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Deuxième séance du jeudi 10 juin 2004

251e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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HABILITATION À SIMPLIFIER LE DROIT

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (nos 1504, 1635).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à la réforme de l'État, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, la discussion générale sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre plusieurs ordonnances visant à simplifier le droit a, en fait, commencé ce matin. Au-delà des arguments, au demeurant fort légitimes dans notre démocratie, visant à soutenir plus ou moins solidement la défense des motions de procédure, les orateurs ont déjà parlé du fond, c'est-à-dire des questions sur lesquelles ils estimaient nécessaire que la représentation nationale se prononçât. C'est un bon signe.

C'est la démonstration - s'il en fallait une - que l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui n'est pas de pure forme ni, comme certains l'ont prétendu, une sorte de coup de force à la va-vite d'un gouvernement qui voudrait, sous couvert de certaines simplifications mineures, faire passer, à quelques jours d'une grande consultation électorale, des réformes qu'il n'aurait pas le courage de proposer autrement à la représentation nationale. Nous aurons l'occasion d'en reparler, tant au cours de cette discussion générale que durant l'examen des soixante et un articles du projet de loi.

Je voudrais aborder cette réforme sous quatre angles : le pourquoi, le comment, son contenu, ou plutôt certains éléments de celui-ci, et l'après.

Les raisons de ce projet de loi ont été évoquées ce matin en termes à la fois précis et très prospectifs par le ministre de la fonction publique et par le secrétaire d'État à la réforme d'État : simplifier le droit n'est pas une fin en soi ; ce texte est le fruit d'un constat, d'une nécessité et, plus encore, d'une exigence de la part de nos concitoyens.

Les Français sont, comme nous-mêmes, très ambigus et très ambivalents dans leur demande de droit. À cet égard, il est moins surprenant qu'il n'y paraît de constater que parmi les sujets proposés à nos jeunes lors de l'épreuve de philosophie du baccalauréat, beaucoup portaient sur les rapports entre le citoyen et l'État : doit-on tout attendre de l'État ? Comment se positionner par rapport à l'État ? Quelle est la part de chaque individu dans sa propre vie et dans son propre destin par rapport à la collectivité publique ? Nous, les Français, sommes à la fois très exigeants envers l'État et très jaloux de notre liberté.

La loi a vocation, en principe, à garantir l'exercice de toutes les libertés, dans la plus grande égalité des chances et de traitement, à chacun de nos concitoyens. Force est de constater que certaines législations sont obsolètes, que d'autres sont devenues si complexes que plus personne ne les comprend, que d'autres enfin doivent être précisées et actualisées afin de pouvoir vivre encore avant d'être modifiées le jour venu.

Comme je l'ai dit ce matin, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, depuis sa nomination en mai 2002, a eu le grand mérite de ne pas avoir renoncé à cet exercice apparemment mineur, mais au fond très important : la simplification administrative. Il s'agit de redonner aux citoyens de notre pays la capacité d'exercer leur libre arbitre dans le cadre des lois que les représentants de la nation votent. Je tenais à souligner ce point car il n'était pas simple de tenir cet engagement parmi tant d'autres alors que nous faisons l'objet de tant de sollicitations pour continuer à réformer notre pays dans tous les domaines où nous nous y sommes engagés depuis bientôt deux ans. Et nous continuerons.

J'en viens au « comment ».

Ce matin, certains ont dit tout le mal ou tout le bien ordinaire qu'il conviendrait de penser de l'utilisation de l'article 38 de notre constitution.

Ne nous y trompons pas et ne nous laissons pas embarquer dans une mauvaise querelle : cet article 38 n'a rien d'un article d'exception. C'est un outil, parmi d'autres, qui permet de trouver un point d'équilibre, dont nos institutions ont besoin, entre le domaine de la loi et celui du règlement, entre l'action menée au quotidien par le Gouvernement pour atteindre ses objectifs et la légitime aspiration des représentants de la nation à exercer l'ensemble de leurs prérogatives.

Je le répète avec force, mais aussi avec beaucoup de sérénité : il n'y a nulle malice à utiliser l'article 38 de la Constitution, surtout dans les conditions d'élaboration de la première loi d'habilitation du gouvernement Raffarin, dans celles de ce projet de loi et des projets qui suivront. Il s'agit simplement d'être pratique, concret, efficace, tout en apportant les nécessaires garanties que la Constitution sera respectée et que les objectifs seront atteints.

S'agissant du contenu de ce projet de loi, je n'aborderai évidemment pas les quelque 200 sujets qu'il traite. Le rapport extrêmement précis et fort bien construit de notre excellent rapporteur Etienne Blanc, qui dépasse le travail d'un professionnel avisé du droit, précise tout ce qu'il faut savoir. Quiconque se plonge dans ce volumineux document n'a pas à craindre d'y trouver des points obscurs.

Le projet de loi est lui-même fort explicite. Il répond à toutes les questions que nous nous posons dans son exposé des motifs et dans les explications, à la fois simples et précises, qui nous sont données article par article.

J'évoquerai seulement quelques sujets inclus dans ce projet de loi.

Pour ce qui est du nouveau régime social des travailleurs indépendants, l'attente est forte et nous sommes appelés à mettre en place une véritable innovation. Nous savons bien que les intéressés souffrent depuis toujours d'être en butte à des tracasseries administratives et qu'ils recherchent ce que ce projet justement leur propose : un interlocuteur social unique. Telle est leur demande et le projet s'efforce d'y répondre au plus près. La commission des lois et plusieurs de mes collègues ont amendé ce texte pour en améliorer encore la cohérence et pour satisfaire le plus possible la demande exprimée.

Il est d'autres sujets qui ne sont mineurs qu'en apparence. Ce sont ceux où la représentation nationale ose supprimer des dispositions qui n'ont plus de raison d'être et ceux où elle a le simple courage de reconnaître que des dispositifs doivent être modifiés ou regroupés pour améliorer leur lisibilité.

Je terminerai en abordant l'après : la vie et le devenir des ordonnances, l'organisation générale de ce grand programme de simplification du droit engagé par la loi du 2 juillet 2003 que nous prolongeons aujourd'hui. Le Gouvernement nous a rappelé ce matin qu'il allait bien évidemment poursuivre ce programme.

Je tiens à vous confirmer, monsieur le secrétaire d'État, combien est grande l'aspiration de notre assemblée à ce que la plus grande transparence préside à la rédaction de ces ordonnances et à leur transmission aux élus de la nation, afin qu'aucune des inquiétudes exprimées ce matin ne se révèle fondée à l'arrivée. Vous nous avez d'ailleurs assurés que cette transparence allait de soi.

Monsieur le rapporteur, vous savez que nous disposons d'un outil de qualité pour prendre en charge le devenir de ces ordonnances et leur capacité à atteindre leurs objectifs : ce sont les nouvelles dispositions de notre règlement intérieur qui donnent au rapporteur d'un texte non seulement le droit, mais le devoir, d'en suivre le devenir pendant les six mois suivant son adoption. Je suis sûr qu'Etienne Blanc assurera ce suivi.

Ces ordonnances offrent trois opportunités : pour la commission des lois et son rapporteur, celle d'en assurer le suivi ; pour l'ensemble de la représentation nationale, celle d'avoir les garanties qu'elle espère et auxquelles elle a droit ; pour nos concitoyens, celle d'avoir la certitude que, au-delà des polémiques sur le mode opératoire des ordonnances, bien compréhensibles dans notre démocratie, ce projet de loi était nécessaire, que c'est du bon travail qui mérite d'être sanctionné par un vote positif de notre part. Le groupe UMP ne faillira pas à sa responsabilité. Vous pouvez compter sur lui, monsieur le secrétaire d'État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais illustrer par mon intervention dans la discussion générale ce qu'ont exprimé nos collègues Jérôme Lambert et Jacques Brunhes ce matin. Il ne s'agit pas pour nous de contester au Gouvernement l'usage de l'article 38 de la Constitution,...

M. Guy Geoffroy. Ah, quand même !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...mais de refuser qu'il s'en serve pour introduire dans la loi des dispositions à nos yeux inacceptables ou qui justifieraient, à tout le moins, un vrai débat parlementaire.

En premier lieu, la violation des prérogatives de notre assemblée est particulièrement manifeste dans l'article 4 consacré à la filiation.

J'ai souvenir qu'à l'occasion du débat sur le divorce, le Gouvernement a écarté l'hypothèse de la suppression du divorce pour faute, de même que des amendements émanant de la majorité visant à élargir aux parents concubins la protection nécessaire en cas de violence et le maintien au domicile de la victime. Il a justifié sa position au motif qu'il était impératif de prendre, en ces matières, le temps nécessaire. Tout en déplorant les refus du Gouvernement, nous avons souligné la pertinence, monsieur le secrétaire d'État, à faire coïncider la loi avec l'attente sociétale pour tout ce qui touche aux droits de la personne.

Or voilà que, moins d'un mois après, le Gouvernement sollicite une habilitation pour réformer le droit de la filiation par voie d'ordonnances. Et pas pour de petites adaptations !

Ce n'est pas en lisant l'exposé des motifs, mes chers collègues, que vous connaîtrez les intentions du Gouvernement en ce domaine. Non, vous les trouverez dans l'excellent rapport d'Etienne Blanc, ce qui démontre qu'il y a au moins un député qui a pu avoir quelques explications de la part du Gouvernement.

Non sans prudence - tout le monde relèvera les expressions du genre : « d'après les informations fournies par la chancellerie » -, notre collègue énonce, à la page 72 de son rapport, le contenu des mesures de simplification proposées dans l'article 4.

D'après les informations fournies par la chancellerie, il s'agit de « supprimer la distinction entre filiations naturelle et légitime » : cent années de législation !

Il s'agit d'« encadrer la possession d'état » : c'est la notion la plus complexe en matière de filiation.

Il s'agit d'« unifier le régime des preuves scientifiques dans le contentieux de la filiation » : c'est l'instrument le plus redoutable.

Il s'agit d'« affirmer un principe chronologique de portée générale, privant d'effet une seconde filiation tant que la première n'a pas été contestée » : autrement dit, on modifie le droit.

Il s'agit d'« harmoniser les modes d'établissement judiciaire de la filiation » : on ouvre ainsi des champs distincts de contentieux, monsieur le secrétaire d'État, et on porte atteinte à des droits.

Il s'agit de « simplifier l'établissement de la filiation maternelle naturelle ».

Il s'agit, enfin, d'« harmoniser les actions permettant de contester un lien de filiation légalement établi ».

Tout cela, mes chers collègues, ne relève ni d'une démarche de simplification du droit ni même d'une tentative de le rendre plus cohérent : il s'agit bien d'une évolution du droit. Sur beaucoup de points, cette évolution est nécessaire, mais pas en usant de la technique de l'ordonnance. Ce choix conduit à priver la représentation nationale d'un débat sur un élément qui est devenu central dans le droit de la famille. Jérôme Lambert a très judicieusement souligné ce matin combien tout débat sur la filiation était un débat de fond. Toute modification de ce droit doit être débattue publiquement, sauf à prendre le risque de voir sa reconstruction contestée demain en raison d'un déficit de légitimité démocratique et sociétale.

Le rapporteur lui-même souligne à juste titre « l'importance du sujet, la force symbolique de la loi sur cette matière ne devant pas être minimisée ».

J'attire donc votre attention sur le caractère inédit d'une modification du code civil par ordonnances. C'est la première fois que l'on procède ainsi.

Le rapporteur lui-même, constatant cette situation, propose une ratification par un texte distinct. Il prend de sacrées précautions, et il a raison de le faire.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais ce qu'il nous dit par là même, c'est que les choses sont très compliquées, et qu'il ne faudra surtout pas traiter ce sujet en le mettant sur le même plan que les dispositions visées dans la dernière partie de ce projet de loi.

Nous proposons, pour notre part, de supprimer cet article 4 et nous demandons au Gouvernement de reprendre, avec vous, monsieur le rapporteur, ce beau chantier, en nous appuyant sur toutes les réflexions déjà conduites et en partageant avec le Parlement les choix et les décisions.

L'atteinte portée aux prérogatives du Parlement est également manifeste dans les articles relatifs à l'urbanisme et au logement. Loin de se limiter à un « toilettage » du droit, de nombreuses dispositions de ces articles remettent en cause les règles applicables dans ces deux domaines.

En ce qui concerne l'urbanisme, l'article 13 de votre projet de loi aurait pour objectif, si l'on en croit son exposé des motifs, d'« autoriser les communes à décider du mode de contrôle qu'elles entendent mettre en place » pour vérifier la conformité des travaux aux autorisations d'urbanisme. Cette intention devrait recevoir l'approbation de tous si elle permettait effectivement aux maires d'exercer plus efficacement leur pouvoir de contrôle.

Mais la lecture de l'article 13 révèle un étonnant et inquiétant changement de perspectives : il ne s'agit plus ici d'« autoriser les communes à décider du mode de contrôle », mais de « redéfinir les procédures de contrôle » par ordonnance. Entre l'exposé des motifs et la lettre de l'article 13, le pouvoir est passé des maires au Gouvernement.

Or ce transfert ne manque pas de nous inquiéter. Lors de la première lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le ministre délégué à l'industrie a exprimé le souhait de supprimer le certificat de conformité prévu par l'article L. 460-2 du code de l'urbanisme. Ce certificat permet à l'administration de constater les infractions commises dans la mise en œuvre des permis de construire. Dans le projet de loi débattu ces derniers jours sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, le contrôle de bonne exécution des travaux facilitant l'accessibilité a été étendu jusqu'à servir à la mise en œuvre de procédures pénales en cas d'infraction. Tout cela avec l'instrument du certificat de conformité.

Il est donc inacceptable que le Gouvernement s'accorde la possibilité de faire disparaître cet outil essentiel de la maîtrise de l'urbanisme au service des maires. C'est pourquoi nous défendrons un amendement tendant à exclure cette possibilité et à prévenir ce danger.

En ce qui concerne le logement, les périls sont plus nombreux et plus graves encore. L'article 12, monsieur le secrétaire d'État, propose d'habiliter votre gouvernement à prendre d'importantes mesures relatives aux aides au logement.

Rappelons au préalable, pour éclairer notre propos et bien saisir les enjeux, l'importance considérable des sommes dont il est question. En 2002, selon les chiffres rapportés par notre excellent collègue François Scellier, 13,2 milliards d'euros ont été accordés à plus de six millions de nos concitoyens au titre des trois aides au logement.

Toute modification des règles applicables à ces aides devrait donc supposer la plus grande prudence et, pour le moins, appeler la compétence pleine du Parlement. Or votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'État, veut offrir au Gouvernement la possibilité de prendre pas moins de neuf mesures dans ce domaine. Son bilan en matière de logement, très critiqué, justifie selon nous d'examiner avec la plus grande vigilance ces neuf mesures dites « de simplification ».

Deux d'entre elles appellent particulièrement notre attention.

La première concerne la suppression de l'abattement forfaitaire appliqué aux ressources des ménages dont les deux conjoints sont actifs. Mais ce n'est pas de la simplification du droit, c'est de la suppression d'aides ! Conséquence des mesures d'économie décidées par votre gouvernement en mars dernier, cette disposition est l'occasion de dénoncer à nouveau le scandale de la prétendue « revalorisation » des APL pour 2003.

Peut-on, en effet, parler de « revalorisation » lorsque celle-ci se traduit par l'exclusion de 250 000 bénéficiaires ? Lorsque des économies mesquines sont réalisées sur le dos des chômeurs, des conjoints survivants et des familles ? Lorsque l'augmentation des barèmes reste inférieure à celle des loyers ?

Tandis que le Gouvernement affiche, depuis sa défaite aux dernières élections, sa volonté d'agir pour la cohésion sociale en matière de logement, il procède, dans la discrétion la plus totale, à des rectifications techniques qui portent atteinte à cette cohésion et se traduisent par une régression sociale.

Une deuxième modification des règles applicables aux APL soulève de graves inquiétudes. Votre projet de loi propose en effet, selon l'exposé des motifs, de « renvoyer au niveau réglementaire la date d'actualisation du barème de l'aide personnalisée au logement, fixée actuellement au niveau législatif, comme ce qui existe pour l'allocation de logement ».

S'il s'agissait seulement de fixer la date d'actualisation des APL au 1er janvier de chaque année, cette disposition pourrait se défendre. Un passage éventuel au 1er janvier présenterait au moins l'avantage de faire coïncider le débat sur l'actualisation avec celui du budget.

Mais là encore, le bilan du Gouvernement nous fait craindre le pire. Pour l'année 2003, il a dépassé de dix mois l'échéance légale pour procéder à l'actualisation des APL. Ce retard sans précédent a provoqué l'insolvabilité des ménages aux revenus les plus faibles. Par ailleurs, le versement rétroactif des sommes dues à ces ménages, très légitimement imposé par la loi - et qui n'est donc pas un geste de générosité de la part du Gouvernement, contrairement à ce qu'a prétendu le secrétaire d'État au logement -, va entraîner de graves complications pour les administrations.

Un tel désastre éclaire selon nous la véritable intention du Gouvernement. Si, à l'avenir, la date d'actualisation des APL devait être fixée par voie réglementaire, il serait libéré de toute contrainte. N'ayant plus à respecter d'obligation légale, il lui suffira de prendre chaque année un nouveau règlement pour repousser la date de cette actualisation. La solvabilité des locataires deviendrait ainsi une variable d'ajustement, selon l'état du déficit public.

Vous comprendrez que c'est pour nous inacceptable et que nous défendrons un amendement visant à empêcher une telle manipulation.

Une dernière disposition relative au logement suscite notre particulière inquiétude. L'article 15 de votre projet de loi propose d'autoriser votre gouvernement à « simplifier et réduire le nombre de définitions légales » de la notion de superficie. Bien que cette harmonisation des définitions soit inspirée par le bon sens, nous craignons qu'elle ne dissimule l'intention beaucoup moins avouable, et inacceptable, de remettre en cause la surface habitable constitutive d'un logement décent.

En effet, l'article 187 de la loi SRU et son décret d'application du 30 janvier 2002 définissent le logement décent comme celui « disposant au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,2 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ». Il s'agit bien là, vous en conviendrez, mes chers collègues, de conditions de logement vraiment minimales. Pourtant, certains députés de la majorité se sont émus l'été denier, dans des questions écrites posées au Gouvernement, de ce que ces critères soient « particulièrement sévères ». Sensible à cette émotion, le Gouvernement a répondu en septembre 2003 qu'il « réfléchissait à une modification du dispositif qui permettrait d'éviter que les chambres de service soient exclues » du marché locatif. Voilà au moins une intention affichée.

Nous n'osons croire que les réflexions du Gouvernement aient finalement abouti à la décision de modifier ce dispositif par voie d'ordonnances...

Mais nous préférons prévenir le pire et nous défendrons donc un amendement visant à interdire toute remise en cause de la définition du logement décent sous couvert d'une harmonisation des définitions des superficies, que nous accompagnerons par ailleurs.

M. Jérôme Lambert. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mes chers collègues, les dispositions que j'ai voulu évoquer devant vous fournissent, je le crois, une bonne illustration des dangers que comporte ce projet de loi d'habilitation. J'espère que la discussion de ses articles permettra de les conjurer.

Mais il faudra, monsieur le secrétaire d'État, que des engagements précis du Gouvernement lèvent toutes les ambiguïtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Comme vous l'avez précisé d'emblée, monsieur le secrétaire d'État, c'est la deuxième fois que nous sommes réunis pour habiliter le Gouvernement à simplifier le droit par voie d'ordonnances. La simplification, c'est d'abord une attente de nos compatriotes, qui ne cessent de nous dire que la loi est compliquée et que son application n'est pas claire, comme nous ne cessons, par des questions écrites et par d'autres formes d'intervention, de faire en sorte que soit précisé le champ d'application de la loi. Cette ambition doit donc nous rassembler. J'ajoute que nous devrons également effectuer un important travail de codification visant à rassembler tous ces textes parfois disparates.

Au-delà de cette ambition, dont j'espère qu'elle est partagée sur tous les bancs de notre assemblée, la question de la méthode doit être posée. Confier au Gouvernement le soin de légiférer par ordonnances n'est pas un choix auquel un parlementaire adhère spontanément avec enthousiasme. Mais il est vrai aussi que nous devons avoir une exigence d'efficacité. Et si le Parlement devait, comme certains le souhaitent, aborder chacun des points qui sont évoqués dans ce texte, on voit l'immensité du champ qui serait devant nous, même si certains aspects méritent que nous en débattions, et pourquoi pas que nous reportions ce débat à d'autres rendez-vous. Mais il faut être sérieux : il y a toute une série de mesures pratiques qu'il faut prendre, tout en conciliant les deux exigences de l'efficacité - quand on veut simplifier, il faut le faire effectivement - et du contrôle parlementaire. Il ne faut pas en effet donner des blancs-seings au Gouvernement. Ce souci a été souvent exprimé et il est partagé sur l'ensemble des bancs de cette assemblée.

Pour concilier ces deux exigences, il faudra lever certaines interrogations légitimes, qui doivent être exprimées dans cette enceinte, sur le contenu même de certaines ordonnances que le Gouvernement nous demande de l'habiliter à prendre. Je pense notamment à l'assurance maladie, mais aussi à la mise en place du régime social des indépendants, ou encore aux conditions du recouvrement. Cela concerne des millions d'artisans et de commerçants qui attendent eux aussi une simplification. Et je suis heureux que des avancées aient été réalisées dans ce domaine. J'y reviendrai.

Au moment même où nous examinons ce deuxième projet, on nous annonce pour l'an prochain un troisième projet de loi d'habilitation, que le Gouvernement prépare déjà. Je me permettrai simplement une incidente, monsieur le secrétaire d'État, qui prendra la forme d'une invitation : la meilleure façon de parvenir à la simplification, c'est encore de ne pas complexifier davantage.

L'initiative de la loi revient, pour l'essentiel, au Gouvernement. Combien avons-nous voté, au cours de la législature, de propositions de loi qui ont trouvé leur effectivité ? J'invite donc le Gouvernement à ne présenter que des projets utiles, à caractère normatif affirmé. Les uns et les autres l'ont rappelé, ont été votées, par le passé, des lois d'intentions, d'affichage qui, parfois même, n'ont pas été appliquées. Jeune parlementaire - j'essaie de conserver cette fraîcheur, comme chacun d'entre vous - j'ai rédigé un rapport intitulé L'insoutenable application de la loi dans le cadre de la mission d'information commune sur les problèmes généraux liés à l'application des lois. J'avais alors été extrêmement surpris de constater qu'un certain nombre de lois n'étaient même pas appliquées ou que les décrets ne correspondaient pas à la volonté du législateur. La simplification doit apporter davantage de lisibilité sur les intentions de tout gouvernement. Nous avions, à ce titre, fait un certain nombre de propositions. On parle souvent d'Alain Juppé pour le critiquer. Je souhaite, quant à moi, lui rendre hommage pour avoir demandé que toutes les lois soient précédées d'une véritable étude d'impact permettant de préciser quelle législation serait modifiée et dans quel objectif. J'invite de nouveau le Gouvernement - je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de transmettre mes propos à M. le Premier ministre - à préciser, lorsqu'il présente un projet de loi, les conditions et les délais dans lesquels la loi sera appliquée. Il y a encore un travail de clarification à faire sur ce point.

Nous avons beaucoup parlé du rôle de contrôle qu'exercent nos commissions permanentes, mais il faut aller plus loin. Notre collègue Warsmann a d'ailleurs déposé une proposition de résolution pour que l'Assemblée s'assure de la bonne application de la loi. Le groupe UDF soutiendra cette initiative. Nous devrions d'ailleurs tous nous rassembler sur ce point.

Le texte lui-même, en six chapitres et soixante et un articles, regroupe plus de 200 mesures touchant des domaines extrêmement variés, du secteur sanitaire et social à l'administration en passant par le logement et l'agriculture. Certaines de ces mesures auront un effet direct sur la vie des citoyens. Il faut, ici, éviter les procès d'intention tels que ceux que j'ai entendus, ce matin, émanant de l'opposition. Il est nécessaire d'abroger ou de toiletter des procédures absurdes qui n'ont plus de sens aujourd'hui, même si elles trouvaient à l'époque une légitimité. Je pense à la prestation de serment devant le préfet de certaines professions, comme les contrôleurs de caisses de congés payés. D'autres mesures sont attendues, comme celles qui concernent la gestion des quotas laitiers ou les coupes de bois où il fallait réintroduire de la souplesse.

Nous devons toiletter ces dispositions, sauf à faire naître des contraintes qui ne permettraient pas d'aboutir à l'objectif, partagé par tous, d'une meilleure gestion forestière.

Je vous rappellerai, mes chers collègues, que la loi d'orientation forestière a été votée sous la précédente législature, par la plupart des groupes de cette assemblée. Nous partagions les mêmes objectifs. Nous ne pratiquions pas, quant à nous, l'opposition systématique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je précise cela dans un souci historique !

J'ai été également très intéressé par les dispositions autorisant les communes de moins de moins de 3 500 habitants à créer des régies. Les maires, qui ne disposent pas des services des grandes villes, ont besoin de clarté et de stabilité. Nous y serons attentifs. Le changement régulier de la norme, qui n'est pas forcément légitimé, est un des facteurs d'insécurité. Des périodes de stabilisation de la norme permettraient l'appropriation, par ceux à qui le droit s'adresse, de nouvelles normes plus équilibrées. Il en va de même de la simplification de l'accès à la comptabilité publique. C'est une mesure utile. D'autres simplifications seraient un facteur d'économies, comme la mise en œuvre du prélèvement de l'impôt à la source. Elle pourrait être prévue par une troisième loi. Voilà un beau chantier, monsieur le secrétaire d'État ! Nous devons nous orienter, comme l'ensemble des pays européens, vers ce type de prélèvement que l'UDF demande depuis plusieurs mois. Progresser dans cette voie serait facteur de simplification et d'utilité publique.

Certains points du projet suscitent, en revanche, interrogation, notamment ce qui relève du domaine de la santé et de la gouvernance de l'hôpital. Alors que nous engagerons dans quelques semaines le débat sur la réforme de l'assurance maladie, il semble pour le moins surprenant de procéder par ordonnances sur un point qui devrait alors faire partie de notre débat, afin que nous ayons une vision d'ensemble tant de la gouvernance de la sécurité sociale que de celle des hôpitaux. Nous sommes donc en désaccord avec le Gouvernement sur ce point. Nous l'avons d'ailleurs précisé dès qu'a été évoquée l'idée de réformer la sécurité sociale par voie d'ordonnances. L'UDF, comme certains députés de l'UMP, s'est opposée à ce que soit ainsi réformé un sujet touchant à la sécurité sociale et à l'accès aux soins pour tous. Si l'on veut que nos concitoyens s'approprient la réforme, il est nécessaire qu'il en soit débattu à l'Assemblée nationale dans le cadre des réflexions en cours sur ce point. Ce sont des questions aussi essentielles que les relations entre l'hôpital et la médecine de ville, les relations entre l'État et les caisses et organismes concourant à la protection sociale, l'organisation des soins, la tarification à l'activité. Ce n'est pas anecdotique.

L'UDF proposera, en conséquence, par le biais d'amendements, que les articles 48 à 50 soient débattus dans le cadre de la vaste réflexion en cours sur la réforme de notre système de santé et de l'assurance maladie. Nous devrons veiller à renforcer le lien entre prévention et santé, nous l'avons évoqué, hier, avec Xavier Bertrand. Le ministre de la santé avait d'ailleurs pris des engagements dans le cadre des comités de suivi du plan « Hôpital 2007 » envers les partenaires sociaux sur des questions comme la nouvelle gouvernance hospitalière ou l'organisation des hôpitaux. Cela mérite un débat que nous aurons dans cette assemblée.

Autre point important : la mise en œuvre pratique du RSI - régime social des indépendants - applicable aux indépendants, aux commerçants et aux artisans et, dans son prolongement, le recouvrement des cotisations. Je voudrais, d'abord, rendre hommage, monsieur le secrétaire d'État, à l'action de votre prédécesseur, Henri Plagnol, qui a ouvert ce dossier difficile. Je saluerai également l'action de M. Dutreil qui assumait alors d'autres fonctions. La notion de libre choix, que nous avions défendue par amendement, a été probablement utile puisque les caisses ORGANIC, CANCAVA et CANAM n'ont pas attendu pour opérer un rapprochement. Nous savons tous combien cela a été difficile pour les dirigeants, les cadres et probablement source d'interrogation pour les salariés. Mais cela répondait à une attente forte des artisans et des commerçants qui espéraient - ils nous le disaient depuis bien des années dans nos permanences - une véritable simplification. Voici donc un moment important. Nos débats seront sans doute suivis très attentivement par les indépendants et leurs représentants. Nous allons, en effet, réformer en profondeur la protection sociale de quelque cinq millions de Français. Nous devrons respecter, dans nos choix, l'histoire, la culture et la sensibilité de ces commerçants et artisans qui participent activement à la vitalité de notre tissus économique et jouent un rôle déterminant au niveau de l'emploi qui demeure une préoccupation majeure et partagée.

Il n'y aura pas de bonne réforme si elle n'est pas acceptée et partagée, notamment pour ce qui est du recouvrement. Je suis profondément convaincu que si l'on veut continuer dans cette voie de la simplification, notamment en faveur des très petites entreprises, nous devrons aider l'entrepreneur à se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire son activité. Chacun sait ce que coûte en temps et argent la complexité administrative à laquelle il est confronté.

Je saluerai, comme l'a fait ce matin M. le secrétaire d'État, après M. Dutreil, l'esprit de responsabilité des dirigeants des caisses ORGANIC, CANCAVA et CANAM qui ont effectué ce travail difficile dans l'intérêt des commerçants et artisans. Ce travail aboutit, aujourd'hui, à la création du RSI dont tous se sont félicités ; c'est ce que j'ai cru comprendre au cours des multiples consultations. Dans le prolongement de cette démarche, qui facilitera indiscutablement la vie des commerçants et des artisans, nous devrons débattre de la question de l'interlocuteur social unique. Cela ne doit pas nous conduire à opposer tel ou tel organisme de recouvrement. Chacun a rempli sa mission. Les opposer les uns aux autres n'aurait pas de sens.

Évitons d'en arriver, au nom de la simplification, à créer une nouvelle usine à gaz confiant à l'un l'encaissement et à l'autre le contentieux et le recouvrement. En procédant ainsi, je crains que l'on ne complexifie davantage un projet dont le but est de faciliter la démarche des usagers. Nous avons beaucoup parlé, ces derniers mois, de l'expérimentation comme un des éléments forts du nouveau comportement public. Il y a eu des expériences réussies de dialogues entre l'URSSAF et les caisses. Profitons de ces expériences et laissons le champ libre au dialogue professionnel, un des éléments majeurs, plutôt que de figer la répartition des rôles. Nous sommes, en effet, dans un contexte général où les contours des périmètres d'activité des organismes seront sans doute discutés. L'UDF souhaite que le régime social des travailleurs indépendants assure les missions d'interlocuteur social unique. C'est un sentiment partagé sur les bancs de cette assemblée.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Sauvadet. Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président.

Le groupe UDF souhaite que le régime social des travailleurs indépendants assure le rôle d'interlocuteur social unique et organise le recouvrement en appuyant ses choix sur les compétences acquises, tout en tenant compte - j'insiste sur ce point - des situations particulières rencontrées par les artisans et les commerçants, surtout lorsqu'ils se retrouvent confrontés à des difficultés passagères. Il faut les écouter et les accompagner pour éviter de les fragiliser plus encore, notamment lorsqu'un recours est déposé après le prélèvement.

Monsieur le secrétaire d'État, soyons particulièrement attentifs à ces questions et débattons-en de manière professionnelle - pour reprendre un mot qui a fait débat ce matin -, c'est-à-dire en laissant aux professionnels le soin de choisir leur propre destin et, même si c'est difficile, en trouvant le bon équilibre entre efficacité du recouvrement et souplesse nécessaire à la conduite d'une activité souvent individuelle.

J'ai pratiquement terminé, monsieur le président.

M. le président. Ah !

M. François Sauvadet. Je souhaite que ce débat soit utile, non pas à nous-mêmes, mais à nos compatriotes, qui attendent la simplification la plus large possible, au moins provisoirement, et la conciliation entre efficacité et lisibilité. Alors que nous allons aborder le vif du sujet, le Gouvernement doit entendre les arguments développés par la représentation nationale et faire toute la transparence sur son projet. Pour sortir du climat de suspicion - qui a sans doute été invoqué de manière excessive par la gauche, je le dis très franchement, certains gouvernements précédents ayant recouru aux ordonnances -, je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à lever les zones d'ombre subsistantes.

Sans intenter de procès d'intention, nous délibérerons les yeux ouverts, pour reprendre l'expression de notre camarade communiste, car il importe d'avancer et de rendre la vie de nos compatriotes moins compliquée. Tel est notre état d'esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite préciser certains points que j'ai déjà évoqués ce matin.

L'an passé, lors de l'examen du précédent projet de loi d'habilitation, de vives critiques avaient été exprimées ici même, et pas seulement depuis les bancs de l'opposition. Ce texte rompait avec la pratique ancienne des demandes d'habilitation, qui restaient circonscrites à un objet limité et se traduisaient par des projets de loi courts, n'excédant pas quatre ou cinq articles. Le président de la commission des lois avait fait état des interrogations et inquiétudes suscitées par l'ampleur inédite du projet, qui contenait vingt-neuf articles et touchait à des domaines extrêmement divers.

Or, aujourd'hui, le Gouvernement non seulement récidive mais aggrave la démarche : le nouveau projet contient en effet soixante et un articles comprenant deux cents mesures et couvrant des domaines aussi divers - je les cite à dessein - que le secteur sanitaire et social, l'agriculture, la pêche, l'organisation de l'administration, le logement, l'architecture, l'urbanisme, les entreprises et bien d'autres. On y trouve des dispositions relatives - je les cite encore à dessein - à l'accès aux documents administratifs, aux régimes de filiation, au droit funéraire, au code du commerce et de la consommation, au régime social des travailleurs indépendants, à l'adoption et à la modification de différents codes ainsi qu'aux ratifications d'ordonnances.

Comment qualifier cette démarche, monsieur le secrétaire d'État ? Demander au Parlement de se dessaisir de ses propres prérogatives, que lui confère l'article 34 de la Constitution, dans le cadre d'un projet dont le champ législatif recouvre une étendue tellement phénoménale qu'elle en devient significative, revient à remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs, qui est au centre de la démocratie représentative. C'est une entorse à l'article 3 de la Constitution, en vertu duquel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ».

Mais n'est-ce pas une tentation constante pour le Gouvernement actuel ? Nous n'oublions pas que vous souhaitiez réformer la sécurité sociale par ordonnances et que vous n'en avez été dissuadé que par la vive opposition suscitée par votre projet, et peut-être aussi par le souvenir des conséquences du projet de réforme Juppé de 1996, entreprise elle aussi par ordonnances !

M. le ministre des finances a tout récemment annoncé des modifications du droit des successions tendant à exonérer les donations aux enfants et petits-enfants jusqu'à concurrence de 20 000 euros, en passant par-dessus la tête du Parlement, alors même que l'article 34 de la Constitution dispose expressément que la loi fixe les règles concernant les successions !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Jacques Brunhes. Cette décision du Gouvernement est un manquement grave à la Constitution. Le président de notre assemblée, je l'ai dit ce matin, s'en est ému et a interrogé le Premier ministre à ce propos.

Monsieur le secrétaire d'État, votre texte est une entreprise dangereuse pour la démocratie. Tout y concourt à l'affaiblissement du Parlement : le dessaisissement du Parlement de son pouvoir de légiférer et son incapacité de fait à exercer un contrôle sur le contenu des ordonnances contribuent singulièrement à le discréditer.

Ce matin, monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué la perspective d'un texte de ratification.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Absolument.

M. Jacques Brunhes. Bien sûr, c'est prévu en théorie. Cependant les textes de ratification ne sont généralement pas débattus...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Jacques Brunhes. ...mais seulement déposés sur le bureau de l'Assemblée. Je peux vous communiquer, monsieur le secrétaire d'État, une liste de textes de ratification déposés sur le bureau à propos desquels notre groupe avait préparé des motions de procédure, car nous entendions donner notre avis, mais qui n'ont finalement donné lieu à aucun débat ! C'est pourquoi cette perspective ne suffit pas.

L'affaiblissement du rôle de l'Assemblée est un facteur important de la crise politique traversée par notre pays car elle invite à l'abstention, dont la courbe ascendante - à l'exception des dernières élections régionales - atteint désormais un point critique. Votre démarche creusera donc encore le fossé entre les citoyens et leurs représentants, considérés de plus en plus souvent comme éloignés des préoccupations de leurs compatriotes.

Voilà les raisons pour lesquelles le groupe communiste a toujours exprimé son opposition de principe aux lois d'habilitation, qui font obstacle au pouvoir de législation des parlementaires. Et nous avons toujours défendu la même position, dans cette législature comme dans les précédentes.

Permettez-moi aussi de protester contre le délai trop bref imparti pour l'examen d'un texte dont le rapporteur lui-même a souligné, en commission, la vaste étendue et le caractère disparate, qui le rendent difficile à appréhender. Une telle méthode de travail contribue aussi, in fine, à la complexification du droit, que ce projet prétend pourtant simplifier.

S'il s'agissait uniquement de réduire la complexité de notre corpus juridique, qui nuit à son intelligibilité et à son accessibilité pour nos concitoyens, qui pourrait s'y refuser ? Du reste, nous ne nous opposerons évidemment pas à ce qui, dans ce texte, procède du bon sens. Nous connaissons bien les difficultés rencontrées par les usagers dans certaines administrations pour remplir un simple formulaire, qui vont parfois jusqu'à l'absurde. Il est tout aussi vrai, comme le note l'exposé des motifs, qu'« il devient de plus en plus long et difficile pour l'usager comme pour le juriste de connaître avec certitude les droits et obligations qui s'attachent à une situation particulière ».

Mais il convient d'abord, je l'ai dit ce matin, de s'interroger sur la nature de ces difficultés. À quoi tient la complexification du droit ? N'est-elle pas essentiellement liée à l'inflation législative, tendance qui n'est pas nouvelle mais a pris des proportions sans précédent depuis peu ? Depuis deux ans, en effet, nous travaillons dans la précipitation, avec un ordre du jour surchargé et une croissance exponentielle du nombre de lois, empilées les unes sur les autres et aboutissant à la multiplication des régimes juridiques complexes.

Ne vaudrait-il pas mieux simplifier le travail législatif moyennant une autre politique législative, au lieu de rectifier périodiquement le dispositif d'empilement et de stratification des normes par des habilitations douteuses ? Laissez les parlementaires exercer leurs prérogatives dans la sérénité afin que les lois soient élaborées dans la plus grande sagesse ! Elles n'en seront que plus concises, claires et, par conséquent, plus compréhensibles pour nos concitoyens !

Mais, plus fondamentalement, nous jugeons irrecevable votre argument selon lequel ce projet vise uniquement à la simplification du droit. Il ne se contente pas de codifier à droit constant, ce qui pourrait tracer la voie des simplifications et harmonisations souhaitables.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Jacques Brunhes. Il ne se contente pas non plus de simplifier le droit sans affecter l'ossature de l'ensemble des réglementations en cause. Il comporte aussi des modifications importantes, qui seront opérées en dehors de tout contrôle du Parlement. Par ailleurs, il inclut des mesures contre lesquelles se sont prononcés les personnels intéressés et les organisations syndicales.

Vous voulez ainsi légiférer par ordonnances, c'est-à-dire en catimini, sur la gouvernance de l'hôpital ; c'est l'objet de l'article 50 du projet de loi. Or le personnel hospitalier, en janvier dernier, s'est mobilisé massivement contre votre projet et les organisations syndicales ne cessent de demander que la nouvelle organisation interne de l'hôpital fasse l'objet des négociations. D'ailleurs, l'ancien ministre de la santé avait pris l'engagement, devant les partenaires sociaux et les praticiens, de ne pas avoir recours aux ordonnances sur cette question. De surcroît, vous modifiez la gestion des carrières des praticiens hospitaliers sans négociation préalable avec les intéressés.

Le même article modifie aussi le statut juridique du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, qui, de groupe d'intérêt public ayant mission de santé publique, deviendrait une société anonyme de statut privé. Ce n'est pas anodin, loin de là : le LFB produit, pour les hôpitaux, des médicaments sécurisés dérivés du sang ou du plasma humains. Qui peut garantir que la recherche de la rentabilité maximale propre au fonctionnement des sociétés anonymes ne modifiera pas l'éthique et la sécurité de la production de ces médicaments ? La dramatique affaire du sang contaminé serait-elle oubliée ?

Vous ne serez pas étonné, monsieur le secrétaire d'État, que nous demandions, par amendement, la suppression de l'article 50.

De même, nous demanderons la suppression de l'article 48, relatif aux organismes de sécurité sociale. Pourquoi, alors qu'un débat sur la sécurité sociale est programmé et que le Gouvernement négocie avec les syndicats, décidez-vous de rénover par ordonnance le régime de suppléance des représentants du personnel dans les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale, entre autres ?

Nous nous opposons également à la suppression, prévue à l'article 49, des commissions d'admission à l'aide sociale, dont l'utilité pour le suivi des personnes les plus en difficulté est incontestable.

Par ailleurs, pour ne prendre que ces exemples, pourquoi le Parlement ne débattrait-il pas de sujets aussi importants que le droit de filiation, les conditions d'attribution et la procédure d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou encore le régime social des professions indépendantes et des artisans, qui posent des problèmes de fond ?

Ce n'est certainement pas pour alléger et raccourcir les débats. Je remarque d'ailleurs - c'est un comble - que la commission des lois a adopté trois amendements du rapporteur supprimant les habilitations relatives aux conditions d'agrément de produits AOC, aux associations foncières pastorales et au régime déclaratif pour l'exploitation des carrières, les dispositions correspondantes ayant été introduites dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ! Cela se passe de commentaires : on supprime des habilitations parce qu'elles ont déjà été votées dans des textes précédents ! Admirez la précision du travail de notre assemblée, ou plutôt du Gouvernement !

M. Jérôme Lambert. Ils font n'importe quoi !

M. Jacques Brunhes. C'est la preuve, si besoin en était, que nombre de dispositions que vous prendrez par ordonnances pourraient fort bien trouver leur place dans tel ou tel projet de loi débattu au Parlement.

D'autres mesures, que vous qualifiez de « purement techniques », peuvent avoir des conséquences importantes. Je ne prendrai qu'un exemple : l'article 15. La notion de superficie fait l'objet de neuf définitions légales différentes. Il faut réduire ce nombre, c'est le bon sens, mais laissons-en le soin au législatif, car les enjeux sont énormes : les bases de la superficie déterminent en effet les financements, les taxations ou le montant des loyers ! Alors, pourquoi cette refonte, certes nécessaire, échapperait-elle au débat parlementaire ? Et qu'avez-vous derrière la tête en voulant simplifier ? Dans quel sens voulez-vous le faire ? Les conséquences peuvent être considérables pour les offices d'HLM, considérables pour le logement social, considérables pour les locataires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr ! C'est évident !

M. Jacques Brunhes. Par ailleurs, dans le cadre des mesures en faveur des entreprises, l'article 20 autorise le Gouvernement à substituer des régimes de déclaration aux régimes d'autorisation préalable. La rédaction de l'article est trop imprécise et l'exposé des motifs ne comporte pas d'exemple de régimes susceptibles d'être modifiés par ordonnance.

Bon nombre d'architectes s'élèvent contre le renforcement des pouvoirs de leur ordre que prévoit l'article 23. Où est la consultation des intéressés dans tout cela ?

Nous pouvons d'autant moins accepter la grande marge de manœuvre laissée au Gouvernement par ce texte, que les conditions dans lesquelles s'effectuera la ratification des ordonnances ne sont pas de nature à permettre un contrôle parlementaire approfondi, je le répète.

De fait, vous nous demandez, dans le cadre du chapitre V de ce projet, de ratifier, en vrac, bon nombre d'ordonnances que vous avez prises en vertu de la première loi d'habilitation du 2 juillet 2003 !

Monsieur le secrétaire d'État, ce texte est un véritable fourre-tout ; les sujets qu'il traite relèvent d'un inventaire à la Prévert. Il ne se justifie pas, si ce n'est par votre volonté d'aller vite, en dehors de toute transparence et en passant par-dessus les droits du Parlement. Il nous inquiète d'autant plus que nous connaissons les orientations catastrophiques de votre politique et la réalité qui se cache derrière les déclarations d'intention lénifiantes.

Nous n'oublions pas que vous souhaitez modifier, voire abroger, de nombreuses dispositions législatives selon votre gré - c'est ce que vous appelez du terme générique mais qui ne veut rien dire de « réforme » -, et si vous le pouviez, sans vous embarrasser du Parlement. C'est le sens du recours aux ordonnances.

Nous ne pouvons accepter que les Français et leurs représentants soient tenus à l'écart du très grand nombre de questions traitées dans ce projet, questions qui les concernent au quotidien.

Nous ne pouvons accepter cette grave atteinte aux prérogatives essentielles du Parlement, qui révèle le mépris que lui porte le Gouvernement. Nous voterons contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi visant à habiliter le Gouvernement à simplifier le droit. En clair, cela signifie que l'on nous demande, conformément à l'article 38 de la Constitution, d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Ce n'est pas la première fois que l'on nous demande une telle autorisation : la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 était déjà importante ; celle qu'on nous propose aujourd'hui est d'une ampleur sans précédent.

Simplifier le droit est une intention louable. C'est même indispensable. Mais la manière dont vous le faites, monsieur le secrétaire d'État, en recourant aux ordonnances, est difficile à admettre.

Cette technique de délégation législative, quel que soit le gouvernement qui la pratique et quelle que soit la finalité qui la fonde, dépossède le Parlement de ses compétences et elle n'est jamais, vous le savez, bien acceptée par lui. En effet, c'est le droit à la discussion du contenu de la loi et le droit de rédiger la loi, c'est-à-dire le cœur même de la fonction de législateur, qui sont ainsi écartés, je dirai même évités.

De surcroît, en l'espèce, vous avez déclaré l'urgence sur le texte. Y avait-il, en la matière, réellement urgence ? Sans doute est-il nécessaire d'agir vite, mais à la condition de ne pas être opaque. Ne confondons pas vitesse et précipitation !

Tout cela est d'autant plus désagréable que le texte qui nous est présenté comporte 200 mesures très disparates et pas moins de 61 articles, ce qui est pour le moins paradoxal pour un texte visant à simplifier le droit. Simplifier le droit doit se faire dans la clarté.

Rappelons d'abord que ce texte a été inscrit à l'ordre du jour des travaux parlementaires dans la précipitation et cela aussi, monsieur le secrétaire d'État, est très désagréable. Le projet de loi a, en effet, été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée par la conférence des présidents du 18 mai dernier. Ce calendrier extrêmement serré n'aura même pas permis l'audition des ministres concernés !

M. Jérôme Lambert et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai !

M. Jacques Brunhes. On ne sait d'ailleurs pas quels ministres seraient venus !

M. Maxime Bono. Compte tenu des 200 mesures et des 61 articles, il aurait fallu, en effet, auditionner le Gouvernement dans son ensemble !

Ce calendrier n'aura pas permis non plus d'ailleurs que soient consultées les commissions autres que la commission des lois qui auraient souhaité l'être.

Vous conviendrez que le Parlement puisse avoir le sentiment de n'avoir pas été traité avec beaucoup de considération.

Cette pratique - je ne dirai pas cette tactique -...

M. Jérôme Lambert. Vous le pouvez !

M. Maxime Bono. ..., que vous connaissez bien, qui consiste à prendre de court la représentation nationale, comme vous l'avez fait pour la loi du 2 juillet 2003, n'est pas de nature à nous rassurer sur votre conception du rôle de notre assemblée.

Il faut rappeler que, dans sa décision du 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel avait considéré que les dispositions de l'article 38 devaient être entendues « comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il propose de prendre ». Or ce projet de loi ne détermine nullement avec la précision suffisante la finalité des mesures envisagées par le Gouvernement.

En effet, sous couvert de mesures anodines de simplification, vous allez modifier des dispositions qui mériteraient non seulement une étude plus approfondie mais un débat au Parlement.

À l'article 4, par exemple, vous proposez d'harmoniser le droit de la filiation, sans autre précision, alors que vous aborderez, ce faisant, un élément central du droit de la famille. Jérôme Lambert et Jean-Yves Le Bouillonnec l'ont expliqué avec beaucoup de talent, je n'y reviendrai pas.

Autre exemple, l'article 12 va vous permettre de modifier la réglementation et la gestion des aides personnelles au logement. Mais l'expérience nous montre, malheureusement, que l'action du Gouvernement en la matière peut être plus que contestable. Ainsi, en modifiant le mode de calcul de l'aide personnalisée au logement, vous avez exclu 250 000 allocataires de son bénéfice. La fusion de deux fonds de financement des aides à la personne qui, sur le principe, n'apparaît pas contestable, ne garantit pas que certaines catégories d'allocataires ne sortiront pas, de façon subreptice, du champ des aides.

Par ailleurs, le renvoi au règlement de la date d'actualisation du barème de l'aide personnalisée au logement, prévue aujourd'hui au 1er juillet, pourrait conduire à un décalage dans le temps et avoir des conséquences catastrophiques sur la solvabilité des ménages les plus en difficulté. Ce pourrait être une forme de régulation budgétaire déguisée.

Comment aussi ne pas s'inquiéter des dispositions relatives à l'urbanisme ? Elles peuvent ouvrir la porte à la révision des critères de définition de la surface habitable minimale ! Jean-Yves le Bouillonnec en a parlé. Elles prévoient même de redéfinir les procédures de contrôle de la conformité des travaux. Est-ce la fin des certificats de conformité ? Vous empiétez là sur une prérogative des maires, alors même que ceux-ci sont de plus en plus sollicités sur ce point tant par le voisinage que par les professionnels de l'immobilier, en premier lieu les notaires.

Commentant l'article 13, M. le rapporteur met en doute l'utilité de cette procédure. Convenez-en : nous pouvons nous interroger. Nous proposerons un amendement sur ce sujet. J'espère que, sur ce point au moins, nous serons entendus.

J'en viens à l'article 20, au chapitre consacré aux mesures spécifiques de simplification en faveur des entreprises. Vous entendez « substituer des régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation administrative préalable auxquels sont soumises les entreprises », ainsi que « définir les possibilités d'opposition de l'administration, les modalités du contrôle a posteriori et les sanctions éventuelles ».

Je vous avoue que, après la lecture de cet article, je ne sais pas quelles sont vos intentions. Je ne sais pas ce que cela veut dire ou plutôt je crains que cela puisse vouloir tout dire ! Un minimum de précisions et d'explications s'impose.

L'article 48, quant à lui, prévoit, ni plus ni moins, la création du régime social des indépendants et, parallèlement, le transfert à l'URSSAF de l'encaissement des cotisations personnelles de sécurité sociale des travailleurs indépendants jusqu'alors gérées par l'ORGANIC, la CANCAVA et la CANAM. Cette réforme est sans doute souhaitable.

M. Guy Geoffroy. Et souhaitée !

M. Jérôme Lambert. Par certains !

M. Maxime Bono. Par certains, en effet !

Mais exclure la représentation nationale de la réflexion au moment même où nous discutons de la réforme de l'assurance maladie est, tout simplement, mes chers collègues, inadmissible !

Je prendrai un dernier exemple, dont on a déjà beaucoup parlé, celui de l'article 50. Son septième alinéa prévoit de réformer les règles de fonctionnement des établissements publics de santé et notamment les règles de gestion des directeurs et des praticiens hospitaliers. Rien de moins !

La confédération des hôpitaux généraux, le collectif des syndicats de praticiens hospitaliers pour la défense de l'hôpital public et d'autres encore s'étonnent, c'est le moins que l'on puisse dire, de ces dispositions. En effet, le ministre de la santé avait annoncé que ces objectifs ne feraient en aucun cas l'objet d'ordonnances et que tout ce qui touche en particulier à la gestion des carrières des praticiens hospitaliers serait négocié avec les intéressés. Le présent projet prône exactement le contraire !

Faites-nous confiance, nous direz-vous, nous saurons mettre en forme les accords que nous aurons trouvés avec les professionnels.

Faites-nous confiance, nous a dit aussi tout à l'heure le rapporteur, n'y voyez pas malice !

Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que ce ne peut être là, en ces matières, le seul rôle dévolu au Parlement.

Vous conviendrez aussi que la pratique du Gouvernement ne nous incite pas à lui accorder cette confiance.

Comment, dès lors, accepter les dispositions disparates d'un texte illisible, tellement illisible qu'un grand nombre d'amendements rédactionnels ont été déposés par le rapporteur, dont celui qu'a signalé Jérôme Lambert, sur l'article 51, long de quatre pages et demi et qui renvoie à des textes divers !

M. Jérôme Lambert. Des dizaines de textes divers !

M. Maxime Bono. Il s'agit sans doute là d'un record absolu !

Dans ces conditions, monsieur le président, mes chers collègues, je vous propose d'appliquer un principe simple, le principe de précaution. Les dégâts collatéraux que ce projet de loi est susceptible de provoquer exigent la plus grande prudence.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues à ne pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd'hui est révélateur d'un comportement généralisé de laisser-aller juridique, auquel ce gouvernement nous a, malheureusement, habitués.

Les 61 articles dont nous devons discuter abordent des matières aussi différentes que le droit de la filiation, celui de l'urbanisme, le régime social des indépendants ou encore l'agriculture. C'est sur ce dernier point que je concentrerai mon propos.

Pour ce faire, j'ai dû suivre les tribulations juridiques de ministères à la dérive. Il nous faudrait une carte d'orientation sans cesse révisée pour comprendre. Mais nous n'en avons pas ! Au regard des dispositions de ce texte, nous pouvons même douter que vous ayez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, un fil directeur !

L'article 20 est l'exemple type de ce laisser-aller, de cette imprécision, puisqu'il vous est apparu nécessaire que le Parlement reprenne 1'habilitation qui vous avait été accordée par votre majorité. Vous vous êtes soudain aperçu, vous le dites vous-même, que le travail à effectuer « est considérable », et que vous ne pouvez pas le mener.

Sans doute les mesures à prendre ne sont-elles pas assez médiatiques pour vous intéresser. Vous n'hésitez pas non plus à en annoncer qui relèvent du seul Parlement, sans que celui-ci soit même consulté !


Alors, croyez-vous vraiment à la simplification du droit ? Cela a été dit tout à l'heure, les juristes, comme les citoyens, ont besoin d'une lisibilité minimale sans laquelle il n'y a pas de sécurité juridique. Or vous ne nous l'offrez pas. Si simplifier le droit, c'est le rendre intelligible, alors, vous trompez les Français avec votre méthode.

En matière agricole, cette méthode laisse pour le moins songeur. Elle ne peut qu'être réprouvée, tant elle traduit le peu de cas que vous faites du Parlement, de son travail et de sa légitimité démocratique. Dans une circulaire du 26 août 2003, le Premier ministre, pourtant, prônait la modération législative. Il appelait à vérifier l'opportunité politique et la nécessité juridique du projet, à étudier les alternatives possibles à la réglementation et à faire en amont la part entre ce qui relève de la loi et du décret.

Il n'est pas sûr que le message soit bien compris par le Gouvernement qui n'a cessé de déposer des textes élaborés rapidement, peu étudiés et parfois même rédigés en séance après que des incohérences ont éclaté au grand jour.

Revenons aux dispositions agricoles. Elles nous apparaissent comme l'expression du mépris que vous avez pour les parlementaires. Qu'on en juge : le texte relatif au développement des territoires ruraux a été voté en première lecture par les deux chambres en attendant la seconde lecture à l'Assemblée. Le Gouvernement a promis de nous proposer une loi de modernisation agricole à l'automne 2004. Celle-ci devrait adapter l'agriculture à la PAC que vous avez admise, alors même que vous disiez la rejeter. Où est la ligne claire de votre politique ? Ces deux véhicules législatifs essentiels ne suffisent-ils pas pour que tous les parlementaires puissent se saisir des questions que vous voulez régler en catimini par ordonnance ?

Certes, quelques-unes de ces dispositions ne posent guère de problème. Néanmoins, les députés seraient heureux d'apporter leur aval à ces projets par leur vote.

D'autres dispositions sont plus étonnantes et il est impératif de ne pas les abandonner au Gouvernement sans que nous en ayons discuté.

Il suffit d'égrener les articles 16, 30, 31, 32, 33, 35, 52 et 56 de ce texte pour avoir des motifs d'interrogation et d'inquiétude. Vous voulez libérer les coupes de bois. Soit. Mais pourquoi ne pas l'avoir proposé dans le texte sur le développement rural ?

M. Jacques Brunhes. Très bien !

Mme Marie-Renée Oget. A l'article 30, vous voulez préciser les modalités de gestion du plan d'équipement en abattoirs dans un article unique. Certes, il faut sans doute simplifier la lecture du code rural, mais des amendements du Gouvernement ont déjà simplifié ce code dans le texte sur le développement des territoires ruraux. Pourquoi ne pas discuter de la question des abattoirs devant le Parlement ?

Plus grave, avec l'article 33, vous voulez être habilités à clarifier le champ d'application du régime social agricole, « par rapport à la définition économique de l'activité agricole. » Quelle est cette définition ? Nous connaissons la définition civile de l'article L. 311-1 du code rural. Nous en connaissons la définition fiscale, un peu différente, et, enfin, la définition sociale, encore différente. Ne croyez-vous pas que cela est bien compliqué ? Plutôt que de faire référence à une définition économique floue, ne vaudrait-il pas mieux profiter de votre projet de loi de modernisation agricole pour vous attaquer à une réforme de fond qui consisterait à unifier toutes ces définitions à partir de l'article L. 311-1 du code rural, qui devrait être pour nous la seule référence ?

Dans votre exposé des motifs, vous mélangez définition sociale et définition économique dont vous ne donnez aucun élément. Où est la clarté ? Nous ne comprenons pas ce que vous voulez faire et il n'est pas question de vous donner un blanc-seing.

Le Parlement doit avoir connaissance du régime social agricole et ne peut vous laisser agir à votre guise dans ce domaine.

M. Jacques Brunhes. Très bien !

Mme Marie-Renée Oget. Il ne peut vous laisser faire, d'autant que l'article 52, que la commission a souhaité déplacer à l'article 51, ajoute à 1'incompréhension. II s'agit de ratifier notamment l'ordonnance n° 2003-1187 du 11 décembre 2003 modifiant la partie législative du code rural. En soi, cette ordonnance n'apparaît pas scandaleuse. Mais il s'agit de recodifier à droit constant certaines dispositions du code rural.

Pourtant, vous avez déjà déposé un projet de loi de ratification de cette ordonnance en mars 2004. Nous en sommes donc au deuxième texte de ratification. Vous avouerez que la méthode n'est pas des plus simples.

Pis, les résultats de cette ordonnance figuraient à peine sur le site Internet Legifrance, qu'un amendement du Gouvernement, adopté en première lecture du texte sur le développement des territoires ruraux à l'Assemblée et au Sénat, est venu en modifier les effets en réécrivant de nouveau le code.

Vous avez déjà réécrit l'ordonnance que vous nous soumettez et dont on peut estimer qu'elle est implicitement ratifiée du fait du vote conjoint des deux chambres.

Vraiment, tout cela est-il digne d'une bonne législation ? Nous ne le croyons pas, puisque vous n'êtes pas en mesure d'édifier des textes pérennes, au moins dans leur forme. Si vous les réécrivez sans cesse, comment voulez-vous que nous parlions de simplification ? Mettez-vous à la place des juristes qui, depuis la publication de l'ordonnance du 11 décembre 2003, ont déjà vu le texte se modifier !

Décidemment, toutes ces mesures que vous espérez faire admettre en les plaçant à la va-vite dans un calendrier surchargé ne peuvent que nous paraître suspectes. Et nous redoutons la façon dont vous ferez usage de votre liberté, tant votre méthode a montré ses faiblesses.

Nous avons déposé des amendements de suppression, d'abord parce qu'il n'est pas question que vous affaiblissiez encore un peu plus le Parlement, ensuite, parce que votre méthode de Gribouille n'est pas digne du travail réel à effectuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Les principes de précaution et de suspicion étant des éléments classiques de la charte de l'opposition, elle en a usé et cela me semble naturel.

Vous contestez, mesdames et messieurs de l'opposition, la méthode employée et le périmètre d'intervention de cette loi d'habilitation. C'est vrai, le projet de loi que nous vous présentons n'est pas anodin. Mais c'est respecter le Parlement que de présenter un texte signifiant qui suscite le débat entre majorité et opposition.

Ce projet est d'une ampleur sans précédent. Vous estimez qu'il est plus important que le projet de loi d'habilitation présenté l'année dernière. C'est vrai, mais peut-être l'est-il moins que celui que nous présenterons l'année prochaine.

M. Jérôme Lambert. Cela promet !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à Henri Plagnol et à Jean-Paul Delevoye qui ont présenté l'année dernière un premier projet de loi et ouvert la voie d'une procédure annuelle de simplification.

Vous parlez de mesures techniques. Certes, aucune n'est anodine. Mais elles ne modifient jamais l'esprit des lois concernées.

M. Jérôme Lambert. Nous n'en savons rien !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. C'est sur ce point que nous devons être jugés, car nous ne faisons pas œuvre législative complète. Nous souhaitons simplifier des procédures, en prenant en compte le temps passé et l'empilement des législations. Nous devons coordonner, simplifier, aménager, toujours dans l'esprit de la loi concernée.

Cela étant, et je vous le dis en toute amitié, je conteste fortement l'idée selon laquelle le Gouvernement mépriserait le Parlement. Personne ne peut dire cela. Parlement et Gouvernement travaillent ensemble depuis longtemps sous la VRépublique et selon diverses modalités. Il y a en effet plusieurs façons de travailler ensemble. Le cadre de l'article 38 en est une, que l'on ne peut caricaturer. Elle a été voulue par ceux qui ont voté la Constitution de la Ve République et il n'y a là rien de scandaleux ni d'anormal. Nos discussions ont lieu dans un cadre parfaitement connu et efficace.

Je remercie Guy Geoffroy pour sa lumineuse intervention, ainsi que François Sauvadet. J'en retiens qu'ils appellent le Gouvernement à une grande vigilance dans la mise en œuvre de ce texte. Car, dans un processus d'ordonnances, il y a une phase de mise en œuvre. Dans le présent projet, figurent des mesures de ratification d'ordonnances prises dans le cadre de la loi d'habilitation précédente, comme l'ont rappelé le rapporteur et Guy Geoffroy. La ratification est donc explicite.

M. Jérôme Lambert. Elle n'est pas claire !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Elle figure dans le texte. Elle est donc, je le répète, explicite.

Aux principes de précaution et de suspicion, nous opposons le droit, l'efficacité et le pragmatisme. Ce projet n'est pas un gadget, car nous simplifions réellement le droit. Il peut donner lieu à débattre, mais, en tant que membre du Gouvernement, pardonnez-moi cette immodestie, j'en suis fier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, inscrit sur l'article 1er.

M. Jérôme Lambert. Les articles 1er et 2 ne suscitent pas d'opposition de notre part. Nous l'avons déjà dit ce matin, le groupe socialiste n'est pas opposé par principe à la simplification du droit. Il regrette seulement la méthode employée.

En revanche, il marquera une opposition réelle à des mesures qui lui semblent dangereuses ou couvrir un champ d'application trop large. Cela concerne malheureusement plusieurs articles.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, inscrit sur l'article 3.

M. Jacques Brunhes. Ce projet n'est pas anodin, nous en sommes d'accord. C'est un projet d'une ampleur sans précédent.

Monsieur le rapporteur, votre rapport, avec ses 820 pages, pourrait entrer dans le livre des records car, en réalité, imprimé en caractères de taille normale, il compterait au moins 1 600 pages !

Or le problème, monsieur le secrétaire d'État, c'est que vous aussi, vous battez tous les records ! L'article 38 n'est qu'une manière de travailler ensemble, dites-vous. Pourquoi pas, puisque la Constitution le prévoit. Mais il a vocation à s'appliquer à des textes courts, comprenant au maximum trois ou quatre articles. Pas à un projet de cette ampleur ni sur de tels sujets !

La raison pour laquelle j'interviens sur l'article 3 est simple.

M. François Sauvadet. Nous aimerions bien la connaître !

M. Jacques Brunhes. Certes, il aborde la question du développement de l'usage d'Internet dans le secteur public, alors qu'un débat vient d'avoir lieu au Parlement sur ce sujet. Pourquoi ne pas en avoir profité pour présenter les dispositions prévues par cet article ?

Il s'agit bien, que vous le vouliez ou non, d'une façon de passer au-dessus du Parlement, et d'une forme de mépris à l'égard de notre institution. On n'agit pas autrement lorsque l'on veut éviter le débat parlementaire. Ce n'est pas de la bonne procédure.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir cet amendement.

M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Je n'exprimerai pas sur chaque amendement rédactionnel, mais puisque celui-ci est le premier d'une longue série, je voudrais répéter ce que j'ai déjà dit ce matin : notre rapporteur a dû fournir un gros travail ...

M. Jacques Brunhes. Un travail énorme !

M. Jérôme Lambert. ...de réécriture et de remise en forme du projet gouvernemental, comme en témoignent les dizaines et les dizaines d'amendements rédactionnels que nous allons examiner au cours de la discussion. Je lui laisse la responsabilité de ses propositions, auxquelles nous ne nous opposerons pas de manière systématique - et même probablement jamais -, mais je saisis cette occasion de le souligner : ces amendements sont, pour nous, le signe que le projet de loi était décidément bien mal ficelé.

M. Jacques Brunhes. Très bonne remarque !

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je ne vous comprends pas très bien, mon cher collègue, car vous affirmez une chose et son contraire. Reprochez-vous à notre rapporteur, qui est l'émanation de la représentation nationale, d'avoir fait usage de son droit d'amendement, ...

M. Jérôme Lambert. J'ai seulement jugé qu'il avait trop de travail !

M. François Sauvadet. ...et au Gouvernement d'y souscrire ?

Nous contribuons à améliorer le texte. De grâce, laissez la représentation nationale s'exprimer - ce qu'elle fait, vous l'avez constaté. Concentrons-nous sur le fond, cela nous permettra d'avancer utilement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce que dit notre collègue est inexact !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2 de la commission.

Il est également rédactionnel ; le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 90.

La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le soutenir.

M. Jérôme Lambert. Nous proposons par cet amendement la suppression du II de l'article 3. Ce paragraphe permet la constitution de groupements d'intérêt public entre personnes morales de droit public, ou entre personnes morales de droit public et de droit privé, pour la gestion d'équipements liés aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, et donne la possibilité de recruter des agents contractuels de droit privé. La sous-traitance du développement et de la maintenance des sites Internet des différents acteurs publics au profit du privé présente le risque d'une débudgétisation des dépenses y afférentes et pose le problème de la maîtrise des informations qui circulent via ce mode de communication, ainsi que celui de leur confidentialité.

En défendant l'exception d'irrecevabilité, ce matin, j'avais déjà souligné ce que vient de rappeler Jacques Brunhes : le débat passionnant que nous avons eu au sujet de l'usage d'Internet dans le secteur privé nous a montré que de nombreuses questions juridiques très pointues, touchant notamment aux libertés, pouvaient se poser. Or que nous dit-on aujourd'hui ? Que ce l'on a fait pour le privé, on peut s'en dispenser pour le public. Nous n'allons pas débattre au fond de cette question, mais simplement dire au Gouvernement : « faites ce qu'il convient, nous vous faisons confiance ».

Je ne suis pas, par principe, opposé aux dispositions contenues dans l'article 3, mais elles auraient mérité une présentation dans le cadre des discussions que nous venons d'avoir au sujet d'Internet. À tout le moins, nous aurions dû y consacrer un vrai débat de fond.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Selon les auteurs de l'amendement, l'article 3, qui autorise la création de GIP, pourrait faciliter le dessaisissement des administrations au profit de sociétés privées. Mais en l'état actuel du droit, rien n'interdit à une administration, dans le cadre d'une délégation de service public ou de toute autre procédure, de faire entretenir son site par une personne privée, qu'il s'agisse d'une société ou même d'une association loi 1901.

À nos yeux, le GIP est au contraire une garantie supplémentaire, car son fonctionnement implique toute une mécanique de garanties extrêmement protectrices, comme le fait qu'un commissaire du Gouvernement y intervienne de manière presque systématique, ou le placement de ces groupements sous le contrôle de la Cour des comptes - et, une fois prise l'ordonnance prévue par l'article, sous celui des chambres régionales des comptes.

C'est la raison pour laquelle, bien que l'amendement n'ait pas été examiné par la commission, je propose, à titre personnel, qu'il soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je suis défavorable à l'amendement pour les raisons indiquées par le rapporteur. Les GIP ont été créés dans une logique de mutualisation des compétences et des dépenses. Ils ont fait preuve de leur efficacité dans de nombreux domaines, à commencer par celui de la recherche. Nous souhaitons étendre aux nouvelles technologies cette manière de travailler, car il y a dans ce domaine un besoin évident.

Les GIP font d'ailleurs l'objet d'un autre article du projet de loi d'habilitation, ce qui montre tout l'intérêt que nous portons à ce type de structures, qui facilitent le travail et sont gages d'efficacité, tout en autorisant un contrôle public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 91, tendant à supprimer l'article 4.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons évoqué cet article à plusieurs reprises en défendant l'exception d'irrecevabilité et au cours de la discussion générale. C'est dire combien nous y attachons de l'importance. Je voudrais en rappeler le texte, car il détermine le seul engagement pris par le Gouvernement à l'égard de l'Assemblée.

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à modifier par ordonnances les dispositions du code civil relatives à la filiation pour en harmoniser le droit, faciliter l'établissement du lien de filiation, en garantir la sécurité et organiser le régime de contestation. »

Tel est le cadre dans lequel le Gouvernement inscrit sa demande d'habilitation. Il dessine par ailleurs quelques éléments de son projet dans l'exposé des motifs, où il prétend vouloir unifier la filiation naturelle et la filiation légitime, revisiter la possession d'état et engager la réflexion sur les actions judiciaires tendant à fixer, contester ou établir la filiation.

Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance - sinon aujourd'hui, du moins dans les prochains jours - de l'excellent travail que M. le rapporteur a produit sur cet article : il n'y consacre pas moins de dix pages, ...

M. Jacques Brunhes. En petits caractères !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...comprenant notamment un tableau comparatif détaillant les différents modes d'établissement et de critique de la filiation.

Chaque fois que le rapporteur est ainsi contraint de multiplier les explications, j'y vois un signe que le Gouvernement n'a pas fait son travail. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et, du fait même qu'il est un membre éminent de notre assemblée, ce qu'il écrit n'est pas susceptible d'engager le Gouvernement. Il a d'ailleurs sagement pris ses précautions en rappelant que son travail était établi « d'après les informations issues de la chancellerie ». Une telle précision ne doit pas être négligée, tant les réflexions contenues dans ce volumineux rapport sont intéressantes.

Mes chers collègues, le droit de la filiation n'est pas une question simple. N'imaginez pas qu'il suffit de supprimer les mentions « filiation naturelle » ou « filiation légitime » pour unifier ces deux régimes. Il faut modifier des pans entiers du code civil, et en particulier l'ensemble des règles relatives à la présomption de paternité. Ce faisant, on touche au mariage. Vous l'avez d'ailleurs mentionné, monsieur le rapporteur. Vous indiquez en particulier que la présomption de paternité dont bénéficie le mari de la mère ne devrait pas être remise en cause. Mais pourquoi, puisque l'on cherche à unifier les statuts des enfants légitimes et naturels ?

M. Maxime Bono. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De même, vous affirmez que légiférer sur cette question revient à modifier les règles de l'autorité parentale. C'est une évidence ! Et pourtant, nous avons été privés de ce débat il y a un mois, lorsque nous avons parlé du divorce. Ou, plus exactement, il vous a été refusé, mes chers collègues de la majorité, car c'est vous qui avez posé, à juste titre, ce problème.

L'article 4 évoque également la possession d'état. Une filiation est en effet établie soit par un acte de reconnaissance, soit par jugement, soit par des circonstances conduisant, en quelque sorte, à relier une situation de fait à une situation juridique. La possession d'état est une notion des plus complexes, issue d'une construction jurisprudentielle qui a abouti à la loi du 25 juin 1982. Le choix des critères d'établissement de la possession d'état peut conduire à l'anéantissement du droit de la filiation.

Il en est de même en ce qui concerne les procédures - action en désaveu, action en contestation de reconnaissance, recherche de paternité... Elles sont soumises à des délais différents, ce que le Gouvernement dénonce avec raison. Mais en ce domaine, les choix qui seront effectués reviendront à privilégier l'une ou l'autre des parties prenantes. Favoriserez-vous l'enfant, en décidant d'un droit ouvert à la majorité, ou pencherez-vous en faveur de la déclaration faite à la naissance ? Nous ne le savons pas.

Nous ne contestons pas l'opportunité de légiférer sur la question, mais le cadre défini par le Gouvernement. Car aucun des choix qu'il sera amené à effectuer n'est exprimé dans la loi d'habilitation. C'est ça, le vrai problème.

Vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, ce sont des questions fondamentales. Vous avez suggéré qu'on revienne devant l'Assemblée parce que ce sont des choses très compliquées. Il ne faut pas s'appuyer sur l'analyse de tel éminent juriste ou de tel magistrat, il faut, comme cela se fait au Parlement sur de tels sujets, auditionner tout le monde et regrouper nos connaissances et nos compétences.

C'est pour cette raison qu'en dehors de toute polémique, mais avec la conviction de ceux qui connaissent ces problèmes, je suggère à l'Assemblée de supprimer l'article 4 et d'inviter le Gouvernement à ouvrir des chantiers comparables à ceux qui ont été ouverts pour le divorce. Nous y participerons. Tout le monde était satisfait, le garde des sceaux le premier, que notre assemblée ait ainsi parfaitement travaillé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Remarquable démonstration !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Je rappelle d'abord que nous avons effectué un certain nombre d'auditions pour bien connaître les intentions de la chancellerie sur ce dossier particulièrement compliqué. Pourquoi ce qui est compliqué ne pourrait-il pas être réformé par voie d'ordonnances ? Rien ne nous l'interdit, bien au contraire.

Une réforme du droit de la filiation est nécessaire, cela ne fait pas de doute pour les juristes et les praticiens. Le droit de la filiation est devenu illisible pour nos concitoyens. Ainsi, plus de dix actions en contestation de filiation coexistent dans le code civil.

Ce constat de la complexité est unanime, il se trouve au cœur d'un certain nombre de rapports dont le plus significatif est celui de Mme Irène Théry et de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, qui fait référence en la matière. Tous ces rapports constatent l'inadaptation de notre droit à l'évolution de la société, qui reconnaît les mêmes droits aux enfants naturels et aux enfants légitimes.

L'objet de la réforme qui s'effectuera par voie d'ordonnances est d'assurer l'égalité entre les différentes filiations et de sécuriser les liens établis. L'ordonnance n'apportera aucune modification aux dispositions sensibles telles que les règles d'établissement de la filiation en cas de procréation médicalement assistée ou d'accouchement sous X.

La suppression de la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle, que prévoit l'article 4 du projet de loi, n'est que l'aboutissement logique de la loi du 3 janvier 1972, qui a reconnu les mêmes droits aux enfants naturels et aux enfants légitimes, ainsi que de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, qui a mis fin aux discriminations successorales concernant les enfants adultérins. Cette suppression est d'autant plus indispensable que 40 % des naissances se font aujourd'hui hors mariage et que, pour autant, la présomption de paternité du mari de la mère demeure.

La réforme devrait rendre le droit de la filiation plus lisible en harmonisant le régime des actions judiciaires qui y sont relatives. L'ordonnance devra comporter une disposition très utile pour nos concitoyens en harmonisant les conditions d'établissement de la filiation maternelle. Désormais, l'indication sur l'acte de naissance du nom de la mère célibataire suffira à établir le lien de filiation maternelle de l'enfant. L'ordonnance précisera également le régime de la possession d'état, qui est aujourd'hui plein d'incertitude.

Réformer le code civil par ordonnances, est, reconnaissons-le, une procédure inédite...

M. Jacques Brunhes. Oh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Merci de le reconnaître !

M. Étienne Blanc, rapporteur. ...mais la commission des lois de l'Assemblée et celle du Sénat pourront examiner les projets d'ordonnance de manière approfondie et être pleinement rassurées sur les différents points que vous avez évoqués.

M. Jérôme Lambert. Ce n'est pas prévu !

M. Étienne Blanc, rapporteur. De plus, il est prévu que l'ordonnance sur ce sujet fera l'objet d'une ratification spécifique à l'occasion d'un projet de loi distinct.

Cet amendement n'a pas été soumis à la commission mais, pour toutes ces raisons, je propose à titre personnel de le rejeter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'Etat. La réforme envisagée marque l'aboutissement des évolutions législatives qui ont conduit à l'alignement du droit des enfants légitimes et du droit des enfants naturels : succession, nom, autorité parentale. Il s'agit d'apporter des réponses techniques, dont l'objectif est de faciliter l'établissement de ce lien de filiation et de limiter les possibilités de contestation d'une filiation établie en simplifiant les actions judiciaires. On ne touche donc pas au droit de la filiation, on modifie les modalités d'établissement de la preuve.

À titre d'exemple, je rappelle que huit actions permettent aujourd'hui de contester la paternité du mari dans des délais allant de six mois à quarante-huit ans. Une fois la réforme adoptée, une seule action subsisterait, autorisant l'enfant à contester la filiation jusqu'à l'âge de vingt-huit ans en l'absence de toute possession d'état. En revanche, lorsque le père aura élevé l'enfant, toute contestation serait définitivement interdite à l'expiration d'un délai de cinq ans après la naissance de l'enfant.

Ces orientations ont déjà été beaucoup discutées et elles ont été validées par le groupe de travail chargé de réfléchir à la réforme du droit de la famille, groupe auquel participent des parlementaires, des universitaires et des praticiens de ce droit.

Je vous confirme que le projet d'ordonnance sera soumis non seulement à ce groupe qui a d'ores et déjà conduit des réflexions qui ont abouti à la loi de 2004 sur le divorce mais également aux spécialistes en la matière ainsi qu'aux commissions des lois des deux assemblées. J'en prends l'engagement, ce qui assez inhabituel s'agissant d'ordonnances. Vous pourrez à cette occasion vérifier que le Gouvernement était fondé à agir ainsi.

Vous le constatez, la représentation nationale sera étroitement associée à la préparation de cette ordonnance. Au vu de telles garanties, je vous demande de rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. D'abord, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous confirmer que, comme l'a dit M. le rapporteur, cette ordonnance fera l'objet d'une habilitation spécifique, ce qui n'est pas inscrit dans le texte que vous nous soumettez ? Si le Gouvernement doit nous soumettre en un texte distinct toute la partie qui concerne la filiation, c'est un élément extrêmement important.

Il ne faut pas minimiser la portée des procédures, mes chers collègues, car elles induisent ce que l'on veut faire. Si, pendant des décennies, les désaveux de paternité ont été si difficiles, c'est parce que la société n'en voulait pas, favorable à une sorte d'imprescriptibilité de la filiation. C'est vrai pour les contestations, c'est vrai pour les actions de recherche de paternité. Quand on voulait que ça aille bien, on donnait à l'enfant à sa majorité deux ans de plus pour faire le boulot que ses parents ou que ses représentants n'avaient pas fait. C'était la logique de l'État sociétal.

Vous voulez améliorer les choses. D'accord, mais la procédure n'est pas neutre. Ce n'est pas un simple nettoyage, c'est un choix de fond et l'Assemblée nationale doit en discuter. Si vous favorisez le désaveu de paternité, monsieur le secrétaire d'État, vous faites le choix de l'enfant contre les parents. Je vous rappelle que nous avons reconnu à l'enfant le droit de rechercher son origine et qu'il y a dans la loi un autre principe qui fait que, même si le lien de filiation n'est pas établi, on peut demander grâce à la loi sur les subsides une aide alimentaire. Il risque donc d'y avoir des contradictions entre les règles relatives à l'établissement de la filiation et ses conséquences, le droit pour l'enfant de rechercher son origine, et les actions à fins de subsides. Que va-t-on faire de tout ça ?

Autre point, la preuve scientifique. On vient de nous dire qu'on allait élaborer le processus de la preuve scientifique. Mes chers collègues, nous sommes tous d'accord, il faut compiler l'ensemble des dispositifs. Y a-t-il un seul d'entre nous qui soit capable d'accepter de ne pas participer à ce débat fondamental ? Il faut simplifier le droit de la filiation, mais pas ainsi. Le Gouvernement doit travailler avec nous.

Les juristes que vous avez entendus ne représentent pas l'ensemble des acteurs du droit dans notre pays. Quand on a discuté sur le divorce il y a un mois, on a recueilli des avis venant de tous les horizons, et ça, vous ne pouvez pas vous en priver.

Compte tenu de ce que sont le mariage et l'union libre, c'est la filiation qui, désormais, est l'instrument qui ancre la famille dans le droit. On ne peut pas régler de telles questions par ordonnances.

Le débat sur l'autorité parentale, le Gouvernement nous en a privé, expliquant qu'il fallait prendre du temps pour en discuter. Valérie Pécresse avait proposé par exemple de faire bénéficier les compagnes non mariées de la protection de l'épouse victime de violences, on lui a refusé parce que c'était compliqué et qu'il fallait en parler. Effectivement, c'est compliqué et il faut en parler, mais on n'en parlera pas si vous procédez par ordonnances.

Alors nous vous demandons simplement, mes chers collègues, de faire passer au Gouvernement ce message que, sur de tels sujets, on ne peut pas nous tenir à l'écart.

Il faut par ailleurs que le processus législatif s'inscrive dans une réflexion partagée avec tous ceux qui concourent à l'élaboration de ce droit fondamental.

Enfin, si la majorité ne nous suivait pas, je voudrais, monsieur le secrétaire d'État, que vous confirmiez que l'ordonnance sur la filiation reviendra devant notre assemblée dans le cadre d'un texte particulier, indépendamment de la masse des habilitations demandées.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement témoigne de la suspicion a priori que manifeste l'opposition envers ce texte et le mécanisme retenu, qui est celui de l'article 38 de notre constitution.

Monsieur Le Bouillonnec, vous avez dit beaucoup de choses sensées, fondées,...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Justes !

M. Guy Geoffroy. ...auxquelles tout le monde ici est prêt à adhérer, mais vous allez trop loin. Si on vous écoute, on peut avoir le sentiment que le texte qui nous est proposé vient comme un cheveu sur la soupe, de la propre volonté du Gouvernement, à la sauvette comme vous l'avez dit ce matin, afin d'éluder le débat sur une question fondamentale. Or vous ne pouvez ignorer que ce texte n'est qu'une étape dans un long processus qui a conduit à mettre au grand jour des difficultés que nous pouvons régler, comme le Gouvernement nous le propose, par ordonnances.

Depuis fort longtemps, en effet, un groupe de travail pluridisciplinaire rassemblant toutes les compétences et toutes les convictions a été mis en place par le garde des sceaux et par le ministre de la famille, et c'est sur la base de son travail notamment qu'ont été élaborés un avant-projet, puis un projet puis une loi sur le droit de la famille. Vous savez aussi que l'avant-projet de réforme du divorce venait de là et que l'ensemble des éléments concernant la filiation ont été également évoqués au sein de ce groupe de travail extrêmement large.

Après le rapporteur, je tiens, au nom du groupe UMP, à réaffirmer qu'il ne s'agit pas de révolutionner le code civil à travers un projet d'ordonnance dont nous n'entendrions plus jamais parler. Il s'agit de tenir compte d'une évolution profonde et incontestée des modes de vie dans notre pays , et plus généralement, dans les sociétés occidentales, qui fait qu'aujourd'hui environ 40 % des naissances surviennent hors mariage.

Deux lois récentes que vous ne pouvez pas ignorer, la loi du 3 décembre 2001 sur les successions, à laquelle le rapport fait allusion, et la loi du 4 mars 2002 sur le nom et l'autorité parentale ont consacré le principe de l'égalité entre enfants, indépendamment des conditions de leur naissance. Cette évolution rend désormais sans objet la distinction entre les filiations légitimes et les filiations naturelles.

Le Gouvernement nous a donné une garantie importante : la ratification se fera au travers d'un projet de loi particulier qui permettra de prolonger cet échange dont vous reconnaîtrez qu'il est un véritable débat et non, comme vous le suspectiez ce matin, une traduction à la va-vite de ces questions devant notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Après l'intervention de M. Le Bouillonnec, je n'ajouterai qu'un mot sur la procédure.

Monsieur Geoffroy, vous parlez de suspicion. Mais bien sûr ! Lorsqu'un texte compte 200 mesures, cela va de soi ! D'ailleurs, tout parlementaire un peu expérimenté devrait avoir, quel que soit le banc sur lequel il siège, ce type de suspicion et de fait le président de notre commission des lois s'est interrogé.

Lorsque, pour la première fois dans notre histoire, on modifie le code civil par une ordonnance, il est légitime que nous nous inquiétions.

M. Jérôme Lambert. Cela mérite qu'on s'y arrête !

M. Jacques Brunhes. Et ce ne sont pas les propos de M. le secrétaire d'État qui vont nous rassurer.

Seul point intéressant, j'ai cru entendre qu'il y aurait une ratification spécifique. J'espère que M. le secrétaire d'État va le confirmer.

Mais comment, monsieur Geoffroy, ne pas avoir de suspicion alors que nous venons d'étudier un texte sur le divorce et que ces questions ne sont pas venues en discussion ?

Nous espérons avoir un vrai débat car nous sommes préoccupés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. M. Le Bouillonnec a exprimé des convictions que je trouve très légitimes.

Je prends deux engagements. Le premier est que l'élaboration de l'ordonnance fera l'objet d'une concertation approfondie, associant bien évidemment les parlementaires et les commissions concernées. Le second est que la ratification sera particulière, ce qui donnera lieu à un nouveau débat.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Cette réponse, monsieur le secrétaire d'État, n'a pas de sens !

Premièrement, vous nous dites que pour cette ordonnance vous consulterez tout le monde. C'est la moindre des choses ! Et pas seulement pour celle-ci, je l'espère, mais aussi sur toutes celles que vous nous préparez !

Deuxièmement, vous nous indiquez que ce point fera l'objet d'une loi de ratification. Mais si cette loi de ratification est noyée dans la troisième vague des lois d'habilitation...

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je l'ai dit, ce sera une loi de ratification particulière.

M. Jacques Brunhes. Si elle est spécifique, en dehors de la prochaine loi, là peut-être pourrons-nous vous entendre. Sinon, ce sera un coup d'épée dans l'eau.

M. le président. M. le secrétaire d'Etat a apporté une réponse précise.

M. Jacques Brunhes. Moi, je n'ai pas entendu cela !

M. Guy Geoffroy. Quand on ne veut pas entendre ...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4 est de coordination.

Le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 4.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig, inscrit sur l'article.

M. Émile Blessig. Les tribunaux du contentieux de l'incapacité sont des juridictions importantes qui doivent fixer le degré d'invalidité résultant d'un accident, d'une maladie ou l'état d'inadaptation au travail.

L'article 5 prévoit, d'une part, une simplification des règles de fonctionnement et, d'autre part, un élargissement des conditions de représentation des parties.

C'est la loi du 17 janvier 2002 qui, sous l'influence de la convention européenne des Droits de l'homme, a imposé un magistrat à la présidence de ces tribunaux. On nous dit que ce contentieux est technique. Voilà la démonstration que même un contentieux technique peut avoir une dimension juridique qu'il faut prendre en compte. Ces juridictions sont donc échevinées, c'est-à-dire qu'elles comprennent un magistrat avec les représentants des salariés et les représentants des employeurs.

Paradoxalement, l'assouplissement des conditions de représentation des parties fait le mouvement inverse : un juriste est nécessaire à la présidence, mais on écarte le juriste aux côtés des parties puisque cet article met fin au monopole de représentation des parties par un avocat

Permettez-moi de rappeler une notion relativement simple, mais qui m'apparaît importante dans notre droit bien qu'elle soit souvent sujette à caution. Les avocats sont des auxiliaires de justice. De ce point de vue, ils participent à la mission globale de justice avec, en contrepartie, notamment en matière pénale, la mission irremplaçable de commission d'office.

Méfions-nous de l'extension du champ d'intervention des experts au détriment des juristes. Nous l'avons vu tout récemment, ce qu'ils disent n'est pas parole d'évangile en matière judiciaire. Gardons-nous donc de donner aux experts, aux non-juristes, des pouvoirs qui pourraient finir par mettre en cause la notion de procès équitable.

M. Jacques Brunhes. Il a raison

M. Émile Blessig. Par ailleurs, la représentation des parties s'impose, mais elle suppose le respect de certaines règles dont la bonne application et le contrôle sont aussi une garantie pour les parties.

Je regrette cette décision. N'oublions pas que pour le justiciable il n'y a pas de petits procès ou de procès techniques : c'est son procès. Nous devons donc lui garantir qu'il sera équitable. L'extension au cas par cas des possibilités de représentation des parties ne va pas dans ce sens.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 5 et 6.

L'amendement n° 5 est de coordination. L'amendement n° 6 est rédactionnel.

Je mets aux voix successivement les amendements nos  5 et 6.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 76.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Je partage l'analyse de M. Blessig et mon amendement n° 76 est l'expression d'une inquiétude, qui a trait à la défense du justiciable dans un domaine complexe et technique.

Le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit prévoit, en son article 5, de supprimer la représentation obligatoire par un avocat devant les tribunaux du contentieux de l'incapacité, un peu sur le modèle des tribunaux de la sécurité sociale.

Or le Gouvernement a bien reconnu que les tribunaux du contentieux de l'incapacité devaient présenter toutes garanties au regard de l'article 6 de la convention européenne des Droits de l'homme, en les faisant présider par un magistrat ou un avocat honoraire, donc un juriste.

Il est pour le moins paradoxal de vouloir confier la défense des justiciables devant cette juridiction à des non-juristes au moment même où la présidence de ce tribunal est désormais assurée par un juriste.

Enfin, je rappelle que pour améliorer l'accès au droit, il est prévu d'imposer la représentation par un avocat à la chambre sociale de la Cour de cassation. N'y a-t-il pas là la reconnaissance d'une impérieuse nécessité pour le justiciable d'être assisté par un avocat ? Bien entendu !

Pour les tribunaux du contentieux de l'incapacité, il convient donc de maintenir la situation actuelle imposant la représentation du requérant par un avocat ou un avoué.

Dans un domaine aussi complexe, l'ambition légitime de simplifier le droit ne doit pas se faire au détriment du justiciable, qui est en droit de bénéficier d'une défense de qualité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Les tribunaux du contentieux des incapacités souffrent de lenteur et il est souhaitable que les procédures puissent être accélérées. À cette fin, deux mesures sont envisagées. La première, dans le cadre de l'échevinage, est de permettre au tribunal, lorsqu'un échevin est absent, de siéger à juge unique. Cette mesure ne présente pas de difficultés particulières.

La seconde est de permettre aux justiciables de se faire assister, non par un avocat, mais par un médecin, un responsable d'association, voire un membre de sa famille, comme cela existe pour les tribunaux de la sécurité sociale.

Avec la représentation obligatoire par un avocat, lorsque celui-ci est absent, les affaires sont renvoyées et c'est là une des difficultés que connaissent les tribunaux en charge de ce contentieux.

Au regard de cette argumentation, la commission a repoussé cet amendement en faisant observer que le régime de représentation que nous souhaitons, par ordonnance, appliquer à ces tribunaux sera le même que celui qui s'applique aujourd'hui aux tribunaux des affaires sociales, eux aussi présidés par un magistrat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je partage l'avis du rapporteur, en dépit de la qualité des propos de M. Blessig et de l'amendement de M. Fenech.

Le principe qui est en jeu est celui du libre choix, dans un cadre très particulier. C'est le cas pour les tribunaux des affaires de sécurité sociale, c'est le cas devant le conseil des prud'hommes, ce doit être le cas devant le tribunal du contentieux des incapacités : le justiciable doit pouvoir se faire entourer de qui il souhaite, un avocat mais aussi un médecin, ou une personne de son choix. Et cette liberté est plutôt dans son intérêt.

Je souhaiterais, monsieur Fenech, que vous retiriez votre amendement, à défaut je serais malheureusement obligé de demander son rejet.

M. le président. Monsieur Fenech, retirez-vous votre amendement ?

M. Georges Fenech. Non, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendement sur cet article, que nous pourrions voter s'il ne s'inscrivait pas dans la procédure des ordonnances, que nous rejetons d'emblée.

Je n'aime pas beaucoup la justice à juge unique. J'entends bien que ces dispositions répondent à un souci de rapidité et que les tribunaux sont encombrés, mais nous ne devons pas confondre rapidité et justice expéditive. Je ne tiens pas, pour autant, à m'opposer à cet article.

Quant à l'amendement n° 76, je ne le voterai pas, car il existe des associations que nous connaissons bien, dans nos départements, telles que la FNAT. Ces associations, qui sont très responsables et ont une grande pratique de la gestion des dossiers juridiques relatifs à l'invalidité ou aux accidents du travail, sont parfaitement en mesure d'assister et de représenter leurs mandants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 138, visant à supprimer l'article 6.

La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir cet amendement.

M. Jérôme Lambert. Vous avez déclaré tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, que la simplification du droit était la défense des plus faibles. Or, la disposition prévue par l'article 6 va à l'encontre des intentions que vous affichez.

Aujourd'hui, les conditions d'attribution de l'aide juridictionnelle dépendent des revenus des personnes concernées : celles qui dépassent le plafond de revenus fixés n'ont pas droit à l'aide juridictionnelle. Le Gouvernement veut substituer à la condition de revenus, qui repose sur une notion fiscale, une condition de ressources.

Un seul exemple suffira : nous connaissons tous de braves hommes - car ce sont le plus souvent des hommes qui sont concernés - qui perçoivent une retraite de combattant, pour avoir pris part à la guerre d'Algérie, ou à d'autres conflits plus anciens. Aujourd'hui, ils ne déclarent pas cette petite pension. Demain, lorsque la mesure proposée par le Gouvernement aura été adoptée, cette petite pension d'ancien combattant - moins de 3 000 francs ! - devra être comptabilisée dans leurs ressources et, pour peu que le résultat soit supérieur au plafond, ces personnes n'auront plus droit à l'aide juridictionnelle.

Avec l'amendement n° 138, le groupe socialiste propose d'en rester aux dispositions actuelles, selon lesquelles ne sont pris en compte, en vue de l'attribution de l'aide juridictionnelle, les seuls revenus des intéressés, et non la totalité de leurs ressources.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. La commission a rendu un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l'article 6, dont la justification repose sur la notion de ressources prises en compte pour l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

L'ordonnance pour laquelle le Gouvernement sollicite l'habilitation ne portera pas uniquement sur la condition de revenus. Elle vise aussi à harmoniser les conditions d'admission des mineurs délinquants au bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui sont aujourd'hui affectées d'incertitudes très préjudiciables à l'assistance dont ces mineurs peuvent bénéficier devant les juridictions pénales.

En outre, et surtout, elle uniformisera les voies de recours, elles aussi marquées par certaines incertitudes. La plupart du temps, le rejet d'une demande donne lieu à un recours gracieux devant le bureau d'aide juridictionnelle. Si le rejet est confirmé par ce bureau, il est encore possible de déposer un recours devant la juridiction administrative. L'ordonnance harmonisera ces voies de recours et, en tout état de cause, les clarifiera.

Pour ce qui est de la substitution à la notion de « revenus de toute nature » de celle de « revenu fiscal de référence », il faut rappeler que les dispositions qui s'appliquent actuellement aux ressources prises en compte pour déterminer si le demandeur peut, ou non, prétendre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sont, de l'aveu général, complexes et confuses, ce qui est préjudiciable à plus d'un titre.

D'abord, il est inadmissible qu'il y ait, sur le territoire de la République, des différences entre plusieurs bureaux quant à l'appréciation des revenus pris en compte. Ensuite, ces imprécisions touchent aussi à la nature des pièces justificatives demandées par les différents bureaux d'aide juridictionnelle : les vérifications sont tantôt simples, tantôt tatillonnes. Enfin, les délais d'instruction des demandes sont variables.

L'habilitation demandée a pour objet d'harmoniser et de clarifier les dispositions, et de faire en sorte que le pétitionnaire qui présente un dossier d'aide juridictionnelle devant un bureau compétent puisse savoir avec précision s'il est, ou non, éligible à cette aide.

C'est la raison pour laquelle, alors même que l'amendement n° 138 n'a pas été soumis à la commission, je propose, à titre personnel, qu'il soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Il s'agit, comme l'a indiqué le rapporteur, de substituer à la notion de ressources celle de revenu fiscal dans l'évaluation des critères d'attribution de l'aide juridictionnelle.

M. Jérôme Lambert. C'est l'inverse !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je ne crois pas. (Sourires.) Il s'agit là d'une véritable simplification, attendue par les justiciables, qui recevront un traitement homogène sur l'ensemble du territoire et se verront épargner la demande systématique de justificatifs.

Je tiens à préciser qu'il n'entre pas dans les intentions du Gouvernement de réduire le nombre de citoyens éligibles au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Cette mesure de simplification incontestable est aussi une mesure d'équité.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous donc l'intention de relever les plafonds de ressources ? Comment, en effet, pourrez-vous éviter d'exclure des gens très modestes du bénéfice de l'aide juridictionnelle si vous intégrez dans le calcul de leurs ressources des sommes qui, comme la retraite du combattant, n'y figurent pas actuellement ? Les barèmes fixent aujourd'hui des plafonds déjà très bas, et votre mesure aura pour effet mécanique d'exclure des milliers, sinon des dizaines de milliers de nos concitoyens !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Pour ce qui concerne l'éligibilité à la CMU, le montant pris en compte est celui du revenu fiscal de référence, qui a l'avantage d'être insusceptible de contestations et de critiques. L'intention du Gouvernement, affirmée lors des auditions auxquelles la commission a procédé, est bien de clarifier la situation et de permettre des certitudes sans contestation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Peut-être ai-je mal compris, mais il me semble que l'article 6 propose exactement l'inverse : « La substitution de la notion de revenu fiscal de référence, ou de revenu déclaré, à celle de ressources ».

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Il me semble, au contraire, que nous parlons de la même chose : nous souhaitons que soit pris en compte le revenu fiscal de référence, qui est une notion plus claire que celle de ressources. C'est également ce qu'a dit le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Il semble qu'il y ait eu quelque confusion. Celle-ci étant dissipée, je retire l'amendement n° 138.

M. le président. L'amendement n° 138 est retiré.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi d'un amendement n° 7, de précision rédactionnelle.

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Étienne Blanc, rapporteur. La disposition prévue au IV de l'article 7 a été adoptée par le législateur lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. C'est pourquoi je propose la suppression de ce IV.

M. Jacques Brunhes. On nous présente des textes qui ont déjà été discutés précédemment ! Nous avons rencontré le même problème ce matin.

M. le président. M. le rapporteur a apporté la correction nécessaire.

M. Jacques Brunhes. C'est son travail ! Excellent au demeurant.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je souhaiterais savoir où en est l'examen du projet de loi sur le développement des territoires ruraux.

En effet, la situation des carrières ouvertes pour la restauration des monuments historiques est un problème important, auquel nous sommes régulièrement confrontés et qui doit être clarifié. Avant de supprimer la disposition qui s'y rapporte, il conviendrait de nous assurer de l'adoption de celle-ci dans la loi sur le développement des territoires ruraux, dont je ne crois pas que l'examen soit achevé.

J'appelle donc mes collègues à maintenir le IV de l'article 7, sur lequel nous pourrons revenir ultérieurement, sous réserve de l'adoption de la disposition correspondante dans la loi sur le développement des territoires ruraux. Cela me semble relever du bon sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Le texte relatif aux territoires ruraux a été adopté par le Sénat et doit revenir en seconde lecture devant notre assemblée.

M. Jacques Brunhes. Dans quel état ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il conviendra de veiller à ce que les dispositions prévues au IV de l'article 6 figurent bien dans le texte sur les territoires ruraux. En revanche, maintenir cette disposition dans le texte que nous examinons ce soir pour la retrancher ultérieurement serait cause de confusion. Je maintiens donc la proposition de supprimer le IV de l'article 6.

M. François Sauvadet. Je souhaite, quant à moi, que la disposition soit maintenue dans l'attente de son adoption dans le projet sur le développement des territoires ruraux. Tant qu'une loi n'est pas adoptée par le Parlement, ce n'est pas la loi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'Assemblée est consultée par assis et levé.)

M. le président. L'amendement est adopté.

M. François Sauvadet. Par souci de cohérence, je m'abstiens sur l'article 7.

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. L'amendement n° 9 est rédactionnel

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert pour défendre l'amendement n° 92.

M. Jérôme Lambert. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 92 est donc retiré, mais je vous redonne la parole pour soutenir l'amendement n° 93.

M. Jérôme Lambert. Il est question à l'article 8 des libéralités qui peuvent être dévolues aux associations, groupements et fondations. Le Gouvernement entend faire passer le contrôle de ces libéralités d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration postérieure. On peut supposer que, dans la majorité des cas, l'application du régime de déclaration postérieure n'entraînera aucun problème, car la plupart des groupements susceptibles de percevoir des libéralités - au nombre desquels de nombreuses associations reconnues d'utilité publique - sont dignes de confiance.

Néanmoins nul n'ignore qu'il existe aussi dans notre pays une multitude d'associations beaucoup moins sérieuses - dont certaines peuvent même revêtir un caractère sectaire, ce dont notre assemblée s'est déjà préoccupée - pouvant, elles aussi, être amenées à percevoir des libéralités. À leur sujet, la mise en œuvre du régime de déclaration postérieure présente un risque évident, comme je l'ai souligné ce matin en défendant l'exception d'irrecevabilité, celui de voir les sommes d'argent en question se volatiliser avant que l'administration n'ait le temps de procéder aux contrôles estimés nécessaires. Pour éviter que cela ne se produise, l'amendement que je propose vise à exclure du champ des dispositions proposées les associations et les mouvements de type sectaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, à titre personnel, je demande son rejet. L'un des objectifs poursuivis par l'article 8 est de simplifier et de clarifier le contrôle des comptes des associations et des fondations. L'esprit du projet de loi d'habilitation est de faire en sorte que soient allégés les contrôles systématiques actuellement pratiqués, afin de permettre à l'administration de se concentrer sur les contrôles véritablement utiles.

M. Jérôme Lambert. Les contrôles a posteriori !

M. Étienne Blanc, rapporteur. La plupart du temps, les associations respectent parfaitement la loi. En revanche, certaines d'entre elles, en particulier les sectes, ont des pratiques douteuses et présentent de ce fait des risques, notamment en termes de sécurité publique. Il serait préférable que la puissance publique puisse appesantir ses contrôles lorsque cela semble nécessaire, au lieu de mobiliser ses capacités sur des cas qui ne le justifient pas. Voilà pourquoi, à titre personnel, je souhaite que cet amendement soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Pour une fois, je ne serai pas d'accord avec M. le rapporteur (Sourires.)

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Il nous semble effectivement nécessaire d'éviter que les mouvements à caractère sectaire puissent bénéficier des mesures de simplification prévues par l'article 8. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement visant à exclure du champ des dispositions proposées les associations et les mouvements de type sectaire.

Il nous semble toutefois, monsieur Lambert, qu'il serait préférable de situer l'insertion que vous proposez à un autre endroit du texte.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le président. Que pensez-vous de cette proposition, monsieur Lambert ?

M. Jérôme Lambert. J'accepte bien volontiers la proposition de M. le secrétaire d'État, et je le remercie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Cette fois, il n'y aura pas de contestation, monsieur Sauvadet, puisque le vote est acquis à l'unanimité (Sourires.)

M. François Sauvadet. On peut y voir une forme d'incitation à faire mieux, monsieur le président !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 77 et 78, qui sont complémentaires et peuvent donc faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. François Sauvadet, pour les soutenir.

M. François Sauvadet. L'article 8-3° habilite le Gouvernement à supprimer les règles de droit local relatives à la police municipale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Notre collègue Francis Hillmeyer entend souligner que l'absence d'un pouvoir de substitution du préfet en cas de carence du maire dans l'exercice de ses responsabilités de détenteur du pouvoir de police municipale n'a jamais soulevé de difficultés particulières dans les trois départements de l'Est, qui ont montré un attachement constant au respect de la légalité.

Il convient également de préciser que ces amendements s'inscrivent dans la réflexion actuellement conduite avec la commission d'harmonisation du droit privé et l'Institut du droit alsacien-mosellan en vue d'une harmonisation du droit général et du droit local.

Regrettant qu'il n'y ait pas eu de concertation avec les institutions spécialement en charge des questions de droit local, M. Hillmeyer propose de substituer au 3° du I de l'article 8 une rédaction nouvelle prévoyant une modernisation en concertation avec la commission d'harmonisation du droit privé et l'Institut du droit alsacien-mosellan, afin que des propositions visant à moderniser le droit local puissent être élaborées dans un esprit consensuel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Le droit alsacien et mosellan prévoit actuellement la faculté de substitution par le préfet en cas de carence d'une collectivité territoriale. En revanche, cette faculté de substitution ne couvre pas toutes les possibilités prévues par notre droit, notamment le champ de la police administrative. Une clarification de la situation par voie d'ordonnance a donc paru souhaitable.

L'Institut du droit alsacien-mosellan n'a pas été saisi a priori, mais il pourrait l'être a posteriori. Il me semble par conséquent que ces amendements pourraient être retirés. À défaut, je demanderais à ce qu'il soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je demande également le retrait de ces amendements, en contrepartie de l'engagement du Gouvernement à procéder à une concertation approfondie.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Sauvadet ?

M. François Sauvadet. Compte tenu de l'engagement du Gouvernement d'engager une concertation s'inscrivant dans le cadre du travail d'harmonisation actuellement conduit, nous acceptons de retirer ces amendements.

M. le président. Les amendements nos 77 et 78 sont retirés.

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Article 9

M. le président. L'amendement n° 10 est rédactionnel..

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement n° 10.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président. L'article 10 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 10 est adopté.)

Après l'article 10

M. le président. Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 10.

La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 52.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Les listes des jurés d'assises transitent aujourd'hui par les préfectures avant d'être transmises aux maires. L'objectif de l'amendement n° 52 est de supprimer cette étape intermédiaire inutile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 55 de M. Lagarde n'est pas défendu.

Article 11

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert pour soutenir l'amendement n° 94.

M. Jérôme Lambert. La nouvelle rédaction de l'article L.436-6 du code de l'éducation proposée par le Gouvernement déconcentre la décision interdisant à un enseignant ou à un animateur sportif d'exercer. Dorénavant, ce ne sera plus au ministre, mais vraisemblablement à l'autorité préfectorale, qu'il reviendra de prendre ce type de décision.

Cette modification va entraîner ipso facto une nouvelle répartition de compétences entre les différents niveaux juridictionnels de l'ordre administratif. Devant qui l'enseignant ou l'animateur pourra-t-il contester la décision prise à son encontre ? Quand elle était rendue par le ministre, il s'agissait directement du Conseil d'État. Dorénavant c'est le tribunal administratif qui sera compétent, puis, éventuellement, le Conseil d'État en appel, ce qui aura pour effet d'alourdir les procédures.

De plus, il s'agit d'une décision grave. Qu'elle soit prise par le ministre ou par le préfet, elle implique des conséquences très lourdes pour la personne qu'elle vise.

Cet amendement a donc pour but de préciser que le contentieux relatif à des décisions administratives déconcentrées de cette nature, serait directement porté devant le Conseil d'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit, avec cet amendement, de faire en sorte que, au moment où l'on veut déconcentrer la procédure en permettant au préfet de prendre une décision, l'éventuel contentieux en résultant ne soit pas soumis au tribunal administratif compétent, mais directement au Conseil d'État.

A cet égard je formulerai deux observations : premièrement, cela constituerait une exception au principe général du droit, qui veut que les arrêtés préfectoraux soient soumis au tribunal administratif compétent dans le département où exerce le préfet ayant pris la décision administrative ; deuxièmement, cela impliquerait, pour la personne visée par une interdiction d'enseigner, de se voir privée du bénéfice d'un double degré de juridiction.

C'est pourquoi je souhaite que cet amendement - qui n'a pas été examiné par la commission - soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)


Article 12

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, inscrit sur l'article.

M. Jacques Brunhes. Pas moins de 6 millions de familles sont concernées par cet article, puisqu'elles reçoivent 13 milliards d'euros de subventions dont 5 milliards imputés au budget de l'État.

Aujourd'hui, trois régimes coexistent : l'allocation de logement familial, l'allocation de logement social et les aides personnalisées au logement. Ces trois aides relèvent de trois ministères différents, mais elles sont gérées par un seul réseau : les caisses d'allocations familiales.

Que souhaite faire le Gouvernement ? Certes, il est difficile de mesurer quelle est exactement l'intention faute de dispositifs précis. On peut cependant supposer que les mesures pour lesquelles il souhaite avoir les mains libres sont régressives et permettront de procéder à des réductions budgétaires.

Cette suspicion, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, est due au fait que l'on ne peut oublier que, avec la récente modification du mode de calcul et du versement de l'aide personnalisée au logement, 250 000 allocataires ont été exclus du bénéfice de cette allocation.

Ainsi pour la date d'actualisation du barème de l'APL, il y a le risque, outre la faiblesse de la régularisation et la modification des critères, de jouer avec les exigences budgétaires. Par ailleurs, la nouvelle date d'actualisation risque d'accroître les difficultés pour les ménages défavorisés. La même logique prévaut pour la suppression de l'abattement forfaitaire de 76 euros que vous vous apprêtez à décider, et qui va frapper plus durement les ménages les plus modestes.

Au demeurant, il s'agit à nos yeux de questions qui, compte tenu du poids essentiel du budget des aides à la personne et de la crise profonde du logement, doivent être débattues par la représentation nationale et avec tous les intervenants concernés : associations de locataires, associations familiales, syndicales, bailleurs sociaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 95.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous indique très cordialement, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que nous partageons la suspicion de Jacques Brunhes à l'égard du Gouvernement en matière d'aides au logement. Et nous parlons d'expérience.

Le présent dispositif consiste à autoriser le Gouvernement à modifier les processus de réglementation de l'aide personnelle. A ce propos je rappelle que la loi oblige le Gouvernement à revaloriser le barème le 1er juillet de chaque année - et cette mesure ne date pas d'hier. Or, le 1er juillet 2003, le Gouvernement n'a rien fait. À la fin du mois d'octobre, selon une réponse du ministre du logement d'alors que j'avais interrogé à ce sujet, il s'apprêtait à le faire, mais, le 31 décembre, il n'avait toujours rien fait. Au mois de mars 2004, il était encore sur le point de le faire et ce n'est finalement - vous allez dire que je suis mauvaise langue - qu'à la veille des élections régionales qu'il l'a fait.

M. Jacques Brunhes. C'était trop tard pour changer les résultats !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les décisions prises ont ainsi été successivement annoncées et nous venons de prendre connaissance des dernières.

Premier constat : le Gouvernement a délibérément joué avec la mise en œuvre de la revalorisation pour des raisons budgétaires. Il a fait en sorte de ne pas avoir à répondre au processus légitime d'augmentation. Cette manipulation volontaire des problématiques budgétaires a été opérée au profit des plus riches et au détriment des plus modestes, précisément ceux qui bénéficient de l'APL.

Second constat : le Gouvernement, après avoir prétendu qu'il avait augmenté l'enveloppe budgétaire de 2,3 %, a cependant exclu du bénéfice de l'APL 250 000 personnes, sous couvert d'ajustements techniques - ce procédé est d'ailleurs souvent utilisé dans les lois d'habilitation. Ainsi, le seuil de non-versement de l'APL est passé de 15 à 24 euros, ce qui correspond à 800 euros sur une année, soit un loyer. Certes, ce n'est pas grand-chose pour une grande majorité de nos concitoyens mais c'est beaucoup pour ceux qui ont besoin de l'APL.

Par ailleurs on a supprimé le délai de carence pour les chômeurs, ce qui est fou ! Ce gain de deux mois a permis de réduire encore le nombre des allocataires. On a également trouvé le moyen de réintégrer dans les revenus des conjointes survivantes la pension de réversion. Bien sûr, tout cela a permis de réaliser des économies. Le ministre du logement a donc eu beau jeu de nous expliquer que la revalorisation avait eu un effet rétroactif. Encore heureux ! C'est prévu par la loi. Mais faut-il comprendre que ceux qui ont été exclus ensuite du bénéfice de l'APL, du fait de vos nouvelles règles, devront rembourser le trop perçu ?

Bien sûr, nous ne pourrons empêcher le Gouvernement de poursuivre ce genre de manipulations : tout en continuant à parler de cohésion sociale, il écartera certains de nos concitoyens du bénéfice de l'APL. Notre amendement vise donc à prévoir que le Gouvernement ne pourra pas modifier la date d'actualisation du barème de l'ALP. Nous sommes convaincus en effet que, s'il avait eu la possibilité d'agir ainsi, l'APL ne serait toujours pas revalorisée. Il n'aurait rien fait, quitte à nous entendre râler.

Après le mot « logement », nous proposons donc d'insérer les mots « à l'exception de la date d'actualisation du barème de l'aide personnalisée au logement ». Nous considérons en effet que cette actualisation doit être de la seule compétence du législateur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il est difficile de répondre à ce procès en suspicion.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Fort légitime !

M. Étienne Blanc, rapporteur. On pourrait faire observer que les dispositifs récemment mis en place par le ministre du logement pour venir en aide aux personnes en difficulté et ayant des retards de loyers importants contredisent ce qui vient d'être exposé.

Pour en rester à l'esprit de cette loi d'habilitation, je rappelle simplement que l'objectif est de poursuivre l'harmonisation des régimes des aides personnelles au logement qui relèvent aujourd'hui de deux dispositifs : l'APL et l'allocation logement. La date d'actualisation du barème de l'allocation logement étant d'ores et déjà fixée par voie réglementaire, ce texte vise, ni plus ni moins, à reprendre ce principe pour l'APL. Il n'y a donc pas lieu de manifester quelque suspicion que ce soit.

C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, j'émets un avis défavorable sur cet amendement qui n'a pas été examiné par la commission.

M. Jacques Brunhes. Vous prenez de grands risques, monsieur le rapporteur !

M. Étienne Blanc, rapporteur. J'ai confiance !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Sans vouloir être polémique, je crois, ainsi que M.  le rapporteur vient de le montrer, que nous n'avons pas de leçons à recevoir en matière de logement.

Le présent texte vise à harmoniser, à simplifier. Le renvoi au niveau réglementaire de la date d'actualisation du barème de l'APL n'est qu'un alignement sur le dispositif en vigueur pour l'allocation logement. Il appartiendra ensuite au Parlement de contrôler ce qu'aura fait le Gouvernement dans le domaine financier : le contrôle des crédits s'effectue lors de l'examen du budget. Avis défavorable donc sur l'amendement n° 95.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je note que, pour la première fois depuis de nombreuses années, le Gouvernement prend comme référence l'allocation logement et non l'APL. Or on cherche précisément, dans les différents dispositifs, à supprimer l'allocation logement au seul profit de l'APL. Le choix du Gouvernement est donc surprenant. Il l'est d'autant plus que le nombre de bénéficiaires de l'allocation logement diminue chaque année puisque, après la réhabilitation des logements, on établit des procédures de conventionnement et on passe à l'APL. En fait, c'est uniquement la procédure réglementaire en vigueur pour l'allocation logement qui a motivé votre choix.

Enfin, je vous rappelle que vous prétendez unifier ces deux allocations. Nous approuvons d'ailleurs cet objectif et nous considérons que la procédure par ordonnance peut permettre de faire avancer les choses. Cependant, en prévoyant de fixer la date d'actualisation du barème par voie réglementaire, vous vous donnez un instrument budgétaire. C'est cela que nous contestons.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le secrétaire d'État, il ne s'agit pas de polémiquer. En l'occurrence, vous invoquez la simplification, mais cet argument vaut pour toutes les dispositions de ce texte. Toute la question est de savoir s'il va s'agir d'une simplification par le haut ou par le bas. Notre suspicion vient du fait que vous avez modifié, il y a quelques semaines, le mode de calcul du versement de l'aide personnalisée au logement. Résultat : 250 000 personnes sont maintenant exclues du bénéfice de cette allocation. Convenez que nous puissions être préoccupés ! Nous craignons bel et bien que, pour des raisons budgétaires, la simplification se fasse par le bas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, compte tenu de l'état d'avancement de nos travaux sur ce texte et alors qu'est prévu ce soir l'examen d'un autre projet, nous nous demandons comment nous allons atterrir, si j'ose dire. Avez-vous reçu une lettre rectificative modifiant notre ordre du jour ? Nous avons besoin de savoir sur quel pied danser.

M. le président. Monsieur Bruhnes, l'atterrissage dépend aussi de vous. (Sourires.) Sachez que la présente séance sera levée à vingt heures et que des dispositions seront prises pour que l'examen de ce texte se poursuive ce soir, en séance de nuit.

Pour l'heure, je vous propose de suspendre la séance pour un quart d'heure.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je vous indique, mes chers collègues, que nous allons tenter, avec l'aide de M. le vice-président Éric Raoult, de terminer l'examen de ce texte avant le dîner. Toutefois, il s'agit d'un texte difficile et cela dépendra de chacun de vous. Pour ma part, je ne saurais bousculer un intervenant qui aurait des choses importantes à dire.

Article 13

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié est rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 96.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement propose de supprimer, à la fin de cet article, les mots « et en redéfinissant les procédures de contrôle de la conformité des travaux ». Cela apaiserait une inquiétude que j'ai exprimée précédemment.

Nous craignons en effet que l'article 13 n'entraîne la suppression des certificats de conformité en donnant au maire la possibilité de les délivrer ou de les refuser. Par ailleurs, lors d'un précédent débat, M. Devedjian a lui aussi évoqué la possibilité de les supprimer.

Or cette suppression nous inquiète et c'est pourquoi nous vous proposons cet amendement.

La semaine prochaine, nous allons voter le projet de loi sur l'égalité des droits des personnes handicapées. Or ce texte comporte plusieurs dispositions qui attribuent au certificat de conformité des conséquences importantes en matière de réalisation de travaux d'accessibilité aux handicapés, allant jusqu'à des sanctions pénales en cas d'infraction.

Pourquoi attribuer dans certains dispositifs plus d'importance au certificat de conformité, quand, dans le même temps, on le rend aléatoire ? Nous aimerions connaître l'exacte appréciation du Gouvernement en matière de certificat de conformité dans le dispositif du droit de l'urbanisme.

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous qui êtes le Pic de la Mirandole de ce texte, voulez-vous nous donner l'avis de la commission ? (Sourires.)

M. Étienne Blanc, rapporteur. Mes chers collègues, dans la rédaction actuelle de notre droit, la déclaration d'achèvement des travaux, réalisée par le maître d'ouvrage, doit théoriquement déclencher la délivrance par la puissance publique d'un certificat de conformité.

Soyons clairs : les contrôles de la conformité des travaux au permis de construire ne sont pas effectués de manière systématique. Dans un grand nombre de cas, ils ne sont pas effectués et, quand ils le sont, c'est souvent sur pièces.

L'idée contenue dans ce projet de loi d'habilitation est de faire en sorte que les contrôles se concentrent sur des dossiers significatifs : ceux ayant trait aux personnes handicapées, dont vous avez parlé, mais aussi ceux touchant des constructions suffisamment importantes pour nécessiter un contrôle particulier.

Cet amendement n'a pas été soumis à la commission. A titre personnel, j'émets un avis négatif sur la suppression de ces mots à la fin de l'article 13 de la loi d'habilitation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Il est important d'établir la différence entre la théorie et la pratique. Lorsque j'étais maire, j'ai pu constater que les certificats de conformité ne sont pas une pratique quotidienne. Un maire n'a pas toujours le temps de les établir, pas plus que la DDE, lorsqu'elle est mandatée pour cela. La situation n'est pas aussi claire que le voudrait le droit.

La réforme tient compte de cette pratique et la sécurise. Nous inviterons désormais tous les constructeurs à déposer à la mairie une déclaration d'achèvement des travaux, ce que, dans la pratique, ils ne font pas ou font mal. Ce document aura une véritable valeur juridique et créera des droits.

Les communes auront toujours la possibilité de vérifier la conformité aux règles d'urbanisme des travaux, notamment de ceux qui représentent un enjeu. Aucune limitation ne sera apportée au pouvoir des maires, qui conserveront le droit de vérifier la conformité de travaux aux règles d'urbanisme et de sanctionner tout dossier qui présenterait une non-conformité. J'ajoute que cette réforme se fera en concertation avec l'AMF.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 11 rectifié.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président. Cet article ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, inscrit sur l'article.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, j'ai déjà eu à deux reprises l'occasion de me prononcer sur l'harmonisation des définitions légales de la notion de superficie. Je n'y reviens donc pas.

M. le président.  Nous en venons donc à la discussion de l'amendement n° 97.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous souhaitons compléter cet article par la disposition suivante : « Cette harmonisation ne remet pas en cause la notion de logement décent au sens de l'article 187 de la loi du 13 décembre 2000 ».

Nous souhaitons apporter une telle précision parce que, à des questions écrites qui lui ont été adressées, le Gouvernement a répondu qu'il nous faudrait bien revenir sur la notion de logement décent, en redéfinissant par exemple l'habitabilité des chambres de service.

Il n'est pas acceptable, au détour d'une nécessaire harmonisation du calcul de surfaces comme la SHOB ou la SHON, de remettre en question la définition d'une surface habitable qui figure dans la loi de décembre 2000. Il est donc nécessaire, afin de lever toute ambiguïté, de préciser dans le texte que la notion de logement décent est inchangée. Comme il n'entre pas dans les intentions du Gouvernement de la remettre en cause, cela ne coûterait rien de l'ajouter dans cet article et cela écarterait définitivement du débat la notion de logement décent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement n'a pas été soumis à la commission, mais je formulerai à titre personnel un avis défavorable.

En effet la notion de logement décent intègre la surface. Or il nous est proposé aujourd'hui de clarifier cette notion de surface. Je vous rappelle qu'il existe dans notre droit neuf définitions différentes de la surface : la surface hors œuvre brute, la surface hors œuvre nette, la surface corrigée, la surface habitable, la surface privative selon la loi Carrez, la surface fiscale, la superficie selon la loi Besson, la surface pondérée en copropriété, la surface développée hors œuvre pondérée.

En harmonisant ces définitions, nous simplifions aussi celle du logement décent, puisque la surface entre dans sa définition. Nous considérons que cet amendement est superfétatoire et c'est pourquoi je vous propose de le rejeter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. S'agissant d'une loi de simplification, ne lui ajoutons pas de précisions inutiles. Je vous indique, monsieur le député, qu'il n'est absolument pas question de modifier la notion de logement décent.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, je veux formuler deux remarques.

La première est que notre rapporteur, pour près d'un amendement sur deux, voire plus, nous indique qu'il n'a pas été examiné en commission. Qu'est-ce que cela signifie ?

M. Guy Geoffroy. Qu'ils n'avaient pas été présentés !

M. Jacques Brunhes. Cela veut dire que ce texte a été examiné à la va-vite, dans des conditions de travail tout à fait déplorables !

M. Guy Geoffroy. Pas du tout, cette manière de faire correspond à une stratégie de l'opposition !

M. Jacques Brunhes. Ce texte, qui porte pourtant sur des sujets extrêmement divers, n'a été examiné que par une seule commission. Si la commission des lois n'a pas étudié ces amendements, c'est bien la preuve que nous travaillons dans de mauvaises conditions.


Deuxièmement, il me semble, monsieur le rapporteur, que vous outrepassez les limites de votre fonction. Certes vous précisez que vous vous exprimez à titre personnel et que votre avis n'engage pas la commission. Toutefois, compte tenu de votre titre de rapporteur, vos propos prennent un relief excessif en l'espèce. Vous seriez davantage dans votre rôle si vous disiez que vous ne prenez pas position sur l'amendement puisque la commission ne l'a pas examiné, et si vous laissiez à l'Assemblée le soin de décider seule.

De plus, en prenant position ainsi, vous vous exposez à être contredit par le secrétaire d'État, comme cela s'est produit tout à l'heure : nous avons voté un amendement contre votre avis parce que M. le secrétaire d'État a été d'une opinion contraire à la vôtre. Cela confirme que nos conditions de travail ne sont décidément pas bonnes.

Je veux enfin souligner que la précision apportée par l'amendement ne me semble pas superfétatoire. Garantir le respect de certains principes, en l'espèce celui du droit à un logement décent, n'a en effet rien de superfétatoire et votre refus n'est pas innocent.

Il n'était pas utile, monsieur le rapporteur, de nous rappeler les neuf définitions légales de la notion de superficie. Il fallait en revanche expliquer l'incidence de ces neuf définitions en matière de financement, de fixation des loyers, de taxation, de préciser quel type d'harmonisation vous préconisez, et si elle se fera par le haut ou par le bas. Sur ces sujets vous restez silencieux.

M. Jérôme Lambert. C'est inquiétant !

M. Jacques Brunhes. Voilà pourquoi je juge que nous sommes face à un vrai problème de fond et que je soutiens naturellement l'amendement de M. Le Bouillonnec.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Sans vouloir prolonger indéfiniment les débats, je tiens tout de même à faire deux observations.

La première, c'est que nous débattons d'un projet de loi qui - sauf erreur de ma part - vise à simplifier le droit, et non à le compliquer.

Je vous fais ensuite remarquer que si la commission n'a pas examiné cet amendement, c'est tout simplement parce qu'il ne lui a pas été soumis. Il est très surprenant que nos collègues de l'opposition, qui ont présenté deux motions de procédure, n'aient pas déposé celle qui aurait été la plus justifiée, si l'on en croit les propos de M. Brunhes, à savoir la motion de renvoi en commission.

M. le président. C'est une suggestion qui vient trop tard ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On ne peut pas se satisfaire des réponses de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d'État.

Je rappelle que l'article 15 vise à autoriser le Gouvernement à harmoniser la définition des surfaces bâties prises en compte « pour l'application des législations de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ». Or la loi de solidarité et de renouvellement urbains - je sais bien que ce texte fâche un peu -...

M. François Sauvadet. Il fâche les élus locaux en effet ! Et pas qu'un peu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... définit la notion de logement décent. Selon l'article 187 de la loi SRU, il doit disposer « au moins d'une pièce principale ayant, soit une surface habitable au moins égale à 9 m2 et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 m, soit un volume habitable au moins égal à 20 m3 ». Nous sommes tous d'accord pour dire que ce sont là des exigences minimales.

M. Guy Geoffroy. Rien n'est changé à cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette définition du logement décent a suscité des critiques, ses conditions ayant été jugées par certains excessivement sévères, notamment en ce qu'elles interdiraient la location des chambres de service, ou chambres de bonne. Le Gouvernement a répondu à ces critiques qu'il « réfléchissait à une modification du dispositif qui permettrait d'éviter que les chambres de service soient exclues de fait » du marché locatif - je cite une réponse, publiée au Journal officiel, à une question écrite posée par l'une de nos collègues.

M. Jérôme Lambert. Il y a bien un problème !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela tend à prouver que le Gouvernement a bien l'intention de profiter de cette loi d'habilitation pour éviter que les chambres de service soient exclues du marché locatif.

Pour notre part nous refusons la prise en compte de telles considérations, car cela aboutirait à autoriser l'usage de locaux inaccessibles, insalubres, bref inhabitables, pour loger les plus modestes, comme le font les « marchands de sommeil ». Nous ne contestons pas que vous les combattiez autant que nous ; nous relevons simplement qu'il y a une contradiction entre les assurances que l'on vient de nous donner et cette réponse à une question écrite d'une de nos collègues, et que le Gouvernement s'y prend les pieds.

Pour nous il n'y a pas de problème : si le Gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur la définition du logement décent, il suffit de le préciser dans le projet de loi. Si, en revanche, vous ne nous donnez pas cette assurance à l'occasion de ce débat, nous considérerons que le Gouvernement travaille dans l'esprit de la réponse à la question écrite, et qu'il s'agit bien de modifier un élément substantiel de la définition du logement décent.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur la question du logement décent car je crois que nous avons déjà répondu de manière très précise sur ce sujet : l'article en question vise uniquement à simplifier la définition de la surface bâtie, et il ne porte pas sur la notion de logement décent, dont la surface n'est qu'un élément de la détermination.

Je veux surtout répondre, monsieur Brunhes, aux critiques que vous avez formulées à l'encontre du fonctionnement de la commission des lois. Cette dernière a examiné hier, dans la réunion qu'elle a tenue en application de l'article 88 du règlement, les amendements qui avaient été déjà présentés. Or vous n'avez déposé les amendements en cause que cette nuit, et ce sont pour l'essentiel des amendements de suppression. Le président de la commission a donc estimé qu'il n'était pas utile de réunir à nouveau la commission pour examiner des amendements proposant la suppression d'articles qu'elle avait déjà adoptés. Cela explique que, comme vous l'avez remarqué à juste titre, je m'exprime aujourd'hui à titre personnel, sans engager la commission à propos d'amendements qui ne lui ont pas été soumis. Je crois que la situation est claire.

M. le président. Bien ! Voilà une affaire réglée, et nous n'y reviendrons pas.

Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16

M. le président. Sur l'article 16, je suis saisi de quatre amendements, nos 98, 99, 100 et 101, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

Il s'agit en effet, monsieur Jérôme Lambert, d'un amendement de suppression de l'article, puis de trois amendements dont chacun vise à supprimer un alinéa de l'article. Pourriez-vous nous en présenter une explication globale ?

M. Jérôme Lambert. Tout à fait.

M. le président. Je vous remercie.

M. Jérôme Lambert. Je veux insister à cette occasion sur les difficultés - je les ai déjà soulignées ce matin, avec d'autres orateurs - que nous rencontrons du fait de l'organisation même de nos débats. L'article 16 traite de questions relevant du droit forestier, dont, je l'avoue très humblement, je ne suis pas spécialiste. En réalité c'est notre collègue Jean Gaubert qui devait défendre ces amendements, puisqu'ils sont essentiellement le fruit de son travail, mais il en a été empêché, car la date de ce débat, qui devait se tenir mardi, a été modifiée au dernier moment.

C'est donc à moi, qui ne suis pourtant pas versé dans ces questions, qu'il revient de vous proposer la suppression de l'article 16. J'aurais préféré que nos collègues spécialistes de ces questions puissent être parmi nous aujourd'hui, de même que j'aurais préféré que la commission des affaires économiques, dont relève cette matière, puisse nous donner son avis. La commission des lois, qui n'a de toute façon pas examiné l'amendement, ne regorge pas en effet de spécialistes de ces questions.

Cela étant, l'article 16 prévoit de limiter les formalités de déclaration des coupes de bois, de modifier les conditions d'aides publiques relatives aux bois et de réduire l'obligation de diffusion de l'information aux maires dans le cadre de la procédure d'élaboration des documents de gestion de l'espace agricole et forestier. Or les formalités administratives sont essentielles au maintien d'une bonne administration des espaces boisés qui, s'ils se sont accrus de façon importante ces dernières années sur notre territoire, restent des espaces fragiles.

Cette question aurait dû être abordée lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux - il en a déjà été question au cours du débat. Passer par la voie des ordonnances n'apparaît pas souhaitable en l'espèce, alors que, l'examen de ce texte n'étant pas terminé, le Gouvernement peut encore l'amender de façon à faire participer complètement le Parlement à son travail de simplification.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Je vous indique d'abord, monsieur Lambert, puisque vous découvrez le droit forestier, que notre rapport est extrêmement complet sur la question ; il rend bien compte, en particulier, de la grande complexité de ce régime.

L'article 16 résulte en fait du constat que ce droit comporte des dispositifs administratifs extrêmement nombreux qui, même s'ils sont pertinents du point de vue de leurs objectifs - contrôler les coupes ou les plantations en particulier - sont d'une telle complexité que l'administration peine aujourd'hui à en assurer une juste application. Le droit actuel distingue ainsi les coupes dans le cadre d'un règlement type de gestion, les coupes pour les besoins propres ou les besoins d'exploitation et, surtout, les coupes d'urgence en cas de sinistre. Une telle complexité normative interdit pratiquement aujourd'hui un contrôle efficace de sa mise en œuvre. L'article 16 propose donc de rationaliser ce régime pour rendre toute son efficacité au contrôle de l'administration.

Aujourd'hui, monsieur Lambert, on a le choix entre le maintien du dispositif législatif existant, qui est une véritable œuvre d'art juridique, mais dont l'application est insuffisamment contrôlée, et un dispositif beaucoup plus simple et lisible, qui permettra à l'État de mieux assurer l'effectivité du régime forestier dans notre pays.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je suis évidemment l'avis du rapporteur, et je m'oppose à cette « coupe à blanc » de l'article !(Sourires.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. Jérôme Lambert. Voilà au moins un spécialiste du droit forestier !

M. François Sauvadet. Je ne sais pas si je suis un spécialiste du droit forestier, mais j'en accepte l'augure !

Il me semble simplement, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que le champ de la simplification est particulièrement large. Ceux d'entre vous qui, comme moi, ont participé en d'autres temps à la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt, ont pu mesurer combien le débat parlementaire a été bénéfique à une juste prise en compte des spécificités de l'exploitation forestière et de son contrôle.

Je ne prendrai qu'un exemple très concret, qui parlera au moins aux professionnels, puisqu'il en a été beaucoup question : il s'agit de la gestion des sapins de noël. Nous avions mis en place un dispositif tout à fait spécifique pour ce cas particulier, ce qui était nécessaire et attendu des professionnels, et nous avons été vigilants quant à ses conditions d'application, qui ont été définies par décret.

J'aurais aimé que nous puissions avoir ce type de débat en ce qui concerne les dispositions du régime forestier qui sont ici en cause. Je pense notamment aux structures de contrôle : il faudrait pouvoir mesurer l'incidence des modifications envisagées en la matière sur la définition des missions des centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, ou de l'Office national des forêts, l'ONF. Sur de telles questions, qui n'ont rien d'anecdotique, j'aurais souhaité que le Gouvernement, dans le cadre, par exemple, d'auditions par la commission des affaires économiques, instruise la représentation nationale de ses intentions au moment de solliciter le vote de cette habilitation.

Il conviendrait que le Gouvernement nous donne au moins quelques garanties, en nous précisant le champ des modifications envisagées, afin que la représentation nationale puisse suivre pas à pas ses propositions de simplification, qui sont sans doute nécessaires, mais auxquelles nous souhaitons être très étroitement associés. En effet si le droit forestier s'est ainsi complexifié, c'est parce qu'il a dû prendre en compte des réalités elles aussi complexes et variables, selon les massifs, selon les territoires. Pour avoir participé, je le répète, de bout en bout à la discussion du texte d'orientation sur la forêt, j'ai pu mesurer combien il était important que le droit tienne compte des situations particulières. Il ne s'agirait pas, sous prétexte de simplification, de décider des mesures dont les conséquences risqueraient d'être redoutables en termes de filières, d'organisation ou de contrôle.

Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais, avant de me prononcer, que vous nous éclairiez sur les intentions du Gouvernement.

M. Jérôme Lambert. Vous croyez au Père Noël !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Monsieur Sauvadet, il n'est pas question de toucher au régime juridique des sapins de noël.

M. François Sauvadet. Voilà déjà une garantie !

M. Étienne Blanc, rapporteur. C'est en effet déjà une garantie significative.

L'article 16 propose essentiellement trois séries de mesures.

J'ai déjà rappelé celles qui concernent le régime des coupes, en détaillant l'éventail des cas de figure, notamment celui d'un sinistre, qui traduisent la complexité de la législation et le besoin d'une clarification.

La deuxième série de mesures a trait aux mécanismes d'aide publique. Là aussi le dispositif est extrêmement compliqué, puisqu'il varie selon la surface, le type de forêt, la situation géologique ou géographique, selon qu'elles se trouvent en plaine ou en montagne, par exemple. A cet égard la clarification du dispositif s'impose aussi.

Une troisième série de mesures concerne la gestion de l'espace forestier.

Je peux également vous garantir que les ordonnances seront prises dans le cadre d'une concertation très étroite, tant avec l'ONF qu'avec les CRPF s'agissant des forêts privées.

En tout état de cause, il s'agit non pas, je le répète, de bouleverser notre régime forestier, mais simplement d'adapter certains dispositifs devenus aujourd'hui tellement complexes que nos administrations ne peuvent plus les mettre en œuvre de manière rationnelle. Tel est l'esprit de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Je serai très bref, car il n'y a plus de forêts à Gennevilliers depuis longtemps ! (Sourires.)

Je partage tout à fait l'opinion de M. Sauvadet. S'il y a un problème - et, apparemment, il en existe un -, il pourrait être réglé dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Certes ce dernier a déjà été examiné en première lecture, mais il y aura une deuxième lecture et, l'urgence n'ayant pas été déclarée, nous pourrons même avoir une troisième, une quatrième, voire une cinquième lecture. Alors pourquoi ne pas traiter cette question dans ce texte ? Un amendement gouvernemental pourrait très bien y inscrire le dispositif souhaité et les spécialistes pourraient en discuter. Pourquoi recourir aux ordonnances sur un sujet aussi délicat ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Les spécialistes en discuteront au moment de l'élaboration de l'ordonnance.

En fait nous nous situons à des niveaux différents : il s'agit de modalités très ponctuelles, très ciblées, ce qui correspond à l'esprit de la procédure des ordonnances. Il n'est pas question de revoir l'organisation des plans de gestion de la forêt, ce qui est probablement très compliqué, comme je peux le constater dans ma propre région.

M. le président. La parole est à M. Dominique Juillot.

M. François Sauvadet. Encore un spécialiste !

M. Dominique Juillot. Cet article ne pose pas vraiment problème, car nous sommes en deçà du plan simple de gestion, de sorte qu'il n'y a pas de risque. En 1999, à la suite de la tempête, nous aurions aimé avoir un dispositif beaucoup plus réactif pour faire face aux besoins urgents des propriétaires en termes sanitaires. Dans ce cadre-là, il n'y a donc pas beaucoup de risques.

Néanmoins, il sera nécessaire, en d'autres temps, de toiletter le code forestier car il est effectivement trop complexe.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je demande au Gouvernement, avant que je me prononce, au nom de mon groupe, de prendre l'engagement d'informer la commission des affaires économiques de l'état d'avancement de cette ordonnance, afin que nous ne nous retrouvions pas hors jeu sur des textes extrêmement précis, il est vrai complexes, mais qui correspondent à des réalités.

Faute d'avoir eu au préalable cet engagement en commission des affaires économiques, je souhaite l'obtenir du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur Sauvadet, je prends volontiers cet engagement : le Gouvernement informera la commission des affaires économiques.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements nos 98 à 101.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président. L'amendement n° 12 est d'harmonisation

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié par l'amendement n° 12.

(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

M. le président. L'article 18 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19

M. le président. L'amendement n° 14 est rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié par l'amendement n° 14.

(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, inscrit sur l'article.

M. Jacques Brunhes. J'y renonce, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 15.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit d'élargir le champ de l'habilitation afin de permettre au Gouvernement de prendre des ordonnances qui pourraient prévoir la suppression pure et simple de déclarations. Nous tentons d'augmenter le nombre de cas de suppression des autorisations administratives pour les remplacer par de simples déclarations, qui seront ensuite contrôlées a posteriori, mais nous souhaitons également élargir le champ de l'habilitation à des suppressions pures et simples, y compris des suppressions de déclarations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. Il y a en France quelque 4 200 régimes d'autorisation : c'est évidemment trop et il est indispensable de réaliser un travail considérable de peignage en la matière, pouvant aller jusqu'à supprimer ces régimes d'autorisation.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Je n'ai pas d'opposition de principe, mais, parmi ces 4 200 régimes d'autorisation, nous aimerions tout de même savoir lesquels seront concernés. Nous allons vous permettre de légiférer à notre place en ne sachant absolument pas à quels métiers vous allez toucher. Il en existe tout de même 4 200 § Cela constitue une illustration du peu de cas que vous faites du Parlement...

M. Jacques Brunhes. Ils veulent un blanc-seing !

M. Jérôme Lambert. ...et de la nécessité de nous informer de vos intentions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je ne connais pas par cœur les 4 200 régimes d'autorisation. Il s'agit essentiellement, notamment dans le monde professionnel - pardonnez-moi encore cette expression - des régimes d'autorisation préalable dont je peux vous donner quelques exemples.

Ainsi l'administration autorise les entreprises se livrant au préemballage de fromages. Elle doit aussi autoriser l'utilisation de grenouilles rousses à des fins de production. D'autres exemples sont moins exotiques, comme l'ouverture des boulangeries à certains moments et l'ouverture de cabinets secondaires. Cependant, en pratique, les choses ont changé et les autorisations administratives sont parfois totalement décalées par rapport à la réalité.

En revanche il n'est pas question de toucher à des autorisations qui ont encore une pertinence. On peut d'ailleurs passer d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Je rappelle un principe juridique : le Conseil constitutionnel a admis que l'habilitation, sur des questions de cette nature, n'entre pas dans le détail et que l'on pouvait confier à un groupe de travail le soin d'opérer une sélection.

Sur le choix des suppressions, M. le secrétaire d'État vient de rappeler que le champ est très vaste. Peut-on imaginer que le débat parlementaire examine les 4 500 autorisations préalables ? Il faut être sérieux !

Si l'on veut simplifier, il faut utiliser l'article 38. La preuve en est que l'on a, pendant des années, affiché la volonté de simplification, mais on n'a pas utilisé l'article 38... En conséquence, on n'a pas simplifié.

Si l'on veut vraiment aujourd'hui réaliser ce travail de simplification, il faut réunir des groupes de travail ad hoc, sur des thèmes particuliers, leur confier la responsabilité d'opérer des choix ; ensuite, interviendra le contrôle avec la loi de ratification. Cette mécanique est la seule qui permette de simplifier notre dispositif juridique.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié par l'amendement n° 15.

(L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Article 21

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l'amendement n° 102. Monsieur le député, voulez-vous présenter en même temps l'amendement n° 103 ?

M. Jérôme Lambert. Oui, monsieur le président.

Le Gouvernement nous annonce pour bientôt un projet de loi sur les faillites. Selon nous, les dispositions de l'article 21 pourraient entrer dans ce cadre sans qu'il soit besoin de s'en remettre à une ordonnance. Le projet de loi à venir va en effet nous permettre d'examiner sur le fond toutes les dispositions que le Gouvernement entendrait s'approprier.

Par ailleurs, l'une des dispositions de l'article 21 pourrait autoriser le Gouvernement à supprimer les obligations déclaratives des commerçants relatives à leur régime matrimonial, ce qui poserait un problème de transparence du patrimoine de ceux-ci vis-à-vis de leurs créanciers. D'ailleurs, à l'occasion de son examen par la commission des lois - même s'il a été très rapide -, cet aspect n'a pas échappé à la sagacité de quelques-uns de nos collègues, à commencer par le président de la commission des lois lui-même. Il a jugé qu'il pouvait être dangereux pour les commerçants eux-mêmes de supprimer la mention de leur régime matrimonial, car cette dernière appelle leur attention sur les conséquences, éventuellement néfastes, que pouvait avoir ce régime matrimonial au regard de leur patrimoine engagé dans leurs affaires, et qu'il était dans l'intérêt des commerçants d'en être informés. Il a donc appelé l'attention sur la transparence de leur régime matrimonial car elle constitue une garantie, y compris pour les commerçants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement vise à modifier de manière très substantielle la demande d'habilitation présentée à l'article 21.

D'abord, la loi sur la faillite régit non pas le statut des professions commerciales, mais les difficultés des entreprises et les conditions dans lesquelles elles peuvent être réglées : par un redressement, par un mandat ad hoc ou par une liquidation. Nous n'abordons pas, dans ce texte, les interdictions de gérer pour l'ensemble des professions commerciales.

Ensuite, un certain nombre de textes ont, certes, réglé cette question, mais pour des professions particulières, par exemple, le texte sur la sécurité financière ou celui sur les professions juridiques. Toutefois, nous n'avons pas réglé les problèmes d'interdiction pour l'ensemble des professions commerciales.

L'article 21 tend à permettre de clarifier les textes par la voie des ordonnances - car ils sont caractérisés par une extraordinaire diversité, préjudiciable à leur compréhension - sur les interdictions de gérer ainsi que sur toutes les sanctions civiles et administratives concernant la gestion des entreprises. Aujourd'hui encore figurent dans nos textes des interdictions de gérer pour une personne qui aurait commis des infractions aux bonnes mœurs ; ou encore des interdictions de gérer pour des personnes qui se seraient livrées à la propagande pour l'avortement.

Ces textes sont bien évidemment obsolètes et il vous est proposé aujourd'hui de clarifier tout cela. C'est la raison pour laquelle je propose de repousser cet amendement, qui n'a d'ailleurs pas été examiné par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Même avis : la réforme du régime des incapacités ne concerne pas les lois sur la faillite.

Sur le régime matrimonial, si les textes favorisent une certaine transparence, il faut savoir que, a contrario, nul ne peut se prévaloir d'une éventuelle erreur à ce propos dans les registres.

Cela étant nous reviendrons sur le sujet puisqu'un autre amendement le concerne directement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 16.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit de proposer la suppression du 3° de l'article qui habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances n'imposant plus aux commerçants, aux artisans et aux professions libérales de publier leur régime matrimonial. Cet amendement a été adopté par la commission qui a considéré que le régime des sûretés en France méritait que les créanciers connaissent le régime matrimonial de leurs débiteurs, et que ce régime devait continuer à être inscrit au registre du commerce. Supprimer cette obligation de publication reviendrait en effet à modifier de manière substantielle le régime des sûretés.

Cela étant dit, nous ne méconnaissons pas le fait que les commerçants étrangers n'étant pas soumis à cette obligation, il peut exister une disparité entre Français et étrangers. Cependant, cela n'a pas paru une raison suffisante à la commission pour supprimer ce dispositif protecteur pour les créanciers qui souhaitent connaître la surface de leurs débiteurs.

C'est la raison pour laquelle la commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?


M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.
Je serais heureux que M. le rapporteur puisse retirer cet amendement, dont je peux approuver les intentions mais qui ne correspond pas à la réalité.

En effet, cet article vise à corriger une rupture d'équité, les artisans n'étant pas soumis à l'obligation de déclaration, alors que les commerçants le sont.

D'autre part, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, dans les cas où une erreur sur le régime matrimonial figure dans le registre, les tiers trompés ne peuvent pas s'en prévaloir. Il ne constitue donc pas une sécurité, bien au contraire. À vouloir être trop transparent, on risque parfois de ne l'être pas du tout.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avions nous-même suggéré la suppression du troisième alinéa de l'article 21 proposée par M. le rapporteur, mais j'ajoute une raison à celles qu'il a exposées pour justifier son amendement : le commerçant et son conjoint ont eux aussi intérêt à cette suppression.

En effet, dans la pratique, on s'aperçoit que c'est souvent lorsqu'ils doivent accomplir les formalités liées à l'inscription sur le registre du commerce que les gens se posent des questions sur leur régime matrimonial et réfléchissent à l'opportunité d'une séparation protectrice du conjoint qui n'exerce pas l'activité.

Par ailleurs, lorsqu'ils accomplissent les procédures de modification du régime matrimonial selon les dispositions de la loi de 1965, ils reconsidèrent la question des cautions patrimoniales, ce qui n'est pas négligeable.

Ainsi, l'inscription au registre protège non seulement les créanciers, mais aussi le conjoint. Tel était, en tout cas, l'esprit du législateur lorsque cette obligation a été instituée, à une époque où les époux n'avaient pas le même statut, où il fallait protéger l'épouse qui n'avait la capacité de gérer, dont les biens propres étaient même gérés par le conjoint. Il me semble que cette protection est encore utile et il me paraît difficile de décider sa suppression.

J'ajoute qu'il existe une grande différence entre les artisans et les commerçants : alors que les premiers confondent systématiquement et nécessairement leur activité artisanale et leur situation personnelle, les seconds peuvent organiser la distinction entre les deux, que ce soit en créant une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou par des portages d'actions, ce qui, pour les créanciers, peut entretenir l'incertitude.

Pour toutes ces raisons, je considère qu'il faut bel et bien supprimer le troisième alinéa de l'article 21. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'amendement de M. le rapporteur.

M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous votre amendement, comme vous l'a demandé M. le secrétaire d'État ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement a été adopté par la commission des lois. Dans ces conditions, je préfère qu'il soit soumis au vote et je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Ce sont des choses qui arrivent, même aux meilleurs rapporteurs. (Sourires.)

Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

Article 22

M. le président. L'amendement n° 17 est de coordination.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié par l'amendement n° 17.

(L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)

Article 23

M. le président. L'article 23 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 23 est adopté.)

Article 24

M. le président. L'amendement n° 18 est rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié par l'amendement n° 18.

(L'article 24, ainsi modifié, est adopté.)

Article 25

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 139, tendant à supprimer l'article 25.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En matière d'assurance construction, la procédure d'habilitation n'est pas pertinente. Le Gouvernement va subir les pressions d'immenses groupes, très désireux de savoir de quelle manière sera réglé le problème de l'assurance de construction. Or ce problème est aussi celui des petits propriétaires, de ceux qui construisent, des ménages. Les praticiens du droit savent dans quelle galère se retrouvent les gens qui ont choisi la mauvaise assurance, qui n'ont pas souscrit les bonnes garanties ou qui ont pris une entreprise maîtrise d'œuvre qui n'était pas bien assurée. Ce débat est très important, car le droit de l'assurance est un droit colossal, et nous préférerions que le Gouvernement retire l'article 25. Comme il ne le fera pas spontanément, nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Depuis 1978, la jurisprudence a grandement modifié l'esprit dans lequel est appliquée la loi Spinetta. Aujourd'hui, la loi d'habilitation propose trois directions.

En premier lieu, il s'agit de préciser le champ d'application de l'obligation d'assurance. Il est vrai que l'interprétation par la jurisprudence de la loi de 1978 provoque de fortes incertitudes juridiques. Il serait souhaitable de répondre au besoin de sécurité juridique dont il a déjà été question, et, pour ce faire, il convient de mieux définir l'obligation d'assurance.

En deuxième lieu, il est proposé, afin de protéger le maître d'ouvrage, d'obliger les assureurs à offrir une assurance pour les dommages aux ouvrages existants. Là aussi, l'incertitude juridique est extrêmement préjudiciable aux propriétaires qui effectuent des travaux de rénovation. La jurisprudence a interprété la loi Spinetta de manière un peu erratique. Un besoin de clarification se fait sentir.

En troisième lieu, par souci d'harmonisation, il est prévu d'aligner le régime des prescriptions applicables aux sous-traitants sur celui des constructeurs. En l'espèce également les délais à compter desquels court la responsabilité décennale ne sont pas les mêmes : parfois, pour un même ouvrage, nous avons des prescriptions pour certaines entreprises et pas pour d'autres. À ce titre aussi, il convient de clarifier les obligations nées de la loi de 1978.

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, pour toutes ces raisons, j'y suis défavorable à titre personnel et je demande à l'Assemblée de bien vouloir le repousser.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 19.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement vise à accroître le champ de l'habilitation en ajoutant à l'article 25 un cinquième alinéa pour permettre aux ordonnances de « préciser le contenu de la mission du contrôleur technique et l'étendue de sa responsabilité ».

En effet, une fois de plus, on s'aperçoit que l'interprétation de la loi de 1978 par la jurisprudence des tribunaux civils pose divers problèmes. On rappellera par exemple que la part moyenne de responsabilité des contrôleurs techniques est passée de 5 % en 1983 à 15 % en 2003, et que le rapport entre la rémunération et la responsabilité est passé de 5,5 à 33,33. Aujourd'hui, on le voit, les tribunaux ont souvent pour habitude de prononcer des condamnations in solidum des constructeurs, des maîtres d'œuvre et des bureaux de contrôle technique. Il s'ensuit que, pour une responsabilité ténue, ceux-ci connaissent parfois des difficultés majeures. Ils doivent faire face à des extensions de responsabilité extrêmement importantes et sont, dès lors, confrontés à des problèmes d'assurance.

En tout état de cause, il nous faut clarifier les textes et revenir à l'esprit de la loi de 1978 qui répartissait bien les responsabilités entre les constructeurs et les cabinets de contrôle technique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Le Gouvernement est sensible à la préoccupation exprimée dans cet amendement. Il souscrit d'ailleurs au principe d'une responsabilité différenciée pour le contrôleur technique, compte tenu de ses missions.

Au demeurant, le ministre chargé de l'équipement, M. de Robien, est particulièrement attentif au domaine du contrôle technique, comme il l'a prouvé à de maintes reprises, et récemment encore, en mandatant le conseil général des ponts et chaussées pour une mission.

Cependant, si l'amendement soulève une vraie question, il nous apparaît que, en raison de la complexité du champ qui est traité, une réflexion et une concertation doivent être menées. Elles restent à lancer, mais elles devraient l'être sans délai.

En conséquence, je demande au rapporteur de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement ayant été adopté par la commission des lois, je m'en remets une fois de plus à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Article 26

M. le président. L'article 26 ne fait l'objet d'aucun amendement. Je le mets aux voix.

(L'article 26 est adopté.)

Article 27

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 104 à l'article 27.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet article vise à permettre de simplifier et d'adapter le régime juridique applicable au changement d'affectation des locaux. À plusieurs reprises et à l'occasion de différents débats dans l'hémicycle, nous avons souhaité que le Gouvernement clarifie sa position à cet égard et indique à qui il souhaite confier la responsabilité de décider de ces changements.

Actuellement, deux cas de figure se présentent : d'une part, le préfet peut autoriser la désaffectation des locaux, la transformation de locaux d'activité en locaux d'habitation ; d'autre part, un pétitionnaire peut, muni d'un permis de construire, entreprendre des travaux qui induisent la désaffectation. Or les maires sont animés par la volonté de préserver l'activité économique dans leurs communes et nous souhaitons que ce soient eux qui aient cette compétence. Nous demandons donc que l'article 27 précise que le Gouvernement souhaite la confier aux communes qui la demanderaient.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement n'a pas non plus été examiné par la commission, mais je demande qu'il soit repoussé, car une lecture attentive de l'article 27 montre qu'il est d'ores et déjà satisfait. Les termes de l'habilitation relative au changement d'affectation des locaux permettent en effet de confier aux communes la possibilité de décider d'un changement d'affectation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Les dispositifs de changement d'usage des locaux datent de 1945 et appellent à l'évidence une modification. Toutefois, cette réforme reprend la plupart des dispositions qui ont été soumises à la concertation, mais sans décentraliser le régime d'autorisation aux maires. En effet, il apparaît que, dans certaines zones où le marché de l'immobilier connaît des tensions très fortes, la protection des locaux d'habitation est probablement en de bonnes mains lorsque l'État reste garant du droit au logement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour des raisons tout aussi légitimes, c'est l'effet inverse que l'on constate. Dans la région parisienne s'exerce ainsi une spéculation sur l'habitation, puisque la construction et l'amélioration de l'habitat rapportent davantage aux promoteurs que la construction de locaux commerciaux. On voit donc arriver dans nos banlieues des gens qui acquièrent des locaux d'activité et les transforment en locaux d'habitation. Pourtant nos communes ont besoin de ressources économiques.

La situation n'est pas la même partout : vous avez raison de surveiller ces déviations là où elles se produisent, mais il est des régions où l'on constate l'inverse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)


Article 28

M. le président. L'amendement n° 20 de la commission est rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié par l'amendement n° 20.

(L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)

Article 29

M. le président. Aucun amendement n'ayant été déposé à l'article 29, je le mets aux voix.

(L'article 29 est adopté.)

Article 30

M. le président. J'appelle d'abord l'amendement n° 105, qui tend à supprimer l'article 30.

La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le soutenir.

M. Jérôme Lambert. Outre cet amendement de suppression, j'ai déposé des amendements de repli visant à supprimer les trois premiers alinéas de l'article. Je me propose, si vous le permettez, monsieur le président, de les défendre en même temps.

M. le président. Je suis en effet saisi de trois amendements nos 106, 107 et 108 pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

Vous avez la parole, monsieur Lambert, pour les soutenir.

M. Jérôme Lambert. L'article 30 tend à donner au Gouvernement l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnances dans des matières qui touchent à l'agriculture. Le champ des habilitations demandées est ainsi très large puisque, après avoir abordé tout à l'heure des dispositions relatives à la forêt, nous en venons à d'autres touchant à l'agriculture avant d'en examiner certaines concernant le domaine sanitaire et social. Compte tenu des textes qui sont aujourd'hui en navette entre le Sénat et l'Assemblée ou qui sont envisagés par le Gouvernement, l'habilitation souhaitée ne peut relever que d'une volonté évidente d'écarter le Parlement.

Les mesures visées par cet article sont loin d'être négligeables, qu'il s'agisse du plan d'équipement des abattoirs publics, des sanctions de la fraude aux quotas laitiers, de l'agrément des centres d'insémination artificielle et des centres de transfert d'embryons, du statut des haras nationaux, des dispositions relatives aux colombiers ou des procédures de lutte contre les maladies.

M. François Sauvadet. Il ne s'agit pas du statut des haras nationaux !

M. Jérôme Lambert. Disons qu'il s'agit de mesures les concernant. Je sais, monsieur Sauvadet, que vous en êtes un spécialiste et j'ai d'ailleurs lu avec intérêt l'amendement que vous allez défendre par la suite.

En tout cas, ces mesures peuvent, sans exception, être discutées par la représentation nationale à l'occasion de l'examen des projets de loi relatifs au développement des territoires ruraux et de modernisation agricole, textes dont la discussion a déjà commencé ou dont le dépôt est annoncé à très brève échéance.

Mes chers collègues, habiliter le Gouvernement à légiférer à notre place en ces matières alors que le calendrier parlementaire nous permettrait d'étudier, dans le cadre de projets de loi que je qualifierais d'ordinaires, les mesures que ce texte entend nous faire adopter, ne serait absolument pas justifié.

Je demande que le Parlement reprenne la main en refusant l'habilitation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Les six mesures de simplification proposées dans l'article 30 concernent des secteurs du droit très particuliers dont les règles sont parfois obsolètes. Il en va ainsi, par exemple, de la réglementation relative aux colombiers et à la colombophilie civile, qui mérite manifestement une simplification.

M. Jacques Brunhes. Nous n'en disconvenons pas. Nous disons simplement qu'elle doit être discutée dans un autre cadre !

M. Jérôme Lambert et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Faisons-le par la loi !

M. Étienne Blanc, rapporteur. De même, le régime d'autorisation des centres d'insémination artificielle se révèle complètement dépassé du fait de l'évolution des techniques. Quant aux accords interprofessionnels laitiers ou à la réglementation des abattoirs, les normes et l'organisation économique, notamment en matière de transport, ont également connu une évolution considérable.

Dans ces conditions, la commission a considéré que les mesures de simplification proposées, là encore d'ordre technique voire souvent administratif,...

M. Jacques Brunhes. Non ! Elles sont d'ordre législatif !

M. Étienne Blanc, rapporteur. ...ne remettaient pas en cause sur le fond la politique agricole ou les stratégies y afférent.

C'est la raison pour laquelle je propose que les amendements soient repoussés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Il s'agit en effet de mesures techniques et je me rallie à l'excellent avis du rapporteur.

M. Jérôme Lambert. Mais il s'agit de questions relevant quand même du domaine législatif ! Elles ne sont pas si techniques que cela !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mêmes votes pour les amendements nos 106 à 108.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 135.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le défendre.

M. François Sauvadet. L'importance de cet article 30 explique que nous ne pouvions bien évidemment suivre la proposition de l'opposition tendant à le supprimer.

M. Jérôme Lambert. Parce que nous voulons que ces sujets soient traités dans une loi ordinaire !

M. François Sauvadet. Cette importance, mes chers collègues, a été soulignée par la grave crise, dont vous avez dû entendre parler dans vos circonscriptions, que l'interprofession laitière vient de connaître et qui a provoqué des manifestations. Afficher une volonté de renforcer les accords interprofessionnels et de proportionner les sanctions liées au dépassement des quotas ne peut que nous réjouir.

Cependant, bien que je sois en accord avec le Gouvernement, je souhaite compléter cet article par certaines dispositions.

Il en va ainsi d'un domaine qui est loin d'être anecdotique puisqu'il concerne la filière équine. À cet égard, mon amendement tend à permettre de simplifier les dispositions relatives à l'identification des équidés, notamment en confiant aux éleveurs ou à leurs associations conventionnées la gestion de l'identification et la pose des transpondeurs électroniques.

Il s'agit d'une attente de la filière, dont les activités - et nous nous en sommes tous réjouis - viennent d'être reconnues comme relevant du secteur agricole. C'est une question, vous vous en souvenez certainement, dont nous avons débattu et les professionnels ont salué la volonté du Gouvernement en la matière.

Cette reconnaissance ayant eu lieu, il s'agit désormais de simplifier la procédure d'identification en reconnaissant l'identification électronique des équidés comme un acte d'élevage, ainsi que cela est le cas, notamment, dans la filière bovine, et en confiant aux associations le soin de procéder à la pause des transpondeurs électroniques, ce que les spécialistes appellent le puçage.

Une simplification s'impose en la matière tout simplement parce que le système actuel est complexe et, surtout, coûteux. Il se heurte à de nombreuses lourdeurs administratives dans le détail desquelles je n'entrerai pas. Nous ferions donc œuvre utile en confiant cette procédure aux professionnels, sous le contrôle, bien évidemment, des établissements départementaux de l'élevage.

Pour avoir présidé la commission d'enquête sur les crises liées à l'ESB et aux farines animales, j'ai pu mesurer combien la traçabilité et la sécurité sanitaire étaient une nécessité impérieuse. La simplification que je propose, monsieur le secrétaire d'État, aurait pour avantage de les rendre davantage applicables sur le terrain.

J'appelle à nouveau votre attention, mes chers collègues, sur l'importance de cet amendement. Il est certes technique, mais il répondrait à une forte attente de la filière du cheval en France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission.

C'est aux haras nationaux que revient aujourd'hui la mission de promouvoir les activités liées au cheval, en partenariat avec les organisations socioprofessionnelles et avec les professionnels eux-mêmes.

Quant aux formes que doit prendre ce partenariat, il n'est pas certain qu'elles relèvent du législateur.

M. François Sauvadet. Si !

M. Étienne Blanc, rapporteur. Là aussi, le règlement peut fixer certaines modalités propres à ce partenariat.

M. François Sauvadet. Non !

M. Étienne Blanc, rapporteur. Enfin, en l'état, cet amendement peut être considéré comme prescriptif et n'entrerait donc pas dans le champ d'une loi d'habilitation.

C'est la raison pour laquelle je formule, à titre personnel, un avis très réservé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. J'ai une affection particulière pour la filière équine, monsieur Sauvadet, mais le rôle des haras nationaux est très important et je considère que les choses doivent être laissées en l'état. Je souhaite que votre amendement soit rejeté.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, qui ne semble pas satisfait par ces réponses ! (Sourires.)

M. François Sauvadet. En effet, monsieur le président, mais si ces réponses ne faisaient que ne pas me satisfaire, ce ne serait pas d'une portée considérable, hormis un sentiment personnel de déception. Le problème est qu'elles ne répondent pas à l'attente de l'ensemble d'une filière.

Il n'est aucunement dans mes intentions de porter atteinte au rôle des haras nationaux. Il s'agit, avec cet amendement, de favoriser la mise en place d'une base de données fiables. Le ministère de l'agriculture n'a conduit aucune expertise sur les coûts de l'identification électronique, alors que la profession n'a cessé de le demander. Si cette opération était réalisée par les éleveurs, elle se traduirait d'abord par une baisse des coûts, ce qui n'est pas anecdotique si l'on veut encourager la filière, et elle serait ensuite beaucoup plus efficace et utile.

J'ai bien entendu les arguments de M. le secrétaire d'État et de M. le rapporteur. Je propose donc, puisque nous sommes là pour simplifier et que l'on nous demande de laisser ouverte la possibilité d'accords d'ordre réglementaire, de rectifier mon amendement en autorisant seulement le Gouvernement, ce qui lui laisserait une marge de manœuvre, à « simplifier les dispositions relatives à l'identification des équidés », le reste de l'amendement étant retiré.

Personne, et certainement pas la filière, ne comprendrait, alors que nous parlons de simplification, que l'on ne pose pas la question de l'identification. Laissons du temps à la discussion avec les haras nationaux et l'ensemble des partenaires. Le Parlement ferait œuvre utile en indiquant clairement sa volonté de simplifier les dispositions relatives à l'identification des équidés en faisant toute confiance au Gouvernement pour parvenir, ainsi que l'apprécierait la filière équine, à cet objectif.

M. le président. Monsieur le rapporteur, cette rectification change-t-elle votre avis sur l'amendement ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Oui, j'y suis favorable !

M. le président. Et le Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135 tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Je tiens à remercier l'Assemblée nationale de donner, par le vote de cet amendement à l'unanimité, un signe fort à la filière et de montrer ainsi sa volonté de régler les problèmes auxquels celle-ci est confrontée.

M. le président. Monsieur Sauvadet, je vous redonne la parole pour soutenir l'amendement n° 136.

M. François Sauvadet. Cet amendement se situe, si je puis dire s'agissant de la filière équine, dans la foulée du précédent, puisqu'il tend à ajouter qu'il faudra garantir un accès gratuit à l'information pour les interprofessions. Là encore, nous marquerions, avec le vote de cet amendement, notre volonté de soutenir les interprofessions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Sur le fond, je n'y vois pas de difficulté mais cet amendement soulève un problème de droit. Il est en effet prescriptif et n'entre pas, de ce fait, dans le champ d'une loi d'habilitation. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis réservé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Cet amendement pose une vraie question...

M. Jérôme Lambert. Pile ou face, monsieur le secrétaire d'État ? (Sourires.)

M. le président. Pas de mauvais esprit !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je vais suivre l'avis du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Nous aurons l'occasion de reparler de cet amendement si jamais il n'était pas accepté, mais je suis sûr que si le ministre de l'agriculture était présent ici, il manifesterait sa volonté de permettre aux interprofessions d'exercer pleinement leurs missions. Il ne pourrait en être autrement !

Je comprends, monsieur le secrétaire d'État, votre désir de suivre le rapporteur, et je ne vais pas demander une suspension de séance afin de faire venir le ministre de l'agriculture pour avoir son avis sur votre réponse. Je fais confiance à la sagesse de l'Assemblée pour conforter les interprofessions, tout en respectant l'esprit du code rural. Leur permettre d'avoir accès librement aux informations répondrait, j'en suis convaincu, monsieur le secrétaire d'État, à ce que souhaite le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Garantir la gratuité de l'information pour les interprofessions relève par excellence du règlement, non de la loi, je le maintiens. À ce titre, un tel souhait ne peut figurer dans une loi d'habilitation, qui, je le rappelle, couvre uniquement le domaine législatif.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet. Heureusement que vous n'avez pas déposé un grand nombre d'amendements, monsieur Sauvadet !

M. François Sauvadet. Nous sommes là pour débattre, n'est-ce pas, monsieur le président ?

Si la gratuité de l'information vous paraît ne pas relever d'une loi d'habilitation, je suis prêt à corriger l'amendement en supprimant le mot « gratuit ». Mais je souhaite que soit garanti, dans son principe, le libre accès à l'information pour les interprofessions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je prends l'engagement, au nom du Gouvernement, de traiter le sujet dans ce sens-là par voie réglementaire.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Dans ces conditions, retirez-vous votre amendement, monsieur Sauvadet ?

M. François Sauvadet. Des avancées significatives sont obtenues, qui prouvent bien l'utilité du débat.

Je remercie le Gouvernement de l'engagement formel qu'il vient de prendre de régler cet aspect par voie réglementaire, et je retire l'amendement n° 136, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 136 est retiré.

Puis-je considérer, monsieur Lambert, que vous avez déjà défendu l'amendement n° 109 dans la mesure où il s'agit encore d'une demande de suppression d'un alinéa de l'article 30 ?

M. Jérôme Lambert. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié par l'amendement n° 135 rectifié.

(L'article 30, ainsi modifié, est adopté.)

Article 31

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 21..

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. Le 3° de l'article 31 a été satisfait par le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. D'accord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié par l'amendement n° 21.

(L'article 31, ainsi modifié, est adopté.)

Article 32

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 110.

La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le défendre.

M. Jérôme Lambert. L'article 32 concerne un domaine important, puisqu'il vise les sociétés coopératives agricoles, les unions et les sociétés d'intérêt collectif agricole.

Ces institutions sont importantes économiquement pour le monde rural et pour les agriculteurs. Qu'il soit nécessaire d'apporter des simplifications dans ce domaine, nous sommes prêts à en convenir, mais il nous semble que le projet de loi de modernisation agricole qui est annoncé pourrait très bien fournir l'occasion d'étudier et de moderniser le fonctionnement des systèmes de coopération agricole dont il est question dans cet article 32.

Nous ne sommes pas vraiment favorables aux ordonnances, vous l'aurez compris, mais nous le sommes d'autant moins quand un véhicule législatif existe qui peut nous permettre de discuter très prochainement des questions abordées dans ce texte. Nous préférons attendre un futur texte de loi plutôt que de régler ces questions dans le cadre d'une procédure d'habilitation à légiférer par ordonnances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. À titre personnel, puisque cet amendement n'a pas été examiné par la commission, je donne un avis défavorable.

En déconcentrant l'agrément, nous raccourcissons les délais de procédure. Nous sommes bien là dans une démarche de simplification.

En outre, en supprimant le contrôle a priori des statuts des fédérations coopératives, nous responsabilisons les professionnels. Là encore, nous respectons tout à fait l'objectif que nous nous sommes fixé avec cette loi d'habilitation.

Pour ces raisons, je souhaite que cet amendement soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 22.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination. Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux a satisfait le 6° du I de l'article 32.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. D'accord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23 est de coordination.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 32, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 32, ainsi modifié, est adopté.)

Article 33

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir les amendements nos 111 à 115 qui tendent à supprimer des alinéas de l'article 33.

M. Jérôme Lambert. Il s'agit toujours un peu du même problème : nous reconnaissons que les questions abordées sont importantes mais nous préférerions qu'elles soient traitées à l'occasion de l'examen d'un prochain projet de loi plutôt que de nous en dessaisir en nous en remettant à des ordonnances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Ces amendements n'ont pas été examinés par la commission mais, à titre personnel, je propose qu'ils soient repoussés.

En fait, les amendements nos 111 à 115 de M. Lambert proposent chacun la suppression d'un alinéa de l'article 33.

Le 1° de l'article 33, que l'amendement n° 111 propose de supprimer, vise en fait à clarifier la définition de l'activité agricole qui doit être retenue comme condition d'affiliation au régime social des exploitants agricoles.

M. Jérôme Lambert. Cela mérite un débat !

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit de lever une ambiguïté qui a donné lieu à beaucoup de discussions et à de nombreuses jurisprudences. L'imprécision des textes a suscité des contentieux extrêmement variés, dont certains défavorables aux agriculteurs.

En l'occurrence, l'objectif recherché est bien identifié. Comme je l'ai indiqué dans le rapport écrit, page 593, l'habilitation a pour objet de permettre au Gouvernement de préciser que ne doit être utilisée pour l'affiliation au régime social que la définition sociale qui est donnée par l'article L.722-1 du code rural.

La commission n'a pas examiné cette série d'amendements mais je rappelle qu'elle a adopté l'article 33 sans aucune modification. C'est la raison pour laquelle je souhaite, à titre personnel, que ces amendements soient repoussés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je suis un peu étonné par ces amendements parce que les mesures envisagées amélioreront vraiment les choses, en permettant notamment de réduire les sources de contentieux. Le rapporteur l'ayant souligné, je n'y reviens pas.

Je précise simplement que la mesure proposée dans le 4° est très importante puisqu'elle concerne les enfants handicapés dont les parents ont le statut d'agriculteur. La disposition que nous prévoyons me semble tout à fait honorable ; elle simplifiera considérablement la vie de ces familles.

J'appelle donc au rejet de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, vos attitudes me surprennent : vous ne répondez jamais à la question qui vous est posée.

Nous ne demandons pas que les problèmes que vous venez d'évoquer ne soient pas discutés ; nous voulons qu'ils le soient autrement que dans une loi d'habilitation, par exemple dans le projet de loi de modernisation agricole.

Il y a cinq minutes, monsieur le rapporteur, vous nous avez proposé d'adopter deux amendements pour supprimer des dispositions qui avaient déjà été adoptées dans la loi relative à la politique rurale du Gouvernement. Quelle contradiction !

Que se passera-t-il lorsque nous examinerons le projet de loi sur la modernisation agricole ? Nous proposerez-vous de supprimer des articles adoptés aujourd'hui ? Ou bien nous proposerez-vous de supprimer, dans la prochaine loi d'habilitation, des articles adoptés dans la loi sur la modernisation agricole ? Ce n'est pas sérieux. Ne peut-on vraiment pas légiférer autrement ?

M. Jérôme Lambert. Si !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les observations qui viennent d'être formulées sont encore plus pertinentes s'agissant du quatrième alinéa sur les adultes handicapés.

Vous avez souligné il y a quelques instants, monsieur le secrétaire d'État, qu'il s'agissait d'un dispositif extrêmement important. Nous sommes tout à fait d'accord. L'Assemblée vient de passer une semaine à traiter du handicap et elle a voulu, dans une loi forte, embrasser l'intégralité des situations et des problématiques. Pourquoi n'avoir pas profité de ce texte pour décider que les enfants handicapés pourraient conserver à l'âge adulte le statut de leurs parents agriculteurs ? Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas déposé d'amendement sur ce point - trois lignes suffisaient - alors qu'il en a présenté beaucoup d'autres ?

Nous demandons la suppression de ce 4° parce que nous voulons que cette disposition soit insérée dans le texte sur le handicap actuellement en cours d'examen au Parlement. Cela est tout à fait possible puisque le Sénat va l'examiner en deuxième lecture.

Nous avons du mal à comprendre comment le Gouvernement a fait sa sélection, comment il a choisi les dispositions qui devaient être traitées par ordonnances et celles qu'il réserve à l'appréciation de la représentation nationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Je ne veux pas reprendre toute l'explication, mais je crois qu'il faut en revenir à ce que nous proposons dans cette loi d'habilitation.

En effet nous constatons qu'il existe un contentieux sur l'affiliation de certains agriculteurs pour lesquels la définition d'activité est imparfaite.

M. Jacques Brunhes. Discutons-en ! Un texte va être déposé.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Dans cette loi d'habilitation nous proposons donc de retenir les dispositions de l'article L.722-1 du code rural. En décrétant que les personnes qui satisfont aux dispositions de l'article L.722-1 du code rural ont la qualité d'agriculteur, nous réglons le problème d'affiliation.

Faut-il renvoyer cela à une loi ? Le Parlement abandonne-t-il ses prérogatives en confiant au Gouvernement le soin de préciser les choses dans une ordonnance pour régler les contentieux qui, même s'ils ne sont pas très graves, exaspèrent le monde agricole, mobilisent l'activité des tribunaux paritaires des baux ruraux ou celle des tribunaux en charge des affaires sociales qui règlent les questions agricoles ? Soyons sérieux. Nous sommes sur une simple mesure de bon sens et c'est la raison pour laquelle je réitère mon avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. On ne va pas se battre toute la journée sur le fait de savoir si cette loi d'habilitation est un bon vecteur ou non.

M. Jérôme Lambert. Nous disons simplement qu'il en existe d'autres !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je sais bien mais c'est celui-là que nous avons choisi parce qu'il s'agit de mesures ponctuelles, importantes certes, mais qui ne remettent pas en cause des politiques. La loi sur le handicap qui a été adoptée ici même il y a quelques heures va bien plus loin que ce que nous proposons dans cet article. En l'occurrence nous voulons régler seulement une question qui provoque des contentieux. Cette disposition a tout à fait sa place dans un projet de loi de simplification. Or le fil directeur qui guide le projet de loi est évidemment la volonté de simplifier.

Un certain nombre de situations qui étaient compliquées à gérer, ont fait l'objet de contentieux ou, au contraire, de blocages. Nous simplifions les choses quel que soit le sujet. Actuellement nous sommes dans des questions agricoles, mais nous avons déjà traité d'autres domaines.

J'appelle donc au rejet de ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements nos 111 à 115.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


M. le président.
J'en viens à l'amendement n° 50 rectifié.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy. M. Censi m'a en effet demandé de défendre cet amendement qui concerne la question du chèque emploi associatif dans le secteur agricole, ce que je fais bien volontiers.

Lorsque nous avons adopté la proposition de loi de notre groupe qui est devenue la loi du 19 mai 2003, nous n'avons pas pensé un seul instant à la complexification qui en résulterait dans les relations entre les associations agricoles et leur organisme de recouvrement. En effet, cette loi confie les opérations de recouvrement au seul régime général, c'est-à-dire aux URSSAF.

M. Censi souhaite simplifier les relations des associations agricoles bénéficiaires du dispositif chèque emploi associatif avec leur organisme de recouvrement en confiant aux caisses de mutualité sociale agricole les opérations de recouvrement des cotisations et contributions sociales ainsi que des cotisations de médecine du travail et, éventuellement, des conventions d'ordre conventionnel dues au titre de l'emploi de salariés agricoles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. En effet, le chèque emploi associatif est actuellement géré par le régime général. Instaurer une distinction entre les associations qui relèvent de l'activité agricole et les autres serait inexorablement ajouter une complexité supplémentaire au dispositif.

De plus, il serait souhaitable de laisser fonctionner pendant plusieurs années ce dispositif récent avant d'opérer une modification qui pourrait, le moment venu, être jugée opportune.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Malgré toute l'estime que j'ai pour M. Censi et pour son porte-parole du moment, je crois qu'adopter cet amendement ne serait pas une bonne chose. En effet, comme l'a dit M. le rapporteur, le chèque emploi associatif est un dispositif récent qui a été instauré sur proposition de votre collègue Decool et, s'il fonctionne aussi bien, c'est parce qu'il y a un gestionnaire unique qui maîtrise ses coûts et garantit une égalité de traitement. Ce serait donc commettre une erreur que de vouloir en tronçonner la gestion.

M. le président. Retirez-vous cet amendement, monsieur Geoffroy ?

M. Guy Geoffroy. Je ne peux pas le retirer.

M. le président. Je comprends, puisqu'il s'agit d'un amendement présenté par l'un de vos collègues.

Je mets donc aux voix l'amendement n° 50 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 33, modifié par l'amendement n° 50 rectifié.

(L'article 33, ainsi modifié, est adopté.)

Article 34

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 116.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 34 tend à modifier les modalités d'application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement qui dispose notamment que « Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique. » Nous avons du mal à comprendre pourquoi les dispositions en question n'ont pas été discutées dans le cadre de l'examen de la charte de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Cela dit, je constate que nous divergeons sur la procédure - l'utilisation de l'article 38 de la Constitution -, mais pas sur le fond. En effet, le 1° de l'article 34 concerne des mesures purement techniques. Je propose donc, à titre personnel, que cet amendement soit repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 24.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, la transaction pénale entraîne l'extinction automatique de l'action publique. Nous souhaitons que ce dispositif soit étendu au code de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 25.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 34, ainsi modifié, est adopté.)

Article 35

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour soutenir l'amendement n° 117.

M. Jérôme Lambert. Les projets du Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'extension des élevages avicoles, laissent planer le risque d'une libéralisation des procédures d'installations classées. Devant l'ampleur des dispositions envisagées par le Gouvernement dans son exposé des motifs, il apparaît essentiel que le Parlement puisse préserver tout son rôle en cette matière afin de mener une politique cohérente en matière de protection de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. L'habilitation prévue par l'article 35 ne concerne pas les élevages avicoles. De plus, elle est très précise et d'une ampleur modérée. En fait, il s'agit de simplifier plusieurs procédures applicables aux installations classées, de déconcentrer certaines d'entre elles et de limiter le nombre des consultations requises. En la matière les procédures administratives sont, en effet, extrêmement compliquées et il faut les simplifier. A titre personnel, je suis défavorable à cet amendement qui n'a pas été examiné par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 26.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Étienne Blanc, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35, modifié par l'amendement n° 26.

(L'article 35, ainsi modifié, est adopté.)

Article 36

M. le président. Sur cet article je ne suis saisi d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 36 est adopté.)

Article 37

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, inscrit sur l'article.

M. Jacques Brunhes. II est proposé, dans cet article, d'autoriser les acheteurs de formation à recourir à la facture en substitution de la conclusion d'une convention. Or la conclusion d'une convention offre de bien meilleures garanties qu'une simple facture.

En effet, la convention est un accord entre les parties, qui établit au préalable les objectifs pédagogiques, la durée de la formation, les conditions de validation du diplôme, etc. La facture comporte moins de détail ; en général elle ne détaille que le titre et le coût de la formation. De plus, elle est établie après la formation, alors que la convention est conclue au préalable.

La convention a cet avantage qu'elle se conçoit dans l'idée de concertation, de définition commune de cahier des charges. Elle constitue un lien entre le prestataire de formation, l'organisme payeur et l'individu qui reçoit la formation. La dimension est ici contractuelle, consensuelle, alors qu'avec une facture, nous sommes simplement dans une dimension mercantile, financière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 118.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 37 autorise le Gouvernement à modifier par ordonnances les formalités d'acquisition des prestations de formation, d'adaptation des procédures de contrôle et les sanctions applicables en matière de formation professionnelle.

Or les partenaires sociaux viennent d'aborder, dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, ce qui relève de la notion d'action de formation professionnelle dans un contexte fortement évolutif. La récente loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui reprend les dispositions de l'ANI, modifie les articles L.991-3, L. 991-4 et L. 991-8 du code du travail relatifs au contrôle de la formation professionnelle, ainsi que l'article L. 993-3 du code du travail relatif aux dispositions pénales.

Il est pour le moins curieux que le Gouvernement envisage déjà de modifier par ordonnances des dispositions du droit du travail concernant ces deux chapitres du livre IX du code du travail que la loi vient de modifier !

Concernant l'organisation de la mise en œuvre des mesures destinées à anticiper et à accompagner l'évolution des compétences par voie de conventions entre l'État et les organisations professionnelles et syndicales, l'exposé des motifs souligne que la loi du 4 mai dernier n'a pas pris en compte l'évolution vers la contractualisation de politiques de développement des compétences avec les entreprises et les branches professionnelles. Or on ne peut ignorer que la participation de 1,6 % de la masse salariale des employeurs au développement de la formation professionnelle continue a fait l'objet d'âpres discussions lors de la négociation de l'ANI du 20 septembre 2003 et que le MEDEF aurait aimé que les choses soient plus simples. Celui-ci souhaite passer d'une obligation légale du financement de la formation professionnelle continue à une obligation conventionnelle variable selon les branches, voire les entreprises.(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà pourquoi nous souhaitons que l'article 37 soit supprimé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Étienne Blanc, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable. En effet, il s'agit, là encore, de mesures techniques qui ne bouleversent pas les dispositifs de formation, mais qui visent notamment à simplifier les formations courtes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Nous ne parlons pas tout à fait de la même chose. Nous avons volontairement évité d'alourdir la loi du 4 mai 2004 par des mesures de toilettage, mais certaines dispositions sont obsolètes et nous voulons régler la question. De plus, nous tenons compte de l'accord intervenu entre les partenaires sociaux. Vos arguments ne sont donc pas fondés. Le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27 est rédactionnel

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 37, modifié par l'amendement n° 27.

(L'article 37, ainsi modifié, est adopté.)

    2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement la lettre suivante :

                  « Paris, le 10 juin 2004

        « Monsieur le président,

        « J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour de l'Assemblée nationale :

        « Jeudi 10 juin, le matin, l'après-midi et le soir :

        - projet de loi d'habilitation relatif à la simplification du droit.

        « Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. »

      L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié, la discussion du projet de loi sur l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer étant reportée à une date ultérieure.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1504, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit :

Rapport, n° 1635, de M. Etienne Blanc, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot