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Première séance du mercredi 13 octobre 2004

13e séance de la session ordinaire 2004-2005


TIPP (P.


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DÉBAT NATIONAL
SUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, hier, la commission Thélot a rendu son rapport au Premier ministre. Après un débat qui ne fut qu'une mascarade (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et le départ de plusieurs membres de cette commission, qui ont constaté que les dés étaient pipés, nous disposerions donc des fondements de la future loi d'orientation sur l'école.

L'inquiétude est grande à propos de ce texte qui pourrait programmer le démantèlement de notre système éducatif, et une manifestation est déjà organisée à deux pas de cette enceinte.

Certes, l'objectif affiché est de garantir un parcours de réussite à chaque élève. Chiche, monsieur le ministre ! Mais faut-il, pour cela, tirer vers le bas l'offre éducative, en instaurant une sorte de SMIC scolaire fondé sur une orientation précoce ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Faut-il allonger le temps de service des enseignants du secondaire (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sans répondre aux besoins en médecins scolaires, infirmières, assistantes sociales, psychologues, ainsi qu'en personnel éducatif ? (« Caricature ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Faut-il, plutôt que de chercher à élever le niveau culturel de tous les élèves, avoir pour seule ambition la formation d'une masse de travailleurs précaires et flexibles au savoir minimum ?

Votre objectif ne serait-il pas, en réalité, de justifier la rigueur budgétaire en arguant que l'importance des moyens est secondaire ? Diffuser un savoir au rabais pour des droits sociaux au rabais : tout cela est d'une implacable cohérence.

Nous pensons, quant à nous, que la réussite scolaire pour tous, la démocratisation de notre enseignement, ne passent pas par l'élitisme, le fatalisme et le passéisme.

M. Lucien Degauchy. Ni par le communisme !

M. Thierry Mariani. Y a-t-il une question ?

M. André Chassaigne. Aussi notre groupe apportera-t-il dans ce débat des propositions ambitieuses et efficaces.

Ma question (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est simple : allez-vous enfin répondre aux attentes et aux inquiétudes exprimées par nos concitoyens et relever le défi d'une école adaptée à notre temps et permettant réellement la réussite de tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Degauchy, veuillez ne plus interrompre ! Vous aurez tout loisir de vous exprimer puisque vous poserez la dernière question.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous me permettrez, monsieur le député, de ne retenir de votre question que la phrase par laquelle vous indiquez que le groupe communiste et républicain fera des propositions et participera de manière active à un débat très important pour l'avenir de notre pays.

M. Jean-Claude Lenoir. Ça m'étonnerait !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faut se garder de la caricature, monsieur Chassaigne : le débat sur l'école a été très riche. (« Non ! C'est un faux débat ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Un million de personnes y ont participé. Si ses conclusions ne vont pas dans le sens que vous souhaitez, cela ne signifie pas qu'il n'a pas eu lieu et qu'il n'a pas été le débat le plus important qu'on ait organisé sur l'école depuis des années.

La commission Thélot propose un certain nombre d'orientations qui n'engagent pas le Gouvernement, je l'ai dit hier, et qui, par ailleurs, n'ont rien à voir avec l'image que vous venez d'en donner. Lorsqu'elle propose d'établir, comme c'est le cas dans beaucoup de pays, un socle de connaissances fondamentales dont la maîtrise sera nécessaire pour aller plus avant dans les cycles scolaires, elle ne préconise pas, à l'évidence, un « SMIC culturel » : bien au contraire, elle reconnaît par là qu'on ne peut pas laisser des jeunes avancer dans leur scolarité sans qu'ils maîtrisent la langue française, le calcul et des notions de base sans lesquelles il est impossible de progresser dans le savoir.

De même, lorsque la commission évoque la réforme du statut des enseignants, ce n'est pas pour dire qu'ils doivent travailler plus, mais pour souligner que l'importance de leur rôle en dehors des cours doit être mieux reconnue. Elle propose d'ailleurs qu'ils soient rémunérés en sus pour cela. C'est dire si ce rapport a peu de choses à voir avec la description que vous venez d'en faire !

M. André Chassaigne. Cela reste à prouver !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais je le répète, ce rapport n'engage pas le Gouvernement, car c'est au Parlement de décider à partir des propositions que celui-ci lui fera. Et je me réjouis, monsieur Chassaigne, de la perspective de discuter bientôt avec vous de vos propres propositions sur l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PARTENARIAT FRANCE-CHINE

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis le 10 octobre, la Chine accueille la France dans le cadre de l'année de la France en Chine. Plus de deux cents manifestations vont ainsi se dérouler dans les grandes villes chinoises pour faire découvrir aux publics les plus divers les réalités françaises.

Parallèlement à cet événement, vous avez accompagné le Président de la République pour un long et important déplacement en Chine.

L'intérêt de ce voyage est double : d'un point de vue économique d'une part, pour nos entreprises et nos emplois, et d'autre part en termes de relations internationales, puisque ce pays représente un partenariat stratégique considérable. Certaines de nos grandes entreprises ont conclu avec la Chine d'importants contrats, d'un montant sans précédent : plus de 4 milliards d'euros. Mais ce déplacement a été aussi l'occasion, pour le Président de la République, d'évoquer de nouveau avec force les arguments d'une approche multilatérale et multiculturelle des problèmes auxquels le monde est confronté.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous exposer les conclusions que vous tirez de ce déplacement et les perspectives qui s'ouvrent entre la Chine et la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur Saint-Léger, en 1964, le général de Gaulle a été l'un des premiers à reconnaître la Chine, sa place et son rôle.

M. Maxime Gremetz. Il a bien fait !

M. le ministre des affaires étrangères. « Voilà un pays qui est plus vieux que l'Histoire », disait-il à l'époque.

Tournons-nous maintenant vers l'avenir : la Chine compte 1,5 milliard d'habitants - le quart de l'humanité - et son taux de croissance est de 9 %. Comment imaginer construire la stabilité, la sécurité et le progrès de notre planète sans elle ? L'objet de la visite du Président de la République fut justement de renforcer notre partenariat stratégique et global, dans lequel il y a une place pour la politique, mais aussi pour l'économie. En effet, nos entreprises, grandes ou petites, vont chercher la croissance là où elle est, pour reprendre les mots du président Chirac.

Hier matin, j'étais dans le métro de Shanghai avec Gilles de Robien et le président d'Alstom. Ce dernier a finalisé ce jour-là pour 1,5 milliard d'euros de contrats, consolidant ainsi des centaines d'emplois en France (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à Valenciennes, à Tarbes et dans plusieurs autres usines des circonscriptions que vous représentez.

À travers cette année de la France en Chine, c'est une image de notre pays, de sa réalité culturelle, de son inventivité, de son dynamisme et de son ouverture que nous voulons donner.

Je remercie enfin l'Assemblée nationale et son groupe d'amitié France-Chine, présidé par Guy Drut, qui prend part à ce partenariat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FINANCEMENT DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, la réforme de l'assurance maladie, que vous avez fait voter dans la torpeur estivale... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous faisiez moins de bruit en juillet, mes chers collègues de la majorité, et pour cause : vous n'étiez pas là !

M. le président. Continuez, monsieur Bapt : vous les avez fait sortir de leur torpeur. (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Cette réforme, donc, prévoit un retour à l'équilibre en 2007 et, pour l'an prochain, une réduction du déficit à 8 milliards d'euros.

Votre plan est socialement injuste et économiquement irréaliste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Injuste, parce qu'il fait porter l'essentiel de l'effort supplémentaire sur les assurés et les patients, tandis que la dette passée et la dette à venir sont reportées sur les générations futures.

M. Michel Roumegoux. Cette dette, c'est la vôtre !

M. Gérard Bapt. Irréaliste aux yeux de tous les experts - y compris ceux de Bercy -, parce que fondé pour une grande part sur des économies aléatoires.

De surcroît, monsieur le ministre, depuis le vote du 30 juillet, vous alourdissez l'addition : 150 millions d'euros pour la chirurgie libérale, 200 à 250 millions à prévoir pour la réforme de la classification des actes médicaux, alors que l'on évalue le coût de la mise en place du dossier médical personnel à un milliard d'euros dès l'an prochain et que la Fédération hospitalière de France vient de donner l'alerte sur l'aggravation de la situation financière des hôpitaux.

M. Lionnel Luca. La question !

M. Gérard Bapt. Ainsi, vous creusez le déficit de quelque 2 ou 3 milliards d'euros supplémentaires pour 2005.

M. Michel Roumegoux. C'est à cause de vous et des 35 heures !

M. Gérard Bapt. Avez-vous l'intention de renvoyer ces déficits supplémentaires aux générations futures, en les transférant à la caisse de la dette sociale ?

M. Georges Tron. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Gérard Bapt. Allez-vous plutôt procéder à de nouveaux déremboursements ? Ou bien envisagez-vous un collectif budgétaire pour obtenir des recettes supplémentaires ?

Au moment où nous nous apprêtons à débattre des budgets de l'État et de la sécurité sociale, il importe de connaître la réponse à ces questions. Monsieur le ministre, allez-vous enfin dire la vérité aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Vous m'invitez à dire la vérité, monsieur Bapt : la vérité est que vous n'avez pas réformé l'assurance maladie, vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous, notre gouvernement l'a fait. Et nous allons présenter très prochainement au Parlement un objectif national des dépenses d'assurance maladie de 3,2 %. Rappelez-vous, monsieur Bapt, les augmentations que vous votiez à l'époque : 6 %, 7 %, 5,5 %...

M. Jean-Marie Le Guen. N'importe quoi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si nous nous en tenons à 3,2 %, c'est que la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie nous permettra d'économiser un milliard d'euros - et c'est l'occasion pour moi de remercier encore les députés qui ont voté cette réforme courageuse. Le plan médicaments générera 700 millions d'euros d'économies, et la nouvelle politique d'achat pour les hôpitaux 200 millions. S'y ajouteront la contribution forfaitaire d'un euro et la hausse du forfait hospitalier, ce qui nous permettra de « passer dans les clous » avec ce taux de 3,2 %.

Si l'on veut sauver l'assurance maladie, il faut oser affronter les chiffres, monsieur Bapt, et ne pas craindre de faire des réformes. Les gens l'ont compris ! Le déficit passera cette année de 13 à 8 milliards : ce n'est pas à vous, mais à cette majorité qu'on le devra ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

MOBILISATION DES RÉSERVES FONCIÈRES
DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Monsieur le ministre, vous aviez commandé il y a un an un rapport qui a révélé que le ministère de l'équipement, avec ses délaissés autoroutiers et ses établissements publics, était propriétaire en Île-de-France d'environ 3 millions de mètre carrés de terrain dont il n'a plus l'utilité, que ce soit à court, à moyen ou à long terme. Or les experts - notamment ceux de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France - estiment les besoins de construction de la région à plus de 53 000 logements nouveaux par an, alors que les dernières statistiques publiées par votre ministère indiquent que moins de 34 000 logements ont été mis en chantier dans les douze derniers mois.

Cette sous-construction, souvent liée aux problèmes du foncier, dure depuis des années et a de multiples impacts. Avant tout, elle repousse nos concitoyens les plus modestes vers les zones périphériques, les contraignant à passer un temps déraisonnable dans les transports.

Mais c'est aussi le dynamisme économique de notre région - et, au-delà, de l'ensemble du pays - qui se trouve remis en cause dans la compétition qui l'oppose aux principales métropoles européennes. Longtemps, la qualité de vie en Île-de-France a été l'un des meilleurs atouts de notre région pour attirer les investisseurs. Aujourd'hui, comment convaincre les responsables d'une entreprise étrangère de venir y implanter un centre de recherche international ou son siège européen, si ses collaborateurs ne peuvent se loger à proximité et à un coût raisonnable ?

Dès votre entrée en fonction, monsieur le ministre, vous avez cherché à mobiliser ces terrains. Il y a urgence, car cela nous permettrait de débloquer des opérations de construction de logements. Un an après la remise du rapport, pourriez-vous nous indiquer l'état d'avancement de cette action essentielle de mobilisation du foncier public, ainsi que vos ambitions pour les années à venir dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Lagarde, en prenant mes fonctions, je pressentais bien que ce ministère, avec les établissements publics qui lui sont rattachés, était propriétaire d'importants « gisements » fonciers. 

Une première mission a repéré 3 millions de mètres carrés disponibles, surtout dans la région parisienne. A la suite de son rapport, j'ai demandé à une équipe d'experts d'examiner la faisabilité, la constructibilité, les coûts financiers, bref de préparer la remise sur le marché de ces millions de mètres carrés. Et quelle ne fut pas notre surprise de découvrir tout récemment que ce n'étaient pas 3 millions, mais 9 millions de mètres carrés qui dormaient dans les emprises de la SNCF, de RFF ou d'autres établissements ! Ils devraient permettre de construire 40 000 logements pour environ 100 000 habitants.

Dès demain, avec Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'État au logement, nous commencerons à nous rendre dans les communes concernées, comme Versailles ou Drancy, pour discuter avec les maires. Nous verrons avec eux quels terrains peuvent être rendus disponibles par des transferts d'activités, afin de libérer du foncier et de leur permettre ainsi de poursuivre et d'amplifier leur politique du logement. Nous le ferons dans les délais les plus brefs possible avec pour objectif de passer d'une politique « dormante » du foncier et du logement, assortie de règles d'urbanisme qui ont bloqué bien des opérations, à une politique active. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TARIFICATION BANCAIRE

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Auberger. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les consommateurs se plaignent de plus en plus souvent de la cherté des tarifs bancaires. Ils déplorent également de devoir payer des services qui ne leur étaient pas facturés auparavant. Les associations de consommateurs ont décidé de relayer vigoureusement leurs demandes. Par ailleurs, il y a quelques jours, la Cour de justice européenne a rendu un avis sur la règle actuelle de non-rémunération des dépôts. Elle a considéré que cette règle, dite du « ni-ni » : ni rémunération des dépôts, ni paiement des chèques, constituait une entrave à la concurrence et qu'il devait y être mis fin.

Le semaine dernière, monsieur le ministre d'État, vous avez réuni le comité consultatif du secteur financier. Pouvez-vous nous indiquer précisément quelles sont vos intentions en la matière ? Sous quelle forme et dans quels délais les Français peuvent-ils espérer des résultats concrets de la démarche que vous venez d'engager ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, à propos de leurs banques, les Français, dont 98 % sont titulaires d'un compte, se posent deux questions. La première est qu'ils se demandent si le prix des services bancaires n'a pas beaucoup augmenté. La seconde est plutôt une exigence : ils veulent comprendre selon quelles règles de tarification les frais bancaires leur sont directement prélevés.

J'ai demandé à l'INSEE de revoir l'indice de la tarification bancaire. En effet, il est extraordinaire que les usagers pensent qu'elle augmente, alors que l'indice indique le contraire ! Nous avons donc décidé qu'il y aurait, dans trois semaines, un nouvel indice pour qu'au moins chacun soit d'accord sur l'évaluation.

D'ici à un mois, nous pensons avoir obtenu des résultats très concrets sur plusieurs questions. D'abord, est-il normal de devoir payer pour changer de banque ? Non, ce n'est pas conforme aux règles de la concurrence. Ensuite, nous aurons progressé sur la clarté de la tarification bancaire, sur le coût des services bancaires et l'accès de tous, y compris des plus démunis, aux services bancaires. Si vos enfants sont inscrits à la cantine et qu'on vous demande un chèque de garantie ou de paiement, est-il normal, si vous êtes interdit de compte, de facturer ce chèque plus cher qu'il ne convient ?

Il y avait du travail, mais nous aurons des résultats avant un mois. Je veux préciser que les banques ont joué le jeu et que la stratégie du Gouvernement n'est pas celle du bouc émissaire, avec laquelle on n'obtient rien. La stratégie du Gouvernement, c'est du concret et des résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MOYENS DE LUTTE CONTRE
LES INCENDIES DE FORÊT

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre de l'intérieur, il y a un mois, lors de votre déplacement à Montpellier à l'occasion de la séance de clôture du 111e congrès national des sapeurs-pompiers, vous avez fixé le calendrier de mise en œuvre de la nouvelle loi de modernisation de la sécurité civile. Avec d'autres collègues, nous avons pu observer la satisfaction qu'avait suscitée votre annonce parmi les nombreux sapeurs-pompiers présents. Vous avez également, à cette occasion, salué l'action et le courage de toutes celles et de tous ceux qui s'engagent, bien souvent au péril de leur vie, pour protéger nos forêts et notre environnement contre les incendies, trop souvent, hélas, d'origine criminelle.

Après un été 2003 marqué par des conditions météorologiques catastrophiques, dont nous conservons en mémoire le bilan dramatique, les pouvoirs publics comme la population redoutaient le même scénario pour l'été qui vient de s'achever. La réalité a été heureusement différente.

Les leçons de ces deux étés contrastés ayant été tirées et leur bilan établi, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale, mais également aux élus locaux et aux sapeurs-pompiers, le renforcement des moyens que l'État entend consacrer à la surveillance et à la lutte contre les incendies de nos forêts françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez raison : en 2004, nous avons réussi à inverser la tendance. Dix morts avaient été déplorés en 2003 à la suite des tragiques feux de forêt ; deux l'ont été cette année dans le crash d'un hélicoptère Air Crane au-dessus de la Corse,  mais il n'y a pas eu de décès parmi la population ou les sapeurs-pompiers. Quant au nombre d'hectares brûlés, il a très fortement diminué, de 60 000 en 2003 à 10 000 cette année.

Ces progrès sont dus à un effort d'anticipation qui nous a permis de faire intervenir sur l'ensemble du territoire des colonnes de renfort préventives déployées en fonction du risque météo. Ils sont dus également à un important effort de répression puisque 60 auteurs d'actes criminels ont été interpellés.

La loi de modernisation de la sécurité civile nous donnera de nouveaux instruments pour être plus efficaces sur le terrain, tels que les plans préventifs qui seront adoptés sur l'ensemble du territoire, les réserves communales qui permettront à chacune des communes qui le souhaitent de mobiliser la population, et des prescriptions légales infiniment plus sévères concernant le débroussaillage. Ce nouveau dispositif sera opératoire très rapidement. Il sera complété par un renforcement des équipements. Ainsi, en 2005, deux nouveaux avions gros porteurs seront adjoints à notre flotte.

Vous pouvez le constater, nous faisons un effort constant d'adaptation, de modernisation, de mobilisation, mais aussi d'humilité, car il nous faut tirer en permanence l'enseignement des actions engagées sur le terrain. C'est ainsi qu'aujourd'hui même, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur réunit à Valabre l'ensemble des acteurs qui ont été mobilisés pendant la campagne 2004 pour en tirer les leçons et permettre que la campagne 2005 soit encore plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

TIPP

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie et des finances, il est un domaine où la politique du Gouvernement ne flotte pas, exprime une écoute intense au cas par cas, et s'avère génératrice de ressources nouvelles et abondantes pour l'État ; un domaine où, finalement, tous les Français sont égaux devant la fermeté du Gouvernement ; bref un domaine où, lorsqu'on vous interroge, un peu à la façon d'un député UMP, on se dit que vous allez peut-être nous dire comment notre pays pourra éviter le scénario catastrophe.

Il y a quelques jours, ce n'est pas une sardine qui bouchait nos ports de grand trafic, ce n'étaient pas encore les camionneurs qui bloquaient les dépôts de carburant, mais les agriculteurs, d'ailleurs toujours mobilisés.

Monsieur le ministre, il y a des Français dont les revenus sont chaque jour lourdement ponctionnés par l'augmentation des tarifs des carburants. Vous nous avez déjà répondu, un peu par le mépris, en affirmant que le fait de réinstaurer le système de la TIPP flottante, créé par la gauche et que la droite s'et empressée de supprimer, n'aurait qu'un effet très faible sur le prix à la pompe. Cet argument n'est pas recevable. Car chacun aujourd'hui mesure que le centime d'euro pèse plus lourd que le centime de franc. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En tout état de cause, le rétablissement de la TIPP flottante réduirait significativement la facture des Français qui remplissent leur réservoir ou leur cuve de fioul en ce moment. Certes, cela priverait le Gouvernement d'une recette de plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires. Mais faire baisser de l'ordre de 1,5 % le prix à la pompe, est aussi important, sinon plus, que d'essayer, sans vrai succès, de faire baisser les prix dans les supermarchés. Alléger les charges de millions de ménages est, de notre point de vue, plus juste, plus efficace et plus solidaire que de se focaliser sur la baisse de l'impôt sur les grandes fortunes ou la transmission du patrimoine.

À ce propos, monsieur le ministre, il n'est pas acceptable de prétendre que seuls ceux qui ont beaucoup de patrimoine ont travaillé. Nous connaissons tous des milliers de Français qui ont travaillé dur toute leur vie sans réussir à mettre de l'argent de côté, si ce n'est parfois à investir dans des maladies professionnelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Alors, parler de catégories qui souffrent, c'est parler bien sûr des pêcheurs, c'est parler bien sûr des agriculteurs, mais c'est aussi prendre en considération des millions de nos concitoyens. Didier Migaud vous a déjà posé cette question : à quelle date, à partir de quel record de prix du baril allez-vous rétablir la TIPP flottante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie. (« Sarkozy !  Sarkozy ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Ayrault. Sarko dégonflé !

M. le président. Monsieur Devedjian, allez-y, vous avez la parole ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Messieurs les socialistes, le spectacle que vous offrez est éloquent : vous posez des questions, mais vous ne voulez pas entendre les réponses. Inutile de vociférer !

Monsieur Brottes, vous étiez très inquiet pour les agriculteurs. Eh bien, je veux vous rassurer : ils ont levé les barrages grâce à l'initiative qui a été prise. Hervé Gaymard s'était fait le porte-parole de leur inquiétude. Sur proposition de Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), le Premier ministre a décidé de baisser de 4 centimes d'euro par litre la TIPP sur le carburant des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ils payaient 5,66 centimes de taxe par litre, ils paieront 1,66 centime. Croyez-moi, c'est autre chose que la TIPP flottante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La situation était en effet injuste pour les agriculteurs, qui ne peuvent pas répercuter l'augmentation des coûts dans la formation des prix agricoles. Cela justifiait, de la part de la nation, un effort particulier.

Monsieur Brottes, le Gouvernement agit. Pour les marins-pêcheurs, c'est déjà réglé. Pour les transporteurs, François Goulard les réunira demain et des mesures de soulagement leur seront apportées dans le cadre du dialogue qu'il a avec eux. En ce qui concerne les particuliers, le projet de budget prévoit, et ce sera générateur d'importantes économies d'énergie, de faire passer le crédit d'impôt de 15 à 25 % pour les dépenses d'isolation. C'est aussi une mesure de soulagement importante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous, les socialistes, qui voulez tant préserver le pouvoir d'achat des Français dans le domaine de l'énergie, pourquoi n'avez-vous pas voté le programme EPR que vous a proposé le Gouvernement ? Ce programme d'avenir est le seul à nous garantir une moindre dépendance à l'égard du pétrole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

MISE EN œUVRE DE LA LOI « PERBEN 2 »

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe UMP.

M. Jean-Paul Garraud. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Avec la loi du 9 mars 2004 portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben 2 », le Gouvernement et le Parlement ont répondu aux grandes attentes de nos concitoyens en matière de justice et de lutte contre la délinquance. Celle-ci, qui avait explosé au cours de la législature précédente, devait être énergiquement combattue. Pour cela, il fallait être pragmatique, se débarrasser de certaines idéologies paralysantes et agir.

Complément indispensable des lois Sarkozy sur la sécurité intérieure, qui ont donné à la police et à la gendarmerie les moyens d'agir tout en apportant une véritable considération à tous leurs personnels, la loi du 9 mars 2004 a réformé en profondeur notre organisation judiciaire, notre droit et notre procédure pénale. Il s'agit, en fait, de la mise en œuvre d'une vraie volonté politique - car la justice ne se borne pas, pour nous, à une simple question de moyens - dont l'objet est de maîtriser et juguler la montée en puissance des nouvelles criminalités, diversifiées, structurées, organisées et souvent internationalisées.

À un régime juridique renforcé, qui concerne les infractions en bande organisée, telles que les assassinats, le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains ou le terrorisme, s'ajoute une organisation nouvelle, elle aussi créée pour mieux lutter contre la criminalité organisée : les pôles régionaux de lutte contre la grande criminalité, qui constituent une grande innovation de la nouvelle loi.

M. Maxime Gremetz. Quel plaidoyer remarquable... Allô ! Allô !

M. Jean-Paul Garraud. Cette loi est entrée en vigueur le 1er octobre dernier. La représentation nationale souhaiterait savoir si la nouvelle organisation est effective, si les pôles sont dotés des moyens matériels et humains, s'ils ont commencé à accomplir leur nouvelle mission et si vous comptez, monsieur le garde des sceaux, procéder à une évaluation et à un suivi de leur activité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, souvent de dimension internationale, est l'un des défis les plus difficiles que doit relever l'organisation judiciaire. Ces actions de criminalité sont le fait de véritables entreprises, contre lesquelles il n'est possible de lutter efficacement qu'avec une organisation concentrée. C'est la raison pour laquelle je vous avais proposé, dans le cadre de la loi de mars dernier, un regroupement de compétences par la substitution aux 182 tribunaux de grande instance de huit tribunaux spécialisés - sept en métropole, un aux Antilles -, permettant de regrouper les procédures, de centraliser les informations et de spécialiser des magistrats, aussi bien auprès des parquets qu'au niveau de l'instruction.

Ce dispositif devait être en place au 1er octobre. C'est chose faite puisque j'ai pu, grâce au budget de 2004, nommer, avant cette date, les 77 magistrats et les 135 fonctionnaires des greffes nécessaires, et mettre en place les moyens matériels correspondants, notamment des systèmes informatiques permettant de traiter ce type de dossier.

Comment les choses vont-elles se passer ? Ces juridictions spécialisées voient déjà arriver des dossiers ouverts par les parquets, qui ont donné lieu à des enquêtes préliminaires. Par ailleurs, des réunions interrégionales sont en cours entre les magistrats spécialisés et les services de police et de gendarmerie pour faire le tri entre les affaires courantes et les affaires complexes nécessitant d'être traitées par ces tribunaux. Les services de la Chancellerie suivront de très près la distribution des dossiers dans les différentes juridictions pour que ce dispositif donne toute satisfaction et permette à la France de lutter efficacement contre ce type de criminalité, très souvent transnationale et liée au terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe UMP.

M. Patrick Ollier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Dans la compétition économique à laquelle la France est confrontée du fait de l'ouverture des marchés et de la mondialisation, notre pays souffre de plusieurs handicaps bien connus : poids des charges excessif, surfiscalisation, aberrante loi sur les 35 heures, et surréglementation insupportable. Bref, l'héritage de vingt années de socialisme ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. En plus, Chirac est Président !

M. Patrick Ollier. Malgré tout, notre industrie reste l'une des plus compétitives au monde. Elle représente toujours quelque 20 % de notre produit intérieur brut. C'est dire le mérite de nos chefs d'entreprise et de leurs salariés.

Aujourd'hui, deux nouvelles difficultés surgissent. La première touche la recherche. Nos chercheurs, reconnus fort compétents et imaginatifs, tout comme nos universitaires, sont considérés comme les meilleurs du monde. La recherche étant le fer de lance de nos entreprises, voilà qui est excellent. Malheureusement, le nombre de brevets déposés en France est aujourd'hui inférieur à la moyenne européenne, inférieur même de 50 % au chiffre de nos amis allemands.

M. Daniel Paul. C'est de votre faute !

M. Patrick Ollier. Je vois là la preuve que nos laboratoires d'entreprise ou d'université et nos instituts de formation présents sur un même territoire ne sont pas capables de travailler ensemble, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays européens.

Le deuxième problème est la déstructuration de notre politique d'aménagement du territoire,...

M. le président. Monsieur Ollier, vous avez sûrement une question à poser.

M. Patrick Ollier. ...provoquée notamment par la loi Voynet, qui a mis un terme à la politique que nous avions voulue. (Bruits sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Posez votre question ! Voyez la pagaille que vous causez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier. Je suis en train de la poser, monsieur le président.

Monsieur le ministre, le dernier comité interministériel pour l'aménagement du territoire a prévu un certain nombre de mesures. Sont-elles à la hauteur de l'enjeu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, le savoir, le savoir-faire et la transmission du savoir sont les attributs de la recherche, de l'économie et de l'industrie, de la formation.

M. François Hollande. Et non pas l'ignorance...

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pour avoir compris la synergie entre ces trois éléments, des pays comme l'Italie, la Norvège ou la Finlande ont su à la fois résister aux méfaits de la mondialisation et l'utiliser comme levier de croissance en créant des pôles d'excellence.

Les pôles de compétitivité en France étaient un sujet en jachère. Lors du dernier CIADT, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même avons proposé au Premier ministre de fonder nos espoirs et notre action sur le génie local, là où se trouvent des entreprises souvent performantes mais un peu cloisonnées, des universités souvent excellentes mais un peu isolées, des laboratoires de recherche performants mais qui travaillent parfois en vase clos. L'idée est de mettre tout ce savoir-faire en synergie pour créer de vrais pôles de compétitivité, de faire appel, avec les collectivités locales, à des projets que nous validerons et que nous aiderons.

A cet effet, le CIADT a décidé de mobiliser 750 millions d'euros d'ici à 2007, dont plus de la moitié de fonds budgétaires, l'autre moitié venant de la Caisse des dépôts et consignations, de l'ANVAR et de la Banque des petites et moyennes entreprises. Nous sommes persuadés que cette synergie, cette marque de confiance et cette mutualisation des énergies locales qui ont la volonté de réussir nous permettront de surmonter la mondialisation et d'en faire une source de croissance et d'emplois pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste.

M. Alain Claeys. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'enseignement supérieur et la recherche doivent constituer une priorité nationale : depuis deux ans et demi, vous y avez renoncé, monsieur le ministre. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer objectivement l'évolution des crédits de personnels et de moyens, les dotations aux organismes de recherche, à l'accueil et à la vie des étudiants. Plus que des erreurs, vos choix délibérés en matière d'enseignement supérieur et de recherche constituent une faute majeure.

Selon l'OCDE, la France est très en retard : la dépense nationale par étudiant est inférieure à celle des pays comparables, l'effort public de recherche civile est très insuffisant.

M. Richard Cazenave. Cela ne date pas d'aujourd'hui !

M. Alain Claeys. La rentrée universitaire ne se déroule pas dans de bonnes conditions, alors que des réformes essentielles, comme le LMD, sont en cours. Le budget que vous proposez pour 2005 ne rattrape pas le retard pris depuis deux ans et demi.

M. Yves Fromion. Et avant !

M. Alain Claeys. Vous annoncez, monsieur le ministre, 356 millions d'euros pour le budget civil de recherche et développement, alors que les crédits consacrés à la recherche publique ont été réduits de 500 millions d'euros en 2003 et 2004. Vous avez sacrifié l'avenir de nos universités et de la recherche, les Français l'ont bien compris. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vous pose donc deux questions précises. À quand une loi de programmation pluriannuelle sur la recherche, associant étroitement les universités ? Êtes-vous prêt à répondre aux besoins urgents de nos universités, qui se manifestent en cette rentrée 2004 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Claeys, si une loi de programmation pour la recherche était nécessaire, vous auriez dû la faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'OCDE montre clairement, en effet, que les universités françaises et notre système d'enseignement supérieur bénéficient de moins d'argent public, de moins d'argent en général que les universités des autres pays développés. Mais ce n'est pas nouveau. Cela fait vingt ans que nous sommes dans cette situation et vous n'y avez jamais apporté la moindre réponse ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Nous avons décidé, dans la loi de finances pour 2005, d'augmenter de 3 % le budget de l'enseignement supérieur, qui progresse ainsi deux fois plus que celui de l'État.

M. Christian Bataille. Après l'avoir diminué !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je sais bien que c'est insuffisant. Au moins le Gouvernement marque-t-il sa volonté de rééquilibrer progressivement les moyens destinés à l'enseignement supérieur.

De la même façon, nous avons créé mille postes en cours d'année.

M. Christian Bataille. Vous en aviez supprimé mille auparavant !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ces mille postes sont consolidés dans le budget de 2005.

M. Yves Durand. Ce sont ceux de l'année dernière !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au-delà, nous créons 150 postes de maître de conférence supplémentaires. Ainsi, sur deux budgets, nous aurons créé 850 postes de maître de conférence.

M. Christian Bataille. C'est de l'esbroufe !

M. Yves Durand. Vous maquillez les chiffres !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez évoqué la réforme du LMD, initiée par Claude Allègre il y a quelques années. Nous avions jusqu'en 2007 pour la mettre en œuvre. Les universités françaises, qui étaient libres de passer au LMD à leur rythme, sont déjà, pour les trois quarts, engagées dans cette réforme, qui est clairement un succès et qui va se traduire par une bien meilleure lisibilité de notre système d'enseignement supérieur français.

S'agissant de la recherche, le Premier ministre avait promis un milliard d'euros supplémentaire en 2005. Il y aura un milliard d'euros supplémentaire pour la recherche française en 2005 !

M. Alain Claeys. C'est faux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est la réalité ! Cet argent ira dans les laboratoires, il permettra à la recherche française de rattraper son retard.

Nous discuterons ensemble, dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation sur la recherche, de l'avenir de la recherche française. Mais nous devons aborder ce sujet avec beaucoup de modestie, parce que les responsabilités sont très partagées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

EMPLOIS DE SERVICE À LA PERSONNE

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, vous avez participé hier, en présence de 3 500 personnes, au lancement de la maison de l'emploi « nouvelle génération » d'Élancourt dans les Yvelines. Cette structure associe l'ensemble des acteurs de l'emploi et de l'orientation, avec notamment une cité des métiers très innovante.

Cette maison de l'emploi simplifie et accélère la rencontre entre les chômeurs et les entrepreneurs. Vous avez pu juger, comme nous, que la croissance et l'emploi procèdent avant tout d'un état d'esprit entre le travail et le capital, entre la compétence et l'initiative, et se fondent sur un rapport de confiance, et non pas de défiance, comme d'aucuns le professent dans ce pays.

Cet état d'esprit est celui de l'emploi. La croissance en 2004 approche les 2,5 %. Nous nous en réjouissons tous, mais il faut davantage encore la transformer en emplois durables. Les majorités d'aujourd'hui et de demain seront jugées par les Français au regard de leur capacité à créer des emplois.

Il est un gisement d'emplois insuffisamment exploité en France : celui des métiers de service à la personne. Qu'il s'agisse de rompre l'isolement des personnes âgées ou de les soulager des tâches domestiques, qu'il s'agisse de garde d'enfants ou de soutien scolaire, ces services répondent à une véritable exigence de resserrement du lien social et d'amélioration de la qualité de la vie.

La France doit rattraper son retard en ce domaine. Aux États-Unis, le premier employeur exerce une activité de services à la personne.

Dès lors, réduire les charges sur ce type d'emplois n'est pas un cadeau aux riches, comme le disent les plus archaïques d'entre nous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais un cadeau aux personnes exclues du travail. Plusieurs centaines de milliers de chômeurs attendent cette mesure.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un plan permettant de créer 500 0000 emplois de service en trois ans. Je salue votre initiative. Elle répond à un vrai besoin des Français et à la nécessité de revaloriser ces métiers de proximité et de solidarité. Pouvez-vous nous préciser les modalités de préparation de ce plan et nous indiquer comment vous comptez concrétiser les créations d'emplois qui en sont attendues ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. J'ai été heureux de participer hier, à Élancourt, au lancement de la maison de l'emploi. Je puis d'ailleurs vous indiquer, monsieur Fourgous, que nous avons déjà reçu 220 propositions pour un programme global de 300.

Vous évoquez un sujet majeur, celui du service à la personne. Ce secteur emploie 1,3 million de salariés et connaît déjà une croissance annuelle de 6 %. Mais les professionnels nous disent pouvoir doubler leur capacité de création d'emplois en trois ans ; elle passerait ainsi de 250 000 à 500 000 emplois. Nous les avons donc rencontrés.

Le Premier ministre m'a autorisé à organiser une mission d'aide à la personne réunissant les associations, les collectivités locales, le monde de la santé, les entreprises et les particuliers employeurs pour étudier les modalités d'un plan financier, fiscal et juridique de soutien global afin de débloquer le gisement d'emplois de ce secteur, où la France accuse un grand retard. Nous avons mis en place un comité de pilotage avec Philippe Douste-Blazy pour la santé, Mme Montchamp pour le handicap et Hubert Falco pour les personnes âgées, afin de « booster » ces opérations.

M. Maxime Gremetz. Et qui paie ?

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Le plan que j'ai annoncé, monsieur Fourgous, sera présenté à Noël. (« Ah ! C'est le père Noël ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J'insiste sur le fait que ce sont des métiers nobles et beaux, que notre organisation d'État ne prend pas encore en compte. L'agriculture, l'industrie sont représentées mais pas le service à la personne en tant que tel. C'est notre révolution. Ces beaux métiers, non délocalisables, permettent en plus d'améliorer vraiment la qualité de vie de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. M. Borloo fait sa révolution !

MALTRAITANCE DE PERSONNES ÂGÉES

M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ne l'encouragez pas trop, quand même !

M. Lucien Degauchy. Monsieur le ministre de la santé, les cas de maltraitance de personnes âgées, révélés dernièrement par l'affaire de la maison de retraite d'Arras, sont inquiétants à plus d'un titre. S'agit-il d'un événement isolé ou existe-t-il d'autres exemples cachés ? Qu'en est-il du contrôle des structures d'accueil pour personnes âgées et de la maltraitance de personnes âgées à leur domicile ?

En novembre 2002 a été installé un comité de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées et, en janvier 2003, a été lancé un programme d'action spécifique. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels résultats ont été obtenus et quelles sont les actions actuellement mises en œuvre pour sanctionner, et surtout prévenir, ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous voyez, monsieur Degauchy, qu'il est agréable de ne pas être interrompu ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, vous posez un problème de société majeur. Comme vous l'avez rappelé, des cas de maltraitance de personnes âgées ont été révélés il y a peu à la maison de retraite d'Arras. Une enquête judiciaire a été ouverte et j'ai personnellement diligenté une enquête de l'inspection générale des affaires sociales.

La maltraitance des personnes âgées est une réalité, aussi bien dans les établissements spécialisés qu'à domicile. Le comité de vigilance auquel vous avez fait référence, vient de montrer que 43 % des personnes âgées maltraitées ont un handicap physique, 14 % souffrent de troubles psychiatriques et 11 % de la maladie d'Alzheimer.

Face à ce problème, j'ai décidé, avec M. Falco, de renforcer le plan de lutte contre la maltraitance, premièrement, en brisant le tabou qui explique le silence des victimes et, deuxièmement, en renforçant les contrôles.

La maltraitance est quelque chose dont on ne parle pas et on a bien tort. C'est la raison pour laquelle, M. le Premier ministre et moi-même avons décidé qu'il y aurait une annexe par département du réseau ALMA : Allô-maltraitance, que toutes les familles pourront appeler - anonymement, si elles le souhaitent - si elles ont connaissance d'un problème de maltraitance dans une maison de retraite ou un hôpital.

Depuis le début de 2003, il y a eu 370 contrôles et enquêtes, qui ont entraîné la fermeture de soixante-six maisons de retraite.

Sachez, monsieur Degauchy, que nous sommes à votre disposition pour travailler avec vous sur ce sujet, mais je voudrais formuler deux remarques pour conclure.

Le fait qu'il existe des cas de maltraitance ne doit pas jeter la suspicion sur tous les personnels hospitaliers et de maison de retraite, dont l'immense majorité - je sais que vous serez d'accord avec moi - fait son travail avec compétence et générosité.

À l'inverse, en cas de maltraitance avérée, la sanction doit être exemplaire parce que, vis-à-vis de personnes souffrant d'une maladie psychiatrique ou d'une dépendance telle qu'elles ne peuvent plus parler, nous nous devons plus que jamais d'être dignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (nos 1614, 1828).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous reprenons la discussion avec les articles 38 à 41 relatifs à la santé.

Avant l'article 38

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié portant article additionnel avant l'article 38 n'est pas soutenu.

Je suis saisi d'un amendement n° 623.

La parole est à M. François Brottes, pour le défendre.

M. François Brottes. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, lors de la première lecture, il a été décidé que les collectivités locales pourraient prendre des initiatives en matière de déductions fiscales. Cet amendement prévoit que la solidarité nationale compensera ces déductions. Il n'y a, en effet, aucune raison pour que les communes rurales pauvres aient un seul droit : celui de payer les services publics dont les villes plus riches et plus peuplées disposent gratuitement.

Cet engagement de principe de la compensation des engagements financiers des collectivités rurales est très important.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 623.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La commission n'a pas examiné cet amendement. Personnellement, je suis assez sensible aux arguments exposés par François Brottes, mais je suis néanmoins défavorable à son amendement. Quand une exonération est rendue obligatoire pour les collectivités locales, il est normal qu'elle soit compensée. En revanche, lorsqu'elle est librement décidée par la collectivité - comme c'est le cas ici - il semble risqué tant pour le budget de l'État qu'en termes d'aubaine que cette exonération soit compensée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Brottes, au-delà de la mesure que vous proposez, d'autres dispositifs se cumulent pour pallier ce problème. Les aides de l'assurance maladie viennent s'ajouter aux aides des communes. L'État consent également un effort important. Il s'agit en effet d'un montant modulable qui peut aller jusqu'à 10 000 euros par an et par médecin, pendant cinq ans.

Voilà pourquoi il ne nous semble pas possible de vous donner satisfaction. Le Gouvernement demande donc le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Des aides sont effectivement prévues pour les installations en milieu rural. Mais c'est un décret qui doit déterminer les territoires sur lesquels ces aides seront octroyées. Nous l'attendons avec beaucoup d'impatience, en particulier dans une région comme la mienne, où le déficit en médecins est important.

Un certain nombre de mesures, financées par les collectivités territoriales, ont été mises en place. Nous souhaiterions être accompagnés par l'État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Lemoine, je connais votre préoccupation. La permanence des soins doit être assurée au moyen de dispositifs que je pourrais qualifier de « sur mesure ». Nous pouvons avoir une volonté politique, mais il faut aussi coller à la réalité.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ces décrets ne relèvent pas du texte sur l'assurance maladie, mais M. le ministre de la santé s'est engagé en la matière. Nous cherchons des critères pertinents afin qu'en partenariat avec les préfets, ce dispositif puisse être dès que possible mis en place dans les nombreux départements qui y sont prêts.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je voudrais remercier M. Lemoine et les députés de la majorité de leur soutien. (Sourires.) En effet, si cet amendement est adopté, le décret n'aura plus beaucoup d'importance.

Permettez-moi de préciser, monsieur le rapporteur, que les communes n'ont pas d'autre choix que de décider des aménagements fiscaux. Elles le font sous la contrainte de l'absence de services. C'est donc une liberté toute relative, celle de payer ce que d'autres ont gratuitement.

Je souhaite que l'ensemble de mes collègues qui défendent le milieu rural et sont conscients des faibles ressources des petites communes soutiennent cet amendement. Les élus locaux sauront les en remercier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 623.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 38

M. le président. Sur l'article 38, je suis saisi d'un amendement n° 118 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 333 du Gouvernement.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est un amendement de coordination. Nous demandons à l'Assemblée de bien vouloir l'adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 333.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 119 de la commission.

M. Yves Coussain, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°364.

La parole est à M. Yves Simon, pour le soutenir.

M. Yves Simon. Cet amendement vise à ouvrir le droit au fonds de compensation de laTVA aux collectivités qui engageraient des travaux de construction ou de réhabilitation de bâtiments destinés à accueillir les professions de santé dans des territoires connaissant des difficultés. Actuellement ces investissements ne sont pas éligibles au FCTVA dans la mesure où les locaux donnent lieu au versement d'un loyer. Les collectivités ne peuvent en bénéficier que si elles ouvrent un budget annexe. Ce dernier pose cependant d'autres difficultés, car ses excédents éventuels ne peuvent être réintégrés dans le budget principal.

Plutôt que de recourir à des subventions, nous proposons que le reversement du FCTVA leur soit accordé. Je connais le cas de logements sociaux qui, n'étant pas éligibles au fonds de compensation, sont subventionnés à hauteur de 10 ou 20 %. Cela équivaut finalement à un remboursement de TVA.

Ce serait une incitation dans les secteurs ruraux, où les collectivités hésitent à investir dans des bâtiments destinés à accueillir les professions de santé qui font défaut.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, sans en contester le bien-fondé. Le projet de loi apporte de nombreuses améliorations dans le monde rural en faveur des professions de santé. Cela nous semble suffisant.

Le dispositif supprimant le remboursement du FCTVA quand il y a location a été mis en place par M. Charasse, sous un gouvernement socialiste ; il pénalise beaucoup les collectivités locales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Simon, si vous exposez un problème simple, la réponse pourrait être qualifiée de technique et complexe. J'en suis désolé : ce sont les plaisirs que l'on trouve parfois dans le système juridique français...

Le dispositif prévu par la loi permet d'ores et déjà aux collectivités locales de disposer d'un large panel d'aides pour favoriser l'installation ou le maintien des professionnels de santé dans ces zones déficitaires. Le présent article donne d'ailleurs un cadre juridique à ces aides, parallèlement aux moyens mis en œuvre par l'assurance maladie et par l'État.

Vous proposez d'alléger la TVA sur les opérations immobilières conduites dans ce cadre par les collectivités locales. Rappelons que les allégements du fonds de compensation de la TVA versée aux collectivités locales constituent des aides à l'investissement pour des dépenses entrant dans leur champ de compétence sur des biens intégrés dans leur patrimoine. Ainsi - et c'est le cœur du dispositif - les travaux réalisés sur des biens mis à dispositions de tiers non bénéficiaires du fonds sont, en principe, éligibles au fonds de compensation de la TVA, sauf dans le cas d'une mission de service public.

Il me paraît beaucoup plus simple pour les communes d'examiner la possibilité d'une réévaluation du loyer annuel versé par les locataires afin de prendre en compte, le cas échéant, tout ou partie de la TVA acquittée sur les travaux de construction ou d'aménagement.

Le Gouvernement a souhaité faire un choix différent en proposant les mesures détaillées dans les articles que nous examinons. Au surplus, le problème que vous soulevez dépasse largement le sujet qui nous réunit cet après-midi. C'est pourquoi, tout en reconnaissant le caractère parfaitement légitime de votre préoccupation, je vous suggère de retirer cet amendement ; faute de quoi, je serais désolé de devoir en demander le rejet.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le secrétaire d'État, on m'avait dit que vous étiez brillant dans vos démonstrations... Là, chapeau ! Vous venez de nous expliquer, si je traduis votre exposé en termes simples, qu'il suffit aux communes d'augmenter leurs loyers pour payer la TVA !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous le savez bien...

M. François Brottes. Ai-je bien compris ? Je ne crois pas avoir trahi votre pensée !

Peut-être connaissez-vous moins bien le contexte cette fois-ci. Nous tirons le diable par la queue, nous disposons de peu de moyens, nous ne trouvons pas de professionnels de santé disposés à venir chez nous, nous ne pouvons être qu'incitatifs et non coercitifs - je suis de ceux qui le regrettent et qui défendent l'idée d'une carte au niveau national pour garantir partout la proximité des soins, qu'il s'agisse des infirmières ou des médecins, mais c'est un autre débat. La proposition de notre collègue est plutôt en repli par rapport à ce que je suggérais tout à l'heure, mais elle a au moins le mérite de « rentrer dans les clous » de ce que les collectivités locales ont l'habitude de faire en matière d'équipements publics.

Là-dessus, vous nous répondez par un deuxième argument, tout aussi fallacieux, à savoir que les collectivités peuvent récupérer la TVA dès l'instant où l'investissement entre dans leur champ de compétences, mais que tel n'est pas le cas ici. On ne peut dire cela : le texte que vous nous soumettez ne reconnaît-il pas que le fait de se préoccuper d'accueillir les professions de santé entre bel et bien dans le champ de compétences des communes rurales ? Bien sûr, on a beau jeu de faire remarquer qu'il peut s'agir ou bien d'une mission de service public, ou bien d'une activité commerciale, comme l'a fait le rapporteur en accusant M. Charasse... Rien ne vous empêche de corriger les erreurs de la majorité précédente : cela vous évitera de vous entendre reprocher demain de ne pas l'avoir fait !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Corriger toutes les erreurs de la majorité précédente ? Cela ferait vraiment trop de travail !

M. François Brottes. Nous sommes face à une réelle difficulté. Si les professions de santé pouvaient faire de l'argent en milieu rural, nul doute que les gens se battraient pour y venir. Si donc il s'agissait d'une activité commerciale classique, nous n'aurions pas ce débat. En réalité, les collectivités locales qui se lancent dans de tels investissements le font à contrecœur, faute de pouvoir faire autrement. Leur conseiller d'augmenter les loyers des médecins qu'elles souhaitent accueillir, c'est une idée qui ne peut que faire fuir à nouveau les candidats. Nous ne pouvons suivre une telle logique. Aussi soutiendrons-nous l'amendement n° 364 de notre collègue Yves Simon, qui propose de rendre éligibles au fonds de compensation de la TVA les équipements publics réalisés par les communes et destinés à l'accueil des professionnels de santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Je veux également plaider en faveur de cet amendement. « Il suffit de récupérer la TVA en augmentant les loyers », avez-vous dit, monsieur le secrétaire d'État. Mais pourquoi les communes se lancent-elles dans ces investissements immobiliers ? Pour attirer les professionnels de santé. Si le loyer n'est plus attractif, ce sera pour eux une raison supplémentaire pour ne pas venir. Au demeurant, chacun aura compris que les incidences financières pour l'État seront minimes. Ce sera un service rendu aux collectivités et au final un bénéfice pour tous. Mais jamais les médecins ne viendront s'installer dans les communes rurales si les loyers n'y sont pas attractifs.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Lemoine, je comprends bien votre préoccupation. Mais, en fait, le problème de l'installation dans les zones défavorisées se pose davantage en termes de conditions de travail qu'en termes de rémunération des professionnels de santé.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. C'est vrai.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est la réponse qui vient toujours en premier lorsque l'on interroge les professionnels de santé.

Je viens, en répondant à M. Simon, de vous détailler le dispositif. Du reste, le sujet n'est pas nouveau ; il a été évoqué à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de plusieurs projets de loi de finances. Malheureusement, je l'ai dit, si le problème est simple, la réponse est techniquement complexe. Le Gouvernement a fait un choix différent pour favoriser l'installation des professionnels de santé : celui d'une aide directe, lisible et précise. On ne peut affirmer que l'État se désengage de cette mission alors même que, dans le cadre du projet de loi présenté par Hervé Gaymard, nous faisons un effort supplémentaire. Se pose seulement le problème de la TVA du fait de la réévaluation. Et quoi que j'aie pu dire, il n'a jamais été question, dans mon esprit, de suggérer aux élus locaux de relever les loyers.

Enfin, monsieur Brottes, il y a deux choses qui dépassent mes capacités. Premièrement, réparer les erreurs de la majorité précédente, je ne sais pas faire, car ce serait vraiment beaucoup de travail !

M. François Brottes. Allons, monsieur le secrétaire d'État, le sujet est grave !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Deuxièmement, rapprocher votre point de vue et celui de M. Charasse... Cela non plus, je ne sais pas faire ! Je préfère consacrer mon énergie à défendre ce projet de loi et à assurer la pérennité de l'assurance maladie.

Au-delà de cet amendement, j'ai relevé une phrase intéressante dans votre intervention : « Je préfère, avez-vous dit, la coercition à l'incitation. » Là est précisément la vraie ligne de fracture entre vos bancs et ceux de la majorité. Nous en avons débattu à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie. Nous pensons, nous, qu'il est possible de concilier le maintien de la présence des professionnels de santé dans les territoires ruraux avec l'exercice libéral de la médecine. Contrairement à vous, nous croyons à l'incitation. L'incitation n'empêche évidemment pas l'évaluation, et nous la ferons. En tout cas, nous assumons notre choix en faveur de l'exercice libéral de la médecine.

M. François Brottes. On voit ce que cela donne !

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Je vous ai bien écouté, monsieur le secrétaire d'État ; mais tout n'est pas aussi simple que vous le dites pour le maire d'une petite commune. J'ai un budget annexe et je ne peux pas en réintégrer les excédents dans mon budget principal. Si bien que je me retrouve avec 35 000 euros sur un compte placé chez mon percepteur et pour l'instant non rémunéré... Faute d'avoir pu obtenir satisfaction sur le calcul du montant des loyers par rapport à la dépense, ceux-ci se trouvent représenter environ 4 % de l'investissement, et si nous cherchons à récupérer la TVA par le biais d'un budget annexe, ils généreront automatiquement des excédents non réintégrables dans le budget principal. Que faire dans ces conditions, sinon plaider pour une récupération de la TVA ? Reconnaissez que cela ne pénalisera guère l'État dans la mesure où le FCTVA ne rembourse que deux ans plus tard, et sur travaux qui plus est. Je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 364.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 624.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Je ne peux que me réjouir de l'adoption de l'amendement n° 364. Celui-ci participe de la même démarche. Vous avez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, rejeté l'idée de subventions au coup par coup pour mettre en œuvre ces dispositifs ; pour vous faciliter la vie - et celle des services de Bercy -, nous vous proposons tout simplement une majoration, à peu près forfaitaire, de la dotation globale de fonctionnement au bénéfice des communes rurales. Cela aura le même effet de soutien pour les communes pauvres tout en évitant les calculs compliqués.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais elle avait rejeté une proposition similaire en première lecture. La DGF a pour objectif de permettre une couverture générale des charges des collectivités, sans que ces charges soient identifiées en tant que telles. Ajoutons que les textes récemment adoptés prévoient d'ores et déjà une majoration de la DGF, calculée en fonction des surfaces, précisément destinée à couvrir les dépenses dont M. Brottes fait état.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Nous avons clairement indiqué quelle était la priorité pour l'État et détaillé le dispositif que nous préférions mettre en œuvre. Vous proposez, Monsieur Brottes, de relever la DGF à concurrence des aides que les collectivités auront pu apporter ; cela ne me paraît pas compatible avec les principes que nous entendons mettre en œuvre dans ce projet de loi et qui permettent une réelle lisibilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 624.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 38, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 38

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30, portant article additionnel après l'article 38.

La parole est à M. Robert Lecou, pour le soutenir.

M. Robert Lecou. Cet amendement, sans grandes conséquences, me semble-t-il, vise à remédier au problème de la démographie médicale dans nos zones rurales en y facilitant l'installation des médecins.

Les cinquième et sixième alinéas de l'article 85 du code de déontologie médicale encadrent les possibilités d'ouverture d'un cabinet médical secondaire en prévoyant un délai de trois ans renouvelable ainsi que la possibilité de révoquer à tout moment cette autorisation. Cette démarche mériterait d'être amendée. Nul doute en effet qu'en favorisant la pérennisation de ces cabinets secondaires, nous répondrions à la problématique de la démographie médicale dans les zones rurales. Cela faciliterait l'installation de jeunes médecins dans des endroits encore relativement proches des villes, mais déjà suffisamment ruraux pour que l'on s'y attache à préserver la proximité et la permanence des soins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Pour commencer, nous sommes en plein domaine réglementaire : le code de déontologie médicale relève du décret. Par ailleurs, le Conseil national de l'ordre des médecins a, durant cet été, proposé au Gouvernement un notable assouplissement des conditions d'ouverture des cabinets secondaires. Si j'en crois mes informations, cette proposition est actuellement soumise à l'examen du Conseil d'État.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je partage d'autant plus votre souci, monsieur Lecou, que je vais vous demander le retrait de cet amendement... En effet, comme vient de l'indiquer à l'instant M. le rapporteur, le Conseil national de l'ordre des médecins vient de réécrire l'article 85 du code de déontologie dans le but, précisément, de favoriser la création de cabinets multisites afin d'améliorer ou de maintenir l'accès aux soins. Cette réécriture répond parfaitement à votre demande et rend votre amendement sans objet ni portée juridique. Un projet de décret a été rédigé et le décret sera, je puis vous l'assurer, publié très prochainement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je tiens, après plusieurs de mes collègues, à insister sur le caractère indispensable de la présence de médecins en milieu rural et sur la nécessité de mettre en œuvre des solutions propres à éviter l'apparition de véritables déserts médicaux et sanitaires dans les décennies, voire les années à venir. Le développement des possibilités d'implantation de cabinets secondaires est à cet égard particulièrement intéressant. Pour autant, je ne suis pas persuadé que les orientations arrêtées jusqu'à présent montreront une réelle efficacité à moyen terme. Je n'ai pas voulu redéposer en deuxième lecture mon amendement visant à transposer, pour l'installation des médecins, le système applicable aux pharmaciens. Et pourtant, l'expérience montre que si l'installation des médecins en milieu rural pose de réelles difficultés, les pharmaciens sont implantés à peu près partout, et de manière relativement harmonieuse. Une réflexion s'impose, me semble-t-il, pour trouver un système propre à assurer la présence médicale la plus équilibrée possible sur tout le territoire national.

M. le président. Monsieur Lecou, maintenez-vous votre amendement ?

M. Robert Lecou. Après avoir entendu les explications du ministre, et dans la mesure où une évolution du code de déontologie nous est assurée, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 30 est retiré.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 626 rectifié.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Je ne suis pas sûr que la majorité puisse, pour la pharmacie, réitérer le coup de la boulangerie qu'elle nous a fait pour La Poste !

Le seuil de 2 500 habitants en milieu rural, notamment en zone de montagne, apparaît trop élevé au regard des besoins, de la dimension des territoires et de la difficulté à y circuler. Afin de garantir l'accès au médicament et la proximité des soins, nous proposons, d'abaisser le seuil, dans ces territoires, à 1 500 habitants.

Il s'agit bel et bien, ne vous en déplaise, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une approche coercitive.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais elle avait rejeté la même suggestion en première lecture.

L'ensemble de la profession s'accorde sur le seuil de 2 500 habitants. La proposition de M. Brottes - une pharmacie pour 1 500 habitants - déstabiliserait le dispositif actuel et mettrait bon nombre de pharmacies en difficulté.

M. François Brottes. Pas dans les zones de montagne !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous devons concilier deux impératifs, monsieur Brottes : assurer la présence des pharmaciens, sur le territoire et préserver la viabilité économique des officines. Ce débat a également eu lieu au Sénat.

Pensant garantir des soins de proximité en abaissant le seuil, vous compromettrez en fait la survie des pharmacies, et vous aboutirez au résultat inverse de celui que vous recherchez. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les explications de M. le secrétaire d'État sont révélatrices des limites de l'organisation actuelle des soins. Nous devrions avant tout considérer les besoins des habitants et la possibilité qu'ils ont ou non d'accéder aux médicaments et à des soins de qualité. Le système libéral - c'est la philosophie politique de votre majorité - ne répond plus aux besoins de la population et ne correspond plus aux évolutions du territoire.

Vous avez une vision dogmatique du libéralisme, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Charasse. Protectionniste !

M. Jean-Marie Le Guen. Selon vous, l'offre de services doit être dictée par le marché. Or le marché n'est plus en mesure de répondre partout aux besoins de la population. C'est particulièrement vrai pour les territoires isolés dont nous parlons et dont les habitants n'auront plus accès à la distribution de médicaments. C'est vrai aussi dans d'autres zones, qui, pour d'autres raisons, n'ont pas accès à une offre de santé de qualité.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Chacun constate que l'accès au médicament, grâce à notre réseau de pharmacies, est nettement plus aisé que l'accès au médecin. Dans les secteurs où ce n'est pas le cas, la propharmacie est un recours et son maintien doit être garanti. Il fut un temps, en effet, où ce système a été remis en cause, malgré son utilité évidente. Il paraît essentiel de prévoir des pôles de distribution de médicaments dans des endroits isolés, où l'implantation d'une officine traditionnelle n'est pas assurée. La propharmacie est, en outre, un moyen de compléter l'activité du médecin traitant.

Pouvez-nous garantir, monsieur le secrétaire d'État, la pérennité de ce système tout à fait intéressant pour le milieu rural ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Les arguments avancés par M. le secrétaire d'État sont tout à fait pertinents pour les zones rurales, que je connais bien. Du reste, si l'on a modifié par le passé les conditions d'implantation de nouvelles pharmacies ou si l'on a cherché à supprimer la propharmacie, j'aimerais que vous me rappeliez, chers collègues de l'opposition, sous quel gouvernement ces mesures furent prises...

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je remercie M. Lemoine d'avoir rafraîchi la mémoire de certains.

Monsieur Folliot, si l'on se place dans la logique du service fourni à la population, il existe en effet des solutions. Vous en avez avancé une, je vais en énumérer d'autres à l'intention de M. Le Guen.

Il faut savoir ce que l'on veut : si c'est le dogmatisme, je préfère vous le laisser, monsieur Le Guen. Nous préférons quant à nous le pragmatisme.

M. Jean-Claude Lemoine. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous connaissez bien la réalité du monde rural.

M. Jean-Claude Lemoine. Mais non !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Et vous savez que des solutions existent. Les communes peuvent faire appel à des sociétés de portage de médicaments à domicile.

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi pas Internet, pendant que vous y êtes !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il est également possible de livrer des médicaments au domicile des patients lorsque leur état de santé l'exige ou en raison de situations géographiques particulières.

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous êtes content, tout va bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Enfin, les médecins installés dans une commune dépourvue d'officine peuvent être autorisés par le préfet à avoir un dépôt de médicaments dans leur cabinet.

M. François Brottes. Il n'y a pas de médecins en zone de montagne !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 626 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 444.

La parole est à M. Christian Ménard, pour le soutenir.

M. Christian Ménard. L'objet de cet amendement est de faciliter le remplacement des médecins généralistes installés dans des zones rurales médicalement défavorisées. Vous avez pris de bonnes mesures, monsieur le secrétaire d'État, pour attirer les médecins dans ces zones, notamment en créant des maisons médicales et en procédant à des exonérations de charges sociales. En revanche, très peu a été fait pour le maintien des médecins qui exercent actuellement dans ces zones. Pour y remédier, je propose une défiscalisation des remplacements, tant pour les remplaçants que pour les médecins eux-mêmes. Cette exonération est prévue pour une durée qui ne peut aller au-delà de soixante jours de remplacement.

Pour avoir exercé pendant trente-quatre ans comme médecin généraliste, dans une zone qui manquait de médecins et d'infirmières, je puis vous assurer que les médecins, qui sont des gens courageux, travaillant dix à douze heures par jour, voire davantage, aimeraient pouvoir souffler de temps à autre. Mais pour cela, ils doivent trouver un remplaçant qui accepte de venir dans cette zone défavorisée, ce qui n'est pas facile.

M. François Brottes. Écoutez bien, monsieur le secrétaire d'État !

M. Christian Ménard. Je vous parle de mon expérience personnelle, mais elle vaut pour tous mes confrères ici présents. Cette mesure me paraît donc particulièrement importante. (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement...

M. Marc Bernier. Elle a eu tort !

M. Yves Coussain, rapporteur. ...qui créerait un dispositif complexe et difficile à gérer. Les mesures qui sont prises en ZRR ou en zones déficitaires, notamment les exonérations de taxe professionnelle, nous semblent suffire.

Avec un tel amendement, nous créerions une catégorie de professionnels non imposables...

M. Christian Ménard. Mais non !

M. Yves Coussain, rapporteur. ...ce qui me semblerait excessif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pour m'en être entretenu avec vous, monsieur Ménard, je crois que le problème qui se pose dans votre département du Finistère - mais on peut extrapoler à d'autres - est avant tout celui de la permanence des soins. Là où elle existe, il faut en assurer la pérennité, et là où elle n'existe pas, il faut convaincre les acteurs de la mettre en œuvre. Il ne s'agit pas seulement d'une question financière. Il faut savoir qui fait quoi, entre les médecins libéraux qui sont prêts à s'engager, les collectivités et l'assurance maladie, qui doit en particulier assurer la présence de médecins effecteurs sur l'ensemble du territoire.

Si la véritable priorité, c'est la permanence des soins, la réponse n'est pas prioritairement fiscale. C'est pourquoi, dans notre esprit, l'incitation ne peut pas se concevoir sans évaluation. Jusqu'ici nous n'avons jamais laissé ses chances à l'incitation. Nous mettons en place de nouveaux dispositifs associant collectivités locales, assurance maladie, État. Si jamais la réponse que nous proposons n'est pas à la hauteur des enjeux, peut-être devrons-nous suivre la voie que vous suggérez. Mais il faut laisser toutes ses chances au dispositif actuel de permanence des soins. Comme je l'ai dit à Brest, c'est là est notre première priorité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. J'ai bien entendu le rapporteur et le secrétaire d'État, et je crois que nous sommes au cœur du problème, car il n'y a pas de permanence des soins sans visites de nuit, sans gardes le dimanche effectuées par les médecins libéraux... Il faut savoir qu'avant la multiplication des centres 15, la permanence des soins existait dans les zones rurales. Pourquoi n'existe-t-elle plus ? Parce que les médecins libéraux sont surchargés. Ils se plaignent tous de travailler soixante-dix heures par semaine alors que les médecins de PMI, ne travaillant que 35 heures, peuvent consacrer du temps à leur famille tout en gagnant plus. Pourquoi, dans ces conditions, être médecin généraliste et assurer des gardes ?

Cet amendement est très important car il permettrait de rétablir la permanence des soins dans les zones rurales. Le rapporteur a objecté que cela créerait deux catégories de contribuables. Mais pourquoi les heures de nuit ne seraient-elles pas mieux rémunérées ? N'est-ce pas le cas dans la fonction publique ? Je ne vois pas pourquoi les médecins qui assurent les gardes n'en tireraient pas un certain avantage. Et la collectivité, elle, y gagnerait beaucoup. Aujourd'hui, on va se faire soigner à l'hôpital pour une petite angine : or tout le monde sait que les actes dispensés à l'hôpital sont beaucoup plus chers que les actes libéraux.

Je défends bec et ongles l'amendement n° 444 de mes collègues, que j'aurais volontiers signé si j'en avais eu connaissance plus tôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Démagogie !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Nous partageons les réserves du rapporteur sur l'inégalité de traitement au sein d'une même profession. C'est une question de principe.

Cela dit, votre argumentation, monsieur le secrétaire d'État, est strictement sectorielle. Permettez-moi de vous rappeler le titre du projet de loi dont nous débattons : il vise au « développement des territoires ruraux », ce qui exige une approche globale et, de votre part, peut-être, une réappropriation du sujet.

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Je partage totalement les propos de mes collègues Ménard et Lemoine.

D'une part, j'aimerais qu'au lieu de zones défavorisées, nous parlions de zones déficitaires. « Déficitaire » englobe les territoires ruraux et les zones de montagne, mais aussi les périphéries des grandes villes et les quartiers en difficulté.

D'autre part, s'agissant de la permanence des soins, il faut savoir que tout est lié et ne pas refuser les incitations. Ainsi, dans mon rapport consacré à la démographie médicale, j'ai suggéré d'offrir des bourses aux étudiants en médecine qui accepteraient de venir dans ces zones déficitaires pour y faire des remplacements. Grâce à l'avantage fiscal proposé dans cet amendement, ils auraient l'occasion de mieux connaître ces territoires et, peut-être, l'envie de s'y installer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Brottes, la logique du projet de loi ne nous a pas échappé : nous parlons bel et bien d'un dispositif spécifique.

Monsieur Lemoine, nous partageons la même analyse. Le véritable problème, c'est tout simplement la surcharge de travail. En milieu rural, dans certaines zones déficitaires, les praticiens travaillent un grand nombre d'heures auxquelles les gardes s'ajoutent, ce qui ne leur facilite pas la tâche. En outre, la féminisation de la profession vient accentuer les difficultés existantes.

Cela étant, nous pouvons nous entendre et nous comprendre. De quoi est-il question ? De la juste contrepartie financière à l'acte médical effectué pour une période de garde.

Il y a deux possibilités : la défiscalisation, que M. Ménard et vous-même proposez, et, procédure plus simple et plus lisible, la rémunération. En ce domaine, l'assurance maladie a vocation à agir. Nous avons ainsi demandé aux partenaires sociaux de travailler à nouveau sur la question de la permanence des soins pour apporter une solution le plus rapidement possible. Le Gouvernement n'a pas régularisé l'avenant 14, qui proposait entre autres de rémunérer les heures de garde. Mais je pense que la rémunération, ne serait-ce qu'en raison de son caractère conventionnel, est préférable à la défiscalisation. Il ne s'agit pas de repousser le débat aux calendes grecques mais d'apporter la réponse la plus adaptée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. La défiscalisation serait un signe fort, très apprécié par le monde médical. D'autre part, elle ne pourrait se solder que par un bénéfice pour les différents budgets. On éviterait ainsi les dépenses très lourdes liées au fonctionnement des centres 15, sans compter les économies pour les collectivités locales que représenterait un moindre recours aux ambulances des SDIS.

M. Bernard Carayon. Très juste !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Lemoine, nous partageons les mêmes préoccupations et il serait surprenant que nous ne nous accordions pas. Pour dire les choses autrement, nous ferions le même diagnostic sans proposer la même thérapie.

M. Jean-Claude Lemoine. Voilà le médecin qui parle !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cela peut arriver mais, en la matière, nous pouvons certainement trouver une autre solution.

Je ne peux pas vous laisser dire que les centres 15 coûtent cher. L'objet de la permanence des soins, c'est de faire intervenir les professionnels libéraux plutôt que les praticiens hospitaliers. J'ai pu le constater dans un grand nombre de départements et M. Bernier nous le confirmera : quand l'organisation de la permanence des soins est bonne, on arrive à assurer le meilleur service au meilleur coût. C'est le but du jeu et cela fait même partie des priorités de l'assurance maladie. Vous comprendrez dès lors pourquoi je suis en désaccord avec la défiscalisation.

L'État n'a pas vocation à se désengager, il joue bel et bien un rôle de garant. Mais, dans ce domaine, c'est la logique de dialogue entre l'assurance maladie et les professionnels de santé qui doit primer.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le ministre, la proposition de M. Ménard et de M. Lemoine n'est pas si mauvaise : il faut bien commencer par quelque chose, tant le mal est profond !

La première chose à faire, ce serait de remettre nos territoires à la mode. Aujourd'hui, aller exercer en milieu rural est ressenti comme une fatalité par les jeunes médecins. Et il en va de même pour les banlieues. Ils préféreraient tous s'installer dans le viiième arrondissement de Paris !

Il faut aussi préparer la mise en place de maisons de soins, en collaboration avec les collectivités territoriales, avec une forte incitation de l'État.

Nous devons reprendre les choses à zéro, sinon nous n'inciterons jamais les médecins à venir s'installer dans nos territoires. Il faut dire qu'ils ont changé d'état d'esprit. D'abord, ils ont très peur de perdre leur femme... et ils ont raison car c'est souvent le cas ! (Rires et exclamations.) Chez nous, c'est si loin de tout !

Si l'État prend les devants, pour les médecins comme pour les vétérinaires, nous pourrons éviter les querelles entre conseil régional et conseil général, et parvenir tous ensemble à remettre nos campagnes d'aplomb. Si nos campagnes sont à nouveau d'aplomb, tout ira beaucoup mieux. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Marie Le Guen. Oh ! oh ! oh !

Article 39

M. le président. Monsieur Le Guen, votre intervention sur l'article 39 remédiera peut-être à votre hilarité...

M. Jean-Marie Le Guen. Nous le savions d'entrée, ce texte contient beaucoup de choses fort diverses. En ce moment, nous parlons de « faire » le système de santé ; dans quelques minutes, il s'agira de le « défaire ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais finalement, nous retrouvons toujours la même logique : empiler des solutions partielles à des problèmes globaux.

Si vous connaissiez le sujet, monsieur le secrétaire d'État, mais vous maîtrisez sans doute bien mieux le dossier de l'assurance maladie que celui de la médecine en milieu rural, ...

M. Jean-Claude Lemoine. Et c'est un médecin fonctionnaire qui dit ça !

M. Jean-Marie Le Guen. ...vous sauriez que toutes les études qui ont été faites montrent que le problème n'est pas celui des revenus. Bien évidemment, les difficultés s'accroissent et, mes chers collègues, elles ne feront qu'empirer dans quelques années.

M. Yves Censi. Il fallait le prévoir il y a dix ans !

M. Jean-Marie Le Guen. Et ce que vous propose le Gouvernement, c'est une évaluation d'ici à 2010 ! Entre-temps, sans doute, vous irez voir l'ensemble de vos mandants en leur disant que le Gouvernement a un plan et qu'il faut attendre ses résultats. J'imagine déjà comme ils seront heureux d'entendre de tels propos !

Vous êtes inquiets et c'est fort légitime. Vous tentez de trouver un biais - d'abord la voie fiscale, ensuite les aides indirectes, ou bien encore l'octroi de moyens supplémentaires - pour favoriser la venue de professionnels de santé dans des territoires aujourd'hui désertés. Et vous avez raison, à une nuance près. Les questions financières ne sont pas au cœur du problème, qui tient avant tout aux différents aspects de la qualité de vie, aussi bien quotidienne que professionnelle. Tant que les médecins auront le sentiment d'être isolés et d'être astreints à assurer une garde vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et presque douze mois sur douze sans pouvoir prendre de repos, ils continueront à avoir des appréhensions. Vous pourrez mettre en place toutes les incitations financières possibles, vous ne résoudrez pas le problème.

Pour trouver une solution, il vous faut rompre avec le dogme de la pratique libérale, celui qui vous fait croire qu'en dehors de l'aide financière, il n'y a pas de moyens d'accroître la mobilité géographique. Il s'agit de revoir l'organisation des soins. Le médecin doit pouvoir compter sur une équipe de professionnels paramédicaux qui l'assistent et lui permettent de prendre un minimum de distance avec l'exercice quotidien de sa profession. Les moyens pour le faire avaient été adoptés en première lecture du projet de réforme de l'assurance maladie au mois de juillet. Mais le Gouvernement est revenu sur l'obligation faite à l'assurance maladie assurer la permanence des soins en ouvrant les services nécessaires. Ce n'est pas aux maires ou aux conseillers généraux de courir après les médecins. C'est à l'assurance maladie d'organiser les soins dans chaque canton.

Tant que vous persisterez à appliquer le dogme de la pratique libérale, qui permet à chacun de s'installer là où il le veut, vous n'aurez pas satisfaction et les citoyens que vous représentez ne seront pas égaux dans l'accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 627.

M. François Brottes. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable, car cet amendement est déjà satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 627.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 446.

La parole est à M. Antoine Herth, pour le soutenir.

M. Antoine Herth. Cet amendement prévoit que les chartes de développement des pays peuvent intégrer des projets relatifs aux questions de santé, d'action sociale et médico-sociale.

Je vais faciliter la tâche du secrétaire d'État et du rapporteur en leur disant que j'ai bien conscience qu'il s'agit là d'un amendement déclaratif, ce dont nous avons tous horreur ici. Mais quand j'entends M. Le Guen prétendre que nous sommes au bord du précipice et que, dans dix ans, il n'y aura plus rien, je me dois de lui dire non. La ruralité est diverse : il peut y avoir un canton, une ville, un bourg-centre où les choses se passent très bien, et non loin, des endroits où elles se passent très mal.

Dans notre palette, nous disposons d'un outil, celui des pays, à côté des communautés de communes, des conseils généraux et des conseils régionaux, et il est important de l'utiliser afin de chercher une cohérence et une solidarité à l'intérieur de ces territoires.

Bien sûr, je retirerai cet amendement mais des paroles fortes doivent être prononcées en ce sens afin d'encourager la mobilisation de l'ensemble des moyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Je remercie d'avance M. Herth de bien vouloir retirer cet amendement qui a été repoussé par la commission. Les pays peuvent prévoir d'ores et déjà des actions sociales ou médico-sociales sur leur territoire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le député, sachez que je partage votre souci pour la coordination. Mais aujourd'hui déjà, sans même avoir besoin de voter un nouveau dispositif, il est possible de coordonner les politiques et les actions au niveau des pays. Comme j'en ai fait l'expérience en tant qu'élu local, je sais que ce sont de vraies préoccupations.

Cela étant, des politiques sont en cours. Dans le projet de loi relatif à l'assurance maladie figurent les missions régionales de santé, qui ont pour vocation d'assurer une meilleure articulation et une meilleure organisation des soins sur le territoire. Les SROS de troisième génération vont également permettre, dans le cadre de projets territoriaux de santé, de coordonner l'offre hospitalière et l'offre ambulatoire afin d'assurer la permanence des soins. Ce seront en définitive de véritables projets médicaux de territoire, qui seront adoptés pour septembre 2005, conformément à la circulaire de mars 2004.

Les efforts de coordination sont aujourd'hui nombreux. De nouveaux efforts sont entrepris. Dans ces conditions, je crains que vos propositions ne viennent y ajouter de la confusion. Quand les dispositifs prévus fonctionneront, nous y verrons plus clair les uns et les autres, acteurs nationaux comme acteurs locaux.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez bien compris le sens de cet amendement, qui est un amendement d'appel. Il a aussi le mérite d'attirer l'attention sur les schémas régionaux d'organisation de santé. Et c'est à ce sujet que je souhaite vous entendre.

Il importe que la nouvelle génération des SROS soit bâtie avec les acteurs locaux. Les consulter alors que les décisions sont déjà prises n'est pas acceptable. Nous sommes trop souvent mis devant le fait accompli.

Dans certains espaces territoriaux constitués, des efforts ont été consentis par tous les acteurs de santé. Dans mon département de la Côte-d'Or une circonscription regroupe 344 communes où quatre hôpitaux ont décidé de travailler ensemble. Ces espaces doivent aujourd'hui être confortés.

Le problème pour les personnels de santé, c'est qu'ils sont placés dans une situation d'insécurité. A peine un SROS est-il mis en place qu'on discute d'un changement de son organisation. Les choix de vie de ces personnes, qui pour certaines accepteraient volontiers de s'installer en milieu rural, se voient donc en permanence déstabilisés.

Je plaide pour que, sur une période de cinq ans, il y ait une véritable stabilité et que les SROS tiennent compte des spécificités régionales et locales, car les réponses ne peuvent être les mêmes partout.

Se pose enfin la question des moyens. Je souhaite qu'un jour soit renégocié le montant des moyens alloués à chaque région, car il y a de très fortes inégalités territoriales. Certaines régions sont surdotées, d'autres nettement sous-dotées. En Bourgogne, par exemple, on gère la pénurie financière.

Si nous voulons garantir la permanence des soins et mener une réflexion avec les élus locaux et les partenaires de santé sur les territoires, il faudra assurer cette stabilité et mettre des moyens en milieu rural, sinon on constatera demain et après-demain de graves problèmes dans certains territoires. Aujourd'hui déjà, j'en connais où il n'y a plus de gardes. C'est le cas chez moi sur la moitié d'un département. Si nous voulons garantir l'égalité territoriale d'accès aux soins, nous devrons être un peu plus modernes et prospectifs.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les préoccupations exprimées par nos collègues ont déjà été abordées au mois de juillet dernier, lors de la réforme de l'assurance maladie.

M. Gérard Bapt. Dans la torpeur estivale, comme vous dites ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons effectivement parlé des SROS, qui concernent aujourd'hui essentiellement les gros équipements. Nous avons demandé que la médecine de ville soit intégrée dans les SROS...

M. François Brottes. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. ...de même que les zones désertifiées au plan médical. La majorité l'a refusé au nom du dogme du libéralisme.

M. Yves Censi. Il y a eu d'autres mesures !

M. Jean-Marie Le Guen. Ensuite, et je m'étonne que personne ne l'ait encore signalé, dans le débat sur l'assurance maladie, nous nous sommes inquiétés de la faible part accordée à la Mutualité sociale agricole qui, sans être la seule intervenante dans les territoires ruraux, est l'un des principaux interlocuteurs. Elle est intervenue pour vous faire part de ses craintes sur la manière dont elle allait perdre sa spécificité et sa capacité d'intervention. Peut-être, monsieur le secrétaire d'État, vous souvenez-vous de ce courrier que vous avez reçu au mois de juillet. Mais cette préoccupation, qui a été défendue par l'opposition, n'a pas été reprise par la majorité.

M. Yves Censi. Bien sûr que si ! Il y a eu des amendements de l'UMP.

M. Jean-Marie Le Guen. Je pensais que certains d'entre vous en auraient parlé aujourd'hui.

Par ailleurs, puisqu'il est question, à juste titre, de coordination, je rappelle que la majorité actuelle a créé la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Cette mesure va séparer un peu plus l'intervention des différentes caisses de sécurité sociale en isolant le risque « personnes âgées handicapées ». Cela rendra encore plus difficile la coordination des politiques sanitaires et sociales dans les territoires délaissés.

SROS, MSA, coordination : voilà trois sujets dont nous avons débattu au mois de juillet lors de la réforme de l'assurance maladie, qui sont au cœur de vos préoccupations et qui ne sont pas pris en compte. Certes, l'article 39 exprime une préoccupation que nous partageons et l'amendement est intéressant. Mais, dans la réalité, vous mettez en place des politiques nationales qui contredisent l'objectif de cet article.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je trouve, pour ma part, cet amendement extrêmement intéressant, car il s'appuie sur une analyse de terrain qui permet de partir des besoins pour élaborer des chartes de territoire. Il se situe à l'échelle d'un pays, c'est-à-dire d'un bassin de vie, niveau territorial où on peut le mieux recenser les besoins de la population et y répondre, ce qui est fondamental.

Tout à l'heure, M. Le Guen et M. Lassalle disaient qu'il fallait une organisation au niveau des territoires ruraux, certes avec le maillage des médecins libéraux, mais aussi avec des professions paramédicales et des cabinets médicaux. J'ajoute qu'il faut également des hôpitaux de proximité. L'approche territoriale du pays permet justement d'apporter des réponses. C'est pourquoi je suis assez étonné de la réponse du ministre : c'est comme si, en ne donnant pas un avis favorable à cet amendement, il craignait que la réflexion centrée sur un bassin de vie puisse présenter un danger quelconque. Or il est important de répondre vraiment aux besoins de la population et aux réalités du terrain.

C'est pourquoi je soutiens fortement cet amendement, au point de regretter de ne pas l'avoir écrit moi-même !

M. Jean Dionis du Séjour. Quel compliment !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Sauvadet, vous formulez trois demandes.

La concertation d'abord. Il faut savoir que, dans les SROS de troisième génération, il y a une meilleure coordination entre l'ambulatoire et l'hôpital, et cette démarche sera poursuivie, prolongée et confirmée par les missions régionales de santé. J'estime, pour ma part, que la concertation n'est jamais une perte de temps, car elle permet de faire les meilleurs choix. Des consignes ont été données pour que les avis des élus soient mieux pris en considération.

Vous demandez aussi de la stabilité, et vous avez raison. Les décideurs, les élus et les personnels ne peuvent pas avoir des assurances sur quelques années seulement. Il leur faut davantage de visibilité pour construire l'organisation des soins et pouvoir répondre à la demande de nos concitoyens.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Troisième demande : la démarche régionale. Nous l'avons engagée très nettement avec la réforme pour l'avenir de l'assurance maladie, avec deux propositions : les missions régionales de santé dont j'ai déjà parlé, mais aussi les agences régionales de santé pour des territoires qui souhaiteraient s'engager dans cette voie.

En matière de concertation et de coordination, des régions comme la Bretagne et l'Alsace ont déjà mené des expériences. Le Gouvernement a très clairement indiqué qu'il y avait de la place pour cinq expérimentations. Il est important de savoir qui sera candidat. Et nous préparons un décret en vue d'assurer la souplesse nécessaire pour que les régions qui le souhaiteraient puissent s'engager dans l'expérimentation. À mon avis, monsieur le député, vos préoccupations sont prises en considération dans la réforme pour l'avenir de l'assurance maladie.

Monsieur Le Guen, vos arguments sont les mêmes que cet été, dans cette« torpeur estivale » que je n'ai pas, pour ma part, ressentie, ne serait-ce qu'en raison de votre participation active au débat. (Sourires.) J'ai tendance à croire que ces arguments ne sont pas plus pertinents aujourd'hui. Vous pouvez utiliser tous les véhicules législatifs possibles pour essayer de faire avancer vos idées. Je suis d'ailleurs très étonné que vous soyez un fervent supporteur de la MSA alors que les amendements, acceptés par le Gouvernement, visant à sa meilleure prise en considération dans l'assurance maladie, venaient de députés comme M. Censi. Peut-être vous y êtes-vous rallié. En tout cas, je ne m'en souviens pas.

M. Yves Censi. Il n'était pas là !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. En tout cas, vous aviez été plus discret à ce sujet qu'aujourd'hui.

Monsieur Chassaigne, je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair tout à l'heure. Je confirme donc que des expériences comme celles dont nous parlons sont possibles dès aujourd'hui et que, contrairement à ce que vous voulez me faire dire, les initiatives locales au plus près du terrain sont très intéressantes. C'est cette démarche qui est initiée par les missions régionales de santé, mais aussi par les pays. Je ne vois donc pas pourquoi on pourrait nous faire ce qui ne serait rien d'autre qu'un mauvais procès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L'amendement n° 446 est retiré.

Je mets aux voix l'article 39.

(L'article 39 est adopté.)

Après l'article 39

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 423 et 622, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 423.

M. André Chassaigne. Cet amendement tend à alléger les contraintes liées à l'installation d'une officine de pharmacie en milieu rural. Dans ce domaine, on ne tient pas compte des évolutions qui ont eu lieu depuis plusieurs années. En s'attachant à un seuil de population qui a été porté, en 1999, de 2 000 à 2 500 habitants, on néglige la baisse démographique. Ainsi, des espaces de plus en plus grands sont dépourvus d'officine, avec les problèmes de déplacements qui en résultent, surtout en hiver, quand il faut parcourir des dizaines de kilomètres pour trouver une pharmacie. S'y ajoute le fait que la population est toujours plus âgée, donc que la consommation de médicaments s'accroît. Il faut essayer de débloquer la situation et laisser s'installer des pharmacies là où de jeunes pharmaciens, après avoir fait une étude de marché, estiment qu'ils peuvent vivre sur un territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 622.

M. Jean Lassalle. M. Chassaigne vient d'évoquer ce sujet avec son talent habituel. Pour ma part, je formule la même demande. Dans ce domaine, nous devons en effet évoluer et ne pas nous tenir à des seuils trop rigides.

À la campagne, il est peut-être plus facile d'ailleurs de trouver un pharmacien qu'un médecin, car ce commerce peut se révéler une occupation pour l'épouse du pharmacien. (Sourires.) Tout à l'heure, j'ai dit que le médecin avait peur de perdre sa femme ; le contraire est vrai aussi, c'est-à-dire que la femme médecin a, elle aussi, peur de perdre son mari. (Rires.)

Je voudrais maintenant vous parler des maisons de retraite, dont, vous le savez, nous sommes tous les futurs clients, car il sera très difficile à nos enfants de nous garder chez eux. Depuis une dizaine d'années, on assiste à l'apparition d'un quatrième âge. Je connais bien le sujet car je suis président d'une maison de retraite. Lorsque je l'ai fondée, il y a une vingtaine d'années, la moyenne d'âge était de soixante-deux ans, contre quatre-vingt-huit ans et demi actuellement. Les problèmes sont devenus très différents, avec la maladie d'Alzheimer et celle de Parkinson. Certaines personnes ne peuvent plus déambuler dans des couloirs devenus trop étroits, et les travaux de remise en état coûtent très cher. J'ai mis neuf ans à préparer un projet - ce n'est pas plus facile chez nous qu'à Paris - et maintenant que tout le monde est d'accord, je n'arrive pas à trouver les financements. L'État me dit ne pas vouloir financer, la région m'a répondu qu'elle s'occupe de l'aménagement du territoire et non des problèmes sociaux, enfin le département me dit qu'il apporte déjà sa contribution au titre de l'APA. Alors que l'on parle beaucoup des personnes âgées, on ne peut plus les accueillir dans de bonnes conditions. Pourtant, cela crée des emplois, sans oublier que ces aides-soignantes et ces infirmières sont autant d'épouses possibles pour les jeunes paysans, artisans et commerçants qui ont eu le courage de rester chez nous !

Messieurs les ministres, je vous demande de vous pencher sur cette question, car on ne peut pas financer aujourd'hui des maisons de retraite dans de bonnes conditions.

M. le président. Monsieur Lassalle, je dois vous faire observer que les maisons de retraite ne figuraient pas du tout dans l'exposé sommaire de l'amendement.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Qu'il s'agisse de l'amendement de M. Lassalle ou de celui de M. Chassaigne, la réponse est la même que celle que j'ai faite à M. Brottes. Un équilibre a été trouvé autour de la norme de 2 500 habitants, sur laquelle l'ensemble de la profession est d'accord. C'est pourquoi la commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis, monsieur le président.

Une mesure de ce type doit être prise en concertation avec l'ordre des pharmaciens ou avec les pharmaciens regroupés dans leurs syndicats. Or ils pensent qu'en deçà du seuil de 2 500 habitants, il risque de ne pas y avoir de candidat à la reprise. L'équilibre économique des officines serait modifié, avec l'impact que l'on imagine sur les pharmaciens et leur personnel - lui aussi installé en milieu rural - mais aussi sur les candidats qui regarderont la viabilité économique de l'investissement. En abaissant le seuil, on risquerait de déstabiliser les officines existantes et on découragerait les installations, ce qui irait à l'encontre de l'objectif que vous recherchez.

Monsieur Lassalle, les préoccupations que vous avez exprimées sur les maisons de retraite découlent du vieillissement de la population. Il importe d'en tirer les conséquences. Tout à l'heure, j'entendais parler de la CNSA. Pourquoi l'avons-nous créée ? Pour faire face aux besoins croissants de la population française en matière de prise en charge de la dépendance. On aura beau se perdre en arguties, la réalité ne changera pas. Les difficultés que nous rencontrons et les inquiétudes que nous éprouvons nous ont conduits à mettre en place la CNSA, pour relever les défis qui nous attendent. C'est ainsi que plus de 53 000 personnes supplémentaires pourront être prises en charge, que ce soit à domicile ou dans des établissements, afin de répondre à cette demande croissante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le rapporteur, vous êtes député du Cantal. Comme j'y ai aussi de la famille, je rencontre parfois des médecins et des généralistes implantés dans les cantons ruraux de ce département. Les problèmes de démographie médicale et de présence des pharmaciens qui préoccupent nos collègues de la majorité comme de l'opposition, ne sont qu'un aspect de la désertification sanitaire qui risque de provoquer une rupture de la permanence des soins.

Sans doute avez-vous vu récemment, mes chers collègues, un reportage sur une chaîne nationale de télévision, qui était consacré à un chef-lieu de canton, un bourg rural, dont le maire était désespéré parce que le seul généraliste qui y était installé venait de rejoindre l'équipe d'urgence d'un hôpital situé un peu plus loin. D'un côté, c'était une bonne chose puisqu'on manque de médecins urgentistes mais, de l'autre, le canton n'avait plus de médecin. Et le maire n'arrivait pas à lui trouver un successeur.

La limite de toutes les mesures qui peuvent être prises réside dans l'attractivité problématique de l'exercice de la médecine, d'autant que la profession médicale se féminise de plus en plus. Lorsque j'étais en formation, il y avait 75 % d'hommes pour 25 % de femmes. Aujourd'hui, la proportion est en train de s'inverser. Les conditions de vie et l'avenir des enfants sont devenus des paramètres déterminants pour la démographie médicale et, à l'évidence, les incitations fiscales ne suffisent pas. Il faut inventer de nouvelles formes d'exercice, de rémunération, de statut - par exemple celui de remplaçant occasionnel sur de longues durées pour permettre d'assurer à de jeunes médecins une première expérience médicale avant leur installation.

En ce qui concerne les pharmacies, M. le secrétaire d'État n'avait sans doute pas tout à fait tort en ce qui concerne la nécessité des seuils et les risques d'une dispersion qui compromettrait la viabilité des pharmacies. Cela étant, c'est tout le problème de la désertification sanitaire de certaines zones qui est posé, et votre réforme, parce qu'elle se limitait aux incitations fiscales, n'est pas allée assez loin, monsieur le secrétaire d'État.

Je regrette que l'assurance maladie n'ait plus à se préoccuper de la nécessité d'assurer la présence médicale et la permanence des soins sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Votre argument, monsieur le secrétaire d'État, mérite d'être entendu. Il ne faudrait pas, en effet, en ouvrant de nouvelles perspectives d'installation, déséquilibrer l'organisation actuelle qui est économiquement extrêmement fragile.

Toutefois, l'amendement précise que ne sont concernées que « les communes de moins de 2 500 habitants dépourvues d'officine ». Il s'agit donc de profiter du développement de l'intercommunalité pour faire bénéficier des populations de services dont elles ne peuvent pas aujourd'hui bénéficier compte tenu de la pratique des seuils.

Mais il faut avancer. D'autres pistes ont été évoquées, notamment la propharmacie dont vous connaissez le principe : permettre à un médecin prescripteur de délivrer des médicaments. Mais nous nous heurtons parfois à des attitudes corporatistes. Il faut assurément travailler avec les professionnels de santé et, en pratiquant le dialogue comme vous l'avez fait, vous êtes allé dans la bonne direction car on ne fait pas une bonne politique de santé sans les professionnels de santé. Il faut cependant aussi se prémunir contre les réflexes conservatoires de certaines professions qui refusent toute modification de l'organisation territoriale de la santé.

Je souhaiterais donc que vous demandiez aux préfets d'examiner très attentivement les demandes de dérogation formulées notamment pour la propharmacie. En effet, pour en avoir fait l'expérience sur le terrain, je puis vous garantir que c'est très compliqué d'arriver à organiser la distribution des médicaments par l'intermédiaire d'un médecin.

Il s'agit donc d'un amendement d'appel destiné à améliorer la couverture de zones dépourvues d'officine. Si vous ne souhaitez pas modifier les seuils, ce qui, encore une fois, peut se comprendre, il faudra que vous donniez des directives très fermes pour que l'administration ne cède pas en permanence à certains lobbies. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Coussain, rapporteur. La loi permet la création d'officines dans les communes de 2 500 habitants qui n'en auraient pas.

M. François Sauvadet. L'amendement vise les communes qui sont en dessous de ce seuil !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il est important de ne pas modifier le seuil pour les raisons que j'ai indiquées. Mais c'est également nécessaire dans l'intérêt même des zones rurales puisque ce mécanisme est aussi destiné à maintenir la présence de pharmaciens et à permettre des installations en cas de transfert.

En application des dispositions de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999 relatives aux officines, un arrêté a été pris par chaque préfet de département afin d'identifier les communes de moins de 2 500 habitants non desservies par une officine. Sur la base de ce recensement, des créations d'officine peuvent être autorisées dans des zones géographiques constituées de communes limitrophes non desservies par une officine proche et dont la population atteint 2 500 habitants. Nous en avons discuté lors de l'examen de la proposition de M. Lemoine. Il faut pouvoir identifier les zones qui ont des besoins particuliers. En la matière, nous devons respecter le plus possible la logique des territoires ruraux et faire du sur-mesure. Le Gouvernement demandera donc aux préfets d'être particulièrement vigilants là où il existe des demandes spécifiques émanant des élus, car ce sont eux qui connaissent le mieux la réalité des besoins.

Plus globalement, en jouant la carte de la concertation dans le cadre de l'assurance maladie, nous nous sommes aperçus que le dialogue entre le Gouvernement et les professions de santé existait bien, mais que ces dernières parlaient rarement entre elles. Nous souhaitons qu'il soit mis fin à ce cloisonnement qui pose davantage de problèmes qu'il n'aide à en résoudre. La mise en place de l'Union nationale des professions de santé obéit à cette logique de décloisonnement. Elle devrait aider les élus à régler les problèmes qui doivent l'être. C'est donc aller dans le sens de vos préoccupations, mesdames et messieurs les députés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 423.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 622.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 39 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, inscrit sur l'article.

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaiterais apporter quelques informations complémentaires à nos collègues qui sont à juste titre préoccupés par l'évolution de la présence du corps médical dans les territoires ruraux.

La situation actuelle est déjà très préoccupante. Vous connaissez sinon les chiffres globaux, du moins les données de votre circonscription, en particulier l'âge des médecins encore en activité. La pyramide des âges n'est pas régulière et la classe d'âge des plus de cinquante ans qui partiront dans les dix ans qui viennent est particulièrement nombreuse. Ce phénomène sera une source de déséquilibre de l'offre de médecins.

J'ai rappelé tout à l'heure les mesures qui n'avaient pas été prises par le Gouvernement et l'échéance fixée pour l'évaluation : 2010. Si vous avez des objectifs d'évaluation à plus court terme, monsieur le secrétaire d'État, comme 2007, dites-le nous. Prenez-vous l'engagement de ne pas attendre 2010 pour venir présenter devant l'Assemblée nationale, dans un an par exemple, un rapport sur l'évaluation des mesures que vous avez prises pour l'implantation des médecins ? Je vous mets au défi de le faire.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ne soyez pas de mauvaise foi, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Parlons-en ! Avec la bonne foi qui vous caractérise dans ce débat ! Depuis des mois, vous dites une chose pour faire son contraire.

M. Yves Censi. Et vous ? Vous avez voté contre la MSA !

M. Jean-Marie Le Guen. Les débats du mois de juillet font foi, monsieur Censi. On se souvient encore dans quelles conditions vous vous êtes rattrapé dans cette affaire. Votre amendement que le Gouvernement a accepté était très en deçà des demandes de la MSA.

M. Yves Censi. Mais vous avez voté contre !

M. Jean-Marie Le Guen. Selon toute vraisemblance, compte tenu des orientations retenues, la convention médicale qui sera négociée le mois prochain devrait entériner un découplage complet entre la somme demandée au patient et celle qui lui sera remboursée par la sécurité sociale. Je ne demande pas mieux que d'être démenti, mais on devrait aboutir à la généralisation du secteur à honoraires libres.

Dans vos cantons ruraux, l'impact sera amplifié. En effet, quand un jeune médecin cherchera à s'installer, il regardera d'abord le potentiel fiscal et social de ses futurs patients.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. Si, demain, les consultations ne sont plus remboursées qu'à 50 % au mieux par la sécurité sociale, les jeunes iront directement là où la clientèle aura un fort potentiel.

M. Michel Piron. Quelle mentalité ! C'est un procès d'intention !

M. Jean-Marie Le Guen. Le problème auquel vous êtes confrontés aujourd'hui ne peut donc que s'aggraver, si bien que la politique de santé que vous avez choisie, qui laisse le marché résoudre les difficultés liées à l'organisation des soins, fera de vous ses premières victimes !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. J'ai écouté votre intervention avec grande attention, monsieur Le Guen. Vos propos témoignent d'une totale méconnaissance de la situation dans le secteur rural. Si les médecins ne s'installent pas en milieu rural, ce n'est assurément pas pour des raisons d'ordre financier. M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie pourrait peut-être nous fournir quelques chiffres en la matière : le revenu moyen des médecins en milieu rural, tout au moins dans mon département, est égal, voire supérieur à la moyenne nationale. En revanche, la charge de travail y est très lourde.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen. Je l'ai dit moi-même tout à l'heure. Mais si les médecins qui cherchent à s'installer peuvent, en plus, bénéficier d'un bon potentiel fiscal...

M. Philippe Folliot. Les problèmes de démographie médicale ne se posent absolument pas dans les termes que vous avez choisis.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais que faites-vous de l'effet psychologique qui sera créé ? Il n'y a qu'à constater les choix qui sont faits pour l'internat !

M. Philippe Folliot. Il convient plutôt de saisir les occasions offertes par le projet de loi et aller encore plus loin en créant, par exemple, de véritables maisons de santé rassemblant l'ensemble des professionnels de la santé : les médecins, les chirurgiens-dentistes, les kinésithérapeutes ou les infirmiers libéraux. C'est en prenant par ce biais le difficile problème de la démographie médicale que l'on pourra y apporter une solution globale et cohérente.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine. Je souhaite répondre aux deux précédentes interventions de M. Jean-Marie Le Guen, tout en sachant que c'est sa grande expérience de la médecine libérale en milieu rural, qui est si différente de l'expérience de médecin fonctionnaire, qui lui permet de s'exprimer de manière aussi avisée.

Selon M. Le Guen, le projet de loi n'apporte pas de solutions excellentes aux problèmes de démographie médicale. C'est vrai. Nous sommes contraints de coller des rustines pour essayer de passer un cap difficile. Je regrette d'ailleurs que M. Le Guen s'en aille,...

M. Jean-Marie Le Guen. Je dois m'absenter. Cela vaut mieux que de vous écouter !

M. Jean-Claude Lemoine. ...parce que je souhaiterais lui rappeler les deux raisons pour lesquelles nous connaissons actuellement une situation aussi difficile : durant de trop nombreuses années, nous n'avons pas augmenté le numerus clausus - nous ne l'avons fait qu'il y a deux ans - et nous n'avons pas réformé les études médicales. La sélection est évidemment nécessaire, mais le caractère scientifique actuel des études médicales contraint de nombreux jeunes, qui ont une véritable vocation à devenir médecins, à aller faire leurs études en Belgique avant de revenir s'installer en France. Nous aurions dû entamer la réforme des études médicales.

L'augmentation du numerus clausus, quant à elle, ne pourra pas produire ses effets avant une dizaine d'années. J'ignore ce qu'en pense M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mais il est impossible que les solutions que nous apportons aujourd'hui puissent donner des résultats flamboyants dans les six mois ou dans un an ! Les résultats n'apparaîtront pas avant plusieurs années !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite recadrer le débat et rappeler l'enjeu du texte en discussion, qui est de définir une politique d'aménagement du territoire. Je regrette que M. Jean-Marie Le Guen ait quitté l'hémicycle.

M. Gérard Bapt. Je le remplace.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Certes, mais personne jusqu'à présent ne l'avait vu prendre part à la discussion sur ce projet de loi. Il n'est venu ce soir que pour relancer le débat sur l'assurance maladie, après quoi il est aussitôt reparti.

M. Yves Censi. Un week-end à la campagne !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si M. Le Guen avait l'expérience des territoires ruraux, il n'aurait pas tenu de tels propos ! Je tiens à prévenir toute fausse interprétation de l'objectif du texte en discussion. Le débat politique que M. Le Guen a souhaité rouvrir est clos. Il nous faut revenir au texte lui-même, dont l'objectif est l'aménagement du territoire. Il nous appartient d'adopter des dispositions urgentes et utiles, en vue de mieux organiser les besoins sanitaires des territoires ruraux. Monsieur le président, tout en demandant à la majorité de les soutenir, je souhaiterais que nous passions rapidement au vote des amendements en discussion.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je tiens à rassurer nos collègues : M. Jean-Marie Le Guen, contraint de s'absenter, sera de retour à dix-huit heures trente, pour intervenir sur un autre point qui l'intéresse particulièrement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela nous inquiète plutôt !

M. Gérard Bapt. Vous n'avez pas tort, monsieur Lemoine, de rappeler que nous avons trop attendu pour rouvrir l'accès aux études médicales.

Cela dit, à l'heure actuelle, le nombre des médecins en France serait suffisant pour assurer une présence médicale sur l'ensemble du territoire. Le problème réside dans le fait que des régions sont sous-dotées, quand d'autres sont surdotées. Dans ces conditions, la seule ouverture du numerus clausus ne suffira pas à garantir le rééquilibrage entre les régions. On ne peut chercher, monsieur le président de la commission, à recentrer le débat sur l'offre sanitaire en faisant l'impasse sur ce point. Je reconnais volontiers que nous discutons actuellement de l'aménagement du territoire et de la défense des territoires ruraux, mais garantir la permanence de l'offre de soins dans ces mêmes territoires est un des objectifs affichés - et importants - de la réforme que vous avez votée en juillet dernier.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne s'agit pas que de cela !

M. Gérard Bapt. La présence médicale en zone rurale doit être très rapidement évaluée en fonction des perspectives d'installation, de départ à la retraite et de changement d'activité de très nombreux médecins résidant dans ces zones. Cette question concerne directement notre débat.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 120.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 121.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39 bis, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 39 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 39 ter et 40

M. le président. Les articles 39 ter et 40 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 39 ter et 40, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 41

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 215.

La parole est à M. Gabriel Biancheri, pour le soutenir.

M. Gabriel Biancheri. Cet amendement prévoit l'assermentation des vétérinaires investis du mandat sanitaire. Cette disposition permettrait de consolider leur position, dans le cadre de la politique de renforcement des mesures de protection de santé animale et, par voie de conséquence, de santé publique. Son adoption répondrait à la très forte attente de nos concitoyens en matière de bien vivre animal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

Je rappelle en effet que le I bis de cet article avait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture contre l'avis de la commission.

Il n'est pas souhaitable de donner à des vétérinaires sanitaires, qui ont des relations de prestataires de services à clientèle, des pouvoirs d'officier de police judiciaire. Ce serait leur rendre un très mauvais service.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. J'ai bien entendu la réponse qui a été donnée à l'amendement de M. Biancheri, tant par M. le rapporteur que par M. le ministre de l'agriculture.

Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre sur les difficultés que rencontrent aujourd'hui dans notre pays les vétérinaires inspecteurs pour exercer leur mission de contrôle. L'amendement de notre collègue Biancheri, qui vise à élargir le principe du contrôle de police aux vétérinaires sanitaires, se justifie dans la mesure où les vétérinaires inspecteurs ne sont pas aujourd'hui suffisamment nombreux pour assurer les tâches qui leur sont demandées.

Chacun le sait : alors que dans notre pays et à l'étranger les crises sanitaires se multiplient, ce sont les vétérinaires inspecteurs ou les vétérinaires investis d'un contrôle de police qui, seuls, peuvent jouer le rôle de première sentinelle, et contribuer à déceler les risques sanitaires pour mieux y parer.

Pourtant les moyens alloués par le budget aux vétérinaires inspecteurs diminuent d'année en année. Le projet de budget pour 2005 prévoit encore la disparition d'environ 125 postes de vétérinaires inspecteurs.

Or c'est à l'aune de la santé animale et de la santé publique qu'il convient d'examiner cet amendement. Les vétérinaires sont un maillon extrêmement important de la chaîne de santé publique. Si nous n'y prenons pas garde, un jour il n'y aura pas plus de vétérinaires en zone rurale qu'il n'y a aujourd'hui de médecins. Nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer, nous lamentant sur les crises sanitaires qui se multiplieront dans le pays.

Monsieur le ministre, profitant de l'occasion que m'offre le débat et après avoir entendu l'avis défavorable que vous avez émis sur l'amendement de M. Biancheri, je vous demande de bien vouloir nous préciser les moyens que vous comptez mettre à la disposition des vétérinaires inspecteurs, afin que ces derniers puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Mon témoignage n'est pas celui d'un professionnel, mais celui de l'élu d'un département qui a été secoué par une alerte en matière de santé animale et de santé publique, le Lot-et-Garonne, qui est l'un des trois départements du Sud-Ouest à avoir été récemment touchés par la rage. Il est clair que les vétérinaires sont en première ligne lorsque se posent des problèmes de santé publique en relation avec des problèmes de santé animale.

Notre collègue a eu raison de rappeler que la situation budgétaire, peu favorable, limitait le nombre d'inspecteurs vétérinaires. Or nous sommes dans un contexte croissant d'échanges : il n'est que de se rappeler la façon dont la rage est arrivée dans la région Aquitaine. Vous avez, monsieur le ministre, à faire face à des risques sanitaires de plus en plus sérieux et de plus en plus fréquents. Alors que la situation s'aggrave, les vétérinaires se trouvent naturellement en première ligne pour réagir en cas d'alerte.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons en faveur de cet amendement.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Roumegoux.

M. Michel Roumegoux. L'argument avancé par M. le rapporteur ne tient pas. Les vétérinaires ne sauraient être suspectés de subir la pression de leur clientèle. Au contraire, ils sont, sur le terrain, un maillon essentiel. Si les vétérinaires ne sont pas assermentés, seuls le demeurent les personnels administratifs : nous avons tout à perdre d'un tel type d'organisation. Telle est la raison pour laquelle je voterai avec force cet amendement.

M. Jean Lassalle et M. Claude Gatignol. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite apporter ma pierre à l'édifice.

La question n'est pas de savoir si nous devons nous montrer agréables ou non à une profession. Dieu sait si, en commission, nous avons été vigilants pour protéger les intérêts de nos amis vétérinaires. Nous avons pris des dispositions en leur faveur.

Toutefois, nous légiférons. C'est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, j'en appelle à votre vigilance.

Monsieur Roumegoux, chacun sait que les vétérinaires ne sont pas sous influence, mais ils entretiennent avec leur clientèle des relations commerciales,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...puisqu'ils sont des prestataires de services rémunérés.

M. Jean Dionis du Séjour. Il en est de même des médecins !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais les médecins ne sont pas officiers de police judiciaire !

Laissez-moi achever mon raisonnement, je vous prie.

Dans le cadre de cette relation, je le répète, l'un est prestataire de services - il exerce la fonction de vétérinaire - et l'autre le rémunère : il y a donc bien relation commerciale.

De plus, puisque vous souhaitez étendre le pouvoir de police judiciaire aux vétérinaires sanitaires, j'aimerais connaître l'opinion de la commission des lois en la matière. Cela constituerait, si je ne me trompe, dans le cadre du droit français, un précédent qui remettrait en cause la légitimité même des officiers de police judiciaire. Ces derniers, qui agissent pour le compte du ministère public, le font dans le cadre de la continuité de l'État au travers de l'autorité publique. Dans le cadre de la commune, le policier municipal, quant à lui, n'est pas officier de police judiciaire. Seul le maire, en effet, est officier de police judiciaire, et il l'est intuitu personae.

Je souhaite qu'un tel débat puisse avoir lieu d'ici à l'examen du texte au Sénat ou en commission mixte paritaire. La commission des lois doit être saisie. En tant que président de commission, je veux savoir quelles seraient les conséquences pénales d'une telle décision. J'imagine ce qu'elles pourraient être et mieux vaudrait réfléchir avant de voter cet amendement qui serait dommageable pour le droit pénal français et ouvrirait une brèche qui aurait beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. Je souhaite vraiment que cet amendement ne soit pas adopté.

M. le président. La parole est à M. Gabriel Biancheri.

M. Gabriel Biancheri. La plupart des grandes maladies, la tuberculose notamment, ont été éradiquées grâce à l'action des vétérinaires. Ils allaient chez leurs clients, ils avaient avec eux des relations commerciales, et cela ne les a pas empêchés de faire leur travail correctement. Lorsque j'étais jeune véto, je me souviens que des gens payaient le vaccin contre la fièvre aphteuse mais me demandaient de le jeter et de ne pas vacciner les animaux. On a vacciné tout de même. La relation commerciale n'est donc pas à considérer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si !

M. Gabriel Biancheri. Il me semble que, dans le domaine animal, les vétérinaires sont les mieux placés pour conseiller et permettre de rester dans des normes satisfaisantes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ils ne sont pas habilités à faire des procès-verbaux.

M. Gabriel Biancheri. Je parle, bien sûr, sous réserve de l'avis de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. On s'est déjà exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises. Moi, je fais miennes les observations du président de la commission. Cela dit, monsieur Biancheri, ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec votre amendement qu'on est contre les vétérinaires et qu'on remettrait en cause tout ce qu'ils ont fait pour la nation. Il y a des glissements sémantiques qui tendraient à le faire accroire... Nous nous fondons sur une disposition juridique. Être officier de police judiciaire, ce n'est pas rien. Comme l'a dit Patrick Ollier, ce sont soit des fonctionnaires de l'État, dont certains corps militaires comme les gendarmes, soit le maire,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Sous le contrôle du procureur !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ...sous le contrôle du procureur de la République. En tant que ministre de l'agriculture, je ne me vois pas donner un avis favorable à un amendement qui crée une nouvelle catégorie, totalement inédite dans notre droit, d'officier de police judiciaire.

M. le président. La parole est à M. Gabriel Biancheri.

M. Gabriel Biancheri. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 215 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement, n° 182.

La parole est à M. Gabriel Biancheri, pour le défendre.

M. Gabriel Biancheri. Cet amendement avait été adopté en première lecture, ce qui me paraît être un élément favorable. Il s'agit de supprimer une dérogation concernant la délivrance au détail des produits antiparasitaires destinés au traitement externe des animaux de compagnie.

Aujourd'hui, on distribue des produits qui sont de véritables médicaments. Les produits antiparasitaires externes ont évolué et la composition de certains d'entre eux n'est plus la même que celle des produits qui bénéficiaient de la dérogation. Les connaissances que nous avons de certaines molécules nous ont fait nous aussi évoluer face à ces produits et nous pensons que ce sont les professionnels, à savoir les pharmaciens et les vétérinaires, qui constituent un véritable maillage très fin en milieu rural, qui peuvent le mieux gérer la détention et la distribution de tels médicaments.

On a évoqué tout à l'heure le devenir des officines et des vétos en milieu rural. Cette mesure peut favoriser leur maintien. À elle seule, bien évidemment, elle n'est pas suffisante, mais elle fait partie des mesures prises en faveur de ces professionnels exerçant une activité privée en milieu rural.

Des opposants à cet amendement nous répondent qu'ils peuvent eux aussi être des acteurs de la filière du médicament. Je ne pense pas. Je crois qu'il faut avoir été formé pour ça et, aujourd'hui, seuls les pharmaciens et les vétérinaires peuvent l'être pour les médicaments concernés par l'amendement.

On a parlé des tarifs. On a fait des enquêtes dans plusieurs départements et, lorsqu'on compare des produits identiques, les prix demandés par les vétérinaires sont raisonnables, en dessous de ceux pratiqués par la vente par correspondance et souvent en dessous de ceux pratiqués par la grande distribution. Parmi ceux qui sont opposés à cet amendement, il y a aussi des agents de la grande distribution. Il faut savoir ce qu'on veut, laisser la grande distribution déstructurer un peu plus le milieu rural ou préserver le maillage existant !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable. Il s'agit d'un problème de santé publique. Réserver la distribution de tels produits aux vétérinaires et aux pharmacies me paraît contribuer à la santé publique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu tout à l'heure au sujet des vétérinaires inspecteurs.

Au-delà des arguments de pharmacovigilance, de prix et de distribution des produits antiparasitaires ailleurs que dans les officines pharmaceutiques ou chez les vétérinaires, je voudrais attirer l'attention sur le fait qu'il y a dans notre pays un très grand nombre d'animaux de compagnie, chiens ou chats, et que nombre d'entre eux, en dépit des textes, ne sont même pas identifiés. Le fait que les produits antiparasitaires soient distribués par les vétérinaires permettrait à ces hommes de l'art d'expliquer aux propriétaires qu'un animal de compagnie doit être accompagné, vacciné, identifié, que cela ne se jette pas comme une éponge sale au coin d'une rue pour qu'on le retrouve ensuite attaché devant une fourrière, que cela ne se jette pas sur une autoroute. Tant que nous n'abordons pas aussi le débat de cette façon, un certain nombre de mes collègues ne peuvent pas comprendre ce que nous voulons dire. J'appelle l'attention de façon solennelle sur ces problèmes qui représentent de grosses difficultés, y compris au niveau des collectivités locales.

Pour revenir sur le débat que nous avions tout à l'heure, si nous avions à nos frontières des vétérinaires inspecteurs en nombre suffisant pour contrôler ce qui se passe, nous n'aurions peut-être pas eu chez nous un chien arrivé du Maroc de façon clandestine et atteint de la rage, et nous n'aurions pas non plus tous ces animaux qui alimentent un marché parallèle. Les propriétaires se font avoir, et le prix des colliers à puces, qui coûtent je ne sais combien, n'a rien à voir avec le prix de l'animal qu'ils achètent dans ces conditions.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je dirai, en bon Auvergnat, que je ne souhaite pas faire un fromage de cette affaire, mais je suis dubitatif quant aux arguments avancés.

L'objectif de l'amendement est-il de régler un problème sanitaire ? Franchement, n'est-il pas plutôt, ce que l'on peut comprendre, de conforter l'activité des vétérinaires et des pharmaciens dans nos territoires ruraux ? Pour l'essentiel, il s'agit de l'achat de colliers anti-puces. Dans notre pays, 45 % des habitants possèdent un chien ou un chat, et 45 % d'entre eux environ achètent leurs colliers anti-puces dans un magasin de grande distribution, une armurerie, une animalerie ou un magasin de proximité. La mise en vente de ces produits ne se fait pas n'importe comment, elle est précédée d'études, et elle ne se fait pas sans contrôle, chacun le sait.

Il ne faut pas être dupe quant aux raisons pour lesquelles on a déposé cet amendement. Encore faudrait-il le dire en toute transparence au lieu de chercher toute une série d'autres arguments. Désormais, puisque cet amendement sera apparemment très largement accepté, les personnes qui ont un chien ou un chat devront acheter leurs colliers anti-puces chez un vétérinaire ou chez le pharmacien. Dites-le tranquillement : ce serait beaucoup simple pour tout le monde.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Chassaigne, je ne partage pas du tout votre argumentation. Tout à l'heure, j'ai pris une position qui était fondée sur le droit. Là, il s'agit de l'exercice de la profession et du métier, et je suis favorable à cet amendement.

En commission, M. Biancheri a fait un plaidoyer sur la dangerosité de tels produits, et il a donné une liste d'accidents. On peut comprendre que les choses puissent se passer de manière dangereuse si des précautions ne sont pas prises. Or on sait très bien que, dans les établissements auxquels vous avez fait allusion, aucune précaution n'est prise. On prend l'objet là où il se trouve, on l'emporte, on paie à la caisse, et il n'y a personne pour expliquer comment ça fonctionne. Je le sais pour être allé moi-même acheter de tels colliers pour les chiens avec lesquels je chasse.

Sincèrement, je trouve que cet amendement est parfaitement fondé, et la commission souhaite qu'il soit adopté.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. L'UDF souhaite s'associer à cet amendement. Il y a effectivement, M. Chassaigne a raison, une dimension de soutien à un réseau de vétos, et je suis prêt à le reconnaître, mais il y a aussi une dimension de santé publique animale et j'ai bien aimé ce qu'a dit Mme  Perrin-Gaillard. Nous sommes un peu traumatisés par ce qui s'est passé avec la rage. Il faut voir ce qu'est la sociologie des propriétaires de chats et de chiens. Il y a vraiment de tout. On a vu arriver chez les vétérinaires des gens avec deux chiens et une vingtaine de chats. Je crois à la fonction éducative. Que la distribution de molécules qui peuvent être dangereuses soit contrôlée par des gens qui ont été formés pour ça nous paraît raisonnable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 756 et 757, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour défendre l'amendement n° 756.

M. Jean Lassalle. Je voudrais tout d'abord vous dire, monsieur le président, que vous présidez remarquablement et qu'avec vous, il ne peut pas arriver d'incident à l'Assemblée nationale. C'est très appréciable.

M. le président. Vous êtes très aimable !

M. Jean Lassalle. Vous laissez à chacun le temps de s'exprimer, et vous avez raison car, ainsi, tout le monde se calme et on avance beaucoup plus vite.

L'amendement n° 756 concerne les laboratoires privés. La rédaction proposée pour le dernier alinéa de l'article L.202-1 du code rural revient à les exclure de fait des analyses sanitaires animales au profit des laboratoires publics. De partenaires complémentaires qu'ils sont aujourd'hui, ils deviennent les supplétifs des établissements publics, seuls habilités désormais à procéder aux analyses. Sous couvert de l'idée, par ailleurs fort estimable, qu'il convient de doter l'ensemble des départements de laboratoires publics efficaces et performants, on en vient à asphyxier les laboratoires privés, maillons essentiels d'une proximité et d'une réactivité que le secteur public ne peut pas garantir seul, comme l'a fort bien prouvé la tragédie de l'ESB.

Cet amendement a pour objet de garantir la pérennité des conditions d'exercice des laboratoires privés, aux côtés des établissements publics, de façon complémentaire.

Cela étant, puisque MM. Le Fur, Méhaignerie et plusieurs de leurs collègues ont présenté un amendement plus judicieux, nous le retirons le nôtre pour nous rallier au leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. Un ralliement historique !

M. le président. L'amendement n° 756 est retiré.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 757.

M. Marc Le Fur. Je partage le sentiment de M. Lassalle sur la qualité de la présidence et je le remercie d'avoir, pour la clarté du débat, retiré son amendement.

Participent au service public des laboratoires publics, généralement des laboratoires vétérinaires départementaux, mais aussi des laboratoires privés. Chacun joue son rôle et c'est grâce la collaboration de ces deux types d'institutions que nous avons combattu bien des pathologies animales, prévenu nombre de risques sanitaires et éradiqué bien des maladies chez les volailles et les porcs en particulier.

Les laboratoires privés ont leur rôle à jouer mais nous considérons que le texte qui nous est proposé n'est pas satisfaisant parce qu'il a pour effet de réduire leur rôle en ne les autorisant qu'à pallier d'éventuelles carences des laboratoires publics départementaux.

Bien évidemment, ces laboratoires privés doivent être soumis à un agrément mais celui-ci ne doit tenir compte que de leurs qualités intrinsèques quant à la nature de leur travail, quant à leurs compétences, à leur capacité de traitement, à leur intégration dans le dispositif de contrôle sanitaire.

Nous ne souhaitons pas, comme M. Lassalle l'a dit, que les laboratoires privés deviennent les supplétifs des laboratoires publics. Nous souhaitons que ces deux entités, qui contribuent à la sécurité sanitaire vétérinaire de notre pays, puissent fonctionner. C'est la raison pour laquelle nous considérons que les laboratoires privés ne doivent pas être soumis à un agrément qui résulterait d'une éventuelle carence des laboratoires publics, mais à un agrément lié à leurs qualités intrinsèques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis plutôt favorable. Les laboratoires privés ont effectivement leur place dans un dispositif national de contrôle sanitaire pour les raisons qui viennent d'être avancées par M. Le Fur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme l'ont dit à la fois Jean Lassalle et Marc Le Fur, nous avons là un sujet d'importance. Je ne reviendrai pas sur le contexte dans lequel s'est opérée la décentralisation, notamment avec la loi de 1983. Peut-être aurait-il été préférable que cette conférence ne soit pas départementalisée, et soit dotée d'une assiette plus large qui aurait pu être la région, mais je n'y reviendrai pas.

Deuxième observation : la situation est fort différente d'une région à l'autre, notamment selon la densité agricole.

Enfin, j'entends bien les arguments qui sont à l'origine du dépôt de cet amendement. C'est la raison pour laquelle je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée, mais je souhaite que la navette nous permette d'améliorer la rédaction de l'amendement - M. Lassalle ne le prendra pas mal si je lui dis que je trouve l'amendement de M. le Fur meilleur que le sien, mais il en a convenu indirectement en le retirant -, de manière à éviter que certaines structures, qu'elles soient publiques ou privées, ne prennent que les bonnes commandes, ne laissant aux autres, notamment dans certains territoires, que les analyses les moins rentables.

C'est un souci que nous devons garder à l'esprit, mais je suis sûr que nous n'aurons aucune difficulté à trouver un dispositif qui nous permette d'y parvenir.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame Perrin-Gaillard, je vous prie de bien vouloir excuser ce qui a pu paraître comme de la désinvolture : il est évident que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation que je suis est très fier d'être à la tête de cette grande administration sanitaire et de disposer d'un réseau départemental des services vétérinaires extrêmement performant qui, au cours de ces dernières années, lors de chaque accident sanitaire, a prouvé son excellence. Soyez rassurée : il n'est pas question pour nous de baisser la garde dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie. J'ai quitté la commission des finances et l'audition de M. de Villepin parce que je pense que nous abordons un point important.

Par expérience, je pense qu'autoriser les laboratoires privés à ne fonctionner qu'en cas de carence des laboratoires départementaux est à la fois difficilement compréhensible, injuste et coûteux

Difficilement compréhensible parce que les laboratoires privés ont été, à certains moments, d'une importance primordiale. Et même si certains présidents de conseils généraux ont des positions différentes, il faut voir la situation de certaines grandes régions d'élevage.

Injuste, parce que la préférence quasi exclusive donnée aux laboratoires départementaux ne m'apparaît pas très saine. Certes, certains laboratoires privés sont dans une situation très fragile, mais l'agrément accordé par le ministère permet à celui-ci de garder le contrôle du dispositif.

Coûteux, enfin. J'ai toujours peur que les monopoles, privés comme publics, conduisent immanquablement à une augmentation des coûts au détriment des éleveurs et du pays tout entier.

C'est la raison pour laquelle pour ce secteur, comme pour celui de l'équarrissage que nous examinerons ultérieurement, notre intérêt est, dans tous les cas, d'éviter les monopoles privés ou publics.

Merci, monsieur le ministre, pour votre sagesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Il faut tout de même garantir le service public !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. En dépit des propos plutôt rassurants de M. le ministre, adopter cet amendement, c'est mettre à mal les laboratoires publics, en particulier les laboratoires départementaux. Je crains que les présidents de conseils généraux qui, depuis des années, dépensent beaucoup d'argent pour faire effectuer, par un personnel compétent, les contrôles qui leur sont réservés, n'apprécient guère cet amendement.

Vous êtes dans une logique de compétition et demain les laboratoires départementaux ne pourront plus suivre parce que les laboratoires privés, qui ne demandent que cela, auront pris la totalité de ce que vous appelez « un marché » et qui ne devrait pas en être un.

En matière de contrôle sanitaire animal ou végétal, les laboratoires publics ont toujours fait preuve d'efficacité, de compétence, de transparence pour des coûts plus faibles.

Je vous souhaite des lendemains qui chantent lorsque vous découvrirez que vos laboratoires départementaux ne peuvent plus fonctionner.

Nous ne voterons pas cet amendement

M. François Brottes. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. J'émettrai un avis divergent sur les laboratoires départementaux.

Mon département compte 600 000 bovins et 250 000 brebis et je sais combien les laboratoires départementaux ont su être réactifs face à la crise de l'ESB.

Contrairement à ce que vient de dire Pierre Méhaignerie, j'ai vu les tests ESB baisser d'année en année, parce que leur nombre était suffisant pour en négocier le prix et parce que nous avons su nous adapter à la situation.

Si vous allez au-delà de ce qui est prévu dans le texte initial, les départements auront à financer davantage parce que le marché sera plus difficile. Je me suis récemment entretenu des tests d'équarrissage avec le ministre, pour étudier comment partager ces tests avec le département de la Lozère, pour que cela coûte moins cher.

Pierre Méhaignerie le sait très bien : si les conseils généraux n'ont pas de souplesse en matière de personnel et de contractuels, cela coûtera plus cher aux contribuables et aux éleveurs. À la sortie, nous n'aurons rien gagné. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.).

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 757.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 216.

La parole est à M. Gabriel Biancheri, pour le soutenir.

M. Gabriel Biancheri. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 217 rectifié qui concerne également les prophylaxies.

M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 217 rectifié.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Gabriel Biancheri. La tarification des actes de prophylaxie fait intervenir les exploitants et les vétérinaires sous le contrôle de l'État.

Aujourd'hui il existe des situations de blocage dont il nous semble souhaitable de sortir. L'amendement n° 216 propose de faire jouer la concurrence et de revenir à des tarifs libéraux.

Par ailleurs, l'amendement n° 217 rectifié, prévoit - et c'est une question de bon sens - que, lorsque sur un même territoire, le nombre d'animaux soumis à des mesures collectives de prophylaxie atteint 60 % des effectifs ou que 60 % des exploitations sont déjà soumises auxdites mesures, cette prophylaxie doit être rendue obligatoire pour tous les propriétaires de tels animaux ou pour toutes les exploitations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41, modifié par les amendements adoptés.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 41

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13 rectifié.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Cet amendement vise à assurer la transposition en droit national de la directive 2003/85/CE du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse, ainsi qu'à conforter la base légale des mesures de transposition des directives 2000/75/CE, 2001/89/CE et 2002/60/CE respectivement relatives à la fièvre catarrhale du mouton, à la peste porcine classique et à la peste porcine africaine.

    Il définit ainsi un cadre législatif homogène pour permettre l'élaboration des plans d'urgence et la mise en œuvre de l'ensemble des mesures nécessaires pour prévenir l'apparition ou la propagation des épizooties majeures.

    Cet amendement facilitera également la transposition de directives actuellement en projet et relatives à d'autres épizooties majeures, comme le projet de révision de la directive sur les mesures de lutte conte l'influenza aviaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 338.

La parole est à M. Gabriel Biancheri, pour le soutenir.

M. Gabriel Biancheri. L'AFSSA peut actuellement être saisie par des associations à propos de n'importe quel dossier, mais non par les vétérinaires, alors que ceux-ci peuvent être concernés. Il nous a paru légitime de corriger cette situation.

J'ai déjà obtenu une réponse en commission. En fonction de celle que me fera M. le ministre, je jugerai si je dois maintenir cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable. Il nous a été dit que le Gouvernement devait présenter au Parlement un rapport sur l'AFSSA, dans lequel cette question sera évoquée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Actuellement, les ordres - y compris celui des vétérinaires - ne figurent pas parmi les autorités habilitées à saisir l'AFSSA. Une procédure d'évaluation de la loi de 1998 qui a créé l'AFSSA est en cours, sous le contrôle du Parlement. On peut très bien imaginer, dans le cadre de cette évaluation, un élargissement du nombre des autorités susceptibles de saisir l'AFSSA.

Il serait donc prématuré d'en décider aujourd'hui, avant d'avoir une perspective d'ensemble.

M. Gabriel Biancheri. Je retire l'amendement n° 338.

M. le président. L'amendement n° 338 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 183 rectifié.

La parole est à M. Gabriel Biancheri, pour le soutenir.

M. Gabriel Biancheri. Sans reprendre l'argumentation que j'ai déjà développée en défendant cet amendement, je tiens toutefois à insister sur un point : si nous le déposons à nouveau, c'est parce qu'il vise à freiner le trafic et l'utilisation larga manu et sans contrôle des antibiotiques sur notre territoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable, même si l'objectif nous semble bon.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable. Mais, comme vous le savez, monsieur Biancheri, ce n'est pas un désaccord sur le fond. Il est vrai que, dans un objectif de protection de santé publique, il importe de lutter contre l'affairisme de certains vétérinaires, pharmaciens ou groupements, susceptibles de vendre par correspondance, en grandes quantités, des médicaments vétérinaires sans assurer la surveillance sanitaire des animaux auxquels ils sont destinés. Je vous confirme que le Gouvernement, soucieux d'améliorer le dispositif actuel encadrant les conditions de prescription du médicament vétérinaire, va transmettre prochainement au Conseil d'État un projet de décret qui contribuera de façon essentielle à la lutte contre l'affairisme.

Par ailleurs, les dispositions de l'article R. 51-98 du code de la santé publique prévoient qu'il ne peut pas être délivré, en une seule fois, une quantité supérieure à un mois de traitement de médicaments contenant des substances vénéneuses. Cela concerne donc la majorité de l'arsenal thérapeutique vétérinaire. C'est pourquoi, afin de répondre à l'attente légitime d'un meilleur encadrement de ce type d'activité, je vous propose de finaliser dans les meilleurs délais le projet de décret précité et de prendre les mesures nécessaires pour renforcer le contrôle de l'application de la réglementation concernant la pharmacie vétérinaire.

M. le président. La parole est à M. Gabriel Biancheri.

M. Gabriel Biancheri. Je souhaite que la profession soit associée étroitement à l'élaboration du décret. Et si d'aventure celui-ci ne sortait pas, monsieur le ministre, pourrions-nous réexaminer ce dossier lors de l'examen du projet de loi de modernisation agricole ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Oui.

M. Gabriel Biancheri. En ce cas, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 183 rectifié est retiré.

Article 1er A

M. le président. La parole est à Mme Hélène Tanguy, inscrite sur l'article.

Mme Hélène Tanguy. Monsieur le ministre, il peut paraître curieux de parler de l'article 1er A après déjà tant d'heures de discussion. Cet article a évidemment pour mission de cadrer la loi et d'en définir le principe. C'est sur cet aspect que j'ai souhaité intervenir.

En effet, même si, depuis plusieurs heures, nous débattons d'un certain nombre de points de détail, il faut bien reconnaître que la problématique des territoires ruraux est une question suffisamment importante pour justifier le nombre considérable de mes collègues présents aujourd'hui.

Cet article précise bien que « L'État est le garant de la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et de montagne et reconnaît la spécificité desdits territoires. » Cette phrase ne peut que ravir tout parlementaire d'une circonscription rurale. J'ai pourtant un regret : que le mot « littoral » n'y soit pas adjoint. Une bonne partie du littoral français, j'en conviens, a toujours été caractérisée par un développement bénéfique et dynamique, souvent envié par les territoires relevant d'un rural plus profond. Un récent et excellent rapport de la DATAR observe qu'il connaît une exceptionnelle dynamique en termes de population, avec 256 habitants au kilomètre carré, soit le double de la moyenne nationale, et nous promet des embellies démographiques pour l'avenir.

Cependant, si le littoral apparaît privilégié, on y constate de très grandes disparités. Il n'y a pas une seule vérité littorale, nos côtes sont multiples. Cette variété représente une richesse, ce qui est une grande force, mais aussi une faiblesse, car aujourd'hui les représentants du littoral ne peuvent parler d'une seule voix comme le font les élus de la montagne depuis une trentaine d'années. Sur ce point, nous les envions un peu.

De cette multiplicité découlent des réalités contrastées. Ainsi, certains bassins d'emploi, dont le patrimoine naturel, historique, culturel, est enviable, sont directement pénalisés du fait de leur éloignement des centres de décision. Cette périphicité leur impose des problématiques proches de celles rencontrées dans les territoires insulaires : chute démographique, désertification des services aux personnes et aux entreprises, vieillissement de la population.

Comme on ne connaît bien que ce qui nous est proche, je prendrai un exemple dans ma circonscription : le canton du cap Sizun, qui vous est familier puisque c'est celui de la pointe du Raz et de l'île de Sein. Sa densité est maintenant environ de 93 habitants au kilomètre carré, soit à peine plus du tiers de la moyenne littorale. Entre 1990 et 1999, sa population a chuté de 11 %, cumulant solde naturel et solde migratoire négatifs. 40 % de la population a plus de soixante ans et 11 % a plus de soixante-quinze ans. Cette dernière constitue la seule tranche d'âge à augmenter ses effectifs. S'agissant de l'emploi, le taux d'activité est un des plus faibles du département : inférieur à 50 %. Le nombre des exploitations agricoles a diminué de 70 % entre 1978 et 2000 ; l'emploi a diminué de 40 % dans l'agriculture, laquelle reste pourtant surreprésentée par rapport à la moyenne nationale. L'emploi a aussi régressé dans l'industrie et dans la construction. Ne parlons pas de la pêche : elle a perdu la moitié de ses marins. Et le tourisme n'est encore qu'émergent. Vous voyez que ce bilan n'est pas excellent. Mais les élus du cap Sizun et moi-même refusons tout fatalisme. Je tiens à rappeler la phrase du Président de la république annonçant une politique de développement des territoires ruraux, « fondée sur la solidarité, sur la modernité, sur le respect et l'initiative ». Monsieur le ministre, vous avez vous-même, lors la présentation de ce projet de loi, souligné qu'une volonté politique forte peut avoir raison de difficultés trop souvent tenues, à tort, pour insurmontables. Je ne peux bien sûr que vous approuver. Aussi, au nom de ces principes auxquels j'adhère sans réserve, je vous demande de tenir compte des difficultés que connaissent les territoires littoraux. À cet égard, la création du Conseil national du littoral me réjouit. Je souhaite qu'il puisse, avec des moyens suffisants, intervenir sur la politique de gestion du littoral et apporter des réponses à mes inquiétudes pour parvenir à une véritable gestion intégrée de la façade maritime française.

Cependant, je vous sollicite afin que les décrets d'application de la loi que nous allons adopter portent un regard particulier sur les territoires littoraux ruraux et qu'aucun d'entre eux ne soit laissé pour compte.

M. le président. Je suis saisi de six amendements n°s 41, 195, 241, 523, 698 et 353, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 41, 195, 241 et 523 ne sont pas défendus.

L'amendement n° 698 est-il défendu ?

M. François Brottes. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 353 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 698 ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement dont le texte a déjà été déposé plusieurs fois. Elle estime que c'est une pétition de principe et qu'il n'apporte rien au texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Avis défavorable pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 698.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 53.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 365.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les membres du Parlement soient représentés au sein de la nouvelle conférence de la ruralité. Je pense que tous mes collègues y seront favorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 365.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 547.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. L'amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 547.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président. L'amendement n° 549 est-il défendu ?

M. François Brottes. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 549.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 62.

M. Yves Coussain, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 62.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 2.

Après l'article 2

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 550.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Avec Mme Lebranchu, cosignataire, nous nous sommes efforcés par cet amendement de conforter le rôle des collectivités et des associations qui les entourent, en leur permettant de passer des conventions qui assureraient la diffusion d'actions culturelles de proximité, événementielles ou pérennes. Celles-ci sont extrêmement utiles à la vie de nos villages et au milieu rural. Il s'agit d'établir un cadre conventionnel. Je défends cet amendement avec d'autant plus de vigueur qu'aujourd'hui - la presse s'en fait l'écho - l'animation rurale est extrêmement inquiète pour son avenir : en 2004, aucun financement transitoire n'a soutenu les budgets des mouvements associatifs, lesquels irriguent pourtant l'ensemble de nos territoires ruraux. L'adoption d'un amendement de ce type conforterait ces associations dont nous avons besoin parce que le milieu rural, certainement plus que d'autres, fait très largement appel au bénévolat. Pour que ce bénévolat soit respecté et reconnu, il faut établir un cadre conventionnel qui conforte son action.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Avis défavorable. L'article L. 1431-1 du code des collectivités territoriales donne déjà le droit à ces collectivités de gérer de telles activités.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Avis défavorable pour les mêmes raisons que la commission. Monsieur Brottes, vous avez dit que ces associations n'auraient pas reçu de subventions : je vous précise que, d'ores et déjà, plus de 2 millions d'euros leur ont été versés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 550.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 3

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 205, 533 et 699, portant articles additionnels après l'article 3.

Les amendements n°s 205 et 533 ne sont pas défendus.

La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 699.

M. François Brottes. Cette proposition vise à faire mieux reconnaître la nécessité de loger dans des conditions humaines et décentes les salariés saisonniers, notamment ceux qui travaillent en montagne et dans les collectivités touristiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain. Avis défavorable. Cet amendement, très directif, pourrait aboutir au résultat inverse de celui qui est recherché. Par ailleurs, un projet de loi devrait être bientôt déposé par le Gouvernement au sujet des stations classées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 699.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3 bis

M. le président. Le Sénat a supprimé cet article.

L'amendement n° 340 n'est pas défendu.

L'article 3 bis demeure supprimé.

Après l'article 3 bis

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 551.

M. François Brottes. Cet amendement reprend une proposition d'un rapport que j'ai commis avec le rapporteur du présent projet de loi. Je pense donc qu'il le soutiendra, d'autant que la majorité est très attachée aux mesures de défiscalisation. Il propose que les professionnels qui sont installés ou s'installent dans les zones de montagne et de revitalisation rurale puissent bénéficier d'une défiscalisation compensatoire du coût de l'essence. Quand on est loin de tout, aller s'approvisionner est une dépense supplémentaire par rapport à ceux qui vivent dans les grandes agglomérations et qui ont des centrales de distribution à proximité. Il faut encourager l'implantation d'activités de services et de commerce dans les zones un peu reculées. Au sein de la mission montagne, qui recouvrait l'ensemble des sensibilités de notre assemblée, cette proposition nous a semblé extrêmement pertinente.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Le rapporteur partage l'avis de M. Brottes,...

M. François Brottes. Ah, quand même !

M. Yves Coussain, rapporteur. ...mais la commission a rejeté cet amendement ; et je suis ici pour rapporter la parole de la commission.

M. François Brottes. Un peu d'audace !

M. Yves Coussain, rapporteur. Non : je représente la commission, monsieur Brottes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 551.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 63 et 395 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 63.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission, a deux objectifs : d'une part, restaurer l'encadrement dans le temps, entre 1999 et 2006, de l'incitation fiscale ; d'autre part, rétablir l'étalement sur six ans, au lieu de quatre, de la réduction d'impôt, pour que les petits revenus puissent en bénéficier pleinement.

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour soutenir l'amendement n° 395 rectifié.

M. Alain Marty. Je suis désolé d'être en désaccord avec notre rapporteur. Je comprends sa logique, mais le fait est là : le développement des territoires ruraux est difficile parce qu'ils sont moins attractifs que les grandes agglomérations ou que les sites touristiques reconnus.

Mon amendement vise à favoriser l'investissement dans l'activité touristique, notamment dans les résidences de tourisme. C'est un facteur de développement qui crée de l'emploi et qui n'est pas délocalisable. Des mesures de réduction d'impôt existent dans la loi et viendront à extinction le 31 décembre 2006. Le Sénat a fait tomber cette date limite.

Je remarque le bon sens du rapporteur, qui dit qu'une incitation fiscale doit être limitée dans le temps, faute de quoi elle n'a plus d'intérêt. Mais, étant très concrètement préoccupé par la réalisation de résidences de tourisme, je tiens à souligner qu'il s'agit là de dossiers très longs, parce qu'ils mettent en jeu des investissements importants. Pour ma part, je travaille actuellement sur un dossier, et si l'on rétablit la limite du 31 décembre 2006, je sais que le projet en question ne se fera pas.

Je souhaite donc modifier deux choses.

Premièrement, il me semble important de revenir à un délai un peu plus long pour permettre à un certain nombre de projets de mûrir. Cela n'a pas une énorme incidence en termes financiers. Je demande donc au Gouvernement d'accepter que ce délai soit reporté au 31 décembre 2010. Si nous réalisons quelques opérations, tant mieux, les territoires ruraux seront gagnants.

Deuxièmement, je propose une extension du périmètre de façon à ce qu'il inclue à la fois les zones de revitalisation rurale et les zones qui sont aujourd'hui éligibles aux fonds structurels européens, car le fait qu'elles le soient témoigne bien de leur fragilité. Dans ce cas, un investissement peut être déterminant, à la fois pour l'emploi et pour l'activité.

Il s'agit bien ici d'agir dans le sens de la revitalisation du territoire. C'est pourquoi je demande la compréhension du Gouvernement, du rapporteur et de mes collègues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Au nom de mon collègue Frédéric de Saint-Sernin, j'exprime l'avis favorable du Gouvernement pour ce qui est de l'amendement n° 63. En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 395 rectifié, dans la mesure où il nous semble important que les efforts soient concentrés sur les territoires ruraux qui en ont le plus besoin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 395 rectifié tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 445.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Cet amendement répond au souci de renforcer l'attractivité et l'efficacité de la réduction d'impôt en faveur des investissements dans les résidences de tourisme situées dans certaines zones, en recentrant cet avantage fiscal sur les zones les plus défavorisées. C'est dans ce but que les territoires ruraux de développement prioritaire doivent être écartés du bénéfice de cet avantage fiscal. Étendre la réduction d'impôt à ces zones qui couvrent plus des deux tiers du territoire reviendrait à pénaliser les zones en souffrance sur lesquelles l'effort doit porter. C'est un point dont nous avons abondamment débattu en première lecture, mais je sais que tout le monde ne partage pas cette opinion dans cet hémicycle.

Cet amendement écarte par ailleurs la création d'une réduction d'impôt au titre des travaux réalisés dans le cadre d'une ORIL sur des logements situés dans des villages résidentiels de tourisme. Ces logements s'inscrivent déjà dans un cadre juridique, l'ORIL, mis à la disposition des collectivités locales, et qui leur permet de verser des aides économiques aux différents opérateurs. Admettre la création d'une réduction d'impôt en faveur des travaux portant sur ces logements reviendrait à superposer un avantage fiscal à une intervention publique spécifique à l'immobilier de loisir. Ce cumul d'avantages ne ferait que créer une distorsion au sein même du secteur du tourisme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce sujet des ORIL, et je crois que chacun sur ces bancs, parmi ceux qui connaissent la question, avait souhaité qu'elles soient redynamisées. La disposition qui a été votée était plutôt une bonne nouvelle pour tous les secteurs concernés. Avec la rédaction qui nous est proposée ici, j'ai le sentiment qu'on neutralise l'un des rares apports positifs du Sénat lors de son examen en première lecture.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 810 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 64.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission estime que le 3° du A du I de l'article 3 ter n'a aucunement sa place dans ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 389.

La parole est à M. Yves Simon, pour le soutenir.

M. Yves Simon. Cet amendement s'inscrit bien dans la problématique de nos territoires ruraux. Il y a cinquante ans, nos collègues sénateurs avaient lancé le mouvement des Gîtes de France. Ils avaient souhaité que les territoires ruraux puissent se doter d'équipements touristiques, notamment en incitant à s'installer des gens susceptibles de louer un patrimoine voué à l'abandon en le réhabilitant pour y accueillir des touristes. Et l'on sait que, quand il est dépensé un euro pour la location, il est dépensé deux euros dans l'économie locale.

À la fin de l'année 2006, nous allons vraisemblablement connaître la fin des fonds structurels européens, qui ont aidé certaines régions à maintenir, voire à développer leur parc d'hébergement. Il serait logique de garder certaines incitations pour des actions visant à conserver un patrimoine en offrant des hébergements au service de l'activité touristique. Je ne suis pas demandeur d'un décret d'application immédiat, mais il serait bon de prévoir un tel dispositif à compter du 1er janvier 2007. Il y a des départements, je pense en particulier, dans ma région, au Cantal et à la Haute-Loire, qui voient leur parc d'hébergement diminuer parce que les enfants des propriétaires ne reprennent pas l'activité de leurs parents. Des incitations permettraient d'éviter que l'on perde ce potentiel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, tout en étant très sensible à l'argumentation de notre collègue Simon. Dans nos régions, qu'il s'agisse du Cantal ou de l'Allier, de véritables problèmes risquent en effet de se poser.

Mais je voudrais dire à notre collègue qu'avec le régime fiscal actuel, lorsqu'un redevable de l'impôt sur le revenu est soumis au régime des BIC et que son revenu imposable est inférieur à 76 300 euros, le régime forfaitaire s'applique avec un abattement de 72 % de son revenu. Cela veut dire qu'il n'est imposé que sur 28 % des recettes au titre de ses gîtes. Ajouter une réduction d'impôt à cet abattement de 72 % pourrait apparaître excessif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le ministère des finances n'est pas favorable à cet amendement, pour deux raisons.

La première est celle qui vient d'être exposée par votre rapporteur.

La seconde est que la réduction s'applique déjà au titre des bénéfices agricoles. Il semblerait donc qu'il y ait superposition de deux dispositifs fiscaux pour le même objet.

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. S'agissant des BIC, il faut savoir qu'il n'y a guère qu'entre 1 et 3 % des propriétaires d'hébergements qui sont soumis au régime des BIC pour des locations qui se font, en moyenne, sur quatorze semaines. Vous voyez un peu quelle peut être la rentabilité de l'investissement quand il s'agit de recevoir tous les week-ends de nouveaux locataires.

Pour ce qui est du deuxième point, il faut souligner que les investisseurs ne sont plus aujourd'hui des agriculteurs : ce sont peut-être 40 % des gîtes qui sont la propriété d'agriculteurs, et cette proportion est à peu près de 20 % en ce qui concerne les chambres d'hôte. Nous avons besoin de ces investisseurs extérieurs, qui, eux, ne sont pas soumis au régime des bénéfices agricoles.

M. Jean-Paul Charié. Il a raison !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 389.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 392.

La parole est à M. Yves Simon, pour le soutenir.

M. Yves Simon. Il s'agit d'un amendement de cohérence par rapport à l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission l'a repoussé pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent. J'imagine que, pour les mêmes raisons contraires, l'Assemblée l'adoptera.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Simon.

M. Yves Simon. Je voudrais préciser que l'avantage proposé est assorti d'une contrainte, à savoir l'obligation de location en meublé de tourisme pendant neuf ans.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 811 et 262 ne sont pas défendus.

Les amendements nos 65, 66 et 67 de la commission n'ont plus d'objet, en raison de l'adoption de l'amendement n° 445.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3 ter

M. le président. Les amendements nos 661, 662 deuxième rectification et 663 rectifié ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 511 portant article additionnel après l'article 3 ter.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.

M. Jean Dionis du Séjour. Je voudrais insister sur une crise qui concerne d'autres territoires que celui dont je suis l'élu, à savoir tous les territoires producteurs de fruits et légumes. J'en ai parlé lors de la discussion générale et je pense vraiment qu'il faut y revenir. Un volet du projet de loi y est consacré mais je ne me sentirais pas la conscience tranquille si nous nous contentions d'adopter toute une série de mesures ponctuelles sans s'attaquer au cœur de la crise qui secoue mon territoire, mais aussi ceux situés dans la vallée de la Loire, dans la vallée du Rhône ou dans certaines parties de la région parisienne.

Il nous faut mesurer l'ampleur de la crise. Dans un certain nombre de productions, les agriculteurs ont été payés à peu près à la moitié du prix de revient.

Pourquoi en parle-t-on maintenant ? Parce qu'il y a urgence, tout simplement. Monsieur le ministre, je salue le courage que vous avez eu de vous exprimer à Nantes devant les producteurs de fruits et légumes, qui sont désespérés. Vous avez reconnu qu'il y avait urgence, et vous avez d'ailleurs dit votre volonté de faire des propositions à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi au Sénat. Or, si le Sénat peut s'exprimer, l'Assemblée doit pouvoir le faire aussi, et autrement qu'au détour d'une CMP.

D'autre part, vous dites vouloir traiter ce problème à l'occasion de la deuxième lecture du texte au Sénat parce que vous aurez alors à votre disposition le rapport de M. Canivet. J'ai beaucoup de respect pour M. Canivet, et je ne doute pas que le rapport qu'il remettra sera intéressant. Mais des rapports sur les fruits et légumes, on en a régulièrement. Le rapport Ernst & Young n'est que l'un de ceux dont nous disposons. Le rapport Canivet offrira un éclairage supplémentaire mais il ne sera certainement pas quelque chose de décisif.

Je voudrais vous apporter ici le témoignage des cinq parlementaires du Lot-et-Garonne et celui de la profession agricole unanime - et Dieu sait pourtant s'il est difficile d'arriver à l'unanimité parmi nous !

Les mesures que vous avez proposées à Nantes sont dramatiquement insuffisantes, même si, d'une certaine façon, je ne vous en veux pas. Par exemple, vous allez débloquer un million d'euros pour des allégements de charges. Mais songez que les pertes s'élèvent chez nous à 23 millions !

Il faut sortir de cette logique qui vous étrangle, monsieur le ministre, celle qui est imposée par un budget qui ne vous laisse pas de marge de manœuvre.

Nous proposons quant à nous d'utiliser le levier de la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dont on sait qu'elle est acquittée par la grande distribution et qu'elle alimente le FISAC. Cela irait dans le sens du changement structurel que vous devez opérer pour décharger le travail agricole de tous les impôts et charges qui pèsent sur lui, en les faisant glisser sur la consommation. Il me semble qu'on n'est pas prêt aujourd'hui à les faire basculer sur la TVA. Compte tenu de la responsabilité que porte, de manière de plus en plus claire, la grande distribution dans la crise qui secoue le monde des fruits et légumes, cet amendement me paraît constituer une démarche novatrice. Quoi qu'il en soit, nous, à l'UDF, nous allons proposer ce genre de solutions pour sortir de la crise qui étrangle nos territoires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. Les taux de la TACA ont été triplés dans la loi de finances initiale pour 2004, afin de compenser la suppression de la taxe sur les achats de viande. Une nouvelle augmentation, en l'occurrence un doublement, se traduirait par une pression fiscale beaucoup trop importante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Premièrement, sans vouloir exonérer le législateur de ses responsabilités et m'exonérer des miennes en tant que ministre chargé de ces questions, si les choses étaient simples pour les fruits et légumes, cela se saurait, monsieur Dionis du Séjour. Du plus loin que je me souvienne, depuis que je m'intéresse à ces questions agricoles, ce secteur a périodiquement connu des crises, notamment l'été. Donc ces problèmes doivent être abordés avec beaucoup de conviction, de résolution et d'humilité.

Deuxièmement, il est faux de laisser croire que le contribuable pourra toujours se substituer au consommateur. Je ne suis peut-être pas très démagogue, mais je dis les choses telles que je les pense. Tant que le consommateur ne sera pas dans le coup et que les relations entre la distribution et la production ne seront pas rééquilibrées, il sera vain de demander au contribuable de mettre la main au porte-monnaie !

M. François Sauvadet. Il n'a pas tort !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Ayons le courage de le dire.

Troisièmement, la présentation que vous avez faite, monsieur Dionis du Séjour, des mesures que j'ai annoncées à Nantes est partielle. Outre un million d'euros pour une première prise en charge des cotisations MSA pour les entreprises qui en ont besoin, j'ai également annoncé 10 millions d'euros d'aides directes de trésorerie, 50 millions d'euros de prêts consolidés pour une année blanche et un report des échéances et, enfin, 10 millions d'euros pour des mesures structurelles telles que la commercialisation, la promotion et les exploitations serristes. Donc, même si elles sont encore insuffisantes, les mesures que nous avons décidées ne s'élèvent pas à un million d'euros, mais à un plus dix plus cinquante plus dix.

Dernière observation : nous nous attaquons à deux grands chantiers structurels. Le premier concerne celui des distorsions du coût de la main-d'œuvre. Vous étiez intervenu en ce sens lors de votre intervention dans la discussion générale, à l'orée de cette deuxième lecture. Nous avons lancé, avec le ministère des finances et le ministère du travail, un audit sur les distorsions de concurrence et le coût du travail à l'échelle intra-européenne. Avec Gérard Larcher, nous sommes mobilisés pour apporter des solutions rapides.

Dernière remarque en la matière : la relation entre la production et la distribution, avec le comportement prédateur de la grande distribution, est un sujet endémique de l'agriculture française depuis au moins trois décennies. Mon collègue, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui a la charge de ces questions au titre de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a mis en place une commission - la commission Canivet - qui remettra son rapport la semaine prochaine. Le Gouvernement, je le confirme, décidera alors des suites législatives qui lui seront données et qui pourront l'être dans le cadre de l'examen de ce texte en deuxième lecture par le Sénat. Nous sommes le 13 octobre, la commission Canivet remettra son rapport la semaine prochaine. Il n'y a donc ni ostracisme ni défiance à l'égard de l'Assemblée nationale. Je propose par conséquent - et j'imagine que Nicolas Sarkozy sera d'accord - de tenir une réunion avec les ministres et les parlementaires concernés des deux assemblées dès que la commission Canivet aura remis son rapport.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je connais, monsieur Dionis du Séjour, votre engagement en faveur de cette filière qui vous tient à cœur. Croyez bien que je mets, à la place qui est la mienne, la même énergie à la défendre.

Quant à votre amendement, je confirme l'avis défavorable du Gouvernement, suite aux arbitrages interministériels qui sont intervenus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Je suis contre cet amendement. En vingt ans, les prix des fruits et légumes sont passés de 100 à 41 au niveau de la production et de 100 à 112 au niveau de la consommation. Voyez l'écart. Vous avez mille fois raisons de poser le problème, monsieur Dionis du Séjour. M. le ministre de l'agriculture et moi étions ensemble à Nantes la semaine dernière pour tenter de trouver les meilleures solutions au problème, ô combien difficile, des rapports avec la grande distribution. Mais l'augmentation de la TACA ne résoudra rien, au contraire. Donc, je vous demande de retirer votre amendement, sinon nous voterons contre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.

M. Jean-Marie Binetruy. Je partage les propos de M. le ministre, du rapporteur et de Jean-Paul Charié. J'aimerais apporter, quant à moi, une petite précision sur la TACA. Effectivement, la TACA est payée par les grandes surfaces, mais n'oublions pas qu'elle l'est aussi par les commerces de centre ville d'une superficie de 400 mètres carrés, ce dont ils souffrent. Les commerçants de centre ville, qui m'ont sollicité, contestent le doublement de la TACA. Réfléchissons aux conséquences que cela peut entraîner avant de l'augmenter.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous ferons un ensemble de propositions, notamment sur le coût de la main-d'œuvre.

J'admets, monsieur le ministre, qu'il y a eu sur ce sujet des fruits et légumes un éclairage supplémentaire. Je rappelle toutefois l'audit de la filière fruits et légumes de MM. Berger, Portet et Faudrin, mené avec le soutien du cabinet Ernst et Young en décembre 2003 et le rapport Mordant en mars 2004. Des collègues, tels que MM. Ferrand et Charié, ont travaillé sur ce sujet. L'Assemblée nationale a aujourd'hui le droit de s'exprimer et de prendre position sur un certain nombre de propositions. La nôtre est certainement la plus novatrice. Partant du constat que le ministre de l'agriculture ne dispose pas aujourd'hui des marges de manœuvre budgétaires pour répondre aux crises qui secouent dramatiquement nos territoires, nous proposons, pour alléger les coûts de production, un impôt sur la consommation. J'attends d'autres idées mais, pour le moment, je n'en connais aucune autre. Nous ferons, notamment à l'article 4, d'autres propositions comme le coefficient multiplicateur.

M. Jean-Michel Ferrand. C'est la seule solution !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela doit faire des dizaines d'années que M. Ferrand en parle !

L'Assemblée conduit cette réflexion depuis des dizaines d'années ; permettez-lui de s'exprimer sans attendre le sacro-saint rapport Canivet ! Je suis convaincu que l'on sera contraint un jour d'alléger les impôts sur la production et d'augmenter ceux sur la consommation. Je veux toutefois bien admettre que nous n'avons pas pris le temps d'une réflexion collective et d'un dialogue entre collègues spécialisés dans la filière fruits et légumes. Nous évoquerons ce problème lors du vote du budget et lors de l'examen du PLFSS. En signe de bonne volonté, je veux bien retirer mon amendement. Il n'en ira pas de même concernant le coefficient multiplicateur, car l'Assemblée nationale a mené une véritable réflexion et a le droit de peser sur le débat.

M. François Sauvadet et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 511 est retiré.

Article 3 quater

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 68.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement est retiré.

M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3 quater.

L'article 3 quater est adopté.

Avant l'article 4 A

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 552.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Je défendrai l'amendement n° 553 en même temps, si vous me le permettez.

M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 553.

Veuillez poursuivre, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Ces deux amendements concernent une excellente boisson : le lait. Je conseille d'ailleurs à tout le monde d'en boire !

Les agriculteurs de montagne sont légitimement préoccupés par la fin des quotas laitiers et les difficultés croissantes auxquelles se heurte la collecte. Sans collecte, il n'y a plus d'exploitation.

L'amendement n ° 552 affirme qu'il est nécessaire que l'État et les collectivités locales se mobilisent pour promouvoir les produits laitiers. Il est en effet indispensable de mieux faire connaître à nos populations les produits transformés et l'usage du lait. Toutefois, cet amendement étant de portée déclarative, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 552 est retiré.

M. François Brottes. L'amendement n° 553 est plus normatif. Il vise à garantir le maintien de la collecte en zone de montagne. L'État pourrait soutenir et accompagner les collectivités locales et les chambres d'agriculture dans cet effort.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n ° 553 ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Avis défavorable, l'amendement étant essentiellement de portée déclarative et non normative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je vous rejoins tout à fait sur l'objectif de l'amendement, monsieur Brottes, compte tenu des spécificités de la collecte laitière dans certaines zones de nos territoires. Toutefois, cet amendement est déclaratif et non normatif. Il existe déjà un certain nombre de possibilités, qu'il conviendrait d'ailleurs d'améliorer dans le cadre de la future réforme tendant à simplifier le PDRN dont nous avons hérité.

Pour ces raisons de forme, le Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 553.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4 A

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jacques Bascou.

M. Jacques Bascou. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, j'interviens au nom des députés socialistes du Languedoc-Roussillon et de Philippe Martin, député du Gers, dans un débat qui a été exagérément médiatisé.

L'assouplissement de la publicité pour le vin ne résoudra pas les maux dont souffre la viticulture française aujourd'hui. Les causes de la crise, multiples, tiennent essentiellement à une concurrence accrue des vins du Nouveau Monde sur les marchés extérieurs et à la diminution tendancielle de la consommation française.

Le monde viticole a, sur fond de morosité économique et d'inquiétude face à l'avenir, l'impression qu'il est incompris, voire abandonné. Plusieurs décisions gouvernementales ont contribué depuis deux ans à ce sentiment : réduction drastique des crédits à la filière, ceux de l'ONIVINS, ceux de l'ITV ; mise en place de la taxe ADAR pesant sur le chiffre d'affaires des exploitations ; manque de soutien à la promotion et à l'exportation, notamment de la Sopexa, ainsi qu'aux structures commerciales des entreprises. S'y ajoutent l'attaque contre les campagnes de promotion du Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux et du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne et les campagnes relatives à la sécurité routière, qui ont visé uniquement le vin. Les viticulteurs ressentent une impression d'hostilité de la part des pouvoirs publics et de l'opinion publique.

Aujourd'hui la crise est là. En Languedoc-Roussillon, la situation de nombreuses familles d'exploitants est préoccupante. Le Gouvernement doit prendre des mesures de soutien du marché, d'aide aux producteurs et aux structures commerciales. Donc, contrairement à d'autres, je ne ferai pas de la loi Évin un bouc émissaire. En revanche, je relativiserai son efficacité non pas dans la lutte contre le tabagisme, mais dans celle contre l'alcoolisme. S'il y a eu diminution de la consommation du vin, c'est plus du fait du changement des habitudes alimentaires que des lois, qu'elles portent le nom de Barzach ou d'Évin. Les consommateurs réguliers de vin ont fait place aux consommateurs occasionnels, avec, comme conséquence, une baisse de 50 % de la consommation.

Nous partageons le souci de lutter efficacement contre l'alcoolisme. Mais une politique de prévention doit être moins globalisante, plus nuancée, et doit prendre en compte les spécificités des boissons et les différents comportements sociaux qui s'y rattachent. Une récente étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies montre que si la consommation de cannabis stagne, celle des alcools, dont la bière, progresse chez les jeunes, mais le vin n'est pas concerné.

Nous souhaitons que la communication sur le vin puisse être informative et éducative et qu'elle comporte un message fort de modération. Ce n'est pas une incitation à plus consommer, mais à gagner des consommateurs mieux informés sur les qualités du produit et les dangers de l'excès, des consommateurs responsables. Cet amendement ne met pas en cause la loi Évin, comme j'ai pu l'entendre, il s'inscrit dans le respect des impératifs de santé publique. En revanche, qu'il soit voté ou pas, les fabricants de boissons anisées, de whisky, de gin, de premix ou de bière pourront continuer de faire de la publicité sur d'immenses affiches sur les murs de nos villes, ce que permet malheureusement la loi Évin. Et ils peuvent le faire avec des budgets sans commune mesure avec ceux des viticulteurs français.

L'amendement voté par la commission des affaires économiques devrait permettre de communiquer différemment. En l'état actuel des choses, le code de la santé publique cantonne les modalités de publicité sur les alcools au caractère du produit et aux mentions propres à son identité.

Parallèlement, la législation viticole française est fondée sur les concepts de qualité et de traçabilité, qui reposent sur le lien existant entre un terroir et un vin, lien concrétisé, en droit, par la reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée ou, pour les vins de pays, de l'indication d'origine. Les viticulteurs doivent respecter des règles à tous les stades de la production et de la commercialisation, suivre des pratiques œnologiques précises, pratiquer une politique de qualité exigeante, et tout cela est fixé dans le droit français.

De même, dans le droit communautaire, le vin est considéré comme faisant partie des boissons agricoles énumérées aux chapitres 22-04 à 22-07 de l'annexe I du Traité instituant la Communauté européenne. Grâce à cette définition, l'Espagne a pu considérer le vin comme un aliment naturel, distinct des autres boissons alcoolisées.

M. Jean-Paul Garraud. Très bien !

M. Jacques Bascou. L'État peut donc financer des campagnes d'information, de diffusion et de promotion du vin.

C'est cette spécificité que nous voulons mettre en avant. Aujourd'hui, au stade de la commercialisation, la filière viti-vinicole française se voit privée de moyens efficaces pour communiquer sur les aspects culturels, sociaux alimentaires et environnementaux.

M. Jean Lassalle. Exactement !

M. Jacques Bascou. Afin de faire valoir ces dimensions, il y a lieu de compléter l'article L. 3323-4 du code de la santé publique.

Cet amendement vise à préciser les modalités de promotion de nos productions de qualité, telles qu'elles sont définies par la loi.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bascou.

M. Jacques Bascou. Il parvient à la cohérence car actuellement la loi, d'un côté, considère la défense des AOC et des vins de pays définis par une indication géographique comme un objectif d'intérêt général bénéficiant d'une protection d'ordre public et, de l'autre côté, elle limite à l'excès la communication informative sur ces vins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans ces circonstances et dans la configuration que l'Assemblée affiche aujourd'hui, il n'est pas certain, je le sens bien, que je parvienne, par mon argumentation, à convaincre tous nos collègues. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli. C'est sûr !

M. Yves Simon. Il ne parvient même pas à convaincre ceux de son groupe !

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais dire quelques mots sur les conditions de ce débat. Nous abordons là un problème de santé publique important qui a un grand retentissement, au-delà des circonscriptions représentées ici ce soir.

Vous profitez de l'examen d'un texte de raccroc, un peu fourre-tout, pour faire aboutir un travail né en dehors du Parlement et qui a mobilisé, ces derniers mois, beaucoup de monde et beaucoup d'intérêts. Car ce texte n'a rien à voir avec la santé publique, alors que la loi que vous allez modifier est une loi de santé publique. Et pourtant, vous n'avez pas voulu que la commission des affaires sociales en soit saisie et que les parlementaires habitués à traiter de ces questions puissent en débattre avec vous, c'est très clair.

L'organisation de nos travaux tend à prouver que cela se fait en coordination avec le Gouvernement. Tout à l'heure, M. le ministre de la santé s'exprimera sans doute pour dire qu'il n'approuve pas ces mesures, avec des arguments qui, j'imagine, seront similaires aux miens. Mais, au regard de la Constitution de la ve République, de la façon dont fonctionne un parti majoritaire et des règles propres à l'organisation des débats, je ne puis m'empêcher de penser que nous en sommes là aujourd'hui parce que l'on a donné au groupe majoritaire l'autorisation de défendre ces mesures, même si l'on a donné au ministre l'autorisation de s'exprimer contre elles. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Sauvadet. Oh là là !

M. Jean-Marie Le Guen. Je salue votre capacité à être dynamiques, mes chers collègues, et j'imagine que vous en ferez usage d'ici peu vis-à-vis du Gouvernement : M. Raffarin vous donne là une liberté qui pourrait bien lui coûter cher dans les mois qui viennent, lorsque votre parti aura changé de président ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Ferrand. Rassurez-vous ! Ce n'est pas comme au PS !

M. Christian Estrosi. Où est donc M. Fabius ?

M. Paul-Henri Cugnenc. Laissez-nous nous occuper de nos affaires, monsieur Le Guen !

M. le président. Ne répondez pas à chaque mot de M. Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. La loi que nous défendons, mes chers collègues, est importante et équilibrée. Contrairement à ce que nous entendons, la publicité pour les vins n'est pas du tout interdite : on le voit, par exemple, dans les hebdomadaires, et même sur les panneaux d'affichage commercial. J'ignore si vous adopterez le texte retenu au Sénat ou l'amendement voté par la commission mais ils ne présentent pas de différence de nature substantielle et, dans les deux cas de figure, nous pensons que vous ouvrez la porte à une nouvelle forme de communication en faveur de l'alcool, prête à faire irruption.

Je sais, tout comme Claude Évin, que la filière viticole traverse des difficultés et je suis, nous sommes, très respectueux à la fois des intérêts des professionnels et de leur travail.

M. Jean-Pierre Soisson. Démago !

M. Jean-Marie Le Guen. Beaucoup d'entre eux, du reste, considèrent qu'il ne faut pas assimiler n'importe quoi à la viticulture et qu'une publicité délétère et banalisée, en quelque sorte, comme celle que vous allez permettre, ne reflète pas le travail, l'histoire et la culture viticoles. Nous avions effectivement pensé, à l'époque, que la loi Évin était somme toute beaucoup plus protectrice de la viticulture que des mesures comme celles que vous allez mettre en œuvre - mais nous en ferons l'évaluation dans quelques mois -, eu égard aux intérêts des grandes entreprises de l'alcool et à leur force commerciale, beaucoup mieux structurée.

Le signal que nous allons émettre dépassera indiscutablement le cadre de la viticulture. Les Français l'interpréteront comme un message global à propos de la santé publique. Ils ne s'y trompent d'ailleurs pas : les animateurs d'une émission diffusée sur une grande station de radio très commerciale, qui n'a pas forcément de rapport avec ces milieux, se demandaient récemment pourquoi on leur demande de faire des efforts pour la prévention routière - car ce gouvernement a contribué à la sécurité routière -, alors que, dans le même temps, la publicité pour l'alcool est à nouveau libérée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous informe que votre temps de parole est écoulé, monsieur le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'en viens par conséquent à ma conclusion. Le message que vous allez envoyer est très large : il concerne la santé publique mais aussi la politique. Je comprends que chacun doive défendre les intérêts présents dans sa circonscription. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas illégitime, que cela se fasse sur vos bancs ou sur d'autres.

M. Jean-Pierre Grand. Vous voulez dépénaliser la consommation des drogues mais vous vous opposez à ce que les Français boivent du vin !

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur le Guen, et vite.

M. Jean-Marie Le Guen. Eu égard à votre mobilisation sur ce thème et à la manière dont vous agissez, l'intérêt général sera mis à mal, et je ne crois pas que cela rapproche nos concitoyens de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot.

M. Alain Suguenot. Ce qui est excessif est toujours insignifiant.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Alain Suguenot. La loi Évin ne doit pas être sanctifiée ; en ce qui nous concerne, nous ne touchons pas de droits d'auteur sur elle. Et, bien évidemment, comme tout texte, elle a pu être imparfaite : je ne crois pas, en effet, que son résultat en matière de lutte contre l'alcoolisme atteigne 100 %.

Il ne s'agit pas de faire passer, au niveau national ou international, un message opposé à la santé publique, mais de faire passer le message suivant : le vin peut constituer un référent culturel et patrimonial pour notre pays ; c'est un pôle d'excellence, il l'a d'ailleurs toujours été mais l'est un petit peu moins depuis l'entrée en vigueur de la loi Évin (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste), qui présente ce produit comme un poison.

M. François Sauvadet. Tout à fait !

M. Alain Suguenot. Ce n'est bien sûr pas le produit qui est détestable mais l'abus du produit. Et ce qui vaut pour le vin vaut aussi pour le sucre, les alcools, les premix. On peut tout autant s'inquiéter aujourd'hui de l'obésité ou du diabète, et des journées ou des semaines du goût sont pourtant organisées. Le vin demande simplement une reconnaissance. Chez nous, il n'existe toujours pas de texte sur le vin et une poignée d'intégristes, allais-je dire, le montrent du doigt et l'assimilent aux drogues, tandis que, dans d'autres pays d'Europe, il est reconnu et défendu.

Nous devons évidemment tous combattre l'alcoolisme ; c'est le rôle, à mon avis, des parlementaires. Mais ne parlez pas de lobby. Un député est le député de tout le monde.

M. Jean-Claude Perez. Absolument !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Très bien !

M. Alain Suguenot. Il défend ceux qui se battent contre l'alcoolisme et les associations de victimes d'accidents de la route, mais il est aussi l'avocat des représentants d'un territoire, d'une culture, qui demandent simplement à l'Assemblée nationale de leur donner un signal fort : oui, vous avez encore droit de cité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

On pourrait comparer notre situation à celle du Nouveau Monde, dont les vins gagnent actuellement des parts de marché dans le monde entier. Décrier le vin en jetant le bébé avec l'eau du bain, sans faire de mauvais jeu de mots, c'est vraiment jouer contre la France, contre ses intérêts économiques et surtout contre la morale.

Que représente la loi Évin aujourd'hui ? J'estime, pour commencer, qu'elle est démodée. Ce n'est pas que son intention de départ fût mauvaise ; elle était certainement pleine de bonnes intentions, comme toute loi, mais il n'empêche qu'elle s'est souvent trompée de cible en associant les alcools forts, le lobby des alcooliers, à la défense des territoires que nous représentons, c'est-à-dire des territoires ruraux, des territoires viticoles. Et cet amalgame a favorisé l'alcoolisation des jeunes,...

M. Claude Évin et M. Jean-Marie Le Guen. Oh !

M. Alain Suguenot. ...par le biais des premix, (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), des alcools forts, de la bière consommée avec de la vodka, de produits inventés par les alcooliers pour détourner la loi, au détriment des petites professions viticoles.

Celles-ci, par essence, n'ont pas les moyens d'accéder aux médias et ne peuvent communiquer, si ce n'est par l'intermédiaire de leur interprofession, comme le prévoit clairement la loi.

M. Jean-Paul Garraud. Très bien !

M. Alain Suguenot. Les viticulteurs paient du reste des cotisations obligatoires à cet effet mais n'ont pas le droit de communiquer. Plusieurs jurisprudences, obtenues par certains, probablement les mêmes, ont en effet établi que les vins de Bourgogne ou de Bordeaux, notamment, ne peuvent pas présenter une viticultrice ou un viticulteur à côté d'une bouteille de vin ni employer des slogans de bon sens comme « pour boire moins, buvez mieux » ou « la modération a meilleur goût », pourtant employés au Québec, avec Éduc'alcool, ou dans d'autres pays.

Ce que nous défendons, à travers nos amendements, c'est tout simplement la pédagogie, l'intelligence, plutôt que l'interdit. Nous voulons dire à nos concitoyens que nous sommes élus pour lutter contre l'alcoolisme mais aussi pour promouvoir une communication modérée en donnant aux producteurs les moyens juridiques de mettre en avant la qualité.

M. Jean-Pierre Grand. Très bien !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Excellent !

M. Alain Suguenot. Nous voulons leur expliquer pourquoi il faut boire moins d'alcool quand on est jeune et pourquoi la consommation des vins des territoires de France, pendant les repas, appréciée d'un point de vue gastronomique, peut être défendue comme un choix de société. Voilà le combat que nous menons tous ensemble, parlementaires de tous les bancs, et ce n'est pas un combat contre la morale ou contre la santé publique. Évitons ce malentendu : ce n'est pas la santé publique contre le vin, c'est le vin au profit de la santé publique. Voilà le message qu'il faut faire passer, quelle que soit la rédaction que nous adopterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Les propos de M. Le Guen m'ont choqué. Je comprends qu'il avance ces arguments car l'Assemblée est un lieu de débats, d'échanges, et la question est d'importance puisqu'elle touche à la santé publique mais aussi à l'avenir de nos terroirs, cela vient d'être dit. Je trouve particulièrement choquant, Monsieur Le Guen, que vous présentiez ce débat comme l'instrument de lobbies ou comme une menace ou une attaque contre la santé publique. Je tenais à vous le dire parce que cela nuit à la qualité d'une discussion que nous devons mener dans la transparence, compte tenu de son importance.

M. Robert Lecou. C'est vrai !

M. François Sauvadet. Si cette disposition est examinée dans le cadre du texte relatif aux territoires ruraux, c'est précisément qu'il est question de leur avenir et pas seulement de celui des professionnels de la vigne et du vin. Il est aussi question de l'image que véhiculent toutes les régions de France,...

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François Sauvadet. ...au travers d'une production de qualité qui fait la réputation de notre pays dans le monde entier. C'est du bon sens et si certains, à l'extérieur, entendaient ce débat, ils seraient dubitatifs sur notre capacité à promouvoir ce qui fait la richesse de la France et son image dans le monde. Je vous le dis au passage, en tant que Bourguignon, mais j'aurais aussi bien pu le dire si j'avais été Bordelais ou si je venais de n'importe quelle autre région viticole.

M. Hervé Novelli. De Chinon !

M. Jean-Pierre Grand. Du Languedoc !

M. François Sauvadet. Je n'accepte pas l'idée selon laquelle permettre à des interprofessions de communiquer sur un produit de qualité et même d'excellence remettrait en cause ce qui nous a réunis en bien des circonstances, lorsque nous avons eu à débattre de santé publique ou de sécurité routière. Je le dis très clairement, il faut lever cette ambiguïté dans notre assemblée : nous sommes tous résolument engagés dans la lutte contre l'alcoolisme et contre l'insécurité routière. Permettre à l'interprofession de communiquer sur ce produit d'excellence n'est pas aller à l'encontre de cet objectif qui nous rassemble au-delà des clivages politiques. Nous avons suffisamment été confrontés au drame de familles victimes d'accidents de la route pour ne pas nous livrer, sur un sujet aussi essentiel que l'économie de nos régions et de la France tout entière, à des gesticulations à propos de ces questions de santé publique et de sécurité routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

L'article qui nous est proposé a été beaucoup discuté. Il encadre strictement la publicité et affiche clairement la volonté de communiquer dans le cadre d'une éducation au goût et de la préservation de la santé publique ; il ne s'agit que d'adapter la loi Évin. Ce n'est pas une révolution, comme certains le laissent entendre, mais simplement un texte de bon sens, qui a d'ailleurs été adopté par la commission. Je salue à cet égard le travail de l'ensemble des parlementaires, du Sénat comme de l'Assemblée, car il est remarquable.

La préservation de la santé publique passe aussi par l'éducation au goût. Et pour éviter que tant de nos jeunes s'éloignent de ce qui a précisément fait l'histoire de notre pays et sa richesse culturelle, et s'engagent dans la consommation excessive de produits fabriqués par des marques,...

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. François Sauvadet. ...les interprofessions pourraient y participer et je vous rappelle que nous sommes en pleine « semaine du goût ». Comment imaginer que, dans cette éducation, les vins qui ont fait la réputation de notre pays ne trouvent pas leur place ? Ce serait marcher sur la tête !

J'appelle à la simple raison. Il ne faudrait pas que notre débat soit un débat de dupes. Ceux qui tentent d'en faire un procès en sorcellerie se trompent de cible et ne servent pas les intérêts du pays, que la représentation nationale doit chercher en permanence à défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je suis d'accord avec M. Suguenot : il n'est pas question de sanctifier un texte de loi quel qu'il soit. Celle du 16 janvier 1991 est la loi de la République. Elle avait été adoptée par une majorité qui estimait en effet, sous l'autorité de Michel Rocard, alors Premier ministre, qu'il fallait faire des choix. Les responsables politiques que nous sommes sont confrontés parfois à des intérêts contradictoires. Nous avions pensé, alors, que devait primer le souci de la santé publique.

On fait beaucoup référence à la loi de 1991 mais j'attire votre attention, mes chers collègues, et au-delà de cette assemblée, celle de nos concitoyens, sur le fait que la loi qui est appliquée aujourd'hui n'est pas celle que j'avais présentée au Parlement à l'époque, alors que j'étais ministre chargé de la santé. Si elle autorise la publicité, c'est à la suite d'un amendement présenté en juillet 1994 - certains de mes collègues ici présents peuvent en témoigner, comme M. Landrain.

À cette date, monsieur Douste-Blazy, c'est vous qui étiez ministre quand la loi de santé publique a été une première fois remise en cause. Sans doute nous direz-vous dans un instant votre désaccord sur l'amendement proposé. Je ne mets pas en question votre bonne foi. Mais j'estime que, lorsqu'on est attaché à un objectif, on s'y prend autrement que vous ne faites pour le défendre ; en particulier on fait savoir très vite son opposition à un tel texte.

Or, à propos d'un problème réel, celui de la viticulture de notre pays, on a assisté aux atermoiements du Gouvernement. Au moment des élections régionales, n'a-t-on pas entendu aussi M. Gaymard déclarer qu'il fallait revoir la loi Évin sur ces sujets ? Tout cela n'a pas contribué à ce que le Gouvernement adopte une position claire et ferme.

Loin de moi l'idée de douter de la sincérité des préoccupations de mes collègues en matière de santé publique. Je m'attacherai au texte même de l'amendement. Il aurait pour but de répondre aux problèmes dont souffre notre viticulture. Selon ses détracteurs, la loi de 1991 n'aurait pas dissocié les produits. Mais c'est extrêmement difficile à faire et, d'ailleurs, le présent texte ne le fait pas davantage.

Sur quel principe se fondait le dispositif législatif ? Si l'on est attaché à la santé publique, on ne peut pas considérer que l'alcool, en général, est un produit de consommation comme les autres. On ne peut donc pas communiquer sur lui comme sur d'autres produits. Avant 1991 étaient autorisées des publicités, sur les murs, au cinéma ou à la télévision, qui associaient l'alcool au sexe ou à la fête. C'était jouer sur l'imaginaire des jeunes, notamment, et faire passer le message qu'on ne saurait draguer ou faire la fête sans alcool !

Moi-même, j'ai autorisé la publicité, y compris sur les vins. Dans les couloirs de la station de métro Assemblée nationale, on en trouve pour les vins d'Alsace ! Lundi soir, sur une chaîne publique, un représentant de ces viticulteurs prétendait pourtant ne désirer qu'un aménagement technique permettant de présenter lesdits vins avec une cigogne ! Or c'est déjà le cas sur ces affiches !

Je le répète, aujourd'hui, cette publicité est possible. Ce qui ne l'est pas, c'est d'utiliser des items qui font appel à l'imaginaire. On peut, en revanche, faire de l'information - je vous renvoie au code de la santé - sur le produit lui-même.

Désormais, seront autorisées des publicités faisant référence - c'est l'article L. 115-1 du code de la consommation auquel renvoie le texte - à des « facteurs naturels et humains ». Connaissant l'imagination des publicitaires, on ne doute pas qu'ils s'engouffrent dans la brèche ! Et ils ne se contenteront pas de présenter des vignerons dans leur publicité : on peut craindre l'utilisation qui en sera faite !

Je le disais, le texte ne dissocie pas les produits et sa rédaction renforce même la possibilité de vanter les spiritueux et alcools forts, je pense particulièrement aux whiskies. En effet, l'article vise aussi « les indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés ». On pourrait même discuter de la notion de terroir de production car, dans le cadre de la réglementation européenne, tout alcool produit dans l'Union - et même la vodka - pourra faire l'objet de pareille publicité.

Je ne prétends pas que la loi de 1991 soit parfaite. Certains alcools, spiritueux et bières ont développé leur publicité, c'est vrai, ce qui a parfois abouti à des condamnations. On parle beaucoup de celle des vins de Bourgogne par le tribunal de grande instance, en janvier, mais ce n'est rien par rapport à la jurisprudence relative aux alcools industriels et aux spiritueux.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Évin.

M. Claude Évin. Malheureusement, on le voit, il ne manque pas d'interstices où peuvent se faufiler des publicitaires imaginatifs. Et les visuels dont ils se serviront ne sont certainement pas ceux que vous souhaitez. On sait que les producteurs de spiritueux disposent de moyens autrement plus importants que les viticulteurs : pourquoi leur ouvrir encore des fenêtres ?

Surtout, vous allez permettre aux professionnels de la publicité d'accroître leurs parts de marché. N'est-ce pas là, d'ailleurs, in fine, le nœud du problème ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Dans cette affaire, l'honnêteté intellectuelle et politique s'impose. M. Évin le rappelait : en 1994, nous sommes un certain nombre à nous être battus pour une modification de la loi de 1991 qui, pratiquement, limitait la publicité pour le vin aux terroirs de production. Dans un pays à forte tradition viticole comme la France, qui lutte pour exporter ses produits, il paraissait anormal que seul ce type de promotion soit autorisé.

J'observe que, malgré un changement de majorité en 1997, personne n'a cru bon de revenir sur cette modification. Nous-mêmes, redevenus majoritaires en 2002, nous n'avons pas non plus engagé une procédure visant à assouplir les dispositions de 1994.

La difficulté est née d'un certain nombre de décisions juridictionnelles qui faisaient une interprétation restrictive des possibilités de publicité.

L'article qui nous est proposé n'a pour finalité que de rétablir la situation que nous avions instaurée en 1994 - en y ajoutant que les références utilisées « doivent être compatibles avec l'objectif de modération dans la consommation », ce qui va bien au-delà des exigences de 1994 en la matière.

Ce qui importe, c'est ce qu'a voulu le législateur de 1994, qui n'a jamais été remis en question depuis lors. Ce soir, nous voulons rester dans ce cadre, en y introduisant notre souci de santé publique.

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Nous devons aborder ce sujet sans passion et en faisant preuve de pédagogie.

Que seraient nos départements et nos paysages si la viticulture disparaissait ? Des terres incultes ?

La viticulture représente un pan important de notre économie. C'est pourquoi il faut rappeler quelques chiffres.

Premier poste à l'exportation dans le domaine agro-alimentaire, nos exportations de vins représentent l'équivalent de 103 Airbus ou 500 rames de TGV. Au premier semestre 2004, - je cite les statistiques de l'Onivins - les exportations de vins français ont diminué de 4 % en volume. Le marché britannique des vins français subit une baisse de 9,5 %. Les trois pays importateurs - Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni - ont vu progresser le volume de leurs importations, mais la part des vins français n'augmente qu'à destination des Pays-Bas.

À l'intérieur de l'Union, l'Espagne a accru ses exportations de 24 % et le Portugal de 17 %. Alors même que la France exporte moins, elle voit ses importations croître de 17 %, par effet de ciseaux.

Quant à la récolte de 2004, on la prédit en hausse partout dans le monde. Et l'on voit bien les effets sur l'économie des variations des exportations et des importations.

S'agissant de la consommation, Jacques Bascou l'a rappelé, elle est en diminution constante : 33 % dans les vingt dernières années. Et alors que l'alcoolisme progressait dans notre pays au cours des trois dernières décennies, la consommation de vin diminuait de moitié, celle des alcools forts augmentant de 13 %.

On a constaté en outre que dans les régions où l'on consomme le plus de vin, le taux de prévalence des maladies alcooliques est inférieur à la moyenne nationale.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est scandaleux de dire ça !

M. Kléber Mesquida. Quelle a été l'efficacité des lois de 1987 et de 1991 ? Je ne citerai pas les ministres de l'époque : il serait en effet indélicat d'associer le nom d'un ministre à une loi, puisque c'est la représentation nationale qui l'adopte. Mais, en ce qui concerne les socialistes, on en a constaté les effets en 1993.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Certains collègues focalisent sur la question sanitaire, mais tous les parlementaires sont responsables en la matière et conscients de la nécessité de prôner la modération. Car personne ne souhaite encourager une consommation à outrance et constater une augmentation de l'alcoolisme.

Les viticulteurs expriment le besoin de communiquer, d'éduquer et d'orienter le choix du consommateur dans le cadre de notre gastronomie. Il s'agit d'une demande informative visant à expliquer les différentes caractéristiques du produit, du terroir, du cépage, du climat et des méthodes d'élaboration. C'est une initiation à la découverte et non une incitation à l'excès. Arrêtons cette diabolisation.

S'agissant de la campagne d'affichage de cet été - M. Evin lui-même l'a évoquée -, je prends l'exemple de la ville de Béziers, qui est au cœur des vignobles : deux marques de bière, une de pastis, une de whisky et une de jet se sont partagé l'affiche dans le pays de la viticulture, alors que les viticulteurs n'ont pas le droit de combattre à armes égales. Et je n'ai pas entendu à l'époque ceux qui, aujourd'hui, poussent des cris d'orfraie.

M. le président. Je vous demande de conclure.

M. Kléber Mesquida. Je serai bref.

S'agissant de la sécurité routière, pourquoi ternir l'image du vin ? Rappelez-vous la campagne : « Un verre, ça va, trois verres, bonjour les dégâts ! ». Souvenez-vous de l'image montrant une bouteille de vin ! On ne doit pas pénaliser le vin en le mettant à l'index.

S'agissant des jeunes, que dire de l'alcoolisme du samedi soir ? À la sortie des boîtes de nuit, est-ce le vin qui est cause d'ivresse et d'accidents ? Pourquoi ne pas réfléchir sur les effets des alcopops et des premix ? L'alcoolique mondain n'est pas le principal consommateur de vin ! Il y a là une dérive qu'on ne peut accepter en termes d'éducation.

M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, monsieur Mesquida !

M. Kléber Mesquida. Au niveau européen, pourquoi notre pays n'adopte-t-il pas les préconisations de la Commission européenne dans sa directive de 1989, à savoir la mise en place d'un code de bonne conduite, accepté par la profession et souvent plus restrictif que la législation ? Je ne voudrais pas que la France reste inerte quand l'Espagne a classé les vins en produits agricoles. À l'intention des « Euro-oui-oui » qui devraient se réunir, je préconise une harmonisation de la réglementation et de la fiscalité, afin d'éviter des distorsions qui pénalisent le vin.

Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir laissé m'exprimer. Pour conclure, regardez le sondage de l'IFOP : 76 % des Français ont approuvé l'autorisation de communication, contre 23 % qui craignent une incidence sur la consommation d'alcool.

M. le président. Monsieur Mesquida, vous avez été long sur le vin et rapide sur la sécurité routière. Mais chacun aura compris votre message.

M. Chassaigne a pris l'engagement d'être bref.

M. le ministre répondra ensuite.

M. André Chassaigne. Je souhaite expliciter en quelques mots les raisons qui me poussent à voter l'amendement sur les caractéristiques qualitatives.

Ce type d'amendement ne vise pas à résoudre la crise de la vigne et du vin. Certes, la baisse de la consommation est une réalité, mais il ne faut pas pour autant affirmer que nous avons trop de vignes et, par conséquent, trop de vin. Il suffit d'examiner les chiffres de la production qui est passée, par exemple, dans le Bordelais, de 6,8 millions d'hectolitres en 2000 à 5,5 millions en 2003. En réalité, le négoce exerce une pression très forte pour faire chuter la production et les prix, alors que les viticulteurs, en pleine crise, demandent des prix de vente qui leur permettent de vivre de leur activité. Il faut le dire haut et fort.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. André Chassaigne. En outre, n'oublions pas l'introduction des vins du nouveau monde sur le marché français, organisée par le négoce. La part de ces vins sur le marché mondial est passée en vingt ans de 1 % à 23,4 % grâce au négoce, qui a pour seul souci une rentabilité extrême. Ainsi, non seulement les prix payés aux producteurs sont insuffisants, mais les vins du nouveau monde sont importés massivement.

J'estime qu'il importe de lutter contre la mise en place de cette standardisation. Face à l'instauration d'une politique de cépages qui se ferait au détriment des AOC, j'estime qu'il est de mon devoir de rappeler ce que représentent les AOC dans notre pays. Car le savoir-faire de nos viticulteurs est une spécificité française. Rappeler les caractéristiques qualitatives permettra de réaffirmer qu'il existe, dans notre pays, des appellations d'origine contrôlée, avec des vins issus de notre culture. Enfin, je soutiens cet amendement pour marquer mon opposition aux vins de cépages, aux vins du nouveau monde et à ceux dont on voudrait aujourd'hui favoriser le développement en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je tiens à saluer la sincérité avec laquelle les intervenants ont exprimé leurs convictions.

La loi Evin est très claire : si elle interdit toute publicité sur le tabac, elle permet une publicité encadrée sur l'alcool, en limitant les supports - mesure que j'approuve personnellement - et les éléments autorisés pour faire cette publicité.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cependant, il faut reconnaître, monsieur Evin, qu'il existe aujourd'hui une différence entre le droit et les faits. En effet, si aucune discrimination n'est faite aujourd'hui en droit entre les alcools, il est plus facile, dans les faits, de faire la publicité d'une marque d'alcool fort comme le whisky ou d'une bière que d'un vin, puisqu'il y a un éclatement des producteurs et des petits producteurs. D'où l'accord du Gouvernement à la première partie de l'amendement César déposé au projet de loi de M. Gaymard en mai - et que vous examinez en ce moment même en deuxième lecture - pour faire entrer dans la publicité la représentation géographique et les AOC. Je suis favorable à cette mesure qui, selon moi, ne remet pas en cause la loi Evin.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quant à la deuxième partie de cet amendement que vous examinerez tout à l'heure, elle vise à autoriser la publicité sur les caractéristiques qualitatives d'un vin. Je ne peux pas vous suivre sur ce point pour une raison simple : on ne peut pas donner l'impression de faire de la publicité pour les qualités d'un vin.

M. Édouard Landrain. Pourquoi pas ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et je le dis en tant que ministre de la santé publique.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C'est une bonne raison !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En 2003, les investissements publicitaires pour les boissons alcooliques dans les médias s'élevaient à 72 millions pour les bières, 39 millions pour les whiskies, et moins pour les vins. Si l'on autorise la publicité sur les caractéristiques qualitatives, ces chiffres vont exploser pour les whiskies et les bières, dont les producteurs bénéficient de moyens énormes, contrairement aux viticulteurs.

Enfin, comme M. Suguenot, qui a placé ce débat à un niveau élevé, j'estime qu'il faut combattre l'alcoolisme et je sais que, sur tous ces bancs, vous partagez ma conviction. Or, dans notre pays, l'alcoolisme touche aujourd'hui 5 millions de personnes, dont 2 millions de dépendants...

M. Jean-Paul Charié. Mais l'espérance de vie a augmenté.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Certes, mais cela n'a rien à voir.

On enregistre également 45 000 décès dus à l'alcoolisme. Il y a aussi le problème des premix, que j'ai déjà évoqué, mais qui n'a rien à voir avec celui du vin. En outre, nous avons déjà mené un combat contre les premix. Cela étant, si je suis favorable à une mesure concernant la représentation géographique et les AOC, s'agissant de santé publique, je ne peux transiger sur le sujet des caractéristiques qualitatives.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Au nom du groupe socialiste, je demande une suspension de séance.

M. le président. Elle est de droit. Nous reprendrons nos travaux dans cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Sur l'amendement n° 554, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 554.

M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement que nous présentons est le seul dont l'objet est de supprimer l'article introduit par le Sénat. À cet égard, je me demande quelle est l'intention du Gouvernement. Nous avons entendu le ministre reprendre nos arguments, mais je ne sais pas encore quelle conclusion il en tire.

Je ne reviendrai pas sur les conséquences de cet assouplissement des règles sur la santé publique : dans ce domaine, la démonstration est faite depuis des mois. Mais s'agissant de son intérêt économique pour les différentes parties de la filière, nous prenons date, car elle sera profondément défavorable, en particulier à l'égard des régions viticoles les moins bien organisées et les plus faibles financièrement. Ceux qui prennent aujourd'hui la responsabilité d'autoriser plus largement les campagnes publicitaires en faveur de l'alcool prennent donc aussi un risque lourd du point de vue économique, et ils devront en répondre devant leurs mandants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable dans la mesure où son propre amendement lui paraît plus modéré et plus à même d'assurer l'équilibre du dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sagesse.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 554.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 111

                    Nombre de suffrages exprimés 107

                    Majorité absolue 54

        Pour l'adoption 9

        Contre 98

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 69, 218, 272, 273 et 752, faisant l'objet d'une demande de scrutin public du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 69.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il vise à concilier l'objectif d'une meilleure promotion des boissons alcoolisées - et notamment des vins - bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique avec celui d'une protection efficace de la santé publique contre l'alcoolisme.

Pour y parvenir, l'amendement supprime en particulier la référence aux caractéristiques « sensorielles et organoleptiques » des produits concernés, ainsi que la possibilité d'effectuer des représentations de ces caractéristiques. En permettant aux publicités de comporter de simples « références » aux qualités de ces produits, il limite donc les risques pour la santé publique qui pourraient résulter de campagnes de promotion trop agressives. Il précise aussi que les références autorisées ne doivent pas inciter explicitement à une consommation immodérée des boissons alcoolisées concernées, ce qui constitue un complément au message d'avertissement devant déjà figurer sur les publicités.

Ainsi amendé, le texte de l'article, qui a fait l'objet d'un profond travail au sein de la commission, constitue une avancée substantielle pour les professionnels de la viticulture. Il permettra notamment de mettre en avant les qualités spécifiques de vins dont la consommation modérée n'est pas préjudiciable à la santé.

Aujourd'hui, la publicité sur les vins et les boissons alcoolisées se limite à leur identification. On peut préciser leur degré d'alcool, leur région d'origine, le nom du producteur, mais c'est à peu près tout.

M. Claude Évin. Ce n'est pas vrai !

M. Yves Coussain, rapporteur. Alors que l'article 4 A introduit par le Sénat autorise la publicité à comporter des références et représentations relatives « aux caractéristiques sensorielles et organoleptiques », l'amendement qui vous est proposé ne permettrait que les références relatives « aux caractéristiques qualitatives du produit ».

Cette rédaction nous paraît tout à fait équilibrée. Nous faisons, certes, évoluer la législation, mais il est normal que les équilibres changent quand le monde bouge. La publicité va pouvoir mettre en valeur les qualités objectives du produit - son goût, les conditions dans lesquelles le vin a été élevé, les qualités du terroir d'origine, le type de vigne ou de cépage... - mais rien de plus. Elle ne pourra vanter je ne sais quels éléments susceptibles d'accroître la virilité ou la force de séduction (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ni faire de suggestion à caractère sexuel.

Par ailleurs, ne sont concernés que les vins et quelques alcools régionaux tels que le cognac et l'armagnac, le whisky et le cognac pratiquant plutôt la publicité pour la marque.

Monsieur le ministre, je comprends tout à fait votre vigilance s'agissant de tout ce qui touche à la santé. Mais sachez-le, ni moi ni aucun de mes collègues ne sommes les otages d'un quelconque lobby. En ce qui me concerne, je suis élu du Cantal, département dans lequel la vigne doit couvrir un peu moins d'un hectare. (Sourires.) Il n'y existe donc aucun groupe de pression viticole. Mais si nous ne sommes pas les otages de cette filière, nous ne le sommes pas non plus d'un lobby des bien-pensants pour lequel tout ce qui relève du vin serait primaire, tandis qu'au contraire la lutte contre sa consommation serait inspirée par une pensée supérieure. Nous voulons tout simplement, avec cet amendement, favoriser l'équilibre, permettre aux vins français de mieux se vendre, et aux Français de boire mieux, et peut-être de boire moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Alain Ferry, pour présenter l'amendement n° 218.

M. Alain Ferry. Il est identique. Je le retire au profit de celui de la commission.

M. le président. L'amendement n° 218 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour présenter l'amendement n° 272.

M. Jean-Pierre Soisson. Je le retire également pour me rallier au texte de la commission. Cessons ces faux-semblants ! J'ai l'impression que, depuis deux heures, par des artifices de procédure, on empêche l'Assemblée d'exprimer son vote.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 272 est retiré.

La parole est à M. Paul Cugnenc, pour défendre l'amendement n° 273.

M. Paul-Henri Cugnenc. Je le retire également au profit de l'amendement n° 69.

M. le président. L'amendement n° 273 est également retiré.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour défendre l'amendement n° 752.

M. Jean-Paul Garraud. Même chose.

M. le président. L'amendement n° 752 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 69 ? Sagesse ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Le rapporteur n'a pas précisé toutes les conditions relatives à la publicité pour l'alcool. Je rappelle que celle-ci peut préciser le mode d'élaboration du produit, ses modalités de vente et ses modes de consommation. Enfin, la loi l'autorise à comporter des références relatives aux terroirs et aux distinctions obtenues. Le fait d'introduire après le terme « références » celui de « représentations » relatives aux terroirs est un exemple de la façon dont vous ouvrez la porte aux publicitaires, comme je l'ai déjà montré tout à l'heure.

Monsieur le ministre, ce que vous avez dit au sujet de la loi Évin peut se discuter, mais j'ai déjà cité le cas des vins d'Alsace, dont la campagne de promotion actuelle n'est pas du tout contestée, pour montrer qu'il est possible de faire de la publicité pour le vin, même si la loi aurait pu apporter une plus grande sécurisation.

Vous vous êtes par ailleurs déclaré opposé à l'ouverture de la publicité aux caractéristiques qualitatives de l'alcool. Je constate cependant que vous n'avez déposé aucun amendement sur ce sujet. Vous ne vous donnez donc pas les moyens d'aller jusqu'au bout de votre opposition. En outre, si vous êtes défavorable à l'amendement de la commission, vous devez l'affirmer clairement, plutôt que de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce n'est pas le cas !

M. Claude Évin. En tout état de cause, le rejet de l'amendement de la commission aurait pour conséquence l'adoption de la rédaction du Sénat, et donc l'autorisation de faire référence aux caractéristiques sensorielles et organoleptiques. Le problème ne serait donc pas résolu. Voilà pourquoi il me semble préférable de conserver la législation actuelle.

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Bien que nous regrettions que le texte du Sénat ne soit pas conservé, nous nous rallierons à l'amendement de la commission. J'aurais toutefois voulu savoir si M. Suguenot maintenait son amendement - lequel est moins en retrait par rapport à la rédaction initiale que celui de la commission - avant de déterminer mon vote.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je le répète : je suis défavorable à l'amendement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 69.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 114

                    Nombre de suffrages exprimés 114

                    Majorité absolue 58

        Pour l'adoption 102

        Contre 12

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

En conséquence, l'amendement n° 372 rectifié tombe.

Je mets aux voix l'article 4 A, modifié par l'amendement n° 69.

(L'article 4 A, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Je vous informe qu'à la demande du Gouvernement, nous examinerons d'abord l'article 75 sexies, relatif à la protection du littoral, avant d'en revenir à l'article 4.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1614, relatif au développement des territoires ruraux :

Rapport, n° 1828, de MM. Yves Coussain, Jean-Claude Lemoine et Francis Saint-Léger au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot