Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Deuxième séance du jeudi 15 avril 2004

199e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

ÉNERGIE

Déclaration du Gouvernement
et débat sur cette déclaration

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement relative à l'énergie et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avec Patrick Devedjian, nous engageons, avec ce débat sur l'énergie, un débat essentiel.

L'énergie est en effet un sujet qui devrait - je dis bien qu'il « devrait » - concerner tous les Français : sans elle, pas de production de richesses, pas de confort, pas de progrès économique. Sans énergie, plus rien n'existerait de cette vie quotidienne à laquelle nous sommes habitués au point de ne plus nous étonner de rien.

La question de l'énergie est très loin d'être seulement technique, et c'est tout l'enjeu de ce débat. Il s'agit à n'en point douter d'un véritable débat de société. Songeons un instant à cette réalité paradoxale et choquante : un quart des hommes et des femmes dans le monde n'ont pas accès à l'électricité. A tous les autres cependant, dont nous, habitants des pays développés, faisons partie, l'énergie apparaît comme un dû : j'en veux pour preuve un sondage effectué avant le débat national organisé par le Gouvernement au cours de l'année passée, selon lequel 70 % des Français interrogés disaient ne rien connaître de cette question. De fait, si les Français ne participent pas à ce débat, c'est parce que, pour la plupart d'entre nous, l'énergie n'est, hélas ! pas encore un sujet de préoccupation : l'électricité est là, à portée de main, elle permet tous les progrès. Alors pourquoi s'en soucier ?

D'autant que les termes du débat paraissent abscons : sécurité nucléaire, énergie renouvelable, ouverture des marchés européens, tout cela semble relever de discussions de spécialistes. Pourtant les enjeux qui sont derrière tous ces débats ne doivent pas être réservés à l'examen des seuls spécialistes. Mais comment s'étonner que les Français ne s'intéressent pas à un sujet qui reste si complexe, alors même qu'il est essentiel ? Comment s'en étonner, si nous n'affirmons pas aujourd'hui une forte volonté politique ? Pour la plupart des Français, d'ailleurs, la question de l'énergie se limite encore au seul débat autour du nucléaire, qui met en jeu des arguments souvent plus idéologiques que pragmatiques.

Quant aux économies d'énergie, nombreux, hélas ! sont ceux qui se demandent si elles sont encore utiles aujourd'hui. Ne parlons pas de la nécessité de recourir aux énergies renouvelables, dont beaucoup se demandent s'il ne s'agit pas d'une utopie plutôt que d'une véritable opportunité. Prenons l'exemple des éoliennes. L'opinion pensait que c'était une solution écologique, jusqu'à ce qu'on voie des associations de protection de l'environnement se mobiliser contre nombre de projets d'implantation. Alors beaucoup ne savent plus que penser ; beaucoup - ayons la franchise de le reconnaître - ne sont plus ni pour, ni contre : ils s'interrogent. C'est l'exemple même de débats publics aux enjeux mal compris, au point que le citoyen finit par se détourner de ce qui devrait le concerner au plus haut point. C'est le contraire de la démocratie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voila pourquoi Patrick Devedjian et moi-même souhaitons que, grâce à ce débat, les Français s'approprient ces enjeux ; qu'ils les approuvent ou qu'ils les contestent, mais qu'ils se passionnent pour cette question. Voilà pourquoi présenter, comme je souhaite le faire, de la manière la plus claire et la plus transparente les priorités de notre politique de l'énergie est déjà en soi un enjeu.

Je veux d'abord vous rappeler quelques faits. Incontestablement l'histoire de l'énergie en France s'articule autour de deux dates clés : La première est 1946, année où le général de Gaulle a pris la décision historique de créer, dans un secteur exsangue, deux entreprises nationales, Electricité de France et Gaz de France, chargées à l'époque d'accompagner le développement économique de notre pays. Grâce à cette décision, nous disposons aujourd'hui de deux champions nationaux. Près de 60 ans ont passé depuis cette date ; la France s'est ouverte sur l'Europe et l'Europe sur le monde. La question que nous devons nous poser est celle de savoir comment poursuivre l'œuvre du général de Gaulle : comment donner à EDF et GDF les moyens de devenir pour l'Europe ce qu'elles sont pour la France depuis soixante ans ? La question n'est pas mince.

La seconde date marquante c'est 1973, date du premier choc pétrolier et de la découverte brutale de notre totale dépendance à l'égard du pétrole. C'est à cette date que se prennent deux décisions fondamentales : celle d'abord de lancer un programme nucléaire sans précédent, grâce auquel la France dispose aujourd'hui de trois atouts majeurs et que je crois incontestables. Le premier est un taux d'indépendance énergétique de 50 %, à comparer à celui de l'Italie, 16 %, et alors que nous n'avons pas de gisements de pétrole ni de gaz, à l'inverse des Anglais ou des Néerlandais, et que nous n'exploitons plus le charbon comme les Allemands. Malgré cela, grâce à cette décision du début des années soixante-dix, notre pays peut compter sur un taux d'indépendance énergétique de 50 %.

M. Jacques Myard. Et il faut le conserver !

M. Yves Cochet. De 0 % en réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxième atout, que l'on connaît moins, et qu'avec Patrick Devedjian nous avons voulu souligner : un prix de l'électricité compétitif puisqu'elle est pour les ménages 10 % moins chère que la moyenne européenne. Troisième avantage, dont j'aimerais aussi qu'on parle davantage : les émissions de CO2 de la France sont inférieures de 40 et de 35 % à celles respectivement de l'Allemagne et de l'Angleterre.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une plus grande indépendance, pour un coût moindre et un plus grand respect de l'environnement,...

M. Richard Mallié. Eh oui !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... je crois que c'est là un bilan qui peut rassembler très largement sur l'ensemble des bancs de cette assemblée. J'en veux pour preuve le fait que, alors que nous avons, chacun à notre tour, assumé l'alternance, nul n'est revenu sur les choix de 1946 et de 1973. Mais nous sommes aujourd'hui à un tournant.

La seconde décision majeure du début des années soixante-dix est le lancement d'une campagne d'économies d'énergie, résumée par cette expression entrée dans le langage courant, celle de « chasse au gaspi ». Peu de campagnes de communication ont imprégné aussi profondément le sentiment des Français. Cette « chasse au gaspi » n'a malheureusement pas survécu au contre-choc pétrolier de 1986, à savoir une forte augmentation de la production pétrolière, décidée par l'OPEP, et l'effondrement du prix du baril, qui est passé de trente à dix dollars. Les bonnes habitudes des années soixante-dix se perdent alors, et, reconnaissons-le, jamais aucun gouvernement, aussi forte soit la volonté politique, n'aura pu reprendre la main sur ce thème des économies d'énergie.

Nous sommes tous, quelle que soit notre appartenance politique, les héritiers de cette histoire, et notamment de ces deux dates incontournables pour l'histoire économique de notre pays.

Le problème, c'est que notre parc nucléaire a vieilli. La première centrale, celle de Fessenheim, aura trente ans en 2007. Il s'agit dès lors de savoir comment préparer la relève. Voilà une autre question qu'avec Patrick Devedjian nous souhaitons poser à la représentation nationale, car elle est fondamentale et, à l'évidence, on ne peut pas s'y dérober.

Quant aux économies d'énergie, que nous avons remisées avec une certaine imprudence, le simple bon sens nous indique qu'elles seront indispensables : il nous faudra bien partager demain avec le reste du monde une énergie dont chacun conviendra qu'au regard de l'histoire mondiale elle est appelée à devenir rare, voire de plus en plus rare. Comment relancer une grande politique dans ce domaine ? Voilà une autre question.

Nul ne doute de la nécessité de faire des choix, mais je souhaite maintenant rappeler en quelques mots les contraintes qui pèseront sur ces choix.

La première n'est pas nouvelle, puisqu'il s'agit de l'absence de gisements de pétrole et de gaz sur notre territoire. Le problème est que les conséquences négatives de cette situation pèsent d'un poids croissant. Aujourd'hui que la Chine est devenue le deuxième consommateur de pétrole au monde, avec un taux de croissance de 10 % par an ; que la production de pétrole des pays de l'OCDE stagne ; que l'OPEP détient 80 % des réserves de pétrole, et alors que la Russie sera le principal fournisseur de gaz de l'Europe dans vingt ans, il est clair que la question de la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays et de l'Europe en général est une question géostratégique absolument incontournable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très juste !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La seconde contrainte, plus récente, nous est imposée par le réchauffement climatique. La situation est la suivante : aujourd'hui sept milliards de tonnes de carbone sont rejetés dans l'atmosphère. Il en est résulté une augmentation de la température de la planète de 0,6 °C en un siècle. Et ce n'est pas fini, puisqu'on prévoit un réchauffement compris entre 1,5 et 6 °C d'ici à 2100. Quelques degrés de plus, c'est peu nominalement, mais cela suffit pour entraîner des conséquences majeures : atteintes à la santé, avec notamment une recrudescence des maladies tropicales, dommages causés à l'environnement, multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. Il est ainsi à craindre que l'épisode de canicule que nous avons connu l'été dernier ne soit que le premier d'une longue série.

Les rapports sont nombreux sur la question, mais nous nous en tiendrons aux informations qui font consensus : pour stabiliser la température de la planète, l'humanité ne devrait émettre que trois milliards de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, soit deux fois moins qu'aujourd'hui. Cela signifie pour nous, pays riches, qui sommes naturellement les plus gros producteurs de CO2, diviser par quatre nos émissions, soit une réduction de 3 % par an durant cinquante ans si on lisse l'effort. Voilà quels sont les enjeux du débat.

Face à ces questions et devant ces contraintes, il s'agit de déterminer une politique nationale cohérente et ambitieuse. C'est l'exercice auquel, avec Patrick Devedjian, nous nous trouvons confrontés.

Le Gouvernement vous propose quatre axes prioritaires.

Le premier - et nous souhaitons vivement qu'il puisse faire l'objet d'un consensus politique très large - est l'affirmation de la nécessité de renouer avec le dynamisme de 1974 en matière de maîtrise de l'énergie. Dans dix ans la France doit produire 25 % de richesses en plus avec seulement 9 % d'énergie supplémentaire. Dans trente ans il nous faudra produire deux fois plus de richesses avec la consommation d'énergie de 2015. Pour y arriver, nous devrons mobiliser toutes les politiques publiques. J'en donnerai six exemples, mais il y en a bien d'autres.

Nous devrons travailler avec les constructeurs automobiles pour qu'ils affichent, à côté du prix des voitures, le coût annuel de leur consommation d'essence. Plutôt que sur l'interdiction, nous misons sur l'information pour obtenir des Français qu'ils modifient leurs comportements, et nous pensons que la possibilité de choisir en toute connaissance de cause constitue la clé d'un changement des mentalités.

Deuxième exemple, nous voulons abaisser d'au moins 10 % les seuils de la réglementation thermique - c'est-à-dire le degré d'isolation, la qualité du chauffage, etc. - définie en 2000 pour les bâtiments neufs avec l'objectif de les diviser par trois à l'horizon 2050. Nous imposerons également à l'industrie du bâtiment, quand elle rénove des logements anciens, de respecter des normes d'efficacité énergétique aussi proches que possible de celles de 2000 pour le logement neuf. Le secteur du bâtiment est en effet celui qui recèle les opportunités d'économies d'énergie les plus facilement accessibles.

Troisième exemple, dans le domaine des transports, il faut poursuivre nos efforts en matière de respect des limitations de vitesse. Cela est essentiel non seulement pour réduire le nombre de morts de la route, mais aussi pour l'environnement. Un chiffre : grâce à notre politique de sécurité routière, les consommations d'énergie des voitures et des transports en commun ont - tenez-vous bien ! - baissé pour la première fois depuis 1973 ! Moins 1,8 % en 2003, alors que, jusqu'à présent, ce chiffre n'avait cessé d'augmenter les années précédentes.

M. Jacques Myard. Mais pendant ce temps, la TIPP diminue !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Si c'est au prix, monsieur Myard, d'une baisse de recettes issues de la TIPP, peut-être cela en vaut-il la peine pour l'avenir du monde !

M. Hervé Mariton. On est d'accord !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout ne peut pas se réduire aux recettes fiscales.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et c'est le ministre des finances qui vous le dit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, la catastrophe environnementale qui pourrait s'ensuivre coûterait bien plus cher qu'un déficit de recettes de TIPP.

Quatrième exemple, il faut sans aucun doute affecter la majeure partie de nos ressources financières d'investissement dans les infrastructures ferroviaires, fluviales et maritimes.

Cinquième exemple, nous imposerons par la loi aux fournisseurs d'électricité, de gaz et de fioul domestique d'aider financièrement leurs clients, c'est-à-dire les Français, à investir dans la maîtrise de l'énergie afin d'améliorer l'isolation de leur logement ou l'efficacité de leur chauffage.

Dernier exemple, en tant que ministre de finances, je vous proposerai de faire évoluer la fiscalité énergétique d'ici à la fin de l'année pour qu'elle avantage les Français qui participent, au travers de leur consommation d'énergie, à une meilleure protection de l'environnement. Là encore, je crois davantage à l'incitation et à la conviction qu'à la contrainte et à l'interdiction, celles-ci n'aboutissant qu'à la prohibition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Deuxième axe prioritaire, il nous faut développer les énergies renouvelables. Ces énergies sont encore marginales - 6 % de la consommation française -, mais elles croissent rapidement en Europe, et la France doit rester dans la compétition. C'est bien pour l'environnement, c'est bien pour l'emploi. C'est aussi une assurance pour demain si les prix du pétrole ou du gaz devaient augmenter.

Nous vous proposons deux objectifs.

Le premier doit nous permettre d'accroître de 50 % d'ici à 2015 les énergies renouvelables qui produisent de la chaleur, c'est-à-dire le bois, les déchets - se pose à ce sujet le question des usines d'incinération - et le solaire. C'est possible car ces énergies ont crû de 8 % pour la seule année 2003. Comment faire ? En améliorant avant la fin de l'année le système des aides financières. En permettant par exemple aux collectivités locales de conditionner, si elles le souhaitent, l'octroi d'un permis de construire à l'obligation de recourir en partie aux énergies renouvelables - comme c'est le cas aujourd'hui dans une ville aussi moderne et prospère que Barcelone.

Le second objectif doit nous permettre de porter la production d'électricité d'origine renouvelable de 15 % à 21 % d'ici à 2010. La priorité dans ce domaine est la préservation du potentiel hydraulique actuel et le développement de l'éolien,...

M. Hervé Mariton. Et les paysages ?

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...notamment offshore,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...qui pose quand même moins de problèmes que l'éolien terrestre, même s'il y aurait beaucoup à dire sur le sujet.

Les filières industrielles concernées ont besoin de visibilité pour se développer en France, mais ce développement ne doit pas donner lieu à des excès en créant des rentes excessives ou des rejets par les populations concernées. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé des appels d'offres en matière d'éolien et souhaité que la plus grande attention soit accordée à la concertation locale. Le Gouvernement est contre tous les intégrismes,...

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...y compris lorsqu'il s'agit de l'intégrisme prétendument écologiste. Là encore, c'est une question d'équilibre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, le Gouvernement continuera d'encourager le développement des biocarburants, comme il le fait actuellement à travers la défiscalisation mise en place dans la dernière loi de finances. La meilleure manière d'aider au développement de cette filière fera certainement l'objet d'une discussion approfondie devant cette assemblée.

Sur les énergies renouvelables, il faut toutefois avoir l'honnêteté de reconnaître que, quelle que soit notre volonté politique, elles resteront un appoint aux énergies classiques et non un substitut, ce qui pose - de façon incontournable, si on veut bien être raisonnable - la question du nucléaire.

M. Jacques Myard. C'est évident !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans le domaine nucléaire, quelles sont nos certitudes et quelles sont nos interrogations ? Je pense d'ailleurs qu'on n'affaiblit pas ses certitudes en ayant le courage de revendiquer des interrogations.

La moitié de notre parc nucléaire aura une moyenne d'âge de trente ans en 2011. Trente ans étaient, je vous le rappelle, la durée de vie initialement prévue d'une centrale. Nous avons de bonnes raisons de penser que cette durée pourra être prolongée de dix ans. Certains prédisent plus ; ils n'en savent d'ailleurs rien. Disons qu'il est raisonnable d'affirmer que ce qui était prévu pour trente ans pourra vraisemblablement l'être pour quarante ans. Mais c'est une probabilité, ce n'est pas une certitude. Et en tout état de cause, qui pourrait affirmer sérieusement que notre parc de cinquante-huit centrales durera cinquante ans sans problème ?

Même avec la plus grande volonté possible en matière de maîtrise d'énergie et le plus fort volontarisme en faveur du développement des énergies renouvelables, il est certain que nous aurons à choisir pour renouveler notre parc nucléaire entre le nucléaire, le gaz et le charbon, c'est-à-dire entre les risques - et il en existe sans doute - associés au nucléaire et les émissions de gaz à effet de serre ! Mais que certains ne nous disent pas que nous ne luttons pas assez contre celles-ci tout en manifestant par ailleurs contre le nucléaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) On peut manifester contre les émissions de gaz à effet de serre ou contre le nucléaire, mais le faire contre les deux à la fois, c'est tout simplement irresponsable. Je respecte toutes les opinions. Il n'y a pas, de ce point de vue, de délit d'opinion, mais, je le répète, cette attitude est irresponsable. Je persiste et je signe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. Jacques Myard. M. Cochet s'est reconnu dans ces irresponsables !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'autant plus que notre responsabilité est de mettre notre pays en capacité de lancer une nouvelle génération de centrales entre 2015 et 2020 en remplacement de l'actuelle. Autrement dit, les conséquences de notre débat d'aujourd'hui seront visibles entre 2015 et 2020. Le risque, c'est que notre pays se retrouve dans une impasse, dont nous serions les seuls responsables.

Pour cela - entrons maintenant dans le vif du débat -, une seule technologie est actuellement disponible : le réacteur européen à eau pressurisée, EPR. Ce réacteur est dix fois plus sûr, 10 % moins cher et produit, selon les techniques, entre 15 à 30 % de déchets en moins. Son déploiement industriel est possible dès 2020, et, à cet égard, nous voyons toute la difficulté puisque l'effet de latence est considérable entre les décisions que nous devons prendre maintenant et la réalisation : le délai est extraordinairement long. Le déploiement industriel de l'EPR est possible dès 2020, alors même que de l'avis de tous les scientifiques sur le sujet, les réacteurs, dits de quatrième génération, ne seraient - j'emploie le conditionnel, le futur serait sans doute trop affirmatif - au mieux disponibles qu'à l'horizon de 2045.

Vos collègues, Christian Bataille et Claude Birraux n'ont d'ailleurs pas dit autre chose dans leur excellent rapport réalisé au nom de l'Office des choix scientifiques et technologiques en mai 2003. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne pense pas caricaturer leur position...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pas du tout !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...en déclarant cela, avec prudence, bien sûr, compte tenu de la difficulté du sujet.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, conformément à l'annonce du Premier ministre, est en faveur de la construction prochaine d'un EPR. C'est le troisième axe prioritaire de notre politique énergétique. Il faut tout de même noter qu'entre la décision que l'on prendrait et l'expérimentation, il s'écoulerait au moins sept ans. On comprend, là encore, la difficulté du sujet.

Mais le Gouvernement souhaite préciser à la représentation nationale qu'il n'est pas question de signer un chèque en blanc à la filière nucléaire.

Le nucléaire a des incidences sur notre vie économique et peut en avoir sur notre vie quotidienne. Il doit donc impérativement accroître sa transparence et assumer un devoir d'information du public. C'est l'objectif de la loi sur l'information et la transparence nucléaires que le Sénat devra examiner avant l'été.

Je veux aussi préciser que le nucléaire n'a pas non plus vocation à produire toute notre électricité et que la France devra également veiller à garder un parc de production thermique, c'est-à-dire utilisant le gaz, le fioul ou même le charbon, en quantité suffisante.

Quatrième axe de notre politique d'énergie : développer la recherche dans le domaine de l'énergie. La recherche est un enjeu majeur. Nous ne vaincrons pas le réchauffement climatique sans ruptures avec nos habitudes, pas plus que nous le ferons sans découverte de nouvelles technologies. Les nouvelles technologies de l'énergie doivent devenir une des priorités de notre recherche.

Je proposerai que soit élaboré un programme d'actions précis et qu'y soient alloués les moyens financiers nécessaires pour préparer l'avenir en la matière.

L'avenir nous permettra de savoir capturer et stocker, par exemple dans un champ de gaz, le CO2 émis dans l'atmosphère. L'avenir, c'est faire fonctionner nos véhicules avec des biocarburants, de l'hydrogène et des piles à combustibles. L'avenir, c'est peut-être savoir s'éclairer avec la technologie du photovoltaïque. Enfin, l'avenir, c'est consommer de l'électricité et du gaz sans les gaspiller.

Telles sont les grandes orientations de notre politique énergétique.

Avant de terminer, je voudrais - c'est un point auquel M. Devedjian et moi-même tenons beaucoup - inscrire cette politique nationale ambitieuse et cohérente dans un cadre nouveau : le cadre européen.

Le temps où la France pouvait définir sa politique énergétique sans tenir compte de celles de ses voisins est révolu, et je vais essayer de le démontrer. L'Europe de l'énergie doit devenir une réalité.

Cela nous permettra de faire gagner nos entreprises et, en même temps, de favoriser l'indépendance énergétique de l'Europe.

Pour cela, nous devons concevoir un véritable projet industriel pour EDF et GDF. A partir du moment où la concurrence s'ouvre sur le marché français, si EDF et GDF ne gagnent pas des parts de marché sur le marché européen, un gigantesque problème d'emploi se posera. Il faut donc donner les moyens à ces deux grandes entreprises d'un projet industriel qui leur permettra de gagner en Europe ce qu'elles risquent de perdre en France avec l'ouverture du marché à la concurrence.

Reconnaissons qu'EDF et GDF - formidables entreprises - présentent des fragilités.

Première fragilité, le principe de spécialité. Ce principe, lié à leur statut actuel, les empêche de faire une proposition commune de gaz et d'électricité. Or à la fin de cette année, leurs concurrents pourront proposer une offre commune, couplée. Pas EDF et GDF si nous ne faisons rien.

Deuxième fragilité, le statut d'établissement public. Il constitue aujourd'hui le premier frein au développement d'EDF et de GDF à l'extérieur de nos frontières.

M. Christian Bataille. C'est un point de vue.

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Souvenez-vous de ce qui s'est passé en Italie et en Espagne !

Dernière fragilité, EDF comme GDF sont face à des difficultés : EDF est trop endettée et doit renforcer ses fonds propres. Moi, je veux bien que le statut actuel soit merveilleux, mais je pose une question : pourquoi pas un seul gouvernement n'a donné un centime à EDF et à GDF depuis vingt-deux ans ? Voilà la réalité des choses ! Et durant ces vingt-deux années, la gauche a été plus longtemps au pouvoir que la droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous sommes donc coresponsables !

EDF a 26 milliards d'euros de dettes et 19 milliards d'euros de fonds propres, et si l'on n'a rien fait pour renforcer ceux-ci, il ne faut pas verser des larmes de crocodile sur la fragilité d'EDF. Dans un marché de concurrence, l'État, qui a bien d'autres choses à faire, n'est pas le meilleur actionnaire pour accompagner un développement. Ce n'est d'ailleurs pas une découverte : il l'a déjà prouvé en ne donnant pas à EDF et à GDF les moyens de leur développement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Ces entreprises n'ont donc rien coûté à l'Etat !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Agir, cela signifie donc donner à EDF et à GDF les moyens juridiques et financiers de devenir des champions européens. M. Devedjian et moi-même pensons en effet qu'il y a consensus sur ce sujet : chacun, ici, souhaite qu'EDF et GDF restent des champions, et nul ne peut prétendre aimer EDF et GDF plus qu'un autre. Toutefois, on peut, comme il est normal en démocratie, débattre des modalités pratiques qui permettraient à ces grandes entreprises de progresser et de se développer.

Nous pensons, quant à nous, qu'il faut leur donner une nouvelle forme juridique, celle de société, et en même temps leur offrir les moyens d'augmenter leurs ressources, et donc leur capital. EDF et GDF ne seront jamais des entreprises comme les autres. On invoque souvent l'argument de France Télécom. Oserai-je affirmer qu'il n'est pas pertinent ? Un central téléphonique n'a rien de commun avec une centrale nucléaire. Aussi le gouvernement français a-t-il proclamé solennellement qu'il ne privatiserait pas EDF et GDF. Les centrales nucléaires ne peuvent être comparées à aucun autre équipement technologique. Il y a, en la matière, une mission de service public.

Cela signifie que l'Etat restera largement majoritaire dans le capital de ces entreprises − nous aurons l'occasion de discuter du niveau de sa participation − et que ces entreprises resteront publiques.

Quant aux agents d'EDF et de GDF, ils représentent la première richesse de ces entreprises, non seulement en raison de leur compétence, mais pour leur attachement à leurs entreprises.

M. Daniel Paul. C'est bizarre, l'UMP n'applaudit plus !

M. Alain Marsaud. Vous n'avez qu'à applaudir, vous !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au nom de quoi serait-il blâmable de vouloir leur permettre de devenir actionnaires d'entreprises dont ils ont fait la prospérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin, la participation !

M. Alain Marsaud. Vous voyez, monsieur Paul, l'UMP applaudit !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y aurait, me semble-t-il, quelque incohérence à dire que les électriciens et les gaziers aiment EDF et GDF, et d'en conclure qu'il convient donc de leur interdire de devenir les propriétaires d'entreprises dont ils sont, au premier chef, responsables du développement, de la prospérité et de l'avenir.

M. Devedjian et moi-même l'avons dit lorsque nous avons reçu les organisations syndicales, et nous le confirmons ici : le statut des agents d'EDF et de GDF ne sera pas modifié, la garantie de l'emploi dont ils disposent ne sera pas touchée, leurs prestations sociales ne seront pas changées, et leur régime de retraite restera toujours un régime spécial, même si son mode de financement doit être modifié pour en assurer la pérennité, la garantie de l'Etat ne pouvant être conservée du fait des règles européennes.

Nous devons nous adapter à l'Europe, mais nous devons aussi redevenir une force de proposition pour l'Europe. La France doit proposer à l'Europe des règles communes. Partager un marché unique, c'est bien sûr bénéficier d'un marché plus efficace, profiter d'une solidarité accrue, mais c'est aussi minimiser ensemble les risques : celui qu'une coupure généralisée n'affecte une partie de l'Europe, celui que la politique insuffisamment prévoyante d'un pays en matière de production ne se traduise par des hausses de prix chez ses voisins. On voit bien que, en la matière, nous sommes solidaires les uns des autres. Nous ne voulons pas faire en Europe ce qu'a fait la Californie. Nous voulons maîtriser collectivement ces risques. C'est pourquoi la France déposera un mémorandum sur l'Europe de l'énergie. Nous voulons que le parc de production électrique européen soit suffisant, que chaque pays dispose d'un niveau minimum de production par rapport à sa consommation, que tout l'approvisionnement ne repose pas sur les exportations : le black-out italien de l'été dernier est là pour nous rappeler cette nécessité. Avec les incertitudes stratégiques actuelles, tous les pays doivent se poser la question de la production.

Nous voulons permettre à nos entreprises gazières de conserver des contrats d'approvisionnement à long terme avec les pays producteurs pour les inciter à investir dans les réseaux de transport dont nous aurons besoin. La concurrence, c'est bien, mais de tels contrats assureront notre sécurité énergétique.

Nous voulons trouver les moyens de préserver la compétitivité de nos industries fortement consommatrices d'électricité, en leur garantissant des tarifs bas. M. Devedjian a évoqué la question de l'acier. Prenons garde à ne pas nous retrouver avec un problème de prix dans quelques mois ou dans quelques années.

Nous voulons faire converger les politiques énergétiques européennes vers un modèle commun, avec trois priorités. A quoi servirait que la France se consacre à la relance de la maîtrise de l'énergie, si ses voisins n'en font pas autant ? Chaque pays européen doit être placé devant ses responsabilités en matière d'énergie nucléaire. Cette énergie, qui produit 34 % de l'électricité européenne, évite un accroissement des émissions de gaz à effet de serre quasiment équivalent à celui de l'ensemble du parc automobile européen. Sans le nucléaire français, c'est l'équivalent des rejets du parc automobile européen qui se retrouveraient dans l'atmosphère. Il faut que ce débat ait lieu dans toutes nos démocraties. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous, qui produisons moins de gaz à effet de serre, nous n'avons pas à recevoir de leçons de ceux qui en parlent beaucoup et qui en produisent bien davantage que nous.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Jacques Myard. J'espère qu'Yves Cochet a entendu cela !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, nous pensons − c'est un point important − que l'Europe doit se doter d'une véritable diplomatie de l'énergie. La sécurité d'approvisionnement de l'Europe dépend évidemment de la qualité du dialogue qu'elle saura instaurer avec les pays producteurs, mais aussi avec les pays en voie de développement, pour leur permettre d'améliorer leur efficacité énergétique. En fédérant les intérêts nationaux, l'Europe a assurément, aux côtés de chaque pays, un important rôle à jouer dans ce domaine. Convenons pourtant que, pas plus dans ce domaine que dans tant d'autres, elle ne joue pas son rôle, en tout cas pas à la hauteur de l'ambition qu'on pourrait avoir pour elle.

En conclusion, mesdames et messieurs les députés, en matière d'énergie, la France a la chance exceptionnelle d'être en avance sur ses concurrents...

M. Yves Cochet. Non !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...sur le plan de la technologie, de l'effet de serre, de la compétitivité, de la protection des consommateurs, y compris des plus démunis.

Nous n'avons pas le droit de gâcher par immobilisme ce que nos prédécesseurs nous ont légué. L'histoire a donné à la France des hommes d'Etat qui ont su relever les défis qu'ils ont rencontrés. Serons-nous à la hauteur des bâtisseurs, de ceux qui ont construit notre indépendance ? Nous sommes à un tournant. Ferons-nous aussi bien, mieux ou moins bien ? Ce qui est sûr, c'est que l'immobilisme est la certitude de l'échec. Vous l'avez compris, ce n'est pas la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Les porte-parole des groupes vont maintenant intervenir, chacun à son tour.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. Monsieur Paul, je vous remercie de ne pas dépasser les vingt minutes qui vous sont imparties.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, je ne dépasse jamais mon temps de parole.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, couvrir de manière efficace les besoins énergétiques, dans le respect des hommes et de notre planète, s'interroger sur les meilleures façons d'y parvenir, voila une question sociétale majeure, non seulement pour le développement économique et social, mais aussi pour l'avenir de la France, de l'Europe et du monde.

Cela mérite bien un vrai débat politique, où puissent se confronter des approches différentes, avec une hauteur de vues digne de ce qui s'est passé à différents moments de notre histoire.

Ainsi, à la Libération, le général de Gaulle et Marcel Paul...

M. Jean-Claude Lenoir. Serait-ce le grand-père de Daniel Paul ? (Sourires.)

M. Daniel Paul. ...surmontant leurs différences, ont su tracer la voie pour une politique énergétique du xxe siècle, avec la mise en place des outils qui lui étaient nécessaires.

La même prise en compte des enjeux et des moyens d'y faire face s'est produite, quelques années plus tard, dans les années soixante-dix, avec la décision de doter la France d'une filière nucléaire, adossée à un secteur public puissant, ce qui a permis à notre pays, non seulement d'acquérir son indépendance dans le domaine énergétique, mais aussi de construire une filière industrielle, avec des capacités de recherche et des savoir-faire sans doute uniques au monde.

C'est un tel débat que le Premier ministre avait promis en janvier dernier, mais en annonçant, dans le même temps, sa volonté de mettre en cause le statut d'EDF et de GDF, sous prétexte d'ouvrir à la concurrence le marché de l'énergie, au niveau de 30 % dans un premier temps, puis de 70 % au 1er juillet 2004.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous souteniez le gouvernement lorsque cela fut décidé !

M. Daniel Paul. Toutefois, la perspective de ce débat avait fait long feu. En effet, si l'on se reporte à l'ordre du jour de notre assemblée, tel qu'il était connu avant la période électorale de mars dernier, on voit que le débat n'y était pas inscrit avant l'été. Par contre, la volonté du Gouvernement de passer en force, d'ouvrir le capital d'EDF et de GDF s'affirmait, et il entendait également aller de l'avant dans la privatisation d'autres grandes entreprises publiques.

Mais le mois de mars est passé et, avec lui, la sanction électorale que vous a valu votre attitude dogmatique, ultralibérale, injuste, dure pour le peuple et si attentive aux désirs des nantis. Le 8 avril, de façon massive, les salariés d'EDF et de GDF ont dit leur refus de votre politique. Comme rarement, ils ont manifesté, sous des formes diverses, leur volonté que soient respectés les outils mis en place depuis soixante ans, qu'eux-mêmes soient respectés et entendus et que les enjeux énergétiques soient vraiment posés devant le pays.

Cette convergence de la rue et des urnes constitue un événement social et politique important. Sans aucun doute, et les urnes et la rue ont pesé pour que vous décidiez de remettre à l'ordre du jour le débat d'aujourd'hui, pour que vous receviez, il y a quelques jours, l'ensemble des organisations syndicales d'EDF et de GDF, pour que vous annonciez le dépôt devant le Parlement, dès le début du mois de mai, d'un projet de loi d'orientation sur les énergies, que nous examinerons fin mai, avant votre projet de loi sur les industries électriques et gazières. Et vous avez également annoncé l'ouverture de discussions internes dans les entreprises concernées, pour relancer le dialogue social. Oui, vraiment, monsieur le ministre, je pense que les messages conjugués de la rue et des urnes, quand ils convergent de cette manière, portent de beaux fruits.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Le 8 janvier 2004, le Haut Commissariat à l'énergie atomique notait : « Il est hautement probable que les conditions de production et de consommation d'énergie vont connaître, au cours de cette première moitié de siècle, des bouleversements majeurs, induits par des contraintes environnementales, géopolitiques et physiques nouvelles, telles que, par exemple, l'épuisement progressif des réserves d'hydrocarbures ou les effets du doublement du taux de dioxine de carbone dans l'atmosphère. » Le Haut Commissariat à l'énergie atomique poursuivait : « La France, à l'unisson du reste du monde, devra évoluer au centre de contraintes accrues, parfois contradictoires : assurer notre compétitivité économique, diversifier et garantir nos approvisionnements, réduire considérablement nos émissions de gaz à effet de serre. »

Je partage cette analyse.

Dès lors qu'il s'agit de jeter pour les prochaines dizaines d'années les bases d'une politique énergétique pour la France, il est nécessaire de dresser un état des lieux pour bâtir une stratégie énergétique à court, moyen et long termes, et pour définir le futur bouquet énergétique propre à répondre aux besoins et aux engagements de notre pays.

Un des éléments clefs à prendre en compte, réside dans la mutation climatique qui affecte la planète dont les experts s'accordent à considérer qu'elle résulte largement de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, notamment de CO2.

A cet égard, si l'Europe disposait d'un bouquet énergétique comparable à celui de la France, qui n'est responsable que de moins de 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ses émissions de CO2 seraient réduites de 30 %.

En effet, alors que dans le monde, la production d'électricité est responsable de 40 % des émissions totales de C02, en France, où l'essentiel de cette production provient du nucléaire et de l'hydraulique, le secteur électrique n'en produit quasiment pas.

Un second élément incontournable tient à la raréfaction progressive des ressources fossiles - le pétrole, le gaz et, dans une moindre mesure, le charbon.

Les experts considèrent ainsi que la production de pétrole devrait atteindre son maximum entre 2015 et 2030...

M. Yves Cochet. Non ! Bien avant !

M. Daniel Paul. ...pour régresser ensuite, décrochant de la courbe de la demande, avec les tensions économiques et géopolitiques que cette situation ne manquera pas de causer en matière de prix et de risques de conflits : on le voit d'ores et déjà avec les enjeux que constituent la maîtrise du pétrole irakien et la domination des territoires où passent les oléoducs et les gazoducs dans l'Extrême-Orient.

M. Yves Cochet. C'est vrai !

M. Daniel Paul. De plus, les réserves de pétrole et de gaz sont inégalement réparties sur la planète : la France en est totalement dépourvue et l'Union européenne, même élargie, n'en possède pas suffisamment pour assurer son indépendance énergétique et la sécurité de ses approvisionnements.

Or, on sait que les temps de réaction, dans l'énergie, sont longs : il convient donc d'intégrer sans attendre ces éléments dans les comportements et les choix de politique énergétique. On ne peut laisser au marché le soin de régler des questions aussi lourdes. C'est ce que nous avions déjà dit, lors de la discussion de la directive, au sujet de nos approvisionnements en gaz.

Un autre élément nouveau est à rechercher dans la pénétration des mécanismes du marché.

Ce dernier est massivement influencé par le court terme. La crise californienne incite, à cet égard, à se doter de règles du jeu stables et cohérentes, garanties par des autorités de régulation fortes. Il faut penser le marché sur le long terme, de façon à mobiliser les investissements indispensables à la satisfaction de la demande.

Cette crise californienne montre également l'atout que constitue l'existence d'opérateurs industriels intégrés, producteurs et vendeurs d'énergie, capables de réaliser des investissements importants, de maîtriser les risques industriels et d'être ainsi mieux à même d'affronter les incertitudes du marché.

Le changement d'échelle intervenu avec la construction de l'Europe constitue un autre élément de réflexion. Une politique énergétique ne peut plus, comme hier, se concevoir à l'échelle d'un seul pays mais au moins à celle du continent, encore qu'il ne faille pas négliger une vision mondiale.

Dans ce contexte, les députés communistes, sans omettre l'impératif de produire une énergie bon marché pour le consommateur,...

M. Yves Cochet. Mais non !

M. Daniel Paul. ...proposent de privilégier quatre axes.

Le premier a trait à la maîtrise de la demande d'énergie.

Des progrès peuvent et doivent être réalisés en matière d'efficacité énergétique dans l'industrie, dans les PME et les PMI, dans les transports, secteur où la consommation a augmenté de 2,4 % par an entre 1973 et 2000, et dans l'habitat.

De tels progrès passent par une réglementation portant sur la réduction des consommations unitaires des appareils ménagers et sur la régulation thermique des logements, mais aussi par des offres commerciales favorisant les économies d'énergie ou les sources alternatives d'alimentation, comme les pompes à chaleur géothermales ou les capteurs solaires.

Mais il ne faut pas négliger les obstacles à de telles orientations. La vie urbaine se caractérise par des migrations alternatives quotidiennes de la main-d'œuvre. L'offre de transport ferroviaire reste faible pour le fret tandis que le transport routier connaît une grande flexibilité et que la production en flux tendu s'étend. Enfin, il ne faut pas oublier le poids du lobby pétrolier, ...

M. Yves Cochet. Et du lobby nucléaire !

M. Jean-Claude Lenoir. Les écolos soutiennent le pétrole !

M. Daniel Paul. ...qui ne verra pas d'un bon œil une réorientation lourde de la politique des transports en France et en Europe.

Pourtant, sous la précédente législature, la commission de la production et des échanges, devenue celle des affaires économiques, avait adopté, à l'unanimité, un rapport de son président, André Lajoinie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire). Ce rapport préconisait, au moyen d'un grand emprunt européen, de réaliser un maillage des pays européens pour favoriser le transport combiné. Cette proposition conserve toute sa pertinence.

Le deuxième axe que nous proposons concerne la diversification du bouquet énergétique.

Nous devons privilégier les énergies les moins polluantes et les moins rares. Dans ce sens, il convient de protéger les ressources fossiles, en rappelant qu'aucun moyen de production, à lui seul, ne permet d'apporter une réponse parfaite à toutes les questions posées.

En 2001, l'énergie produite en France provenait à 75,8 % du nucléaire, à 13,9 % de l'hydraulique, à 6,2 % du charbon, à 2 % des produits pétroliers - essentiellement le fioul - à 1,4 % du gaz, et à 0,7 % du solaire et de l'éolien.

La production d'électricité d'origine hydraulique place la France au deuxième rang européen pour les énergies renouvelables.

Du fait de l'existence d'une production nucléaire importante, l'indépendance énergétique de notre pays est passée de 22 % en 1973 à près de 50 % actuellement.

M. Yves Cochet. C'est faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. L'opposition est divisée ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Pour les mêmes raisons, nos émissions de CO2 s'élèvent à six tonnes par habitant contre dix en Allemagne, pays qui utilise largement le charbon et le gaz et qui vient de décider d'abandonner à terme sa production nucléaire.

Alors que notre pays connaît une stagnation de sa production industrielle et que la situation socio-économique de quatre à cinq millions de personnes ne leur permet pas de consommer de l'énergie au niveau moyen, la consommation globale ne cesse pourtant d'augmenter.

Il en est de même en Europe où les besoins augmentent au rythme d'environ 2 % par an.

Par ailleurs, le flux tendu, que l'on connaît bien dans l'industrie, existe aussi dans le secteur de l'électricité. Ainsi, il a suffi d'un mouvement social en février dernier, affectant seulement quelques tranches thermiques, pour déséquilibrer la production, obligeant EDF, pour répondre aux besoins des consommateurs et à ses engagements, en particulier internationaux, à se fournir au prix fort sur le marché international.

M. Guy Geoffroy. Le prix des grèves !

M. Daniel Paul. C'est dire si la réponse en termes de bouquet énergétique doit intégrer toutes les options, qu'il s'agisse des économies d'énergie, du développement des énergies renouvelables, mais aussi du maintien et du renouvellement des centrales thermiques et nucléaires.

M. Yves Cochet. Mais non !

M. Daniel Paul. Nous sommes, en ce qui nous concerne, favorables aussi bien à la relance du petit hydraulique qu'à l'installation d'éoliennes, notamment à proximité d'installations de production thermique classique, nucléaire ou hydroélectrique.

De même, nous souhaitons favoriser la restructuration des centrales thermiques à flamme, la rénovation de plusieurs « tranches charbon » pour assurer leur durée de vie au-delà de 2015, et la remise en service des « tranches fioul » arrêtées, sachant que les technologies de désulfuration et de dénitrification les plus avancées seront utilisées pour la filière charbon.

Nous sommes pour le renouvellement du parc nucléaire...

M. Yves Cochet. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Daniel Paul. ...puisque la plupart des centrales arriveront en fin de vie à partir de 2020.

On le sait, les réacteurs de la quatrième génération ne pourront être mis en service, au mieux, qu'à partir de 2040. La continuité de la production comme la responsabilité politique impliquent donc la nécessité d'une étape intermédiaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Yves Cochet. Mais non ! Il n'a rien compris à l'histoire !

M. Daniel Paul. Dans ces conditions, la France doit, dès maintenant, favoriser leur renouvellement à partir de 2015, en construisant, dans les plus brefs délais, un prototype de réacteur EPR.

M. Yves Cochet. Quelle erreur !

M. Daniel Paul. Et le normand que je suis revendique que ce soit en Normandie...

M. Jean-Claude Lenoir. En Basse-Normandie !

M. Daniel Paul. ...et plus exactement en Haute-Normandie, à Penly. (Sourires.)

La réalisation d'un réacteur EPR, encore plus sûr et plus respectueux de l'environnement, plus fiable et plus compétitif, permettrait aussi de pérenniser les compétences du tissu industriel français et de confirmer la présence de la France dans ce domaine, au moment où d'autres pays se tournent aussi vers cette forme de production énergétique.

Le troisième axe que nous prônons a pour objet de bâtir une Europe de l'énergie.

Comme je l'ai dit précédemment, la politique énergétique doit se concevoir au niveau européen - ce qui justifie les échanges et les coopérations, dans le respect des accords de Kyoto - avec la mise en place de moyens de production suffisants et diversifiés.

Le quatrième axe, enfin, tend à encourager la recherche.

Qu'il s'agisse de favoriser de nouvelles énergies, de réaliser des économies d'énergie ou d'assurer la sécurité des installations, le développement de la recherche aussi bien fondamentale qu'appliquée est nécessaire. Tendre à la réduction de la dangerosité des déchets nucléaires et au développement des nouvelles formes d'énergie nécessaires dans les prochaines années : tel est le sens, en particulier, du projet ITER, ...

M. François-Michel Gonnot. Absolument !

M. Daniel Paul. ...si important pour notre pays mais aussi pour la communauté internationale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comment ne pas souligner, à cet égard, l'importance des grands établissements comme le CEA, et de la filière mise en place, patiemment, par notre pays ?

Mais une telle politique énergétique requiert autre chose que la soumission aux règles du marché et l'obéissance aux lois du libéralisme que vous professez : elle a besoin d'outils à la hauteur des enjeux, qui ne soient pas pollués par la pression de la rentabilité financière.

Nous avons déjà eu l'occasion de le demander et nous ne cesserons de le faire : la frénésie de libéralisme qui domine la construction européenne et votre politique, devrait conduire à dresser un bilan exhaustif et sérieux des conséquences sociales et économiques d'une telle orientation.

Tout démontre que la libéralisation n'entraîne pas de baisse des tarifs, ce que vient d'ailleurs de confirmer le président de la SNCF qui s'inquiète de l'alourdissement de la facture électrique pour l'opérateur ferroviaire public.

La libéralisation n'admet pas non plus l'augmentation des emplois ni même leur maintien : c'est ce que montre clairement aujourd'hui l'évolution du secteur des télécoms. Quant aux conditions de travail et donc de sécurité des salariés et des usagers, on sait - y compris dans les pays de l'Europe occidentale - ce qu'elles deviennent avec les privatisations.

Les pannes qui se sont produites récemment en Italie et aux Etats-Unis, ont mis en évidence les conséquences de la logique de sous-investissement dans les infrastructures exploitées par le privé.

Vous ne pouvez ignorer que, dans le système capitaliste, la première obligation est d'assurer la rentabilité des capitaux investis par les actionnaires. Depuis l'avènement du capitalisme mondialisé, cette rentabilité doit être maximale et rapide. Autant dire qu'elle est en contradiction avec l'investissement énergétique qui a besoin du long terme, comme avec les enjeux d'une indépendance nationale dont elle n'a que faire : depuis bien longtemps, les capitaux n'ont pas de patrie quand il s'agit de rentabilité.

Mais sans doute voulez-vous aussi faire croire que le privé, c'est mieux et que le public, c'est dépassé, comme cela a été le cas avec les campagnes idéologiques menées ces dernières années. C'est la même logique que celle qui a inspiré votre réforme des retraites et qui pilote votre projet sur la sécurité sociale : briser toute référence au travail collectif et ouvrir largement les portes au dogme libéral de la rentabilité financière, avec le mensonge de la prétendue efficacité libérale comme réponse aux besoins de notre société.

M. Guy Geoffroy. C'était mieux tout à l'heure !

M. Hervé Mariton. Ça se gâte !

M. Daniel Paul. Dans une logique d'actionnaire, on cherche à faire des économies sur la recherche - pourtant primordiale - et à freiner la formation et la qualification des personnels, pourtant garants de la qualité du service.

Le statut des agents, mes chers collègues, n'est pas un privilège. Il assure un niveau de qualification, de formation, de conditions de travail indissociables de la qualité d'un service public sûr. C'est pourquoi nous dénonçons le recours à la sous-traitance, y compris dans des installations sensibles, avec l'emploi des nomades du nucléaire, comme on les appelle. On sait pourtant que la faiblesse de ces installations réside moins dans les défaillances techniques que dans les conditions humaines ou politiques d'exploitation des centrales.

C'est pourquoi nous nous opposerons à la privatisation des deux établissements publics comme à l'ouverture de leur capital.

M. Richard Mallié. Même aux salariés ?

M. Daniel Paul. Vous voulez ignorer que ni la Commission européenne ni le droit communautaire n'obligent la France à modifier le statut des établissements EDF et GDF. Rien ne justifie non plus cette ouverture du capital d'un point de vue économique.

La fusion d'EDF et de GDF était, elle aussi, eurocompatible et nous sommes toujours favorables à un tel projet industriel et économique qui redonnerait toute sa cohérence à la politique énergétique de notre pays et donnerait un autre sens à la construction européenne.

Le niveau des fonds propres d'EDF plaide, selon vous, en faveur d'une privatisation. L'Etat, qui n'a pas mis un sou dans l'entreprise depuis vingt ans mais qui, sans pudeur, n'a cessé de ponctionner dans les caisses de l'entreprise publique, n'aurait plus aujourd'hui, selon vous, les moyens de jouer son rôle.

Bruxelles, par la voix de Mario Monti, en décembre dernier, a donné à l'Etat jusqu'à fin décembre 2004 pour faire disparaître la garantie qu'il accorde à EDF pour trouver des financements à moindre coût sur les marchés de capitaux.

Votre prédécesseur, Francis Mer, avait devancé une des exigences de Bruxelles, en rendant publique une lettre dans laquelle le Gouvernement s'engageait à abolir la « garantie illimitée » dont bénéficie EDF « au plus tard au 31 décembre 2004 ».

Les besoins d'EDF et de Gaz de France en matière de financement sont importants. Mais ils sont aussi à mettre en relation avec les ressources sur lesquelles peuvent compter ces entreprises nationales.

Les capacités d'autofinancement sont de l'ordre de 6 à 7 milliards d'euros par an. Sur ces 6 à 7 milliards, 2 à 3 milliards sont nécessaires pour assurer la modernisation des réseaux et les grosses réparations sur les centrales existantes. Il reste donc une capacité de 4 milliards d'euros par an pour opérer d'autres investissements ou pour diminuer le désendettement.

D'un point de vue macroéconomique et sur le moyen comme le long terme, nous sommes nombreux à estimer qu'EDF et GDF ont la capacité financière d'assurer leur développement. La question qui se pose, et peut-être la seule, est de savoir quel type d'investissement doit être privilégié.

En effet, depuis 1998, la capacité de financement d'EDF a beaucoup été mise au service d'acquisitions externes :...

M. Bernard Accoyer. Ah !

M. Daniel Paul. ...London Electricité, EnBW, Edenor et Light, Edison et j'en passe.

Parallèlement, l'endettement a augmenté. Les engagements contractés devraient conduire l'entreprise à accroître encore sa participation dans chacune de ces sociétés, ce qui nécessite une mobilisation de fonds complémentaires importante. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est vraisemblable que, d'ici à 2007, l'essentiel des capacités de financement devrait être utilisé pour répondre aux engagements hors bilan qu'EDF a contractés vis-à-vis d'EnBW et Edison. Monsieur le ministre, faut-il vraiment continuer dans cette direction qui ne permet pas de répondre réellement aux problèmes qui se posent à la France et à l'Europe ? Nous estimons que ce n'est pas la vocation de l'entreprise publique. Celle-ci peut jouer, en France comme en Europe, un autre rôle en matière sociale, dans la préservation des ressources, dans la maîtrise publique et pour donner du sens, enfin, à une construction européenne étouffée par le libéralisme.

M. le président. Monsieur Paul, il faudrait conclure.

M. Patrick Balkany. C'était très bien comme conclusion.

M. Daniel Paul. Vous estimez, vous, qu'au nom du libéralisme, il faut aller vers l'ouverture du capital, prélude à une privatisation, pour que l'entreprise soit présente, active et qu'elle prenne des risques sur les marchés mondiaux.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour nous, une politique publique énergétique doit pouvoir assurer une maîtrise réelle du secteur grâce à des outils industriels et économiques.

M. Patrick Balkany. Vous l'avez déjà dit !

M. Daniel Paul. Pour nous, un pôle public de l'énergie ne peut se réduire à un cadre fiscal et réglementaire chargé d'encadrer le secteur privé.

Cela suppose que notre pays ait des ambitions techniques avec, en particulier, le souci d'appréhender les technologies parmi lesquelles émergeront celles du futur, d'où l'enjeu des recherches fondamentales et appliquées.

M. Hervé Mariton. C'est le début ou la fin de votre discours, là ?

M. le président. Il conclut.

M. Patrick Balkany. Non, il recommence !

M. Daniel Paul. Il est des vérités que vous n'aimez pas entendre, chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Ça fait quatre fois que vous dites la même chose !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Paul, concluez.

M. Daniel Paul. Nous devons également avoir des ambitions sociales, sur l'emploi, sur le statut des salariés, à l'opposé du développement actuel de la précarité, y compris dans ces entreprises, et des ambitions sociétales, avec la volonté de contribuer à la réduction des inégalités, de poursuivre la péréquation tarifaire, de rechercher un développement durable.

M. Hervé Mariton. C'est son début !

M. Daniel Paul. Pour atteindre ces objectifs humanistes, la France, et sans doute l'Europe, doit se doter d'une politique énergétique solidaire, dynamique et cohérente, en privilégiant une maîtrise publique qui donne toute leur place à la démocratie, à la transparence, aux salariés, aux usagers, aux élus, à l'opposé des orientations libérales dans lesquelles vous entendez couler notre politique énergétique et les entreprises publiques dont notre pays a su se doter.

Notre peuple a dit ce qu'il pensait de vos orientations les 21 et 28 mars derniers.

M. Richard Mallié. Comme il vous l'a dit le 21 avril 2002 !

M. Daniel Paul. Les salariés d'EDF et de GDF ont montré leur détermination le 8 avril. Ils s'engageront dans la résistance au cours des prochaines semaines (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Patrick Balkany. Ce sera bien la première fois !

M. Daniel Paul. ...non pour défendre des intérêts égoïstes, mais pour préserver les outils dont notre pays avait su se doter, il y a soixante ans, grâce à la clairvoyance d'hommes pourtant issus d'horizons très différents.

Ces outils que sont les entreprises publiques ont plus que jamais leur pertinence, face aux enjeux auxquels notre pays et l'Europe sont confrontés.

M. le président. Merci, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Dans ces combats, vous le savez, nous serons aux côtés des salariés.

M. le président. Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. François-Michel Gonnot, qui est prié de respecter son temps de parole et de ne pas suivre le mauvais exemple de M. Paul.

M. François-Michel Gonnot. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP se réjouit du débat qui nous réunit aujourd'hui. Il clôture le débat national sur les énergies ouvert dans le pays depuis plus d'un an, en associant pleinement le Parlement à la réflexion, ce qui est toujours une bonne chose.

Ce débat national, souhaité par le Président de la République et mis en œuvre par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a été un exemple réussi de démocratie participative.

Le débat parlementaire d'aujourd'hui va nous permettre surtout de définir nos choix et de préciser le calendrier pour la mise en application de la nouvelle politique énergétique de la France pour les décennies à venir.

Force en effet est de constater qu'après cinq ans de socialisme, le France n'a plus de politique de l'énergie lisible pour les Français et adaptée au nouveau contexte européen et mondial.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Hélas !

M. Richard Mallié. S'il n'y avait que ça !

M. François-Michel Gonnot. Les divisions profondes de la gauche plurielle ont paralysé les décisions nécessaires et mis la France dans une situation difficile dont il faut aujourd'hui sortir. Rappelons que les gouvernements de M. Jospin ont cassé les monopoles d'EDF et de GDF sans préparer l'ouverture des marchés à la concurrence qu'ils avaient pourtant approuvée.

Sur le nucléaire, ils se sont révélés incapables de prendre la moindre décision, pour ne pas bousculer leurs fragiles équilibres.

M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !

M. François-Michel Gonnot. Ils n'ont pas tiré, non plus, les conséquences de la lutte mondiale engagée contre le réchauffement climatique, qui doit devenir une priorité nationale et européenne.

Rappelons qu'en 1997, à Kyoto, les pays industrialisés se sont engagés à diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre avant 2050. Le protocole de Kyoto, ratifié par la France, impose de ramener en 2010 le niveau des émissions de ces gaz à leur niveau de 1990.

Il faut aujourd'hui prendre des décisions, et, si possible, dans un contexte de consensus politique et social analogue à celui que nos prédécesseurs avaient obtenu il y a trente ans, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le ministre.

Ce consensus a permis à la France d'assurer son indépendance énergétique et de sécuriser ses approvisionnements, de créer un modèle de service public de l'énergie, de bâtir une filière industrielle du nucléaire qui s'impose partout dans le monde et de donner naissance aux plus belles et plus grosses entreprises de l'énergie du monde, EDF, GDF, Areva, Total ...

M. Daniel Paul. Entreprises que vous voulez casser !

M. François-Michel Gonnot. Oui, la France et les Français doivent être fiers de ce que nous avons pu réaliser.

Il faut aujourd'hui, en tenant compte du nouveau contexte européen et mondial, adapter ce secteur et préparer l'avenir.

Les contraintes sont là : ne pas casser ce qui fait nos succès et notre puissance, inscrire résolument notre politique énergétique dans une politique de développement durable, comprendre que l'avenir de la France de l'énergie, c'est désormais l'Europe et son marché, fort de 480 millions de consommateurs.

Notre politique énergétique doit donc continuer à garantir notre indépendance et notre sécurité d'approvisionnement, nous permettre de diversifier notre bouquet énergétique en nous tournant, enfin, résolument vers les énergies renouvelables, relancer la politique de maîtrise de l'énergie, mise en parenthèse ces dernières années, préparer l'avenir du nucléaire français, enfin, accentuer la recherche dans le domaine énergétique.

Pour faire face aux besoins mondiaux en énergie, la production énergétique va devoir être multipliée par deux à l'horizon 2050 dans le monde. Dans le même temps, nous allons devoir faire face, à plus ou moins long terme, à la raréfaction de la ressource en énergies fossiles. Certains experts estiment que les réserves de pétrole diminueront avant quarante ans, l'échéance étant fixée à environ soixante-cinq ans pour le gaz et deux cents ans pour le charbon. L'augmentation, depuis 1999, des cours du pétrole, les tempêtes de 1999 en France, la crise énergétique en Californie, la canicule cet été dans notre pays, les pannes d'électricité aux Etats-Unis et en Italie ces derniers mois, ont relancé le débat sur notre dépendance énergétique et sur la nécessité de garantir la sécurité des approvisionnements en France mais aussi à l'échelle européenne.

Notre pays doit, demain, disposer de sources d'énergie encore plus variées qu'aujourd'hui.

En tant que ressources inépuisables, respectueuses de l'environnement, le rôle des énergies renouvelables, de toutes les énergies renouvelables, dans le bilan énergétique doit, par conséquent, s'accroître. Le Président de la République, au sommet mondial de Johannesburg l'a souhaité, la France en a besoin, et l'Europe nous le demande.

En ce domaine, notre pays dispose de réels atouts, en particulier grâce à l'hydraulique qui constitue la première source d'énergie renouvelable en France : 95 % de la production d'électricité à partir des ENR proviennent de l'énergie hydraulique. Le bois occupe également une part importante dans le bilan des ENR et devrait pouvoir être plus largement utilisé.

La France doit et peut faire beaucoup mieux.

L'apport des énergies renouvelables reste insuffisant pour répondre à nos besoins en électricité et ne permet pas d'assurer notre indépendance énergétique. Pour répondre à une demande d'énergie en forte croissance, élaborer une politique énergétique capable d'offrir un approvisionnement sûr, compétitif et respectueux de l'environnement, nous garder des capacités d'exportation d'électricité, les énergies renouvelables sont un complément indispensable. Mais elles ne peuvent, à l'évidence, se substituer aux autres sources d'énergie.

Pour atteindre l'objectif fixé par la directive européenne de septembre 2001 de 22 % de production d'électricité d'origine renouvelable dans l'Union européenne à l'horizon 2010, contre 15 % environ aujourd'hui, la France va devoir accentuer de façon volontaire et significative ses efforts de soutien à la filière, favoriser la mise en place d'un projet industriel pour les ENR et développer les programmes de recherche.

Monsieur le ministre, vous avez montré la détermination du Gouvernement dans cette nouvelle politique, et le groupe UMP en est tout à fait satisfait. D'ailleurs, Serge Poignant, auteur d'un rapport sur le développement des énergies renouvelables,...

M. Bernard Accoyer. Excellent rapport !

M. François-Michel Gonnot. ...y reviendra tout à l'heure.

Notre groupe souhaite et attend un véritable plan national de promotion des énergies renouvelables. Car nous sommes convaincus du bien-fondé de la mise en place d'un bouquet énergétique large et le plus équilibré possible.

De plus, le développement des énergies renouvelables en France peut être à l'origine de la création de nombreuses entreprises, et par conséquent d'emplois, si nous savons l'accompagner de la mise en place d'une véritable filière industrielle, ce que d'autres pays voisins ont réussi à faire en quelques années.

J'ajoute, parce que j'en suis convaincu, que si la France veut poursuivre voire relancer, demain, sa filière nucléaire et conforter sa part dans notre bouquet énergétique, elle ne pourra y parvenir qu'en s'engageant parallèlement, avec force et enthousiasme, dans les énergies renouvelables.

M. Bernard Accoyer. Bravo !

M. François-Michel Gonnot. La maîtrise de l'énergie est, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, un axe très fort de la politique que vous entendez mettre en place. Elle doit, à notre avis, mettre un terme à la période qui a suivi la « chasse au gaspi » qui a marqué les Français dans les années soixante-dix, période durant laquelle notre pays a donné le sentiment d'avoir un peu baissé la garde.

Nos efforts doivent porter, vous l'avez rappelé, sur l'efficacité énergétique des bâtiments, comme l'évoque la directive européenne de décembre 2002.

Il est également important, d'une façon générale, de mieux éduquer nos concitoyens, les consommateurs sur l'utilisation rationnelle de l'énergie.

Des économies doivent aussi être réalisées, vous l'avez souligné, dans le secteur des transports qui connaît une croissance importante et constante. L'augmentation de la consommation d'énergie dans les transports est de 4,2 % par an ces dix dernières années.

Il faut également penser à préparer l'avenir du nucléaire.

Pour répondre à la demande croissante d'énergie en Europe, et dans un marché dorénavant ouvert à la concurrence, il est nécessaire de prévoir l'augmentation, dans les prochaines années, de nos capacités de production d'électricité. Celle-ci augmente de 1 à 4 % par an selon les pays de l'Europe des vingt-cinq. L'Europe est globalement déficitaire en matière de production d'électricité et elle le restera demain. La France est, avec l'Allemagne, le seul pays d'Europe à être autosuffisant et même à avoir des capacités significatives d'exportation, elle doit le demeurer.

La production d'électricité à partir du nucléaire a donné à notre pays une indépendance enviée. Notre taux d'indépendance énergétique est passé, vous l'avez rappelé, de 24 % en 1973 à 50 % aujourd'hui, grâce au nucléaire.

L'énergie nucléaire présente, par ailleurs, des atouts économiques indéniables : son coût est très compétitif comparé à toutes les autres sources d'énergie.

Le nucléaire a également permis à la France de parvenir à un taux d'émission de gaz à effet de serre qui en fait l'un des pays industriels les moins pollueurs du monde. L'énergie nucléaire n'émet pas d'oxyde d'azote, pas d'oxyde de soufre, pas d'oxyde de carbone, pas de poussières. Grâce à l'électricité produite à partir du nucléaire, les émissions de CO2 ont été divisées par trois et demi au cours des vingt dernières années.

L'énergie nucléaire nous permet de produire aujourd'hui 80 % de notre électricité et d'économiser environ 100 millions de tonnes de pétrole par an, soit l'équivalent de la production annuelle du Koweït.

La valeur ajoutée créée par l'industrie nucléaire française se situe entre 20 et 28 milliards d'euros par an, ce qui représente entre 1,3 % et 1, 8 % du PIB marchand.

L'énergie nucléaire est aussi une source d'emplois non négligeable : 100 000 à 150 000 emplois directs auxquels il convient d'ajouter les emplois de la sous-traitance et les emplois indirects.

En 2017, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, les premiers réacteurs nucléaires auront quarante ans, et nous ne savons pas aujourd'hui si leur durée de vie ira au-delà. Se posera de toute façon à cette époque la question de leur remplacement.

Sans préjuger du choix que d'autres seront conduits à opérer vers 2015, il est important que la France garde une option nucléaire ouverte. Si elle veut continuer dans le nucléaire, elle ne pourra pas à l'évidence le faire avec des réacteurs conçus dans les années soixante-dix.

Dans ces conditions, la construction d'un réacteur européen à eau sous pression, l'EPR, peut s'avérer nécessaire car, pour effectuer un véritable choix, il faut que l'ensemble des technologies soit accessible en 2010-2015, ce qui ne sera pas le cas, vous l'avez rappelé, des réacteurs de la quatrième génération.

De conception franco-allemande, l'EPR présente des avantages significatifs, vous l'avez souligné, par rapport aux réacteurs à eau sous pression actuellement en service : il est plus sûr, il consomme moins de matières premières, il produit moins de déchets et surtout il a une rentabilité en termes de production nettement supérieure aux centrales actuelles. Claude Birraux, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, y reviendra tout à l'heure.


Regardons aussi le monde, qui a bien changé ces derniers mois ! La décision de la Finlande de construire un cinquième réacteur nucléaire et de choisir le modèle EPR français, la position des électriciens allemands, qui ont parfaitement compris que, sans le nucléaire, leur pays ne pourrait pas respecter ses engagements de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, l'intérêt nouveau porté par les Etats-Unis, qui n'ont pas construit de réacteur nucléaire sur leur territoire ou ailleurs depuis 1973, à la relance de la filière nucléaire, la position de la Chine, qui considère le nucléaire comme une solution alternative au charbon, plaident en faveur de la construction d'un EPR par la France.

La poursuite des activités nucléaires suppose, bien entendu, que nous soyons particulièrement vigilants sur la question du traitement et de la gestion des déchets radioactifs et que nous maintenions un haut niveau de sûreté, de transparence et d'information du public. A cet égard, notre groupe est très sensible à l'information que vous venez de nous donner, monsieur le ministre d'Etat, selon laquelle le Sénat serait prochainement saisi du projet de loi sur la sûreté nucléaire.

Enfin, un effort important doit être accompli en matière de recherche et de développement pour les réacteurs de la quatrième génération, dans le domaine de la fusion nucléaire avec le projet ITER, qui semble recueillir un large consensus dans notre assemblée, pour élaborer des carburants plus propres, des voitures plus économes, découvrir et développer de nouvelles sources d'énergie, comme l'hydrogène et la pile à combustible - Claude Gatignol ne manquera pas de revenir sur ces questions -, pour lancer une véritable filière d'énergies renouvelables, pour capter et stocker le CO2 du charbon. Il y a là des enjeux en termes de transfert de technologies dans les décennies qui viennent avec de grands pays, la Chine et l'Inde notamment, et la France doit être présente.

Tels sont, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, les sujets primordiaux que le groupe UMP souhaiterait voir abordés dans la future loi d'orientation sur l'énergie dont vous avez annoncé la prochaine adoption par le conseil des ministres et l'examen par notre assemblée.

Dernier point : la réforme des statuts d'EDF et de GDF. Elle n'a de sens, vous l'avez dit à juste titre, que dans ce nouveau contexte. Il ne s'agit pas de casser ces deux belles entreprises qui font la fierté non seulement des électriciens, des gaziers, mais aussi de tous les Français. Il s'agit de les rendre plus fortes, plus compétitives, de faire en sorte qu'elles soient les meilleures demain sur un marché qui est non plus de 60 millions, mais de 480 millions de consommateurs : le marché unique de l'Europe élargie.

Il s'agit non pas de casser un modèle social construit depuis 1946, mais de créer les conditions pour qu'il puisse survivre demain, se renforcer et - qui sait ? - être exporté ailleurs en Europe dans les soixante ans qui viennent.

Il s'agit non pas de réduire le service public à la française, mais de le réorganiser, de le refonder. Pour cela, il faut du dialogue social. Bravo, monsieur le ministre d'Etat, de l'avoir si vite compris et d'avoir si vite engagé ce dialogue !

Il faut aussi donner à nos deux opérateurs historiques un vrai projet industriel de dimension européenne. Vous insistez à juste titre sur ce point. Le marché français va être ouvert. Préparons-nous y avec enthousiasme, parce que, derrière, il y a la perspective de conquérir les marchés de nos vingt-quatre partenaires européens. Les électriciens et les gaziers français sont bons, ils sont peut-être les meilleurs du monde. De quoi pourraient-ils avoir peur ? Bien sûr, il faut leur expliquer les choses, rappeler les enjeux, leur ouvrir des perspectives, les rassurer sur leur statut et leurs avantages.

Le groupe UMP est intimement convaincu que l'intérêt supérieur de la France est de réussir ces réformes. Il vous accompagnera, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, dans les prochaines semaines, sur ces chantiers difficiles, mais si importants pour la vie quotidienne de chaque Français et pour l'avenir industriel de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Merci, monsieur Gonnot, d'avoir respecté votre temps de parole !

La parole est à M. François Dosé, pour le groupe socialiste.

M. François Dosé. Messieurs les ministres, chers collègues, dans quelques semaines le Gouvernement présentera donc au Parlement un projet de loi d'orientation concernant la politique énergétique en France, puis un projet tendant à modifier le statut des entreprises EDF et GDF.

S'agissant de la loi d'orientation, il est juste que la représentation nationale débatte enfin des différentes options énergétiques à privilégier dans les quatre à cinq prochaines décennies. C'est juste en raison de la nature même des enjeux qui concernent tous les Français, consommateurs avisés ou pas, citoyens en responsabilité ou non. C'est juste, car nous devons tenir compte des exigences d'un échéancier qu'il nous faut anticiper.

Regards et paroles croisés, dans la diversité de nos territoires, de nos sensibilités, de nos engagements, nous devons élaborer un projet conjuguant l'efficacité économique et financière, les solidarités territoriales et générationnelles, les préoccupations sociales et environnementales, la proximité et l'international, le court et le moyen terme - je laisse le « long terme » aux prophètes et aux plus savants que moi -, enfin, la démocratie participative et la nécessité de choix scientifiques rigoureux.

C'est à l'aune de l'efficacité et de la solidarité, de la performance et de la précaution que nous examinerons vos propositions concrètes et validerons nos choix. Cinq autres collègues du groupe socialiste sont inscrits dans ce débat. Evidemment, ils vous préciseront nos préférences, nos attentes. Mais dès aujourd'hui, pour le rendez-vous de mai, permettez-moi d'esquisser, de notre point de vue, le contexte, d'une part, les enjeux, d'autre part. Je ferai d'abord sept constats.

Premièrement, un réchauffement climatique indéniable dont la totalité ou la quasi-totalité de l'amplitude incombe aux activités humaines, principalement aux combustibles fossiles que nous utilisons en masse depuis la révolution industrielle.

Deuxièmement, une raréfaction des ressources non renouvelables.

Troisièmement, la légitime revendication énergétique des pays émergents ou en voie de développement qui, par leur démographie et leur type de croissance, nous interrogent directement, clairement, sur la pertinence - et même, l'impertinence, suis-je tenté de dire ! - de notre modèle de développement et son cortège de gaspillages et d'hypocrisies. En effet, s'il fut imbécile de prétendre que les nuages radioactifs s'étaient dissipés sur les rives est du Rhin, il le serait tout autant d'imaginer que le CO2 se fixe à la verticale des cheminées de la Chine ou de l'Inde.

Quatrièmement, la nouvelle donne des marchés énergétiques de l'Union européenne avec ses atouts et ses faiblesses, en particulier la fragilité des interconnexions.

Cinquièmement, la problématique sécuritaire de la gestion des déchets radioactifs de haute intensité aux dix-neuf réacteurs demain européens installés hier par l'URSS dans cinq pays entrants.

Sixièmement, la présence en France d'entreprises performantes, ambitieuses - et c'est tant mieux ! -, notamment dans les filières électronucléaire et hydroélectrique, mais l'absence - et c'est dommage ! - de véritable filière industrielle française dans les énergies renouvelables.

Septièmement, le décalage entre la réalité des faits et la perception de l'opinion publique. Ainsi pouvons-vous distinguer cinq grands secteurs énergétivores en France. Or, l'opinion publique en surestime quelques-uns, en sous-estime quelques autres. Notons que notre consommation énergétique est mobilisée pour 33 % dans les transports et 22 % dans la production électrique ! Observons aussi qu'avec le résidentiel et le tertiaire, ces quatre secteurs sont moins vertueux - ou, pour les pessimistes, plus fautifs - que le secteur industriel si souvent décrié.

Adossés à ces sept constats, nous estimons indispensable d'aborder prioritairement, lors de la loi d'orientation, les cinq enjeux suivants.

Premièrement, affichons notre volonté politique et ses déclinaisons programmatiques dans les cinq secteurs cités précédemment et ne réduisons pas ce débat à une filière, fût-elle la plus médiatisée, la plus sensible.

Deuxièmement, privilégions la maîtrise des énergies non par des déclarations incantatoires, mais par des objectifs simples s'inscrivant dans des programmes pluriannuels précis : ici en recherchant la sobriété énergétique, là en encourageant l'efficacité énergétique. L'habitat, en particulier l'habitat social, les transports sont des espaces d'expérimentation immédiats, et l'ADEME ne peut être sacrifiée par amputation budgétaire.

Troisièmement, invitons, incitons tous les territoires, dans des géométries variables, à cette mise en œuvre :

Là, le respect des engagements internationaux - évidemment Kyoto, mais pas seulement - et la mise en place d'une politique européenne assurant son indépendance énergétique et sa sécurité d'approvisionnement ;

Ici, l'impérieuse nécessité pour l'Etat d'assurer l'égalité des territoires dans l'accès à l'énergie, ainsi que la promotion des initiatives locales tendant à économiser les énergies ou à développer des réponses de proximité.

Une nouvelle fois, nous exprimons nos regrets devant le refus de nos collègues de la majorité parlementaire d'inclure cette problématique dans la loi sur les responsabilités locales. C'est en proximité que nous pouvons sensibiliser nos administrés à d'autres modes de production et de consommation.

Quatrièmement, diversifions les réponses, toutes les réponses ! Dans les transports, un bon réseau routier peut évidemment être un instrument d'efficacité et de solidarité, mais sacrifier les transports en commun - sites propres ou pas - et le ferroutage dans les choix d'infrastructures n'est pas raisonnable.

Dans le mix énergétique - Mme Fontaine aurait dit « le bouquet énergétique »-, la filière électro-nucléaire peut évidemment être un instrument d'efficacité et de solidarité. Il faut la préserver, mais trop, ce serait trop ! Développons toutes les énergies renouvelables, la cogénération, le gaz, la biomasse ! Encourageons les installations de faible puissance !

Dans la recherche, réaffirmons la complémentarité et la diversité des investigations dans les domaines de l'environnement et de l'énergie ! Ne sacrifions pas, par manque de crédits ou par des mobilisations trop sectorielles, les performances et les innovations nécessaires au développement des énergies nouvelles, renouvelables ou pas ! N'oublions pas le stockage de l'électricité, le transport et le stockage de la chaleur et du froid, la production et le stockage de l'hydrogène, le développement de la pile à combustible, le solaire photovoltaïque, les réseaux électriques dits intelligents, la valorisation de la biomasse !

Cinquièmement, conjuguons, à l'occasion de ce prochain texte, la nécessaire efficacité aux nécessaires solidarités. Sous peine d'être violemment remises en cause, toutes nos options doivent intégrer :

La solidarité générationnelle - quel territoire, quelle planète lèguerons-nous à nos petits-enfants ? - ;

La solidarité sociale - tous nos concitoyens doivent être égaux dans l'accès à l'énergie - ;

La solidarité territoriale, car la prise en compte des besoins des pays en voie de développement ne doit pas être un vœu pieux. Si nous esquivons cette obligation morale, cette nécessité économique, nous porterons la responsabilité de tensions internationales, peut-être même de conflits, dans les prochaines décennies.

Après le débat national sur les énergies de janvier à juillet 2003, le rapport de notre collègue Jean Besson, « Une stratégie énergétique pour la France », publié le 8 octobre 2003, voilà donc la dernière étape introductive à l'examen de la loi d'orientation. Les députés socialistes ont décidé d'y participer en abordant, les uns après les autres, les grands enjeux, défis ou paris, de cette problématique sociétale.

Certains prétendent que les Assises décentralisées furent partisanes et partiales, d'autres que le futur débat prévu en mai 2004 serait tronqué et truqué, notamment par des décisions hypothéquant la liberté de nos choix. Nous n'osons les croire, mais pour eux, pour nous, pour vous, pour l'ensemble des Français, vous devez dès aujourd'hui apporter la preuve que ce débat n'est pas en trompe-l'œil en répondant à ces deux questions, en quelque sorte deux questions préalables.

Oui ou non, le Gouvernement attendra-t-il les conclusions de notre débat sur l'orientation des énergies pour rendre sa décision concernant la construction d'un EPR en métropole ?

M. Daniel Paul. Mais non ! La décision est déjà prise !

M. François Dosé. Accepterez-vous de mettre en discussion l'opportunité de l'EPR dans le mix énergétique sans nous l'imposer préalablement ?

Oui ou non, le Gouvernement permettra-t-il aux élus de la nation de conforter ou de désavouer la décision prise par EDF en septembre 2003 - sans aucune consultation de la représentation nationale - tendant à prolonger d'une décennie l'amortissement technique et financier de toutes les centrales nucléaires civiles ?

Messieurs les ministres, je n'ose croire que des urgences financières conduiraient à décider dans la précipitation, sans l'aval des parlementaires, de choix dont les conséquences, économiques, environnementales et sécuritaires sont évidentes.

Puis-je rappeler qu'à la suite d'un rapport concernant la problématique de l'amortissement des centrales nucléaires civiles françaises rédigé par deux éminents parlementaires - MM. Bataille et Birraux, peu connus pour leur antipathie à l'égard du nucléaire - au nom de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, la commission des affaires économiques, présidée par Patrick Ollier, a préconisé l'allongement de la durée d'amortissement, cas par cas, site par site, en considérant les appréciations fournies par une institution indépendante de la filière électronucléaire ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet !

M. François Dosé. Compte tenu de la qualité de nos installations et de la compétence de nos énergéticiens, nous ne doutons pas que souvent, et même très souvent, l'autorisation d'exploiter nos centrales nucléaires civiles pourra être prolongée a minima d'une décennie. Mais, sur le principe, il est juste et sain que le Parlement ratifie ces dérogations. J'ajoute que, dans certains cas très précis mais rarissimes - notre collègue Armand Jung vous en entretiendra très prochainement -, la fermeture immédiate peut s'imposer. Pour autant, celle-ci ne consacrerait pas l'échec d'une filière, mais l'honneur de responsables soucieux de sûreté et de sécurité. Comment ne pas penser au cas de Fessenheim ?

Il vous faut répondre clairement aux deux questions que je vous ai posées. Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas conforter l'idée - vraie ou fausse - que la place du nucléaire en France s'adosse à la raison d'Etat et se nourrit de la culture du secret ou de l'esquive démocratique.

En soumettant ces deux questions à l'appréciation des élus de la nation, vous nous permettrez de nous soustraire aux longs malentendus, à la longue errance politique que nous avons connus. Vous nous offrez en outre une bonne occasion de réhabiliter le débat politique avec son verdict républicain : la décision majoritaire s'imposera !

Le Parlement, démocratiquement, doit examiner votre projet pour dégager in fine le nécessaire mix énergétique et quelques autres options : je pense notamment à la recherche, à la maîtrise et la sobriété des énergies.

Ne dupez pas tous ceux qui, en se rendant aux invitations des assises décentralisées, imaginaient apporter une contribution qui serait étudiée par la représentation nationale. Ne méprisez pas les parlementaires en les faisant débattre sur l'accessoire plutôt que sur l'essentiel. Ne plombez pas le débat en autorisant ou en refusant l'EPR avant le vote de la loi d'orientation. Ne donnez pas raison à ceux qui prédisent que nous sommes tous des EPR : des élus pour rien. (Sourires.)

M. Yves Cochet. Très bien !

M. François Dosé. Prenons garde, messieurs les ministres : la crédibilité de la politique et du politique est en cause. Les républicains que nous sommes tous, dans cet hémicycle, ne peuvent s'exonérer des exigences démocratiques car, comme on le dit parfois, « même si on fait ce qu'on peut, il y a la manière » ! Nous serons aussi jugés sur notre capacité à formuler et à vivre la politique autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, sans le soleil, première et inépuisable source d'énergie il n'y aurait pas, sur notre planète, la moindre trace de vie.

Sans énergie, pas d'humanité ; sans énergie, pas de progrès. Nos cent cinquante dernières années d'extraordinaire croissance, qui ont plus bouleversé le monde que les vingt-cinq siècles précédents, sont la résultante de progrès techniques et scientifiques qui ont eu pour point de départ la maîtrise de l'exploitation, puis de l'utilisation de nouvelles sources énergétiques. N'a-t-on pas parlé de révolutions du charbon, de l'électricité, du pétrole et du nucléaire qui ont permis de démultiplier la force humaine pour mieux créer, construire, se chauffer, se déplacer et communiquer ?

C'est dans cette perspective historique que nous devons replacer notre débat. Nous ne sommes que les locataires temporaires de notre planète et nos choix - ou non-choix - conditionneront sérieusement le devenir de nos enfants ou petits-enfants. Cela méritait bien quelques heures d'échanges et de débats dans cet hémicycle, cœur de notre démocratie.

Je souhaiterais donc saluer, au nom du groupe UDF et apparentés, l'heureuse initiative de cet important débat lié à la déclaration gouvernementale sur l'énergie. Car il faut bien reconnaître qu'avant votre arrivée, monsieur le ministre d'Etat, on a manqué de clarté et de perspectives sur la politique énergétique nationale et l'avenir des grands opérateurs EDF et GDF.

Sur la question de l'EPR, on a pu croire à plusieurs reprises que le Gouvernement avait décidé de passer en force avant même la conclusion du débat national sur l'énergie, ce qui n'a d'ailleurs pas manqué de réveiller les éternels clivages archaïques entre les pro- et les antinucléaires. Aujourd'hui, nous nous félicitons que vous nous annonciez comme imminent le débat du projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui devrait trancher la question de l'avenir de notre parc nucléaire.

Quant au changement de statut, le gouvernement précédent différait de mois en mois une réforme cruciale pour la compétitivité et la santé économique des opérateurs historiques, à l'heure où le marché européen s'ouvre à la concurrence et où il faut, plus que jamais, définir de nouvelles stratégies de développement auprès des professionnels. Mais aujourd'hui, vous nous annoncez pour le mois de juillet l'examen du projet de loi sur le statut des industries électriques et gazières, qui devrait permettre de lever tous les obstacles sur la route de la modernisation de nos deux entreprises publiques.

C'est dans ce contexte positif de clarification du calendrier législatif que le groupe UDF souhaite vous faire part, monsieur le ministre d'Etat, de ses principales positions et propositions.

Quelles sont, à notre sens, les grandes orientations énergétiques qui devraient inspirer la politique du pays ? Nous voyons trois piliers autour desquels il serait important d'organiser une politique énergétique durable pour les vingt ou trente années à venir.

En premier lieu, nous sommes absolument conscients que toute solution énergétique doit être évaluée en fonction de ses impacts probables, pour ne pas dire certains, sur le processus de changement climatique dont l'effet de serre est en grande partie responsable. La politique énergétique doit en effet s'inscrire dans un contexte global de développement durable...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Philippe Folliot. ...visant à réconcilier les conditions écologiques, économiques et sociales du développement des sociétés humaines en préservant les capacités des générations futures à assurer leur propre avenir.

Les engagements que nous avons pris en signant le protocole de Kyoto méritent plus que des grands discours ou des projets de loi constitutionnelle : il faut des mesures concrètes et un calendrier précis d'évaluation pour diviser par quatre nos émissions dans les cinquante ans qui viennent. Rappelons que, au rythme actuel de la croissance de la demande mondiale, ce sont 10 milliards de tonnes qui seront rejetées dans vingt ans, soit presque 50 % de plus qu'aujourd'hui.

II faut à tout prix inverser la tendance, car ce sont les pays les plus pauvres qui seront demain en première ligne et auront à faire face avec très peu de moyens de solidarité aux canicules, tempêtes, sécheresses, inondations à répétition ou épidémies que nos sociétés riches parviennent encore tant bien que mal à surmonter, sinon à prévenir.

La seconde exigence est qu'il nous faut pérenniser notre indépendance énergétique, notamment vis-à-vis du pétrole dont la production et les coûts restent soumis à la situation géopolitique ô combien incertaine du Moyen-Orient. Mais il convient également de sécuriser notre approvisionnement, en tirant toutes les leçons des problèmes rencontrés par notre filière nucléaire pendant la canicule de l'été dernier. La recherche d'une diversification de notre bouquet énergétique doit s'en trouver d'autant plus légitimée qu'il faut raisonner en termes de fourniture de base, que le nucléaire a vocation à assumer, et de fourniture de pointe et de semi-pointe, que la filière du gaz naturel pourra garantir avec des coûts très faibles et une meilleure présence régionale, en complément des énergies renouvelables.

Enfin, nous demandons un véritable plan de maîtrise de la dépense énergétique. Ce sujet est à peine esquissé dans le Livre blanc sur les énergies, alors qu'il doit être approfondi en priorité. Le groupe UDF entend s'y employer sans tabou ni pudeur. Il souscrit totalement à la méthode qui consiste à fixer un objectif absolu et chiffré à différents horizons de temps, tout en prévoyant un mécanisme de rattrapage si l'objectif n'était pas atteint à l'une des dates de référence. La culture du résultat dont, monsieur le ministre d'Etat, vous avez fait, dans vos différents postes de responsabilité, un principe d'action doit maintenant inspirer notre politique industrielle et environnementale qui a, jusqu'à présent, souffert de trop d'approximation et de flexibilité.

Il faudra avoir le courage d'aborder la question des transports, qui représentent actuellement le tiers de la consommation énergétique finale totale et les deux tiers de la consommation énergétique finale de produits pétroliers. « Les Français aiment la bagnole », avait l'habitude de dire le Président Georges Pompidou, fin connaisseur de notre peuple. Le changement passe par le transport urbain collectif. Le maire de Londres a mis en place un péage urbain. Et nous, que faisons-nous ? Que fait le maire de Paris ?

A nous d'impulser vigoureusement le changement, en mettant en place un plan global pour les transports en commun, qui combinera mesures fiscales et recettes affectées, construction d'équipements - tels que des parkings autour des villes -, promotion du covoiturage, réhabilitation et prise en compte de la « solution vélo » en ville. Il faut bien reconnaître que la subvention que nous accordons aujourd'hui à la mobilité urbaine est considérable : subvention implicite pour l'automobile, qui bénéficie de la gratuité de nos rues et accès, et explicite pour les transports collectifs, dont l'impôt doit équilibrer les comptes.

Permettez-moi d'esquisser maintenant quelques mesures concrètes qui pourraient être adoptées dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Notre développement économique est performant parce qu'il est porté par les mécanismes du marché. La protection de l'environnement est, quant à elle, obstinément organisée selon les méthodes de la planification à la soviétique. Il convient donc d'utiliser le futur projet de loi pour corriger les incohérences de notre politique fiscale en matière d'énergie.

La protection de l'environnement ne peut être efficace que si elle s'insère dans les mécanismes du marché en les corrigeant par des taxes ajoutées aux prix et représentatives des atteintes à l'environnement liées au fonctionnement d'une installation ou à l'utilisation d'un produit.

M. Yves Cochet. Illusion !

M. Philippe Folliot. A l'inverse, les pratiques innovantes et vertueuses doivent être fiscalement encouragées. Ainsi, les biocarburants, comme l'ensemble des énergies renouvelables, doivent faire l'objet d'une approche fiscale spécifique. Mon collègue Stéphane Demilly y consacrera tout à l'heure son intervention et, lors de l'examen du projet de loi, nous déposerons, au nom du groupe UDF, une série importante d'amendements à ce sujet.

Au-delà de la promotion fiscale et technologique des énergies renouvelables, il y a un véritable arbitrage à rendre entre le gaz et le nucléaire, lesquels resteront, à court et à moyen terme, les deux solutions alternatives significatives au pétrole, chacune présentant des avantages et des inconvénients qu'il ne faut pas caricaturer. Pour le gaz, sa simplicité de production et de distribution et sa faible quantité de déchets, réels, mais sans commune mesure avec ceux posés par le pétrole et le nucléaire. Pour le nucléaire, l'indépendance énergétique,...

M. Yves Cochet. Mais non ! C'est faux !

M. Philippe Folliot. ...son coût raisonnable et son absence de production de gaz à effet de serre.

Cet arbitrage complexe mérite un vrai débat démocratique en profondeur, qui pourra enfin avoir lieu au Parlement, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, à condition que la décision soit effectivement et formellement mise au vote.

L'UDF estime en effet que la question de l'EPR ne peut être posée qu'au terme du débat sur les énergies, pour des raisons de méthode, mais aussi de fond. Cette position, qui a toujours été celle de l'UDF, a été rappelée à de multiples reprises à Mme Fontaine par mon collègue Jean Dionis du Séjour. Le débat sur l'EPR ne pourra être entamé que lorsque la place du nucléaire aura été raisonnablement quantifiée en fonction d'objectifs politiques clairement identifiés. Cette décision, importante au regard du coût de notre politique énergétique puisqu'il s'agit de la transition entre deux générations de réacteurs nucléaires, doit impérativement intervenir au terme de la consultation.

Dans l'immédiat, l'UDF serait plutôt réservée et préférerait que l'on passe à la génération suivante de réacteurs, dans la mesure où les seules améliorations techniques apportées par l'EPR sont une meilleure efficacité énergétique et une protection accrue face à des attaques externes. Il n'y a là aucun saut technologique majeur. Finalement, investir dans la technologie EPR, ce serait se priver d'un financement important pour la recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération, mieux à même de régler le délicat problème des déchets radioactifs.

S'agissant des énergies renouvelables, les mesures prises jusqu'à ce jour sont à la fois quantitativement insuffisantes et peu efficaces. Il est nécessaire de mettre en place un dispositif qui suscite le développement d'entreprises industrielles et de services capables d'occuper une place légitime face à la concurrence des entreprises du secteur énergétique traditionnel. Dans cette perspective, il convient de prendre des dispositions, aussi stables que possible sur deux ou trois décennies, de nature à encourager de façon homogène le développement des énergies renouvelables les moins coûteuses.

Il convient tout d'abord d'éviter de pénaliser artificiellement, comme nous le faisons aujourd'hui, les avantages naturels de compétitivité des énergies renouvelables dans les sites géographiques où l'accès à l'électricité est plus coûteux qu'ailleurs : les îles non connectées au réseau métropolitain et les zones rurales peu denses.

Il faut ensuite envisager une réforme en profondeur des mécanismes retenus jusqu'ici pour favoriser le développement de ces énergies. Ainsi, les aides directes relevant du budget de l'ADEME sont, comme toutes les aides budgétaires, instables dans le temps et menacées en cas de régulation. En outre, compte tenu de l'annualité des ressources budgétaires, ces aides peuvent difficilement prendre une autre forme que celle d'une subvention à l'investissement, qui biaise les choix technico-économiques des bénéficiaires.

Enfin, la politique actuelle ne comporte pratiquement aucune aide au développement de l'utilisation de la biomasse comme combustible, alors qu'elle contribue déjà, à hauteur de 10 millions de tonnes équivalent pétrole, à la satisfaction de nos besoins de chaleur. Le même constat pourrait être fait à propos du solaire thermique qui, comme le note Serge Poignant dans son excellent rapport sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables, doit être davantage soutenu pour satisfaire les besoins de chaleur des secteurs résidentiels et tertiaires en réduisant les pollutions.

Au demeurant, les énergies renouvelables pourraient être introduites dans l'habitat collectif sans coûts excessifs, en récupérant, par exemple, une partie des pénalités financières instaurées par la loi sur les 20 % de logements sociaux, afin de les consacrer au financement de dispositifs d'économies d'énergie sur le territoire de la commune pénalisée. Des constructions de ce type ont déjà été expérimentées dans des cités françaises, notamment à Surieux, dans la région grenobloise, et d'autres constructions écologiques existent dans le sud de la France ou chez nos voisins allemands, à Fribourg, cité modèle en matière d'énergie solaire.

Le groupe UDF avait également souhaité que les 200 000 constructions nouvelles du plan de rénovation urbaine de l'ancien ministre délégué à la ville puissent bénéficier de ces technologies en imposant un cahier des charges détaillé. Une autre possibilité serait de pré-fînancer ces orientations lourdes par un emprunt, qui serait remboursé sur le long terme par les économies réalisées sur les charges locatives.

Ces différents montages financiers permettraient, sans accroître excessivement les coûts de construction, de mettre en œuvre concrètement les engagements de Kyoto, qui prévoient notamment d'augmenter de 14 % à 22 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'électricité.

Par ailleurs, la pile à combustible devrait être l'un des axes majeurs de recherche pour les prochaines années. Ce devrait être une grande cause nationale ou européenne, comme l'ont été en leur temps certains programmes aéronautiques ou spatiaux, nés du volontarisme affirmé des Etats et de leurs dirigeants, au premier rang desquels figurait le général de Gaulle.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Philippe Folliot. J'ajoute que d'autres sources d'énergie doivent trouver à l'avenir leur juste place. Je pense notamment au bois, à la géothermie, au photovoltaïque, sans parler de l'hydroélectricité, dont la place, déjà prépondérante, mérite d'être confortée en utilisant certains gisements potentiels inexploités.

Enfin, nous ne devons ni méconnaître ni sous-estimer les contraintes, notamment paysagères, qui pèsent sur l'éolien, par exemple. Dans les années 1970, une émission de télévision qui a beaucoup contribué à la prise en compte des questions environnementales s'intitulait La France défigurée. Faut-il, au nom du développement de l'éolien - par ailleurs fortement subventionné, directement ou indirectement - laisser s'installer des éoliennes n'importe comment, n'importe où, au risque de « défigurer la France » ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Yves Cochet. Et les 100 000 pylônes des lignes à très haute tension ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Folliot. Je terminerai en évoquant un autre sujet brûlant dont vous avez la charge et sur lequel vous avez fait des annonces très précises, qui tranchent avec les tergiversations passées. Je veux bien entendu parler du changement de statut d'EDF et de GDF.

En premier lieu, nous sommes attachés à la préservation de notre service public, qui est au cœur des missions d'EDF et de ses agents, comme on a pu le constater lors de la terrible tempête de 1999. Nous estimons que les missions de service public d'EDF qui doivent être garanties aux consommateurs tout au long du processus d'ouverture des marchés électriques sont les services sociaux, la péréquation géographique et le soutien aux énergies renouvelables. Nous pensons bien sûr aux personnes les plus défavorisées, qui doivent pouvoir accéder à ce bien primaire, mais aussi aux PME, qui doivent pouvoir se développer en milieu rural et avoir accès à des services performants. Vous conviendrez aisément que l'avenir d'EDF ne peut être dissocié d'une réflexion plus globale sur l'avenir de l'aménagement des territoires français.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Folliot.

M. Philippe Folliot. Je vais conclure, monsieur le président.

En ce qui concerne le cœur de la réforme, l'UDF vous apporte son entier soutien s'agissant de l'ouverture du capital des industries électriques et gazières qui, seule, donnera à ces entreprises les moyens de conserver leur rang de leader dans la compétition qui s'ouvre dans le cadre du marché unique, avec la transposition nécessaire des directives européennes.

Toutefois, nous sommes opposés à la privatisation des deux entreprises publiques, ne serait-ce que pour garantir la sécurité du parc nucléaire français. Le mot « privatisation » est d'ailleurs un chiffon rouge agité de manière indécente par l'opposition sous le nez des syndicats et des citoyens, alors que c'est le gouvernement Jospin qui a acté, au sommet de Barcelone, l'ouverture du marché gazier et électrique.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Philippe Folliot. Par ailleurs, nous défendons une vision intégrée d'EDF avec le maintien dans le même groupe industriel des trois métiers de base : producteur, distributeur et vendeur.

Enfin, les régimes spéciaux sont trop anciens pour être supprimés du jour au lendemain, sans transition. Il faudrait donc, pour des raisons d'équité entre les régimes, y mettre fin de manière progressive.

Monsieur le ministre, les dossiers que vous avez en chantier sont nombreux et complexes. Les enjeux sont à la hauteur de votre ambition pour la France et de votre détermination. Vous pourrez compter sur les membres du groupe UDF et apparentés pour vous aider dans votre mission de réforme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jean-Louis Idiart. Bien sûr que vous pouvez compter sur eux !

M. Philippe Folliot. ...mais, comme nous l'avons fait depuis le début de cette législature, nous ne soutiendrons la réforme que si son ambition est vraie et son esprit juste, ce dont nous ne doutons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, enfin, un débat sur l'énergie ! Je vous remercie de l'avoir organisé, car nous le souhaitions. Nous avions demandé clarté et précision dans notre politique énergétique. Or, vous nous proposez une méthode claire et précise, je vous en donne acte. Après ce débat, viendront en effet un projet de loi d'orientation, puis un projet de loi modernisant le régime juridique d'EDF et de GDF. Bravo !

Mais pourquoi ouvrir de tels chantiers législatifs ? Voilà, après tout, un domaine où nous avons, tous ensemble, remporté de beaux succès dans le passé. La forte limitation de notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles importés, la remarquable maîtrise de nos émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la compétitivité de l'électricité, la consolidation d'un service public de qualité présent sur tout le territoire et le développement de nos grandes entreprises publiques du secteur - EDF, GDF ou Areva - sont autant de succès à porter au crédit d'une politique énergétique engagée par le général de Gaulle et préservée, pour l'essentiel, au fil des alternances.

Alors, pourquoi changer une politique qui gagne ? Eh bien, justement, parce que ces succès, il nous faut les préserver. Or, quand le contexte change, ne rien changer, c'est prendre le risque de l'échec.

Et le contexte, précisément, est profondément bouleversé.

Fin 1999, le gouvernement de M. Jospin ouvre à la concurrence un tiers du marché français. Je sais que vous êtes gênés qu'on vous le répète, chers collègues de l'opposition, mais c'est encore M. Jospin qui, au sommet de Barcelone, en mars 2002, a accepté l'ouverture à la concurrence, au 1er juillet prochain, des deux tiers restants des marchés de l'électricité et du gaz. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Louis Idiart. M. Jospin était-il seul à Barcelone ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Or, cette libéralisation change profondément la donne et il nous revient de l'assumer ; c'est ce que nous sommes en train de faire.

Le temps où la politique énergétique se résumait largement à l'application des décisions des pouvoirs publics par des monopoles publics est révolu. Désormais, l'évolution du secteur énergétique dépendra de décisions prises librement par une pluralité d'acteurs concurrents sur la base de critères économiques.

Dès lors, deux options s'offrent à nous. La première, c'est l'immobilisme. Mais l'immobilisme, ce serait, de fait, l'abandon de toute politique énergétique et, à terme, de tout service public, au profit du seul marché. Or, l'énergie n'est pas une simple marchandise. Notre responsabilité politique est donc de préserver dans notre pays une politique énergétique ambitieuse et, dans le nouveau contexte, cette politique a besoin de nouveaux instruments juridiques, notamment fiscaux. Il nous faut donc - c'est la deuxième option - légiférer, et c'est la voie qu'a choisie le Gouvernement.

Quels sont les objectifs ? Il s'agit, premièrement, de faire face à nos besoins d'énergie, deuxièmement, de consolider notre service public au service de la cohésion sociale et territoriale, troisièmement, de préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises grâce à une énergie bon marché, enfin, de consolider le développement de nos grandes entreprises publiques du secteur de l'énergie.

Mais un impératif, essentiel selon la majorité, commande notre politique énergétique : le développement durable.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les émissions de CO2 résultant de la consommation d'énergie entraînent, en effet, un réchauffement climatique qui constitue une vraie menace, ainsi que vous l'avez parfaitement démontré, monsieur le ministre. Il est donc urgent d'agir, car ce n'est que par une politique nationale exemplaire, à rebours de l'irresponsabilité de certains grands Etats, que nous pourrons favoriser une action collective efficace.

Jusqu'à présent, nous avons fait de gros efforts, puisque nos taux de rejet de CO2 par habitant sont parmi les plus faibles de l'Union européenne. Ce résultat, nous le devons essentiellement au développement de la filière électronucléaire. Mais si nous avons construit des centrales nucléaires, c'est bien sûr d'abord parce qu'elles confortaient notre indépendance énergétique et qu'elles nous fournissaient une énergie compétitive. Bref, nous avons fait du développement durable sans le savoir.

Aujourd'hui, il faut placer au cœur de nos préoccupations la réduction des émissions de CO2. Toutes nos décisions doivent être examinées à l'aune de cet objectif.

C'est pourquoi nous ne pouvons laisser le simple jeu du marché déterminer la part respective des différentes énergies dans notre approvisionnement, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une loi d'orientation pour apporter ces précisions.

Notre première source d'énergie, aujourd'hui encore, est constituée par les combustibles fossiles, qui nous fournissent la moitié de notre énergie. Outre le fait qu'ils sont importés de régions du monde dont la stabilité géopolitique n'est pas assurée, la consommation de ces combustibles contribue au réchauffement climatique. Il nous faut donc la limiter autant que faire se peut et cela doit être notre objectif central, secteur par secteur.

En matière de transports, trois voies d'action peuvent et doivent être explorées : la politique des transports, tout d'abord, avec le développement des transports collectifs urbains et du fret ferroviaire, le développement des modes de propulsion alternatifs ensuite, en utilisant notamment la technologie de la pile à combustible, et enfin la promotion des biocarburants, filière en faveur de laquelle nous devons nous montrer très ambitieux.

Mais nous n'utilisons pas les combustibles fossiles seulement pour les besoins du secteur des transports, puisqu'ils participent également à la satisfaction de nos besoins de chauffage. En la matière, deux solutions se présentent.

La première est l'électricité. De ce point de vue, la chance de notre pays est l'importance du chauffage électrique, qui a permis l'économie de plus de 7 millions de tonnes de CO2 en 2001. Toutefois, cette situation ne pourra être préservée et ne sera supportable par les ménages que si le prix de l'électricité reste compétitif. C'est pourquoi je m'interroge sur la pertinence de la politique de financement des charges liées au développement des sources d'électricité renouvelables.

Je suis heureux, monsieur le ministre d'Etat, des clarifications que vous venez de nous apporter. A ce sujet, le rapport de Serge Poignant au nom de la commission des affaires économiques est également éloquent, et je l'en remercie. Il ouvre un certain nombre de pistes extrêmement intéressantes, auxquelles le Gouvernement aurait tout intérêt à se référer.

Ce financement repose sur les consommateurs d'électricité. En conséquence, plus l'électricité sera « propre », plus elle sera chère et plus les consommateurs seront incités à choisir d'autres sources d'énergie lorsque la substitution est possible. Ce mécanisme est pervers et doit donc être réétudié.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Plus généralement, il est temps de cesser d'assimiler abusivement les énergies renouvelables aux sources d'électricité renouvelables. Les énergies renouvelables peuvent se substituer directement aux combustibles fossiles pour satisfaire nos besoins de chauffage par la production directe de chaleur.

Or, notre politique de soutien aux énergies renouvelables privilégie aujourd'hui essentiellement le soutien à la production d'électricité d'origine renouvelable. C'est une erreur : en 2001, la production d'électricité n'a été responsable que de 5,3 % de nos émissions de CO2.

J'estime donc qu'aujourd'hui, nous marchons sur la tête en négligeant les 95 % de nos émissions de CO2 qui ne sont pas liées au secteur électrique. C'est dans ce domaine qu'il faut encourager en priorité les énergies renouvelables, en y consacrant les moyens financiers nécessaires.

La protection de l'environnement a un prix que nous devons être prêts à payer, et nous y sommes prêts. En revanche, nous ne pouvons justifier n'importe quelle dépense au nom du développement durable sans établir clairement, au préalable, son intérêt environnemental. Je pense en particulier aux éoliennes, et sur ce point vous avez tout à fait raison, monsieur Folliot. Je suis personnellement favorable aux installations d'éoliennes off-shore ou dans des parcs industriels spécifiques, mais de grâce, pensons à protéger nos paysages, car c'est cela aussi, défendre le développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans le secteur électrique, cette politique repose d'abord sur un instrument inadapté, l'obligation d'achat, qui ne permet pas de faire jouer la concurrence entre les producteurs, et qui offre en outre à certains producteurs des rentes que je qualifierai d'anormales.

Enfin, je rappelle que le développement de ces filières risque de peser très lourdement sur le budget des consommateurs et sur la compétitivité de notre économie, puisque la Commission de régulation de l'électricité a estimé qu'aux conditions actuelles de rachat, le développement d'un parc éolien de 12 000 mégawatts coûterait entre 17 et 26 milliards d'euros à la collectivité d'ici à 2025. Pouvons-nous le supporter, chers collègues ?

Il me paraît nécessaire de remettre à plat cette politique dont les priorités ne sont pas pertinentes, pour l'orienter réellement en faveur du développement durable, ce qui veut dire, selon moi, la sortir du ghetto électrique où elle a été abusivement enfermée.

A cet égard, il ne faut pas exagérer l'importance de la directive du 27 septembre 2001, qui ne fixe qu'un objectif de développement de l'électricité d'origine renouvelable dépourvu de tout caractère contraignant.

M. Claude Gatignol. Il est bon de le souligner !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La France présente une spécificité, celle de produire plus de 90 % de son électricité sans émissions de CO2, ce dont il faut se réjouir. A l'inverse, au Danemark, c'est plus de 82 % de l'électricité qui est produite à partir d'énergies fossiles, donc avec émissions de CO2. Il faut faire en sorte que les règles européennes tiennent compte des spécificités des Etats, et soient adaptées en fonction de celles-ci.

La France gagnerait à soutenir davantage certaines techniques de production d'énergie. C'est le cas de l'énergie hydraulique, filière respectueuse de l'environnement et compétitive, dont la production est aujourd'hui entravée pour des raisons de protection de l'environnement local, mais au détriment de l'environnement global, puisque cela conduit à accroître le recours à d'autres sources d'énergie produisant des gaz à effet de serre. L'hydraulique produit d'excellents résultats. Il y a encore, à mon avis, matière à mettre en œuvre des barrages dans des conditions satisfaisantes tant pour l'environnement que pour la production électrique.

Mais au-delà de ces filières renouvelables utiles, il va de soi que notre approvisionnement électrique doit demeurer dominé par la production d'origine nucléaire, qui est la filière d'avenir.

Certains membres de notre commission se sont rendus en Finlande, afin d'y promouvoir l'EPR. Je n'oublie pas ce qui nous a été dit là-bas, dont M. Poignant et M. Lenoir pourront témoigner : « Que la France commence donc par adopter l'EPR, avant de vouloir la vendre aux autres pays ». Je suis convaincu que dans ce domaine également, il faut agir rapidement. Les évolutions en cours aux Etats-Unis et en Chine me paraissent illustrer cette nécessité de manière éclatante.

Nous devons conserver notre avance, c'est pourquoi j'estime qu'une tête de série du réacteur EPR doit maintenant être construite en France.

J'approuve la position de M. Daniel Paul, qu'il a exprimée avec beaucoup de courage, et je crois que nous pouvons parvenir à un consensus sur les bancs de cette assemblée, pour préparer l'avenir de la filière nucléaire.

Cela implique de se préoccuper de la question des déchets nucléaires, que M. Dosé a eu raison de soulever. A ce sujet, il est impératif que le Parlement dispose de tous les éléments d'information nécessaires pour se prononcer dès 2006, conformément au calendrier fixé par la « loi Bataille ». J'en profite pour rendre hommage au combat de Christian Bataille, et à ses courageuses prises de position sur la filière nucléaire, qui sont de nature à permettre l'établissement du consensus que j'évoquais précédemment.

M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Enfin, je suis également convaincu de la nécessité d'une action résolue pour mieux économiser notre énergie et notamment les combustibles fossiles.

De très importants potentiels de gains existent en effet. D'autant qu'après une action ambitieuse, la politique de maîtrise de la demande d'énergie a été, de fait, largement mise en sommeil. Elle doit donc, aujourd'hui, être relancée avec vigueur.

Parallèlement à ces nouvelles impulsions qu'il convient de donner à notre politique énergétique, nous nous devons de moderniser nos services publics de l'énergie et du gaz. C'est également pour cette raison qu'une seconde loi est nécessaire.

La libéralisation des marchés ne doit pas, en effet, se traduire par le recul du service public, ce que nous n'accepterions pas, et elle ne le sera pas si nous prenons les décisions nécessaires. Dans ce domaine, c'est bien la double priorité de préservation de la cohésion sociale, d'une part, et de la cohésion territoriale, d'autre part, qui devra guider notre action et celle du Gouvernement.

A cet égard, je veux saluer la publication du décret instaurant un « tarif social d'électricité » en faveur de 1,6 million de foyers modestes, qui pourront bénéficier d'une réduction de 30 à 50 % de leur facture électrique sur les 100 premiers kilowatts mensuels de consommation. Voilà un enrichissement concret du service public, qui méritait d'être signalé à cette tribune.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. D'autres décisions seront également nécessaires quant au régime juridique d'EDF et de GDF. Il est, pour moi, exclu qu'elles conduisent à remettre en cause la propriété publique de ces entreprises ou le statut de leurs personnels.

Je vous remercie, monsieur Sarkozy, de nous avoir indiqué que le Gouvernement ne voulait pas privatiser ces entreprises, et de nous avoir donné toutes les assurances concernant le statut du personnel et les retraites.

Il ne devra donc s'agir que de donner à ces entreprises les moyens de lutter à armes égales avec leurs concurrents européens, ce que chacun peut admettre, dans le cadre d'un projet industriel à l'élaboration duquel leurs agents devront être associés. Bravo pour le projet d'actionnariat, et vive la participation !

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous nous proposez, monsieur le ministre, une vraie politique pour l'énergie. L'ensemble des forces politiques a maintenu au cours des précédentes décennies un consensus conforme à l'intérêt national. J'espère qu'au-delà de nos différences nous parviendrons, mes chers collègues, à préserver ce consensus en abordant tous ce débat dans un esprit de responsabilité, dans l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Claude Birraux, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le ministre, je voudrais d'abord remercier le président de notre assemblée pour ce temps de parole attribué ès qualités à notre office.

Mon intervention sera très factuelle, s'appuyant sur les rapports adoptés à l'unanimité par l'office. Le travail de l'office dans le domaine de l'énergie représente environ le tiers de ses rapports, et il s'inscrit dans la durée et la continuité depuis 1990.

Les rapports traitent du contrôle de la sûreté nucléaire, de la gestion des déchets nucléaires de faible et de haute activité, et des énergies renouvelables. On peut aussi y rattacher le rapport sur le réchauffement climatique et celui sur le prix de l'électricité. J'en citerai les rapporteurs : Christian Bataille, Jean-Yves Le Déaut, Michèle Rivasi, Robert Galley, les sénateurs Henri Revol et Marcel Deneux, et moi-même.

En ce qui concerne l'énergie nucléaire, la philosophie de l'office est la suivante : être l'œil extérieur qui s'assure du bon fonctionnement des différents rouages du contrôle de la sûreté, et qui veille à ce que l'Etat mette en œuvre les moyens nécessaires au bon fonctionnement des services.

Sa méthode de travail est de s'entourer de scientifiques pour l'aider et l'éclairer dans ses investigations, d'observer sur pièces et sur le terrain, et de rencontrer tous les acteurs, y compris les élus locaux et les organisations syndicales ou écologistes.

Enfin, l'office organise la transparence, lors d'auditions publiques ouvertes à la presse où tous les acteurs sont invités à débattre, et dont le procès-verbal est joint en annexe au rapport.

Dans le seul domaine de la sûreté, j'ai fait en 1998 une évaluation de l'impact de mes 118 recommandations faites depuis 1990 : les deux tiers de celles-ci avaient été mises en œuvre quels que soient les gouvernements ou les majorités. Dans le domaine de la gestion des déchets, les travaux de Christian Bataille ont donné naissance à la loi qui porte son nom.

Pour l'office, la transparence est le maître mot. Je veux redire ici notre attachement à une loi sur la transparence qui l'organise et qui, d'autre part, définisse les principes de son contenu et de sa mise en œuvre.

La création de l'IRSN fait partie de cette démarche globale, ainsi que celle de la DGSNR. J'ai tenté, en vain, d'intéresser la Direction générale de la Santé à la radioprotection et à l'environnement. Le seul moyen de faire bouger les choses a été de fusionner sûreté et radioprotection au sein de la DGSNR et de créer l'IRSN.

La création de l'IRSN dans son périmètre et ses compétences actuels par le gouvernement Jospin doit beaucoup à l'implication de Robert Galley et de moi-même. Il n'est pas question de revenir à la situation antérieure. Que les nostalgiques se le disent !

J'ajouterai que, pour nous, la définition des normes de sûreté, comme des normes environnementales ou de santé, relève des attributions de l'Etat. L'autorité de l'Etat ne peut être ni sous-traitée, ni concédée.

Enfin, je dirai que la sûreté nucléaire est une matière vivante ; elle se nourrit de la recherche, du retour d'expérience et du dialogue parfois musclé entre l'exploitant et l'autorité de sûreté. Ce n'est pas une sorte de nirvana que l'on atteindrait une fois pour toutes, et dans lequel on flotterait comme en apesanteur. C'est tous les jours qu'elle se gagne, avec la participation de tous les acteurs, quel que soit leur grade. Ces quelques réflexions suffiront pour vous faire comprendre que cette sûreté ne saurait être garantie de façon satisfaisante, confiée aux mains d'une autorité bruxelloise.

Ces principes généraux, qui constituent le fil conducteur des réflexions de l'office parlementaire, étant posés, permettez-moi de m'attarder un peu sur le dernier rapport de l'office présenté par Christian Bataille et moi-même sur la durée de vie des centrales et les nouveaux types de réacteurs.

Il nous est apparu que cette durée de vie pourrait être portée à 40 ans - 50 ans en comptabilité américaine, qui prend pour point de départ la date du premier béton - pour la plupart des centrales. L'autorité de sûreté se prononcera au cas par cas, après révision décennale des 30 ans. Nous approuvons cette méthode qui est plus exigeante que celle de la NRC américaine. Nous souhaitons néanmoins que l'expression « autorisation de fonctionnement » remplace celle de « non-opposition au redémarrage » après la visite décennale.

Néanmoins, la question du remplacement du parc actuel se pose : à quelle date, à quel rythme, pour quelle part de nucléaire ? Les premières révisions décennales des trente ans auront lieu en 2007, mais vont s'enchaîner très rapidement compte tenu de la croissance rapide du parc, qui produit un « effet de falaise ».

Sur la base d'un scénario qui viserait à reconstituer vers 2050 un parc de 50 gigawatts - soit les deux tiers de l'électricité de base -, si le renouvellement débute en 2020, il faut pousser la durée de vie du parc à quarante-huit ans et s'il débute en 2035, il faut la pousser à cinquante-six ans. Qui peut s'engager sans risque dans de telles voies ?

Par ailleurs, si la durée de vie des centrales ne dépassait pas quarante ans, treize réacteurs seraient arrêtés d'ici à 2 020 et vingt-quatre supplémentaires entre 2020 et 2025, soit 63 % du total. Alors, il ne s'agit nullement de relancer le nucléaire - avec près de 80 % d'électricité nucléaire ce terme n'est pas approprié. Il s'agit de préparer le renouvellement du parc. Il faut décider de construire le premier EPR dès maintenant pour qu'il entre en service en 2 012 et que, sur la période 2012-2015, EDF et le constructeur puissent le faire fonctionner et bien connaître ses performances industrielles.

Alors le Gouvernement en place à ce moment-là devra faire des choix : quelles centrales arrêter, lesquelles remplacer et pour quelle part de nucléaire dans notre production électrique ? C'est, non pas la relance, mais le maintien de l'option nucléaire ouverte. Tout autre scénario conduirait, monsieur Folliot, à utiliser, non pas les réacteurs de génération IV, mais des centrales à gaz, ce qui nous mettrait hors jeu pour le respect du protocole de Kyoto. Une centrale à gaz de 500 mégawatts rejette 2 millions de tonnes de gaz à effet de serre, ce que vous avez oublié de préciser dans votre intervention.

M. Claude Gatignol. Tout à fait !

M. Claude Birraux, président de l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Certains prônent l'attentisme pour passer à la génération IV. De quoi s'agit-il ?

Il y a six types de réacteurs :

Les réacteurs à eau légère, SCWR, refroidis à l'eau supercritique ;

Les réacteurs à haute température refroidis au gaz ;

Les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, cycle fermé, à l'hélium, cycle fermé, refroidis au plomb ou Pb/Bi, variante du système ADS, piloté par accélérateur qui pourrait brûler les actinides. C'est l'étude la plus avancée actuellement ;

Les réacteurs à sels fondus.

Les réacteurs à haute température pourraient également produire de l'électricité et de l'hydrogène à partir de sulfure d'iode.

Où en est-on ? Le forum Génération IV prévoit une coopération internationale sur la base du volontariat. Différents pays assurent le pilotage des six projets, qui n'en sont qu'au stade des études.

De nombreux verrous technologiques demeurent et ne sont pas levés, en particulier la résistance des matériaux à très haute température et des turbines.

Une coopération internationale est indispensable. Le ministère américain de l'énergie propose qu'un consortium de type Airbus se crée pour les projets génération IV, seul moyen de surmonter le problème de la propriété intellectuelle et de favoriser le passage à un stade industriel. L'office est très favorable à cette manière de procéder, ainsi qu'au maintien du pluralisme dans la recherche, le CNRS étant impliqué dans les recherches sur l'incinération dans la technologie ADS. Si tout se passe bien - mise au point technique, levée des verrous, tour de table pour financer le pilote - un modèle industriel pourrait être disponible dans les années 2035. Il faut donc assurer une transition avec EPR.

EPR est le fruit du retour d'expérience, tant des autorités de sûreté française et allemande que des exploitants. Je ne reviendrai pas sur ses caractéristiques puisque vous les avez rappelées dans votre intervention, monsieur le ministre. J'insisterai simplement sur le fait que la consommation d'uranium est réduite de 17 % et que sa compétitivité est assurée par rapport au cycle combiné gaz quel que soit le nombre de réacteurs qu'on construit : six ou quatre, ce sera toujours compétitif par rapport au gaz.

D'ailleurs, le choix d'EPR par la Finlande réduit à néant les critiques outrancières de ces experts - en contestation - qui le trouvaient obsolète.

J'ai également présenté avec Jean-Yves Le Déaut, en mai 2001, un rapport sur « l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables ».

Nous avons pris comme valide l'hypothèse du réchauffement climatique et l'excellent rapport du sénateur Deneux sur le sujet.

L'objectif de satisfaire aux exigences du protocole de Kyoto et de l'Union européenne de produire en 2010 21 % d'électricité à partir de renouvelables est ambitieux.

Lorsqu'on considère la structure de la production d'électricité en 2000 et en 2010, on se rend compte que non seulement 21 % d'électricité renouvelable c'est ambitieux, mais qu'on aura besoin de toutes les sources existantes dont le nucléaire.

Par ailleurs, les deux domaines où les consommations d'énergie augmentent le plus ces dix dernières années sont le résidentiel tertiaire et les transports.

A une époque où l'éolien était présenté comme la solution, notre enthousiasme n'a été que très modéré. En effet, lorsqu'on considère les périodes de production d'une ferme éolienne, on se rend compte de l'irrégularité de la production. La puissance débitée sur le réseau n'est que du tiers de la puissance installée.

Pour faire de l'éolien dans les conditions les plus favorables, nous avons proposé qu'un inventaire des sites équipables soit dressé et qu'on favorise l'éolien off-shore. Dans notre esprit, il est clair qu'il faut faire de l'éolien et, pour que l'acceptation soit plus facile, il faut que les utilisateurs - citoyens, collectivités, coopératives agricoles - se l'approprient.

Les points forts de notre rapport consistent dans le lancement de deux programmes mobilisateurs.

Le premier programme est intitulé « face Sud pour les bio-toits intelligents ». L'objectif est d'atteindre 1 million de mètres carrés de capteurs solaires en 2010, 200 000 chauffe-eau solaires et 50 000 toits thermiques, photovoltaïques par an.

Ce programme comporte quatre axes : relance de la recherche et développement sur l'habitat bio-climatique, mobilisation et formation des concepteurs, mise à plat des règles d'urbanisme, soutien aux industries pour créer une filière française.

Le second programme est intitulé « Terres Energie pour des biocarburants indépendants ». Il vise deux objectifs : accroître la production - il faudrait parvenir à 3 ou 4 millions d'hectares cultivés en cultures énergétiques - et économiser 20 millions de tonnes d'équivalent pétrole par an en 2010-2015.

II comporte également quatre axes : la relance de la recherche et du développement pour fabriquer les biocarburants y compris par voie biotech ; la concertation avec la profession agricole, pour augmenter durablement les surfaces de cultures énergétiques ; la concertation avec l'industrie pétrolière pour la fabrication et avec l'industrie automobile pour la flexibilité des moteurs et l'efficacité de la combustion ; enfin, la mise à plat des mécanismes fiscaux - vous en avez parlé, monsieur le ministre.

Depuis la publication de notre rapport, et grâce à lui, le CNRS a élaboré un nouveau programme interdisciplinaire de trois ans, consacré aux recherches sur les énergies, qui est soutenu par le ministère de la recherche et la DGA. Nous nous en félicitons.

Pour mieux affirmer notre engagement dans les énergies renouvelables, pour une meilleure efficacité et lisibilité, il conviendrait de pérenniser et amplifier cette initiative du CNRS dans la création d'un Institut national des énergies renouvelables.

Nous devons faire du solaire chez nous, mais nous devons aussi le faire pour les pays en développement. Je me suis attaché à faire la promotion de ce projet du CEA-Cadarache en faveur du kit photovoltaïque pour les populations rurales africaines.

Un organisme de micro-crédit financerait l'achat de panneaux solaires - 240 euros, environ - mis à disposition des foyers contre un remboursement en deux à trois ans à raison de 10 euros par mois. Ce montant correspond à la dépense des familles rurales africaines en sources archaïques de lumière - piles, bougies ou kérosène.

Nous comptons sur votre soutien pour une action de grande ampleur dans les pays en développement.

J'ajoute qu'avec Christian Bataille, nous travaillons actuellement à l'évaluation de la loi de 1991 sur la gestion des déchets de haute activité à la demande des quatre groupes de notre assemblée. Nous comptons rendre nos conclusions fin 2004-début 2005, donc bien avant l'échéance du 31 décembre 2006 fixée par la loi. Le processus de préparation d'une nouvelle loi pourra commencer. Il est impératif que cette loi soit adoptée avant 2007, compte tenu des nombreuses échéances électorales de 2007.

Tels sont résumés, dans les dix minutes qui me sont imparties, les travaux conduits par l'office parlementaire depuis 1990. Je crois en avoir rendu compte avec rigueur, et chaque rapporteur peut s'y reconnaître.

La durée de nos travaux, leur impact dans les milieux scientifiques, politiques ou de l'administration, montrent le sérieux et la solidité de nos arguments et de nos méthodes de travail. Je crois qu'ils font honneur au Parlement.

En conclusion plus personnelle, je dirai que la politique énergétique est une politique de long terme, qui va bien au-delà d'une échéance électorale. J'invite tous ceux qui pressent le Gouvernement de différer des choix et qui sont prêts à lui vendre des « kits de prêt à bien penser » » pleins de « y a qu'à », à méditer ce proverbe chinois que nous avons mis en exergue de notre dernier rapport : « Seul l'imprévoyant creuse un puits quand il a soif ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose une brève suspension de séance.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, nous parlons tous de développement durable, le Président de la République en tête. Pendant sa campagne présidentielle, puis au sommet de Johannesburg, Jacques Chirac a multiplié les déclarations médiatiques sur ce thème.

Mais voilà, il est grand temps de mettre en conformité les actes, notamment les actes budgétaires, et les paroles. En bref, monsieur le ministre, de mettre en œuvre cette orientation politique fondamentale.

Le développement durable, c'est d'abord une politique volontariste en matière de protection de l'environnement, une politique qui tienne compte à la fois du caractère fini des ressources d'énergie fossile, du réchauffement climatique, le secteur énergétique étant à l'origine de 80 % des émissions de gaz à effet de serre, et qui tienne compte enfin de l'augmentation significative de la demande d'énergie mondiale. Il est en effet illusoire de croire en une possible décroissance de cette demande mondiale d'énergie.

M. Yves Cochet. C'est certain !

M. Michel Destot. Cette idée est tous les jours démentie par la démographie et par la demande accrue des pays en développement et des pays émergents, qui vont doubler leur consommation entre 2000 et 2020.

Une politique énergétique qui tienne compte du développement durable, c'est aussi une politique de solidarité sociale, qui garantisse l'accès de tous à l'énergie. Or, nous le savons, la situation est très alarmante de ce point de vue : 20 % de la population mondiale consomment 80 % de la production totale d'énergie. Et même dans les pays développés, la ségrégation sociale est forte. Dans l'Europe des Quinze, on estime à plusieurs millions le nombre des exclus de l'énergie. On consomme trois fois plus d'électricité dans les quartiers résidentiels que dans les quartiers populaires. En France, on parle de 140 000 coupures de courant, dans des foyers qui, bien sûr, ont un compteur. Autant dire qu'il y a beaucoup à faire pour rendre plus sociale notre politique énergétique !

Enfin, une politique résolument tournée vers le développement durable, c'est une politique d'efficacité économique, qui mise sur une gestion optimale des ressources humaines autant que sur le respect des coûts et la qualité de la vie, qui reste un puissant facteur d'attractivité économique, donc de création d'emplois.

Si je rappelle tout cela, c'est pour en conclure qu'aucune source d'énergie, à elle seule, ne peut répondre à ces trois exigences du développement durable. Il faut donc à la fois exploiter de nouveaux gisements d'économies d'énergie et diversifier l'offre énergétique. C'est le pari qu'il faut faire d'une politique énergétique plurielle, où chaque source d'énergie trouve sa place en fonction de sa capacité à répondre aux contraintes de sécurité d'approvisionnement, de coût et de respect de l'environnement.

Et pour cela, il faut mettre l'accent sur les énergies renouvelables, même si elles ne peuvent, à elles seules, se substituer aux autres sources d'énergie. Or le Gouvernement - permettez-moi de le dire aussi crûment - a enclenché la marche arrière sur les énergies renouvelables.

Pour l'éolien par exemple, il se refuse à prendre les décisions administratives nécessaires pour lever les blocages qui nuisent à son développement et à encourager les installations de faible puissance. Aucune mesure forte n'a été prise pour développer d'autres types d'énergie renouvelable, comme le photovoltaïque ou le solaire thermique. Dès lors, l'écart entre la France et les autres pays européens ne fait malheureusement que s'accroître.

Concernant le nucléaire, sujet que François Dosé a développé avec clarté, au nom de notre groupe, et sur lequel Christian Bataille reviendra dans quelques instants, je veux dire ici que si la France décidait de sortir du nucléaire en produisant son électricité avec du gaz, ce sont 30 millions de tonnes de carbone supplémentaires que nous émettrions chaque année, face à un total de 105 millions de tonnes, dont 9 seulement pour la production d'électricité et 40 pour les transports. La seule substitution de 10 % d'électricité fossile à la production nucléaire actuelle annulerait presque exactement le résultat de trente ans d'efforts pour abaisser la consommation des automobiles.

Dans le cadre d'une politique résolument tournée vers le développement durable, les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer et nous pouvons nous demander si l'organisation centralisée de notre pays est la plus à même de respecter les exigences d'une politique énergétique plus rationnelle et plus efficace.

En effet, qui mieux que les collectivités territoriales connaissent les besoins en énergie de secteurs comme l'habitat ou les transports ? Le 1er juillet 2004 est d'ailleurs une étape importante dans cette évolution, dans la mesure où les collectivités locales pourront choisir librement leur fournisseur d'énergie. Elles peuvent le faire en affirmant - tout autant que l'Etat - le principe d'un service public de l'énergie pour tous à un coût raisonnable. Elles peuvent le faire aussi en participant à la promotion des métiers de l'énergie.

Je note d'ailleurs, pour le regretter, que l'énergie a été totalement oubliée dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales alors que les projets locaux de production d'énergie sont de plus en plus nombreux et variés. Votre changement d'affectation ministérielle, monsieur Devedjian, pourrait être l'occasion pour vous...

M. François Brottes. D'une prise de conscience !

M. Michel Destot. ...de corriger cette lacune d'ici à la deuxième lecture.

Pour redonner tout simplement aux citoyens un rôle effectif dans les choix énergétiques et dans leur mise en œuvre, une partie de la politique énergétique nationale doit être réalisée au plus près des acteurs locaux, qu'ils soient consommateurs, distributeurs ou producteurs. « Penser global » et « agir local » sont deux axes déterminants dans la réussite d'une vraie politique de développement durable. Or, je le déplore, le Gouvernement a rejeté tous les amendements que le groupe socialiste avait proposés sur le rôle des collectivités locales dans ce domaine.

Mais ce rôle accru des collectivités locales, tout comme celui de l'Europe, que j'appelle de mes vœux, ne doit pas se traduire par un désengagement de l'Etat. On peut pourtant le craindre, monsieur le ministre, à voir la sévère diminution de 15 % des crédits de l'ADEME pour 2004, le désengagement total de l'Etat en faveur des transports urbains - transports en commun en site propre ou plans de déplacements urbains -, ou encore le mauvais sort réservé à la recherche.

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. Michel Destot. Tout cela, convenez-en, ne va pas dans le sens d'une politique énergétique inscrite dans une perspective de développement durable.

En matière de transport, je suis convaincu, en tant qu'élu local et président du GART, qu'il sera très coûteux à terme de ne pas avoir pris dès aujourd'hui les mesures nécessaires et courageuses pour réduire nos besoins de déplacement : entre 1980 et 2000, notre pays a vu, grâce notamment au nucléaire, diminuer de 18 % ses émissions totales de CO2 ; malheureusement, celles de nos transports ont dans le même temps augmenté de 53 % et représentent désormais 40 % de l'ensemble. Il serait à cet égard très dommageable que le débat sur le nucléaire vienne à occulter totalement celui, autrement plus difficile, qu'il faudra bien ouvrir sur les transports.

En effet, au-delà des coûts payés directement par l'utilisateur, les transports, et principalement les transports routiers, nécessitent ou provoquent de lourdes dépenses pour la collectivité : je pense aux coûts d'infrastructures, d'accidents, d'atteintes à l'environnement telles que le bruit, les effets de coupure liés aux infrastructures, la pollution de l'air... De ce point de vue, la TIPP n'est pas un impôt payé par des automobilistes « vaches à lait », comme voudrait nous le faire croire le lobby automobile. C'est un impôt sur l'usage de l'automobile et du camion, dont le produit - 23 milliards d'euros - reste encore bien inférieur aux effets induits par la circulation de ces véhicules.

De même, la priorité donnée aux investissements routiers au détriment des transports en commun et au ferroutage dans les choix d'infrastructures aboutit à un déséquilibre qui devient socialement, financièrement et écologiquement insupportable. Rappelons, à titre d'exemple, que la part de marché du fret ferroviaire est tombée de 58 % en 1960 à 22 % aujourd'hui. Les avantages qu'offre le rail sont pourtant bien connus, en termes notamment d'efficacité énergétique.

S'agissant de la recherche, le Gouvernement s'est obstiné dans une position insoutenable. Le président de la République l'a d'ailleurs, semble-t-il, reconnu. Sans un effort accru en matière de recherche-développement, comment en effet développer de nouvelles filières, notamment pour les énergies renouvelables ? Comment développer la cogénération et la filière hydrogène ? Comment avancer dans le règlement du délicat problème des déchets nucléaires ? Comment repousser les limites des réserves actuelles d'hydrocarbures ? Comment améliorer leur taux de récupération ? Comment développer des ressources non conventionnelles, qui pourtant représentent un potentiel équivalent à un siècle de consommation ?

Autant dire, reconnaissez-le, monsieur le ministre, qu'il y a beaucoup à faire. Pas seulement à votre niveau, du reste, mais également sur le plan européen comme du côté des collectivités locales.

Permettez-moi de terminer par une conclusion personnelle : n'en restons pas à un débat par trop franco-français. Un Chinois ou un Indien consomment encore aujourd'hui dix fois moins d'énergie qu'un Américain, cinq fois moins qu'un Français. Deux milliards et demi d'individus dans le monde n'ont toujours pas accès à l'électricité. Nous aurions bien tort de l'oublier, sur le plan moral, mais également sur le plan social, économique et politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Enfin un débat, un vrai débat ! Et bientôt un vote !

Un débat, monsieur le ministre, lancé par votre prédécesseur. Nicole Fontaine avait déjà, dans le cadre des assises régionales, largement fait appel à l'imagination des Français et aux compétences des uns et des autres pour nourrir une discussion qui se transforme en un projet structuré, fortement charpenté, avec un débat général aujourd'hui, demain l'examen d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie et la réforme du statut d'EDF et de GDF. Enfin, vous nous proposez un calendrier particulièrement serré, marque d'une réelle volonté, mais aussi et surtout un vote. C'est la première fois que l'Assemblée nationale aura à se prononcer sur des questions touchant à la politique de l'énergie. Depuis 1958, nous avons développé un outil performant, installé le nucléaire, sans que jamais il y ait eu un vote.

M. Yves Cochet. C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. Certes, des débats, nous en avons déjà eus : en 1974, à l'occasion d'une loi sur les économies d'énergie - mais seulement sur les économies d'énergie -, un débat sans vote sous le gouvernement Rocard, en 1989, un autre, toujours sans vote, sous celui de M. Balladur, en 1993, puis deux lois transposant des directives européennes, mais dans des domaines particulièrement limités. C'est bien la première fois que les représentants de la nation auront réellement à se prononcer sur les choix de la politique énergétique française et il faut en féliciter le Gouvernement.

Je limiterai mon propos, pour des raisons de temps, au secteur de l'électricité.

Osons le dire : la politique énergétique française est une réussite.

M. Yves Cochet. Ha ! Une réussite !

M. Jean-Claude Lenoir. Le contexte était particulièrement défavorable : peu de ressources, un fort développement économique après la guerre, une crise pétrolière qui nous a frappés de plein fouet. Nous avons pourtant réussi une politique à tous égards remarquable.

Rappelons, pour éclairer le débat, à quoi est dû ce succès. D'abord, à la forte volonté des pouvoirs publics et des gouvernements de toute cette période : au lendemain de la guerre, où les efforts ont porté sur l'équipement hydraulique, ensuite avec le lancement du nucléaire. Sans Etat fort, sans gouvernements forts, jamais la France n'aurait pu engager sa politique du nucléaire.

M. Yves Cochet. Voilà un discours qui n'a rien de libéral !

M. Jean-Claude Lenoir. Cette réussite, nous la devons également à l'organisation très particulière du système français, qui s'appuie tout à la fois sur des entreprises publiques et sur une notion spécifique de service public, à laquelle nous sommes très attachés.

Ce succès s'explique également par la constance des choix, en dépit des alternances. Il faut du reste féliciter les représentants de l'actuelle opposition, qui a occupé durant de nombreuses années les avant-scènes du pouvoir, de n'avoir pas renoncé, malgré ses promesses passées, à la place du nucléaire dans la politique énergétique française. Avec constance, disais-je, et détermination, résistant aux pressions qui existaient au sein de la majorité d'hier, les gouvernements de gauche ont tenu le bon cap.

N'oublions pas non plus la mobilisation des acteurs locaux, qu'il s'agisse des agents d'EDF ou de GDF, des collectivités locales, mais également des partenaires du secteur industriels et des chercheurs, dont la contribution aura été essentielle.

Enfin, ce succès doit beaucoup au consensus de l'opinion qui, à défaut de vote du Parlement, a manifesté, par le biais de divers sondages et consultations, son accord aux choix arrêtés.

La situation de la France est donc très spécifique. Nous avons visé des objectifs très clairs : la sécurité d'approvisionnement, l'indépendance, la compétitivité, le respect de l'environnement et la solidarité - solidarité entre les territoires, solidarité à l'égard des plus démunis. Elle se caractérise également, je l'ai dit, par l'organisation de son secteur public, et enfin par le choix du nucléaire.

Mais cette politique n'en doit pas moins évoluer pour tenir compte de l'émergence de données nouvelles. J'en développerai rapidement trois : la nécessité de voir loin, les conséquences de l'organisation de nos systèmes électriques dans un cadre désormais européen, l'attente enfin de nos sociétés.

La nécessité de voir loin d'abord. Nous parlons aujourd'hui d'horizons vraiment lointains : 2020 au minimum, en fait 2045 ou 2050. Il faut, le ministre d'Etat l'a dit, préserver à ces échéances lointaines la place du nucléaire qui nous assure tout à la fois la sécurité de l'approvisionnement,...

M. Yves Cochet. Mais non !

M. Jean-Claude Lenoir. ...l'indépendance,...

M. Yves Cochet. L'indépendance avec le nucléaire ? Il n'y en a pas !

M. le président. Monsieur Cochet, allons !

Mme Nadine Morano. Laissez parler l'orateur !

M. Jean-Claude Lenoir. ...l'efficacité économique et surtout - c'est un point sur lequel tous les représentants de la nation devraient être d'accord - la préservation de l'environnement.

M. Yves Cochet. Ha !

M. Jean-Claude Lenoir. Cette politique suppose d'abord de consolider l'outil industriel et même de le développer. On pense aussitôt au réacteur de la troisième génération : l'EPR. Il faut sans attendre construire le premier réacteur et donc rapidement choisir un site - je suis persuadé que la Basse-Normandie en offrira un particulièrement favorable. Mais il faut dès à présent réfléchir à la quatrième génération : les chercheurs sont déjà en train d'y travailler.

Il faut ensuite sortir la France de son relatif isolement. Nous sommes un des rares pays à continuer à produire de l'électricité à partir du nucléaire, mais les choses sont en train de changer, chez certains de nos voisins européens comme aux Etats-Unis où l'administration Bush a décidé, quelques mois après son installation, de relancer le nucléaire.

M. Yves Cochet. On ne peut pas dire cela !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais nous devons également diversifier l'offre et sortir du débat, dans lequel certains ont voulu nous enfermer, sur le tout-nucléaire. Nous sommes, on l'a dit, favorables au développement des énergies renouvelables. Cela suppose de nous tourner vers de nouvelles technologies. Plusieurs ont déjà été citées à cette tribune, mais il faut insister sur la place de la pile à combustible et sur celle de la pompe à chaleur, notamment à partir du sol.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Il y a là des applications extrêmement intéressantes, tant pour le chauffage que pour la climatisation des appartements neufs. La Suisse fait beaucoup dans ce domaine : la technique de la pompe à chaleur y est utilisée dans 59 % des logements neufs. Ce taux atteint même 90 % en Suède !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Voilà ce qu'il faut faire !

M. Jean-Claude Lenoir. De son côté, la chaîne du nucléaire exige d'être consolidée : la question du stockage des déchets nucléaires doit être définitivement traitée, sur la base de la loi qui porte le nom de notre collègue Bataille. Cela suppose également de garantir la transparence...

M. Yves Cochet. La transparence !

M. Jean-Claude Lenoir. ...et la sûreté nucléaire, de favoriser les économies d'énergie. Cela suppose enfin de faire adhérer le plus grand nombre de nos compatriotes par une campagne de communication et d'information - non déformée - sur ces grands axes de notre politique énergétique.

M. Yves Cochet. Par la propagande !

M. Jean-Claude Lenoir. La deuxième donnée nouvelle est l'insertion de notre politique électrique dans le système européen. Entre le monopole étatique d'un côté, et le libéralisme débridé, de l'autre, la France a choisi une troisième voie, originale, qui consiste à engager un processus concerté, maîtrisé de l'ouverture des marchés.

Quels en sont les principes ?

Notre politique suppose que le secteur public occupe une place importante. Vous avez, monsieur le ministre, évoqué le changement de statut des entreprises. Or une entreprise peut rester publique tout en ouvrant son capital. Nous avons besoin de l'actionnariat privé pour renforcer le capital de nos entreprises : ce ne serait pas une privatisation au sens où l'entend l'opposition, mais un appel à des capitaux privés pour donner aux entreprises considérées les moyens de se développer.

Cette organisation du secteur public repose sur un cahier des charges définissant les conditions dans lesquelles ces entreprises doivent évoluer et fixant les missions de service public qui lui incombent. Nous retrouvons, dans ce cahier des charges, des éléments essentiels tels que la péréquation tarifaire, les dispositions sociales, le soutien aux énergies renouvelables et à la co-génération.

M. Yves Cochet. Tu parles !

M. Jean-Claude Lenoir. Cela suppose une organisation qui sépare juridiquement les différents opérateurs et qui autorise un accès régulé des tiers au réseau, c'est-à-dire un réseau de transport indépendant et un régulateur indépendant veillant au respect du cahier des charges, fondement du contrat passé entre la nation et les entreprises.

S'agissant de la sécurité de l'approvisionnement, autre principe essentiel, un arrêté a été publié au Journal officiel le 7 mars 2003, établissant une programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité et fixant les objectifs à atteindre, par sources d'énergie et par filières techniques.

Enfin le dernier principe est la préservation de l'environnement : l'objectif des 21 % d'énergies renouvelables est facile à atteindre, tant la France a œuvré en leur faveur.

M. Yves Cochet. Non ! Comment peut-on dire cela ?

M. Jean-Claude Lenoir. Il suffit de considérer la place occupée par l'hydraulique !

Néanmoins il appartient au Gouvernement de fixer de véritables contrats d'objectifs et de déterminer le niveau de pollution acceptable.

La troisième donnée nouvelle qui émerge aujourd'hui est l'attente de notre société. En effet de multiples exigences se manifestent chez nos compatriotes, qu'il s'agisse d'efficacité économique, de confort - on ne conçoit pas d'être privé de courant électrique - ou de protection de l'environnement. A cet égard, la France a adhéré au protocole de Rio et à celui de Kyoto. Elle s'est aussi fait entendre au Sommet de la Terre de Johannesburg. Cela montre bien l'orientation claire et forte de nos gouvernements.

Cette exigence porte également sur la sûreté nucléaire, sur la nécessaire transparence dans ce domaine et sur la sincérité de ceux qui s'expriment sur ces sujets. Nos concitoyens attendent de nous un discours de vérité.

M. Yves Cochet. Acceptons-en l'augure !

M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons pris acte, monsieur le ministre, du fait que le texte qui a été déposé par le Gouvernement en novembre dernier au Sénat sur la sûreté et la transparence allait être prochainement débattu. Il constitue un maillon essentiel qui nous conférera un plus grand crédit auprès de nos compatriotes. Toutefois nous devons également être attentifs à l'opinion défavorable, c'est le moins qu'on puisse dire, exprimée par nombre de nos partenaires européens à cet égard. Or celle-ci repose sur des informations uniquement négatives à cet égard. A nous de démontrer la place que celui-ci doit occuper et le rôle qu'il joue pour assurer la défense de notre environnement.

Nous soutiendrons sans réserve, monsieur le ministre, votre politique énergétique laquelle doit se fixer plusieurs objectifs comme l'indépendance et la sécurité de l'approvisionnement, ainsi que la préservation de l'environnement à propos de laquelle vous nous avez donné des gages. A cet égard, notre préoccupation est réelle. Nous ne nous contentons pas de mots comme la majorité précédente ; nous la traduisons en actes.

Par ailleurs, les gouvernements auront un rôle essentiel à jouer afin de veiller au respect des objectifs qui ont été fixés, objectifs politiques qui sous-tendent des règles précises d'application et qui installent de façon pérenne le régulateur dont le rôle est essentiel dans les mécanismes que je viens de rappeler.

Un autre objectif, monsieur le ministre, consiste à donner des gages de stabilité aux industriels. Rien ne serait plus dommageable que de voir des changements de règle intervenir à un moment où l'on demande à l'industrie et aux chercheurs de voir loin, et aux investisseurs d'apporter leur contribution au renforcement de notre outil de production.

Une telle politique, monsieur le ministre, a un prix et celui-ci est supporté par l'usager, auquel nous devons la vérité des coûts qui lui a longtemps été refusée.

Derrière les mécanismes complexes de notre organisation du système électrique, derrière les choix technologiques souvent complexes par rapport aux sources d'énergie, à la façon dont elles sont exploitées, il y a l'affirmation d'un choix de société, M. le ministre d'Etat l'a souligné dans son propos liminaire. Nous y adhérons et je ne doute pas qu'un large consensus se dégagera sur ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, aborder l'orientation de la politique énergétique de la France, c'est se confronter à des enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui dépassent de beaucoup les frontières nationales.

Dans cette discussion, nous souhaitons promouvoir la conception d'un service public visant l'efficacité économique, la solidarité sociale, le respect de l'environnement, le droit à l'énergie pour tous et la cohésion territoriale.

L'énergie n'est pas un bien comme les autres. Sa spécificité justifie qu'elle fasse l'objet d'organisations économiques particulières, à même d'assurer les missions de service public et de satisfaire les besoins de péréquation tarifaire, d'aménagement du territoire, de sécurité d'approvisionnement et d'indépendance énergétique.

Le débat - l'amorce de débat, dirais-je plutôt - réclamé de longue date intervient alors que le Gouvernement affiche dans son projet de loi sur le service public de l'électricité et du gaz, sa volonté d'ouvrir le capital d'EDF et de GDF et de remettre en cause leur statut.

Or la politique libérale du Gouvernement est, par nature, incompatible avec une protection volontariste, efficace et démocratique de l'environnement. Le capitalisme, le marché et la logique du profit sont incapables de prévision et de précaution. Ce n'est tout simplement ni leur rôle ni leur fonction. Le naufrage de l'Erika, celui du Prestige ou la crise énergétique californienne, n'en sont que les illustrations les plus flagrantes.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Et Tchernobyl ?

M. Patrick Braouezec. Tchernobyl aussi.

Aujourd'hui, les questions sociale et environnementale se rejoignent et l'idée que l'énergie, mais aussi l'eau, l'éducation ou les transports ne doivent pas être traités comme de simples marchandises progresse partout.

En janvier 2001, dans son rapport d'information sur l'énergie, la commission de la production et des échanges affirmait le choix d'un approvisionnement énergétique diversifié.

Ce rapport indique que, pour les cent prochaines années, les choix énergétiques seront moins contraints par une limitation de la ressource que par des exigences environnementales. En effet, ces prévisions impliquent une émission de gaz à effet de serre bien supérieure aux engagements de Kyoto.

Un tel scénario appelle une réaction de la part des pouvoirs publics et la mise en œuvre de politiques face aux défis d'un approvisionnement énergétique quantitativement suffisant et qualitativement respectueux de l'environnement.

Il convient de s'engager dans une politique ambitieuse, minimisant les risques et ouvrant le spectre des possibles.

L'énergie idéale n'existant pas, il n'y a pas de solution unique. Il faut donc utiliser toutes les ressources disponibles et encourager les économies d'énergie. Notre pays doit renouer avec une politique volontariste d'économies d'énergie. Les efforts accomplis après le premier choc pétrolier se sont gravement relâchés avec la baisse des prix de l'énergie.

Les orientations données par M. le ministre apparaissent bien modestes en la matière. Le budget du ministère de l'écologie trahit une diminution des crédits de l'ADEME. De même, le budget de l'équipement continue de privilégier la route au détriment du rail et du ferroutage. Le rail a besoin d'investissements massifs pour se développer et ainsi aider à relever le défi d'une société plus économe en énergie. A l'heure actuelle, des investissements à un tel niveau ne sont programmés ni en France ni dans l'Union européenne. Là encore, le marché est incapable de prévisions et d'investissements d'intérêt général dépourvus de rentabilité immédiate.

Tous les orateurs ont, à juste titre, souligné l'effet positif de la production nucléaire sur la réduction d'émission des gaz à effet de serre. Cependant il convient aussi de souligner que la prépondérance de l'énergie nucléaire en France a l'effet pervers de limiter nos ambitions en matière d'économies d'énergie et de développement des énergies renouvelables. En d'autres termes, la prépondérance du nucléaire permet une présentation exagérément favorable des émissions de gaz à effet de serre de notre pays.

Notre débat ne doit pas non plus conduire à négliger le principal défi posé par le nucléaire au travers de ses déchets irradiés dont la durée de vie dépasse l'horizon des prévisions humaines.

A ce jour, la France compte cinquante-huit réacteurs de la première et de la deuxième génération lesquels donnent à la France une indépendance énergétique proche de 50 %. Cette indépendance doit cependant être relativisée au regard de l'importation de la totalité de l'uranium utilisé en France.

M. Yves Cochet. Indépendance zéro !

M. Patrick Braouezec. Si la France a développé des compétences nucléaires importantes, performantes et jusqu'à aujourd'hui sûres, sa politique de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables est insuffisante.

Dans ces conditions, peut-on affirmer que le projet d' EPR est la seule solution ? Aucune personne responsable ne peut le dire aujourd'hui ni, d'ailleurs, affirmer le contraire. Cela nécessite un vrai débat sur notre projet énergétique, notamment sur sa filière nucléaire.

Cela suppose d'abord que cette discussion ait lieu au-delà du seul débat énergétique et, ensuite, que les préoccupations sociétales, environnementales et techniques prennent le pas sur les seules préoccupations financières qui sont souvent privilégiées de façon à justifier ensuite les choix techniques.

En outre, ce débat sur l'énergie ne peut rester dans le cadre franco-français. Il doit non seulement s'étendre au cadre européen, mais aussi se situer dans la perspective d'un dialogue Nord-Sud.

Comment oublier, comme l'a souligné Michel Destot, que deux milliards de personnes sont privées de l'accès à l'électricité ? La production d'électricité par le nucléaire exclut tous les pays émergents du recours à cette solution car le nucléaire est hyper centralisé et organisé en unités de forte puissance.

M. Yves Cochet. Exact !

M. Patrick Braouezec. Sa production implique une construction de réseaux électriques coûteux et la formation de personnels très qualifiés. Le faible niveau d'investissement et de recherche sur d'autres formes d'énergie mieux adaptées aux pays du Sud a donc aussi des conséquences directes pour ces derniers.

Ce débat doit également intégrer la relance de la politique d'économies d'énergie pour lutter contre l'effet de serre et intégrer des réflexions et des propositions de solutions qui visent le développement durable. N'est-ce pas d'ailleurs ce qu'a déclaré Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable, le 17 mars dernier ? Elle a en effet indiqué : « Le développement durable est un impératif environnemental, économique et social. [...] Cette stratégie engage la France au plan international et oriente l'action du gouvernement dans l'ensemble de ses politiques pour les cinq années à venir. L'Etat doit montrer l'exemple et pour être crédible mettre en œuvre dans ses propres services la démarche qu'il appelle de ses vœux et recommande à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux. »

Si le développement durable est un impératif environnemental, un vrai débat, bien différent de celui d'aujourd'hui faisant suite à une déclaration du gouvernement sur l'énergie, doit s'engager.

Nous sommes au cœur d'un sujet qui concerne l'ensemble des citoyens. Il est primordial, pour cette raison, qu'il ne soit pas l'otage d'un calendrier parlementaire qui a pour conséquence de mettre l'ensemble des citoyens devant le fait accompli. La question du choix de l'énergie en France doit être traitée dans la transparence par le biais d'un débat contradictoire. Nous ne devons pas faire croire aux citoyens qu'il n'y a pas d'alternative à l'option nucléaire et qu'il en va de l'avenir économique de notre pays.

Nous devons leur dire que, d'après de très sérieuses études, le pétrole sera épuisé dans près de quarante ans, que son coût de production, sur le long terme, sera de plus en plus élevé et que ses ressources sont concentrées autour du Moyen-Orient, ce qui n'est pas sans poser de problèmes politiques.

Quant au gaz, nous arriverons au bout des réserves dans à peu près soixante-dix ans et son utilisation a de graves conséquences sur l'effet de serre. Il se trouve aussi que les pays producteurs que sont la Russie, la région du Moyen-Orient et l'Afrique sont situés dans des espaces géopolitiques sensibles.

Cela revient à dire que les difficultés d'approvisionnement surviendront dans la seconde moitié du siècle et que plus on développera les énergies dépendant de ces ressources, plus leur potentiel d'utilisation se réduira.

Nous ne pouvons pas faire comme si toutes les ressources étaient inépuisables et sans conséquences sur l'environnement et la vie des personnes. Nous devons, comme le préconise Hubert Reeves, faire en sorte que notre pays devienne le pays des droits des générations futures à vivre décemment. Pour ce faire, il nous faut mettre en avant le principe de précaution défini à l'article L. 110-1 du code de l'environnement. L'absence de certitudes, en l'état actuel des connaissances scientifiques et techniques, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées propres à prévenir tout risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement, pour un coût économiquement acceptable.

Comme Hubert Reeves, je souhaite voir le principe de précaution inscrit dans notre Constitution. Il garantirait que rien d'irréversible ne sera commis contre l'environnement au nom d'intérêts financiers de groupes qui préféreraient, en matière de production d'électricité, jouer à un monopoly mondial plutôt que de garantir l'avenir de nos descendants. C'est ce qui pourrait arriver à EDF si, comme d'aucuns le souhaitent, cette entreprise publique était privatisée.

Nous avons lieu d'être inquiets non seulement pour l'ensemble des agents d'EDF, mais aussi quant aux conséquences de cette privatisation en matière d'environnement. Si l'Etat français entend conserver la maîtrise de sa politique énergétique, il ne doit pas ouvrir le capital d'EDF. De plus, les modes de production énergétique doivent être cadrés par l'éthique et par un contrat respectueux de l'environnement dont seul l'Etat est le garant.

La discussion sur le statut d'EDF que nous devrons avoir ne peut pas être dissocié d'un débat plus large sur notre mode de vie de plus en plus consumériste et sur notre comportement, tant individuel que collectif. La société de consommation sans limites que l'on veut nous imposer tend à déresponsabiliser chacun d'entre nous, à minimiser les limites des ressources énergétiques et les risques encourus pour les générations futures. C'est pourquoi le débat sur la production énergétique doit, à mes yeux, s'inscrire dans une discussion plus large sur nos choix de société.

Enfin, ce débat devra être honnête sur les conséquences directes liées à tel ou tel choix. Ainsi, il est communément admis que sortir du nucléaire aurait des conséquences dramatiques pour l'emploi. Or, à y regarder de près, la sortie du nucléaire exigerait au moins vingt ans, ce qui laisserait le temps de développer les technologies touchant à l'éolien, à la biomasse et au solaire, donc de régler le problème des emplois. Un rapport allemand sur l'environnement publié en 2002 prévoit la création dans ces trois secteurs de près de 250 000 emplois d'ici à 2010.

Si l'efficacité énergétique, la préoccupation environnementale et le développement des énergies renouvelables doivent devenir des priorités, il faut dégager des moyens financiers, y compris pour la recherche, lesquels sont actuellement absorbés par le nucléaire.

De la même façon, il est nécessaire de sortir du discours officiel qui affirme que les énergies renouvelables coûtent cher, car les coûts de production sont élevés, ce qui nécessite un soutien public onéreux.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires écnomiques. Eh oui !

M. Patrick Braouezec. Et si ce coût était celui de la sauvegarde de la planète, serait-ce une dépense scandaleuse, monsieur Ollier ?

Le débat doit porter sur la nécessité de consentir des efforts de recherche, de développement et d'expériences, aussi bien sur la demande que sur l'offre d'énergies. Il convient, dans les programmes, de définir les priorités et de s'appuyer sur des coopérations internationales. Il faut proposer des démarches concernant les énergies renouvelables conçues séparément, mais aussi complémentairement, et oser traiter de la filière nucléaire sans omettre le cycle du combustible et les questions de sécurité.

En conclusion, chacun l'aura compris, il est urgent, à mes yeux, d'engager un large débat public et d'en attendre les conclusions avant de lancer ou non le projet d'EPR. Il est fondamental pour l'avenir environnemental de notre pays de préserver le statut public d'EDF, seul garant de la maîtrise de l'Etat, donc des citoyens, sur l'énergie électrique. Il convient enfin de réfléchir et de travailler sur l'ensemble des alternatives, en fixant des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, Philippe Folliot vous a présenté la vision d'ensemble du groupe UDF concernant les enjeux énergétiques auxquels la France est confrontée. Comme lui, monsieur le ministre, je me réjouis de l'organisation du présent débat et, surtout, de votre volonté de soumettre à la représentation nationale, dès le mois de mai, un projet de loi sur les énergies. Il est en effet indispensable, avant de débattre sereinement du statut d'EDF et de GDF, de déterminer la stratégie et la politique énergétiques que nous voulons pour notre pays. C'est un préalable incontournable et de simple bon sens.

Pour ma part, je me concentrerai sur un volet de la politique énergétique auquel le groupe UDF est particulièrement attaché, celui des énergies renouvelables, en particulier les biocarburants, volet complémentaire, j'en conviens, mais souvent sous-estimé.

Du point de vue de l'environnement et, plus largement, de l'avenir de notre planète, le problème énergétique est l'une des questions fondamentales du xxie siècle, ainsi que l'avait clairement souligné le Président de la République lors du Sommet de la Terre à Johannesburg. Les conséquences de l'effet de serre sur le changement climatique sont très préoccupantes. Or les deux tiers des émissions de CO2 sont dus à la combustion d'énergies fossiles tels le charbon, le pétrole et le gaz naturel.

L'ampleur des phénomènes et des problèmes appelle une réponse forte, dans le cadre d'une vision globale de diversification énergétique. L'un des éléments de réponse réside dans les énergies renouvelables. Celles-ci doivent trouver toute leur place au sein du « bouquet énergétique » que la précédente ministre de l'industrie, Nicole Fontaine, appelait de ses vœux dans le Livre blanc sur les énergies.

L'UDF souhaite véritablement donner de la couleur à l'énergie. Pour cela, une véritable volonté politique doit soutenir le développement des énergies renouvelables.

Nous proposons d'abord d'engager sans plus attendre un grand programme de recherche et de développement sur les énergies renouvelables. La France est l'un des pays de l'OCDE qui doit accomplir le plus d'efforts en ce domaine. Un programme d'envergure est indispensable pour rendre ces nouvelles filières compétitives.

Surtout, nous proposons de donner un véritable coup d'accélérateur à la valorisation énergétique de la biomasse et nous voulons une vraie et grande ambition nationale pour le développement des biocarburants.

Vous le savez, monsieur le ministre, je m'intéresse personnellement à ce dossier depuis quelques mois. J'ai d'ailleurs l'honneur de présider un groupe d'études parlementaire sur ce sujet. Créé il y a seulement quelques mois, il compte déjà plus de soixante-dix députés, ce qui montre l'intérêt de nos collègues pour ce champ.

S'il s'agit d'un dossier de spécialistes, notamment techniques et fiscaux - et je n'ai pas la prétention d'en être - c'est aussi un enjeu d'avenir pour notre politique énergétique et, au-delà, un dossier d'intérêt général pour la nation.

Les biocarburants m'apparaissent comme une filière extrêmement intelligente. J'ai rarement vu un projet politique présenter autant de vertus...

M. Daniel Paul. Oh la la !

M. Stéphane Demilly. ...et je vais essayer de vous le montrer.

Première vertu : il s'agit d'une filière intelligente sur le plan environnemental.

Les experts du groupe intergouvernemental d'études des changements climatiques s'accordent en effet à reconnaître que la température moyenne du globe s'accroîtra de plusieurs degrés dans les prochaines décennies. Bien qu'aujourd'hui difficilement quantifiables, les effets perturbateurs sur les écosystèmes seront sensibles. Conscients de ce risque, les pays européens se sont engagés, en 1997, à Kyoto, à réduire de 8 % par rapport à 1990 leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2008-2012.

Les transports sont particulièrement concernés puisque, dépendant presque uniquement du pétrole, ils sont à l'origine de près de 30 % des émissions de gaz carbonique, et cette proportion est croissante.

Les biocarburants apportent une solution partielle à ce problème. En effet, les végétaux - blé, betterave ou colza - se développent en fixant le gaz carbonique de l'air. Transformé en biocarburant et brûlé dans les moteurs, celui-ci retourne dans l'atmosphère. Ce recyclage permanent limite donc l'enrichissement de l'atmosphère en gaz carbonique. Il faut savoir que chaque hectare de betteraves transformé en éthanol permet d'économiser quatre tonnes de carbone par an.

Par ailleurs, les gaz d'échappement des véhicules contiennent de nombreux polluants de l'air tels que des hydrocarbures imbrûlés, du monoxyde de carbone et bien d'autres. En incorporant des biocarburants à l'essence et au gazole, on enrichit le carburant en oxygène, ce qui améliore l'efficacité de la combustion dans les moteurs. Il en résulte une diminution de la pollution de l'air.

Autre avantage, les biocarburants permettent aux raffineurs de diminuer l'incorporation dans les essences de certains composés aromatiques comme le benzène, aux effets cancérigènes avérés. Est-il utile de rappeler que toute décision favorable que nous prenons dans le domaine de l'environnement l'est aussi pour notre santé et celles des générations futures ?

Deuxième vertu : c'est une filière intelligente sur le plan de la stratégie énergétique.

L'Europe dépend déjà à près de 50 % d'approvisionnements extérieurs pour sa consommation d'énergie et, si rien n'est fait pour trouver des énergies de substitution disponibles, ce taux passera à 70 % dans vingt ans.

Pour le pétrole, la situation est encore plus grave puisque nous dépendons à 80 % des importations. Or cette matière première va être de plus en plus rare, donc de plus en plus chère, et sa sécurité d'approvisionnement est géopolitiquement fragile. L'actualité nous l'a rappelé récemment.

Il donc est urgent de diversifier nos sources d'énergie. La production de biocarburants permet de répondre à l'objectif stratégique de diversification des sources d'approvisionnement énergétique en développant une énergie renouvelable à partir de matières agricoles.

Troisième vertu : elle est une filière intelligente sur le plan de l'emploi. En effet les biocarburants utilisent plus de main-d'œuvre que les carburants conventionnels issus du pétrole. Ainsi, 6,3 emplois locaux sont directement induits pour mille tonnes d'éthanol produites annuellement, contre seulement 0,08 emploi pour mille tonnes d'essence. Ces emplois sont agricoles pour un tiers mais les deux autres tiers se situent essentiellement en zone rurale, là où, précisément, existent peu d'alternatives en matière d'emploi industriel. Or chacun sait qu'il ne peut y avoir de ruralité sans agriculture durable, comme il ne peut y avoir d'agriculture durable - je le pense sincèrement - sans politique d'énergies renouvelables durable.

On le voit, les biocarburants constituent une filière globalement intelligente : vertu environnementale, vertu pour la santé, vertu d'indépendance énergétique, vertu économique et même vertu fiscale, si toutes les externalités sont prises en compte. Je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, une excellente étude sur le sujet.

Pourtant, pour intelligente qu'elle soit, les Européens, et plus encore nous, les Français, ne semblent pas avoir pris la véritable mesure des formidables atouts de la filière des biocarburants. À l'inverse, depuis plusieurs années, de nombreux pays comme le Brésil, les États-Unis, l'Australie, l'Afrique du Sud, la Chine, l'Inde ont engagé des programmes de biocarburants.

Aux États-Unis, l'administration Bush mise sur un développement considérable de la production d'éthanol, lequel est désormais côté à la bourse de New York. De 2,7 milliards de galons d'éthanol produits cette année dans soixante-treize usines, les États-Unis passeront à 3,6 milliards au début de 2005 pour augmenter ensuite annuellement leur production de 20 à 30 % chaque année. Seize nouvelles usines sont déjà en cours de construction. Le soutien du département américain à l'agriculture à cette activité s'accroît. Le Farm Bill prévoit 3 à 6 milliards de dollars de subventions pour la filière entre 2002 et 2012.

Or, en 2002, la production d'éthanol était de 2,9 millions d'hectolitres en Europe, contre 122 millions au Brésil et 76 millions aux États-Unis, qui disposent pourtant de ressources pétrolières importantes.

La France a été exemplaire pendant une décennie. Alors que la production de biocarburants était quasiment nulle en 1992, plus de 300 000 tonnes de diester et plus de 90 000 tonnes d'éthanol sont aujourd'hui produites chaque année. Avec un tel volume, nous occupions une place de choix dans le concert européen, mais ce n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui. Ainsi la Suède a consommé 1 million d'hectolitres d'éthanol en 2003 et l'Espagne est devenue en 2003 le premier producteur européen d'éthanol. Dans ce pays, les biocarburants bénéficient d'une exemption totale de TIPP pour des volumes d'éthanol correspondant à la capacité des usines existantes, soit 2,2 millions d'hectolitres.
Une troisième usine en construction produira 2 millions d'hectolitres d'éthanol.

En Allemagne, le Bundestag a adopté, le 7 novembre dernier, la proposition du Gouvernement de détaxer totalement les biocarburants à partir du 1er janvier 2004. De plus, une unité de 2,6 millions d'hectolitres d'éthanol devrait fonctionner dans le courant de l'année 2004.

Le retard français m'inquiète et me choque d'autant plus que la France, première puissance agricole européenne, dispose d'un formidable potentiel : si elle n'a pas d'or noir, elle a en revanche de l'or vert en abondance ! Nous devons redresser la barre et, d'ailleurs, le contexte européen nous y incite fortement. La Commission européenne a en effet adopté une stratégie de développement des carburants de substitution au pétrole prévoyant de remplacer, d'ici à 2020, 20 % du carburant diesel et de l'essence dans le secteur des transports routiers. En novembre 2001, elle avait déjà adopté deux propositions de directive pour promouvoir les biocarburants en Europe.

Après dix-huit mois de discussion, les Etats membres et la Commission ont, le 8 mai 2003, approuvé la première qui demande que la vente des biocarburants représente 2 % de celle de l'essence et du gazole dans l'Union européenne d'ici à 2005 et 5,75 % d'ici à 2010. La seconde directive, d'ordre fiscal, autorise les États membres à appliquer une fiscalité spécifique sur les biocarburants. L'article 16 permet aux Etats membres de décider une exonération totale ou partielle des droits d'accise.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'heure est aujourd'hui aux actes. On parle des biocarburants depuis des années mais les actes ne suivent pas, même si certains pas en avant, bien timides, ont été accomplis récemment - et je m'en réjouis -, tels la défiscalisation de l'incorporation directe de l'éthanol dans l'essence, grâce à un amendement parlementaire, ou l'agrément de 80 000 tonnes de diester supplémentaires annoncé récemment par le Premier ministre. Aujourd'hui, il ne suffit plus de parler des biocarburants ; il faut les produire ! C'est pourquoi la future loi d'orientation sur les énergies doit fixer des objectifs clairs et précis et prévoir des moyens d'action. Ils sont connus, mais je tiens à les rappeler en quelques mots.

Premièrement, il faut que la France s'engage sans ambiguïté à respecter la directive européenne de mai 2003, même si elle n'a, pour l'heure, qu'un caractère incitatif.

Deuxièmement, notre pays doit mettre sur pied une fiscalité adaptée et cohérente, jouant à la fois sur les agréments de volumes, sur les défiscalisations et, le cas échéant, sur 1'incorporation obligatoire. Il convient d'ailleurs que cette fiscalité soit stable et lisible ; c'est une condition du développement de cette filière : le coût d'une seule usine de fabrication, que ce soit une estérification ou une éthanolerie, représente un investissement de plusieurs dizaines de millions d'euros et, entre le feu vert et la mise en service effective, il faut compter deux ans chez nous, là où les Espagnols mettent six mois.

Troisièmement, il est indispensable de traiter sur un pied d'égalité les deux filières de biocarburants, le diester et l'éthanol, quelles que soient les réserves des pétroliers à l'égard du second. Sinon, nous n'atteindrons jamais les objectifs européens.

Enfin, et c'est l'essentiel, il faut une volonté politique forte. Je sais, monsieur le ministre, que vous n'en manquez pas et j'attends avec confiance vos arbitrages sur ce dossier.

Je n'imagine pas un seul instant que nous nous reposions, pour respecter nos engagements européens, sur des importations de biocarburants. Ce serait un comble pour le premier pays agricole européen d'ajouter à la dépendance vis-à-vis de l'Arabie Saoudite une autre dépendance envers les Etats-Unis et le Brésil !

En conclusion, le projet de loi d'orientation sur les énergies constituera l'occasion pour notre pays de définir ses enjeux énergétiques à moyen et long terme. Ne laissons pas passer cette occasion et donnons toute leur place aux énergies renouvelables, aux biocarburants en particulier.

Monsieur le ministre, avec mon groupe d'études, je me tiens à votre disposition et à celle de vos collègues de l'agriculture et de l'environnement, pour travailler à faire en sorte que les équilibres financiers, l'avenir de nos agriculteurs et le futur que nous voulons préparer à nos enfants se concilient dans ce grand et beau projet politique.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous exposer une autre politique que celle qui nous a été présentée - et que je combats - et dire quelques vérités que M. le ministre n'aura que rarement l'occasion d'entendre dans son ministère, et encore plus rarement dans sa famille politique. (Murmures.)

Cette autre politique se fonde sur trois priorités : la sobriété, l'efficacité et le renouvelable.

Nous devons en effet changer notre regard sur l'énergie, être plus sobres dans nos comportements, plus efficaces dans nos usages et développer la production d'énergie renouvelable. Je pourrais vous présenter longuement des propositions très concrètes sur les implications de cette politique mais, pour être bref, je vous offrirai, monsieur le ministre, un ouvrage que j'ai écrit et que vous n'avez sans doute pas lu. Il compte environ 180 pages et contient 143 propositions. Il détaille de manière très précise, notamment dans les domaines des transports et de l'habitat, ce que j'entends par le triptyque : sobriété, efficacité, renouvelable.

M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous étiez ministre de l'environnement ! Vous aviez cette chance !

M. Yves Cochet. Il faut agir maintenant ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous permettez, monsieur le président, que je continue à parler.

M. le président. Ecoutez M. Cochet.

M. Jean-Claude Lenoir. Il m'a interrompu tout à l'heure !

M. le président. Ce n'est pas une raison.

M. Yves Cochet. Cette politique que je qualifierai de « négawatt » est contradictoire et incompatible avec la vôtre qui, derrière quelques déclarations intéressantes sur les économies d'énergie ou sur la maîtrise de la consommation, dissimule à peine la relance du nucléaire.

Avant même que nous débattions, au mois de mai, du projet de loi d'orientation sur les énergies, le Gouvernement nous a annoncé - par la voix de M. Sarkozy voici quelques instants et, avant lui, par celle de M. le Premier ministre il y a quelques jours - que l'EPR serait construit de toute façon. Or, pour des raisons à la fois industrielles et budgétaires, la politique telle que je la conçois n'est pas compatible avec le développement du nucléaire. Toutes ces actions coûtent de l'argent, mobilisent des équipes, des industriels et il faut choisir !

En ce qui me concerne, j'ai choisi depuis longtemps. Nous tenions déjà le même discours il y a trente ans, pendant la campagne présidentielle de René Dumont en 1974.

M. Claude Gatignol. Et sous Charlemagne ? (Sourires.)

M. Yves Cochet. Malheureusement, tel n'a pas été le choix de la France et nous sommes maintenant dans une impasse que je vais vous décrire.

En effet, la politique que nous prônons permettrait, aussi bien en France qu'en Europe et même dans le monde, d'économiser 50 % de la consommation énergétique actuelle ! Comme l'a dit M. Sarkozy, et je suis d'accord avec lui sur ce point, c'est un véritable choix de société. La politique négawatt permettrait de vivre mieux en consommant moins et en produisant autrement. De manière générale, elle serait, au niveau mondial, une politique de vérité, de paix et de solidarité, ici en Europe comme vis-à-vis des pays du Sud, ce qui n'est pas le cas du nucléaire qui fait l'objet de ma deuxième partie.

M. Sarkozy, a repris les vieux arguments du lobby de l'atome selon lesquels le nucléaire, assure l'indépendance énergétique, est compétitif et efficace pour lutter contre l'effet de serre. Evidemment, tout cela est faux !

M. Jean-Claude Lenoir. C'est la vérité !

M. Yves Cochet. En ce qui concerne d'abord l'indépendance énergétique, le taux de 50 % affiché est le fruit d'un calcul biaisé de la puissance thermique des réacteurs nucléaires. Il faut en effet considérer les kilowatts-heure électriques réellement dépensés, auquel cas on tombe à 25 %, et même à 14 % ou 15 % pour l'hydraulique, ce qui correspond à l'indépendance effective dans la mesure où les fleuves, eux, sont bien chez nous. Tel n'est pas le cas du reste : la France n'a pas plus de mines d'uranium que de puits de pétrole ou de réservoirs de gaz. L'indépendance vis-à-vis de la source primaire, c'est-à-dire l'uranium, est de 0 % !

Alors, que ce soit à droite ou à gauche, ne racontez pas d'histoire : le nucléaire ne garantit pas l'indépendance puisque nous dépendons entièrement des marchés étrangers,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et le retraitement des déchets ?

M. Yves Cochet. ...qu'ils soient nigériens, australiens ou russes, car il n'y a pas d'uranium en France.

Deuxième argument : le nucléaire serait compétitif.

Si l'on remonte au plan Messmer, et sans aller jusqu'au général de Gaulle en 1945, on a dépensé pour le nucléaire à peu près 300 milliards d'euros. Si, au bout de vingt-cinq ans, après avoir investi pareille somme, uniquement en fonds publics, on n'avait pas un kilowatt-heure compétitif, alors, oui, nous aurions été de mauvais gestionnaires. Pourtant, en réalité, le nucléaire n'est pas bon marché. Le prix de trois centimes d'euro avancé par ses tenants, le groupe Areva ou EDF, est faux car il ne tient pas compte de plusieurs externalités fort coûteuses,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Allez donc le dire aux Finlandais !

M. Yves Cochet. ...à savoir la gestion des déchets, le démantèlement, les conséquences sur l'environnement, en particulier la santé humaine, enfin, le coût de l'assurance.

En effet, toutes les industries, en particulier les plus dangereuses - je pense aux usines Seveso - doivent s'assurer à 100 %. Elles sont responsables des catastrophes, comme AZF à Toulouse. Que se passerait-il en cas de nouveau Tchernobyl ? Les usines nucléaires, en France comme aux Etats-Unis et ailleurs, bénéficient d'un droit exorbitant du droit commun puisqu'elles ne sont assurées que pour 2 % des risques qu'elles génèrent pour la santé publique et pour l'environnement. Je demande donc la vérité des coûts des assurances. On n'en serait alors plus à trois centimes d'euro, mais à six ou neuf et le nucléaire ne serait plus compétitif !

Troisième argument de M. Sarkozy : le nucléaire permet de lutter contre l'effet de serre et les émissions de CO2.

Soyons sérieux ! Le nucléaire, c'est de l'électricité, certes, mais de l'électricité spécifique qui n'est pas faite pour les transports ou pour la chaleur. Attention aux aberrations thermodynamiques, comme le chauffage électrique qu'il faut immédiatement cesser de développer ! Voilà l'une de mes 143 propositions.

M. François-Michel Gonnot. Pourquoi ne les a-t-il pas mises en œuvre ?

M. Yves Cochet. Le chauffage électrique est un gaspillage total. D'ailleurs, il est interdit dans certains pays de l'Union européenne, monsieur le ministre.

M. Claude Gatignol. Lesquels ?

M. Yves Cochet. J'en viens au projet de société.

Le nucléaire nécessite fatalement une société centralisée et policière. En effet, il est dangereux ; il faut donc la police et la gendarmerie pour assurer la sécurité. En outre, il nécessite beaucoup de transports, d'abord pour faire venir l'uranium. Or importer de l'uranium du Niger, d'Australie ou de Russie demande du pétrole.

Ensuite, le nucléaire, ce n'est pas la paix ! C'est même la prolifération. A ce sujet, je vous renvoie à un magnifique ouvrage de Jacques Attali que vous devriez tous lire : Économie de l'apocalypse.

Le nucléaire est aussi une tentation pour le terrorisme. Le général de Gaulle l'avait compris : le nucléaire sert à faire la guerre et non à produire de l'électricité. Pourquoi notre ami Saddam Hussein en 1975 voulait-il une centrale nucléaire ?

M. Jean-Claude Lenoir et M. François-Michel Gonnot. « Notre ami » ! Quel aveu !

M. Yves Cochet. En 1975, il était notre ami, c'est-à-dire l'ami du Gouvernement de droite et vous apparteniez déjà à cette majorité.

Le CEA, c'est-à-dire l'Etat français, a vendu à l'époque, à Saddam Hussein, Osirak, le clone d'Osiris qui se trouve en France. Heureusement les Israéliens, qui sont également nos amis, ont bombardé ce début de centrale nucléaire.

M. le président. Si vous allez si lentement, vous n'irez pas jusqu'au bout de votre démonstration, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. Pourquoi donc Saddam Hussein souhaitait-il une centrale nucléaire et pourquoi l'Iran possède-t-il le nucléaire ? Non pas parce que l'Irak ou l'Iran n'ont pas d'énergie puisqu'ils sont assis sur des barils de pétrole - leur sous-sol en regorge - mais pour faire la guerre et satisfaire ainsi leur volonté de puissance. Le nucléaire ne sert pas à produire de l'électricité : il répond à une volonté stratégique de puissance.

J'en viens à un sujet dont vous n'avez pas entendu parler, monsieur le ministre, en tout cas que je n'ai pas entendu évoquer depuis le début de ce débat sur l'énergie. Pourtant il s'agit du risque le plus éminent auquel nous soyons exposés. De quoi s'agit-il ?

M. François-Michel Gonnot. Du pétrole !

M. Yves Cochet Oui, monsieur Gonnot, vous avez raison : il s'agit du pétrole.

L'expression qu'il convient de retenir en la matière et que vous ne connaissez peut-être pas, monsieur le ministre, vous qui êtes nouveau dans le domaine, est celle qui mentionne le « pic de Hubbert ». En effet dans quelques années, non pas dans vingt ans - en 2020 ou en 2030 - mais peut-être vers 2010, voire avant la fin de la législature - qui sait ? - il se produira un phénomène à la fois géologique et économique que je peux brièvement résumer.

Sur le plan économique, depuis 150 ans que notre pays, comme les autres pays, vit dans l'ère du pétrole, la courbe mondiale de l'offre pétrolière a toujours été supérieure à la demande mondiale de pétrole, mais ce sera fini dans quelques années.

M. Serge Poignant. Eh oui !

M. Yves Cochet. Les deux courbes se croiseront puis, pour des raisons géologiques, c'est-à-dire de manière structurelle, la courbe de la demande sera supérieure à celle de l'offre mondiale.

M. François-Michel Gonnot. C'est la raison pour laquelle les Américains construisent des centrales nucléaires !

M. Yves Cochet. Tous les gisements, y compris, les énormes gisements du Moyen-Orient, auront dépassé ce que l'on appelle leur pic de Hubbert, c'est-à-dire que plus de la moitié de leurs réserves aura été extraite. Le choc pétrolier qui s'ensuivra ne sera plus un choc géopolitique, à l'image de ceux que nous avons connus en 1973 ou en 1979. A l'époque, les pays consommateurs avaient de l'argent et ils ont pu, en quelques mois, acheter plus cher leur pétrole. Au taux de 2000, le baril de pétrole était vendu 80 dollars en 1979-1980 puis les pays producteurs, telle l'Arabie saoudite, ont été contraints de baisser leur cours. Aujourd'hui, ce sont des raisons géopolitiques qui commandent le cours du pétrole. Demain, c'en sera fini car personne ne peut rien contre la géologie.

Il s'ensuivra un choc définitif qui ne sera pas un simple choc pétrolier mais bien plutôt un choc de civilisation qui aura des conséquences économiques considérables. Elles seront immédiates dans deux domaines qui sont gros consommateurs de pétrole mais que personne n'évoque : l'agriculture productiviste et les transports, notamment l'aviation.

La mécanisation de l'agriculture - tracteurs ou moissonneuses-batteuses - comme les intrants - produits azotés de synthèse - exigent du pétrole. Littéralement, aujourd'hui nous mangeons du pétrole ! Or les taxes sur le gazole agricole, comme d'ailleurs celles sur le gazole pour les pêcheries, sont très faibles.

Il en est de même du kérosène qu'utilise l'aviation civile commerciale de masse. Actuellement, des publicités pour le transport aérien se multiplient à la télévision, dans le métro ou par pleines pages dans nos magazines. La philosophie du transport aérien, aujourd'hui, c'est : « plus vite, plus loin, plus souvent et moins cher ». Dans quelques années - cela relève de votre responsabilité, monsieur le ministre -, elle sera : «moins vite, moins loin, moins souvent et beaucoup plus cher » !

M. François-Michel Gonnot. Arrêtez de faire le prophète !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. Ce choc est inéluctable.

Il concernera de la même façon l'agriculture et les pêcheries et mettra en cause notre capacité à poursuivre nos méthodes actuelles de production agricole.

M. le président. Résumez votre pensée.

M. Yves Cochet. Je résumerai ma pensée, monsieur le président, en indiquant...

M. François-Michel Gonnot. Que c'est la fin du monde !

M. Yves Cochet. ...que, d'une part, il faut sortir du nucléaire en vingt-cinq ans et que cela est possible. J'ai ici un scénario, que je vous remettrai, monsieur le ministre, et qui établit que, sur les plans technologique, industriel et économique, cette sortie est préférable à la poursuite du nucléaire, avec la triple stratégie que j' ai appelée « négawatt ». D'autre part, il faut s'efforcer de minimiser le choc pétrolier inévitable qui se produira dans quelques années, non pas demain, mais demain matin !

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la demande chinoise de pétrole : en 2003 par rapport à 2002, elle n'a pas augmenté de 10 %, mais de 30 %. Et sur les trois premiers mois de l'année 2004, la progression a été de 34 % par rapport au premier trimestre de 2003. Chacun doit prendre conscience du poids croissant de l'Inde et de la Chine dans la consommation mondiale de pétrole.

Je le répète, nous n'aurons plus affaire à un choc pétrolier ordinaire. Il provoquera un changement de civilisation, voire la fin du monde, tel que nous le connaissons actuellement.

M. François-Michel Gonnot. Je l'avais bien dit !

M. Yves Cochet. Oui, monsieur Gonnot, vous pouvez sourire, mais nous en reparlerons dans quelques années. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Birraux, a conclu sur un proverbe chinois. Je conclurai, quant à moi, sur un proverbe saoudien contemporain.

M. François-Michel Gonnot. « Creuse, il y a toujours du pétrole en dessous ! »

M. Yves Cochet. Le Saoudien dit : « Mon père chevauchait un chameau. Je conduis une automobile. Mon fils vole en jet. Son fils chevauchera un chameau ».

M. Jean-Claude Lenoir. Vive le nucléaire, donc !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ainsi, la tradition est sauve !

M. le ministre délégué à l'industrie. Nietzsche l'a dit autrement : c'est l' « éternel retour » !

(M. Cochet remet son ouvrage à M. le ministre délégué.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue M. Cochet vient de nous prédire l'apocalypse.

M. Yves Cochet. Regardez les courbes !

M. Hervé Mariton. Ses propos avaient, au mieux, des relents de rapport Mansholt, lequel a été assez largement démenti par les faits. Néanmoins, il est vrai que tout n'est pas inscrit d'avance et ces questions méritent qu'on les traite avec beaucoup de raison et de pondération.

Je souhaite apporter une réflexion générale et formuler deux observations particulières.

La réflexion générale, qui s'appuie sur les propos tenus par le ministre d'Etat, concerne un pan important de la stratégie du Gouvernement : la démonstration est faite que, en ce domaine - mais elle est également valable en d'autres -, le volontarisme et les lois du marché peuvent aller de conserve et qu'il convient de combiner politique industrielle et adaptation à un monde qui évolue. Une telle combinaison suppose une mobilisation qui permette aux entreprises et aux intérêts français de se retrouver dans la meilleure situation possible au sein d'une compétition mondiale qui ne nous attend pas.

Nous avons parfois le sentiment que, dans ce débat, d'aucuns font référence à des tabous qui n'ont pas lieu d'être. Je me permettrai de rappeler ce que chacun sait ici : il n'y a jamais eu dans notre pays de monopole de production d'électricité. Ce que le Gouvernement, heureusement, propose de poursuivre demain, c'est, dans le domaine énergétique et dans le domaine électrique notamment, l'approche extrêmement pragmatique des relations entre le public et le privé qui a toujours prévalu.

Le groupe Suez est depuis plus de vingt ans propriétaire de tranches de plusieurs centrales nucléaires. Il est attributaire direct et contractuel de leur production. Personne ne s'en offense ou craint de voir une telle situation engendrer un risque quelconque en matière de sécurité. Nous devons donc maintenir - et nous le voulons - une stratégie nationale très forte dans un domaine qui n'est pas dépourvu d'enjeux pour l'Etat et dans lequel il doit préserver des leviers.

L'évolution que nous souhaitons, aussi bien pour EDF que pour GDF, doit être ouverte tout en consacrant des sauvegardes ; je pense notamment à la préservation du statut des personnels. L'évolution ne commence pas aujourd'hui car, depuis fort longtemps, le monde de l'énergie en France et, à l'intérieur du monde de l'énergie, le monde de l'électricité lui-même, ont su répondre aux nécessités du marché et aux contraintes des mobilisations de capitaux. Cette évolution nous permet de bénéficier actuellement d'un système énergétique adapté. Toutefois il est indispensable de la poursuivre si nous voulons qu'il le demeure demain.

Le Gouvernement ne propose rien d'autre que de renforcer cet équilibre à la fois banal et essentiel. Il n'y a là aucun miracle. Le ministre d'Etat l'a rappelé : une telle politique repose sur des décisions qui ont été prises il y a plusieurs décennies et qui ont fondé une stratégie très forte. Ceux qui, hier, ont élaboré cette stratégie et. ceux qui, aujourd'hui, souhaitent la faire correspondre aux contraintes du monde actuel ont un mérite égal.

Si nous voulons qu'EDF continue tout simplement d'exister et soit une entreprise performante, nous devons faire évoluer son statut. Si nous voulons que l'équilibre énergétique français continue de participer à la compétitivité de notre pays, nous devons à la fois maintenir certains fondamentaux et faire respirer le système dans un « mix » qui repose fortement sur la composante nucléaire. Nous sommes nombreux ici approuver cette démarche

Cependant, nous ne saurions nous satisfaire de constats : les centrales nucléaires vieillissent, les techniques également. Il est heureux que le Gouvernement confirme son choix du lancement d'une expérimentation d'EPR. Ce choix ne préjuge pas définitivement de l'avenir.

M. Yves Cochet. Mais si !

M. Hervé Mariton. Il le préserve et permet au mix énergétique de se poursuivre dans des conditions qui, depuis de nombreuses années, sont très clairement à notre avantage.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Hervé Mariton. Chacun y allant de son placet, je me permets, monsieur le ministre, de vous rappeler l'intérêt que la Drôme, et tout particulièrement le Tricastin, portent à l'implantation d'EPR.

M. Yves Cochet. Ah !

M. Hervé Mariton. Deux des thèmes du discours d'ouverture du ministre d'Etat ont, parmi beaucoup d'autres, plus particulièrement appelé mon attention.

Le premier est la question de la fiscalité énergétique. Elle n'est pas nouvelle, monsieur le ministre, mais son traitement exige des conditions résolument nouvelles. En d'autres termes, chiche pour une réflexion forte et une action forte en terme de fiscalité énergétique, tout spécialement dédiée à favoriser les énergies renouvelables, mais faites simplement en sorte que l'on ne puisse pas vous taxer en ce domaine d'arrière-pensées budgétaires ! Chacun garde en mémoire le fâcheux débat relatif à la fiscalité du gazole de la loi de finances pour 2004.

M. David Habib et M. Yves Cochet. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Il est de l'intérêt du Gouvernement et de l'ensemble de la majorité de ne pas retomber dans ce genre de travers.

M. Jean-Louis Idiart. Cela exige de faire un gros effort !

M. Hervé Mariton. Une fiscalité énergétique encore plus intelligente demain, volontiers, mais le jeu doit rester neutre. Dans tous les cas, le Gouvernement doit demeurer insoupçonnable quant à d'éventuelles arrière-pensées budgétaires.

Ma seconde observation a trait aux éoliennes.

J'ai, avec courtoisie, interrompu le ministre d'Etat, mais le point mérite d'être souligné. En effet la politique publique dans le domaine des éoliennes - j'ai entendu le discours du ministre d'Etat et j'ai lu les déclarations récentes du ministre de l'environnement, Serge Lepeltier - méritait d'être corrigée : elle paraît actuellement prendre un tournant heureux. La politique conduite depuis plusieurs années par ce gouvernement comme par le gouvernement précédent relativement aux éoliennes est en effet assez illisible, ou plutôt, à certains égards, trop visible. Dans ce domaine, comme dans d'autres, il convient de ne pas céder à la facilité du politiquement correct ou, ce qui revient ici au même, de l'intégrisme écologique.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait d'accord !

M. Yves Cochet. Oh !

M. Hervé Mariton. Chacun sait que les éoliennes ne peuvent exister dans notre pays que parce que l'on impose un tarif tout à fait excessif à l'achat de l'électricité qu'elles produisent. C'est une situation dont il convient de mesurer le caractère totalement artificiel. Chacun sait aussi que, dans une circonscription de montagnes, de vallées et de crêtes, comme la mienne, les éoliennes peuvent faire, d'un point de vue environnemental, des dégâts considérables.

M. Daniel Mach et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !

M. Hervé Mariton. Sans doute des endroits se prêtent-ils aux éoliennes moins mal que d'autres. Encore faut-il les identifier ! Acceptons le fait qu'ils existent, mais lorsque les éoliennes sont placées sur des crêtes et dans des paysages ruraux appréciés, on se trouve devant un choix paradoxal en termes de politique de l'environnement qui consiste à produire de manière assez artificielle sur le plan financier de l'électricité en saccageant gravement et durablement les paysages.

M. Yves Cochet. Et les pylônes de lignes à haute tension ?

M. Hervé Mariton. Je ne pense pas que ce soit là, monsieur le ministre, une politique de développement durable.

M. Daniel Mach et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Hervé Mariton. Certes, j'ai entendu les premières déclarations de Serge Lepeltier et les propos du ministre d'Etat, mais nous vous attendons encore sur le sujet : il est essentiel que le Gouvernement précise sa politique sur un sujet qui préoccupe un grand nombre de nos compatriotes qui sont favorables à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables, qui ne prétendent pas que ces énergies sont bonnes uniquement chez le voisin - ce serait caricaturer leur position - mais qui souhaitent seulement que la politique de l'environnement soit empreinte d'une certaine cohérence.

Une vraie politique de l'environnement ne doit pas être une politique de gribouille. Elle ne saurait être contradictoire et saccager ce que l'on veut préserver par ailleurs.

Telles sont les observations que j'avais à formuler. Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le ministre. Ce débat montre bien que la politique de l'énergie peut faire l'objet d'un accord sur de nombreux bancs. Pour répondre à cet enjeu primordial, nous avons la chance d'avoir des acteurs économiques performants : il nous faut les encourager.

La volonté politique affirmée du Gouvernement constitue aussi une chance. Elle est, dans ce domaine plus qu'ailleurs, essentielle. Nous vous encourageons à la poursuivre et à l'affermir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie d'avoir été bref, monsieur Mariton, et d'avoir ainsi cédé un peu de votre temps de parole à M. Cochet. (Sourires.)

M. Hervé Mariton. C'est à M. Gatignol que je le donne !

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un débat sur l'énergie dont l'essentiel ne serait pas consacré à la lutte contre le changement climatique et qui ne préluderait pas à des mesures immédiates et vigoureuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre n'aurait, en 2004, aucun sens.

Le changement climatique est une énorme affaire pour l'avenir du monde, traitée comme telle dans de nombreux pays. Ainsi, plusieurs Etats membres de l'Union européenne ont sonné la mobilisation pour atteindre au minimum les objectifs du protocole de Kyoto, même si celui-ci n'a pas encore de valeur légale du fait du refus des Etats-Unis et de la Russie de le ratifier.

Dans notre pays, rien de tel depuis 2002 : depuis cette date, le changement climatique n'est plus considéré comme une question sérieuse par le Gouvernement. Les initiatives prises par le gouvernement de Lionel Jospin ont été détricotées une à une. Les rendez-vous ont été ratés les uns après les autres comme en témoignent les reports successifs du plan Climat et le retard du plan national d'allocation de quotas d'émission, pour ne citer que ces exemples.

Pourtant, les atteintes portées à la composition de notre atmosphère paraissent toujours plus effrayantes et la réalité du changement climatique s'affirme d'année en année.

En 2000, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, constitué de 3 500 experts de tous pays, publiait son troisième rapport sur le changement climatique qu'entraînent les émissions de gaz à effet de serre, au premier rang desquels figure le gaz carbonique résultant de nos utilisations toujours croissantes de combustibles fossiles : pétrole, gaz et charbon.

Rappelons brièvement les évolutions qu'il prévoyait alors pour le xxie siècle : accélération de la hausse de la température moyenne, accélération de la montée du niveau de la mer, fréquence accrue des précipitations violentes, multiplication des inondations et des raz de marée, fréquence accrue des épidémies, canicules et froids extrêmes plus nombreux, difficultés aggravées d'approvisionnement en eau dans les régions subtropicales, diminution des rendements agricoles dans les régions tropicales, subtropicales et même dans les latitudes moyennes, modifications de la faune et de la flore.

Le dérapage des rejets mondiaux de CO2 s'accentue. Alors qu'ils étaient en moyenne de 13 milliards de tonnes pendant les dix dernières années, ils ont atteint 17 milliards de tonnes en 2002 et presque 19 milliards en 2003. En conséquence, l'augmentation annuelle de la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère a été, en 2003, plus élevée que pendant les dix dernières années.

Peut-on croire un seul instant qu'un ralentissement se produise spontanément dans les années à venir, alors que les besoins en énergie des pays en développement sont immenses ? Evidemment non !

En fait, en ce début 2004, tous les indicateurs climatiques sont déjà dans le rouge. Les dernières années ont été celles de tous les records pour les hausses de température : 1998 a été l'année la plus chaude du dernier millénaire ; 2003 a été la troisième année la plus chaude depuis 1861 ; les épisodes de températures extrêmes se sont multipliés en 2003 : canicule en été, froids intenses en hiver dans l'hémisphère nord. Le nombre de typhons, ouragans et cyclones a dépassé la normale en 2003. Le trou d'ozone de l'Antarctique s'est de nouveau étendu. La superficie des glaces polaires a été exceptionnellement faible.

Ainsi les anticipations de 2000 ne relevaient pas d'un catastrophisme millénariste : chacun de nous a pu le constater ces dernières années.

Face à cette situation, la tentation pourrait être grande d'espérer une autorégulation naturelle qui permette l'absorption du gaz carbonique injecté en masse dans l'atmosphère. La nature effacera-t-elle en partie les conséquences de nos rejets massifs et incontrôlés dans l'atmosphère ou, au contraire, amplifiera-t-elle leurs effets ? Dans l'état actuel de nos connaissances, l'amplification des effets du réchauffement global semble plus probable que la modération, ce qui aggraverait encore les dérèglements esquissés précédemment.

Aujourd'hui, l'urgence de la situation n'est pas reconnue dans notre pays, mais que demandera-t-on aux pouvoirs publics, sinon une réaction brutale et exemplaire, si un épisode du type de la canicule de l'été 2003 survenait dans les prochaines années ?

Dans cette perspective, quelle politique énergétique faut-il mettre en place ?

En tout état de cause, la France est l'un des meilleurs élèves du monde pour la limitation des rejets de gaz carbonique, avec 1,64 tonne de carbone par habitant et par an en 1999. A niveau de vie comparable, seules font mieux dans l'OCDE la Suisse et la Suède, avec respectivement 1,52 et 1,48 tonne.

La conclusion est claire : il faut consolider les filières énergétiques qui nous permettent d'atteindre ce résultat. Ces filières sont la production électronucléaire et les énergies renouvelables, au premier rang desquelles se place l'hydraulique, mais que d'autres techniques pourront compléter.

Notre électronucléaire est, il faut le rappeler, un atout à plusieurs titres : absence de rejets de CO2 - nos concitoyens l'ignorent trop souvent -, indépendance énergétique et faible coût du kilowattheure produit.

M. Yves Cochet. Vous me faites rire ! Et la production de déchets ?

M. Christian Bataille. Alors que nos centrales nucléaires les plus anciennes atteindront en 2020 la barre des quarante années de fonctionnement que certaines d'entre elles ne pourront pas dépasser, peut-on imaginer remplacer celles qui devront être arrêtées par des centrales brûlant des combustibles fossiles comme le gaz naturel ? L'exemple des deux dernières années montre que cela serait très difficile.

Comme chacun le sait, la sécheresse de 2002 et de 2003 a fait chuter la production hydroélectrique, ce qui a obligé à mobiliser plus que de raison les centrales thermiques à charbon et à fioul d'EDF. La sanction a été immédiate, avec une augmentation de nos émissions globales de CO2.

M. Loïc Bouvard et M. Serge Poignant. Eh oui !

M. Christian Bataille. Ainsi que je l'ai souligné dans le rapport que j'ai rédigé avec Claude Birraux sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs, nous ne pouvons pas, pour des raisons d'indépendance énergétique, de compétitivité économique et de performance environnementale, prendre le risque de voir notre production d'électricité nucléaire subitement décroître faute d'un réacteur de remplacement déjà testé, lorsqu'en 2020 les premières centrales atteindront leur limite de fonctionnement.

À cet égard, la construction d'une génération de centrales à eau pressurisée plus performantes est indispensable. Contrairement à ce que disent ses détracteurs, l'EPR apporterait de nombreux progrès par rapport aux réacteurs actuellement en fonctionnement.

M. Claude Gatignol. Très juste !

M. Christian Bataille. La continuité technologique peut être porteuse de progrès. Tel a été le cas avec le TGV par rapport aux trains Corail. Quant aux réacteurs dits de quatrième génération, ce sont des réacteurs « papier » qui pourront apporter de nouvelles solutions, mais seulement à l'horizon 2040, et qui ne constituent en aucune manière une solution industrielle à l'horizon 2020. A titre de comparaison, qui parierait aujourd'hui sur la sustentation magnétique pour réaliser la liaison ferroviaire à grande vitesse Paris-Strasbourg ?

Par ailleurs, ce futur n'est envisageable que si l'on règle le problème des déchets. La recherche sur les trois voies de traitement - entreposage, stockage à grande profondeur et transmutation - doit être poursuivie et amplifiée. Le rendez-vous de 2006 prévu par la loi du 30 décembre 1991 doit être respecté.

Cela étant, l'électronucléaire ne résume pas la totalité des atouts de notre pays. Dans un autre rapport rédigé avec Claude Birraux pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Jean-Yves Le Déaut a appelé à un développement rapide des énergies renouvelables, focalisé sur des applications prioritaires. Parmi ces priorités figurent toutes celles qui peuvent servir aux transports et au résidentiel-tertiaire, dont la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre augmentent le plus rapidement.

Pour le solaire thermique, le photovoltaïque, les biocarburants, la réduction de consommation des moteurs, l'isolation des habitations, l'architecture bioclimatique et même l'éolien, la France dispose de centres de recherche et d'industries qui pourraient être au premier rang mondial.

M. Yves Cochet. C'est incompatible avec l'EPR, ça !

M. Christian Bataille. Pourquoi ce potentiel est-il quasiment en jachère aujourd'hui, alors que l'énergie sera l'un des problèmes critiques du xxie siècle ?

J'ajoute pour conclure que les efforts que fera la France dans les années à venir pour consolider son système énergétique ne serviront à rien en termes de changement climatique si notre pays ne se trouve pas à la tête d'un mouvement fort et rapide de transferts de technologies sans carbone en faveur des pays en développement. Il y faut plusieurs conditions.

En premier lieu, notre industrie et notre recherche sur l'énergie doivent être vigoureusement dynamisées.

En deuxième lieu, la France doit être exemplaire vis-à-vis de ses engagements internationaux. Il est en effet inacceptable que la France n'ait pas été en mesure de transmettre à la Commission européenne son plan d'allocation de quotas d'émissions. Elle doit aussi respecter la directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables, qui fixe pour objectif à notre pays que 21 % de sa consommation d'électricité en 2010 provienne de ces filières, contre environ 17 % en 2000.

Enfin, à un phénomène planétaire comme le changement climatique, il faut évidemment des solutions planétaires.

Au centre du problème climatique, se trouve le charbon, qui joue encore un rôle déterminant dans de grands pays industrialisés comme les Etats-Unis ou l'Allemagne et qui sera l'énergie du xxie siècle dans les pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Réduire les rejets liés à la consommation de charbon grâce aux technologies du charbon propre - lit fluidisé circulant - et à la séquestration du gaz carbonique, substituer au charbon des énergies moins riches en carbone ou sans carbone, favoriser la maîtrise de l'énergie, telles sont quelques-unes des pistes qu'il faut ouvrir, avec des transferts de technologies adéquats en faveur desquels la France doit œuvrer avec vigueur.

Au regard de l'importance critique de l'énergie pour notre niveau de vie et pour le développement, et afin d'atténuer les drames que le changement climatique ne va pas manquer de multiplier, il n'y a pas de priorité plus importante que l'énergie pour la politique industrielle de notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Monsieur le ministre, je saisis l'opportunité que vous donnez à la représentation nationale avec ce débat sur l'énergie - et après une déclaration qui n'en a pas manqué ! - pour apporter ma contribution à des choix qui, comme l'a dit M. le ministre d'Etat, doivent être clairs et déterminés.

Auteur d'un rapport d'information en octobre dernier sur la politique de soutien aux énergies renouvelables, à la demande du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et de l'aménagement du territoire, je me permettrai de nourrir mon intervention de quelques-unes de ses conclusions.

En préambule, nous devons bien entendre par « énergie » toute production venant de diverses sources - charbon, pétrole, gaz, nucléaire, eau, vent, terre, mer, soleil, bois ou plantes - qu'elles produisent de l'électricité ou de la chaleur. En d'autres termes, il nous faut parler d'énergie thermique comme d'énergie électrique.

Je tiens également à souligner qu'un débat sur l'énergie doit commencer par aborder la question de la maîtrise de cette énergie, au sens des économies à réaliser sur toute consommation. Cela veut dire économies au quotidien, passant par des réflexes, des comportements, des gestes et nécessitant des actions d'information, de sensibilisation et d'incitation. Cela veut dire amélioration technologique des outils de consommation car, si beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire. Cela veut dire substitution d'une source plus économique à une autre, quand cela est possible tant techniquement que financièrement.

Je ne peux enfin que rappeler ce que chacun mesure bien ici : nous vivons dans un environnement de directives européennes que nous nous devons d'appliquer, de l'ouverture des marchés de l'électricité à la promotion des énergies renouvelables.

Ces points étant établis, trois priorités guideront notre raisonnement : garantir notre indépendance énergétique ; assurer notre développement durable ; soutenir nos entreprises et mener une politique de recherche ambitieuse.

Pendant un temps, la sécurité de nos approvisionnements énergétiques est passée au second plan de nos préoccupations. L'évolution de la situation internationale nous rappelle pourtant qu'elle ne peut être négligée. A cet égard, la principale conclusion du Livre vert de la Commission européenne intitulé « Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique » doit être gardée en mémoire : « Si rien n'est entrepris d'ici vingt à trente ans, l'Union couvrira ses besoins énergétiques à 70 % par des produits importés contre 50 % actuellement ». Et que dire des prévisions de réserves en pétrole et gaz sur notre planète ? Dureront-elles encore cinquante ou soixante-dix ans ? Nul ne peut le préciser, mais les spécialistes s'accordent à les évaluer à moins d'un siècle.

Notre indépendance énergétique est assurée, n'en déplaise à notre collègue M. Cochet, par notre électricité nucléaire qui constitue 85 % de notre production totale d'électricité.

Convaincu par la nécessité de développer les énergies renouvelables, je le suis tout autant par l'idée que ces dernières, tout au moins dans les toute prochaines décennies et en l'état actuel des technologies connues, ne peuvent se substituer significativement au nucléaire. Il n'y a donc pas lieu de dissimuler la nécessité du nucléaire. Je le dis à l'adresse de M. Cochet, lequel, d'ailleurs s'il a voulu nous parler, avec de grands mots, d'une autre politique, n'a, en fait, traité que du nucléaire. Soyons donc réalistes, comme l'a été M. Bataille.

En 2001, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité était de 15,1 %, dont 14,3 % d'hydraulique. Il n'y avait donc que 0,8 % d'autres énergies renouvelables. Quand on sait qu'on ne peut pas augmenter significativement notre production d'électricité d'origine hydraulique, on se rend compte de l'importance des efforts à accomplir dans ce domaine. Et le peu que nous gagnerons, ne serait-ce que pour atteindre les fameux 21 %, nous en demandera déjà beaucoup.

Ainsi donc, nous ne pouvons pas remplacer l'énergie nucléaire par les énergies renouvelables, quels que soient nos efforts.

M. Loïc Bouvard. Tout à fait !

M. Serge Poignant. Je suis de ceux qui considèrent que le gaz, même si la cogénération a ses qualités, ne peut être non plus une solution de substitution à la production d'électricité par l'énergie nucléaire. Nous ne pouvons parler d'énergie propre ; les réserves sont limitées et nous serions dépendants. Si la Finlande, sur proposition d'un ministre écologiste, a proposé la construction d'une cinquième centrale nucléaire, c'est notamment parce qu'elle ne voulait pas être dépendante de l'importation de gaz russe.

Tous les spécialistes vous diront que nos centrales nucléaires vieillissent et qu'il faudra les remplacer avant qu'une nouvelle génération de réacteurs soit au point, ce qui demandera probablement plusieurs décennies. Je pense donc que, dans l' intervalle, nous devrons faire le choix de l'EPR tout en poursuivant, bien évidemment, nos investigations en matière de sécurité et de sûreté, notamment dans le stockage des déchets, en toute transparence et avec un maximum d'informations à destination du grand public. Inutile de rappeler à ce propos le rapport de nos collègues Claude Birraux et Christian Bataille, qui était très clair.

Nous devons ensuite, c'est notre deuxième priorité, assurer le développement durable.

Je pense très profondément qu'il ne faut pas opposer énergie nucléaire et énergies renouvelables. Notre tout premier souci doit être de lutter contre la production de gaz à effet de serre et contre ses conséquences sur le changement climatique. En ce sens, l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables ont la même vertu.

Il convient donc de rechercher, au-delà des économies de consommation, une moindre utilisation des énergies fossiles productrices de gaz à effet de serre, en tout premier lieu le dioxyde de carbone. C'est pourquoi nous devons développer notre bouquet énergétique et avoir une politique ambitieuse en matière d'énergies renouvelables non seulement dans celui de la production d'électricité, d'ailleurs, mais également et peut-être plus encore dans le domaine de la production de chaleur et dans celui des transports ; le président de notre commission, Patrick Ollier, l'a très justement fait remarquer. Ce sont en effet les secteurs résidentiel et tertiaire, dans lesquels les combustibles fossiles, gaz naturel et fioul sont utilisés pour faire face aux besoins de chauffage, et celui des transports qui émettent le plus de dioxyde de carbone.

J'avais proposé, dans mon rapport d'octobre 2003, un objectif ambitieux : satisfaire, en 2010, 10 % de nos besoins énergétiques globaux - électricité plus chaleur - et le décliner par filière dans la future loi d'orientation. Cela implique un effort plus important que l'objectif indicatif d'une production nationale d'électricité d'origine renouvelable de 21 % de notre consommation, selon la directive communautaire de septembre 2001.

C'est pourquoi je propose également de mener une action très ambitieuse de promotion des biocarburants, sachant que le secteur des transports a consommé, en 2002, 51 millions de TEP d'énergie, soit environ un tiers de la consommation totale d'énergie finale française. Compte tenu de la croissance continue de la consommation de ce secteur, on ne pourra certes pas attendre des biocarburants seuls qu'ils résolvent le problème posé par les transports, mais ils peuvent aider à le réduire dans l'attente de solutions techniques nouvelles. Ils constituent, en outre, un débouché intéressant pour notre agriculture.

Développer notre bouquet énergétique tant en production d'électricité qu'en production de chaleur, signifie que nous devons nous intéresser, au-delà de l'hydraulique, à l'éolien - avec les réserves environnementales que l'on connaît - mais aussi au bois, au biogaz, à la géothermie, au solaire, aux pompes à chaleur, aux déchets urbains solides ou encore aux résidus de récoltes.

Cela veut dire aussi réorienter notre fiscalité de l'énergie. Pourquoi, par exemple, ne pas transférer le financement des charges du service public de l'électricité, qui inclut les surcoûts imputables à la production d'électricité d'origine renouvelable, sur les énergies fossiles ou de chauffage, concurrentes de l'électricité et des énergies renouvelables ?

Cela veut dire encore renforcer les instruments fiscaux de soutien. Pourquoi ne pas porter de 15 à 50 % le taux du crédit d'impôt pour les particuliers qui font l'acquisition d'équipements produisant de l'énergie renouvelable ? Il serait ainsi plus incitatif.

Cela veut dire simplifier le système de primes.

Cela veut dire bien mesurer le rapport entre coût et efficacité selon l'importance des installations de production d'électricité, des systèmes d'obligation d'achat ou d'appels d'offre ou peut être encore, à terme, de certificats verts échangeables.

Cela veut dire enfin mieux structurer l'action de l'Etat, éminemment interministérielle, et peut-être créer un établissement public consacré à l'amélioration de l'efficacité énergétique et à la promotion des énergies renouvelables.

Troisième priorité : soutenir nos entreprises et mener une politique de recherche ambitieuse.

A cet égard, il est nécessaire d'afficher clairement une politique de soutien aux entreprises françaises, à commencer, bien sûr, par EDF. Cette dernière doit pouvoir, dans le cadre d'un marché européen ouvert, et grâce à l'ouverture de son capital, conserver son niveau de performance en gagnant des marchés à l'étranger, en mesurant bien l'énorme enjeu des centrales nucléaires ainsi que le dynamisme des marchés que représentent, de par le monde, les filières renouvelables.

Selon l'AIE, l'Agence internationale de l'énergie, l'énergie produite par les filières hors hydraulique devrait augmenter d'environ 4 % par an jusqu'en 2030. Ces filières étant appelées à connaître un grand développement, il est souhaitable que nos industriels, traditionnellement puissants dans le secteur de l'énergie, profitent de ces opportunités. Le fait de disposer d'un marché national important ne peut que les y aider.

Il nous faut, par ailleurs, très substantiellement augmenter nos moyens en matière de recherche. Là encore, n'opposons pas le nucléaire et les énergies renouvelables.

Nous devons poursuivre activement nos efforts de recherche dans le domaine nucléaire, que ce soit sur les réacteurs d'une nouvelle génération, sur les produits de fission ou sur les conditions de stockage des déchets : entreposage et transmutation.

Nous devons tout aussi activement développer et amplifier nos efforts de recherche sur les technologies du renouvelable, sur les matériaux employés tout en recherchant l'efficacité et la réduction des coûts. J'ai parlé dans mon rapport de changement d'échelle des efforts de recherche à accomplir dans ce domaine.

Nous devons travailler sur la technologie du captage du dioxyde de carbone comme sur l'utilisation, peut-être pour après-demain, de l'hydrogène ; notre collègue Claude Gatignol a souvent exprimé cette nécessité. Et quand je dis que nous devons travailler, cela signifie qu'il faut y consacrer des moyens publics, en recherche fondamentale comme en recherche appliquée et, sans doute, coordonner plus efficacement l'action de l'Etat en la matière. Mais cela veut dire aussi inciter, pour ne pas dire obliger, les acteurs privés à s'impliquer dans tous les domaines de la production d'énergie.

Monsieur le ministre, la France doit afficher clairement ses ambitions pour son avenir, pour notre avenir et pour celui des générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous attendions depuis longtemps un débat sur l'énergie. Le voici enfin, même si nous n'avons eu que peu de temps pour le préparer, puisqu'on ne nous l'a annoncé que la semaine dernière.

Un débat sur l'énergie nécessite sans doute que soient évoqués les grands sujets, mais le temps qui nous est imparti ne nous permet pas de le faire complètement. C'est pourquoi je n'aborderai rapidement que quelques questions.

D'abord on ne peut pas taire les problèmes liés à la production, et plus précisément à la ressource, car cette dernière ne se renouvelle pas toujours régulièrement. C'est le cas des énergies fossiles, dont on a longuement parlé.

Il et indispensable que nous ayons travaillé avant l'été, sur la façon d'assurer la maîtrise de la ressource, qu'il s'agisse de sa maîtrise technique ou de sa maîtrise géopolitique, évoquée par M. le ministre Sarkozy tout à l'heure. L'enjeu est de taille et nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte dans les choix que nous ferons.

La sécurité est une question qui ne se limite pas à celle des installations nucléaires. Bien d'autres problèmes peuvent se poser, qu'ils soient liés à la consommation quotidienne ou aux transports.

Quant à l'acceptation, elle n'est pas que sociale et elle ne concerne pas que la production d'énergie nucléaire et ses installations. Elle concerne aussi les énergies renouvelables, notamment l'énergie éolienne. Nous aurons donc à évoquer sans tabou le sujet, afin que nos concitoyens soient pleinement informés et puissent participer activement aux choix qui seront opérés.

Nous devrons également traiter de la question du transport d'énergie avec ses limites, notamment physiques, qui existent incontestablement, et économiques, ainsi que la question de son acceptation, laquelle se pose pour toutes les interconnexions qui conditionnent l'équilibre du marché sur la plaque européenne.

Monsieur le ministre, même si vous le connaissez déjà, je veux appeler votre attention sur le phénomène suivant : tout le monde théorise les échanges d'énergie entre les principaux pays de l'Union européenne, sans s'inquiéter ni des conditions dans lesquelles ils pourront se faire ni des capacités d'interconnexion que nous avons ou que nous aurons dans les années qui viennent.

Par ailleurs, la consommation des particuliers et sa maîtrise est sans doute un sujet sur lequel personne n'a encore suffisamment travaillé ces dernières années. Il faudra nous pencher dessus avec insistance.

Je tiens à insister sur le statut des entreprises publiques. A ce sujet, je rétablirai, d'abord, quelques vérités chronologiques.

Depuis quelques jours, le débat fait rage, entretenu par des contrevérités propagées par des personnalités éminentes. Tout récemment encore, ici même, M. Sarkozy a évoqué les différentes directives européennes. Je rappelle que la première directive Electricité a été approuvée sous le gouvernement Juppé, même si le débat durait depuis une dizaine d'années au niveau de la Commission européenne. Le gouvernement Jospin l'a, certes, transposée, mais dans des conditions dont beaucoup ici doivent se souvenir : a minima et, nous aviez-vous alors reproché, à reculons. Qu'on ne nous dise donc pas que nous sommes responsables de la situation dès l'origine. Ce n'est pas la vérité.

Cette première transposition ne concernait que les clients industriels. C'est à Barcelone, il est vrai, que l'on a accepté l'ouverture à l'ensemble des activités économiques et des collectivités, mais pas aux particuliers, contrairement à ce que prétend M. Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le renvoie à un procès-verbal de la commission des affaires économiques, où Mme Fontaine, alors ministre de l'industrie, tenait les propos suivants : « La position que défendra la France au cours du conseil des ministres de l'énergie du 25 novembre prochain comportera deux volets : d'une part, une attitude ouverte à la libéralisation du marché, y compris pour les ménages ». La preuve que, jusque-là, cela n'était pas fait, c'est qu'elle promettait de le faire.

M. François Brottes. C'est clair !

M. François-Michel Gonnot. Et Barcelone ?

M. Jean Gaubert. Soit Mme Fontaine ne savait pas de quoi elle parlait,...

M. le ministre délégué à l'industrie. Elle respectait les engagements de la France pris à Barcelone !

M. Jean Gaubert. ...soit, ce que je crois plutôt, elle affirmait très clairement la volonté du Gouvernement d'engager la France à ouvrir le marché des particuliers lors du conseil du 25 novembre 2002.

M. le ministre délégué à l'industrie. La France n'a qu'une parole, même quand c'est vous qui la donnez !

M. Jean Gaubert. Je me souviens d'avoir été si surpris par cette position que j'en ai recherché l'origine.

M. François Brottes. La vérité est dure à entendre !

M. Jean Gaubert. Ce n'est pas toujours simple, en effet, mais, pour de grands libéraux, cela ne devrait pas être trop difficile à accepter.

Autre contrevérité : l'Union européenne demanderait la privatisation d'EDF. Or elle n'en demande même pas l'ouverture du capital ; elle préconise seulement l'aménagement de la garantie de l'Etat en même temps que la libéralisation du marché.

Là encore, je vais vous donner lecture d'un texte, qui est public dans cette maison puisqu'il s'agit de l'audition de M. Monti, le 10 juin 2003, devant la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques. Il a déclaré : « L'article 295 du traité des communautés européennes précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les Etats membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des Etats membres. Je voudrais ajouter qu'au-delà de l'aspect strictement juridique, notre approche est également fondée sur le fait qu'en qualité d'autorité en charge de la concurrence, nous ne voyons aucune raison économique de privilégier ou de discriminer une catégorie d'entreprises ».

Après cela, on ne peut pas continuer de prétendre que c'est l'Union européenne qui nous impose l'ouverture du capital ou la privatisation. Il y a, bien évidemment, d'autres raisons.

S'agissant du principe de spécialité, il nous est souvent reproché de n'avoir rien fait. Je ne voudrais pas vous imposer d'autres lectures, dont vous disposez certainement.

M. François Brottes. Pourquoi pas ?

M. Jean Gaubert. En vous référant à l'article 44 de la loi du 10 février 2000, vous constaterez que nous avions prévu des dispositions relatives à l'abandon progressif du principe de spécialité, bien entendu seulement pour les clients éligibles. Pour les clients non éligibles, il était logique, à l'époque, d'en rester à la situation présente et de laisser le principe de spécialité continuer de s'imposer.

Voilà quelques-unes des contrevérités qui ont été proférées depuis quelque temps, mais, monsieur le ministre, des contrevérités, même assénées avec beaucoup de conviction, ne font jamais des vérités.

M. François Brottes. Très bien !

M. Jean Gaubert. On nous présente l'ouverture du capital comme obligatoire. Or, je le répète, elle ne relève pas d'une obligation européenne. En revanche, il est clair que l'entreprise EDF, plus d'ailleurs que Gaz de France, a besoin de fonds propres. M. Sarkozy a dit très justement que l'Etat, depuis très longtemps et quelle que soit la majorité, s'est comporté comme un mauvais actionnaire. La dernière augmentation de capital a eu lieu en 1982, sous un gouvernement de gauche. Depuis, il n'y en a pas eu mais l'Etat n'oubliait pas de venir régulièrement piquer dans la caisse. On sait que, souvent, ces entreprises ont dû contribuer à boucler, non pas les fins de mois, mais les fins d'exercice budgétaire de la France.

M. François-Michel Gonnot. Sous des gouvernements de gauche aussi !

M. Jean Gaubert. Tout à fait ! C'est vrai pour des gouvernements de droite comme de gauche. L'année de tous les records fut cependant 1987 : c'est sur la quasi-totalité du bénéfice d'EDF que l'Etat fit main basse.

Le problème des fonds propres existe bien, mais on ne peut pas dire que l'ouverture du capital nous est imposée par l'Europe. Il faut avoir le courage de ne pas mettre en cause l'Union européenne dans cette affaire.

A propos de l'ouverture du capital, une question n'a, semble-t-il, pas reçu de réponse ou plutôt pas de vraie réponse : s'agit-il de faire une augmentation ou une substitution de capital ? Si je reconnais que nous avons besoin d'une augmentation de capital, j'ai cru comprendre que l'on procéderait, comme pour les autres privatisations, à une substitution de capital, en vendant une part de l'Etat dont le produit alimenterait les caisses de Bercy plutôt que celles de l'entreprise.

D'autres questions se posent s'agissant des conséquences de la libéralisation sur la vie de nos concitoyens.

Ainsi qu'en sera-t-il de la péréquation des tarifs de l'électricité ? M. Sarkozy a bien affirmé que cela ne changerait rien mais comment cela se pourra-t-il quand la moitié du prix de l'électricité payée par nos concitoyens relèvera du domaine concurrentiel et commercial ? Certes, il n'y aura pas de changement pour la part relative à l'exploitation des réseaux, mais il y aura forcément des disparités pour celle touchant à la fourniture.

Par ailleurs comment les consommateurs pourront-ils être protégés des vendeurs indélicats, comme on l'a vu à Londres il y a quelque temps ? Quel pouvoir de négociation auront-ils ? On leur promet - c'est formidable ! - qu'ils pourront négocier leur électricité. Les grands industriels, eux, pourront négocier, mais pas les petits consommateurs. On risque même de voir la grande distribution s'interposer entre ceux-ci et les négociants en électricité. Je ne pense pas que cela puisse être considéré comme un modèle.

Il sera encore plus important de renforcer le pouvoir de contrôle des collectivités locales. Les tarifs à la vente de l'électricité ne vont sans doute plus baisser, comme on l'avait envisagé. Pour présenter à peu près proprement la libéralisation, il faudra faire pression sur la deuxième partie de la facture, celle qui concerne l'exploitation des réseaux. Or si l'on fait pression sur l'exploitation des réseaux, dans quelques années, ces réseaux ne seront plus opérationnels. Je ne l'invente pas : c'est ce qui s'est passé dans tous les pays où la privatisation date de plusieurs années.

Les collectivités seront également confrontées à un problème en termes de capacité d'achat. Quand un vendeur d'électricité aura dû consentir des efforts pour placer de grosses quantités chez les industriels, il faudra bien qu'il se refasse, comme on dit à la bourse, pour équilibrer ses comptes. Qui paiera la différence ? Ceux qui ne seront pas organisés. Je demandais récemment à un chef d'entreprise de mes voisins, qui est un gros consommateur, comment il avait fait. Il m'a répondu que, puisqu'ils n'étaient pas assez gros avec la seule maison mère, ils avaient regroupé les trois plus grosses coopératives de l'ouest de la France pour commencer à avoir une capacité de négociation. Comment imaginer qu'un tel système puisse être reproduit par des consommateurs individuels ou des petites collectivités ?

M. François Brottes. C'est irresponsable !

M. Jean Gaubert. On a beaucoup évoqué ici les problèmes de maîtrise de la demande en énergie. La capacité de persuasion va devoir être décuplée. Jusqu'à présent, la publicité en matière de consommation d'énergie était contrôlée, mais demain, avec la libéralisation, les vendeurs d'électricité feront beaucoup plus encore de publicité qu'aujourd'hui.

M. Yves Cochet. C'est vrai : Areva en fait déjà !

M. Jean Gaubert. Comment pourra-t-on, demain, contrecarrer ces propositions diffusées dans la presse et quels moyens aura l'ADEME pour le faire ?

L'incidence de la libéralisation sur les choix énergétiques sera extraordinaire. En matière de production d'énergie, deux types de système existent : des systèmes de production très lourds en investissements et peu coûteux en consommables et des systèmes de production moins lourds en investissements et plus coûteux en consommables.

Dans les premiers, au risque de choquer, on peut mettre le nucléaire...

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. Jean Gaubert. ...mais aussi les énergies renouvelables. Dans la production d'énergie éolienne, ce n'est pas le vent qui coûte cher, mais la construction de l'éolienne. Si, demain, vous ne pouvez plus placer votre électricité, il vous faudra quand même amortir votre éolienne. Il en va de même pour les centrales nucléaires. Si j'étais industriel et que je n'avais pas la certitude de vendre mon énergie demain, je préférerais investir dans une centrale à gaz, qui coûte moins cher en investissement et en fonctionnement. En effet, ce qui coûte cher, c'est le gaz, mais quand je n'en vends pas, je ferme le robinet et je peux attendre.

M. François Brottes. Très juste !

M. Jean Gaubert. C'est à une orientation par défaut des systèmes de production d'énergie que nous risquons de nous voir confrontés. Le Gouvernement devra vraiment réfléchir aux moyens de contrecarrer ces dérives qui nous attendent.

La libéralisation, nous a d'abord été vendue comme une perspective fantastique pour le consommateur. Personne n'ose plus le dire depuis les derniers aléas que nous avons connus. D'autres pays s'y sont essayés : la Norvège, la Grande-Bretagne ou encore de grands états des Etats-Unis, comme la Californie ou le Texas. Trois constantes peuvent être relevées dans l'ensemble de ces pays : l'organisation de la pénurie par le marché ; le vieillissement des moyens de production et des réseaux ; le fait que le petit consommateur est systématiquement lésé.

Les libéraux nous disent que c'est parce qu'on n'a pas été assez libéral.

M. le président. Il faudrait conclure !

M. Jean Gaubert. Je termine. Mais dans les années quatre-vingts, n'entendait-on pas, à propos des régimes communistes que c'était parce que le communisme n'était pas bien appliqué que cela ne marchait pas ?

Je voudrais vous alerter : le résultat de la libéralisation pourrait bien être similaire.

M. François Brottes. Absolument !

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, la libéralisation, nous savons déjà ce que c'est. Nous savons ce qu'elle a produit dans d'autres pays. Nous voudrions être sûrs que vous nous proposerez des solutions propres à nous éviter le pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

(Mme Hélène Mignon remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le domaine énergétique constitue un enjeu majeur pour notre pays puisqu'il est l'un des premiers acteurs du bien-être quotidien de chacun et un facteur déterminant de notre compétitivité économique. Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi de vous adresser mes sincères félicitations pour la célérité avec laquelle M. le ministre d'Etat et vous-même avez inscrit ce débat essentiel pour notre société à l'ordre du jour des travaux du Parlement.

Nous allons devoir décider d'une politique énergétique intégrant au moins trois composantes - économique, sociale et environnementale - et prenant en compte non seulement la situation nationale mais également l'évolution mondiale prévisible. En effet, au-delà de l'indispensable préservation de l'environnement, toute politique énergétique sera fatalement empreinte de la loi de l'offre et de la demande et des tensions sur le marché mondial de l'énergie.

Quand la Chine s'éveillera est le titre d'un ouvrage du regretté Alain Peyrefitte. C'est désormais chose faite, et l'Inde va faire de même. La croissance économique de ces deux géants entraînera inéluctablement une augmentation importante des consommations, avec une incidence sur les prix et un accroissement des émissions de gaz à effet de serre.

Dans ce contexte, notre taux d'indépendance énergétique, identique à la moyenne de l'Union Européenne, qui est voisin de 50%, est essentiellement dû à la production d'électricité à base de nucléaire et d'hydraulique.

Parallèlement, la demande d'énergie sur le territoire national augmente en moyenne chaque année de 0,7% sous l'effet notamment des consommations du secteur tertiaire et résidentiel pour les usagers thermiques et du secteur des transports, qui croît en moyenne de 2,3% par an.

Compte tenu de cette situation, il est nécessaire de définir une politique énergétique qui nous permette de léguer aux générations futures une économie à la fois plus performante et plus respectueuse de l'environnement. Si j'osais, je dirais que, puisque nous n'avons pas de pétrole, pas de gaz et pas de charbon, ayons des idées !

Comme disent les spécialistes, il nous faut définir un « mix » énergétique permettant de garantir à tous nos concitoyens un droit à l'énergie à un prix compétitif sur l'ensemble du territoire car l'énergie fait partie des biens de première nécessité et doit donc être accessible par les plus démunis.

Notre bouquet énergétique devra également contribuer à la compétitivité économique de notre pays. C'est probablement même sa mission de base car, sans socle économique solide, il ne peut pas y avoir de politique sociale pérenne.

Cette contribution s'articule autour de deux axes : celui du prix qui doit concourir à l'attractivité de notre territoire et permettre à nos entreprises de relever avec bonheur le défi de la concurrence internationale ; celui de la disponibilité, c'est-à-dire de la sécurité d'approvisionnement afin de limiter l'exposition de notre économie aux fluctuations des livraisons des énergies importées imposées par les aléas politiques.

L'indispensable diversification de notre bouquet énergétique devra s'appuyer sur un trépied : une meilleure maîtrise de notre consommation énergétique ; l'augmentation dans notre bilan énergétique de la part des énergies renouvelables et du gaz naturel et, enfin, le nucléaire, quels que soient les débats passionnés qu'il suscite.

Dès lors qu'il est prouvé et admis que ce sont les secteurs du résidentiel, du tertiaire et du transport qui sont les principaux acteurs de l'accroissement de notre consommation énergétique et de l'émission de gaz à effet de serre, c'est tout naturellement sur ces secteurs d'activité que devront porter nos efforts.

Dans le cadre des usages thermiques, il sera nécessaire de développer une double politique : une politique d'économie d'énergie assise sur des dispositions fiscales incitatives et une politique de développement volontariste des énergies renouvelables thermiques, notamment la biomasse, la géothermie de surface et le solaire thermique dont les potentialités méritent un effort de recherche. La consommation énergétique primaire actuelle des bâtiments anciens est de l'ordre de 500 kilowatts-heure par mètre carré alors que, avec les progrès continus des techniques d'isolation thermique et de régulation, il est possible de la ramener aux alentours de 50 kilowats-theure par mètre carré. C'est dire le gisement d'économies potentielles !

Les transports, premiers responsables des émissions de gaz à effet de serre et de l'accroissement de notre consommation d'énergie primaire, doivent faire l'objet d'une triple démarche : premièrement, la promotion et l'utilisation de biocarburants ou d'autres carburants renouvelables en substitution au gazole et à l'essence pour respecter nos engagements internationaux dans la lutte contre l'effet de serre et améliorer notre sécurité d'approvisionnement ; deuxièmement, l'accroissement, avec les constructeurs, de la recherche pour réduire les émissions de gaz carbonique des véhicules particuliers à 120 grammes par kilomètre ; troisièmement, l'amélioration de l'organisation urbaine des systèmes de transports collectifs et de fret.

Quant aux énergies renouvelables - hydraulique, éolien, solaire, vagues et courants marins, géothermie, biomasse, incinération des déchets - le sujet a, me semble-t-il, été remarquablement traité par notre collègue Serge Poignant et j'adhère à la majorité de ses conclusions. J'appelle toutefois l'attention de la représentation nationale sur les conséquences de l'obligation d'achat faite aux opérateurs électriciens.

Dans le scénario envisagé par RTE pour 2006-2015, la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables nécessaire pour respecter le protocole de Kyoto - soit 21 % - sera loin d'être neutre sur la facture du consommateur, même si l'on peut avoir plusieurs lectures de cet objectif.

Sur la base des tarifs moyens d'achat, le surcoût pour l'ensemble des consommateurs, en tenant compte des économies induites pour le système électrique, s'établirait, pour l'année 2010, entre 1 456 et 1 614 millions d'euros.

La commission de régulation de l'énergie a estimé, pour la seule filière éolienne, que le surcoût cumulé jusqu'en 2025 serait compris entre 7,2 et 25,9 milliards d'euros selon les hypothèses retenues. Il est vrai que les conditions d'achat du kilowat-theure éolien sont particulièrement avantageuses pour les producteurs puisque la rentabilité annuelle a été estimée par cette même commission à 20% après impôt pendant quinze ans pour des sites correctement ventés, voire 32% pour des sites très ventés.

Cette situation pose plusieurs questions. Pourquoi la promotion des énergies renouvelables dans le secteur électrique, qui répond à des objectifs d'intérêt général, serait-elle financée par les seuls consommateurs d'électricité ? Cette assiette n'est certainement pas la plus judicieuse sur le plan social et économique. En renchérissant le coût de l'électricité, elle pourrait même inciter les consommateurs à recourir à d'autres énergies : vraisemblablement le fioul et le gaz naturel qui émettent des gaz à effet de serre.

Cette spécificité de l'énergie éolienne favorise le développement de la spéculation et suscite une agressivité commerciale de la part des opérateurs éoliens qui démarchent à outrance les communes rurales, générant de véritables conflits parmi la population. En outre, certains maires, initialement favorables aux projets, sont désormais inquiets, voire hostiles du fait des obstacles qu'ils rencontrent avec leurs administrés et de l'incertitude qui règne sur la taxe professionnelle puisqu'une réforme de celle-ci est voulue par le Président de la République.

Il y a là, monsieur le ministre, me semble-t-il une réflexion à mener et, probablement, de nouvelles dispositions à prendre. Ne faudrait-il pas limiter dans le temps l'obligation d'achat, tout en permettant de tester l'efficacité des techniques mises en œuvre ? Pour l'heure, de nombreux élus ruraux de ma circonscription souhaiteraient que soit différée l'instruction des dossiers d'éolien terrestre en cours, qui posent des problèmes, en attendant le vote de la loi d'orientation énergétique et des éclaircissements sur l'évolution de la taxe professionnelle afin de pouvoir mesurer les retombées fiscales qu'ils pourraient obtenir.

J'en viens au gaz naturel.

Sa place dans notre bilan énergétique global devra s'accroître pour deux raisons essentielles.

La première est que la consommation de gaz naturel en Europe à l'horizon 2020 est promise à une forte croissance - estimée entre 30 et 40%. Je ne vois pas pourquoi, dans ces conditions, le marché français resterait à l'écart de cette croissance.

La seconde raison est que l'opérateur national Gaz de France s'affirme aujourd'hui comme un énergéticien intégré à dominante gaz. Leader sur le marché européen, il a fait évoluer sa position de négociant vers une stratégie d'intégration équilibrée et pragmatique de chaque composante de la chaîne gazière. De plus, il disposera d'une production propre de gaz naturel couvrant environ 15% de ses ventes, participant ainsi à l'indispensable sécurité d'approvisionnement, dont le socle demeure toutefois nos capacités de stockage souterrain.

Quant au nucléaire, c'est sans doute l'énergie qui suscite le plus de passion. On l'a vu avec l'intervention de M. Cochet. Pourtant, sans les choix opérés après le second choc pétrolier, nous serions toujours sous le joug d'une dépendance énergétique qui fragiliserait notre économie et notre cohésion sociale. Je me réjouis de l'annonce faite par le Premier ministre d'assurer l'avenir de la filière nucléaire française. C'est un choix de bon sens. Cela permettra de produire en base, quelles que soient les tensions mondiales sur le marché de l'énergie, une électricité nationale abondante et compétitive, que viendront compléter d'autres sources d'énergie.

Cette décision judicieuse permettra à notre pays, sans céder au tout nucléaire comme certains le prétendent, de maintenir une certaine indépendance énergétique sans avoir recours à une technologie étrangère et donnera à l'industrie nucléaire française la possibilité d'exporter ses technologies, ce qui est bon pour l'emploi. A cet égard, je pense que le site de Penly est prêt à accueillir l'EPR.

Je suis donc persuadé que le sens de l'intérêt général qui habite la représentation nationale permettra de définir une politique équilibrée sur le plan énergétique, économique et environnemental recueillant un large consensus national.

Néanmoins, au-delà des options que nous aurons choisies, ce sont des hommes et des femmes qui seront appelés à les mettre en œuvre. Dans ce cadre EDF et GDF devront prendre toute leur place. Avec leurs personnels, ces deux grandes entreprises ont déjà démontré leur capacité d'adaptation et d'évolution pour fournir à notre pays l'énergie abondante et compétitive dont il a besoin.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. J'approche de ma conclusion, madame la présidente.

La libéralisation des marchés de l'énergie voulue par l'Union européenne et acceptée par le gouvernement de Lionel Jospin exige d'adapter l'organisation d'EDF et de GDF. Il faut donner à ces deux grandes entreprises les moyens de faire face à la concurrence internationale. A cet effet, n'oublions pas que les bénéfices semestriels d'un grand groupe pétrolier sont équivalents au chiffre d'affaires annuel de Gaz de France.

Le ministre de l'économie a pris des engagements clairs, qui sont de nature à rassurer les électriciens et les gaziers sur leur statut. Cependant il importe surtout aujourd'hui de les fédérer autour de deux grands projets industriels non seulement en distinguant activités concurrentielles et activités régulées mais également en permettant à l'Etat, dans un concept d'entreprises intégrées, d'être toujours garant de la chaîne production-transport-distribution Celle-ci est la pierre angulaire de la performance du service public et doit être au cœur du projet permettant de concrétiser le triple objectif économique, social et environnemental dans le cadre d'une politique énergétique qui sera européenne et au sein de laquelle les électriciens et gaziers pourront démontrer leur aptitude à participer à l'amélioration de la richesse nationale dans un concept gagnant-gagnant.

Monsieur le ministre, vous avez toute ma confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2004 sera-t-elle décisive pour l'énergie ? La déclaration du Gouvernement sur l'énergie augure-t-elle d'une réelle politique nationale de développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation énergétique ou s'agit-il, une fois encore, d'un effet d'annonce, d'une mascarade démocratique ?

Décidé dans l'urgence de la conjoncture politique du gouvernement Raffarin III, ce « débat » - que je continue à mettre entre guillemets ! - ne sert-il pas uniquement de « cache-sexe » à l'annonce - voire au fait accompli - d'une décision unilatérale : le lancement d'un équipement nucléaire contesté et contestable ?

S'il y a un véritable changement de méthode ou de cap, il s'agit aujourd'hui de savoir si vous passerez réellement du discours aux actes. Jusqu'ici, au vu du débat controversé sur l'énergie « façon Nicole Fontaine », de la mise à l'écart du Parlement en matière de politique énergétique, le débat étant sans cesse repoussé - M. Ollier ne s'est-il pas exclamé : « Enfin un débat !» - ...

M. Michel Bouvard. Il y a eu un débat sous Jospin ? C'est curieux, je ne m'en souviens pas !

M. Philippe Tourtelier. ...et de l'absence de mesures concrètes dans tous les précédents budgets de l'industrie, de la recherche, de l'écologie et du développement durable, les politiques Raffarin I et II ont singulièrement manqué d'énergie !

Dans l'urgence, et après avoir tergiversé sur un pré-projet de loi d'orientation sur l'énergie, vous promettez de belles mesures pour la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables mais qui croire et, surtout, quand vous croire ?

Dans sa dernière déclaration de politique générale, il y a quelques jours, M. Raffarin a surtout parlé de l'EPR. La décision semble déjà arrêtée. Toutefois le même ne déclarait-il pas, en juillet 2002, dans son premier discours de politique générale, souhaiter un rôle accru pour les énergies renouvelables, ajoutant qu'un investissement long et important ayant déjà été consenti pour la filière nucléaire, il faudrait miser de façon analogue sur de nouvelles sources d'énergies. Devons-nous comprendre, à travers ces paroles, que, aujourd'hui, le Gouvernement s'engage à investir autant dans les énergies renouvelables que dans les recherches qui ont permis de réaliser le réacteur de troisième génération ? Dans ce cas, si vous construisez l'EPR, où allez-vous trouver les milliards d'euros que vous avez promis d'affecter de façon analogue au développement des énergies renouvelables ?

Ce débat est biaisé car il est constamment occulté par la question de l'EPR et nous ne saurions réduire la question du développement des énergies renouvelables au seul angle de la production d'électricité.

La filière des énergies renouvelables regroupe des sources d'énergie très diversifiées. Elles ont pour principal mérite - cela a été rappelé - de pouvoir jouer un grand rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique et - bien qu'on le dise moins - de préserver notre indépendance énergétique. Ce sont ce qu'on appelle communément des énergies propres qui ne rejettent pas de gaz à effet de serre.

Le nucléaire me semble une technique improprement qualifiée de propre. En effet, si elle est propre au niveau des gaz à effets de serre, on occulte complètement la question des déchets. Monsieur Ollier, le développement durable ne se réduit pas aux gaz à effet de serre et aux paysages. Pour l'instant, ce sont les déchets les plus durables.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je n'ai pas dit cela !

M. Philippe Tourtelier. Indéniablement, le développement des énergies renouvelables autres que les énergies fossiles et le recours au nucléaire correspond à une croissance soutenable. Celle-ci est préférable à un débat sur la décroissance et peut répondre à une demande mondiale de besoins en énergie, être synonyme de progrès, de développement économique et d'amélioration des conditions de vie à l'échelle planétaire, y compris dans les pays du Sud.

Maîtrisée et diversifiée, cette politique énergétique s'appuyant sur la modification de nos modes de consommation et de production, sur une efficacité et une sobriété en énergie et sur une promotion des énergies renouvelables constitue une véritable révolution. Si elle était en marche, cette politique répondrait réellement à la volonté de rupture que nous souhaitons en matière énergétique.

Tout d'abord le meilleur moyen d'augmenter notre indépendance énergétique est de consommer moins : la maîtrise de la demande énergétique - tout le monde l'a dit - est essentielle. On estime que, dans un scénario idéal, certes, mais cependant réaliste, on pourrait économiser, à terme, jusqu'à 50 % de notre consommation énergétique actuelle sans baisser notre niveau de vie, simplement en supprimant les gaspillages individuels ou collectifs et en améliorant l'efficacité énergétique de nos produits. Cette question doit être au cœur de nos débats. Elle passe bien avant la question de savoir comment produire une partie de cette énergie - 22 % seulement du total - qu'est l'électricité, avec ou sans EPR.

Ce n'est qu'après avoir impulsé, développé et évalué une véritable politique de maîtrise de la demande de l'énergie que nous pourrons juger du véritable niveau tendanciel de cette demande, de la part d'électricité dans cette demande et que se posera alors la question du mode de production de cette électricité. J'ai lu le rapport sur la durée de vie des centrales, et je n'en tire pas les mêmes conclusions que ses auteurs, compte tenu de l'état de notre parc actuel. Les chapitres I et II indiquent que les centrales peuvent durer relativement longtemps et qu'il n'y a pas d'urgence. Compte tenu de cet état de fait, mettons en œuvre cette politique de maîtrise de la demande ; ensuite on évaluera.

Le critère essentiel de décision doit être celui de la meilleure adaptation de l'énergie à l'usage qu'on en fait. Pour mener cette véritable politique de maîtrise de l'énergie, il faut associer la pédagogie, l'incitation, en particulier fiscale et le réglementaire.

Pour ce qui est de la pédagogie, appuyez-vous sur les collectivités territoriales en modifiant la loi relative aux responsabilités locales. Si vous ne voulez pas en rester aux déclarations d'intentions, prenez immédiatement une décision, monsieur le ministre, et demandez que les amendements que nous avions proposés pour créer un chapitre VI concernant l'énergie et l'effet de serre dans ce texte soient examinés en deuxième lecture au Sénat. Ce sera un signe de crédibilité de vos intentions.

Quant à l'incitation fiscale et réglementaire, on sait que le côté réglementaire est d'autant plus facile à mettre en œuvre qu'il s'accompagnera d'incitations fiscales. En prendrez-vous les moyens ? Surtout en avez-vous les moyens ?

Rappelons que le résidentiel, l'habitat tertiaire et les transports représentent les deux tiers de notre consommation énergétique. Allez-vous rétablir l'aide aux PDU - les plans de déplacements urbains - et aux transports en commun ? Jusqu'où allez-vous soutenir les efforts de mises aux normes des logements construits avant 1975 ? II nous faut des réponses précises, gage de la réalité de votre volonté politique.

Quant aux énergies renouvelables quelles mesures concrètes allez-vous prendre et financer pour que notre pays commence à combler son retard sur les autres partenaires européens ? Dans les années quatre-vingts, notre pays était en tête pour les réalisations solaires. Par ailleurs la France est le pays européen le mieux pourvu en possibilités pour le développement de l'éolien. Et pourtant, dans ces deux domaines, nous sommes maintenant dans les derniers en Europe.

Par exemple, en solaire thermique, en 2001 nous avons installé en France 46 000 mètres carrés de capteurs, quand l'Allemagne en a installé 900 000. Souscrivez-vous, monsieur le ministre, aux critiques très vives du président Ollier concernant les énergies renouvelables, en particulier sur les politiques tarifaires qui ont permis à l'étranger, dans les autres pays européens, l'arrivée à maturité de ces filières ?

M. François Brottes. Il a été très virulent !

M. Philippe Tourtelier. Monsieur Ollier, vous ne voulez pas voir l'intérêt global de ces énergies, en termes non seulement de production, mais aussi de création d'emplois et de positionnement sur les futurs marchés porteurs mondiaux.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je n'ai jamais dit cela. Pas d'amalgame !

M. Philippe Tourtelier. Le secteur des énergies renouvelables ne représente que 5 000 emplois en France, contre 70 000 en Allemagne, et 200 000 en Europe. On compte sur 800 000 emplois en 2010 en Europe. Serons-nous absents de ce développement ?

Vous en restez à une conception étriquée et souvent hexagonale de la production d'énergie centralisée et vous laissez les autres pays prendre nos parts de marché potentiels. M. le ministre d'Etat, lors de son discours introductif, a peu parlé du solaire, filière d'avenir qu'il faut porter à maturité. Là aussi, il faut des signes forts et immédiats pour crédibiliser vos discours.

Vous pouvez mettre dès maintenant en œuvre certaines recommandations des rapports écrits par deux députés de votre majorité - Jean Besson et Serge Poignant - ou d'autres qui sont dans le rapport d'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques Par exemple sur le solaire, un simple arrêté du ministre de l'industrie permet l'évolution du tarif d'achat de l'électricité solaire photovoltaïque, pour lequel il est proposé d'aligner le tarif français sur le tarif allemand pour les cent premiers mégawatts réalisés, soit 46 centimes d'euros contre 15 centimes d'euros aujourd'hui.

Monsieur le ministre, dès demain, en prenant cette décision, vous pouvez passer du discours aux actes.

De même, nous connaissons, comme vous tous, l'importance de la recherche pour le développement des énergies renouvelables. Serge Poignant, dans son rapport, précise que, au cours des dix dernières années, l'Allemagne a consacré neuf fois plus de moyens que la France à la recherche en matière d'énergies renouvelables. Or tout le monde le sait - vous à vos dépens - que la recherche est primordiale. Elle constitue un élément essentiel pour effectuer d'éventuels sauts technologiques, en particulier dans le solaire.

Cependant, pas plus que l'an dernier, bien que le Gouvernement ait enfin entendu l'appel du monde de la recherche, nous n'avons de vision claire sur les crédits de recherche concernant l'énergie. Puisque maintenant vous voulez faire de la recherche une priorité nationale faites effectivement de celle en matière de ressources énergétiques nouvelles un exemple de priorité des priorités.

Il est urgent de dresser un bilan des moyens et, surtout, des acteurs, souvent très compétents mais trop dispersés dans ces domaines. Du CNRS au CEA, en passant par tous les organismes et laboratoires engagés dans la recherche et le développement, il est nécessaire de rapprocher toutes les forces vives, de définir un plan pluriannuel, de mobiliser tant la recherche publique que privée. La loi d'orientation et de programmation sur la recherche annoncée pour la fin de l'année devra certainement consacrer une large part à cette priorité. Je rappelle que le rapport des députés Birraux et Le Déaut de novembre 2001 sur l'état et les perspectives techniques des énergies renouvelables dénonçait déjà le grand retard de la recherche française pour la quasi-totalité des filières d'énergies renouvelables.

On a souvent répété que l'une des causes de notre retard en ce qui concerne les énergies renouvelables tenait au fait que nos crédits de recherche, dans le domaine de l'énergie, avaient été absorbés en quasi-totalité par le nucléaire. Lorsqu'on interroge le ministre de la recherche sur ce point - je l'ai fait - on n'obtient pas de réponse.

Pouvez-vous vous engager à préparer un état des lieux clair de la recherche dans le domaine de l'énergie ? Quels organismes la portent ? Quels crédits y sont affectés ? Quels domaines de la recherche sont privilégiés ? Ce n'est qu'avec cet état des lieux que nous pourrons juger réellement de votre volonté de développer les énergies renouvelables, en ayant une vision claire des crédits de recherche affectés au développement des énergies renouvelables par rapport à ceux affectés au nucléaire. Avez-vous les moyens de ne pas choisir entre les recherches sur l'un et sur l'autre ? Quelles seront vos priorités ?

Jusqu'ici, la politique du Gouvernement n'était pas à la hauteur des ambitions affichées. Malgré vos précédents engagements, le pays était orphelin de mesures précises. Etes-vous, encore une fois, en train de nous mystifier, au risque de décevoir tous ceux qui attendent une véritable rupture de la politique énergétique, au risque de compromettre l'avenir non seulement de notre pays, mais aussi celui de nos enfants et de notre planète ? Ce domaine, vous l'avez rappelé, compte énormément si nous voulons relever le défi du réchauffement climatique et de l'épuisement rapide des ressources fossiles.

Echaudés par deux ans d'immobilisme, quel crédit pouvons-nous apporter à vos discours ? Avez-vous les moyens de faire à la fois la promotion de l'EPR et celle des énergies renouvelables. Vos discours sur la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables ne sont-ils pas seulement un alibi pour faire passer l'EPR ? Assurément, le développement des énergies renouvelables, la diversification énergétique, la réduction de l'émission de gaz à effet de serre, la création d'emplois, la compétitivité économique des filières renouvelables, la décentralisation de la production, la réponse aux besoins massifs des pays en voie de développement sont de grandes ambitions.

Si vous prétendez réaliser ces ambitions, il vous faut crédibiliser votre discours, en précisant les moyens dont vous disposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je dois d'abord vous indiquer ma satisfaction par rapport à l'organisation de ce débat sur la politique énergétique ; un débat attendu effectivement depuis de nombreuses années ; un débat trop longtemps différé, au moins sous deux législatures précédentes ; un débat nécessaire, car cette question est importante, aussi bien pour la vie quotidienne de nos concitoyens que pour les conséquences des choix effectués au niveau national et au niveau européen, à long terme dans le domaine de l'environnement, comme dans celui du maintien de nos capacités industrielles, donc de l'emploi.

Sans doute est-il utile de rappeler, face à la critique d'un débat hâtif, que le Parlement dispose de l'ensemble des données du problème depuis longtemps, depuis le travail réalisé autour du rapport Souviron, il y a déjà dix ans, puis du débat national sur les énergies, engagé à l'initiative du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en janvier de l'année dernière.

Ce débat et les choix qui en découlent répondent aussi à une attente de nos concitoyens : 51 % de ceux-ci se déclarent intéressés par les questions énergétiques et 70 % se considérent insuffisamment informés sur les questions liées à l'énergie dans notre pays, selon un sondage réalisé à l'ouverture du débat sur l'énergie, il y a un peu plus d'un an.

Ce débat arrive enfin au bon moment, c'est-à-dire au moment qui précède les choix qu'il faudra effectuer concernant l'acteur majeur pour la politique énergétique de la France que constitue EDF, mais aussi à un moment où l'on mesure les conséquences des choix effectués par l'Union européenne avec l'accord de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, en matière de libéralisation du marché énergétique, singulièrement du marché de l'électricité.

C'est sur ce marché de l'électricité, sur la politique qu'il convient de mener en la matière, que je souhaite concentrer mon intervention, notamment sur les conséquences industrielles des choix que nous serons amenés à faire.

Le ministre d'Etat a rappelé, dans son intervention en ouverture du débat, que la France, grâce notamment au choix de l'électricité et du nucléaire assure aujourd'hui 50 % de son indépendance énergétique. Les proportions sont beaucoup plus faibles chez nos grands voisins européens : 16 % en Italie. C'est d'ailleurs le cas de tous nos grands voisins, à l'exception du Royaume-Uni qui dispose des ressources pétrolières de la Mer du Nord. Ces voisins ont opéré des choix différents en matière énergétique. La plupart ont d'ailleurs opté pour la sortie du nucléaire et ils sont actuellement très déficitaires en production électrique.

La France est ainsi le pays d'Europe où l'électricité est parmi les plus compétitives : 10 % moins chère que la moyenne européenne. Notre pays se trouve, de ce fait, être exportateur d'électricité pour un peu plus de 13,5 % de la production : 69,5 terrawatts-heure.

Malheureusement la situation de l'Union européenne en la matière est différente et l'ouverture du marché qui aurait pu, comme dans d'autres domaines, se traduire par une baisse des prix pour le consommateur a rapidement trouvé sa limite pour le consommateur français, en particulier pour le consommateur industriel, du fait même de ce décalage important entre les capacités de production et les besoins.

Dès lors, le bénéfice de l'ouverture du marché, de la mise en œuvre des grands réseaux européens de transport d'énergie, acté par le traité de Maastricht, qui n'est d'ailleurs pas sans poser des problèmes d'insertion dans les paysages, notamment dans nos régions de montagne des Alpes et des Pyrénées, est sans doute plus réel chez nos voisins et concurrents que pour notre pays.

Si EDF peut, en effet, espérer trouver des débouchés plus accessibles et des ressources financières supplémentaires, propres à assurer le développement de l'entreprise, des craintes existent, monsieur le ministre, quant à la hausse des tarifs pour les industriels, gros consommateurs d'énergie, c'est-à-dire pour tout un secteur de l'économie primaire constitué par la chimie, les cartonniers, les industries papetières, l'électrométallurgie, l'aluminium, les aciers spéciaux, les fibres de renforcement.

Dans ma circonscription, près de 10 000 emplois dépendent de ce secteur industriel. Ils ont été créés à un moment où l'électricité ne se transportait pas. Ces emplois ont déjà été gravement menacés dans le passé. Un certain nombre de collègues du groupe socialiste le savent, puisqu'ils se sont battus, eux aussi, pour réduire l'influence du projet « coupable » de TGAP sur l'énergie, qui, tel qu'il était conçu, aurait conduit à la ruine industrielle de toute une partie de notre pays.

Cette TGAP - énergie a été d'abord restreinte dans un premier temps par la commission des finances, avant que le Conseil constitutionnel ne nous donne raison, après le recours que j'avais eu l'honneur de rédiger au nom du groupe RPR.

Cette industrie est confrontée à une concurrence étrangère très vive, notamment celle des pays asiatiques et d'Europe centrale. Elle travaille sur des cycles économiques longs, où les investissements sont très capitalistiques. Ce secteur a donc besoin d'une vision à long terme des politiques suivies. Il représente aussi plusieurs centaines de milliers d'emplois au niveau national, bien au-delà des 230 000 emplois directs dus au seul secteur de l'énergie.

Alors que, en 2001, la facture électrique globale des industriels baissait encore de 3 %, que le prix moyen se situait à 39 euros par mégawatt-heure en 2001, de fortes hausses ont été enregistrées depuis. Comme vous le savez, monsieur le ministre, les principaux consommateurs industriels reprochent au système d'avoir évolué d'un monopole de droit, agissant dans un cadre figé, vers un oligopole de fait avec des perspectives illisibles.

Au déficit de la production électrique au niveau européen s'ajoute le problème de l'organisation du marché qui bénéficie principalement, voire exclusivement, aux électriciens. C'est notamment le problème du marché de gros et du commerce de blocs en matière d'électricité. Le marché a vu l'arrivée de « producteurs-traders » : ces pseudo-commerçants ont contribué à une hausse des prix pour partie artificielle de plus de 40 % par bloc en deux ans. Les tableaux dont je dispose et que vous connaissez, sont là pour le démontrer. Cette incertitude sur les prix entraîne un doute quant aux marges futures de chaque site industriel, donc sur les investissements à réaliser.

Il y a là une situation d'urgence, avec un risque d'accélération de la désindustrialisation, puisque ces hausses touchent les industriels au fur et à mesure du renouvellement de leurs contrats. J'ai pu le vérifier dans ma propre circonscription, lorsque la société Metaltemple, sise à Saint-Michel-de-Maurienne, qui représente 400 emplois, a vu sa facture d'électricité s'accroître de 25 % après avoir traité avec la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, la proposition d'EDF étant supérieure de 27 %. Les négociateurs ont clairement évoqué l'intérêt de vendre à l'étranger et à meilleur prix.

Pour ma part, monsieur le ministre, je ne peux me résoudre à ce que l'exportation d'énergie, sans doute profitable pour EDF étant donné ses mauvais choix en matière d'investissements au cours des dernières années, puisse se traduire demain par une importation du chômage dans le secteur industriel. Je sais, en effet, comme tous les élus, que la présence de ces industries dans nos vallées est directement liée à l'énergie.

Le président et le principal vice-président d'ALCAN, groupe canadien aujourd'hui propriétaire de Pechiney, ne m'ont pas tenu un autre discours : ils m'ont déclaré en effet que la politique énergétique de la France, notamment en matière d'électricité, conditionne leurs décisions d'investissement dans notre pays. De la même façon, M. Rodier, PDG de Pechiney m'a expliqué que le maintien d'Aluminium Pechiney à Saint-Jean-de-Maurienne - ce qui représente 800 emplois - dépendait en grande partie des conditions du renouvellement en 2012 du contrat d'électricité liant cette entreprise à EDF.

Nous devons donc, au-delà du problème de l'organisation du marché de l'électricité, que je viens d'évoquer, nous donner les moyens de continuer à produire une électricité bon marché. De ce point de vue, et tous les élus responsables, qu'ils soient de droite ou de gauche, le reconnaissent, il est clair que l'on ne peut se passer du nucléaire. C'est pourquoi il est devenu indispensable d'engager la modernisation du parc de centrales, même si cela doit s'accompagner du développement des énergies renouvelables pour les usages domestiques, tel le solaire. La décision du Premier ministre concernant l'avenir de la filière électronucléaire est positive, et je m'en félicite. Je souhaite que la même volonté soutienne le développement des énergies renouvelables à usage domestique.

Je veux enfin, monsieur le ministre, insister sur les potentialités et les capacités de l'hydraulique. La hausse du prix de l'énergie et, plus encore, la gestion des pointes de consommation auxquelles nous sommes confrontés, justifie le lancement de programmes complémentaires en hydraulique, comme celui de la vallée de la Romanche, mais aussi les projets de stations de transfert d'énergie par pompage, les STEP. A la centrale de Grand-Maison, dans ma circonscription, deux minutes suffisent pour produire 1 800 mégawatts-heure. La part de l'hydraulique dans la production d'électricité, qui est actuellement de 15 %, doit être confortée.

En supprimant la taxe sur l'hydroélectricité, qui avait été instituée sur les barrages par le gouvernement socialiste pour faciliter la privatisation de la CNR, puisque la contrepartie était la hausse de cette taxe sur les centrales au fil de l'eau, le gouvernement Raffarin - et je l'en remercie - a ouvert la voie à de nouveaux projets en matière d'hydraulique. Encore faut-il qu'EDF engage ces projets.

Je terminerai mon intervention, monsieur le ministre, en disant qu'une fois que ce débat aura eu lieu et que le Gouvernement aura défini la politique énergétique qu'il convient de suivre, notamment en matière d'électricité, nous saurons alors quel doit être le rôle d'EDF dans notre pays. De mon point de vue, il n'y a pas de doute : EDF doit rester sous maîtrise publique de l'Etat, compte tenu des enjeux qui s'attachent à l'existence de cette entreprise, en matière environnementale, en matière de sécurité nucléaire, mais aussi en matière industrielle : n'oublions jamais que le sort d'une partie de l'industrie de notre pays dépend du prix de l'énergie et que ce sont des centaines de milliers d'emplois qui sont concernés.

Il faut garder cela à l'esprit, surtout lorsqu'on vante d'autres solutions, qui se sont avérées, dans le passé, plus coûteuses en matière de production d'énergie, et qui pourraient conduire à l'avenir à des pertes d'emplois de grande ampleur, à un moment où la crise de l'emploi, en particulier de l'emploi industriel, frappe chacun d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Tout, madame la présidente, monsieur le ministre, concourt à faire de ce débat un moment précieux de l'activité parlementaire. La donne environnementale a changé ; les discours les plus techniques sur les bouleversements climatiques sont aujourd'hui compris par nos concitoyens. L'effet de serre est cité parmi les menaces les plus préoccupantes, au même rang que le chômage ou les désordres internationaux.

La dépréciation continue du dollar depuis deux ans modifie notre facture énergétique, alors que, parallèlement, l'accroissement structurel, et peut-être souhaitable, du coût des matières premières nous rappelle que cette facture sera demain plus lourde pour nos économies occidentales. L'augmentation démographique mondiale, la demande accrue et légitime des pays en voie de développement, la croissance du PIB dans nos pays développés, ces trois réalités conditionnent également nos choix énergétiques.

Le débat qui s'ouvre doit donc tenir compte de ces données, dans un contexte international complexe où le Moyen et le Proche-Orient, régions énergétiques s'il en est, sont secoués par des désordres croissants, alors qu'inversement l'Europe a compris que l'énergie était une composante essentielle des politiques communautaires, même si, malheureusement, la réponse apportée paraît largement insuffisante.

Ce débat se tient enfin dans un environnement culturel différent. La donne démocratique a changé tout autant que la donne environnementale que je viens d'évoquer. La politique énergétique ne peut plus être un théâtre d'ombres. Les Français exigent un discours de vérité, qui garantisse notre approvisionnement actuel et celui des générations futures, qui assure la transparence et le contrôle des différents acteurs de cette filière. Ce débat est donc souhaité.

Néanmoins en précipitant ses choix, par exemple sur l'EPR, ou en considérant que l'ouverture du capital d'EDF était une fatalité, le Gouvernement ne respecte pas le calendrier qu'il nous a fixé ; il prend le risque de réduire le débat énergétique à la seule question de l'EPR, ou même du nucléaire, et affaiblit la portée de notre réflexion collective. Cela est d'autant plus dommageable que la politique énergétique pouvait apparaître comme l'un des rares sujets de consensus au sein de cette assemblée.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, évoquer trois orientations.

Je veux d'abord souligner la dimension européenne de ce débat.

La politique énergétique de notre pays relève en effet de l'espace européen. A côté de la politique agricole, la politique spatiale ou la politique aéronautique, il est urgent que nous proposions à nos partenaires européens une démarche intégrée en matière d'énergie. M. le ministre d'Etat nous a dit tout à l'heure qu'un mémorandum serait adressé à nos partenaires. Je souhaite que nous puissions effectivement nous engager dans cette voie. Les pays d'Europe sont en effet confrontés aux mêmes problématiques : régulation, ou absence de régulation, situation de crise, difficulté d'assurer la sûreté des approvisionnements ou nécessité d'améliorer le respect de l'environnement. Par ailleurs, les interconnexions, pour l'électricité comme pour le gaz, nous imposent cette stratégie communautaire.

Or les insuffisances des pratiques européennes sont telles qu'il nous faut aujourd'hui passer à une étape supérieure. Jusqu'à présent la Communauté s'est contentée de rappeler que le marché de l'énergie devait être européen et unique. Elle a oublié que nos concitoyens lui demandent d'abord d'harmoniser les politiques, de favoriser la recherche, d'engager des stratégies environnementales. En fait, comme chacun le sait, elle s'est contentée d'organiser la coexistence de quinze marchés, qui seront vingt-cinq demain, autour d'une conception libérale des échanges. Les Français souhaitent que nous passions désormais à un stade supérieur d'intégration des politiques énergétiques.

Puisque j'ai abordé la question essentielle des approvisionnements en Europe, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur le statut futur de Réseau de transport d'électricité, le RTE : est-il concerné par l'ouverture du capital évoqué ?

Deuxième orientation : la politique énergétique relève des principes de service public.

Ces principes traditionnels, sont reconnus par les différents traités européens. Il s'agit de la continuité de l'approvisionnement, de la sûreté de la production et de la solidarité tarifaire. La Commission européenne parle de service universel. L'expression est différente, mais le concept est le même.

Aussi, au moment où le Gouvernement tente de confondre différentes questions, devons-nous affirmer avec force que, si nous sommes attachés à l'espace européen, nous sommes tout aussi attachés au maintien d'EDF dans la sphère publique et sous maîtrise publique. La démarche du Gouvernement qui, tout en prétendant rejeter l'idée d'une privatisation, défend l'ouverture du capital et, au-delà, le changement de statut, apparaît en fait comme une étape dans un processus de désengagement de la puissance publique et non comme une nécessité entraînée par l'ouverture des marchés européens, comme l'a démontré notre collègue Jean Gaubert.

M. François Brottes. Ce n'est qu'un alibi !

M. David Habib. Pour des raisons liées à la sécurité des installations, que vous avez vous-même évoquées, la politique énergétique nécessite une maîtrise publique. Je souscris en outre à la démarche de notre collègue Michel Bouvard, qui a introduit dans le débat la dimension industrielle. Pour avoir compté sur le territoire de mon canton, à Noguères, une usine d'électrolyse, je sais combien la difficulté à assurer la continuité de l'approvisionnement, à des conditions tarifaires convenables, a joué dans la décision de fermer cette unité industrielle.

Quand on parle d'ouverture du capital dans ce secteur énergétique, je ne peux pas, moi qui suis un élu du bassin de Lacq, oublier la décomposition de l'ex-entreprise Elf et les reniements du nouveau groupe Total. J'ai ici les déclarations du gouvernement Balladur, ainsi que celles de Philippe Jaffré, l'ancien président d'Elf, qui nous assuraient que des dispositifs réglementaires s'opposeraient à la privatisation complète de cette entreprise. Il s'agissait d'ouvrir à peine le capital, nous disait-on.

M. François Brottes. Ça commence toujours ainsi !

M. David Habib. Jamais, au grand jamais, à les en croire, l'Etat n'abdiquerait son rôle d'actionnaire principal. Un décret avait même été pris en 1993, par un jeune ministre délégué au budget,...

M. François Brottes. Balladurien !

M. David Habib....créant une golden share, c'est-à-dire une catégorie d'action privilégiée, qui devait garantir à jamais la présence de l'Etat dans le capital de cette entreprise. Nous avons tous pu constater que ces murs juridiques ne résistaient pas.

Je veux, à l'occasion de cet exemple d'Elf, évoquer la sécurité.

Avant 1993, l'entretien des installations était triennal. Cela était d'autant plus nécessaire que le champ gazier de Lacq, riche en soufre, est l'un des plus dangereux du monde. Or, depuis la privatisation, cet entretien est quinquennal, parfois même moins fréquent encore. Je vous invite à demander à la DRIRE de Pau ce que cela signifie.

Quant à la recherche sismique, elle a été stoppée. Le groupe Elf, puis Total, ont préféré investir à coup sûr, et donc ailleurs, abandonnant par là même une région qui a fait et qui continue de faire sa prospérité.

Au-delà de cet exemple, cela me permet de souligner cette notion du service public dont a la charge notre entreprise publique EDF. Elle connaît des succès technologiques exceptionnels et reste un merveilleux outil au service des Français et de leur économie. La mobilisation du 8 avril, mais aussi l'annonce des journées d'action du 22 avril et du 27 mai, montre bien que, en quelques semaines, ce gouvernement a pris le risque de déstabiliser EDF.

Nous sommes certes favorables au réexamen du principe de spécialité. En revanche nous nous opposerons à une privatisation, même partielle, d'EDF-GDF. Moi qui suis partisan de l'énergie nucléaire, je considère comme une faute politique l'ouverture du capital d'EDF, tout comme le serait d'ailleurs l'ouverture du capital d'Areva. EDF a besoin, au contraire, de voir son lien avec la nation conforté.

A ceux qui, comme moi, aiment les Etats-Unis, je suggère de méditer ce commentaire de M. Severin Borenstein, un auteur américain connu pour ses convictions libérales : « Les Etats et pays qui n'ont pas encore emprunté le chemin de la dérégulation de l'électricité seraient avisés d'attendre, pour tirer les enseignements des expériences en cours en Californie, à New York, en Pennsylvanie, en Nouvelle-Angleterre, au Pays de Galles, en Norvège, Australie et ailleurs. » Nous proposons donc qu'une mission parlementaire puisse, avant l'examen de votre projet de loi, évaluer les effets des privatisations en matière énergétique.

Notre politique énergétique doit répondre à une réalité, - et ce sera ma troisième orientation - celle de l'augmentation croissante de la demande, et à deux impératifs : l'impératif environnemental et celui de diversification de nos sources énergétiques.

La population mondiale s'établira entre huit et dix milliards d'habitants en 2100. Cette augmentation démographique s'accompagnera d'une demande énergétique croissante. Le Conseil mondial de l'énergie retient l'hypothèse qu'en 2050 la consommation mondiale d'énergie sera de une fois et demie à trois fois plus élevée qu'en 1990. La consommation des pays en voie de développement représentera la moitié de la consommation mondiale. Ce contexte signifie que les matières premières consommées en France seront plus rares et plus chères.

Quant à notre propre demande énergétique, elle croît également, et elle continuera de croître malgré notre croissance faible. Ainsi, en 2002, la consommation française d'électricité a augmenté de 1,1 %.

Si l'on doit redécouvrir les vertus d'une politique d'économies d'énergie, reconnaissons les difficultés de l'exercice. Comme l'ont rappelé plusieurs orateurs, ce n'est plus l'industrie qui justifie l'augmentation de la demande française, mais les transports et le résidentiel, c'est-à-dire notre mode de vie.

En dépit de tous nos efforts en matière d'information et d'éco-citoyenneté, rien n'indique que ce mode de vie sera modifié dans le futur. Au contraire, les Français les plus démunis revendiquent un meilleur accès à l'énergie, et notre responsabilité sociale est de permettre cette accessibilité.

Malgré les améliorations dans les logements neufs, qui ont permis, grâce aux directives thermiques, de diviser par trois le volume des énergies consommées, la demande continue de croître.

C'est donc dans ce contexte que doit être définie notre politique énergétique. Comme tous les intervenants, je milite pour un bouquet énergétique qui tienne compte de cette demande croissante, un bouquet qui respecte l'environnement et les engagements de Kyoto et donc favorise les énergies non émettrices de CO2. C'est le cas de l'éolien, du solaire, de la biomasse et, demain, de l'hydrogène. Tel est bien sûr aussi le cas du nucléaire. Néanmoins, il serait tout aussi irresponsable de ne pas prendre la mesure des risques de cette énergie que d'y renoncer.

Les dernières législatures ont permis que le nucléaire sorte de ce débat d'experts pour appréhender des notions comme la sûreté ou la question des déchets. Il faut poursuivre cette démarche et développer cette capacité à examiner dans la transparence toutes les questions liées au nucléaire. Or, en réduisant le débat énergétique à la question de l'ouverture du capital d'EDF et à la question de l'EPR, vous commettez, justement, une mauvaise action pour le nucléaire.

Il aurait été plus conséquent, monsieur le ministre, d'engager le pays dans un vrai débat démocratique sur la réalité du réchauffement climatique, sur la durée de vie des centrales existantes et sur la mission de pilote que l'on pouvait assigner à l'EPR. Ce dernier est devenu un enjeu politique, alors qu'il devait être, éventuellement, un laboratoire.

En prenant la décision de multiplier les EPR - la Finlande hier, la France demain -, on ne règle pas la question posée par nos collègues Claude Birraux et Christian Bataille sur la durée de vie des réacteurs qui viendront en fin d'autorisation en 2017 et 2020.

En conclusion, nous savons tous que la réponse énergétique est ce mix qui limiterait l'usage des énergies fossiles, améliorerait l'efficacité énergétique et réconcilierait les défenseurs du nucléaire et les promoteurs des énergies renouvelables. Mais parce que vous êtes politiquement et financièrement dos au mur, je pense que, malheureusement, ce gouvernement ratera ce rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, voilà longtemps que le Parlement n'avait pas eu l'occasion d'un grand débat de politique énergétique. Je suis très heureux, comme président du groupe d'études sur les énergies, que le Gouvernement nous présente, dans cet hémicycle, des propositions fondées sur une vision réaliste et sur un courage certain que nous apprécions.

Compte tenu du caractère hautement stratégique du sujet et de ses conséquences sur les décennies à venir, ce débat est particulièrement important. Il vient après une année 2003 riche en événements énergétiques : le débat national, le rapport Birraux-Bataille, la canicule, les black-out multiples et variés, la déclaration de Nicole Fontaine en octobre et le choix de la Finlande en novembre.

Ce n'est pas un sujet facile et simple tant il y a des interférences économiques, écologiques, sociales et internationales. En effet, se mêlent plusieurs caractères quand on veut parler d'énergie. On se réfère à l'origine : fossile, végétale, nucléaire, solaire, hydraulique, géothermique... On considère les utilisations et usages : pour la chaleur, le confort du résidentiel-tertiaire, par exemple ; pour la force motrice, les véhicules de transport ; sous une forme bien particulière : l'électricité. On tient compte de l'effet de serre induit par tout ce qui est combustible et génère du gaz carbonique.

Si l'on ajoute les notions d'indépendance, de risques géopolitiques, on ne peut donc imaginer une politique énergétique sans un mélange équilibré, cohérent de différentes énergies. Une règle s'impose cependant : un pays moderne, soucieux de son avenir, doit disposer d'un bouquet énergétique assurant disponibilité, indépendance, compétitivité et respect écologique. De plus, il y a maintenant obligation de s'inscrire dans les règles du marché ouvert par les directives européennes.

De quels moyens disposons-nous ?

Il existe, certes, les énergies fossiles produisant du carbone à l'usage. La France n'en possède pas : gaz, pétrole, charbon sont absents de notre sous-sol et, pourtant, nous en utilisons beaucoup, que nous importons. Dans ce domaine, Gaz de France, opérateur historique, est prêt à affronter la concurrence pour ses clients, avec son réseau de transport de gaz mis à la disposition de tous, et attend d'être libéré des boulets statutaires pour être plus efficace, plus percutant, plus libre de ses choix industriels.

D'autres opérateurs sont bien évidemment présents et actifs, et seront également présents demain dans le domaine gazier. La facilité d'emploi du gaz naturel, ses réserves importantes, son stockage possible, ses performances énergétiques en font certainement une énergie d'avenir. Cependant la diversification d'approvisionnement est une absolue nécessité pour la France, monsieur le ministre, avec des contrats à longue durée lissant les variations de prix conjoncturelles.

De leur côté, les carburants issus du pétrole sont depuis longtemps dans le marché ouvert et ont permis l'extraordinaire développement des voitures particulières et des poids lourds, sans oublier la part réservée au chauffage domestique avec le fameux fioul. Toutefois le pétrole ainsi utilisé conduit à une production importante de gaz à effet de serre, malgré les efforts des constructeurs automobiles et les performances des nouveaux moteurs.

Nous savons que la recherche est intense et que les voitures hybrides sont une étape obligée pour obtenir des économies. Toyota déjà, Peugeot demain, sont en pointe sur ce sujet. J'ai décrit dans mon rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la pile à combustible, auquel plusieurs collègues ont fait référence, l'espoir de voir se développer une voiture non polluante, utilisant de l'hydrogène, extraordinaire vecteur d'énergie, sans être lui-même une énergie.

Cependant, l'Académie des sciences américaine a récemment déclaré qu'il faudra attendre deux à trois décennies avant que cette solution ne devienne une option crédible. Cela signifie, monsieur le ministre, que les efforts de recherche dans l'usage maîtrisé de l'hydrogène doivent être amplifiés. Dès maintenant, je vous propose la création d'une agence nationale de l'hydrogène qui rassemblerait les divers acteurs déjà présents, mais trop isolés à mon sens.

Une nouvelle stimulation, en liaison avec les PCRD européens, est nécessaire si nous ne voulons pas être dépassés par l'Amérique du Nord et l'Asie. La notion d'économie de l'hydrogène recueille dans ces pays beaucoup de financements publics et privés.

Une polémique existe sur la notion de ressources réelles en hydrocarbures, agitant les sociétés pétrolières, on l'a constaté il y a peu, et les responsables politiques. Cependant, il semble se confirmer que les Etats-Unis ne disposent plus dans leur périmètre que de huit années de production ! De plus, on comprend que, avec 53 % d'énergie provenant du charbon, abondant et pas cher, ils soient réticents, comme les Russes et les Chinois, envers le protocole de Kyoto. Mais de nouvelles technologies en cours de développement concernant le charbon laissent penser qu'un usage plus respectueux de l'environnement est très possible, et nous devons y prendre part.

Qu'en est-il des carburants renouvelables, issus des cultures agricoles ?

Notre excellent collègue Serge Poignant en a parlé avec une grande autorité. Nous savons déjà que se posent les questions des capacités de production et de coût de production, de l'impact des cultures sur l'environnement, des besoins réels de tels ou tels biocarburants pour un parc français de véhicules orienté vers le diesel à 68 %. Et n'oublions pas les directives européennes.

En fait, il semble bien que les économies soient à la fois obtenues par un nouveau mode de conduite et par les nouvelles motorisations. M. le ministre de l'économie y a fait allusion tout à l'heure.

Quant aux renouvelables thermiques - bois et déchets, solaire, géothermie - ils sont encore au seuil d'un vrai développement, bien que prometteurs et recueillant une adhésion populaire que les pouvoirs publics doivent soutenir. Je souhaite que le futur projet de loi comporte des incitations fortes et positives à ce sujet, car il s'agit de démarches individualisées et collectives pour les logements en particulier. Il y a là un bon moyen de lutte contre les émissions de CO2.

On voit donc très bien que tous les usages ont des limites quand il s'agit de matières importées, dont la pérennité n'est pas assurée ou dont les conséquences climatiques sont connues. Il est absolument nécessaire de souligner, de soutenir les efforts d'économies d'énergie, et l'ADEME doit retrouver son véritable rôle dans le domaine de la maîtrise. C'est le challenge de l'efficacité énergétique.

J'en viens à l'électricité, énergie bien particulière : elle ne se stocke pas, mais elle se transporte très bien, elle est sujette à des pics de consommation aussi bien quotidiens que saisonniers et sa production est très variée. Il est toutefois une caractéristique française : en 2003, l'électricité produite en France est provenue à 78 % de notre parc de cinquante-huit réacteurs nucléaires, à 11 % de l'hydraulique - il y a eu sécheresse, sinon c'est plutôt 15 à 16 % - et à 11 % de sources diverses telles que la cogénération ou le charbon.

On remarque que cette production d'électricité est très peu génératrice de gaz à effet de serre ce qui place la France en tête des pays les plus vertueux, et cela sans injonction constitutionnelle superflue. Ce choix résulte d'une politique courageuse et clairvoyante, voulue par le général de Gaulle, avec la création initiale du CEA, maintenue par les Présidents de la République et les gouvernements successifs dont celui de Pierre Messmer, malgré les alternances politiques.

Trente années plus tard, il me paraît essentiel de tirer un bilan de cette politique, au moment où nous allons procéder à de nouveaux choix qui engagent l'avenir dans le cadre de la future loi.

Ce bilan, pour moi, est clair : grâce au choix de l'énergie nucléaire, notre électricien historique, EDF, a acquis une maîtrise de gestion et d'ingénierie reconnue au niveau international et nos industriels spécialisés, également partenaires avec Areva, sont devenus des interlocuteurs recherchés. Lorsque j'ai reçu, dans ma circonscription, le secrétaire américain à l'énergie, Spencer Abraham, je puis vous assurer de son émerveillement incrédule face à la réussite économique et à la maîtrise technologique de notre filière électronucléaire, du combustible au déchet vitrifié en conteneur. Il en était d'ailleurs de même pour les délégations japonaises, chinoises et européennes venues découvrir nos sites industriels. On comprend mieux alors l'attente impatiente d'EDF d'avoir la possibilité de donner la pleine puissance de ses moyens et d'être libéré de son statut d'EPIC et du principe de spécialité.

A ce sujet, et vis-à-vis du secteur public, les précisions que nous a fournies en début d'après-midi M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, nous rassurent pleinement. Elles sont claires, réconfortantes pour tous ceux qui sont attachés à nos deux très grandes entreprises, EDF et GDF, et à la compétence de leur personnel.

Nos choix politiques ont permis à notre pays de réduire sensiblement sa dépendance énergétique, celle-ci ayant été ramenée de plus de 75 % en 1973 à moins de 50 % aujourd'hui, ce qui est utile pour la facture d'importation ; d'être le pays de l'Union européenne qui émet le moins de CO2 par unité de richesse produite - que certains donneurs de leçons se les gardent ! - ; de maintenir un prix de l'électricité hors taxes parmi les plus compétitifs en Europe ; de se doter d'une filière à haute technologie, enviée dans le monde entier, qui emploie directement près de 100 000 salariés.

Evidemment, je n'oublierai pas la production de l'électricité par l'hydraulique, plus ancienne, mais qui a atteint des capacités maximales en France, ni, bien sûr, l'espoir fondé sur les piles solaires qui font l'objet de recherches très prometteuses et de récentes avancées.

Cela étant, il me paraîtrait tout à fait irresponsable et contraire à l'intérêt national de ne pas maintenir le choix du nucléaire au moment crucial où se pose la question du renouvellement du parc. Quant au faux argument de sa place prédominante, il faut savoir compter et mesurer que cela représente moins de 38 % de notre consommation énergétique totale. Or c'est l'objectif à atteindre pour plusieurs pays dans le monde ! Elle n'est pas excessive et ceux qui le prétendent commettent une double erreur d'analyse en prenant en compte le seul mix énergétique français, alors qu'il conviendrait de s'intéresser davantage au mix européen.

Selon les chiffres de l'AIE, la part du nucléaire dans la production électrique de l'Union européenne était, en effet, en 2002, de l'ordre de 33 %. Ce chiffre est-il excessif ? Je ne le crois pas ; il est très raisonnable.

Ne s'intéresser qu'au mix électrique français, c'est en effet avoir une vision assez archaïque et passéiste.

Chacun sait que les différents marchés nationaux de l'électricité sont aujourd'hui en cours d'intégration en Europe, malgré les difficultés qui demeurent pour renforcer les interconnexions, d'une part, et la mise en place des autorités de régulation, d'autre part. Tout le processus engagé au niveau communautaire pour libéraliser les marchés nationaux de l'électricité tend en effet à constituer un marché intégré. Celui-ci est déjà, pour partie, une réalité et vous savez que nos exportations d'électricité en 2002, 77 térawatts-heure, ont représenté environ 17 % de la production nationale. A cet égard, j'ai bien entendu le projet du ministre de l'économie d'établir un ratio consommation-production par pays.

De plus, se profilent les problèmes de gestion du CO2 non évitable, soit par instauration de quotas, soit par technique de captation. Quelle est sur ce point la position du Gouvernement pour défendre au mieux les intérêts français dans cette gestion des quotas d'émission de CO2 ?

J'ajoute que les décisions à prendre dans le domaine nucléaire nous engageront pour des dizaines d'années. Les centrales qui seront construites fonctionneront bien au-delà des années 2060-2080. À cette époque, de nouvelles technologies − les réacteurs de quatrième génération, d'une part, l'hydrogène, d'autre part − auront probablement révolutionné le paysage énergétique.

Enfin, indépendamment même de ces évolutions technologiques, on peut prévoir que nos besoins nationaux d'électricité vont connaître une forte croissance. En 2003, notre consommation intérieure d'électricité a été de 467,3 térawatts-heure, soit une progression de 3,9 % par rapport à 2002. Le 8 janvier 2003, la pointe extrême de notre consommation a atteint plus de 83 000 mégawatts, et, en août 2003, la pointe estivale près de 50 000 mégawatts.

Selon les prévisions de RTE, la pointe extrême pourrait atteindre plus de 100 000 mégawatts en 2020 et la consommation intérieure jusqu'à 567 térowatts-heure. Comment les produira-t-on sans des installations de base de grande capacité, disponibles en permanence ?

Nous avons une responsabilité politique : nous devons préserver la capacité de notre système électrique à faire face à nos besoins, dans des conditions optimales de coût et de protection de l'environnement. A cet égard, le président Ollier a tenu des propos fermes et réconfortants : je fais totalement mienne sa vision.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci !

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Claude Gatignol. Je suis donc convaincu que le choix d'un nucléaire fort est pertinent pour notre pays et je me félicite vivement de la décision de lancer la construction d'une tête de série du réacteur EPR. Elle n'avait que trop tardé et aurait dû être prise dès 2000. Je regrette que des considérations politiciennes aient conduit le gouvernement de Lionel Jospin à la différer, prenant ainsi le risque de fragiliser notre outil industriel et notre recherche.

D'autre part, je ne souhaite pas que, à la suite de l'ouverture du marché à la concurrence, nous soyons victimes du syndrome californien, maladie grave. Lorsqu'on ouvre un marché sans avoir assez de marchandises à vendre, on court à la catastrophe avec une élévation immédiate des prix. Ce n'est pas l'objectif recherché et nous avons déjà eu, récemment, une alerte en constatant une augmentation d'un euro par mégawatt et par mois. La production n'a augmenté que de 1,4 % en 2003, alors que la consommation a progressé de 3,9 %, et les industriels électro-intensifs ont été rapidement sensibilisés au problème.

Cela dit, l'énergie est un secteur trop stratégique pour que les décisions soient laissées au seul marché, dont la transparence est imparfaite. L'énergie nucléaire est certes compétitive, mais demande des investissements lourds qui, dans des marchés concurrentiels, représentent un risque à long terme pour les opérateurs. Il faut réfléchir à un régime juridique et fiscal adapté afin de tenir compte de cette réalité. Les parlementaires américains eux-mêmes sont en plein débat sur ce sujet, alors qu'ils ont besoin, malgré 104 réacteurs actuellement en fonction dans leur pays, de construire plusieurs dizaines de nouvelles unités nécessitant quelques milliards de dollars de financement, et que les prix du gaz et du pétrole augmentent.

La Finlande − pays rigoureux, s'il en est, à l'égard de son environnement − a récemment choisi, par la signature d'un contrat entre la compagnie d'électricité TVO et Areva, de construire un réacteur EPR : cette décision est très éclairante − si je puis dire − et apporte un démenti cinglant aux détracteurs de cette technologie avancée, plus sûre, plus performante, plus compétitive.

Demain, la Chine, avec le projet de construction de vingt-sept réacteurs nouveaux d'ici à 2020, le Japon, les États-Unis et d'autres annonceront des décisions fortes en électronucléaire. Il faut que l'industrie française soit prête à répondre : des milliers d'emplois dépendent de ces commandes potentielles.

Néanmoins il ne servirait à rien de produire bien si nous ne savons pas transporter notre électricité jusqu'au client. Les ruptures de flux qui, en 2003, se sont produites aux États-Unis, en Scandinavie et en Italie, sont là pour nous le rappeler. Il faut disposer d'un réseau solide, d'une gestion pointue, et les améliorer constamment : notre gestionnaire de réseau, RTE, a montré ses capacités, ses compétences reconnues en Europe, aux États-Unis, en Chine, où se développent des partenariats encourageants. Il faut donner à cette entité qui a fait ses preuves l'autonomie nécessaire pour qu'elle puisse répondre à ses missions essentielles.

Un réseau performant, des interconnexions européennes là où il faut : n'oublions jamais ces deux exigences, d'autant moins que nous avons la chance d'avoir une commission de régulation de l'énergie attentive, d'une indépendance et d'une neutralité à toute épreuve. Pour l'électricité comme pour le gaz, ses avis sont toujours très intéressants.

Alors que, malgré la récession économique, la France a vu sa consommation d'électricité augmenter de 3,9 % en 2003 − soit l'équivalent de la production de deux tranches nucléaires −, il y a lieu de prendre deux décisions que je considère urgentes.

La première consiste à décider rapidement quel site recevra le premier exemplaire de la série EPR ; c'est la suite logique du débat. Sur ce point, j'ai une proposition sérieuse à vous faire, monsieur le ministre.

M. Christian Bataille et M. Jean-Claude Lenoir. Flamanville !

Mme la présidente. Pourriez-vous faire cette proposition rapidement, monsieur Gatignol ?

M. Claude Gatignol. Ce site réunit à la fois toutes les qualités technologiques requises et le plus large consensus populaire local.

M. le ministre délégué à l'industrie. Où cela peut-il bien être ? (Sourires.)

M. Claude Gatignol. Il s'agit − mon collègue Jean-Claude Lenoir pourra le confirmer − du site de Flamanville, dans le département de la Manche.

M. le ministre délégué à l'industrie. Quelle surprise ! (Sourires.)

M. Claude Gatignol. C'est sans aucun doute actuellement le meilleur choix possible sur le territoire national. Il offre en effet toutes les qualités d'un site en exploitation, bien identifié, pourvu des autorisations, déjà préparé à recevoir une nouvelle tranche, situé, d'une part, le plus à l'ouest dans l'hexagone − ce qui, en termes d'aménagement du territoire, n'est pas indifférent −, et, d'autre part, sur le littoral maritime, ce qui écarte tout problème de canicule. Ce site vient de recevoir l'agrément ISO 14001 pour le parfait respect de l'environnement dans le fonctionnement des deux tranches 1 300 déjà existantes. Quant au consensus, je confirme, monsieur le ministre, qu'il est bien réel, à tous les niveaux. L'expérience vécue des grands chantiers est un gage de bonne organisation et de bon déroulement des travaux, dans cette presqu'île du Cotentin qui connaît la valeur du travail bien fait, et qui dispose d'entreprises de haute qualité.

La deuxième décision serait de réunir rapidement autour d'une table de négociation les représentants d'EDF et les éventuels partenaires européens, intéressés par une participation à un investissement extrêmement lourd et capitalistique. Je sais qu'il y a de bonnes possibilités d'accord et je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour mener à bien ces négociations.

Sur une base de 2,5 à 3 milliards d'euros, avec un calendrier nécessitant six à sept années de travaux avant le couplage au réseau, il est donc nécessaire d'agir − et pas simplement de parler − dans les meilleurs délais. Sur ce point aussi je sais que je peux vous faire confiance, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour le reste également ! (Sourires.)

M. Claude Gatignol. En conclusion, et avant d'aborder les étapes futures dans les semaines qui viennent, je considère que la politique énergétique française doit être fondée sur une continuité de référence, mais aussi sur une approche innovante.

Des entreprises dotées de capacités industrielles à la mesure des enjeux, la diversité des sources énergétiques, une bonne efficacité énergétique, une recherche soutenue dans les énergies nouvelles, l'indépendance et la compétitivité assurées par notre parc électronucléaire renouvelé, telles sont les bases d'une politique qui donnera à la France, pour le xxie siècle, les moyens de répondre aux attentes de sa population et de prendre une place importante dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Mach.

M. Daniel Mach. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France, a vécu, cet été, une situation climatique exceptionnelle, caractérisée par un ensoleillement intense, des absences prolongées de précipitations et de vent, ainsi que des températures très supérieures à la moyenne. Au-delà de ses conséquences humaines dramatiques, ces phénomènes rares ont permis une évaluation de la capacité et de la résistance de nos moyens de production électriques. Les impacts directs ont été immédiatement identifiés.

La sécheresse a entraîné une diminution du débit des cours d'eau et réduit de 19 % la production hydroélectrique. Nos centrales nucléaires ou thermiques à flamme, assujetties à de nombreuses réglementations imposant des restrictions d'utilisation en cas de températures trop élevées ou de refroidissement insuffisant, n'ont pu ni fonctionner normalement ni fournir les productions d'électricité escomptées. Quant à l'efficacité des éoliennes, qui ne représentent que 1 % de la production effectuée par EDF, elle a été réduite à néant à cause de l'absence continue de vent.

En matière de distribution électrique, la chaleur des sols a entraîné une recrudescence d'incidents sur le réseau souterrain, notamment à Paris. De nombreux clients ont subi des coupures, même si, grâce aux installations de groupes électrogènes par la force d'intervention rapide électricité, celles-ci ont été les plus courtes d'Europe. Parallèlement, RTE a mené de nombreuses interventions pour maîtriser les transits et sécuriser l'alimentation de plusieurs régions.

Corrélativement, ces difficultés ont été aggravées par l'augmentation de la consommation intérieure d'électricité des Français. Ainsi, une hausse de 4,2 % a été enregistrée par rapport à la même période en 2002. Dans certaines villes françaises, cet accroissement a été décuplé.

Devant la chute de la production et la hausse de la consommation françaises, la France a tenté de s'adresser aux pays voisins, mais, ce phénomène s'étant généralisé à l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, les marchés ont été tellement tendus que l'achat français d'électricité a été largement compromis.

Bien que notre système de production d'électricité soit réputé, en Europe et dans le monde, pour son efficacité, la canicule de l'été 2003 nous a prouvé que nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe que seul le développement des réseaux d'interconnexions pourrait pallier. En effet, aujourd'hui, en cas d'arrêt imprévu d'une installation importante de production en France, c'est l'ensemble des moyens de production d'Europe occidentale et centrale qui prennent le relais pour garantir à notre pays la continuité de fourniture d'électricité. Il est donc crucial de renforcer notre sécurité d'approvisionnement énergétique au sein de l'Union européenne et de réduire le prix de l'électricité dans le cadre de l'ouverture des marchés à la concurrence.

Par son positionnement géographique, la France est l'acteur incontournable de cette politique. Ses réseaux de transport d'électricité constituent par ailleurs le seul lien avec le reste de l'Europe pour des pays tels que le Royaume-Uni, le Portugal ou l'Espagne. Nos amis espagnols et portugais connaissent aujourd'hui une phase de forte croissance économique qui s'accompagne d'une augmentation considérable de la consommation énergétique. Actuellement, leur approvisionnement en électricité repose en grande partie sur des énergies renouvelables soumises aux aléas climatiques.

C'est sur la fragilité de nos voisins européens et sur l'indispensable collaboration entre la France et l'Espagne en ce domaine que je souhaite insister.

L'accroissement de la capacité d'échanges électriques entre nos deux pays constitue un acte de solidarité vis-à-vis de notre voisin espagnol et, plus spécialement, de la zone de forte consommation que constitue la Catalogne du Sud. Tous les chefs d'État européens ont d'ailleurs, en décembre 1994, déclaré ce projet d'intérêt communautaire.

En 2001, les gouvernements français et espagnols ont conclu un accord visant à accroître significativement la capacité d'échange entre les deux pays. Ces engagements, souscrits également par les gestionnaires de réseaux publics de transport d'électricité français et espagnol, conduisent à augmenter progressivement la capacité d'interconnexion. Ce programme s'appuie certes sur l'amélioration technique des lignes existantes, mais aussi sur le développement d'une nouvelle ligne au travers des Pyrénées.

En 2001, la société Réseau de transport d'électricité a proposé une esquisse, sous forme d'infrastructure aérienne, pour le projet d'une ligne à très haute tension qui traverserait le département des Pyrénées-Orientales. Une contre-expertise a été confiée à un cabinet italien totalement indépendant, chargé de l'étude de l'ensemble des possibilités tant techniques − telles que l'enfouissement sous-marin ou souterrain − que géographiques sur la totalité de la chaîne des Pyrénées. La remise de cette contre-expertise a été suivie d'un large débat public entre le 15 mars et le 15 juillet 2003.

Cet équipement éventuel a engendré une vague de contestations et d'inquiétudes de la part des élus locaux, des populations et de multiples associations. Ainsi, à la clôture de ce débat, une grande manifestation d'envergure a réuni, le 31 mai 2003, à Perpignan, plus de 10 000 personnes fermement opposées au projet.

En juillet 2003, parallèlement et après lecture des comptes rendus du débat public, Mme Nicole Fontaine, alors ministre déléguée à l'industrie, a demandé à RTE de retirer son projet initial et de procéder à de nouvelles études élargies portant, cette fois, sur toutes les possibilités de franchissement des Pyrénées, tout en considérant les infrastructures existantes et en projet, notamment du côté espagnol.

Dans l'attente de la nouvelle proposition de RTE, la tension ne faiblit pas. J'en veux pour preuve la manifestation du 31 janvier 2004, qui, hélas, à la veille des élections régionales et cantonales, a été démesurément politisée.

Nos concitoyens catalans, bien qu'ils ne soient pas opposés à cet acte de solidarité envers nos voisins espagnols, sont inquiets pour la préservation de leur département et pour l'avenir de ces ressources vitales que sont le tourisme et l'agriculture. Ils ne supporteraient pas que leurs Pyrénées-Orientales soient totalement défigurées par le passage d'une telle ligne à très haute tension et attendent énormément des études en cours. D'ailleurs, cette démarche doit être un acte de solidarité nationale et, à ce titre, c'est l'ensemble de la chaîne des Pyrénées qui doit y être associée.

Monsieur le ministre, le département des Pyrénées-Orientales ne pourrait pas supporter seul les séquelles de cette gigantesque cicatrice, si une telle structure devait y être installée.

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Leveau.

M. Édouard Leveau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle énergie pour la France ? Cette question, notre nation a dû y répondre dans les années 70, au lendemain du premier choc pétrolier.

Les choix qui ont été alors opérés ont permis, trente ans après, d'assurer à la France une indépendance énergétique supérieure à celle d'autres pays européens, situation à laquelle s'ajoute la compétitivité de l'énergie produite par EDF. Il importe de garder à l'esprit ces deux caractéristiques essentielles, pour les Français comme pour l'entreprise EDF, afin de répondre à la question qui est posée aujourd'hui à l'Assemblée nationale, mais aussi à chaque citoyen.

A cet égard, je félicite le Gouvernement pour sa volonté de transparence et pour son souci de démocratie sur ce sujet de grande importance. C'est la première fois qu'un gouvernement ouvre ainsi un débat national sur les énergies.

Le nombre important de participants à toutes les rencontres organisées dans ce cadre, illustre l'importance qu'attachent les Français au devenir de notre bouquet énergétique. Ce dernier est en effet soumis à plusieurs défis qui conditionnent la politique énergétique de notre nation pour les prochaines décennies.

Le premier de ces défis concerne l'environnement. Il revient, pour la France, à parvenir, à l'horizon 2008-2012, au même niveau d'émission de gaz à effet de serre qu'en 1990, soit une baisse d'environ 8 %.

Le deuxième défi a trait à la raréfaction des ressources en produits fossiles : charbon, gaz et hydrocarbures. Selon certains scientifiques, la vitesse de consommation de ces ressources naturelles est un million de fois plus grande que celle que met la terre à les reconstituer. Même si ces chiffres ne font pas l'unanimité auprès de tous les scientifiques, il est incontestable que ces ressources naturelles ne sont pas inépuisables.

Le troisième défi est relatif à la croissance de la consommation. Avec les vagues de froid du début d'année et les fortes chaleurs de l'été, la consommation a en effet connu une progression de près de 4 %. Cette augmentation de la demande d'énergie est, plus largement, un phénomène international avec la croissance de la population mondiale, surtout dans les pays en voie de développement.

Face à ces deux caractéristiques de notre bouquet énergétique - l'indépendance et la compétitivité - et à ces trois défis du futur, la France ne peut faire l'impasse sur l'énergie nucléaire, dont la complémentarité avec les énergies renouvelables est indiscutable. L'énergie nucléaire est en effet la plus transparente, grâce à l'autorité de sûreté, et elle ne produit quasiment aucun gaz à effet de serre, contrairement au charbon et aux hydrocarbures.

A cet égard, je me félicite que, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre ait indiqué qu'il était de notre responsabilité d'assurer l'avenir de la filière nucléaire. Cette position n'est due ni au lobby nucléaire, comme le prétendent certains, ni à une future adaptation juridique du statut d'EDF et de GDF, comme disent d'autres. Elle repose sur une vision d'avenir incontournable pour notre nation.

La France, comme la Finlande, doit opter pour le réacteur à eau pressurisée EPR, tant sa technologie est supérieure aux autres projets internationaux. Cette dernière est sans commune mesure avec le réacteur N4 tant ses progrès au niveau des performances, de la sûreté et de la production de déchets sont nombreux.

Bien entendu, certains affirment qu'il faut attendre la prochaine génération. Après l'immobilisme sur la réforme de la retraite, apparaîtrait l'immobilisme sur le bouquet énergétique. Ce serait une erreur irrémédiable pour notre nation du fait du vieillissement de notre parc nucléaire. Certes, une incertitude demeure quant à la disponibilité technique d'un réacteur de la quatrième génération. Les recherches dans ce domaine sont en effet loin d'être avancées. Il semble donc totalement irresponsable d'affirmer que cette génération pourrait être opérationnelle quand nous devrions remplacer nos réacteurs en fin de vie.

Sans l'exploitation de l'EPR, qui devient urgente, il y aurait ainsi un trou d'une quinzaine d'années entre l'arrêt des premières installations existantes et la mise en service des générateurs de la quatrième génération.

Monsieur le ministre, puisqu'il semble que, à la fin de chaque intervention il faille proposer des sites pour accueillir le réacteur démonstrateur EPR, je ne saurais m'en abstenir. (Sourires.)

Après avoir souligné l'importance de l'énergie nucléaire et l'obligation de la construction d'un réacteur EPR, permettez-moi donc de vous exposer les atouts du site de Penly, que deux de mes collègues normands ont déjà cité. Je le connais bien car, outre qu'il est situé dans ma circonscription, j'y ai travaillé. Pour qu'un site soit retenu, il lui faut être à la fois attractif et compétitif. A cet égard, les atouts de Penly sont de trois ordres.

Le premier tient à la forte attente qui existe dans la région après l'arrêt des travaux des tranches 3 et 4 de l'actuelle centrale au milieu des années 90.

Le deuxième atout est d'ordre géographique.

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Leveau.

M. Édouard Leveau. J'en termine, madame la présidente.

Compte tenu de l'expérience que nous devons retenir, suite aux fortes températures de cet été, il y a lieu d'élargir le panel des moyens de production d'énergie et de réfléchir à l'implantation des lieux de production d'énergie électrique à partir du nucléaire.

Les difficultés de refroidissement des réacteurs ont montré qu'il fallait privilégier l'installation de nouveaux réacteurs en bord de mer. Le site de Penly répond parfaitement à ce besoin du fait de sa position au bord de la Manche où existent de forts courants entre la Mer du Nord et l'Atlantique et un marnage de sept à dix mètres.

Le troisième atout, enfin, est de nature technique.

Initialement, le site de Penly devait accueillir quatre réacteurs. De ce fait, les lignes de transport ont la capacité, dans le cas de la construction d'un éventuel réacteur démonstrateur EPR, de transporter la totalité de la production de trois tranches.

Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je propose ce site. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos travaux s'inscrivent dans le débat national voulu par le Président de la République il y a plus d'un an. Il va nous conduire à faire des choix et à définir la politique énergétique de la France pour plusieurs décennies.

Ces choix ne sont pas neutres. Je rappellerai brièvement deux principes qui permettent d'en éclairer les conséquences, d'autant que, dès les prochaines semaines, nous aurons à dessiner l'avenir de nos opérateurs énergétiques nationaux et locaux.

Le marché de l'énergie est d'abord un marché stratégique ; ce n'est pas un marché de concurrence pure et parfaite dans lequel prévaudraient, selon les dogmes de l'économie libérale, les critères classiques de prix et de qualité des services. Il est, depuis toujours et peut-être pour toujours, un marché stratégique pour les Etats et pour les nations puisque la maîtrise des sources d'énergie et des modes de transport conditionne leur indépendance, donc leur puissance.

Les guerres ouvertes entre Etats, à l'exemple des guerres du Golfe, les contentieux, à l'image des conflits opposant les Etats du Caucase, ou les guerres économiques larvées, à l'instar de celle que mènent les Etats-Unis contre le protocole de Kyoto, donnent à ce secteur d'activité une nature singulière.

L'organisation du marché de l'énergie se pose ainsi autant en termes de sécurité économique que de conquête de marchés ou de compétitivité globale de l'économie française. Nos champions internationaux que sont Areva, EDF, GDF ou Total, appartiennent à ce périmètre stratégique qui est au cœur de la politique économique nationale.

Le secteur énergétique est, ensuite, un sujet stratégique pour la cohésion sociale.

Voilà trente ans, les choix énergétiques de la France ont bénéficié d'un consensus politique et social qui transcendait nos différentes familles politiques. Cette synthèse républicaine, unissant celles et ceux qui avaient d'abord à cœur de défendre l'intérêt national, a permis à notre pays d'assurer son indépendance énergétique, de bâtir une grande filière industrielle nucléaire et d'assurer un service public de qualité, le seul où un service garanti en cas de conflit social a pu être mis en œuvre.

A cet égard, l'ouverture, en juillet prochain, du marché européen de l'énergie constitue un formidable défi d'entreprise. Aussi, me semble-t-il essentiel d'entendre ce que nous disent les acteurs quotidiens de notre secteur énergétique, pour mieux les associer et les mobiliser afin de réussir cette étape capitale pour notre outil industriel. Vous venez, monsieur le ministre, de relancer ce dialogue social avec M. le ministre d'Etat, et je tiens à le saluer.

Cependant dessiner l'avenir de nos opérateurs locaux et nationaux, c'est savoir s'adapter.

Pour imaginer l'avenir de nos opérateurs énergétiques, il faut regarder, sans a priori, l'évolution de la demande en énergie. Celle-ci ne porte plus uniquement sur la fourniture d'une quantité d'énergie, mais également sur l'apport simultané de différentes énergies - le gaz et l'électricité -, sur les services entourant cette fourniture et sur la capacité du fournisseur à accompagner son client dans ses différentes implantations. Ainsi, pour rester compétitif, il est désormais nécessaire à la fois de fournir de l'électricité et du gaz et de proposer aux clients un savoir-faire, par définition cumulatif.

Cette évolution, je la mesure particulièrement en qualité de maire et de président tant d'une entreprise locale de distribution d'énergie que de l'association nationale des régies, lesquelles fournissent 5 % des consommateurs français. En effet, pour mieux répondre à la demande de nos administrés, tout en réalisant à l'échelon local des économies d'énergies loin d'être négligeables, certaines entreprises locales de distribution d'énergie proposent depuis quelques années à leurs clients plusieurs sources d'énergies.

Cette mixité de l'offre, cette capacité à s'adapter à la demande que nous avons su développer localement, contribuent aujourd'hui à la réussite de ces entreprises locales, dont la gestion financière reste exemplaire.

Je ne sais, monsieur le ministre, si l'on peut s'inspirer de cette singularité pour adapter notre outil industriel énergétique. Je suis sûr, en revanche que, dans un contexte nouveau de compétition internationale pour les gaziers et les électriciens, les personnels de nos deux champions internationaux doivent être à la fois associés à la définition des enjeux et mobilisés dans la conquête des marchés.

C'est à ce prix que le défi des nouvelles concurrences sera relevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour l'initiative prise par le Gouvernement d'organiser ce débat. La politique énergétique touche autant la vie quotidienne des Français que l'indépendance du pays, tant l'écologie que l'économie. Elle doit donc faire l'objet de discussions pour pouvoir dégager un consensus national. Et ce n'est pas le moindre mérite de cette majorité que d'accepter, mieux, de provoquer un tel débat, alors même que la majorité précédente, soucieuse de masquer les dissensions profondes qui l'habitaient sur ces sujets, avait soigneusement éludé des questions qui continuent à se poser, nié l'urgence et organisé l'atonie. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Ce n'est pas le cas, bien sûr, de la charte de l'environnement !

M. François-Michel Gonnot. Elle sera proposée avant l'été !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L'urgence existe pourtant et, d'abord, l'urgence écologique. L'effet de serre constitue en effet un défi lancé à nos politiques énergétiques et environnementales.

Il y a urgence industrielle, ensuite, puisque la France, qui a la chance de posséder des entreprises de premier plan comme EDF ou GDF, doit préparer leur avenir.

Il y a, enfin, tout simplement urgence car le monde bouge. Tel est le cas de l'Europe qui nous demande maintenant d'adapter rapidement notre système énergétique.

Il s'agit, à cet effet, de travailler à la maîtrise de l'énergie - le kilowatt-heure le moins coûteux pour chacun et pour l'environnement est celui que l'on ne consomme pas - mais une telle démarche ne doit pas être une simple antienne, un rappel obligé, sans rapport avec des politiques plus sérieuses ou des investissements lourds.

La France a été, dans les années 70 et 80, pionnière en matière de maîtrise de l'énergie. C'était l'époque du slogan : « En France, on n'a pas de pétrole mais on a des idées ». Nous avons peu à peu perdu de vue cette priorité. Il est donc temps de retrouver la voie d'une politique efficace de la maîtrise de l'énergie.

Il convient, à cet égard, de tirer les enseignements des politiques passées et, en particulier, d'un paradoxe apparent : en matière de maîtrise de l'énergie, il ne suffit pas qu'un investissement soit rentable - puisqu'une moindre consommation assure une facture moins élevée - pour qu'il soit réalisé. Ce que l'on appelle les gisements de maîtrise de l'énergie rentable sont nombreux mais restent, pourtant, inexploités.

Un facteur déclenchant est souvent nécessaire. C'est tout le rôle des décideurs publics et, en particulier, de l'ADEME. Je prendrai un seul exemple, celui des gaspillages d'énergie dans l'habitat.

Alors que les consommations y sont en constante augmentation, les premières réglementations énergétiques ne datent que de 1975. La consommation d'énergie qui était, en moyenne, supérieure à 300 kilowatts-heure par mètre carré et par an dans les habitations construites avant cette date est alors passée à une centaine dans les bâtiments plus récents. En Allemagne, la réglementation impose 75 kilowatts-heure par mètre carré et par an.

Les investissements de réhabilitation énergétique des logements anciens sont rentables dès la première année, pourvu que le remboursement de l'investissement soit correctement étalé dans le temps. Des prêts bonifiés pourraient y aider. De même, il pourrait être permis de s'endetter un peu plus à l'achat pour financer les investissements dans la mesure où ceux-ci améliorent dès la première année, en réduisant la facture énergétique, la capacité de remboursement.

Une mesure de ce genre présenterait par ailleurs l'avantage de créer des emplois. On sait combien le secteur du bâtiment, en particulier pour la rénovation, est riche en emplois.

La maîtrise de l'énergie doit s'accompagner d'une diversification de l'offre. Nous sommes aujourd'hui sortis du débat stérile du type écologie ou progrès, nucléaire ou énergies renouvelables. Le débat national sur l'énergie organisé l'an passé par le Gouvernement a marqué pour l'essentiel la fin des anathèmes, et c'est heureux. A nous d'ouvrir des perspectives pour une approche pragmatique, équilibrée et responsable en matière d'offre énergétique. A ce sujet beaucoup a déjà été dit aujourd'hui.

Il faudra par ailleurs tirer les enseignements des trois appels d'offre qui ont été lancés - deux sur l'éolien, un sur la biomasse - et ne pas oublier surtout le solaire thermique. Cette technologie mature mériterait un développement rapide dans les applications qui sont les siennes et dans les régions les plus favorables. Ce devrait d'ailleurs être une règle en matière de politique en faveur des énergies renouvelables que de coller au plus près à la logique de ces énergies, celle d'une production décentralisée de petite ou de moyenne capacité, dans une stratégie de niche selon le principe à chaque usage son énergie.

Je veux enfin traiter brièvement de l'électricité nucléaire à laquelle il ne serait pas raisonnable, ni souhaitable, de renoncer.

Outre l'avantage stratégique qu'elle présente pour notre indépendance nationale, ce qui ne peut pas nous laisser indifférents, en particulier ces temps-ci, outre l'avantage économique, sur lequel je reviendrai, l'électricité nucléaire ne dégage pas de gaz à effet de serre ; cela a été souligné. On voit mal comment, sans infliger des dégradations nouvelles à notre environnement, nous pourrions y renoncer.

Je vais d'ailleurs m'arrêter un instant sur l'avantage économique de cette énergie. C'est un sujet sur lequel nous devons être très vigilants.

Le nucléaire fournit une électricité 10 à 30 % moins cher que celle produite par les autres types de centrale. Cela constitue, en quelque sorte, le retour sur les investissements engagés de longue date, la compensation d'un effort consenti par la nation. La stabilité des coûts est un autre avantage qui s'ajoute à celui-là. Nous devons absolument faire en sorte que ces avantages ne soient pas dilués dans un grand marché à prix unique et perdus pour les Français. Cette prime doit, selon moi, être utilisée dans deux directions.

D'une part, pour financer la recherche sur les réacteurs de quatrième génération. C'est l'horizon souhaitable du nucléaire, l'horizon écologique, celui du réacteur sans déchet. La construction de l'EPR est sans doute une nécessité pour gérer la période de transition entre la fin des réacteurs actuels et l'avènement des réacteurs de quatrième génération. Il y a un peu d'inconséquence à prétendre passer de l'un à l'autre en fermant les yeux sur les vingt ans de transition que nous impose l'état actuel des technologies. Pour autant, je crois que nous ne devons pas perdre de vue que l'EPR est une transition et que notre politique énergétique doit s'inscrire dans le long terme. Une part de l'avantage économique du nucléaire doit donc financer la recherche sur la quatrième génération.

D'autre part, pour aider à la compétitivité de l'économie. En ces temps de concurrence mondiale et de délocalisation, la visibilité à moyen et à long terme du prix de l'électricité peut être un avantage concurrentiel de taille. Les entreprises sensibles, en particulier, peuvent trouver dans l'offre de tarifs de long terme reflétant l'avantage comparatif concurrentiel du nucléaire un critère de localisation déterminant. Cet avantage économique du nucléaire ne doit pas disparaître.

N'ayant pas le temps d'évoquer tous les aspects du débat, je me borne à souligner que le texte de la charte constitutionnelle de l'environnement, que nous discuterons prochainement, répond comme en écho à plusieurs questions que je soulève.

M. François Brottes. Quand en discuterons-nous ?

M. François-Michel Gonnot. Avant l'été !

M. François Brottes. Quel été ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, j'ai pris l'initiative d'organiser un cycle de rencontres, intitulé « Les travaux pratiques de la charte de l'environnement, appliqués cette année à l'énergie ». Ces rencontres sont l'occasion pour des professionnels, des élus, des acteurs de la société civile, de dialoguer sur ces différents sujets et d'illustrer utilement, me semble-t-il, nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, voilà plus de six heures que ce débat sur l'énergie, qui déborde largement les frontières de l'hexagone, est commencé. Dans un monde où les besoins en énergie ne cessent de croître, une telle discussion est évidemment de la première importance. Comme l'a souligné le ministre d'État dans son exposé liminaire, il faudra bien en passer par les économies d'énergie.

Comment freiner la consommation mondiale ?

La question est évidemment complexe et tous les intervenants ont développé, chacun à leur manière, les aspects qui les interpellaient le plus : économiser les énergies fossiles, développer les énergies renouvelables, réduire les émissions de gaz à effet de serre, voire proposer des incitations fiscales ; tous ces aspects s'inscrivant dans le cadre du développement durable.

Le collectif des antinucléaires souhaite le remplacement de l'énergie nucléaire par des énergies renouvelables, mais il faut bien se rendre à l'évidence : il n'y a pas aujourd'hui de solution satisfaisante sur les plans économique et environnemental sans recours au nucléaire. La difficulté est de trouver le bon équilibre énergétique et de résoudre, non seulement pays par pays mais également de manière plus globale, le problème de l'énergie en Europe et à travers le monde.

Si l'alternance peut être parfois salutaire en politique, dans le domaine de l'énergie notre pays a besoin d'une ligne directrice ; on ne peut pas changer de politique énergétique tous les cinq ans. C'est ce que nous propose courageusement le Gouvernement aujourd'hui, avec une vision à long terme.

Dans le cadre des énergies renouvelables et des énergies propres, je partage la volonté de développer les biocarburants, le bois énergie, l'énergie éolienne ou l'énergie solaire, tout en continuant d'ailleurs à utiliser au mieux l'énergie hydraulique. Je ne développerai aucun de ces points et je me bornerai à évoquer une expérience qui se déroule dans ma circonscription.

Nous étions, en _lsace, les premiers, en 1977, avec la centrale nucléaire de Fessenheim, pourquoi ne serions-nous pas les premiers dans le domaine de la géothermie sèche profonde ?

A Soultz-sous-Forêts, dans le Bas-Rhin, une expérience pionnière, unique, pourrait se révéler déterminante dans l'avenir. Il s'agit d'exploiter la chaleur provenant des roches souterraines, c'est-à-dire une source d'énergie non polluante. A quarante kilomètres sous terre, la roche atteint une température de 1 000° Celsius. C'est un stock d'énergie inépuisable. Le tout est de trouver une méthode pour la récupérer.

L'objectif du projet européen de Soultz-sous-Forêts est d'utiliser la chaleur du sous-sol pour produire de l'électricité. Au stade expérimental où nous en sommes aujourd'hui, les coûts de production, car production il y a, sont évidemment encore trop élevés, mais des progrès techniques devraient permettre de les réduire. La structure géologique de la plaine d'Alsace est très favorable, entre Vosges et Forêt-Noire, mais d'autres régions comme le sillon rhodanien, l'Auvergne, ou encore l'Europe centrale, la Turquie pourraient tout aussi bien convenir.

D'un point de vue technique, en 1997, deux puits ont été creusés, à 450 mètres l'un de l'autre, l'un pour l'injection, l'autre pour le pompage. Ils ont permis de réaliser une boucle de circulation d'eau à une profondeur de 3 000 mètres. La température de l'eau récupérée était de 140° Celsius. En 1999, un forage à 5 084 mètres de profondeur a permis d'atteindre des formations de roches ayant une température supérieure à 200° Celsius.

Devant le succès indéniable, les sceptiques se sont tus. Un groupement européen d'intérêt économique a été constitué, avec des partenaires comme EDF, Electricité de Strasbourg, l'électricien italien Enel, l'allemand Pfalzwerke, ou Shell, pour financer 20 % du projet, le reste provenant de fonds publics français, allemands et européens, pour un montant de 25 millions d'euros. L'objectif est de développer l'actuelle centrale de 6 mégawatts.

En théorie, l'avenir de cette initiative est très prometteur et l'extrapolation des succès déjà acquis permet d'espérer alimenter toute la région Alsace avec une électricité géothermique.

Pour l'heure, l'objectif est de parvenir à fiabiliser les nouvelles techniques d'injection et de pompage de façon à créer des boucles alimentant de véritables centrales électriques. L'étape suivante serait d'envisager un prototype quasi industriel de 25 mégawatts comportant neuf puits, trois pour les injections et six pour les pompages.

Il s'agit d'un projet écologique à 100 %. L'exploitation serait de type « zéro déchets » puisque l'eau ne rentre pas en contact avec l'air et repart illico au fond.

A la différence des éoliennes ou du solaire dont le rendement dépend des caprices météorologiques, l'énergie géothermique présente bien des atouts : elle est concentrée, puissante et continue. Cela permet de rêver à de la chaleur et de l'énergie en quantité illimitée et à des prix raisonnables. Mais ne rêvons pas trop car l'urgence nous dicte de prendre des décisions immédiates avec une stratégie à long terme et de changer nos comportements.

Pour terminer, permettez-moi de souligner combien l'engagement volontariste des régions en matière de politique énergétique peut être déterminant. La région d'Alsace...

M. Jean-Claude Lenoir. C'est une bonne région ! (Sourires.)

M. François-Michel Gonnot. C'est « la » bonne région. (Sourires.)

M. Frédéric Reiss. ...soutient non seulement le développement du bois énergie mais aussi celui de l'énergie solaire pour limiter la pollution atmosphérique, diversifier les activités des professionnels du bâtiment et pour combler le retard par rapport à d'autres régions européennes. Avec l'aide de l'ADEME et l'installation de mille capteurs solaires par an, l'Alsace est exemplaire en matière d'énergies renouvelables.

Je crois aussi à la multiplicité des initiatives pour économiser l'énergie domestique en responsabilisant les consommateurs mais je n'oublie pas que la meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. le ministre délégué à l'industrie. Madame la présidente, madame et messieurs les députés, je tiens d'abord à souligner la qualité de ce débat. Même si, parfois, le tempérament nous emporte, chacun s'est abstrait au maximum des choix partisans pour essayer de s'élever à des considérations d'intérêt national et à une vision à long terme qui honore le Parlement. Ce débat a donc été très instructif pour le Gouvernement.

Ainsi, la question de l'EPR et de la filière nucléaire m'a semblé recueillir un relatif consensus quant à la finalité, si j'excepte M. Cochet dont je salue le courage. Il a su défendre avec passion et conviction un point de vue original, de nature à nous faire réfléchir et à éclairer nos choix, même si nous ne sommes pas de son avis.

Il ressort aussi de ce débat l'affirmation par de nombreux orateurs de la nécessité de voir l'indépendance énergétique de notre pays garantie, de se soucier de la préservation de l'environnement, de lutter contre l'effet de serre, d'assurer la compétitivité du prix de l'énergie et, ce qui va naturellement avec, l'accès équitable de tous à l'énergie.

Bien sûr, il existe des nuances, je vais y venir, mais ces nuances ont toujours été exprimées, me semble-t-il, avec le sens des responsabilités.

Je vais commencer par évoquer la question du statut d'EDF parce que c'est peut-être le point qui fait le plus débat. Je remercie à ce propos le premier orateur, M. Paul. Si nous sommes d'accord sur beaucoup de sujets - la maîtrise de l'énergie, le développement des moyens de transport préservant le mieux l'environnement comme le rail, la nécessité d'une politique énergétique européenne - en revanche, je ne peux le suivre quand il souhaite le statu quo pour EDF et GDF.

Je veux le répéter après Nicolas Sarkozy : le marché domestique pour EDF et GDF ce n'est pas la France, c'est l'Europe. L'avenir de ces deux entreprises de grande qualité est naturellement sur le marché européen.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est là qu'elles ont des chances de trouver les marchés nouveaux qui leur permettront de créer des emplois. Il n'est en tout cas pas question de sacrifier le long terme. Nous l'avons dit et nous le répétons : la volonté du Gouvernement est qu'EDF et GDF restent publiques. Il n'est donc pas exact de prétendre que nous souhaitons privatiser. Je m'adresse là à M. Gaubert, selon lequel ni la directive européenne ni M. Monti ne nous ferait obligation de changer le statut.

M. François Brottes. Vous avez bien compris, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je ne pense pas dénaturer ses propos. D'ailleurs si nous voulons nous comprendre, nous devons respecter le sens profond de ce qui est dit par chacun. J'en profite pour souligner que ce qui a été imputé au Gouvernement n'a pas toujours été conforme à la réalité.

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut accepter une évolution, au moins sur la question de la spécialité. Reste la question du statut. M. Monti a dit : « Nous n'avons pas d'opinion sur la propriété de l'entreprise. C'est votre problème. »

M. Christian Bataille. Il l'a écrit !

M. le ministre délégué à l'industrie. En effet, il l'a même écrit.

Toutefois la question n'est pas celle de la propriété, puisque nous voulons que l'entreprise EDF reste publique. Nous l'affirmons et nous sommes prêts à inscrire dans la loi des garanties en ce sens. En revanche, la Commission et M. Monti ont jugé qu'EDF ne devait plus bénéficier d'avantages concurrentiels tels que ceux que lui assure son statut d'établissement public. Telle est la raison majeure pour laquelle nous sommes obligés de faire évoluer ce statut et la décision italienne de retirer à l'entreprise ses droits de vote ne peut que confirmer notre analyse.

Pour permettre à EDF d'être à l'aise sur le marché européen et de nouer des liens avec d'autres entreprises européennes, nous sommes obligés de faire évoluer son statut. En effet, les autres gouvernements européens ne peuvent accepter qu'EDF puisse prendre des participations dans certaines de leurs entreprises pour nouer des synergies industrielles alors que la réciprocité n'est pas possible.

Si nous voulons donner toutes ses chances à EDF, il faut que, par la voie d'une augmentation de capital - je précise que nous ne souhaitons pas de substitution -, elle puisse agir sur les marchés européens, qui sont ses débouchés naturels, et nouer des alliances industrielles qui lui permettront de développer son savoir-faire. Nous avons la chance d'avoir l'une des meilleures entreprises d'Europe dans ce domaine et il faut lui permettre de jouer sa carte. De ce point de vue, d'ailleurs, le débat n'est pas entre socialistes et libéraux. Sans vouloir polémiquer, je dirais qu'il est entre immobilistes et modernistes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. On en reparlera !

M. François Brottes. C'est à peine caricatural !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je reconnais qu'aucun camp n'a l'exclusivité du modernisme, puisque M. Strauss-Kahn et M. Fabius s'étaient prononcés pour l'ouverture du capital d'EDF. Par conséquent, on peut être à gauche et moderniste ; cela ne fait aucun doute ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Nous, nous sommes donc la gauche archaïque !

M. le ministre délégué à l'industrie. J'en viens à la question des énergies renouvelables.

M. Gonnot a raison de souligner que le développement de ces énergies favorisera l'émergence de nouvelles technologies. En revanche il est faux d'affirmer, comme l'a fait M. Tourtelier, que la France est en retard dans ce secteur par rapport aux autres pays européens. Je rappelle que nous sommes très bien placés dans le domaine des énergies renouvelables en Europe, puisque la France est première pour le bois,...

M. Philippe Tourtelier. En perte de vitesse !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...deuxième pour les biocarburants, troisième pour le petit hydraulique, la géothermie et les biogaz, quatrième pour le solaire thermique. Il est vrai que, pour l'éolien, nous sommes plutôt en retard.

M. Claude Gatignol. Non ! Nous sommes très bien !

M. le ministre délégué à l'industrie. Mais à qui la faute ? Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, après cinq ans de socialisme, il y avait moins de 100 mégawatts installés en France. Nous avons décidé, à la différence de vous, de lancer un appel d'offres pour permettre le développement de 1 000 mégawatts d'ici à deux ans. Nous sommes donc loin de l'immobilisme. Nous sommes actuellement dans une situation de rattrapage et, je ne dis pas que cela durera toujours, mais la progression est de l'ordre de 70 % par an. Il ne faut donc pas nous reprocher cette situation. Nous avons accompli un effort là où vous n'en avez pas fait.

M. Demilly a défendu avec enthousiasme les biocarburants en soulignant que notre pays était très bien positionné dans l'utilisation de la biomasse. A cet égard, il m'appartient de rappeler quelques données.

La France a été un précurseur dans la production des biocarburants, dont elle est le second producteur avec 52 000 tonnes, soit un peu plus de 1 % de la consommation. Ce succès, elle le doit à la défiscalisation, confirmée dans la loi de finances de 2004, mais qui a un coût : 180 millions d'euros par an. Le coût de revient, hors taxes, est ainsi double de celui du pétrole. Néanmoins, le Gouvernement est favorable au développement des biocarburants, mais il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que le rythme de ce développement dépendra des gains de productivité que réalisera la filière. Le Gouvernement a prévu une défiscalisation pour chaque filière, notamment pour l'éthanol.

S'agissant des énergies nouvelles renouvelables, je veux dire à Jean-Pierre Nicolas et aux autres députés qui se sont exprimés sur la question, que le développement de l'éolien se heurte souvent aux fortes réserves des élus locaux. Il faut savoir aussi que cette forme d'énergie est trois à quatre fois plus chère que l'énergie nucléaire. Elle est nécessaire au mix énergétique, mais elle a un coût. Et si l'on recourt aux champs éoliens off shore en pleine mer - solution évoquée par Nicolas Sarkozy -, ce coût sera encore plus élevé, mais les problèmes d'environnement seront moins prégnants, monsieur le président de la commission des affaires économiques.

Je tiens également à répondre à M. Cochet, qui nous a expliqué que, finalement, le nucléaire n'était pas une vraie garantie d'indépendance puisqu'il fallait importer l'uranium. Importer le pétrole ou importer l'uranium, dans le sophisme de M. Cochet, ce serait finalement être toujours dépendant. Or, tout le monde le sait bien, il y a une différence entre importer de l'uranium du Canada ou de l'Australie et importer du pétrole du Moyen-Orient !

Il existe aussi une différence entre la filière gaz, où le prix de l'électricité produite augmente de 50 % lorsque le prix du pétrole double, et la filière nucléaire, où il n'augmente que de 2 % lorsque le prix de l'uranium double. Quand le prix du pétrole double, les effets sont considérables, alors qu'ils sont extrêmement réduits quand c'est le cas de celui de l'uranium.

Enfin, s'agissant du nucléaire, nous avons plus de dix ans de stock, alors que nos réserves de gaz ne permettent de tenir que moins de soixante jours.

On ne peut donc raisonnablement soutenir que le nucléaire nous rend aussi dépendants que le pétrole.

Quant à la compétitivité du nucléaire, il n'est pas de meilleurs juges que des industriels libres et indépendants. Or les papetiers finlandais ont fait le choix de cette électricité au prix à la fois peu élevé et stable. Personne ne les y a contraints ! Ils n'ont pas obéi à une idéologie ou à un gouvernement. Ils ont opté librement.

Au défenseur farouche des énergies renouvelables qu'est M. Cochet, je rappelle que nous projetons de nous doter de 10 000 mégawatts d'éolien avant 2010, ce qui représente 10 milliards d'investissements aidés - plus de 800 millions d'euros par an quand on en sera à 10 000 mégawatts -, et de 1 600 mégawatts de nucléaire pour 2012, soit, cette fois, 3 milliards d'euros d'investissements financés exclusivement par les industriels, EDF en l'occurrence. D'une certaine manière d'ailleurs, ce seront quand même les contribuables qui paieront, mais cela n'est pas du tout la même chose que pour le financement des investissements nécessaire pour le développement des énergies renouvelables.

Les chiffres montrent où vont nos priorités, mais je reconnais qu'un effort de recherche s'impose s'agissant du nucléaire, particulièrement pour le traitement des déchets et pour le démantèlement des centrales. Mme Kosciusko-Morizet, qui nous a fait la grâce de ne pas nous demander l'installation de l'EPR à Longjumeau (Sourires), a eu raison d'insister sur ce point, d'autant que la transition sera particulièrement longue avant la réalisation de la quatrième génération de ce réacteur.

Le problème de la durée de vie des centrales a été évoqué par M. Dosé, qui s'est interrogé sur la prolongation, de trente à quarante ans, de leur amortissement comptable. Dans ce domaine, je crois qu'il faut bien distinguer ce qui relève de la sûreté nucléaire - et dont la décision revient à l'autorité de sûreté nucléaire qui statue, de manière indépendante, tous les dix ans et pour dix ans - et ce qui ressortit à la comptabilité qui doit fournir une image sincère et fidèle des comptes, en indiquant notamment ce que représentent les immobilisations.

Est-il sincère d'affirmer que les centrales dureront trente ans ? Si tel est le cas, il est urgent de construire l'EPR ; sinon, le Gouvernement aura beaucoup de mal à remplacer la centrale de Fessenheim en 2007. Le choix effectué en 2003 par EDF au sujet de ses comptes était juste, ce qui ne préjuge en rien des décisions qui seront prises par l'autorité de sûreté nucléaire. Il s'agit là d'un autre débat.

Le dernier orateur, M. Reiss, a souligné à juste titre le rôle important des régions dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d'énergie. Il a bien fait de rappeler combien, au terme d'un apprentissage au sein duquel les élus locaux doivent jouer un véritable rôle pédagogique, la modification des comportements individuels pouvait être profitable.

Personne ne l'a souligné au cours de ce débat, mais le Gouvernement vient de publier le bilan énergétique de la France. Il en ressort que, en raison d'un changement des comportements, la consommation d'énergie liée à la circulation automobile a baissé pour la première fois depuis plus de quinze ans, et ce du fait des limitations de vitesse. Certes, le Gouvernement s'est donné les moyens pour obtenir ce résultat, mais il faut savoir gré aux Français d'avoir accepté une politique de sécurité dont le bénéfice rejaillit aussi sur la consommation d'énergie.

Dans ce domaine, je rappelle que nous aurons à examiner prochainement un projet de loi d'orientation. Les échanges d'excellente qualité que nous avons eus aujourd'hui nourriront nos débats à venir, dont je souhaite qu'ils se déroulent dans un climat aussi instructif et responsable. Ces questions dépassent, en effet, les clivages partisans et les échéances électorales. Elles engagent l'avenir de notre pays pour de très longues années. C'est pourquoi elles exigent de la part des élus et des hommes politiques un grand sens des responsabilités. L'Assemblée nationale en a encore apporté la preuve aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

2

DIVORCE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

          « Paris, le 15 avril 2004

    « Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au divorce.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

3

SUSPENSION
DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente. Je vous rappelle que, sur proposition de la conférence des présidents, l'Assemblée a décidé, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, de suspendre ses travaux pour la semaine à venir.

En conséquence, et sauf séance supplémentaire décidée en application de l'article 28, alinéa 3, de la Constitution, la prochaine séance de l'Assemblée aura lieu le mardi 27 avril 2004, à neuf heures trente.

4

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Mardi 27 avril 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat ;

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Eloge funèbre de Claude Girard ;

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1364, relatif à la politique de santé publique,

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 1473).

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinquante.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot