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Deuxième séance du lundi 21 juin 2004

264e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures quinze.)

    1

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 21 juin 2004, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, une communication faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral, l'informant que, le 20 juin 2004, M. William Dumas a été élu député de la cinquième circonscription du Gard.

    2

NÉGOCIATION COLLECTIVE
ET RECOUVREMENT DES PRESTATIONS
DE SOLIDARITÉ

Suite de la discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004 aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis (nos 1661, 1673).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 3 de M. Gremetz, portant article additionnel avant l'article 1er.

Avant l'article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 3 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 13.

Cet amendement n'est pas non plus défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Je souhaiterais appeler votre attention sur le quiproquo qui vient de se produire : spéculant sur l'amour du football que vous partagez avec M. le ministre et M. le rapporteur, un missi dominici est venu dire à M. Gremetz que la séance reprendrait plus tard.

M. le président. Non, monsieur Brard. M. Gremetz a été informé à la fin de la séance précédente que nous reprendrions nos travaux ce soir vers vingt-deux heures quinze, et certains de mes collègues me font déjà les gros yeux parce que je respecte cet engagement. Or il est vingt-deux heures quinze.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous en sais gré, monsieur le président mais, vous pouvez le constater, lorsqu'il s'agit du temps, chacun n'attribue pas aux mots la même valeur. Le temps est une notion, convenez-en, difficile à maîtriser.

M. Pierre-Louis Fagniez. Heidegger !

M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, nous pourrions engager un débat fort intéressant sur le sujet, mais il nous éloignerait quelque peu du projet de loi, encore que, si j'en crois le rapporteur et si nous entrons dans la spéculation philosophique, je ne doute pas qu'un grand nombre de personnes auraient du temps pour réfléchir à la notion du temps.

M. Pierre-Louis Fagniez. Alain !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, mon cher collègue !

L'amendement n° 4 tend à faire reconnaître des droits de plus en plus contestés dans les entreprises et à mieux associer les salariés à la gestion de leur entreprise, notamment dans toutes les matières qui touchent à l'emploi.

Vous êtes par avance dubitatif, sinon sceptique, monsieur Dord, mais nous n'inventons rien ! Vous qui aimez nous comparer aux pays étrangers, regardez ce qui se passe en République fédérale d'Allemagne : les salariés ont depuis maintenant un demi-siècle gagné des droits en vertu desquels, là-bas, le dialogue social existe. Il faut dire que les Allemands ont la chance de ne pas subir quelqu'un comme M. Seillière. Cela laisse de la place pour dialoguer, rapprocher les points de vue et trouver des compromis plus respectueux de l'intérêt général.

Notre amendement vise donc à améliorer la situation, car les règles actuelles limitent le rôle des élus du personnel à un simple avis. Vous parliez tout à l'heure de concertation, monsieur le ministre, mais nous savons bien ce que vous entendez par ce terme. Cela pourrait se traduire par : « Cause toujours, tu m'intéresses ! »

M. Pierre-Louis Fagniez. Mais non !

M. Claude Gaillard. Vous citez Heidegger, monsieur Brard ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. L'expérience a prouvé, mes chers collègues de la majorité, que vous considérez le dialogue social comme le dernier salon où l'on cause. Les membres du Gouvernement reçoivent fort bien les partenaires sociaux, ils leur offrent le café ou le thé, mais les discussions ne débouchent sur rien. Tout cela n'est qu'un alibi destiné à masquer l'absence de volonté politique pour faire déboucher le dialogue social.

Voulez-vous que je vous raconte, monsieur le ministre délégué aux relations du travail, comment se sont passés les arbitrages sur la représentativité syndicale (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et comment le déroulement des négociations a montré de quelle façon on a tenu compte de la maturité à laquelle les partenaires sociaux sont parvenus ? M. Seillière est allé voir ensuite le Premier ministre, et de leur entretien a résulté un retour en arrière puisqu'ils ont fait primer les accords d'entreprise sur les accords de branche.

Nous considérons, pour notre part, qu'octroyer plus de droits aux salariés revient à ouvrir davantage le champ du dialogue et de la concertation sociale. C'est une expérience à laquelle vous n'avez pas été suffisamment confronté dans votre vie professionnelle, monsieur le ministre, pour mesurer toute l'importance de mon propos.

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 4.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement vise à instaurer un droit d'opposition en faveur du comité d'entreprise. Certes, il s'agit maintenant d'insérer cette disposition dans le livre IV du code du travail et non plus dans le livre III, mais notre réponse ne saurait varier : avis défavorable.

(À ce moment, M. Maxime Gremetz entre dans l'hémicycle.)

M. Maxime Gremetz. Vous allez le payer, monsieur le président !

M. le président. Mon cher collègue, j'ai attendu que M. Brard...

M. Maxime Gremetz. Non ! Vous avez envoyé un agent de l'Assemblée nous dire qu'on attendrait la fin du match pour ouvrir la séance.

Je demande une suspension de séance ! On doit respecter la représentation nationale !

M. le président. Je la respecte tant, monsieur Gremetz, que j'ai envoyé un agent...

M. Maxime Gremetz. Vous voulez peut-être que je mette en cause la parole d'un agent ? C'est honteux !

M. le président. Monsieur Gremetz, nous avons attendu, pour ouvrir la séance, qu'un membre du groupe des député-e-s communistes et républicains soit présent. Cela m'a même été reproché par un président de groupe !

M. Maxime Gremetz. Non ! Ce sont des coups en douce que vous paierez cher ! La parole donnée, ça ne se reprend pas !

M. le président. Je n'ai pas voulu faire un coup en douce, monsieur Gremetz : nous avons attendu que le groupe communiste...

M. Maxime Gremetz. Arrêtez de répondre cela ! Ce n'est pas la vérité ! Je demande une suspension de séance !

M. Claude Gaillard. Il est scandaleux de s'adresser ainsi au président, monsieur Gremetz ! Nous sommes dans l'hémicycle, tout de même !

M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Gremetz, mais vous n'avez pas la parole.

La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Nous partageons l'avis du rapporteur. Au demeurant, les thèmes évoqués font partie de la négociation qui se poursuit au niveau interprofessionnel. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vos propos sont très intéressants, monsieur le ministre. Vous affirmez que la négociation se poursuit au niveau interprofessionnel, alors que vous avez fait voter un texte qui, précisément, dispose que ce dialogue est second par rapport aux accords qui peuvent être conclus ici et là.

De toute façon, dès qu'il y a un conflit entre les organisations syndicales et la direction du MEDEF - je sais que je vous irrite en évoquant toujours vos donneurs d'ordre, monsieur le ministre, mais c'est ainsi ! -, dès lors, donc, que M. Seillière vous foudroie du regard,...

M. Michel Roumegoux. Ça suffit comme ça, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. ...vous faites une génuflexion, et tout est dit. Voilà comment vous envisagez le dialogue social ! Vous atermoyez, vous essayez de botter en touche, sans jamais avoir la volonté de reconnaître des droits aux salariés.

En République fédérale d'Allemagne, on a vu au fil des décennies comment ce dialogue, protégé par la loi, a donné de la vitalité à la société tout entière en imposant des rapports d'égalité relative entre les partenaires sociaux. Vous, au contraire, vous organisez la domination des grands groupes sur les salariés dans les conditions que l'on sait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4...

M. Maxime Gremetz. Attendez, monsieur le président : je vous fais parvenir une demande de scrutin public.

M. le président. Le scrutin est déjà annoncé, monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz. Ah ! non ! S'il vous plaît, ne recommencez pas !

M. le président. Vous pourrez intervenir sur le prochain amendement !

Je mets aux voix, disais-je, l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Il s'agit là encore d'améliorer les règles actuelles. J'ai bien compris que nous prêchons dans le désert et que nos amendements vous irritent, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, mais l'expérience montre que, lorsque l'on a raison, on finit toujours par faire triompher la vérité. Comme le disait Jean Jaurès, seule la vérité est révolutionnaire, ce qui explique qu'elle continue de vous effrayer. Pour notre part, nous continuons la bataille. Vous ne nous ferez pas fléchir. Voyez : nous gardons notre bonne humeur,...

M. le ministre délégué aux relations du travail et M. Dominique Dord, rapporteur. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Brard. ...mais nous défendons nos points de vue avec conviction, car nous savons que les voies dans lesquelles vous engagez le pays vont aboutir à la destruction du dialogue social. L'absence de rapports équilibrés entre les partenaires sociaux provoque, vous le savez bien, des tensions, puis des explosions. Les rapports sociaux sont indispensables à la cohésion de notre pays.

Cet amendement vise donc à introduire dans le livre IV du code du travail une véritable procédure, dans laquelle l'employeur doit prendre réellement en compte le point de vue du personnel tel qu'il est exprimé par ses représentants. Ne nous dites pas que ce n'est pas possible : en République fédérale d'Allemagne, cela fonctionne depuis longtemps. Ni les grands syndicats patronaux, ni le DGB n'ont eu à s'en plaindre jusqu'à présent.

Dans la perspective d'une Union européenne qui serait un pôle de progrès social alignant les règles communes sur celles qui fonctionnent le mieux, il serait incompréhensible, monsieur le rapporteur, que vous refusiez notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable. Les mesures proposées dans cet amendement existent déjà, pour les trois quarts, dans le droit en vigueur : le comité d'entreprise est déjà informé de nombreuses décisions et son avis est sollicité ; il peut recourir, dans certaines conditions, à un médiateur ou à un expert. En matière de licenciements collectifs, notamment, l'employeur est déjà tenu de « mettre à l'étude » les avis du comité d'entreprise.

Aux termes de l'amendement, l'employeur devrait en outre « tenir compte » de ces avis et « modifier ses projets », mais on ne voit pas très bien ce qu'apporterait une telle obligation : une modification purement formelle serait-elle suffisante ? En vérité, une telle disposition ne change rien à la réalité des choses.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Vous avez évoqué à plusieurs reprises l'exemple de l'Allemagne, monsieur Brard, mais le paysage syndical y est tout différent : le taux de syndicalisation avoisine les 70 %, contre 8 % chez nous - et encore moins dans le secteur privé -, et le dialogue social repose sur le principe des accords de méthode, lesquels sont ce vers quoi nous tendons. Avis défavorable donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous ne jurez que par la méthode, vous devriez relire Descartes, monsieur le ministre : vous en tireriez le plus grand profit, tout en manifestant votre fidélité à notre héritage intellectuel. Pour l'heure, vous ne faites qu'invoquer une idée, sans la moindre intention de définir une vraie méthode qui garantisse l'égalité entre les partenaires sociaux.

Monsieur Dord, vous dites que vous voyez à peu près ce que notre amendement modifierait, mais que vous ne voyez pas très bien ce qui résulterait du fait qu'on oblige le chef d'entreprise à tenir compte de l'avis des représentants des salariés et à modifier éventuellement ses projets. Et vous concluez en disant que, de toute façon, cela ne changerait rien. Mais si cela ne change rien, je ne vois pas ce que l'on peut reprocher à notre amendement. Pourquoi, au lieu de nous répondre « non », comme toujours, et de vous entêter dans le soutien, méritoire mais indéfectible, que vous apportez au MEDEF, contre les intérêts du pays et contre les demandes des salariés, ne nous donneriez-vous pas satisfaction ? Vous montreriez ainsi que votre sens du dialogue est supérieur à celui de M. Seillière.

À moins que vous ne nous ayez pas dit vraiment ce que vous pensez ? Peut-être estimez-vous que notre amendement pourrait changer les conditions du dialogue social ? Auquel cas, autant légitimer nos propositions.

Si vraiment, malgré tout, vous pensez que notre amendement ne changerait rien, manifestez votre bonne foi en donnant votre aval à notre amendement.

Monsieur le ministre, je vous invite à faire de même. Jusqu'à présent, vous partagez toujours les avis du rapporteur - certainement par mimétisme. A moins que ce ne soit par fidélité à l'esprit de méthode du rapporteur. (Sourires.)

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 8, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

.......................................................................

M. le président. Nous allons procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 8 de M. Gremetz.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 8  :

              Nombre de votants 19

              Nombre de suffrages exprimés 19

            Majorité absolue 10

        Pour l'adoption 2

        Contre 17

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, sans doute n'avez-vous pas entendu tout à l'heure que j'avais demandé une suspension de séance ? Je réitère donc ma demande.

M. le président. Monsieur Gremetz, peut-être que cinq minutes de suspension de séance suffiraient ? Est-ce pour réunir votre groupe ?

M. Maxime Gremetz. Notre groupe est déjà réuni et nous nous apprêtons à téléphoner au président Debré.

M. le président. Soit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Chers collègues, je voudrais adresser mes excuses à M. Maxime Gremetz pour le malentendu qui est intervenu en fin de séance. Je peux lui assurer qu'il n'y avait aucune intention de faire tomber les amendements du groupe communiste en l'absence de ses représentants. Cela a été le cas pour deux d'entre eux. Nous avons attendu l'arrivée, à vingt-deux heures quinze, de M. Jean-Pierre Brard pour poursuivre.

Il est vrai que, par le passé, des reprises de séance ont pu être différées en raison de compétitions sportives importantes, comme celle de ce soir. Je renouvelle toutes mes excuses à M. Gremetz et l'invite à faire en sorte que le débat reprenne dans la même tonalité que la séance précédente et à limiter autant que possible les demandes de scrutin public.

M. Maxime Gremetz. Le scrutin public est un droit !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 16.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je n'accepte pas les excuses. (M. le ministre s'impatiente.) Monsieur le ministre, ici, nous ne sommes pas au Sénat mais à l'Assemblée nationale. La représentation nationale, on la respecte ! Nous n'avons jamais de problème dès lors que nous nous sommes mis d'accord sur quelque chose. Je ne supporte pas, et plusieurs présidents de séance le savent, que la parole donnée ne soit pas tenue. Tous ceux qui s'y sont essayés ont perdu beaucoup plus de temps qu'ils n'espéraient en gagner.

L'amendement n° 16 concerne les rapports entre les entreprises sous-traitantes, essentiellement des PME, et les entreprises donneuses d'ordre.

Les difficultés économiques des entreprises sous-traitantes sont souvent la conséquence d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre. Le recours à la sous-traitance permet aujourd'hui à ces dernières d'externaliser leurs obligations en matière de licenciements économiques et de reclassements. D'ailleurs, il est de mode aujourd'hui, lorsqu'on veut licencier, de créer une société sous-traitante, d'y transférer les salariés en leur faisant perdre, au passage, tous leurs droits, leur niveau de salaire, leurs garanties et leur ancienneté, puis de les licencier sans que le groupe soit inquiété.

L'idée retenue consiste à mettre en place un système souple de représentation commune des salariés des deux entreprises, sous-traitante et donneuse d'ordre, non seulement pour apprécier la motivation économique, mais aussi pour faire respecter l'obligation de reclassement. L'employeur de l'entreprise sous-traitante aurait donc le choix entre déclencher la procédure d'information et de consultation prenant en compte les deux entreprises ou assumer seul la motivation économique. Dans ce dernier cas, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne pourrait plus constituer un motif recevable de recours à un licenciement économique.

Concrètement, il appartiendrait à l'employeur de l'entreprise sous-traitante envisageant un licenciement collectif pour motif économique de déclencher la procédure. Les représentants du personnel de cette même entreprise auraient également ce droit. Le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre serait saisi de tout projet de nature à affecter l'emploi dans l'entreprise sous-traitante, qui résulterait d'une décision de la première. Ce comité d'entreprise se trouverait donc élargi aux représentants élus de l'entreprise sous-traitante, membres du comité d'entreprises ou, à défaut, délégués du personnel, avec voix délibérative. Il examinerait la motivation économique, ainsi qu'un projet de plan social de sauvegarde de l'emploi élaboré conjointement par les directions des deux entreprises. Il disposerait, en cas d'insuffisance du plan social, des mêmes attributions qu'un comité classique en pareille situation.

Cet amendement répond au souci de renforcer les prérogatives des institutions représentatives des personnels et des organisations syndicales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est d'une complexité inouïe. En annonçant, d'ailleurs, dans l'exposé des motifs qu'il tend à mettre en place un système souple, ses auteurs reconnaissent qu'il n'est pas aussi souple que cela.

L'amendement crée un nouvel être juridique non identifié, par la réunion de deux comités d'entreprise. Cela n'existe pas en droit français. On voit mal comment l'employeur sous-traitant pourrait convoquer le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre. Ce serait, à tout le moins, une curiosité juridique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement partage l'analyse de M. le rapporteur. La mise en place d'un comité d'entreprise est une obligation qui pèse sur l'employeur et qui correspond au périmètre de ses responsabilités. Créer une espèce de comité élargi à deux sociétés reviendrait à nier le pouvoir de gestion propre détenu par le chef d'entreprise et entraînerait beaucoup plus de difficultés que d'avantages, y compris dans le dialogue social interne à chacune des sociétés. Avis défavorable donc.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Comme cela vous paraît compliqué, je vais vous expliquer.

Il arrive que des entreprises sous-traitantes soient créées pour licencier parce que, en tant que PME, elles n'ont pas de comité d'entreprise ni l'obligation de présenter un plan de sauvegarde de l'emploi. Or ces sociétés dépendent d'une entreprise donneuse d'ordre.

Le moyen que nous proposons de donner aux salariés pour se défendre, c'est de rendre indissociable l'entreprise donneuse d'ordre de la sous-traitante. Car, du fait que l'entreprise sous-traitante n'est pas intégrée dans l'ensemble du groupe, l'employeur - le groupe et ses filiales - est dégagé de toute responsabilité.

Qu'y a-t-il de compliqué ? Vous caricaturez mon propos, monsieur le rapporteur, en demandant comment une entreprise sous-traitante pourrait convoquer le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre. Justement en imposant cette procédure comme la règle, pour qu'elle s'enclenche automatiquement. C'est le cas, par exemple, des comités de groupes européens. Les comités d'entreprise ou les représentants du personnel sont associés à une réflexion commune sur le prétendu licenciement économique et sur la situation financière réelle de l'ensemble de la société, à partir de laquelle le plan de licenciement économique présenté est contesté ou pas. En tout état de cause, les employeurs, donneurs d'ordre ou sous-traitants, ont les mêmes obligations de reclassement des personnels.

Ce n'est pas compliqué mais vous ne voulez pas entendre. Vous préférez avoir à faire, dans les entreprises sous-traitantes, qui sont pratiques à maints égards, à des salariés complètement désarmés devant une direction qui, d'en haut, donne des ordres en toute tranquillité. Quand on a le souci de défendre les salariés, l'emploi et l'intérêt national contre les gros employeurs et les grands groupes, il faut faire preuve d'un peu d'imagination !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. Considérant qu'il convenait de tirer toutes les conséquences de l'échec, somme toute prévisible, des négociations sur l'accompagnement social des restructurations, nous avons plaidé dans la discussion générale, conformément d'ailleurs à ce que prévoyait la loi du 3 janvier 2003 et aux engagements pris par le Gouvernement d'alors, en faveur du rétablissement de l'ordre juridique antérieur à cette fameuse loi suspensive. Cela n'empêchait nullement les partenaires sociaux de négocier, sur une base différente cette fois, des règles plus protectrices des droits des salariés, de nature à prévenir les licenciements, à éviter les licenciements pour convenance boursière, à permettre aux salariés et aux élus locaux d'être plus étroitement associés aux décisions ou à transformer l'obligation des reclassements en véritable obligation de résultat.

Nous l'avons expliqué à maintes reprises, la loi de modernisation sociale, faute d'avoir été suffisamment audacieuse sur certains points, méritait d'être amendée pour renforcer la sécurité revendiquée par les salariés. Aujourd'hui, nous aurions pu débattre des améliorations à apporter à notre droit relatif aux licenciements économiques, mais le Gouvernement a décidé qu'il en serait autrement. Refusant ces faux-fuyants, cette nouvelle prorogation du délai de suspension de onze dispositions essentielles de la loi de modernisation sociale, nous proposons de réintroduire lesdites mesures par voie d'amendement.

Nous aurions pu, si le temps nous en avait été donné, revoir la panoplie de propositions que nous avions faites lors de l'examen de la loi de modernisation sociale. Nous nous contenterons de revenir simplement, même si c'est insuffisant, aux dispositions de cette loi, dont la suspension expire au début du mois prochain.

L'objet du présent amendement est on ne peut plus explicite : rétablir l'obligation pour l'employeur d'engager des négociations sur la réduction du temps de travail préalablement à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Tout moyen susceptible d'éviter les licenciements ne doit-il pas être mis en œuvre ? Nous refusons la stigmatisation dont a fait l'objet cette disposition, dite « amendement Michelin », considérée par les opposants aux 35 heures comme source de complication et de manœuvre dilatoire aux licenciements économiques.

Dans la mesure où votre gouvernement s'emploie à faire voler en éclats les 35 heures sans pour autant avoir le courage d'y mettre fin, cette disposition, de portée toute relative hier, prend une dimension particulière aujourd'hui. Aussi, pour notre part, nous considérons urgent de maintenir l'article 96 de la loi du 17 janvier 2002.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. L'amendement n° 18, comme les autres, est prématuré puisqu'il tend à rétablir une série d'articles de la loi de modernisation sociale que précisément le texte vise à suspendre.

M. Gaëtan Gorce. C'est bien ce que nous lui reprochons !

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous le dirons un peu plus tard à notre collègue Francis Vercamer : nous ne voulons pas les abroger. Nous ne sommes dans une démarche ni d'abrogation ni de rétablissement, mais de poursuite de la suspension.

Cet amendement, qui tend au maintien de l'article 96, est, de plus, absurde.

M. Maxime Gremetz et M. Frédéric Dutoit. Merci !

M. Dominique Dord, rapporteur. Les 35 heures sont en vigueur dans les entreprises de plus de vingt salariés et ne nécessitent plus de concertation. Il n'y a donc pas de raison de demander au chef d'une telle entreprise de négocier sur la réduction du temps de travail. Par ailleurs, les plans sociaux ne concernent pas les entreprises de moins de cinquante salariés.

L'amendement n'a donc pas de sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Les amendements nos 18 à 25 visent à rétablir successivement des dispositions suspendues de la loi de modernisation sociale, qui portent sur l'organisation de la concertation et du dialogue entre l'employeur et les représentants élus du personnel. Ils posent de nouvelles obligations de forme à un droit essentiellement procédural sans apporter de solution en termes de prévention des licenciements ou de reclassements. D'ailleurs, lesdites dispositions n'avaient donné lieu ni à accord ni même à concertation préalable entre partenaires sociaux, certains d'entre eux les ayant découvertes tardivement.

De fait, toutes ces dispositions conduisent à des allongements de délais, à des risques évidents de blocage. Le sens de la suspension est d'inviter les partenaires sociaux à poursuivre leurs négociations et à prendre leurs responsabilités. S'ils ne le faisaient pas, comme je l'ai dit à M. Vercamer lors de la discussion générale, le Gouvernement prendrait les siennes.

Avis défavorable donc.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. M. le ministre provoque un peu l'opposition, pourtant très raisonnable dans son expression. A l'entendre, les dispositions visées seraient inefficaces et inadaptées et ne devraient pas trouver leur place dans la loi ni même être évoquées.

J'aimerais que M. le ministre nous explique comment il entend, lui, lutter contre les licenciements abusifs, les restructurations et les conséquences des délocalisations. Aucune proposition n'est faite à ce sujet.

Il est reproché au gouvernement précédent d'avoir pris des initiatives. On peut les contester et ne pas les trouver bonnes à condition d'en proposer d'autres pour les remplacer. Or voilà déjà dix-huit mois que le droit en matière de licenciement est laissé en jachère, et l'on demande six mois supplémentaires, comme si la situation de l'emploi ne se dégradait pas, comme si le chômage n'était pas en hausse.

Enfin, sur le dialogue social, monsieur le ministre, ne nous faites pas la leçon ! Quelle organisation syndicale a été consultée sur la suppression du jour férié ? De quelle concertation la loi sur le dialogue social a-t-elle fait l'objet, notamment au sujet des accords dérogatoires ? Il ne manque pas de commentaires très critiques sur la façon dont votre gouvernement se comporte en la matière.

Il est des sujets, monsieur le ministre, qu'il vaut mieux éviter ou dont il faut, en tout cas, parler avec beaucoup de précaution !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 18 de M. Gremetz, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 18 de M. Gremetz.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.....................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 18 :

              Nombre de votants 28

              Nombre de suffrages exprimés 28

            Majorité absolue 15

        Pour l'adoption 9

        Contre 19

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 19.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Notre amendement n° 19 vise à rétablir l'obligation de procéder à une étude d'impact social et territorial préalablement à la cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique lorsque celle-ci a pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois - obligation qu'avait posée la loi de modernisation sociale par ses articles 97 et 98.

En réalité, vous contestez le seuil à partir duquel est déclenchée l'étude d'impact. Or vous ne pouvez ignorer - et M. le maire de Rueil-Malmaison non plus ! - que, dans la plupart des bassins d'emploi, la suppression de cent emplois est déjà une catastrophe, surtout si l'on tient compte des licenciements induits.

M. Patrick Ollier. Le maire de Rueil-Malmaison a confiance en M. Larcher !

M. Maxime Gremetz. Votre commune compte beaucoup de riches. Vous ne connaissez pas le social. Vous n'avez pas cette sensibilité !

Mais il est un événement plus important ce soir : la victoire de la France.

M. Christian Bataille. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Cet événement ne vous a pas beaucoup retenu. Il est vrai que c'est une passion populaire. C'est la première fois que nous siégeons pendant que les joueurs français qualifient la France par 3- 1. Ils ont même marqué deux buts après la reprise de la discussion.

M. Patrick Ollier. Cela prouve qu'ils n'avaient pas besoin de nous !

M. Maxime Gremetz. Revenons au sujet qui nous occupe ce soir.

Appliquer un seuil de deux cents emplois aurait considérablement réduit la portée de cette disposition.

Vous ne nous avez jamais clairement expliqué les raisons véritables qui vous poussent à suspendre l'application de ces deux articles. Ces études, nous le savons bien, sont très importantes pour les partenaires institutionnels du bassin d'emploi : pour l'employeur, pour les organisations représentatives des salariés, pour les pouvoirs publics et, bien entendu, pour les élus locaux, départementaux et régionaux, donc aussi pour nous-mêmes, quelles que soient nos sensibilités politiques. Elles constituent un support et une aide pour déterminer, en fonction des difficultés économiques et sociales prévisibles, les actions à mener ensemble.

La suppression abrupte de ces dispositions ne s'imposait donc pas. D'ailleurs, la décision nous semble avoir été prise un peu trop rapidement et répondre à des motifs plus idéologiques que pratiques.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de revenir sur cette suspension, dont les conséquences seraient contraires à la pratique et opposées à l'intérêt de tous les partenaires concernés. Les deux articles 97 et 98 de la loi de modernisation sociale doivent sans plus tarder retrouver force de loi.

Cet amendement vise à rétablir le principe de la réalisation d'une étude d'impact social et territorial à l'appui des décisions des chefs d'entreprise.

Même si elles sont informelles, de telles études existent aujourd'hui. Elles constituent un élément d'aide à la décision pour les organes de direction qui, avant de prendre des mesures engageant tant la vie de l'entreprise et l'emploi des salariés que le dynamisme des territoires, doivent en évaluer correctement - c'est la moindre des choses ! - les conséquences à la fois sociales et territoriales.

Quelles sont aujourd'hui les préoccupations des Françaises et des Français ? D'abord l'emploi, à l'heure où le taux de chômage frise les 10 % , puis les salaires.

J'ai sous les yeux une liste détaillée des profits réalisés par les sociétés cotées au CAC 40 : l'année 2003 a été très intéressante pour elles puisqu'elles ont connu une progression en Bourse de près de 50 %.

Pour vous, il est urgent d'attendre. Pour les salariés, au contraire, il est urgent d'agir et de mettre un terme à l'éclatement du droit en matière de licenciements économiques, source de complexité et d'inégalité. Nous voyons aujourd'hui le résultat. Il n'est personne ici qui ne soit confronté à des difficultés de ce genre. Or, alors que l'on met en avant l'importance de la prévention, vous supprimez de la loi de modernisation l'étude d'impact social et territorial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable. La commission reconnaît l'intérêt des études d'impact social et territorial mais une disposition sur ce sujet aura sa place, si le Gouvernement le souhaite ou si les partenaires sociaux mettent celle-ci en avant, dans le projet de loi qui sera présenté par le Gouvernement.

Par ailleurs, monsieur Gremetz, je ne crois pas me souvenir que le CAC 40 ait gagné 50 % en 2003...

M. Maxime Gremetz. Vous n'avez pas les bons chiffres !

M. Dominique Dord, rapporteur. À moins que ce ne soient les vôtres qui ne soient pas bons !

M. Maxime Gremetz. Ne soyez pas aussi affirmatif !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le Gouvernement n'est pas contre le principe d'études d'impact social et territorial. Elles ne sont pas illégitimes. Les instances dirigeantes des entreprises ne sauraient ignorer les implications sociales de leurs décisions.

Mais les modalités prévues aux articles 97 et 98 placent cette étude d'impact entre la discussion du livre III et du livre IV, c'est-à-dire à un moment où l'on joue les délais, sans avoir une vue globale. C'est ce positionnement que nous voulons soumettre aux partenaires sociaux puis à la réflexion de l'Assemblée nationale.

M. Vercamer avait exprimé une préoccupation similaire.

M. le président. La parole est à M. Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je reconnais l'importance d'une étude d'impact. Une délocalisation ou la fermeture d'une entreprise perturbe à la fois le territoire où elle était implantée, la ville où elle était installée car elle ne perçoit plus la taxe professionnelle, et, bien sûr, les travailleurs qui éprouvent des difficultés financières surtout si, comme cela arrive souvent dans les régions où il y a peu d'entreprises, les deux membres de la famille travaillaient dans le même établissement.

Néanmoins, le groupe UDF ne votera pas l'amendement de M. Gremetz. Je fais partie de la majorité et je fais confiance au Gouvernement pour proposer dans son prochain projet des modalités plus adaptées, qui bénéficieront en outre d'un débat plus large que celui que peut susciter un amendement déposé sur une proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vous n'étiez pas là, monsieur Vercamer, lorsque nous avions eu un vrai débat sur ce sujet lors de la discussion de la loi de modernisation sociale. Ce que nous demandons, c'est la réinsertion dans la loi d'une disposition qui y figurait.

M. Dord nous renvoie à un autre projet de loi. Mais c'est maintenant que le problème se pose !

On nous répond toujours : « On verra cela ! » Pendant des années, chaque fois que j'ai fait des propositions en faveur des handicapés, on m'a renvoyé à la révision à venir de la loi de 1975 ! Il m'a donc fallu attendre toutes ces années, et pour quoi ? Pour quelques mesures, et non pour une nouvelle loi fondamentale !

M. Claude Gaillard. La loi de 1975 a tout de même été révisée !

M. Maxime Gremetz. Ne nous renvoyez donc pas à chaque fois à une prochaine loi ! Les problèmes sont graves et urgents. Vous n'ignorez pas que ce qui préoccupe avant tout les Français, ce sont l'emploi et la précarité, et que c'est d'ailleurs sur cette base qu'ils vous ont sanctionnés.

Je ne vois pas comment, en amont, vous pouvez « mégoter » ainsi et refuser une étude sur les conséquences pour un territoire, pour une collectivité, pour un bassin d'emploi, des effets de la décision de fermeture ou de délocalisation d'entreprises sans que les employeurs annoncent leur intention.

Si la loi rétablissait le principe de l'impact social et territorial, beaucoup d'entreprises, au lieu de partir pour réaliser plus de profit - CAC 40 oblige -, seraient obligées de tenir compte de tous les partenaires et de payer. On mesurerait alors les conséquences de leur décision.

Il est évident que l'entreprise est libre, d'une part, de prendre la décision de partir et, d'autre part, de payer à la société et aux collectivités territoriales le coût social d'une telle décision.

Compte tenu de l'importance de cet amendement, auquel nous sommes très attachés, nous demandons un scrutin public.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 19 de M. Gremetz, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 19 de M. Gremetz.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.....................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 19 :

              Nombre de votants 21

              Nombre de suffrages exprimés 21

            Majorité absolue 11

        Pour l'adoption 7

        Contre 14

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 20.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. On ne peut pas supprimer tous les freins - et la loi de modernisation sociale en est un - et, en même temps, s'étonner ou s'indigner, comme le font tous les élus locaux - M. le rapporteur aussi -, de la multiplication des plans sociaux.

On parle des licenciements économiques. Je rappelle qu'il y a eu 1 400 plans sociaux en 2003. Il y en aura encore beaucoup cette année, nous le savons bien, hélas ! C'est pourquoi nous demandons qu'il soit mis fin à la suspension de l'application de l'article 99 de la loi de modernisation sociale.

II s'agit de rétablir la distinction entre les phases successives de consultation du comité d'entreprise, au titre du livre IV du code du travail et, s'il y a recours à des licenciements économiques, au titre du livre III.

II faudrait reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation sur la double consultation du comité d'entreprise : une première consultation en application du livre IV du code du travail sur le projet de restructuration et de compression des effectifs et une deuxième consultation sur le projet de plan social. Dans les deux cas, il avait été prévu que le comité puisse désigner un expert-comptable payé par l'employeur. Certes, cette double consultation conduit à un allongement des délais entre la décision du chef d'entreprise et le licenciement. Mais rappelons-nous qu'en son temps cette disposition n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel, malgré les critiques des organisations patronales. En fait, il ne vous restait plus d'autre solution, monsieur le ministre, que d'en décider la suspension par voie législative.

Comment ne pas considérer que l'attitude de la majorité, que je veux ici stigmatiser, a quelque chose d'idéologique, contrairement aux propos tenus tout à l'heure par M. Dord.

Mais vous ne vous êtes pas contentés, mesdames, messieurs, d'opérer une suspension par la voie législative : vous êtes allés encore plus loin dans cette voie avec des accords expérimentaux dits « accords de méthode ».

M. le ministre nous a dit qu'une centaine d'accords de ce genre auraient été signés. Même s'ils sont majoritaires, ils sont totalement dérogatoires à la loi. Ils se caractérisent par la plus extrême diversité : certains sont de véritables accords de gestion prévisionnelle, mais d'autres doivent bien être qualifiés de pièges puisqu'ils aboutissent, sous couvert de gestion prévisionnelle, à faire avaliser un plan social par les membres du comité d'entreprise. La majorité de ces accords sont en fait des sortes de pré-plans sociaux.

Si l'on peut encore employer le mot « méthode », c'est à l'usage des employeurs, qui disposent ainsi d'une méthode complaisamment fournie par le législateur pour contourner la loi. Il s'agit surtout d'obtenir un accord des représentants du personnel sur le plan social.

C'est précisément ici que se trouve le point d'achoppement. Le législateur ne peut renoncer, de la sorte, à sa responsabilité. Il ne peut commettre ce déni de droit. Notre responsabilité, mes chers collègues, est de légiférer, c'est-à-dire d'édicter des lois qui s'appliquent à tous.

Le problème des accords de méthode est la confusion que vous avez choisi de créer délibérément au profit exclusif des employeurs.

Lorsque le dialogue social existe au sein d'une entreprise et qu'il est de qualité, il n'y a pas d'obstacle à ce que des accords règlent, en amont, les questions relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Bien au contraire, il faudrait encourager les accords de ce type. Mais lorsque le dialogue n'existe pas, la confusion que votre texte a introduite ira immanquablement à l'encontre de l'intérêt des salariés menacés. Il n'y a pas de véritable réflexion, pas de possibilité de mettre en œuvre d'authentiques propositions alternatives.

Nous voulons mettre fin à cette confusion, souvent entretenue par les employeurs et nous demandons le rétablissement des articles suspendus par la loi Fillon du 3 janvier 2003.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains est, en l'occurrence, plus royaliste que le roi (Sourires), si l'on peut dire, ...

M. Maxime Gremetz. Pas royaliste du tout ! (Sourires.)

M. Dominique Dord, rapporteur. ...puisque, dans les accords de méthode signés jusqu'à présent, ...

M. Maxime Gremetz. Plus révolutionnaire que Marx !

M. Dominique Dord, rapporteur. Sans doute !

...cinq accords dérogatoires sur huit tentent de revenir à la concomitance des procédures des deux phases.

Il ne nous semble pas que ceux que vous prétendez défendre - et, par hypothèse, à la cause desquels nous serions insensibles - voient, comme vous, leur intérêt dans une séparation des deux procédures

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable.

Comme l'a rappelé le rapporteur, les accords de méthode conclus privilégient la concomitance des livres III et IV.

Nous allons retrouver à l'occasion d'autres amendements, y compris pour le choix d'un médiateur et le recours précoce à des experts capables d'éclairer les partenaires.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je vais vous raconter une anecdote, plus éclairante que bien des discours.

J'ai la responsabilité, avec d'autres élus, des affaires économiques au sein de la région Picardie. À ce titre, j'ai reçu récemment, avec M. le préfet, le « patron-voyou » de Flodor. Sur ce point, je me suis trouvé en accord avec M. le Président de la République. (Sourires.)

Ce patron, qui a déménagé une chaîne de production, détérioré le matériel existant et amené des nervis, nous a demandé de l'aide car il éprouve des difficultés ! Dans le même temps, il annonce dans la presse quatre-vingts nouveaux licenciements touchant le personnel restant et quarante mesures de mi-temps.

Et, après ça, il vient demander de l'aide pour investir ! Le préfet de la région Picardie peut vous le confirmer.

Nous demandons à ce patron s'il a l'intention de rester en Picardie alors qu'il a déjà délocalisé une chaîne de production. Si nous n'avions pas entravé son action, on ne parlerait plus de Flodor aujourd'hui. Il nous confirme qu'il veut rester sur le site, mais il nous demande de l'aider à investir pour convaincre les actionnaires de maintenir l'entreprise. Et cela devait se faire sans tarder, de sorte que les procédures des livres III et IV devaient, selon lui, être menées de concert !

Si les salariés avaient accepté cette concomitance et n'avaient pas empêché le départ de la chaîne restante, l'entreprise serait déjà fermée. Mais ils ont refusé car ils savaient ce qu'il en était, et il a bien fallu engager la discussion.

Le comité d'entreprise savait parfaitement que les  faux « investissements » n'étaient pas faits pour l'emploi, mais pour l'externalisation.

Voilà une petite histoire qui montre à quoi peut conduire l'utilisation concomitante des procédures des livres III et IV par un patron-voyou.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 21.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à rétablir l'article 100 de la loi de modernisation sociale, autrement dit l'information préalable du comité d'entreprise avant que le chef d'entreprise n'annonce au public des mesures susceptibles d'avoir un impact sur les conditions de travail et d'emploi.

Ce droit à l'information et à la consultation des élus du comité d'entreprise avant toute décision économique importante, dont chacun peut imaginer les incidences, souvent dramatiques, sur la vie des salariés, nous paraît parfaitement légitime. En quoi serait-il impossible à mettre en pratique ? C'est pourtant bien ce qu'affirment les partisans autoproclamés - en attendant qu'ils nous prouvent concrètement qu'ils y sont favorables - du dialogue social. Cette affirmation a de quoi surprendre. Ce n'est pas ce que dit le législateur ; mais vous aurez tout loisir de nous répondre longuement pour nous convaincre du contraire.

Une des raisons de votre réticence tient à ce fameux « droit boursier » qui pose le principe de la primauté du droit des actionnaires sur le droit des salariés, réduits à apprendre par voie de presse ou de télévision des décisions qui pourtant les concernent au premier chef. Je crois très sincèrement que le législateur devrait prendre ses responsabilités et décider enfin que le droit du travail et le respect des personnes priment sur le droit financier.

Bien évidemment, on ne peut nier que tout cela découle des règles du droit boursier, mais il me paraît normal que le salarié soit le premier prévenu des éventuelles difficultés de son entreprise et des mesures de redressement envisagées, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de suppressions d'emplois qui peuvent bouleverser sa vie et celle de sa famille.

Les exemples ne manquent pas. Chacun a comme moi en mémoire les noms des entreprises citées par les médias et sait combien il est scandaleux de voir des centaines de salariés apprendre la perte de leur emploi en écoutant un flash d'information radiophonique ou en ouvrant leur journal. C'est malheureusement le plus souvent la Commission des opérations de bourse que l'on se soucie de respecter...

Monsieur le rapporteur, je me souviens vous avoir déjà entendu déplorer cet état de fait. N'allez pas vous renier dix-huit mois plus tard alors que nous débattons précisément du même sujet ! L'argument que la droite avançait hier et qu'elle nous oppose encore aujourd'hui ne tient pas. C'est pourquoi nous demandons avec vigueur le rétablissement de l'article 100 de la loi de modernisation sociale ; c'est le minimum de démocratie et de concertation réelle que l'on puisse espérer alors qu'il s'agit de la vie des salariés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Je le confirme, monsieur Gremetz : il est difficilement acceptable que des salariés apprennent la fermeture de leur usine par la presse. Nous ne sommes pas moins sensibles que vous à ce sujet.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est vrai !

M. Maxime Gremetz. À voir !

M. Dominique Dord, rapporteur. Mais il ne vous a pas échappé non plus que, dans le système concurrentiel dans lequel évolue toute entreprise française, le secret des affaires est un principe de base. Le principe d'une information préalable des salariés serait évidemment hautement souhaitable sur le plan moral, mais comment instituer une procédure d'information interne à l'entreprise avant l'annonce publique d'une décision stratégique sans ouvrir du même coup la porte aux délits d'initiés ?

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous partageons l'avis du rapporteur. J'ajoute que, dans 68 % des cas, les accords de méthode ont donné lieu en amont à une information et à une consultation du comité d'entreprise afin d'informer, tout en respectant la réglementation boursière, les institutions représentatives du personnel sur la stratégie du groupe, la nouvelle organisation de l'établissement ou encore les modalités de l'éventuelle poursuite de la procédure. Les accords de méthode, vous le voyez, ont permis à cet égard d'incontestables progrès et prouvé l'utilité de la négociation et du dialogue social dans l'enrichissement des propositions. D'où l'intérêt pour le Gouvernement de poursuivre pendant encore quelque mois le dialogue engagé depuis maintenant un an et demi.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 21, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J'avais dit en commission que je réservais mon vote. J'ai bien entendu les arguments avancés tant par M. Gremetz que par M. le rapporteur et M. le ministre. Je suis moi aussi choqué par le fait que des salariés apprennent par la presse leur licenciement du jour au lendemain, voire la fermeture de leur établissement, cependant que les élus de terrains se retrouvent à faire face à des méthodes pour le moins contestables et malheureusement devenues de pratique courante. Mais ce qui me heurte tout autant, c'est de voir les cours de bourse augmenter à l'annonce de ces licenciements ! Cela aussi choque beaucoup de Français.

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison. J'ai oublié d'en parler, mais c'est parfaitement exact.

M. Francis Vercamer. Si le Gouvernement pouvait trouver, dans le cadre de ses réflexions, une solution qui permette de résoudre ces deux problèmes en même temps, elle serait bienvenue. Les licenciements passés qui ont dans le même temps fait considérablement monter les cours en bourse ont causé énormément de tort à l'image de l'entreprise, mais également à celle des dirigeants politiques.

Je ne voterai pas l'amendement de M. Gremetz, mais j'invite le Gouvernement à rechercher une solution.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 21 de M. Gremetz.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 21 :

              Nombre de votants 24

              Nombre de suffrages exprimés 24

              Majorité absolue 13

        Pour l'adoption 9

        Contre 15

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 22.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. Nous partageons totalement l'argumentation de M. Vercamer,...

M. Patrice Martin-Lalande. Nous aussi !

M. Frédéric Dutoit. ...qui doit évidemment amener tout un chacun à s'interroger : comment une annonce de licenciements peut-elle ainsi porter au plus haut le cours en bourse de l'entreprise concernée ? C'est bien la preuve que quelque chose ne va pas.

Par l'amendement n° 22, nous demandons le rétablissement de l'article 101 de la loi de modernisation sociale qui renforce les prérogatives du comité d'entreprise en cas de restructuration ou de compression des effectifs, en permettant notamment le recours à un expert-comptable.

D'éminents spécialistes ont produit une abondante littérature sur les restructurations et les plans sociaux, comme sur les reclassements et la réindustrialisation des bassins d'emploi. Pour avoir tous concrètement vécu semblables expériences, nous savons bien que ce qui préoccupe la majorité des salariés, exception faite, peut-être, des plus âgés, c'est la sauvegarde de leur entreprise et de leur emploi. Les discours et les promesses sur d'éventuels futurs emplois ne rencontrent que peu d'échos, à plus forte raison dans le contexte économique et social que nous connaissons. Chacun sait que le chômage risque de durer et que les emplois qui subsisteront, particulièrement les moins qualifiés, seront précaires ou soumis à des horaires atypiques.

Il convient donc d'agir en amont, surtout lorsque l'on est en présence de licenciements spéculatifs et boursiers, comme c'est fréquemment le cas dans les grands groupes. Or c'est précisément là que le bât blesse, car il ne saurait, dans pareilles circonstances, être question pour le patronat de s'éterniser en discussions avec les représentants des salariés. Les propositions alternatives de ces derniers, si elles sont formulées avec l'appui d'un expert-comptable et assorties d'études sérieuses, fruit de nombreuses réunions du comité d'entreprise, font « perdre de la valeur », dit-on, et retardent le transfert des unités de production vers des pays où l'on peut exploiter la main-d'œuvre à loisir. En fait, ce ne sont pas la restructuration ou les reclassements qui sont retardés, mais bien la recherche de profits accrus grâce à l'utilisation d'un salariat sous-payé et dépourvu de protection sociale. La preuve nous en est fournie par les résultats consternants des cabinets de conseil qui se font pourtant forts de reclasser les salariés licenciés. Du reste, comment pourrait-il en être autrement lorsqu'un bassin d'emploi est sinistré ? L'employeur préfère donc remettre sans délai aux salariés une prime de licenciement qui, pour beaucoup, représente dans un premier temps une somme considérable par comparaison avec les salaires qu'ils touchaient jusqu'alors. Du reste, les patrons privés ne sont pas les seuls à agir ainsi : l'État ne fait-il pas exactement la même chose avec les mineurs des Houillères de Gardanne ?

Aussi notre amendement n° 22 vise-t-il à rétablir les prérogatives du comité d'entreprise dans l'hypothèse d'une restructuration impliquant une compression des effectifs.

L'idée de discuter les choix des chefs d'entreprise est, à vous entendre, inadmissible. Nous n'en sommes pas autrement surpris pour vous avoir entendu tenir ce langage à plusieurs reprises lors des première et deuxième lectures de la loi de modernisation sociale. Cette disposition est à nos yeux très importante en ce qu'elle permet au comité d'entreprise de critiquer l'argumentation de l'employeur et de fonder son analyse et ses propositions alternatives sur une expertise sérieuse. C'est pourquoi nous refusons toute prolongation de la suspension de l'article 101 de la loi de modernisation sociale.

M. Maxime Gremetz. Bravo !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement. Sauf erreur de ma part, le recours à l'expert-comptable, principal argument de M. Dutoit, est déjà prévu dans la loi. Le recours à un médiateur est à nos yeux beaucoup plus discutable, à tel point que le gouvernement de M. Jospin, que vous souteniez et avec lequel vous avez refait campagne, a « oublié » de publier le décret qui donnait la liste des médiateurs auxquels auraient pu avoir recours les comités d'entreprise. N'allez pas nous demander de réparer votre oubli !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Le but du Gouvernement est de développer la négociation en interne sur les projets de restructuration. La nomination d'un médiateur externe ne nous paraît donc pas souhaitable. En revanche, nous retrouverons dans nombre d'accords de méthode des nominations d'experts, qui procèdent d'une autre logique.

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vos explications, monsieur le ministre délégué, relèvent de la méthode Coué : vous renvoyez tout à la négociation...

M. le ministre délégué aux relations du travail. Oui.

M. Maxime Gremetz. ...mais rien n'avance. Vous aviez décidé de prolonger la suspension d'une partie des dispositions de la loi de modernisation sociale, en janvier 2003. Les négociations n'ayant pas abouti, vous demandez maintenant qu'elles soient prolongées de six mois. Et pendant ce temps-là, les licenciements prétendument économiques, en fait boursiers, les délocalisations, les restructurations continueront.

Or vous aviez dit que vous prendriez vos responsabilités - cela figure d'ailleurs au Journal officiel - et que, si au terme du délai que vous aviez fixé, les négociateurs ne parvenaient pas un à un accord, vous légiféreriez.

Maintenant, vous renvoyez à nouveau à la négociation. Les accords passés font exception. Vous ne nous avez d'ailleurs toujours pas dit combien d'entreprises ils concernent.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Mais si !

M. Maxime Gremetz. Il serait pourtant intéressant d'en connaître le pourcentage : environ 0,01 % sur l'ensemble ?

Et ces accords ne sont pas conclus dans les grandes ou les moyennes entreprises, mais plutôt dans les petites structures - le rapporteur l'a d'ailleurs confirmé à la commission.

En fait, votre but est tout simplement de laisser toute latitude aux patrons pour licencier. Mais vous verrez, nous en reparlerons dans six mois.

M. Dominique Dord, rapporteur. Il le faudra bien.

M. Maxime Gremetz. Mais peut-être n'aurez-vous pas le courage de remettre cette question à l'ordre du jour - vous auriez trop honte - et légiférerez-vous par ordonnance, de peur que nous vous rappelions les propos que vous avez tenus aujourd'hui ! Alors, assumez vos responsabilités, dites-le clairement !

Vous continuerez à vous exclamer à la télévision contre certains licenciements, et pour le reste, à appliquer les directives du MEDEF.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 23.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à rétablir la possibilité de saisir un médiateur sur un projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement concernant au moins cent salariés. L'introduction, dans la loi de modernisation sociale, de la saisine d'un médiateur ne nous était pas apparue, à l'époque, comme une solution suffisante au regard du caractère dramatique des licenciements. Pour autant, nous savions combien son intervention peut être utile aux salariés, dans le cadre des conflits du travail. C'est pourquoi nous avions soutenu cette proposition, qui représente selon nous un outil d'action supplémentaire dans les mains des salariés luttant pour la préservation de leur emploi et souvent aussi de leur entreprise.

C'est avec les mêmes motivations que nous avons déposé cet amendement visant à rétablir l'article 106 de la loi de modernisation sociale. Replaçons le médiateur dans le contexte du processus que vous avez cassé. Dès qu'il y a problème dans une entreprise, un médiateur peut être désigné. Il vérifie que le dialogue social s'engage bien, avec toute la transparence nécessaire, notamment sur la situation réelle de l'entreprise pour vérifier si, oui ou non, le motif invoqué pour le licenciement est justifié.

Le médiateur favorise le dialogue entre l'entrepreneur, les organisations syndicales et le comité d'entreprise, qui présentent des contre-propositions. À ce stade, le médiateur porte un jugement et donne son avis sur la solution qu'il trouve la meilleure. S'il ne parvient pas à convaincre du bien-fondé de sa solution et si son avis n'est pas suivi, il faut porter le conflit au tribunal, car seul le juge est à même de trancher.

L'entrepreneur a la faculté de contester l'avis du médiateur, et c'est son droit, y compris au tribunal, tout comme les salariés.

Le médiateur permet d'explorer toutes les solutions novatrices avant de procéder au licenciement pour raison économique, et de favoriser le dialogue social sur la base de faits concrets. C'est la raison pour laquelle nous proposons de rétablir la possibilité de saisir un médiateur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous avons déjà amplement parlé du médiateur. Dans les accords de méthode, les partenaires sociaux ont préféré, plutôt que le recours à un médiateur, de nouvelles possibilités de faire appel à un expert.

Il est probable que nous retrouverons cela, dans six mois, dans le projet de loi qui viendra en discussion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous avons déjà largement débattu de la question du médiateur. Je me contenterai de rappeler quelques chiffres : en 2003, quelque 1400 dossiers ont été déposés devant les directions départementales du travail et de l'emploi. Il y a eu 155 accords de méthode, ce qui concerne 12 % des entreprises, et non 0,01 %, monsieur Gremetz. Ils ont été signés pour 42 % dans les petites et moyennes entreprises et pour 58 % dans des grands groupes et leurs filiales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 24.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement vise à rétablir les critères retenus pour établir l'ordre des licenciements par catégorie professionnelle et à supprimer le critère des qualités professionnelles, qui conduit à licencier en priorité les salariés les plus fragiles.

Il convient notamment de prendre en compte, comme le prévoit l'article 109 du code du travail, les charges de famille, pour les parents isolés, l'ancienneté de service dans l'entreprise ou dans l'établissement, pour protéger les salariés âgés, et les caractéristiques sociales qui rendent une réinsertion difficile, comme c'est le cas pour les personnes handicapées.

Sans une telle prise en compte, le risque est grand que les premiers licenciés ne soient les plus difficiles à reclasser et ne deviennent des chômeurs de longue durée, quand ils ne seront pas purement et simplement promis au RMI. Est-ce cela que nous recherchons ?

Mes chers collègues, il y a une contradiction dans le discours du Gouvernement : officiellement, il défend la nécessité de faire travailler plus longtemps les « seniors » et d'insérer les personnes handicapées dans l'entreprise, mais, dans le même temps, il proroge la suspension de l'article 109.

Je souhaite, pour ma part, plus de cohérence. La solidarité nationale, qui est en voie de démantèlement, ne joue plus complètement son rôle. C'est donc vers les collectivités que se tournent légitimement les victimes de plans sociaux.

Par conséquent, il est souhaitable à tous points de vue de revenir à des pratiques différentes et d'en revenir aux critères déterminés par la loi de modernisation sociale.

Cet amendement vise, lui aussi, à revenir sur l'ordre à suivre dans un licenciement collectif et à supprimer le critère des qualités professionnelles.

II nous semble que la situation qui résultait de l'application de l'article 109, même dans le cas, toujours extrêmement dommageable, de la perte d'un emploi, était malgré tout meilleure que celle qui prévaut depuis la suspension de l'application de cet article. Nous demandons en conséquence le rétablissement de ces dispositions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement. Je suis choqué que M. Dutoit considère les qualités professionnelles des seniors ou des travailleurs handicapés inférieures à celles des autres.

M. Frédéric Dutoit. Pas du tout.

M. Dominique Dord, rapporteur. Alors, il y a un malentendu, car vos arguments le laissent penser et il ne saurait, bien entendu, en être question.

M. Maxime Gremetz. Pas du tout : qualité professionnelle veut bien dire ce que cela veut dire.

M. Dominique Dord, rapporteur. Soit.

Par ailleurs, je rappelle que nous sommes dans le cadre d'entreprises en difficulté, puisqu'elles ont recours aux licenciements économiques. Je comprends qu'il soit délicat de désigner les salariés de moins bonne qualité, mais ce sont justement ceux que l'entreprise ne peut se permettre de garder. Je comprends que vous soyez choqués. Mais je vois mal comment, en pleine situation de crise économique, l'entreprise pourrait ne pas s'appuyer, pour continuer à vivre, sur ses salariés les plus efficaces, donc les plus compétents.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Dutoit, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Je vous indique que nous avons engagé une réflexion avec les partenaires sociaux, en liaison avec le Conseil d'orientation des retraites, sur l'activation des seniors. Dans notre pays, leur taux d'activité, ainsi que celui des jeunes, est parmi les plus bas au sein de la Communauté européenne. C'est donc un sujet de réflexion important pour le Gouvernement.

La réflexion suit trois axes : la formation professionnelle tout au long de la vie ; l'aménagement des fins de carrière et les formes d'emploi adapté ; enfin, la dimension de la santé et de la sécurité au travail. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors des négociations qui vont s'engager dans quelques jours avec les partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je ne suis pas du tout d'accord avec le groupe communiste. Autant sur les études d'impact, on pouvait discuter, mais, là, ce n'est pas possible.

Dans une entreprise, la qualité professionnelle est extrêmement importante. Ne pas la prendre en compte serait en quelque sorte accorder une prime à celui qui ne se forme pas : le salarié qui refuse de se former aurait plus de chance de rester dans l'entreprise. En tout cas, c'est ainsi que je traduis votre amendement. Je voterai donc contre.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 25.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à rétablir l'article 116 de la loi de modernisation sociale, qui prévoit que l'autorité administrative compétente, c'est-à-dire l'administration du travail, peut, tout au long de la procédure de consultation des représentants du personnel et jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise, présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan social en tenant compte de la situation économique et des capacités financières de l'entreprise ou du groupe, ce qui paraît aller de soi.

L'employeur doit faire une réponse motivée aux propositions de l'administration du travail, faute de quoi il ne peut notifier les licenciements. L'article 116 dit également que la carence du plan social peut être constatée et qu'une nouvelle réunion du comité d'entreprise doit alors être organisée. Malheureusement, l'application de cet article de bon sens a été suspendue par la loi Fillon sans qu'aucun argument autre que la cohérence avec la suspension des autres articles relatifs au licenciement ne le justifie. Il est vrai que les inspecteurs et contrôleurs du travail trouvent rarement grâce aux yeux des employeurs.

Leurs effectifs sont longtemps restés stables, c'est-à-dire insuffisants compte tenu de l'augmentation du nombre des salariés. Il a fallu attendre les recrutements décidés par Martine Aubry pour voir enfin leur nombre augmenter de façon significative. Quatre-vingt-deux postes d'inspecteurs et 416 postes de contrôleurs ont ainsi été créés entre 1998 et 2002. Mais curieusement, et vous avez peut-être une explication à nous fournir, aucune création de poste n'est prévue dans les lois de finances pour 2003 et 2004. Il y a même eu des propositions de loi tendant à vider de toute substance les missions de l'inspection du travail. On voulait, disait-on, éviter de mettre les inspecteurs du travail en situation délicate d'arbitrage et recentrer leur activité sur la protection de l'hygiène et de la sécurité, ainsi que sur la lutte contre le travail au noir.

C'est sans doute le même souci d'épargner les problèmes d'« arbitrage » à l'administration du travail qui a conduit à la suspension de l'article 116. Il s'agit de cantonner l'inspection du travail à un contrôle strictement procédural, les pouvoirs publics ne devant surtout pas intervenir au fond, pas même pour proposer de compléter le plan social. Ils ne sont même pas censés avoir connaissance des capacités financières de l'entreprise. N'est-ce pas un aveuglement volontaire et organisé ?

Mes chers collègues, afin de rétablir l'équilibre de notre arsenal législatif et de ne pas laisser ce nouveau déni perdurer, nous demandons que l'article 116 retrouve force de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

J'ajoute que l'inspection du travail exerce son contrôle. (Protestations sur les bancs des député-e-s communistes et républicains). Elle est très tôt informée de l'état des procédures et donne un avis.

Par ailleurs, pour les accords de méthode, c'est-à-dire là où les partenaires sociaux se sont mis d'accord, ce qui représente 15 % des plans...

M. Maxime Gremetz. Précisez le nombre d'entreprises concernées !

M. Dominique Dord, rapporteur. Le ministre vous l'a donné tout à l'heure !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !

M. Dominique Dord, rapporteur. Le ministre vous redonnera le nombre de plans sociaux présentés ces neuf derniers mois afin que vous puissiez vous rendre compte que les 140 ou 150 accords de méthode en représentent bien 15 %.

M. Maxime Gremetz. Vous parlez du nombre de plans sociaux présentés !

M. Dominique Dord, rapporteur. C'est en effet de cela qu'il est question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avis défavorable. L'État est là pour faire respecter les règles, notamment le code du travail, et protéger les salariés. Il vous a peut-être échappé que Jean-Louis Borloo et moi-même avons demandé le développement du corps des inspecteurs du travail et engagé une réorganisation régionale par sections spécialisées, de façon à accroître son efficacité dans l'intérêt des salariés et des entreprises. Pour la seule année 2005, nous demandons autant que ce qui a été fait entre 1998 et 2002. Nous sommes donc conscients de l'importance du rôle de l'inspection du travail mais aussi des orientations nécessaires, dans le respect de l'article 81 de la convention de l'OIT, relatif à son indépendance.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je reconnais que l'autorité administrative, en l'occurrence l'inspection du travail, est particulièrement utile en cas de liquidation, car, souvent, le liquidateur ne connaît pas le code du travail en matière de licenciement économique ou ne le respecte pas. Il peut apporter sa compétence juridique pour veiller à ce que le liquidateur respecte le code du travail.

Cela dit, je me félicite des propos du ministre, car il faudrait repenser le rôle des inspecteurs du travail afin que ceux-ci ne fassent pas seulement figure de gendarmes ou de chien dans un jeu de quilles, mais agissent aussi comme conseils. Il conviendrait de réorienter le rôle de l'inspecteur du travail afin de ne pas demander à l'autorité administrative de juger à la place du juge.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il faudrait gérer vos contradictions. Si elles permettent parfois de progresser, en l'occurrence, elles vous conduisent droit au mur. Le rapporteur fait comme s'il n'y avait aucun problème d'insuffisance des effectifs dans l'inspection du travail, mais le ministre nous annonce que lui et M. Borloo ont demandé autant de postes qu'entre 1998 et 2002. Je veux bien que nous ayons affaire à un gouvernement à plusieurs voix, mais qui croire ? Je ne sais à quel saint me vouer. Mettez-vous d'accord, car vos réponses sont insuffisantes.

Pour ma part, je ne demande pas à l'inspection du travail de s'occuper de procédure, mais de vérifier que les entreprises respectent bien le code du travail et, en cas de conflit, de dire le droit. Je citerai l'exemple de la procédure qui a abouti à la fermeture de l'entreprise Rosenlew, à Beauval, près de Doullens. On a renoncé à attaquer les actionnaires qui l'avaient pillée en prétendant que c'était le droit allemand qui s'appliquait et non le droit français, au motif que la holding concernée était basée en Allemagne. J'attends qu'un spécialiste du droit du travail me donne des explications, bien que je les connaisse déjà après avoir interrogé un juriste indépendant. Résultat : une région dévastée, et l'on se tourne maintenant vers les collectivités locales pour réparer les dégâts.

Je ne fais pas de droit pour le droit. Je suis pour que l'on fasse payer les responsables. Encore faudrait-il des inspecteurs en nombre suffisant. Le département de la Somme n'en compte que quatre, alors qu'il comporte une zone industrielle de 12 000 salariés qui exigerait à elle seule au moins un inspecteur.

Telle est la réponse que je souhaitais faire à M. le rapporteur, dont je ne suis pas sûr qu'il soit lui-même très convaincu par son argumentation. Il la sait faible et contradictoire, mais il essaie de tenir le moins mal possible son rôle de rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 26.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. L'article 118 de la loi du 17 janvier 2002 a créé une contribution nouvelle dont sont redevables les entreprises de plus de cinquante salariés qui procèdent à des licenciements ayant un effet important sur le bassin d'emploi. Cette disposition n'est pas négligeable, mais notre amendement vise à rappeler au rapporteur et au Gouvernement qu'elle n'a jamais pu s'appliquer car le décret d'application n'a pas été publié. On ne saurait donc prétendre que cette loi a des effets négatifs sur l'emploi. Entre les articles de la loi qui ont été suspendus et ceux qui ne peuvent s'appliquer faute de décret, vous conviendrez qu'il ne reste pas grand-chose de la loi de modernisation sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. L'article 118 est en effet maintenu et, après la parution du décret, les deux catégories d'entreprises visées devront prendre des mesures d'accompagnement pour permettre la réindustrialisation des sites.

Le décret paraîtra, sauf erreur, lorsque les négociations sociales auront abouti, donc dans quelques mois. Mais le ministre va répondre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Dans un plan social qui fait actuellement l'objet d'une négociation, nous avons imposé très clairement des mesures de revitalisation.

Je souhaite rappeler quelles sont les mesures applicables sans décret. D'abord, les entreprises de plus de cinquante salariés sont obligées de participer à des réunions avec le service public de l'emploi pour revitaliser le bassin d'emplois. Ensuite, les entreprises de plus de 1 000 salariés sont tenues de prendre des mesures en faveur de la création d'activité selon un cahier des charges, dans la limite d'un plancher fixé à deux fois le SMIC par emploi supprimé. C'est le décret de reversement, en cas de non-respect de ce plancher, qui n'a pas été pris. Enfin, il est prévu la signature d'une convention avec l'État pour préciser le contenu des mesures de réactivation.

Monsieur le rapporteur, oui, nous travaillons, et ceci fait partie de la négociation qui se poursuit, sur la sortie de ce décret. D'ores et déjà, nous imposons un certain nombre de mesures dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi et de restructuration.

J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Mais c'est l'éclairage que vous souhaitiez.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDF ne votera pas cet amendement. Tout à l'heure, un orateur du groupe socialiste nous a expliqué que le gouvernement socialiste n'avait pas pu, en son temps, prendre les décrets d'application entre le 17 janvier 2002 et l'élection présidentielle et les législatives qui ont suivi. Je ne vois donc pas comment l'actuel gouvernement pourrait le faire en six mois.

M. François Brottes. M. Vercamer nous cherche ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous dites que le décret n'est pas paru mais qu'il y a une directive d'application.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Non, la loi s'applique.

M. Maxime Gremetz. Je ne comprends pas.

Il est indiqué que les procédures d'application de l'article 118 seront précisées par un décret en Conseil d'État. J'aimerais que l'on m'apporte des éclaircissements sur ce point, car c'est globalement la seule disposition qui reste de la loi de modernisation sociale.

Comment mettez-vous en œuvre ces procédures ? Par une circulaire ? Par une recommandation aux directions départementales du travail ? Nous n'avons aucun élément de réponse. Donnez-nous le mode d'emploi, puisque c'est le décret qui devait le préciser. Avouez qu'il y a de quoi ne plus rien comprendre puisque, de son côté, le rapporteur nous indique que le décret verra le jour dans quelques mois.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je rappelle que la loi est d'application directe. Le décret ne concerne que le mode de reversement au Trésor public en cas de non-respect du seuil de participation qui doit être le leur.

Monsieur Gremetz, si vous avez des difficultés dans votre région, prenez contact avec moi, car, dans d'autres régions, nous avons trouvé des solutions pour appliquer cet article.

M. Maxime Gremetz. J'ai plein de difficultés, et M. Gonnot ici présent le sait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1.

Je souhaite appeler l'attention de l'Assemblée, de la présidence et du Gouvernement sur les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à travailler, et cela a déjà été indiqué à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Ce qui se passe cette semaine en est une fois de plus l'illustration.

Lors de la mise en place de la session unique, des assurances avaient été présentées aux membres de cette assemblée. On leur avait expliqué qu'ils pourraient travailler dans des conditions régulières et décentes. Or l'ordre du jour ne cesse d'être bouleversé. L'article 50 de notre règlement prévoit que l'Assemblée se réunit chaque semaine en séance publique le matin, l'après-midi et la soirée du mardi, ainsi que l'après-midi et la soirée du mercredi et du jeudi. Sans doute des exceptions sont-elles prévues, mais les séances du lundi, du vendredi, voire du samedi cette semaine si le débat sur EDF se prolonge, deviennent monnaie courante, comme si cette assemblée était une sorte de pâte molle qu'on pourrait modeler naturellement, en déployant et repliant le linoléum de l'ordre du jour en fonction des besoins du Gouvernement.

Il n'est absolument pas satisfaisant de travailler dans ces conditions. Aussi, pour appeler l'attention de notre assemblée et du Gouvernement sur cette attitude, je demande une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. Monsieur Gorce, il est tard et il nous reste peu d'amendements à examiner. Accepteriez-vous que la suspension de séance vienne à la fin ? (Rires.)

M. Gaëtan Gorce. Clarifiez vos propos, monsieur le président !

M. le président. L'humour politique a été récompensé ce soir, mais pas lors de cette séance. (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. Disons que la suspension sera brève.

M. le président. Bien.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, le mardi 22 juin 2004, à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en arrivons à l'article 1er

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, inscrit sur l'article.

M. Maxime Gremetz. Quelles auront été les conséquences de la suspension de certaines des dispositions de la loi de modernisation sociale relatives aux licenciements économiques, décidée six mois après votre prise de pouvoir ?

Elles sont simples : fermetures brutales d'entreprises, délocalisations sauvages, restructurations à tout va, licenciements, suprématie des gros actionnaires. La règle est dorénavant édictée par des patrons-voyous - ils ne le sont pas tous, heureusement ! - qui mettent la clé sous la porte en catimini.

Il en est ainsi, en Picardie, avec Flodor ou, dans le département des Bouches-du-Rhône, avec l'usine Nestlé de Marseille, qui est la plus grande usine française de ce groupe. À la suite des nombreuses et sombres manoeuvres de la direction - stocks déménagés vers une destination inconnue, réunion clandestine de la direction et du haut encadrement -, les syndicats, le 11 mai dernier, tiraient la sonnette d'alarme.

Quelles sont les raisons invoquées pour justifier cette fermeture ? C'est sans doute « la capacité à anticiper » des entreprises dont parle le Gouvernement ! En fait, la fermeture de ces usines n'est motivée que par la recherche de profits financiers toujours plus importants - ils ne le cachent pas d'ailleurs - pour assurer les rentes des actionnaires et par l'exigence, jamais assez satisfaite, de la diminution du coût du travail. Mais qu'en est-il alors des salariés, de leur famille et des territoires ?

Monsieur le ministre, qu'attend le Gouvernement pour prendre des initiatives à même de préserver nos industries ?

Devant la mise en concurrence des salariés, qu'amplifie aujourd'hui l'élargissement à l'Europe de l'Est, qui offre un véritable Eldorado aux appétits patronaux, une harmonisation par le haut des législations sociales européennes ne s'impose-t-elle pas si nous voulons éviter les délocalisations d'entreprises ?

Mes chers collègues, nous ne pouvons accepter, et nous n'accepterons pas, vous le comprenez bien, cet abaissement de notre droit que prévoit aujourd'hui la proposition de loi relative aux licenciements économiques qui a été adoptée par le sénat. De la même façon, nous ne pouvons être favorables au prochain projet de loi de sauvegarde des entreprises, qui limite son ambition au traitement des entreprises en difficultés, menacées de liquidation.

Le député UMP Max Roustan l'a déclaré en présentant le rapport de la délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire sur la désindustrialisation du territoire, il n'est que temps de mettre en place une véritable stratégie industrielle en France. « Notre industrie est fragilisée par la mondialisation et l'ouverture intempestive des frontières », ajoutait-il.

Ce rapport parlementaire n'en indique pas moins que l'industrie continue à augmenter annuellement sa valeur ajoutée. Des profits sont donc bien dégagés. Mais, au lieu d'être investis pour accroître les productions et développer l'emploi, ils sont reversés à des actionnaires, toujours plus exigeants. Accroître la rentabilité pour accroître les placements boursiers des actionnaires devient le seul leitmotiv, et ce, monsieur le ministre, au détriment du développement économique de la France, de notre législation sociale et de notre législation du travail, ce qui provoque davantage de chômage, de précarité et de détresse sociale.

Il est temps, chers collègues de la majorité gouvernementale, d'en finir avec les pétitions d'intention et de passer aux actes, afin de tout mettre en oeuvre pour sauver l'industrie française et les emplois qu'elle génère.

Les salariés n'ont pas besoin de larmes de crocodile, monsieur le ministre, mais d'actes concrets qui répondent à leur situation.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 27 et 31, tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre l'amendement n° 27.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement est un amendement de coordination avec les amendements que j'ai déjà présentés.

L'article 1er de la proposition de loi de M. Gournac prévoit de porter la durée de suspension des articles de la loi de modernisation sociale relatifs aux licenciements de dix-huit à vingt-quatre mois. Nous demandons évidemment la suppression de cet article.

Nous nous interrogeons, une fois encore, sur les motivations d'une telle proposition. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il cette prorogation ? Pourquoi a-t-il soutenu cette proposition de loi ? À quoi cela va-t-il servir ?

Depuis dix-huit mois que le Gouvernement a suspendu l'application de ces articles, la négociation est supposée se poursuivre, alors que, après une douzaine de réunions, elle en est toujours au même point. Il est d'ailleurs fort probable qu'elle n'aboutira pas, vous le savez aussi bien que nous, et les partenaires sociaux concernés aussi. On imagine mal les syndicats donner leur accord à un dispositif qui reviendrait à entériner les plans sociaux et les licenciements, en échange de vagues promesses.

Le MEDEF, quant à lui, n'entend pas répondre favorablement aux demandes des syndicats sur deux points essentiels que je voudrais souligner.

Le premier point touche au financement des restructurations. C'est une évidence que nous connaissons tous. Pendant longtemps, les préretraites à la charge du contribuable ont servi de dispositif de restructuration gratuit pour les industries en voie de mutation ou de déménagement. Mais le système est tari. La situation budgétaire ne rendra pas le gouvernement de droite plus conciliant sur ce point que celui de Lionel Jospin, qui a mis fin à cette perversion.

Par ailleurs, depuis l'adoption de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, les partenaires sociaux signataires d'un accord doivent préciser s'ils ont ou non voulu donner un caractère normatif à celui-ci.

Le patronat n'entend pas se laisser lier les mains par des accords normatifs. Pourquoi reviendrait-il sur ce qu'il vient d'obtenir, à savoir la destruction du principe de faveur ? Pour des raisons juridiques et financières, la probabilité est très grande que la négociation n'aboutisse pas à l'automne prochain. Il nous est donc proposé non pas de proroger la suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale, mais d'avancer d'un pas supplémentaire, sans le dire, vers l'abrogation.

Nous allons donc en fait vers une nouvelle loi, que vous avez évoquée vous-même, monsieur le ministre, mais sans en préciser les bases, et c'est cela qui est aujourd'hui le plus inquiétant.

Nous sommes obligés de vous demander, puisque « gouverner c'est prévoir », comment vous envisagez les choses dans l'hypothèse, très probable, où il n'y aura pas d'accord. Dès l'automne prochain, il va vous falloir décider.

Il faut bien constater qu'une négociation relative aux restructurations, quelle que soit la manière dont on l'envisage, ne peut être prise au sérieux que si des emplois peuvent succéder à ceux qui disparaissent. Les chiffres du chômage illustrent la difficulté devant laquelle vous vous trouvez.

Le Gouvernement et sa majorité accordent une attention pointilleuse aux procédures de licenciement. Est-ce seulement pour des raisons juridiques ? Est-ce vraiment l'essentiel ?

L'important pour l'avenir de notre pays, ce n'est pas tant de revenir sur les procédures de licenciements que d'avoir une politique de l'emploi, c'est-à-dire une stratégie économique porteuse d'emplois. C'est le problème de fond posé par les restructurations et les reclassements.

Pour être crédibles, les structures de reclassement, publiques et privées, doivent avoir quelque chose à proposer : des entreprises ayant quelque perspective de pérennité, des emplois stables, un investissement de l'entreprise sur le territoire où elle s'implante. Les mutations économiques font partie du cours normal de l'histoire. Mais qu'un gouvernement n'ait pas d'autre stratégie que la réduction des acquis sociaux et la destruction du droit du travail est un peu court. C'est véritablement une politique hémiplégique au service d'une petite minorité qui ne s'embarrasse pas de l'intérêt de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous souhaiterions connaître les propositions constructives que vous pourriez formuler pour une politique dynamique.

Pour le moment, il n'y a pas lieu de proroger la suspension de dispositions régulièrement votées par le législateur. Nous demandons, par conséquent, la suppression de l'article 1er.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 31.

M. Gaëtan Gorce. Effectivement, nous demandons nous aussi la suppression de l'article 1er, pour plusieurs raisons, dont je ne citerai que deux.

D'abord, nous sommes, je l'ai déjà dit, dans la plus totale hypocrisie : ce n'est pas de « suspension » qu'il s'agit mais bien d'une abrogation masquée, puisqu'il n'a jamais été question pour le Gouvernement de revenir sur cette suspension et de permettre à ces dispositions d'entrer en application, faute d'une négociation achevée.

Ladite négociation a beaucoup de mal à aboutir - peut-être cela se produira-t-il dans les mois qui viennent - pour des raisons qui tiennent au fait qu'elle est déséquilibrée. En effet, le Gouvernement n'a, à aucun moment, indiqué quels étaient les garde-fous ou les lignes de conduite autour desquelles cette négociation pouvait se nouer. Il est d'ailleurs, à cet égard, tout à fait regrettable, je le répète, que nous n'ayons aucun bilan de cette négociation.

Puisque, depuis dix-huit mois, les partenaires sociaux se sont réunis un certain nombre de fois, il aurait été légitime que nous disposions au moins d'un état des lieux, d'une analyse de cette situation par le Gouvernement. Et il ne suffirait pas qu'il réponde à une question que je poserais dans cet hémicycle à cette heure avancée de la nuit : mieux vaudrait une présentation détaillée en commission. D'ailleurs, celle-ci aurait dû d'elle-même la réclamer.

Nous avons affaire à un simulacre de débat parlementaire sur un sujet pourtant très important. Cette caricature de discussion justifie à elle seule la suppression de l'article 1er et donc l'adoption de notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable. Je reconnais que la position du groupe communiste est cohérente. Il en fait la synthèse ici en demandant la suppression d'un article qui tend à prolonger pour six mois la suspension de certaines mesures de la loi de modernisation sociale. C'est le cas aussi de M. Gorce. Mais si nous les suivions, nous mettrions à bas toute la logique de cette suspension, d'abord pour dix-huit mois, puis pour six mois supplémentaires, dans l'attente d'un aboutissement plus net des discussions des partenaires sociaux sur l'ensemble du droit du licenciement collectif, ou, à défaut d'un accord sur l'ensemble, dans l'attente d'accords partiels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Je ne suis pas favorable aux deux amendements présentés par M. Gremetz et par M. Gorce.

Puisque M. Gorce m'a interrogé sur ce sujet, je rappellerai quelques points de convergence auxquels sont parvenus les partenaires sociaux : la gestion anticipée des emplois et des compétences, les conditions de négociation des plans de sauvegarde de l'emploi et l'activation des dispositifs de reclassement.

Il reste des points de divergence importants, notamment le fonds de mutualisation pour les petites et moyennes entreprises, que j'ai évoqués cet après-midi.

Par ailleurs, monsieur Gremetz, je vous rappelle que l'accord de méthode est normatif au niveau de l'entreprise.

Notre logique est de faire confiance aux partenaires sociaux pour continuer de progresser et nous souhaitons parvenir à un accord. En tout cas, tels sont les points de convergence sur lesquels, le moment venu, je le répète, le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendement nos 27 et 31.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à abroger certains articles de la loi de modernisation sociale à l'issue des vingt-quatre mois de suspension si aucun projet de loi n'est adopté.

Aujourd'hui, cette loi fait peser une incertitude juridique, notamment sur les entreprises. Il importe donc de mettre fin à cette incertitude en abrogeant ces dispositions. Si elles sont mauvaises, mieux vaut les abroger plutôt que les suspendre, à l'issue de la période de suspension.

En outre, cet amendement, s'il était adopté, pourrait encourager la négociation et inciter les partenaires sociaux à trouver un accord, puisque, à l'issue des vingt-quatre mois de suspension, bon nombre d'articles de la loi de modernisation sociale seront supprimés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement visant à abroger purement et simplement les articles suspendus de la loi de modernisation sociale. Il ne s'agit pas de remettre ces dispositions à l'ordre du jour ni de les abroger, mais d'en prolonger la suspension. Cela étant, à l'issue de la période de six mois qui va s'ouvrir, on ne peut imaginer une nouvelle suspension. Si telle est votre inquiétude, cher collègue, vous pouvez d'emblée être rassuré. Mais dire à l'avance que nous abrogerions certains de ces articles donnerait droit à l'argumentation de nos collègues communistes en particulier...

M. Maxime Gremetz. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Trouvez une autre méthode !

M. Dominique Dord, rapporteur. ...puisque cela mettrait le MEDEF en position de force dans la discussion. Dire à l'avance que, faute d'accord, ces articles seraient abrogés n'inciterait pas le MEDEF à négocier et n'aboutirait pas à une discussion équilibrée, au sens où l'entend M. Gorce.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Vercamer, je pense avoir déjà répondu à vos interrogations et apaisé vos inquiétudes. Aujourd'hui, ce sont les textes antérieurs aux dispositions suspendues qui s'appliquent. Nous ne sommes donc pas devant un vide juridique. Les accords de méthode s'appliquent aussi à environ 15 % des situations.

Je renouvelle devant l'Assemblée l'engagement du Gouvernement de déposer un projet qui constaterait les accords, éventuellement partiels, et dans lequel le Gouvernement prendrait toutes ses responsabilités.

Monsieur Vercamer, au regard de l'engagement que j'ai pris, je souhaiterais que vous retiriez cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je retire l'amendement.

Cela étant, monsieur le ministre, lors du débat sur la loi de 2003, M. Fillon, à l'issue de la discussion générale, m'avait fait la même promesse en me disant de ne pas m'inquiéter, puisqu'un projet de loi serait déposé dans les dix-huit mois. Mais les événements ont fait qu'il n'a pas pu le déposer !

M. le président. L'amendement n° 30 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président. Je suis sais d'un amendement n° 32, portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir cet amendement.

M. Gaëtan Gorce. Je souhaite obtenir de la part du Gouvernement quelques explications sur la façon dont il entend accompagner l'UNEDIC pour faire face aux nouvelles charges qui lui sont ainsi imposées.

Nous ne pouvons que nous réjouir que le Gouvernement, après plusieurs mois de refus, ait finalement pris en compte la demande qui lui avait été faite sur ces bancs de ne pas laisser le régime d'indemnisation de chômage rejeter vers l'ASS et le RMI plusieurs centaines de milliers de chômeurs jusque-là indemnisés.

Si nous nous réjouissons de la décision de les réintégrer dans leurs droits, je rappelle cependant qu'il a fallu pour cela un verdict des urnes particulièrement sévère à l'encontre du Gouvernement.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la façon dont cette réintégration sera financée. L'annonce faite par M. Borloo selon laquelle l'État renoncerait à une créance de 1,2 milliard d'euros sur l'UNEDIC ou sur ses excédents n'est qu'un faux-semblant. D'abord parce que cette mesure avait déjà été annoncée par M. Fillon à l'UNEDIC à la fin de l'année dernière, bien qu'elle n'ait pas été rendue publique, et ensuite parce qu'elle ne correspond pas à une véritable entrée de fonds pour l'UNEDIC afin de faire face à une dépense qui sera d'ailleurs supérieure, puisqu'on l'a estimée à près de 2 milliards d'euros. À supposer qu'une solution soit trouvée, il reste un déficit de l'UNEDIC relativement important, sur lequel les pouvoirs publics, sans se substituer aux partenaires sociaux, devraient apporter un éclairage, puisqu'il a une incidence sur l'équilibre des comptes publics et sur la politique d'indemnisation.

Nous apprécierions que le Gouvernement nous apporte des réponses sur ce sujet majeur. De ce point de vue, d'ailleurs, l'article 2 n'apparaît que comme une mesure technique, qui masque, une fois de plus, l'absence de réponse sur les sujets préoccupants que sont l'avenir du système d'indemnisation et son financement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement.

J'en comprends l'esprit : c'est une déclaration de principe dont je comprends le fondement, mais dont je ne reconnais pas le caractère législatif. Il me semble que l'avenir de l'UNEDIC et de ses comptes est d'abord l'affaire des partenaires sociaux.

À titre personnel, je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. M. le rapporteur l'a souligné, les comptes et la gestion de l'UNEDIC appartiennent d'abord aux partenaires sociaux. Cela étant, l'État ne peut pas se désintéresser de cette question. D'ailleurs, il s'y intéresse tellement que, dès lors qu'il y a des excédents, il a tendance à y puiser, sans prévoir des temps plus difficiles.

La décision prise par le Gouvernement de rétablir les allocataires dits « recalculés » - comme M. Le Garrec, je n'aime guère cette expression - dans leurs droits initiaux a évidemment un coût. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé en même temps le report d'échéance de la créance de 1,2 milliard d'euros qu'il détient sur l'UNEDIC. À ce stade, il n'est donc pas nécessaire pour l'État de s'engager dans une quelconque négociation avec les gestionnaires de l'UNEDIC, d'autant que nous sommes tombés d'accord sur ce dispositif, à propos duquel, d'ailleurs, nous avons eu un véritable dialogue avec les gestionnaires signataires de l'UNEDIC. C'est en effet la responsabilité des partenaires sociaux.

Par contre, nous allons engager avec les partenaires sociaux un débat sur l'avenir du régime d'assurance chômage dès le début de l'année prochaine, sans attendre que la pendule nous conduise, en octobre ou en novembre, à des décisions à prendre avant le 31 décembre 2005.

Voilà pourquoi nous souhaitons une évaluation du PARE. Nous voulons également engager une réflexion sur les modes de gestion des trésoreries de l'UNEDIC et envisager une attitude différente de l'État.

Voilà quelques-uns des sujets auxquels, bien entendu, la représentation nationale sera associée. Quant au Gouvernement, il appartiendra aux partenaires sociaux de lui faire part de leurs propositions, puis de déterminer un accord.

En réalité, monsieur Gorce, il s'agit plutôt d'un appel à échange. Cela étant, le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement que vous avez déposé avec M. Le Garrec.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Il s'agit en effet d'un amendement d'appel visant à engager le débat sur ce sujet. Mais la réponse du Gouvernement n'est ni satisfaisante ni rassurante.

D'abord, je continue à m'interroger sur la nature exacte de cette somme de 1,2 milliard d'euros qu'on ne trouve ni au passif de l'UNEDIC ni à l'actif de l'État dans la loi de finances. Autrement dit, on utilise aujourd'hui comme monnaie d'échange une somme d'argent immatérielle. En quoi réglera-t-elle donc la question des comptes de l'UNEDIC ?

Ensuite, je regrette que l'on reporte ainsi la réflexion sur l'équilibre des comptes et que le Gouvernement n'indique pas plus clairement ses intentions. On sait bien, en effet, que les ajustements, notamment sous l'effet de pressions financières telles que la montée du chômage et donc un coût d'indemnisation plus élevé, se font en général au détriment des chômeurs, en réduisant le montant et la durée de l'indemnisation. Sinon, l'État doit indiquer qu'il préfère, par exemple, augmenter les cotisations, ou proposer d'autres mesures.

La tentation pourrait être, comme votre prédécesseur l'avait évoqué, de « renforcer » le contrôle et les sanctions concernant les chômeurs, comme si ceux-ci portaient directement la responsabilité des déficits de l'UNEDIC ! Comme si cette question pouvait suffire à régler le problème du financement de l'UNEDIC !

Je ne veux pas engager de polémique sur le MEDEF, mais il est un des partenaires de ce débat : prenons l'exemple du « cinéma », si vous me permettez d'employer cette image, qu'on nous a fait s'agissant des intermittents du spectacle. On nous a expliqué que les salariés payaient pour eux. Le débat est ouvert, mais nous ne faisons pas la même analyse que vous.

Que coûte à l'UNEDIC l'indemnisation des personnes qui sont en fin de CDD et subissent les ruptures de contrat décidées par le patronat ? Plus de 7 milliards ! Autrement dit, c'est le régime général des salariés qui paie pour la précarité provoquée en partie par le patronat.

Tels sont les sujets sur lesquels la discussion devrait s'engager. Mais je crains que l'ambiguïté ou le flou des réponses que vous nous faites ne servent qu'à dissimuler à terme, soit un recul de l'indemnisation des chômeurs, soit la mise en place de dispositions qui ignoreront les grands sujets autour desquels une réforme de l'indemnisation chômage devrait être organisée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 33.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement a pour objectif d'obtenir des précisions sur le périmètre de la réintégration dans leurs droits des chômeurs qui ont été victimes des dispositions prises antérieurement, ceux que l'on appelle si malencontreusement les « recalculés ». Cette disposition concerne-t-elle aussi les demandeurs d'emplois qui n'ont pas bénéficié du PARE et ceux qui sont issus du secteur public et dont l'indemnisation relève d'un régime particulier ?

Ces précisions apporteraient un peu de clarté à notre discussion sur la mise en place de ce dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Dominique Dord, rapporteur. Une fois de plus, la commission n'a pas examiné l'amendement, mais il me semble, en effet, que ce sont bien les signataires d'un PARE qui sont visés par la décision de réintégration. Peut-on considérer que le régime des demandeurs d'emploi engagés dans une formation non prise en compte dans le cadre du PARE est de même nature que ce dernier ? Le Gouvernement est sans doute capable de répondre à cette question.

De même, s'agissant des demandeurs d'emploi issus du secteur public, le jugement du tribunal de Marseille et l'arrêt du Conseil d'État ne me semblent a priori pas les concerner. Ils relèvent en effet d'un régime particulier. Est-il de même nature que le PARE ? Là encore, le Gouvernement saura, mieux que nous, le dire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. On leur applique en effet, par extension, le même régime. Une circulaire, destinée aux préfets, est en préparation, et même quasiment achevée. Elle permettra de lever toutes les difficultés qui pourraient apparaître s'agissant des demandeurs d'emploi issus du secteur public. L'employeur jouera alors le rôle de l'UNEDIC.

L'avis est donc défavorable, mais je pense que l'amendement était plutôt prétexte à obtenir des informations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 34.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Lorsqu'un accord a été trouvé sur la réforme de l'UNEDIC, voici quelques mois, le Gouvernement s'est empressé de prendre, en parallèle, une disposition extrêmement choquante, dans la mesure où il donnait le sentiment de chercher à faire assumer par le voisin un coût d'indemnisation qui, en raison de l'augmentation du nombre de chômeur, causée d'ailleurs par sa propre politique, est de plus en plus lourd ; il a en effet modifié les conditions dans lesquelles on peut bénéficier de l'ASS en limitant son bénéfice dans le temps et en supprimant la majoration accordée aux chômeurs de plus de cinquante-cinq ans. L'effet était de renvoyer directement les personnes concernées vers le RMI et le RMA, c'est-à-dire vers les collectivités territoriales.

M. le ministre délégué nous a annoncé que cette disposition, initialement prévue pour le 1er juillet, n'entrerait pas en vigueur. Néanmoins, nous avions observé que 180 millions avaient été distraits du budget du ministère de l'emploi en anticipation de cette réforme. Cette somme a-t-elle été rétablie ? J'aimerais avoir quelques explications sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. De toute évidence, c'est au Gouvernement que s'adresse la demande d'explication. La commission n'a pas examiné l'amendement, mais j'estime, pour ma part, dans la mesure où la réforme de l'ASS est de nature réglementaire et où il a été décidé d'y renoncer, que l'amendement est, pour l'essentiel, sans objet.

En ce qui concerne son aspect budgétaire, le ministre pourra sans doute nous en dire davantage.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations du travail. Il était naturel que la loi de finances initiale ne prévoie pas les conditions de versement de l'ASS au-delà du 730e jour. Cela étant, le Président de la République a demandé au Gouvernement de suspendre la mesure. Les allocataires en ont été avertis individuellement au nom de l'État, les ASSEDIC jouant pour lui, dans ce domaine, le rôle d'un prestataire de services.

Il reste à réfléchir à l'évolution ultérieure, ce que nous ferons à l'occasion du débat sur le plan de cohésion sociale.

Naturellement, l'État fera face aux besoins financiers liés au versement de l'ASS. À partir du 1er juillet, celui-ci sera assuré dans les conditions antérieures au décret du 30 décembre 2003.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Comme vous vous en doutez, le groupe UDF se réjouit de voir suspendue la réforme de l'ASS, à laquelle il s'était fermement opposé pendant la discussion budgétaire - j'avais moi-même défendu l'amendement tendant à la supprimer.

Suspension, néanmoins, ne signifie pas rétablissement du dispositif antérieur. Le ministre délégué vient d'annoncer que l'examen du plan de cohésion sociale serait l'occasion de travailler sur cette question. Sachez-le, le groupe UDF sera très vigilant, car nous en avons fait un casus belli.

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous en ferons un casus pacis... (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, inscrit sur l'article 2.

M. Frédéric Dutoit. La proposition de loi du sénateur UMP Alain Gournac a été rectifiée en catastrophe afin d'y introduire une disposition permettant à l'UNEDIC de récupérer les sommes qui ont été versées aux personnes indûment privées de leurs allocations chômage depuis le début de cette année. Il convenait de réparer cette lacune.

La majorité tente ainsi de sauver des eaux un gouvernement en perdition. Dès l'automne dernier, nous avons fait connaître notre désapprobation et notre indignation, tant à l'égard des restrictions concernant l'allocation spécifique de solidarité que de la diminution de la durée d'allocation attachée au PARE.

Un véritable système de vases communicants avait alors été mis en place : les deux mesures bénéficiaient à la fois à l'État et à l'UNEDIC, et faisaient passer une partie des chômeurs concernés vers le RMI. Une telle opération ne pouvait que provoquer des remous !

Il aura fallu qu'une partie de la majorité menace de quitter le navire, et que le Président de la République - qui, nous devons le reconnaître, ne manque pas de sens politique - intervienne pour que la mesure budgétaire concernant l'ASS soit rapportée. Mais il aura surtout fallu, ne l'oublions pas, le courage, la détermination et la pugnacité de ceux qui sont devenus les « recalculés », pour que les tribunaux soient saisis et rendent les décisions que l'on sait en faveur de ces victimes de votre incurie juridique. Cerise sur le gâteau, le Conseil d'État a annulé l'agrément donné par l'État à la convention UNEDIC.

Ce n'est pas seulement d'incompétence qu'il faut parler. On se demande quelle aberration comptable a pu conduire les technocrates à mettre au point ce Monopoly ! Surtout, comment ceux qui détiennent quelque degré de responsabilité ont-ils pu dédaigner à ce point les difficultés matérielles, psychologiques, familiales que rencontrent les chômeurs ? On a trop longtemps laissé dire - on l'a, aujourd'hui encore, entendu à demi-mot - que les chômeurs se complaisent dans leur situation, et qu'il est nécessaire de mettre en place plus de contrôles et de sanctions afin de les inciter à se remettre au travail.

À mon sens, ce qu'il faut surtout, c'est plus de développement économique et une volonté politique de mettre fin à la précarité et de créer des emplois durables. Les chômeurs ne perdent pas leur emploi volontairement. Personne ne se réjouit de l'aggravation du chômage. Et ce n'est pas parce qu'une entreprise ferme et licencie des centaines de travailleurs que les salariés deviennent du jour au lendemain des personnes à l'honnêteté douteuse, des profiteurs du système qu'il faudrait surveiller de près.

Cette inversion des valeurs a d'ailleurs frappé l'opinion. Qui d'entre nous, en effet, ne connaît dans sa famille ou parmi ses proches un chômeur, un jeune condamné aux emplois précaires, un préretraité âgé de cinquante-six ans ? Ce n'est certainement pas en leur direction que l'État et les organismes sociaux doivent prévoir les contrôles les plus détaillés.

L'affaire lamentable, calamiteuse des « recalculés » illustre la paralysie d'un système qui élimine et sanctionne mais n'ouvre que bien peu de perspectives. Faute de choix politiques, nous sommes à nouveau conduits à une impasse : il manque une stratégie économique forte, fondée sur des mesures productives, et non sur de simples exonérations fiscales, qui ne génèrent qu'un surcroît d'épargne improductive ; il manque un engagement de l'État en faveur de la solidarité. Ce n'est pas la première fois que l'UNEDIC se trouve en déficit et que l'État doit faire face, en dernier ressort, à ses responsabilités.

À cet égard, la mesure proposée par M. Jean-Louis Borloo ne nous emmène pas bien loin. Si elle a permis au Gouvernement de se tirer d'affaire, elle ne règle pas la situation de l'UNEDIC. Il importe, dans le cas présent, que l'État intervienne en tant que garant de la solidarité nationale, ce qui, bien entendu, ne signifie pas qu'il doive remplacer les partenaires sociaux dans la gestion du régime. Il convient de saisir l'opportunité pour formaliser la concertation entre les partenaires sociaux, gestionnaires de l'UNEDIC, les associations de chômeurs et l'État. Il faut absolument éviter de reproduire de tels bricolages, préjudiciables aux chômeurs et à la crédibilité des partenaires sociaux.

On nous promet davantage de croissance. Il convient donc de prendre, comme tout bon gestionnaire, les précautions nécessaires, en apurant le passif et en mettant en place un système fiable et durable, lisible et juste, recueillant l'approbation de nos concitoyens. Une des pistes qui n'ont pas encore été mises en œuvre est la taxation des entreprises qui licencient à tout va ou ont systématiquement recours aux contrats précaires, car elles sont de grandes pourvoyeuses de chômeurs. Voilà un moyen efficace « d'enrichir la croissance en emplois », selon la formule consacrée.

Dans l'immédiat, il convient de réparer le préjudice subi par les « recalculés ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Une fois de plus, nous nous heurtons à l'article 40 de la Constitution : deux de nos amendements n'ont pas pu être discutés. Le premier visait à prévoir la réparation du préjudice subi par les « recalculés » ; le second prenait acte de l'engagement du ministre de la culture à ce que soient renégociés le protocole d'accord du 26 juin 2003 et ses annexes en vue d'un règlement plus équitable du dossier. Il s'agissait de restaurer, à titre conservatoire, le régime précédent, dans l'attente d'un aboutissement des négociations, à l'instar de ce qu'avait prévu la loi n° 2002-311 du 5 mars 2002.

Je ne comprends pas pourquoi de tels amendements ont été déclarés irrecevables.

M. Yves Bur. Demandez à la commission des finances !

M. Maxime Gremetz. Ils n'ont pour but que de préciser des décisions prises par le Gouvernement. Inquiet de ne pas les voir venir en discussion, j'ai interrogé le service de la séance, qui m'a répondu que l'article 40 s'y appliquait. Maudit soit cet article !

M. le président. Monsieur Gremetz, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, consulté par le secrétariat de la commission, a fait savoir qu'il était d'avis que l'article 40 de la Constitution, la loi organique relative aux lois de finances et le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale lui semblaient opposables aux amendements nos 28 et 29, mais non à l'amendement n° 30.

M. Maxime Gremetz. « Lui semblaient » !

M. le président. Pardonnez-moi, ces termes sont de moi.

M. Daniel Paul. Vous n'en êtes donc pas persuadé ?

M. le président. Je voulais dire « sont opposables ».

M. Maxime Gremetz. Cet article 40, c'est la « hache » !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, mardi 22 juin, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1613, relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières :

Rapport, n° 1659, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 1668, de M. Bernard Carayon, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 22 juin 2004, à une heure quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot