'abord, si la mise aux normes est réalisée sans subventions, la prise en charge des travaux de l'usine d'incinération se traduira par une hausse de 28 % des tarifs : comment expliquer cette hausse alors que la précédente mise aux normes n'est pas encore tout à fait amortie ?

Par ailleurs, plus les dépenses engagées par le SICTOM en vue du tri des déchets sont importantes, plus la participation d'Ecoemballage se réduit.

Il convient, en outre, de s'interroger sur la finalité de certains tris sélectifs. Ainsi, les verres blancs et les verres verts, une fois triés, se trouvent parfois mélangés. De plus, selon certaines prévisions, le prix du verre pourrait être divisé par dix dans les prochains mois. Dans ces conditions, ne peut-on penser que le développement du tri sélectif a atteint ses limites ?

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous soumettre plusieurs réflexions.

Première réflexion : il faut mieux informer. Aux usagers et aux divers mouvements qui réclament plus de tri sélectif, il conviendrait de bien montrer le coût de ces opérations pour l'usager-contribuable, et en particulier pour les familles les plus modestes.

Deuxième réflexion : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est contestée et les élus sont l'objet de nombreuses sollicitations quant à l'application de cette taxe qui, assise sur le foncier bâti, ne tient pas compte des volumes des déchets produits et pénalise gravement les territoires ruraux, où l'habitat a une surface plus importante.

De plus, l'article 107 de la loi de finances pour 2004 prévoit qu'à partir de 2005, un taux unique de taxe d'enlèvement des ordures ménagères s'appliquera à l'ensemble du territoire intercommunal. Dans cette hypothèse, les bases communales n'étant pas uniformes, le financement de la collecte et du traitement des déchets serait encore moins lisible.


Troisième réflexion : la redevance mériterait d'être fiscalisée. Elle introduit en effet plus de souplesse dans le calcul des coûts et elle est plus juste. En revanche, n'étant pas fiscalisée, elle ne permet pas aux syndicats intercommunaux de bénéficier du douzième d'avance de dotation chaque mois. Cette difficulté n'est pas sans solution.

Quatrième réflexion : la loi est appliquée à deux vitesses. La loi de 1992 prévoyait que les centres d'enfouissement ne pourraient recevoir que les déchets ultimes à partir de 2002. Or il n'en est rien. En revanche, les usines d'incinération sont soumises à des contrôles incessants et à une évolution permanente des normes. Pour l'usager, cette discrimination est lourde en termes financiers. Il est donc nécessaire de revoir certains calendriers. La dotation globale de fonctionnement fondée sur la TEOM ne semble pas justifiée. La fiscalité propre des intercommunalités introduit la TEOM dans le coefficient d'intégration fiscale. Cette solution est très onéreuse pour l'Etat et elle ne change en rien les modalités de fonctionnement précédentes. Il conviendrait de se pencher sur ce sujet.

Plusieurs intervenants ont évoqué les difficultés de mise en œuvre des plans départementaux des déchets. Au-delà des problèmes techniques et financiers, la politique a souvent contrarié cette mise en œuvre. Dans mon département, mon prédécesseur communiste a littéralement « planté » une partie du schéma départemental pour satisfaire les Verts afin d'être réélu en 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- M. Yves Cochet s'esclaffe.)

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord me réjouir de ce débat. L'omniprésence des déchets dans notre vie quotidienne et la délicate question de leur traitement en font en effet un sujet essentiel.

L'enjeu est de taille quand on sait que chacun d'entre nous produit plus de 450 kilos de déchets par an. La politique en matière de déchets touche à notre quotidien : les déchets traduisent nos habitudes de consommation et une mauvaise gestion de ces derniers porte rapidement atteinte à notre cadre de vie. Les attentes sont donc fortes dans ce domaine.

La France a émis environ 33,4 milliards de tonnes de déchets en 2000 et cette production croît d'environ 2 % par an. Cela ne paraît plus supportable. Comme dans la plupart des pays développés, nous devons reconnaître l'échec relatif de la réduction à la source. Elle est pourtant essentielle, tout comme l'est l'internalisation du coût de traitement dans le prix de revient. Cela me semble une piste à encourager pour agir sur la production des déchets et développer l'écocitoyenneté.

En matière de valorisation des déchets, il nous faut aussi avouer nos faiblesses, même si quelques progrès ont été enregistrés avec, par exemple, une production de mégawatts par heure qui a doublé depuis 1993.

La production de biogaz par les décharges est également importante, mais seule une faible partie de cette production est valorisée sous forme de combustible ou d'électricité. Comparée à certains de nos voisins européens, cette récupération d'énergie avec une valorisation organique qui porte seulement sur 7 % des ordures reste insuffisante. Nous pensons tous à l'exemple de la Suède, où de grandes villes sont largement chauffées par la chaleur issue de l'incinération des ordures ménagères. Il faut donc faire des efforts en la matière.

Cela a été dit, la loi du 13 juillet 1992, fondée sur une logique de filières, devait résoudre la question. Elle n'a pas répondu à toutes les attentes, mais elle aura au moins eu le mérite de mettre en place le traitement des déchets ménagers et d'induire un début de changement de comportement de nos concitoyens en les incitant à « jeter intelligent ».

M. Jean Launay. Voilà qui est raisonnable !

M. Denis Merville. Certains ont alors pensé que le tri sélectif était la solution, mais plusieurs années après sa mise en place, on se rend compte que la collecte est difficile, que les volumes et les coûts sont en constante augmentation et que ce procédé se heurte parfois aux habitudes de nos concitoyens. Nombre de départements n'ont d'ailleurs pas encore de plan d'élimination. Nous sommes toutefois parvenus à remplir les objectifs fixés par l'Union européenne en termes de collecte des matières recyclables telles que le papier carton, le verre, l'acier et la ferraille.

II est donc temps de réformer cette loi, car elle ne nous donne plus les moyens de traiter des déchets toujours plus nombreux. Mais l'application de nouvelles mesures exige l'appui et le soutien de nos concitoyens. Des efforts sont donc nécessaires pour faire évoluer les mentalités, car si l'opinion publique se déclare sensible aux questions environnementales, il en est autrement lorsqu'il s'agit d'avoir trois poubelles différentes chez soi, de s'astreindre au tri des déchets ou encore d'accepter des installations classées.

Oui, trop de consommateurs aiment ces papiers qui envahissent nos poubelles, ces emballages cartonnés, plastifiés, sans parler des sacs plastiques que l'on nous force à prendre au moindre achat et qui relèguent les sacs en papier au rang d'exception ! Quant aux publicités, c'est avec difficulté que nous sommes finalement parvenus à faire adopter l'amendement « COUNA » dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003.

Face au coût de l'élimination des déchets, une réforme de la TEOM et de la REOM me semble indispensable. Les conditions actuelles dans lesquelles est calculée la TEOM n'ont que peu de rapport avec le volume de déchets produit par chaque ménage et la fréquence d'utilisation du ramassage, d'où l'incompréhension de nos administrés. L'association des maires de France propose notamment d'élargir les possibilités de modulation des taux et de modification de l'assiette de la taxe.

Un nouveau mode d'imposition, fixé sur des critères mieux adaptés, c'est-à-dire non seulement la valeur locative, mais aussi une part liée au nombre d'habitants du foyer, paraît une piste intéressante. Nous pourrions ainsi moduler le taux en fonction du service rendu.

Quant à la REOM, son recouvrement devrait pouvoir se faire par le Trésor public.

Le poids de ces dépenses nécessite également de trouver de nouvelles ressources. Je pense notamment aux gens du voyage.

La croissance des déchets ménagers a conduit aussi à la saturation des capacités de stockage et de traitement. Or, les nouvelles normes exigent la fermeture de nombreuses unités. C'est ce que le Gouvernement a fait depuis 2002. Quant aux capacités de stockage, elles demeurent insuffisantes. Une majorité de départements devra donc ouvrir de nouveaux centres d'enfouissement et d'incinération à court et moyen terme. Hélas, l'exercice est difficile !

Nous sommes aujourd'hui confrontés à un nouveau challenge : ordures ménagères, DEEE, filière graphique, boues, déchets toxiques. Le succès passe par une prise de conscience de la part de nos concitoyens de la notion de développement durable en matière de production des déchets. La tâche qui nous attend est difficile, mais ce débat doit permettre de faire prendre conscience de l'urgence de cette question.

La sensibilisation à l'environnement en général et à la question des déchets en particulier commence dès le plus jeune âge. Nous devons « miser » sur les jeunes générations pour changer les comportements. Cela passe par l'éducation à l'environnement ; elle fait désormais partie intégrante des programmes scolaires. Nous pouvons nous féliciter de cette avancée, mais nous ne devons pas relâcher nos efforts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marcelle Ramonet.

Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce matin est emblématique à plus d'un titre.

Mission de service public relevant de la compétence des communes et des groupements de communes et impliquant l'intervention des départements et des régions, la gestion des déchets est l'une des plus anciennes obligations de nos collectivités. Elle intègre désormais un concept plus large avec la responsabilité de l'élimination des déchets ménagers dans des installations préservant l'environnement.

L'approche d'une gestion des déchets ménagers où chacun pensait qu'il serait possible de les faire disparaître est révolue. De fait, le législateur, au travers des lois de 1975, puis de 1992, s'est fixé des objectifs ambitieux, articulés autour de trois axes : l'incitation à la réduction de la production des déchets, la mise en place d'une nouvelle stratégie de valorisation et l'interdiction de mise en décharge brute. Cela place certains départements face à une pénurie et mettra, à terme, la majorité d'entre eux dans des difficultés analogues.

L'enjeu environnemental, c'est aussi la réhabilitation des décharges comme l'étanchéité du dispositif de récupération des lixiviats, la récupération et la valorisation du biogaz, la surveillance épidémiologique des stockages non stabilisés et l'impact sur la valeur patrimoniale des territoires.

Ce débat met en exergue une problématique évidente aux yeux de nos concitoyens, à savoir la nécessité de réduire et de traiter les déchets, mais pose derrière ce postulat une multitude de questions et souligne des enjeux sur les plans sociétal, environnemental, économique et financier.

Nombre d'entre nous ont abordé les aspects financiers. De fait, depuis dix ans le coût du traitement a été doublé. Le manque d'incinérateurs et la saturation des décharges montrent d'autant plus l'acuité de cet enjeu pour l'avenir que 50 % des ordures ménagères partent encore aujourd'hui en décharge.

Il est utile de s'imprégner de quelques ordres de grandeur : 33,5 millions de tonnes de déchets sont rejetés en France chaque année ; un kilo d'ordures ménagères par personne est produit chaque jour ; les déchets connaissent une croissance annuelle de 1 %.

A côté de ces chiffres bruts, il existe un paradoxe puisque, selon une étude, si nos concitoyens sont convaincus à 98 % de l'utilité du tri, seuls 51 % affirment le pratiquer systématiquement. De plus, alors que 30 % des déchets contenus dans chaque poubelle sont recyclables, dans la pratique 15 % à peine le sont effectivement.

En favorisant le réemploi de tout ou partie du déchet, en incitant les collectivités à extraire tout matériau et toute énergie que le déchet recèle, la loi de 1992 a posé, de mon point de vue, un bon principe. Cette stratégie de valorisation, à travers le développement du recyclage, du réemploi des matériaux, du compostage, de la valorisation énergétique et de la généralisation de la collecte sélective, a marqué une rupture avec les anciennes pratiques.

Cela m'amène à appeler l'attention sur l'évolution des habitudes de consommation de nos concitoyens et sur la responsabilité des industriels dans ce que l'on nommera « l'ère du mini-dosage et du maxi-emballage ». Cette évolution des comportements n'arrange pas les choses. Il y a une demande forte et une mode qui sont entretenues par les industriels. Les pastilles de lessive, les lingettes, les dosettes de café, les briquettes de lait à l'école en sont des exemples très concrets - certains conditionnements peuvent représenter jusqu'à dix fois l'emballage traditionnel. L'emballage du téléphone portable - cela a été dit -, c'est jusqu'à vingt-cinq fois le volume du produit ! C'est donc par la réduction à la source qu'il convient d'aborder notre réflexion commune.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise aux normes des installations d'incinération avant fin 2005, la réglementation future sur l'amélioration des composts dont le compost sur ordures brutes, la réglementation applicable aux unités de traitement, tout cela nécessite de reconsidérer désormais les projets à l'échelle d'un territoire cohérent en raison des investissements induits. Il s'agit d'un enjeu majeur au regard des coûts à supporter par la collectivité, et donc par le contribuable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Gérard Voisin.

Gérard Voisin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux à le rappeler aujourd'hui, le traitement des déchets est une question brûlante mobilisant nos concitoyens et les élus locaux, qui doivent avoir du courage et voir les choses durablement. Les sujets de préoccupation et de réflexion sont nombreux. Comment réduire les déchets à la source ? Comment organiser un recyclage efficace et viable économiquement ? Quelle fiscalité pour la collecte ? Quels traitements pour les déchets ultimes ? Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins et, douze ans après l'adoption de la loi sur les déchets, il est clair qu'une nouvelle impulsion doit être donnée à la politique d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

La réduction à la source et le recyclage connaissent des progrès, mais qui sont insuffisants malgré une sensibilisation croissante des usagers et la mobilisation des collectivités locales. Cela dit, la collecte sélective et le tri ne permettront pas, ne permettrons jamais, d'éliminer complètement les déchets qu'il faudra donc traiter - il ne faut pas l'oublier. Le service Eco-emballages est à bout de souffle. Le service public est luxueux et les coûts s'envolent. La réduction des déchets à la source est un vœu pieux.

Ni incinération ni enfouissement : c'est un discours qu'il n'est plus possible de tenir. Je pense, comme beaucoup, que le bilan environnemental penche nettement en faveur de l'incinération et que c'est cette méthode, assortie d'une valorisation énergétique, qui doit être aujourd'hui préconisée et soutenue vigoureusement.


Les pouvoirs publics ont su faire preuve d'autorité en fermant les installations qui ne répondaient pas aux normes, désormais drastiques. Dans ce domaine, monsieur le ministre, je tiens à saluer l'action de votre prédécesseur. Il faut continuer sur cette voie, faute de quoi la solution de l'incinération sera définitivement dévaluée.

La capacité d'incinération est aujourd'hui très insuffisante. Les projets d'installation ont pris du retard, et nous connaissons une pénurie d'investissements, avec toutes les conséquences que cela implique en matière environnementale. Nous sommes donc au pied du mur. Dans beaucoup de départements, la situation est dramatiquement bloquée : c'est le cas en Saône-et-Loire, où la fermeture de décharges n'est compensée par aucun projet d'ouverture nouvelle et où aucune usine d'incinération n'existe sur un territoire de plus de 500 000 habitants.

Après l'achèvement de la mise en conformité des installations, nous attendons des pouvoirs publics qu'ils entament un travail d'explication, d'information et de communication afin de rassurer nos concitoyens.

Concrètement, les collectivités locales sont aujourd'hui dans l'impossibilité d'appliquer les plans départementaux d'élimination des déchets, car les communes ne souhaitent pas, pour des raisons bien connues, accueillir ces installations. Actuellement, 70 % des départements sont concernés par une opposition soit aux usines d'incinération des déchets ménagers soit aux centres d'enfouissement. Les attitudes des populations se radicalisent, sont irrationnelles,...

M. Yves Cochet. Leur opposition n'a rien d'irrationnel !

M. Gérard Voisin. ...et parfois contradictoires. D'un département à un autre, les mêmes associations se positionnent ici contre l'incinération, là contre les décharges. Ce refus de plus en plus violent s'exerce, répétons-le, au détriment de l'intérêt général.

La position des élus chargés de la responsabilité du traitement des ordures ménagères devient insoutenable. L'Etat doit donc s'engager pour les aider, en favorisant l'acceptation de l'incinération par les populations et en appuyant la sélection, puis le choix définitif des sites. Monsieur le ministre, nous attendons une mobilisation sans faille de votre part et de celle de votre administration, car le rejet s'installe de plus en plus au sein des populations et la confiance sera difficile à rétablir.

Un état des lieux a été dressé dans le rapport de notre collègue Emile Blessig, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire, sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire. Un autre, plus récent, figure dans le rapport du Commissariat général du Plan sur la politique du service public des déchets ménagers et assimilés.

Des solutions sont avancées. Nous les avons entendues ce matin. Elles devront obéir à une triple exigence de souplesse, de transparence et de fermeté.

Pour satisfaire l'exigence de souplesse, il faut privilégier le principe de proximité en rendant les plans départementaux moins prescriptifs, favoriser la coopération entre les collectivités sans nuire à la concurrence ni à la liberté du commerce ou de l'industrie et asseoir la sécurité juridique en affermissant la délégation de service public.

Pour assurer plus de transparence, il convient de rechercher l'association des populations et de permettre que les communes qui accueillent les installations reçoivent des subventions.

Pour répondre enfin à l'exigence de fermeté, les unités de traitement devront pouvoir être transformées en projets d'intérêt général que le préfet sera en mesure d'imposer.

L'Etat doit s'engager clairement, en laissant les élus locaux mettre en œuvre, par la loi nouvelle, des principes nouveaux et enfin pragmatiques. Cela, c'est tout l'art de la politique, non pas celle des effets de manche politiciens et sans lendemain, qui sclérosent nos collectivités territoriales depuis quelque temps, mais celle du devoir quotidien du maire envers ses administrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Micaux.

M. Pierre Micaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre département de l'Aube, nous avons réussi à créer un syndicat départemental d'élimination des déchets, le SDEDA.

M. Jacques Pélissard. Très bien !

M. Pierre Micaux. Celui-ci regroupe les 430 communes du département, y compris celles de l'agglomération troyenne. Nous y constatons une réelle cohésion, due à la volonté d'entreprendre et d'aboutir, pour répondre à une attente certaine. Il s'agit d'un travail important et difficile, d'autant que nous n'avons que quatre collaborateurs - mais il est vrai que ceux-ci ne connaissent pas les 35 heures !

M. Yves Cochet. C'est pourtant la loi !

M. Jean-Claude Sandrier. Ils ne connaissent pas la loi ?

M. Pierre Micaux. Laissons cela : c'est un sujet sur lequel nous divergeons.

Pourtant, aux yeux de l'opinion publique, et même des élus, nous n'allons jamais assez vite - bien que la collecte sélective et le tri couvrent 95 % de notre territoire - et nous sommes trop chers, ce dont je conviens, d'ailleurs. Il faut donc imaginer une politique de traitement des déchets qui intègre le fait que la redevance ou la taxe des ordures ménagères prélève une part importante des revenus, parfois très faibles, des smicards et a fortiori des chômeurs. En 2003, nous avons vu les prix de la collecte et du tri augmenter de 40 % à 100 %.

De plus, il y a des entreprises dominantes, pour ne pas utiliser un autre mot, que vous devinez aisément. Il existe des situations de fait. Les périmètres sont répartis, ce qui n'est pas admissible. Il nous faut donc ouvrir ce secteur à la concurrence. Monsieur le ministre, nous vous demandons de nous y aider, afin que celle-ci joue à plein, comme dans tous les marchés. Je vous en remercie d'avance.

Par ailleurs, je profite du temps de parole, trop court, qui m'est imparti pour rappeler avec regret que certaines administrations sont trop tatillonnes. C'est le cas de la DDE et de certains trésoriers ou de certains percepteurs - ce n'est pas le cas de notre faite du trésorier général. Des délais de paiement trop longs ont déjà failli nous exposer à des intérêts moratoires.

En ce qui concerne les déchetteries, les ingénieurs de la DDE nous ont fait prendre un retard de deux à trois mois, qui nous a obligés à acquitter des intérêts moratoires. Vous voyez que ce service ne nous simplifie pas la vie.

Notre département comptera bientôt vingt-neuf déchetteries, puisque nous venons d'en adjuger seize, en plus des treize qui existaient préalablement. Le groupement de ce marché nous a permis d'obtenir, sur un volume global de 3 millions d'euros, à peu près 10 % de rabais, ce qui prouve que la cohésion paie.

Je rejoins l'opinion que le président Pélissard a exprimée au cours d'une réunion précédente. Je pense comme lui que, plus nous interviendrons en amont, au lieu de n'agir qu'en aval, plus nous maîtriserons la situation. Avec les déchetteries, nous avons déjà réussi à contrôler les tonnages, tout au moins dans certains secteurs.

Un problème majeur reste le mode de financement. Pour ma part, je préfère de beaucoup le système de la redevance à celui de la taxe d'enlèvement assise sur la taxe d'habitation, qui me paraît relever du leurre, voire de l'injustice. J'ai entendu tout à l'heure un de nos collègues plaider en faveur d'une solution mixte. Peut-être y a-t-il quelque chose à trouver de ce côté, bien que la solution miracle n'existe probablement pas.

Par ailleurs, comme l'a signalé un des orateurs précédents, les transports coûtent cher. Une péréquation entre ville et campagne me paraît donc nécessaire. Il en va d'un meilleur aménagement du territoire.

Enfin, pour revenir sur un point qui a été évoqué précédemment, je confirme que les courriers non adressés occasionnent des dépenses importantes. Un amendement relatif à ce sujet a été voté par l'Assemblée et le Sénat. Par conséquent, monsieur le ministre, j'attends le décret que vous allez prendre pour appliquer ce texte, dans des délais que je souhaite très rapides. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, à mon tour, je voudrais souligner les progrès réalisés sous l'impulsion de la loi du 13 juillet 1992. Le plus important est la prise de conscience par le public de la nécessité, non seulement de se débarrasser des ordures ménagères, mais aussi et surtout de les traiter. Ainsi, dans ma circonscription, le taux de valorisation est passé, entre 1994 et 2002, de 15 à 75 %, ce qui a permis du même coup de diviser par quatre la part destinée à l'enfouissement.

Mais, ici comme ailleurs, la médaille a son revers. Les efforts réalisés tendent à être absorbés par l'augmentation continuelle de la production de déchets. La saturation du centre de stockage des déchets ultimes est donc inéluctable, alors que les coûts de mise aux normes explosent. Enfin, l'augmentation importante des coûts répercutés sur l'habitant - qui, chez nous, a atteint le chiffre de 70 % en deux ans - entraîne inévitablement son lot de grincements de dents.

Les élus en charge de ce dossier ont bien compris la nécessité de la transparence. Leurs efforts de pédagogie ont été à la hauteur des inquiétudes formulées. Ceux-ci ont été plus faciles sous le régime de la redevance, ce qui confirme qu'il est urgent d'améliorer le système de la taxe, dans les cas où il est le seul praticable.

Ce qui choque le contribuable, c'est de voir augmenter fortement les taxes ou les redevances sur une courte période, sans que le service soit amélioré. On peut évidemment s'abriter derrière la loi sur les 35 heures ou le fait que certains circuits de collecte ne desservent pas les impasses. Mais ces petits détails ne sont pas faits pour améliorer les relations avec le contribuable.

De notre débat, les acteurs locaux attendent notamment davantage de visibilité à long terme, ce qui permettrait une programmation du taux d'évolution de la redevance.

En ce qui concerne les pistes d'évolution, je souscris pleinement aux principes d'optimisation et de transparence que met en avant M. Pélissard. A mes yeux, au-delà de l'effort de valorisation, l'optimisation signifie réduction de la masse de déchets, et ce sur l'ensemble de la chaîne production-distribution-consommation. Il convient d'inscrire l'ensemble du pays dans une démarche de progrès à long terme.

Je ne résiste pas au plaisir de mentionner une expérience locale de compostage individuel, évidemment le seul praticable en milieu rural, soutenue par l'ADEME. Mieux que des discours, elle permettra une véritable sensibilisation à l'effort collectif de maîtrise des déchets.

Pour rester dans le domaine du compostage, il convient, une fois encore, de s'interroger sur le traitement des boues de station d'épuration. Leur mise en décharge n'est pas satisfaisante, pas plus que leur incinération. Reste la solution du recyclage en agriculture, qui peut être développée à trois conditions.

La première est la mise en place d'un fonds de garantie, que la profession agricole appelle de ses vœux, afin d'accompagner une éventuelle crise sanitaire.

A cette première condition, s'ajoute la revalorisation qualitative des boues, par la généralisation du compostage en mélange avec des déchets verts. Ce type de traitement permet indéniablement la diminution du risque de pollution et l'amélioration de la qualité biologique des déchets. Je relève au passage, que, parallèlement aux opérateurs industriels, les entreprises agricoles se diversifient dans ce type d'activités. Il convient de soutenir ces expériences afin de consolider le partenariat et, par voie de conséquence, le débouché agricole.

La troisième condition est la traçabilité, tant en amont, au niveau de la collecte et du traitement, qu'en aval, au niveau de l'épandage. A ce titre, la démarche d'agriculture raisonnée constitue un cadre propice à la volonté de transparence et de qualité.

M. Yves Cochet. Permettez-moi d'en douter !

M. Antoine Herth. Ces propositions figurent dans le rapport de ma collègue Marcelle Ramonet.

Le dernier point que je souhaite mettre en lumière est la mise en place des filières spécifiques, à la suite de la publication du décret du 13 juillet 1994. Leur développement est certain, mais lent. De plus, lorsqu'elles existent, les entreprises de retraitement des déchets sont dans une situation de quasi-monopole qui pèse évidemment sur la tarification : nous sommes loin de la transparence que tous appellent de leurs vœux. L'artisan ou le commerçant, déjà contraint d'acquitter la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, se voit incité à s'engager dans une démarche spécifique, qu'il juge prohibitive.


Sans l'engagement des collectivités locales qui soutiennent la démarche qualité de certaines professions, l'échec des filières dédiées serait patent.

Monsieur le ministre, chers collègues, dans son excellent rapport, M. Blessig évoque la perspective de transformer les nuisances en richesses. A mes yeux, la plus belle des richesses sera un environnement de qualité que nous serons fiers de transmettre aux générations futures. Gageons que ce débat y contribue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, dernier orateur inscrit.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites, je me contenterai d'aborder la question du financement de la gestion des ordures ménagères qui, pour nos collectivités, devient tout à fait préoccupante en raison de l'augmentation exponentielle du coût du traitement, d'une part, et du choix du mode de financement, d'autre part.

Longtemps, les sommes payées par les ménages pour assurer ce service avoisinaient les quinze euros par an et par foyer fiscal, mais elles ont progressivement augmenté pour atteindre des seuils très importants, puisqu'elles sont désormais souvent proches de soixante-quinze euros par ménage. Cette augmentation est due à la fois à l'amélioration de la gestion des déchets - dont il faut se féliciter, car elle constitue une avancée réelle, que l'ensemble de nos concitoyens peut mesurer au quotidien, sur le plan de l'environnement, de la salubrité et de la santé - et à la prise en compte de nouveaux besoins, comme la collecte des encombrants.

La gestion des déchets est l'une des préoccupations essentielles des communes, qui doivent en assumer la collecte et l'élimination. Pour respecter les obligations prévues par la loi du 13 juillet 1992, elles ont réalisé des investissements importants, instauré des collectes sélectives et mis aux normes l'ensemble de leurs installations. Le volume des déchets ménagers ayant parallèlement fortement augmenté, les communes ont été conduites à rationaliser leurs moyens en les regroupant au sein de structures intercommunales de gestion des ordures ménagères.

Une telle évolution du coût de la gestion des ordures semble inéluctable, tant cette question est un élément essentiel de la politique de préservation de l'environnement, dont nous allons très prochainement débattre dans le cadre de la charte de l'environnement. Elle correspond à une prise de conscience tout à fait salutaire qu'il nous faut accompagner.

Cependant, une fois cette démarche acquise et confortée, il est essentiel que nous apportions une réponse rapide à la question des modes de financement. Qu'il s'agisse du budget général pour certaines communes, de la TEOM, de la REOM ou de la redevance spéciale, ceux-ci apparaissent en effet comme dépassés ou, en tout cas, inadaptés aux structures de coopération intercommunale au sein desquelles se regroupent certaines communes. Plusieurs études et rapports ont été consacrés à cette question complexe qui n'a, à ce jour, reçu aucune réponse.

Je souhaite plus particulièrement appeler votre attention, monsieur le ministre, sur un point qu'il nous faudra trancher très rapidement si nous voulons adresser un message clair à nos concitoyens : le passage d'un mode de financement à l'autre, qui a d'ailleurs été évoqué par certains des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune. Permettez-moi de citer l'exemple de la commune dont je suis le maire : Vesoul. Celle-ci a transféré ses compétences en matière de traitement des ordures ménagères à l'intercommunalité. Or, ce transfert, qui s'est accompagné de l'application de la TEOM à l'ensemble de l'intercommunalité, a eu pour conséquence une véritable envolée des coûts pour les habitants des communes périphériques. Il convient donc d'aménager cette procédure, car l'obligation pour une intercommunalité d'adopter un système unique a généré des mécontentements très importants.

Pour remédier à ce problème, je suggère que chaque commune puisse conserver la possibilité de choisir entre la TEOM et la REOM sans que, bien entendu, cela modifie sa participation au coût de l'ensemble du service intercommunal. Une autre piste consisterait à imaginer une TEOM à laquelle seraient appliqués certains critères de la REOM, en introduisant, par exemple, des éléments autres que ceux fondés sur la taxe foncière.

Un certain nombre d'entre nous participe à une réflexion sur ce sujet, menée dans le cadre d'un groupe de travail qui a été créé dans les dernières semaines d'exercice du précédent gouvernement autour du ministre du budget. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ce groupe de travail est maintenu. Pour ma part, je souhaite que nous puissions poursuivre cette réflexion. Il me semble que nous pourrions plus facilement faire œuvre de pédagogie et expliquer à nos concitoyens qu'il nous faut progresser en matière de traitement des déchets si le mode de financement de ce grand service public apparaissait enfin juste et équilibré, ce qui n'est pas forcément le cas pour l'instant.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'apporter des précisions sur ces deux points : l'aménagement du mode de financement de la gestion des déchets et la survie du groupe de travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est avec plaisir que j'interviens devant vous, en conclusion de vos échanges, sur un sujet qui touche au quotidien de nos concitoyens : les déchets ménagers.

La loi du 13 juillet 1992 avait fixé les grandes orientations pour la décennie qui vient de s'écouler, en affichant comme priorité la prévention de la production de déchets, la récupération de matière ou d'énergie à partir des déchets et la limitation des transports. Je ne reviendrai pas sur le bilan de l'application de cette loi, car de nombreux travaux ont eu lieu sur le sujet, notamment ceux du conseil national des déchets et le rapport réalisé récemment par M. Blessig. Je tiens également à signaler que le rapport de l'instance d'évaluation du service public des déchets, mise en place par le Commissariat général du Plan en novembre 2001, vient d'être rendu public.

Lors du conseil des ministres du 4 juin 2003, une communication sur la gestion des déchets ménagers et assimilés avait défini cinq priorités pour les années à venir : la maîtrise du traitement des déchets, la prévention de la production de déchets, le développement du recyclage, la lutte contre les pénuries prévisibles de capacités de traitement et l'information sur la gestion des déchets.

Par ailleurs, depuis 1992, la situation a évolué sur de nombreux points. L'objectif fixé par la loi de n'admettre en décharge que les déchets ultimes est arrivé à échéance et le développement important des filières de produits en fin de vie nécessite de revoir certains articles de loi. Ces différentes considérations ont amené le Gouvernement à annoncer l'élaboration d'une nouvelle loi sur les déchets, que je souhaite, monsieur Gonnot, pouvoir présenter d'ici à la fin de l'année.

Vos interventions confortent les priorités que je viens de rappeler. Je souhaite donc inscrire mon action dans ce cadre.

En effet, la gestion des déchets ne sera durable que si les impacts de leur traitement sur l'environnement et la santé sont maîtrisés. Tel est le premier point que je souhaite développer devant vous, car il s'agit d'une conviction forte. Le cas instructif  des incinérateurs d'ordures ménagères permet d'illustrer l'action qu'il est possible de mener et que j'entends renforcer.

Ceux-ci ont fait l'objet d'une réglementation définie au début des années 90, mais - et je suis d'accord avec vous sur ce point, monsieur Sandrier - elle a été mal appliquée. Sur instruction du ministère en charge de l'environnement, les préfets et les inspecteurs des installations classées se sont mobilisés à compter de la deuxième moitié des années 90 pour faire cesser les situations d'infraction. Vous savez la détermination dont a fait preuve le précédent gouvernement, notamment Roselyne Bachelot, pour faire fermer les trente-six unités non conformes qui restaient encore en fonctionnement il y a deux ans.

M. Yves Cochet. Notamment au Havre !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Alors que 300 usines, souvent de faible, voire de très faible capacité, fonctionnaient en 1998, moins de 130 sont aujourd'hui en service. Les émissions annuelles de dioxines des usines d'incinération, qui s'élevaient à plus d'un kilo en 1995, sont ainsi retombées à un peu plus de cent grammes en 2003, soit une division par dix en quelques années. Ces deux chiffres illustrent l'évolution importante et rapide qu'a connue dernièrement l'incinération des déchets en France.

M. Dominique Le Mèner. Très bien !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Pourtant, il faut poursuivre les efforts. Les autres pays européens qui, comme nous, incinèrent une part notable de leurs ordures ménagères appliquent depuis plusieurs années des normes de rejets plus strictes qui entreront en vigueur en France fin 2005. Cette nouvelle vague de modernisation entraînera une diminution supplémentaire des rejets de dioxines qui devraient être réduits à vingt grammes par an en 2006, soit l'ordre de grandeur que l'on retrouve chez nos partenaires européens.

Les délais sont courts pour réaliser des travaux importants, mais je sais que dans beaucoup de sites les choses sont bien avancées, et je tiens à dire devant vous, à l'attention des retardataires, que je ferai preuve d'une grande fermeté dans l'application de cette nouvelle réglementation. J'ai bien conscience du coût élevé qu'entraîne l'adoption de nouvelles normes, mais des interrogations fortes se sont manifestées après la découverte de contaminations de l'environnement à proximité d'usines non-conformes. Or c'est en montrant que l'Etat veille au respect des règles déjà appliquées par nos voisins européens que la confiance dans un mode de traitement adapté à certains contextes pourra être restaurée.

J'ai longuement parlé des incinérateurs, mais je tiens à dire, notamment à l'attention d'Yves Simon, qui a évoqué ce point, que j'ai demandé à mes services de faire preuve de la même vigilance pour les décharges et de faire cesser les situations d'infraction qui perdurent. C'est principalement sur les décharges non-autorisées que les efforts doivent porter. Des instructions viennent d'être données pour la résorption des sites qui fonctionnent toujours. D'importants travaux ont été réalisés depuis dix ans pour faire cesser les apports et réhabiliter les sites. C'est donc un travail de longue haleine et déjà bien engagé qu'il s'agit d'achever. Un suivi national est mis en place pour suivre et quantifier les progrès réalisés.

Vous le constaterez, j'ai donné des consignes de fermeté, car je suis intimement convaincu qu'en matière de déchets, notre première priorité doit être de s'assurer que leur traitement n'a pas d'impact sur la santé et l'environnement. Il s'agit d'ailleurs de la condition essentielle de l'acceptabilité des installations de traitement, avant même les mécanismes d'encouragement à l'implantation évoqués par MM Ollier, Pélissard et Voisin.

Cependant, une gestion durable des déchets doit comprendre d'autres volets d'action, à commencer par la prévention de la production de déchets, car la meilleure façon de régler la question de la gestion des déchets, c'est bien entendu d'en produire moins et de réduire ainsi la consommation de ressources naturelles, comme l'ont notamment souligné MM Gilard, Blessig et Gantier.


C'est là le second point que je souhaite évoquer devant vous. On a trop souvent dit que la prévention était le grand échec de la loi de 1992. Le bilan n'est certes pas satisfaisant, puisque la quantité de déchets par habitant a augmenté au cours des dix dernières années et que le seuil symbolique du kilogramme de déchets produit chaque jour par habitant a été dépassé.

Pourtant, des efforts ont été réalisés, notamment dans le domaine des emballages, mais aussi en termes de réduction de la toxicité de certains produits, comme les piles, qui ne contiennent plus de mercure. Ces efforts demeurent trop méconnus, et il manquait un cadre global pour les mettre en cohérence et mieux les faire valoir. L'action lancée ces derniers mois vise à y remédier. La grande distribution a pris des engagements pour diminuer la quantité de sacs en plastique distribués aux caisses. Comme l'a indiqué Mme Geneviève Perrin-Gaillard, cette évolution est indispensable, et nous pourrons en apprécier les résultats dans quelques semaines.

Vous avez voté en fin d'année un amendement visant à faire contribuer les émetteurs d'imprimés non sollicités aux coûts d'élimination des déchets qui en sont issus. Une telle mesure, que j'approuve totalement, aura bien évidemment un impact positif en matière de prévention. Sous l'égide du ministère de l'écologie et du développement durable, des discussions sont en cours sur la mise en place d'un dispositif reconnu, permettant à chacun de refuser de recevoir, dans sa boîte aux lettres, des courriers non sollicités. J'espère, comme M. Micaux, que ces discussions aboutiront rapidement.

Un plan d'action pour mettre en cohérence ces différentes initiatives a été présenté par mes services le 11 février dernier, lors des premières rencontres nationales de la prévention. Le nombre de participants à ces journées a été très supérieur à ce que prévoyaient ses organisateurs, preuve que le sujet intéresse. Une dynamique est en train de se mettre en place, qu'il importe de nourrir pour aboutir à des résultats.

L'objectif de stabilisation de la production de déchets à l'horizon 2008, fixé le 11 février dernier, a été jugé trop timide par certains. Pour ma part, je constate que la communication sur la prévention et le recyclage diffusée par la Commission européenne il y a moins d'un an met en évidence que dans tous les Etats membres, malgré les efforts entrepris, la production de déchets a continué d'augmenter. L'objectif n'est donc pas facile à atteindre, mais l'inflexion dans la hausse constatée les années passées montre, j'en suis fermement convaincu, qu'il peut l'être si nous coordonnons mieux nos efforts.

J'examinerai avec intérêt les réflexions qui seront menées autour du concept « zéro déchet » dont a parlé M. Blessig, car à la manière du concept « zéro défaut » dans l'industrie, il peut nous permettre d'avancer.

La loi de 1992 a mis l'accent sur la récupération de matière ou d'énergie à partir des déchets. Comme nous le savons tous, le recyclage entraîne des économies importantes de matières premières et permet souvent d'éviter les impacts liés à la production de ces matières premières. C'est le troisième point que je souhaite évoquer devant vous.

Le retour au sol des déchets est un premier moyen pour atteindre cet objectif. Chacun sait l'importance du débouché pour la réussite de telles opérations, ce qui nécessite de fabriquer des composts de qualité dont l'innocuité et l'intérêt agronomique sont assurés, et qui répondent aux besoins des utilisateurs potentiels. Des travaux sont engagés pour renforcer le cadre existant en matière de normalisation. C'est en se basant sur de tels critères objectifs que la filière pourra se développer.

M. Antoine Herth. Très bien !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. S'agissant des ordures ménagères, le respect de ces conditions nécessite des investissements lourds, notamment, dans bien des cas, la mise en place d'une collecte sélective de porte à porte. Avant d'engager de telles dépenses, il semble important de conforter certaines pratiques existantes de retour au sol de grands flux de déchets, tels que les résidus du traitement des eaux urbaines, ou les matières organiques d'origine agricole, qui représentent des tonnages très importants.

M. Yves Cochet. Comme à Achères !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Dans ce cadre, la création d'un fonds de garantie pour l'épandage agricole des boues urbaines, évoquée par M. Rouault, mérite d'être examinée avec attention. J'y serais, pour ma part, favorable sur le principe. Nous débattrons de ce sujet dans le cadre du futur projet de loi sur l'eau.

En matière de recyclage, beaucoup de choses ont été faites depuis dix ans, comme nombre d'intervenants l'ont souligné, en faisant notamment référence à la mise en place réussie du dispositif sur les emballages ménagers. Je profite de cette occasion pour vous informer que le processus de réagrément d'Eco-emballages et d'Adelphe, engagé depuis plus d'un an, est désormais dans sa phase finale.

L'approche en termes de grands flux de déchets semble la plus adaptée pour recycler davantage. Une telle démarche est déjà engagée avec les pneumatiques usagés, les véhicules hors d'usage et bientôt les déchets d'équipements électriques et électroniques. Elle est cohérente avec l'approche retenue par nos partenaires européens. Elle permet, outre l'amélioration du recyclage de ces déchets, l'extraction de la part la plus dangereuse, éliminée dans des filières adaptées.

Nous constatons en effet, qu'à la différence des déchets industriels, pour lesquels le recyclage est souvent rentable d'un point de vue économique, il apparaît nécessaire de prévoir un dispositif pour inciter au recyclage des déchets ménagers. Comme l'ont fait remarquer M. Ollier et M. Merville, l'engagement de la responsabilité des producteurs des produits est un moyen d'encourager ce recyclage.

Cependant, au fur et à mesure que de nouvelles filières se mettent en place, il apparaît de plus en plus clairement que les nouvelles organisations à prévoir sont complexes. Plusieurs points me préoccupent. Les communes ont pris l'habitude de passer un contrat avec une société agréée pour la collecte sélective des emballages. Le développement d'autres filières de produits en fin de vie ne doit pas se traduire, pour les communes, par une multiplication des interlocuteurs.

Par ailleurs, il me semble important de prendre en considération, dès la conception du dispositif, l'impact qu'il aura en matière d'organisation du marché et de concurrence, car la mise en place de tels dispositifs nécessite souvent une organisation collective réunissant un grand nombre de producteurs.

A l'heure où les filières de gestion des produits en fin de vie se mettent en place, de grands progrès sont à faire pour rationaliser et rendre plus lisibles les organisations qui se développent. Des régulations de l'action des différents acteurs sont à formaliser et à mettre en place, de façon à éviter les dérives. C'est là un point important qui pourrait figurer dans le projet de loi en cours d'élaboration.

Au-delà des modes de financement de l'élimination des déchets sur lesquels des travaux sont en cours, comme je vous l'indiquais, je souhaite aborder devant vous une question qui nous préoccupe tous et que M. Blessig et Mme Ramonet ont soulevée, à savoir la forte hausse des coûts de traitement constatée depuis maintenant dix ans. Disons-le d'emblée, cette hausse est en partie justifiée par des éléments objectifs. Ainsi, la forte diminution des émissions de dioxines que j'ai évoquée précédemment s'est faite au prix d'investissements lourds qui ont augmenté les coûts de traitement, mais le bénéfice qui en résulte pour l'environnement est sensible et permet de dissiper les inquiétudes sur la santé que certains ont manifestées. Il en est de même pour les décharges. Les centres de stockage de déchets sont aujourd'hui exploités dans des conditions bien plus satisfaisantes qu'il y a vingt ans, mais cette évolution a un coût.

De même, les conditions dans lesquelles la collecte est aujourd'hui effectuée sont très différentes de la situation qui prévalait il y a dix ans. L'amélioration des conditions de travail engendrée par l'automatisation du vidage des bacs de collecte est onéreuse, mais paraît justifiée par les conséquences positives dont profitent les agents concernés.

La structuration de la gestion des déchets, à la suite de la mise en place de la loi de 1999 sur l'intercommunalité, a parfois entraîné une hausse de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui doit alors couvrir l'intégralité des coûts de traitement des déchets jusqu'alors partiellement pris en compte par le budget général de la commune concernée.

D'une façon générale, le financement du service public des déchets est à améliorer. Comme l'a indiqué Mme Kosciusko-Morizet, résumant l'opinion de la quasi-totalité d'entre vous, il faut faire plus juste et plus efficace. J'ai noté les nombreuses questions que vous avez posées à ce sujet. Faut-il préférer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ? Comment faciliter la perception de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères par les communes ? Faut-il que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères soit basée sur la taxe sur le foncier bâti, comme c'est le cas actuellement, ou sur la taxe d'habitation, comme certains le proposent ?

Je n'apporterai pas aujourd'hui de réponses définitives à toutes ces questions. En revanche, je rappellerai un principe qui me semble essentiel et qui est d'ailleurs très largement partagé, comme l'a rappelé M. Joyandet, celui du respect du libre choix des collectivités. Le mode de financement doit être adapté aux conditions locales et il doit être déterminé par les élus locaux en fonction de ces conditions.

L'application de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement de la coopération intercommunale pose des difficultés en ce qui concerne l'uniformisation du mode de financement du service public des déchets au sein d'une intercommunalité. La loi prévoyait que la décision devait être prise le 15 octobre 2002, pour une application au 1er janvier 2003. La loi de finances pour 2003 a repoussé ce délai de trois ans, afin de faciliter la recherche d'une solution.

Un amendement à la loi de finances pour 2004 a apporté certains éléments de réponse. Il prévoit la possibilité de définir un zonage au sein des intercommunalités, dans lesquelles, de façon provisoire, des taux différenciés de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pourront être définis.

Un groupe de travail interministériel, réunissant différents élus, a été installé le 4 février 2004. Il formulera des propositions pour améliorer les deux principaux outils de financement, comme beaucoup d'entre vous, notamment M. Merville, l'ont souhaité.

Dans tous les cas, les durées de transition pour passer d'un système à l'autre doivent être prises en compte, afin de ne pas pénaliser de manière trop lourde les populations concernées.

Je souhaite également insister sur la redevance spéciale. La loi prévoit que les collectivités doivent la percevoir pour les déchets non ménagers qu'elles prennent en charge, dès lors que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas été instaurée. Pourtant, et malgré des progrès récents, cette mesure n'est pas suffisamment appliquée. Le grand nombre d'assujettis potentiels est un frein à la mise en place de cette taxe, dont il complexifie la perception. Le projet de loi sur les déchets proposera des mesures visant à y remédier. La redevance spéciale est une application très concrète du principe « pollueur payeur » qui responsabilise les acteurs et permet d'enregistrer des progrès notables.

Pour atténuer la hausse des coûts entraînée par l'amélioration des conditions de collecte et de traitement, et rendue plus visible par la structuration des intercommunalités, un levier d'action existe : la possibilité de réduire certaines dépenses.

La mise en place des collectes sélectives a eu des effets positifs indéniables en matière de sensibilisation des citoyens et pour développer la récupération des matériaux. Cependant, les coûts en sont parfois élevés, et dans les cas où des systèmes mal adaptés aux conditions locales ont été mis en place, les dépenses engagées semblent dépasser les avantages écologiques du dispositif.

En ce domaine, des économies sont certainement possibles. Les demandes de réagrément déposées par Ecoemballages et Adelphe prévoient des aides à l'optimisation des systèmes existants pour éviter de telles situations. La France est également l'un des pays européens dans lesquels les fréquences de collecte sont les plus élevées. Des réductions de coûts peuvent s'envisager sur ce point.

En revanche, il serait illusoire de s'imaginer qu'un simple transfert de charge du contribuable local vers le producteur, donc le consommateur, permettra de réduire les coûts. L'objectif n'est pas seulement de diminuer les coûts qui incombent in fine aux communes, c'est-à-dire les coûts diminués des contributions des industriels, mais bien les coûts totaux de traitement. La Cour des comptes a déjà souligné les risques de dérives que pourrait entraîner une telle position.


En revanche, la prise en charge par les producteurs de biens d'une partie ou de la totalité des coûts de traitement des déchets issus de ces biens permet de les sensibiliser au devenir de leurs produits et, dès lors que les barèmes amont sont différenciés, a un impact favorable en matière de prévention de la production de déchets.

C'est également l'occasion d'extraire des déchets en mélange certains déchets, qui, d'un point de vue environnemental, doivent être traités à part ou doivent être recyclés. Dans une telle hypothèse, la mise en place d'une filière de produits en fin de vie trouve toute sa justification.

MM Ollier, Rouault et Piron ont évoqué la question des choix des procédés de traitement, de leur écobilan et de leurs coûts. Je crois en la matière que les réponses doivent être apportées au cas par cas, en intégrant l'ensemble des impacts, des coûts et des revenus, et sans dogmatisme comme le rappelait Patrick Ollier.

Enfin, et c'est le dernier point que je souhaite évoquer devant vous, plusieurs études, dont le rapport de l'instance d'évaluation du service public des déchets mise en place par le commissariat général au plan, font état d'un risque de pénurie de capacité de traitement qui pourrait concerner un grand nombre de départements dans un avenir relativement proche.

Il convient de réagir rapidement à cette situation. L'opposition à l'implantation d'une installation de traitement de déchets se nourrit des images d'installations non conformes qui ont pu entraîner un impact sur l'environnement. La grande vigilance dont je ferai preuve pour faire respecter la réglementation est un élément clé de réponse pour le long terme mais ce n'est pas le seul. Les plans départementaux ont comme objectif de mieux apprécier, au niveau local, les besoins en capacité de traitement.

J'ai bien noté les remarques de nombre d'entre vous sur la nécessaire amélioration des plans départementaux. Je partage en grande partie le diagnostic établi par M. Blessig dans son rapport sur ce point-là. Les plans dont l'administration a la responsabilité ne sont sans doute pas élaborés avec une concertation assez grande avec les collectivités. Les frontières du département ont souvent été considérées comme étanches alors que, comme le rapport le rappelle, ce n'était pas le souhait du législateur. De nombreuses ambiguïtés persistent sur la portée réelle des plans.

Le Gouvernement a déjà pris des initiatives sur ce sujet, notamment en proposant le transfert aux conseils généraux, ou pour le cas de l'Ile-de-France au conseil régional, la responsabilité de l'élaboration des plans de gestion des déchets ménagers et assimilés.

Je crois qu'un travail sur la signification réelle de ce document, sur la portée qu'il doit avoir doit être mené, et la future loi « déchets » contiendra certainement des éléments sur ce sujet.

Comme le rappelait Patrick Ollier, un important travail d'information est à faire. Tout le monde produit des déchets. Malgré tous les efforts que nous pourrons faire en matière de prévention, pour lesquels je compte bien que nous enregistrerons bientôt nos premiers résultats, et malgré le développement du recyclage, il sera nécessaire de trouver une solution pour la part résiduelle des déchets qui restera à éliminer.

Voilà, rapidement esquissés, et en réaction à vos propos, les points qui me semblent importants en matière de gestion des déchets.

J'ai une priorité forte, qui est la bonne application des règles en matière de traitement, indispensable à une gestion dans la durée des déchets.

J'ai la conviction que le fatalisme en matière de prévention n'est plus de mise. Il est possible de faire plus en coordonnant davantage nos efforts, comme dans le domaine des courriers non sollicités.

Il nous faut progresser davantage en matière de recyclage en améliorant l'organisation des filières de traitement des produits en fin de vie.

Malgré la part partiellement inéluctable et justifiée par de réelles améliorations écologiques, la hausse des coûts peut être mieux maîtrisée. Les réflexions en cours sur la fiscalité doivent être approfondies.

Enfin, il faut prendre conscience du risque de pénurie de capacités de traitement qui peut toucher un grand nombre de départements prochainement et réagir face à cette perspective.

Je vous remercie en tout cas pour votre participation à ce débat. Il était important que le Parlement se saisisse d'un tel sujet. Cela nous permettra d'avancer dans nos réflexions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé le débat sur une politique de gestion durable des déchets ménagers et assimilés.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 15 avril puis du mardi 27 avril au jeudi 13 mai inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1338, relatif au divorce :

M. Patrick Delnatte, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1513),

Mme Geneviève Levy, rapporteure au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 1486).

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot