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Deuxième séance du mercredi 26 mai 2004

232e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT

Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement (nos 992, 1 595).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles s'arrêtant à l'amendement n° 2, à l'article 2.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir cet amendement.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, mes chers collègues, cet amendement, visant à proposer une nouvelle rédaction de l'article 5 de la charte, revient sur la préoccupation qui a souvent été, hier, au cœur des interventions dans la discussion générale. La question est en effet de savoir quelle conception du principe de précaution nous devons faire prévaloir. Ce principe s'appliquera-t-il directement ou laissera-t-on au législateur le soin de définir les procédures propres à assurer sa mise en œuvre ?

Je considère cependant, monsieur le président, que cet amendement n'est, à bien des égards, qu'un prototype. Je vais donc le retirer pour concentrer mon intervention sur les versions achevées que sont les amendements nos 1 et 3, deuxième rectification, qui vont venir prochainement en discussion.

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 79 rectifié.

M. Christophe Caresche. Par cet amendement, nous proposons que soient mentionnées les connaissances non seulement scientifiques mais aussi techniques, qui font également partie du champ d'application du principe de précaution.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Avis défavorable. La commission a estimé que cet amendement entraînerait une extension inconsidérée dans le domaine industriel. La notion d'incertitude en matière scientifique est assez claire : elle couvre les cas dans lesquels il y a débat entre scientifiques. En revanche, la notion d'incertitude de l'état des connaissances techniques est plus difficile à cerner.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Martial Saddier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La commission des affaires économiques a rejeté cet amendement, considérant que les connaissances techniques découlent, par définition, des connaissances scientifiques et qu'il suffit donc de faire référence à l'incertitude relative à ces dernières.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 79 rectifié.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. L'amendement vise l'état des techniques et non pas l'incertitude des connaissances techniques. On peut avoir des techniques efficaces sans en avoir l'explication scientifique. Cette notion est à mettre en relation avec celle de réversibilité : il s'agit de savoir si l'on a, oui ou non, les moyens de remédier aux dommages. Or les connaissances scientifiques et techniques n'évoluent pas forcément de manière concomitante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 rectifié et 88 rectifié.

L'amendement n° 11 rectifié de M. Yves Cochet n'est pas défendu.

La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour soutenir l'amendement n° 88 rectifié.

M. Philippe Tourtelier. Ainsi que nous l'avons déjà souligné, nous avons le sentiment que tout est fait pour réduire au maximum la portée du principe de précaution.

M. Michel Bouvard et M. Jacques Myard. Heureusement !

M. Philippe Tourtelier. On se demande ce qu'il va en rester à l'issue de nos débats.

M. Jacques Myard. L'article 5 de la charte devrait même être supprimé !

M. Philippe Tourtelier. En fait il ne s'agit que d'affichage puisque, dans certains de vos amendements, vous allez jusqu'à proposer la suppression des termes « principe de précaution ».

Notre amendement n° 88 rectifié, qui vise à substituer dans l'expression « affecter de manière grave et irréversible l'environnement » la conjonction « ou » à la conjonction « et » n'est pas neutre. En effet, un dommage peut être très grave sans être irréversible. La gravité est liée au caractère incertain du risque. Nous considérons précisément qu'en cas de risque incertain mais grave, le principe de précaution doit s'appliquer.

En outre, l'état des connaissances scientifiques implique que l'on se place à un moment donné. Cela ne pose pas de problème pour le critère de gravité. En revanche, comment savoir si un dommage irréversible ne se révèlera pas grave ? Prenons l'exemple de la biodiversité. Chaque jour, des espèces disparaissent. Ainsi, une plante peut être détruite à l'occasion d'un chantier. Or il peut apparaître ensuite que cette plante avait une molécule permettant de répondre à de nouvelles maladies de civilisation. Comment savoir si l'irréversibilité n'est pas grave ?

C'est la raison pour laquelle, si l'on veut appliquer le principe de précaution en laissant une légère marge de manœuvre, il faut au minimum écrire dans la charte : « de manière grave ou irréversible ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. La commission partage l'avis de M. Tourtelier : cet amendement est loin d'être anodin. Cela étant, il ne lui a pas paru judicieux. Bien des choses, en effet, sont irréversibles sans être graves pour autant. Le principe de précaution ne doit pas être un frein à l'action ou à l'évolution. Il est destiné à être appliqué en cas de situations particulières. C'est la raison pour laquelle chaque terme de l'expression « de manière grave et irréversible » a été bien pesé. Il est donc exclu que la conjonction « et » ne soit pas maintenue. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 88 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Il est, en effet, extrêmement important que la conjonction « et » soit maintenue. Si un dommage est grave mais réversible, compte tenu de l'état d'incertitude dans lequel nous nous situons, ses conséquences ne seront pas de même nature. De la même façon, si un dommage est irréversible mais n'a pas de caractère de gravité, on peut prendre le risque.

Il est donc très important que les deux conditions de gravité et d'irréversibilité soient cumulatives.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Reprenons l'exemple de l'Erika : est-on capable de dire dans quelle mesure les dommages sont réversibles ou non ? Certes, ils le sont pour une part. Mais pour l'autre, c'est définitivement irréversible.

A l'inverse, j'en conviens, des dommages peuvent être irréversibles sans être graves. Mais dans ces cas-là, il n'y aura pas de problème puisque l'article 5 prévoit l'adoption « de mesures provisoires et proportionnées ».

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. L'exemple que vous avez choisi est très intéressant, monsieur Tourtelier. En effet, l'Erika ne peut précisément pas être concerné par le principe de précaution. C'est un problème de prévention. En outre, je ne peux résister au désir de vous faire observer que vous auriez dû voter la loi Perben 2 qui permet justement de sanctionner ces pollueurs des mers. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 1, présenté par M. Garrigue et 84 de ses collègues.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, je vous demande de m'accorder un peu de temps pour présenter cet amendement, cosigné par de nombreux collègues, même si deux ou trois d'entre eux y ont récemment renoncé (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christophe Caresche. Des précautionneux ! (Sourires.)

M. Daniel Garrigue. Nous vous proposons, à travers cet amendement, d'apporter quatre modifications importantes à l'article 5 de la charte de l'environnement.

La première modification est une extension claire du champ d'application du principe de précaution à la santé humaine, d'abord pour une raison qui paraît évidente à beaucoup d'entre nous, à savoir que la frontière entre le domaine de l'environnement et celui de la santé humaine est extrêmement difficile à établir.

M. Jacques Myard. C'est consubstantiel !

M. Daniel Garrigue. J'aimerais que les auteurs du texte de la charte nous expliquent sur quel critère ils se fondent pour séparer le domaine de l'environnement et celui de la santé humaine.

M. Jacques Myard. Il n'y en a pas !

M. Daniel Garrigue. Cela est d'autant plus délicat que l'article 1er de la charte, dont nous avons longuement débattu, énonce que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à la santé. On voit bien que la frontière entre environnement et santé est pour le moins difficile à tracer.

La première question que je pose aux auteurs du texte est donc la suivante : quel est le critère de séparation entre le domaine de l'environnement et celui de la santé ?

M. Jacques Myard. Vous avez raison !

M. Daniel Garrigue. Si votre texte exclut le domaine de la santé de l'application directe du principe de précaution, c'est que vous redoutez que sa mention ne provoque d'innombrables contentieux. Cela constitue un aveu assez extraordinaire de la part des auteurs du texte, qui - sans doute par précaution - choisissent le principe de précaution pour le domaine de l'environnement, mais le refusent au domaine de la santé par crainte de contentieux insurmontables.

Par ailleurs, M. Clément qui semble se retirer,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non ! Non !

M. le président. M. Clément ne se retire jamais ! (Rires.)

M. Daniel Garrigue. ...nous a expliqué cet après-midi que l'inscription dans la Constitution de l'application directe du principe de précaution présenterait l'avantage de nous soustraire au droit européen, à ses principes généraux comme aux directives et règlements communautaires.

Soyons logiques : nous voulons nous soustraire au droit européen uniquement en matière d'environnement. Soit ! Mais dans le cas d'un contentieux portant sur la santé humaine, le juge appliquera strictement le droit européen et les principes généraux du droit communautaire !

M. François Sauvadet. C'est une vraie question !

M. Daniel Garrigue. Cela pose le problème, monsieur le président de la commission des lois, de la réversibilité de toute construction juridique. On ne peut pas se soustraire au droit européen uniquement en matière d'environnement, car, quand il s'agira de la santé humaine, il est évident que le juge appliquera strictement le droit communautaire. Vous excluez la santé humaine par peur des contentieux ; pourtant c'est par peur des contentieux que vous voulez nous soustraire au droit européen !

M. Michel Bouvard. Il a raison !

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Daniel Garrigue. Selon vous, l'un des avantages de cette charte est de nous soustraire au droit européen.

M. Jacques Myard. Cela ne se passe pas comme cela !

M. Daniel Garrigue. Si l'on suit votre raisonnement, le juge appliquera le droit communautaire dans le domaine de la santé humaine. Il y a là une contradiction dont vous aurez beaucoup de mal à sortir.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Jacques Myard. C'est une contradiction fondamentale !

M. Guy Geoffroy. Pas du tout !

M. Daniel Garrigue. Si, comme nous le proposons, le principe de précaution est mis en œuvre « dans les conditions prévues par la loi », nous serons certes soumis aux principes généraux du droit communautaire, mais le législateur conservera la maîtrise totale de la situation, aussi bien dans le domaine de la santé humaine que dans celui de l'environnement. Le problème que pose le tracé de la frontière entre santé humaine et environnement sera ainsi surmonté.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. Daniel Garrigue. La deuxième modification que nous proposons s'inspire directement du droit communautaire, dont j'avoue ne pas bien comprendre pourquoi la commission des lois le redoute tellement car, curieusement, sa conception du principe de précaution est beaucoup plus rigoureuse et réaliste que celle que vous nous proposez ici.

Dans la jurisprudence communautaire, trois éléments importants caractérisent le principe de précaution. Le premier est le respect des responsabilités de l'autorité publique. Dans le droit communautaire, c'est en effet à l'autorité publique qu'il revient de définir le niveau de risque acceptable et de prendre ses responsabilités. Mais qu'est-ce que le niveau de risque acceptable ? Il s'agit d'une notion que nous connaissons très bien dans notre droit. Ce n'est pas accepter 20, 30 ou 40 % de risques, mais définir les procédures, les expérimentations et les délais qui devront être respectés avant de prendre la décision de poursuivre ou de cesser telle ou telle activité.

La jurisprudence communautaire, comprenant parfaitement l'importance de l'enjeu, n'a pas souhaité dessaisir les autorités publiques au profit des autorités juridictionnelles, ne prévoyant qu'un contrôle minimal, pour relever, par exemple, une erreur manifeste d'appréciation ou un éventuel détournement de pouvoir. Par contre, si l'on adopte l'application directe du principe de précaution, le juge exercera un contrôle maximal,...

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Daniel Garrigue. ...ce qui n'est absolument pas souhaitable pour le développement de la société dans laquelle nous vivons.

M. le président. Merci, monsieur Garrigue !

M. Daniel Garrigue. Je n'ai pas terminé, monsieur le président. Veuillez m'excuser, mais cet amendement est très important !

M. le président. C'est certainement un amendement important, monsieur Garrigue, mais votre temps de parole est limité !

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, j'ai été bref sur l'amendement précédent. Je vous demande donc encore quelques minutes pour défendre cet amendement capital.

M. le président. Poursuivez !

M. Jacques Myard. Il a raison, c'est un amendement capital !

M. le président. Monsieur Myard, je vous en prie !

M. Daniel Garrigue. La troisième modification que nous proposons se situe dans la logique des travaux de la commission Coppens.

Selon l'article 5 de la charte, les mesures provisoires et proportionnées qui seront prises n'auront pour but que d'éviter la réalisation du dommage. Or, on ne peut l'ignorer, il existe parfois des conflits d'objectifs et les autorités publiques peuvent avoir à arbitrer entre plusieurs risques concurrents. En leur permettant seulement d'éviter la survenue d'un dommage en application du principe de précaution, on va les empêcher, dans certains cas, d'écarter un dommage beaucoup plus redoutable ! Il faut donc leur accorder une plus grande liberté d'action.

Enfin, quatrième modification, ce dispositif doit être mis en œuvre dans les conditions prévues par la loi.

Selon nous, le principe de précaution doit être un principe d'action, assurant une réelle sécurité juridique, et non un principe d'application directe au terme duquel n'importe quelle décision pourrait être déférée devant un juge, lequel se prononcerait sur les cas d'espèce, même sans faire preuve de mauvaise volonté, en appréciant de façon totalement subjective les risques et les dangers encourus. Cela se traduira forcément par de grandes différences de jurisprudence.

Or on ne parviendra jamais à unifier la jurisprudence dans un tel domaine. Lorsqu'une jurisprudence émergera, de nouvelles décisions prises ailleurs sur notre territoire pourront la remettre en cause, car c'est un domaine qui, à l'évidence, ne peut pas être maîtrisé. L'intervention du législateur nous paraît donc absolument fondamentale.

En conclusion, monsieur le président, je suis prêt, au nom de tous nos collègues qui ont signé cet amendement, à abandonner toutes les autres dispositions pourvu que soient acceptés ces sept petits mots : « dans les conditions prévues par la loi ». Si ces sept mots étaient acceptés, c'est à l'unanimité que nous voterions la charte de l'environnement.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Daniel Garrigue. S'ils n'étaient pas acceptés, le différend persisterait, car ces quelques mots limitent les risques d'une « judiciarisation » généralisée et traduisent notre volonté de maîtriser les procédures et notre conception du principe de précaution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Cet amendement est au cœur de nos débats. Je souhaite vous apporter trois éléments de réponse, monsieur Garrigue.

Tout d'abord, puisque vous faites souvent référence au droit européen, je vous indique que ni la commission ni le Gouvernement n'ont exprimé de défiance vis-à-vis du droit européen.

M. Jacques Myard. Ils ont tort !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Toutefois, force est de constater que, au niveau de l'Union européenne, le principe n'est défini que par la jurisprudence. Or, celle-ci évolue. C'est donc bien à un souci de précision et d'amélioration de la sécurité juridique que répond cet article 5 de la charte.

Ensuite, la charte est plus rigoureuse, plus précise que ce que vous nous proposez. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. C'est évident !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Le principe de précaution est une expression très utilisée mais sa définition est assez diffuse. Ce texte nous donne l'occasion d'en préciser le sens.

M. André Chassaigne. C'est un acte de foi !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. La définition que propose le Gouvernement dans la charte est en réalité beaucoup plus précise que celle de votre amendement.

M. Jacques Myard. C'est faux !

M. Guy Geoffroy. Mais si, lisez le texte !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Enfin, l'extension explicite du principe de précaution à la santé est hors sujet dans une charte de l'environnement, qui n'est pas, je vous le rappelle, une charte de la santé publique.

M. Paul Giacobbi. Modifiez l'article 1er !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Nous avons déjà eu des débats similaires lors de l'examen des considérants : il s'agit bien d'une charte de l'environnement, dans toutes ses composantes. Dans le cadre de son audition, le professeur Coppens nous a confié que le principal intérêt de son engagement scientifique était d'étudier un sujet dans son ensemble, et les travaux de la commission ont été menés dans cet esprit.

Ce texte reflète très fidèlement ce souci de complétude. Il concerne tous les domaines qui relèvent de l'environnement, mais seulement ceux-là. C'est la raison pour laquelle l'article 1er, qui énonce que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », fait très clairement le lien entre l'environnement et la santé. L'impact de l'environnement sur la santé est évident : il serait fou de le nier et ce n'est pas du tout l'objet du texte.

En revanche, la santé n'est pas au cœur d'un tel texte et elle ne peut être l'objet du principe de précaution. Néanmoins, s'il y a une frontière entre environnement et santé, certains sujets environnementaux ayant un impact fort sur la santé entreront naturellement dans le champ du principe de précaution.

Toutefois, ce qui relève spécifiquement du domaine de la santé, comme l'acte chirurgical, la vaccination ou encore ce qui se passe à l'intérieur de l'hôpital, par exemple les maladies nosocomiales, ne sera pas couvert par l'article 5 de la charte. Je répète en effet qu'il ne s'agit pas d'un texte de santé publique.

Pour résumer, nos débats font apparaître une confusion entre les maux et le remède. Notre société a des craintes et des doutes vis-à-vis de la science et des innovations technologiques dont le développement, de plus en plus rapide, entraîne de nouveaux risques. Il s'agit parfois de fantasmes, c'est évident. On peut le déplorer, mais c'est ainsi. A force de le déplorer, on se retrouve dans le déni de réalité. L'attitude responsable qui doit être la nôtre est de faire face aux problèmes de la société dans laquelle nous vivons et de leur trouver une réponse : la nôtre est le principe de précaution.

Cependant cette notion a été utilisée à tort et à travers, sa définition est floue et ce principe a fait l'objet de mauvaises applications, que certains orateurs ont évoquées. Je pense pour ma part à ce qu'aurait été l'affaire de l'hépatite B si le principe de précaution avait été étendu au domaine de la santé.

Ce texte doit nous amener à regarder en face les maux de notre société, à accepter le remède que constitue l'application du principe de précaution et à donner à ce principe une définition précise et concrète, afin de répondre collectivement à toutes les craintes. Nous devons donner des garanties et davantage de sécurité juridique non seulement à chacun d'entre nous, mais également aux entreprises qui ne peuvent aujourd'hui s'appuyer que sur la loi Barnier, laquelle n'opère pas de distinction entre prévention et précaution et ne désigne pas clairement le destinataire juridique. Le texte proposé par le Gouvernement y remédie.

Pour conclure, j'estime que cet article 5 de la charte offre plus de droits, plus de sécurité juridique que la situation actuelle, que nous pouvons déplorer mais dont nous devons tenir compte. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Permettez-moi d'apporter une modeste contribution à la très claire explication de Mme la rapporteure.

La principale erreur vient du fait que le juge administratif emploie le même mot pour l'environnement et pour la santé publique.

Ainsi, en 1999, le Conseil d'État a rendu le même jour deux arrêts : l'arrêt « Gaucho » et l'arrêt « Perches du Nil ».

Dans le premier cas, c'est le principe de précaution concernant l'environnement, non encore défini à l'époque, qui est retenu par le Conseil d'État pour justifier la décision du ministre d'arrêter l'emploi de cet insecticide.

Le même jour, dans l'affaire « Perches du Nil », le Conseil d'État s'est également fondé sur le principe de précaution, cette fois-ci concernant la santé publique. Il utilise le même mot, mais il vise une notion différente. D'où l'ambiguïté.

Vous pourriez donc penser, monsieur Garrigue, que je vous donne raison, mais, la nouveauté de notre travail législatif tient à ce que la charte définit le principe de précaution pour l'environnement et que l'on se garde bien de le faire pour la santé publique. Et vous allez comprendre pourquoi.

Croyez-vous en effet que l'on puisse attendre un dommage grave et irréversible pour la santé ? Sûrement pas ! Croyez-vous que l'on puisse attendre une dizaine ou une centaine de morts pour prendre des mesures proportionnées ? Sûrement pas ! On ne tolérera pas un mort !

Si l'on devait définir le principe de précaution dans le domaine de la santé, la définition serait infiniment plus stricte et plus sévère que celle qui vous est soumise pour l'environnement. Oui, c'est le même mot, mais ce n'est pas le même principe !

Mme Sylvia Bassot. Tout à fait !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Les exigences, selon qu'il s'agit de la santé ou de l'environnement, sont différentes. Attention à la confusion On ne peut pas tout mélanger !

Vous remarquerez qu'il n'y a pas de jurisprudence européenne s'agissant du principe de précaution en matière de santé publique.

M. Daniel Garrigue. Si, il existe toute une jurisprudence sur la santé et les médicaments !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. S'il en existait une, il n'y aurait plus de recherche thérapeutique.

En résumé, il y a deux principes de précaution : le premier, qui n'est pas défini mais qui est employé par les tribunaux, le second, que nous définissons aujourd'hui et qui ne concerne que l'environnement. C'est la source de l'ambiguïté. Pour autant, dans ce texte il n'y a aucune d'ambiguïté : nous ne parlons que du principe de précaution concernant l'environnement.

J'espère avoir participé à la clarification du débat.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je me sens plutôt proche de la position de M. le président de la commission des lois. Cet amendement soulève de nombreuses questions. Sur certaines nous pourrions être d'accord, en particulier sur le fait de renvoyer à la loi l'application du principe de précaution, mais cela fera l'objet d'autres amendements.

En revanche, cet amendement introduit dans le texte la notion de santé humaine, ce qui pourrait conduire à traiter également de la santé privée. Or il existe déjà un régime de responsabilité médicale qui relève d'un régime juridique particulier. Adopter cet amendement en l'état induirait un risque de confusion assez sérieux. Mieux vaut donc s'en tenir au champ qui a été défini dans le principe de précaution.

M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !

M. Christophe Caresche. Reste l'idée que la loi pourrait venir compléter et préciser le principe de précaution, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. J'étais l'un des cosignataires de cet amendement qui a été rédigé au début de nos travaux. Depuis, il s'est passé un certain nombre de choses.

Cet amendement remet en cause le principe d'application juridique immédiate. Nous changeons la Constitution essentiellement pour mettre ce principe en action.

Nous pensons que pour pouvoir faire référence à la loi, il faut inscrire la préservation de l'environnement dans le champ de compétences de l'article 34.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Ce qui n'est pas le cas pour l'instant !

M. Francis Delattre. En effet.

Il faut au moins travailler selon un ordre logique. Nous pensons, très majoritairement au sein du groupe UMP, qu'il faut amender l'article 34 pour intégrer, dans le bloc législatif, la préservation de l'environnement. Bien sûr MM les ministres ne nous répondront pas : ils sont en service commandé !

Nous savons néanmoins que, à un moment donné, il y aura nécessairement des débordements et que l'on ne veut pas forcément judiciariser. Nous savons aussi que le tribunal d'instance ou le juge d'instruction d'Auch...

M. Daniel Garrigue. Ou de Saint-Gaudens !

M. Francis Delattre. ...n'aura pas toutes les connaissances nécessaires pour se prononcer sur un sujet aussi complexe.

Il faudra donc encadrer le principe de précaution inscrit dans la Constitution, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Il nous appartiendra donc d'en fixer les bornes. En effet les compétences inscrites dans l'article 34 peuvent faire l'objet d'une loi ou d'une loi organique.

L'essentiel de nos critiques portait sur le risque de voir le Parlement dessaisi de questions d'avenir aussi importantes ; ce risque est désormais écarté.

M. Jean-Luc Warsmann. Tout à fait !

M. Francis Delattre. Certes des risques de débordement perdurent comme l'a rappelé hier le porte-parole de l'UDF et il est certain qu'il va falloir, au travers des jurisprudences, façonner ce nouveau droit.

Je regrette donc maintenant d'avoir cosigné cet amendement qui remet en question le principe de précaution. A quoi sert de s'être mis d'accord très majoritairement pour découvrir ce soir que nous ne le serions pas ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !

M. Francis Delattre. Nous avons pris l'engagement, à l'égard du rapporteur et du président de la commission, de soutenir cette ligne. J'appelle donc mes collègues du groupe de l'UMP à rester cohérents avec la Constitution, avec le droit et avec nos engagements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Cet amendement traite de l'extension du principe de précaution de l'environnement à la santé et de la question de l'effet direct du principe de précaution. Nous reviendrons sur ce dernier point un peu plus tard dans la soirée à l'occasion de l'examen d'autres amendements.

La vraie question que soulève cet amendement est de savoir si nous souhaitons ou non étendre le champ du principe de précaution à la santé. Personnellement, je réponds par la négative car cela aurait pour conséquence de paralyser la recherche scientifique.

M. Jean-Luc Warsmann. Je suis d'accord !

Mme Valérie Pecresse. Je partage certes l'inquiétude de M. Garrigue, mais le principe de précaution ne doit pas nous empêcher de trouver de nouveaux vaccins ou d'expérimenter une nouvelle thérapeutique. Or toute nouvelle thérapeutique peut être potentiellement jugée dangereuse pour la santé.

Pour cette raison, nous ne devons pas voter cet amendement ni surtout mélanger le problème de la santé avec la question de l'effet direct du principe de précaution. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Cet amendement pose une question de fond, qui a animé beaucoup de débats dans chacun de nos groupes : l'application d'un principe de précaution à l'environnement et, surtout, son application directe.

A cet égard, nous devons absolument lever le malentendu qui semble s'instaurer et persister, même si la proposition d'amendement de l'article 34 de la Constitution, que vient d'évoquer M. Delattre, que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, représente une avancée incontestable.

Il s'agit d'un droit nouveau qui se forgera avec le temps, mais des questions restent en suspens qu'il nous faut clarifier. Nous les avons évoquées hier. Vous nous avez répondu en partie, monsieur le garde des sceaux, à l'issue de la discussion générale : cette démarche nationale s'inscrit dans une démarche européenne de l'environnement.

Aujourd'hui, le principe de précaution, dans son acception large, est en cours de définition dans le cadre d'un traité européen qui aura valeur constitutionnelle et dont je souhaite qu'il fasse l'objet d'un référendum. Il importe qu'un débat ait lieu et que le peuple se prononce.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. François Sauvadet. Les discussions finales auront lieu dans deux ou trois semaines. Le débat en cours au sein des instances européennes illustre la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.

La définition du principe de précaution qui nous est présentée est acceptable pour l'environnement. Permettez-moi d'attirer votre attention sur ses applications concrètes à court terme. Mme Ségolène Royal en a fait hier une démonstration assez éloquente...

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. François Sauvadet. ...en considérant d'emblée que le nouveau principe s'appliquerait aux organismes génétiquement modifiés, lesquels représentent un enjeu biotechnologique majeur. Il ne faudrait pas que le droit que nous allons inscrire dans la Constitution nous place en situation difficile en entravant la recherche.

Il s'agit d'enjeux majeurs, très bien décrits, entre autres, par M. Lassalle, et qui touchent à l'alimentation, aux conditions de production et à la protection de l'environnement. On peut par exemple, en adaptant les variétés, limiter le recours aux pesticides et autres intrants. Avec l'application directe, le risque de judiciarisation est avéré ; il nous faut en débattre.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. François Sauvadet. Ce risque est, d'ailleurs, évoqué franchement et directement par les socialistes, lesquels, cette fois, et à la différence du débat précédent, ont fait preuve de clarté.

En précisant très strictement le champ d'application du principe de précaution dans une charte adossée à la Constitution, nous n'éviterons pas le risque d'ouvrir par défaut au droit européen tout ce qui ne concernera pas l'environnement. Le droit que nous sommes en train d'adosser à la Constitution relèvera donc, dans le cadre du traité - je l'ai lu, comme vous, dans l'excellent rapport de Bernard Deflesselles -, des « protections renforcées », sur lesquelles je tiens à appeler votre attention.

Dans un autre domaine, la commission d'enquête relative à l'ESB et la sécurité alimentaire, que j'ai présidée et à laquelle ont participé certains de nos collègues ici présents, nous a permis de mesurer la menace que fait peser sur la santé humaine le manque d'harmonisation européenne, et de constater que l'application du principe de précaution dans un seul pays n'était pas de nature à répondre à des problèmes qui se posent dans un marché unique et ouvert.

Comment allons-nous inscrire dans le contexte général cette protection renforcée sans nous retrouver piégés entre celle-ci et le fait que nous ne serons pas à l'initiative d'une harmonisation européenne ? Ce risque n'a, d'ailleurs, pas été écarté dans le rapport de M. Deflesselles. Au moment où nous abordons cette question, nous devons traiter ce problème dans la transparence et la clarté pour éviter les malentendus.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. François Sauvadet. Enfin, le principe de précaution provoque un malentendu, lié à une conception du risque qui se répand dans l'opinion et à laquelle nous devons être attentifs, ce qui suppose, d'ailleurs, de laisser au législateur un rôle central. À tout acte devrait être associé un risque zéro. Or, dans toute l'histoire du progrès de l'humanité, le risque zéro n'existe pas ! (Approbations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaite que l'esprit de responsabilité prévale dans nos débats, et que nous nous accordions sur un principe : s'il faut éclairer l'opinion sur les risques qu'elle encourt, il faut aussi l'éclairer sur les risques qu'elle encourrait à considérer que le risque zéro devrait être la règle.

M. Daniel Garrigue et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Il conviendrait de clarifier deux notions. Si l'on remplaçait, dans l'amendement, les mots : « ou la santé » par les mots : « et la santé », le problème se poserait très différemment. L'expression : « l'environnement ou la santé » aurait pour effet d'appliquer le principe de précaution à la santé. Comme l'a noté la rapporteure, dans l'état actuel du texte, en cas d'atteinte directe et exclusive à la santé, c'est-à-dire sans atteinte à l'environnement, le principe de précaution ne s'appliquerait pas.

J'ai demandé hier s'il fallait en conclure, par extension, que le principe de précaution ne s'appliquerait jamais à la santé, mais vous ne m'avez pas répondu. La santé est évoquée dans l'article 1er, et les deux rapports indiquent qu'il n'est pas question que le principe de précaution s'applique dans ce domaine car aucun lien ne sera établi entre l'article 1er et l'article 5.

Or est développé ailleurs un raisonnement exactement inverse !

Ainsi, Martial Saddier écrit que « l'article 7 constitue un moyen de faire valoir le droit énoncé à l'article 1er et une étape préalable indispensable pour s'acquitter du devoir prévu à l'article 2 ». On sait aussi que l'article 9, relatif à la recherche, est mis en relation avec la fin de l'article 5, consacré au principe de précaution. Nathalie Kosciusko-Morizet met en relation cet article 5 avec l'article 6 et précise que, l'article 5 figurant dans un texte de niveau constitutionnel, son propos doit rester concis et porter sur des concepts d'ordre général, mais qu'il appartient à un document d'ensemble dont les éléments sont cohérents et s'éclairent mutuellement.

Je ne vois donc pas ce qui empêcherait une lecture conjointe de l'article 5 et de l'article 1er. En effet, lorsqu'une atteinte à l'environnement a des conséquences sur la santé, il est normal que le principe de précaution s'applique. À cet égard, le tableau dans lequel le rapporteur pour avis indique que le principe de précaution ne s'appliquerait pas dans le cas de rejets polluants ou de produits médicamenteux pouvant altérer la santé humaine est complètement faux, et c'est heureux.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. L'avantage de l'amendement proposé par Daniel Garrigue, et dont je suis cosignataire, est de montrer, jusque dans ses limites, l'ambiguïté de l'article 1er. Vous n'empêcherez pas, en effet, une lecture extensive de cet article, et Mme la rapporteure a bien montré combien les problèmes d'environnement et de santé sont poreux l'un à l'autre. Peut-on parler d'environnement sans parler de santé ? Il est inutile de parler de dégradation de l'environnement si elle n'a pas d'impact sur la santé des hommes, quelle que soit, par ailleurs, la valeur intrinsèque de l'environnement, illustrée par les paysages.

Vous n'avez pas complètement réglé la question en reliant l'article 5 à l'article 1er, car, sur le plan juridique, les articles se combineront, et l'incertitude reste grande.

Daniel Garrigue a insisté sur l'importance d'une simple formule de sept mots : « dans les conditions prévues par la loi ». Je suis au regret de démentir Francis Delattre, qui a prétendu que l'insertion d'une référence à l'environnement dans l'article 34 de la Constitution et la possibilité de recourir à une loi organique suffiraient à régler le problème : l'article 34 contient déjà de nombreux éléments relatifs à la propriété ou aux droits fondamentaux, et l'ajout d'une référence à l'environnement, aussi justifié soit-il, ne suffira pas. La loi organique ne pourra pas aller à l'encontre de ce que nous allons inscrire dans la Constitution. Dès lors que le principe d'application directe aura valeur constitutionnelle, la loi organique devra le respecter. Il faut renvoyer à la loi, faute de quoi le principe d'application directe aura sa dynamique propre que vous ne maîtriserez plus.

M. Daniel Garrigue et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je vous remercie, madame la rapporteure, de faire désormais des réponses développées à nos questions. Si j'ai été un peu rude tout à l'heure, je vous prie de m'en excuser, mais le ton a beaucoup changé au fil de notre débat.

Je souhaite vous soumettre un cas d'école, qui se rapporte à votre refus d'ajouter le domaine de la santé au champ d'application du principe de précaution.

La loi Barnier de 1995, qui a exprimé ce principe, a été suivie de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, votée par votre majorité. Cette loi - qui est une bonne loi - a étendu à la santé publique le champ d'application du principe de précaution.

Ma question est donc la suivante : si le principe de précaution s'applique uniquement à l'environnement, lorsque ce texte sera entré dans la Constitution, la loi de 1996 sur l'air - qui, par nature, nourrit le droit de l'environnement - deviendra-t-elle anticonstitutionnelle ?

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Comme l'ont déjà relevé plusieurs orateurs, nous sommes ici au cœur de la problématique de cette charte et des débats qui ont longuement animé notre groupe, la commission et, depuis hier, dans cet hémicycle, l'Assemblée tout entière.

Tel qu'il nous est proposé, l'amendement témoigne d'interrogations très honorables, que nous devons nous garder de mépriser. Certains de nos collègues ont décidé de ne plus porter ces interrogations, pour des raisons qu'a exprimées Francis Delattre, alors que d'autres persistent. C'est la démocratie en direct.

Efforçons-nous d'aller au cœur de l'objectif et reprenons, à l'envers, les propos de notre collègue, qui a conclu en promettant que si nous ajoutons les sept mots fatidiques, tout le monde votera le texte. Je retourne la pelote : à quoi sert-il, alors, d'insister sur la nécessité d'étendre le principe de précaution à la notion de santé ? Pourquoi ce leurre, alors que vous seriez prêts à accepter que nous tournions la page de l'article 5 si nous nous contentions de reporter à la loi l'application du principe de précaution ? Votre argument devient soudain beaucoup plus fragile.

Au risque de redites, je me permets de formuler quelques rappels.

Qui a peur du principe de précaution ? Ceux qui ignorent peut-être qu'il existe déjà, ou ceux qui ignorent qu'il existe, de surcroît, dans des conditions de grande incertitude. Le traité sur l'Union européenne se borne à y faire allusion et nous savons tous que notre code de l'environnement, s'il ajoute quelque précision à la loi Barnier, est assez imprécis pour justifier les interrogations légitimes de nos collègues, comme nous pouvons le vérifier en comparant mot à mot son texte avec celui de l'article 5.

Il nous est proposé ici de situer le principe de précaution au niveau qui convient - celui de nos principes constitutionnels -, afin de lui donner toute sa portée et de lui fixer en même temps des limites raisonnables et responsables. En ce sens, le principe de précaution, tel qu'il est posé dans l'article 5, a toute capacité à porter lui-même, en application directe, l'ensemble de ses fruits.

M. Christophe Caresche. La question, c'est la santé !

M. Guy Geoffroy. La question, disons-le clairement, est que certains de nos collègues craignent - et ils ont le droit de le dire - que ce projet de loi constitutionnelle dépossède le législateur de sa capacité à légiférer sur cette question.

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy. A cet égard, je veux présenter deux remarques.

D'abord, un renvoi explicite à la loi n'impose aucunement de légiférer. S'il n'y a pas de loi, le texte devient simplement inapplicable. En revanche, en l'absence de renvoi explicite à la loi, rien n'interdit qu'une loi soit proposée, discutée et votée, que ce soit à l'initiative du Gouvernement ou du Parlement.

Au cours de ce débat que vous avez initié, et dont il faut vous remercier, la réflexion du groupe UMP et de la commission a fait grandement progresser le texte.

M. Christophe Caresche. On va en parler !

M. Jean-Luc Warsmann. C'est une bonne avancée !

M. Guy Geoffroy. La modification de l'article 34 de la Constitution apporte déjà, en quelque sorte, une validation à l'ensemble du texte, en ce qu'elle réintroduit la possibilité pour le législateur d'intervenir dans un domaine qui ne relevait pas encore de la loi - ce que, de fait, la loi s'autorisait déjà - et étend la possibilité d'aborder les questions relatives à l'application de l'article 5 et, plus largement, à l'écologie et au développement durable.

M. Christophe Caresche. Il va éclater en vol !

M. Guy Geoffroy. Pour toutes ces raisons, et tout en conservant un profond respect pour l'esprit qui anime les auteurs de cet amendement, nous ne devons pas le voter. Ce serait réduire à néant la portée historique de la charte de l'environnement.

Faisons confiance à ce texte de progrès et aux amendements de progrès qui nous sont proposés. Nous aurons alors tous fait œuvre utile et historique pour notre environnement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Dans cette affaire, je ne fais pas d'histoire et je n'invoque pas de principes, mais je fais du droit. Nous sommes en effet tout de même dans un débat juridique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Actuellement on essaie de nous expliquer que, dès lors qu'il y aura un effet sur la santé, le principe de précaution ne s'appliquera pas. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Laissez-moi poursuivre.

Cela n'est pas très clair, mais, comme cela a déjà été rappelé, il est bien précisé dans le rapport de la commission des affaires économiques que des rejets polluants dans l'environnement pouvant affecter la santé humaine sont, de ce fait, ipso facto exclus de l'application du principe de précaution au motif que le champ de la santé humaine est exclu de l'article 5 de la charte !

Si ce n'est pas vrai, autant reconnaître tout de suite que la commission a écrit une sottise. Mais si c'est vrai, je tiens à souligner à nouveau la contradiction qu'il y aurait entre le droit pour chacun à un environnement compatible avec la santé et l'exclusion de la santé, du champ du principe de précaution.

Dès lors, que certains arguments fondamentaux sont en complète opposition, il faut en convenir, quelles que soient nos divergences, car l'opinion publique en tirera des conséquences.

Ainsi, parler d'environnement sans évoquer l'homme, c'est oublier que « l'homme est la mesure de toutes choses ».

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Paul Giacobbi. J'ai entendu citer Sophocle ; chacun peut citer ses classiques grecs, Protagoras en l'occurrence.

Parler de l'environnement sans l'homme a certes de l'intérêt, mais tout de même un peu moins : lorsque vous interrogez les gens sur le principe de précaution, à quoi pensent-ils très égoïstement ? Certainement pas à la disparition de l'énième espèce de coléoptère, mais à l'effet que le principe de précaution peut avoir sur leur santé. C'est le sens commun. Par conséquent, l'opinion publique doit être éclairée et vous êtes en train de dire dans cet hémicycle ce que vous lui dissimulez, à savoir que le principe de précaution prévu dans cet article ne concerne pas la santé humaine. C'est écrit noir sur blanc. Si c'est une sottise, qu'on explique alors les choses autrement.

De plus, si vous excluez de ce principe tout ce qui peut avoir un effet sur la santé, je suis désolé de vous dire que, compte tenu des chaînes écologiques, vous allez pratiquement tout exclure hormis des éléments infinitésimaux. Si je me réfère à des événements écologiques tragiques, les grands accidents cités dans le rapport et bien entendu présents à tous les esprits, tel que Seveso, je constate qu'il n'y aura pas d'application du principe de précaution puisque ce type d'événements a des conséquences directes sur la santé humaine.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Cela relève de la prévention !

M. Paul Giacobbi. Il en serait de même pour Bophal ou Three Miles Island. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. Prévention !

M. Paul Giacobbi. Soit ! Mais si un événement grave et aux conséquences irréversibles pour la santé humaine se produisait, il ne serait pas fait appel au principe de précaution. J'avoue que je n'ai toujours pas compris pourquoi. Sans doute est-ce un défaut d'intelligence de ma part. Mais encore faudra-t-il que vous expliquiez à la population que tout ce qui concerne la santé est exclu de ce principe. Il faut le dire !

M. Jean Lassalle. Vous avez raison !

M. Christophe Caresche. Ils l'ont d'ailleurs dit !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cette discussion m'amène à dresser deux constats.

Premièrement, le renvoi en commission que j'avais demandé se justifiait tout à fait au vu du foisonnement des interventions contradictoires sur ce texte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Deuxièmement, le refus de prendre en compte la question de la santé révèle bien votre doute concernant l'application du principe de précaution. En effet sa définition à l'article 5 ne permet pas de garantir dans les faits sa bonne application. Vous avez pris conscience que ce texte est d'une rédaction insuffisamment maîtrisée. C'est pourquoi vous rejetez la proposition d'étendre à la santé son champ d'application.

Par ailleurs, je veux revenir sur les propos qu'a tenus M. le président de la commission des lois. Ils portaient sur un point fondamental : le renvoi à la loi des conditions d'application du principe de précaution. Il a ainsi souligné que si l'application du principe de précaution n'était pas directe, cela reviendrait à rendre applicable la notion communautaire de ce principe issue de l'article 174 du traité de Maastricht. Autrement dit, renvoyer à la loi serait impossible car nous nous placerions sous le couperet de Masstricht qui rendrait l'article 5 inapplicable en droit français.

En l'occurrence, je pense que M. le président de la commission des lois a tort.

M. Jean Lassalle. Oui !

M. André Chassaigne. Son argumentation est un coup de bluff. Elle ne s'appuie sur rien de certain.

Sauf erreur de ma part, l'arrêt Sarran du Conseil d'État, daté de 1998, fait primer sur le droit communautaire un acte réglementaire pris en application directe d'une disposition constitutionnelle. En l'espèce, il s'agissait d'un décret convoquant des élections en Nouvelle-Calédonie.

Certes, une loi simple doit, depuis l'arrêt Nicolo de 1989, et je le regrette, se soumettre à tout acte juridique communautaire. Cependant une loi prise en application d'une disposition constitutionnelle, en l'occurrence l'article 5 de cette charte, ne serait-elle pas, au même titre que le décret attaqué lors de l'affaire Sarran, supérieure à l'article 174 du traité de Maastricht ?

Finalement, l'argumentation du président de la commission des lois n'est pas recevable. Il nous suffit d'avoir aujourd'hui la volonté politique de modifier cet article 5 en renvoyant à la loi les modalités d'application du principe de précaution. Si nous avons la volonté, nous pouvons le faire et rendre cet article applicable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Essayons de simplifier le débat au lieu de le compliquer à plaisir.

Premièrement, s'agissant de l'environnement et de la santé, j'ai évoqué hier dans mon exposé introductif « l'écologie humaniste ». Cette expression signifie que l'environnement envisagé dans la charte est bien entendu défini par rapport à l'homme.

M. Christophe Caresche. Je suis d'accord.

M. le garde des sceaux. Cela veut dire aussi que la santé liée à l'environnement est concernée par la charte.

Par contre, les problématiques de santé indépendantes de l'environnement ne relèvent pas de la charte. Ainsi, la vaccination n'est pas liée à l'environnement. (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est parfaitement clair.

M. Guy Geoffroy. C'est tout simple !

M. le garde des sceaux. Deuxièmement, je suis hostile à l'idée d'étendre le champ d'application de l'article 5 à la santé. Celle-ci relève d'une autre problématique et c'est un autre sujet.

Monsieur Garrigue, je ne comprends pas votre logique : vous introduisez un sujet qui n'est pas en débat et, pour le coup, vous allez « judiciariser », pour reprendre votre vocabulaire, des domaines où les litiges sont jusqu'ici traités différemment. Cela n'empêche nullement de prendre, dans le domaine de la santé, des mesures de précaution indispensables et considérées comme nécessaires, pour reprendre la formulation du Conseil d'Etat. Si de telles mesures ne sont pas prises, les autorités publiques sont juridiquement fautives.

Troisièmement, l'application directe est fondamentale car c'est le seul moyen de donner un cadre au principe de précaution conformément à la définition de l'article 5. Cela n'empêchera évidemment pas le législateur d'intervenir, à la suite notamment de l'amendement à l'article 34 de la Constitution dont M. Delattre a rappelé la portée.

Enfin, s'agissant de la jurisprudence par rapport à la législation communautaire, les choses sont tout à fait claires, monsieur Sauvadet : c'est la Constitution qui s'impose au juge français et c'est le juge français qui l'applique.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. le garde des sceaux. Il n'y a donc aucune raison de se poser indéfiniment des questions complexes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Chers collègues, nous sommes en plein dans les classiques grecs. Hier, M. Chassaigne et moi citions respectivement Eschyle et Sophocle ; aujourd'hui, c'est la logique qui prédomine puisque j'ai cru repérer dans les fondements de l'intervention de M. Giacobbi un profond syllogisme, comme d'ailleurs dans celles de M. Tourtelier et de M. Myard.

En effet, c'est une erreur fondamentale de raisonnement que de vouloir interpréter l'article 1er et l'article 5 de la charte de l'environnement, y compris en les mettant en correspondance l'un avec l'autre, comme impliquant que la santé puisse faire l'objet du principe de précaution.

L'article 1er dispose que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à la santé. Il y a donc bien un lien de causalité entre les deux, mais c'est un lien unidirectionnel de l'environnement vers la santé.

M. Paul Giacobbi. Vous vous écartez de l'explication de l'article 5 !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Quant à l'article 5, il n'a pour objet que l'environnement. Que l'article 1er crée un lien unidirectionnel (Murmures sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) de causalité dans un seul sens n'implique absolument pas que l'article 5, qui porte exclusivement sur l'environnement, ramène la santé dans son champ.

M. Guy Geoffroy. Beau syllogisme !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Certes, les deux articles sont en correspondance, mais il en est de même pour tous les articles mentionnés à l'article 2 du projet de loi constitutionnelle. Cette correspondance ne signifie donc pas que l'article 1er réintègre dans son champ l'article 5 relatif au principe de précaution.

M. Paul Giacobbi. C'est une logique, mais personne ne dit la même chose !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Martial Saddier, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques n'a pas examiné l'amendement n° 1 mais, à deux reprises, le rapport de la commission a été cité à ce sujet.

Je remercie M. le garde des sceaux d'avoir confirmé que la santé n'était pas visée. Cela justifie notre effort de clarification, illustré par huit pages de tableaux.

Les exemples extrêmement précis qui ont été cités pour montrer la différence entre prévention et précaution me donnent l'occasion de préciser à nouveau ma pensée : la question centrale posée par la charte, notamment par son article 5, c'est l'existence d'un dommage grave et irréversible à l'environnement. M. le garde des sceaux a été très clair sur ce point.

Monsieur Tourtelier, vous avez établi un lien entre l'article 7 et l'article 1er en laissant supposer que tel était le cas dans le rapport. Vous savez que nous débattrons ultérieurement de l'article 7 qui a pour objet le droit d'accès aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et le droit à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Or il n'est pas nécessaire de procéder à une lecture conjointe des deux articles pour interpréter l'article 1er. Vous avez d'ailleurs omis de préciser que, dans la partie du rapport que vous mentionniez, l'article 1er n'est pas le seul cité pour exemple. Les articles 2 et 4 sont également cités. Par souci de clarté, l'information sur ce texte prend évidemment en compte l'ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, lorsqu'il s'agit d'un débat constitutionnel, la tradition est de laisser tous les députés s'exprimer. Autant je peux aller vite sur certains articles, autant je laisse les orateurs s'exprimer quand nous sommes au cœur du débat.

M. François Sauvadet. Merci monsieur le président !

M. André Chassaigne. On commençait à s'ennuyer !

M. le président. Cela étant, monsieur Lassalle, je vous fais confiance pour demeurer dans des limites raisonnables.

M. Jean Lassalle. D'abord, je pense que notre débat s'éloigne de plus en plus du droit pour devenir un débat conceptuel où la bonne foi des uns s'oppose à celle des autres, alors que ce qui est en cause ici est beaucoup plus sérieux.

Ensuite, plus le débat avance, moins je comprends ce principe de précaution. (Sourires.) En effet si je sais à quoi il ne s'applique pas, je ne sais toujours pas à quoi il s'applique.

M. Christophe Caresche. En effet, c'est incroyable !

M. Jean Lassalle. Je n'ai pas compris et je comprends de moins en moins !

Enfin, je considère qu'il est très hasardeux, de la part de notre majorité, de s'engager sur un tel chemin car, chaque fois que l'homme a été placé au second plan des préoccupations, cela ne s'est jamais bien terminé. Nous sommes fort éloignés du très beau discours du Président de la République à Johannesburg, lorsqu'il appelait de ses vœux à une écologie humaniste.

Nous sommes soucieux de pouvoir, demain, expliquer à nos enfants que nous avons voulu protéger la nature pour eux ; c'est tout à fait normal. Mais comment allons-nous expliquer aux pays du tiers-monde que nous continuerons à laisser mourir leurs habitants par centaines de milliers parce que nous sommes en train de nous constituer une bulle pour pays riches ?

M. André Chassaigne.Très juste !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le garde des sceaux, vous avez indiqué que si une atteinte à l'environnement avait une conséquence sur la santé, le principe de précaution s'appliquait. Or M. Saddier, dans son rapport, explique clairement que, s'il y a un rejet polluant, donc une atteinte à l'environnement susceptible d'affecter la santé humaine, le principe de précaution ne s'applique pas.

M. Jean-Luc Warsmann. Quelle page ?

M. Christophe Caresche. Cela figure à la page 92. Lisez le rapport !

Il est donc permis de se poser des questions. Nous débattons du principe de précaution, auquel la presse consacre d'ailleurs de nombreuses pages, et nous sommes face à des réponses contradictoires !

Chers collègues, je constate que M. le garde des sceaux, dont l'interprétation me paraît la plus exacte, ne dit pas la même chose que M. le rapporteur de la commission des affaires économiques ou que les autres représentants des commissions.

M. François Sauvadet. Ce sont des choses qui arrivent !

M. Christophe Caresche. Il faut tout de même clarifier cette question. Les rejets polluants dans l'environnement pouvant affecter la santé humaine, est-ce que cela entre dans le champ d'application du principe de précaution, oui ou non ? La question est simple !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. La réponse est tout aussi simple : cela concerne non pas le principe de précaution, mais la prévention. Ne mélangeons pas tout, je vous en supplie.

M. Christophe Caresche. Ce n'est pas clair du tout !

M. le garde des sceaux. Si ! Cela est parfaitement clair ! S'agissant d'un rejet industriel, nous sommes dans le cadre la prévention.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Nous avons eu ce débat en commission et, ainsi que l'a fait M. le garde des sceaux, nous avons passé près de deux heures à faire la distinction entre la prévention et la précaution afin de dissiper la confusion qui s'était instaurée.

M. Christophe Caresche. On ne sait plus ce qu'est la précaution !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Caresche, je ne voudrais pas qu'on laisse penser à nos collègues que la démonstration qui a été faite à la page 92 du rapport de M. Saddier, à propos de la prévention,...

M. Paul Giacobbi. Ah non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...puisse concerner le principe de précaution.

M. Jean-Luc Warsmann. C'est bien clair !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Saddier a bien relevé dans son rapport que tout ce qui ne concerne pas la précaution et l'article 5 relève de la prévention. C'est tout ce que le rapporteur de la commission des affaires économiques a voulu dire dans son rapport et dans le tableau de la page 92. Alors, que l'on mette un terme à cette confusion, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je tiens à répondre sur un certain nombre de points.

Je reconnais que, à l'heure où l'on parle beaucoup de globalisation, l'un des torts de cet amendement est peut-être de vouloir traiter les problèmes de manière trop globale. J'en conviens.

M. Guy Geoffroy. Ah !

M. Bernard Accoyer. Vous le retirez ?

M. Daniel Garrigue. Non, non, je ne le retire pas.

J'ai ainsi entendu parler du droit européen et de la jurisprudence européenne. Or, en introduisant dans l'article 5 de la charte les mots : « dans les conditions prévues par la loi », nous nous donnerions un cadre législatif.

Par ailleurs il est vrai que nous serons soumis, que nous le voulions ou non, aux principes généraux du droit communautaire et à ses règlements, mais nous avons fait le choix d'entrer dans l'Europe. Notre intérêt, alors que nous avançons dans la construction européenne, est-ce de s'engager dans une démarche séparée ou n'est-ce pas plutôt de rechercher une approche commune des problèmes à l'échelle européenne ? A l'heure où l'on parle d'adopter une Constitution européenne, je suis sidéré d'entendre que la solution serait de se retrancher derrière la Constitution française.

M. François Sauvadet. C'est la vraie question !

M. Daniel Garrigue. En ce qui concerne la question de la santé publique, se pose un véritable problème de critères. A cet égard, je vais citer les deux arrêts du tribunal de première instance des Communautés européennes, parce qu'ils posent très clairement ce problème de la ligne de partage entre ce qui relève de l'environnement et ce qui relève de la santé publique.

L'arrêt Alpharma/Conseil du 11 septembre 2002 porte sur le transfert de résistance aux antibiotiques de l'animal à l'homme. Est-on dans le domaine de l'environnement ou dans celui de la santé humaine ? Je vous demande de réfléchir, parce que la réponse à cette question n'est pas évidente ; elle est pourtant très importante.

L'arrêt Solvay Pharmaceuticals/Conseil du 21 octobre 2003 porte, lui, sur la procédure d'autorisation et de retrait des additifs dans l'alimentation des animaux, et sur leurs incidences sur l'homme. Là encore, est-on dans le domaine de l'environnement ou dans celui de la santé humaine ? En posant cette question, nous sommes en plein dans le problème du principe de précaution. Excusez-moi, mais j'estime que la ligne de partage n'est pas très facile à établir.

Je souhaite donc que nous fassions très attention à cette question des critères.

Notre rapporteure a estimé que le domaine de la santé humaine se limitait à celui des actes médicaux. Je suis désolé, mais ce n'est pas ce qui ressort du code de la santé publique. C'est dire que le problème des critères est extrêmement délicat. Si nous prévoyions que le principe de précaution s'applique « dans les conditions prévues par la loi », nous serions beaucoup plus à l'aise qu'en nous en remettant purement et simplement au juge.

Soit nous faisons du principe de précaution un principe d'application directe, en nous en remettant au juge, celui-ci pouvant être saisi sur l'ensemble du territoire national par tous ceux qui voudront contester la décision d'une autorité publique et qui essaieront de démontrer qu'elle n'a pas pris toutes les précautions nécessaires avant de prendre sa décision,...

M. André Chassaigne. Voilà !

M. Daniel Garrigue. ...et alors nous entrerons dans des contentieux sans fin. Soit nous voulons, non pas pour préserver la compétence du législateur et défendre notre pré carré, mais parce que nous savons que les acteurs ont besoin de sécurité juridique dans notre pays, tenir compte du fait que la démarche scientifique est une démarche expérimentale, qu'elle a besoin d'être organisée, et, dans ce cas, dès lors qu'un minimum de sécurité sera assuré, une démarche juridique ne pourra pas être engagée contre ceux qui prendront des décisions.

M. le président. Je vais encore donner la parole à deux orateurs, après quoi nous pourrons considérer que l'Assemblée sera suffisamment éclairée, puisque nous aurons eu vingt-deux interventions.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. J'ai abordé ce débat en manifestant une certaine prudence à l'égard de ce principe de précaution, car je pense qu'il peut avoir des effets de blocage par rapport à un certain nombre de progrès de la recherche. Néanmoins, tout en étant très prudente, je suis entrée dans cet hémicycle pleine de bonne volonté. Or j'avoue, monsieur le président, que je n'y comprends plus rien !

M. le président. C'est ce qu'on appelle une explication de vote. (Sourires.)

La parole est à M. Philippe Tourtelier, après quoi je suspendrai la séance pour cinq minutes, à la demande du groupe socialiste.

M. Philippe Tourtelier. La première réponse du ministre nous donnait satisfaction : la loi sur l'air n'était pas inconstitutionnelle et les rejets polluants dans l'environnement relevaient du principe de précaution. C'est exactement ce que vous avez dit, monsieur le ministre. Et puis, dans une deuxième réponse, vous vous êtes aligné sur les rapporteurs. Quelle réponse est-elle la bonne ?

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Chacun ayant pu s'expliquer, je vais donc mettre aux voix l'amendement de M. Garrigue et de quatre-vingt-quatre de ses collègues.

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Sur le vote qui vient d'avoir lieu, le groupe socialiste m'a fait savoir qu'il s'abstenait.

La parole est à M. Jacques Myard pour soutenir l'amendement n° 54.

M. Jacques Myard. Cet amendement est capital.

Monsieur le ministre, un vieil adage dit que l'on ne crée qu'en retranchant. Or il est bien connu que les textes constitutionnels doivent être courts. Pourquoi parler du « principe de précaution » alors que l'on peut dire : « par précaution » ? Le génie de la langue française veut d'ailleurs que l'on obéisse à la loi de l'économie.

Clemenceau avait coutume de dire que s'il était bon d'avoir des principes, on pouvait s'appuyer sur eux jusqu'à ce qu'ils cassent.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Jusqu'à ce qu'ils cèdent !

M. Jacques Myard. Par conséquent, je vous propose de remplacer les mots : « par application du principe de précaution » par les mots : « par précaution ». C'est beaucoup plus simple.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont contre cet amendement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Tout le monde est contre !

M. le président. C'est cela même, tout le monde est contre. (Rires.)

M. Paul Giacobbi. Nous ne sommes pas par principe contre !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je répondrai à la commission qui s'est prononcée contre, monsieur le président !

M. le président. J'ai entendu !

M. François Brottes. Avant que nous engagions le débat sur les autorités chargées de la mise en application du principe de précaution, j'aimerais poser une question simple. Chaque fois que nous avons évoqué le champ d'application de ce principe, on nous a répondu qu'il s'agissait de prévention. Pouvez-vous nous donner un exemple, un seul, de cas auquel s'applique le principe de précaution ?

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Le meilleur exemple en est l'effet de serre et les changements climatiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 47.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Martial Saddier, rapporteur pour avis. J'associerai à cet amendement le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier.

Les autorités publiques doivent appliquer le principe de précaution prévu par l'article 5. L'amendement de la commission des affaires économiques précise qu'elles doivent le faire « dans leurs domaines d'attributions ». Ainsi, un maire ne doit pas être incriminé dans un domaine qui n'est pas le sien. A l'inverse, il s'agit d'éviter qu'il ne prenne des décisions tous azimuts dans des domaines de compétence ne relevant pas de ses attributions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement répond très précisément à une inquiétude que beaucoup d'entre vous ont exprimée, afin qu'il n'y ait pas de doute sur les responsabilités des uns et des autres et, notamment, des élus locaux chargés de responsabilités exécutives. Il permettra aussi peut-être - je le dis incidemment et sans esprit polémique - d'éviter la confusion qui se développe ici ou là lorsque des assemblées territoriales interviennent dans des domaines qui sont ceux de l'État. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Favorable !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je reviens sur l'effet de serre qui permet d'illustrer le sujet. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Supposons que le préfet de Savoie constate une circulation de camions particulièrement dense en Maurienne - Michel Bouvard connaît le problème. Pourra-t-il décider, en application du principe de précaution, d'interrompre temporairement ou définitivement cette circulation ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est de la prévention !

M. François Brottes. Vous m'avez répondu, madame la rapporteure, que le principe de précaution s'appliquait à l'effet de serre. Ai-je bien compris vos propos ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle a raison !

M. François Brottes. Je pose la question !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. L'effet de serre est un problème global. Il est question de millions de tonnes de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et ce ne sont pas quelques camions qui changeront la face du problème. C'est pourquoi celui-ci est de la responsabilité des Etats. Le préfet de Savoie, seul, n'y pourra malheureusement rien changer.

Mme Marylise Lebranchu. Mais si !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de 3 amendements, nos   3, deuxième rectification, 55 et 68, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l'amendement n° 3, deuxième rectification.

M. Daniel Garrigue. Cet amendement tend à compléter l'article 5. Il prévoit, en effet, que le principe de précaution sera appliqué « dans les conditions prévues par une loi organique ». Cela permettra de définir par grands domaines les procédures et les règles de mise en œuvre du principe.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 55.

M. Jacques Myard. Mon amendement tend à renvoyer l'application du principe de précaution à des « conditions définies par la loi », technique commune prévue par notre constitution. C'est une des premières fois, je le crois, que nous introduisons un principe d'application directe dans notre constitution. C'est une erreur. Il est préférable que la loi l'encadre, sans quoi le juge s'en saisira et l'interprétera à sa façon.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 68.

M. André Chassaigne. Cet amendement a le même objet. Pour que le principe de précaution soit mis en œuvre, deux conditions sont requises qui en bloqueront l'application directe. Il faut qu'il existe une incertitude scientifique. Qui en décidera ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il y aura débat entre les scientifiques !

M. André Chassaigne. Ensuite, il faut une évaluation des risques ; qui la fera ?

Il est absolument indispensable de renvoyer à une loi pour la mise en œuvre du principe, sauf à ouvrir la boîte de Pandore et à voir se multiplier les jurisprudences.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. La commission y est défavorable. Les autorités publiques doivent pouvoir agir en urgence. Donc, ce renvoi à la loi ne semble pas bien adapté à la spécificité du principe de précaution qui est justement d'agir dans une situation d'incertitude scientifique.

Je précise que ce qui définit l'incertitude est l'existence d'un débat entre les scientifiques.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le débat entre les scientifiques et les autorités publiques !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Le principe d'application directe est justifié par des situations exceptionnelles. C'est alors que le principe de précaution doit s'appliquer. Comme l'a précisé le garde des sceaux, cela n'empêche naturellement pas le législateur d'intervenir dans certains domaines, mais, ces situations exceptionnelles ne peuvent pas être toutes appréhendées et il ne sera pas toujours en mesure de les détailler. Compte tenu de ces situations exceptionnelles et de leur gravité, ce principe doit s'appliquer même si le législateur n'est pas intervenu dans certains domaines.

M. Christophe Caresche. Cela ne tient pas la route !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Au-delà de l'exemple de l'effet de serre évoqué par Mme la rapporteure, je citerai celui de certains produits chimiques qui présentent aujourd'hui des risques pour l'homme et pour l'environnement. Or de nombreuses substances chimiques n'ont pas fait l'objet d'études suffisantes permettant d'en mesurer tous les effets.

M. Christophe Caresche. C'est de la prévention, alors ?

M. le président. Nous n'allons pas refaire tout le débat !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Je tenais à citer, dans ce débat, un cas où le principe de précaution pourrait s'appliquer.

M. François Brottes. Absolument ! Cela manque !

M. Christophe Caresche. Vous êtes incapable de dire à quoi cela va s'appliquer !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Nous constatons, en liaison avec ces produits chimiques, l'apparition d'un grand nombre de cancers notamment en milieu professionnel, ce qui conduit à prendre des mesures de précaution. François Sauvadet m'a interrogé sur ce point. Actuellement est en discussion, au niveau européen, un règlement permettant d'appréhender ce type de problèmes.

M. le président. Monsieur le ministre, ne refaisons pas le débat !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Ces questions d'environnement ont des conséquences sur la santé.

Mme Nathalie Gautier. Alors, mettez-le dans la loi !

M. François Brottes. Le garde des sceaux a dit que cela ne figurait pas dans la loi !

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, ne rouvrons pas le débat que nous avons eu pendant une heure et demie, sinon nous risquons de siéger toute la nuit ! Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je rappelle donc que le Gouvernement et la commission sont défavorables à ces amendements.

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Nous avons raison de prendre des précautions dans ce débat parce que, comme l'a fait remarquer Mme Boutin, les explications que l'on nous donne manquent de clarté. Il convient d'apporter des précisions. Tel est l'objet de ces trois amendements. Il semble ainsi que le principe de précaution ne s'applique pas aux exemples que l'on nous a donnés tout au long de ce débat. Mme la rapporteure a cité l'effet de serre et l'absence de contestation dans la communauté scientifique sur ce point. C'est ce que vous expliquez à la page 10 de votre rapport. Après avoir décrit le phénomène, vous précisez que le réchauffement du climat : « selon les éléments rassemblés par l'Intergovernmental Panel on Climate Chang et présentés dans un ouvrage récent par M. Hubert Reeves, se serait traduit par une augmentation proche d'un degré de la température moyenne de la terre au cours du vingtième siècle. L'élévation s'est accélérée depuis 1990 [...] Il est désormais admis que ce réchauffement est lié, en large partie, à l'activité humaine. » Où est l'incertitude ? Elle est extrêmement faible. Il semblerait que nous soyons, par conséquent, dans le domaine de la prévention plutôt que de la précaution.

Quant à l'exemple des produits chimiques ayant des effets sur l'environnement, donc, sur la santé, il n'est pas pertinent quand on sait que la santé est exclue du champ d'application de l'article 5. Mais sans doute ne suis-je pas assez intelligent pour comprendre...

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je constate que les responsables de ce texte sont incapables de nous expliquer précisément à quoi s'applique ce principe de précaution. Depuis le début de ce débat, on ne nous donne que des exemples de sa non-application. A cet égard, la position du groupe socialiste est évolutive. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En entrant dans ce débat, nous n'avions pas l'intention de nous opposer à l'application directe du principe de précaution. Mais compte tenu de la tournure du débat et de l'impossibilité d'obtenir des précisions, il ne nous apparaît pas raisonnable de constitutionnaliser ce principe et d'en faire un principe d'application directe.

Nous voterons donc l'amendement présenté par le groupe communiste qui tend à renvoyer ce principe de précaution au législateur ; il en va d'ailleurs de même des autres principes inscrits dans la charte de l'environnement. La discussion d'une loi nous donnera le temps de définir exactement le principe de précaution et nous permettra peut-être d'obtenir les réponses que nous n'avons pas aujourd'hui. Tout cela peut prendre peu de temps. Mais ce n'est pas pour autant renvoyer ce débat aux calendes grecques. Le Gouvernement pourrait, comme je l'ai suggéré tout à l'heure, nous présenter rapidement un projet de loi définissant clairement les contours du principe de précaution. En l'état actuel des choses, il ne me semble absolument pas raisonnable de le constitutionnaliser.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Nous avons déjà eu une longue discussion sur le problème de la santé. Tout ne m'a pas semblé clair. Si nous voulons vraiment que ce principe de précaution soit appliqué, en admettant qu'on l'ait compris, nous devons accepter l'amendement tendant à faire définir par une loi organique les conditions de son application. Vous êtes, pour la plupart, des élus locaux, mes chers collègues. Vous voyez, comme moi, se développer les procédures qu'engagent des associations de toute nature.


Je suis absolument convaincue que, si nous ne prenons pas la précaution de prévoir une loi organique - comme c'est nécessaire, à propos des libertés, pour les collectivités territoriales -, le principe de précaution, que nous appelons de nos vœux, ne sera pas réellement appliqué.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, deuxième rectification.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 51 et 69, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 51.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Sur l'amendement n° 51, je suis saisi d'un sous-amendement n° 90.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Il s'agit de remplacer les mots : « afin d'éviter la réalisation du dommage » par les mots : « afin de parer à la réalisation du dommage ». Le style de l'amendement n° 51 s'en trouvera beaucoup plus fluide, plus harmonieux, plus beau, en accord avec la richesse de notre langue. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 90.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Quelle ouverture !

M. Michel Bouvard. C'est remarquable ! L'Humanité en fera sa « une » de demain !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51, modifié par le sous-amendement n° 90.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 69 n'a plus d'objet.

Les amendements nos 70 de M. Chassaigne et 12 de M. Yves Cochet tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.

M. Daniel Garrigue. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.

M. Daniel Garrigue. Je le retire également.

M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 82.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 86.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Comme je connais son destin par avance, je serai bref... (Rires.)

Après le mot : « durable », j'aurais voulu ajouter le mot : « équitable », pour les raisons que j'ai déjà indiquées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 80.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Défavorable !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. La commission comprend d'autant mieux la préoccupation exprimée ici qu'elle a déposé un amendement allant dans ce sens mais plus intéressant, lui semble-t-il, dans la mesure où il met vraiment sur un pied d'égalité les trois termes du développement durable : l'économique, le social et l'environnemental. Nous proposons donc à M. Caresche de se rallier à cet amendement.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Caresche ?

M. Philippe Tourtelier. Non !

M. Christophe Caresche. Je le maintiens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13 de M. Yves Cochet n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 58.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Si je puis me permettre, monsieur le président, je demande une brève suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il va réunir son groupe ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Je n'en ai encore demandé aucune ! Je suis le seul représentant de mon groupe ce soir et il faut que je remette de l'ordre dans mes papiers. Pouvez-vous m'accorder deux minutes ? (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous accorde deux minutes, mais nous restons dans l'hémicycle, mes chers collègues... en vertu du principe de précaution. (Rires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures vingt et une.)

M. le président. La séance est reprise.

Vous avez la parole, monsieur Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 58.

M. André Chassaigne. Défendu. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 59 rectifié.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Défendu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 52 rectifié.

La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Il s'agit de l'amendement dont je parlais à l'instant, qui vient en écho à ceux de M. Chassaigne et de M. Caresche.

J'ai pu observer, durant les nombreuses auditions auxquelles la commission des lois a procédé, que l'article 6, dans sa rédaction actuelle, est mal compris. Le développement durable repose sur trois piliers : le développement économique, le progrès social et la préservation de l'environnement. Or l'article est rédigé de façon dissymétrique : les trois piliers ne sont pas mis au même niveau, sans que l'on sache très bien lequel est privilégié.

M. Jacques Myard. C'est un guéridon à trois pieds ! (Sourires.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. C'est gênant puisqu'il m'est apparu, lors des auditions, que chaque camp, si je puis dire, craint que l'autre ne soit favorisé.

Je propose par conséquent une rédaction faisant référence aux trois piliers de façon symétrique. J'ai eu le bonheur de voir la commission accepter cet amendement, auxquels s'associent en particulier M. Goasguen et M. Soisson.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. N'ayant aucun doute sur l'avenir de notre amendement n° 80, je ne l'ai pas défendu, mais je voudrais vous dire pourquoi je le jugeais préférable. La rédaction de l'amendement de la commission est satisfaisante, mais pas entièrement cependant, car l'expression « développement durable » contient le terme générique « développement », que vous n'avez employé que pour le pôle économique, le mettant ainsi davantage en valeur que les deux autres.

Mme Marylise Lebranchu. Exactement !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Et l'expression « progrès social » ?

M. Philippe Tourtelier. Avec la formule « conciliant les exigences économiques, sociales et environnementales », qui avait notre préférence, ils étaient tous trois sur le même plan.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Il me semble que c'est tout le contraire. Du reste, dans une version initiale de notre amendement, l'expression « développement social » avait été retenue, mais il nous est apparu que les mots « progrès social » étaient plus forts.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 14 de M. Yves Cochet et 57 de M. Chassaigne tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 56.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 81.

La parole est à Mme Nathalie Gautier, pour le soutenir.

Mme Nathalie Gautier. Cet amendement intègre le quatrième principe visé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement : il s'agit de consacrer la citoyenneté environnementale.

C'est également un objectif majeur de la Déclaration de Rio de 1992, dont le principe 10 dispose : « La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. »

Nous vous proposons donc de faire commencer l'article 7 de la charte par les mots : « En application du principe de participation ». C'est une réaffirmation très claire de ce principe.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 15 et 16 de M. Yves Cochet ne sont pas défendus.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 2.

Je suis saisi d'un amendement n° 72 rectifié.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Défendu

M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos  53, 67 rectifié et 83, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 53.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure. Puisqu'il s'agit de l'amendement dit « Delattre-Pecresse », je pourrais peut-être leur laisser le privilège...

M. le président. Il a déjà été longuement défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Voulez-vous tout de même dire un mot, monsieur Delattre ?

M. Francis Delattre. Oui, quelques mots !

Quitte à me répéter, je pense franchement que cet amendement répond à beaucoup des interrogations soulevées par Mme Boutin, car il y aura sans aucun doute deux phases de mise en œuvre distinctes. Quelle avancée permettra cet amendement ? Jusqu'à présent, des questions d'avenir essentielles échappaient à la compétence du Parlement de ce pays et il convient de les faire entrer dans le domaine législatif.

Tout à l'heure, un collègue faisait remarquer que nous avons déjà traité ici de l'eau, des paysages ou de l'air sans que ce ne soit expressément prévu dans la Constitution. Il y avait effectivement une sorte de consensus sur ces sujets et le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi. Lorsqu'un principe fondamental était en jeu, cela pouvait aussi susciter un texte, comme ce fut le cas, pour le droit de propriété, avec la première loi sur la chasse. Sur les paysages, ce fut un peu la même chose. Cela dit, il reste impossible de débattre des OGM à l'Assemblée nationale.

Ce nouvel article de la Constitution constituera une avancée pour le Parlement : nous pourrons débattre en profondeur de ces sujets d'avenir fondamentaux qui intéressent tant nos concitoyens, et ainsi éviter les manipulations médiatiques habituelles sur certains dossiers, où le superficiel, le sensationnel, prend le pas sur les discussions de fond. Ce n'est tout de même pas rien. Alors, arrêtons de dire que l'évolution ne sera que marginale.

À terme, toutes les inquiétudes qui se sont manifestées sur les procédures et sur le bornage du principe de précaution par la loi vont pouvoir être levées. On me dit qu'il faut le faire par une loi organique. Encore faut-il que l'article 34 de la Constitution le permette ! Avec cet amendement, ce sera le cas. C'est un passage obligé si nous voulons avoir, sur ces nouveaux droits, un texte d'encadrement qui tienne la route.

J'ajoute, surtout pour mon ami Myard, qui s'intéresse beaucoup aux questions européennes, que les directives européennes sont communiquées au Parlement français - nous avons d'ailleurs une commission spécialisée - si elles touchent à ce qui relève de la loi, mais pas pour ce qui appartient au domaine réglementaire.

Plusieurs députés du groupe de l'union pour un mouvement populaire. C'est vrai, il a raison !

M. Francis Delattre. Ainsi nous pourrons, sur ces questions, être moins évasifs et savoir de quoi il s'agit exactement.

Enfin, il n'est pas indifférent que, sur des sujets aussi importants qui, aujourd'hui, lui échappent largement, le Parlement de ce pays reprenne la main !

Évidemment, si j'étais dans l'opposition, (« Vous y reviendrez ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) je demanderais avec insistance au Gouvernement de prendre l'engagement de déposer un projet de loi organique dans l'année qui vient. (Rires.)

Voilà une question politique intelligente que vous devriez poser, mes chers collègues de l'opposition ! (Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On voit bien que cet amendement modifiant l'article 34 de la Constitution n'est pas aussi mineur que certains l'ont prétendu.

M. le président. Si l'amendement n° 53 est adopté, les amendements nos 83 et 67 rectifié tomberont. Je vais donc donner la parole à leurs auteurs, M. Caresche et M. Chassaigne.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je reprends bien volontiers la suggestion de M. Delattre et je demande au Gouvernement - qui devrait être encore là dans un an ! - s'il prend l'engagement de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale, dans ce délai, un projet de loi organique visant à préciser les principes contenus dans la charte de l'environnement. La réponse est importante pour tous les députés.

Sans reprendre les arguments que j'ai développés en défendant la question préalable, je répète que le problème posé par cette charte vient en grande partie de la méthode choisie, l'adossement d'un document au Préambule de la Constitution. Mieux aurait valu inscrire dans la Constitution le droit de l'environnement et renvoyer à une loi organique l'application de ce principe constitutionnel.

Ce n'est pas le choix qui a été fait et votre amendement, monsieur Delattre, ne règle pas ce problème, puisqu'il ne fait que dire que le droit de l'environnement est du domaine de la loi. Or c'est déjà très largement le cas aujourd'hui puisque plus d'une trentaine de lois ont d'ores et déjà été votées en la matière et qu'il existe un code de l'environnement - il n'est pas tombé du ciel ! - qui a été nourri en particulier par lesdites lois.

M. Francis Delattre. Le code est à 90 % d'origine réglementaire !

M. Christophe Caresche. Il est vrai que votre amendement apporte une précision utile. Mais là où nous ne sommes pas d'accord, et c'est pourquoi nous avons voté pour le renvoi du principe de précaution à la loi, c'est que votre amendement offre au législateur la possibilité de légiférer mais n'en fait pas une obligation.

Vous nous demandez de vous croire sur parole mais tant que je n'aurai pas l'engagement du Gouvernement, j'aurai du mal à vous suivre... Il faudrait aussi, d'ailleurs, que le Gouvernement éclaire l'Assemblée sur le calendrier d'application des principes qui, dans la charte, sont explicitement renvoyés à la loi.

Nous voterons donc l'amendement n° 53, mais nous estimons sa portée très limitée.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voterai d'autant plus volontiers cet amendement que nous en avons présenté un qui est similaire. Néanmoins il pourrait presque prêter à sourire car on pourrait le qualifier d'amendement-aveu. Ne sous-entend-il pas que la charte ne suffira pas et qu'il faut envisager une loi pour définir le principe de précaution ? On peut même parler d'amendement de précaution (Sourires) : en dépit des dénégations des rapporteurs et des ministres, ce qui ressort de nos discussions, c'est qu'il faudra bien en venir à une loi ; on ouvre la boîte de Pandore pour la refermer aussitôt !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 67 rectifié et 83 tombent.

Nous avons terminé l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle.

Les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, auront lieu mardi 1er juin, après les questions au Gouvernement.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Jeudi 27 mai 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1586, d'orientation sur l'énergie.

Rapport, n° 1597, de M. Serge Poignant, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot